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Un Chemin Vers Noël

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Un Chemin

NoËl
vers

Méditations sur l’Évangile

Benjamin Pouzin
Tous droits réservés. Aucune partie de ce texte ne peut être
reproduite ou transmise sous n’importe quelle forme, par
n’importe quel moyen, électronique, mécanique, photocopie
ou autrement sans l’accord préalable par écrit de l’éditeur.
De courts extraits peuvent être utilisés pour les besoins
d’une revue.

© 2020 Glorious Pop Édition


www.glorious.fr
Courriel : manager@glorious.fr

Tous droits réservés.


Les passages bibliques cités dans cet ouvrage sont tirés de
la version liturgique officielle en français de la Bible © AELF,
Paris.

Accompagnement d’écriture : Marie Cazenave


Couverture : Mike Stefanini
Photographie : Vincent Drisch
Composition et validation du texte : Noémie Malengreaux
Édition : Glorious Pop Édition
Distribution : Rejoyce - 01 39 50 81 71
Imprimé en France, IDMM
Dépôt légal : 4e trimestre 2021
ISBN : 978-2-9555320-9-6

3
Introduciton

Noël est ma fête préférée de l’année. C’est une


saison que j’attends toujours avec impatience. Préparer
la crèche, décorer le sapin, aller chercher des branches
de houx pour la maison... Toutes ces activités me plais-
ent toujours autant chaque année. Et même si vous n’ai-
mez pas l’hiver, reconnaissez que prendre un chocolat
chaud au coin du feu est l’une des occupations les plus
reposantes de cette saison.

Mais, vous le savez au fond de votre cœur, Noël est


bien plus qu’une fête en famille et tellement plus que
toutes nos coutumes et décorations traditionnelles. À
Noël, l’amour est descendu jusqu’à nous. C’est l’instant
de la rencontre, la grande rencontre entre Dieu et les
hommes.

Noël est un moment qui peut parler à notre cœur.


Tout au long de notre vie, notre foi y trouve des ressou-
rces pour se nourrir et se convertir afin que nous deve-
nions de plus en plus confiants dans le Dieu de l’Évan-
gile. Les chrétiens y trouvent leur Dieu et se découvrent
eux-mêmes. Ils découvrent la vérité de leur propre cœur.

5
Un chemin vers Noël

Noël me fait découvrir l’un des paradoxes les plus


puissants de l’Évangile : le Dieu infini est là dans un pe-
tit enfant. Le Tout-Puissant est présent dans la faiblesse
d’un nouveau-né. La Parole éternelle devient les pleurs
d’un bébé.

À Noël, je prends le temps d’écouter la parole de Jé-


sus : « Qui me voit, voit le Père » (Jean 14, 9). Du coup, la
peur de Dieu, qui s’insinue si facilement en nous, n’a plus
de raison d’exister. Saint Pierre Chrysologue écrit que
Dieu s’est fait enfant pour que je puisse cesser d’avoir
peur de lui.

Sa transcendance ne consiste pas à rester à l’écart


des êtres humains. La transcendance du Dieu de la Bible
consiste à pénétrer l’histoire humaine afin d’y apporter
de la nouveauté. Là où tout est vieux, usé, épuisé, sans
avenir, la Parole apporte fraîcheur, joie de vivre et tout
simplement ce que les chrétiens appellent le pardon.

Quand il mentionne dans son Évangile la faiblesse


de Dieu fait petit enfant, Saint Jean ne dit pas «  nous
avons vu sa misère », mais « nous avons vu sa gloire ».
Une beauté intense, que Jean appelle « gloire », resplen-
dit de cet enfant couché sur la paille. En vivant au milieu
de notre monde, en acceptant les limites humaines, en
s’abandonnant totalement aux mains de son Père, en re-
cevant son existence de jour en jour, la gloire de Dieu
resplendit. Le visage de Dieu se révèle en Jésus.

6
Méditation sur l’Évangile

Qui est ce Dieu qui ne craint pas de s’engager dans


l’histoire des hommes, dans mon histoire, avec sa densi-
té et même ses ténèbres ? C’est le Dieu de la Nativité, de
la Croix, de la Résurrection, mais aussi des sacrements,
de l’Église, de la communauté, de mes frères et sœurs
chrétiens.

Pourquoi sommes-nous autant touchés par les ré-


cits de la Nativité  ? Parce que lorsque nous les lisons,
quelque chose résonne en nous, comme un appel à
quitter notre carapace, à lâcher notre armure, à aban-
donner notre suffisance. Nos cœurs sont faits pour faire
confiance. Charles de Foucauld l’exprime d’une très
belle manière dans sa prière  : «  Mon Père, je m’aban-
donne à toi... car c’est une nécessité d’amour pour moi
de me donner, de me remettre sans réserve entre tes
mains, avec une confiance infinie, car tu es mon Père. »

Très souvent, notre cœur ne s’ouvre qu’en présence


de quelqu’un de plus humble que nous. N’oublions pas :
une nuit, dans notre monde, une étable abritait quelque
chose de plus grand que le monde entier. Jésus.

7
L’Avent

L’Avent est un temps d’attente et d’espérance.


« Avent » signifie « arrivée » ou « à venir », et cela nous
invite à faire une pause chaque jour de décembre pour
nous rappeler pourquoi Jésus est venu à Noël. L’année
chrétienne commence avec l’Avent, le temps de l’at-
tente. Pourquoi ? Pour révéler l’aspiration profonde qui
nous habite et l’approfondir : un désir d’absolu.

Nous vivons souvent cette attente comme un


manque ou comme un vide difficile à accepter. Mais
c’est un cadeau. L’Avent nous aide à nous ouvrir ; il ori-
ente tout notre être vers Dieu.

Si nous osons croire que le vide peut être comblé


par Dieu, alors nous pouvons vivre cette attente avec
joie. Saint Augustin nous aide à accueillir cette période
quand il écrit : « Toute la vie d’un chrétien est un saint dé-
sir. En nous faisant attendre, Dieu prolonge ce désir ; en
nous faisant désirer, il étend l’âme ; en étendant l’âme, il
la rend capable de recevoir… » Si vous désirez voir Dieu,
vous avez déjà la foi.

Savoir attendre. Veiller. Se préparer. Écouter sa voix


intérieure. C’est l’apprentissage du désir.

9
Un chemin vers Noël

Même si nous ne sommes pas toujours capables


d’exprimer notre désir intérieur par des mots, garder le
silence est déjà une expression d’ouverture à Dieu. En
ce temps de l’Avent, nous nous souvenons que Dieu lui-
même est venu, à Bethléem, dans un grand silence.

L’Avent nous fait entrer dans cette saison d’espoir,


d’attente renouvelée, de renaissance intérieure. L’attente
d’un sauveur, l’espoir d’une lumière en ce monde me
font entrer dans le profond désir que ma vie soit guérie
et que Dieu puisse remplir ce monde de sa paix et de
son amour.

Croire cela, ce n’est pas se bercer d’illusions. C’est


au contraire ouvrir ses yeux pour voir le monde avec
plus d’espoir. Si mon cœur est plein d’espoir pour les
gens, alors je les considérerai différemment. L’espérance
que l’Avent crée en moi ne reste pas sans conséquences
pour ce monde. C’est comme un levain qui peut faire
lever la pâte de ce monde.

L’étoile est une image du désir que l’Avent veut


éveiller en nous. L’étoile qui brille dans le ciel nocturne
a toujours symbolisé la lumière divine qui illumine les
ténèbres humaines.

Depuis que je suis enfant, je suis fasciné à chaque


fois qu’un ciel étoilé éclaire la nuit. Durant l’été, mon
père me montrait les nombreuses constellations du ciel

10
Méditation sur l’Évangile

et je les regardais, émerveillé... Je suis toujours autant


émerveillé aujourd’hui en les contemplant car, pour moi,
toutes ces étoiles me rappellent le désir infini qu’à Dieu
d’éclairer mes nuits intérieures.

Le temps de l’Avent nous promet que Dieu vien-


dra dans notre monde. Et quand Dieu vient dans notre
monde alors le monde devient notre maison. Parce que
vous ne pouvez être chez vous que là où résident la paix,
l’amour, la foi, l’espérance. En faisant sa maison parmi
nous, Dieu fait de cette terre une maison pour tous.

Je ne peux vivre que là où je me sens à l’aise. Et, de


toute évidence, sans Dieu, le monde devient inhumain
et dur. Lorsque Dieu habitera avec nous, dans l’âme de
chaque individu, dans nos maisons et nos communautés
dans ce monde, alors ce monde sera un endroit où nous
pourrons rester et vivre.

C’est pourquoi nous décorons nos maisons pendant


l’Avent. Pour qu’elles deviennent chaleureuses, pour que
de la douceur entre dans nos rigidités, pour que la lu-
mière de la bougie luise dans nos ténèbres et réchauffe
nos cœurs engourdis.

C’est pourquoi nous accrochons des étoiles à nos


fenêtres. Pour exprimer notre aspiration à la paix que
Dieu nous donne déjà en venant jusqu’à nous et qu’il
répandra sur nous comme une bénédiction éternelle
lors de son dernier repas.

11
Un chemin vers Noël

Pendant l’Avent, l’étoile du désir nous conduit à tra-


vers les ténèbres. Ces quatre semaines vont lentement
éclairer nos nombreuses dépendances, nos difficultés,
nos amertumes. Non pas par une lumière qui aveugle et
condamne, mais par une lumière qui est « une lumière
sur nos pas ». Celle qui nous permet de franchir la pro-
chaine étape.

Telle est la promesse de l’Avent. L’instant où Dieu


vient faire de ce monde inhospitalier une terre de récon-
ciliation et de joie.

12
1e Bougie

«  Je n’ai jamais autant attendu l’Avent que cette


année », m’a récemment dit un ami.

Avec les nouvelles continues de tensions et de catas-


trophes mondiales, beaucoup d’entre nous se sentent
fatigués et peut-être même désorientés. Alors que le
monde déborde d’interrogations et de souffrances, il
est facile de se demander : « Dieu a-t-il fait une pause ?
Peut-il vraiment faire quelque chose pour notre monde ?
N’est-ce pas plutôt la preuve de son absence ? »

Alors qu’Israël traversait une période de divisions et


d’instabilités, le prophète Isaïe a exprimé l’espoir que
Dieu délivre son peuple. Alors que les royaumes du
Nord et du Sud se battaient cruellement, laissant leurs
populations vulnérables aux attaques ennemies et à la
ruine éventuelle, Dieu leur a promis un Sauveur : « C’est
pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe :
la vierge concevra et enfantera un fils, qu’elle appellera
Emmanuel (Dieu-avec-nous). » (Isaïe 7, 14)

Comme Isaïe, nous aspirons à ce que Dieu agisse.

13
Un chemin vers Noël

L’Avent nous appelle à entrer dans l’attente et l’espé-


rance alors que les circonstances ne sont pas favorables.
C’est un des messages le plus importants des prophètes
de l’Ancien Testament. Au moment du malheur, relevez
la tête car votre rédemption approche.

À l’approche de Noël, nous nous souvenons de


l’espoir d’Israël  : avoir un Messie qui sauve, pardonne
et restaure. Partout dans le monde, les communautés
ecclésiales allument des bougies et lisent dans les
Écritures : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a
vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du
pays de l’ombre, une lumière a resplendi. » (Isaïe 9, 1)

L’Avent nous invite à ne pas perdre espoir. Même si


nous faisons face à des évènements douloureux, même
si nous connaissons des échecs personnels et des épi-
sodes planétaires traumatisants, l’Emmanuel arrive. Il va
entrer dans ce monde. Nous l’attendons ici et mainte-
nant.

Telle est l’annonce des prophètes, telle est l’attente


d’Israël, telle est la foi des chrétiens. Un chrétien ne rêve
pas d’un au-delà, n’imagine pas un monde ailleurs. Il
est le témoin de la visite de Dieu dans sa vie et en ce
monde-ci. C’est ce que nous nommons le mystère de
l’Incarnation.

14
2e Bougie

D’année en année, il semble que nous nous éloi-


gnons peu à peu de l’idéal religieux de Noël pour nous
rapprocher de plus en plus de celui d’une orgie con-
sumériste. Nous sommes inondés de publicités nous in-
citant à acheter tel ou tel cadeau, ou essayant de nous
convaincre que notre repas ou notre soirée de Noël ne
pourront être parfaits s’il nous manque ceci ou cela. Pas
étonnant qu’un journaliste ait suggéré en plaisantant
que l’Avent devrait être renommé l’Achat.

Non pas qu’il y ait quelque chose de mal à offrir des


cadeaux à ses amis et à sa famille. Il est bon de manger et
de boire en bonne compagnie – comme en témoignera
Jésus lui-même durant sa vie. Mais si cela résume Noël,
cette fête perd son sens et ne peut pas nous combler.

L’Avent nous donne quatre semaines pour nous per-


mettre de faire un point sur notre vie. Quelles sont mes
priorités ? Quel genre de vie suis-je en train de constru-
ire ? Qu’y a-t-il d’essentiel dans ma vie ? Qu’est-ce que
j’attends de Dieu ?

L’Avent peut être le moment favorable pour nous


permettre de nous recentrer sur ce qui est précieux : la

15
Un chemin vers Noël

miséricorde, la générosité, l’accueil, le pardon, l’amour


inconditionnel. C’est aussi un temps opportun pour es-
sayer de nous désencombrer de ce qui est superflu et
nuisible dans notre quotidien  : la jalousie, l’aigreur, le
ressentiment, les addictions, la critique.

L’Avent est donc une saison bénie pour déraciner


mais aussi semer en nos cœurs. Dans les Évangiles, Jé-
sus nous fait comprendre maintes fois qu’en raison du
stress ou des soucis de notre quotidien, il est très facile
d’oublier ce que devrait être notre vie de croyant, ce que
nous sommes appelés à être.

Ayez confiance  : l’espoir peut terrasser les soucis.


La paix peut germer sur les rancœurs. L’amour peut re-
naître sur les blessures. C’est le message donné par les
prophètes qui annoncent l’arrivée du Sauveur. Mais ce
message nous engage, il ne peut rester extérieur à nous.
C’est un appel au changement, à quitter nos vieilles hab-
itudes, à nous débarrasser de nos vieux vêtements. Nous
sommes convoqués à vivre l’Avent.

La Bible nous dit que Dieu a envoyé un homme


nommé Jean pour préparer la venue de Jésus. Jean a
dit au peuple de préparer une route pour Dieu dans le
désert, de rendre droits les chemins tortueux et d’aplanir
les endroits accidentés. Il ne s’agissait pas de construire
une autoroute sur laquelle Jésus pourrait voyager. Jean
parlait du cœur des gens. « Repentez-vous car le Royau-

16
Méditation sur l’Évangile

me des cieux est proche » (Matthieu 3, 2). Le temps de


l’Avent est la préparation de nos cœurs à recevoir le Sau-
veur. C’est un appel qui nous est lancé pour que nous
puissions vivre le voyage à Bethléem et voir le bébé
dans la crèche.

C’est un temps de régénération pour nos chemins


de vie. Quand chaque vallée de notre vie commencera à
s’élever, quand chaque montagne ou chaque colline en
nous s’abaissera, quand les terrains accidentés devien-
dront lisses et que les déserts deviendront fertiles, alors
l’enfant pourra naître en nous. Il trouvera en nos cœurs
une étable, un lieu chaleureux, un endroit certes impar-
fait, mais où il est accueilli.

17
3e Bougie

Les jours ont été sombres pendant la pandémie.


Pour bon nombre de personnes, de telles souffrances
et un tel sentiment de fragilité n’avaient pas été ressen-
tis depuis très longtemps. La pandémie mondiale a jeté
une angoisse sur une société déjà fortement sujette à la
peur et à l’incertitude.

L’Avent débute quand les nuits sont longues. Juste à


temps pour proclamer un message que nous ignorons
trop souvent  : dans les jours les plus sombres, la vraie
lumière brille d’autant plus.

En ce début d’Avent, il est bon de se rappeler que


le vrai Noël n’exige pas de nous que tout soit calme ou
reluisant. Car précisément, tout n’était pas calme, tout
n’était pas reluisant, lors du premier Noël.

La lumière du premier avènement du Christ s’est


levée dans des jours de ténèbres. Zacharie avait ainsi
prophétisé sur sa venue : « pour éclairer ceux qui sont
assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort » (Luc
1, 78-79). C’est ainsi qu’était le peuple de Dieu lors de ce
premier Noël : assis dans les ténèbres et dans l’ombre
de la mort.

19
Un chemin vers Noël

Jésus n’est pas venu dans un monde paisible et lu-


mineux. Il est venu apporter la paix dans un monde en
guerre. Il est venu réconforter un monde en détresse. Il
est venu annoncer une grande joie à ceux qui se noient
dans un océan de douleurs. Il est venu comme la Lu-
mière, brillant dans l’obscurité.

Deux millénaires plus tard, il est facile d’oublier à


quel point ces jours étaient sombres, à quel point le con-
texte de la naissance de Jésus était difficile : le scandale
d’une mère célibataire avec un enfant, le choc pour Jo-
seph d’apprendre la grossesse de Marie, les soupçons
et les jugements envers elle dans la petite ville de Naza-
reth, un voyage éprouvant jusqu’à Bethléem, avec Marie
au terme de sa grossesse, pas de maison pour les ac-
cueillir elle et Joseph alors qu’elle s’apprête à accoucher,
l’indignité d’une étable. Noël est arrivé de nuit, dans la
difficulté et l’épreuve.

Dans un monde où les ténèbres peuvent être lourds


et suffocants, Jésus est venu en tant que Lumière, et il est
venu triompher de l’ombre : « La lumière brille dans les
ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas surmontée » (Jean
1, 5). Mais combattre les ténèbres ne signifie pas que la
victoire est facile ou immédiate  : «  Il est venu chez les
siens, et son peuple ne l’a pas reçu » (Jean 1, 11).

Alors même que son soleil se lève et commence à


chasser la nuit, celle-ci ne disparaît pas d’un seul coup. Il

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Méditation sur l’Évangile

en est de même dans nos vies. L’obscurité ne se chasse


pas facilement. Il faut du temps pour que la Lumière
brille suffisamment. Mais c’est une promesse à laquelle
nous pouvons nous accrocher dans les jours sombres :
« Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres,
mais aura la lumière de la vie » (Jean 8, 12). C’est peut-
être précisément dans les jours sombres d’une année
comme celle que nous venons de vivre que nous ver-
rons briller la lumière comme jamais auparavant.

L’Avent ne nous garantit pas la disparition de l’obscu-


rité. Nos vies peuvent encore s’assombrir. Mais l’Avent
regarde les ténèbres en face, et nous fait cette grande
promesse : les ténèbres ne triompheront pas de la Lu-
mière. Ce n’est qu’une question de temps. Et Noël est
dans quelques jours.

21
4e Bougie

Le dernier dimanche avant Noël, l’Église nous pro-


pose de lire l’Évangile où l’ange Gabriel vient annoncer
à Marie qu’elle sera enceinte du Sauveur. Plus je médite
sur l’Annonciation, plus je m’aperçois que cette histoire
nous montre tout simplement comment se vit une rela-
tion avec Dieu et comment cette relation grandit. Ce qui
arrive à Marie nous arrive à nous aussi.

Tout d’abord, l’initiative appartient entièrement


à Dieu. Dieu commence la conversation avec Marie,
comme il le fait avec nous, en faisant irruption dans nos
vies de manière inattendue. Nous sommes touchés par
une lecture des Écritures, émus aux larmes par les pa-
roles réconfortantes d’un ami dans un moment difficile,
ou remplis de joie à la vue d’un soleil couchant d’au-
tomne. Et nous pensons : Pourquoi est-ce que je ressens
ces sentiments de paix, de gratitude, d’émerveillement ?
C’est Dieu qui commence une conversation.

Lorsque nous réalisons que cela pourrait être la voix


de Dieu, que se passe-t-il ? Parfois, nous sommes recon-
naissants. Mais tout aussi souvent, nous pouvons en être
un peu effrayé, comme Marie. La peur est une réaction
fréquente face au divin. Quand on se rend compte que

23
Un chemin vers Noël

c’est Dieu qui pourrait s’approcher, on se retire sponta-


nément. Penser au Créateur de l’Univers entrant dans la
« particularité » de nos vies peut être déstabilisant, bou-
leversant. C’est ce que Marie a ressenti.

Dieu fait attention à nous. Comment cela pourrait-il


ne pas nous effrayer ? Nous pouvons lutter avec l’idée :
Pourquoi s’intéresserait-il à moi ? Qui suis-je pour qu’il se
soucie de moi ? C’est pour cela que nous devons nous
rappeler qui était Marie de Nazareth. Premièrement,
c’était une femme. Deuxièmement, elle était jeune. Troi-
sièmement, elle était très probablement pauvre et vivait
dans une ville insignifiante. Enfin, elle était Juive et habi-
tait un pays gouverné par l’Empire romain. Elle était bien
loin d’être une personne de pouvoir, ou socialement re-
connue. Aussi, si quelquefois en prière vous vous sentez
indigne, petit, voire même insignifiant, dites-vous que
Marie a sûrement ressenti la même chose que vous.

Mais l’ange lui conseille doucement de mettre tout


cela de côté  : «  N’aie pas peur, Marie.  » Ces premiers
mots que Marie entend, ce sont les mêmes que son
fils utilisera fréquemment dans son ministère, comme
lorsqu’il marchera sur l’eau et verra ses disciples terri-
fiés. Peut-être que Marie a partagé avec Jésus sa propre
expérience de prière. Pourquoi ne l’aurait-elle pas fait ?
Peut-être a-t-elle répété les paroles apaisantes de l’ange
à un petit garçon effrayé, à un adolescent confus ou à un
adulte inquiet : « N’aie pas peur, Jésus. »

24
Méditation sur l’Évangile

Ensuite, l’ange lui explique les choses. Encore une


fois, comme dans nos propres vies.

Je vous partage ici quelque chose que j’ai vécu. Je


me souviens du moment où, avec mes frères, nous avons
ressenti dans nos cœurs l’appel de Glorious. Naturelle-
ment, ce n’est pas aussi bouleversant que la rencontre
que vit Marie, mais c’est tout de même une rencontre
avec la grâce. Imaginez-nous assis autour d’une table,
frères d’une même famille, chacun partageant ce qu’il
voit pour l’avenir  : enregistrer un album, monter à Pa-
ris pour signer un contrat de disque, faire des concerts
de louange partout en France, mettre le feu dans le
cœur des gens… Je suis d’abord un peu abasourdi  :
«    Pourquoi nous  ? Comment allons-nous faire  ? Nous
ne sommes que des lycéens d’une petite ville de pro-
vince. Personne ne nous connaît.  » Mais je perçois la voix
de Dieu dans l’invitation. Une fois le choc initial passé,
je me souviens que mes frères ont longuement prépa-
ré le chemin. Avec qui nous allions signer notre album.
Les premiers contacts avec des églises en France. La
préparation des concerts… Le fait que nos vies allaient
changer à tout jamais en annonçant l’amour de Dieu. Et
la plus grande transformation qui n’aurait pas lieu dans
le cœur des gens qui viennent nous écouter mais en
nous-mêmes. C’est ce que l’ange fait pour Marie une fois
qu’elle a surmonté sa peur : l’aider à discerner.

25
Un chemin vers Noël

À ce stade, comme Marie, vous vous demandez


probablement : « Comment cela va-t-il se faire ? » C’est
peut-être à cet instant que Marie nous ressemble le plus.
Nous ne nous sentons pas capables ou légitimes face à la
demande de Dieu, même si nous sommes sûrs que c’est
Lui qui demande : « Comment cela peut-il m’arriver ? »

En réponse au questionnement de Marie, l’ange est


prévenant. Il peut sembler qu’en posant cette question,
Marie manque de foi. Mais Gabriel ne lui reproche rien.
Au lieu de cela, il lui demande simplement de regar-
der autour d’elle : « Et maintenant, ta cousine Élisabeth,
dans sa vieillesse, a également conçu un fils ; et c’est le
sixième mois pour celle qu’on disait stérile. » Parfois, on
interprète ce verset comme la révélation par l’ange de
quelque chose d’inconnu à Marie  : «  Voici un secret  :
Élisabeth est enceinte. » Mais il est plus probable que
Marie soit déjà au courant de l’étonnante grossesse de
sa cousine âgée. À mon avis, l’ange nous dit : « Vous avez
des doutes sur ce que Dieu va faire ? Alors regardez sim-
plement ce que Dieu a déjà fait. » Regarder en arrière
aide Marie à regarder en avant. La conscience mène à la
confiance.

Ces derniers mois, à cause de la pandémie, de nom-


breuses personnes ont dû faire face à des nouvelles
dévastatrices : divorce, faillite, chômage, solitude, mala-
die... À cet instant, même les plus croyants d’entre nous
peuvent commencer à douter de la présence de Dieu.

26
Méditation sur l’Évangile

Mais souvent, ce qui nous aide à regagner confiance est


une question toute simple  : «  Dieu a-t-il été avec nous
dans les moments difficiles du passé ?  »

De la même manière que l’ange réoriente Marie en


pointant du doigt ce qui s’est déjà passé, un ami peut
nous inviter à relire notre passé : « Est-ce qu’il y a eu des
moments auparavant où tu as eu l’impression que les
choses étaient confuses, mais où tu peux y voir à présent
la main de Dieu ? »

Alors, en s’arrêtant, nous pouvons dire : « Maintenant


que tu le dis, alors que je pensais que je ne pouvais pas
continuer ainsi, j’ai découvert que quelque chose ou
quelqu’un m’a aidé à faire face à mes difficultés. Dieu
était avec moi.  » Se souvenir de l’action de Dieu nous
permet d’embrasser l’avenir.

Renouvelée dans sa confiance, Marie dit oui. Re-


marquez qu’elle le fait en toute liberté. Personne ne la
contraint. Elle était libre de dire non. Marie prend éga-
lement sa décision sans faire appel à un homme. Elle ne
demande pas la permission à Joseph. Elle ne dit pas non
plus à l’ange qu’elle doit consulter son père. Une jeune
femme vivant dans une époque patriarcale prend une
décision concernant le Messie d’Israël. Quelqu’un de si
peu reconnu socialement, quelqu’un qui n’a aucun pou-
voir, accepte de mettre au monde le Très-Haut : « Que
tout m’advienne selon sa Parole. »

27
Un chemin vers Noël

Avec l’aide de Dieu, le monde est prêt pour quelque


chose de nouveau, quelque chose que même Marie ne
peut probablement pas comprendre pleinement, et ceci
peut-être jusqu’à la Résurrection. Souvenez-vous qu’on a
dit à Marie que son fils serait Fils de Dieu. Pas qu’il serait
torturé et mis à mort sur une croix puis ressuscité d’entre
les morts. Marie dit oui à un avenir qu’elle ne connaît
pas. Elle est un exemple d’abandon, de confiance : elle
laisse Dieu agir, sans chercher à tout comprendre.

Lorsque nous disons oui à Dieu, nous sommes géné-


ralement surpris par les résultats. Nous disons « oui » à
notre mariage et recevons des bénédictions bien au-de-
là de ce que nous aurions pu imaginer. Nous acceptons
un nouvel emploi et nos vies sont changées par de nou-
velles relations avec nos collègues. Plus simplement,
nous disons oui à Dieu et notre cœur est complètement
transformé.

Cela nous amène à la dernière partie de l’Annoncia-


tion. Il y a quelques années, je discutais de ce passage
avec une amie, une sœur catholique nommé sœur Julie-
za (prononcé « ioulioucha », c’est une polonaise). Nous
parlions de la façon dont ce récit reflète la vie du croyant :
Dieu initie la conversation ; nous avons peur ; Dieu nous
rassure et nous explique ce qui nous sera demandé  ;
nous doutons ; Dieu nous invite à nous souvenir des ex-
périences passées et nous aide à faire confiance ; nous

28
Méditation sur l’Évangile

disons oui ; et enfin nous pouvons apporter au monde,


avec la grâce de Dieu, quelque chose de nouveau.

« Tu oublies la partie la plus importante », m’a-t-elle


dit, « Alors l’ange l’a quitta ! »

Julieza avait raison. Puis vint pour Marie le temps de


la foi. L’Évangile de Luc nous dit que Marie « méditait »
toutes ces choses dans son cœur. Il a peut-être fallu de
nombreuses années pour que les choses deviennent
claires pour Marie. Les expériences spirituelles pro-
fondes font généralement naître en nous confiance et
audace. Mais, au fil du temps, nous pouvons nous de-
mander si ces expériences étaient bien réelles. Ou nous
pouvons nous dire que nous n’en vivrons plus jamais
d’une telle intensité.

Marie a vécu assez longtemps pour voir son fils ac-


complir des actes grandioses et ensuite être rejeté et
mis à mort. En apparence, l’échec était total. Il y avait
de quoi douter des promesses de l’ange. Mais avec le
temps, au dimanche de Pâques, Marie a reçu la réponse
ultime. Avec le temps, nous aussi nous aurons notre ul-
time réponse. Mais pour l’instant, c’est le temps de la foi.

29
De Nazareth à Bethléem

C’est un long chemin jusqu’à Bethléem, un par-


cours difficile. La distance à vol d’oiseau entre Nazareth
(dans le nord d’Israël) et Bethléem (juste au sud-ouest
de Jérusalem) est d’environ 110 kilomètres. On estime
que Marie et Joseph ont probablement marché plus
de 140 kilomètres avant d’atteindre leur destination. Ils
ont dû faire ce long voyage jusqu’à Bethléem à cause
d’un recensement qui avait été ordonné par l’empereur
romain de l’époque, César Auguste. Joseph étant issu
de la lignée de David, il devait selon le décret romain
se rendre en Judée à Bethléem, ville de David, pour s’y
faire recenser.

Les récits évangéliques ne précisent pas la route


exacte que Joseph et Marie ont empruntée. On pense
qu’ils ont probablement suivi un chemin passant à l’ouest
du Jourdain. Il s’agit d’une route escarpée qui traverse
des montagnes et des régions très sèches. Le trajet est
donc physiquement éprouvant pour n’importe qui, a for-
tiori pour une femme enceinte de neuf mois, et il faut
constamment veiller à avoir assez d’eau pour le voyage.

Ce chemin traverse également la Samarie, une ré-


gion qui était alors considérée par le peuple juif comme

31
Un chemin vers Noël

une terre impure. Cette région était souvent évitée par


les Juifs car ils méprisaient les Samaritains. Or, il se trouve
que le chemin le plus rapide pour se rendre à Bethléem
passait par cette région. C’est pourquoi, la plupart des
spécialistes de la Bible s’accordent à dire que ce chemin
était probablement la route empruntée par Marie et Jo-
seph.

Choisir de prendre cette route n’a rien d’anodin.


Cela nous révèle profondément quelque chose du
cœur et du caractère de Marie et Joseph. En voyageant
à travers la Samarie, Marie et Joseph ont dû rencontrer
des gens que d’autres considéraient comme impurs
et peu fréquentables. Jésus aussi tendra la main à des
personnes considérées comme impures et peu fréquen-
tables. Quand nous réalisons cela, nous comprenons à
quel point son cœur et sa vie ont été façonnés par ses
parents terrestres.

Adulte, Jésus voyagera à travers la Samarie. Et à l’in-


verse des Juifs de l’époque, il ne se contentera pas de
traverser la région. Il s’arrêtera et s’engagera au service
des gens, en les accueillant, en les écoutant, en les gué-
rissant, en se faisant proche d’eux... Marie et Joseph se
sont probablement arrêtés sur le chemin pour prendre
de l’eau à un puits. Peut-être le même puits où Jésus s’ar-
rêtera bien plus tard et demandera à une Samaritaine de
lui puiser de l’eau. Jésus choquera alors ses disciples et

32
Méditation sur l’Évangile

scandalisera autour de lui, non seulement en parlant à


une Samaritaine, mais en lui offrant le pardon et le salut.

Il n’est pas étonnant que Jésus ait pu agir comme


cela quand nous pensons à ses parents. Marie et Joseph
étaient des personnes compatissantes, qui étaient sû-
rement également disposées à tendre la main et à em-
brasser des personnes différentes d’elles.

Tout cela nous invite à nous arrêter et à regarder


notre propre cœur. Est-il ouvert à tout le monde    ?
Croyons-nous que l’amour et le pardon de Dieu sont vé-
ritablement donnés pour tous ? Et qu’importe l’origine,
ou les actes de chacun ? Croyons-nous que la grâce de
Dieu soit assez profonde pour tout pardonner et assez
large pour recevoir tout le monde ?

Marie et Joseph étaient prêts à s’ouvrir à tous.

33
Le Recensement

A chaque Noël dans nos églises, nous entendons


l’histoire de la naissance de Jésus racontée dans l’Évangile
de Luc. Et il se trouve que, souvent, l’introduction - le
recensement d’un certain Quirinus - est lue assez rapi-
dement, comme si ce n’était pas une information d’une
grande importance. La plupart des gens le pensent pro-
bablement.

Mais Luc, en mentionnant au début de son Évangile


cet évènement de la vie politique de l’époque, essaie de
nous faire passer un message.

Voici trois pistes pour comprendre et méditer ce


passage de l’Évangile :

1 - Regardez comme il est beau que Dieu choisisse


de nous rejoindre lors d’un recensement. Pensez-y : au
moment où toutes les personnes de la terre sont en-
registrées sur une longue liste, Dieu décide d’y placer
son nom. Au milieu des nôtres. Comme s’il nous disait :
« Moi, je veux être l’un des vôtres. Je ne suis pas un Dieu
distant. Je veux figurer dans le registre à côté de vous.
Je ne suis pas au-dessus de vous. Je suis là, au milieu de
vous. Inscrivez mon nom à côté du vôtre. Je m’engage

35
Un chemin vers Noël

dans votre histoire parce que je vous aime. » Le recen-


sement permet à Luc de nous montrer quel genre de
Dieu vient naître au milieu de nous. Jésus est entré par
la petite porte d’un recensement politique et adminis-
tratif pour nous dire : « Je suis avec vous ». Il a inscrit son
nom - Emmanuel Dieu-avec-nous - sur notre terre pour
inscrire les nôtres dans les Cieux.

2 - N’oubliez jamais que l’Évangile est une histoire


inscrite dans des lieux réels, avec des personnes réelles,
au sujet d’événements réels.

Pour beaucoup de mes amis, l’histoire de Noël est


devenue un joli conte de fée ou tout simplement un
mythe qui continue d’inspirer encore, malgré tout, les
gens aujourd’hui. Mais pour Luc, Noël n’est ni un mythe,
ni un conte, mais une réalité historique, un événement
qui s’est réellement passé. Ainsi, son récit de la Nativité
est construit pour éviter toute allusion à la mythologie.
La naissance du Fils de Dieu n’est absolument pas racon-
tée comme une belle histoire, un mythe ou une fable. La
naissance du Fils de Dieu a lieu à un moment précis de
l’histoire du monde - sous le règne d’Auguste, « lorsque
Quirinus était gouverneur de Syrie » - et à un endroit pré-
cis - la «  Cité de David  ». Les trois courtes phrases de
l’introduction de Luc ne sont pas seulement le rejet d’un
sauveur mythologique. De manière concise, elles nous
font plonger dans l’histoire réelle et concrète d’une fa-
mille israélienne du premier siècle.

36
Méditation sur l’Évangile

3 - Jésus vient inscrire son nom sur terre, pour ins-


crire le nôtre dans le Ciel.

Dieu opère un renversement qui est à l’inverse de


toute logique. C’est aussi cela que Luc nous dit à travers
la mention du recensement. Dieu s’abaisse et l’homme
est élevé. Dieu descend et l’homme peut monter. Peut-
être touchons-nous ici quelque chose du mystère de la
grâce, de l’amour qui nous dépasse. «  Réjouissez-vous
car vos noms sont inscrits dans les Cieux  » proclamera
Jésus, quand lui-même inscrira son nom au milieu des
pécheurs et des blessés. Si Dieu a accepté d’inscrire son
nom divin parmi nous, pécheurs, nous pouvons alors
nous réjouir car nous sommes certains qu’il inscrira le
nôtre dans le ciel.

37
Joseph

Nous ne pouvons pas reprocher aux artistes occi-


dentaux d’avoir si peu traité Joseph dans leurs représen-
tations de la Nativité. Ils n’avaient pas beaucoup d’élé-
ments à disposition à son sujet dans le récit biblique  :
Joseph ne dit pas une phrase dans les quatre Évangiles,
n’est même pas mentionné dans l’Évangile de Marc, et
disparaît complètement après l’enfance de Jésus.

Alors, que savons-nous de Joseph ?

La Bible nous parle de son métier : il est appelé « tek-


tōn » (en grec) dans les Évangiles, ce qui est générale-
ment traduit par « charpentier » mais désigne plus prob-
ablement le travail d’un artisan généraliste.

Mais, bien que la plus grande partie de la vie de Jo-


seph ne soit pas mentionnée dans les Évangiles, il a ac-
compli une tâche extrêmement importante : élever, avec
Marie, le Fils de Dieu. Pendant les premières années de
sa vie, et même jusqu’à son jeune âge adulte, Jésus a
sûrement beaucoup appris de sa mère et de son père
adoptif. Joseph et Marie ont dû lui enseigner la foi juive :
ses croyances, ses pratiques, son histoire et son éthique.
Et, aux côtés de Joseph, dans son atelier de menuiserie,

39
Un chemin vers Noël

Jésus a dû développer des compétences – patience, tra-


vail acharné, créativité – qui ont ensuite été mises à profit
dans son ministère. C’est pourquoi on peut dire que Jo-
seph représente la sainteté de la vie cachée  : agissant
de manière significative pour le Royaume de Dieu mais
sans tambour ni trompette.

L’histoire de la Nativité nous montre comment Jo-


seph, à travers les actes qu’il a posés, peut être pour
nous un modèle inspirant. L’Évangile de Matthieu le
décrit comme un « homme juste », qui fait ce que Dieu
lui demande. En effet, après avoir découvert la gros-
sesse de Marie, Joseph est confus. Il songe à mettre fin
discrètement à leurs projets de mariage pour ne pas la
déshonorer. Mais c’est alors qu’au travers d’un rêve, un
ange vient le rassurer : « N’aie pas peur de prendre Ma-
rie pour épouse », et lui expliquer les circonstances inha-
bituelles de la venue de Jésus : « L’enfant conçu en elle
est du Saint-Esprit. »

Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament,


les rêves sont pour Dieu des moyens de communication
privilégiés.

Joseph a dû fait face à une prise de décision déli-


cate, pour ne pas dire déchirante. Mais, avec la grâce
de Dieu, il est passé de la confusion qui l’habitait à un
processus de discernement et, finalement, à l’accepta-
tion. Il ressemble ainsi à Marie plus que nous n’aurions

40
Méditation sur l’Évangile

pu le penser au départ. Même si les récits d’annonce


sont différents pour Marie et pour Joseph, tous deux
sont confrontés à des sentiments de confusion, tous
deux connaissent une expérience vivante de Dieu, tous
deux doivent faire face à une décision jamais prise aupa-
ravant, tous deux acceptent la volonté de Dieu, et tous
deux se préparent à une vie déroutante.

Au cours de la dernière partie de l’histoire de Noël,


la Sainte Famille quitte son pays. Encore une fois, un
songe suggère à Joseph de fuir Bethléem et de partir
en Égypte afin d’échapper à la rage d’Hérode, car ce-
lui-ci avait eu connaissance de la naissance de Jésus et
allait ordonner le massacre de tous les enfants mâles de
moins de deux ans à Bethléem et dans toute la région.
Joseph, là encore, fait confiance à Dieu.

Tout au long de l’histoire de la Nativité, on découvre


la personnalité de Joseph, même s’il ne dit pas un mot,
au travers de ses choix et de ses actes. Joseph possède
toutes les vertus de la Bible hébraïque  : Dieu lui de-
mande de faire quelque chose de choquant ou d’insen-
sé aux yeux du monde, mais parce qu’il est juste, il fait
confiance et suit les conseils de Dieu.

Joseph était chargé de protéger Marie et son fils


dans des conditions d’extrême insécurité. Il a dû faire
confiance au plan de Dieu. Il est un modèle pour les gens
qui essaient de suivre Dieu dans les moments difficiles.

41
L’Arbre Généalogique

Le monde est en peine. Des familles se brisent. Des


corps souffrent. Des cœurs sont blessés. C’est tout aut-
our de nous que cela se passe et cela ne prend pas fin à
Noël. Rupture. Maladie. Fausse-couche. Perte d’emploi.

Pourtant, Dieu ne reste pas loin de notre douleur. Il y


entre avec nous.

Les blessures et la douleur, il les porte dès le départ.


C’est ce que nous montre l’arbre généalogique de Jésus.

Matthieu débute son Évangile en nous donnant une


liste de noms. Une généalogie. Celle de Jésus. Nous
sommes tentés de parcourir ce texte rapidement car à
première vue, il semble plutôt ennuyeux.

Et pourtant c’est un message plein d’espoir que Mat-


thieu nous dévoile à travers cet arbre généalogique.
Nous allons découvrir comment.

« Ceci est la généalogie de Jésus le Messie, fils de


David, fils d’Abraham. » Matthieu 1, 1

Il est logique que Matthieu, voulant prouver que


Jésus est le Messie, commence par dire qu’il est fils

43
Un chemin vers Noël

d’Abraham et fils de David. Abraham est l’homme ap-


pelé à devenir le père des croyants, celui qui obtient la
promesse d’une descendance plus vaste que les étoiles.
Des siècles plus tard, Dieu met David sur le trône d’Is-
raël et promet qu’un jour son royaume sera établi pour
toujours.

Ainsi, à travers quarante-et-une générations, Mat-


thieu montre que Jésus est un descendant à la fois
d’Abraham et de David. La promesse est accomplie.
Tout est dit.

Mais Matthieu n’en reste pas là. Car dans cette liste
remplie de patriarches, Matthieu nomme aussi cinq
femmes.

Voici sa liste :

Abraham père d’Isaac,


Isaac père de Jacob,
Jacob père de Juda et ses frères,
Juda père de Pharès et Zara, dont la mère était Tamar,

Pharès père de Hezron,


Hesrom père d’Aram,
Aram père d’Aminadab,
Aminadab père de Naassone,
Naassone père de Salmone,
Salmone père de Booz dont la mère était Rahab,
Booz père de Jobed, dont la mère était Ruth,

44
Méditation sur l’Évangile

Jobed le père de Jessé,


et Jessé le père du roi David.
David était le père de Salomon, dont la mère avait été la
femme d’Ourias,
…et Jacob le père de Joseph, le mari de Marie, et Marie
était la mère de Jésus qui est appelé le Messie.

Il s’avère que Jésus a tout un héritage, et pas forcé-


ment celui qu’on attendait du Fils de Dieu.

Matthieu aurait pu énumérer Sarah ou Rebecca, ma-


triarches de l’Ancien Testament, mais à la place, il énu-
mère Tamar, Rahab, Ruth, Bethsabée et Marie.

Tamar vivait dans un monde où les femmes n’avaient


presque aucune perspective en dehors de faire un
bon mariage et d’avoir des enfants. Le sort de Tamar
était désespéré parce que son mari était mort. Prenant
les choses en main, elle s’est déguisée en prostituée,
a couché avec son beau-père, et lui a donné des fils
jumeaux. Sa présence dans la lignée de Jésus montre
qu’il n’a pas réservé son salut aux personnes parfaites et
irréprochables, mais qu’il l’a offert à tous, même aux plus
grands pécheurs.

Rahab, la deuxième femme de la généalogie étab-


lie par Matthieu, a eu, elle aussi, une histoire chaotique.
C’était non seulement une prostituée, mais aussi une
Cananéenne, une étrangère, membre d’un peuple re-
jeté par les Juifs. Et pourtant, non seulement elle s’est

45
Un chemin vers Noël

sauvée elle-même ainsi que sa famille, mais elle a rejoint


la communauté de foi d’Israël, s’est mariée à un mem-
bre de la tribu royale de Juda, et est devenue la mère
de Booz, un ancêtre notable de Jésus. Sa présence dans
la lignée du Seigneur nous rappelle puissamment que
Dieu offre sa paix à tous, même à ceux qui sont méprisés
et rejetés. Il suffit de lui faire confiance.

Ruth est l’une des figures les plus brillantes et les


plus admirables des Écritures. Comme Rahab, la mère
de Booz, elle appartenait à un peuple exclu de la com-
munauté d’Israël. Pourtant, par sa foi et par sa grande
bonté, elle est devenue une femme de Dieu dont le car-
actère a édifié la plupart des hommes d’Israël. Sa place
dans l’ascendance du Seigneur en dit long sur la bonté
de Dieu à racheter les étrangers et sur la joie que cette
rédemption apporte.

Si l’histoire de Ruth et de Booz est l’une des plus


belles histoires d’amour de l’Ancien Testament, celle de
Bethsabée et David aurait pu avoir sa place dans une
série Netflix. Au lieu d’être construite sur la gentillesse
et le respect, elle est marquée par la luxure, le viol et
l’infidélité. Bethsabée est devenue l’une des épouses de
David et a donné naissance à Salomon, l’héritier choisi
de David et un précurseur du Christ à venir. Mais alors
que David est certainement le nom le plus important
de la généalogie de Jésus, la mention de Bethsabée
l’empêche d’être mis sur un piédestal. Elle rappelle la

46
Méditation sur l’Évangile

grâce du Messie à venir, qui rachètera les personnes


prises dans des relations blessées, et qui les restaurera
dans le véritable amour et la liberté offerts par Dieu.

Plus que pour ces quatre femmes de la généalogie


de Jésus, la place de Marie est évidente, attendue et in-
contestable. Elle est la vierge qui a enfanté le Fils de Dieu
par la puissance du Saint-Esprit. Mais son entrée dans
l’histoire sainte connaît, elle aussi, des difficultés. Alors
qu’elle est promise en mariage à Joseph, elle tombe en-
ceinte. La suspicion et la moquerie sont sûrement quo-
tidiennes pour elle à Nazareth. Joseph est humilié et
décide de la répudier en secret. Rien ne semble, là aussi,
se mettre en place dans le bon sens. Pourtant, sa foi dé-
passera ces épreuves. Sa prière dans ce moment difficile
- le Magnificat - deviendra pour toutes les générations
de chrétiens un exemple essentiel de confiance et de
louange.

Jésus n’a pas honte d’entrer dans cette histoire fa-


miliale. Il est issu d’une longue lignée de femmes bless-
ées, mais aussi courageuses et persévérantes dans les
épreuves. Les blessures et les épreuves ne sont pas la fin
de leurs histoires !

La douleur n’est jamais la fin de notre histoire. La


venue de Jésus change cela pour toujours.

47
Il n’y avait pas de Place pour Eux

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi il n’y avait


pas de place pour Marie et Joseph à l’auberge ?

Je peux facilement imaginer Joseph penser à ce


moment-là : « Ok, ça suffit ! D’abord, ma future femme
qui tombe enceinte  ! On a dû supporter soupçons et
commérages à Nazareth. Tout le village s’est moqué de
nous. Car qui allait croire notre histoire ? Et puis, César
Auguste qui décide de faire un recensement  ! Au pire
moment possible, nous devons parcourir 120 km à dos
d’âne pour aller à Bethléem  ! Et quand nous arrivons
enfin, il n’y a pas une chambre, pas une pièce, pas un
lieu décent pour nous accueillir ! Cela ne peut pas être
pire ! »

Marie et Joseph n’ont pas dû passer un moment très


calme et très serein.

Ils apprendront ensuite que Dieu a laissé briller une


étoile pour guider les mages jusqu’à leur petit. Je ne
peux m’empêcher d’imaginer Joseph se demandant  :
« Si Dieu pouvait faire briller les astres jusqu’à Bethléem,
n’aurait-il pas pu mettre une chambre d’hôtel à notre dis-
position ? Était-ce juste un oubli de dernière minute, ou
sommes-nous censés en tirer quelque chose ? »

49
Un chemin vers Noël

Je crois qu’il n’y avait pas de place à l’auberge pour


que, dès les tout premiers moments de sa vie, Jésus
puisse déjà s’identifier complètement aux défavorisés,
aux opprimés, aux rejetés, aux exclus et aux pauvres. Lor-
sque Dieu est devenu l’un d’entre nous, il n’a exigé au-
cun confort, aucun luxe, aucune protection. Dieu savait
qu’à travers l’histoire, et que de partout dans le monde,
il y aurait des personnes abandonnées, délaissées, es-
sayant de tenir dans la nuit. Des personnes qui regard-
eraient les étoiles et diraient dans leur cœur  : « Tu me
comprends, toi  ! Tu sais ce que c’est… ». À cela, Jésus
peut véritablement répondre  : «  En fait, je sais exacte-
ment ce que vous traversez ». 2 Corinthiens 8, 9 dit ceci :
« Même s’il était très riche, à cause de vous il est devenu
pauvre, afin que par sa pauvreté il puisse vous rendre
riche. »

Je crois qu’il n’y avait pas de place à l’auberge pour


nous rappeler que lorsque nous choisissons de faire la
volonté de Dieu, nous ne faisons pas le choix d’une vie
confortable ou facile. Dans Matthieu 16, 24, Jésus dit à
ses disciples : « Quiconque veut être mon disciple doit
renoncer à lui-même, prendre sa croix et me suivre. »

Le fait qu’il n’y ait pas de place pour Marie et Joseph


à l’auberge est le début de l’accomplissement de la pro-
phétie d’Isaïe qui dit que le Messie serait «  méprisé et
rejeté par les hommes, un homme de douleur et familier
de la souffrance » (Isaïe 53).

50
Méditation sur l’Évangile

La mère et le père de notre Seigneur ont été chassés


et rejetés. Même avant sa naissance, notre Seigneur a
été rejeté et ignoré. Les mots « pas de place pour lui »
l’ont suivi tout au long de sa vie...

C’est la même chose dans la vie de beaucoup de


gens aujourd’hui : il n’y a pas de place pour eux. Le Christ
aussi, même à cette période de Noël, au lieu d’avoir une
place d’honneur dans nos maisons et dans nos vies, est
souvent poussé dans un coin, oublié, mis de côté. Même
aujourd’hui, il n’y a pas de place pour Jésus.

Mais il y a une chose étonnante et belle, que j’aime


me rappeler : ce même enfant est venu nous faire une
place. Même si, maintes et maintes fois, l’humanité a dit
au Fils de Dieu qu’elle n’avait pas de place pour lui, Jé-
sus continue de dire à l’humanité : « J’ai une place pour
toi. J’ai une place pour vous tous. »

Tout comme ses parents terrestres ont frappé à


la porte de l’aubergiste, Jésus frappe toujours à la re-
cherche d’une maison dans notre cœur : « Voici que je
me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma
voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon
repas avec lui, et lui avec moi. » (Apocalypse 3, 20)

51
Les Auberges Fermées

Quand le texte de Luc parle d’une auberge où il n’y


a pas de place pour le jeune couple, il fait référence à la
chambre où les voyageurs pouvaient passer la nuit dans
les maisons privées.

Mais il n’y avait pas de place pour eux dans cette


maison.

Luc nous enseigne que nous pouvons complètement


passer à côté de Noël. Nous pouvons préparer les fes-
tivités, donner un grand dîner, réunir nos familles, mais
ne plus avoir de place dans nos vies quand Dieu arrive.
Accaparés par les préparatifs, les agendas, les cadeaux,
nous pouvons oublier l’essentiel. Quand Joseph et Ma-
rie frappent à la porte de nos vies afin d’y trouver l’hos-
pitalité, les entendons-nous ?

C’est un appel à ne jamais perdre de vue le vrai sens


de Noël : ouvrir la porte de nos cœurs à la naissance du
Christ. La fête, les dîners, les cadeaux ne sont que des
dérivés de la joie véritable et profonde.

Le monde fait tant de bruit qu’il n’entend plus Jo-


seph et Marie frapper à sa porte le soir de Noël.

53
Un chemin vers Noël

C’est ici-même que réside le drame de la Nativité.


Peu de gens ouvrent leur porte au Sauveur au moment
où celui-ci arrive. Quand Dieu veut entrer, ces gens sont
trop occupés pour l’accueillir. Leur travail, leur carrière,
leur argent... Ils sont complètement accaparés par leurs
soucis. Il n’y a plus de place dans leurs vies pour qu’Il
leur parle, pour qu’Il les bénisse, pour qu’Il les console.

Le drame ne réside pas tant dans l’achat de cadeaux


ou la préparation d’un grand dîner. Il est bon d’offrir des
cadeaux pour dire aux gens qu’on les aime. Il est bon de
préparer un grand festin. Jésus lui-même a montré du-
rant sa vie combien il aime les festins et les noces. Non,
ce n’est pas là que réside le drame de Noël. Le drame,
ce sont les cœurs fermés au moment où Joseph et Marie
viennent frapper à la porte de nos cœurs pour nous de-
mander une place, un lieu, un lit pour l’enfant.

Il ne faudrait pas devenir sourd intérieurement pen-


dant les fêtes. Ce serait se leurrer sur le sens de Noël.
Saint Augustin disait : « J’ai peur que Jésus passe et que
je ne m’en rende pas compte ». Il est important de rest-
er vigilants, de ne pas commettre l’erreur de se perdre
dans mille choses et ne pas s’apercevoir de la présence
de Dieu.

Alors, gardez un cœur ouvert et un esprit toujours


accueillant car vous pouvez être sûr que Joseph et Marie
passeront le soir de Noël dans votre vie pour frapper à la

54
Méditation sur l’Évangile

porte de votre cœur. Ce soir-là, ouvrez ! Ouvrez grande


la porte, même si ce n’est prêt, même si votre vie res-
semble plus à une étable qu’à un hôtel 5 étoiles. C’est
ici-même que Jésus veut naître.

55
Notre CŒur est une Etable

Le Christ est né dans une étable. Pour le célèbre


psychiatre C. G. Jung, c’est un symbole important. Il dit
que nous devrions toujours nous rappeler que nous ne
sommes que l’étable où Dieu est né. Nous ne sommes
pas le palais, ni la maison nouvellement construite et jo-
liment meublée, ni le salon confortable. L’étable évoque
pour chacun de nous des expériences et des sentiments
différents. Il y a la vie, il y a la naissance, mais il y a aussi
la mort, il y a aussi l’inquiétude. C’est la vie quotidienne,
avec ses hauts et ses bas, qui se trouve dans une étable.

L’étable représente bien notre vie. Ce n’est pas par-


fait, cela peut être complètement sale par moment. Il y
a la chaleur de la paille et la douceur du foin, mais aus-
si l’odeur du fumier et les amas de déchets. C’est une
image de notre être intérieur. Notre cœur aussi n’est ni
pur ni propre, ni exempt de germes. Beaucoup de dé-
chets s’y sont accumulés.

À Noël, nous aimerions présenter à Dieu une vie


sainte, parfaite, spirituellement stable. Nous aimerions
l’accueillir dans un lieu aussi propre et beau qu’une
chambre de palace. Mais personne ne vit dans un pa-
lace. On ne fait qu’y passer. Ce n’est pas le réel et Dieu

57
Un chemin vers Noël

le sait. Il accepte nos vies chaotiques, blessées, usées,


divisées et fatiguées. Il n’est pas effrayé par notre saleté.

Dieu veut naître en nous précisément là où résident


toutes nos misères, nos erreurs, nos blessures, nos sou-
cis, nos contradictions et nos angoisses. Nous ne pou-
vons pas offrir à Dieu une chambre propre, mais seu-
lement l’étable sale de notre cœur. Nous pouvons en
être gênés. Mais cela nous libère de l’illusion que nous
méritons la naissance de Dieu. Dieu veut naître en nous
parce qu’il nous aime, pas parce que nous pouvons lui
montrer ou lui prouver quelque chose. Dieu nous aime
au-delà de nos apparences, au-delà de ce que nous vou-
drions lui montrer. Alors la joie de Noël peut envahir nos
cœurs car Dieu est né en nous.

Les anciens mystiques chrétiens savaient que ce qui


importait, c’était la naissance de l’enfant en nous-même,
dans la crèche de nos cœurs. Angelus Silesius, un mys-
tique du Moyen Âge, disait : « Si le Christ est né mille fois
à Bethléem et non en vous, vous serez perdu à jamais. »

Votre vie n’est pas parfaite  ? Eh bien c’est le genre


d’endroit où Jésus veut naître ! Il est entré dans le monde
en bousculant la vie d’un jeune couple non marié. Il n’est
pas né dans un palais quand toutes les conditions étaient
réunies. Il est né au milieu de la nuit pendant la période
d’un recensement. Il a accepté une étable comme mater-
nité, un lieu indigne et probablement repoussant. C’était

58
Méditation sur l’Évangile

la manière de Dieu de nous montrer que rien n’est par-


fait. La vie est souvent chaotique et désordonnée. Les
choses ne sont pas toujours idéales. Mais Jésus les a ac-
ceptées. C’est dans ce genre de monde qu’il est entré.

L’histoire de Noël nous est devenue si familière


que nous pourrions oublier à quel point elle renverse
nos conceptions de Dieu. Dieu prend non seulement le
risque de se rendre vulnérable en se faisant petit enfant
mais en naissant dans le dernier endroit où on pourrait
s’attendre à le trouver.

Mais Dieu voulait juste être avec nous.

Parce qu’il nous dit :

« Il n’y a pas de gens que je vais refuser d’aimer.


Il n’y a pas d’endroit que je ne vais pas bénir.
Là où les personnes sont rejetées, vous me trouverez par-
mi elles.
Les choses n’ont pas à être soignées et rangées pour que
je les aime.
J’ai décidé de vous rejoindre là où vous en êtes, là où la
vie vous a emmené. »

Dieu nous rencontre là où nous sommes, quel que


soit l’état de notre vie. Si vous êtes gêné ou honteux,
Dieu ne l’est pas. N’ayez plus peur, vous êtes la demeure
du Christ, l’étable dans laquelle il naît ce soir.

59
Contempler à la Crèche

Notre méditation s’inspire ici d’une méthode de


prière rendue célèbre par Saint Ignace de Loyola. Cet
exercice spirituel porte des noms différents. Elle est
généralement appelée « contemplation ignatienne » ou
« prière imaginative », bien que Saint Ignace la nomme
souvent simplement « composition de lieu ». Cette méth-
ode de prière est conçue pour engager votre imagina-
tion.

Dans la contemplation ignatienne, vous êtes invité


à utiliser votre imagination comme un outil pour entrer
plus profondément dans un moment de la vie de Jésus.
Par votre imagination, vous vous placez dans une scène
de l’Évangile et là, vous êtes encouragé à donner vie à
l’histoire autour de vous à travers tous vos sens. Com-
ment vous figurez-vous la scène ? Les personnages ? Le
lieu ? Quels en sont les odeurs, les sons ? Que ressent-
ez-vous en étant témoin de tel ou tel événement ? L’idée
est de laisser libre cours à votre créativité ! Cette méth-
ode de prière n’est pas une tentative pour ajouter quoi
que ce soit d’étranger au récit évangélique ; c’est plutôt
une manière de rendre cette histoire présente pour
vous, de lui donner du sens ici et maintenant. Dans la
contemplation ignatienne, nous permettons au Saint-Es-

61
Un chemin vers Noël

prit de faire des ponts entre les récits évangéliques et les


expériences quotidiennes de nos vies.

Notre corps, notre esprit, notre imagination, nos


sens, notre mémoire, notre intuition, notre énergie et
notre passion peuvent tous nous aider à connaître et à
ressentir la présence de Dieu de façon plus profonde et
plus authentique. Plus nous sommes aptes à compren-
dre nos propres sentiments, nos réactions sensorielles,
nos souvenirs et notre imagination, plus nous pouvons
discerner l’amour authentique, la sagesse, la liberté in-
térieure, la paix et autres dons de l’Esprit.

Cet exercice de contemplation que nous offre Ignace


est l’occasion d’entrer avec notre imagination et nos sens
dans le mystère de la Nativité, de rendre présent cet
évènement d’il y a plus de 2000 ans qu’est la naissance
de Jésus à Bethléem.

Je vous invite à le faire vous-même, et pour vous ai-


der, je vous partage très simplement ma propre médita-
tion.

J’ai commencé par me mettre assis, demandant à


Dieu la paix et le calme. Je respirais profondément. Et
puis je me suis imaginé me lever de ma chaise et sortir
par la porte. J’ai marché dehors, dans les rues, puis dans
les bois. Je m’imaginais voyager dans un autre monde.
J’ai escaladé des rochers escarpés, et par-delà ces ro-
chers se trouvait la ville de Bethléem.

62
Méditation sur l’Évangile

C’était magnifique et effrayant à la fois. Il y avait un


nombre infini d’étoiles dans le ciel. Et, alors que je me
frayais un chemin dans la ville, je me sentais comme un
étranger qui n’avait pas sa place dans ce lieu. Mais, même
ainsi, j’ai continué à marcher jusqu’à ce qui ressemblait
à une grange ou une étable, et c’est là que j’ai vu Marie
et Joseph.

Marie venait d’accoucher. C’était le calme après la


tempête. Je me tenais à distance dans le noir et Ma-
rie a attiré mon attention. Elle était jeune et belle. Elle
semblait proche de mon âge et accessible, comme si
je pouvais facilement devenir son ami. Alors que je la
regardais dans l’ombre, elle m’a adressé un signe de la
tête, comme si elle m’attendait. À ce moment-là, j’ai im-
médiatement ressenti sa douceur, sa compassion et son
amour pour son fils.

Je me souviens les avoir approchés tous les trois, si-


lencieusement. Le nouveau-né Jésus dormait. Je me suis
assis avec eux pour contempler le petit miracle et, au
bout d’un moment, j’ai trouvé le courage de demander à
Marie : « Puis-je faire quelque chose ? »

Et Marie m’a chuchoté en réponse : « Non, reste un


moment. Il est content que tu sois là. »

Je suis donc resté assis avec eux, paisible, à la fois


frappé d’émerveillement et de crainte à la vue de notre
Sauveur.

63
Un chemin vers Noël

Marie m’a alors demandé si je voulais le tenir, et j’ai


pu sentir la chaleur de son sourire et entendre ses en-
couragements. Elle savait que j’étais nerveux et m’a ras-
suré en disant : «  Cet enfant est autant à toi qu’il est à
moi.  » Je l’ai pris dans mes bras, et le tenant, je me suis
senti à la fois honoré et bouleversé. Je n’arrêtais pas de
lui murmurer : « Tu vas sauver le monde, et tu ne le sais
même pas. »

Ce qui est drôle, c’est que cette méditation sur la


naissance de Jésus m’a fait découvrir en premier lieu
Marie. Je l’ai rencontrée d’une manière complètement
nouvelle. Elle était jeune et belle, chaleureuse et accueil-
lante et, à bien des égards, je pouvais sentir qu’elle était
terrifiée par un avenir mystérieux, tout comme moi. Mais
cela ne l’a pas empêchée de s’en tenir aux promesses de
l’ange. La peur n’a pas paralysé cette femme, car sa foi
en Dieu était la plus forte. Ce fut une expérience boule-
versante.

Quand il était temps de partir, Marie a repris Jésus.


Elle m’a regardé à nouveau et a dit : « Tu fais partie de
la famille maintenant. » J’ai retenu mes larmes jusqu’à la
sortie de l’étable. Dehors, j’ai croisé des bergers. Nous
ne nous sommes pas parlé mais leurs regards m’inter-
rogeaient : « C’est ici ? C’est là qu’est l’enfant ? ». J’ai ap-
prouvé de la tête et les ai regardés entrer tous joyeux
dans la grotte, comme on est heureux de visiter un nou-
veau-né dans une maternité.

64
Méditation sur l’Évangile

Merci, Marie, de m’avoir laissé entrer dans la vie de


ta famille.

65
L’Annonce aux Bergers

Nous aimons entendre de bonnes nouvelles, surtout


lorsque nous en sommes les premiers informés. Quand
un ami nous annonce une grande nouvelle, comme
des fiançailles ou la naissance d’un enfant, il y a une dif-
férence considérable entre apprendre cette nouvelle par
téléphone et la découvrir sur Facebook. Nous préférons
être invités à participer à la vie des personnes que nous
aimons plutôt qu’en être simplement les spectateurs.

Aujourd’hui, nous pouvons partager de grandes


nouvelles de façon simple et rapide. Avec un tweet, une
publication, un hashtag ou un texte de groupe, nous pou-
vons communiquer avec les masses. Les choses étaient
évidemment très différentes à l’époque de la naissance
de Jésus. Lorsque quelque chose d’important se pro-
duisait, comme la naissance d’un enfant, les hérauts
répandaient souvent la nouvelle. Les familles, si elles en
avaient les moyens, engageaient quelqu’un pour visit-
er la communauté et annoncer l’heureux évènement.
Marie et Joseph, qui avaient de plus humbles moyens,
n’avaient pas la capacité de le faire. Mais Dieu lui-même
a fourni une compagnie de hérauts célestes pour proc-
lamer la naissance de son Fils unique.

67
Un chemin vers Noël

Imaginez la scène  : des bergers veillant à minuit,


les yeux et les oreilles ouverts à l’affût du moindre dan-
ger, des moutons bêlant à leurs côtés. Et puis, sortis de
nulle part, un ange du Seigneur, la gloire de Dieu et une
grande nouvelle proclamée. Il est étonnant que Dieu ait
choisi ces personnes si simples pour être les premières
à entendre la Bonne Nouvelle. À l’époque, les gens con-
sidéraient les bergers comme des menteurs et des vo-
leurs. Parce qu’ils étaient nomades, se déplaçant d’un
endroit à l’autre pour faire paître leurs troupeaux, les
gens ne leur faisaient pas confiance. Pourtant, c’est à des
hommes comme ceux-ci que Dieu a choisi d’annoncer la
venue du Messie. Il n’a pas d’abord communiqué la nou-
velle à la cour royale, aux chefs religieux de l’époque,
mais aux bergers, humbles et insignifiants. Il les a invités
dans son histoire et les a ensuite mobilisés comme les
tout premiers évangélistes.

Dès qu’ils ont appris la nouvelle de la naissance de


Jésus, les bergers se sont sentis poussés à agir. Ils sont
partis en hâte, laissant leurs troupeaux derrière eux,
pour trouver Marie, Joseph et cet enfant couché dans
une mangeoire. Et une fois qu’ils ont vu Celui par qui le
salut allait venir, ils ont répandu la parole.

Nous sommes, comme ces hommes, les destina-


taires improbables d’une réalité incroyable. Tout comme
Dieu a appelé les bergers à témoigner de la naissance
de Christ dans un monde instable et complexe, de même

68
Méditation sur l’Évangile

nous sommes appelés à redire les paroles de l’ange aux


gens que nous fréquentons : « Je t’annonce une grande
joie. Aujourd’hui, pour toi est né un Sauveur ! » En tant
que croyants, nous sommes invités dans son histoire, en-
voyés comme des hérauts. Nous sommes les bergers du
XXIe siècle.

69
Les Anges

A Noël, le ciel et la terre se rencontrent. En se faisant


homme, Dieu embrasse la terre pour que le fruit divin
puisse en sortir. Dieu envoie son ange pour ouvrir nos
cœurs au mystère de son amour, afin que Dieu aussi
puisse devenir homme dans nos cœurs.

Les anges nous annoncent cinq promesses de Dieu,


cinq bonnes nouvelles, cinq vœux à entendre à Noël
pour nos vies.

1 - L’annonce du Sauveur

L’ange Gabriel vient à Marie et lui annonce qu’elle


concevra un enfant qui sera appelé saint et Fils de Dieu.
Gabriel est l’Ange de l’Annonciation. Quand il vient à
quelqu’un, quelque chose de nouveau surgit. Marie
tombe enceinte de la parole que l’ange lui prêche. La
parole porte du fruit, un fruit divin qui transformera le
monde entier. C’est la première promesse de l’ange
pour vous, celle d’un fruit nouveau en vous, d’un nou-
veau départ.

L’enfant divin qui veut naître en vous à Noël


représente l’image originale et accomplie que Dieu

71
Un chemin vers Noël

a faite de vous. Si vous êtes en contact avec cette im-


age, votre vie porte du fruit. Vous êtes protégés contre
l’épuisement dans votre travail, votre couple, vos rela-
tions. Vous gardez espoir quand les tempêtes se lèvent.
Aujourd’hui, beaucoup souffrent de burnout parce qu’ils
ne vivent pas de leur image d’origine, mais des imag-
es que les autres ont projetées sur eux, des attentes qui
leur ont été imposées. L’ange veut vous mettre en con-
tact avec l’enfant divin en vous, car c’est une source de
vitalité et de force pour votre vie.

2 - L’annonce d’une grande joie

L’ange vient vers les bergers et leur dit ceci  : «  Je


vous annonce une grande joie à partager avec tout le
monde. Aujourd’hui dans la ville de David vous est né le
Sauveur, le Messie, le Seigneur » (Luc 2,10).

Les bergers nous ressemblent. Comme eux, nous


sommes des gens simples en attente de grandes nou-
velles. Comme eux nous désirons la guérison, la conso-
lation, une vie libre et pleine de sens. L’ange nous an-
nonce à nous aussi une grande joie, de celle qui vient
chasser les ténèbres.

Il nous annonce qu’en Jésus est né le Sauveur. Celui


qui guérit les blessures, qui relève ce qui est tombé. Il
nous révèle qu’en Jésus est venu le Messie, le libérateur,
celui vient nous affranchir de nos contraintes intérieures,
de nos peurs et de nos préjugés.

72
Méditation sur l’Évangile

L’ange apporte dès aujourd’hui de la joie dans votre


vie. Je souhaite qu’il vous montre la guérison qui est déjà
dans votre âme. Qu’il fasse de la liberté à laquelle vous
aspirez une réalité. Et qu’il vous permette de vivre en de-
venant vous-même et non en vivant conformément aux
attentes des autres.

3 - L’invitation à quitter ses peurs

Dans l’Évangile de Matthieu, l’ange apparaît à Jo-


seph dans un rêve. Joseph était en train de se question-
ner : devait-il ou non se séparer de Marie, sa fiancée ?
Alors qu’il est perdu dans ses pensées, un ange lui parle
en songe et lui explique ce qui est arrivé à Marie. Puis
l’ange lui dit quoi faire.

Je souhaite qu’un ange apparaisse aussi dans vos


rêves pour vous ouvrir à de nouvelles perspectives. Si
vous regardez votre vie avec des yeux angéliques, vous
découvrirez ce que Dieu veut travailler en vous. Vous
saurez quelles mesures prendre en vous pour que votre
vie soit meilleure.

La promesse faite par l’ange à Joseph s’applique


également à nous : Dieu est Emmanuel, Dieu-avec-nous.
Noël nous montre que Dieu n’est pas un Dieu lointain,
mais un Dieu qui parcourt tous nos chemins avec nous,
afin que nos chemins réussissent.

73
Un chemin vers Noël

4 - L’annonce des dangers

L’ange apparaît encore trois fois à Joseph pour l’ac-


compagner sur son chemin. Il l’avertit du danger que
représente Hérode pour l’enfant et il lui ordonne de
prendre le bébé et sa mère et de s’enfuir en Égypte. Je
vous souhaite que l’ange de Noël vous protège de tout
ce qui vous menace, de tout ce que vous angoisse au-
tour de vous et en vous.

Noël signifie que Dieu donne à chacun de nous une


dignité inviolable. Chacun de nous est une image unique
de Dieu. Et cette image doit être protégée contre tous
les rois Hérode de notre époque. Je vous souhaite que
l’ange vous avertisse des dangers de ce monde, des es-
prits malsains et tordus qui y règnent. Je souhaite que
vous ayez, comme Joseph, une vision juste des événe-
ments pour vous protéger de ces forces ennemies.

5 - L’annonce du chemin à emprunter

L’ange apparaît également aux mages d’Orient.


Après que l’étoile les ait conduits à Bethléem, un rêve les
presse de revenir par un autre chemin. Je vous souhaite
que l’ange qui a accompagné les mages vous accom-
pagne aujourd’hui sur tous vos chemins.

Qu’il vous accompagne dans vos trajets quotidiens


en voiture pour que vous rentriez toujours sain et sauf à
la maison. Qu’il vous accompagne sur vos chemins inté-

74
Méditation sur l’Évangile

rieurs, si vous vous sentez perdus ou en insécurité. Qu’il


laisse briller sur vous l’étoile de la foi pour que vous de-
veniez une bénédiction sur le chemin des autres.

Noël signifie que le ciel et la terre se rencontrent.


Quand Dieu devient homme, un morceau du ciel de-
vient visible ici sur terre. Par les anges de Noël, le ciel
vient sur terre pour nous aussi. Nous sommes touchés,
embrassés par le ciel.

Je vous souhaite que l’ange vous annonce la grande


joie de la venue du Fils de Dieu guérisseur, libérateur
et sauveur, et crée en vous une maison dans laquelle
la naissance de Dieu peut arriver. Je vous souhaite une
nouvelle année bénie, que vous vous sachiez toujours
accompagnés par les anges de Dieu sur tous les che-
mins intérieurs et extérieurs.

75
Dieu fait sa Demeure parmi Nous

Le premier chapitre de l’Évangile de Jean ressemble


presque à un manuel de philosophie. Il est question de
la Parole, de la Parole qui était auprès de Dieu, de la Pa-
role devenue chair, qui était dans le monde mais que le
monde n’a pas connu, qui existait avant moi et qui vient
après moi... et de beaucoup d’autres choses assez ab-
straites ! Il est important de savoir que Jésus est la Parole
et qu’il existait avec Dieu avant toute la création. Mais
cela est loin de ce que nous évoque la naissance de Jé-
sus dans la crèche !

Contrairement aux récits de Noël, difficile ici d’imag-


iner la scène. Ici, pas de berger, de crèche, de mages
suivant une étoile... S’il est facile de se représenter Marie
et Joseph à Bethléem, il est plus difficile d’imaginer la
Parole de Dieu qui existe depuis toujours.

Mais il y a une phrase de ce texte que j’ai toujours


aimée et à laquelle nous pouvons tous nous identifier.

Peut-être avez-vous déjà vécu un déménagement. Si


c’est le cas, vous savez que cet évènement chamboule
une vie, que cette décision engage votre vie, votre fa-
mille.

77
Un chemin vers Noël

Quelque chose de semblable s’est passé quand Jé-


sus s’est incarné. L’Évangile de Jean nous dit : « Le Verbe
s’est fait chair et a fait sa demeure parmi nous  ». Dans
le grec original, la langue est encore plus vivante. Cela
pourrait être mieux traduit par « Dieu a dressé sa tente
parmi nous ».

Pensez à tous ces films bibliques où les Israélites


habitent au désert dans des tentes, comme des no-
mades. Dieu a décidé de venir parmi nous, il a dressé
sa tente et a habité parmi nous. C’était sa manière de
nous montrer à quel point il voulait être avec nous. Et
cela signifiait, comme pour un déménagement, une dé-
cision et un engagement. Dieu a décidé de vivre parmi
nous. Dieu s’est engagé envers nous.

Qu’est-ce que cela veut dire pour nous  ? Parfois,


les gens pensent que nous adorons un Dieu qui est
une idée philosophique abstraite ou une construction
théologique. Mais ce n’est  pas cela. Nous croyons en
un Dieu qui a décidé de devenir humain, de devenir
une personne comme nous. Une personne qui dormait,
mangeait et buvait, qui était fatigué, blessé  et affamé.
Nous n’avons pas de Dieu qui ne peut pas comprendre
nos douleurs, nos luttes ou nos difficultés. Ainsi, lor-
sque vous priez, vous pouvez vous imaginer parler avec
quelqu’un qui vous comprend complètement. Dieu
nous aime tellement qu’il est devenu l’un des nôtres,
non seulement pour nous assurer qu’il comprend nos

78
Méditation sur l’Évangile

problèmes, mais pour nous permettre de nous relier


plus facilement à Lui.

Parfois, nous sommes tellement habitués à l’histoire


de Noël que nous oublions ce merveilleux miracle. Dieu
aurait pu choisir n’importe quelle autre manière de se
révéler à nous. Il aurait pu apparaître dans le ciel, de fa-
çon grandiose. Dieu aurait pu venir, comme le croient
les musulmans, dans un livre (le Coran). Il aurait pu choi-
sir n’importe quelle manifestation physique. Mais Dieu
a choisi de venir à nous de la manière la plus proche
possible : il s’est fait l’un de nous. Plantant sa tente parmi
nous. Vivant parmi nous. Avec nous et comme nous.

Emménager dans une nouvelle maison ou un nouvel


appartement signifie des choses merveilleuses à venir,
comme de nouveaux amis, de nouvelles pièces à déco-
rer, peut-être plus d’espace et parfois de nouvelles pers-
pectives de vie. Mais cela signifie aussi que vous devrez
sûrement faire face à toutes sortes d’imprévus que vous
pourriez ne pas aimer  : un problème de voisinage, des
travaux à réaliser en urgence, des nuisances sonores...

Quand Dieu a assumé notre chair humaine, il a aussi


décidé, par amour pour nous, de supporter toutes sortes
de problèmes humains : tristesse, déception, deuils, tra-
hisons. Dieu savait tout ce qui se passait dans ce monde.
Mais cela n’avait pas d’importance, car il voulait nous
montrer à quel point il nous aime. Même la mort sur une
croix n’a pas suffi à le dissuader de venir parmi nous.

79
Un chemin vers Noël

En ces jours de Noël, en réfléchissant à la manière


dont Dieu vient à nous, vous pouvez vous représenter
ceci : Imaginez qu’un jour vous entendiez que Dieu allait
emménager dans votre quartier. Imaginez que votre voi-
sin vous dise que Dieu ait décidé d’habiter juste à côté
de chez vous.

Cela peut sembler idiot, mais c’est ce que signifie


Noël  : Dieu emménage avec nous. Dieu a «  planté sa
tente  » parmi nous à Bethléem, et il continue de vivre
avec nous dans notre maison, notre appartement, notre
communauté de vie. Le jour de Noël et tous les jours,
jusqu’à la fin des temps.

80
Une Lumière dans les Ténèbres

Nous n’avons pas tous les mêmes attentes à Noël.


Certains veulent vivre un moment harmonieux en famille.
D’autres aiment se plonger dans des souvenirs d’en-
fance. Pour nous, Français, le dîner du soir est le cœur
de la soirée. Et pour les enfants, l’attente des cadeaux
occupe généralement les esprits.

Le credo que nous prions ou chantons chaque di-


manche exprime sobrement le mystère de Noël : « Pour
nous et pour notre salut, il est descendu du ciel.  » C’est
le point central de Noël  : Dieu est descendu jusqu’à
nous en Jésus-Christ. Il est maintenant parmi nous, sur
un pied d’égalité avec nous. Mais la descente n’a qu’un
but : notre salut. En latin on dit : « salus ». Cela peut sig-
nifier beaucoup de choses : santé, bien-être, sauvetage,
récupération et bonheur. Nous aspirons tous à la santé
et au bonheur. Mais comment la descente de Dieu dans
l’enfant de Bethléem est-elle censée nous guérir et nous
apporter le bonheur ?

En Jésus, Dieu est descendu dans le royaume ob-


scur de notre âme afin que nous puissions aussi trouver
le courage d’y descendre. Nous n’avons alors plus be-
soin d’avoir peur de toutes les émotions négatives qui

81
Un chemin vers Noël

sommeillent au fond de nous. Parce que la lumière de


Jésus vient pénétrer jusque dans nos ténèbres les plus
profondes. Et si nous laissons la lumière de Jésus illu-
miner tout ce qu’il y a en nous, alors nous serons entiers
et unis. En Jésus, l’amour incarné de Dieu est descendu
jusqu’à nous pour imprégner et transformer avec amour
tout ce qui nous endurcissait et nous paralysait. Cela fait
advenir en nous l’homme nouveau. Cela nous procure
bien-être, santé, paix intérieure et bonheur.

Mais ce travail est long. La nuit de Noël est longue.


Elle nous demande de la patience.

A Noël, beaucoup de gens essaient tant bien que


mal de créer une ambiance bonne et chaleureuse aut-
our d’eux, dans leur famille ou dans leur cercle d’amis.
Mais souvent cela ne marche pas. Si je n’aime qu’avec
ma volonté, mon corps exprime souvent le contraire  :
inquiétude, insatisfaction, dureté, méfiance. Un bon
charisme n’émanera de moi que si je laisse l’amour de
Jésus pénétrer tout ce qui est en moi : mon corps, mes
émotions, mes côtés sombres et refoulés.

C’est cela Noël : me laisser transformer par un amour


qui se laisse voir dans une étable. La belle fête de famille
ne suffira pas. Vous aurez avant tout besoin de silence,
de méditation, de paix intérieure. Car en silence, je m’ex-
pose à l’amour de Jésus. J’expose à cet amour mes émo-
tions, mes pensées, et je me découvre d’une nouvelle

82
Méditation sur l’Évangile

manière. Je sens un amour qui remplit mon cœur. Que


me donne le « salus », c’est-à-dire la paix, le bien-être. Si
je vis d’abord le mystère de Noël dans le silence, alors je
peux ensuite célébrer Noël avec les autres.

Nous devons toujours être conscients que Jésus est


né dans une étable. Il est aussi né dans mon étable pour
transfigurer avec sa grâce tout ce qui traîne, gît et erre en
moi. Jésus veut aussi transformer l’étable de ma famille
avec son amour. L’étable est la pièce dans laquelle nous
rangeons tous les conflits non résolus, les sentiments
refoulés, les non-dits, qui, restant dans l’ombre, empoi-
sonnent toute la maison. Aussi, si l’enfant de la crèche
éclaire notre étable et la remplit d’amour, la guérison
commence son long chemin en nous. C’est peut-être là,
le plus grand miracle de Noël. Que non seulement notre
maison intérieure soit transformée par l’amour et la lu-
mière de Jésus, mais aussi notre famille. Ainsi, nous nous
sentirons vraiment chez nous.

83
Emmanuel

« Emmanuel » : Dieu est avec nous.

C’est le mot central de l’histoire de la naissance de


Jésus racontée par l’évangéliste Matthieu. En Jésus, Dieu
est avec nous et pour nous. Il n’y a plus d’endroit où nous
sommes seuls. Il n’y a plus de souffrance qui ne puisse
nous affecter sans que Jésus l’ait connue. Tout le sens de
la vie de Jésus est résumé par ce mot : «  Emmanuel  ».

Même après sa résurrection, juste avant qu’il parte


vers son Père, il nous réconforte : « Soyez certain : je suis
avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mat-
thieu 28, 20). Tout ce qui arrive à Jésus et tout ce qui
peut aussi nous arriver, nous devons le voir à la lumière
de cette promesse. Alors nous n’avons plus peur. Alors la
proximité aimante de Dieu peut entrer dans notre cœur.

Il a osé entrer dans la chair faible afin que nous puis-


sions le trouver là où nous sommes. Nous expérimentons
la puissance de Dieu dans notre faiblesse, son immortal-
ité dans notre mortalité, et sa gloire dans nos ténèbres.

Notre vie a changé. Non seulement nous avons vu


la gloire de la vie divine dans le corps de Jésus, mais

85
Un chemin vers Noël

nous sommes nous-mêmes touchés par son incarnation.


Notre nature a changé. Elle a été remplie de vie divine,
de sa puissance et de sa lumière. C’est la bonne nouvelle
de Noël. Nous ne sommes plus seulement des êtres hu-
mains mortels et fragiles, sujets à la maladie et à la mort.
Nous avons en nous un germe impérissable : la vie di-
vine.

Lorsque nous regardons en nous-même, nous ren-


controns non seulement les blessures de notre histoire
de vie, non seulement nos propres pensées, nos propres
sentiments, mais aussi, au fond de notre âme, la vie di-
vine, l’amour divin, la clarté et la beauté divines. Pour les
Grecs, le fait que nous soyons remplis de cette vie divine
est notre guérison, notre libération et notre rédemption.
Cette vie guérit nos blessures. Elle nous donne le pou-
voir de nous libérer des dépendances, de vivre notre vie
au lieu de la subir. Elle nous libère du vide de notre ex-
istence. Notre vie a une saveur nouvelle. C’est, comme
nous le dit le message de Noël, celle de l’amour et de
la paix.

86
Les Mages d’Orient

Pratiquement aucune autre histoire de la Bible n’a


été aussi embellie au cours des siècles que l’histoire
des mages venus d’Orient. Les gens ont tellement aimé
cette histoire qu’ils l’ont développée, « enrichie ». L’Écri-
ture ne précise pas le nombre de mages venus visiter
Jésus. La croyance populaire en a par la suite défini trois,
en raison des trois cadeaux offerts au nouveau-né (l’or,
la myrrhe et l’encens). On leur a aussi donné des noms :
Gaspard, Melchior et Balthasar ; et des âges différents :
le jeune, l’adulte, et l’ancien. On les a fait venir des trois
continents connus alors au Moyen Âge : l’Europe, l’Asie
et l’Afrique.

Et puis à la fin du Moyen Âge, les premières crèch-


es apparaissent et les trois mages reçoivent de belles
robes et de riches turbans, et sont accompagnés d’une
caravane de chameaux et de serviteurs. Les mages sont
ainsi devenus les rois mages.

Mais revenons au récit biblique. Nous savons que


les mages venaient de loin. Ils étaient étrangers aux
promesses d’Israël. Leur présence dans le récit évan-
gélique permet ainsi de rappeler fortement le caractère

87
Un chemin vers Noël

universel du salut. Nous tous, des lieux divers où nous


nous trouvons, sommes appelés à l’alliance avec Dieu.

Trouver et vivre cette communion implique parfois


d’entreprendre un voyage sans savoir où il nous mènera.
Cependant, nous savons qui nous recherchons.

Suivre l’étoile demande un voyage du corps et de


l’âme. Les sages ne sont pas tombés sur le Seigneur par
accident, mais à la suite d’un voyage intentionnel qui im-
pliquait la conscience de soi et l’ouverture d’esprit et de
cœur, en plus du temps, de l’énergie et de la distance
que demande tout voyage. En fin de compte, les désirs
de leurs cœurs ont été récompensés.

La fête de l’Épiphanie n’est pas seulement un mo-


ment pour se souvenir des mages, mais une occasion
pour apprendre d’eux et devenir les mages d’aujo-
urd’hui. Voici quelques façons de suivre leur exemple :

1 - Connaissez vos besoins

Les mages connaissaient leur richesse, mais ils con-


naissaient aussi leur pauvreté. Ils savaient qu’ils avaient
besoin d’un Sauveur. Nous avons tous des besoins, à la
fois pratiques et existentiels, et bon nombre de ces be-
soins ne peuvent être satisfaits que lorsque nous entrons
en communion avec d’autres personnes et, finalement,
avec Dieu. Connaître nos besoins est le début de la sag-
esse.

88
Méditation sur l’Évangile

2 - Simplifiez vos envies

Selon G.K. Chesterton, Il y a deux façons d’être


comblé : « L’une est de continuer à accumuler de plus en
plus. L’autre est de désirer mieux. » Bien que les mages
aient sûrement la capacité de choisir la première option,
ils donnent l’exemple en choisissant la seconde. Ils n’ont
accordé la priorité qu’à une seule chose : garder les yeux
fixés sur le Sauveur. Ils n’ont pas cherché à acquérir da-
vantage. Ils ont laissé derrière eux ce qu’ils avaient et se
sont lancés dans un voyage inconnu. Et, bien sûr, si on
se souvient d’eux des siècles plus tard, ce n’est pas pour
leur richesse ou leur statut social, mais pour le seul mo-
ment où leur désir a été accompli en posant les yeux sur
le Seigneur.

3 - Recherchez la grâce dans des endroits inattendus

Bien que nous ne sachions pas tout sur les mages,


il est probable qu’ils aient appartenu à la caste sacer-
dotale royale dans la tradition zoroastrienne. Pourtant,
leur cœur et leur esprit étaient suffisamment ouverts
pour reconnaître et adorer un Sauveur né parmi les Juifs.
Dieu peut nous surprendre. Des instants de grâce, de
consolation et de compréhension nous attendent à des
moments inattendus, et dans lieux improbables. Nous
sommes bénis lorsque nous reconnaissons cela et pou-
vons accepter les nombreuses, très nombreuses façons
de Dieu de se rendre présent tout au long de notre vie.

89
Un chemin vers Noël

4 - Soyez prêt et gardez votre sang-froid

Préparez-vous. Soyez à la fois prudent et flexible. Les


mages sont arrivés avec des cadeaux dignes d’un roi.
Ils ne savaient peut-être pas exactement où leur voyage
les mènerait, mais ils savaient qui ils cherchaient et ils
étaient prêts à le rencontrer. De même, après avoir ren-
contré Hérode et senti son antagonisme envers Jésus,
ils rentrèrent prudemment chez eux en prenant un autre
chemin.

5 - Prenez le temps de contempler le Seigneur

Le voyage vers Dieu est une combinaison de vos ef-


forts et de sa direction. La volonté, la préparation et l’en-
durance dépendent de vous. Les moments de rencontre
en face à face avec le Seigneur dépendent de la grâce
de Dieu. Lorsque vous sentez sa présence, à travers un
moment de prière, une conversation, une expérience si-
lencieuse avec un être cher, savourez l’instant et prenez
le temps de contempler le visage de Dieu. C’est la vraie
sagesse.

Pour moi, ce qu’il y a de plus étonnant chez les mag-


es, ce n’est pas le fait qu’ils aient pu prédire la naissance
d’un roi à partir des positions des planètes ; n’importe
quelle diseuse de bonne aventure aurait pu faire ce
genre de calcul. Ce n’est pas non plus le fait qu’ils aient
quitté leur terre et entrepris un long voyage pour savoir

90
Méditation sur l’Évangile

s’ils avaient raison ; les astronomes le font tout le temps.


Le plus étonnant c’est qu’ils aient été capables et dé-
sireux de reconnaître le roi qu’ils cherchaient dans l’en-
fant qu’ils ont trouvé dans une mangeoire.

Sommes-nous capables de reconnaître l’enfant dans


l’étable ?

91
Ils Repartirent par un autre Chemin

Les yeux fixés sur l’étoile, ils sont partis pour l’aven-
ture de leur vie… Ils ont sûrement dû demander leur che-
min quand les nuages dérobaient l’étoile à leurs yeux.
Mais ils ont finalement trouvé ce qu’ils cherchaient et ils
se sont réjouis d’une très grande joie. Après avoir hono-
ré l’enfant et offert leurs cadeaux - de l’or, symbolisant la
royauté ; de l’encens, représentant la prière sur terre ; et
de la myrrhe, symbolisant la mort et la résurrection de
Jésus - ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Certes, cela était nécessaire pour échapper au


piège tendu par Hérode qui en voulait à l’enfant. Mais,
après avoir rencontré et reconnu en l’enfant le Sauveur
du monde, ils ont été bouleversés et leur vie a pris une
orientation nouvelle. Nous aussi, qui avons reconnu
dans l’enfant de la crèche Jésus Emmanuel (Dieu-avec-
nous), puissions-nous repartir cette année « par un autre
chemin ».

En arrivant au terme de nos méditations sur Noël, les


anges viennent nous donner une dernière  instruction,
un ultime message : « Prenez un autre chemin ! »

93
Un chemin vers Noël

Tous ceux qui rencontrent le Christ sont voués à un


autre chemin, arrachés à leur passé, à leur routine. Le
chemin ouvert par Jésus est toujours nouveau. Un che-
min de conversion pour nous accomplir en plénitude
dans notre humanité. 

Nous sommes peut-être arrivés jusqu’à l’étable par


le chemin de la fatigue, du désespoir,  de la tristesse,
de la rupture... Il y a tant de chemins difficiles pour cha-
cun de nous. Quelquefois, les chemins de la colère ou
de la peur deviennent les seules routes que nous puis-
sions  emprunter pour arriver jusqu’à l’enfant. Mais ce
n’est pas un drame, ni un péché. Être soi-même devant
Dieu, ne rien lui cacher - nous l’avons vu durant toutes
ces méditations - est le début d’une vraie relation avec
lui. Marie et Joseph ont dû passer par tant de chemins
difficiles  pour rejoindre leur fils (souvenez-vous de la
fugue de Jésus à douze ans).

Après que l’étoile ait fait irruption dans leur


conscience, après cette illumination qui les a d’abord
déstabilisés, puis entraînés vers le voyage de leur vie,
après avoir vu en l’enfant quelqu’un de fragile et d’im-
puissant mais aussi de saint et de lumineux, après qu’ils
aient reconnu le pouvoir qui tue (Hérode à Jérusalem)
et celui qui donne la vie (l’enfant à Bethléem), les mages
sont rentrés chez eux. Mais par une toute autre route.

94
Méditation sur l’Évangile

C’est le dernier message des anges qui doit retentir


en nous : celui de ne pas repartir de l’étable par la même
route. Comme si la crèche, le lieu de l’adoration, nous
accueillait avec nos tourments, nos larmes et nos décep-
tions, mais nous invitait aussi à repartir par un chemin de
paix, de libération et de joie. Il s’agit donc pour nous de
faire un pas sur ce nouveau chemin de vie. 

N’ayez pas peur de repartir par le chemin du pardon


si vous êtes arrivés par la voie de la rancœur.

N’ayez pas peur de choisir  le chemin de la paix si


vous êtes arrivés par le chemin de la colère.

Prenez le chemin de la guérison si vous êtes blessés.

Essayez le chemin de la joie si les larmes ont trop


coulé.

Laissez-vous bénir pour devenir une bénédiction.

Choisissez  d’aimer, même si votre route jusqu’à


l’étable a été remplie de trahison, de rupture, d’abandon.

Prenez le chemin de l’accueil inconditionnel même si


l’on vous a rejeté ou jugé.

Repartez par la route de la liberté et de la vie !

95
Un chemin vers Noël

Le voyage spirituel que connaissent beaucoup d’en-


tre nous n’est pas si différent de celui des mages. Une
illumination graduelle ou soudaine a percé le brouillard
de notre quotidien et nous nous sommes mis en quête.
Nous avons erré, certains d’entre nous pendant des an-
nées. Nous avons peut-être complètement abandonné
la vie religieuse ou au contraire essayé de multiples et
diverses pratiques spirituelles. Nous nous sommes peut-
être assis poliment sur un banc d’église comme une
personne en quête de sens, nos errances intérieures et
secrètes. 

Mais à un moment donné, nous sommes entrés dans


cette étable. Nous avons vu Joseph et Marie, tenant
humblement cet enfant. Et nous avons compris qu’il y
avait plus qu’un enfant en ce lieu. Nous avons vu que ce
couple tenait entre ses mains celui qui tient tout. Nous
avons contemplé celui qui pourrait nous sauver et sau-
ver notre monde. Nous avons ressenti le désir de nous
agenouiller et de laisser briller cette lumière dans le
monde. Nous ne comprenons pas plus ce changement
intérieur que les mages. Mais, comme eux, nous voyons
poindre en nous une conscience spirituelle nouvelle et
plus profonde. Cet état spirituel pourrait bien être notre
véritable foyer. Mais pour y arriver, nous devons empru-
nter un nouvel itinéraire, un chemin nouveau, une autre
voie.

96
Méditation sur l’Évangile

Je pense que Matthieu a délibérément inséré cette


histoire de mages dans son Évangile afin de nous dire
que, pour trouver Dieu dans notre vie, nous devons le
rechercher sans relâche, comme ces trois-là. Nous dev-
ons apprendre à devenir des mages. Nous devons ap-
prendre à regarder à l’intérieur de notre cœur, à lire la
carte des étoiles intérieures, à scruter les signes dans
ce monde, à reconnaître les étoiles qui se lèvent dans
la nuit. 

Si vous apprenez à lire votre  ciel intérieur, vous ne


vous retrouverez pas à Jérusalem chez Hérode, mais
à Bethléem avec Jésus. Les mages nous apprennent
qu’une lumière se lève toujours dans les heures les plus
sombres de la vie. Elle devient ensuite soudainement
une étoile brillante qui se déplace, qui nous déplace.
Notre vie est ré-éclairée. C’est une épiphanie. Dieu nous
apparaît, il se manifeste en nous. Sûrement est-ce cela
que Matthieu voulait nous dire en insérant l’histoire des
mages dans son récit.

Essayez de faire dans votre vie ce qu’ont fait ces trois


mages. Ces trois hommes qui regardaient à l’intérieur
d’eux-mêmes, écoutaient leurs rêves, cherchaient leur
étoile, rectifiaient leur chemin et interprétaient les événe-
ments parce qu’ils voulaient découvrir le roi des rois.
Faites comme eux et vous ne trouverez pas seulement
l’enfant qui a été appelé plus tard le Messie, mais vous
vous retrouverez vous-même. Dans le plus intime de

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votre cœur, vous découvrirez la chose la plus vraie, la
plus apaisante, la plus rayonnante  : Dieu en vous. L’or,
l’encens et la myrrhe deviennent alors des symboles
extérieurs de la richesse intérieure qui repose en vous.
Peut-être que ces trésors sont comme endormis en vous,
cachés dans l’obscurité, mais vous pouvez les ramener à
la lumière, pour les offrir à Dieu et au monde... Vous êtes
l’or, l’encens et la myrrhe que Dieu attend, que le monde
attend. 
Table des Matières

Introduciton 5
L’Avent 9
1e bougie 13
2e bougie 15
3e bougie 19
4e bougie 23
De Nazareth à Bethléem 31
Le recensement 35
Joseph 39
L’arbre généalogique 43
Il n’y avait pas de place pour eux 49
Les auberges fermées 53
Notre cŒur est une Etable 57
Contempler à la crèche 61
L’annonce aux bergers 67
Les anges 71
Dieu fait sa demeure parmi nous 77
Une lumière dans les ténèbres 81
Emmanuel 85
Les mages d’Orient 87
Ils repartirent par un autre chemin 93

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Imprimé en France
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