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Méthodologie

de diagnostic
d’une exploitation agricole
Méthodologie
de diagnostic
d’une exploitation agricole

Christian Belot

Collection J’apprends
Coordination pédagogique CNPR
Maquette et couverture : Brigitte Mignotte (Éducagri éditions)
Photo de couverture : © Christophe Maître / INRA
Montage : Mylène Mialon (CNPR)
Chef de projet pédagogique : Marie-Odile Bauer (CNPR)
Expert disciplinaire : Cyril Otz (LEGTA de Besançon)

Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou


représentation, intégrale ou partielle, de la présente publication, faite par
quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation,
numérisation…) sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou
ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les
articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
L'autorisation d'effectuer des reproductions par reprographie doit être
obtenue auprès du Centre français d'exploitation du droit de copie
(CFC - 20 rue des Grands-Augustins 75006 Paris - Tél : 01 44 07 47 70 /
Fax : 01 46 34 67 19).

© Educagri éditions, 2008


ISBN : 978-2-84444-717-3

Educagri éditions CNPR


BP 87999 - 21079 DIJON Cedex BP 100 - 63370 Lempdes
Tél. 03 80 77 26 32 Tél. 04 73 83 36 25
Fax 03 80 77 26 34 Fax 04 73 61 78 66
www.editions.educagri.fr www.cnpr.fr
editions@educagri.fr cnpr@educagri.fr
Sommaire

Introduction 9
Quelques clés de lecture 11

Séquence 1
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ? 13
Étape 1 Qu’est-ce qu’un diagnostic ? 14
1. Un diagnostic est une démarche d’investigation 14
2. Un diagnostic s’appuie sur des valeurs de référence 17
3. Un diagnostic est analytique ou global 22
Étape 2 Un diagnostic est le reflet d’une époque 25
1. Les années 1945 à 1960 : les débuts de la gestion 26
2. Les années 1960 à 1980 : le diagnostic est avant tout technique
et normatif 27
3. Les années 1980 à 1990 : l’apparition de la méthode
de l’Approche Globale de l’Exploitation Agricole 29
4. Après les années 1990 : la gestion de l’exploitation agricole
s’enrichit de nouveaux diagnostics 31
Étape 3 Quel diagnostic pour une exploitation agricole ? 36
1. Un diagnostic « médical », analytique, global ou humaniste ? 36
2. Vers une synthèse de diagnostics complémentaires
et interdépendants 43

Séquence 2
Mettre en œuvre le diagnostic global
sur une exploitation agricole 49
Préambule - Les éléments et les caractéristiques d’un diagnostic global 50
Étape 1 Réaliser une approche globale de l’exploitation agricole 52
1. Élaborer un schéma décisionnel explicite 53
2. Modéliser le système de production 56
Étape 2 Mettre en évidence forces, faiblesses et marges de progrès 60
1. Les forces et faiblesses ne sont pas des atouts et contraintes 61
2. Marges de progrès et pistes d’amélioration 63
Étape 3 Aboutir au diagnostic global 64
1. Une synthèse hiérarchisée des différents diagnostics 64
2. Exercice d’application à partir d’un article : « Un élevage dynamisé
par la filière AOC Époisses » 65

Séquence 3
Prendre en compte la cohérence du système
exploitation-famille 77
Préambule - Qu’est-ce que la cohérence ? 78
Étape 1 La cohérence économique et financière 79
Étape 2 La cohérence du système de production :
un facteur d’efficacité économique 80
1. La cohérence du système de production : une affaire d’équilibre
entre de nombreuses variables interdépendantes 82
2. Choix de conduites d’une exploitation (exercice) 84
Étape 3 Le bon équilibre social : concilier revenu et qualité de vie 90

Séquence 4
Relativiser les résultats :
comparaison à un groupe et aux années passées 93
Étape 1 Utiliser des critères et indicateurs de jugement 94
1. La question de la pertinence des critères de jugement 95
2. Les critères de jugement compréhensif 99
3. Les critères de jugement normatif 101
Étape 2 Élaborer des critères de jugement pertinents 102
1. Les grandeurs correspondent à des valeurs brutes, des montants 102
2. Les ratios (ou valeurs relatives) établissent des rapports
entre deux grandeurs 103
3. Les indicateurs qualitatifs 104
Étape 3 Situer l’exploitation dans un groupe (références spatiales) 104
1. Les critères de constitution d’un groupe 105
2. La classification du groupe : base de comparaison pour mesurer
les performances 108
Étape 4 Étudier l’évolution des résultats (références temporelles) 109
1. Le choix de la durée 109
2. L’évolution des résultats est un élément de diagnostic 110
3. Exercice : les clés d’optimisation économique 112

Séquence 5
Rechercher les causes des résultats obtenus
et vérifier la validité des informations 119
Étape 1 Partir du plus général vers le plus analytique, le plus technique 120
1. « L’arbre à diagnostic » 120
2. Faut-il étudier chaque branche de l’arbre à diagnostic ? 121
3. Exercice : construction d’un arbre à diagnostic 128
Étape 2 Collecter une information fiable pour obtenir des résultats pertinents 131
1. Les différentes sources d’information 131
2. L’information est-elle fiable ? 133
3. La collecte d’informations techniques 135

Conclusion 141

Liste de sigles 143


Introduction

L’objectif de ce livre est de présenter les buts et la méthodologie de diagnostic


d’une exploitation agricole. Il introduit et fait le lien entre les diagnostics technico-
économique, financier, juridique, fiscal, environnemental, organisationnel et social.
Le choix initial est d’avoir une entrée essentiellement méthodologique et de consi-
dérer que le diagnostic d’une exploitation, quel que soit le champ d’investigation
auquel il s’applique, se construit selon une démarche quasi identique.
L’ambition de ce livre est d’amener le lecteur à devenir un expert dans l’art du dia-
gnostic, et à faire sienne cette démarche d’investigation.

Le livre est découpé en 5 séquences.


• La première séquence vise :
- à définir ce qu’est un diagnostic d’exploitation (étape 1) ;
- à réaliser une histoire comparée entre l’évolution de l’agriculture et les méthodes
de diagnostic de l’exploitation agricole (étape 2) ;
- et à caractériser les différentes approches utilisées dans le cadre d’un diagnostic :
approche médicale, approche analytique, approche systémique ou globale, approche
humaniste (étape 3).
• La deuxième séquence présente la méthodologie du diagnostic global appliquée
à l’exploitation agricole. Il s’agit de :
- réaliser une Approche Globale d’Exploitation Agricole (AGEA) d’une grande qualité,
c'est-à-dire élaborer un schéma décisionnel mettant en relation les finalités et les
objectifs de pilotage avec les décisions et les modes de conduite choisis par
l’agriculteur, et modéliser le système de production (étape 1) ;
- mettre en évidence des forces (les points forts) et des faiblesses (points faibles)
de l’exploitation : étape 2. (Dans cette seconde étape, seront abordées aussi les
notions de marge de progrès et de pistes d’amélioration) ;
- faire une synthèse hiérarchisée des différents diagnostics interdépendants que
l’on peut réaliser sur une exploitation agricole : diagnostics technique, technico-
économique, économique global, financier, juridique, fiscal, social, travail, humain,
environnemental… (étape 3 ).

9
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
• La troisième séquence aborde la prise en compte de la cohérence du système
d’exploitation dans un diagnostic. On commence par définir ce qu’on entend par
« cohérence », (étape 1), pour expliquer ensuite dans les étapes suivantes comment
on prend en compte dans le diagnostic :
- la cohérence économique et financière sur une exploitation agricole ;
- la cohérence du système de production ;
- et le bon équilibre social qui vise à concilier revenu et qualité de vie.
• La quatrième séquence aborde les indicateurs ou critères de jugement utilisés dans
un diagnostic : comparaison avec des données de groupe et/ou des références
spatiales, mais aussi avec des évolutions (références temporelles).
L’objectif de cette étape n’est pas d’établir une liste des critères à utiliser pour dia-
gnostiquer une exploitation agricole, mais de développer son regard critique sur
cette notion d’indicateur qui, comme son nom l’indique, vise à «indiquer» une situa-
tion comme on « indique une direction ». Les critères de jugement sont porteurs
de subjectivité, et il convient de se poser la question du sens donné aux critères
employés.
• La cinquième et dernière séquence présente la démarche d’analyse dans un dia-
gnostic : recherche structurée et organisée des causes permettant d’expliquer les
résultats obtenus, donc les points forts et les points faibles de l’exploitation.
Nous utilisons la notion d’ « arbre à diagnostic ». Pour finir, nous prodiguons
quelques conseils pour collecter une information fiable relative au fonctionnement
de l’exploitation et analyser cette information.

La plupart des séquences sont illustrées par des exemples simples et des schémas
visant à faire comprendre les concepts propres à la notion de diagnostic.
Au fur et à mesure de la présentation de concepts, des tests d’évaluation vous sont
proposés afin de vérifier la bonne compréhension des notions essentielles. Ces tests
s’appuient sur des articles issus de la presse agricole ou prendront la forme d’exercices
simples.
Les éléments essentiels à retenir impérativement sont mis en évidence (rubrique «Réca-
pitulons »).

Bonne lecture !
Quelques clés de lecture

Question : puisez dans vos connaissances personnelles pour répondre.

Réponse : ne les consultez que pour les confronter aux vôtres.

Exercice : recherchez des informations dans un document, dans vos connais-


sances, dans les pages précédentes.

Corrigé: souvent des informations complémentaires vous sont données, pour


vous permettre de comprendre la nature des réponses et vos erreurs éven-
tuelles.

Test : certaines étapes se terminent par un test qui vous permet de véri-
fier que les connaissances sont assimilées.

Corrigé du test : selon l’exactitude de vos réponses, vous devrez revoir ou


passer à la suite.

Récit : le texte qui suit est le récit ou la description d’un cas concret sur
lequel vous allez travailler ou qui permet d’illustrer un apport de contenu.

Récapitulons : le point est fait sur les notions essentielles à retenir.

11
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Séquence 1

Qu’attend-on du diagnostic
d’une exploitation agricole ?

À l’issue de cette séquence,


vous devrez être capable :
• de définir ce qu’est un diagnostic ;
• de justifier la nécessité d’élargir
le diagnostic de l’exploitation agricole,
limité, jusqu’à une période récente,
aux aspects technico-économiques et
financiers, aux enjeux sociaux, humains,
familiaux et environnementaux ;
• de citer plusieurs méthodes d’approche
de l’exploitation agricole.
Étape 1 Qu’est-ce qu’un diagnostic ?
Nous allons aborder la notion de diagnostic médical et de diagnostic d’exploitation
en vous présentant Paul, éleveur allaitant en Saône-et-Loire.
L’histoire de Paul nous permettra de découvrir, dans un premier temps, qu’un diagnostic
est une démarche d’investigation, qu’ensuite il doit s’appuyer sur des valeurs de réfé-
rence et, qu’en dernier lieu, un diagnostic peut être analytique ou global.

1. Un diagnostic est une démarche d’investigation


Nous sommes début février, Paul, depuis quelques semaines, se sent très fati-
gué, il a mal à la gorge, n’arrête pas de tousser, ce qui l’empêche de dormir
et il se sent fiévreux. Il prend donc rendez-vous chez son généraliste le matin.
Le jour de la consultation chez son médecin coïncide avec la venue du conseiller
culture de la Chambre d’Agriculture afin de faire le point sur ses cultures sortie hiver.

Diagnostic médical Diagnostic d’exploitation


Diagnostic du médecin généraliste Diagnostic du conseiller culture
Paul arrive chez son généraliste à l’heure du Paul, avant tout éleveur et se sentant peu
rendez-vous, de nombreuses personnes sont compétent dans la conduite de ses cultures,
déjà présentes dans la salle d’attente. Le a fait appel à Philippe, le conseiller culture
médecin le reçoit dans son cabinet avec un de la Chambre d’Agriculture. Avant d’arriver
léger retard et l’invite à s’asseoir. chez Paul, Philippe a fait un tour de plaine
et a observé seul les cultures.
1. Dans un premier temps, il demande à 1. Dans un premier temps, il demande à Paul
Paul de préciser les raisons de sa visite. de lui préciser ce qu’il a observé au niveau
Paul lui présente assez succinctement ce de ses cultures et ce qui l’a amené à le
qu’il ressent (fatigue générale, toux persis- contacter. Cela permet à Philippe de vérifier
tante, mal de gorge, fièvre intermittente). le niveau de compétences de Paul en
conduite des cultures.
2. Ensuite, le médecin lui pose quelques 2. Ensuite, le technicien demande à Paul de
questions : préciser ce qu’il a déjà pratiqué pour chaque
« Depuis quand vous sentez-vous malade ? culture : variétés semées, quantités et types
Est-ce la première fois que vous êtes d’engrais épandus, traitements réalisés
confronté à ce genre de maladie ? La mala- (types de produits et doses). Il reconstitue
die a-t-elle évolué au cours des dernières avec Paul l’itinéraire technique de chaque
semaines ? ». culture.
Cette phase de l’examen consiste à faire
l’historique de la maladie (l’anamnèse).

14
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
3. Dans un dernier temps de la consulta- 3. Dans un dernier temps, Philippe fait part
tion, le médecin invite Paul à un examen de ses observations au niveau de chaque
physique ou clinique (prise de pouls, tem- culture (état de la végétation, présence
pérature, pression artérielle, auscultation d’adventices, principales maladies détec-
cœur et poumon, palpation du ventre…). tées…).
À l’issue de la consultation qui a duré À l’issue de cette rencontre, Philippe établit
15 minutes, le médecin donne un nom à la un état précis pour chaque culture et pres-
maladie : il s’agit d’une rhino-pharyngite, il crit pour chacune d’elles un « traitement
prescrit à Paul un traitement pour 7 jours et approprié » pour obtenir les meilleurs ren-
lui délivre une ordonnance comprenant de dements (engrais, produits phytosani-
nombreux médicaments. taires…).

1 > Comparez les démarches du médecin et du conseiller culture per-


mettant d’établir un diagnostic.
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

2 > Quelle définition donneriez-vous d’un diagnostic (médical ou d’ex-


ploitation) ?
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

3 > Qu’est-ce qu’un symptôme ?


.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

15
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Réponse 1 > Les démarches ont une certaine similitude.
Elles passent par les étapes suivantes :
– expression par le malade ou l’agriculteur des symptômes de la maladie
(voir définition de symptôme plus loin) ;
– histoire du patient en lien avec la maladie/histoire de la culture (recons-
titution de l’itinéraire technique de la culture) ;
– observations/auscultation par un expert (le médecin/le conseiller) et
avis (le diagnostic) ;
– prescription d’un traitement en vue d’atteindre la guérison du patient/
l’amélioration de la culture.

Réponse 2 > Un diagnostic (médical ou d’exploitation) est une démarche


par laquelle un expert (le médecin, le conseiller, l’agriculteur lui-même) va
étudier l’état de santé de l’objet du diagnostic (le patient, la culture, le
troupeau, l’exploitation dans son ensemble…) et qui va permettre de pro-
poser un traitement. Il repose sur la recherche des causes et des effets de
l’affection ou des symptômes.
ou
Un diagnostic est un raisonnement menant à l’identification de la cause
(l’origine) d’une défaillance, d’un problème ou d’une maladie à partir des
caractères ou symptômes relevés par des observations, des contrôles ou
des tests.

Réponse 3 > Un symptôme est une des manifestations subjectives d'une


maladie ou d'un processus pathologique, tel qu'exprimé par le patient. En
général, pour une pathologie donnée, les symptômes sont multiples
(Source : Wikipédia)
ou
Un symptôme est un trouble subjectif perçu par une personne qui révèle
une maladie (Source : Le Petit Larousse).

16
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
2. Un diagnostic s’appuie sur des valeurs de référence
Après avoir suivi le traitement prescrit par son médecin, Paul s’est senti beau-
coup mieux ; finis les maux de gorge et l’état fiévreux. Mais après quelques
semaines de répit, il ressent à nouveau les symptômes qui l’avaient amené à
consulter son médecin.
Pour ce qui est de ses cultures, Paul a appliqué exactement ce que lui avait conseillé
le technicien culture. Là aussi, l’effet a été relativement immédiat (les céréales sor-
ties d’hiver présentaient un potentiel prometteur, les premiers signes de maladie sem-
blaient maîtrisés) et puis courant mars d’autres problèmes sont apparus (jaunissement,
nouvelles attaques de maladies…).
De nouveaux rendez-vous sont pris avec le médecin et le conseiller culture.

Diagnostic médical Diagnostic d’exploitation


Diagnostic du médecin généraliste Diagnostic du conseiller culture
1. Paul précise à son médecin les raisons de 1. Lors de sa deuxième rencontre avec le
ce nouveau rendez-vous et lui présente les conseiller culture de la Chambre d’Agri-
symptômes de sa maladie. Le médecin, à culture, Paul présente les raisons pour les-
l’aide de la fiche qui récapitule l’essentiel quelles il a, à nouveau, fait appel à Phi-
des observations qu’il avait faites lors de la lippe et précise ce qu’il a observé au niveau
précédente visite, pose quelques questions des cultures. Afin d’affiner le diagnostic,
complémentaires. Philippe invite Paul à faire le tour de plaine
Ensuite, le médecin effectue un examen cli- avec lui.
nique complet.
2. Après cet examen, il prescrit une analyse 2. Après ce tour de plaine et des prises
de sang pour affiner son diagnostic et d’échantillons de chaque parcelle, Philippe
mieux cerner l’origine de la maladie de Paul. propose que Paul réalise des analyses de
terre afin de mieux connaître ses sols.
3. Quelques jours plus tard, muni des résul- 3. Après envoi des échantillons à un labo-
tats de son analyse sanguine, il revoit son ratoire, Paul reçoit les résultats de ses ana-
médecin. lyses de sol et reprend rendez-vous avec le
conseiller culture.

17
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Lisez attentivement les documents 1 et 2, et répondez aux questions
suivantes.

1 > À partir des résultats de l’analyse de sang de Paul (doc. 1), quel
commentaire pourriez-vous faire ?
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

2 > À partir des résultats de l’analyse de terre d’une des parcelles


(doc. 2), quel commentaire pourriez-vous faire ?
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

Doc. 1 - Résultat d’analyse de sang

M. PAUL
CYTOLOGIE
Numération Globulaire - Plaquettes Antériorité Valeurs de référence
selon l’âge et le sexe
Leucocytes ........................................... 5,6 .109/L 29/06/06 5,3 (4,0 à 10,0)
Hématies ..............................................5,09 .1012/L 5,12 (4,50 à 6,50)
Hémoglobine .......................................14,5 g/dL 14,7 (13,0 à 17,0)
Hématocrite .........................................0,44 L/L 0,43 (0,40 à 0,54)
V.G.M. ..............................................86,1 fL 84,4 (80,0 à 100,0)
C.C.M.H. ..........................................33,1 g/dL 34,0 (32,0 à 36,5)
I.D.R................................................14,8 % 14,8 (< 15,0)
Plaquettes ............................................ 206 .109/L 29/06/06 220 (150 à 450)
V.P.M. .............................................. 9,4 fL 9,1 (9,0 à 12,0)

Formule Leucocytaire
Polynucléaires
Neutrophiles . . . . . . . .50,8 % soit 2,8 .109/L (2,0 à 7,5)
Éosinophiles . . . . . . . . .2,1 % soit 0,1 .109/L (< 0,5)
Basophiles . . . . . . . . . . .0,5 % soit 0,0 .109/L (< 0,2)
Lymphocytes . . . . . . . . . .39,7 % soit 2,2 .109/L (1,0 à 4,0)
Monocytes . . . . . . . . . . . . .6,9 % soit 0,4 .109/L (0,2 à 1,0)

18
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Doc. 2 - Rapport d’analyse de terre

Exploitation : PAUL Parcelle : VARET


Caractéristiques physico-chimiques de la parcelle
Épaisseur de prélèvements (cm) 30
Densité apparente estimée
Masse de sol (t/ha) 3 000
Cailloux (%) 0
Calcaire total (%) 0
Sol : LIMON

Granulométrie (%) Battance


Argile 16,3
Limons fins 36,6 Stabilité structurale Bartoli
Limons grossiers 27,2 Capacité de rétention (pF 2,8)
Sables fins 11,5 Point de flétrissement (pF 4,2)
Sables grossiers 6,2
Teneur du Niveau de Très faible Faible Un peu faible N Satisfaisant Élevé
sous-sol référence
Matière organique g/kg 22,0 20,0
(Carbone organique x 1,73)
Azote total g/kg
C/N
pH eau 6,3 6,0
pH KCl
CEC Metson (pH7) mé/kg 108
Taux de saturation % 82
Fertilité chimique Teneur du Niveau de Très faible Faible Un peu faible N Satisfaisant Élevé
sous-sol référence
Phosphore assimilable g/kg g/kg
Dyer (P2O5) 0,15 0,25
Cations échangeables mé/kg g/kg g/kg
Potassium (K2O) 3,0 0,14 0,16
Magnésium (MgO) 4,7 0,09 0,10
Calcium (CaO) 81 2,26 2,22
Sodium (Na2) 0,2 0,01 0,04
Oligo-éléments mg/kg mg/kg
Fer (Fe) DTPA
Manganèse (Mn) DTPA
Cuivre (Cu) DTPA
Zinc (Zn) DTPA
Bore (B) Eau chaude
Molybdène Grigg (Mo)
Autres déterminations
Carbone g/kg 12,5

19
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Réponse 1 > L’analyse de sang de Paul est tout à fait normale car les résul-
tats obtenus sont tous compris dans les « valeurs de référence ». Cela
indique pour les éléments recherchés (et uniquement les éléments recher-
chés) dans le cadre de l’analyse de sang que le patient est en bonne santé.

Réponse 2 > L’analyse de terre présente des niveaux satisfaisants voire très
satisfaisants pour la teneur en matière organique, le niveau de pH eau et
le calcium. À l’inverse, le sol a des teneurs très faibles en phosphore assi-
milable et sodium. Les niveaux sont un peu faibles en potassium et magné-
sium.
Avez-vous noté comment vous avez procédé pour faire votre commentaire,
que ce soit à partir d’une analyse de sang ou d’une analyse de terre ?
Les commentaires réalisés à partir de l’analyse de sang (ou de l’analyse de
terre) s’appuient sur une comparaison entre les résultats obtenus par le
patient (ou à partir de l’échantillon de terre) avec des valeurs ou des
niveaux de référence. Le fait que les résultats soient inférieurs ou supé-
rieurs à la valeur de référence nous indique une situation en dehors de la
norme couramment employée et va nous indiquer si l’individu, le sol, les
résultats financiers de l’exploitation, etc., sont satisfaisants ou non.

> Qu’est-ce qu’une valeur de référence ? Donnez la définition.


.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

20
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Réponse >
Une valeur de référence peut être définie comme une valeur (prix,
rendement, taux…) qui va servir de base ou de référence pour une
comparaison (« valeur à laquelle je vais me référer » pour analyser une
situation, un résultat). On peut rapprocher la notion de valeur de référence
de celle de norme.

RÉCAPITULONS
Un diagnostic est une démarche d’investigation visant à identifier, à
apprécier les forces à exploiter et les faiblesses à corriger, et à en chercher
les causes.
Pour pouvoir identifier et apprécier des forces et des faiblesses, il est
nécessaire de comparer les résultats obtenus avec des valeurs de réfé-
rence ou des normes.

Si l’analyse de sang a rassuré Paul sur son état de santé, il n’en reste pas moins que
les symptômes perdurent, ce qui lui fait dire qu’il est malade sans raison apparente.
Lorsqu’il revoit son médecin, Paul lui fait part de ses préoccupations et lui demande
de lui expliquer les raisons de sa maladie car, en apparence, tout va bien.

L’analyse de terre a mis en évidence que le sol, bien que présentant quelques carences,
n’est en rien à l’origine des symptômes observés au niveau des cultures. Mais alors
pourquoi ces jaunissements et ces attaques de maladie ?

21
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
3. Un diagnostic est analytique ou global
Diagnostic médical Diagnostic d’exploitation
Diagnostic du médecin Diagnostic du conseiller d’entreprise
Le médecin lui explique qu’un diagnostic À partir des premières investigations, le
comporte des limites et que ses problèmes conseiller culture a pu diagnostiquer que le
peuvent venir d’une fatigue passagère, problème rencontré au niveau des cultures
d’une situation de stress, d’une moindre ne dépend pas que de la conduite des
résistance de son organisme aux agressions cultures, ni du sol, mais d’un problème de
virales… Des raisons plus globales dépen- pilotage de l ‘exploitation. Il a donc proposé
dantes de l’individu mais aussi de son envi- à un conseiller d’entreprise de rencontrer
ronnement peuvent expliquer sa maladie. Paul afin de réaliser un diagnostic global
En poursuivant la discussion avec Paul, le de l’exploitation.
médecin se rend compte que son patient Le conseiller d’entreprise a passé une demi-
est particulièrement stressé par sa situation journée à discuter avec Paul, à visiter sa
économique mais aussi familiale et qu’il a ferme.
une mauvaise hygiène de vie (repas mal Tout a été abordé : l’histoire de l’exploitation
équilibrés, sommeil perturbé par la période et de la famille, la conduite du troupeau
de vêlage hivernale…). allaitant et des cultures, l’organisation du
« Après un traitement curatif, nous allons travail, les relations entre les membres de
appliquer un traitement préventif ». Le l’exploitation et de la famille, la gestion de
médecin lui prodigue de bons conseils d’hy- la trésorerie…
giène de vie et un traitement de fond à Paul, au début de l’entretien, ne compre-
base de vitamines, d’oligo-éléments… nait pas où le conseiller d’entreprise voulait
en venir et en quoi un problème précis sur
ses cultures l’amenait à parler d’événements
sans lien direct avec la conduite de ses
céréales. Mais, au fur et à mesure de la dis-
cussion et des questions du conseiller, Paul
s’est mis à comprendre et à exprimer par
lui-même que les cultures ne l’ont jamais
intéressé contrairement à son père qui était
un « céréalier ». Paul a toujours cherché à
avoir des « belles cultures » comme son père.
Il appliquait pour cela de « bonnes recettes »
définies par le conseiller culture. Mais, pri-
vilégiant plutôt ce qui le passionne, à savoir
son élevage, les « bonnes recettes » n’étaient
pas toujours appliquées au bon moment. La
préparation du sol s’était réalisée dans de
mauvaises conditions car, à cette époque, il
avait été très occupé par le concours dépar-
temental de la race charolaise…

22
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
1 > Précisez ce qu’est un traitement curatif par rapport à un traitement
préventif.
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

2 > Quelle différence entre le diagnostic analytique et le diagnostic


global ?
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

Réponse 1 > Le traitement curatif : il a pour objet ou pour propriété de gué-


rir. Ensemble de ce qui est mis en œuvre pour obtenir la guérison. Un trai-
tement curatif a pour objet de traiter une maladie ou un problème de
manière ciblée et est souvent assimilé à une démarche à court terme.
Le traitement préventif : il est destiné à éviter une chose fâcheuse, un mal
prévisible. Par exemple, la vaccination est un préventif. Elle prévient la mala-
die avant que celle-ci soit déclarée. Un traitement préventif cherche à évi-
ter l’apparition d’une maladie en renforçant les défenses immunitaires de
l’organisme. Il a une visée plutôt à moyen terme, voire à long terme.

Réponse 2 > Le diagnostic analytique est une forme de diagnostic qui vise
à mettre en relation le symptôme avec une cause directe (expliquant le symp-
tôme). Le diagnostic analytique cherche à résoudre le problème identifié et
s’appuie sur un expert qui détient la solution au problème rencontré. Le trai-
tement proposé sera le plus souvent curatif.
On peut résumer le diagnostic analytique par le schéma suivant :

Un problème
ou symptôme Une cause Une solution

23
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Le diagnostic global est une forme de diagnostic qui vise à comprendre l’ori-
gine d’un problème. On s’attache, avant tout, à mettre en évidence le pro-
cessus ou l’enchaînement (un ensemble de causes en interaction) qui
explique le problème à résoudre. Le diagnostic global est le fruit d’un dia-
logue entre un expert et l’agriculteur, dialogue qui permet de proposer plu-
sieurs solutions à un problème. Le traitement proposé sera le plus souvent
préventif.
On peut résumer le diagnostic global par le schéma suivant :

Un problème Des causes multiples Plusieurs


ou symptôme en interactions solutions

RÉCAPITULONS
Un diagnostic est une démarche d’investigation visant à identifier et à
apprécier les forces à exploiter et les faiblesses à corriger et à en cher-
cher les causes.
Pour pouvoir identifier et apprécier des forces et des faiblesses, il est
nécessaire de comparer les résultats obtenus avec des valeurs de réfé-
rence ou des normes.
Un diagnostic peut être analytique et/ou global. Les solutions proposées
pour résoudre un problème sont de type curatif ou préventif.

Tout au long de cette première étape, nous avons pu voir ce qu’est un diagnostic et
nous affinerons cette notion dans la deuxième séquence intitulée « Mettre en œuvre
la méthodologie du diagnostic global sur une exploitation agricole ».
Mais, au préalable, il semble important de bien comprendre qu’un diagnostic d’ex-
ploitation est le reflet d’une époque et que les diagnostics que nous faisons aujour-
d’hui ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux que l’on réalisait hier. Au fil du
temps, nous sommes passés d’une démarche de diagnostic plutôt analytique, se
limitant aux aspects économique et financier de l’exploitation agricole, à des
démarches de diagnostic global s’appuyant sur l’Approche Globale de l’Exploitation

24
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Agricole (AGEA) et abordant de nombreux aspects du Système Exploitation-Famille
(SEF) : le travail, le social, le juridique, le fiscal, l’environnemental…
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, dans l’étape qui va suivre, de décou-
vrir l’histoire comparée entre l’évolution de l’agriculture et les méthodes de diagnostic
de l’exploitation agricole.

Étape 2 Le diagnostic est le reflet d’une époque

L’objectif de cette étape est de mettre en évidence que les outils de gestion et plus
précisément les méthodes de diagnostic de l’exploitation agricole sont le reflet d’une
époque, d’un contexte. En effet, les méthodes de diagnostic se sont constamment
adaptées à l’évolution de l’agriculture.

Pour faire une lecture simple et compréhensible de ces évolutions, nous distingue-
rons 4 périodes :
– des années 1945 à 1960 : les débuts de la comptabilité et de la gestion en agri-
culture,
– des années 1960 à 1980 : mise en place d’un conseil de gestion chargé de promouvoir
la diffusion de modèles agricoles orientés vers le productivisme,
– des années 1980 à 1990 : l’apparition de la méthode de l’approche globale de l’ex-
ploitation agricole modifie la manière d’appréhender la gestion,
– après 1990 : l’agriculture est reconnue comme une activité multifonctionnelle et
fortement ancrée dans son environnement : l’approche de l’exploitation s’enrichit
de nouveaux diagnostics.

Il s’agit en somme de faire un petit précis d’histoire comparée entre l’évolution de


l’agriculture et les méthodes de diagnostic de l’exploitation agricole : du diagnostic
analytique au diagnostic global.

25
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
1. Les années 1945 à 1960 : les débuts de la gestion

Évolution du contexte agricole Histoire de la gestion

Des années 1945 à 1960 :


les débuts de la comptabilité et de la gestion en agriculture
Cette période est marquée par la fin d’une La comptabilité en agriculture fait ses
relative autarcie et le début d’une ouver- premiers pas dans les années 1930 et se
ture des exploitations agricoles vers l’exté- développera dans les années 1960.
rieur. Les années 1945-1950 sont marquées par
L’agriculture représente un enjeu straté- les débuts de la gestion et la création des
gique de premier ordre : elle doit accroître Centres de Gestion.
sa production pour permettre l’auto- Les exploitations agricoles se dotent de nou-
suffisance alimentaire et développer les veaux repères grâce à la comparaison et
échanges. C’est le début de l’agriculture l’analyse de groupes. Ces comparaisons doi-
productiviste. vent permettre à l’agriculteur de se posi-
Il s’agit de moderniser les exploitations et tionner au sein d’un groupe a priori compa-
de mettre en place une politique adaptée. rable. Du groupe sera extraite une moyenne
Différentes mesures vont être prises : (dite moyenne de groupe) mais aussi une
– développement de la mécanisation, classification sous forme de quartile (décou-
– amélioration des techniques de produc- page par 1/4) : on distinguera le 1/4 supé-
tion grâce à l’accroissement des consom- rieur ou groupe de tête (25 % des exploita-
mations intermédiaires (engrais, aliments tions obtenant les meilleurs résultats), le
du bétail…), 1/4 inférieur ou groupe de queue (25 % des
– diffusion du progrès technique grâce à la exploitations obtenant les moins bons résul-
création d’organismes de conseil auprès tats) et le groupe médian correspondant à la
des agriculteurs : ils ont pour nom CETA moitié des exploitations ne faisant pas par-
(Centre d’Études des Techniques Agri- tie des meilleurs ni des moins bons résultats.
coles), GVA (Groupe de Vulgarisation Le diagnostic réalisé est avant tout
Agricole), services techniques et spécia- technico-économique et s’appuie sur l’ap-
lisés des Chambres d’Agriculture. proche des marges brutes et marges
nettes.

Résumé de la période 1945-1960

Marges brutes
Marges nettes
Initier Diagnostic
une agriculture technico-
productivitste économique Comparaisons et
analyses de groupe

FIG. 1 - Les débuts de la comptabilité et de la gestion en agriculture

26
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
2. Les années 1960 à 1980 : le diagnostic est avant tout
technique et normatif
Évolution du contexte agricole Histoire de la gestion

Des années 1960 à 1980 :


un conseil de gestion chargé de promouvoir la diffusion de modèles agricoles
orientés vers le productivisme
L’agriculture de cette époque est marquée Les diagnostics proposés sont avant tout
par le développement d’une agriculture pro- des diagnostics techniques et normatifs pour
ductiviste, développement amorcé lors de appuyer la recherche de performance maxi-
la période précédente et qui va s’amplifier male.
tout au long de cette période.
Le développement des Instituts Techniques
La Politique Agricole Commune (PAC), les (Instituts de l’élevage, des céréales et des
Lois d’Orientation Agricole (LOA) de 1960 fourrages…) vise à produire de nombreuses
et 1962 ont favorisé cette orientation pro- références permettant de promouvoir des
ductiviste de l’agriculture. modèles agricoles auxquels les exploitants
sont invités à adhérer.
Les objectifs de la PAC sont les suivants :
– nourrir les citoyens à prix réduit, L’approche gestion consiste à vérifier si l’ex-
– contribuer à l’accroissement du solde de ploitation est dans ou en dehors du modèle
la balance commerciale européenne. productiviste, à conforter celle qui est dans
le modèle et à aider celle qui est en dehors
L’instauration du système des prix garantis du modèle à y rentrer.
au niveau européen a été l’outil écono-
mique de la recherche permanente de l’ac- Sous l’impulsion de l’IGER (Institut de Ges-
croissement des rendements. tion et d’Économie Rurale), organisme fédé-
rant les Centres de Gestion, le premier Plan
Les obligations administratives se multi- Comptable Agricole est créé et les outils
plient (TVA, imposition au bénéfice réel, comptables et de gestion se développent.
création des Plans de Développement, Ces outils de gestion sont créés par et pour
Étude Prévisionnelle d’Installation pour les les conseillers de gestion.
Jeunes Agriculteurs…).
Les agriculteurs utilisent peu les outils de
gestion mis à leur disposition car ils n’ap-
paraissent pas adaptés à leur mode de rai-
sonnement.

27
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Résumé de la période 1960-1980

Conforter Création
une agriculture d’outils comptables
productiviste et de gestion
Diagnostic
technique
Diffuser et normatif
Comparaison
des modèles avec des normes
agricoles techniques

L’exploitation est-elle
dans ou en dehors
du modèle ?

FIG. 2 - Un conseil de gestion chargé de la diffusion de modèles agricoles

28
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
3. Les années 1980 à 1990 : l’apparition de la méthode
de l’Approche Globale de l’Exploitation Agricole
Évolution du contexte agricole Histoire de la gestion

Des années 1980 à 1990 :


l’apparition de la méthode de l’Approche Globale de l’Exploitation Agricole
modifie la manière d’appréhender la gestion
Le modèle productiviste s’essouffle. L’Eu- Cette période correspond aux premières
rope agricole est confrontée à une surpro- remises en cause des modèles agricoles. Une
duction touchant principalement les réflexion sur une nouvelle approche de l’ex-
produits agricoles bénéficiant du système ploitation agricole apparaît qui passe par :
des prix garantis. Cette situation entraîne – le raisonnement des investissements
un grave déséquilibre budgétaire au niveau – la réorientation du système de production
de la PAC. qui du « produire plus » s’oriente vers la
L’Europe agricole cherche à maîtriser la pro- recherche d’un optimum technique et éco-
duction agricole en instaurant les quotas nomique…
laitiers (1984) et le système des Quantités – la nécessité de prendre en compte l’ex-
Maximales Garanties (1988). ploitation dans sa globalité au sein de
son environnement.
Les agriculteurs sont confrontés à une
grave crise qui a pour origine le contin-
gentement des productions, une baisse des
prix agricoles et une augmentation des prix
des consommations intermédiaires (phéno-
mène du ciseau des prix). Démarche nouvelle :
Dans ce contexte, les premières faillites la méthode de l’Approche
agricoles apparaissent. Globale de l’Exploitation
Agricole (AGEA)
Le modèle productiviste est remis en cause
et on peut parler de constat d’échec quant
à l’utilisation et l’appropriation des outils
de gestion par les agriculteurs. Comme nous
l’avons vu lors de la période précédente, les
Un diagnostic
outils de gestion ont été conçus par et pour
d’exploitation qui s’appuie
les organismes de gestion et les services
sur l’AGEA
fiscaux mais en aucun cas pour les agri-
culteurs.
Une nouvelle approche de l’agriculture
s’avère nécessaire, une approche moins
orientée vers le modèle unique à atteindre
mais plus vers une reconnaissance de la
diversité des agricultures.

29
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Résumé de la période 1980-1990

Rechercher Diagnostic Diagnostic


un optimum technico- financier
économique économique
Comparaisons avec
des références économiques
issues d’un groupe
d’appartenance (typologie)
Reconnaître
la diversité
des exploitations Diagnostic Diagnostic
fiscal juridique

Méthode Politique
de l’AGEA d’investissement
Avoir une et de financement
approche centrée
sur l’exploitant Famille
et sa famille (finalités, besoins,
aspirations) Prélèvements
privés

FIG. 3 - Apparition de la méthode de l’approche globale de l’exploitation agricole

D’une logique de gestion agricole qui consistait à vérifier si l’exploitation s’inscri-


vait ou non dans le modèle productiviste en la comparant à une norme essentielle-
ment technique, on passe à une approche de l’exploitation centrée sur les aspirations
de l’exploitant et de sa famille ainsi que les pratiques de l’agriculteur.
Parce que l’exploitation se complexifie (plus grande ouverture sur l’environnement,
agrandissement, investissement, pression financière, développement des formes socié-
taires, préoccupation fiscale…), son approche s’enrichit. Le diagnostic de l’exploitation
agricole, avant tout technique, devient multiple et en interaction. Ainsi, en s’appuyant
sur la démarche de l’AGEA, on étudie l’exploitation sous l’angle technico-économique,
financier, juridique et fiscal.
On continue à comparer les résultats obtenus avec des références, mais là aussi la
notion de référence change. Sur la période précédente, la référence est avant tout
technique et renvoie plutôt à la norme à atteindre pour faire partie d’un modèle
(exemple : la vache laitière à 8 000 kg de lait pour le modèle laitier, le rendement
en blé à 100 quintaux pour le modèle grandes cultures…). Au cours de la période
1980-1990, la référence n’est plus vue comme une norme mais comme un point de
repère pour situer l’exploitation. La référence est avant tout économique (on va
introduire la notion d’Excédent Brut d’Exploitation ou EBE) et elle est définie à

30
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
partir des meilleurs résultats d’un groupe d’exploitations (le 1/4 supérieur). Le
groupe, quant à lui, est issu d’un découpage critérié : on parle de typologie ou type
d’exploitations. Ainsi, les exploitations laitières seront subdivisées selon un décou-
page par système : le système « lait intensif de plaine », le système « extensif à base
d’herbe », le système « grands troupeaux », etc. L’exploitation diagnostiquée sera
donc comparée à un groupe d’appartenance.

4. Après les années 1990 : la gestion de l’exploitation


agricole s’enrichit de nouveaux diagnostics
Évolution du contexte agricole Histoire de la gestion

Après 1990 :
l’agriculture est reconnue comme une activité multifonctionnelle
et fortement ancrée dans son environnement :
l’approche de l’exploitation s’enrichit de nouveaux diagnostics
Cette période est marquée par des boule- Les agriculteurs sont demandeurs d’un
versements importants (on peut même par- conseil à la fois plus global et plus précis
ler de ruptures). permettant de répondre à leurs nouvelles
préoccupations.
– La réforme de la PAC de 1992 remet en – Connaître au plus près la rentabilité éco-
cause le système des prix garantis qui nomique et financière de l’exploita-tion
prévaut depuis 1962. La nouvelle PAC est et plus particulièrement les coûts de pro-
basée sur un alignement des prix sur les duction de chaque activité en incluant les
cours mondiaux, l’instauration de primes aspects techniques (quantités et doses d’in-
pour compenser la baisse des prix, l’obli- trants), financiers (investissements, modes
gation du gel des terres, la mise en place de financement, situation de trésorerie),
d’aides en faveur des systèmes exten- organisationnels. La gestion devient un
sifs… véritable outil d’aide à la décision.
– Une pression économique de plus en – Choisir le statut juridique et les options
plus forte qui entraîne une baisse des reve- fiscales et sociales les mieux adaptés à
nus et fragilise les exploitations. L’envi- des situations de plus en plus complexes.
ronnement économique se complexifie et la Les diagnostics juridiques et fiscaux, ini-
situation des exploitations aussi. tialement limités à l’activité agricole, s’in-
Les formes sociétaires se multiplient. De téressent au domaine privé, à la situation
plus en plus d’exploitations se diversifient familiale et patrimoniale de l’agri-
dans des activités différentes de la pro- culteur, s’ouvrent à des domaines nou-
duction de biens agricoles (tourisme, veaux : l’activité commerciale, la prestation
entreprise de service, transformation…). de service…

31
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
– Les agriculteurs sont de plus en plus – Mesurer le temps de travail et amélio-
préoccupés par le temps de travail et la rer les conditions de travail et de vie des
qualité de vie. Bien que pris par la course exploitants.
à l’agrandissement et confrontés à une
diminution de la main-d’œuvre familiale,
ils cherchent à concilier leur activité pro-
fessionnelle avec leur vie de famille et le
temps personnel.
Les exploitants agricoles n’hésitent plus à
revendiquer leur aspiration à être en
phase avec la société et à travailler
moins.

– La multiplication des crises sanitaires – Pouvoir analyser l’incidence des pra-


(vache folle, fièvre aphteuse, dioxine…) tiques de l’exploitant sur son environ-
qui entraîne une perte de confiance des nement naturel et social.
consommateurs vis-à-vis de leur agri- Initialement, les premiers diagnostics agri-
culture. Ils veulent une alimentation de environnementaux se sont limités à réa-
qualité issue d’une agriculture de terroir, liser, dans le cadre du PMPOA, un bilan des
respectueuse de l’environnement. quantités d’effluents produits et un bilan
azoté.
– La montée en puissance des préoccupa- Aujourd’hui, le diagnostic environnemen-
tions environnementales et l’émergence tal est devenu un diagnostic à part. De
du concept de développement durable au nombreux outils existent : bilan énergie
Sommet de la Terre en 1992 à Rio de par la méthode PLANETE (1), lecture de pay-
Janeiro. sage, arbre de l’agriculture durable, bilan
Les contraintes environnementales appa- apparent N-P-K, méthode DIALECTE (2),
raissent : obligation de se mettre aux mesure de la pression polluante…
normes au niveau des élevages dans le
cadre du PMPOA (Programme de Maîtrise
des Pollutions d’Origine Agricole), mise
en œuvre de plans d’épandage, obligation
de diminuer les intrants, nécessaire res-
pect du paysage, réduction des dépenses
énergétiques…

(1) PLANETE : méthode mise au point par l’association SOLAGRO pour quantifier, à l’échelle de l’exploita-
tion agricole, les entrées et sorties d’énergie et évaluer les émissions de gaz à effet de serre liées à la
consommation d’intrants et aux pratiques agricoles.
(2) DIALECTE = Diagnostic Agri-Environnemental d’Exploitation élaboré aussi par l’association SOLAGRO. À la
différence de PLANETE qui se limite à réaliser un bilan énergétique de l’exploitation, DIALECTE réalise un
diagnostic d’ensemble des problématiques environnementales concernant l’exploitation agricole (eau, sol,
biodiversité, ressources non renouvelables, paysage…).

32
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Résumé de la période de 1990 à nos jours

Diagnostic Diagnostic
technico-économique financier
Rechercher Comparaisons avec
un optimum des références économiques
économique issues d’un groupe
d’appartenance (typologie)
Reconnaître
la diversité Diagnostic Diagnostic
des exploitations fiscal juridique

Politique
Méthode
Avoir une d’investissement
de l’AGEA
approche centrée et de financement
sur l’exploitant Famille
et sa famille (finalités, besoins,
aspirations) Prélèvements
privés
Améliorer Qualité de vie
les conditions de vie Temps de travail
et de travail

Répondre
aux attentes de la Diagnostic Diagnostic
société (qualité des travail et qualité de vie agro-environnemental
produits, respect de
l’environnement…)

Des références
Promouvoir en cours d’élaboration
une agriculture
multifonctionnelle

FIG. 4 - Une agriculture multifonctionnelle ancrée dans son environnement,


enrichie de nouveaux diagnostics

D’une agriculture accusée de tous les maux…


Cette dernière période est marquée par une profonde crise d’identité du monde agri-
cole : le modèle de production intensif dont la fonction était de nourrir la popula-
tion au plus bas prix est remis en cause. L’agriculture est accusée de produire des
denrées alimentaires de mauvaise qualité, de dégrader l’environnement, de détruire
les paysages…
33
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
… à la reconnaissance de son caractère multifonctionnel
Grâce au CTE (Contrat Territorial d’Exploitation) puis au CAD (Contrat d’Agriculture
Durable), l’agriculture peut être reconnue comme une activité multifonctionnelle
qui tend à assurer des fonctions d’entretien de l’environnement, d’aménagement du
territoire, de maintien d’emplois… Ces fonctions, jusqu’alors assurées gratuitement
pour la plupart d’entre elles, peuvent être rémunérées dans le cadre de ces contrats.
Dans ce contexte, le diagnostic de l’exploitation agricole devient encore plus com-
plexe et plus global. Le mouvement qui s’était amorcé lors de la période précédente
s’est amplifié. L’introduction du concept d’agriculture durable oblige à appréhender
l’exploitation agricole sous l’angle de la durabilité. Ainsi, tout en s’appuyant sur la
méthode de l’approche globale, on va chercher à savoir si l’exploitation est écono-
miquement viable, socialement vivable et reproductible du point de vue environne-
mental.

1 > Qu’avez-vous retenu de cette présentation comparée de l’histoire


de l’agriculture et des méthodes de diagnostic de l’exploitation agri-
cole ?
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

2 > Pourriez-vous définir les caractéristiques d’un diagnostic global


d’exploitation agricole ?
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

34
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Réponse 1 > Ce qu’il faut retenir d’essentiel dans cette présentation
comparée de l’histoire de l’agriculture et des méthodes de diagnostic des
exploitations agricoles est, qu’en fait, la gestion s’adapte en permanence
au contexte dans lequel se trouve l’agriculture.
Depuis l’émergence de l’Approche Globale de l’Exploitation Agricole (AGEA)
dans les années 1980-1990 au sein des organismes de conseil, les méthodes
de diagnostic ont considérablement changé. D’un conseil descendant dif-
fusé par un expert visant à la propagation de modèles agricoles producti-
vistes, on est passé à une démarche centrée sur l’agriculteur et sa famille.
Le diagnostic est basé sur un dialogue entre experts : le conseiller et l’agri-
culteur. Le diagnostic est un lieu de rencontre entre le référentiel de l’ex-
pert et celui de l’agriculteur.

Réponse 2 > Un diagnostic global de l’exploitation agricole se caractérise


par le fait que l’on réalise plusieurs diagnostics du système exploitation-
famille : des diagnostics technico-économique, financier, juridique, fiscal,
travail et environnemental. Ces différents diagnostics sont complémen-
taires les uns des autres et en interactions permanentes. On peut aussi par-
ler de diagnostic de durabilité de l’exploitation agricole.
Il se caractérise surtout par une démarche qui consiste à s’appuyer sur l’Ap-
proche Globale de l’Exploitation Agricole (AGEA) et à se centrer sur l’agri-
culteur et sa famille, bref à diagnostiquer la complexité.

Nous reviendrons sur ces aspects du diagnostic global dans la séquence 2 qui sera
consacrée à la méthodologie du diagnostic et à l’articulation entre les différents dia-
gnostics à réaliser sur une exploitation agricole. Mais, avant de clore cette première
séquence, il est primordial de clarifier les différentes approches existantes dans le
cadre d’un diagnostic d’exploitation et de comprendre dans quelle situation elles peu-
vent être employées.

35
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Étape 3 Quel diagnostic pour une exploitation
agricole ?
Dans cette étape, nous allons à nouveau parler des approches « médicale », analy-
tique, systémique ou globale. Nous introduirons une autre forme de diagnostic que
l’on peut qualifier de démarche humaniste.
Dans un premier temps, nous aborderons, de manière synthétique, les points essen-
tiels de ces différentes approches.
Dans un deuxième temps, nous mettrons en évidence qu’un agriculteur est en per-
manence en relation avec de nombreux « experts » qui formulent des diagnostics et
lui prodiguent des conseils. À l’agriculteur d’en faire la synthèse.

1. Un diagnostic « médical », analytique, global


ou humaniste ?
La figure 5 ci-après présente les points essentiels des différentes approches.

À partir des documents 3 et 4 qui suivent, vous préciserez quels types


de diagnostic ou d’approche sont réalisés. Vous préciserez ce qui carac-
térise chacune de ces approches.
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

36
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Méthode rapide Méthode longue
et sécurisante mais efficace
1 problème = 1 traitement Approche du fonctionnement
Typique de l’approche global de l’exploitation
pratiquée par Approche Approche agricole (finalités-objectifs-
le vétérinaire, médicale systémique décisions).
le spécialiste. Cette méthode repose sur
un travail d’écoute de l’ex-
ploitant et de sa famille.
Approche du conseiller d’en-
treprise*.
Un problème ?
Méthode rapide Méthode longue
Permet de détecter un et complexe
problème mais pas Compréhension de l’homme
systématiquement de et de ses ressorts
trouver l’origine des psychologiques.
problèmes ni les solutions Cette méthode repose sur
à mettre en œuvre. Approche Approche un travail d’écoute de l’ex-
Comparaisons avec des analytique humaniste ploitant et de sa famille.
moyennes, des normes, Typique du travail d’un
des références. psychologue qui va étudier
Approche pratiquée par les processus de décision,
le conseiller de gestion, les freins aux changements…
le fiscaliste…

Conseil Conseil
spécialisé global
ou ou
Diagnostic Diagnostic
analytique global
* Conseiller d’entreprise : conseiller agricole dont la démarche consiste avant tout à étudier l’exploita-
tion agricole sous l’angle de son fonctionnement global. Il peut être caractérisé de généraliste du
conseil et non de spécialiste.

FIG. 5 - Les différentes approches


pour aboutir à un diagnostic analytique ou global

37
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Doc. 3 - Romaric et l’équipe de la ferme :
« Quand les chiffres confortent nos choix. »

Nous sollicitons depuis quelques années les services du Centre d’économie rurale
de Haute-Savoie, notre centre de gestion à qui nous transmettons notre comp-
tabilité. Comme chaque année, nous attendions le carnet de résultat, document
synthétique d’une quinzaine de pages - tout de même - pour préciser nos
premières impressions.
Naturellement ces chiffres de 2005 commencent à dater mais entre la fin de nos
saisies, nos estimations de fin de stocks, nos différents envois au CER et le traite-
ment des chiffres, les délais s’expliquent. Avant de se lancer dans une analyse de
quelques indicateurs économiques, resituons très rapidement le contexte de pro-
duction qui a changé. Nos 78 vaches laitières ont produit, en 2005, 523 000 litres
de lait, l’intégralité de cette production ayant été transformée en Tomme de
Savoie. Comme tous les producteurs de lait sous ce signe de qualité, nous sommes
soumis à un cahier des charges concernant plusieurs points, notamment l’ali-
mentation du troupeau. Ainsi, nous voici face à nos premiers chiffres dans notre
nouveau système ; fini l’ensilage plante entière que nous utilisions jusqu’en 2004,
place au foin et à l’ensilage d’épis dans la mélangeuse distributrice pour l’hiver
et au pâturage pour la belle saison. Pour l’année 2005, notre marge brute « lait »
s’élève à 2 627 euros par vache laitière soit 391 euros pour 1 000 litres de lait – celle
du groupe de référence est à 340. Par rapport à 2004, cet indicateur a connu une
évolution positive, gagnant 167 euros par vache – et même 667 euros comparé à
2003, année sèche. Ainsi malgré une baisse relative du prix du lait, compensée sur
ces années-là par l’ADL, notre marge brute s’est nettement améliorée. Plus qu’une
augmentation des produits, c’est une réduction significative des charges qui s’est
opérée sur cette période. En effet les frais de concentré ont diminué de plus de
40 % notamment grâce à une réduction importante des quantités de tourteau
distribuées, et grâce aussi à une baisse des cours. Attention cependant aux
conclusions hâtives (« quelle sacrée marge brute ! »), ce bon chiffre ne prend pas
en compte, par définition, les charges de mécanisation et d’autres charges fixes
qui représentent tout de même près de 73 % du produit. Le changement de sys-
tème a donc permis d’améliorer sensiblement la marge brute sans pour autant
mettre au vert tous les autres indicateurs économiques. Ces résultats économiques
sont conditionnés par une autonomie fourragère indispensable. Tout achat de
fourrage, foin ou maïs, grève sérieusement la marge brute, l’exercice 2003 en
étant malheureusement la parfaite illustration. Avec notre chargement de

38
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
1 UGB/ha et les conditions climatiques des Alpes du Nord, nous sommes norma-
lement à l’abri de ce genre de déconvenues. Reste désormais à faire parvenir au
plus vite nos chiffres 2006 au comptable afin de pouvoir infirmer ou confirmer ces
premiers résultats économiques concernant notre changement de système. En
attendant, on replonge dans le guidon…

Extraits du bilan du centre de gestion


Exercice Exercice Réfé-
2004 2005 rence (1)
Effectif moyen VL 76 78 50
Taux de réforme % 45 41 28
SAU 164 164 93
SFP 130 126 78
Moyenne économique I/VL 6 750 6 714 6 260
Prix lait €/1 000 litres 383 380 382
Prix des vaches vendues (dont réformes) € 913 900 638
Prix de la tonne de concentré € 295 218 211
Frais de concentré €/1 000 L de lait 71 42 58
Marge brute du troupeau €/1 000 L 364 391 340
Marge brute du troupeau €/VL 2 460 2 627 2 120
Marge brute du troupeau €/ha SFP 1 626 2 064
(1) Petite région agricole Source : CER 74

Source : Réussir Lait-Élevage n° 201, février 2007

Doc. 4 - Projet d’association : se faire aider dans la réflexion

La méthode d’accompagnement des éleveurs laitiers proposée par le BTPL remet


l’homme au premier plan, avant la technique et l’économie.
À l’heure où les besoins des éleveurs laitiers évoluent en termes de qualité de vie
et d’investissement (mises aux normes), le regroupement des troupeaux et l’as-
sociation avec d’autres éleveurs semblent séduisants. « Faire du lait en indivi-
duel avec sa femme qui travaille à l’extérieur, ça va bien quand on a vingt ans,
constate Philippe Wallet, ingénieur au BTPL (Bureau technique de promotion lai-
tière), mais à quarante ans, quand les parents ne peuvent plus donner un coup

39
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
de main, on s’interroge. » Avant de se lier avec son voisin, il convient toutefois de
vérifier que les attentes des uns et des autres sont bien en phase. « La cohésion du
groupe est un préalable à la mise en place d’un projet d’avenir, confirme Pierre
Revest, du BTPL. La recherche d’objectifs communs est essentielle car ce sont eux
qui donnent de la force et du ciment à l’édifice. L’expérience montre que le groupe
ne peut pas s’appuyer uniquement sur une association d’opportunités. »
Pour vérifier que l’on est fait pour travailler ensemble et jeter les bases solides
d’une future collaboration, le BTPL a mis au point une méthode d’accompagne-
ment des éleveurs : Arc-en-ciel. Valable pour les sociétés (Gaec, société civile lai-
tière…) mais aussi pour toute forme de mise en commun (salariat, groupement
d’employeurs, Cuma), cette démarche structurée est basée sur l’intervention d’un
consultant extérieur. « Notre rôle consiste à mettre les pieds dans le plat, qu’il
n’y ait pas de non-dit et que chacun s’exprime », explique Philippe Wallet.
La première étape, l’établissement d’un contrat entre les éleveurs et l’accom-
pagnateur est suivi d’entretiens individuels qui donnent lieu à la réalisation d’un
diagnostic partagé et à un plan d’action. Les principes de base de la vie d’un
groupe sont travaillés dans ce cadre. Les objectifs de chacun sont clarifiés.

Désigner un animateur
Le rôle des personnes extérieures au groupe exerçant une influence ou une pres-
sion forte (famille, voisin, partenaires…) est analysé. La fonction d’animateur au
sein du groupe est définie et reconnue. Il veillera au respect de chacun, régulera
les tensions, facilitera l’expression des membres et la prise de décision. Le plan
d’action aborde aussi les questions de la répartition des tâches et des responsa-
bilités. Les règles de fonctionnement spécifiques à chaque groupe (horaires,
temps de travaux, rémunération…) sont énoncées clairement et écrites. […]

« Notre méthode révèle vite les gens qui ne sont pas sur la même longueur
d’onde », c’est l’avis de Philippe Wallet, ingénieur au BTPL.
« Comme dix de mes collègues du BTPL formés à la gestion des relations humaines,
j’interviens auprès d’agriculteurs qui désirent s’associer, dans le but de prévenir
les désaccords et les conflits. La méthode révèle vite les gens qui ne sont pas sur
la même longueur d’onde. Après notre intervention, la moitié des agri-
culteurs abandonnent leur projet. Ils constatent eux-mêmes qu’ils ne sont pas
faits pour travailler ensemble. En prendre conscience dès le départ évite des
échecs douloureux. […]

Source : L’éleveur laitier n° 145, mars 2007

40
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Document 3 > « Quand les chiffres confortent nos choix »
Type de diagnostic ou d’approche : diagnostic analytique
- Caractéristiques du type de diagnostic ou d’approche
Nous pouvons caractériser le diagnostic d’analytique car le diagnostic
concerne un atelier (l’atelier lait). L’analyse consiste à étudier des critères
économiques, en particulier la marge brute/1 000 L de lait et à la compa-
rer à celle obtenue dans les années antérieures et à celle d’un groupe de
référence, à savoir des exploitations de la petite région agricole. Ensuite,
le conseiller de gestion va expliquer ce bon niveau de marge brute (391 €
pour l’exploitation contre 340 € pour le groupe) en étudiant le prix du
lait, le prix des vaches de réforme mais surtout les frais de concentré/1000 L
de lait qui sont jugés faibles comparativement aux résultats du groupe
(42 € contre 58 €/1 000 L de lait). Cette analyse assez succincte permet
de comprendre la situation économique de l’atelier lait mais ne met pas en
évidence le fonctionnement global de l’exploitation.

Document 4 > « Projet d’association : se faire assister dans la réflexion »


Type de diagnostic ou d’approche : approche humaniste
- Caractéristiques du type de diagnostic ou d’approche
L’approche peut être considérée comme humaniste dans la mesure où elle
met l’homme au premier plan, elle est basée sur l’analyse des relations
humaines. On parle de « vérifier les attentes, cohésion de groupe, recherche
d’objectifs communs, principes de base de vie d’un groupe, clarification
des objectifs de chacun, régulation des tensions, expression, prise de déci-
sion, répartition des tâches et des responsabilités… » Rien de très
technique ni économique.

Un commentaire s’impose.

Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises approches pour réaliser un diagnostic d’ex-


ploitation. Il faut seulement se poser la question de la pertinence d’une approche
en fonction d’un type de problème à traiter ou d’un aspect à étudier sur l’exploita-
tion agricole. Ainsi, avant de réaliser un diagnostic, il convient de bien définir l’ob-
jet du diagnostic, de cerner le « champ d’étude ».

41
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Quelques exemples pour illustrer les différentes approches possibles.

Face à un problème bien identifié : par exemple dans le cas d’un animal malade ou
d’une culture présentant un symptôme sans équivoque, l’approche médicale du
vétérinaire ou du technicien s’accompagnant le plus souvent d’un traitement cura-
tif (un remède) est tout à fait adaptée.

Un conseiller de gestion, ayant un temps très restreint pour restituer des résultats
à un agriculteur va privilégier un conseil très analytique. Il va reprendre les prin-
cipaux indicateurs économiques et financiers de l’exploitation et va les commenter
en les comparant aux moyennes de groupe. Il va constamment positionner les résul-
tats entre la moyenne, le 1/4 supérieur et le 1/4 inférieur. Son travail va « se limi-
ter », par souci d’efficacité donc de rentabilité de son temps, à mettre en relation
les résultats économiques et financiers de l’exploitation issus du document de ges-
tion entre eux afin d’expliquer tel ou tel niveau de résultat. Par exemple, l’EBE d’une
exploitation laitière va être comparé à un groupe ou à une référence puis le conseiller
va expliquer ce résultat par le niveau des produits dégagés par l’atelier lait (le lait,
la vente des veaux, des vaches de réforme…) puis par les charges opérationnelles
et de structure. Chacune de ces charges peut être décomposée de manière très
précise.
Cette approche analytique convient bien dans les situations où il n’y a pas de dys-
fonctionnement important de l’exploitation, dans le cadre d’un diagnostic régulier
type « le compte rendu annuel du conseiller de gestion ».

Dans des situations plus complexes, de dysfonctionnement important, une approche


systémique ou globale de l’exploitation va s’avérer nécessaire car il convient de com-
prendre avant tout l’origine des difficultés sur une exploitation. Cette compréhen-
sion ne peut se faire que par une analyse des mécanismes de fonctionnement de l’ex-
ploitation et de la famille qui vont expliquer une situation. Ces mécanismes ont pour
nom « décisions ». C’est pour cela que, pour le conseiller d’entreprise, le diagnostic
global passe, en premier lieu, par un travail d’écoute de l’ensemble des membres du
Système Exploitation-Famille. Le conseiller d’entreprise doit rendre compréhensible
le fonctionnement global de l’exploitation en mettant en évidence les finalités, les
objectifs et le mode de prise de décision. Il a un effet miroir pour les membres de
l’exploitation et cette prise de conscience doit leur permettre d’être les acteurs de
leur propre changement. Cette approche demande du temps et n’empêche pas le recours
à un expert pour réaliser un diagnostic analytique voire médical.

42
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Il est parfois des situations où les précédentes approches rencontrent des limites.
Par exemple, certains agriculteurs en difficulté donnent l’impression de « ne prendre
que les mauvaises décisions, ne faire que des mauvais choix », qui leur causent des
difficultés. Un conseiller aura beau leur proposer les bons choix à faire pour se sor-
tir de leurs problèmes, rien n’y fait. Dans ces cas particuliers, il s’avère parfois néces-
saire de revenir sur leur histoire personnelle et familiale, bref d’entreprendre un
véritable travail thérapeutique qui peut s’assimiler à un diagnostic ou bilan personnel.
Cette approche humaniste ou psychologique peut aussi être proposée dans des
situations de conflit sur des exploitations, dans le cadre de projet de création de société
ou pour analyser le fonctionnement d’un groupe. Nous sommes au cœur de ce qui
concerne les relations humaines au sein d’une entreprise ou d’un projet collectif, rela-
tions humaines qui sont de plus en plus prises en compte dans les approches des exploi-
tations agricoles.

Dans les séquences qui vont suivre et qui porteront sur la méthodologie du diagnostic
et les différents diagnostics à réaliser pour appréhender la complexité d’une exploi-
tation agricole, nous nous limiterons au diagnostic global ou systémique. Nous ne
reviendrons par sur les autres formes de diagnostics (médical, analytique et huma-
niste). Non pas que ces approches n’aient pas d’intérêt, au contraire, et ce qui a été
développé précédemment l’a démontré. Mais, il nous semble important de bien com-
prendre la méthodologie du diagnostic global qui répond aux attentes des étudiants
dans l’élaboration de leur rapport de stage et des futurs agriculteurs et techniciens
agricoles.

2. Vers une synthèse de diagnostics complémentaires


et interdépendants

L’agriculteur est confronté à une multitude d’experts, comme en témoigne la figure 6


page suivante.

43
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Conseiller
de gestion
Comptable
Banquier
Fiscaliste
Relations :
agriculteurs, formateurs, Juriste
voisins…
Gestion
du temps
Contrôleur laitier,
vétérinaire Technicien cultures,
nutritionniste

Technicien bâtiment,
mécanicien Commerciaux

Agriculteur

Conseiller
d’entreprise

Quelle cohérence ?

FIG. 6 - De multiples experts autour de l’agriculteur

44
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Petit condensé de ce que peuvent être les diagnostics émis par les multiples conseillers
de l’exploitation agricole.

Quelques morceaux choisis sur une exploitation en polyculture élevage.

Le contrôleur laitier : « Tes vaches laitières ont une moyenne au contrôle laitier de
7 000 litres de lait par vache, tu pourrais passer à 8 000 en améliorant ta ration de
base et en leur distribuant un concentré de production du commerce plutôt que ton
mélange fermier. Pour ce qui est de ton plan d’accouplement, il te faut choisir des
taureaux qui améliorent ta production laitière. »

Le technicien viande : « Tu pourrais produire des taurillons mieux conformés en


gagnant en vitesse de croissance et surtout en produire plus afin d’améliorer ton
revenu. Nous, au niveau du groupement, on serait intéressés pour avoir des animaux
finis au printemps alors que jusqu’à maintenant tu les vends à l’automne. »

Le vétérinaire : « Pour que ton troupeau soit en bonne santé, il faut lui faire une
cure d’hépato-protecteur et de vitamines… »

Le commercial en aliment du bétail : « Je te conseille de passer en ration sèche


au niveau de ton troupeau laitier, c’est un plus coûteux mais tu améliores la per-
formance de ton troupeau et tu diminues ton temps de travail. »

Le commercial en production végétale : « Pour avoir un bon rendement en blé et


un taux de protéines élevé, voilà le programme que tu dois suivre… » Et de fournir
le programme détaillé de l’itinéraire technique idéal.

Le chargé de mission environnement : « Pour la conduite des cultures, il faut envi-


sager une diminution des apports, principalement des engrais et des produits phy-
tosanitaires. Les matières organiques doivent être compostées. »

Le technicien bâtiment : « Pour votre projet bâtiment, j’ai la solution idéale qui per-
met de concilier bien-être animal et performance au niveau du travail pour 500 000 € ».

Le concessionnaire de matériel agricole : « J’ai actuellement une offre à te faire


avec une excellente reprise de ton ancien tracteur. Ainsi, je te vends un 150 CV et
reprends ton 120 CV. Avec ce gain de puissance, tu vas travailler plus vite et dans
de meilleures conditions. »

Le banquier : « Attention, actuellement votre trésorerie ne vous permet pas d’envi-


sager un investissement aussi conséquent dans le bâtiment et, pour ce qui est du

45
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
tracteur soi-disant à changer, il vous faudra attendre la fin de remboursement d’un
emprunt avant d’envisager d’en contracter un nouveau. »

Le conseiller de gestion : « Votre niveau d’EBE est insuffisant pour couvrir vos
besoins. On remarque une baisse de vos produits dans la plupart de vos ateliers
mais surtout vos charges d'élevage et de culture sont beaucoup trop élevées et ont
fortement augmenté au cours des derniers exercices. À l’avenir, il faudra diminuer les
charges de concentré, d’engrais et de produits phytosanitaires. Pour ce qui est des
investissements, il va falloir réduire vos ambitions. »

Le fiscaliste : « Pour diminuer vos prélèvements obligatoires (charges sociales et impôts


sur le revenu), il faut investir et financer par emprunt… »

L’animateur du réseau élevage : « Pour diminuer le temps de travail et améliorer les


conditions de vie, il faut simplifier la conduite de votre exploitation en diminuant
la moyenne par vache, passer à la monotraite et alimenter 3 fois par semaine… »

Les agriculteurs adhérents du groupe de développement : « Nous pourrions tra-


vailler plus en commun, monter une CUMA… »

En résumé, un agriculteur est donc en permanence en relation avec des personnes,


des organismes, des entreprises, des informations (revues, réunions, formations…)
qui émettent tous un « diagnostic » plus ou moins explicite de l’exploitation. Ces dia-
gnostics peuvent être différents, contradictoires, complémentaires, intéressés. Ils peu-
vent être techniques, technico-économiques, financiers, fiscaux, juridiques, envi-
ronnementaux, organisationnels, commerciaux.
La difficulté au niveau d’une exploitation va consister à savoir faire la part des
choses dans les multiples informations reçues, avis ou conseils exprimés afin que l’ex-
ploitant et la famille puissent prendre des décisions qui permettent de conserver une
certaine cohérence dans la conduite de l’entreprise. Cette capacité à conserver la maî-
trise de la prise de décision est primordiale dans la conduite d’une exploitation.
Ainsi, la réalisation d’un diagnostic global doit se faire en ayant la préoccupation
de la cohérence du système. L’addition de diagnostics partiels qui mettraient en évi-
dence la bonne performance de tel ou tel atelier ne conduit pas forcément à l’ob-
tention de résultats globaux satisfaisants.

46
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
RÉCAPITULONS
Voici ce qu’il faut retenir de cette première séquence. Un diagnostic est une
démarche d’investigation visant à identifier et à apprécier les forces à
exploiter et les faiblesses à corriger et à en chercher les causes.
Ainsi, un diagnostic consiste à détecter dans une entreprise, non seulement
ce qui ne va pas (les faiblesses ou points faibles), mais aussi ce qui va bien
(les forces ou points forts).
Pour pouvoir identifier et apprécier des forces et des faiblesses, il est néces-
saire de comparer les résultats obtenus avec des valeurs de référence ou des
normes.
Un diagnostic peut être analytique et/ou global. Les solutions proposées pour
résoudre un problème sont de type curatif ou préventif.
Les buts et les méthodes de diagnostic évoluent en fonction du contexte dans
lequel évolue l’agriculture.
Aujourd’hui, on parle de diagnostic global dans la mesure où, d’une part,
ce diagnostic s’appuie sur la méthode de l’Approche Globale de l’Exploi-
tation Agricole (AGEA), méthode qui permet de comprendre le fonction-
nement global du Système Exploitation-Famille grâce à la modélisation de
ce fonctionnement. La modélisation prendra la forme d’un schéma de fonc-
tionnement visualisant le système décisionnel et le système de production
ou opérant. D’autre part, le diagnostic est global car différents diagnos-
tics, à la fois complémentaires et interdépendants, vont être réalisés sur une
exploitation : les diagnostics technique, technico-économique, financier,
fiscal, juridique, social, humain, travail et environnemental.

La séquence suivante va nous permettre de comprendre la méthodologie d’un


diagnostic global appliqué à l’exploitation agricole.
Séquence 2

Mettre en œuvre
le diagnostic global sur une
exploitation agricole
À l’issue de cette séquence,
vous devrez être capable :
• d’expliquer la démarche générale
d’un diagnostic appliqué à une
exploitation agricole ;
• de réaliser un diagnostic global d’une
exploitation agricole à partir d’un article ;
• de distinguer un point fort d’un atout,
et un point faible d’une contrainte.
Dans cette séquence nous aborderons successivement les points suivants :
– les éléments et les caractéristiques d’un diagnostic global d’une exploitation agri-
cole (préambule) ;
– la méthodologie générale du diagnostic qui consiste à mettre en relation les objec-
tifs de pilotage avec les décisions et les modes de conduite choisis par l’agriculteur
ainsi que les résultats obtenus sur plusieurs années afin de mettre en évidence les
forces (les points forts) et les faiblesses (points faibles) de l’exploitation (étape 1) ;
– les notions de marge de progrès et de piste d’amélioration (étape 2) ;
– la notion de diagnostic global comme étant une synthèse hiérarchisée des diffé-
rents diagnostics interdépendants que l’on peut réaliser sur une exploitation agri-
cole (étape 3).

Préambule
Les éléments et les caractéristiques d’un diagnostic global
Les objectifs d’un diagnostic d’exploitation sont les suivants :
– analyser le fonctionnement global de l’entreprise, sa viabilité pour comprendre la
cohérence du système exploitation-famille,
– mettre en évidence les forces (points forts) et les faiblesses (points faibles) de
l’exploitation,
– chercher les causes, l’origine des forces et des faiblesses,
– identifier les marges de progrès,
– améliorer le fonctionnement de l’exploitation agricole,
– arriver à un projet d’amélioration.

Le diagnostic est une démarche qui croise 3 éléments : un objet, un jugement d’expert
et des critères de jugement. C’est ce qu’illustre la figure 1.

50
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Un objet

Diagnostic

Un jugement Des critères


d’expert de jugement

FIG. 1 - La démarche de diagnostic

1. Le diagnostic s’exerce sur un objet.


Il convient de définir précisément l’objet du diagnostic.
– Porte-t-il sur l’ensemble de l’exploitation ou une partie de celle-ci (un atelier, une
activité particulière d’un atelier ; par exemple l’alimentation hivernale du troupeau
laitier) ?
– Le diagnostic est-il global ou partiel ?
– Est-il technique, économique, financier, fiscal, juridique, relatif à l’organisation du
travail, est-ce un diagnostic environnemental ?
– Doit-il être succinct et rapide ou approfondi ?
– Qui demande le diagnostic : l’agriculteur, le conseiller de gestion, le banquier, le
fiscaliste, le juriste ?
– Où en est l’exploitation dans son histoire ? Est-ce une exploitation qui vient de se
constituer? Est-on en phase de croisière, de développement ou, à l’inverse, de déclin?
L’exploitation est-elle en grande difficulté ?

2. Le diagnostic suppose un avis d‘expert.


Le diagnostic suppose une capacité d’expertise. L’expert formule un avis argumenté
sur la situation de l’exploitation à partir des résultats obtenus par cette dernière dans
le temps (évolution des résultats) et en les comparant à un référentiel. L’expert doit
être capable de juger de la cohérence des résultats obtenus par rapport à la conduite
globale de l’exploitation. La qualité d’un diagnostic va dépendre du référentiel de
l’expert (connaissance et expérience de terrain). L’expert peut être le conseiller de
gestion, le banquier, le fiscaliste, le juriste, l’étudiant en stage.

51
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
3. Le diagnostic fait appel à des critères de jugement.
Dans la mesure où l’élaboration d’un diagnostic sollicite un avis ou un jugement
d’expert, il ne peut y avoir jugement sans critères, sans indicateurs de jugement. Nous
reviendrons précisément sur le choix des indicateurs dans la séquence 4.

RÉCAPITULONS
Le diagnostic est à la fois le résultat d’un travail d’expert mais il doit être
validé auprès de l’agriculteur qui a, lui aussi, un point de vue sur sa propre
situation. Le diagnostic est donc une démarche pédagogique et interactive
entre l’expert et l’agriculteur. La qualité du diagnostic dépend non seule-
ment du référentiel de l’expert mais aussi de la qualité de la démarche de
diagnostic et de l’approche globale.

La méthodologie du diagnostic global va être développée dans l’étape qui va suivre.

Étape 1 Réaliser une approche globale


de l’exploitation agricole
Le diagnostic global n’est pas seulement l’addition de différents diagnostics (tech-
nique, économique, financier, social, environnemental…) mais une démarche qui
consiste à s’appuyer sur l’Approche Globale de l’Exploitation Agricole (AGEA), à se
centrer sur la personne, à diagnostiquer la complexité d’un système donc à analyser
les interactions entre les différents éléments qui composent le système.
Le diagnostic global de l’exploitation agricole porte sur le fonctionnement global de
celle-ci et s’appuie sur l’approche globale de l’exploitation agricole.
L’AGEA fournit un ensemble de connaissances et d’indicateurs sur le fonctionnement
de l’exploitation, vu comme un système complexe. Elle permet de décrire et de
comprendre le fonctionnement de l’exploitation.
Le diagnostic global permet de détecter et d’analyser les points forts et les points
faibles de ce fonctionnement et d’émettre un avis.
Il ne peut pas y avoir de diagnostic global sans approche globale et la qualité du
diagnostic dépend de la qualité de l’approche globale (figure 2).

52
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Approche Globale
de l’Exploitation Agricole
(AGEA)

Diagnostic global
de l’exploitation agricole

FIG. 2 - AGEA et diagnostic global

Dans la suite de cette séquence, nous nous appuierons sur les éléments importants
de l’AGEA pour comprendre le diagnostic global.
Réaliser une approche globale de l’exploitation agricole, c’est :
– élaborer un schéma de fonctionnement (ou schéma décisionnel) le plus explicite
et le plus précis possible,
– modéliser le système de production ou le système opérant de l’exploitation.

1. Élaborer un schéma décisionnel explicite


L’élaboration du schéma de fonctionnement doit permettre de mettre en évidence les
raisons pour lesquelles les agriculteurs ont pris telle ou telle décision.

Premier principe de l’AGEA :


les agriculteurs ont de bonnes raisons de faire ce qu’ils font

En conséquence, il faut énoncer et hiérarchiser les finalités du système Exploitation-


Famille, les objectifs et décisions stratégiques et les atouts et contraintes.

Les objectifs et décisions stratégiques découlant des finalités sont à exprimer très
clairement. Comme pour les finalités, les objectifs doivent être hiérarchisés et leur
niveau d’exigence précisé.
Par exemple, à la finalité « Avoir une bonne qualité de vie » on mettra en relation
l’objectif principal « assurer un niveau de prélèvements privés de 1500 €/mois/
associé ». Les décisions prises pour atteindre cet objectif doivent être énoncées
avec la plus grande précision car l’élaboration du diagnostic de l’exploitation va

53
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
consister en une confrontation entre résultats et objectifs. Les résultats obtenus décou-
lent, pour une bonne part, des décisions prises par l’agriculteur.
Les objectifs et décisions stratégiques doivent être mis en relation avec la situation
de l’exploitation. Par situation, on entend un ensemble d’éléments qui, à un moment
donné (le jour de la visite par exemple), intervient sur les possibilités d’action et
de décision de l’agriculteur. La situation du Système Exploitation-Famille (SEF)
résulte de l’évolution passée (l’histoire), de l’environnement et des facteurs de pro-
duction. Les éléments qui constituent la situation sont à analyser en distinguant les
facteurs favorisants (atouts) et les facteurs défavorisants ou limitants (contraintes).

Les atouts et contraintes correspondent au réel perçu par les acteurs de l’exploitation
(exploitants, membres de la famille), et on peut donc les classer en 3 grands types :
– les atouts et contraintes de l’environnement, qu’il soit naturel, économique, social,
culturel, agricole,
– les atouts et contraintes de l’histoire de l’exploitation et de la famille,
– ceux qui concernent les facteurs de production (le foncier, les bâtiments, les réfé-
rences de production, le matériel, le cheptel et, le plus important, le facteur
humain).
Les atouts et contraintes sont interdépendants les uns des autres. Par exemple, un
type de terre avec un fort taux d’argile sera considéré comme une contrainte pour
l’agriculteur et l’obligera à investir dans un type de matériel de travail du sol spéci-
fique et une puissance de traction importante (décision). Ce matériel spécifique, fac-
teur de production présent sur l’exploitation, sera considéré comme un atout par
l’exploitant car il favorise la réalisation du travail du sol dans un contexte difficile,
il permet de réduire la contrainte liée au type de sol.
Nous reviendrons plus loin sur ces notions d’atouts et de contraintes quand nous abor-
derons les termes de force et de faiblesse afin de lever toute ambiguïté quant au sens
à leur donner car très souvent des confusions sont faites entre atout et point fort,
ainsi qu’entre contrainte et point faible.

Ensuite, découlant directement du schéma de fonctionnement, plus particulière-


ment des décisions stratégiques prises par l’exploitant, il convient de mettre en
évidence le système de production ou système opérant de l’exploitation.
La figure 3 illustre l’importance de l’AGEA, et plus particulièrement du schéma déci-
sionnel, pour comprendre le fonctionnement du Système Exploitation-Famille.

54
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
AGEA

Finalité de la famille Histoire


du Système
Exploitation-Famille
Objectifs stratégiques

Décisions
Pratiques de l’exploitant
Environnement Facteurs
naturel, de production
économique, humain, foncier,
politique, social, bâtiments,
culturel matériel, cheptel,
droits à produire
Système de production
ou
Système opérant

Résultats
techniques, économiques,
sociaux, humains,
environnementaux…

Moyennes
de groupe Diagnostic
Références

Points forts Points faibles Marges de progrès

Projets
d’amélioration

FIG. 3 - Place de l’AGEA dans le diagnostic global

55
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
2. Modéliser le système de production
Le système de production peut être représenté sous la forme d’un schéma fléché per-
mettant de visualiser les multiples interactions existant entre les différents élé-
ments du système opérant (figure 4 ci-contre).

Deuxième principe de l’AGEA :


l’exploitation agricole est vue comme un système

Ce mode de représentation découle de la définition de ce qu’est un système dans le


cadre d’une approche globale d’exploitation agricole, à savoir «un ensemble d’éléments
en interaction dynamique organisés en fonction d’un but ».
Les différents éléments qui constituent le système de production dans le cas d’une
exploitation en polyculture-élevage se décomposent en 3 sous-systèmes que sont :
– le sous-système de culture,
– le sous-système d’élevage,
– le sous-système fourrager.

Le système de production va être très dépendant des atouts et contraintes de


l’environnement et des facteurs de production (figure 5 page 58). Les choix de
conduite et d’organisation du système de production vont le plus souvent consister
à chercher à atteindre des objectifs en s’appuyant sur les atouts et en tentant de
contourner les contraintes dont l’exploitation est tributaire.

Chacun de ces sous-systèmes peut être lui-même subdivisé en autant de « sous-


sous-systèmes » qu’il y a d’ateliers présents sur l’exploitation. Par exemple, sur une
exploitation en polyculture-élevage, le sous-système d’élevage peut être formé de
plusieurs ateliers : vaches laitières, vaches allaitantes, taurillons, bœufs, veaux de
lait, génisses d’engraissement, atelier hors-sol… La complexité du système de
culture dépendra de l’assolement de l’exploitation.
La multiplication du nombre d’ateliers sur une exploitation ainsi que leur degré de
dépendance les uns avec les autres est un facteur important de complexification dans
le pilotage de l’exploitation, donc dans son diagnostic.
C’est ce que représente aussi la figure 5.

56
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Environnement naturel, économique, social et humain

Le système de production ou système opérant

Foncier Références
Parcellaire Système de culture Système d’élevage cheptel
SCOP
– assolement, rotations – effectifs
– gestion du parcellaire – troupeaux
– itinéraires techniques – niveau de production
Intrants – rendements – alimentation Extrants
engrais Système fourrager – reproduction lait
semences – gestion fourragère – hygiène viande
prod. de traitement – itinéraires techniques végétaux
aliments etc.
etc. Prestations services
services de service

Bâtiments
Facteurs humains
Système d’information = Matériel
– conseillers, techniciens Système de décision
– réunions, revues
– etc.

FIG. 4 - Système de production, environnement et facteurs de production

Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole


57
Système de culture Système d’élevage

Système fourrager Troupeau laitier


Colza
Reproduction
Âge et périodes
de vêlage
Prés
de fauche Moyenne
Blé économique
Effectifs
Conduite
alimentaire
Pâtures
Maïs

Orge Troupeau viande

FIG. 5 - Interactions au sein du système opérant

Au sein de ces différents éléments qui composent le système de production circu-


lent de nombreux flux que l’on peut classer en différentes catégories :
– les flux de matières ou de biens et services (engrais, matière organique, aliments
du bétail, fourrages, produits de traitement, énergie, services de gestion…) ;
– les flux financiers ou monétaires qui sont pour une grande part la résultante
des flux de matière (l’exploitation produit du lait qui va être en partie intra-
consommée par les veaux et pour une grande part vendue à une fromagerie. Cette
vente de « matière » qu’est le lait va générer un flux monétaire) ;
– les flux de «travail» ou de «ressource humaine» va avoir 2 origines: l’une endo-
gène à l’exploitation sous forme de main-d’œuvre familiale (chef d’exploitation, asso-
cié, bénévole) et éventuellement salariale ; la seconde exogène à l’exploitation :
entreprises, entraide, service de remplacement… ;
– les flux d’informations qui prendront des formes multiples (lectures, réunions,
conseils, formations, échanges…). Ce type de flux, pas toujours simple à appré-
hender du fait de son caractère virtuel et difficilement quantifiable, n’est pas à négli-
ger car il peut avoir des incidences importantes sur les résultats de l’exploitation.
Ainsi la « performance » d’une exploitation peut souvent être corrélée avec la
« qualité » des flux d’information que reçoit l’exploitation et surtout avec la capa-
cité des décideurs à analyser et traiter ces flux d’information, à réagir et décider
en « connaissance de cause ».

58
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
L’élaboration d’un diagnostic global d’exploitation va consister à établir des bilans
des différents flux qui parcourent l’exploitation et à analyser les résultats de ces bilans:
– aux flux de matières vont correspondre des bilans minéraux, organiques, éner-
gétiques, de reproduction, de production laitière, de santé d’un troupeau, fourra-
ger, alimentaire… ;
– les flux financiers et monétaires vont être diagnostiqués grâce à l’élaboration
d’outils spécifiques à la gestion de l’exploitation agricole : le compte de résultat,
la marge brute par atelier, le bilan, le tableau de financement, le tableau pluriannuel
des flux financiers… Ces flux vont être très dépendants des flux de matière ;
– les flux de travail seront étudiés grâce un « bilan travail » établi à partir d’une
enquête ;
– quant aux flux d’informations, s’ils sont, comme nous l’avons évoqué, difficile-
ment quantifiables, ils pourront cependant être analysés comme un élément qui
peut influencer les autres bilans.

EXEMPLE
On ne pourra pas diagnostiquer la conduite d’un atelier taurillons dont les
veaux mâles sont issus d’un atelier laitier sans prendre en compte les inter-
relations permanentes entre ces 2 ateliers : le nombre de taurillons engrais-
sés dépend du nombre de vêlages qui est fonction du nombre de vaches
laitières ayant vêlé (diagnostic de reproduction), qui est à mettre en rela-
tion avec la moyenne économique du troupeau laitier (diagnostic de pro-
duction) déterminant le nombre de vaches en production…
Le poids de carcasse des taurillons mais aussi leur note de conformation et
d’état d’engraissement qui va déterminer le prix final des animaux dépen-
dent du gabarit des vaches laitières, des choix du plan d’accouplement, de
la conduite alimentaire et des ressources fourragères, de la période et de
l’âge de la commercialisation qui dépend de la période de mise en repro-
duction des vaches laitières…
Nous venons seulement de mettre en relation des flux de matière entre 2 ate-
liers pour expliquer la conduite de l’atelier taurillons. Intégrons maintenant
des facteurs de décision dépendant des flux économiques et financiers. Ainsi,
la période de mise à la reproduction des vaches laitières peut être condi-
tionnée par la grille de paiement du lait, qui va favoriser le lait d’hiver par
rapport au lait d’été, mais aussi par le coût de production du litre de lait

59
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
(qui est plus avantageux en été qu’en hiver). Le choix qui va être fait au
niveau de l’atelier lait, entre produire un lait d’hiver mieux payé mais plus
coûteux à produire, et produire un lait d’été moins bien valorisé mais plus
économe, va ainsi conditionner la conduite de l’atelier taurillons, donc ses
résultats. Va-t-on plutôt mettre sur le marché des taurillons finis au moment
où les cours sont structurellement les plus bas ou va-t-on vendre des tau-
rillons non finis au moment où les cours sont les plus hauts quel que soit
leur état d’engraissement ?

Et si vous rajoutez les aspects organisation du travail…


Pas simple la complexité !
Ce petit exemple mettant en jeu des relations partielles entre 2 ateliers seulement
plaide pour que le système de production soit représenté avec le plus de précision
possible, car il sera un outil précieux de modélisation de la complexité de conduite
d’une exploitation, et, de fait, servira indéniablement à la réalisation d’un diagnos-
tic global de qualité.

RÉCAPITULONS
L’approche globale de l’exploitation agricole permettant une compréhen-
sion du système de décision et une modélisation du système de production
est un préalable incontournable à la réalisation du diagnostic.

Étape 2 Mettre en évidence forces, faiblesses


et marges de progrès
Le diagnostic doit aboutir à la détermination des forces (ou points forts) et des fai-
blesses (ou points faibles) du Système Exploitation-Famille (mis en évidence à par-
tir d’une confrontation entre des résultats analysés et les objectifs définis par les
acteurs de l’exploitation, et d’une comparaison avec des références et/ou des don-
nées de groupe et aussi avec des évolutions pluriannuelles).

60
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
1. Les forces et faiblesses ne sont pas des atouts
et contraintes
Quelle est la différence entre « atouts/contraintes » et « points forts/points faibles » ?
(fig. 6)

La notion d’ « atouts » et de « contraintes » fait référence au contexte de fonc-


tionnement de l’exploitation mis en évidence dans la démarche de l’approche glo-
bale ; ce sont des éléments de la situation ou réel perçu. On peut dire que l’atout
ou facteur favorisant élargit la capacité d’action des acteurs de l’exploitation alors
que la contrainte ou facteur limitant la restreint ou la handicape. Si l’identification
des atouts et contraintes demande un travail d’analyse, en revanche cette notion exclut
tout jugement. Les atouts et les contraintes ont le plus souvent une incidence sur
les résultats de l’exploitation.

La notion de « points forts/points faibles » fait référence à la démarche de dia-


gnostic, donc au jugement d’expert sur le fonctionnement. Les points forts et les points
faibles expriment les forces et les faiblesses des procédures par lesquelles les acteurs
de l’exploitation résolvent leur problème d’action (production, organisation, décision,
développement…). Le jugement de l’expert va porter sur les résultats obtenus, tant
au niveau quantitatif que qualitatif, dans la conduite de l’exploitation en les confron-
tant avec les objectifs que l’exploitant s’est donnés ; d’où l’importance de préciser
le niveau d’exigence des objectifs, en les comparant avec des données de groupe et/ou
des références dans la mesure où elles existent et avec une évolution pluriannuelle.

Point fort = les résultats obtenus sont conformes aux objectifs fixés et sont proches
ou supérieurs aux résultats obtenus par un groupe d’appartenance ou à des références.

Point faible = les objectifs ne sont pas atteints et ne semblent pas pouvoir l’être sans
modifications. Les résultats obtenus sont inférieurs à ceux obtenus par un groupe
d’appartenance ou à des références.

61
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
Réel perçu
Environnement, histoire,
facteurs de production

Atouts Contraintes

Évolution
Objectifs Confrontation Comparaison pluri-annuelle
Résultats
Décisions Données
de groupe

Diagnostic

Points forts Points faibles

Confrontation Marges Comparaison


de progrès

Projets
d’amélioration

FIG. 6 - « Atouts/Contraintes » et « Points Forts/Points Faibles »


dans la démarche de diagnostic

62
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
2. Marges de progrès et pistes d’amélioration
Les conclusions en termes de forces et de faiblesses permettent d’envisager des
marges de progrès possibles. Elles peuvent être chiffrées (pour celles qui peuvent l’être)
en les confrontant avec les objectifs que l’exploitant s’est fixés et en les comparant
avec des données de groupe et/ou des références.

Les marges de progrès recensées au niveau de l’exploitation amèneront éventuelle-


ment à proposer des pistes d’amélioration et à mettre en œuvre un projet, projet qui
consiste le plus souvent à réduire les points faibles tout en confortant les points forts.
On peut définir différents niveaux d’exigence de progression des résultats sur une
exploitation (fig. 7) :
– le premier niveau de marge de progrès peut être déterminé par la différence entre
les résultats de l’exploitation et la moyenne du groupe ;
– le second niveau consistera à se rapprocher des résultats des meilleurs du groupe,
appelé 1/4 supérieur.

Résultats
1/4 supérieur

Moyenne Marge
groupe de progrès 2
Marge
de progrès 1
Résultats
de l’exploitation

Résultats
1/4 inférieur

FIG. 7 - Marges de progrès d’une exploitation

63
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
Étape 3 Aboutir au diagnostic global

1. Une synthèse hiérarchisée des différents diagnostics


Comme nous l’avons vu dans le petit précis d’histoire comparée entre l’évolution de
l’agriculture et les méthodes d’approche de l’exploitation agricole présenté en
séquence 1, le diagnostic en agriculture s’est très largement enrichi pour ne pas dire
complexifié. Ainsi, réaliser un diagnostic global d’une exploitation agricole va consis-
ter, non seulement, à s’appuyer sur la méthode de l’AGEA mais aussi à aborder
l’entreprise sous l’angle économique, social et environnemental. Nous retrouvons les
trois dimensions qui fondent l’agriculture durable (fig. 8).

Approche globale
de l’exploitation agricole
(AGEA)

Diagnostic global

Dimension Dimension
économique sociale

Dimension
environnementale

FIG. 8 - Les trois dimensions du diagnostic global

La figure 9 cherche ensuite à préciser ce qu’on peut aborder dans chacune des
dimensions et cherche à mettre en évidence les multiples interrelations entre les dif-
férents diagnostics. Cette présentation est, certes, réductrice mais elle veut surtout
faire comprendre que, quel que soit l’objet du diagnostic, global ou partiel, à l’échelle
d’un atelier, ou un aspect de l’exploitation (par exemple l’organisation du travail),
il convient de se situer dans une perception globale de ce diagnostic.

64
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Diagnostic global

Dimension économique Dimension sociale


Juridique Transmissibilité Temps
Financier
de travail
Commercial Fiscal Revenu
disponible Temps libre Qualité
Économique de vie
Technique Réponse à la
demande sociale
Ouverture
Bilan énergie
Bilan N-P-K
Qualité
Qualité de l’eau
Sol de l’air
Paysage
Patrimoine

Dimension environnementale

FIG. 9 - Interrelations entre les différents diagnostics

Réaliser le diagnostic global d’une exploitation agricole, c’est donc prendre en


compte l’ensemble des diagnostics de cette exploitation et en faire une synthèse hié-
rarchisée. Cela revient à classer les différents points forts et points faibles, à mettre
en relief les forces principales de l’exploitation et à faire ressortir les faiblesses les
plus pénalisantes sur lesquelles il conviendrait éventuellement de mettre en œuvre
un projet d’amélioration.

2. Exercice d’application à partir d’un article :


« Un élevage dynamisé par la filière AOC Époisses »

À partir du document 1, page 67, vous remplirez le tableau page


suivante, qui vous permettra de recenser les atouts et contraintes du
Système Exploitation-Famille et de les classer.

65
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
Atouts Contraintes

Environnement

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Histoire, exploitation et famille

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Facteurs de production

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66
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Doc. 1 - Un élevage dynamisé par la filière AOC époisses

Au Gaec Salomon en Côte-d’Or


« Quand nous avons décidé d’entrer dans la filière AOC qui se mettait en place,
notre système était déjà assez proche des exigences du cahier des charges »,
estime modestement Gilles Salomon, associé du Gaec Salomon avec son frère
Denis à Savoisy, en Côte-d’Or. Il est vrai que le Gaec élevait déjà des Brunes, l’une
des trois races laitières autorisées à produire du lait pour l’époisses. Mais il res-
tait du chemin à parcourir. Un chemin qui a motivé les éleveurs, lauréats 2007 des
Sabots d’or en race Brune :
« La filière crée une dynamique. Elle permet aux éleveurs de se rencontrer régu-
lièrement avec au moins une journée de formation par an, de se comparer »,
estime Gilles Salomon.
L’une des exigences du cahier des charges porte sur le pâturage : « Il fallait 20 ares
par vache minimum. Nous avons donc transformé en pâture une partie des sur-
faces en cultures. »
Chiffres clés
• 2,4 UTH de main-d’œuvre : Gilles et Denis Salomon, ainsi que la femme
de Denis, conjointe collaboratrice.
• 315 000 litres de quota.
• 38 vaches brunes à près de 8 000 kg de lait et leur suite, et une dizaine
de génisses destinées à la vente.
• 200 hectares de SAU, dont 151 en culture de vente (blé, orge d’hiver,
colza) et 15 hectares de maïs ensilage, 6 de luzerne et 28 de prairie.
Des fourrages et concentrés tracés
Chaque vache dispose ainsi aujourd’hui de 23 ares de pâture. Mais dans la région,
l’herbe n’est pas abondante. Les sols caillouteux et superficiels sont très séchants,
et la saison de pâturage courte : de la mi-avril à la fin juin.
D’ailleurs, les silos sont rarement fermés : « Le cahier des charges exige quand
même une ration cohérente avec la mise à l’herbe, c’est-à-dire pas plus d’une
demi-ration distribuée à l’auge après la mise à l’herbe jusqu’au 15 juin », précise
Franck Lavédrine, animateur du Contrôle laitier de Côte-d’Or. Gilles Salomon, lui,
n’a encore jamais pu se résoudre à fermer son silo de maïs, même s’il se promet
tous les ans d’essayer. Le maïs ensilage est autorisé mais plafonné. La ration hiver-
nale doit contenir au minimum un tiers de fourrages secs. Le décret précise que
la ration de base doit impérativement être issue de l’aire géographique
d’époisses. Le GAEC a donc abandonné les drèches et le corn gluten feed.

67
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
Par chance, une coopérative de déshydratation de luzerne toute proche permet
au Gaec de bénéficier de bouchons de luzerne tracés. « Nous livrons la luzerne,
et nous la récupérons déshydratée quelques heures après », indique Denis
Salomon.

LA RENTABILITE DU GAEC SALOMON


Exercice d’avril 2005 à mars 2006
• Le produit est élevé grâce à un Résultats technico-économiques
bon prix du lait (352 €/1 000 L Lait vendu 300 000 litres
contre 326 € /1 000 L en Moyenne économique 7 890 litres
moyenne pour les élevages de Taux laiterie TB 42,5 g/L – TP 35,5 g/L
Brunes en Côte-d’Or). Concentré 224 g/kg de lait
La qualité est au rendez-vous Coût concentré VL (/1 000 L de lait vendu) 60 €
avec notamment 35,5 de TP Prix du lait 352 € /1 000 L
et 42,5 de TB. Prix des réformes 735 €
• Le coût fourrager reste limité Prix des veaux 122 €
grâce à un maïs ensilage Prix des génisses repro 1 300 €
produit pour un coût bien
maîtrisé : 270 euros par hec- Un EBE de 91 300 euros
tare. Les engrais de ferme sont Euros %
bien valorisés, et le désher- Produit brut total (PB) 271 200
bage sur le rang combiné à un Produit brut de l’atelier bovin 140 700 52
binage permet de limiter les dont lait 105 800
quantités d’herbicides. vente animaux 26 000
primes (avant découplage) 23 400
• Le coût de concentré est un Charges opérationnelles (atelier lait) 39 000 28
peu élevé (60 € /1 000 L), dont aliment 20 600
en raison notamment des fourrages (intrants) 6 300
concentrés « tracés époisses » frais vétérinaires 4 000
achetés plus cher, et de quan- frais reproduction 2 200
tités distribuées qui pourraient Charges opérationnelles cultures 55 800
être diminuées, selon le
Charges de structure 85 100 31
contrôleur laitier.
(hors amortissement et frais financiers)
• Les charges de mécanisation dont fermage 7 400
sont élevées. mécanisation 40 500
charges sociales 17 900
EBE 91 300 34
(1) Le produit est inférieur à la somme annuités (long et moyen terme) 37 000
des trois postes car il intègre notam-
ment les variations de stock. Source : Contrôle laitier de Côte-d’Or - Suivi technico-économique Galacsy

68
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Un aliment à 89 % de la zone AOC
La ration d’hiver contient donc de l’ensilage de maïs, des bouchons de luzerne
(3 kg), de la paille et du foin de dactyle et luzerne. Le tout distribué à la mélan-
geuse est complété par des céréales aplaties récoltées sur l’exploitation, et un
tourteau moitié soja moitié colza, dont la partie colza est produite sur la zone
AOC et tracée. Un passage quasi obligé, car le cahier des charges de l’époisses
exige aussi que 85 % de l’aliment vienne de la zone AOC. Ici, au final, seulement
11 % de l’aliment vient de l’extérieur de la zone : le soja et les sels minéraux.
L’enrubanné, issu de la première coupe de la parcelle dactyle -luzerne et éven-
tuellement du regain- est distribué directement à l’auge le soir. Le niveau de
complémentation a diminué depuis cinq ans : « Nous ne visons pas de pic de lac-
tation, insiste Gilles Salomon. Nous voulons des vaches en bonne santé, qui rem-
plissent bien, qui vieillissent bien. » Et il est vrai qu’avec un niveau de lactation
à 7 890 kg, les frais d’élevage restent réduits, avec notamment 40 euros pour
1 000 litres de frais vétérinaires, contre 48 euros pour 1 000 litres en moyenne pour
les éleveurs de Brunes de Côte-d’Or. Les coûts fourragers sont eux très bien maî-
trisés (21/1 000 L contre 28 en moyenne pour les éleveurs Brunes du département),
grâce notamment au désherbinage du maïs et à la large place de la luzerne, bien
adaptée à la région.
La qualité du lait obtenu permet d’obtenir les meilleurs prix avec un taux pro-
téique de 35,5, un taux butyreux de 42,5, aucune livraison supérieure à
250 000 cellules et pas de butyriques.

De la génétique de haut niveau


Pour augmenter encore le produit lait et à la demande des transformateurs, les éle-
veurs ont décidé de produire du lait d’été. Les vêlages d’hiver ont donc progres-
sivement été déplacés pour être aujourd’hui regroupés d’avril à octobre. « Cela
donne un surplus de travail à une période déjà bien chargée, mais ça vaut le coup,
estime Gilles Salomon. Les veaux qui naissent à cette saison sont en meilleure santé.
Enfin, le produit bovin est complété par la vente de génétique. Dans ce berceau
de la race Brune qu’est le Châtillonnais, le Gaec Salomon est réputé pour la qua-
lité de ses animaux. En 2006, neuf génisses ont ainsi été vendues pour un prix
moyen de 1 300 euros.
« La demande pour de jeunes Brunes est forte, confirme Gilles Salomon. Chaque
année, nous en présentons au moins une à la vente aux enchères organisée par
Brune Expansion à Châtillon-sur-Seine. Ajoute-t-il non sans fierté. Il est vrai que
Gilles est impliqué dans la race, puisqu’il est depuis l’année 2000 le président de
la coopérative de vente Brune Expansion. Dans ses choix d’accouplement, le Gaec

69
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
privilégie les aplombs et la mamelle, tout en veillant à ne pas dégrader les taux
(une exigence du cahier des charges), mais tant pis si elles ne sont pas au maxi-
mum de lait », précise Gilles. Les résultats de reproduction sont bons, avec un der-
nier chiffre à 62 % de réussite en première insémination. L’élevage pratique de
plus en plus de vêlages à deux ans, suite notamment au suivi technico-écono-
mique du Contrôle laitier et à la confrontation de ses résultats avec ceux d’autres
éleveurs.

La fosse est sous le bâtiment


Côté bâtiment, les deux frères ont été parmi les premiers du département à
construire une stabulation avec aire paillée et aire d’exercice sur caillebotis en
1993. Il faut dire que l’étable entravée au cœur du village de leur père n’était pas
pratique, avec beaucoup de problèmes de pattes sur les génisses. « Au début,
les vaches disposaient de 6 m2 d’aire paillée, mais c’était trop juste. Il y avait
encore peu de références à cette époque. Nous avons agrandi le bâtiment pour
passer à 12 m2 », précise Denis Salomon. Un changement qui a amélioré les résul-
tats en cellules. La fosse sous le bâtiment convient bien aux éleveurs. Ils y lais-
sent un mixer mécanique à poste et viennent régulièrement brasser le tracteur.
La salle de traite, une 2 4 en épi au début, était prévue pour accueillir deux postes
de plus, qui ont été installés depuis. L’élevage est donc largement équipé avec
2 5 postes pour traire 38 vaches. Denis et sa femme traient le matin et Gilles assure
la traite du soir avec son frère ou sa belle-sœur. Si la gestion du troupeau est
dévolue à Gilles et les décisions sur les cultures à Denis, les deux frères savent
tout faire et se remplacent quelques jours trois fois par an.

Avis d’expert
Frank Lavédrine, responsable technique, contrôle laitier de Côte-d’Or
« Cet élevage a su intégrer un cahier des charges rigoureux malgré
un potentiel fourrager limité. En s’adaptant aux contraintes de manière
très raisonnée, la plus-value de l’AOC est perçue avec un niveau de
dépenses contenu, malgré le surcoût entraîné par les aliments tracés
utilisés. Le Gaec Salomon atteint un produit global de 469 euros pour
1 000 litres contre 440 euros pour 1 000 litres en moyenne pour les élevages
bruns du département. L’élevage se situe ainsi dans les dix meilleures
marges du département toutes races confondues. Le matériel pèse lourd
dans les charges de structure, mais c’est représentatif des systèmes lait
et céréales de la région, avec des surfaces importantes. Au final,
avec 39 % d’annuités sur EBE, la situation financière reste saine. »
Source : Réussir Lait-Élevage n° 204, juin 2007

70
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Atouts Contraintes

Environnement
– Zone AOC époisses Exigences du cahier des charges AOC
– Filière génératrice d’une dynamique entre époisses :
les éleveurs (formation, rencontres, com- – la ration hivernale doit contenir au moins
paraisons) 1/3 de fourrage sec
– Présence d’une coopérative de déshydrata- – interdiction d’utiliser des sous-produits
tion de luzerne proche de l’exploitation et hors de la zone AOC
dans la zone de l’AOC – obligation d’acheter des concentrés tracés
– Forte demande pour de jeunes Brunes plus chers (surcoût)
– Bon suivi technico-économique du contrôle – 85 % des aliments du bétail doivent pro-
laitier et confrontation des résultats avec venir de la zone AOC
ceux des autres éleveurs

Histoire, exploitation et famille

Le système de production était initialement


proche des exigences de l’AOC époisses

Facteurs de production
Troupeau Sols - Parcellaire
– Race Brune : une des 3 races admises par – Sols caillouteux, superficiels et séchants
le cahier des charges de l’AOC ayant pour conséquence une saison de
– Troupeau avec un bon potentiel génétique pâturage courte (de mi-avril à mi-juin)
– Élevage réputé – Potentiel fourrager limité
Facteurs humains
– Polyvalence de la main-d’œuvre : les deux
frères savent tout faire et peuvent se rem-
placer pour les congés
– Gilles est très impliqué dans la race Brune :
il est président de la coopérative de vente
Brune Expansion
Bâtiments et équipements
– stabulation avec aire paillée et aire
d’exercice sur caillebotis (12 m2/VL)
– Salle de traite 2 5 en épi pour 38 VL

71
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
– La référence laitière n’a pas été évoquée dans l’article comme un atout
ou une contrainte. On peut supposer qu’elle constitue un élément neutre
dans le fonctionnement de l’exploitation.
– L’AOC époisses est à la fois un atout car elle permet une bonne valorisa-
tion du lait et une contrainte du fait d’un cahier des charges exigeant et
pas forcément adapté aux caractéristiques pédoclimatiques de
l’exploitation.

Reprenez le document 1, page 67 : « Un élevage dynamisé par la filière


AOC époisses », et remplissez le tableau qui suit. Vous mettrez de cette
façon en évidence les points forts, les points faibles et les marges de
progrès de l’exploitation en les mettant en lien avec les objectifs de
l’exploitation.

72
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Résultats
Objectifs
Points forts Points faibles
Dimension économique

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.................................................... .................................................................................. ..................................................................................
.................................................... .................................................................................. ..................................................................................
.................................................... .................................................................................. ..................................................................................
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Dimension sociale

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.................................................... .................................................................................. ..................................................................................
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Dimension environnementale

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Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole


.................................................... .................................................................................. ..................................................................................

73
74
Corrigé >

Résultats
Objectifs
Points forts Points faibles
Dimension économique
Respecter le cahier – Le cahier des charges est parfaitement respecté :
des charges 89 % des aliments proviennent de la zone AOC et
ces aliments sont tracés (dont luzerne qui est
déshydratée par la coopérative)
– Seuls le soja et les minéraux viennent de
l’extérieur de la zone AOC

Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole


Avoir au moins 20 ares/VL – 23 ares de pâturage/VL
au pâturage

Limiter la ration distribuée à – Le silo de maïs n’est jamais fermé en été


l’auge à la moitié des besoins
des VL, voire envisager la
fermeture du silo au printemps
(de la mise à l’herbe
au 15 juin)
Résultats
Objectifs
Points forts Points faibles
Dimension économique (suite)
Maîtriser les coûts alimentaires – Les coûts fourragers sont très bien maîtrisés – Coût de concentré relativement élevé avec 60 €
avec 21 €/1000 L (contre 28 €/1000 L pour le /1000 L de lait à cause d’une trop grande
groupe grâce à des charges sur maïs ensilage quantité distribuée (224 g/kg de lait)
limitées à 270 €/ha (valorisation des engrais de
ferme, pratique du désherbinage)
– Diminution de la complémentation depuis 5 ans

– La situation financière est saine avec 39 % – Charges de mécanisation élevées avec un poids
d’annuités sur EBE relatif élevé dans les charges de structure

Dimension sociale
– Les associés se remplacent quelques jours 3 fois
par an

Dimension environnementale
– Bonne valorisation des engrais de ferme
– Pratique du désherbinage

Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole


75
Cet exercice qui se limite à un travail à partir d’un article ne permet pas bien sûr
d’appréhender tous les champs d’un diagnostic. En particulier, dans l’exemple
ci-dessus, l’exploitation ayant valeur de référence dans son système (elle fait partie
des 10 meilleures exploitations du département au niveau de la marge de l’atelier
lait), les points faibles sont peu nombreux et peu significatifs ce qui permet diffi-
cilement d’identifier et de chiffrer des marges de progrès. D’autre part, les aspects
sociaux et environnementaux ne sont quasiment pas abordés.

Cependant, il est important, à partir de cet exercice, d’avoir fait la nuance entre
atouts/points forts et contraintes/points faibles, d’avoir mis en relation les objec-
tifs fixés avec les résultats obtenus et de les comparer avec un groupe d’appartenance
(ici le groupe des éleveurs de Brunes du département de Côte-d’Or). On peut remar-
quer que l’avis de l’expert est primordial dans un diagnostic.

RÉCAPITULONS
Réaliser un diagnostic global sur une exploitation agricole nécessite, d’une
part, de prendre en compte le fonctionnement global de l’exploitation
grâce à la méthode de l’AGEA, et d’autre part, de réfléchir, dans l’élaboration
du diagnostic, aux multiples interactions existant entre les différents dia-
gnostics (ou diagnostics partiels). Un diagnostic global n’est pas une
simple addition des différents diagnostics réalisés sur l’exploitation mais
il doit être une synthèse hiérarchisée de ces différents diagnostics.

Mais il ne peut y avoir de diagnostic global sans la prise en compte de la cohérence


du Système Exploitation-Famille. Dans la première séquence, nous avions abordé le
problème de l’exploitant qui est confronté à une multitude d’experts qui, séparément,
émettent tous un bon diagnostic et proposent tous de bonnes solutions pour ne pas
dire « la meilleure solution ». Toutefois, il n’est pas certain que l’addition de ces bons
conseils donne les meilleurs résultats, car la cohérence de l’exploitation n’aura pas
été prise en compte. De la même manière, un agriculteur qui a une conduite opti-
male d’un atelier sur son exploitation, parce que cet atelier est à ses yeux stratégi-
quement très important, peut très bien avoir des performances médiocres au niveau
des résultats globaux parce qu’il n’a pas pris en compte la cohérence de son exploi-
tation dans ses choix de conduite.
Séquence 3

Prendre en compte
la cohérence du système
exploitation-famille
À l’issue de cette séquence,
vous devrez être capable :
• d’identifier les éléments principaux
de la cohérence économique
et financière de l’exploitation ;
• d’évaluer la cohérence du système
de production et de sa conduite
technico-économique ;
• de porter un avis sur le bon équilibre
social de l’exploitation.
Préambule
Qu’est-ce que la cohérence ?
Mais qu’est-ce que la cohérence d’une exploitation agricole ou d’un système ? D’après
Le Larousse, un système cohérent serait un système qui « présente des parties en rap-
port logique et harmonieux, dont toutes les parties se tiennent et s’organisent logi-
quement ».
On pourrait parler du « bon équilibre d’un système », mais comment appréhender la
cohérence, l’harmonie du Système Exploitation-Famille ?

Les principales questions à se poser sont :


– les décisions stratégiques prises sont-elles en cohérence avec les finalités et
objectifs définis par les acteurs du système ?
– la conduite de l’exploitation est-elle harmonieuse ?
– le système de production résultant des décisions prises par l’exploitant peut-il per-
mettre d’atteindre ses finalités et semble-t-il en adéquation (donc en harmonie)
avec la situation du Système Exploitation-Famille ?
– le diagnostic global met-il en évidence que les principaux objectifs stratégiques
sont atteints ?
– les décisions prises par l’exploitant, faute de pouvoir satisfaire à toutes les règles
de bonne conduite définies par chaque spécialiste, permettent-elles d’obtenir plus
de points forts que de points faibles ? En bref, la conduite actuelle comporte-t-elle
plus d’avantages que d’inconvénients ?

Sans avoir la prétention de faire le tour complet de cette question fondamentale de


la cohérence dans la conduite de l’exploitation, nous allons l’aborder à travers des
exemples et des schémas.

78
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Étape 1 La cohérence économique et financière
« Sur mon exploitation, je souhaite concilier un bon niveau de revenu afin
de pouvoir assurer des prélèvements privés de 2 000 €/UTH/mois, soit
24 000 €/UTH/an et une capacité à autofinancer les investissements de
6 000 €/an tout en réduisant le temps de travail et aussi la pénibilité ».
« Travailler moins pour gagner plus », 2 finalités en apparence contradictoires qui
demandent une cohérence dans les choix qui vont être faits par l’exploitant. Il s’agit
de concilier l’économique et le social.

Comment atteindre le « bon équilibre économique et financier » ?


On peut schématiser, de la manière suivante, la recherche d’un bon équilibre éco-
nomique et financier (fig. 1).

Avoir des
prélèvements privés
de 24 000 €/an
1. Revenu disponible
Pouvoir au minimum 30 000 €/an
autofinancer
6 000 €/an

Le bon
équilibre
économique
et financier

3. Annuités
2. Quel niveau d’EBE
Quel niveau maximal
dois-je atteindre ?
d’annuités ?

Comment
optimiser
économiquement
le système
d’exploitation ?

FIG. 1 - Recherche d’un bon équilibre économique et financier

79
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
Pour comprendre la figure 1, rappelons quelques définitions.

• Revenu disponible = EBE – Annuités


C’est l’argent qu’il reste pour assurer les prélèvements privés de l’exploitant et sa famille,
dégager une capacité à autofinancer les investissements de l’exploitation et amé-
liorer éventuellement sa trésorerie.

• EBE = Excédent Brut d’Exploitation


C’est l’excédent dégagé à partir de l’activité courante de l’exploitation agricole, à savoir
l’activité de production de biens et éventuellement de services et cela en dehors de
toute politique d’investissement et de financement. C’est un indicateur primordial
pour diagnostiquer l’état de santé économique d’une exploitation.

• Annuités = Remboursement annuel de capital des Emprunts Moyen et Long Terme


(EMLT) et des frais financiers liés à ces emprunts
Cela correspond à un montant annuel remboursé à une institution bancaire.

Les objectifs stratégiques que s’est fixés l’exploitant l’obligent, au niveau de ses déci-
sions, à respecter une certaine cohérence dans la conduite de son exploitation.
Ainsi, si je veux obtenir un revenu disponible d’au moins 30 000 €/an, il faut, que
l’équilibre économique et financier soit respecté, équilibre qui s’appuie sur l’égalité
fondamentale suivante :
Revenu disponible = EBE – Annuités
Si, par exemple, l’exploitation peut atteindre, un EBE moyen de 50 000 €/UTH/an,
les annuités ne pourront pas dépasser les 20 000 €/UTH/an. Quelle cohérence dans
la conduite technico-économique de l’exploitation faut-il respecter pour atteindre
cet objectif d’EBE ?
C’est ce que nous allons aborder dans l’étape 2.

Étape 2 La cohérence du système de production :


un facteur d’efficacité économique
Poursuivons la schématisation à partir d’un système polyculture-élevage lait-viande
et culture par exemple (fig. 2). Dans un diagnostic économique, plus précisément
pour apprécier la capacité de l’exploitation à dégager de l ‘EBE, il convient de cher-
cher la cohérence dans la conduite du système de production car cette cohérence sera

80
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
le plus souvent garante de l’efficacité économique de l’exploitation que l’on peut mesu-
rer par le niveau d’EBE dégagé par UTH mais aussi en établissant le ratio EBE/Produit
brut*.

1. Revenu disponible

Le bon
équilibre
économique
et financier

2. EBE 3. Annuités

Comment
optimiser
économiquement
le système
d’exploitation ?

Densité laitière
(lait/ha de SFP)

La
cohérence
du système
de production

Moyenne économique Chargement


(lait/VL) (UGB/ha)

FIG. 2 - Optimisation économique du système d’exploitation

* Produit brut = total des produits sauf les produits exceptionnels.

81
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
La figure précédente, certes quelque peu réductrice, met en évidence que l’optimisation
de l’EBE sur une exploitation laitière peut être obtenue si on met en cohérence :
– la densité laitière de l’exploitation qui se mesure par la quantité de lait produit/ha
de SFP,
– la moyenne économique soit la quantité de lait produit/VL,
– le chargement qui se calcule en UGB/ha de SFP.

1. La cohérence du système de production :


une affaire d’équilibre entre de nombreuses variables
interdépendantes
La figure 3 doit permettre de mieux comprendre les liens qui existent entre les trois
composantes du système de production : la densité laitière (lait/ha de SFP), la
moyenne économique (lait/VL), le chargement (UGB/ha).
Ces facteurs, pour une même exploitation en polyculture-élevage, peuvent se com-
biner harmonieusement ou, à l’inverse, fonctionner en disharmonie.

La densité laitière d’une exploitation va dépendre de la quantité de lait produite


qui est fonction, avant tout, d’un quota laitier et d’une référence matière grasse (réfé-
rence historique, donc atout ou contrainte de l’exploitation), mais aussi des quan-
tités de lait intra-consommé par les veaux, qui va dépendre des choix de conduite
de l’exploitation (nombre de veaux élevés, durée du sevrage, quantité de lait distri-
bué, lait de vaches ou lait en poudre). L’autre facteur qui va intervenir dans la den-
sité laitière est la SFP et, pour être plus précis, la SFP consacrée à l’alimentation du
troupeau laitier. La SFP, pour une même exploitation, peut être très variable selon
les choix de l’exploitant : quelle est la part de ma SAU que je vais consacrer à la SFP ?
Vais-je faire le choix de l’intensification ou de l’extensification ? Mon potentiel agro-
climatique me permet-il de faire le choix de l’intensification ? Un autre facteur qui
intervient dans la densité laitière est la présence ou non d’un atelier viande qui, en
utilisant de la SFP pour ses besoins propres, va réduire d’autant la surface consacrée
à l’atelier lait et, de ce fait, va avoir tendance à densifier la production laitière par
hectare réservé au troupeau laitier.

La moyenne économique est un critère qui est beaucoup utilisé dans le diagnos-
tic technico-économique d’une exploitation laitière. Cette moyenne résulte avant tout
de l’objectif que l’éleveur se fixe : « je veux avoir des vaches laitières qui produisent

82
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Climat Foncier Laiterie

Objectifs Quota laitier + Quota MG + Rallonge + Intra


=
Production laitière annuelle

Assolement
SFP
SNF
EMPE(1) HERBE

1. Densité laitière
(lait/ha de SFP)
Alimentation
Lait/ha de SFP
alimentation pour troupeau lait
extérieure La
cohérence
du système
de production

2. Moyenne économique 3. Chargement


(lait/VL) (UGB/ha)

Nombre de VL
Bâtiments Atelier viande
vaches
Race allaitantes
Conduite troupeau …
Génétique
taux d’élevage,
âge au vêlage, Nb de génisses
périodes,
reproduction

(1) Ensilage de maïs plante entière

FIG. 3 - Liens entre densité laitière, moyenne économique et chargement

83
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
10 000 kg/an » ou « mon objectif est d’avoir des vaches laitières à 5 000 kg pour avoir
une conduite tranquille ». L’objectif que je me fixe va dépendre, en particulier si je
veux que mes vaches produisent beaucoup de lait, du potentiel génétique de mon
troupeau. L’objectif de production va définir les orientations du système, à savoir le
choix du mode de conduite alimentaire : « je vais nourrir des vaches différemment si
je veux avoir une moyenne à 10 000 kg ou 5 000 kg de lait/VL ». Certains facteurs
limitants peuvent aussi orienter la conduite de ma production ; par exemple, « j’ai un
quota de 300 000 L de lait mais je n’ai que 40 places pour les VL dans mon bâtiment,
donc ma moyenne économique devra être de 7 500 kg/VL », « avec 50 places, je peux
réaliser mon quota avec une moyenne économique de 6 000 kg/VL ».

Le chargement va résulter du nombre d’UGB et de la SFP. Le nombre d’UGB est


fonction du nombre de VL qui dépend très souvent de la moyenne économique, du
mode de conduite du troupeau laitier : c’est-à-dire du taux d’élevage des génisses,
de l’âge moyen au vêlage (2 ans à 3 ans), des choix faits en matière de conduite de
la reproduction (vêlages étalés ou groupés), de la présence ou non d’un atelier
viande et de son importance (effectifs et catégories d’animaux). Le chargement
dépend aussi du potentiel des sols.

2. Choix de conduites d’une exploitation


Petit exercice pour illustrer cette question de la cohérence d’un système de production.

Lisez ci-après les données concernant l’exploitation de monsieur M. et


les différentes conduites d’exploitation possibles.

1 > Complétez le tableau 1 (p. 86).


2 > Faites ensuite un commentaire pour chaque conduite d’exploi-
tation : vous indiquerez si le système d’exploitation est à votre avis
cohérent (densité laitière, moyenne économique et chargement) ou non.

• Les données de l’exploitation de monsieur M.


L’exploitation de monsieur M., située en zone de plateau à 500 m, a un
quota laitier de 300 000 L de lait sur 100 ha de terre avec un potentiel de
rendement relativement moyen, à savoir 7 t de MS/ha maximum en herbe,
seule production possible au niveau de la SFP. L’exploitation a la possibi-
lité de produire des céréales (rendement moyen 60 quintaux/ha) dans la
mesure où 100 % de la SAU est labourable.

84
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
• Rappel de la valeur UGB des différentes catégories d’animaux

Catégorie d’animaux Valeur UGB

Vache laitière 1

Génisse 2-3 ans (1) 0,8 (1)


– si vêlage à 2 ans : l’élevage
Génisse 1-2 ans (1) 0,6 d’une génisse au cours de son cycle
représente 0,9 UGB (0,3 + 0,6)
Génisse 0-1 an (1) 0,3 – si vêlage à 3 ans : l’élevage
d’une génisse au cours de son cycle
Taurillon 0-18 mois (2) 0,65 représente 1,7 UGB (0,3 + 0,6 + 0,8)
Bœuf 0-3 ans (2) 1,7 (2) Valeur pour la durée de vie
de l’animal
Lait bu par les veaux : 600 L de lait
1 UGB consomme 5,5 T de MS/an
Nombre de veaux vivants/VL = 1
Taux de réforme et de renouvellement = 30 %

• Conduites de l’exploitation possibles


Conduite 1 : le choix de la simplicité. « Je ne produis que mon quota avec
une moyenne économique à 6 000 L et je n’élève pas mes génisses pour des
raisons de simplification et toute la surface est consacrée à la culture de
l’herbe. »
Conduite 2 : j’élève tout. « Je maintiens ma moyenne à 6 000 L de lait mais
je décide de tout élever en faisant des génisses à 3 ans et du bœuf à 3 ans.
Les veaux élevés intra-consomment du lait. »
Conduite 3 : j’intensifie la production laitière. « Je veux des vaches à
9 000 kg et j’élève toutes les génisses pour le renouvellement et la vente
de reproductrices. Les génisses vêlent à 2 ans. Les veaux sont nourris au
lait de vaches. »
Conduite 4 : je veux être autonome. « Je limite ma production par vache à
5 000 kg/VL et cultive la surface nécessaire pour apporter 1 tonne de
céréale par VL. J’élève uniquement les génisses de renouvellement avec
vêlage à 3 ans et les nourris au lait de VL ».
Conduite 5 : je veux concilier autonomie et valorisation optimale de la SFP :
« Même conduite qu’en 4 mais je fais en sorte de valoriser le potentiel de
production d’herbe qui est de 7 t de MS/ha en élevant des bœufs à l’herbe. »

85
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
Conduite 6 : je veux intensifier surface et atelier lait : « Je choisis de consa-
crer la moitié de la SAU à la production céréalière et décide d’intensifier la
production laitière. Je me donne comme objectif de produire 8 000 kg de
lait/VL en élevant des génisses à 2 ans uniquement pour le renouvelle-
ment. »

Conduites 1 2 3 4 5 6

Quota 300 000 300 000 300 000 300 000 300 000 300 000

SAU 100 100 100 100 100 100

Quota/ha
3 000 3 000 3 000 3 000 3 000 3 000
de SAU

Lait produit .................. .................. .................. .................. .................. ..................

Moyenne
.................. .................. .................. .................. .................. ..................
économique

Nb de VL .................. .................. .................. .................. .................. ..................

UGB génisses .................. .................. .................. .................. .................. ..................

UGB viande .................. .................. .................. .................. .................. ..................

Total UGB .................. .................. .................. .................. .................. ..................

SFP .................. .................. .................. .................. .................. ..................

SNF .................. .................. .................. .................. .................. ..................

UGB/ha de SP .................. .................. .................. .................. .................. ..................

Lait/ha de SFP .................. .................. .................. .................. .................. ..................

Lait/ha de SFP
consacré au .................. .................. .................. .................. .................. ..................
troupeau laitier

TAB. 1 - Tableau à compléter

86
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Commentaire
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

87
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
Réponse 1 > Voici le tableau tel que vous avez dû le compléter.

Conduites 1 2 3 4 5 6

Quota 300 000 300 000 300 000 300 000 300 000 300 000

SAU 100 100 100 100 100 100

Quota/ha
3 000 3 000 3 000 3 000 3 000 3 000
de SAU

Lait produit 300 000 336 000 306 000 310 000 320 000 312 000

Moyenne
6 000 6 000 9 000 5 000 5 000 8 000
économique

Nb de VL 50 56 34 62 62 39

UGB génisses 0 47,6 9,2 32,3 32,3 10,8

UGB viande 0 47,6 0 0 16,7 0

Total UGB 50 151,2 43,2 94,3 113 49,8

SFP 100 100 100 90 89 50

SNF 0 0 0 10 11 50

UGB/ha de SP 0,5 1,51 0,43 1,05 1,27 1

Lait/ha de SFP 3 000 3 360 3 100 3 440 3 596 6 240

Lait/ha de SFP
consacré au 3 000 4 905 3 100 3 440 4 220 6 240
troupeau laitier

TAB. 2 - Tableau complété

Réponse 2 > Voici les commentaires que l’on peut faire pour chaque
conduite d’exploitation.

Les conduites 1 et 3 paraissent incohérentes car elles ne permettent pas de


valoriser la SFP avec un chargement extrêmement faible. Une trop grande
simplification du système, qui peut être intéressante du point de vue du
travail, peut entraîner une sous-valorisation de la surface économiquement

88
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
préjudiciable (conduite 1). La recherche de la performance au niveau du
troupeau laitier avec une très forte moyenne par vache, qui pourrait être
analysée comme un point fort de l’exploitation si on ne regarde que ce cri-
tère de productivité, peut avoir pour conséquence une non-maîtrise du sys-
tème de production et un gaspillage important de ressources fourragères
ainsi qu’un coût certainement élevé de l’alimentation du troupeau laitier
(conduite 3).

La conduite 2 cohérente du point de vue de la conduite de la production


laitière est trop intensive au niveau de la SFP car le système ne peut sup-
porter un chargement de 1,5 UGB/ha. Avec un potentiel de 7 t de MS
d’herbe/ha, le chargement maximal possible est de 1,27 UGB/ha (7 t de MS
/5,5 t de MS consommés/UGB). Au-delà de ce chargement, l’exploitation
souffrira d’un déficit chronique en fourrage.

La conduite 4 est relativement cohérente mais n’optimise pas suffisam-


ment la SFP car le chargement est de 1,05 UGB/ha.

La conduite 5 semble le système le plus cohérent car il permet de valori-


ser de manière optimale la SFP (c’était un des objectifs de conduite du sys-
tème). La moyenne économique est peu élevée (point faible ?) et pourrait
éventuellement être augmentée pour diminuer la taille du troupeau laitier
et accroître le nombre de bœufs élevés. La densité laitière est plus élevée
du fait d’une production de lait plus importante sur une SFP destinée au
troupeau laitier plus réduite.

La conduite 6 : la voie intensive cohérente ? Ce mode de conduite vise à


optimiser les facteurs de production (quota, potentiel de rendement, sur-
face de rendement…). Si les charges sont bien maîtrisées, cette conduite
intensive peut donner de très bons résultats économiques.

89
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
Étape 3 Le bon équilibre social :
concilier revenu et qualité de vie
Pour terminer sur cette partie traitant de la cohérence dans un diagnostic
d’exploitation, nous allons aborder un point sur la question du bon équilibre social,
à savoir la mise en relation entre revenu et qualité de vie.
Un fois de plus, nous nous aiderons d’un schéma simple pour mettre en évidence cette
notion fondamentale de cohérence sociale (fig. 4).
Nous ne ferons qu’aborder cette problématique, pourtant de plus en plus présente
dans le questionnement des exploitants, dans la conduite de leur entreprise.

2. Qualité de vie
(familiale, personnelle,
travail)

Capacité
Le bon d’organisation
équilibre
social

1. Revenu 3. Temps de travail


disponible et
confort de travail

Le bon Moyens de production


équilibre
économique
Politique d’investissement
et financier

2. EBE 3. Annuités Financement


des investissements

FIG. 4 - Équilibre entre revenu disponible, qualité de vie,


temps et conditions de travail

Nous pouvons, à travers cette figure qui clôt cette partie sur la cohérence dans un
diagnostic global, nous rendre compte que la cohérence sociale repose sur un équi-
libre entre revenu disponible, qualité de vie, temps et conditions de travail.

90
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Au final, il s’agit pour l’agriculteur d’aboutir à un équilibre (« social ») entre :
– un revenu disponible : qui permet un certain niveau de prélèvements privés, donc
d’assurer (ou non) un niveau de vie en adéquation avec les objectifs stratégiques
que l’exploitation s’est fixés. Le revenu disponible va aussi servir à autofinancer
les investissements et donc réduire éventuellement le poids des annuités de
l’exploitation. Comme nous l’avons vu précédemment, le revenu disponible dépend
de la cohérence économique de l’exploitation. On peut mettre en relation le niveau
de vie permis par les prélèvements privés avec la qualité de vie et le temps de tra-
vail ;
– la qualité de vie, à la fois personnelle, familiale et professionnelle. Ces notions ren-
voient aux aspirations, au ressenti des différents membres du Système Exploita-
tion-Famille. On est dans le domaine du diagnostic qualitatif. On reviendra sur ce
point du « qualitatif » dans les critères et indicateurs de diagnostic (étape 1 de la
séquence 4 ) car ils sont parfois aussi importants que les aspects quantitatifs ;
– la question du temps de travail mais aussi des conditions de travail, dernier point
du triangle de la cohérence sociale, est fonction des capacités organisationnelles
des personnes travaillant sur l’exploitation mais aussi de la fonctionnalité des
moyens de production (foncier, bâtiments, équipements, matériel, cheptel). Ces fac-
teurs de production sont, pour beaucoup d’entre eux, le reflet de la politique
d’investissement et de modernisation initiée par les acteurs de l’exploitation afin
d’améliorer leurs conditions de travail. L’investissement pose la question de son
financement, en particulier le recours aux emprunts qui généreront de nouvelles
annuités et modifieront par là-même la cohérence économique et financière de
l’exploitation.

RÉCAPITULONS
La question que pose le diagnostic global est de savoir si le Système
Exploitation-Famille est cohérent, tant au niveau économique et financier
que social (et on pourrait aussi ajouter environnemental).

Nous allons passer maintenant à la séquence 4, portant sur les indicateurs ou cri-
tères de jugement. L’objectif est de développer l’esprit critique de l’utilisateur des
indicateurs et critères, de mettre en évidence que leur utilisation n’est pas neutre.
Séquence 4

Relativiser les résultats :


comparaison à un groupe
et aux années passées
À l’issue de cette séquence,
vous devrez être capable :
• d’utiliser des critères et indicateurs
de jugement ;
• d’élaborer des critères de jugement
pertinents ;
• de situer l’exploitation dans un groupe
(références spatiales) ;
• d’étudier l’évolution des résultats
(références temporelles).
Nous travaillerons, dans cette quatrième séquence, sur les indicateurs ou critères de
jugement à savoir la nécessaire comparaison avec des données de groupe et/ou des
références (références spatiales) mais aussi avec des évolutions (références tempo-
relles). L’objectif de cette étape ne sera pas d’établir une liste des critères à utili-
ser pour diagnostiquer une exploitation agricole, ce qui s’avérerait long et ambitieux,
pour ne pas dire impossible, mais de développer son regard critique sur cette notion
d’indicateur qui, comme son nom le laisse supposer, vise à « indiquer » une situation
comme on « indique une direction ». Il s’agira donc de bien comprendre que les cri-
tères de jugement sont porteurs de subjectivité et qu’il convient de se poser la
question du sens donné aux critères employés.
Nous allons, dans un premier temps, aborder les différents types de critères que nous
pouvons employer dans un diagnostic en cherchant à éveiller le lecteur à la ques-
tion du sens que l’on veut bien donner aux indicateurs employés (étapes 1 et 2),
ensuite, nous préciserons ce qu’on entend par références spatiales, plus précisément
ce qui se cache derrière les termes de données de groupe et de références (étape 3),
puis nous terminerons cette séquence par une analyse de la notion de références tem-
porelles (étape 4).

Étape 1 Utiliser des critères et indicateurs


de jugement
Dans l’article extrait de la revue Réussir Lait-élevage « Un élevage dynamisé par la filière
AOC Époisses » (document 1 page 67), l’expert, responsable technique au Contrôle
laitier de Côte-d’Or, utilise des indicateurs de jugement et des repères ou références
pour émettre un avis. Il utilise, par exemple, l’indicateur de « produit global par
1 000 litres de lait » et le compare à une moyenne de groupe, groupe formé des éle-
veurs de Brunes de Côte-d’Or. Il fait aussi référence au « poids des annuités sur
l’EBE » et considère qu’avec un ratio de 39 %, l’exploitation est dans une situation
financière saine.

Tout au long de l’article, de nombreux indicateurs et critères ont été utilisés pour
réaliser un diagnostic de l’exploitation ; ils ont été comparés à des données de
groupe pour constituer des références spatiales. On peut aussi comparer les résul-
tats actuels avec des résultats passés pour établir des références temporelles.

94
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
RÉCAPITULONS
Pour réaliser le diagnostic d’une exploitation, il faut disposer ou élaborer
des références chiffrées qui permettent de relativiser des résultats par rap-
port à une situation ou un atelier comparable : c’est ce qu’on appelle des
références spatiales ; mais on va aussi comparer ces résultats par rapport
aux années passées et établir ainsi des références temporelles.

1. La question de la pertinence des critères de jugement


La construction de références est indispensable pour relativiser une situation don-
née. Cependant, le contenu des références doit être maîtrisé et leur utilisation rai-
sonnée. Il est important de se poser la question du sens que l’on donne au critère
que l’on utilise au risque d’aboutir à des interprétations trop simplistes voire erro-
nées.
Le petit exercice qui suit va permettre d’illustrer ce propos.

Étudiez les figures 1 et 2 (p. 96 et 97).


Ces graphiques présentent la relation existant entre marge brute(1) et
moyenne économique(2).

1 > Faites ensuite un commentaire sur l’évolution des 3 ratios(3) sui-


vants : « la marge brute/vache laitière » (fig. 1), « la marge brute/
1 000 litres de lait » (fig. 1), et « l’efficacité économique ou marge
brute/produit total de l’atelier lait » (fig. 2).
Pour chaque ratio, indiquez ce qu’un éleveur pourrait conclure de cette
évolution.
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

(1) Marge Brute = Produit global d’un atelier – Charges opérationnelles de l’atelier
(2) Moyenne économique = Lait total produit/Effectif moyen de vaches laitières présentes au cours
d’un exercice
(3) Ratio = rapport entre 2 valeurs (par exemple, la marge brute/1 000 litres de lait)

95
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

2 > Quelle conclusion en tirez-vous ?


.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

.......................................................................

€/1 000 L
Marge Brute/VL
Marge Brute/1000 l
€/VL

2 000 320

300
1 500

280

1 000

260

500
240

0 220
3 000 3 500 4 000 4 500 5 000 5 500 6 000 6 500 7 000 7 500 8 000 8 500 9 000 L / VL / an
Source : Données Contrôle laitier de Haute-Marne, 2000

FIG. 1 - Moyenne économique et marges brutes

96
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
72,0%

Marge brute/Produit total


71,0%

70,0%

69,0%

68,0%

67,0%

66,0%

65,0%

64,0%
3 000 3 500 4 000 4 500 5 000 5 500 6 000 6 500 7 000 7 500 8 000 8 500 9 000 L / VL / an
Source : Données Contrôle laitier de Haute-Marne, 2000

FIG. 2 - Moyenne économique et efficacité économique

Réponse 1 > Commentaire sur l’évolution des trois ratios

La Marge Brute/VL : augmente avec l’élévation de la moyenne économique


des vaches laitières. On peut en conclure qu’un éleveur a intérêt à inten-
sifier sa production par VL pour améliorer la Marge Brute de l’atelier lait.

La Marge Brute/1 000 litres de lait : diminue avec l’élévation de la


moyenne économique des vaches laitières. On peut en conclure qu’un éle-
veur a intérêt à diminuer la moyenne économique de ses vaches laitières
pour augmenter la Marge Brute de l’atelier lait.

L’efficacité économique : c’est le rapport entre la marge brute et le pro-


duit total de l’atelier lait. On remarque que l’efficacité économique dimi-
nue avec l’élévation de la moyenne économique des vaches laitières. Ainsi
pour une moyenne de 4 500 litres, quand le produit lait est de 100 € la
marge brute est de 68 € alors qu’avec des vaches à 9 000 L, quand le pro-
duit lait est de 100 € la marge brute n’est plus que de 64,50 €.

97
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
Réponse 2 > Conclusion
Les 2 premiers ratios concernant la marge brute lait donnent des indications
complètement contradictoires. Le premier ratio appuierait la logique inten-
sive et le second la logique extensive. Le ratio sur « l’efficacité écono-
mique » conforte les indications données par le ratio marge brute/
1 000 litres.

Quel est alors le bon ratio ?


Le bon ratio ne serait-il pas celui qui met en relation un résultat (la marge brute lait)
avec le facteur le plus limitant : est-ce le quota laitier ou le nombre de vaches lai-
tières ?
On aurait tendance à penser immédiatement au quota laitier car cela concerne la tota-
lité des producteurs de lait.
À l’inverse, un vendeur d’aliment du bétail va chercher à démontrer que l’aliment qu’il
vend est bon pour l’économie de l’exploitation car il augmente la marge brute/VL.
Le conseiller agricole va prouver l’inverse en étudiant le ratio marge brute/1 000 litres.

Ce petit exercice met en évidence qu’il convient de toujours se poser la question de


ce que le critère, l’indicateur veut justement bien indiquer, démontrer. Quel est son
objectif ? À quoi et surtout à qui sert-il ? Est-il pertinent pour diagnostiquer l’ex-
ploitation ?

Sans remettre en cause l’intérêt des ratios pour pouvoir comparer des résultats entre
exploitations, il est parfois pertinent de raisonner avec des données globales ou des
valeurs brutes. Pour revenir à l’exercice précédent, le raisonnement par la Marge
Brute Globale peut s’avérer tout à fait pertinent.

98
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
RÉCAPITULONS
« L’élaboration du diagnostic global sollicite un avis ou un jugement d’ex-
pert sur le fonctionnement de l’exploitation. Qui dit jugement dit critères
de jugement. Il n’y a pas de diagnostic sans point de vue. » (in « Fonc-
tionnement et diagnostic global de l’exploitation agricole », Éric Marshall,
Jean-Régis Bonneviale, Isabelle Francfort, ENESAD-SED, 1997)
Les critères ou indicateurs de jugement sont les éléments ou normes par rap-
port auxquels l’expert élabore un jugement, émet un avis et caractérise les
points forts et les points faibles de l’exploitation.
– Les critères traduisent le point de vue adopté, l’intention.
– Les critères peuvent être ceux de partenaires extérieurs : banque, four-
nisseur, technicien agricole, conseiller de gestion, technicien du contrôle
laitier, ou ceux des membres de l’exploitation.

Abordons maintenant les principales catégories d’indicateurs et critères de juge-


ment que l’on va utiliser dans un diagnostic. Ces indicateurs peuvent être quantita-
tifs mais aussi qualitatifs. Ce qui va être développé sur ce sujet dans les 3 pages qui
suivent reprend les idées du livre « Fonctionnement et diagnostic global de l’exploi-
tation agricole », Éric Marshall, Jean-Régis Bonneviale, Isabelle Francfort, ENESAD-
SED, 1997, pages 88 à 90.

2. Les critères de jugement compréhensif


C’est le prolongement direct de l’approche globale. L’expert tient compte dans son
jugement des finalités des acteurs et de la situation (atouts/contraintes) dans
laquelle ils se trouvent.

La série de questions suivante doit être posée pour réaliser un diagnostic global d’ex-
ploitation.

Le fonctionnement de l’exploitation est-il efficient aux yeux des acteurs ?


Les résultats obtenus sont-ils conformes aux résultats prévus ? Les objectifs atteints
sont-ils conformes aux objectifs attendus ? Sinon, pourquoi ?
L’expert va juger l’écart existant entre les objectifs fixés et la réalité à savoir les résul-
tats obtenus.

99
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
On retrouve cette démarche dans le diagnostic agronomique » (le rendement obtenu
est-il conforme au rendement objectif ?), le diagnostic du système d’élevage (les résul-
tats obtenus au niveau d’un troupeau sont-ils en adéquation avec ce que l’éleveur
en attend ?), le diagnostic du système fourrager (le bilan fourrager est-il suffisam-
ment sécurisé ?).

Le fonctionnement de l’exploitation est-il cohérent ?


Cette question de la cohérence a certes déjà été abordée dans l’étape 3, cependant,
nous allons maintenant identifier les points à aborder pour structurer un diagnostic
global d’exploitation autour de cette notion de la cohérence.
Plusieurs aspects peuvent être concernés, et notamment la cohérence des pratiques
et la cohérence entre décisions et finalités.
• La cohérence des pratiques
Par exemple, un éleveur qui choisirait d’augmenter la moyenne économique de son
troupeau laitier sans modifier ses pratiques alimentaires ni sa stratégie de conduite
de la surface fourragère pourrait obtenir des résultats défavorables, faute de cohé-
rence suffisante. Le travail de l’expert va donc consister à replacer les résultats
obtenus par rapport à la cohérence des pratiques mises en œuvre.
• La cohérence entre décisions et finalités
Par exemple, un exploitant ayant pour finalité d’améliorer son revenu décide de
développer un atelier de vente directe. Mais cette décision entraînant un surcroît de
travail l’oblige à négliger certaines opérations techniques, ce qui pénalise les ren-
dements, donc l’approvisionnement de l’atelier vente directe et par conséquent le
revenu. L’expert va analyser la cohérence inhérente au schéma de fonctionnement.

Le fonctionnement de l’exploitation est-il adaptable ?


L’expert va juger de la capacité de l’exploitation à faire face dans son fonctionne-
ment aux aléas de toutes natures (climatiques, économiques, politiques…) qui peu-
vent provenir soit de l’environnement, soit de la dynamique interne de l’exploitation
(familiale ou sociale). L’expert va juger de la souplesse de fonctionnement de l’ex-
ploitation.

Le fonctionnement de l’exploitation est-il durable ?


L’expert va juger de ce qui favorise ou non la reproductibilité de l’exploitation sur
les plans économique, technique, environnemental et social.

100
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Le fonctionnement de l’exploitation est-il modifiable ?
Autrement dit, quels atouts (ou quelles contraintes) favorisent (ou handicapent) le
développement de l’exploitation ? Quelles contraintes pourraient être levées pour abou-
tir à un fonctionnement plus satisfaisant de l’exploitation dans le respect des fina-
lités des acteurs ? Quels atouts ne sont pas valorisés ?

3. Les critères de jugement normatif


Les normes sont faites pour mesurer les performances de l’exploitation
L’expert va juger les résultats de l’exploitation par rapport à des normes, c’est-à-dire
indépendamment d’un fonctionnement ou des objectifs de l’agriculteur. Il juge l’ef-
ficacité de l’action de l’agriculteur à partir d’un référentiel externe à l’exploitation.
Le point de vue normatif est réducteur mais il reste utile car les écarts entre la norme
et une réalité sont susceptibles de faire réfléchir l’agriculteur et de questionner les
raisons de ses choix : « pourquoi ne suis-je pas dans la norme ? ».

Les normes dépendent de modèles


Les limites se situent non pas dans le caractère normatif de la démarche mais plu-
tôt dans la nature et le choix des normes utilisées qui dépendent de modèles tech-
niques (modèle d’élaboration de performances : par exemple, l’écart entre 2 vêlages
doit être de 365 jours), technico-économiques (intensif/extensif), voire politiques
(définition de l’exploitation professionnelle/non professionnelle, les limites des
aides à l’installation…). Les normes peuvent aussi dépendre de l’existence de modèles
relatifs à des combinaisons de processus productifs, ce qu’on pourrait appeler des
normes systèmes développées par le Réseau Référence dont la vocation est d’établir
des références (donc des normes) dans des systèmes de production (systèmes de mon-
tagne, systèmes de plaine intensifs, systèmes herbagers, systèmes autonomes et
économes…).

Les normes sont subjectives


Comme nous l’avons vu au début de cette étape, les normes sont propres à chaque
expert ou à son institution d’appartenance, d’où la nécessaire prudence qui doit accom-
pagner toute utilisation de normes.

Les normes sont évolutives


Les normes existantes sont évolutives et tiennent compte du contexte politique et
économique, de l’apparition de nouvelles contraintes par exemple environnementales

101
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
(l’interdiction de certains produits phytosanitaires ou leur réduction oblige l’agriculteur
à revoir ses itinéraires techniques) ou économiques (certification, cahier des charges,
charte des bonnes pratiques).

Il n’existe pas de normes pour tout…


Comme nous l’avions évoqué dans la présentation sur l’histoire comparée entre l’évo-
lution de l’agriculture et les méthodes de diagnostic de l’exploitation agricole
(première séquence du livret), le diagnostic de l’exploitation devient plus complexe.
De nouveaux domaines d’investigation sont abordés, à savoir les domaines du social
et de l’environnemental. Or, pour ces domaines, soit les normes sont inexistantes ou
en cours d’élaboration (en particulier sur le temps de travail en agriculture, les
bilans énergétiques) ou elles sont difficilement quantifiables (il semble difficile de
définir une norme du bien-être dans son travail ou des normes sur la qualité de vie).
Cette complexification du diagnostic de l’exploitation qui justifie en partie l’appel-
lation de diagnostic global, fait que l’exploitation agricole n’est pas seulement jugée
selon le seul critère de l’efficacité mais selon d’autres critères (le respect de l’envi-
ronnement, la qualité des produits, la prise en compte de la dimension sociale de
l’activité…). On introduit alors des jugements multicritères qui rendent plus diffi-
cile le jugement normatif.
Les jugements compréhensifs et normatifs sont complémentaires et peuvent être croi-
sés, dans la mesure où des normes et des références existent.

Étape 2 Élaborer des critères de jugement


pertinents
L’objectif de cette rubrique n’est pas de lister les critères à utiliser pour réaliser un
diagnostic mais de les classer par grandes familles.

1. Les grandeurs correspondent à des valeurs brutes,


des montants
Par exemple, l’EBE, les charges opérationnelles, la Marge Brute Globale, les charges
de structure, la valeur de l’actif de l’exploitation, le montant des immobilisations cor-
porelles, les annuités, le temps de travail d’astreinte…

102
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Ces indicateurs ont un intérêt limité car ils ne permettent pas les comparaisons
avec des références spatiales. En revanche, ils peuvent être analysés en les compa-
rant dans le cadre d’une évolution (la référence temporelle). Comment a évolué l’EBE
de l’exploitation au cours des 5 dernières années ? L’actif de l’exploitation a-t-il
augmenté et quels sont les différents postes de cet actif qui ont le plus progressé :
les immobilisations corporelles, les animaux reproducteurs, les stocks ?

2. Les ratios (ou valeurs relatives) établissent


des rapports entre deux grandeurs
Dans un diagnostic, les ratios peuvent être très nombreux et sont beaucoup utilisés
car ils servent à caractériser l’exploitation, à mesurer l’efficacité d’une exploitation,
à indiquer des seuils de risque.

Caractériser l’exploitation, en particulier au niveau de sa dimension, sa taille


(SAU/UTH, quota laitier/UTH, actif/UTH, actif/ha de SAU, actif/1 000 litres de
lait…), ses caractéristiques en tant que système de production pour savoir si l’on a
à faire à une exploitation plutôt extensive ou plutôt intensive (quota laitier/ha de
SFP, UGB/ha de SFP…).

Mesurer l’efficacité d’une exploitation :


– au niveau technique : rendements par culture (quintaux ou tonnes de MS/ha), la
moyenne économique, le nombre d’inséminations /insémination fécondante,
– au niveau économique : EBE/UTH, EBE/Produit Brut, Charges opérationnelles/Pro-
duit Brut, Charges opérationnelles/ha ou /1 000 L de lait,
– au niveau financier : la rentabilité du capital d’exploitation (EBE/capital d’exploi-
tation),
– au niveau travail : le travail d’astreinte/UGB ou /1 000 L de lait, le temps de tra-
vail de saison des cultures/ha de SNF,
– au niveau environnemental : le bilan NPK/ha, le bilan énergie/ha, l’efficacité éner-
gétique de l’exploitation (énergie sortante/énergie entrante).
La mesure de l’efficacité d’une exploitation va très souvent se faire en mettant en
relation un indicateur avec le facteur le plus limitant ou celui qui correspond le mieux
aux caractéristiques de l’exploitation. Par exemple, pour une exploitation spéciali-
sée en production laitière, la quasi-intégralité des ratios peut être calculée par rap-
port à 1 000 litres de lait produit. Pour une exploitation en polyculture-élevage, les
ratios doivent être calculés par ha de SAU.

103
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
Cette mesure de l’efficacité ou efficience va aussi se faire en fonction des produits
de l’exploitation : l’EBE/produit brut, les charges opérationnelles/produit brut, les
charges de concentrés/produit brut animal. L’avantage de ces ratios établis à partir
du produit brut ou du produit d’une activité (animale ou végétale) est qu’il est très
synthétique et qu’il permet d’approcher la rentabilité de l’exploitation : « Pour 100 €
de produit, quel est mon niveau d’EBE, de combien pèsent mes charges opération-
nelles ? »

Indiquer des seuils de risque


Cette famille de ratios est beaucoup utilisée en analyse financière : le taux d’endet-
tement (total des dettes/passif), les ratios de solvabilité, le poids des annuités/EBE,
le total des emprunts MLT/EBE (nombre d’années d’EBE pour payer les encours ban-
caires à moyen long terme).
Le seuil de risque est très lié à l’existence de normes définies par des organismes ou
institutions dont fait partie la banque entre autres.

3. Les indicateurs qualitatifs


Bien que difficilement chiffrables pour ne pas dire inchiffrables, ils constituent des
indicateurs très importants dans un diagnostic. On peut citer, pêle-mêle, le bien-être
des personnes, le bien-être animal, la qualité de vie personnelle, professionnelle et
familiale, le plaisir du métier, la qualité des produits, la qualité de l’environnement
et des paysages…

Comme nous l’avons vu précédemment, les critères et indicateurs élaborés au niveau


d’une exploitation doivent être expertisés à partir d’un référentiel : les références spa-
tiales.

Étape 3 Situer l’exploitation dans un groupe


(références spatiales)
Réaliser un diagnostic d’une exploitation agricole demande de comparer les résul-
tats de cette dernière avec les données d’un « groupe d’appartenance » à partir
duquel on va extraire des références spatiales.

104
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Les références spatiales posent la question de l’origine de ces références : d’où vien-
nent-elles ? Comment a été constitué le groupe ? Est-il représentatif, homogène,
pertinent par rapport à l’exploitation diagnostiquée ?
Il convient donc de choisir une analyse de groupe formée d’un échantillon d’exploi-
tations le plus proche possible de l’exploitation étudiée et de situer l’exploitation
en fonction des critères de classification utilisés.

1. Les critères de constitution d’un groupe


Ce groupe d’exploitations doit constituer un groupe homogène et former ce qu’on
appelle une typologie d’exploitations qui est le plus souvent constituée à partir :
– des critères de localisation dans une aire géographique homogène : une petite
région naturelle, une zone particulière (plaine, vallée, montagne…), un départe-
ment, une région ;
– des critères dépendant de l’Orientation Technico-Économique d’Exploitation (OTEX) :
système grande culture, système polyculture-élevage, système spécialisé viande, sys-
tème spécialisé lait ;
– des critères de type de production : production de poulets industriels, production
de poulets labels, production de lait industriel, production de lait AOC ;
– des critères de mode de production ou de conduite : système lait intensif à base
d’ensilage, système lait à base d’herbe, système extensif, système autonome et éco-
nome ;
– des critères de taille d’exploitation dans un système donné : systèmes lait ayant
un quota de moins de 150 000 litres de lait/UTH, de 150 à 250 000 litres, système
ayant plus de 150 ha ;
– des critères de facteurs de production : foncier, type de bâtiment, importance de
la main-d’œuvre ;
– des critères de statut juridique : exploitation individuelle, de forme sociétaire ;
–…

Le groupe peut être constitué à partir d’un seul critère (ce qui est plutôt rare) ou à
partir d’un mélange de plusieurs critères. Il est évident que le groupe sera d’autant
plus proche de l’exploitation, donc aura valeur de groupe d’appartenance, qu’il a été
constitué de multiples critères. Cependant, la constitution d’un groupe homogène et
auquel l’exploitation pourra vraiment se comparer reste rare.

105
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
Attention ! Un groupe constitué à partir d’un nombre d’exploitations trop restreint
ne permettra pas de se comparer ou tout du moins ne sera pas très représentatif.

EXEMPLE
La figure 3 ci-contre présente un exemple de typologie des exploitations
agricoles. Cette typologie est basée sur les critères suivants : zone de plaine-
basses vallées, plateau - montagne, statut juridique, référence laitière,
taille, système fourrager, niveau d’intensification, et degré de modernisa-
tion et a permis de constituer 6 groupes d’exploitations.

Le groupe peut être aussi constitué à partir d’un choix de critères ciblés visant à pro-
duire des références nouvelles en fonction de ce qu’on a envie d’étudier. Par exemple,
si l’on fait une étude sur le temps de travail en élevage laitier parce qu’on manque
de références dans ce domaine, on peut constituer la typologie à partir de facteurs
de production qui paraissent a priori avoir une incidence sur le temps de travail ou
sur le nombre d’UTH.
Quand on compare les résultats d’une exploitation à un « groupe d’appartenance »,
il faut systématiquement s’interroger pour savoir si l’exploitation est vraiment proche
du groupe ou pas, et comment a été constitué le groupe. Nous en revenons à nou-
veau à l’application du principe de prudence.
Dans un diagnostic, l’élaboration des points forts et des points faibles peut très bien
se faire en comparant les résultats de l’exploitation avec des références provenant
de différentes sources. Par exemple, les données économiques générales peuvent être
analysées au regard des données de groupe du centre de gestion, les résultats tech-
nico-économiques du troupeau laitier seront diagnostiqués à partir des informa-
tions du contrôle laitier, l’organisation du temps de travail va être décortiquée grâce
aux résultats d’une enquête réalisée auprès des exploitations spécialisées lait de la
région, les résultats financiers seront étudiés en les comparant aux références de la
banque, le diagnostic environnemental pourra être réalisé à partir d’un code des bonnes
pratiques, etc.
Les ressources et références existent, elles sont de plus ou moins bonne qualité, le
tout est d’utiliser les meilleures du moment.

106
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Plateau - Montagne (ZM)
M6 (30 % ZM)
– Grosses structures sociétaires
à forte référence laitière
– Modernisées
– Système foin (séchage 1/3)
M5 (37 % ZM) – Lait à contrainte majoritaire
– Exploitations individuelles à (zone AOC)
quota relativement important
– Modernisées récemment
– Assez intensives V2 (38 % ZB)
– Fort pourcentage de séchage
(54 %) – Grosses structures
M4 (25 % ZM) sociétaires laitières
– Exploitations MV3 (8 % ZM et 35 % ZB) de zone basse
individuelles à faible – Maïs dominant
– Exploitations individuelles
référence laitière
à structure assez importante
– Très économes en
– Système maïs
investissement
– Foin traditionnel
Quota +
majoritaire
– J.A. bien représentés V1 (27 % ZB)
(54 %)
– Exploitations individuelles Individuels GAEC
à faible référence laitière
– On introduit le maïs
dans les rations de base Quota –

Plaine - Basses vallées (ZB)


FIG. 3 - Exemple de typologie d’exploitations agricoles
2. La classification du groupe : base de comparaison
pour mesurer les performances
Une classification par quartiles
L’analyse de groupes homogènes d’appartenance est le plus souvent réalisée à par-
tir de la constitution de 3 sous-groupes formés sur le principe du quartile (décou-
page par 1/4). On trouve donc :
– le groupe de tête ou le 1/4 supérieur : ce sont les meilleurs résultats du groupe,
– le groupe de queue ou le 1/4 inférieur : ce sont les moins bons résultats du groupe,
– le groupe médian formé de la moitié des exploitations qui n’appartiennent pas aux
deux précédents groupes.
On peut rajouter à cette classification, le résultat moyen de l’ensemble des exploi-
tations formant le groupe. On peut aussi chercher à produire des « références », à savoir
des « valeurs-objectifs », un « modèle » que l’exploitation doit chercher à atteindre.
Ces références sont formées le plus souvent à partir des meilleurs résultats ; « la crème
de la crème » en quelque sorte. Ce sont, par exemple, « les 10 meilleurs EBE du
groupe ».

Quel est l’indicateur, le critère ou le résultat qui va être la base de la classifi-


cation en quartile ?
Le grand danger dans les comparaisons est d’effectuer une comparaison critère par
critère. Cette approche, très pratiquée à une époque, fait perdre toute vision globale
de l’exploitation, la cohérence du système est niée au profit d’un « saucissonnage »
de l’exploitation.
Le critère ou indicateur choisi pour constituer le découpage par quartiles est très impor-
tant dans cette phase du diagnostic puisque l’exploitation peut se trouver dans un
quartile ou dans un autre selon le choix qui a été fait. Par exemple, une exploita-
tion de taille importante avec une UTH va se trouver dans le groupe de tête en EBE/UTH
alors que le critère d’efficacité économique EBE/Produit Brut classerait l’exploitation
dans les moins performantes.
On va le plus souvent trouver comme base de constitution des quartiles l’EBE/UTH.
Mais on pourrait tout autant prendre l’EBE/Produit Brut, l’EBE/1 000 litres de lait,
le revenu disponible/UTH, le temps de travail…
À ce niveau, le choix qui est fait par l’expert ou l’institution oriente bien évidem-
ment le diagnostic.

108
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Étape 4 Étudier l’évolution des résultats
(références temporelles)
Dans un diagnostic d’exploitation portant sur des aspects techniques, économiques
et financiers, il est primordial d’étudier l’évolution des résultats sur plusieurs années
pour gommer un effet « année » (une bonne année, comme une mauvaise n’est pas
représentative d’une « année normale ») ou prendre la mesure d’une tendance ou
d’une moyenne ou encore appréhender les capacités d’adaptation de l’exploitation
à son environnement ou à des événements.

Les références temporelles posent 2 questions essentielles : quelle durée d’étude


choisir et qu’indique la tendance ?

1. Le choix de la durée
Il semble qu’une durée optimale d’étude pour un diagnostic technico-économique et
financier soit de 5 ans. Au-delà, cela paraît trop long, en dessous de cette durée, le
risque est de passer à côté d’événements climatiques, économiques ou personnels
et familiaux.

Dans le cas d’un diagnostic financier, s’appuyant essentiellement sur une analyse du
bilan, outil statique par excellence puisqu’il présente la situation de l’exploitation
à une date donnée, il est possible d’allonger la durée d’étude pour pouvoir prendre
en compte des événements importants dans l’histoire de l’exploitation : une instal-
lation, un départ en retraite, une séparation, un agrandissement, un investissement
conséquent… En effet, il peut être important dans un diagnostic financier de pou-
voir mettre en évidence que la situation financière actuelle résulte d’événements, de
décisions passées et d’en analyser et l’origine et les conséquences.

Un écueil est la non-permanence dans les modalités de calcul. En effet, il convient


de pouvoir comparer des éléments comparables. Par exemple, la réforme de la Poli-
tique Agricole Commune qui a introduit le système des Droits à Paiement Unique (DPU),
se substituant complètement ou en partie au système des aides directes modifie l’ap-
proche économique d’une exploitation. Ainsi, jusqu’en 2005, la marge brute d’un ate-
lier prenait en compte dans son calcul les aides directes puisqu’elles étaient atta-
chées à l’atelier mais à partir de 2006, une partie de ces aides n’étant plus liée à l’acte

109
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
de production et se transformant en DPU, la marge brute du même atelier sera ampu-
tée du montant de la DPU. Il ne sera donc plus possible, à compter de 2006, de com-
parer la marge brute d’un atelier avec les années précédentes.

2. L’évolution des résultats est un élément de diagnostic


L’évolution des résultats est très importante dans l’analyse d’une exploitation car elle
va indiquer une orientation, une tendance, elle apporte des éléments pour élaborer
le diagnostic de l’exploitation. La tendance permet d’analyser les résultats d’au-
jourd’hui au regard de ce qu’ils étaient dans les années passées.

Les schémas ci-contre (fig. 4) ont pour ambition de mettre en évidence les différentes
situations que l’on peut rencontrer dans le cadre d’un diagnostic d’exploitation agri-
cole. Pour chacune des situations présentées, il est primordial de se comparer avec
les évolutions des données de groupe. Par exemple, un résultat d’exploitation peut
baisser (situation 3), ce qui constitue un point faible mais si cette baisse est moins
importante que celle du groupe, cela permet de relativiser cette baisse et d’en
déduire plutôt un point fort : « certes il y a eu baisse des résultats mais ils restent
supérieurs aux données de groupe ».

110
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Situation 1 : des résultats stables
Une telle évolution met en évidence que les résultats de
l’exploitation sont très réguliers et démontre éventuelle-
ment une bonne maîtrise dans la conduite de l’exploitation.
Les résultats ne sont pas sujets aux aléas climatiques ou éco-
nomiques.
Mais ils peuvent aussi traduire, s’ils sont inférieurs à des
données de groupe, une permanence dans le manque de per-
formance d’où un point faible.

Situation 2 : des résultats irréguliers


Cette situation met en évidence une grande irrégularité dans
les résultats de l’exploitation. Là aussi la comparaison avec
des évolutions de données de groupe permet de relativiser
Moyenne
cette évolution en dents de scie. Cette irrégularité est-elle
le fait d’une difficulté à maîtriser la conduite de l’exploita-
tion ou est-elle dépendante des aléas de l’environnement ?
Il est évident que le diagnostic ne va pas être tout à fait le
même si vous le réalisez la meilleure année ou la moins
bonne. D’où l’importance de dégager des moyennes des résul-
tats obtenus sur plusieurs années.

Situation 3 : des résultats en baisse


Cette situation met en évidence un point faible de l’exploi-
tation, à savoir une perte de résultat. Il convient d’en cher-
cher les causes. Sont-elles liées à l’environnement de l’ex-
ploitation (d’où l’importance de se comparer avec des
évolutions de données de groupe) ou d’une perte de cohé-
rence au niveau de l’exploitation ?
Si les résultats se dégradent moins vite que ceux du groupe,
on peut considérer que c’est un point fort de l’exploitation.

Situation 4 : des résultats qui s’améliorent


Cette situation met en évidence un point fort de l’exploita-
tion, à savoir une amélioration des résultats. Il convient
d’en chercher les causes. Sont-elles liées à l’environnement
de l’exploitation (d’où l’importance de se comparer avec des
évolutions de données de groupe) ou d’une meilleure conduite
au niveau de l’exploitation ?
Si les résultats s’améliorent moins vite que ceux du groupe,
on peut considérer que cela constitue un point faible de
l’exploitation.

Légende Résultats de l’exploitation Point fort


Données de groupe Point faible

FIG. 4 - Évolution des résultats (l’EBE par exemple) d’une exploitation


avec différentes situations possibles
111
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
3. Exercice : les clés d’optimisation économique

Lisez le texte suivant « Dans les fermes des Réseaux d’élevage, les clefs
d’optimisation économique », publié dans la revue Cap élevage*
(doc. 1). Vous répondrez ensuite aux questions suivantes.

1 > Quel est le thème de l’article ?


.......................................................................

.......................................................................

2 > Quels sont les objectifs de l’étude réalisée ?


.......................................................................

.......................................................................

3 > Comment est découpé le groupe étudié ?


.......................................................................

.......................................................................

4 > Quel est le critère de départ qui fait l‘objet de l’étude ?


.......................................................................

.......................................................................

5 > Quels sont les repères étudiés qui permettent d’expliquer les dif-
férences de résultats entre 1/4 supérieur et 1/4 inférieur ?
.......................................................................

.......................................................................

* Cap élevage n° 20 de décembre 2007, données 2005-2006, Réseau d’Élevage Lait Bretagne, ETRE
(Équilibre Travail Revenu Environnement), Chambre d’Agriculture de Bretagne, pôle herbivores
et Institut de l’élevage

112
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Doc. 1 - Dans les fermes des réseaux d’élevage,
les clés de l’optimisation économique

La mission confiée aux réseaux d’élevage lait par la commission professionnelle


était d’analyser les clés d’optimisation du revenu en production laitière et ceci
pour plusieurs systèmes de production. Les élevages étudiés ont donc été choisis
d’abord sur l’efficacité économique. Examinons ce que renfermait le trousseau de
clés de ces élevages.

Les résultats annuels de ces élevages constituent une base de données pour mener
des investigations approfondies et dégager des repères sur plusieurs critères.
L’analyse des 1/4 supérieurs et des 1/4 inférieurs permet de mettre en parallèle les
indicateurs techniques des conduites efficaces sur le plan économique.

Les clés de l’efficacité économique


L’efficacité économique est exprimée par l’Excédent Brut d’Exploitation avant
main-d’œuvre (= Revenu avant amortissements, frais financiers et charges de
main-d’œuvre).
L’idée est d’obtenir un revenu en produisant mieux plutôt qu’en produisant plus.
Dans le réseau ETRE, durant l’exercice 2005-2006, pour 60 ha SAU et une livraison
de 290 000 litres de lait, les écarts d’EBE, avant main-d’œuvre, sont de 87 €/1 000 L
soit 25 230 € au total, entre le 1/4 inférieur (195 €/1 000 L) et le 1/4 supérieur
(281 €/1 000 L).
L’écart d’efficacité, entre les 1/4 extrêmes, est lié à un ensemble de points forts, rien
n’est laissé au hasard. La maîtrise des charges a un effet légèrement supérieur
(46,5 €/1 000 L), mais l’amélioration des produits est très proche avec 40,3 €/1 000
litres.

Maîtrise des dépenses


L’écart entre le 1/4 supérieur et inférieur est de 46,5 €/1 000 L, soit 28 € de frais
généraux (charges de structure hors amortissements et frais financiers, et hors
main-d’œuvre), 15 € de coût alimentaire et frais d’élevage, 3,5 € de frais de
cultures de vente. Les frais généraux représentent la plus grande marge de pro-
grès. Dans cet échantillon d’élevages, le coût alimentaire est, en général, maîtrisé
(48,6 €). Dans l’ensemble des élevages bretons, ce coût est en moyenne proche
de 70 €.

113
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
Amélioration des produits
L’écart de 40,5 €/1 000 litres sur les produits se répartit entre les produits viande
et primes (42,5 €) et les cultures de vente et divers (- 2 €). Si, dans cet échantillon,
la qualité du lait est maîtrisée, le produit viande génère beaucoup d’écarts. Les
composantes de ce produit sont les nombres d’animaux vendus, leur poids et les
prix.
En agrobio, le faible niveau des charges opérationnelles est contrebalancé par
celui des charges de structure. Les résultats économiques sont proches entre les
deux réseaux.

Des repères simples à suivre


Dans la moyenne du réseau ETRE 2006, le produit total est de 461 €/1 000 L. Le lait
hors ADL représente 60 % du produit total 2006 soit 276 €, la viande et les primes
couplées 38 €, les cultures 75 € et les DPU 72 €.

• Produit lait : produire sa référence sans pénalités


Dans le réseau ETRE conventionnel, les écarts de produit lait sont minimes. Dans le
réseau BIO, des pénalités dans quelques élevages, une plus-value bio variable
selon les laiteries, quelques sous-réalisations conduisent à des écarts importants
entre les élevages.
Produire la quantité de lait permise par sa laiterie et limiter les pénalités est un
objectif essentiel à atteindre.

• Produit viande hors veau : plus de 900 € par UGB en croissance


L’analyse du produit viande des animaux en croissance (vaches de réforme rem-
placées par les génisses, génisses amouillantes, génisses viande et quelques
mâles), a permis d’identifier les deux leviers importants : le produit par animal
(poids, finition, période de vente) et l’âge à la commercialisation ou au vêlage. En
2005-2006, le produit viande hors veau variait de 600 à 1 200 € par UGB en crois-
sance.

• Produit veau : 1 veau par vache présente


Les problèmes de reproduction et la mortalité des veaux ont réduit le produit veau
dans les élevages laitiers. Dans l’enquête 2005-2006, le nombre de veaux valori-
sés varie de 0,8 à 1 et le produit veau de 170 à 300 € par vache présente.

Coût alimentaire : viser les 40 €


Dans l’échantillon du réseau conventionnel, les écarts de coût alimentaire viennent
surtout du coût et des quantités de concentrés. Les coûts fourrages sont, dans
l’ensemble, bien maîtrisés (tableau).

114
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Écarts de coûts alimentaires
Tri Coûts alimentaires 25 % 25 %
Moyenne
Réseau ETRE 2005-2006 dépensier économe
Coût VL en €/1 000 L 63 48,6 34,7
dont fourrages 27,5 23,8 20,6
dont concentrés 35,6 24,8 14,3
Coût UGB élèves en €/UGB 293 189 91
dont concentrés 172 92 18
Les écarts de coûts alimentaires viennent des coûts et quantités de concentrés.

Écarts de coût « nourrie logée »


25 % Moyenne 25 %
Coût CNL VL
dépensier économe
Réseau ETRE 2005-2006 55 élevages
14 élevages 14 élevages
CNL VL en €/1 000 L 187 145 112
= Intrants alimentation 37,5 38,7 43,1
+ Mécanisation fourrages 65,1 50,9 41,4
+ Bâtiments-équipements
79 55,7 33,4
d’élevage
Les choix de traction individuelle, de surdimensionnement des bâtiments pèsent sur le
coût « nourrie logée ».

Pour atteindre les 40 € de coût alimentaire sans modifier son système de produc-
tion, une chasse aux « gaspis » est d’abord nécessaire. Des tableaux de coûts
fourrages du réseau ETRE donnent des repères optimisés selon les systèmes choisis.
Le choix d’une stratégie plus économe en concentrés et valorisant plus de pâtu-
rage permet d’aller plus loin dans la réduction du coût alimentaire.
En agrobiologie, les coûts alimentaires élevés sont expliqués par le manque
d’autonomie : achats de concentrés et de fourrages.

Frais d’élevage : la santé avant


Parmi les autres frais d’élevage, l’analyse a surtout porté sur les dépenses de la
santé. Les 97 enquêtes globales des coûts de la santé ont donné des chiffres de
50 €/VL/an pour les économes (1/4 sup.) à 128 €/VL/an pour les dépensiers

115
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
(1/4 inf.). La moyenne se situe à 87 € par VL soit 13 €/1 000 L, avec environ 50 %
de préventif. Les troubles de la mamelle représentent la moitié des coûts vaches
laitières.
En additionnant dépenses et manques à gagner, l’impact économique des troubles
de santé atteint les 250 €/VL : 1/3 dépenses et 2/3 manques à gagner.

Mécanisation et bâtiments : viser les 100 € de CNL


Le coût VL « nourrie-logée » est un indicateur économique qui regroupe les charges
liées au système de production et aux choix d’investissements. Il est bien corrélé
à l’efficacité économique et au revenu disponible.
Les choix de traction individuelle, de surdimensionnement de bâtiments pèsent sur
ce critère.
Dans le réseau BIO, la moyenne est à 160 €/1 000 L. Les investissements ne sont pas
toujours adaptés au volume de lait produit.

Autres postes
D’autres postes ont augmenté ces dernières années. Il s’agit du foncier avec un
calcul de mise à disposition pour les EARL ou GAEC. Parmi les autres charges de
structure, les achats de matériel informatique, de logiciels, de services sont deve-
nus des postes importants.
Les travaux à venir continueront sur la recherche de l’efficacité économique, mais
prendront plus en compte la rémunération du travail. Avec les agrandissements
et les associations, des écarts de taille par unité de main-d’œuvre vont s’accen-
tuer. L’observation des savoir-faire et des résultats terrains permettra de diffuser
des références validées et locales.

Source : Cap élevage n° 20, décembre 2007.

116
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Réponse 1 > Le thème de l’article est l’analyse des clés d’optimisation
économique des exploitations laitières du réseau ETRE (Équilibre Travail
Revenu Environnement) en Bretagne.

Réponse 2 > Les objectifs sont d’étudier un groupe d’exploitations cher-


chant à obtenir un revenu en produisant mieux et pas forcément plus, et
d’identifier les clés d’optimisation pour améliorer le revenu.

Réponse 3 > Découpage du groupe étudié :


– 1/4 supérieur dit 25 % économe
– 1/4 inférieur dit 25 % dépensier
– moyenne des 55 élevages

Réponse 4 > Le critère, point de départ de l’analyse, est l’efficacité éco-


nomique exprimée par l’EBE avant main-d’œuvre et l’EBE/1 000 L de lait.

Réponse 5 > Les repères étudiés sont les suivants :


– la maîtrise des dépenses ou des charges (– 46,5 €/1 000 L) se répartis-
sant comme suit : les frais généraux (28 €/1 000 L), les frais alimentaires
et d’élevage (15 €), les frais de culture de vente (3,5 €), les frais de
mécanisation et de bâtiments ;
– l’amélioration des produits (+ 40,3 €/1 000 L) : lait, qualité du lait, pro-
duit viande et primes (+ 42,5 €/1 000 L).

RÉCAPITULONS
Dans un diagnostic, les comparaisons avec des références spatiales et tem-
porelles sont non seulement nécessaires mais elles se complètent très bien.
Cependant, il convient de faire preuve de prudence dans l’utilisation de ces
références, tant au niveau du ratio lui-même que dans la constitution du
groupe avec lequel on va comparer les résultats de l’exploitation.

117
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
Nous allons pouvoir passer à la séquence 5 qui va nous permettre de mieux comprendre
comment, dans un diagnostic, on va rechercher l’origine et les causes des points
forts et des points faibles car l’identification des causes permettra plus facilement de
proposer des pistes d’amélioration.
Séquence 5

Rechercher les causes des


résultats obtenus et vérifier
la validité des informations
À l’issue de cette séquence,
vous devrez être capable :
• d’expliquer les principes et la démarche
d’analyse dans un diagnostic, pour
rechercher les causes des résultats ;
• de préciser les conditions à réunir
pour collecter une information fiable
et ainsi obtenir des résultats pertinents
et un diagnostic valide.
Nous reviendrons, dans cette cinquième séquence, sur la démarche d’analyse dans un
diagnostic, qui consiste en une recherche structurée et organisée des causes permettant
d’expliquer les résultats obtenus donc les points forts et les points faibles de l’ex-
ploitation (étape 1).
Nous finirons avec quelques conseils pour collecter une information fiable relative
au fonctionnement de l’exploitation et l’analyse de cette information (étape 2).

Étape 1 Partir du plus général


vers le plus analytique, le plus technique
Dans un diagnostic, identifier les points forts et les points faibles d’une exploitation
en les confrontant aux objectifs fixés et en les comparant à des références spatiales
et temporelles n’est pas suffisant. Il est important de mettre en évidence les causes
permettant d’expliquer ces points forts et ces points faibles. En effet, l’identifica-
tion des facteurs d’explication de tel ou tel résultat est primordiale pour élaborer des
pistes d’amélioration pertinentes et adaptées à l’exploitation.

Pour bien comprendre cette démarche d’investigation, nous allons illustrer par des
arborescences, ce que pourrait être la recherche de causalité dans un diagnostic tech-
nico-économique.

Nous aurions pu, tout autant, appliquer la même démarche dans le cadre d’un dia-
gnostic financier, sur l’organisation du travail ou encore environnemental : le schéma
d’investigation se présenterait de la même manière, à savoir sous forme d’une arbo-
rescence. On peut donc évoquer la notion d’« arbre à diagnostic ».

1. « L’arbre à diagnostic »
Principe : partir du plus global pour aller vers le plus analytique, le plus précis,
le plus technique
Pour reprendre l’image de l’arbre évoquée plus haut, il convient, dans le cadre d’une
démarche de diagnostic, de partir du critère le plus global sur lequel on veut établir
un diagnostic : donc le tronc de l’arbre (par exemple l’EBE, la marge brute d’un ate-
lier, le temps de travail de l’exploitation, la consommation d’énergie…), pour ensuite
remonter le plus loin possible dans la recherche des explications : du tronc de l’arbre,

120
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
nous allons passer aux branches les plus grosses, ensuite aux branches les plus fines
puis aux rameaux extrêmes pour arriver jusqu’aux feuilles.

Selon le temps que vous avez (de quelques minutes à plusieurs jours), la démarche
d’investigation va remonter plus ou moins loin pour chercher les causes permettant
de comprendre tel ou tel résultat.

La pertinence de la démarche va très largement dépendre du niveau de connaissance


de l’expert.

Pour analyser l’EBE d’une exploitation, l’expert doit tout d’abord caractériser cet
EBE sous forme de point fort ou de point faible grâce au calcul de certains ratios
(EBE/UTH, EBE/1 000 L de lait, EBE/produit brut, EBE/UGB, EBE/ha…) et à leur
comparaison avec des références. Ensuite, il doit connaître parfaitement les diffé-
rents postes et leur importance relative dans la formation de l’EBE.
L’expert doit aussi être capable d’établir le lien entre un résultat économique (par
exemple, le coût alimentaire) avec les facteurs techniques (la conduite alimentaire,
le choix des composants de la ration, le mode de distribution) et environnementaux
(le prix des aliments, les relations commerciales).
La démarche d’investigation (fig. 1 p. 122) va se faire en remontant aux premières
branches : la marge brute globale, les charges de structure et les produits dits hors
activité (produits pour lesquels on n’établit pas de marges brutes : par exemple les
indemnités et subventions telles les DPU, les aides ICHN, les prestations de services).
Pour chacune de ces branches principales, on va étudier la ramification qui va appor-
ter l’éclairage permettant de comprendre les résultats obtenus.

2. Faut-il étudier chaque branche de l’arbre à diagnostic ?


L’expert doit faire preuve de perspicacité pour prendre la mesure de la contribution
de telle ou telle activité dans l’élaboration d’un résultat ou du poids de telle ou telle
charge.
De la même manière qu’une brindille n’a pas d’incidence dans la vie de l’arbre, un poste
ayant un poids relatif faible n’aura pas d’influence sur le niveau d’EBE de l’exploi-
tation.
Il est donc préférable, dans un diagnostic, de s’intéresser en priorité aux postes qui
ont une forte influence sur le résultat et de diagnostiquer le plus finement possible
ces postes.

121
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
Lait
Produits hors activité Bovins Veaux
Génisses Prix, marché,
(DPU, travaux Lait conduite technique,
par entreprise…) Vaches de réforme périodes de vente,
conformation,
Produit Bovins Bœufs nombre d’animaux,
animal Viande Veaux mortalité,
Taurillons fécondité,
Produit global etc.
des activités Autres
animaux

Produit SF Prix, marché,


EBE conduite technique,
végétal SNF Blé, Maïs
Total ............... Marge brute Orge, etc. périodes de vente,
climat, etc.
/UHT ..............
globale
Engrais, Semences, SFP Prix, marché, itiné-
/1 000 L ......... Traitements SNF raires techniques,
périodes d’achat,
Fourrage relations commer-
Alimentation ciales, etc.
Concentrés
Charges
opérationnelles Frais pour bétail Élevage, frais vétérinaire

Travaux par entreprise

Mécanisation Carburants, lubrifiants, entretien, etc.


Charges
de structure Bâtiment Entretien
Foncier Entretien, fermage
Main-d’œuvre Charges sociales, salaires, etc.

FIG. 1 - Le diagnostic technico-économique : proposition de démarche


Du plus global au plus précis, analytique et technique
Par exemple dans une activité d’élevage, si le coût alimentaire représente la charge
la plus conséquente, il est important de pouvoir expliquer le plus précisément pos-
sible ce coût alimentaire et, éventuellement, de passer sous silence les charges rela-
tives à la consommation d’eau, qui ne pèsent que pour 0,5 % des charges de l’ex-
ploitation.
Certaines charges, même si elles sont importantes, sont parfois incompressibles ou
communes à un système d’exploitation et ne nécessitent pas une analyse particu-
lière. Par exemple, c’est le cas de la prophylaxie obligatoire et, dans une moindre
mesure, des coûts de gestion.

Les figures 2, 3 et 4 pages suivantes représentent un zoom grossissant de ce que peut


être la démarche de diagnostic.

Dans la figure 2, page 124, nous mettons en évidence la décomposition de la marge


brute globale en marges de plus en plus précises. La marge brute globale d’une
exploitation est formée de l’addition de plusieurs marges (les marges brutes de l’ate-
lier lait, de l’atelier viande, de l’atelier cultures…). Et chacune de ces marges peut
être subdivisée en de nombreuses marges brutes. Ainsi on pourrait imaginer que la
marge brute de l’atelier lait soit partagée en marges brutes lait, des veaux d’élevage,
des vaches de réforme, de l’atelier génisses d’élevage, de celui des génisses desti-
nées à la commercialisation, etc.

Attention, quel que soit le diagnostic, mais plus particulièrement dans le cadre d’un
diagnostic technico-économique, la recherche d’une trop grande précision en isolant
un atelier ou un critère peut conduire, d’une part, à perdre de vue la cohérence glo-
bale de l’exploitation et, d’autre part, à obtenir une information de moins en moins
fiable. Il peut exister un paradoxe qui consiste, en cherchant à être le plus précis
possible, à perdre en fiabilité.
Nous reviendrons sur la question de la fiabilité de l’information dans la cinquième
et dernière séquence de ce livre.

123
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
Lait
Marge brute
Veaux
Marge brute des VL
Vaches de réforme
de l’atelier
lait
Marge brute
Génisses
des génisses d’élevage
Marge brute
de la SFP Marge brute
de l’atelier Génisses prêtes
génisses prêtes

Marge brute Bœufs


Marge brute
de l’atelier Veaux de lait
globale
viande Taurillons

Blé
Marge brute Maïs
de la SNF Orge
Etc.

Accueil
Marge brute Vente directe
de l’atelier Ferme auberge
de diversification Travaux pour tiers
Etc.

FIG. 2 - Le diagnostic technico-économique : l’analyse par les marges brutes


Magre brute = Produit d’une activité – Charges opérationnelles de l’activité
Les figures 3 et 4 illustrent ce que pourraient être les pistes d’investigation à suivre
pour expliquer les résultats obtenus pour deux ateliers, l’un en production végétale
et le second en production laitière.

Il convient de distinguer trois types de causes dans l’obtention d’un résultat.

1. Les causes d’origine externe ou dépendantes de l’environnement (le climat,


le marché, les prix, la conjoncture) avec lesquelles l’exploitant est obligé de « faire
avec ». Sa capacité d’adaptation sera un élément d’analyse dans la démarche de dia-
gnostic,

2. Les causes dépendantes des facteurs de production qui facilitent ou limitent


l’obtention des résultats. Là aussi, la capacité de l’exploitant à valoriser tel atout
ou à contourner telle contrainte fait partie du diagnostic.

3. Les causes dépendantes des pratiques de l’exploitant ou éléments de tech-


nicité.
Elles doivent être étudiées en se posant les questions suivantes :
– les pratiques de l’agriculteur sont-elles « conformes » aux préconisations, aux pres-
criptions, au référentiel des experts ? quelle quantité de concentré distribue-t-il à
ses VL ? combien d’unités d’azote ont été épandues sur la culture de blé ? ;
– les décisions prises sont-elles cohérentes par rapport aux objectifs que l’exploitant
s’est fixés ? Cette question a déjà été posée dans le cadre de l’approche globale mais
elle se pose à nouveau car l’inadéquation entre décisions et objectifs peut être un
facteur d’explication d’un résultat non satisfaisant ;
– les interventions de l’agriculteur sont-elles effectuées au bon moment ? Cette
question est primordiale dans la recherche des causes car l’exploitant peut très bien
apporter les bonnes quantités mais pas au bon moment.

125
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
Référence laitière
Quantité de lait
Moyenne économique
produite Nombre de VL
(vente + intra
Produit lait
consommation)
Filière Laiterie
Qualité du lait
Prix du lait Périodes de livraison
Produit bovins Nombre
(vente + variation Vaches de réforme Poids
Produits
d’inventaire + Génisses État d’engraissement
de l’atelier Bovins lait cessions internes) Veaux Prix
Marché
Autres produits Primes PAC

Quantités
MB atelier Coût de concentré Types de concentré
Bovins lait Charges Prix du concentré
€/1 000 L alimentaires
et fourragères Quantités
Coût des fourrages Coût de production
Fourrrages achetés

Reproduction Mode de reproduction


Fécondité - Fertilité
Charges opérationnelles Charges
Contrôle laitier
de l’atelier Bovins lait d’élevage Quantité
Prix
Paille
Type de bâtiments

Prophylaxie obligatoire État sanitaire


Frais du troupeau
Honoraires
vétérinaires Soins préventifs
Produits vétérinaires
Soins curatifs

FIG. 3 - Éléments faisant varier la marge brute d’un atelier lait


Cours
Politique de stockage
Prix
Qualité des produits

Climat
Produit
Sol
Travail du sol
Rendement Éléments
Rotation
de technicité
Culture

MB végétale/ha Prix
Semences Choix, qualité (climat)
Quantité
Prix
Engrais Choix, qualité (climat)
Charges Quantité
opérationnelles Prix
Produit phyto Choix
Quantité

Travail Prix
par tiers Quantité

FIG. 4 - Éléments faisant varier une marge brute végétale


3. Exercice : construction d’un arbre à diagnostic

Reprenez le document 1 page 113 « Dans les fermes des Réseaux d’éle-
vage, les clefs d’optimisation économique ».

1 > À partir des données fournies, vous construirez « l’arbre à dia-


gnostic » en complétant la figure 5.

Consignes pour compléter le schéma


Vous ferez figurer chaque fois que possible dans chaque bulle :
– la moyenne des produits ou des charges
– et/ou l’écart entre le 1/4 supérieur et le 1/4 inférieur.

Exemple :

Produit global
des activités moyenne
461 €/1 000 L
+ 40,3 € écart

2 > Commentaires (à porter sur la figure 5)


La construction de cet « arbre à diagnostic » permet d’expliquer la moyenne
des résultats obtenus au sein du réseau ETRE ainsi que les écarts entre les
« 25 % économe » (ou « ¼ supérieur ») et les « 25 % dépensier » (ou ¼ infé-
rieur). Il permet aussi d’identifier les causes expliquant les écarts entre le
groupe de tête et le groupe de queue.
Vous ferez un commentaire expliquant ces moyennes et ces écarts.

128
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Commentaires
Lait .............
.............
………………
.............
DPU (……………)
……… .............
.............
Viande et primes .............
Produit global couplées .............
des activités Produit Bovins .............
………………
461 €/1 000 L animal Lait .............
………………
+ 40,3 €
.............
Veaux .............
Produit Cultures .............
……………… .............
végétal ……… .............
EBE
(avant main-d’œuvre) .............
Fourrages .............
1/4 inf. 1/4 sup.
……………… .............
Total 56 400 € 81 630 € .............
Coût alimentaire ………………
/UHT
……………… .............
/1 000 L 195 € 281 € Concentrés
……………… .............
……………… .............
Charges .............
Écart 87 €/1 000 L opérationnelles Frais d’élevage ………………
soit 25 230 € .............
……………… .............
Charges ……………… .............
totales Mécanisation .............
………………
…………… Coût nourri-logé .............
Charges ………………
.............
de structure ……………… .............
Légende Bâtiments
……………… .............
Moyenne : en caractères gras (ex. : 23,8 €/1 000 L) ……………… .............
Écart entre 1/4 supérieur et 1/4 inférieur : .............
……………… .............
en caractères italiques (ex. : – 23,7 €/1 000 L)

FIG. 5 - Figure à compléter


Commentaires
Réponses 1 > et 2 > Lait Produire sa
276 €/1 000 L référence et limiter
les pénalités
DPU (60 % du produit)
72 € 2 leviers importants :
le produit par animal
Produit global Viande et primes (poids, finition,
période de vente) et
des activités Produit Bovins couplées l’âge à la commercia-
461 €/1 000 L animal Lait 38 €/1 000 L lisation ou au vêlage
+ 42,5 €
+ 40,3 €
Reproduction,
Veaux mortalité des veaux.
Produit Cultures 170 à 300 €/VL Nombre de veaux
valorisés entre
végétal 75 € 0,8 et 1
EBE
(avant main-d’œuvre) Bonne maîtrise
Fourrages des coûts fourragers,
1/4 inf. 1/4 sup.
23,8 €/1 000 L valorisation
Total 56 400 € 81 630 € – 7 €/1 000 L du pâturage
Coût alimentaire
/UHT 48,6 €/1 000 L Coût et quantité
/1 000 L 195 € 281 € – 28,3 €/1 000 L Concentrés des concentrés
24,8 €/1 000 L Chasse aux
Charges – 21,3 €/1 000 L gaspillages
Écart 87 €/1 000 L opérationnelles Frais d’élevage
soit 25 230 € 13 €/1 000 L Préventif :
50 % de dépenses
Charges – 12 €/1 000 L Coût de la santé :
totales Mécanisation 250 €/VL
50,9 €/1 000 L
– 46,5 €/1 000 L
Coût nourri-logé – 23,7 €/1 000 L Dépend du système
Charges de production, de la
145 €/1 000 L
Légende de structure politique d’investis-
– 75 €/1 000 L Bâtiments sement (individuel/
Moyenne : en caractères gras (ex. : 23,8 €/1 000 L) 55,7 €/1 000 L commun pour le
Écart entre 1/4 supérieur et 1/4 inférieur : – 45,6 €/1 000 L matériel, dimension
en caractères italiques (ex. : – 23,7 €/1 000 L) du bâtiment…)

FIG. 6 - Figure complétée


Maintenant que nous avons mis en évidence la démarche à suivre pour identifier les
causes des résultats obtenus, nous allons, dans une dernière étape, préciser les
conditions à réunir pour collecter une information fiable et ainsi obtenir des
résultats pertinents. Si la méthodologie d’un diagnostic est primordiale, il n’en reste
pas moins que la validité de ce diagnostic repose sur la qualité de l’information
analysée.

Étape 2 Collecter une information fiable


pour obtenir des résultats pertinents
La question de la fiabilité de l’information est primordiale. Il est aisé de comprendre
qu’un diagnostic qui, bien que respectant la démarche présentée précédemment, se
ferait à partir de données erronées, aboutirait à un diagnostic sans validité et pour-
rait donner lieu à des préconisations ou des conseils sans fondement, faux, aberrants,
voire dangereux pour l’avenir de l’exploitation.

Si ce thème de la recherche d’une information fiable est abordé à la fin de ce livre,


cette recherche doit se faire dès que l’objet du diagnostic est défini et elle est un
préalable indispensable à un diagnostic de qualité.

L’objectif de cette dernière étape n’est pas d’aborder toutes les situations permet-
tant de collecter une information fiable mais d’engager le futur expert à être en per-
manence vigilant, prudent, voire suspicieux quant aux données, aux résultats qu’il
va analyser.

Nous allons, dans un premier temps, recenser les différentes sources d’information
dont on dispose pour élaborer un diagnostic d’exploitation et, dans un second temps,
nous illustrerons, à partir de quelques exemples, les questions que l’expert peut se
poser pour aboutir à une information fiable.

1. Les différentes sources d’information


La figure 7 illustre les différentes sources d’information que l’expert a à sa disposi-
tion pour élaborer un diagnostic.

131
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
Visite-enquête Documents de gestion
(sur plusieurs années)
– Interview
– Questionnaire – Compte de résultat, SIG…
Observations – Visite d’AGEA – Marges brutes de chaque
(historique de atelier
– Foncier l’exploitation – Bilan
– Bâtiments et de la famille)
– Tableau de financement
– Matériel – Entretien – Tableau pluriannuel des flux
– Cheptel – Etc. économiques et financiers
– Hommes
– Grand livre
– Cadre de vie
– Tableau des immobilisations
– Environnement
– Relevés de compte bancaire
– Etc.
– Etc.

Exploitation
agricole
Documents ou
informations techniques
Autres sources (sur plusieurs années)
d’information – Contrôle laitier
– Avis et analyse du conseiller, – Contrôle de croissance
du technicien – Enregistrement de l’exploitant
– Données sur l’environnement sur ses pratiques
(itinéraires techniques)
de l’exploitation
– Informations de la laiterie
– Voisinage
(quantités, qualité)
– Données de groupe
– Résultats des livraisons
– Références
de céréales
– Etc.
– Etc.

FIG. 7 - Les sources d’information

Comme on peut le voir, les sources d’information dont on dispose pour réaliser un
diagnostic sur une exploitation agricole sont nombreuses et variées. Il convient de
cerner avec précision les informations dont on va avoir besoin afin d’éviter de col-
lecter une information inutile.

Si je veux réaliser le diagnostic d’un atelier de l’exploitation, par exemple, l’atelier


taurillons, il ne sera pas nécessaire de rechercher des informations sur la conduite
d’autres ateliers (les ateliers cultures de vente ou l’atelier lait) sauf si des complé-

132
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
mentarités existent entre l’atelier taurillons et les autres ateliers (les veaux mâles
engraissés sont issus de l’atelier lait, les concentrés consommés proviennent de
l’atelier culture…). Les informations qui vont m’être nécessaires vont se trouver
dans les documents de gestion, en particulier sous la rubrique intitulée « marge
brute de l’atelier taurillons » mais aussi dans les données techniques (contrôle de crois-
sance, tickets de pesées émis par l’abattoir…). La réalisation du diagnostic de l’ate-
lier va nécessiter que j’interviewe l’exploitant sur sa conduite alimentaire, sur ses pra-
tiques sanitaires, sur l’origine de ses veaux…

Autre exemple, si je veux réaliser le diagnostic de l’organisation du travail sur l’ex-


ploitation, la seule possibilité pour obtenir l’information nécessaire sera d’enquêter
sur les travailleurs et d’observer les facteurs de production ayant une incidence sur
l’organisation du travail (bâtiments, foncier, matériel, troupeau et les facteurs
humains).

2. L’information est-elle fiable ?


Dans cette partie, nous allons aborder quelques situations assez classiques dans les-
quelles se pose la question de la fiabilité de l’information.

Reprenons l’exemple de l’expert qui souhaite réaliser le diagnostic de l’atelier tau-


rillons sur une exploitation de type polyculture-élevage en lait, viande et cultures
de vente. Il va donc analyser la rentabilité de cet atelier en utilisant l’outil de ges-
tion qu’est la marge brute taurillons.

Les questions que doit se poser l’expert sont les suivantes : l’outil de gestion qu’est
la marge brute de l’atelier taurillons est-il fiable ? Les données qui composent cette
marge brute (les produits et les charges opérationnelles) sont-elles exactes ? Le
résultat obtenu est-il juste ?

EXEMPLE
Le tableau 1 ci-joint présente la marge brute taurillons. Repérons les postes
et les données qui pourraient s’avérer inexactes ou pour lesquelles il convient
de s’interroger quant à leur validité et pour quelles raisons (postes 1 à 9).

133
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
N° de Effectif : 171
poste UGB : 111
Total /UGB
Vente d’animaux 109 079 981
Achats d’animaux – 44 928 – 404
(1) Cessions internes (entrées) – 2 928 – 26
Cessions internes (sorties)
(2) Variations d’inventaires 3 933 305
Primes et divers
Autres produits
(3) Primes PAC 2 205 20
Produit total 97 361 876

(4) Concentrés achetés 27 043 243


(5) Céréales prélevées 6 743 61
(6) Lait prélevé 13 057 117
(7) Frais vétérinaires 5 342 48
(8) Frais divers d’élevage 4 530 41
(9) Divers appro pour animaux (paille…) 5 731 52
Charges opérationnelles 62 445 562

Marge brute 34 916 314

TAB. 1 - Marge brute de l’atelier bovins viande

(1) Les cessions internes qui correspondent aux veaux issus du troupeau laitier et
qui viennent constituer l’atelier taurillons sont formées du nombre de veaux
cédés multiplié par le prix de cession d’un veau. Si le nombre de veaux cédé est
peu sujet à erreur, en revanche le prix de cession d’un veau est le plus souvent
défini à partir d’une valeur d’inventaire ou d’un prix de vente théorique, d’une
valeur de marché. Si le prix de cession est élevé, il va privilégier l’atelier cédant,
donc l’atelier lait, au détriment de l’atelier taurillon et inversement.
(2) Les variations d’inventaire sont calculées en faisant la différence entre les effec-
tifs fin et les effectifs début pour une classe d’âge d’animaux (les taurillons de
0 à 1 an et ceux de 1 à 2 ans) et une valeur d’inventaire. Cette valeur d’inventaire
peut être différente entre le début d’exercice comptable et la fin d’exercice, du
fait de l’évolution des cours. Ainsi, une augmentation même modeste d’effectif

134
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
accompagné d’une forte progression du prix des animaux à la date d’inventaire
va entraîner un accroissement conséquent de la variation d’inventaire. La valeur
finale du stock ne définit en aucun cas ce que sera le prix de vente final qui peut
être supérieur ou inférieur à la valeur d’inventaire.
(3) Les primes PAC ont-elles bien été affectées à l’atelier concerné ?
(4) Les céréales achetées consommées par le troupeau viande correspondent-elles
vraiment à ce qui a été consommé ? N’y a-t-il pas risque d’une mauvaise affec-
tation des consommations d’aliments achetés quand il y a plusieurs troupeaux ?
(5) Les céréales prélevées : même question que pour le point (4) et, en plus, on peut
y ajouter la valeur choisie des céréales intraconsommées. Sont-elles déterminées
à partir du prix de revient de la céréale produite (la même question sur l’affecta-
tion des charges opérationnelles se pose quand il y a plusieurs cultures sur une
exploitation) ou est-elle définie à partir d’un prix de vente hypothétique quand
l’exploitation ne vend aucune céréale ?
(6) Pour le lait prélevé, la question est la même que pour le point (5).
(7), (8) et (9) Pour ces 3 postes, l’affectation des charges s’est-elle faite en fonc-
tion d’un enregistrement précis qui ne laisse planer aucun doute quant à la vali-
dité du montant ? Ou, la ventilation entre les différents ateliers (lait et viande)
s’est-elle faite par UGB pour des raisons de simplicité ? Dans cette situation, qui
est la plus courante, cela veut dire que l’atelier taurillon supporte des charges de
reproduction ou des charges vétérinaires de l’atelier lait. Quel peut être la vali-
dité d’une telle marge brute ?

3. La collecte d’informations techniques


Poursuivons avec l’exemple de l’atelier taurillons.
Vous devez, pour diagnostiquer cet atelier, établir les bilans de consommation en four-
rage et concentrés des taurillons. Ces taurillons, de race montbéliarde, sont abattus
à l’âge de 19 mois pour un poids moyen de carcasse de 400 kg.

Extrait d’un entretien au cours d’une visite


– Question posée à l’exploitant : « Pourriez-vous nous présenter l’alimentation
des taurillons ? »
– Réponse de l’exploitant : « Avant 8 mois, les taurillons reçoivent du foin à volonté
et 2 kg d’un mélange de céréales (composé de 60 % d’orge, 20 % de maïs grain et 20 %
de blé) et 1 kg de tourteau de soja. Ensuite, ils ont de l’ensilage de maïs à volonté et
de la paille. En finition, ils reçoivent toujours de l’ensilage de maïs à volonté et 2 kg
du mélange de céréales et 1,5 kg de tourteau de soja ».

135
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
– Question : « Cela fait quelle quantité de maïs ensilage ? »
– Réponse : « Euh… (silence) ! Euh (hésitation) ! 25 kg ! »
Fin de l’entretien.

La quantité d’ensilage de maïs consommée par les taurillons vous paraît-elle une infor-
mation fiable ? Pouvez-vous, à partir de cette information, établir le bilan de consom-
mation en maïs ensilage ?
La réponse est non !
L’exploitant vous a-t-il menti ?
Il est évident que l’exploitant ne vous ment pas mais, qu’en fait, il ne connaît pas
la donnée que vous souhaitez obtenir. Cette information ne l’intéresse pas car elle
ne fait pas partie de son référentiel de conduite. Il sait qu’il donne la bonne quan-
tité d’ensilage de maïs sans connaître « la quantité distribuée ».
Mais alors comment obtenir la « bonne information », la donnée exacte nécessaire
pour réaliser un diagnostic de cet atelier taurillons ?
Votre travail d’expert s’apparente à celui d’un enquêteur en quête de vérité. Ce tra-
vail va consister à réunir, à recouper un ensemble d’informations et de données afin
d’approcher au plus près de la vérité. Si le résultat obtenu à l’issu de l’enquête d’in-
vestigation n’est pas exact, il n’en demeure pas moins qu’il sera « le plus exact pos-
sible », « le plus plausible ».
La figure 8 montre ce que pourrait être le travail d’investigation à entreprendre pour
établir le bilan de consommation en ensilage de maïs par l’atelier taurillons. Nous
ne chercherons pas, dans cet exemple, à déterminer la quantité de maïs ensilage mais
à mettre en évidence la démarche à entreprendre pour approcher cette quantité.

136
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Effectifs moyens
de taurillons ? Mesure du volume du silo
=
Longueur Largeur Hauteur

1. Quelle est la 2. Quelle est la


quantité d’ensilage quantité distribuée journa lièrement
distribuée journelle- journellement
ment par taurillon ? pour l’ensemble
du troupeau ?
4. Quel est le volume
du silo de maïs ensilage ?
Volume du silo
Durée Densité de l’ensilage
=
d’engraissement ? Tonnage de maïs disponible

Quelle est la quantité


d’ensilage de maïs
consommée par
les taurillons ?

3. Quelles sont 5. Quel est le tonnage


les normes ou références de maïs ensilage récolté ?
de consommation pour Surface Rendement
un taurillon montbéliard ? en matière sèche
Age d’abattage, poids vif =
à l’abattage, GMQ Tonnage de maïs disponible

Qualité du maïs
ensilage
(% de matière sèche) Surface de maïs
Légende ensilage ?
Information permettant Rendement à l’hectare ?
d’approcher la quantité consommée
Vérification des cohérences
au niveau de l’information

FIG. 8 - Exemple de travail d’investigation

137
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
Reprenons les questions qui figurent dans la figure 8.
– La question 1 a été celle qui a été posée à l’exploitant et pour laquelle nous
avons eu la réponse évasive de 25 kg.
– La question 2, sur la quantité journalière (approche troupeau), permet
d’avoir une information plus globale : « chaque jour, les taurillons reçoi-
vent une désileuse de 25 m3 d’ensilage de maïs » et par là même d’ap-
procher la quantité journalière pour un troupeau (volume densité =
poids). Cela nécessite de recouper cette information avec les effectifs
moyens présents pour vérifier si la quantité journalière par taurillon est
proche de ce que l’éleveur distribue effectivement. La quantité journa-
lière multipliée par la durée d’engraissement va permettre de détermi-
ner la quantité consommée sur l’année.
– La question 3 fait appel à des références ou à des normes établies sur la
consommation d’un taurillon au cours de sa vie à partir des caractéris-
tiques raciales : l’âge, le poids, le Gain Moyen Quotidien. Ces références
sont établies par exemple par l’INRA (les tables d’alimentation de l’INRA)
ou par des organismes techniques. On va comparer les références avec les
premiers résultats.
– La question 4 va chercher à déterminer les quantités récoltées (ressources
du bilan fourrager) en cubant le silo.
– La question 5 recherche la même information que la question 4 mais par
la mise en relation entre surface récoltée et le rendement obtenu. Si on
peut supposer que la surface récoltée est proche de la réalité, le rende-
ment est le plus souvent l’objet d‘une estimation de la part de l’exploi-
tant. Quant au % de Matière Sèche de l’ensilage de maïs, en dehors de toute
analyse réalisée par un laboratoire, elle reste aussi une estimation de
l’éleveur.

Ces quelques questions doivent permettre d’approcher de la vérité ou tout du moins


d’une certaine cohérence dans l’information. Nous n’avons pas évoqué dans ce schéma
la situation de plusieurs troupeaux consommant le même fourrage (des vaches lai-
tières, des génisses d’élevage…) et pour lesquels la fiabilité des informations est aussi
en question. Pour chacun des troupeaux, la même démarche d‘investigation est à entre-
prendre. Le point de cohérence se fera autour du bilan fourrager qui fait la balance
entre les ressources fourragères et les besoins fourragers des différentes catégories
d’animaux.

138
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
RÉCAPITULONS
La question de la fiabilité de l’information à partir de laquelle va être réa-
lisé un diagnostic est essentielle. Le doute doit être permanent et il convient
d’entreprendre systématiquement une démarche d’investigation appropriée
afin de vérifier la validité des informations collectées ou à disposition.
Conclusion

Réaliser un diagnostic global d’une exploitation agricole nécessite de respecter une


méthodologie précise.

Dans un premier temps, il convient de prendre en compte le fonctionnement global


de l’exploitation grâce à la méthode de l’AGEA permettant une compréhension du sys-
tème de décision et une modélisation du système de production. Cette étape est un
préalable incontournable à la réalisation du diagnostic.

Ensuite, il faut réfléchir, dans l’élaboration du diagnostic, aux multiples interac-


tions existant entre les différents diagnostics (ou diagnostics partiels). Ainsi, un dia-
gnostic global n’est pas une simple addition des différents diagnostics réalisés sur
l’exploitation (diagnostics technique, économique, financier, social, environnemen-
tal…) mais il doit être une synthèse hiérarchisée de ces différents diagnostics.

Le diagnostic doit aboutir à la détermination des forces (ou points forts) et des fai-
blesses (ou points faibles) du Système Exploitation-Famille issues de la confronta-
tion entre des résultats analysés et les objectifs définis par les acteurs de l’exploi-
tation, et à une comparaison avec des références et/ou des données de groupe mais
aussi avec des évolutions pluriannuelles.

Pour réaliser le diagnostic d’une exploitation, il faut donc disposer ou élaborer des
références chiffrées qui permettent de relativiser des résultats par rapport à une situa-
tion ou un atelier comparable : c’est ce qu’on appelle des références spatiales. Mais
on va aussi comparer ces résultats par rapport aux années passées et établir ainsi
des références temporelles.
Cependant, il convient de faire preuve de prudence dans l’utilisation de ces références,
tant au niveau du ratio lui-même, que dans la constitution du groupe avec lequel on
va comparer les résultats de l’exploitation.

La question que pose le diagnostic global est de savoir si le Système Exploitation-


Famille est cohérent tant au niveau économique que financier et social et on peut
aussi ajouter du point de vue environnemental.

141
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Dans un diagnostic, identifier les points forts et les points faibles d’une exploitation
en les confrontant aux objectifs fixés et en les comparant à des références spatiales
et temporelles n’est pas suffisant. Il est important de mettre en évidence les causes
permettant d’expliquer ces points forts et ces points faibles. En effet, l’identifica-
tion des facteurs d’explication de tel ou tel résultat est primordiale pour élaborer des
pistes d’amélioration pertinentes et adaptées à l’exploitation.

La question de la fiabilité de l’information à partir de laquelle va être réalisé un dia-


gnostic est essentielle. Le doute doit être permanent et il convient d’entreprendre
systématiquement une démarche d’investigation appropriée afin de vérifier la vali-
dité des informations collectées ou à disposition.
Liste des sigles

AGEA approche globale de l’exploitation agricole


AOC appellation d’origine contrôlée
BTPL bureau technique de promotion laitière
CAD contrat d’agriculture fonctionnelle
CER centre d’économie rurale
CNL coût nourrie logée
CTE contrat territorial d’exploitation
CUMA coopérative d’utilisation de matériel agricole
DPU droit à paiement unique
EARL exploitation agricole à responsabilité limitée
EBE excédent brut d’exploitation
GAEC groupement d’exploitation en commun
GMQ gain moyen quotidien
ICHN indemnités compensatoires de handicaps naturels
IGER institut de gestion et d’économie rurale
LOA loi d’orientation agricole
MB marge brute
MG matière grasse
MLT moyen long terme
MS matière sèche
PAC politique agricole commune
PMPOA programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole
SAU surface agricole utilisée
SCOP surface en céréales et oléo-protéagineux
SEF système exploitation-famille
SFP surface fourragère principale
SNF surface non fourragère
UGB unité gros bovin
UTH unité de travail homme
VL vache laitière

143
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole

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