Nathalie Nabert - Prières Cachées Des Chartreux
Nathalie Nabert - Prières Cachées Des Chartreux
Nathalie Nabert - Prières Cachées Des Chartreux
ISBN 978-2-02-101055-8
www.editionsduseuil.fr
Table des matières
Couverture
Introduction
La grâce de Pâques
Oraison dominicale
Confiteor
Le Directoire des mourants
Consécration eucharistique
Psalterium decachordum
4 - L’oraison du cœur
Élévation
Nécessité de la discrétion
Divini amoris pharetra
Offrande de sa prière
5 - L’invocation de Dieu
Du désir de Dieu
Dieu de miséricorde
Louange à la Bonté
Louange à la Sagesse
Louange à la Miséricorde
6 - L’ombre de la Croix
L’abeille mystique
7 - Le manteau de Marie
La vie de Marie
Annonciation
Magnificat
Salut, ô Christ
Sainte Marie-Madeleine
Sainte Barbe
Un esprit de silence
et de contemplation
La place de la prière
dans les exercices de la cellule
Se tenir en présence de Dieu relève d’une discipline intérieure
rigoureuse, qui repose sur les exercices spirituels pratiqués en cellule.
Guigues II le Chartreux, au XIIe siècle, a exposé avec succès cette discipline
dans sa Lettre sur la vie contemplative selon la base d’une échelle à quatre
degrés, lecture, méditation, prière et contemplation :
Un jour pendant le travail manuel, je commençais à penser à l’exercice spirituel de l’homme,
et tout à coup s’offrirent à la réflexion de mon esprit quatre degrés spirituels : lecture,
méditation, prière, contemplation. C’est l’échelle des moines, qui les élève de la terre au
Ciel16.
Mais quelles sont les sources et les formes de cette prière intérieure et
permanente qui habite l’esprit et le cœur des ermites chartreux ?
La prière continue
Notre petitesse et notre misère sont aussi un moyen puissant d’apostolat. Avec cette fausse
monnaie de plomb dont personne ne veut sur la Terre, nous pouvons racheter des âmes
infiniment précieuses, si nous savons l’offrir à Notre Seigneur36.
C’est donc dans cette perspective de dépouillement et de grande
simplicité que la prière rythme la journée de solitude et de travail en cellule
par un retour assidu à Dieu. Son rôle unifie la vie de l’esprit au sein de la
vocation contemplative et ouvre au silence intérieur. Dans une longue et
magistrale analyse, André Poisson, père général de l’Ordre jusqu’en 2005,
insiste sur cette fonction.
Faire oraison, la formule est étrange, car elle laisserait facilement croire qu’il s’agit de
produire quelque chose, d’obtenir un résultat, de fabriquer. On retrouve là la vieille tentation
de la pensée contemplative occidentale, symbolisée par le jongleur de Notre-Dame. […]
Il ne s’agit pas de faire , même pas de faire silence. Le silence ne se fabrique pas. Lorsqu’on
arrive devant le Seigneur avec l’esprit rempli d’images, l’activité intérieure encore en
mouvement, les émotions toutes vibrantes, on se rend compte que l’on a besoin de silence et la
tentation est alors de faire le silence. Comme s’il s’agissait de revêtir un vêtement de silence,
de jeter sur tout ce bruissement intérieur une chape qui le camouflerait ou l’étoufferait. Cela
n’est pas faire silence ; c’est camoufler le bruit ou plutôt l’enfermer en nous-mêmes, de telle
sorte qu’il y demeure toujours prêt à réapparaître à la première occasion. Il n’y a pas à créer le
silence, il n’y a pas à l’introduire en nous. Il y est déjà et il s’agit tout simplement de le laisser
revenir en surface de lui-même, de sorte qu’il élimine par sa seule présence tous les bruits
importuns qui nous ont envahis. Le silence peut être un pur néant ; le silence de la pierre, le
silence d’un esprit noyé dans la matière ou les préoccupations extérieures. Ce n’est pas le vrai
silence. Le seul silence qui compte est la présence de celui qui n’est rien.
L’oraison ne consiste-t-elle pas souvent simplement à revenir progressivement au vrai
silence ? Non point en faisant quelque chose, en s’imposant un carcan quelconque, mais au
contraire en laissant peu à peu se décomposer d’elle-même toute notre activité sous la poussée
intérieure du vrai silence qui reprend peu à peu ses droits. Lorsque l’on a déjà entendu en soi
le vrai silence, on a soif de le retrouver. Il faut seulement échapper à l’idée que l’on peut de
soi-même le fabriquer à nouveau. […] De même, le silence est plus profond que toutes les
méditations les plus légitimes : lectio divina , lumières du Seigneur qui nous font pénétrer ses
mystères, réflexions nécessaires sur des thèmes que l’on doit approfondir, etc. Tout cela est
bon. Tout cela est une approche de la vérité. Tout cela est nécessaire en son temps.
Mais le silence est plus profond et rien ne saurait le remplacer. Il y a des jours où il faut savoir
s’en priver pour donner à l’esprit une nourriture dont il a alors besoin. Mais il ne faut pas se
laisser griser par l’enivrement d’une vérité partielle qui se manifeste à nous ; notre soif est plus
profonde et elle vise à une vérité aussi proche que possible de la Vérité totale. Seul le silence,
même s’il est ténèbres, nous approche de la Lumière complète. Même la Parole de Dieu ne
nous est vraiment accessible que si elle est messagère du silence. L’Office divin atteint son
équilibre lorsqu’il sécrète au fond de notre âme le vrai silence contenu dans le Verbe éternel37.
Les maîtres des novices la présentent comme idéale pour les débutants,
parce qu’ils ont encore peu de pratique. Des premiers chartreux à Innocent
Le Masson, elle est donc recommandée sous les noms variés d’« oraison
brève », d’« oraison jaculatoire », d’« aspiration », d’« élévation » et
accompagne les différentes activités de la journée, comme le montrent ces
formules transmises par Denys le Chartreux et Innocent Le Masson :
Pendant le reste de la journée jusqu’à Vêpres, sois occupé à quelque utile travail des mains, de
manière cependant à l’entrecouper par de brèves oraisons41.
Pendant la promenade et l’entretien, vous vous souviendrez de Dieu, et vous tirerez occasion
de le bénir, par quelque oraison jaculatoire, de la vue des campagnes et de toutes les belles
variétés de paysages qui paraîtront devant vous42.
Que chacun fasse ce dont il est capable et ce qui est le plus fructueux pour lui, mais qu’il ne
s’arrête pas toujours à la même occupation. À l’exemple de saint Antoine, qu’il vaque tantôt
aux exercices spirituels, tantôt aux activités manuelles. Il n’est pas bon cependant d’oublier le
spirituel pendant les travaux manuels. Il est utile d’avoir une formule à laquelle on peut revenir
pour diriger l’esprit vers Dieu et ramener l’attention au but de notre vocation43.
La vie d’un chartreux bien réglée est presque une oraison continuelle ; c’est pourquoi nous
n’assignons aux commençants qu’une demi-heure pour l’oraison mentale qu’ils doivent faire
en forme à l’oratoire, jugeant que c’est assez pour eux s’ils ont bien soin d’animer d’esprit
intérieur toutes les actions qu’ils font dans leur solitude44.
Sous ses formes les plus diverses, la prière contribue donc à maintenir
un dialogue avec Dieu, qui s’associe aux actes de la journée et maintient un
climat divin dans la cellule.
Élaborée ou simplifiée, l’oraison reflète la sensibilité de chacun. Elle
s’adresse à Dieu, au Christ, à Marie, aux saints, à la Sainte-Trinité, elle
s’insère dans les heures canoniales, à l’office de la Sainte Vierge – dit office
de Beata – et dans les activités de la cellule. Elle contribue à faire du cœur
un sanctuaire, comme l’écrit Bernard au reclus Raynaud dans son
enseignement sur la vie d’oraison, et un lieu de grâce et d’union, selon le
vocabulaire mystique de Guigues du Pont, lequel emprunte ses images au
Cantique des cantiques :
Alors confiant dans le secours de l’Esprit-Saint qui, selon la parole du Seigneur, enseigne aux
saints à prier « en des gémissements ineffables », entre dans le sanctuaire de ton cœur, ferme la
porte aux vanités et aux pensées impures, dont l’ennemi tente de t’envahir, et prie ton Père en
secret. En tout temps, selon tes possibilités et la grâce du Seigneur, mais surtout en ces
moments-là, garde ton cœur avec un soin extrême45.
Alors l’âme aimante est doucement ointe pendant que, par grâce, elle touche dans sa chambre
secrète celui qui a reçu l’onction plus que ses compagnons et qu’elle porte la main sur lui.
C’est là que l’âme aimante prend conscience parfois de la présence du bien-aimé entièrement
désirable jusqu’à un tel embrasement qu’elle goûte par avance à quel point Dieu est un feu
consumant et la source de vie, le feu, la charité et l’onction spirituelle46.
L’agneau grillé devant la flamme était seul servi sur la table avec des
pains azymes et des laitues amères. S’il est dit dans l’Évangile que Jésus
s’assit, il ne faut l’entendre que de la fin du repas où la manducation de
l’agneau était achevée.
L’agneau grillé devant la flamme, votre piété ne l’ignore pas, c’est la
victime du salut qu’ont dévorée les ardeurs de sa charité. Mais aux ardeurs
de la charité divine nous devons joindre celles de notre amour, et c’est ce
que signifie Moïse en disant : Vous ne mangerez rien qui soit cru ou cuit
dans une eau insipide : tout doit passer par le feu. Les pains azymes nous
rappellent quelle doit être à ce divin repas la simplicité de notre foi. Les
laitues amères représentent l’amère condition de nos péchés. Amour, foi et
pénitence, telles sont les trois principales dispositions à la digne réception
de l’Eucharistie. Il en est d’autres encore : on doit la manger debout ; car
nous devons être détachés des choses terrestres et dans une continuelle
aspiration vers une autre patrie qui est la véritable et l’éternelle. Les bâtons
à la main signifient la résistance et le combat contre les tentations qui
assiègent l’homme ici-bas. La ceinture autour des reins, c’est la pureté de la
pensée ; les sandales préservent nos pieds des souillures que nous
contracterions en marchant sur cette terre de fange et de boue. Ô mes
frères ! Quand nous serons ainsi préparés par le feu de l’amour, les larmes
de la pénitence, la pureté de la foi, le détachement, la prière, la pratique des
œuvres, hâtons-nous de manger le sacrifice de la Pâque ! Que le sang de
l’agneau lave nos fronts, qu’il y imprime la marque du salut ! Nous serons
par là délivrés, en ce monde, du péché, et en l’autre de la peine, suivant ce
qu’a promis le Seigneur. Ceux sur qui je verrai le sang de l’agneau, je les
délivrerai de toutes les plaies de l’Égypte.
Ludolphe le Chartreux (1295-1377)
Complies, récollection
avant de se coucher10
« La direction des religieux du Cloître porte que la demi-heure qui précède
Complies doit être précieusement employée à la récollection, qui se partage en
deux, la moitié pour faire une revue de ses bons propos de l’oraison du matin
avec l’examen de la conscience, et l’autre moitié pour faire la lecture spirituelle ;
c’est à quoi il faut que les frères se conforment autant qu’il leur est possible11. »
Cette prière se fait avant de se coucher. Elle consiste à offrir à Dieu les actes
de la journée afin de se remettre en mémoire ce qui doit animer chacun d’entre
eux et de porter universellement le monde dans cette offrande au cœur de la nuit.
1.
Voir à propos du chant grégorien en chartreuse : « L’office choral et le chant aux premiers
temps de la Chartreuse, Un commentaire du prologue de Guigues à l’antiphonaire », in Cantus
planus , Actes du colloque de Eger (Hongrie), 1993, Budapest, 1995, p. 292.
2.
Ces principes ont été posés par le Dr H.-J. Becker dans sa thèse, « Die Responsorien des
Kartäuserbreviers » ; voir A. Devaux, Les Origines du missel des chartreux , « Analecta
cartusiana », n° 99, 1995, p. 3.
3.
Denys le Chartreux, De oratione , Opera omnia , op. cit ., t. XLI, 1902-1913, chap. XVIII.
4.
La coule que va enfiler le novice au moment de sa profession.
5.
Statuta ordinis cartusiensis, 1991 , op. cit. , t. XIII, p. 413.
6.
Statuts de l’ordre des chartreux , nouveau recueil, Avignon, Aubanel imprimeurs, 1866, p. 28.
7.
Ludolphe le Chartreux, Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ , Paris, Ernest Thorin, 1870, t. II,
chap. II, « Célébration de la Pâques légale », p. 261-26
8.
Juan de Padilla, Retablo de la vida de Cristo , Séville, Kromberger, 1505, tableau III,
lamentation 7, trad. S. Cantera Montenegro.
9.
Innocent Le Masson, Mois du Sacré-Cœur de Jésus , op. cit ., p. 287-288.
10.
Statuts de l’ordre des chartreux , op. cit ., IIIe partie, p. 163-164.
11.
Ibid. , p. 162.
12.
Ordinaire des frères de la Grande Chartreuse , Montreuil-sur-Mer, 1888, chap. II, « Exercices
de la nuit », p. 78-79.
13.
Statuts de l’ordre des chartreux , op. cit. , p. 161
2
Rituel cartusien
de consécration des vierges6
Je suis donnée en épouse à celui que servent les anges, à celui dont la
beauté émerveille le soleil et la lune.
Qu’ai-je donc dans le Ciel et quelle est, sinon toi, ma joie sur la terre ?
Ma chair et mon cœur sont usés : ma part, le roc de mon cœur, c’est Dieu
pour toujours.
« Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle. »
Apprenez-nous, bon Maître, vous qui seul enseignez à l’homme le savoir,
apprenez-nous comment nous devons manger votre chair et boire votre
sang. Nous savons en effet, Seigneur, que vos paroles sont esprit et vie ;
mais l’homme charnel ne perçoit pas ce qui est de l’esprit de Dieu. Car ceux
qui voulurent comprendre cette parole par eux-mêmes en discutaient entre
eux ; aussi n’ont-ils pu goûter le miel du rocher ; mais certains même de vos
disciples blessèrent leur superbe contre ce roc et retournèrent en arrière,
disant : « Cette parole est dure. » Cependant vous, Seigneur, vous avez
frappé la pierre, et l’eau jaillit en abondance, la communauté en but ainsi
que le bétail. Mais le peuple buvait au rocher spirituel qui l’accompagnait,
tandis que les animaux ne peuvent boire des eaux spirituelles, parce qu’ils
sont animaux.
Vous avez abaissé les Cieux, Seigneur, et vous êtes descendu
jusqu’aux modes très humbles de notre langage, puis de nouveau vous avez
fait des nuées le char de votre ascension, nous transportant par votre chair
jusqu’à l’esprit. Autrement, la chair ne sert de rien à ceux qui demeurent
seulement dans la chair ; mais elle profite à ceux qui par elle progressent
jusqu’à l’esprit.
Certes, nous n’ignorons pas, Seigneur, que votre chair est mangée, que
votre sang est bu corporellement en toute vérité, mais comment votre chair
et votre sang sont-ils mangés et bus spirituellement, puisqu’un esprit ne
mange ni ne boit ? Nous vous en supplions, enseignez-le nous par votre
Esprit.
Guigues II Le Chartreux († 1193)
Oraison dominicale8
Après avoir appelé de nos désirs et de nos prières les grâces célestes
qui ont à la fois, s’il est permis de le dire, Dieu et l’homme pour moyen et
pour objet, nous demandons les grâces du temps qui nous sont nécessaires
pour mériter les biens éternels.
Donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour !
Donnez-nous le pain, c’est-à-dire ce qui est indispensable au soutien
de la vie du corps. Donnez avec le nôtre celui de nos frères : panem
nostrum. Donnez aux pauvres par le moyen des riches, et faites que le riche,
distribuant aux pauvres son superflu, ne dévore pas le pain de ses frères, ne
mange pas un pain que vous ne lui aviez pas destiné. Enfin, ô mon Dieu !
Donnez-nous ce pain même que notre prévoyance a préparé, afin que,
passant par vos mains, il nous revienne purifié, et que, de pain terrestre
qu’il était, il se change en un pain céleste, utile au salut.
Donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour !
Le chrétien ne demande pas le pain de l’année, il ne demande que le
pain du jour, de telle sorte qu’à chaque moment, il regarde sa nourriture
comme un don immédiat du Seigneur. Ô sagesse éternelle, ô divine
Providence ! Vous l’avez ainsi voulu ! Nous ne vous demandons que du
pain, et pour un seul jour et pour tous nos frères ! Comment vos cœurs
donneraient-ils place à l’avarice, à l’envie, et comment la douce charité, la
confiance filiale n’y germeraient-elles pas ?
Nourriture journalière dans la méditation ! Donnez-nous de les
pratiquer, puisque c’est là l’aliment que nous devons chercher d’après la
parole de Jésus-Christ : Cherchez la nourriture qui ne périt pas ! Nourriture
de chaque jour, nourriture éternelle cependant, puisque par elle nous
arriverons à la vie bienheureuse.
Donnez ce pain à la fois spirituel et sensible, le pain eucharistique, le
pain qui surpasse toute substance : Panem nostrum supersubstantialem.
C’est notre pain cependant, c’est notre pain quotidien. Tous les jours il est
offert pour nous sur l’autel, nous en avons besoin tous les jours, vous nous
invitez à le recevoir tous les jours.
Nourrissez-nous du pain de la doctrine et de l’intelligence, suivant ce
qu’il est dit : Cibauit illum pane vitae intellectus (Ec 15,3). Ne nous
épargnez pas, s’il le faut, le pain des larmes. Cibabis nos pane lacrymarum
(Ps 79,6), pourvu qu’un jour vous nous donniez celui dont il est dit :
Bienheureux celui qui le mange dans le royaume de Dieu, Beatus
quimanducat panem in regno Dei. Ce pain, ô Seigneur ! c’est votre volonté
sur la terre, et dans le Ciel votre gloire dont nous serons rassasiés alors
qu’elle nous sera communiquée ; c’est cette gloire après laquelle soupirait
le psalmiste, disant : je ne serai rassasié que par la gloire de Dieu.
Ludolphe le Chartreux (1295-1377)
Confiteor9
Mon Seigneur et mon roi, en quelque lieu que vous soyez, soit à la vie
soit à la mort, votre serviteur ne vous abandonnera pas. Soit que nous
vivions, soit que nous mourions, nous vivons et nous mourons pour le
Seigneur, par conséquent, soit à notre vie, soit à notre mort nous lui
appartenons.
Que mon âme meure de la mort des justes, mais principalement de
celle de Jésus-Christ et de sa très sainte Mère, et que ma dernière fin soit
semblable à la leur.
Consécration eucharistique12
1.
Guigues Ier, Coutumes de chartreuse , op. cit ., chap. XXV, 2, p. 219.
2.
Ordinaire des frères de la Grande Chartreuse , op. cit ., p. 242.
3.
Langage qui accomplit un acte en même temps qu’une parole.
4.
Statuta ordinis cartusiensis, 1991 , op. cit. , t. XIII, « La liturgie eucharistique », p. 431.
5.
Guigues Ier, Coutumes de chartreuse , op. cit ., chap. XIV, p. 217, 219.
6.
Rituel cartusien de consécration des vierges , Grande Chartreuse, 1986, p. 24-30.
7.
Guigues II le Chartreux, Lettre sur la vie contemplative , op. cit ., p. 179.
8.
Ludolphe le Chartreux, Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ , op. cit ., t. I, chap. VI, « De
l’oraison dominicale », p. 236-237
9.
Innocent Le Masson, Mois du Sacré-Cœur de Jésus. Anthologie d’anciens auteurs chartreux ,
Neuville-sous-Montreuil, Notre-Dame-des-Prés, 1886, p. 386-387.
10.
Innocent Le Masson, Le Directoire des mourants à l’usage de l’ordre des chartreux , La
Correrie, Grenoble, 1686, p. 223-225.
11.
Statuts de l’ordre des chartreux , op. cit. , p. 169-170
12.
Augustin Guillerand, Liturgie d’âme , op. cit ., « Magnificat », p. 44-47.
3
Oraisons psalmiques
et scripturaires
Psaume 120
Psaume 121
Dieu tout-puissant, daigne accorder l’abondance de ta paix à tous ceux
qui sont sur les parvis de ta maison, de sorte que, te confessant de toute
l’avidité de nos cœurs, nous obtenions le bonheur dans les Cieux.
Psaume 126
Psaume 130
Père tout-puissant, ne permets pas que nous nous exaltions dans les
orgueils du siècle, mais toi qui es doux et humble de cœur, apprends-nous à
te plaire par d’humbles sentiments.
Psaume 132
Voici la terre ornée de fleurs ! Quelle merveille ! Quelle fête pour les
yeux ! Comme elle est attirante ! Voici les roses rouges, les lys blancs, les
violettes pourpres dont non seulement la beauté nous émerveille, mais aussi
le mystère de leur origine. Comment Dieu fait-il sortir de la poussière de la
terre de telles merveilles ! Et la verdure, plus belle que tout, qui nous ravit
quand un nouveau printemps et une vie nouvelle produisent l’herbe qui se
dresse en mille pointes, comme si elle faisait fi de la mort, image de la
résurrection future ; elle surgit joliment dans la lumière.
La sagesse divine a orné la terre de tout cela pour les hommes et les
nombreux animaux. Elle lui a donné une fertilité remarquable. […]
Denys le Chartreux (1402-1471)
Psaume 119
Psaume 121
Seigneur, guide de tous les vivants, établis nos pieds dans tes parvis et
construis en nous la Jérusalem céleste ; qu’une paix continuelle vienne en
nous par ta force, pour que nous recherchions toujours les biens de la cité
céleste, et qu’avec ton aide nous les trouvions.
Psaume 124
Psaume 125
Psalterium decachordum8
Sur le Psaume Beati immaculati in via, dans lequel on rencontre pour
presque chaque définition chacun de ces mots, « loi », « justification »,
« commandements », « voie », « témoignages », et de semblables qui
signifient les commandements de Dieu ou ses conseils, tu pourras [te]
rappeler les dix béatitudes ou les dix vertus, ou les préceptes du Décalogue
ou les vœux de religion : de cette manière, les béatitudes seront très
utilement et facilement appliquées.
Tout d’abord, par ces paroles du Psaume (Louez le Seigneur vous qui
êtes dans les Cieux), tu pourras convenablement repenser et invoquer
chaque ordre angélique, te reportant à chaque verset et en appliquant
chaque membre crucifié aux ordres angéliques de la manière suivante.
Ainsi tu pourras avec fruit varier et transposer certaines distinctions
selon le verset lorsqu’il conviendra, afin d’appliquer plus commodément
aux noms ou aux prières ou aux demandes survenant dans la décade dont tu
veux te souvenir. Mais ceci étant dit, tu dois déjà t’exercer à l’usage du
psautier à dix cordes. Les jeunes novices devront appliquer avec ordre
chaque distinction à chaque membre selon qu’ils sont distincts sur la croix ;
pour que la mémoire et l’attention s’établissent plus facilement.
Mon Dieu, que vous êtes bon de m’avoir révélé cet entretien céleste !
Je suis heureux de savoir qu’on se parle au Ciel. Ce n’est pas un lieu où les
cœurs se ferment les uns aux autres, c’est un doux et chaud foyer où l’on
s’aime, où l’on échange ses pensées, où l’on communique ses sentiments,
où l’union mutuelle multiplie les joies.
Que dites-vous, ô Seigneur, à ce Seigneur qui est très spécialement
mon Seigneur ?
« Prends un siège à ma droite. »
Avez-vous une droite ? N’êtes-vous pas pur esprit ? N’êtes-vous pas en
tous lieux ? Comment peut-on occuper une place à votre droite ? Je vous
comprends : vous prenez notre langage. L’amour fait cela, et vous êtes
l’Amour. Le père, la mère se font enfants avec leurs enfants, et vous êtes
pour nous un père et une mère. « À vos côtés ! »
Combien je suis lié moi-même à des façons de parler qui ne répondent
pas à votre Réalité ! Vous n’avez pas de côtés, comme vous n’avez pas de
droite. Votre droite, vos côtés, c’est votre sein spirituel et sans bornes, votre
sein c’est votre amour, et votre amour c’est vous. Tout cela est simple,
infiniment simple. Mais nous, nous sommes si compliqués !
Mon Seigneur à qui vous offrez cette place à votre droite est donc en
vous, il est dans votre sein : « Bien longtemps avant la première aurore, je
t’ai engendré », lui dites-vous. Vous l’avez engendré de votre sein et vous
l’avez engendré dans votre sein. C’est ce que l’apôtre saint Jean m’exprime
si bien au commencement de son Évangile : « Et le Verbe – c’est-à-dire la
Parole du Père – était chez Dieu. » Votre demeure, c’est vous-même ; c’est
là, c’est en vous-même, c’est dans votre Être spirituel et infini que vous
prononcez ce Verbe ; c’est son « chez lui ».
Augustin Guillerand (1877-1945)
Louange de la création
sur le Psaume 110, Confiteor10
La terre, n’est-ce pas déjà un peu le Ciel ? Cela pourrait être, cela
devrait être. Car le Ciel, c’est vous, ce sont les doux rapports, c’est la vie de
famille avec vous. Or ces rapports, cette vie commencent ici-bas : « Je ne
vous laisserai pas orphelins » (Jn 14,18), m’a dit Jésus au moment de nous
quitter. « Je vous enverrai mon Esprit ; il sera votre lumière, votre
consolation, votre paix. Il vivra en vous, il fera en vous ce que je m’en vais
faire et ce qu’il fait éternellement lui-même là-haut. Vous ne le verrez pas
encore ; la terre est le pays de la foi qui prépare la vision. Croyez cela,
croyez avec tout votre cœur, croyez et aimez, et déjà dans les parts
profondes de vous-mêmes, vous serez unis à la louange éternelle que se
donnent mutuellement les Trois qui ne font qu’Un. »
Je crois cela, ô mon Dieu, je crois que vous louer en mon cœur, c’est
d’avance participer à votre vie et avoir place au Ciel. Le Psaume 110 est
une note de ce chant ; il vous loue dans vos œuvres pour m’apprendre à
vous louer un jour en vous-même. C’est un peu votre perfection qui brille
en elles ; elles me disent votre sagesse et votre puissance, elles publient
votre amour et votre bonté.
« Grandes sont les œuvres du Seigneur, recherchées par tous ceux qui
les aiment. »
Dans un brin d’herbe il y a une pensée de vous. En adorant cette
pensée, je vous adore. Ainsi, tout me met en contact avec vous, et tous ces
contacts éveillent en mon âme un hymne en votre honneur. Je vous
découvre dans les créatures que vous avez faites et je vous trouve dans les
événements que vous dirigez. Tout cela est merveille de votre tendresse.
Augustin Guillerand (1877-1945)
1.
Guigues II le Chartreux, Lettre sur la vie contemplative , op. cit. , chap. III, p. 85-87
2.
Ludolphe le Chartreux, Oraisons sur les Psaumes , chartreuse de Montreuil, 1891, trad.
inédite P. Pradié, osb.
3.
Ludolphe le Chartreux, Expositio in Psalterium Davidis , Montreuil-sur-Mer, Notre-Dame-
des-Prés, 1891, trad. inédite P. Pradié, osb.
4.
Denys le Chartreux, Commentaire sur le Cantique des cantiques , Opera omnia , op. cit .,
t. VII, 371d, trad. in Petite Anthologie d’auteurs cartusiens , op. cit ., p. 245-246.
5.
Denys le Chartreux, ibid. , p. 280.
6.
Denys le Chartreux, Insigne commentariorum opus in Psalmos omnes davicicos… et in
matutinalia cantica , Montreuil-sur-Mer, Notre-Dame-des-Prés, 1892, t. XVI-XVII, trad.
inédite P. Pradié, osb.
7.
Juan de Padilla, Retablo de la vida de Cristo , op. cit ., tableau IV, cantique 11, strophes IV
et V.
8.
Jean-Michel de Vesly, Psalterium decachordum , Lyon, 1598, p. 63-67, trad. inédite P. Pradié,
osb.
9.
Augustin Guillerand, Liturgie d’âme , op. cit. , p. 73-74.
10.
Ibid. , p. 81-82.
4
L’oraison du cœur
Cette oraison, qui peut prendre les formes les plus simples ou les plus
élaborées du colloque divin, apparaît comme la gardienne du silence,
surtout pour les frères convers que leurs occupations matérielles ou que
l’obligation de sortir du monastère ont pu disperser. Ainsi l’oraison
jaculatoire et l’effusion du cœur, qu’on nommera élévation au XIXe siècle,
sont recommandées au cours des sorties. Le retour au recueillement et à la
paix de la cellule, grâce à la pratique de cette oraison personnelle et
spontanée, une fois accomplies les tâches extérieures, est discrètement
suggéré, témoignant d’une grande connaissance de la nature humaine :
En voyant ces paysages qui se changent à mesure que vous marchez, vous vous souviendrez de
cette parole de saint Paul3 : « La figure de ce monde passe. Ô Seigneur ! Si tout passe en ce
bas monde, tout le bien et toute la bonté demeure en vous comme dans son original, et dans sa
source. » Vous ferez donc ainsi de temps en temps quelques oraisons jaculatoires, telle que la
dévotion vous le suggérera : ou bien quelquefois sur le simple souvenir de Dieu, vous ferez
quelque adoration en esprit, sans vous servir d’autres paroles que de l’effusion de votre cœur,
afin de ne vous pas trop bander l’esprit. En rentrant dans la Maison, reprenez le silence ; et
sans vous étonner s’il vous semble que votre esprit ait un peu perdu de sa retraite, rentrez dans
votre cellule ; ne vous en faites point de querelle à vous-même, car cette petite éclipse est un
effet naturel du divertissement, et croyez qu’en faisant vos exercices spirituels à l’ordinaire,
votre esprit se retrouvera soi-même comme insensiblement et sera remis dans la tranquillité.
Contentez-vous de faire quelque aspiration à Dieu4.
Élévation6
Nécessité de la discrétion9
Selon les saints, la discrétion est la mère de toutes les vertus. C’est la
même vertu que la prudence, vertu cardinale, et quand elle dépasse la
capacité humaine de discerner, elle ajoute deux ou trois dons du Saint-
Esprit, ceux de conseil, de science et de sagesse. Elle est grandement
nécessaire à toutes les vertus et à leurs actions, aussi bien morales
qu’intellectuelles, et surtout aux actions et œuvres spirituelles, que ce soit
l’étude, les exercices de dévotion et autres actes élevés, dans lesquels
l’excès n’est ressenti que lorsque les forces épuisées ne peuvent presque
plus ou plus du tout être reconstituées.
Nicolas Kempf (1397-1497)
Père très clément, je te supplie par ton fils unique, donne-moi la grâce
et la force, cette inspiration si elle vient de toi et tout bienfait à réaliser.
Seigneur notre Dieu, créateur qui gouverne tout, que toutes créatures te
louent et annoncent ta majesté. Que tout ce qui vient de toi soit pour toi
digne d’honneur, de louange et de gloire. Ô, puisse mon âme être digne, que
tout moment ressente ta présence, et que l’embrassement du plus fervent et
chaste amour te lie avec respect et de manière inséparable.
Doux Jésus, fais que par cette union de charité avec laquelle tu nous as
aimés, j’utilise ce bienfait selon ton bon vouloir et pour ta gloire.
Au Christ
Jésus le plus doux et le plus miséricordieux, je te supplie par la rosée
de tes cruelles blessures, par toutes tes douleurs et toutes tes peines, par ta
mort très amère, et par tous les mérites et l’intercession de la bienheureuse
Vierge Marie ta mère et de tous tes saints, libère-moi, garde-moi de
l’orgueil, de l’envie, de l’acédie et de tous les péchés. Donne-moi de
t’aimer de tout mon cœur et d’accomplir le plus parfaitement ta volonté en
tout.
À Marie la Vierge mère
Je vous loue, vous adore et vous glorifie, ô mon bon Jésus, à cause de
votre immense charité, et de la douceur de votre Cœur tout aimant ! Je vous
en conjure, puisque de l’autel de votre Croix vous avez répandu pour moi
votre Sang précieux, répandez aussi en moi votre Saint-Esprit, qui
m’apprendra à ne pas recevoir en vain de si grands bienfaits. Que me
servirait-il d’être lavé dans votre Sang, si je n’étais pas encore vivifié par
votre Esprit qui doit m’apprendre à toujours conserver sans tache les
vêtements que j’ai lavés dans votre Sang ? Ô Jésus ! La douceur même, de
ce trône de grâce et de pardon, de cette Croix où je vous vois attaché,
envoyez-moi donc votre Esprit : il m’apprendra à vous témoigner ma
reconnaissance, à rendre ma vie en tout semblable à votre vie, à m’associer
à vos douleurs et à votre mort ; il me dira de quelle manière je vous rendrai
amour pour amour, et comment, jusqu’à la fin, je resterai le fidèle serviteur
de celui qui m’a racheté et racheté à un si haut prix.
Jean Torralba († 1578)
Offrande de sa prière13
Seigneur Jésus, je vous offre les prières : que je réciterai aujourd’hui ;
je vous offre également mes pensées, mes désirs, mes paroles, mes actions,
mes souffrances et mes mérites. Je vous offre tout, uniquement pour vous,
par amour pour vous, et pour vous être agréable en faisant votre volonté ; je
veux agir sous votre direction infiniment sage, comme vous l’entendez, par
vous et avec vous. C’est avec l’aide de votre très doux Cœur que je veux
commencer à réciter cette prière, que je veux la continuer, la terminer et
vous 1’offrir en union avec les louanges très parfaites que la très sainte
Trinité se donne en se contemplant elle-même, et en union avec l’amour
infini dont les trois Personnes s’aiment réciproquement.
Je m’unis aussi à cette dilection infinie qui, de la très sainte Trinité,
descend dans votre Cœur humain, ô Verbe fait homme, et qui, de votre
Cœur remonte dans le sein de la très parfaite Trinité. Ainsi soit-il.
Jean-Michel de Vesly († 1600)
Car quel repos peut avoir l’âme dans la solitude du corps, si elle
nourrit volontairement dans son esprit le tumulte des pensées, des
réflexions, et des sollicitudes ?
C’est dans la paix que Dieu fait sa demeure ; et par conséquent, ce
tumulte est incompatible avec l’union de l’âme avec lui. Ce tumulte
ressemble au vent qui agite l’eau de la fontaine, où le soleil n’imprime pas
sa figure qu’elle ne soit reposée.
Ô Seigneur, c’est en ceci que j’apprends très particulièrement que le
péché m’a mis en état de ne me pouvoir tenir que fort mauvaise compagnie
à moi-même, puisque mon esprit se forme des tempêtes et des querelles, qui
ne se peuvent apaiser que par l’éloignement des entretiens qu’il cherche à
trouver chez soi. Je reconnais le grand avantage que j’aurais s’il était bien
séparé de ces importunes compagnies, et le besoin que j’ai de le former à la
solitude. Mais, mon Sauveur, il faut pour cela que j’aie recours à cette
même puissance, qui commanda au vent et à la mer de s’appliquer, et qui
commanda au vent et à la mer de s’apaiser et qui délivra vos Disciples de
toute leur crainte, lorsqu’ils croyaient qu’ils allaient périr dans les flots,
pendant que vous dormiez. Car pour bien arrêter les vents des pensées qui
excitent les tempêtes de mon esprit, il faut que vous parliez. Mais le
reproche que vous fîtes à vos disciples de leur peu de foi me doit enseigner
à me tenir ferme auprès de vous, sans sortir volontairement de la solitude de
l’esprit par des pensées superflues, des réflexions inutiles et des sollicitudes
déréglées, et sans m’épouvanter de leur bruit.
Souvenons-nous que pour avancer dans la solitude de l’esprit, il faut
combattre généreusement et se défendre contre la multiplicité qui l’attaque ;
il faut rejeter les pensées superflues qui l’environnent, non pas par une
résistance formée par d’autres pensées ; car ce serait ajouter pensée sur
pensée, et allumer son flambeau par les deux bouts ; mais par le mépris et
l’inapplication à ces pensées. Il faut retrancher les réflexions inutiles sur des
choses qui sont suffisamment connues, ou qu’il est inutile de connaître, en
leur refusant notre attention, et en se détournant d’elles. Il faut étouffer les
sollicitudes par le recours à la Vérité, qui nous enseigne à transporter toute
notre sollicitude dans le sein de Dieu, demeurant fermes dans la confiance
en sa Providence, qui demande seulement de nous une application simple et
diligente sur ce qu’elle nous met entre les mains ; et nous nous
abandonnons entièrement à elle pour le reste.
Innocent Le Masson (1628-1703)
Prière sous forme de dialogue
avec le Christ sur les tentations
de la vie solitaire15
Le solitaire
Seigneur, mon Dieu, puisque c’est en vain que travaille celui qui bâtit
une maison18, si vous ne voulez qu’elle soit édifiée, c’est bien plus en vain
que je fais la lecture spirituelle, car mon cœur sera sourd, et mon esprit
aveugle, si votre Esprit ne m’ouvre le sens pour entendre les Écritures.
Donnez-moi donc un esprit ouvert, et un cœur docile pour apprendre ce
qu’il vous plaira de m’enseigner pour la lecture de ces livres. Ce ne sera ni
aux livres, ni à mon esprit que j’attribuerai ce que j’apprendrai, mais à votre
Esprit et à votre sainte Grâce.
Statuts (XIXe siècle)
Prière du soir
pour écarter la lassitude19
J’aime ce que vous aimez. C’est votre vie éternelle, mais en moi,
accueillie par moi, vécue par moi.
Quand le soir tombe et que la fin d’un jour, en s’annonçant, me fait
songer à la fin des choses, comme j’ai besoin de vous prier de me garder
cette vie qui ne passe pas :
« Écoutez, au moment où les ténèbres de la nuit s’approchent, nos
prières qu’accompagnent nos larmes. Ne permettez pas que notre âme,
appesantie par le poids du péché, se détourne des choses éternelles et
qu’elle quitte cette patrie intérieure où l’on vous connaît, où l’on vous
aime. »
Le péché vous chasse, il fait la nuit, il remplace la lumière, qui vous
montre à moi dans votre splendeur radieuse d’être infini, par la clarté
inférieure et douteuse qui m’égare vers la créature. Il ne me permet plus de
discerner nettement ce qui est vérité et mensonge, vrai bien et faux bien.
Écartez de moi ces ténèbres. Faites au contraire que le soir de ma vie soit de
plus en plus cette fin apaisée des longues journées d’été, où les nuages ont
pu s’amonceler, le tonnerre gronder, le soleil darder un rayon trop dur, mais
qui s’achèvent dans le calme recueilli et confiant où s’annonce un beau
lendemain.
Donnez-moi cela, ô Vous pour qui il n’y a ni orage, ni nuage menaçant,
ni rayon qui brûle, ni tempête qui dévaste, ni jour qui finit. Donnez-moi de
vous connaître et de vous aimer comme vous vous connaissez et vous vous
aimez ; donnez-moi votre vie éternelle. Vivez en moi, ô Père, dans mon
âme que l’effort quotidien, soutenu par votre grâce, fera de plus en plus
limpide ; engendrez comme dans un pur miroir votre Image qui est votre
Fils ; gravez en moi vos traits, ou mieux, faites que je fasse cela, que bien
souvent ma pensée aimante se retourne vers vous. Donnez-moi de vous
reconnaître, de vous adorer, de vous bénir en tout ce que vous voulez, en
tout ce que vous faites. Donnez-moi votre Esprit qui ainsi vous reconnaît,
vous adore et vous aime.
Augustin Guillerand (1877-1945)
1.
Denys le Chartreux, Éloge de la vie en solitude , La Vie et la Fin du solitaire , Paris,
Beauchesne, « Spiritualité cartusienne », 2004, p. 184.
2.
Statuts de l’ordre des chartreux , op. cit. , p. 171.
3.
1 Co 7,30-31.
4.
Statuts de l’ordre des chartreux , op. cit. , p. 180-181.
5.
Adam Scot, De quadripertito exercitio cellae , in Petite Anthologie d’auteurs cartusiens ,
op. cit ., p. 30.
6.
Adam Scot, De quadripertito exercitio cellae , PL, 153, col. 854d-855a.
7.
Michel de Prague, Remediarium abjecti prioris , éd. Pez, Ratisbonne, Bibliotheca ascetica,
1723, t. II, p. 227-468, chap. XV, p. 452-453.
8.
Innocent Le Masson, Mois du Sacré-Cœur de Jésus , op. cit. , p. 270-271.
9.
Nicolas Kempf, De studio theologiae moralis , éd. Pez, Ratisbonne, Bibliotheca ascetica,
1447, t. IV, p. 299, trad. inédite.
10.
Jean-Juste Lansperge, Divini amoris pharetra . Item , Jesus Christi ad animam fidelem
alloquium , Cologne, 1590, extraits, p. 55-69, trad. inédite P. Pradié, osb.
11.
Jean-Juste Lansperge, Lettres , in Petite Anthologie d’auteurs cartusiens , op. cit. , t. IV,
p. 229.
12.
Innocent Le Masson, Mois du Sacré-Cœur de Jésus , op. cit. , p. 272-273.
13.
Ibid. , p. 271-272.
14.
Innocent Le Masson, Direction et sujets de méditations pour les retraites à l’usage des
religieuses chartreuses , Montreuil-sur-Mer, Notre-Dame-des-Prés, 1890, chap. III, « La
solitude de l’esprit », p. 80-81.
15.
Nicolas Kessler, Gemitus compeditorum sive tentationes quae frequentius adoriuntur
religiosos et a perfectione impediunt , Cologne, Demen, 1677, p. 30, trad. inédite P. Pradié,
osb.
16.
Statuts de l’ordre des chartreux , op. cit. , p. 181.
17.
Ibid. , p. 171-172
18.
« Si Yahvé ne bâtit la maison, en vain les maçons peinent. » (Ps 127,1.)
19.
Augustin Guillerand, Harmonies divines , hymne « Lucis Creator optime », Liturgie d’âme ,
op. cit. , p. 109-110.
5
L’invocation de Dieu
Du désir de Dieu8
Misère de l’homme,
bonté de Dieu9
Qui suis-je donc, moi qui suis ver et poussière, limon et cendre, chose
si vile et rebut, qui peut être tenté par lui-même au-delà de ce que je
pourrais ? Que me reste-t-il donc, sinon de crier : « Dieu, viens à mon aide,
et ne souffre pas du tout que je sois tenté au-delà de ce que je peux. Car
sans ton aide je sais que je ne peux éviter les tromperies du diable. » […]
Dirige donc mes pas, Seigneur, dans tes sentiers, de sorte que mes traces ne
bougent pas, et sous l’ombre de tes ailes, protège-moi de la face des impies,
car ils m’ont affligé. Car si eux je peux les éviter, toi, cependant, je ne peux
t’éviter et je ne peux non plus fuir loin de toi, puisque, où que j’aille, là ta
main me tiendra : il n’est personne, en effet, qui puisse échapper à ta main.
Hélas, où fuirais-je loin de ta face ? Mais aussi pourquoi fuir ? Je ne pourrai
pas fuir, et je n’ose pas me tenir devant toi : car je suis impur et conçu d’une
semence impure.
Hugues de Miramar († 1242)
Dieu de miséricorde10
Ô Dieu, en quelles vanités se trouve mon esprit ! Voici qu’il n’y a pas
de lieu où fuir.
Quoi donc ? Que dirai-je ? Car tout passe, sauf aimer Dieu. Toi seul, je
le comprends donc, est le refuge des misérables ! Blessé, tu t’abstiens ; tu
ne contiens pas en ta colère tes miséricordes ; tu es un lion puissant pour
ceux qui sont déjà terrassés, tu épargnes les hommes élevés. Je me réfugie
en toi : soigne mes maux parce que pour tous tu es bon, meilleur, très bon.
Père saint, toi qui fus bon pour moi dans la création mais encore
meilleur en la récréation, sois donc pour moi, je te prie, très bon par ta
miséricorde en la glorification ! Toi seul es grand : tu emplis le Ciel et la
terre ; tu es plus grand en gouvernant tout ; sois pour moi, je te prie, très
grand quand tu seras tout en tous ! Toi seul es suave : tu remets les péchés ;
tu es plus suave en la promesse de la vie ; sois pour moi, je te prie, très
suave en la rencontre de la gloire ! Tu es désirable, à savoir en l’exil, en
enfer, dans le jugement et sur le trône : en exil pour les pécheurs, en enfer
pour les justes qui attendent, mais dans le jugement pour ceux qui aiment et
sur le trône ou dans le royaume pour ceux qui exultent. Pour les pécheurs
dans l’espérance de la justification, pour ceux qui attendent dans
l’espérance de la libération, pour ceux qui aiment dans l’espérance d’être
placés à ta droite, mais aussi pour ceux qui exultent dans l’espérance de
jouir plus abondamment, Seigneur Dieu, de ta vision. Avec les premiers je
crie : moi je suis ton serviteur inutile, viens, Seigneur, et ne tarde pas !
Hugues de Miramar († 1242)
Louange de Dieu
en tant qu’être12
Notre Père très fidèle, ô mon Seigneur et mon Dieu très aimé, moi qui
ne suis rien et qui me suis fait pire que rien, je te loue, t’adore et t’invoque
dans la simplicité et le fond de mon cœur. Toi « qui es » avec la totalité de
ta divine Essence présent « aux Cieux », c’est-à-dire en moi et en toutes les
âmes.
Je te prie : « que ton nom soit sanctifié » en moi et en toutes les
créatures, afin que nous recherchions et obtenions ton seul honneur partout,
toujours et en [toutes] circonstances avec la plus grande pureté d’intention,
toute recherche personnelle absolument étouffée.
« Que ton règne arrive », c’est-à-dire celui de toutes les vertus en nous,
jusqu’à ce que nous te soyons totalement conformés en corps et en âme,
tout vice banni.
« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel », afin que dans
la prospérité et l’adversité, dans le temps et dans l’éternité nous désirions
toujours la remplir très parfaitement, renonçant avec le plus grand désir à
notre volonté propre et t’obéissant toujours intérieurement comme
extérieurement aux hommes.
« Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien », à savoir le pain de
l’amour qui nous absorbe tout entiers et nous fasse un véritable amour avec
toi, nous entraîne efficacement aux vertus susdites, l’amour propre
totalement anéanti, de sorte qu’unanimement unis, nous habitions en toi,
notre Dieu, tout brûlants de ton amour.
« Pardonne-nous nos péchés, etc. » par tes saints mérites et supplée à
toutes nos négligences en ton sang, notre très doux Dieu.
« Et ne nous induis pas, etc. » Donne-nous d’être toujours tournés vers
notre intérieur en ta présence et de surveiller notre homme intérieur et
extérieur si diligemment que nous ne t’offensions jamais, même dans les
plus petites choses, fût-ce pour souffrir la mort.
« Mais délivre-nous du mal » passé, présent et futur, qui puisse nous
empêcher ou, en quelque façon que ce soit, nous retarder loin de ton très
doux visage et de ton union, parce que de nous-mêmes nous ne sommes
rien, ne valons rien, ne pouvons rien.
« Amen », ainsi soit-il.
« Ave », libère-nous de tout malheur, « Marie » ; illumine-nous avec
éclat, « pleine de grâce », remplis-nous de toute grâce. « Le Seigneur est
avec toi » : unis-nous d’une charité parfaite avec lui. « Tu es bénie entre
toutes les femmes et Jésus, le fruit de tes entrailles, est béni », afin que nous
puissions bénir pour toujours et ultra ton Fils, et toi, sa Mère, « Amen ».
Gérard Kalckbrenner (1488-1536)
Oraison jaculatoire.
Ô Dieu Père éternel, par les plaies de Jésus, accordez-nous le pardon et
la grâce de ne plus vous offenser jamais.
Gabriel-Marie Fulconis (1816-1888)
Hymne à l’amour de Dieu16
Louange à la Bonté17
Louange à la Sagesse18
Vous êtes, ô mon Dieu, l’Ordre infini. L’ordre qui règne ici-bas est
merveilleux. Ce que nous pouvons en entrevoir nous éblouit, et ce que nous
voyons est si peu ! Vous êtes tellement l’Ordre que même les désordres le
procurent ! Vous avez l’art, le grand art, de faire de l’harmonie avec des
dissonances. Il faut savoir dépasser, il est vrai, pour reconnaître cet Ordre
suprême, la durée éphémère, les circonstances présentes, ce qui n’est pas, et
attendre que le présent passager et superficiel ait produit ce que voyait votre
regard éternel et voulait votre Amour immense.
Votre Sagesse, ô mon Dieu, c’est ce regard dépassant les temps et les
lieux et c’est ce vouloir s’élevant au-dessus du passager. Elle est faite
d’intelligence qui ordonne et d’amour qui se donne. L’ordre est le fils de
l’intelligence qui aime et dont le nom propre est la Sagesse. En nous,
l’intelligence et la volonté, nées du même fond profond, semblent
néanmoins se diviser. Je parlerais plus exactement en disant « semblent se
distinguer », car distinction n’est pas division. En vous, ô mon Dieu, où tout
est un, elles ne font qu’un. La Sagesse est l’acte unique dans lequel vous
vous connaissez dans votre Amour et vous vous aimez en vous connaissant.
La Sagesse est votre Verbe, Lumière qui vous montre, Parole qui vous
exprime, Image qui vous représente, rayon substantiel qui est l’éclat
splendide de votre gloire, figure qui reproduit vos traits et vous fait
connaître.
Cette Sagesse s’est communiquée au « néant » et l’a rempli d’images
finies de l’Être qui est. Tous les êtres et l’ordre régnant, en chacun d’eux et
dans tout l’ensemble, représentent votre Sagesse, ô mon Dieu. Et c’est elle
que je dois admirer, adorer, aimer quand le monde se révèle à moi dans la
splendeur de ses merveilles et de son harmonie. Je dois voir en lui votre
grandeur, votre intelligence, votre puissance, tout le jeu de ce que j’appelle
vos perfections et qui, en vous, sont la perfection unique de votre plénitude
d’Être. Je dois voir en chacun, dans l’unité de chacun, une image de cette
plénitude infinie ; je dois voir dans tous les éléments qui le composent et
dans tous les mouvements ordonnés qui constituent son activité votre
Amour qui unifie tout, ordonne tout, se représente en unissant, unit en
ordonnant et qui, pour ordonner, règle la place et l’agir de chacun, le
conserve, le développe dans la paix, pour le bien de tous et de tout
l’ensemble auquel chacun appartient.
Augustin Guillerand
(1877-1945)
Louange à la Miséricorde19
L’ombre de la Croix
S’il est une prière que les chartreux pratiquent quotidiennement, c’est
celle adressée au Christ, au Christ souffrant, agonisant sur la Croix. Dès les
origines de l’ordre la dévotion à l’humanité du Christ est au centre de la
spiritualité des chartreux. Les écrits attribués à saint Bruno en attestent,
notamment le commentaire du Psaume 118 où s’expriment le désir d’union
et l’attachement à la kénose du Christ1. Les Titres funèbres, pour leur part,
notent qu’il méprisa tout et que, « pauvre, il adhéra au Christ2 ». Les
méditations de Guigues Ier et de Guigues II s’inscrivent dans cette
perspective d’un amour de Dieu qui passe par la médiation du Christ :
« Sans éclat ni beauté et clouée à la Croix, ainsi doit être adorée la
Vérité3 », déclare brutalement Guigues Ier, tandis que Guigues II, méditant
sur les saintes Espèces, redit que par l’adhésion au Christ, on adhère à
Dieu : « Il faut donc suivre le Christ, adhérer à lui. “Il m’est bon, dit
l’Écriture, d’adhérer à Dieu” ; mon âme s’attache à vous, votre droite me
soutient. Car celui qui s’unit au Seigneur est un seul esprit avec lui4. » Cette
omniprésence de la médiation du Christ, détachée de la figure trinitaire,
détermine donc une pratique religieuse et une dévotion au Verbe incarné
que souligne Guigues du Pont, lorsqu’il suggère de « bien ordonner sa vie
par rapport au Christ5 », et que les auteurs chartreux au cours des siècles
rattacheront plus particulièrement à la vénération de la Passion.
Centrale dès les premiers écrits cartusiens, la méditation de la Passion
du Christ apparaît comme un des exercices favoris de la cellule, dont
témoignent les premiers écrits des moines de Portes : « Le temps est bref, le
Salut éternel. Le joug du Seigneur est léger. Crois à mon expérience. Garde
dans ton esprit le souvenir des souffrances du Christ », note Jean de
Montemedio à l’intention de son frère Étienne6. Les uns après les autres, les
maîtres des novices ne cessent de rappeler l’importance de cette méditation
dans le mécanisme de purification de l’âme. Dans son Éloge de la vie en
solitude, Denys le Chartreux consacre la totalité du chapitre XXVIII à « la
méditation fréquente, attentive et affectueuse de la Passion », afin de lutter
contre la tentation7. Cet attachement à la Croix, emprunté à l’Épître aux
Galates – « Avec le Christ, je suis fixé à la Croix : je vis, mais ce n’est plus
moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,19-20) –, produit une littérature
flamboyante et expressive dans les milieux cartusiens, de la fin du Moyen
Âge à la Renaissance, imprégnés par la sensibilité de la Devotio moderna.
Ainsi, sous la plume de Kalckbrenner, influencé par la béguine Marie
d’Oisterwijk, naît l’exercice de méditation aux cinq plaies du Christ8. Au
XVIe siècle, Lansperge, dans ses Hymnes sur la Passion9, dans son
Speculum Christianae perfectionis10 et dans ses Lettres parénétiques11
relève l’attachement au cœur du Christ en conseillant de méditer devant une
représentation du Christ sanglant, ouvrant ainsi la voie à la piété du Sacré-
Cœur dont Innocent Le Masson dressera au XVIIe siècle un bilan cartusien à
l’intention des moniales de l’ordre. Il réalise en effet à leur intention une
anthologie des textes les plus anciens, démontrant à travers eux la réalité
d’une mystique de la Croix :
Pourquoi le Cœur de Jésus a-t-il été blessé à cause de nous d’une blessure d’amour ? C’est afin
que nous puissions pénétrer par la porte de son Côté jusqu’au divin Cœur ; là nous lui rendrons
amour pour amour, là nous unirons notre amour à son amour pour ne plus former qu’un seul
amour, de même que le fer brûlant ne forme qu’un seul corps avec le feu qui le consume12.
Le Cœur de Jésus
est la ville de refuge17
Exercices spirituels
par lesquels on s’entraîne
et se concentre en Dieu19
Ô ma fille, ouvrez avec la clef de l’amour l’écrin qui renferme tous les
trésors célestes, c’est-à-dire mon divin Cœur ; et si les tentations vous
assaillent, comme autant de voleurs, recourez à l’arsenal de mon très doux
Cœur ; là vous pourrez prendre des armes excellentes et solidement
trempées.
Mes plaies sont remplies de mansuétude, pleines de bonté, de douceur,
de charité ; elles vous diront combien je suis doux, aimable et tendre ; elles
vous apprendront de quel amour, de quelle charité je suis dévoré. Il ne peut
suffire à mon Cœur d’être tout enflammé d’amour à l’intérieur, les flammes
s’échappèrent et se répandirent au-dehors ; le feu divin se pratiqua une
ouverture par laquelle il sortit avec impétuosité et pénétra dans le cœur des
hommes ; mon Cœur fut ouvert afin que les âmes pieuses, comme de petites
colombes, posent leur nid dans les trous de la Pierre mystique. Ne les y ai-je
point conviées doucement par ces paroles : Veni, columba mea, in
foraminibus petrœ ? Et c’est ce que je voulus donner à entendre lorsque je
commandai à mon serviteur Noé de pratiquer sur le côté droit de l’arche une
fenêtre, ou une ouverture, par laquelle entra la colombe qui fut ainsi
préservée des eaux du Déluge.
Allons ! Levez-vous, ma fille et ma colombe, placez la bouche de
votre cœur sur la plaie de mon Côté, goûtez mon inénarrable douceur, tirez
de mon Cœur les eaux salutaires de la grâce.
Jean-Juste Lansperge (1489-1543)
Dans votre Cœur, le pénitent trouve le remède infaillible qui guérit les
blessures de son âme, l’infirme un secours, l’affligé une consolation, l’âme
tentée un refuge, le juste son repos. Dans votre Cœur, quiconque le désire
trouve la demeure la plus agréable, la plus avantageuse, la plus enviable que
l’on puisse imaginer sur cette terre. Je vous remercie également, de vous
être dépensé tout entier pour d’aussi viles créatures que nous sommes ;
soyez béni d’avoir répandu à flots abondants votre sang très précieux, à ce
point que jusqu’à la plus petite, jusqu’à la dernière goutte, vous l’avez
généreusement donnée pour laver nos souillures. Je vous en remercie mille
et mille fois, car tout ce que vous possédiez pendant votre vie et après votre
mort, vous l’avez offert à Dieu pour le rachat de nos âmes. Vous ne vous
êtes rien réservé, vous êtes devenu sec et aride comme le raisin foulé sous le
pressoir. Très doux Jésus, au nom de votre amour infiniment parfait et sans
limites, ouvrez-moi, je vous prie, la porte de votre Cœur, la porte de la vie,
la porte de la miséricorde. Permettez-moi de m’approcher de cette source de
grâces, ne m’éloignez pas de votre Cœur puisque vous avez voulu, inspiré
par votre seul amour, ouvrir un passage vers votre Cœur à tous ceux qui le
cherchent et le désirent. Dans votre Cœur sacré, je me trouverai dans un lieu
de refuge inexpugnable, j’y jouirai d’une inaltérable paix et je fixerai en lui
ma demeure en toute confiance. Là, je trouverai à la fois et le repos et la
richesse, j’y vivrai comme une colombe dans l’innocence et la simplicité,
j’y bâtirai mon nid et je serai à l’abri des flots courroucés de la mer de ce
monde. […] Très doux Jésus, renfermez tous mes sens, les affections de
mon âme, les mouvements de mon cœur dans vos très saintes plaies ; ne me
laissez point penser à autre chose qu’à vous et faites-moi méditer sans cesse
votre bienheureuse Passion. J’en ai besoin plus que toute autre créature, je
le reconnais, puisque mille fois le jour je sors de moi-même et ne m’occupe
plus de vous qui résidez cependant toujours dans le fond de mon âme. Ô
charité ardente et qui ne s’éteint jamais, puissé-je brûler de ce feu que vous
avez envoyé sur la terre et que vous désirez si ardemment voir s’allumer
dans les âmes !
Jean-Juste Lansperge (1489-1543)
Ô doux Jésus, vous m’avez, par votre généreuse bonté, retiré des
portes de l’enfer où mes péchés m’avaient déjà plongé. Je vous en conjure
maintenant, par la plaie de votre Sacré-Cœur et par vos infinies
miséricordes, délivrez-moi de tout ce qui est orgueil, malice, négligence ; ne
permettez pas que je vous offense encore, au moins de propos délibéré,
mais donnez-moi d’employer tout le reste de ma vie et toutes les forces de
mon âme et de mon corps à bien faire, à accomplir votre sainte Volonté, à
n’agir que pour vous honorer et vous glorifier. Donnez-moi, en outre, pour
votre Mère bien-aimée la très Sainte Vierge Marie, ma souveraine et ma
Mère, un amour pur et fervent, un amour brûlant et fidèle, une dévotion
pleine de respect, d’humilité et de constance.
Très doux Jésus, béni soit votre tendre Cœur de toutes les grâces, de
tous les bienfaits qu’il répand sur nous. Louange, honneur, gloire et actions
de grâces, en mon nom, au nom de toutes les créatures, pour votre immense
charité à notre égard. Doux Jésus, ayez pitié de nous, surtout de moi,
misérable pécheur ; faites que je vous aime de tout mon cœur, que je vous
sois agréable, que je m’attache à vous entièrement, pour toujours,
irrévocablement. Ainsi soit-il.
Jean-Juste Lansperge (1489-1543)
Sur cette terre ; il se prosterne et supplie son Père d’éloigner de lui, s’il
est possible, ce calice de douleurs qu’il aperçoit dans l’avenir. […]
Considérez, je vous prie, ô mon âme, considérez avec soin et méditez en
vous-même dans quelle angoisse se trouve, à ce moment, le Cœur très doux
de notre Rédempteur : d’un côté, sa charité toute de feu le presse et il
accepte avec bonheur de se dépenser tout entier pour notre salut, mais d’un
autre côté, il est saisi d’horreur à la vue des peines terribles qu’il entrevoit ;
l’amour et la crainte se livrent en lui d’effroyables combats, et son Cœur
tout aimant est tellement écrasé par cette lutte que de tout son corps, de tous
ses membres jaillit une sueur de sang si abondante qu’elle pénètre ses
vêtements et arrose la terre sur laquelle son visage est attaché. Avez-vous
jamais vu, dites-moi, ô mon âme, un semblable spectacle ? Avez-vous
jamais vu un homme tellement écrasé sous le poids d’une peine, soutenant
une lutte si grande qu’il en vienne à suer du sang ? Non, jamais on n’a ouï
dire qu’un seul homme fût réduit à cette extrémité, il n’y a que Notre
Seigneur Jésus-Christ qui soit devenu pour nos âmes un véritable époux de
sang ! Accours, ô mon âme, accours, hâte-toi, ne tarde point, recueille ces
gouttes d’un sang si précieux, mets-les sur ton cœur plus dur que le
diamant, elles auront la force de l’amollir et elles l’enflammeront d’amour.
Ô Père céleste, ne voyez-vous donc point les angoisses de votre Fils ? […]
Ô mon Jésus, mon doux Jésus ! Vous vous êtes livré à ma place.
Jean Torralba († 1578)
L’abeille mystique24
Ô Dieu qui êtes notre Père et notre Protecteur, daignez nous regarder
en pitié, et jetez les yeux sur la face de votre Fils Jésus-Christ. Voyez les
marques de pécheur qu’il veut prendre dans la Circoncision, afin d’attirer
votre miséricorde sur tous les pauvres frères adoptifs. Regardez son Sang,
ses larmes, et la tendre compassion de sa sainte Mère, et recevez l’offrande
que je vous fais de la gloire qu’il vous a rendue dans sa Circoncision, pour
le soulagement des âmes du Purgatoire, et spécialement pour celle de N.,
par le même Jésus-Christ Notre Seigneur, qui vit et règne avec vous en
l’unité du Saint-Esprit, par tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Innocent Le Masson (1628-1703)
Le neuvième jour
Considérez Jésus-Christ retiré dans le jardin des Oliviers avant sa
mort, où il souffre l’agonie, et la sueur de Sang, où il reçoit de la
consolation d’un Ange, lui qui est le Dieu des Anges ; et où il se prépare à
consommer l’œuvre de notre Rédemption. Jetez une œillade de cœur sur la
Sainte Vierge retirée dans le secret de la solitude pendant que son Fils était
dans l’exercice de sa Passion, elle qui savait tout ce qu’il souffrait et devait
souffrir.
Adorez Jésus-Christ dans l’état d’affliction où sa charité envers nous
l’a mis.
Remerciez-le de ce qu’il a voulu pourvoir à votre consolation dans la
vie et dans la mort, en vous instruisant par son exemple, et en vous la
méritant par sa désolation.
Demandez-lui la grâce de ne chercher votre consolation qu’en lui, et
de ne l’attendre que de lui ; et proposez-vous pour vertu la fidélité à la
prière, et l’attachement à la volonté de Dieu dans les sécheresses.
Le dixième jour
Le manteau de Marie
Les prières présentées ici reflètent le lien étroit qui unit la vie
contemplative à la figure de Marie.
Méditation VIII
sur la nourriture de Dieu9
Donnez-nous la nourriture, Seigneur, comme vous l’avez promis à la
postérité de notre père Jacob, rassasiant tout vivant de votre bénédiction
spirituelle, de la rosée du Ciel et de la grasse fertilité de la terre, de
l’abondance de votre blé, votre vin et votre huile. Le blé est votre chair, le
vin votre sang, l’huile l’Esprit-Saint. Telle est pour nous la bénédiction de la
rosée du Ciel ; par elle, notre terre, jadis maudite dans le travail d’Adam, est
rendue fertile. Mais Adam n’a jamais semé dans la terre la semence de ce
blé. La rosée du Ciel, en effet, est descendue comme la pluie sur la toison,
comme la bruine sur la terre : dans la Vierge, comme la pluie ; sur les
peuples, comme la bruine. « Ô pleine de grâce, tous les peuples de la terre
sont bénis par la fécondité de votre sein. La grâce est descendue en vous
comme la pluie du plus haut du Ciel, et de vous comme d’un toit élevé
coulent petit à petit sur notre terre des gouttes de la même grâce.
Ô maison d’ivoire, palais royal construit d’un assemblage de planches
de cèdre et qui paraissez tourné vers l’immensité, que de richesses vous
contenez ! Vraiment vous êtes ce grand trône d’ivoire de Salomon, ce trône
dont on ne construisit le semblable dans aucun royaume. Vous êtes revêtue
de l’or raffiné d’une très pure sagesse ; vous avez la forme parfaite d’une
virginité entièrement intacte. Vous avez monté six degrés dans la vie active,
et au septième, vous élevez le trône du repos contemplatif pour le roi de
paix. »
Guigues II le Chartreux († 1193)
Contemplation de l’Assomption
de Marie10
Ô la plus pure, la plus noble et la plus belle de toutes les vierges, très
digne Mère de Dieu, Marie, je te supplie par ta très profonde humilité, ta
très sainte et ta très chaste pureté, par ta très fervente charité, et par tous les
dons, grâces et vertus dont Dieu t’a ornée, pour être sa plus digne mère,
reçois-moi comme un fils sous ta protection et l’amour de ton cœur
maternel, malgré mon indignité, et obtiens-moi de t’aimer très saintement et
très chastement ; obtiens-moi la plus parfaite humilité, la plus parfaite
chasteté, la plus parfaite charité, et toutes les autres vertus par lesquelles tu
as plu à Dieu. Implore même pour moi que, par une singulière miséricorde
de ton fils, par les mérites de sa Passion et par une intarissable contrition de
mes péchés, je mérite en cette vie d’être purifié de tous mes vices et de tous
mes péchés, pour qu’après cette vie, je reçoive sans retard la vie éternelle.
C’est pourquoi, ô très douce souveraine de miséricorde, obtiens-moi de
toujours supporter le plus patiemment possible et en rendant grâce, toute
adversité qui surviendrait, et de dépenser selon son bon plaisir toutes les
forces de mon corps et de mon âme, tous les instants de ma vie pour la
louange et la gloire de ton Fils.
Très aimant Jésus, je te recommande tous mes sens et toutes les forces
de mon âme, tous les membres de mon corps, et tout mon cœur, enfouissant
dans ta plaie très gracieuse et très fidèle tout cela pour le protéger, le diriger
et le conserver, afin que là, tu me préserves de tout péché, de toute
délectation et affection coupable, que tu achèves et parachèves en toi ma
volonté et mon refus, mon repos et mon activité et que tu sois le principe,
l’intention et la fin de tous mes actes et de toutes mes pensées. Doux Jésus,
accorde-moi, le plus parfait renoncement à moi-même, d’imiter très
parfaitement et très dévotement les exemples de ta très sainte vie et de me
conformer à ton bon plaisir en toutes choses.
Bon Jésus, tout ce que j’ai pu faire de bien aujourd’hui, je vous l’offre,
recevez-le dans votre Cœur. À mes œuvres, ajoutez vos mérites,
perfectionnez mes différentes actions et recevez-les pour votre plus grande
gloire et le salut de toutes les âmes. Tout ce qui serait mal fait, détruisez-le
dans le Sang précieux qui coule de vos plaies, consumez-le dans le feu de
votre amour, jetez-le dans l’abîme de vos miséricordes et de vos mérites ;
remplissez-moi d’une nouvelle ferveur, encouragez-moi, excitez-moi,
dirigez-moi pour faire de nouvelles bonnes œuvres.
Ô Marie, Mère de Dieu, Reine très glorieuse des Anges et des Saints,
notre puissante Patronne, notre Avocate toute dévouée, recevez le Cœur très
doux de votre Fils, ce Cœur d’où ont découlé, d’où découlent et découleront
sur nous et sur les Saints toutes les grâces de Dieu. Recevez le Cœur de
Jésus en remerciement de tous les bienfaits que vous nous avez distribués,
pour suppléer à tout ce que nous avons omis, pour corriger tout ce que nous
avons mal fait en vous servant. Ô Vierge notre Mère, recevez dans votre
cœur maternel, les hommages que nous tous avons offerts aujourd’hui.
Recevez tout ce que nous vous offrons avec le Cœur et par le Cœur sacré de
votre Fils ; nous nous consacrons à votre cœur virginal ; si nous avons fait
quelque bien, nous vous en sommes redevables, vos prières nous ont obtenu
la force de le faire.
Jean-Juste Lansperge (1489-1543)
La vie de Marie14
Ô Dieu unique et trine, aie pitié de nous par la très dévote présentation
au Temple et la conversion de la bienheureuse Marie toujours vierge, par
laquelle, âgée de 3 ou de 5 ans, elle fut enlevée à ses parents (selon le vœu
qu’ils avaient fait pour elle avant sa conception) et fut conduite au Temple
de Jérusalem. Lorsqu’ils y arrivèrent, la très dévote jeune fille, quoique par
l’âge elle pouvait tout juste marcher, par la ferveur de la dévotion, elle
monta cependant sans aide les quinze degrés du temple. Elle-même s’est
présentée et offerte à Dieu par les mains du prêtre et jusqu’à l’âge de
15 ans, elle mena une vie angélique : entièrement humble de cœur, attachée
au silence et modeste ; pauvre en esprit, sobre et chaste, observante d’une
discrète austérité, patiente et douce, très remplie de la plus divine et
fraternelle charité, d’une intention droite ; d’un amour réservé, de conseils
judicieux et d’une obéissance parfaite, pleurant, compatissant et priant avec
douceur ; affamée de justice et la recherchant avec courage et vigilance,
dévotement et ardemment, magnanime, forte et constante ; miséricordieuse,
juste, aimable, libérale et magnifique ; retenant ses sens, tempérante, pure
de cœur et élevée d’esprit ; prudente, sage et éloquente ; simple, pudique,
tranquille et pacifique ; louant Dieu en toutes choses tant adverses que
prospères et lui rendant grâce ; s’humiliant et renonçant parfaitement à elle-
même ; suppliant Dieu en se confiant à lui avec ferveur, et révélant elle-
même entièrement ainsi que toute chose ; ainsi [son] esprit était
continuellement réconforté par des fruits comme la charité et la joie, la
paix, la patience et la longanimité, la douceur, la bonté et la bénignité, par la
foi, la fidélité et la modestie, la continence et la chasteté ; c’est pourquoi sa
vie et sa manière de vivre au Temple pouvaient vraiment être dites de toute
sainteté et de toutes les vertus, une image et un exemple parfaits.
Ô Dieu unique et trine, aie pitié de nous, par le mariage de la très
chaste et toujours Vierge Marie, par lequel quoiqu’elle-même, comme
première parmi les vierges, ait fait le vœu de virginité, cependant à la
persuasion des prêtres et des pontifes, elle consentit à s’unir à un homme
appartenant à sa tribu, à savoir Joseph, l’homme saint, très chaste, fils de
David, auquel elle fut unie par le mariage, mais il ne l’a pas connue,
habitant avec lui comme une sœur avec son frère, elle demeura
intégralement toujours vierge.
Ô Dieu unique et trine, aie pitié de nous, par la Visitation de la
bienheureuse Marie toujours vierge, par laquelle aussitôt après la
conception en son sein du Fils de Dieu, cette vierge désira par charité
communiquer le fruit d’un tel trésor à sa cousine Élisabeth et à son fils.
Quittant le repos de la contemplation pour le travail, elle partit dans la haute
et escarpée montagne de Juda, parcourant le chemin à pied, avec la hâte et
la ferveur de la dévotion, puis elle entra dans la maison de Zacharie,
humblement, salua Élisabeth. Élisabeth entendit sa situation et Jean-
Baptiste, qui était enfermé dans son sein depuis six mois, fut sanctifié par la
puissance et la présence du Christ Jésus, Dieu et homme, purifié de la tache
originelle, devancé dans des bénédictions de la douceur de la grâce,
illuminé par la foi du Christ et oint de l’huile d’allégresse et mu par l’esprit
de prophétie, sous l’influence duquel il commença à exulter, de sorte que ne
le pouvant par la voix, il annonçait le Christ par l’exultation. Alors qu’il
exultait, sa mère fut remplie de l’Esprit-Saint. Et elle s’écria d’une voix
forte pleine de dévotion :Tu es bénie entre les femmes, toi la seule vierge et
mère. Et, béni le fruit de tes entrailles, l’auteur de toutes bénédictions. Et
d’où me vient, à moi si indigne et sans mérite que la mère de mon Seigneur,
le vrai Dieu, vienne jusqu’à moi me visiter et me saluer aussi officiellement
et humblement ? En effet, vraiment je connais et je confesse que tu es la
mère du vrai Dieu et de mon Seigneur. De ce fait, la voix de ta salutation
est parvenue jusqu’à mes oreilles ; l’enfant a exulté de joie en moi.
Bienheureuse celle qui a cru, parce que se sont réalisées toutes les paroles
que t’avait dites le Seigneur. Aussi, cette vierge très humble ne s’arroge ni
ne s’attribue aucune de toutes ces louanges et aucun de ces bienfaits,
conserve toutes ces choses pour la louange de Dieu, qui contient ce très
pieux cantique : Mon âme magnifie le Seigneur. Mon esprit exulte en Dieu
mon sauveur. Puis elle demeura auprès d’Élisabeth trois mois encore,
déférente avec elle comme avec une personne âgée et la servant autant
qu’elle pouvait jusqu’à la naissance de Jean-Baptiste. À ce moment, tant
Jean qu’Élisabeth, sa mère, par l’influence et la présence du Christ, par la
douce consolation de la bienheureuse Vierge et sa très sainte intimité,
reçurent une continuité de grâces et un accroissement de [dons] spirituels.
Ô Dieu unique et trine, aie pitié de nous, par la Purification de la
toujours très pure Vierge Marie, par laquelle cette bienheureuse Vierge,
quoiqu’elle n’était pas soumise à la loi de la purification, choisit cependant
l’exemple de l’humilité et de l’obéissance, montrant comment fuir toute
singularité. Depuis le jour de son enfantement, elle s’abstint quarante jours
d’entrer dans le Temple, demeurant pendant ce temps dans la chaumière où
l’enfantement avait eu lieu, dans une grande pauvreté et une grande
austérité, jusqu’au quarantième jour où, de Bethléem à Jérusalem, elle
monta accompagnée de son époux Joseph, portant son fils dans ses bras.
Tandis qu’ils pénétraient dans Jérusalem, le vieillard Siméon, juste et plein
de respect, qui attendait la consolation d’Israël, vint au Temple ; il lui avait
été révélé par l’Esprit-Saint qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le
Christ du Seigneur. Et comme la bienheureuse Vierge et son époux Joseph
entraient dans le Temple avec l’Enfant-Jésus, Siméon reconnaissant le vrai
Messie, le prit dans ses bras et bénit Dieu en disant : « Maintenant tu peux
laisser ton serviteur [partir] dans la paix, parce que mes yeux ont vu ton
salut que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer
les nations et gloire d’Israël ton peuple. » Par ces paroles, il reconnaissait et
confessait que le Christ est notre réconciliation et notre paix par
l’Incarnation, notre Salut et notre Rédempteur par la Passion, notre lumière
et notre illumination comme exemple et doctrine de vie, gloire et béatitude
par la Résurrection et l’Ascension. Après ce cantique de louange, Siméon
bénit les parents de l’Enfant-Jésus, s’étonnant de ce qu’on disait de lui, puis
il dit à Marie sa mère ces paroles prophétiques : « Voilà que cet enfant
provoquera la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël ; il sera
un signe de contradiction, et toi-même, un glaive de douleur te transpercera
afin que soient révélées les pensées d’un grand nombre. » Alors, la
prophétesse Anne (après avoir vécu sept ans avec son mari, elle était restée
veuve ; parvenue à l’âge de 84 ans, elle ne quittait pas le Temple, vaquant
jour et nuit à la prière dans le jeûne), survenant à ce moment, se mit à louer
le Seigneur et à annoncer à tous ceux qui attendaient la rédemption d’Israël,
la venue du vrai Messie. Ensuite, la Vierge reçut dans ses bras son fils que
lui donna Siméon et ensemble, avec son époux Joseph et Anne, elle
s’avança vers l’autel, emplie de dévotion, et présenta au Dieu Père, son fils
premier-né, l’offrant comme une offrande très pure à la place de tous les
sacrifices et de tous les holocaustes. Or l’Enfant-Jésus s’offrit lui-même à
son Père pour notre rédemption, et parce qu’il n’appartenait pas à la tribu de
Lévi, il fut racheté cinq sicles pour que la bienheureuse Vierge puisse
accomplir la loi de la purification. Avec son fils, elle offrit deux petites
colombes, ce qui était l’offrande des pauvres. Tout cela accompli, ils
retournèrent à Nazareth.
Ô Dieu unique et trine, aie pitié de nous et exauce-nous. Par la
Compassion de la très pieuse Vierge Marie qui savait d’une foi certaine que
son fils Jésus-Christ était le vrai Dieu, le plus affectueux, le plus
respectueux et le plus cultivé, l’homme le plus noble, le plus innocent, le
plus beau, le plus tendre, le plus doux, le plus aimable et le plus aimant
fidèlement le genre humain, le plus ardent, et le plus bienfaisant. Elle a
compati à sa Passion, aux injures, aux blasphèmes, à ses supplices, à sa
mort très atroce. Comme mère, sa seule parente, conforme à lui par la
nature, son fils unique, la plus aimante pour le plus aimant, la plus tendre
pour le plus tendre, voyant et prévoyant en esprit, appréciant toutes ses
douleurs et ses souffrances extérieures et intérieures. Elle en souffrait et y
avait tellement part qu’elle se savait à juste titre rachetée par elles et très
glorieusement couronnée par rapport à toutes les créatures. De plus, parce
qu’elle avait été choisie avec son fils comme coopératrice de notre salut,
elle s’était tenue sous la croix du Christ à la place de tous ceux qui devaient
être sauvés et avait suppléé par une très douce et très douloureuse
compassion à notre abandon du Christ ; ainsi, elle nous avait engendrés
d’une certaine manière comme fils sous la croix. Sous la figure du disciple
Jean (dont le nom signifie « celui en qui est la grâce »), le Christ avait
donné comme fils à sa mère tous les fidèles des temps à venir, en lui disant :
Femme, voici ton fils, et au disciple : Fils, voici ta mère. En outre, cette
Vierge très douce compatit aussi principalement aux sept plaies du Christ :
pendant la Circoncision lorsqu’elle vit son fils blessé et verser des larmes et
du sang ; lors de sa disparition, lorsque l’enfant était resté à Jérusalem
parmi des parents et connaissances ; pendant la fuite en Égypte ; quand elle
apprit son arrestation, sa flagellation et le couronnement d’épines et qu’elle
le vit porter la croix ; quand elle le vit mourir sur la croix ; quand elle le
reçut lorsqu’on le descendait de la croix ; quand il fut enseveli.
Ô Dieu unique et trine, aie pitié de nous, par la Sépulture, le réveil et
l’Assomption de la bienheureuse et toujours Vierge Marie qui, après son
trépas, a été livrée à la sépulture par les Apôtres dans la vallée de Josaphat,
a été soustraite à la fureur et à la violence des Juifs pour enlever son corps
et à ceux qui voulaient le brûler ; libérée par une force divine, elle a été
ensevelie très dévotement dans la dite vallée et, son corps étant demeuré
intact, dégageait la plus suave odeur. Le troisième jour, alors que le Christ
survint, accompagné d’un cortège d’anges, son âme fut réunie à son corps
restauré et transformé en un état glorieux, elle fut relevée de la mort, et avec
son corps glorifié et son âme bienheureuse, elle fut transportée au Ciel
parmi les anges et tous les saints en jubilation, puis établie sur un trône
proche de son fils, au-dessus de tous les anges et de tous les saints. Puis elle
nous fut donnée comme la mère et l’avocate la plus puissante, la plus sage
et la plus bienveillante.
Jean-Michel de Vesly († 1600)
Ô Marie ! J’éprouve une indicible joie à penser que votre cœur est le
salut des pécheurs et le refuge des malheureux, et que moi, le plus
misérable de tous, je dois avoir un titre spécial à sa sollicitude et à ses
tendresses. Oui, cette pensée, que j’ai un asile assuré dans votre cœur très
saint et immaculé, qu’avec lui et par lui je peux maintenant et toujours
aimer et glorifier votre Fils et la très sainte Trinité, m’inonde de joies et de
consolations ineffables. Béni soit mille fois le Seigneur, dont l’infinie
miséricorde a daigné me révéler des trésors cachés dans votre très aimable
cœur !
Eh bien ! Puisque le cœur de Marie est mon refuge, j’y fixerai ma
demeure, et je renouvellerai souvent la résolution de n’en plus sortir jamais.
Caché dans cet aimable sanctuaire, je traiterai avec Marie des affaires qui
importent le plus à mon salut éternel. Je consacrerai à ce cœur toutes les
actions qui ont été et qui seront faites jusqu’à la fin du monde. Je prierai la
sainte Vierge de les purifier, de les enrichir de ses mérites et de m’en
constituer le maître absolu ; elle le peut, dès lors qu’elle est la Reine de
l’univers.
Prière à Jésus.
Mon bon Jésus ! Vous qui, pour le salut des pécheurs et le secours de
tous les malheureux, avez voulu que le très saint et immaculé cœur de
Marie, votre Mère, fût rempli des mêmes sentiments de miséricorde et de
tendresse que votre divin cœur ; oh ! faites que tous ceux qui honoreront
dévotement et qui imploreront avec confiance le doux cœur de Marie,
soient comblés de bénédictions pendant leur vie, à leur mort et pendant
l’éternité. Ainsi soit-il !
Oraison jaculatoire.
Ô très saint et immaculé cœur de Marie, refuge des malheureux et salut
des pécheurs, priez pour nous !
Gabriel-Marie Fulconis (1816-1888)
Colloque affectueux
avec la très sainte Vierge,
Mère de Jésus et notre Mère17
Auguste Mère de Dieu, vous êtes donc également ma Mère ! Oh ! que
ne puis-je répéter à l’univers entier cette heureuse nouvelle : Marie est ma
Mère ! Mère d’une tendresse inépuisable ! Mère digne de Jésus qui me l’a
donnée ! Et moi, Marie, je suis votre enfant ! Mais comment le serai-je ?
Ah ! je serai tout à vous ; je vous aimerai de tout mon cœur ; après Dieu, je
vous aimerai par-dessus toutes choses ; en un mot, je serai un enfant docile,
fidèle à vous imiter et jaloux de vous gagner des cœurs.
Mère bien-aimée, je préfère votre amour à tous les délices de la terre ;
je préfère mon titre d’enfant de Marie à tous les titres et à tous les honneurs
du monde. Pourrai-je jamais déshonorer un nom si précieux ? Non, non ! Je
mourrai plutôt que de blesser et de souiller, même légèrement, la pureté
d’un cœur qui appartient désormais à la Vierge des vierges. Vous m’aiderez,
ô ma Mère ; vous ne laisserez pas périr votre enfant. Ah ! Je veux être à
vous pour toujours : défendez-moi, Marie, protégez-moi, ouvrez-moi votre
Cœur aimant et je n’en sortirai plus. Oh ! la belle, oh ! la douce habitation,
que le cœur de Marie !
Annonciation18
Vous avez vu, Vierge d’amour, faites-nous voir avec vous, comprendre
avec vous, adorer avec vous. Faites-nous triompher dans la lumière, comme
vous. Ce nom qui vous est révélé ne l’est pas pour que vous le cachiez, mais
pour que vous nous le portiez. Nous aussi, nous sommes appelés à le
connaître, à nous aussi, il doit parler, en nous aussi, il doit éclairer les
ténèbres, surmonter les doutes, arrêter les hésitations, susciter les divins
acquiescements ; nous aussi, il doit nous ravir, nous éblouir, nous conquérir,
nous entraîner dans les enthousiasmes de la sainteté. Que connaîtrons-nous,
si nous ne savons votre Jésus ? Que serons-nous, si nous ne recevons la
lumière de son nom ? Que ferons-nous si ses rayons ne nous échauffent
pour nous vivifier ? Mère, Mère de Jésus qui est vôtre et qui est nôtre, Mère
de nos âmes et de nos vies, faites sur nous votre fonction de mère. Soyez
l’éducatrice de notre esprit et de notre cœur. Dites-nous ce que vous a dit
l’ange. Dites-le-nous non pas dans votre mesure, mais dans la nôtre. Nous
ne verrons qu’un coin de ce que vous avez vu ; mais si vous nous faites voir
ce que nous pouvons voir !… ce que nous devons voir !… Mère, nous nous
adressons à vous. Les mères comprennent si bien les enfants et les enfants
comprennent si bien les mères ! C’est de vous que nous voulons entendre ce
que nul autre ne nous apprendra comme vous.
François de Sales Pollien (1853-1936)
1.
Guigues Ier, Coutumes de chartreuse , op. cit. , chap. XXIII, p. 215.
2.
Statuta ordinis cartusiensis, 1991 , op. cit ., t. XIII, p. 369.
3.
Sur ce phénomène de torpeur monastique qu’on appelle l’acédie, voir N. Nabert (dir.),
Tristesse, acédie, médecine des âmes. Anthologie de textes rares et inédits , Paris, Beauchesne,
« Spiritualité cartusienne », 2005.
4.
Ce Psautier a été traduit par A. Devaux, La Poésie latine chez les chartreux , op. cit. , p. 80-
83. L’original de ce Psautier est inséré dans l’œuvre de Jean-Juste Lansperge, Hymnis
christiformes , op. cit ., t. V, p. 430.
5.
Ce texte a été traduit en français au XIXe siècle sous le titre Vie de Notre Seigneur Jésus-
Christ , op. cit .
6.
Voir A. Enard, Le Rosaire , Paris, Cerf, « Épiphanie », 1987, p. 28 et p. 263-269.
7.
Jean-Baptiste Porion, Amour et silence , op. cit. , « Sermons capitulaires », p. 109-110.
8.
Innocent Le Masson, Direction et sujets de méditations pour les retraites à l’usage des
religieuses chartreuses , op. cit ., p. 35.
9.
Guigues II le Chartreux, Lettre sur la vie contemplative , op. cit. , p. 165.
10.
Gaspar Gorricio de Novara, Contemplaciones del Rosario de Nuestre Senora , Séville, 1491,
IIe partie, chap. XIV, fol. CIVv°-CVr°, trad. inédite S. Cantera Montenegro.
11.
Jean-Juste Lansperge, Pharetra ad Mariam virginem , Montreuil-sur-Mer, Notre-Dame-des-
Prés, trad. inédite P. Pradié, osb.
12.
Jean-Juste Lansperge, in Innocent Le Masson, Mois du Sacré-Cœur de Jésus , op. cit ., p. 288-
289.
13.
Ibid ., p. 352-354.
14.
Jean-Michel de Vesly, Psalterium decachordum , op. cit ., p. 174-184, trad. inédite P. Pradié,
osb.
15.
Jean-Michel de Vesly, in Innocent Le Masson, Mois du Sacré-Cœur de Jésus , op. cit ., p. 274-
275.
16.
Gabriel-Marie Fulconis, L’Âme sainte , op. cit. , p. 35-36.
17.
Ibid ., p. 222-223.
18.
François de Sales Pollien, Élévations sur l’ Ave Maria, Blois, Éditions Notre-Dame-de-la-
Trinité, 1961, p. 67-68.
19.
Ibid ., p. 68.
20.
Ibid ., p. 88.
21.
Ibid ., p. 89.
22.
Ibid ., p. 175.
23.
Augustin Guillerand, Liturgie d’âme , op. cit ., « Magnificat », p. 111-112.
8
Les saints solitaires sont un peu les parents pauvres de la prière des
chartreux, non pas que ceux-ci ne révèrent pas les saints, mais plus
simplement parce que leur vocation christocentrée et mariale reste
profondément enfouie dans le mystère de l’Incarnation, de la contemplation
de Dieu et du silence. Pourtant les chartreux ne manquent pas de saints –
saint Bruno, saint Anthelme de Chignin, Roseline de Villeneuve, Béatrice
d’Ornacieux –, ni de martyrs – ceux d’Angleterre, sacrifiés en 1570, et dont
Maurice Chauncy a rapporté l’histoire1, mais aussi la dernière prieure de la
chartreuse de Gosnay, en France, guillotinée le 27 juin 1794.
Si les saints sont inscrits dans le Sanctoral et révérés avec solennité, si
mémoire leur est faite dans différents écrits historiques ou
hagiographiques2, le corpus des prières conservées les concernant est
cependant moins abondant que celui consacré au Christ et à Marie. Il est à
noter toutefois que la dévotion des chartreux se tourne volontiers vers leurs
pères solitaires, tels qu’ils sont nommés dans les Coutumes de chartreuse :
Et maintenant considérez vous-mêmes ces Pères saints et vénérables : Paul, Antoine, Hilarion,
Benoît, et tant d’autres dont nous ignorons le nombre ; voyez le profit spirituel qu’ils ont
recueilli dans la solitude […]3.
Salut, ô Christ7
Sainte Marie-Madeleine11
Miroir de pénitence,
Notre unique modèle,
Tu appelles l’aimé,
Tu te caches en son cœur.
Ô Jésus, tu le dis,
Tes plaisirs sont dans l’homme :
Moi, je languis d’amour
Et ne veux te quitter.
Rien n’est plus cher que toi,
Pour moi, rien n’est plus doux ;
Tu prêches, je te suis,
Et je bois tes paroles.
Ma sœur a beau blâmer
Et Simon murmurer ;
Il n’est qu’un nécessaire :
J’ai choisi le meilleur.
Madeleine splendide,
Notre mère, demande
Pour nous tous le pardon
Et la grâce de Dieu,
La pleine contrition
Et la vraie dilection,
Et après notre vie
Le céleste bonheur.
À toi soit la louange,
Qui donnas à Marie
Le pardon et la grâce ;
Avec le Père, l’Esprit,
Sauve-nous de la mort.
Amen.
Jean-Juste Lansperge (1489-1543)
Sainte Barbe12
Que l’âme s’asseye paisiblement avec Marie aux pieds de Jésus pour
écouter sa parole, qu’elle s’asseye avec humilité, qu’elle écoute avec
attention et médite avec un cœur pur, que la modestie du corps reflète les
dispositions de l’âme. Devenue auditrice de la sagesse divine, qu’elle
s’abaisse avec humilité et se prosterne aux pieds de Jésus, qu’elle oublie le
chemin déjà parcouru et se tourne vers le but. En sanglotant, en soupirant
qu’elle se rappelle ses années passées dans l’amertume de son cœur ; ainsi
l’âme qui était morte revient à la vie et celle qui était éloignée par ses
péchés se fait proche par la grâce de la contrition. Après avoir mangé un
pain de douleurs, l’âme se tourne vers le Christ ; elle s’enhardit, se lève,
s’approche et, telle la Sunamite, saisit les pieds, non plus d’Élisée, mais de
Jésus-Christ, le fils de Dieu. Elle les arrose de larmes, les essuie avec ses
cheveux, les embrasse d’autant plus familièrement qu’elle s’est approchée
plus hardiment, d’autant plus délicieusement qu’elle est plus dévote. Il est
bon pour l’âme d’être là et d’être ainsi disposée ; qu’elle demeure aux pieds
de Jésus, qu’elle lui tienne les pieds et ne le laisse pas s’échapper.
Là est la première étape du progrès spirituel : soustraits à la servitude
des vies, libérés du pouvoir de la mort, purifiés des souillures des pensées
mauvaises, retenons dans la cellule de notre mémoire tout ce que Jésus-
Christ a accompli dans son corps pour notre salut. […] Finissons-en avec
les ténèbres pour pouvoir entrer dans la lumière ; de la mer agitée passons
au port, du triste esclavage aspirons à la joyeuse liberté. Que la gloriole
abjecte et fugace des choses trompeuses et illusoires ne nous retienne pas,
mais avec toute la joie de l’esprit, avançons vers la vie incorruptible, vers la
vraie vie.
Guillaume Bibauce († 1535)
1.
Historia aliquot martyrum anglorum , maxime XVIII cartusianorum sub rege Henrico VIII ob
fidei confessionem , Montreuil-sur-Mer, Notre-Dame-des-Prés, 1888.
2.
Voir la Vie de saint Anthelme, évêque de Belley, chartreux , Lagnieu, Jean Picard, 1978,
rédigée par son chapelain ; Guigues Ier, Vie de saint Hugues, évêque de Grenoble , éd.
B. Bligny, « Analecta cartusiana », n° 112, t. III, 1986.
3.
Guigues Ier, Coutumes de chartreuse , op. cit. , chap. 80, p. 293.
4.
Voir Vita sancti Brunonis, primi institutoris ordinis cartusiensis , Bâle, 1515, PL, 152,
col. 491-526. Voir également, sur la postérité spirituelle de saint Bruno, N. Nabert,
D. Le Blevec, A. Girard (dir.), Bruno et sa postérité spirituelle , op. cit ., notamment les
articles de J. Hogg, p. 151-171, et de G. Chaix, p. 189-195.
5.
Innocent Le Masson, Direction et sujets de méditations pour les retraites , op. cit. , chap. I,
p. 10.
6.
Recueil de la chartreuse de Cologne (XVe siècle), Ms. Cologne 28, Analecta hymnica medii
aevi , éd. G. M. Dreves, Leipzig, 1886-1922, t. XXXIII, p. 19, trad. in La Poésie latine chez
les chartreux , op. cit ., p. 183.
7.
Conrad de Haimbourg, in Analecta hymnica medii aevi , op. cit ., t. III, p. 44-45 ; trad.
H. Spitzmüller, Poésie latine chrétienne du Moyen Âge , p. 1035-1037, dans La Poésie latine
chez les chartreux , op. cit ., p. 47.
8.
Juan de Padilla, Los doze triunfos de los doze Apostolos , op. cit ., t. VII, chap. II, strophes 5-
10, trad. inédite S. Cantera Montenegro.
9.
Juan de Padilla, Retablo de la vida de Cristo , op. cit ., tableau II, cantique 12, strophes 8, 10-
11, trad. inédite S. Cantera Montenegro.
10.
Jean Morocourt, Hugonias , Anvers, 1540, fol.°43-44v°, in La Poésie latine chez les chartreux
, op. cit ., p. 239.
11.
Jean-Juste Lansperge, Hymni christiformes , op. cit ., n° 63, p. 440-441, trad. in La Poésie
latine chez les chartreux , op. cit ., p. 265.
12.
Sainte Barbe (née vers 235 en Nicomédie, Turquie) est une sainte vénérée en chartreuse pour
sa ténacité à défendre la foi chrétienne contre son père et pour avoir accepté d’être enfermée
dans une tour où elle fit percer une fenêtre symbolisant la Trinité. Ce long poème, qui fait
allusion à cet épisode de la vie de sainte Barbe, relève d’un récit légendaire assonancé dont on
n’a gardé ici que quelques strophes significatives témoignant du passage du récit à
l’invocation priée. Recueil de la chartreuse d’Erfurt, Ms. collection privée, Analecta hymnica
medii aevi , op. cit ., t. XXXIII, p. 54-57, trad. in La Poésie latine chez les chartreux , op. cit
., p. 169 et 179, strophes 3, 4, 21 et 25.
13.
Guillaume Bibauce, Sermons , Anvers, 1654, sermon 2 en la solennité de Marie, p. 152, in
Petite Anthologie d’auteurs cartusiens , op. cit ., p. 350-351.
Notices biographiques
et bibliographiques