Jules Massenet - Cendrillon - Libretto
Jules Massenet - Cendrillon - Libretto
Jules Massenet - Cendrillon - Libretto
PANDOLFE
Chez Madame de la Haltière (voulant paraître sévère)
(Vaste chambre; à droite grande cheminée avec Hein! qu'est-ce à dire?
son âtre. Rideau) (à part)
Au fond, ils ont raison!
SERVANTES & SERVITEURS (aux domestiques)
(2d Groupe: 2 sopranos et 2 barytons) Allez! allez! allez! on vous réclame!
On appelle! (avec empressement)
(1er Groupe: 2 sopranos et 2 ténors) Monsieur est si gentil!
On sonne! Monsieur est si gentil!
(2d Groupe)
On carillonne! On y va! MADAME DE LA HALTIÈRE
(1er Groupe) (les congédiant)
... on y va! on y va! C'est bon! c'est bon, c'est bon, oui,
(2d Groupe) (impatienté)
Voilà! voilà! c'est bon!
Que de scènes! que de cris! (Les domestiques s'éloignent avec force
Ah! nous sommes ahuris! salutations.)
(criant à tue-tête) ... oui, (de même) c'est bon!
On y va! on y va! on y va! on y va!
(entre eux) SERVANTES & SERVITEURS
O mon cher! (au moment de franchir la porte, ils se retournent,
O ma chère! tous ensemble, brusquement)
C'est une mégère, Mais Madame! ah! Madame!
Que cette femme là!
Scène II Enfin, je finirai par être maître!
(avec emportement)
PANDOLFE Enfin je serai maître!
Du côté de la barbe est la toute puissance... Enfin je serai maître!
Oui, je devrais le faire voir, Maître! Maître! Maître!
Et savoir obtenir de ma femme un peu
d'obéissance. LES DOMESTIQUES
Hélas! vouloir n'est pas pouvoir! Madame!
Pourquoi, grands Dieux, veuf et tranquille,
Vivant chez moi, loin de la ville, PANDOLFE
Exempt de soucis et d'émoi, (changeant de ton et avec épouvante)
Près de ma fillette adorable, Ma femme! hélas! partons!
Ai-je quitté ma ferme Vouloir n'est pas pouvoir!
(sans respirer)
et mes grands bois! (Il s'enfuit. Entrée de Mme. de la Haltière et de
(avec amertume et reproche) ses deux filles.)
Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi?
Pour m'en aller tenter le diable, MADAME DE LA HALTIÈRE
En étant le mari (à ses filles avec emphase)
Remari, très marri Faites-vous très belles, ce soir,
D'une comtesse fière et d'humeur redoutable J'ai bon espoir.
Qui m'apportait en dot,
(très expressif) NOÉMIE & DOROTHÉE
non! c'est épouvantable... Pourquoi, Maman?
Deux belles filles,
(avec effroi) MADAME DE LA HALTIÈRE
deux! Peut-on jamais savoir!
Hélas! mon sort est lamentable,
(avec trouble, comme en secret) NOÉMIE & DOROTHÉE
A les chérir je suis condamné par la loi! condamné Nous voudrions savoir... quel est votre espoir.
par loi!
Plaignez-moi! ombre de Philémon! MADAME DE LA HALTIÈRE
(s'apitoyant beaucoup) (avec ampleur)
plaignez-moi! Faites-vous très belles, ce soir.
Encore, si j'étais seul à gémir, mais non, (légèrement et vivement)
Pour toi c'est l'abandon, ô ma fillette! J'ai bon espoir.
Ah! que je souffre, en te voyant, Lucette, (à part)
Sans affiquets, ni collerette... Non, cela n'aurait rien qui me puisse surprendre...
Te cacher pour venir me donner un baiser,
Sans un regard... pour m'accuser. NOÉMIE & DOROTHÉE
Quand au logis seulette (à part, écoutant)
Je te laissé pendant le bal! Quoi donc?
En te voyant ainsi, ah! que je souffre!
O ma Lucette! MADAME DE LA HALTIÈRE
(expressif, des larmes dans la voix) (continuant, à elle-même)
que je souffre! Car c'est plus d'une fois
Que veux-tu, je sens que c'est mal, Que l'on a vu des Rois...
Mais, si ma femme gronde et rage,
Je tremble et je ne peux résister à l'orage! NOÉMIE & DOROTHÉE
(avec agitation et nervosité) (à leur mère)
Ce sera peut-être pénible, Quoi donc, Maman?
(en secret d'abord, puis, en dehors ensuite)
Il faudra bien qu'un jour, enfin, chez moi... NOÉMIE
Il faudra bien que je finisse par être maître! Plus d'un fois...
Un jour, enfin, chez moi, je finirai par être maître!
Un jour, enfin, chez moi, DOROTHÉE
Plus d'un fois... De votre taille!
NOÉMIE PANDOLFE
Oui, c'est charmant! (réplicant)
Sans compliment, En retard?
Oui, c'est charmant!
NOÉMIE, DOROTHÉE & MADAME DE LA
DOROTHÉE HALTIÈRE
Oui, c'est charmant! (affirmant)
Sans compliment! En retard.
LE FÉE LA FÉE
Ah! Ah!
Les moucherons, les scarabées,
VOIX LOINTAINES Egalent les scintillements!
Etonnante merveille! Eclairez son chemin avec des lucioles.
Tous est donc prêt.
LES SIX ESPRITS (à Cendrillon, toujours endormie)
Cendrillon, tu seras la beauté sans pareille! Eveille-toi, petite!
(Les Follets se groupent, attentifs, auprès de la
Fée.) LES FÉES
(à Cendrillon)
C'est ta marraine qui t'invite. Partez, partez, partez, madame la princesse
O Cendrillon! ô fleur d'amour! Partez, le cour content le front joyeux!
On t'attend au bal de la Cour!
Tes voeux sont exaucés. CENDRILLON
Tes voeux sont exaucés. (sur le point de partir, s'arrête et avec un
Éveille-toi! découragement soudain)
Éveille-toi! petite! Mais, hélas! c'en est fait déjà de mes bonheurs...
Éveille-toi!
LE FÉE
CENDRILLON Que dis-tu?
(en rêvant)
Enfin... CENDRILLON
Je connaîtrai le bonheur à mon tour... Ma mère et mes soeurs
On ne va pas au bal... à la Cour, en guenille... Sont à ce bal...
(s'éveillant) Je serai reconnue.
Que vois-je? ah! je! suis-je folle? Et...
(avec stupeur et joie en se voyant superbement
parée) LE FÉE
Est-ce de l'or qui brille? Calme tes vaines frayeurs.
A la place de mon haillon... Cette pantoufle, mignonne,
Cette robe splendide! Que je te donne
(riant aux éclats) Est un talisman précieux
Ah! ah! ah! ah! Qui rendra ma Lucette inconnue à leur yeux.
(vivement, gentiment) (gaiement)
Je ne suis plus Cendrillon En route maintenant.
Ni Lucette Le temps presse!
Je suis princesse,
(léger et vif, avec volubilité) LE FÉE & LES FÉES
je suis reine! je suis reine! reine! reine! Partez, partez, partez madame la princesse!
Ah!
(sans respirer) LE FÉE
merci! merci! Voici ton carrosse, princesse!
Bonne marraine!
CENDRILLON
LE FÉE (avec une joie naïve)
(à Cendrillon) Qu'il est joli! qu'il est petit!
Écoute bien.
Quand sonnera minuit, LE FÉE
Ici, je veux que tu sois revenue. Tous les Esprit, Lutins, Follets, seront à tes ordres!
Donc, par quelque plaisir que tu sois retenue,
Du bal tu partiras sans bruit. CENDRILLON
Je ris! je ris!
LE FÉE & LES SIX ESPRITS (avec une joie débordante)
Quand sonnera minuit. Ne fût-ce qu'une fois, qu'une heure dans ma vie!
LE PRINCE CENDRILLON
O céleste Inconnue! (tendrement et naïvement)
... ma main?
CENDRILLON
(vivement) LE PRINCE CHARMANT
Vous l'avez dit, je suis le rêve et dois panser Dans la mienne pressée...
Sans qu'il en reste trace...
Comme s'efface CENDRILLON
Un reflet du ciel... que l'on voit glisser ... ainsi?
Sur l'eau que le vent ride et pousse...
(sans retenir) LE PRINCE CHARMANT
Et qui bientôt ira se perdre dans la mousse... Oui... car si de
(vibrant)
LE PRINCE CHARMANT toi j'étais abandonné,
(avec fièvre) Lors, je serais ton prince infortuné...
Je te perdrais, moi, je te perdrais?
Non... non... plutôt le trépas... CENDRILLON
Qui que tu sois, partout, (à part, comme extasiée)
partout, je veux suivre les pas! Sa voix
(par une joie inconnue)
CENDRILLON est comme une harmonie
Non, je vais fuir, hélas! Qui ravit mon oreille et tient mon coeur charmé!
Et vous ne me reverrez pas! Sa voix tient mon coeur, mon coeur charmé!
Hélas! Oui, du seul souvenir de cette heure bénie,
Mon esprit restera... embaumé!
CENDRILLON
LE PRINCE CHARMANT (haletante et inquiète)
Reste! reste! Enfin, je suis ici...
Prends La maison est déserte...
(avec élan) A revenir... j'ai réussi...
pitié de mon coeur! Sans être découverte;
pitié! pitié de mon coeur! Mais que de peine, que de peine et de souci!
Reste et prends pitié de mon coeur alarmé! (bien chanté)
Eveille en mon esprit la douceur infinie, Fuyant dans la nuit solitaire,
(bien chanté, expressif) (avec vivacité)
Et le charme innocent de l'Avril embaumé pour Par les terrasses du palais, en courant
toujours... embaumé J'ai perdu ma pantoufle de verre!
Je t'aime et t'aime toujours! (avec chaleur)
Rien ne m'éloignera de toi... Marraine! Marraine!
Qu'importe l'heure! Ah! voudrez-vous me pardonner jamais?
(très pressant) (racontant avec émotion et animation)
il la faut oublier! A l'heure dite je fuyais... je fuyais...
Je suis à tes genoux pour te mieux supplier! Je voyais parmi les noires avenues...
Je t'aime! reste! Se dresser des statues...
Quel effroi! quel effroi!
CENDRILLON Si grandes... si blanches, sous des rayons de lune!
(avec égarement, surprise par l'heure qui sonne, à Leur yeux sans regards se fixaient sur moi...
part) (vivement, avec effroi)
Ah! je frissonne! déjà! déjà! l'heure qui sonne... Elles me montraient du doigt.
Mon Dieu! Se riant de mon infortune.
C'est l'heure! Ah! ah!
(anxieuse) (rire nerveux)
Ah! ah! ah! ah!
(Elle s'enfuit.) Ah! ah! ah!
Minuit! (son rire finit en sanglots)
Ah! ah! ah! Ah! ah! ah!
LE PRINCE CHARMANT Quel effroi! quelle effroi!
(avec saisissement et comme hors de lui) (changeant de ton et avec ardeur et conviction,
Suis-je fou? Suis-je fou? comme en une prière très émue)
(avec désespoir) Vous avez dû voir ma détresse,
Qu'est-elle devenue? (suppliante)
(On danse comme si rien ne s'était passé... Marraine! Marraine!
et tout s'aperçoit à travers un brouillard, à lui- (avec sentiment et émotion)
même, attendri) Pour tenir ma promesse,
Inconnue! qu'est-elle devenue? J'ai fait tout ce que je pouvais!
(avec douleur) (reprenant son récit)
O céleste Inconnue! Je courais...
Dans les profondeurs du jardin...
Je m'égarais...
Tout était sombre...
Acte III (comme essoufflée)
Et je courais toujours... toujours, toujours,
toujours!
Premier Tableau (presqu'avec un cri)
(Comme au premier Acte.) puis... m'arrêtais... soudain...
J'avais peur... j'avais peur...
Scene 1 (s'empressant de supplier sa Marraine)
Rideau. Vous avez dû voir ma
(avec ferveur)
(Cendrillon paraît.) détresse!
(suppliante)
Marraine! Marraine! déchaîné. Pandolfe essaie de se disculper, mais il
(avec sentiment et émotion) est accablé par les trois femmes.)
Pour tenir ma promesse,
J'ai fait tout ce que je pouvais! NOÉMIE, DOROTHÉE
(reprenant son récit) C'est vrai!
Ah! j'avais peur! peur de mon ombre...
Et je courais toujours! PANDOLFE
Interrogeant les horizons, Non!
Craignant partout des trahisons,
Je glisse, je glisse le long des maisons MME DE LA HALTIÈRE
N'osant pas traverser la place... C'est vrai!
(Carillon)
Un grand bruit éclate et me glace NOÉMIE, DOROTHÉE
De sinistres frissons... C'est vrai!
(changeant de ton et riant de bon coeur et aux
éclats) PANDOLFE
Ah! ah! ah! ah! Non!
(très gai, en dehors)
C'était le carillon, le Carillon du Beffroi! MME DE LA HALTIÈRE
(avec gaîté et entrain) (à Pandolfe, furibonde)
Ah! C'est vrai! C'est vrai!
(bien chanté) Vous êtes, je vous le déclare,
Réconfortant mon coeur, Un sot, un faquin, un ignare,
Il me disait en son langage, Un portefaix,
Ah! (avec volubilité)
(bien chanté) Un grand dadais,
Il me disait: je veille! Un pauvre Sire,
(tendrement) J'ose le dire...
je veille, je veille. Vous avez le front de nier
(avec ardeur) Que cette fille,
Reprends courage! courage! allons! courage! Cette guenille,
Va! Cette guenon,
(découragée, subitement) Cette chiffon,
Mais c'en est fait, hélas! (avec volubilité)
(regardant tristement autour d'elle) Que vous dirai-je encore,
du bal et des splendeurs! Rien, Rien, en un mot, et moins que rien...et
Et je n'entendrai plus les paroles si tendres moins que rien...
Qui me berçaient d'espoirs menteurs!
(Machinalement elle se rapproche de la cheminée NOÉMIE & DOROTHÉE
et montrant le foyer éteint) (toutes deux: avec admiration)
Mon bonheur s'est éteint... il n'en reste... que Ah! maman! que vous parlez bien!
cendres! Ah! maman! que vous parlez bien!
Résigne-toi,
Petit grillon, résigne-toi. MME DE LA HALTIÈRE
(comme sortant d'un rêve, subitement, avec (reprenant ses injures)
frayeur) ... moins que rien!
Ah! j'entends revenir mes parents et mes soeurs!
A tous il faut cacher mes pleurs... NOÉMIE & DOROTHÉE
(à Pandolfe, en l'accablant)
(Elle se sauve dans sa chambre.) C'est vrai!
PANDOLFE CENDRILLON
Je vous jette à la porte. Matines!
Le soir nous entendrons du Rossignol
MME DE LA HALTIÈRE des nuits le chant si doux et frais...au profond des
(violemment, à Pandolfe) forêts...
Rétractez, insolent!
CENDRILLON & PANDOLFE
PANDOLFE Nous quitterons cette ville
Le diable vous emporte! Où j'ai vu s'envoler... ta (ma) gaîté d'autrefois...
(avec sentiment)
NOÉMIE, DOROTHÉE & MME DE LA Là!
HALTIÈRE Nous serons heureux!
(3me crise; cri aigu et prolongé des trois femmes Bien heureux!
qui sortent comme des furies) Tous les deux! là-bas!
Ah!
CENDRILLON
Scène 3 (plus alerte)
Maintenant, je suis mieux et je me sens renaître... (simple et triste)
Tu peux me laisser seule. je ne vous verrai plus!
(allant à la cheminée)
PANDOLFE Ni toi, ma place familière...
(affectueusement) (détachant la petite branche pendue à la
Oui, si tu veux promettre cheminée; simple et religieux)
De ne plus être triste Que je t'embrasse encor, tout séché, tout jauni...
(comme un tendre reproche) Relique d'un beau jour, humble rameau béni.
et de ne plus pleurer; (avec un sentiment très profond)
(avec une résolution attendrissante) Ah! comme on aime ce que l'on quitte!
Pour nous sauver d'ici je vais tout préparer! (simple et triste)
Oui... Et toi, le grand fauteuil
(en s'éloignant doucement) Où, quand j'étais petite,
nous quitterons cette ville... Je courais me blottir bien vite...
Frileusement...
CENDRILLON Sur les genoux de ma maman...
(se jetant dans les bras de son père) (très attendrie)
Là! là! nous serons heureux! De maman... de maman... si bonne et si jolie!
Bien heureux! Tout les deux! (très caressant)
Qui fredonnait en me berçant:
PANDOLFE «C'est l'Angélus,
(revenant avec élan vers Cendrillon) Dors, mon petit ange,
Là! là! nous serons heureux! Dors comme Jésus
Bien heureux! Tout les deux! Dormait dans la grange.»
(parlé en sanglotant)
Scène 4 Maman! Maman! Maman!!
(Le tonnerre gronde, l'éclair brille, avec un subit
(Cendrillon, seule, regardant encore par où son désespoir; à volonté)
père est parti semble oppressée, troublée, Ah! puisque tout bonheur me fuit,
indécise) Montant par les roches sacrées,
(hardiment)
CENDRILLON Sans crainte j'irai dans la nuit,
(avec une résolution subite) Malgré les revenants et le follet qui luit...
Seule je partirai, mon père; (avec décision)
Le poids de mon chagrin serait trop lourd pour toi. J'irai mourir, mourir sous le chêne des fées!
Je ne veux pas te voir souffrir de ma misère! (Cendrillon s'enfuit rapidement.)
Mais... je ne peux plus vivre...
Il a douté de moi... Tableau II
Lui! mon doux Maître et mon seul Roi!
Lui que j'adore! il me renie... et me repousse! Chez la Fée
Pourtant sa voix était douce... (Un grand chêne au milieu d'une lande pleine de
Pourtant, ses yeux étaient bien doux! genêts en fleurs. Au fond: la mer - nuit claire -
(expressif et tendre) lumière très bleutée.)
O mes rêves d'amour, mes rêves d'amour
Hélas! VOIX DES ESPRITS
(sans retarder) (choeur invisible, bouche fermée, effet lointain,
envolez-vous! mystérieux, à obtenir de l'ensemble des voix, selon
(très attendrie et simplement) la nuance qui sera choisie par le chef des
Adieu, mes souvenirs de joie... et de souffrance choeurs.)
Qui, malgré tout, me parliez d'espérance!
(expressif) LA VOIX DE LA FÉE
Témoins et compagnons de mon si court destin! Ah! ah!
Adieu! adieu, mes tourterelles Fugitives chimères,
Pour qui chaque matin, O lueurs éphémères,
J'allais, par les venelles, Ames ou follets,
Cueillir le vert plantin... Ames ou follets,
Glissez! sur les bruyères, (1er Groupe, qui ont accouru)
Flottez sur les genêts! Mais là-bas! au fond de la lande obscure,
Par le chemin on voit venir,
VOIX DES ESPRITS Sur le doux tapis de verdure,
(sopranos) Une enfant qui semble gémir...
Fugitives chimères, O lueurs passagères, (2d Groupe, qui accourent)
(2e sopranos, contraltos, tenors, basses) Regardez! au fond de la lande obscure!
Flottez, Glissez! Glissez!
LA FÉE
LA VOIX DE LA FÉE (dans les branches du chêne)
Cher follets, brillez, Et de l'autre côté...
Cher follets, glissez! Voyez-vous pas, mes soeurs,
Ce pauvre garçon tout en pleurs?
VOIX DES ESPRITS
(sopranos) LES 2 GROUPES REUNIS
Ames ou follets, ames ou follets! Regardez! au fond de la lande obscure...
(2e sopranos)
Ames, Ames! LE FÉE
(contraltos, tenors, basses) Regardez!
Follets, Follets!
LES 2 GROUPES REUNIS
LA VOIX DE LA FÉE (les six Esprits: entre eux)
Ah! Ah! Ce sont de jolis amoureux...
Comme ils sont malheureux!
VOIX DES ESPRITS D'ombre voilées...
(sopranos) Invisibles pour eux,
Glissez sur les bruyères, Mes soeurs, écoutons bien leurs plaintes désolées.
Flottez sur les genêts!
(2e sopranos, contraltos, tenors, basses) LE FÉE
Glissez, (étendant le bras avec autorité)
Et flottez! Afin qu'ils ne puissent se voir,
O fleurs, obéissez au magique pouvoir!
LA VOIX DE LA FÉE Entre le prince et son aimée,
Ah! Ah! Ah! Glissez! glissez! Fermez-vous, muraille embaumée!
Flottez sur les genêts! (La Fée se retire doucement dans les branches et
revient invisible)
VOIX DES ESPRITS Ah!
(sopranos)
Glissez sur les bruyères, Scène 2
Flottez!
(2e sopranos, contraltos, tenors, basses) (Cendrillon et le Prince Charmant arrivent
Glissez, chacun de leur côté. Ils s'agenouillent sans se
Et flottez! voir. Ils sont séparés par une haie de fleurs. Et ils
adressent leur prière à La Fée.)
DANSE SILENCIEUSE DES GOUTTES DE
ROSÉE CENDRILLON
LA VOIX DE LA FÉE (simple et fervent)
Flottez! A deux genoux,
Bonne Marraine, à deux genoux,
VOIX DES ESPRITS J'implore mon pardon de vous,
(sopranos, contraltos, en riant) Si je vous ai fait moindre peine.
Ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah! A deux genoux, je vous implore à deux genoux,
(tenors, basses) Si je vous ai fait moindre peine.
Ah! Ah! Bonne Marraine!
Je viens à vous!
TROIS ESPRITS
LE PRINCE CHARMANT Puissante
Je viens à vous, Reine, ayez pitié!
Puissante Reine, je viens à vous, Je vous implore à deux genoux! à deux genoux!
Et vous demande à deux genoux (à Cendrillon, toujours invisible pour lui, avec
De vouloir terminer ma peine. effusion)
Je viens à vous, je vous implore à deux genoux, Suis-je assez malheureux!
Voulez-vous terminer ma peine. (bien chanté, avec ardeur)
Puissante Reine! Mais celle que j'aime est si belle
Je viens à vous! Que tu dirais, voyant ses yeux:
(à La Fée, avec âme) Pas une étoile n'étincelle
Vous qui pouvez tout voir Plus pure
Et tout savoir, (avec élan)
Vous n'ignorez pas ma souffrance... au firmament des cieux!
Vous n'ignorez pas comment, (avec bravoure)
Pendant un trop court moment, Asservissant la terre et l'onde,
Du plus divin bonheur j'ai conçu l'espérance! Pour la revoir et la chérir,
(avec chaleur et conviction; bien chanté, Pour la reconquérir,
expressif) Je soumettrai le
Ce bonheur, je l'ai vu de mes yeux! (fièrement)
Ce fut un éclair radieux monde! le monde!
Dont mon âme fut traversée...
Dont mon regard fut ébloui. CENDRILLON
Hélas! (palpitante et avec élan)
En un instant, tout s'est évanoui... Vous êtes le Prince Charmant!
Tout! hélas! Tout!
LE PRINCE CHARMANT
CENDRILLON (plus palpitant encore)
(qui a écouté palpitante) Et toi? toi qui as eu pitié de ma détresse extrême,
Une pauvre âme en grand émoi Qui donc es-tu, m'interrogeant?
Est là qui prie et désespère...
(très attendri et avec fièvre) CENDRILLON
Puisqu'il n'est plus pour moi (toute émue)
Que tristesse et misère, Je suis Lucette qui vous aime.
(encore plus expressif)
Que je souffre en rachat de ce coeur tant meurtri, LE PRINCE CHARMANT
(à La Fée, avec dévouement) (avec ivresse)
Marraine, frappez-moi, mais que lui soit guéri! Ineffable ravissement!
PANDOLFE PANDOLFE
(expressif) ... et sans trêve...
Pauvre enfant, tu souffrais!
J'épiais les moindres paroles... CENDRILLON
Je vivais comme dans un rêve...
CENDRILLON Et je parlais?
Et je parlais?
PANDOLFE
PANDOLFE Comme dans un rêve, et tu parlais de riche parure,
(gaîment)
Si tu parlais! CENDRILLON
(attentive)
CENDRILLON ... d'un petite coeur sanglant...
(anxieuse)
Je parlais... PANDOLFE
(insistant avec bonhomie)
PANDOLFE ... et surtout du Prince Charmant!
Du bal de la Cour... oui, vraiment!
(en se moquant d'elle, mais très gentiment) CENDRILLON
Tu parlais du Prince Charmant, (insistant)
Du Prince que tu n'as jamais vu seulement... ... du Prince?
Tu parlais de brillant avenir,
(gaîment) PANDOLFE
et de promesses folles... (en riant)
(avec emphase) Que tu n'as jamais vue seulement!
D'un grand chêne enchanté...
(changeant de ton) CENDRILLON
D'un petit coeur sanglant... Je croyais aux lutins...
(vivement et comme se souvenant subitement)
D'une pantoufle en verre! PANDOLFE
(éclatant de rire) ... qui traînaient ta voiture!
(du balcon, à ses amies, joyeusement)
CENDRILLON Merci, je vais bien et m'apprête
Je croyais aux lutins! Avec mon père à descendre au jardin.
(plus retenu et expressif) (heureuse et comme transfigurée)
Rien de cela n'est arrivé... Printemps revient,
Printemps revient en ses habits de fête!
PANDOLFE Allons cueillir la pâquerette
(la calmant) Et les muguets au fond du bois...
Oui, tout cela tu l'as rêvé!
PANDOLFE
CENDRILLON Au fond du bois.
(plus expressif)
Rien de cela n'est arrivé! CENDRILLON
Les ramures sont en émois!
PANDOLFE Printemps revient!
Oui, tout cela tu l'as rêvé! Printemps revient!
PANDOLFE CENDRILLON
Oui, tout cela tu l'as rêvé! tu l'as rêvé! Charmés les yeux! charmés les coeurs!
CENDRILLON PANDOLFE
(simplement) (sans respirer)
Mon papa... j'ai rêvé... Charmés les yeux! charmés les coeurs!
PANDOLFE CENDRILLON
Oui! tout... Les frelons butinent les roses;
Les près semblent brodés de fleurs, brodés de
Scène 2 fleurs,
Les marjolaines sont écloses!
VOIX DE JEUNES FILLES (avec élan)
(voix au loin, chanter à pleine voix et obtenir, par Printemps revient
la place, dans les coulisses, l'impression voulue (à ses amies)
du lointain) Au revoir!
Ah!
(même impression à obtenir) PANDOLFE
Ah! Voici l'Avril!
(avec fraîcheur et gaîté très rythmé) Tout est en fête, voici l'Avril!
Ouvre ta porte et ta fenêtre, C'est l'Avril joyeux qui revient!
Ouvrez-les, mais pas à demi...
Ouvrez pour que l'Avril ami VOIX DES JEUNES FILLES
Chez toi pénètre! (les voix devront sembler déjà éloignées)
Ouvrez pour Ouvre ta porte et ta fenêtre,
(plus près) Ouvre -les, mais pas à demi!
Ouvre ta porte, que l'Avril ami Ouvre pour que l'Avril ami
Chez toi pénètre! Chez toi pénètre!
Ouvre ta porte, c'est l'Avril! (plus éloignés)
(sous le balcon de la terrasse) Ouvre ta porte, c'est l'Avril!
Ouvre la porte, c'est l'Avril! (très éloignés)
(très accentuée) Ouvre ta porte, c'est l'Avril!
Comment vas-tu ce matin, Lucette?
PANDOLFE
CENDRILLON (avec effroi)
Ah! c'est ma femme qui j'entends... (avec un gracieux sourire)
Pour éviter cris et gourmandes, mes deux filles et moi,
(de bonne humeur) Nous rendant au palais pour saluer le Roi.
Viens! retrouvons tes camarades! (en extase)
Profitons du beau temps... Voyez! voyez!
(il emmêne doucement Cendrillon) (s'exaltant)
Tous les chagrins sont finis, je l'espère... c'est nous, c'est moi;
nous saluons
CENDRILLON (en faisant un grande révérence)
(en sortant avec lui) le Roi!
Comme vous êtes bon, mon père! (Trompette à l'extérieur)
(préoccupé à part, au moment de disparaître avec C'est le héraut du Roi!
son père)
Hélas! j'ai rêvé... NOÉMIE, DOROTHÉE & SERVITEURS
C'est le héraut du Roi!
Scène 3
MME DE LA HALTIÈRE
(Entrée tumultueuse de Mme. de la Haltière et (bousculant ceux qui encombrent)
d'un groupe de serviteurs.) Eh bien! s'il vous plaît après moi!
MME DE LA HALTIÈRE
(très exaltée)
Lucette que j'adore!
PANDOLFE
(au public - à part)
Ici tout finit bien!
TOUS
(au public)
La pièce est terminée.
On a fait de son mieux
Pour vous faire envoler par les beaux pays bleus.
Rideau