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Évolution Économique Et Innovations Financières

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ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE ET INNOVATIONS FINANCIÈRES : D'UN

PROCESSUS CRÉATIF À UNE CRÉATION DESTRUCTRICE

Faruk Ülgen

De Boeck Supérieur | « Innovations »

2013/1 n°40 | pages 193 à 211


ISSN 1267-4982
ISBN 9782804177638
DOI 10.3917/inno.040.0193
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-innovations-2013-1-page-193.htm
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Évolution économique
et innovations financières :
d’un processus créatif à une
création destructrice
Faruk ÜLGEN
Centre de Recherche en Économie de Grenoble (CREG)
Université Pierre Mendès France-Grenoble 2
ulgen.faruk@upmf-grenoble.fr

La littérature économique suppose souvent que les marchés financiers


modernes, ouverts et libéralisés, encadrés par une législation appropriée
concernant les droits de propriété et de protection des consommateurs-épar-
gnants, permettent une meilleure allocation des ressources financières dans
le financement efficace des activités productives. De nombreux travaux as-
similent alors les innovations financières aux innovations entrepreneuria-
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les schumpétériennes et en concluent que les changements observés sur les
marchés financiers depuis les années 1980 contribuent à la promotion de la
croissance économique. Toutefois, bien que l’on puisse trouver chez Schum-
peter de nombreux éléments mettant en avant le rôle du système bancaire et
financier dans le développement économique, une analyse précise et spéci-
fique des innovations financières, distinctes de celle des innovations entre-
preneuriales, n’est pas disponible.
Cet article vise à combler ce vide analytique en posant la question de savoir
si les innovations financières peuvent être ou non assimilées aux innovations
entrepreneuriales schumpétériennes. La thèse défendue est que les innovations
financières transforment le processus d’évolution créatrice du capitalisme,
étudié par Schumpeter, en un phénomène de création destructrice. Dans un
environnement libéralisé, les innovations bancaires et financières visent une
rentabilité à court terme des produits et processus nouveaux en transformant
l’activité bancaire en un outil de spéculation. Cette transformation s’avère ef-
ficace pour générer des gains immédiats élevés. Mais elle se révèle en complet
divorce d’avec les besoins de financement d’une économie d’innovation dans
laquelle les projets d’avenir ont besoin d’accompagnement financier stable et
soutenu. Le résultat d’une telle évolution est la financiarisation de l’économie,

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Faruk Ülgen

ce qui réduit le caractère productif et progressiste de l’économie capitaliste en


la confinant à un rôle de créateur de richesses financières immédiates dont la
sensibilité aux variations des humeurs des investisseurs augmente considéra-
blement. La dynamique d’évolution est alors établie sur la continuité d’une
fièvre, nourrie par des bulles spéculatives qui éclatent régulièrement et qui re-
mettent en cause la capacité des activités entrepreneuriales à créer des emplois
et des richesses durables.
L’importance des systèmes monétaires et financiers dans la croissance
économique, qui serait fondée sur les innovations productives, apparaît tri-
vialement par une preuve négative : l’orientation désastreuse des marchés
financiers éloigne les institutions bancaires de leur rôle crucial de financeur
des activités entrepreneuriales et réduit la cohérence des moyens de finan-
cement du développement économique. Contrairement aux conséquences,
souvent supposées positives, des innovations entrepreneuriales schumpété-
riennes sur la croissance économique, les innovations financières des trente
dernières années ont alimenté une dynamique économique destructrice en
provoquant de nombreuses crises structurelles et en menaçant gravement la
stabilité à long terme des économies modernes. Le nouvel environnement
financier et réglementaire ne permet plus alors de renforcer l’efficacité allo-
cative des structures financières et pose le problème de la compatibilité entre
la dynamique d’innovations et la stabilité macroéconomique. Les instabilités
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observées requièrent, par conséquent, une remise en question des schémas
de réglementation financière dans l’objectif d’orienter les innovations finan-
cières vers une trajectoire d’évolution qui ne provoque pas de crise économi-
que, destructrice de croissance et d’activités entrepreneuriales productives.
Afin d’appuyer ces affirmations, le présent article présente trois sections.
La première section considère les liens entre les innovations schumpété-
riennes, la destruction créatrice et le financement bancaire. En effet, l’un
des apports les plus en vue des travaux de Joseph Aloïs Schumpeter, élève
de Böhm-Bawerk et de Menger, et Professeur à l’université de Graz jusqu’en
1919, est, aujourd’hui, son analyse de l’évolution économique en termes du
processus de destruction créatrice. Toutefois, Schumpeter précise que ce phé-
nomène, généré par les activités d’innovation des entrepreneurs, fait appel
à des financements adéquats, principalement fournis par le crédit bancaire.
Par conséquent, le développement économique, porté par les innovations
entrepreneuriales, doit être aussi pensé en termes de la dynamique financière
dont l’évolution des stratégies bancaires constitue l’orientation principale.
La deuxième section étudie la dynamique des marchés financiers et in-
terroge la nature des innovations financières qui dominent les systèmes ban-
caires et financiers depuis les trente dernières années. Il apparaît que les

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Évolution économique et innovations financières

marchés financiers suivent une évolution qui leur est propre dont l’orien-
tation centrale est loin de l’objectif de financer les activités d’innovations
entrepreneuriales, contrairement au schéma proposé par Schumpeter, no-
tamment dans la Théorie de l’évolution économique (1934). Les changements
sur les marchés financiers montrent une évolution en faveur de nouvelles
formes d’intermédiation financière comme les fonds de pension et le capital-
investissement qui sont souvent identifiés par les phénomènes de titrisation
et d’intégration financière. Ces formes marquent le passage de la banque
traditionnelle à la banque transactionnelle alors que les activités bancaires
de hors-bilan gagnent en importance et posent la question de la stabilité
macroéconomique.
La troisième section étudie alors la portée de la thèse selon laquelle les
innovations financières, au lieu d’accompagner les innovations entrepreneu-
riales, moteur du développement économique, et d’alimenter le processus
de destruction créatrice, débouchent sur une dégénérescence des structures
de financement en faveur d’opérations spéculatives à court terme. Une telle
tendance est permise, voire renforcée, par un environnement réglementaire
qui suppose que le degré de risque des activités financières et leurs probables
effets sur la stabilité systémique peuvent être contrôlés et régulés par des
mécanismes de marché. Or, la récurrence des crises financières semble né-
cessiter une révision des principes de gestion macroéconomique des activités
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financières dans l’objectif d’assurer des conditions plus appropriées de finan-
cement des activités entrepreneuriales d’innovation créatrices d’emplois.

Les innovations Schumpétériennes :


la destruction créatrice et le
financement bancaire
Dans Capitalisme, socialisme et démocratie (1942), Schumpeter définit
l’économie capitaliste comme un système en changement permanent dont
la dynamique est fondée sur des facteurs endogènes qui modifieraient sans
cesse les structures existantes en les remplaçant par des modalités d’exercice
nouvelles. Les facteurs endogènes sont principalement les comportements
des entrepreneurs qui, en cherchant à modifier les activités présentes dans
un contexte de concurrence acharnée – à couteaux tirés –, cherchent à in-
nover, ce qui provoque en général une destruction de l’existant au profit du
renouveau. Ainsi, Schumpeter précise, dans la Théorie de l’évolution écono-
mique (1934) que la destruction créatrice est un processus qui détruit sans
cesse les structures anciennes pour les remplacer par des structures nouvelles,
supérieures. Les innovations entrepreneuriales sont alors définies comme des

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Faruk Ülgen

combinaisons nouvelles qui peuvent aussi bien correspondre à de nouveaux


produits, de nouveaux processus de production, de nouveaux marchés qu’à
de nouvelles formes d’organisation de l’appareil existant. Il s’agit bien d’un
changement dans le schéma de production entrepreneurial et pas seulement
ou nécessairement dans le schéma de production scientifique et technique.
De ce point de vue, la distinction entre l’invention et l’innovation est plus
que pédagogique, elle est heuristique en tant que fondatrice d’une concep-
tion centrale dans le changement de perspective dans l’étude de l’économie
capitaliste 1.
Selon Schumpeter, les innovations apparaissent d’une façon discontinue
et autorisent les agents économiques à élargir leurs horizons de décision et
d’action. L’endogénéité de ce mouvement créatif est liée au fait qu’il dépend
de l’imagination de l’entrepreneur schumpétérien qui, de fait, devient, non
pas un simple maximisateur passif de profit pour un ensemble de facteurs et
de techniques de production donnés – comme il est le cas dans les modè-
les standard d’équilibre économique –, mais une figure spéciale centrale de
l’évolution économique, un aventurier, un pionnier qui cherche sans cesse à
changer l’existant 2.
Du coup, le sens de la concurrence est différent des modèles standard de
concurrence pure et parfaite en ce qu’elle est liée à la dynamique d’innova-
tions entrepreneuriales endogènes et non à un ensemble d’hypothèses ad hoc
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qui définiraient un cadre référentiel de fonctionnement d’une économie de
marché à l’équilibre statique (Schumpeter, 1932). Les entrepreneurs modifient
alors sans cesse les structures de marché s’activant à chaque nouvelle période
dans une incertitude à la recherche de positions plus avantageuses qui leur
permettraient de devancer les autres par la découverte de nouvelles possibili-
tés d’entreprendre d’une façon profitable. L’entrepreneur Schumpétérien, qu’il
soit capitaine d’industrie ou une grande firme à la recherche d’une domination
monopolistique, agit selon ses anticipations et intérêts propres. Il est celui/
celle qui cherche à aller au-delà des structures établies, emporté(e) par ses
anticipations sur le futur des affaires bien que ne disposant pas d’informations

1. En effet, cette distinction permet de mettre l’accent sur une caractéristique spécifique des
innovations supposées dépendantes d’une dynamique entrepreneuriale (donc d’économie de
marché privée) dont les résultats détermineraient la trajectoire d’évolution économique d’une
manière quasi totalement endogène.
2. Bien que la conception de l’entrepreneur-innovateur que Schumpeter a adopté dans la Théo-
rie de l’évolution économique (entrepreneur-innovateur est le capitaine d’industrie, individuel et
aventurier) ne soit pas la même que celle qui est sous-jacente dans Capitalisme, socialisme et
démocratie (les innovations viennent principalement des grands groupes industriels, les trusts),
le caractère endogène et discontinu de l’évolution reste un trait dominant dans l’analyse que
Schumpeter fait du système capitaliste.

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Évolution économique et innovations financières

complètes et parfaites sur l’ensemble des facteurs qui seraient susceptibles d’af-
fecter l’évolution de l’économie.
La concurrence potentielle (en tant que menace sur les positions établies)
ou effective (entre les participants aux marchés à un moment donné) pous-
serait ainsi les entrepreneurs à innover afin de faire face aux limites du statu
quo. Cette dynamique, qui obligerait les entrepreneurs à innover, est donc
fondamentalement le fait de décisions décentralisées et séparées des acteurs
et n’est fondée sur aucun mécanisme de planification ou d’ordre collectif
préalable. Comme Schumpeter pense implicitement que les innovations dé-
bouchent sur des changements, des résultats qui permettent à l’économie de
faire des pas en avant dans l’amélioration des structures productives et de
la vie des individus, la destruction qu’elles génèrent est supposée positive
(créatrice). La « machine capitaliste » Schumpétérienne est une machine
de production pour les masses (Schumpeter, 2000).
Le processus de destruction créatrice a cependant besoin d’un appui
crucial pour devenir effectif. Cet appui est le financement des activités
entrepreneuriales dont l’absence signifierait l’absence de toute activité
d’innovation effective. Que ce soit dans la Théorie de l’évolution économique
(1961a) ou dans Business Cycles (1939), Schumpeter introduit la monnaie
et le marché monétaire au cœur de son analyse d’évolution économique
puisqu’il précise qu’aucune action économique ne peut être expliquée sans
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la prise en compte de la monnaie. Le système monétaire, entendu comme
l’ensemble des mécanismes et modalités qui gouvernent les relations de
financement bancaire (le crédit bancaire) des activités entrepreneuriales,
est une variable spécifique qui caractérise une société capitaliste. Dans son
article Capitalism, écrit pour l’Encyclopedia Britannica en 1946, Schumpeter
définit une société capitaliste comme une économie dans laquelle le pro-
cessus d’évolution économique est principalement fondé sur les décisions
des entrepreneurs privés dans un cadre institutionnel déterminé par la pro-
priété privée des moyens de production, par l’activité de production dans
un objectif de profit privé et par l’institution de crédit bancaire, essentielle
au fonctionnement du système.
Une telle orientation analytique est davantage mise en avant dans l’His-
toire de l’analyse économique (1954) où l’auteur souligne les différences entre
l’analyse réelle et l’analyse monétaire comme deux types distincts d’analyse
économique. L’analyse réelle est l’approche utilisée par la tradition domi-
nante en économie politique qui a, entre autres, débouché sur la théorie de
l’équilibre walrasien. Cette approche considère la monnaie comme un voile,
un facteur technique sans réelle importance sur les variables fondamenta-
les explicatives des relations économiques. La préférence de Schumpeter

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Faruk Ülgen

va dans le sens de l’approche monétaire qui considère, au contraire, que la


monnaie est une catégorie économique première qui définit les modalités
de fonctionnement d’une économie capitaliste. Sur ce point, Schumpeter
effectue un changement radical de conception analytique dans ses œuvres
(Ülgen, 2003) et bien que n’offrant pas d’étude spécifique sur la monnaie et
les marchés financiers, sauf peut-être dans son ouvrage posthume de 1970,
Das Wesen des Geldes, il est très précis sur l’importance que la monnaie a
dans une économie capitaliste puisqu’il lie les innovations entrepreneuriales
au système de crédit bancaire (1939).
En effet, Schumpeter soutient qu’il existe une interdépendance entre
les marchés monétaires (appelés le quartier général du système capitaliste
dans la Théorie de l’évolution économique, 1961a, p. 126) et le développement
économique. Les « marchés monétaires » sont le lieu où la réalisation (ou
non) des plans de développement futur est décidée suivant la disposition
du système bancaire à financer (ou non) les projets d’innovation des entre-
preneurs. L’entrepreneur Schumpétérien a besoin, avant toute chose, d’ob-
tenir le financement requis pour la réalisation de son projet d’innovation.
Ce financement vient principalement du crédit bancaire et donc au travers
d’une relation d’endettement bancaire (Ülgen, 1996). Ainsi, l’entrepreneur
est considéré comme le débiteur typique, essentiel dans l’économie capi-
taliste. Elle/Il a besoin du crédit, le ticket d’entrée dans le jeu économi-
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que, pour mettre en place ses projets du futur (1939). Schumpeter remarque
que lorsqu’il s’agit de penser la réalisation des innovations qui permettent à
l’économie d’aller au-delà des structures établies, les moyens de financement
aussi doivent être capables d’aller au-delà des disponibilités présentes. De ce
point de vue et sur un plan logique, le financement des innovations et donc
du processus de destruction créatrice, ne peut pas être établi sur les fonds
prêtables (les épargnes placées sur les marchés financiers) disponibles qui
sont eux-mêmes liés à un processus de développement précédent déjà réalisé
avec succès. Le financement de la dynamique d’évolution est alors principa-
lement assuré par le système de crédit qui se développe à partir du finance-
ment des combinaisons productives nouvelles dans l’histoire des différentes
économies (1961a). L’évolution de l’économie dépend des innovations en-
trepreneuriales et l’évolution des innovations entrepreneuriales dépend de
l’évolution du système de crédit si bien qu’il n’y a pas de développement
sans le crédit (Schumpeter, 1961a). Par conséquent, les développements (les
changements) sur les marchés bancaires et financiers constituent un enjeu
majeur pour l’effectivité, la nature et l’orientation des changements dans le
secteur productif pour le développement économique.

198 innovations 2013/1 – n° 40


Évolution économique et innovations financières

Développement des marchés financiers


et innovations
De nombreux travaux (Greenwood, Jovanovic, 1990  ; Bencivenga,
Smith, 1991  ; Saint-Paul, 1992  ; King, Levine, 1993), souvent référencés
sur l’intermédiation financière et sur l’évolution des marchés financiers, pré-
tendent suivre la voie ouverte par Schumpeter, qui remarque l’apport des
services financiers dans la réalisation des innovations technologiques et du
développement économique comme le complément monétaire du processus
de croissance économique. Ces recherches affirment que l’intermédiation
financière stimule la croissance économique en renforçant l’efficacité allo-
cative des marchés dans l’accroissement du taux d’accumulation du capi-
tal productif. Ces travaux soulignent alors que l’environnement juridique,
l’ouverture et le développement économique (dans le sens de l’établissement
des mécanismes d’économie de marché) sont les déterminants majeurs de la
structure financière d’une économie donnée (Thiel, 2001 ; Levine, 2005).
Le développement des services financiers est supposé stimuler la croissan-
ce économique en encourageant la formation de l’épargne et en permettant
le déplacement des épargnes disponibles des investissements liquides mais
peu productifs vers des investissements productifs mais peu liquides. L’un des
arguments avancés dans ce sens est qu’en raison de longs délais entre les dé-
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penses d’investissement et la réception des profits sur l’utilisation du capital,
les investisseurs financiers peuvent se trouver face à des besoins immédiats
en liquidité, ce qui pourrait les dissuader d’utiliser leurs disponibilités dans
le financement des investissements productifs à long terme. Dans un monde
avec risque sur les placements financiers, les agents économiques peuvent
être réticents à s’engager dans l’acquisition d’actifs peu liquides à court ter-
me. Face à ce type de problème qui contraint les conditions de financement
des activités entrepreneuriales, des structures développées d’intermédiation
financière peuvent permettre aux prêteurs de fonds de minimiser les coûts
de contrôle des décisions des emprunteurs en ajustant les portefeuilles d’in-
vestissement aux caractéristiques des engagements productifs mieux que ce
que pourraient faire les prêteurs individuels imparfaitement renseignés sur
les caractéristiques des projets (Thakor, Boot, 2008).
Les intermédiaires financiers, dont les banques, deviennent alors des spécia-
listes dans la production d’une information particulière sur les marchés de cré-
dit mais aussi sur le marché d’émission d’actifs financiers. Ils interviennent dans
la canalisation des épargnes vers des investissements productifs en réduisant
les problèmes d’aléa moral (information imparfaite des prêteurs individuels sur
les comportements des emprunteurs) et d’anti-sélection (information incom-
plète des prêteurs individuels sur la nature et les caractéristiques intrinsèques

n° 40 – innovations 2013/1 199


Faruk Ülgen

des projets à financer). Une meilleure gestion des risques sur les placements
financiers et des services de liquidité devrait alors assurer à l’économie une
meilleure utilisation des ressources de financement disponibles (peu coûteuses
et plus liquides). Le montant des fonds que les banques et autres intermédiaires
peuvent collecter sur les marchés et mettre à la disposition des emprunteurs-
entrepreneurs s’en trouve accru. Le rôle des marchés financiers est alors vu
comme un rôle de facilitation et d’amélioration de l’allocation des ressources
sur le plan microéconomique (relations entre prêteurs et emprunteurs indivi-
duels), affectant positivement la performance des firmes innovatrices.
Dans ces modèles, le développement des marchés financiers est habituel-
lement défini à partir de plusieurs critères dont les plus couramment consi-
dérés sont la profondeur, la largeur et la liquidité des marchés. La profondeur
des marchés financiers renvoie à une gamme variée de produits financiers.
Elle est supposée assurée grâce aux innovations financières dont les résultats
devraient offrir de nouveaux produits, de nouveaux processus et de nouvelles
modalités d’organisation des transactions financières. La largeur concerne le
volume des transactions traitées et le nombre d’acteurs qui interviennent sur
les marchés. Elle est liée en général à l’ouverture des marchés à la concur-
rence, à la baisse des barrières à l’entrée (souplesse du cadre juridique qui
réglemente les conditions d’entrée et d’exercice de nouveaux établissements
d’intermédiation sur les marchés bancaires et financiers). La liquidité ren-
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voie à la capacité des marchés à traiter un volume important d’opérations
sans restriction quantitative et réglementaire des montants qui circulent
dans les transactions. Elle est en partie dépendante des politiques monétai-
res et financières des autorités qui devraient accompagner positivement la
croissance de l’importance du financement de l’économie par le marché.
Les modèles d’intermédiation financière établissent alors un lien entre le
développement financier et la libéralisation financière 3. Ils soutiennent, dans
la lignée des travaux pionniers de Goldsmith, McKinnon et Shaw des années
1970, que les marchés financiers libéralisés sont des marchés de concurrence
accrue, ce qui devrait créer des incitations pour les banques à améliorer leurs
activités au travers de nombreuses innovations. Ces innovations dans les mo-
dalités de gestion des risques, d’acquisition et d’utilisation des informations
particulières et de contrôle des engagements et projets à financer, débouche-
raient sur un fonctionnement plus efficace des systèmes de financement des
investissements productifs. Ainsi, une concurrence plus forte sur des marchés
ouverts devrait renforcer les possibilités de développement économique. À
ce titre, Rajan et Zingalez (2000) soutiennent que le degré d’ouverture d’une

3. Voir Allen et Gale (2004) et Levine (2005) pour une synthèse de ces travaux et de leurs
arguments.

200 innovations 2013/1 – n° 40


Évolution économique et innovations financières

économie détermine le niveau de développement de son système financier


en augmentant la concurrence dans le secteur financier.
De la même façon, Thiel (2001) rappelle les résultats de nombreux tra-
vaux qui affirment que l’ouverture financière à la concurrence internationale
constitue un facteur de développement des marchés financiers dans la me-
sure où la protection des investisseurs serait davantage garantie par la mise
en alternative de nombreux établissements étrangers efficaces et innovatri-
ces. En effet, Thiel remarque que parmi les canaux de transmission des com-
portements financiers à la croissance économique, l’effet des modalités de
financement sur la productivité du capital – à travers la fonction de sélection
et de contrôle des investissements à financer – apparaît plus important pour
les économies industrialisées, comparé au canal de transmission qui passe par
la réduction des coûts de transaction à travers le crédit bancaire destiné à
financer l’accroissement de l’investissement productif. Bien qu’il n’existe pas
de preuve concluante sur la supériorité des systèmes financiers dominés par
les opérations de marché, Thiel affirme que les jeunes entreprises innovantes
ont besoin d’une structure financière flexible qui leur permettrait de modifier
rapidement leurs modalités de financement en fonction de l’évolution de
leurs propres cycles de vie. Dans ce cas, les modèles de financement par le
marché et par l’actionnariat seraient plus appropriés, ce qui est une caracté-
ristique des marchés financiers ouverts et développés au sens où on l’entend
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à travers les critères présentés ci-dessus. Ces travaux se situent bien dans la
lignée de Porter (1990) qui avance l’existence d’une relation causale entre
la concurrence et la croissance puisque la concurrence pousserait les firmes à
innover et à augmenter leur efficacité pour subsister sur le marché face à des
concurrents nouveaux et plus efficaces.
Les innovations financières qui permettent le développement des mar-
chés financiers sont supposées se réaliser sous deux dynamiques ; un proces-
sus poussé par l’offre (de nouvelles modalités de financement offertes par les
intermédiaires) et un processus tiré par la demande (besoins nouveaux des
innovateurs qui font appel à de nouvelles modalités de financement). Toute-
fois, sur un plan plus structurel, il est possible de considérer deux catégories
de facteurs déterminants dans les changements dans les comportements des
systèmes financiers.
La première catégorie de facteurs, que l’on pourrait qualifier d’exogènes,
est liée aux modifications dans les principes et mécanismes de réglementation
des marchés financiers (Podolski, 1986). Depuis les années 1980, on observe
une modification des structures de réglementation en faveur des modalités
nouvelles qui consistent à confier aux mécanismes de marché la surveillance
et le contrôle des opérations financières et l’évolution du degré des risques

n° 40 – innovations 2013/1 201


Faruk Ülgen

microéconomiques subséquents. Les banques sont invitées à appliquer des


modèles d’évaluation interne des risques qu’elles prennent dans leurs opéra-
tions financières et des agences de notation privées sont utilisées pour établir
des procédures de vérification de la santé des établissements bancaires. Ce
choix est fondé sur la croyance que les marchés libéralisés seraient mieux
à même d’imaginer et d’appliquer des mécanismes de protection contre les
risques des engagements privés entre prêteurs et emprunteurs individuels que
ne pourraient le faire les mécanismes de réglementation sous le contrôle des
autorités publiques.
La deuxième catégorie est dépendante des changements sur les marchés
financiers. Avec l’accroissement de la concurrence sur les marchés, les éta-
blissements bancaires sont davantage orientés vers des innovations de pro-
duit et/ou de processus en vue de faire face à de nouveaux concurrents (ban-
ques étrangères ou intermédiaires financiers qui n’avaient pas auparavant
accès aux marchés réservés aux seules banques, le processus appelé la désin-
termédiation et le décloisonnement des marchés financiers) dans l’objectif
de défendre leur position établie ou d’étendre leur présence sur de nouveaux
marchés.
Avec le fort retrait des barrières réglementaires mais aussi technologiques
et concurrentielles, de nouvelles pratiques et institutions financières appa-
raissent alors sur les marchés financiers. Les changements récents dans les
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systèmes financiers montrent une évolution franche en faveur de nouvelles
formes d’intermédiaires financiers comme les fonds de pension et le capital-
investisseur qui sont souvent identifiés par les termes de désintermédiation,
de titrisation et d’intégration financière. Ce sont des phénomènes qui ac-
croissent le poids des mécanismes de marché aux dépens des modèles de
financement traditionnels, fondés sur des relations durables et isolées entre
banques et entreprises. Dans ce cadre, les banques ajustent leurs activités en
multipliant et en diversifiant les services et produits financiers à destination
des entreprises de grande taille et interviennent plus activement dans l’émis-
sion des titres des sociétés sur les marchés financiers mais aussi en propo-
sant des produits qui leur sont spécifiques, indépendamment des entreprises
industrielles. Le passage de la banque traditionnelle à la banque transac-
tionnelle ou d’investissement financier provoque alors un gonflement des
activités bancaires de hors-bilan (European Central Bank, 2000). Contrai-
rement à l’activité bancaire classique, qui consiste à financer la production
courante ou à offrir un pont entre l’investissement présent et l’apparition
d’innovations entrepreneuriales, la banque transactionnelle est fondée sur
des opérations d’arbitrage visant les caractéristiques spécifiques des actifs fi-
nanciers. Gai et al. (2008) affirment, dans le cadre d’un modèle d’équilibre

202 innovations 2013/1 – n° 40


Évolution économique et innovations financières

général appliqué à l’intermédiation financière, que bien que susceptibles de


générer de forts effets en cas de crise, les innovations financières récentes
semblent avoir réduit la probabilité des crises financières systémiques dans
les économies développées.
En effet, les innovations financières, particulièrement génératrices des
opérations de titrisation, permettent aux prêteurs et emprunteurs d’assortir
différents types de disponibilités avec différents types de besoins en autori-
sant une plus large diversification des risques associés. La plupart des innova-
tions monétaires et financières (par exemple les opérations de swap et d’en-
gagements hors-bilan) tendent vers une diversification et une couverture
microéconomique des risques de taux d’intérêt et de change en augmentant
l’élasticité de l’offre financière. Le développement des marchés de fonds de
pension et de fonds de placement, à travers les possibilités d’investissement
à court terme en bons du Trésor et en papiers commerciaux donne aux in-
vestisseurs une grande flexibilité dans l’utilisation de leurs disponibilités. Ces
produits et processus innovés sont utilisés comme des substituts aux dépôts
bancaires classiques rigides sans être soumis à des réglementations contrai-
gnantes sur les réserves et la rémunération des dépôts des entreprises. Aussi,
l’utilisation des lignes de crédit ou de garanties bancaires sous-jacentes aug-
mente la négociabilité des instruments de dette émis par des entreprises non
bancaires. Une telle élasticité et diversité de la finance de marché pourrait
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être interprétée en termes Schumpétériens de destruction créatrice dans la-
quelle les innovations remplacent les méthodes et produits anciens avec une
amélioration du fonctionnement des relations de financement du dévelop-
pement économique.
Effectivement, en suivant l’approche schumpétérienne de l’évolution dyna-
mique à travers le comportement innovateur des entrepreneurs sur les marchés,
il est possible de remarquer que les innovations financières modifient les condi-
tions de réalisation du processus de développement à l’instar des innovations
entrepreneuriales. Elles affectent le fonctionnement de la machine économique
puisqu’elles modifient bien les conditions monétaires et financières sur lesquelles
la structure économique est fondée. Toutefois, les déséquilibres récurrents sur les
marchés monétaires et financiers, tant dans les économies émergentes avec des
systèmes financiers jugés peu développés que dans les économies avancées qui
présentent des marchés financiers très développés, débouchent souvent sur des
crises d’envergure qui s’étendent rapidement à l’ensemble des structures produc-
tives. Cette observation pose la question de savoir dans quelle mesure il nous
serait possible de considérer les innovations financières et la dynamique d’évolu-
tion sous-jacente comme des innovations entrepreneuriales qui mèneraient les
économies sur une trajectoire d’évolution positive. Cela semble aussi nécessiter

n° 40 – innovations 2013/1 203


Faruk Ülgen

une interrogation non partisane sur le conflit entre la dynamique des marchés
financiers libéralisés, accompagnés par un environnement institutionnel (régle-
mentaire) permissif, et la stabilité macroéconomique qui est souvent mise à rude
épreuve dont les coûts de « réparation » deviennent de plus en plus exorbitants
à l’exemple de la crise actuelle, partie officiellement de l’économie américaine
en 2007-2008 et étendue à l’ensemble de la planète depuis.

Instabilité des marchés financiers


libéralisés et effets négatifs des
innovations financières
Alan Greenspan (2000) remarque que l’un des résultats des innovations
récentes a été l’accélération visible du processus Schumpétérien de destruc-
tion créatrice à travers une évolution continue dans laquelle les nouvelles
technologies remplacent les anciennes, de nouveaux investissements su-
périeurs en efficacité se substituent au capital déclassé. Cette évolution est
accompagnée, pour Greenspan, par une efficacité accrue des marchés des
capitaux grâce à une plus grande possibilité de diversification des risques. Le
développement des produits financiers innovants, accompagné par des inno-
vations technologiques, aurait permis d’augmenter non seulement l’efficacité
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des mécanismes de financement des activités d’innovation entrepreneuriale
mais aussi la stabilité du système économique en permettant le déplacement
des risques vers des investisseurs qualifiés. Greenspan (1997) soutient dans
la même veine que dans le processus de globalisation, les systèmes de régu-
lation publique deviennent inopérants et sont naturellement remplacés par
des mécanismes d’autorégulation des marchés qui seraient capables d’assurer
une gestion efficace des risques sur des critères privés en encourageant les
innovations financières libérées des contraintes réglementaires. Van Hoose
(2010) aussi souligne les insuffisances des systèmes financiers hautement ré-
glementés. Les marchés financiers libéralisés seraient en mesure de faire face
aux divers chocs et ne nécessiteraient pas d’engagements financiers de la part
des autorités publiques dans la résolution des crises.
Dans cette optique, les pratiques micro-prudentielles remplacent les règles
traditionnelles de surveillance macro-prudentielle, en vigueur jusqu’aux an-
nées 1990, en laissant aux marchés et aux établissements privés les deux rôles
a priori conflictuels, celui d’innovation dans une perspective de profit privé et
celui de surveillance macroéconomique des effets des activités privées sur la
stabilité systémique. Or, de nombreux travaux soulignent les dangers d’un tel
environnement institutionnel tant en ce qui concerne l’apparition des crises
d’envergure qu’en ce qui concerne la stabilité macroéconomique nécessaire

204 innovations 2013/1 – n° 40


Évolution économique et innovations financières

pour la continuité des innovations entrepreneuriales qui ont besoin d’être


soutenues pas des modalités de financement stables et à long terme.
Hellmann, Murdock et Stiglitz (2000) soulignent qu’une concurrence
peu encadrée peut déboucher sur des innovations financières qui, pouvant
potentiellement faciliter les conditions de financement des activités entre-
preneuriales, sont susceptibles d’augmenter les fragilités financières systé-
miques puisque les innovations subséquentes semblent davantage orientées
vers des opérations hors-bilan (peu contrôlables) qui conduisent les banques
à détenir de moins en moins de provisions en capital pour les risques qu’elles
assument réellement. Dans ce sens, les innovations financières ne visent pas
une diversification plus efficace des risques mais elles permettent plutôt de
transférer des risques de plus en plus élevés vers des investisseurs (dont les
banques elles-mêmes) qui sont à la recherche de rendements élevés à court
terme de leurs placements sur des actifs financiers de toute nature. Il est vrai
que les différents produits et processus financiers donnent à un nombre crois-
sant d’agents économiques (dont les ménages à faible revenu) l’accès aux
marchés de crédit et la possibilité de gérer individuellement les ajustements
nécessaires de leurs portefeuilles face aux aléas des marchés. Mais cette ex-
pansion financière donne aussi à ces mêmes agents l’impression qu’ils pour-
raient faire face aux retournements de situation sans grande difficulté étant
donnée la flexibilité des engagements dans lesquels ils espèrent réaliser des
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gains spéculatifs substantiels. Al-Darwish et al. (2011) remarquent aussi que
les innovations financières ont créé des interconnexions complexes entre
différents compartiments et établissements des marchés bancaires et finan-
ciers qui se révèlent souvent opaques et au-delà de la capacité d’analyse des
agents individuels impliqués indirectement. Ces connexions contribuent
certes au développement des marchés financiers et donnent l’impression
d’une plus grande efficacité dans l’utilisation des fonds prêtables dans l’en-
semble de l’économie, mais elles contiennent en même temps les germes
d’une contagion au niveau systémique, contagion qui se situe hors de la por-
tée des individus et des établissements financiers.
En effet, la diversité des innovations financières nourrit une générali-
sation des activités génératrices de risques variés mais interconnectés. Le
développement de l’ingénierie financière rend possible des produits comme
les options synthétiques et autres produits dérivés visant à jouer sur des an-
ticipations de prix et de taux sans que les acteurs impliqués portent une at-
tention particulière sur le risque de l’emprunteur et sur leur position ouverte.
Dans la concurrence aux rendements élevés, l’activité de titrisation envahit
la sphère bancaire en l’éloignant de sa fonction de financement du système
productif et en l’obligeant à innover davantage à des fins spéculatives dans
un horizon de plus en plus court. Le processus de titrisation oriente aussi les

n° 40 – innovations 2013/1 205


Faruk Ülgen

risques vers un système bancaire parallèle (shadow banking) dont la spécialité


première est les prêts à fort effet de levier sans accès aux mécanismes d’assu-
rance des dépôts et donc non soumis aux contraintes de sécurité en capital
provisionné. Les hedge funds, les fonds de pension et les opérations menées
par les compagnies d’assurance tombent souvent dans cette catégorie.
Dans les opérations de ce type, les banques interviennent en se portant di-
rectement ou indirectement garantes des émetteurs de dettes sur les marchés.
Elles ne sont pas obligées de provisionner leurs engagements qui restent en
hors bilan mais elles sont néanmoins impliquées dans la suite des opérations.
Les opérations innovantes de transfert de risques comme les produits struc-
turés élargissent, par exemple, les possibilités de transformation des prêts hy-
pothécaires illiquides et non marchéisables en des actifs financiers à travers
la titrisation et permettent d’ouvrir les marchés de crédit à des emprunteurs
à capacité de remboursement faible. Le marché s’en trouve alors très étendu
et, par là, plus développé que dans un système financier classique.
Le point intéressant à étudier dans ce type d’innovation est que les ban-
ques créent (initient) des titres nouveaux qu’elles vendent sur les marchés
comme des moyens d’investissement sûrs. Comme ces titres sont évalués par
les agences de notations privées, qui sont souvent impliquées aussi dans leur
conception en tant que conseillers techniques des banques, l’utilisation de
ces produits ne rencontre pas de méfiance de la part des investisseurs dont
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l’objectif est de réaliser des gains élevés dans un horizon réduit. Par effet de
multiplication permis par les innovations continues, ces titres sont utilisés
comme des garanties dans l’émission de nouveaux prêts à fort effet de levier.
Parallèlement, ils sont connectés aux papiers commerciaux de court terme
adossés aux actifs (asset-backed commercial papers). Apparaissent alors de for-
tes interdépendances entre différents produits et agents loin de l’origine de
l’apparition des premières transactions.
De telles interdépendances créent néanmoins une sensibilité forte des
marchés aux variations soudaines dans l’évolution des anticipations sur la
rentabilité et la sécurité des divers placements. Les frontières entre l’efficaci-
té supposée des innovations financières dans le développement économique
et leur sensibilité génératrice de retournement de situation, car fondée sur
une perspective spéculative de court terme, deviennent très floues.
Minsky (1986, 2008) étudie l’accroissement des fragilités dues aux inno-
vations financières dans le cas de l’économie américaine de l’après deuxième
guerre mondiale. Il souligne que la titrisation, initiée sur les marchés de cré-
dit hypothécaire aux États-Unis, a permis aux banques d’épargne de conti-
nuer à accroître leurs activités de transformation malgré la montée des ris-
ques de marché et la baisse de leur capacité de faire face aux retournements

206 innovations 2013/1 – n° 40


Évolution économique et innovations financières

soudains à partir de leur capital propre. Coval et al. (2009) aussi montrent
les liens entre l’activité de titrisation des banques et l’apparition des instabi-
lités financières. Dans une perspective post keynésienne, Raines et Leathers
(2011) soulignent comment l’évolution moderne des marchés financiers dé-
tériorent les conditions de financement des activités entrepreneuriales au
profit d’une financiarisation fragile des économies. En effet, l’évolution des
systèmes financiers et donc celle des innovations financières est liée à un
nouveau principe d’accumulation qui est fondé non pas sur le financement
des activités d’innovation entrepreneuriale, potentiellement créatrices d’em-
plois et productrices de richesses, mais sur la profitabilité des opérations de
titrisation des dettes variées et diverses. Ce principe se nourrit alors d’appa-
rition continue d’espaces spéculatifs, de bulles qui permettent d’assurer des
rendements élevés sur les prises de position financière. De ce point de vue, la
nature créative des innovations financières semble plus que discutable et les
déséquilibres que l’évolution des marchés financiers provoque régulièrement
nécessitent une interrogation sur les mécanismes de réglementation en vi-
gueur dans les économies ouvertes.
Dans un environnement très peu encadré, les innovations financières
contribuent à l’accroissement des vulnérabilités financières qui entrainent
tôt ou tard la sphère productive dans la crise. Qui plus est, l’évolution des
marchés ne semble pas suivre un processus d’apprentissage par expérience,
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étant donnée la récurrence des crises financières depuis plusieurs décennies.
La soutenabilité des économies dépend alors de la possibilité d’envisager
des mécanismes d’encadrement qui soient plus en lien avec les besoins de
financement du processus de développement. L’instabilité financière est
considérée par Minsky (1986) comme un phénomène endogène dont le
caractère destructeur, à l’opposé des innovations Schumpétériennes créatri-
ces, rend nécessaire le développement de structures de surveillance macro-
prudentielles.
Un des arguments que l’on pourrait avancer dans ce sens est qu’il n’existe
pas de lien trivial entre les mécanismes de surveillance micro-prudentielle et
macro-prudentielle. Les individus ou institutions privées (les établissements
bancaires ou les investisseurs financiers) agissent dans un objectif de rende-
ment le plus élevé possible en fonction des critères d’évaluation qui leur sont
propres mais qui sont fortement influencés par les opportunités du moment
observées sur les marchés. Ces opportunités sont en partie créées par les
modifications réglementaires et en partie par les comportements stratégiques
spontanés des agents sur les marchés. Les différentes activités financières
privées cherchent à utiliser les outils (produits, processus, etc.) disponibles
sur les marchés ou demandent aux intermédiaires financiers d’en offrir des
plus appropriés aux besoins spécifiques (innovations poussées par l’offre ou

n° 40 – innovations 2013/1 207


Faruk Ülgen

tirées par la demande). Dans ce cadre, les investisseurs utilisent les moyens
qui sont à leur portée afin de se couvrir contre les risques sous-jacents à leurs
investissements financiers. Mais ils ne sont pas en mesure de savoir avec
exactitude la portée de ces couvertures microéconomiques en cas de difficul-
tés systémiques. Ils ne peuvent pas non plus évaluer avec précision les effets
probables des déséquilibres macroéconomiques potentiels sur leur position
individuelle.
Par conséquent, la stabilité macroéconomique ne se trouve pas dans leur
champ d’action alors qu’à travers les interdépendances croissantes et com-
plexes créées par les innovations financières modernes, leurs comportements
affectent en permanence l’évolution macroéconomique en même temps que
les déséquilibres que cette dernière rencontre augmentent les effets poten-
tiels qu’un retournement des anticipations des marchés pourrait avoir sur
les situations individuelles indépendamment de l’état de leur solvabilité res-
pective. C’est ce que Schumpeter (1939) appelle l’incapacité du capitalisme
à s’autocontrôler, à s’auto-protéger de ses excès. En considérant la crise des
années 1930, Schumpeter précise que l’intervention de la Réserve fédérale
américaine afin de réglementer les activités financières spéculatives des ban-
ques et des grandes firmes, en centralisant les opérations d’open market de
la banque centrale et en établissant l’assurance des dépôts et les contraintes
qui en découlent pour les établissements bancaires, a permis de calmer la
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tempête.
Face à la crise actuelle, de nombreuses recherches (Brunnermeir et al.,
2009, Galati, Moessner, 2011) offrent des propositions différentes en vue de
réformer les systèmes financiers et les systèmes de régulation dans l’objectif
d’une plus grande stabilité des économies monétaires. Il est question d’ap-
profondir nos réflexions tant sur les déficiences des mécanismes de marché
(Jenkinson, Penalver, Vause, 2008) qu’en ce qui concerne les liens entre
la concurrence bancaire et financière et la stabilité financière (Carletti,
2008). Mais quelle que soit l’orientation choisie par ces recherches, un point
commun central en émerge. Il s’agit de la nécessité de revoir les principes
sur lesquels l’organisation des marchés financiers est fondée. Le débat sur la
question de savoir si l’on peut considérer les innovations financières comme
étant d’emblée des changements positifs dans les modalités de financement
des activités productives doit alors prendre en compte les spécificités de la
dynamique monétaire et financière des économies capitalistes, distinctes de
la dynamique Schumpétérienne d’évolution économique, fondée principa-
lement sur les innovations entrepreneuriales.

208 innovations 2013/1 – n° 40


Évolution économique et innovations financières

Conclusion
Schumpeter a insisté dans l’ensemble de son œuvre sur l’importance de
la monnaie et des marchés monétaires et financiers dans la réalisation des
activités innovantes, source majeure de développement économique. Toute-
fois, bien qu’il n’ait pas proposé d’analyse précise et détaillée sur la nature des
innovations financières, de nombreux travaux utilisent le schéma Schum-
pétérien de destruction créatrice en le transposant à la sphère financière en
vue d’affirmer que les innovations financières pourraient être pensées à la
manière des innovations entrepreneuriales Schumpétériennes. Les conclu-
sions qui en découlent avancent le caractère positif des changements sur
les marchés financiers dans le développement économique. Les nouveaux
produits et processus, offerts sur les marchés libéralisés, permettraient aux
agents à besoin de financement d’accéder à des modalités de financement
spécifiques, flexibles et mieux armées contre les risques. Non seulement la
capacité de financement de l’économie en serait accrue mais aussi la stabilité
économique trouverait un moyen approprié moins coûteux et plus efficace
par les mécanismes privés de marché de faire face à des situations de désé-
quilibres.
Toutefois, les difficultés récurrentes observées dans les différents systèmes
financiers de par le monde dans les trente dernières années remettent en
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cause ces affirmations. Les innovations financières ne semblent pas amélio-
rer, d’une façon durable et stable, les conditions de financement des activités
productives puisqu’elles sont davantage orientées vers des opérations spécu-
latives de court terme à haut rendement sans lien avéré avec les innovations
entrepreneuriales. Qui plus est, leurs effets sur les systèmes productifs se ré-
vèlent désastreux de par les crises qu’elles provoquent.
Dès lors, le problème qui apparaît consiste à savoir de quelle façon les
réformes envisagées dans le sillage de la crise actuelle devraient être conçues
et appliquées en vue d’assurer une plus grande stabilité macroéconomique
des économies ouvertes et interdépendantes sans toutefois entraver la dyna-
mique d’innovation entrepreneuriale. Une première orientation qui s’offre
à nous est de chercher les conditions réglementaires qui inciteraient les in-
novations financières à se développer dans l’objectif de financement à long
terme des activités nouvelles, génératrices d’emplois et de richesses, sans
dévier vers une dynamique purement spéculative et opportuniste d’un envi-
ronnement réglementaire relâché.
La complexité de la question ne doit cependant pas pousser les réflexions vers
des solutions de court terme qui viseraient à faire face aux difficultés présentes
sans questionner les faiblesses structurelles des systèmes financiers dominants.

n° 40 – innovations 2013/1 209


Faruk Ülgen

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