Logique 2009 10
Logique 2009 10
Logique 2009 10
Vous ne comprendrez pas tout à la première lecture. Quand quelque chose vous bloque, passez, et revenez-
y ensuite. Les résultats les plus importants figurent en gras. Les recopier vous aidera à les retenir. Relisez
ce document régulièrement, jusqu’à ce que tout soit devenu clair. Sur le même sujet, vous pouvez lire
le 1er chapitre du livre de F. Liret et D. Martinais : Algèbre, 1ère année, chez Dunod.
2 Les propositions
2.1 Un peu de vocabulaire
Dans ce cours, vous rencontrerez de nombreux énoncés mathématiques comme :
1) Soit n un entier naturel.
2) Il existe un réel x tel que x2 = 2
3) 6 < 254
4) Pour tout entier naturel n, on a n2 ≥ n
5) Pour tout réel x, on a x2 ≥ x
6) Si x est un réel, on appelle valeur absolue de x le plus grand des nombres x et −x.
7) Si n est un entier naturel pair, alors n2 est pair.
Ces énoncés sont de types différents : l’énoncé 1) introduit une notation. L’énoncé 6) est
une définition. Les énoncés 2), 3), 4), 5) et 7) affirment qu’une certaine propriété est vraie. Ce
sont des propositions.
Définition : une proposition est un énoncé mathématique qui affirme une propriété.
1
Cours de Y. Viossat. Ce document s’inspire d’un polycopié écrit par Geneviève Pons. Merci de signaler les
fautes de frappe à l’adresse viossat "arobase" ceremade.dauphine.fr
1
Une proposition est soit vraie soit fausse. Elle ne peut pas être à la fois vraie
et fausse. Parmi les propositions ci-dessus, les propositions 2), 3), 4) et 7) sont vraies. La
proposition 5) est fausse (en effet, 1/2 est un réel et on n’a pas (1/2)2 ≥ 1/2).
On distingue deux types de propositions vraies : les axiomes et les théorèmes. Un axiome
est une proposition dont on décide a priori qu’elle est vraie : elle ne se démontre donc pas. Un
théorème est une proposition dont on démontre qu’elle est vraie.2
Exemples :
P : “9 ≥ 8" est une proposition vraie.
Q : “Il existe un réel x tel que x2 < 0" est une proposition fausse.
A : “Par deux points donnés on peut faire passer une droite et une seule" est un axiome de
la géométrie euclidienne.
T : “Toute fonction dérivable est continue." est un théorème qui sera démontré dans le cours
d’analyse.
Dans la suite, les lettres majuscules P, Q, R désigneront des propositions.
Un des buts des mathématiques est bien sûr de prouver des théorèmes intéressants. Cela
suppose notamment de savoir former de nouvelles propositions et de savoir déterminer si ces
nouvelles propositions sont vraies ou fausses. Pour cela on dispose :
- des propositions déjà formées (au début, uniquement les axiomes) ;
- d’expressions comme "non", "et", "ou", "implique", "est équivalent à", qu’on appelle des
connecteurs ;
- de règles de construction des propositions qui nous disent comment former de nouvelles
propositions à l’aide de ces expressions et des propositions déjà formées ;
- de règles de logique, qui nous permettent de déterminer si ces nouvelles propositions sont
vraies ou fausses.
Préciser ces règles, c’est définir le sens des connecteurs et étudier leurs propriétés. C’est ce
que nous allons faire dans ce chapitre.
On peut enchaîner les négations et former par exemple la double négation de P : non(nonP).
Les propositions P et non(nonP) ont toujours la même "valeur de vérité" (elles sont toutes les
deux vraies ou toutes les deux fausses). On dit qu’elles sont équivalentes.
Exemple : la négation de P : "La fonction f est continue sur R" est nonP : "la fonction f
n’est pas continue sur R". Sa double négation est non(nonP) : "Il n’est pas vrai que f n’est pas
2
Dans la pratique, d’autres mots sont également utilisés : le nom de théorème est souvent réservé aux résultats
les plus importants. Un lemme est un résultat intermédiaire, utilisé dans la démonstration d’un théorème. Un
corollaire est un résultat qui découle immédiatement d’un théorème. Enfin, comme dans la suite du cours on
n’écrira que des propositions vraies, on emploiera le mot proposition avec le même sens que le mot théorème,
mais pour des résultats un peu moins importants.
2
continue sur R". Les propositions P et non(nonP) sont équivalentes.
La proposition : "x > 0 ET x < 1" est du type "P ET Q", où P est la proposition "x > 0" et
Q la proposition "x < 1. Elle affirme que les propositions P et Q sont toutes les deux vraies. La
proposition "x > 0 OU x < 1" est du type "P OU Q", avec pour P et Q les mêmes propositions
que précédemment. Elle affirme qu’au moins l’une des propositions P et Q est vraie.
D’une manière générale, la proposition P ET Q est vraie si P et Q sont toutes les
deux vraies, et est fausse sinon. La proposition P OU Q est vraie si au moins l’une
des deux propositions P et Q est vraie, et est fausse sinon.
Bien noter que si P et Q sont toutes les deux vraies, alors P OU Q est vraie. On dit que le
“OU" est inclusif.3
Exercice : les propositions suivantes sont-elles vraies ou fausses ? Réponses au bas de la page.4
a) “3 > 2 ET 5 > 7" ; b) “3 > 2 OU 5 > 7" ; c) “3 > 2 ET 4 est un nombre pair" ;
d) “3 > 2 OU 4 est un nombre pair" ; e) “5 > 10 ET 2 > 3" ; f) “5 > 10 OU 2 > 3".
On peut résumer les définitions des termes "non", "ET" et "OU" par la table suivante,
appelé table de vérité du non, du ET et du OU. On a également fait figurer la définition de la
proposition "nonP OU Q" pour des raisons qui deviendront claires dans la section suivante.
P Q non P P ET Q P OU Q nonP OU Q
V V F V V V
V F F F V F
F V V F V V
F F V F F V
Cette table se lit ainsi : si P est vraie et Q est vraie, alors : nonP est fausse, P ET Q est
vraie, P OU Q est vraie, et nonP OU Q est vraie ; si P est vraie et Q est fausse, alors : nonP
est fausse, P ET Q est fausse, P OU Q est vraie, etc.
Remarques :
1) Pour toute proposition P, l’une des deux propositions P et nonP est vraie, et l’autre est
fausse. Il s’ensuit que la proposition P ET nonP est toujours fausse, et la proposition P OU
nonP toujours vraie.
3
En français, le mot "ou" est souvent ambigu. Ainsi, quand on dit "Pour bénéficier d’une réduction, il faut
être étudiant ou avoir moins de 26 ans.", cela ne veut pas dire que si vous êtes étudiant et avez moins de 26
ans, vous ne pourrez pas bénéficier de la réduction : le ou est alors inclusif. En revanche, l’expression "fromage
ou dessert" veut dire : soit fromage, soit dessert, mais pas les deux. Le ou est alors exclusif. En mathématiques,
le ou est toujours inclusif.
4
Réponses : a) F ; b) V ; c) V ; d) V ; e) F ; f) F
3
2) La proposition "Q OU P" veut dire la même chose que la proposition "P OU Q", à
savoir qu’au moins l’une des propositions P et Q est vraie. De même, la proposition "Q ET P"
veut dire la même chose que la proposition "P ET Q". On dit que le OU et le ET sont
commutatifs.
3) On peut combiner des ET, des OU et des NON pour former de nouvelles propositions.
Il faut alors bien faire attention à la place des parenthèses, car le sens en dépend. Supposons
par exemple que la proposition P soit fausse et que la proposition Q soit vraie. Dans ce cas,
P ET (nonP OU Q) est fausse (car P est fausse donc P ET bidule est fausse, quelque soit la
proposition bidule) ; en revanche, (P ET nonP) OU Q est vraie (car Q est vraie, donc machin
OU Q est vraie, quelque soit la proposition machin).
Exercice : les propositions suivantes sont-elles vraies ou fausses ? Réponse en note.5
a) 2 + 2 = 5 ET (2 + 2 6= 5 OU 32 = 9) ; b) (2 + 2 = 5 ET 2 + 2 6= 5) OU 32 = 9
4) Dans certains cas très particuliers, la place des parenthèses n’est pas importante. Ainsi,
P ET (Q ET R) veut dire la même chose que (P ET Q) ET R, à savoir que les trois propositions
P, Q, R sont vraies. On peut donc écrire simplement P ET Q ET R, sans parenthèses, sans que
ce soit ambigu. De même, P OU (Q OU R) veut dire la même chose que (P OU Q) OU R : au
moins l’une des propositions P, Q, R est vraie. On peut donc écrire simplement P OU Q OU
R. On dit que le ET et le OU sont associatifs.
2.4 Implication
Les mathématiciens aiment bien définir les notions qu’ils utilisent à partir du plus petit
nombre de définitions de base possibles. Aussi ont-ils cherché à définir la notion d’implication
à partir des expressions "non" et "OU". Pour voir comment cela est possible, analysons un
exemple.
Soient x et y des réels. La proposition "Si x < 0 alors y < 0" veut dire qu’on est dans l’un
des trois cas suivants : (x < 0, y < 0) , (x ≥ 0, y < 0), ou (x ≥ 0, y ≥ 0), mais pas dans le cas
(x < 0, y ≥ 0). D’une manière générale, "Si P alors Q" veut dire qu’on est dans l’un des trois
cas suivants : (P vraie, Q vraie) , (P fausse, Q vraie), ou (P fausse, Q fausse), mais pas dans le
cas (P vraie, Q fausse). Ce qu’on peut exprimer par : la proposition P ET nonQ est fausse.
Considérons maintenant la proposition nonP ou Q. D’après la table de la section précédente,
cette proposition est vraie dans les trois cas suivant : (P vraie, Q vraie) ; (P fausse, Q vraie) ;
(P fausse, Q fausse), et elle est fausse dans le dernier cas possible : (P vraie, Q fausse). Bien
que ce ne soit pas évident à priori, on constate donc que "nonP ou Q" veut dire la même chose
que "Si P alors Q". Ceci a amené les mathématiciens à définir la proposition "Si P alors Q"
comme étant la proposition nonP ou Q.
Définition : la proposition “Si P alors Q" est la proposition nonP ou Q. Dans les formules,
elle se note P ⇒ Q.
4
lieu de "Si P alors Q" on peut dire aussi "P implique Q". Cela veut dire la même chose. La
proposition “Si Q alors P" s’appelle l’implication réciproque de “Si P alors Q". Enfin, l’implica-
tion “Si nonQ alors nonP" s’appelle l’implication contraposée de “Si P alors Q".
Vocabulaire : pour dire que P est équivalente à Q, on dit aussi que P est vraie si et seulement
si Q est vraie. On dit également que P est une condition nécessaire et suffisante de Q.
La table ci-dessous montre que la proposition P est équivalente à la proposition Q
si et seulement si elles sont toutes les deux vraies ou toutes les deux fausses.
Exemple de propositions équivalentes : les propositions “39 ≥ 105 " et “39 + 1 ≥ 105 + 1" sont
équivalentes. Si x et y sont des réels, les propositions "|x| > |y|" et "x2 > y 2 " sont équivalentes.
5
Soient P, Q, R trois propositions. Supposons que P et Q soient équivalentes. Alors la pro-
position complexe P ET R est équivalente à Q ET R. (En effet, si P ET R est vraie alors P est
vraie et R est vraie. Mais puisque P est vraie et que P et Q sont équivalentes, Q est vraie. Donc Q est
vraie et R est vraie, donc Q ET R est vraie. On montre de même que si Q ET R est vraie, alors P ET
R est vraie. On a donc bien montré que P ET R et Q ET R sont équivalentes.) De même, si P et Q
sont équivalentes, alors P OU R est équivalente à Q OU R (prouvez-le !).
Plus généralement, appelons proposition complexe une proposition construite à l’aide de
propositions de base et des connecteurs "non", "ET", "OU", "implique", "est équivalente à".
Par exemple (A OU B) ⇒ C est une proposition complexe construite à l’aide des propositions
de bases A, B, C. On a alors la propriété suivante :
Exemple Soient x et y des réels e f une fonction de R dans R. Les propositions P : x + 1 > y + 1
et P’ : x > y sont équivalentes. De ce fait, les propositions complexes S et S ′ suivantes sont
équivalentes :
S : (x + 1 > y + 1 ET xy > 0) ⇒ f (x) > f (y) ;
S’ : (x > y ET xy > 0) ⇒ f (x) > f (y).
2.6 Propriétés du ET et du OU
Les propriétés suivantes sont vraies pour n’importe quelles proposition P, Q, R. Elles se
démontrent facilement et nous les admettrons pour la plupart.
Exemple 1 : “Je vais acheter un sandwich ET (je vais acheter une pomme OU je vais acheter
une poire)" veut dire la même chose que “(Je vais acheter un sandwich ET je vais acheter une
pomme) OU (je vais acheter un sandwich ET je vais acheter une poire)".
6
Exemple 2 : A : “j’achète un vélo OU (j’achète une voiture ET j’achète un garage)"
est équivalent du point de vue logique à
B : “(j’achète un vélo OU j’achète une voiture) ET (j’achète un vélo OU j’achète un garage)"
En effet B est vraie si j’achète un vélo, B est encore vraie si je n’achète pas de vélo mais
que j’achète une voiture et un parking, et B est fausse dans tous les autres cas (verifiez-le !). Il
en est de même de A. Les propositions A et B sont donc équivalentes.
P Q R Q ET R P OU (Q ET R) P OU Q P OU R (P OU Q) ET (P OU R)
V V V V V V V V
V V F F V V V V
V F V F V V V V
V F F F V V V V
F V V V V V V V
F V F F F V F F
F F V F F F V F
F F F F F F F F
2.6.2 Négation du ET
Intuitivement, la négation de “ces deux propositions sont vraies" est “au moins une de ces
deux propositions est fausse". Formellement :
6
Théorème 2 : La négation de P ET Q est nonP OU nonQ
7
2.6.3 Négation du OU
Intuitivement, la négation de “au moins l’une de ces deux proposition est vraie" est “ces
deux propositions sont fausses." Formellement :
Exemples : la négation de “(je suis né en automne) OU (je suis né au printemps)" est “(je ne
suis pas né en automne) ET (je ne suis pas né au printemps)".8
La négation de “(6 est un multiple de 3) ET (12 est un multiple de 6)" est “(6 n’est pas un
multiple de 3) OU (12 n’est pas un multiple de 6)".
Preuve : supposons que P implique Q et que Q implique R. Supposons P vraie. Puisque P est
vraie et que P implique Q, la proposition Q est vraie. Puisque Q est vraie et que Q implique R,
R est vraie. On a bien montré que si P est vraie, alors R est vraie, c’est à dire que P implique R.
Preuve : Par définition la proposition “Si A alors B" est la proposition “nonA OU B". En ap-
pliquant cela à A=nonQ et B=nonP, on voit que la proposition “Si nonQ alors nonP" est la
proposition “non(nonQ) OU nonP". Cette proposition est équivalente à “Q OU nonP" et donc à
“nonP OU Q" puisque le OU est commutatif. Or la proposition "nonP OU Q" est précisément
la proposition "Si P alors Q". La proposition “Si nonQ alors nonP" est donc bien équivalente
à la proposition “Si P alors Q".
Exemples : La proposition “Si Pierre a 20 ans, alors Marie à 19 ans" est équivalente à la
proposition “Si Marie n’a pas 19 ans, alors Pierre n’a pas 20 ans".
7
Toujours au sens où la proposition non(P OU Q) est équivalente à la proposition nonP ET nonQ
8
En bon français, on dirait “je ne suis né ni en automne ni en été". En mathématiques, on ne dit pas “ni A
ni B" mais “nonA et nonB".
9
On dit que l’implication est transitive.
8
Soit f une fonction de R dans R. La proposition “si f est dérivable alors f est continue" est
équivalente à la proposition “si f n’est pas continue, alors f n’est pas dérivable".
Le théorème 5 a une conséquence très importante : pour montrer que P implique Q, il suffit
de montrer que nonQ implique nonP. En d’autre termes, au lieu de montrer que si P est
vraie alors Q est vraie, on peut montrer que si Q est fausse, alors P est fausse. C’est
la base de ce qu’on appellera le raisonnement “par contraposée".
Cela découle du fait que “P implique Q" veut dire “nonP OU Q" et de la règle de négation
du OU.
2.8 Compléments :
2.8.1 Comment montrer que P implique Q ? que P est équivalente à Q ?
D’après la table de P ⇒ Q, pour montrer que P implique Q, il suffit de montrer que
si P est vraie alors Q est vraie. En pratique on suppose que P est vraie et au terme d’un
raisonnement on montre que Q est vraie. C’est le raisonnement direct. Une autre méthode
est de montrer que nonQ implique nonP (voir théorème 5). On suppose alors que Q est fausse
et on montre que P est fausse. C’est le raisonement par contraposée.
positif), 39 ≤ 20 000. Donc P est fausse. On a bien montré que si Q est fausse, alors P est
fausse. Donc nonQ implique nonP. Donc P implique Q.
9
2.8.2 Vocabulaire
Les expressions suivantes veulent dire la même chose :
• Si P est vraie, alors Q est vraie
• P implique Q
• P est une condition suffisante de Q
• Pour que Q soit vraie, il suffit que P soit vraie
• Q est une condition nécessaire de P
• Pour que Q soit fausse, il faut que P soit fausse
• Si Q est fausse, alors P est fausse
• P est vraie seulement si Q est vraie
Les expressions suivantes veulent dire la même chose :
• P est équivalente à Q
• Q est équivalente à P
• P et Q sont équivalentes
• P est vraie si et seulement si Q est vraie
• P est fausse si et seulement si Q est fausse
• P est une condition nécessaire et suffisante de Q
10
3 Les expressions “pour tout", “il existe"
En mathématiques on considère souvent des énoncés comme “Il existe un réel x tel que
x = 1", “Pour tout entier naturel n, on a n2 ≥ n", “Pour tout réel x non nul, il existe un réel y
2
tel que xy = 1", etc. Il est fondamental de comprendre ce que signifient ces énoncés, de savoir
les manipuler, et de savoir les nier.
Dans la suite, E désigne un ensemble et P(x) une expression qui dépend de x, et qui, pour
tout élément x de E donné est soit vraie soit fausse. Par exemple, si E = R, P(x) pourrait être
l’expression "x2 ≥ 2".
Exemples : “Il existe un réel x tel que x2 = 0" est une proposition vraie (il y a exactement un
réel x tel que x2 = 0, donc il y en a au moins un.)
“Il existe un réel x tel que x2 ≥ x" est une proposition vraie (il y a une infinité de réels x
tels que x2 ≥ x, donc il y en a au moins un)
En revanche, la proposition “Il existe un réel x tel que x2 = −1" est une proposition fausse.
En effet, quelque soit la valeur réelle donnée à x, on n’aura jamais x2 = −1.
On peut aussi écrire, avec le même sens : “pour tout élément x de E, on a P(x)".
Exemples : “Pour tout réel x, x2 ≥ 0" est une proposition vraie. En effet, il n’existe aucun
nombre réel dont le carré soit strictement négatif.
“Pour tout réel x, x2 ≥ x" est une proposition fausse. Bien sûr il existe des réels qui sont
plus petits que leur carré. Il en existe même une infinité. Mais on peut trouver des réels qui
sont strictement plus grands que leur carré, par exemple 1/2. Donc la proposition est fausse.
La proposition “Pour tout réel x, x2 > 0" est fausse. En effet, pour x = 0, on n’a pas x2 > 0.
Remarque : Les expressions “il existe un réel x", “il existe x dans R" et “il existe un élément
x de R" veulent dire la même chose. De même, les expressions “pour tout réel x", “pour tout x
dans R" et “pour tout élément x de R" veulent dire la même chose.
11
“il existe un réel x tel que x2 = 1"
“il existe un réel y tel que y 2 = 1"
“il existe un réel z tel que z 2 = 1" “Il existe un réel schtroumpf tel que (schtroumpf )2 = 1"
Ces expressions veulent toutes dire la même chose : qu’il existe un réel dont le carré vaut 1.
De même les expressions
“pour tout réel x, on a x2 ≥ 0"
“pour tout réel y, on a y 2 ≥ 0"
“pour tout réel z, on a z 2 ≥ 0"
veulent toutes dire la même chose (qu’il n’y a aucun réel dont le carré est −1).
Plus généralement, si dans un énoncé comprenant une variable x, on remplace
partout x par un autre symbole, on ne change pas le sens de l’énoncé. Pour dire que
le fait qu’on utilise x comme variable plutôt que y ou z ne change pas le sens de la proposition,
on dit que la variable est muette.
Exemple : La négation de “pour tout entier naturel n, on a n2 ≥ n" est “il existe un entier
naturel n tel que n2 < n".
Exemple : La négation de la proposition “Il existe un réel x tel que x2 = 0" est “Pour tout réel
x, non(x2 = 0)" c’est à dire “Pour tout réel x, x2 6= 0"
Règle 7 : Pour nier une expression commençant par “il existe" on transforme le “il
existe" en “pour tout" et on nie ce qui suit. Pour nier une expression commençant
par “pour tout", on transforme le “pour tout" en “il existe" et on nie ce qui suit.
12
3.6 Règles sur le OU et le ET
On admet les règles suivantes :
Exemple (informel) : “Tous les étudiants de l’amphi vont acheter un sandwich et une boisson"
veut dire la même chose que “Tous les étudiants de l’amphi vont acheter un sandwich ET tous
les étudiants de l’amphi vont acheter une boisson".
Théorème 9 : La proposition “Il existe x dans E tel que [P(x) OU Q(x)]" est équi-
valente à “[Il existe x dans E tel que P(x)] OU [il existe x dans E tel que Q(x)]"
Théorème 10 : Si “[pour tout x dans E, P(x)] OU [pour tout x dans E, Q(x)]" alors
“Pour tout x dans E, [P(x) OU Q(x)]". La réciproque est fausse.
Exemple : Si tous les étudiants achètent des pommes OU tous les étudiants achètent des poires,
alors tous les étudiants achètent des fruits (poires ou pommes).
Pour voir que la réciproque est fausse, imaginez que tous les étudiants achètent des fruits
(pommes ou poires), mais que certains étudiants n’achètent que des poires et d’autres unique-
ment des pommes. Alors “tous les étudiants achètent des poires OU des pommes" est vraie,
mais “tous les étudiants achètent des pommes OU tous les étudiants achètent des poires" est
faux.
Théorème 11 : S’il existe x dans E tel que (P(x) ET Q(x)), alors il existe x dans E
tel que P(x) ET il existe x dans E tel que Q(x). La réciproque est fausse.
Exemple : s’il existe un étudiant qui a la 20 en analyse et qui a 20 en algèbre, alors il existe
un étudiant qui a 20 en analyse ET il existe un étudiant qui a 20 en algèbre. La réciproque est
fausse : ce n’est pas parce qu’il y a un étudiant qui a 20 en analyse et un étudiant qui a 20 en
algèbre qu’il y a un étudiant qui a 20 dans les deux matières.
13
De même une proposition du type “Pour tout élément de l’ensemble vide, on a P(x)" est
toujours vraie. En effet, pour que cette proposition soit fausse, il faudrait qu’il existe un élément
x de l’ensemble vide tel que P (x) ne soit pas satisfaite. Mais alors, cet élément x serait un
élément de l’ensemble vide, et donc l’ensemble vide aurait au moins un élément. Ce n’est pas
le cas, par définition.
Appelons Q(x) l’expression : “il existe un réel y tel que xy = 1". La proposition P peut se
réécrire :
P : “Pour tout réel x, Q(x)"
D’après la règle 7, sa négation est :
nonP : “Il existe un réel x tel que nonQ(x)"
Pour terminer il suffit donc de nier Q(x). D’après la règle 7, la négation de Q(x) est :
nonQ(x) : “Pour tout réel y, non(xy = 1)"
c’est à dire : “Pour tout réel y, xy 6= 1". On obtient donc finalement pour la négation de P :
nonP : “Il existe un réel x tel que, pour tout réel y, xy 6= 1"
14
nier la conclusion. On obtient donc :
nonP : “Il existe un réel x tel que, pour tout réel y, non(xy = 1)"
c’est à dire
nonP : “Il existe un réel x tel que, pour tout réel y, xy 6= 1"
Pour vérifier que vous suivez : que veut dire la proposition P ci-dessus ? Est-elle vraie ? La
réponse est dans la note de bas de page.11
Autre exemple : soient A, B, C des ensembles. Supposons qu’on veuille nier une proposition
du type :
P : “Il existe a dans A tel que, pour tout b dans B, il existe c dans C tel que Q(a, b, c)"
où Q(a, b, c) est une expression qui, pour toutes valeurs données à a, b et c, est une proposition.
Ca paraît assez casse-tête mais en fait, avec un peu d’habitude, c’est très facile.
Première méthode : en appliquant la règle 7 plusieurs fois. On obtient dans l’ordre les ex-
pressions suivantes pour nonP :
Etape 1 : Pour tout a dans A, non[pour tout b dans B, il existe c dans C tel que Q(a, b, c)]
Etape 2 : Pour tout a dans A, il existe b dans B tel que, non[il existe c dans C tel que Q(a, b, c)]
Etape 3 : Pour tout a dans A, il existe b dans B tel que, pour tout c dans C, nonQ(a, b, c).
Q : “Pour tout réel x, il existe un entier naturel n tel que n ≤ x < n + 1"
R : “Il existe un entier naturel n tel que, pour tout réel x, n ≤ x < n + 1"
Les propositions Q et R sont elles équivalentes ? Y-en-a-t-il une qui implique l’autre ? Cette
section répond à ce type de questions.
11
La proposition P veut dire que tous les réels ont un inverse. C’est faux, car 0 n’a pas d’inverse.
15
Théorème 14 : Soient Q’ et R’ les propositions suivantes :
Q : “Il existe un élément x de E tel que : il existe un élément y de F tel que P(x, y)"
R : “Il existe un élément y de F tel que : il existe un élément x de E tel que P(x, y)"
Les proposition Q et R sont équivalentes.
On dit qu’on ne peut pas intervertir un “pour tout" et un “il existe". Pour com-
prendre ce résultat, considérons l’exemple suivant. Soit E l’ensemble des épreuves des derniers
jeux olympiques. Soit F l’ensemble des athlètes. Considérons les propositions suivantes :
P : “Pour toute épreuve y, il existe un athlète x tel que l’athlète x a remporté l’épreuve y"
Q : “Il existe un athlète x tel que, pour toute épreuve y, l’athlète x a remporté l’épreuve y"
La règle à retenir est la suivante : on peut intervertir deux “pour tout" qui se suivent
ou deux “il existe" qui se suivent sans changer le sens de la proposition. En revanche,
on ne peut pas intervertir un “pour tout" et un “il existe". C’est très important !
16
Remarques :
• Quand on dit qu’il existe un réel x et un réel y tel que blah blah blah, le x et le y peuvent
être le même. Ainsi, la proposition : "Il existe u n réel x et un réel y tels que x2 + y 2 = 0" est
vraie, bien que les seuls valeurs qui marchent pour x et y soient x = y = 0.
• pour bien indiquer que dans la proposition “Pour tout élément x de E, il existe un élément
y de F tel que P (x,y)" l’élément y n’est pas à priori le même pour tous les x, certains écrivent :
“Pour tout élément x de E, il existe un élément yx de F tel que P (x, yx )"
L’inconvénient est que quand on veut nier la proposition écrite sous cette forme, il ne faut
pas seulement changer le “pour tout" en “il existe" et le “il existe" en “pour tout", mais aussi
remplacer yx par y tout court.
Exemples :
∀x ∈ R, x2 ≥ 0
se lit : “Pour tout élément x de R, on a x2 > 0"
∃x ∈ R, x2 = 0
se lit : “Il existe un élément x de R tel que x2 = 0"
∀x ∈ R, ∃y ∈ R, x + y = 0
se lit : “pour tout élément x de R, il existe un élément y de R tel que x + y = 0."
On pourrait dire aussi, avec le même sens : “pour tout réel x, il existe un réel y tel que
x + y = 0." Cela signifie que tout nombre réel a un opposé, ce qui est bien sûr vrai.
La proposition
∃y ∈ R, ∀x ∈ R, x + y = 0
se lit : “il existe un élément y de R tel que, pour tout élément x de R, x + y = 0"
On pourrait dire aussi : “il existe un réel y tel que, pour tout réel x, x + y = 0". Cela signifie
qu’il existe un réel y tel que tous les nombres réels sont égaux à −y, ce qui est bien sûr faux.
La proposition
∃x ∈ R, ∃y ∈ R, xy < 0
17
se lit : “il existe un x dans R et il existe un y dans R tels que xy < 0"
C’est vrai, par exemple x = 1 et y = −1. La proposition
∀x ∈ R, ∀y ∈ R, xy ≥ 0
se lit : “pour tout x dans R, pour tout y dans R, on a xy ≥ 0". Cela veut dire que le produit
de deux nombres réels est toujours positif. C’est bien entendu faux.
La virgule après “∃" se lit “tel que". La virgule après un “∃" qui précède immédiatement un
autre “∃" peut aussi se lire “et".
La virgule après “∀" se lit “on a" ou ne se lit pas. La virgule après un “∀" qui précède
immédiatement un autre “∀" peut aussi se lire “et".
Interversion de “ ∀" et de “ ∃" : intervertir deux “∀" qui se suivent ou deux “∃" qui se
suivent ne modifie pas le sens d’un énoncé. Si un énoncé comprend un “∀" et un “∃",
l’ordre dans lequel ils apparaissent est fondamental.
∀x ∈ E, P (x)
est
∃x ∈ E, nonP (x)
La négation de
∃x ∈ E, P (x)
est
∀x ∈ E, nonP (x)
Plus généralement, on a la règle suivante : pour nier un énoncé comprenant des “∀"
et des “∃", on transforme les ∀ en ∃, les ∃ en ∀ et on nie la conclusion.
Exemple : la négation de
∀x ∈ R, ∃y ∈ R, x + y = 0
est
∃x ∈ R, ∀y ∈ R, x + y 6= 0
18
La négation de
∀x ∈ R, ∀y ∈ R, xy ≥ 0
est
∃x ∈ R, ∃y ∈ R, xy < 0
(ceci exprime la propriété suivante : la négation de “le produit de deux nombres réels est toujours
positif ou nul" est “il existe deux nombres réels dont le produit est strictement négatif").
On retient : la négation de “pour tout x dans E, si P(x) alors Q(x)" est “il existe
x dans E tel que (P(x) ET nonQ(x))".
La négation de
∀x ∈ E, P (x) ⇒ Q(x)
est
∃x ∈ E, P (x) ET nonQ(x)
Attention : prendre la négation d’un énoncé comprenant une implication est parfois diffi-
cile parce que l’énoncé de départ est en fait incomplet.
(A ⊂ B) ⇔ (x ∈ A ⇒ x ∈ B)
19
Mais si on veut écrire que A n’est pas inclus dans B, il faut d’abord réécrire l’enoncé complet :
(A ⊂ B) ⇔ (∀x ∈ E, x ∈ A ⇒ x ∈ B)
non(A ⊂ B) ⇔ (∃x ∈ E, x ∈ A ET x ∈
/ B)
3.11 Les signes “∃" et “∀" ne s’utilisent que dans les formules.
Ces signes ne sont pas des abbréviations. Il faudrait plutôt les considérer comme apparte-
nant à une autre langue, la langue mathématique.
Un énoncé comme : “∀ réel x, ∃ réel y tel que x + y = 0" n’est pas correct et sera sanctionné.
C’est un peu comme si vous écriviez : “For all réel x, there exists un réel y tel que x + y = 0".
Ca ferait bizarre !
Enoncés corrects :
“Pour tout réel x, il existe un réel y tel que x + y = 0"
“Pour tout réel x dans R, il existe y dans R tel que x + y = 0"
“∀x ∈ R, ∃y ∈ R, x + y = 0"
Enoncés inacceptables :
“∀ réel x, ∃ un réel y, x + y = 0"
“∀ réel x, ∃ réel y tel que x + y = 0"
“∀ x dans R, ∃ y dans R, x + y = 0"
Etc.
“Il existe au plus un élément x de E tel que P(x)" signifie que le nombre d’élé-
ment de E tels que P(x) est vraie est égal à 0 ou à 1 (mais pas 2, ni plus que 2).
20
Exemples : “il existe au plus un réel x tel que x2 = 0" est une proposition vraie (le nombre de
réels dont le carré est nul est égal à un, donc à zéro ou un).
“Il existe au plus un réel x tel que x2 < 0" est aussi une proposition vraie (il n’y a pas de
réels dont le carré est nul, donc il y en a zéro, donc il y en a zéro ou un).
“Il existe au plus un réel x tel que x2 = 1" est une proposition fausse.
“Il existe au plus un réel x tel que x2 ≥ 0" est aussi une proposition fausse.
“Il existe un unique élément x de E tel que P(x)" signifie : le nombre d’éléments
x de E tels que P(x) est vraie est exactement égal à 1. En d’autres termes, “Il existe un
unique" veut dire “il existe au moins un ET il existe au plus un".
Exemples :
“il existe un unique réel x tel que x2 = 0" est une proposition vraie.
“il existe un unique réel x tel que x2 = 1" est une proposition fausse (il en existe 2).
“il existe un unique réel x tel que x2 = −1" est une proposition fausse (il n’en existe aucun).
Négation :
La négation de “il existe" (sous entendu : “il existe au moins un") est “il n’existe aucun".12
La négation de “il existe au plus un" est “il existe au moins deux".
La négation de “il existe un unique" est “il existe zéro OU il existe au moins deux".
Symboles :
Nous éviterons le plus possible d’utiliser les symboles pour “il existe au plus un" et pour “il
existe un unique". Cependant, vous les rencontrerez peut-être dans des livres. Le symbole pour
“il existe au plus un" est “!" ; le symbole pour “il existe un unique" est “ ∃! ". Par exemple :
“∃!n ∈ N, n2 = 4" se lit : “il existe un unique entier naturel n tel que n2 = 4".
Comme “∀" et “∃", les symboles “!" et “∃!" ne s’utilisent que dans des formules.
12
Plus précisément, la négation de “il existe x dans E tel que P(x)" se dit en français “il n’existe aucun x dans
E tel que P(x)" ou bien “pour tout x dans E, nonP(x)". Cette deuxième version est préférable parce qu’elle est
plus proche de l’écriture formelle : ∀x ∈ E, nonP (x).
21