STEFAN STRASSER - Le Point de Départ en Psychologie Métaphysique
STEFAN STRASSER - Le Point de Départ en Psychologie Métaphysique
STEFAN STRASSER - Le Point de Départ en Psychologie Métaphysique
Author(s): S. Strasser
Source: Revue philosophique de Louvain, Vol. 48 (1950), pp. 220-238
Published by: Peeters Publishers
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/26333374
Accessed: 30-05-2022 20:51 UTC
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Revue philosophique de Louvain
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Le point de départ
en psychologie métaphysique
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Le point de départ en psychologie métaphysique 221
vérité on a déjà opté pour une des solutions par le fait même
qu'on parle de « psychologie rationnelle ». Car, au fond, que signifie
dans ce contexte l'appel à la ratio ? Evidemment on veut dire
que dans la discipline philosophique le progrès de la connaissance
se fait par des opérations toutes mentales, alors qu'en psychologie
empirique on fait appel aux données sensibles. La méthode en
philosophie consisterait donc en des raisonnements indépendants
des sens et de l'imagination, alors que l'empiriste serait obligé
de voir, d'écouter, d'observer, de compter et de mesurer. Ce critère,
nous le trouvons entre autres chez Marc. La « différence obvie,
la plus fondamentale entre la psychologie positive et la psychologie
rationnelle » est, selon lui, que « l'une observe le donné humain,
expérimente au besoin sur lui, tandis que l'autre travaille par le
raisonnement. Au lieu de demander des renseignements aux sens
ou aux instruments, qui les prolongent, elle recourt à la seule intelli
gence, laissée en somme à elle-même » (2). On pourrait cependant
douter de l'exactitude de ce principe. Est-il bien vrai que le psy
chologue empirique doive ses renseignements uniquement aux sens
et aux instruments ? Est-ce qu'il ne lui arrive jamais de raisonner ?
Est-ce que des opérations mentales ne sont pour rien dans le progrès
de la science positive ? En d'autres termes : la psychologie empi
rique serait-elle irrationnelle ou bien déraisonnable ? Quiconque con
naît la pratique de l'observation et de l'expérimentation systéma
tiques, préparées, conduites et suivies par de nombreux raisonne
ments — déductifs aussi bien qu'inductifs — ne s'aviserait certaine
ment pas de poser cette question.
Est-il d'autre part certain que le philosophe ignore entière
ment le donné humain ? L'expérience — dans un sens large —
ne jouerait-elle aucun rôle dans sa recherche ? Les œuvres des
philosophes — y compris celle de Marc — prouvent le contraire.
Du reste nous doutons fort qu'une intelligence humaine, laissée à
elle-même, réussirait à trouver quoi que ce soit.
Voilà les raisons pour lesquelles nous hésitons à nous servir du
terme « psychologie rationnelle » pour marquer le contraste avec
la recherche empirique.
Des objections analogues pourraient être faites contre le terme
de psychologie spéculative. A. Lalande note deux significations du
mot spéculation : « A. Pensée n'ayant d'autre objet que de connaître
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par exemple, à étudier la vie des plantes d'abord et celle des ani
maux ensuite pour comprendre l'aspect organique de notre être.
Or, si nous nous demandons ce que nous savons de la vie des
plantes comme vie immanente, nous sommes contraints d'avouer
que ce n est pas grand'chose. — Avons-nous la moindre idée de
ce qui se passe, par exemple, dans un tournesol, quand il ouvre
ses pétales à la lumière ? Ressent-il quelque chose ? A-t-il une sen
sation de plaisir ? « Veut »-il quelque chose ? — Aucune réponse
valable ne saurait être donnée à de pareilles questions. Mais alors,
est-il bien utile d'étudier la vie immanente des plantes pour com
prendre notre vie intime à nous ?
4° La « méthode cosmologique » nous laisse dans l'embarras
dès qu'il s'agit de caractériser l'unité de la vie humaine. Malgré
eux, certains auteurs semblent suggérer que la vie végétative de
l'homme est exactement semblable à celle des plantes, sa vie sensi
tive à celle des animaux. « Homo enim inter terrestres substantias
locum occupons », écrit Liberatore, « non modum existentiam cum
rebus omnibus, üerum etiam viüere cum arbustis, sentire cum ani
mantibus, intelligere cum spiritibus commune habet n <27). La con
ception fausse de Liberatore se retrouve sous des formes très diverses
chez plusieurs néoscolastiques modernes. Citons par exemple H. Col
lin qui écrit : « La psychologie, au sens restreint,... est la science
des vies sensible et intellectuelle considérées principalement chez
l'homme » <2S). Selon Collin l'homme disposerait donc de plus d'une
vie.
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gaafde wezens als zodanig »] (31). M. Mäher, lui aussi, ne doute pas
que « the subject matter of empirical psychology is conscious
ness'» (32>. B. Boedder partage à peu près cette opinion, quand il
écrit : « Fons Primarius psychologiae est conscientia quam habemus
non solum jactorum quibus se manifestant duae vitae superiores
intellectiva et sensitiva, sed etiam effect um, quos vita vegetativa
pro variis suis statibus in utramque vitam superiorem exercet » <33).
11 est clair que cette conception de la psychologie doit se heurter
à une critique qui, cette fois, ne concerne pas seulement la méthode
mais aussi sa base métaphysique. Cette critique nous n'avons plus
à la faire. Déjà D. Mercier a reconnu le caractère dualiste des
thèses métaphysiques sous-jacentes à une pareille psychologie.
« Cette conception étroite de la psychologie remonte à Des
cartes », écrit-il. « Le philosophe français avait réparti le monde en
deux vastes catégories, celle des corps ayant pour essence l'étendue,
et celle des êtres simples et spirituels, ayant pour essence la pensée,
prise dans un sens général, pour désigner à la fois tous les faits
internes... En conséquence, pour la plupart des psychologues mo
dernes, la méthode propre à la psychologie est l'introspection, l'ob
servation intérieure exclusivement. Or, cette opposition, d'origine
cartésienne, entre le « psychique » et le « physique » s'inspire d'un
préjugé antiscientifique : Descartes et ceux qui le suivent supposent
donné qu'il y a en nous une âme réellement distincte du corps :
une âme consciente de ses actes de pensée, un corps inconscient
de ses opérations physiques et physiologiques. Or qu'en savons
nous ? La donnée immédiate de la conscience est que l'homme
pense, comme l'homme travaille des mains... 11 est un être un qui
vit, sent, pense » (34).
Ajoutons encore que la psychology expérimentale contempo
raine a, de son côté, abandonné le pojnt de vue de Wundt, de
Lipps et de l'école de Würzburg. Dès lorç la position de la psycho
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vécues par l'auteur lui-même ? Non. Ce sont des récits, des descrip
tions cliniques, des conclusions inductives tirées de certaines expé
riences par M. Blondel, L. Arnould, H. Delacroix, F. J. J. Buyten
dijk. 11 s'agit donc de rapports objectifs par excellence, composés
soit par des psychologues empiriques, soit par des philosophes qui,
dans les cas en question, ont pris l'attitude du psychologue.
Cette tendance empirique est encore accentuée par l'étrange
« leçon des faits », insérée dans le chapitre sur la connaissance
humaine <45). On se demande ce que signifie cette collection de
témoignages. Il en ressort, il est vrai, que certaines personnes ont
parfois eu l'impression « de devenir ce qu'elles voyaient ». Est-ce
que Marc considère ce fait-là comme une preuve de la vérité méta
physique de l'union entre connaissant et connu ? Ne serait-il pas
bien facile de trouver dans la littérature mondiale autant de témoi
gnages contraires ? De citer d'innombrables auteurs qui, dans un
moment de leur vie, ont eu l'impression de contempler quelque
chose d'entièrement étrange, d'hostile et d'impénétrable ? Du point
de vue de la méthode il faut constater que, quiconque s'efforce
de prouver ses thèses par des enquêtes et des collections de « cas »,
se trouve sur le plan de l'induction empirique.
4° L'objection la plus importante contre la méthode que Marc
applique en réalité se tire encore d'une infidélité à son propre pro
gramme. Selon lui le système doit naître et grandir « comme un
organisme : littéralement il s'enfante, car il est l'inverse d'une juxta
position de concepts mis côte à côte et reçus tout formés... Vous
assistez à leur naissance... » (46). Si Marc avait tenu cette promesse,
nous serions les premiers à nous joindre sans réserve aux éloges
enthousiastes de certains critiques. Cependant nous sommes obligés
de constater qu'il n'en est rien. Il suffit d'examiner le début même
des recherches, voire les trois premières pages du premier para
graphe. Nous y trouverons, à notre grand étonnement, les notions
« animal », « homme », « éducation », « communication », « expres
sion », « normal », u conscience » (47), « pathologique », « faculté »,
« corps », « univers » (48), « progrès moral », « progrès intellectuel »,
« convention », « évaluation », « idée », « désir », « instinct », « sen
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Le point de départ en psychologie métaphysique 235
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236 Stefan Strasser
Dès lors nous nous trouvons engagés dans une dialectique qui
revêt un caractère de nécessité. En voici quelques éléments essen
tiels : Je connais un objet, j'en ressens la valeur, je le désire, etc.
Je suis donc, en quelque sorte, présent à l'objet. Mais en même
temps il me faut constater que je connais l'objet comme l'autre.
Ce qui m'intéresse, ce qui me paraît désirable, c'est ce que je ne
suis pas. Or pour connaître l'autre comme autre je dois aussi impli
citement me connaître comme moi. Si je cherche à atteindre ce
que je ne suis pas, c'est que je me possède déjà d'une façon non
intentionnelle. Mais cette coïncidence primordiale avec moi-même
ne peut être explicitée que grâce à mon orientation vers des objets
mondains. Je suis donc présent à moi-même grâce à ma présence
à ce que je ne suis pas. Mais je suis d'abord — quoique de façon
implicite — présent à moi simplement et immédiatement, sinon le
monde et l'autre n'existeraient pas pour moi. L'objet intentionnel
ne fait donc qu'actualiser cette auto-possession.
Or un être qui est purement et simplement présent à soi
même, est de nature spirituelle. Ce qui, au contraire, a besoin
d'autres êtres (ou d'une situation formée par d'autres êtres) pour
réaliser une certaine présence à soi-même, c'est un être matériel.
Moi, je suis un être un, je me maintiens comme pôle identique et
unique devant la multiplicité toujours changeante du monde. Et en
même temps je découvre en moi deux aspects foncièrement diffé
rents : l'un spirituel, l'autre matériel. Cette dualité dans l'unicité,
c'est le problème anthropologique par excellence.
;Nous commencerons donc à décrire le plus fidèlement possible
tout ce qui caractérise l'homme comme un être qui, malgré ses
états et ses activités variables, reste toujours le même être fini,
unique et autonome. Nous en dégagerons comme première évidence
ce que nous avons coutume d'appeler la « substantialité de l'homme ».
C'est là la thèse la plus fondamentale de toute la psychologie
métaphysique. Ensuite seulement l'analyse nous mettra en présence
de deux aspects opposés : l'aspect matériel et l'aspect spirituel.
A ce point, notre route va devoir bifurquer. Force nous sera
d'attaquer successivement l'analyse de ces deux aspects de l'exis
tence humaine. Nous caractériserons donc mon moi, d'une part,
en tant qu'il me permet de me tendre vers le monde matériel.
Cet aspect de mon existence se révélera, lui aussi, rempli de contra
dictions apparentes. Nous dénoncerons ces contradictions comme
celles de la substance non-subsistante, de l'unité multiple et de
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Le point de départ en psychologie métaphysique 237
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