Cyrano Nez CC
Cyrano Nez CC
Cyrano Nez CC
V. 71, Cyrano évoque lui-même sa « verve », c’est-à-dire son talent verbal, sa répartie et son esprit. La
tirade tout entière le prouve par sa forme : abondance et diversité des exemples choisis pour construire
des variations sur un motif (comme en improvisation musicale) + domaines hétéroclites +
Comparaisons inattendues entre le nez et des objets courants, des éléments de la nature ;
rapprochements surprenants avec un renvoi du nouvel objet à la fin du 2 e alexandrin (en particulier
« que dis-je… c’est une péninsule ! »
Cyrano mêle les registres soutenus voire recherchés : « vous vous préoccupâtes » et « amputasse »
(subj. imparfait), épique : « militaire », tragique (« parodiant Pyrame »), scientifique ou
« emphatique »
et les registres bas : mots courants de la vie quotidienne : « tasse », « avoir pignon sur rue », « le
mettre en loterie » voire il utilise la parlure paysanne (v. 53-54).
Le nez qui était son point faible devient un point fort car Cyrano l’utilise comme matériau
d’un exercice de style, d’un morceau de bravoure qui, en définitive, prouve sa supériorité sur
son adversaire. Loin de chercher à faire paraître son nez plus discret, il en exagère les
dimensions ; il déploie une esthétique de l’excès : le nez prend la taille d’une péninsule, d’une
cheminée, d’un parasol, d’un éléphant, de la mer rouge… L’excès de la taille correspond à
l’excessive longueur de cette tirade. Il est laid mais il l’assume avec élégance (il se moque de
lui-même) et panache (il prouve son éloquence).
Le vicomte croit insulter Cyrano en lui lançant un « trait » (d’esprit) → utilise le vocabulaire
de la guerre. Cependant Cyrano ne l’attaque pas comme il s’y attend (surpris au v. 16) car il
ne se met pas en colère et ne semble pas offensé. Pendant 41 vers, Cyrano semble se livrer à
l’autodénigrement, ce qui ne déclenche pas la méfiance du vicomte. Cependant, le sens de
cette longue liste de moqueries prend subitement le sens inverse à partir du vers 61 avec
l’emploi de l’irréel du passé qui souligne l’infériorité du vicomte : « vous m’auriez dit/Si
vous aviez » et « Eussiez-vous eu » (66).
c. Un piège verbal
Le vicomte croyait avoir insulté Cyrano et à la fin c’est lui qui est insulté, traité de « sot », de
balourd sans répartie et sans imagination. Sans qu’il s’en aperçoive, l’insulte a déclenché une
joute verbale où Cyrano le réduit au silence et donc gagne tout en le faisant remarquer à la fin
de sa tirade : « je ne permets pas qu’un autre me les serve »
Dans les mises en scène, il arrive souvent que ce piège soit représenté par les mouvements de
tournoiements de Cyrano autour de Valvert (version avec Depardieu).