Gisement de Mayoko
Gisement de Mayoko
Gisement de Mayoko
Introduction
Nous n’avons pas la prétention dans cette étude de faire œuvre de géologue, ni de vouloir reprendre
et critiquer les travaux de nos prédécesseurs,mais simplement montrer que le sous-sol de certaines parties
du Congo est encore, semble-t-il, très mal connu, et que certaines conclusions sur l’absence ou la présence
de gîtes métallifères intéressants nous paraissent prématurées.
1. Esquisse géologique
La région qui nous occupe est située dans la partie nord de la feuille géologique 1/500 000 Sibiti-
Ouest. Selon Boineau et Nicolini (r) on y rencontre deux types de formations : granits du massif du Chaillu
et roches métamorphiques enclavéesdans ce dernier. L’enclave métamorphique dite de Mayoko couvre cinq
kilomètres sur vingt, avec une orientation tectonique (N.GOoE.)différente de celle du granit. Elle comprend
des quartzites, des amphibolites et des gneiss. La présenced’un conglomérat à galets granitoïdes est inter-
prétée comme un signe de remobilisation granitique. Les auteurs de la notice en tirent le schéma évolutif
suivant : à partir d’un vieux socle de roches métamorphiques des phénomènes de granitisation auraient
abouti à la disparition presque totale de cesformations.
2. Le minerai
Les enclaves sont donc peu étendues et rares, mais néanmoins importantes pour notre propos car
elles renferment le minerai de fer utilisé depuis des temps immémoriaux par diverses populations, notam-
ment les Kota et les Nzabi. 11seprésente sous forme de quartzites à oligiste (itabirites) plus ou moins riches
en fer, avec parfois une importante teneur en silice. Il est finement stratifié, avec lits alternés d’oxydes de
fer et de silice. Jusqu’ici seulement deux gisements avaient été reconnus près de Mayoko, ceux des monts
(J) Notice explicative de la feuille Sibiti-Ouest. Institut Equatorial de Recherches et d’Etudes Géologiques et Minières,
Paris 1959.
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8 \Ngoubou-Ngoubou
m Enclave de Mayoko
8 Mines de fer
-- - Faille supposée
- Alignements remarquables
0 Localité importante
- Chemin de fer
- Route
Echelle
l t t
0 2 10 kmr
Lekoumou et Makengui. En contraste les habitants utilisaient pour leur métallurgie un grand nombre de
mines, dans un secteur très étendu, depuis Mayoko au sud jusque loin à l’intérieur du Gabon vers le nord,
et d’est en ouest des environs de Mbinda aux abords de la Nyanga (1).
Nous n’avons effectué qu’un relevé très incomplet, mais suffisant pour démontrer que les itabirites
ne se limitent pas dans ce secteur à l’enclave de Mayoko, comme le souligne la figure 1. On peut distinguer
plusieurs catégories de gisements suivant la teneur du minerai en métal :
- Les mines à teneur élevée (plus de 60 %), du style mont Lekoumou. La seule que nous ayons
découverte est celle de la colline dite K Mbuyo » (760-780 m), à l’est de Mbinda, sur la rive droite de
@ Mines
. Point coté
(1) Les traditionsorales Nzabi racontent que lors de la séparation de l’ethnie en tribus « mihongo » et « batsengui »
les premiers ont émigré en direction de la Nyanga mais qu’ils sont revenus par la suite car ils n’avaient pas trouvé de fer.
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la Louessé. Mais il n’est pas du tout exclu qu’il s’en trouve ailleurs notamment au sud-ouest, à proximité
de la route de Koulamoutou.
- Les mines à teneur plus faible (50 à 55 %), situées au pied de Mbuyo, à une altitude nettement
inférieure (660-680 m). Celle de Gongo (690 m) semble appartenir à ce type.
- La mine de Poungou, à une altitude intermédiaire (720 m) renferme un beau minerai régulière-
ment stratifié, mais nettement moins riche (40 %).
- enfin on doit signaler la présence, au pied de Mbuyo, à une altitude estimée à 700 m envi-
ron, d’un banc de grès ferrugineux d’au moins deux mètres d’épaisseur, et qui contient 38 % de métal.
Les mines se présentent de différentes façons. Tantôt (Mbuyo) on rencontre une multitude de puits
profonds (6-8 m) mais de faible diamètre, où l’exploitation était réputée très dangereuse.Ailleurs (Koyo)
il s’agit d’orifices d’un diamètre plus imposant (2,20 m) et très réguliers, d’une profondeur d’au moins dix
mètres (nous n’avons pu l’évaluer avec précision car le fonds en est obstrué par une importante couche de
terre), et répartis sur une grande surface. L”exploitation cessait dès que la couche de stérile à traverser
devenait trop épaisse,et les puits sont ainsi distribués sur une bande allongée au flanc du versant. Enfin
à Poungou les trous sont moins profonds (5-6 m) et de faible diamètre (un peu plus de un mètre). Pour
le repérage des sites intéressants on procédait par sondages, l’exploitation étant abandonnée si ceux-ci
s’avéraient négatifs.
- cuirasses
. . . ..
.’. .. ’.. ‘... .. Roche intacte
Sur les figures 2 et 3 on a représenté les mines proches de Mbinda. Elles semblent en relation avec
des niveaux d’aplanissement. Les itabirites de Mbuyo sont en effet au même niveau que celles des monts
Lekoumou et Makengui (fig. 1). Cette surface réapparaît au sud-ouest, notamment dans l’alignement
de collines souligné par la figure 1, et qui se trouve dans le prolongement exact de Mbuyo. A notre avis il
ANCIENNES MINES DE FER DU PAYS NZABI (RÉGION DE MAYOKO, CONGO) 91
y a de fortes chancespour que la composition g2ologique de cet ensemblesoit identique à celle des « Mon-
tagnes de Fer 1) précédemment citées, et il n’est pas exclu qu’on y trouve les mêmes minerais. Kemar-
quons en passant que l’orientation (N. 300E.) est différente de celle de l’enclave de Mayoko. Plus à l’ouest
encore, au-dessus de la rivière Moussondji, il existe un alignement identique, à une altitude voisine
(777 m), et d’autres intermédiaires, mais moins bien marqués (1).
Ces collines se distinguent du reste du relief par leur aspect en cône, imitant quelque peu un profil
d’inselberg. Celles qui dominent la Moussondji sont d’ailleurs célèbres dans le pays pour la raideur de
leurs pentes puisqu’on y précipitait les condamnés à mort.
A l’altitude 660-680 m on rencontre une secondesurface, mise en évidence par la présenced’une
cuirasse latéritique assezépaissequi surmonte le minerai. La coupe que permet la mine de Koyo met en
valeur cette succession.Malheureusement faute de moyens nous n’avons pu dégager complètement un de
sespuits et nous sommesréduits à des hypothèses concernant la profondeur à laquelle setrouve le minerai
et la puissance du gisement. On peut essayer,dereconstituer le tout comme suit :
O-5 m : sol argileux
5-7 m : cuirasses (mamania (( les cailloux )) en Kinzabi).
Au-dessous quartzite à oligiste contenant le minerai (iteli). Au fonds du puits on a trouvé quelques
blocs de quartzite pure (lessienge).
Nous n’avons donc pas observé le minerai en place, et nos échantillons proviennent des stocks
voisins découverts dans un champ d’arachides à l’emplacement de l’ancien vdlage qui jouxtait l’exploita-
tion. Ceux-ci sont de taille réduite car on cassait le minerai avant de l’utiliser (2), mais on peut néanmoins
remarquer l’allure finement stratifiée caractéristique des itabirites. Cependant il semble que l’homogé-
néité soit moindre qu’à Mbuyo, avec localement davantage de silice (échantillon BZ 328, 73 %). Au même
type de gisement appartiennent les mines de Lebanga, toutes proches, et vraisemblablement celles de
Gongo, situées à une altitude voisine.
Il semble que le banc de grès trouvé au pied de Mbuyo puisse en être rapproché, malgré les pour-
centagesde fer nettement moins élevés(38 ‘A), une teneur en silice beaucoup plus forte (43 % pour l’échan-
tillon BZ 1) et une grande homogénéité. Nous n’avons pas pu en préciser exactement l’altitude, celle-ci
étant voisine de 700 m. Il a l’aspect d’une barre de roches dures de deux mètres d’épaisseur, se débitant en
gros blocs géométriques aux arêtes assezaiguës, et provoquant des ruptures de pente dans le thalweg des
ruisseaux. La stratification en est très fine et très régulière, avec alternance de lits gris-blancs de silice et
d’oxydes de fer de couleur rouille.
En fait il ressort des renseignements que nous a fournis P. WILHELM, conseiher technique au
Bureau Mimer C.ongolais, que les divers types de minerais dérivent tous de l’altération des grès décrits
ci-dessus.Ceux-ci setrouvent en général en position très redresséedu fait des plissements qui ont affectéles
roches métamorphiques, et la puissance du gisement dépend directement des possibilités d’altération, donc
de la position topographique, ou plus exactement de la différence d’altitude entre le sommet de la colline
et le bas des versants. Le minerai complètement altéré, d’ou la silice est partie presque en totalité, est ici
représentépar les échantillons BZ 2 et BZ 12 de Mbuyo. A Koyo les proportions de fer sont variables, et les
(l) Au sujet des surfaces d’aplanissement et de la géomorphologie de ce secteur cf A. NOVIKOFF. L’altération des
roches dans le massif du Chaillu, rapport en cours de parution.
(2) Le mineraidonnait lieu avant son transport vers les lieux où on le fondait à une première préparation. Il était
cassé et trié, avec élimination du terreau. On le faisait sécher au soleil sur des écorces d’arbre, en le rentrant le soir et en le
ressortantle matin « comme les arachides ».
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teneurs en silice sont assezfortes. Poungou pose un problème plus complexe car le minerai, bien que mé-
diocrement riche, est très homogke, et apparemment assezpauvre en silice. Le banc de grès (échantillons
BZ 1 et BZ 11) correspondrait au niveau non altéré des itabirites. Les cotes indiquées sur la figure 2 ap-
portent une bonne confirmation de ce schéma d’évolution. La colline la plus élevéepossèdeseule un rnine-
rai dépourvu de silice, tandis que Koyo et Lebanga, à la même altitude, fournissent des produits de qualité
très semblable.
Conclusion
Une reconnaissance très partielle des mines de fer Nzabi nous a permis de reconnaître plusieurs
types de minerais’ et de découvrir un gisement de teneur suffisante pour une exploitation éventuelle (Mbuyo)
d’autres susceptibles de convenir (Koyo, Lebanga, Gongo). Celui de Poungou mérite une analyse plus
approfondie mais paraît très limité en surface. Une investigation complémentaire s’impose, et peut être
réalisée à peu de frais du fait des puits déjà existants qui facilitent grandement les sondages. Elle devrait
débuter par une cartographie systématique des mines (l), avec prise d’échantillons et étude complète d’un
site caractéristique (Mbuyo et Koyo par exemple). Des résultats même minces seraient peut être suffisants
étant donné l’emplacement, exceptionnel pour l’évacuation de la production, à proximité immédiate de la
voie ferrée Comilog. De toute façon ces gisements méritent davantage d’attention que ne leur en ont ac-
cordé les auteurs de la notice de la carte géologique, ne serait-ce que par la richesse des traditions métal-
lurgiques de cette région.
(1) Facilitée par l’intér& que les habitants portent à leurs mines, dans l’espoir d’y trouver une source de profits pour
leur région.
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BZ 1 552 386
Les échantillons BZ 1, 2, 31 et 32 on été analysés dans les laboratoires des Services Scientifiques Centraux de I’OR-
STOM à Bondy. et les autres au laboratoire du Service pédologique du Centre ORSTOM de Brazzaville (responsable C.
PAYCHENG).
(l) La valeur de la perte au feu est corrigée du gain de poids dfi à l’oxydation de Fe0 en FezOs.
(,e) Le résidu de l’attaque par fusion au pyrosulfate est composé de quartz et de la majeure partie de SiOe des silicates.
Le no BZ 32 étant assez « terreux » le déficit de 11 % observé est sans doute dû à A1203 des silicates.