Prise en Charge Du Diabète Au Maroc
Prise en Charge Du Diabète Au Maroc
Prise en Charge Du Diabète Au Maroc
This paper presents the results of the Moroccan T1DM and T2DM data collected at (Strengthening the reporting of observa-
the cross-sectional part of Wave 2 of IDMPS. Data were collected on a case report tional studies in epidemiology) [6].
form from general practitioners and endocrinologists-diabetologists in 215 patients La deuxième vague de l’étude transver-
with T1DM and 509 patients with T2DM. It included demographic and socioeconomic sale a été réalisée dans 27 pays, dont le
profile in addition to diabetes management and metabolic control. Maroc. Les médecins participants à cette
Thirty-four to sixty-three percent had never been screened for diabetes complica- étude ont été invités à inclure les cinq
tions during the previous year. Twenty-five percent of diabetic patients never had A1C premiers patients diabétiques de type 1
measurements. Among patients with diabetes, only 20.8% (T1DM) and only 30.9% et les 10 premiers patients diabétiques
(T2DM) had reached the HbA1c < 7% target recommended by the American diabetes de type 2 adultes se présentant à la
association (ADA) and the European association for the study of diabetes (EASD), while consultation et ayant donné leur consen-
0.6% of T1DM and 0.4% of T2DM patients only attained all three recommended targets tement pour participer à cette étude. Les
(blood pressure < 130/80 mmHg, LDL cholesterol < 100 mg/dl, and A1C < 7%). 32% patients participant à un essai clinique ou
of T1DM and 11% of T2DM patients reported absenteeism at work due to diabetes of traités par insuline sur une période courte
a mean duration of more than 14 days during the last 3 months. sont exclus de cette étude. Le diabète a
The majority of patients did not attain the recommended target glycemic level. This été défini selon les critères de l’Organisa-
indicates the presence of a gap between the international guideline recommendations tion mondiale de la santé (OMS) [7].
and the actual practices in Morocco and the necessity of developing a strategy to
improve the quality of management of diabetes. Recueil des données
Les données recueillies comportaient
le profil socio-économique et démogra-
Key-words: phique, les antécédents médicaux, les
Management – Glycemic control – Diabetes – Morocco. médicaments consommés, le contrôle
glycémique, la pression artérielle et
le statut lipidique, l’autosurveillance,
l’accès à l’éducation, le mode de suivi,
Introduction étude observationnelle internationale et l’absentéisme et l’hospitalisation. Il était
multicentrique comprenant cinq vagues demandé au médecin de répondre, par
Le diabète est un problème majeur successives étalées sur 5 ans. Elle a pour l’affirmative ou la négative, à trois ques-
de santé publique par sa prévalence but de décrire les pratiques actuelles de tions : « Est-ce que le patient a atteint le
importante et croissante d’une part, et prise en charge de la population diabé- niveau de contrôle glycémique ? », « le
son impact socio-économique d’autre tique en Afrique, Asie, Europe de l’est, patient présente-t-il une hypertension
part [1]. De ce fait, le diabète constitue Amérique latine et Moyen-Orient. Elle artérielle ? » et « le patient présente-t-il
actuellement l’une des pathologies le inclut, aussi comme objectifs, l’évaluation une dyslipidémie ? ». Les critères d’éva-
plus préoccupantes, tant dans les pays des progrès cliniques, l’observance selon luation incluaient l’atteinte de trois objec-
industrialisés que dans les pays en déve- les recommandations internationales, la tifs thérapeutiques, définis par un taux
loppement. réalisation des objectifs thérapeutiques, d’HbA1c < 7 %, une pression artérielle
Actuellement, au Maroc, pays en pleine et le taux d’hospitalisation et d’absen- systolique < 130 mm Hg et diastolique
phase de transition démographique, téisme. La présente étude, qui consti- < 80 mm Hg, et un taux de LDL-choles-
nutritionnelle et épidémiologique [2, 3], le tue le volet marocain de l’étude IDMPS térol < 1,00 g/l [8].
diabète s’annonce comme un important 2e « Vague Phase » transversale, a pour
enjeu de santé publique et représente un objectif de décrire les pratiques actuel- Sélection des médecins
défi auquel les médecins sont confron- les en matière de prise en charge de la et échantillonnage
tés dans leur pratique quotidienne. Une population diabétique. Les diabétologues, les endocrinologues
prise en charge rigoureuse de la maladie et les médecins généralistes ayant une
diabétique s’impose. Elle inclut, outre le expérience en insulinothérapie ont été
contrôle de l’ensemble des facteurs de Méthodes invités à participer à l’étude IDMPS. Le
risque associés, le contrôle glycémique nombre des médecins par pays a été
qui représente un objectif thérapeutique L’étude IDMPS est une étude observa- estimé en se basant sur le pourcentage
majeur. Bien qu’il soit établi clairement tionnelle comprenant cinq vagues étalées des diabétiques de type 2 traités par
que l’amélioration du contrôle glycémi- sur 5 ans. Chaque vague est composée insuline.
que ralentit la progression des complica- de 2 semaines pour la période transver-
tions liées au diabète [4, 5], les facteurs sale et de 9 mois de suivi longitudinal. Un Analyse statistique
qui sont associés à un meilleur contrôle intervalle de 3 mois sépare la fin du suivi Dans un premier temps, une analyse
glycémique restent relativement peu étu- longitudinal et le début de la vague sui- descriptive a été effectuée pour les
diés dans la littérature médicale. vante. Cette étude est originale par son diabétiques de type 1 et de type 2.
L’étude International Diabetes Mana- pragmatisme dans la mesure où elle suit Dans un deuxième temps une analyse
gement Practice Study (IDMPS) est une les recommandations actuelles STROBE comparative des patients, selon l’at-
teinte de l’objectif glycémique ou non, 37 ± 16 ans ; 102 (47 %) étaient de sexe (43,9 %) de ces diabétiques avait une
a été effectuée chez les diabétiques de masculin. L’indice de masse corporelle pression artérielle < 130/80 mm Hg et
type 1, chez ceux de type 2 traités par (IMC) moyen était de 24 ± 4 kg/m2. Le tour 31,5 % avaient un taux de LDL-choles-
antidiabétiques oraux (ADO), ainsi que de taille moyen était de 86,6 ± 13,0 cm térol < 1,00 g/l. Un seul patient parmi
chez ceux traités par insuline associée chez les hommes et de 87,5 ± 11,8 cm ces diabétiques avait atteint les trois
ou non aux ADO. chez les femmes. La plupart des partici- objectifs. L’autosurveillance glycémique
Les variables continues résumées en pants résidaient en milieu urbain (92,6 %) ; était pratiquée par 57,2 % des patients
moyenne ± l’écart type ont été compa- 22 % étaient analphabètes et 54 % et 67,6 % ont reçu une éducation sur le
rées en utilisant le test t de Student ou n’avaient pas de couverture sociale. diabète. Seuls 45 diabétiques de type 1
une analyse de variance suivant les cas. L’ancienneté moyenne du diabète était (21,4 %) étaient membres d’une associa-
Les variables catégorielles ont été com- de 10 ± 8 ans. Plus de la moitié (52 %) tion de diabétiques (tableau II).
parées en utilisant le test du χ2. des patients diabétiques de type 1 avait Le mode de traitement et ses caracté-
Pour tous les tests, un degré de signifi- une histoire familiale de diabète. À cause ristiques sont présentés dans le tableau
cation p < 0,05 a été considéré comme du diabète, 6,5 % ont rapporté qu’ils III. 93 % des diabétiques de type 1 rece-
significatif. Toutes les analyses ont été étaient incapables de travailler et, parmi vaient une insuline et 7 % étaient traités
réalisées en utilisant le logiciel statistique ceux qui travaillaient, 31,6 % s’étaient par insuline et antidiabétiques oraux
SAS (version 8.02; SAS Institute, Cary, absentés de leur travail plus de 14 jours (ADO). Les pré-mélanges d’insuline, ou
NC, USA). durant les 3 derniers mois. Un total de prémix, sont les types d’insuline les plus
34 malades (17 %) a été hospitalisé au utilisés (42,8 %), suivis par une insuline
cours des 3 derniers mois. Entre 34 % basale (23,3 %). La moyenne des doses
Résultats et 63 % n’ont pas été dépistés pour une quotidiennes d’insuline variait entre 0,24
complication au cours de la dernière et 0,77 U/kg. L’équilibre glycémique ne
Au total, 215 patients diabétiques de type 1 année (tableau II). change pas selon le traitement par type
et 509 patients diabétiques de type 2 ont d’insuline, 74,6 % des patients qui ajus-
été recrutés par 48 médecins (42 spécia- Atteinte des objectifs, tent leurs doses d’insuline surveillent
listes en endocrinologie et/ou diabétologie autosurveillance glycémique eux-mêmes leurs glycémies contre seu-
et six médecins généralistes). et traitement lement 36,4 % de ceux qui n’ajustent
L’évaluation de l’atteinte de l’équilibre pas leurs doses d’insuline.
Patients diabétiques de type 1 glycémique a permis de noter que seu-
lement 20,8 % de l’ensemble des diabé- Perception par le médecin
Caractéristiques de la population du contrôle de la glycémie
tiques de type 1 avaient atteint l’objectif
incluse et des facteurs de risque
d’un taux d’HbA1c < 7 % conformément
Les caractéristiques sociodémogra- aux recommandations de l’ADA. 155 Les médecins affirmaient que 61 diabé-
phiques des 215 participants, patients patients (76,4 %) ont bénéficié d’un tiques de type 1 avaient atteint l’équi-
diabétiques de type 1, sont présentées dosage d’HbA1c dans les 12 mois pré- libre glycémique même si 14 patients
dans le tableau I. L’âge moyen était de cédant l’enquête. Moins de la moitié parmi eux (23 %) n’avaient pas réalisé
un dosage d’HbA1c.
Plus de la moitié des diabétiques de type 1
Tableau I : Caractéristiques sociodémographiques des diabétiques inclus selon le type de
diabète, type 1 (DT1) ou type 2 (DT2).
(56,1 %) avaient une pression artérielle
≥ 130/80 mm Hg. Selon les médecins
DT1 DT2 traitants (diabétologues et généralistes),
n = 215 n = 509 17,3 % des patients avaient une hyper-
Age (années) 37,5 ± 15,9 55,5 ± 10,2 tension artérielle et parmi eux, 91,9 %
Sexe (H/F), n (%) 102 (47,4) / 113 (52,6) 202 (40,1) / 302 (59,9) recevaient un traitement antihypertenseur.
IMC (kg/m2) 24,3 ± 4,1 27,9 ± 4,4 Parmi les patients qui présentaient une
Tour de taille (cm) dyslipidémie (12,6 % de l’échantillon de
Homme 86,6 ± 13,0 95,8 ± 10,3 diabétiques de type 1), 60,9 % étaient sous
Femme 87,5 ± 11,81 98,3 ± 11,2 traitement hypolipémiant (tableau II).
Niveau d’étude : n (%)
Analphabète 47 (22,1) 228 (45,4) Perception du contrôle glycémique
Primaire/secondaire 116 (54,5) 224 (44,6) par les praticiens et facteurs
Supérieur 50 (23,5) 50 (10,0) déterminants
Zone de résidence, n (%) Le taux d’HbA1c était significativement
Urbaine 199 (92,6) 475 (93,3)
plus bas (p < 0,001) chez les diabéti-
Rurale 16 (7,4) 34 (6,7)
ques de type 1 jugés par les médecins
Couverture médicale, n (%) 98 (45,6) 257 (50,7)
comme ayant atteint un équilibre glycé-
Données présentées sous forme de moyenne ± déviation standard, ou n (%). mique (7,05 ± 1,34 %) par rapport à ceux
IMC : indice de masse corporelle.
Tableau II : Caractéristiques cliniques, biologiques et atteintes des objectifs des diabétiques Patients diabétiques de type 2
inclus selon le type de diabète, type 1 (DT1) ou type 2 (DT2).
Caractéristiques de la population
DT1 DT2 de diabétiques de type 2 incluse
n = 215 n = 509
Caractéristiques cliniques et biologiques Les caractéristiques sociodémographi-
Ancienneté du diabète (années) 10,05 ± 8,04 7,39 ± 7,01 ques des 509 diabétiques de type 2
Histoire familiale du diabète 112 (52,3) 332 (66,3) ayant fait l’objet de l’étude sont présen-
HbA1c tées dans le tableau I. L’âge moyen était
- dosage de l’HbA1c effectué 155 (76,4) 379 (76,3) de 55 ± 10 ans et 202 (40 %) participants
- valeur (moyenne ± DS) 8,7 ± 2,1 8,0 ± 1,9 étaient de sexe masculin. L’IMC moyen
Plus d’une visite dans les 3 derniers mois : était de 28 ± 4 kg/m2. Le tour de taille
- par un médecin spécialiste 52 (29,4) 113 (26,6) moyen était de 95,8 ± 10,3 cm chez les
- par un médecin généraliste 6 (4,4) 14 (4,3)
hommes et de 98,3 ± 11,2 cm chez les
Èducation sur le diabète 138 (67,6) 256 (52,9)
femmes. La plupart (93,3 %) des par-
Membre d’une association de diabétiques 45 (21,4) 32 (6,5)
ticipants résidaient en zone urbaine ;
Tabac
45,4 % étaient analphabètes et 49 %
- fumeur 12 (5,6) 32 (6,3)
étaient sans couverture sociale.
- ex-fumeur 6 (2,8) 33 (6,5)
La durée moyenne du diabète était de
Autosurveillance glycémique 119 (57,2) 160 (32,2)
7,4 ± 7,0 ans ; deux tiers des diabétiques
Dépistage pour :
- maladies cardiovasculaires 89 (47,6) 243 (54,9)
de type 2 avaient une histoire familiale de
- rétinopathie 123 (65,8) 257 (58,3) diabète (tableau II). À cause du diabète,
- neuropathie 85 (44,5) 199 (44,5) 2 % se disaient incapables de travailler et
- microalbuminurie 106 (56,4) 219 (49,5) parmi ceux qui travaillaient 10,8 % avaient
- examen des pieds 69 (37,1) 190 (41,7) été absents plus de 14 jours en moyenne
- dyslipidémie 83 (45,6) 232 (54,2) durant les 3 derniers mois. Un total de 32
Hypertension artérielle (HTA) (6,8 %) diabétiques de type 2 avaient été
PAS < 130 mm Hg et PAD < 80 mm Hg 94 (43,9) 92 (18,2) hospitalisés au cours des 3 derniers mois,
PAS ≥ 130 mm Hg et/ou PAD ≥ 80 mm Hg 120 (56,1) 414 (81,8) surtout pour un accident vasculaire céré-
Est-ce que le patient souffre d’HTA ? bral. La complication la plus fréquemment
- Oui 37 (17,3) 219 (44,1) dépistée au cours de l’année écoulée chez
- Non 177 (82,7) 278 (55,9) les diabétiques de type 2 était la rétino-
Traités pour HTA 34 (91,9) 205 (93,6) pathie (58,3 %). La complication la moins
Dyslipidémie dépistée dans ce groupe était l’ulcère des
Est-ce que le patient souffre de dyslipidémie ? pieds (41,7 %) (tableau II).
- Oui 23 (12,6) 138 (33,4)
- Non 159 (87,4) 275 (66,6) Atteinte des objectifs,
Traités pour dyslipidémie 14 (60,9) 103 (74,6) autosurveillance glycémique
Objectifs atteints et traitement
HbA1c < 7 % 32 (20,8) 116 (30,9)
Les trois quarts des diabétiques de type
Pression artérielle < 130/80 mm Hg 94 (43,9) 92 (18,2)
2 (76,3 %) avaient bénéficié d’un dosage
LDL-Cholestérol < 1,00 g/l 17 (31,5) 49 (24,1)
de l’HbA1c au cours de l’année écoulée
HDL-Cholestérol > 0,40 g/l 36 (66,7) 114 (59,4)
et 30,9 % avaient atteint l’objectif recom-
Triglycérides < 1,50 g/l 66 (76,7) 185 (65,8)
mandé par le consensus d’experts ADA/
HbA1c < 7 % et pression artérielle 1 (0,6) 2 (0,4)
EASD [8], soit un taux d’HbA1c < 7 %. On
< 130/80 mm Hg et LDL-cholestérol < 1,00 g/l
note également que seulement 18,2 % de
Données présentées sous forme de moyenne ± déviation standard, ou n (%).
PAS : pression artérielle systolique ; PAD : pression artérielle diastolique.
ces patients avaient une pression artérielle
< 130/80 mm Hg et que 24,1 % avaient
un taux du LDL-cholestérol < 1,00 g/l.
ne l’ayant pas atteint (9,43 ± 2,02 %). ment plus fréquemment en comparaison Seuls deux patients avaient atteint les trois
Mais, la glycémie à jeun ne différait pas aux diabétiques qui avaient des difficul- objectifs simultanément. La glycémie était
significativement entre les deux groupes tés pour atteindre l’équilibre glycémi- surveillée par 32,2 % de ces patients dia-
(tableau IV). que (p = 0,01). L’utilisation du lecteur de bétiques de type 2 et 52,9 % avaient reçu
Le groupe des diabétiques de type 1 glycémie, soit pour mesurer la glycémie une éducation sur le diabète ; 6,5 % des
perçu par les médecins comme ayant à jeun, soit la glycémie postprandiale, diabétiques de type 2 adhéraient à une
atteint l’équilibre glycémique surveillaient était corrélée positivement à l’atteinte de association de diabétiques (tableau II).
leurs glycémies à jeun et postprandiale l’équilibre glycémique chez les diabéti- Les caractéristiques du mode de traitement
par un lecteur de glycémie significative- ques de type 1 (p < 0,007) (tableau V). sont présentées tableau III. 479 patients
Tableau III : Description des modalités thérapeutiques chez les diabétiques inclus selon le
type de diabète, type 1 (DT1) ou type 2 (DT2).
le plus utilisé (54 %), suivi par une insuline
basale (34,9 %). La moyenne des doses
DT2 quotidiennes de l’insuline variait entre 0,42
n = 479 et 0,61 U/kg. Les diabétiques de type 2 qui
DT1 avaient un taux d’HbA1c < 7 % utilisaient
Traité
n = 215 Traité
par insuline fréquemment l’insuline basale et ceux qui
par ADO
(± ADO) avaient un taux d’HbA1c ≥ 7 % utilisaient
Traitement surtout une insuline prémix ; 66,7 % des
- ADO seul 0 (0) 353 (100) - patients qui ajustaient leurs doses d’insu-
- Insuline 200 (93,0) - 65 (51,6) line surveillaient eux-mêmes leurs glycé-
- ADO + Insuline 15 (7,0) - 61 (48,4) mies vs seulement 42,4 % chez ceux qui
Classe des ADO n’ajustaient pas leurs doses d’insuline.
- metformine 4 (26,7) 54 (15,3) 22 (36,1)
- sulfonylurée 2 (13,3) 120 (34,0) 9 (14,8) Perception par le médecin
- metformine + sulfonylurée 1 (6,7) 108 (30,6) 22 (36,1) du contrôle de la glycémie
- autres ADO 8 (53,3) 71 (20,1) 8 (13,1)
et des facteurs de risque
Type d’insuline Selon la perception des médecins,
- basale 50 (23,3) - 44 (34,9) 189 patients (37,2 %) n’avaient pas
- prandiale seule 1 (0,5) - 0 (0,0) atteint le niveau de contrôle glycémique,
- basale + prandiale 41 (19,1) - 9 (7,1) même si 29 patients (15,3 % d’entre eux)
- prémix 92 (42,8) - 68 (54,0) n’avaient pas eu de dosage d’HbA1c.
- autres 31 (14,4) - 5 (4,0) La plupart (81,8 %) des diabétiques de
type 2 avaient une pression artérielle
Doses quotidiennes d’insuline égale ou excédant 130/80 mm Hg. On
(U/kg)
notait que 44,1 % des patients souf-
- basale 0,57 (0,20) - 0,42 (0,22)
fraient d’hypertension artérielle et que
- prandiale seule 0,24 (.) - na
- basale + prandiale 0,77 (0,25) - 0,61 (0,16)
la plupart d’entre eux (93,6 %) étaient
- prémix 0,63 (0,19) - 0,57 (0,19) sous traitement antihypertenseur. Parmi
les patients (33,4 %) qui présentaient
Niveaux d’HbA1c et type d’insu- une dyslipidémie, 74,6 % étaient sous
line (traitement actuel) traitement hypolipémiant (tableau II).
HbA1c < 7 %
- basale 6 (18,8) - 13 (40,6) Contrôle glycémique et facteurs
- basale + prandiale 8 (22,2) - 2 (25,0) déterminants
- prémix 13 (21,0) - 7 (14,4) Le taux d’HbA1c diffère significativement
HbA1c ≥ 7 %
entre les patients (traités par ADO et/ou
- basale 26 (81,2) - 19 (59,4)
insuline) perçus par les médecins comme
- basale + prandiale 28 (77,8) - 6 (75,0)
- prémix 49 (79,0) - 42 (85,6)
ayant atteint l’équilibre glycémique et ceux
Auto-adaptation des doses
ne l’ayant pas atteint (p < 0,001). Chez
d’insuline ceux perçus comme équilibrés, 67,5 %
• Oui de patients traités par ADO (66,7 % des
- pratiquant l’ASG 85 (74,6) - 24 (66,7) patients traités par insuline) avaient un
- pas d’ASG 29 (25,4) - 12 (33,3) taux d’HbA1c < 7 %. Chez les patients
• Non traités par insuline (± ADO) la plupart
- pratiquant l’ASG 32 (36,4) - 36 (42,4) des diabétiques de type 2 avaient une
- pas d’ASG 56 (63,6) - 49 (57,6) glycémie à jeun excédant 1,00 g/l, sans
Données présentées sous forme de moyenne ± déviation standard, ou n (%). différence significative entre le groupe des
ADO : antidiabétiques oraux ; ASG : autosurveillance glycémique. sujets ayant atteint l’équilibre glycémique
na : non applicable.
et le groupe des sujets qui ne l’avaient
pas atteint (p = 0,07). Toutefois, les dia-
(94,1 %) étaient traités par ADO, insu- sulfonylurées étaient le traitement le plus bétiques de type 2 équilibrés et traités
line ou les deux associés et 30 patients cité chez le groupe traité par ADO (34 %). seulement par ADO avaient une glycémie
(5,9 %) étaient pris en charge uniquement Dans le groupe traité par insuline (± ADO), à jeun inférieure à 1,00 g/l significative-
par régime et exercice physique. Parmi 36 % d’entre eux utilisaient la metformine ment différente du groupe non équilibré
les patients traités, 353 étaient sous ADO et le même pourcentage utilisait la metfor- (p = 0,002) (tableau IV).
(73,7 %), 65 traités par insuline (13,6 %) et mine plus un sulfonylurée. Les mélanges Les patients traités par ADO ayant atteint
61 traités par insuline et ADO (12,7 %). Les d’insuline (prémix) étaient le type d’insuline l’équilibre glycémique surveillaient leur
Tableau IV : Facteurs associés à l’équilibre glycémique chez les diabétiques inclus selon le type de diabète, type 1 (DT1) ou type 2 (DT2) :
taux d’HbA1c et glycémie à jeun.
DT1 DT2
Traités par ADO Traités par insuline (± ADO)
Equilibre selon les
Equilibre selon les Equilibre selon les
médecins
médecins médecins
Oui Non p Oui Non p Oui Non p
n = 61 n = 154 n = 141 n = 212 n = 38 n = 88
HbA1c
- Dosage d’HbA1c 0,667 <0,001 0,886
Oui 47 (78,3%) 108 (75,5%) 125 (89,3%) 145 (69,7%) 30 (78,9%) 63 (77,8%)
Non 13 (21,7%) 35 (24,5%) 15 (10,7%) 63 (30,3%) 8 (21,1%) 18 (22,2%)
- Valeur de la dernière
mesure d’HbA1c (%) 7,05 (1,34) 9,43 (2,02) <0,001 6,78 (1,31) 8,91 (1,79) <0,001 6,75 (1,23) 9,10 (1,54) <0,001
- Taux d’HbA1c
<7% 26 (55,3%) 6 (5,6%) <0,001 83 (67,5%) 3 (2,1%) <0,001 20 (66,7%) 3 (4,8%) <0,001
[7 %, 8 %] 14 (29,8%) 24 (22,4%) 26 (21,1%) 55 (38,5%) 6 (20,0%) 11 (17,5%)
] 8 %, 9 %] 2 (4,3%) 23 (21,5%) 6 (4,9%) 35 (24,5%) 2 (6,7%) 22 (34,9%)
>9% 5 (10,6%) 54 (50,5%) 8 (6,5%) 50 (35,0%) 2 (6,7%) 27 (42,9%)
Glycémie à jeun
- Fréquence de mesure/
an 5,00 (4,54) 4,41 (4,37) 0,466 4,79 (3,73) 4,83 (4,34) 0,941 4,42 (2,53) 4,68 (3,13) 0,694
- Dernière mesure (mois)
1,94 (3,36) 1,88 (3,04) 0,910 1,49 (3,14) 1,37 (3,09) 0,752 0,92 (1,78) 1,21 (2,01) 0,463
- Glycémie (g/l)
≤ 1,00 10 (18,5%) 15 (12,4%) 0,285 13 (10,7%) 3 (1,7%) 0,002 5 (13,9%) 3 (4,2 %) 0,069
> 1,00 44 (81,5%) 106 (87,6%) 108 (89,3%) 169 (98,3 %) 31 (86,1%) 69 (95,8 %)
Données présentées sous forme de moyenne ± déviation standard, ou n (%).
ADO : antidiabétiques oraux.
glycémie (à jeun et postprandiale) plus sur dix (20,8 %) et trois diabétiques de que surveillent plus fréquemment leurs
fréquemment en utilisant un lecteur de type 2 sur dix (30,9 %) avaient atteint glycémies à jeun et postprandiale par
glycémie en comparaison avec le groupe l’objectif recommandé par le consen- un glucomètre.
de ceux qui n’avaient pas atteint cet sus d’experts ADA/EASD, soit un taux Cette étude multicentrique confirme
équilibre (p ≤ 0,02). d’HbA1c < 7 % [8]. Les trois objectifs l’écart entre les recommandations
Dans le groupe des patients traités par (un taux d’HbA1c < 7 %, une pression internationales et les pratiques médicales
insuline associée ou non à un ADO, la artérielle systolique < 130 mm Hg et courantes. Cet écart a été rapporté aussi
fréquence de l’autosurveillance glycé- diastolique < 80 mm Hg, et un taux dans la vague 1 de l’étude IDMPS [9].
mique ne différait pas significativement de LDL-cholestérol < 1,00 g/l) ne sont Un bon contrôle glycémique permet de
entre le groupe ayant atteint l’équilibre pratiquement jamais simultanément prévenir la survenue et la progression
glycémique et le groupe ne l’ayant pas atteints (par 0,6 % des diabétiques des complications liées au diabète [10-
atteint (tableau V). de type 1 et 0,4 % des diabétiques de 12]. La mauvaise qualité de contrôle
type 2 seulement). L’étude confirme glycémique rapportée dans cette
les conséquences sociales du diabète, étude a été notée aussi dans d’autres
Discussion en particulier l’absentéisme au travail [13-15]. Dans une étude tunisienne qui
(plus de 14 jours les 3 mois précédant portait sur des diabétiques de type 2
Les résultats de cette étude montrent l’enquête) rapporté par 32 % des dia- [15], seulement 16,7 % de l’ensemble
que la qualité de contrôle glycémique bétiques de type 1 et 11 % des diabé- de la population de l’étude avait atteint
est insuffisante chez les diabétiques de tiques de type 2. Les diabétiques des l’objectif recommandé par le consensus
type 1 comme de type 2 de la cohorte deux types équilibrés selon la percep- d’experts ADA/EASD [8].
examinée. Des complications dégéné- tion des médecins se distinguent par En confrontant la perception qu’ont
ratives ont été constatées chez 37 à un taux d’HbA 1c plus bas par com- les médecins du contrôle glycémique
66 % des diabétiques. Un quart de ces paraison à ceux qui n’ont pas atteint et le taux d’HbA 1c observé, il existe
diabétiques n’a pas réalisé un dosage l’équilibre. Les diabétiques de type 1 une très importante discordance.
d’HbA1c au cours de l’année écoulée. et les diabétiques de type 2 traités par Plusieurs médecins ont noté « équi-
Seulement deux diabétiques de type 1 ADO qui ont atteint l’équilibre glycémi- libre glycémique atteint » en dépit de
l’absence de dosage d’HbA 1c, tandis disciplinaire est plus à même d’améliorer tion éducative n’a été faite qu’une seule
que d’autres ont surestimé le nombre le contrôle des complications et de per- fois, souvent à la première consultation.
de leurs patients diabétiques ayant un mettre un meilleur suivi du diabète. Une enquête qualitative plus approfondie
bon contrôle glycémique. Ce constat a Nous avons été surpris par le taux impor- axée sur l’éducation serait très utile pour
été rapporté aussi dans la vague 1 de tant de patients diabétiques ayant reçu répondre à cette question.
l’étude IDMPS dans les pays asiatiques, une éducation, compte tenu du système L’originalité de l’étude IDMPS repose
en Europe de l’Est et en Amérique du de santé marocain et de l’organisation sur l’utilisation des méthodes standar-
Sud [9]. Ce même constat a été rap- de soins qui donne trop peu de place à disées permettant des comparaisons
porté dans des études nord-américai- l’éducation. Ce résultat peut avoir comme entre les pratiques médicales selon
nes et européennes [16-18]. explication le fait que les médecins répon- les régions. Cependant, elle présente
Une prise en charge optimale du diabète dent « Oui » à la question, même si l’ac- des limites éventuelles concernant les
passe en effet par une bonne connais-
sance de la maladie et des conseils pra-
tiques, et ceci par l’éducation du patient Les points essentiels
[19, 20]. L’éducation au diabète doit • L’International Diabetes Management Practice Study (IDMPS) est une étude inter-
veiller à l’implication du patient dans le nationale multicentrique.
niveau de connaissance de sa maladie, • Au Maroc, cette étude a montré que le contrôle glycémique chez les diabétiques
l’apprentissage et la maîtrise des gestes est insuffisant.
techniques et l’adaptation de son mode • L’étude a montré une nette discordance entre la perception des médecins et la réalité
de vie. Ces actions requièrent le concours
des mesures de l’Hb1Ac.
de différents professionnels de santé, qui
• Un taux d’HbA1c < 7 % est obtenu pour seulement 20,8 % des patients atteints de
peuvent intervenir au moyen d’actes indi-
diabète de type 1 (DT1) et 30,9 % de ceux atteints de diabète de type 2 (DT2).
viduels auprès des patients ou par une
éducation de groupe. La qualité de l’in- • L’atteinte des trois objectifs (un taux d’HbA1c < 7 %, une pression artérielle
formation qui sera apportée au patient < 130/80 mm Hg et un taux de LDL-cholestérol < 1,00 g/l) n’est réalisée que pour
sera déterminante pour l’évolution de sa 0,6 % des DT1 et 0,4 % des DT2.
maladie. Une approche éducative multi-
Tableau V : Facteurs associés à l’équilibre glycémique chez les diabétiques inclus selon le type de diabète, type 1 (DT1) ou type 2 (DT2) :
autosurveillance glycémique (ASG) et utilisation du lecteur de glycémie.
DT1 DT2
Traités par ADO Traités par insuline (± ADO)
Équilibre Équilibre Équilibre
selon les médecins selon les médecins selon les médecins
Oui Non p Oui Non p Oui Non p
n = 61 n = 154 n = 141 n = 212 n = 38 n = 88
ASG
0,010 0,014 0,708
Oui 42 (71,2%) 77 (51,7%) 47 (34,6%) 47 (22,6%) 19 (51,4%) 41 (47,7%)
Non 17 (28,8%) 72 (48,3%) 89 (65,4%) 161 (77,4%) 18 (48,6%) 45 (52,3%)
Utilisation du
lecteur de gly-
cémie
Glycémie à jeun 0,007 0,011 0,708
Oui 42 (71,2%) 76 (50,7%) 45 (33,3%) 44 (21,1%) 19 (51,4%) 41 (47,7%)
Non 17 (28,8%) 74 (49,3%) 90 (66,7%) 165 (78,9%) 18 (48,6%) 45 (52,3%)
Fréquence/mois 0,158 0,923 0,508
1-5 7 (20,0%) 25 (36,2%) 27 (65,9%) 28 (70,0%) 8 (42,1%) 15 (44,1%)
6-10 8 (22,9%) 17 (24,6%) 7 (17,1%) 6 (15,0%) 4 (21,1%) 7 (20,6%)
≥11 20 (57,1%) 27 (39,2%) 7 (17,0%) 6 (15,0%) 7 (36,8%) 12 (35,3%)
Mesure de la
glycémie post- <0,001 0,021 0,393
prandiale
Oui 35 (60,3%) 52 (34,7%) 29 (22,0%) 26 (12,6%) 10 (27,0%) 30 (34,9%)
Non 23 (39,7%) 98 (65,3%) 103(78,0%) 181 (87,4%) 27 (73,0%) 56 (65,1%)
Données présentées sous forme de moyenne ± déviation standard, ou n (%).
ADO : antidiabétiques oraux.