Notation Financiére 1
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Les agences de
notation financières
Naissance et évolution d’un oligopole
controversé
L
orsque les premières agences de pement des trois grandes agences de nota-
notation sont apparues vers 1920, tion qui contrôlent l’essentiel du marché.
leur activité se distinguait peu de Nous étudions les origines de la notation,
celle des analystes financiers. À partir des l’apparition et la prédominance des agences
années trente, en réaction à la crise de 1929, majeures, dont l’avenir était incertain à leur
leur marché s’est focalisé sur l’analyse de la création, mais qui ont réussi, après maintes
qualité du crédit des émetteurs. Aujour- stratégies de fusion à constituer une struc-
d’hui, la notation de crédit reflète l’opinion ture oligopolistique. Nous voyons si cette
d’une agence à partir d’une analyse finan- structure explique ou non les excès qu’on
cière et opérationnelle. Elle se fonde sur leur reproche dans la crise récente des mar-
l’analyse des éléments quantitatifs et quali- chés financiers.
tatifs relatifs à la position actuelle et prévi-
sible de l’entreprise (Ferri et Liu, 2005). I – LES ORIGINES DE LA NOTATION
L’activité principale des agences de nota- FINANCIÈRE ET DES AGENCES
tion consiste à donner des avis sur la qualité DE NOTATION
du crédit, sur la capacité d’honorer les obli- La notation financière s’est d’abord focali-
gations financières d’un émetteur ou d’un sée sur les émissions publiques de titres.
instrument financier (Cantor et Packer, Elle s’est ensuite étendue aux sociétés pri-
1994 ; Paget-Blanc et Painvin, 2007). Les vées, américaines puis étrangères. La glo-
agences de notation facilitent ainsi l’évalua- balisation des marchés a rendu cette nota-
tion de la solvabilité d’un émetteur ou d’un tion nécessaire sinon obligatoire. Une
emprunteur. Les notations attribuées com- analyse historique des Credit Rating Agen-
blent un manque éventuel d’informations et cies est donc utile pour mieux comprendre
dispensent les opérateurs du marché de les interrelations actuelles entre les
faire eux-mêmes des analyses coûteuses.
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1. L’oligopole est constitué des trois principales agences qu’on peut considérer comme les vendeurs d’information,
face à une multitude d’acheteurs d’information, voir Morgenstern (1948).
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lancer dans cette activité a été The Mercan- la concurrence, entre les sociétés d’édition,
tile Agency (Olegario, 1998, 2006 ; Sandage, est devenue acharnée, afin de concevoir la
2005), fondée à New York en 1841 à la suite meilleure procédure d’évaluation du risque
de la faillite d’une grande entreprise de textile des obligations et des actions. En 1916, la
et qui a décidé d’orienter son activité vers la société Poor’s Publishing Company a déve-
vente d’informations financières, en exploi- loppé une activité de notation des actions et
tant son fichier commercial et en évaluant la des obligations et ensuite, vers 1922, la
solvabilité de ses clients. En 1859, cette société Standard Statistic Company a mis
entreprise est reprise par Robert Graham Dun en place un département spécialisé dans
et prenait le nom de R.G. Dun & Co. La l’activité de notation. En parallèle, en 1924,
réussite de cette première tentative a encou- la société Fitch Publishing Company, spé-
ragé plusieurs autres concurrents cialisée dans l’édition d’informations
à investir dans ce domaine. En 1849 financières, communiquait au marché, ses
J.M. Bradstreet2 a créé The Bradstreet premières notations.
Improved Commercial Agency et, en 1857, Le développement de l’activité de notation
publié le premier guide de notation, The est stimulé par :
Bradstreet Rating book, (Bradstreet, 1857), – la nature de la mission même de cette
premier fournisseur d’informations prag- activité, qui cherche à apporter un service
matiques permettant de prendre des déci- aux investisseurs, en leur fournissant des
sions de gestion plus efficaces. informations directement utilisables et en
En 1909 est paru le premier essai d’analyse, les aidant à les utiliser dans leur prise de
grâce aux travaux pionniers de John décisions ;
Moody : Analysis of Railroads Investments – la taille du marché américain, géographi-
(Moody, 1909) inspiré du développement quement étendu et solvable, qui fait que
des chemins de fer. Les opérations finan- l’on préfère payer pour avoir de l’informa-
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2. Dans sa thèse de 1998 et dans son livre de 2006, Rowena Olegario trace un portrait incisif et dynamique de deux
entreprises, the Mercantile Agency, qui deviendra plus tard R. G. Dun and Company, et J. M. Bradstreet. Olegario
montre comment leurs responsables, génies de l’innovation, ont remarquablement simplifié et mis à la portée des
investisseurs, le problème général de l’asymétrie de l’information sur les marchés.
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3. Les notes financières appelées speculative grade (ou non-investment grade) correspondent à un niveau de risque
élevé qui se traduit par un coût de la dette plus important.
4. SEC : Security Exchange Committee, l’autorité américaine du contrôle des marchés boursiers.
5. NRSRO – Nationally Recognized Statistical Rating Organisation : organisation de notation statistique reconnu sur le
plan national : une des conditions essentielles de la reconnaissance NRSRO est la réputation au niveau national (amé-
ricain) des sociétés émettrices de notation crédibles et fiables par les principaux utilisateurs et investisseurs de titres.
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marchés actuels ne peuvent pas se passer. notation Moody’s est étendue à toutes les
Ses composantes, telles que Moody’s Cor- grandes catégories d’émetteurs d’obliga-
poration ou Moody’s Analytics ont une tions, en particulier celles qui concernaient
activité en croissance continue. En 2010, des marchés publics. En 1913, la base de
elle avait 4 500 salariés, un chiffre d’af- données d’entreprises notées est élargie, et
faires de 2 032 millions de dollars et un les entreprises industrielles et les services
résultat de 507,8 millions de dollars, dans publics ont pu être mieux appréhendés.
26 pays différents. Créée en 1908 par John L’évaluation par Moody’s est de plus en
Moody (1868-1958), journaliste autodi- plus appréciée par les entreprises de pre-
dacte, détenue de 1962 à 2000 par Dun & mier plan. L’année suivante, Moody’s
Bradstreet (Sandage, 2005), cette société est Investors Service est fondée, et en cette
désormais indépendante. Elle est cotée année 1914, la notation des obligations
depuis 2000 au NYSE. Son fondateur a émises par les grandes villes américaines
donné la priorité à la qualité des investisse- est entreprise. De 1914 à 1924, l’empire de
ments et à la performance des moyens mis la société s’est considérablement étendu et
en œuvre. L’agence Moody’s est également à la fin de la décennie, 100 % des obliga-
née de la publication de données finan- tions américaines faisaient l’objet d’une
cières, rassemblées dans le Moody’s notation. La crise de 1929 n’a pas ralenti la
Manual of Industrial & Miscellaneous progression de l’entreprise, qui a continué à
Securities publié par l’Américain John noter les obligations dont le taux d’intérêt
Moody ; cet ouvrage contenait des informa- considérablement accru a provoqué une
tions et des statistiques sur les actions et baisse du capital17, dont les fluctuations ont
obligations d’institutions financières, entraîné des défauts de paiement ou des
d’agences publiques, et d’entreprises indus- moratoires d’intérêts. Moody’s a ainsi
trielles appartenant aux secteurs des manu- prouvé son aptitude à noter les entreprises
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17. Rappelons que l’essence du risque de taux est que lorsque le taux d’intérêt s’accroît, le capital diminue et inver-
sement la baisse des taux d’intérêt provoque une réévaluation des capitaux.
Les agences de notation financières 53
18. BusinessWeek, fondé quelques semaines avant la crise boursière de 1929, est repris le 13 octobre 2009 par
Bloomberg L.P. pour un prix estimé à 5 millions de dollars. Le contrat officiel est signé avec McGraw-Hill le
1er décembre 2009.
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Fitch a fondé Fitch Solutions, société de for- Poor’s et Fitch. Deux nouvelles entités ont
mation spécialisée dans les techniques ensuite bénéficié de l’homologation
approfondies de connaissance et de gestion NRSRO :
de titres à revenu fixe et de gestion des – Dominion Bond Rating Service Limited
risques de crédit. Cette offre de formation de (DBRS), une agence canadienne qui note
Fitch Solutions est complétée par les ser- principalement des sociétés industrielles ;
vices d’une autre filiale complémentaire, – A. M. Best, une des plus anciennes agences
Fitch Training. Ces dernières années, la américaines spécialisée dans la notation en
troisième agence de notation a fait preuve matière d’assurance et de réassurance.
d’une stratégie agressive, et l’ambition la Depuis des décennies, les trois principales
pousse à progresser plus rapidement que ses agences possèdent des marges très confor-
rivales. En 2010, Fitch Rating, représentant tables (de 20 % à 45 % du chiffre d’affaires)
14 % du chiffre d’affaires mondial des du fait qu’il existe d’importants obstacles à
agences de notation, notait 3 500 banques l’entrée dans cette activité. L’un des princi-
et 1 400 compagnies d’assurances. Elle ana- paux freins est la réputation ainsi que la
lysait 2 000 émissions d’entreprises, 300 confiance des investisseurs dans la qualité
émissions d’États et d’autorités territoriales, des notes qui ne peuvent en effet être capi-
46 000 émissions municipales et 6 500 émis- talisées qu’à long terme, par le biais de la
sions de financement structuré aux États- production systématique de notes servant
Unis. d’indicateurs fiables du risque de crédit.
Les économies d’échelle liées aux activités
La concentration des agences de notation viennent renforcer la réputation
et la constitution de l’oligopole de fait
comme obstacle naturel à l’entrée.
L’émergence de l’oligopole de fait consti- Les trois principales agences de notation
tué par les trois principales agences de nota- présentent le risque de biais des notations
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Comme on l’a vu récemment avec le cas – Critique de la validité des notes attribuées
des États-Unis et de la Grèce, le marché et de leur arbitraire : les agences ont du mal
réagit fortement et parfois irrationnelle- à annoncer une note ou une modification de
ment à toute modification effective de note note au bon moment. Ce bon timing est par-
ou à une simple annonce d’une révision ticulièrement recherché en période de
hypothétique de cette note. Les agences de crise : dans le passé, elles ont souvent réagi
notations, qualifiées de plus en plus de tardivement, annihilant leur efficacité
« pseudo-initiés » selon la forme forte de la comme dans le cas d’Enron en 2002. Par-
théorie de l’efficience informationnelle des fois, au contraire elles dégradent les notes
marchés financiers, ont une influence trop hâtivement et elles sont alors accusées
de créer la crise.
réelle sur lesdits marchés. L’impact de leur
– L’opacité de leur méthodologie : en effet,
décision sur les émetteurs et les investis-
pour éviter la copie de leurs procédures et
seurs est décisif. À l’inverse, une réaction
pour protéger leur marché, elles communi-
excessive était tout à fait prévisible devant
quent et informent peu sur leur méthode de
leur incapacité de prévision des crises
notation et sur la part consacrée à chaque
financières de ces dernières décennies. Ces
indicateur retenu. Degos et al. (2010)
dysfonctionnements génèrent des critiques apportent quelques précisions sur les ajus-
et des accusations portées à l’encontre des tements qu’elles effectuent.
agences de notation et il est nécessaire de – L’inexistence de règles de diffusion de
les comprendre et d’expliquer les réactions l’information : les agences émettent leur
des agences. notation sans contrainte formelle ni sur-
2. Les agences de notation, critiquées veillance d’un organisme de tutelle. Malgré
pour leurs actions et ambiguës leur important impact sur les marchés
dans leurs relations financiers, les agences de notation n’ont
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19. Les ratios dits de Bâle I (ratio Cooke de 1992) et de Bâle II (ratio Mac Donough de 2007) essaient d’obliger les
banques à conserver des fonds propres, représentant 8 % de leurs actifs, mais les fonds propres sont souvent « pol-
lués » par des dettes subordonnées qui font que les règles prudentielles sont illusoires. Ces règles prudentielles tien-
nent aussi compte des risques, mais pas des risques absolus, seulement des risques retraités et pondérés par les
agences de rating qui donnent des notes. Ce système rend difficile l’appréciation des bonnes et des mauvaises
créances, et cette appréciation ne s’est pas améliorée lorsqu’on est passé du ratio Cooke au ratio Mac Donough.
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pas avec des microstructures qui ont à la correcte. Avec deux notations, le risque de
fois moins de visibilité et moins de surface voir la note diminuée et d’être obligé de
de contrôle. choisir la note la plus défavorable est
Cette nécessité d’agrément des agences important. Avec trois notes les émetteurs
suggéré par « Bâle II » incite les clients des espèrent obtenir que celle-ci soit meilleure
agences, à favoriser les agences agréées par et en désespoir de cause, ils tentent parfois
les régulateurs et inéluctablement, elle de négocier ladite note ou d’exercer
conduit à un renforcement de l’oligopole. quelques pressions sur les agences. Le prin-
En outre, la réglementation « Bâle II » pré- cipal problème est donc celui de la concen-
cise que si l’émetteur est noté par deux tration de ces agences de notation : près de
agences, il doit retenir la plus défavorable, 94 % du marché est dominé par les trois
s’il obtient plus de deux notes, il doit garder grandes agences américaines : S&P’s,
la meilleure note si elle est fournie par au Moody’s et Fitch, 72 agences de notation se
moins deux agences, sinon, il retient la note partageant marginalement le reste. En
intermédiaire. Dans ce cadre, les émetteurs outre, l’objet, la typologie, le mode de tari-
sont rationnellement incités à demander fication et les moyens de diffusion des
une seule notation, qui clarifie l’informa- notes sont relativement similaires d’une
tion, qui diminue les coûts mais qui ren- agence à l’autre même si des spécificités
force ainsi la structure oligopolistique. Si la existent toujours sur la pratique et le mode
note unique est mauvaise, la décision la de communication des notations non solli-
plus rationnelle est d’essayer d’obtenir trois citées ainsi que sur les services d’évaluation
notes afin de garder une note intermédiaire de projets.
Un tel degré de concentration peut s’expli- d’ambigüité entre les analystes financiers,
quer20 notamment par l’existence de coûts demandeurs et consommateurs de leur pro-
d’entrée importants, d’où un marché rela- duit et les auditeurs, fournisseurs des infor-
tivement peu contestable. En effet, les mations privées et clients. Les barrières à la
émetteurs veulent être notés par des sortie sont très fortes puisque rompre un
agences reconnues par les investisseurs. contrat et quitter une agence est souvent
Or les investisseurs se fient aux agences interprété comme un signal de fuite devant
qui ont une réputation d’efficacité dans la la perspective d’une note future en voie de
notation, et cette réputation ne peut s’obte- dégradation, et les marchés réagissent vive-
nir sans des références passées à la qualité ment à ce type de signal. Les conflits d’in-
du rating, représentées par un historique, térêts sont encore plus importants en cas de
permettant de tester sur le moyen terme ou notation non sollicitée, même dans le cas ou
sur le long terme la fiabilité de la notation l’émetteur décide, après mure réflexion, de
d’une agence. Les nouveaux entrants, en devenir client de l’agence qui a pratiqué
particulier les Chinois, tentent de surmon- l’analyse non sollicitée. Ce conflit d’inté-
ter ce handicap en offrant des notations rêts est aujourd’hui au centre de la contro-
non sollicitées qui, par principe, sont de verse qui ne pourra être levée que par la
moins bonne qualité car elles sont fondées mise en place d’un organisme de
sur des informations publiques, avec tous contrôle21. Cette solution est refusée par les
les biais inhérents à ces informations, sans agences de notation arguant qu’il y a une
la valeur ajoutée par l’apport d’informa- atomisation de la part de leur revenu entre
tions privées plus pertinentes, fournies par leurs clients et donc une absence de risque
la société. Ceci nous amène à évoquer les de dépendance. De plus, les notes doivent
relations particulières qui gouvernent les demeurer un simple avis et non une infor-
mation ayant une valeur et une conséquence
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semblent plus préoccupées par l’effet de aux institutions, sont des notes objectives et
réputation que guidées par des conflits d’in- supprimer les agences de notation finan-
térêts dans l’ajustement des notes. Ceci a cière ne supprimerait pas l’endettement
pour conséquence de favoriser encore plus excessif et les portefeuilles composés d’ac-
la concentration des agences et leur objectif tifs toxiques de ceux qui souhaitent leur dis-
permanent de croissance. Les dégradations parition ou leur mise entre parenthèses. En
récentes des notes de pays comme les États- quelques décennies, les agences de l’oligo-
Unis, l’Italie, l’Espagne, la Grèce et les pole dont l’action est contestée par les
menaces de perte du « triple A » pesant sur émetteurs de niveau supérieur ont su créer
la France montrent bien l’exaspération des et satisfaire un besoin d’information dont il
gouvernements qui vont jusqu’à dire que la serait difficile de se passer. Il est injuste de
notation est antidémocratique. On peut se les accuser de tous les maux et elles ont
demander si de telles protestations sont montré qu’elles étaient tout à fait capables
légitimes, bien qu’il y ait un lien entre la de défendre leurs intérêts et leur cœur de
dégradation, la mise en évidence des métier. Et si on parvenait à museler les
risques de défaut et l’augmentation des taux membres influents de l’oligopole, rien ne
d’intérêt des pays dégradés. Mais nous dit qu’on pourrait toutes les éradiquer. Une
sommes peut-être dans une situation ana- nouvelle génération d’agences, telles que
logue à celle qui a permis la création et l’agence chinoise Dagong, qui a dégradé, le
l’abandon du baromètre de Harvard. En 5 août 2011, la note souveraine américaine,
1917, l’université Harvard a crée un Com- un jour avant Standard & Poor’s, est prête à
mittee for Economic Research et confié à prendre le relai, et qui sait ? À participer à
Warren S. Persons, professeur au Colorado un nouvel oligopole.
College la construction d’un baromètre
économique. Les deux premiers numéros
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22. La revue a changé de nom en 1948, et s’appelle The Revue of Economics and Statistics. Elle est rédigée par
l’École de sciences politiques John Kennedy d’Arvard et elle est publiée par The MIT Press.
Les agences de notation financières 63
baisse d’une note n’est jamais bien perçue Compte tenu de la sensibilité du secteur
par les émetteurs qui ont l’impression que dans lequel elles opèrent, il semble que les
les agences font preuve d’arbitraire à leur autorités de tutelle n’ont pas réagi dans le
égard. Les agences ont du mal à annoncer bon sens en tentant de préserver une
une note ou une modification de note au concurrence illusoire entre les CRA. Il
bon moment et les crises, telle celle de la semble que les autorités n’ont pas assez
Grèce, n’arrangent rien. On leur reproche considéré le poids, l’influence et les effets
aussi l’opacité de leur méthodologie : en de l’information financière et comptable
effet, pour éviter la copie de leurs procé- dans la vie économique. Les principales
dures et pour protéger leur marché, elles agences sont à la fois les victimes et les
communiquent et informent peu sur leur bénéficiaires de la situation oligopolistique.
méthode de notation et sur la part consacrée La crise financière actuelle souligne, s’il
à chaque indicateur retenu. Elles ont tou- était encore besoin de le prouver, que les
jours été protégées par la SEC qui a refusé flux d’information, comme les flux moné-
de leur donner un cadre rigide d’analyse et taires, sont une condition nécessaire au bon
de notation. Il en résulte une absence de fonctionnement des marchés. Le marché
règles de diffusion de l’information : les captif du tout financier préoccupe les
agences émettent leur notation sans grands États qui rêvent de modifier la nota-
contrainte formelle ni surveillance d’un tion des entreprises, des produits et des pays
organisme de tutelle. Malgré leur important et de décloisonner le marché actuel. La
impact sur les marchés financiers, les cohabitation actuelle, en évolution dyna-
agences de notation n’ont pas fait l’objet de mique, de la structure oligopolistique des
supervision et de contrôles officiels par les agences financières et de la structure d’un
pouvoirs publics23. Mais il est difficile pour monde en crise, débouchera sans doute sur
ceux-ci d’une part, de prôner une attitude des mutations, des interactions et de nou-
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Sénat américain, 639 pages, daté du 13 avril 2011, critique non seulement des banques comme Goldman Sach et la
Deutsche Bank mais encore les agences de notation Moody’s et Standard & Poor’s (p. 26-28). Il prévoit aussi les
risques d’une nouvelle crise bancaire et financière.
64 Revue française de gestion – N° 227/2012
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