Chapitre 1
Chapitre 1
Chapitre 1
Introduction
1
Cette expression veut faire entendre l’ensemble de sociétés en Afrique subsaharienne essentiellement à
l’époque précoloniale qui selon plusieurs auteurs (ethnologues, sociologues, historiens) semblent avoir des traits
commun au plan anthropologique, politique, social et religieux.
2
Notre expérience vécue dans les milieux Chewa et Bambara justifie le choix de ces deux cultures. Ces
expériences nous permettent d’entrer en profondeur du sujet de notre étude en saisissant surtout les notions de
solidarité exprimées dans les langues chichewa et bambara afin d’analyser des faits socio historiques.
Deuxièmement, le choix de ces deux cultures se base sur les différences entre eux ; notamment le système de
famille, le peuple Chewa est matriarcal tandis que le peuple Bambara est patriarcal et les Chewa sont d’une
origine bantoue largement répandue de l’Afrique centrale jusqu’à l’Afrique australe et les Bambara
appartiennent au groupe mandingue largement répandu en Afrique de l’Ouest. Nous supposons ainsi que malgré
les différences entre ces deux cultures, nous pouvons trouver des éléments d’homogénéité qui pourront être
élargies à l’ensemble des peuples noirs africains.
qui, à l’origine relève du domaine juridique et qui s’est étendue dans d’autres domaines
comme la sociologie et la politique3. L’étymologie du mot indique que l’idée de faire
cohésion, de former un tout, fait partie du champ de la solidarité. Nous pouvons ainsi
supposer que cette racine nous mène vers un objet composé dont le tout tient ensemble.
Dans son acception générale, elle peut être définie comme « un sentiment qui pousse
des personnes à ressentir un besoin moral d’assister d’autres personnes et réciproquement »4.
De ce fait, on ne peut donc parler de la solidarité sans évoquer d’autres notions comme
l’amour, l’entraide, la fraternité, la justice, la charité et le vivre ensemble. En effet, il est bon
de remarquer que le terme est en général utilisé abusivement ou confondu pour designer
l’altruisme, la générosité ou la charité.
Dans le domaine social, la solidarité peut être définie comme « la relation entre
personnes ayant conscience d'une communauté d'intérêts, qui entraîne, pour les unes,
l'obligation morale de ne pas desservir les autres et de leur porter assistance» 10. Au cours de
son existence, la personne humaine est amenée à créer et choisir ses communautés d’intérêts
3
Cf. Jean-François Ngandu KAMUNGA, La solidarité africaine, une valeur culturelle en voie de disparition ?
Cas de Luba du Grand Kasaï, Paris, l’Harmattan, 2020, p. 19.
4
Ibidem.
5
Cf. Gérard MATHON et Gérard-Henry BAUDRY, (éds.), Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain,
encyclopédie, Paris, Letouzey et Ané, 1998, p. 246
6
Cf. Ludovic VIEVARD, Les fondements théoriques de la solidarité et leurs mécanismes contemporains, p. 12,
in : https//www.millenaire3.com/ressources/lesfondements- théoriques-et-leurs-mécanismes-contemporains.
(consulté le 10 aout 2021).
7
Cf. MATHON Gérard et BAUDRY Gérard-Henry, Op.cit, p. 246.
8
Ibidem.
9
Ibidem.
10
Alain REY et Josette REY-DEBOVE, (dir.), Le nouveau petit Robert 1, Dictionnaire de la langue française
1, Paris, Avenue Pierre de Coubertin, 2007, p. 1829.
vu qu’elle n’est pas vouée à l’isolement dans la poursuite de sa destinée comme le dit bien
l’adage classique selon lequel « l’homme est un être social »11. Ainsi, la solidarité renvoie au
lien qui rassemble des personnes autour d’une loi (orale ou écrite). Celle-ci est la juste mesure
de ce qui appartient à tous et que tous s’engagent à respecter et à protéger 12. Dans un sens
restreint, le terme est généralement utilisé pour parler des pratiques humaines même si au sens
large elle peut également s’appliquer aux animaux et à l’univers des plantes.
Dans le domaine religieux, selon la Bible, il s’y trouve cette notion sous forme
d’altruisme, d’entraide, justice sociale et du vivre ensemble 13. Jean-Jacques Demouveaux
nous montre que « bibliquement, le mot est inexistant (d’ailleurs au même titre que le mot
sacrement) »14. Pour les chrétiens les fondements biblique de la solidarité se trouve dans la
création et dans l’alliance où Dieu se fait partenaire de l’humanité 15. Le point de repère ultime
de cette perspective est Jésus de Nazareth, l’Homme-Dieu, solidaire de toute l’humanité
pècheresse jusqu’à offrir sa vie pour le bonheur et le salut de tous (He 5, 1-10). Les évangiles
font appel au don exprimant le respect et l’amour : la charité doit être la source de la
solidarité16. Jésus de Nazareth fait resplendir devant les yeux de tous les hommes le lien entre
solidarité et charité, et en éclaire toute la signification17. Dans beaucoup de passages bibliques,
la solidarité couvre la bonté, la compassion, l’amour désintéressé qui n’attend rien de retour.
On retrouve telle idée aussi dans le Coran, comme il est écrit à la sourate 5 verset 2,
entraidez-vous dans l’accomplissement des bonnes œuvres et de la piété et ne vous entraidez
pas dans le péché et la transgression. Et craignez Allah, car Allah est, certes, dur en punition.
L’idée principale véhiculée par ces passages cités et bien d’autres (et dans la Bible et le
Coran) concerne la considération et le traitement de « l’autre » être humain comme son
prochain et comme soi-même ; un être humain avec ses droits et son égalité fondamentale à
l’égard de tous qui est créé à l’image de Dieu.
Cette vision du rôle de la solidarité dans la poursuite pour le bien commun anime les
réflexions de Benoit XVI dans la Caritas in Veritate, qui montre que la solidarité signifie
avant tout se sentir responsable de tous22. Dans son ensemble, l’enseignement social de
l’Eglise sur la solidarité se présente sous deux aspects complémentaires ; celui de principe
social et celui de vertu morale23. Selon l’Eglise, la solidarité comme principe de l’organisation
politique et sociale ne peut pas être désassociée de la réalisation du bien commun.
Ainsi, selon le point de vue auquel on se situe, d’un siècle à l’autre et d’un espace à
l’autre, la solidarité est un mot du vocabulaire de plusieurs domaines ; économique, artistique,
religieux, juridique, éthique, écologique, politique ou social. C’est la raison pour laquelle nous
allons voir quelques approches définitionnelles de la solidarité africaine.
L’Afrique n’est pas un pays mais plutôt un continent composé de différents groupes
des peuples. Alors, nous ne pouvons pas prétendre décrire toute la réalité détaillée de la
solidarité vécue dans les milieux traditionnels africains. Cependant, Kiamba Claude nous fait
remarquer que « le terme de la solidarité a été toujours lié à celui d’Afrique sans risque
d’exagération ou de se tromper, jamais l’un sans l’autre »25. Malgré cela, il importe de
reconnaître que la solidarité est présentée comme une valeur ancrée dans la pratique et les
consciences des Africains surtout ceux de l’Afrique noire 26. C’est pour cette raison que notre
étude de la solidarité africaine se fera par rapport au peuple de l’Afrique subsaharienne même
si le terme Afrique sera utilisé généralement.
Pour arriver à une définition de la solidarité africaine, nous pouvons être d’accord avec
Kiamba « qu’il est nécessaire, de prime abord, de recentrer la réflexion essentiellement sur ce
qui fait sens dans la condition de l’homme africain au niveau anthropologique et
sociologique »27. Les philosophes africains ainsi que les ethnologues qui se sont intéressés à
l'Afrique s'accordent en effet pour soutenir que les sociétés traditionnelles africaines se
caractérisaient par le communautarisme, défini dans le langage populaire comme la solidarité
africaine28. C’est pour dire que, généralement dans les sociétés traditionnelles africaines, la
subordination du projet individuel au projet collectif formait le socle de la vie en communauté
et le pilier de la cohésion sociale. Gbadegesin Segun montre que cette solidarité se caractérise
par le devoir d'assistance aux membres de la communauté qui sont dans le besoin, la négation
24
Cf. Ludovic VIEVARD, Op.cit, p. 12.
25
Claude Ernest KIAMBA, « Le bien commun en Afrique. Entre tradition et modernité », in : Xavier DIJON et
Marcus NDONGMO, (dir.), L’éthique du bien commun en Afrique, Paris, Harmattan, 2011, p. 22.
26
L'Afrique subsaharienne a dans le passé — et souvent encore aujourd'hui — été appelé « Afrique noire » par
les Européens et les Arabes, car peuplée de personnes à la peau noire, mais cette terminologie est essentiellement
idéologique. « Encyclopédie Larousse en ligne, Afrique subsaharienne, § 1.3, Consulté le 19 aout 2021 à 18h
00 ».
27
Claude Ernest KIAMBA, Op.cit, p. 22.
28
Cf. Samuel ZADI, La solidarité africaine dans le ventre de l'Atlantique de Fatou Diome, University of
Nebraska Press, p. 173, in : https://www.jstor.org/stable/41103961 . (Consulté le 9 Septembre 2021 à 19h 35).
de l'individualisme et la valorisation de l'individu en tant que potentiel contributeur à
l'épanouissement communautaire, et la réciprocité d’assistance29.
Césaire Aimé tire l’origine de la solidarité dans les cultures traditionnelles africaines
d’une vision africaine d’unicité primitive et originelle [qui existait au préalable] entre les êtres
et les choses30. La vision africaine de la vie constitue une symbiose cosmique non seulement
entre les êtres et les choses, mais aussi entre les vivants et les morts. En soutenance, Masini
Lukaya montre que la base de la solidarité africaine est la manière dont les Africains se
comprennent par rapport à tout l’univers créé et à Dieu 31. Pour les Africains, tout l’univers
participe à la même vie. Cette vie n’est pas statique, elle est capable de croissance et de
décroissance, elle est vécue dans la communion de ses membres pouvant user de l’influence
vitale réciproque ; cette vie est enfin rendue palpable et maniable, et c’est le rôle du
symbole32. La solidarité dans cette perspective peut s’entendre comme « ce large réseau
dynamique d’interrelations ou d’interdépendances mutuelles qui favorise la cohésion sociale
au sein d’un clan, d’une tribu, d’une ethnie ou d’une famille »33. Kiamba montre que cette
solidarité est le soubassement sur lequel se construit la famille composée des individus issus
d’un ancêtre commun et unis entre eux par un double lien : un premier lien que l’on peut
qualifier de naturel (la consanguinité ou les logiques de la parentèle) et un second qui est un
fait de la culture (les unions matrimoniales inter-claniques ou tribales, etc.)34.
Une autre vision de la solidarité africaine est celle de Konate Moussa qui prend appui
sur l’idée de solidarité comme dette et dépendance35. Il montre « qu’au fondement des cultures
africaines existe un « pacte originel » dans lequel sont consignées oralement, depuis des
temps immémoriaux, les règles de conduite qui préservent l’harmonie du groupe dont la
forme primordiale est la famille »36. Il est sans doute qu’en Afrique subsaharienne, l’entraide
réciproque est le moteur de la socialisation communautaire. Par exemple, le respect des
personnes âgées, caractéristique essentielle des cultures africaines comparées à d’autres
cultures, est le socle sur lequel se construit la cohésion familiale. La communauté fait
29
Cf. Segun GBADEGESIN, « Individuality, Community and the Order », in : Pieter H. COETZEE and
Abraham P. J. LEROUX, (éds.), The African Philosophy Reader, Abingdon, Routledge, 1998, p. 282.
30
Cf. Aimé CESAIRE, « Poésie et connaissance », in : Tropiques, n°12, 1945, cité par Samuel ZADI, Op.cit, p.
172
31
Cf. Lukaya J. B. MASINI, « Pour une pastorale des marginaux dans l’Église-famille », in : COLLECTIF,
Trinité. Marie, Mère de Dieu. Église-Famille et enfant des rues, Roma, Edition Brain, 2003, p. 26.
32
Cf. Vincent MULAGO, Un visage africain du christianisme. L’union vitale Bantu face à l’unité vitale
ecclésiale, Paris, Présence Africaine, 1962, p. 115.
33
Cf. Claude Ernest KIAMBA, Op.cit, p. 24.
34
Ibidem.
35
Cf. Moussa KONATE, L’Afrique noire est-elle maudite ? Paris, Fayard, 2010, p. 45.
36
Ibidem.
comprendre à ses membres par tous les moyens que leur réussite dépend d’elle et que chacun
doit par conséquent payer le prix en posant un geste de solidarité à sa communauté. Ce souci
du bien collectif relève une autre conception de solidarité en forme de résistance aux
agressions extérieures. Dans les sociétés traditionnelles africaines, « la survie du groupe et son
dynamisme dépendent ainsi de la capacité de ses membres à s’inscrire dans une logique qui, à
chaque instant, promeut et fait valoir l’intérêt collectif »37. Il se dessine ici une vision
dynamique de la vie où quand un membre du groupe est attaqué, c’est la parenté tout entière
qui se sent menacée.
En plus, Konate montre que dans les cultures africaines ce lien de solidarité repose
aussi sur l’idée du bien et du mal, qui s’exprime en termes de bénédiction et de malédiction
pour chaque membre de la famille : « La peur de la malédiction provoque l’anxiété, chaque
fois qu’on s’écarte de la voie prescrite depuis des temps immémoriaux »38. Les effets de la
malédiction n’atteignent pas seulement celui qui a commis une faute, mais tous les membres
de sa famille liés par le pacte commun, intergénérationnel.
37
Claude Ernest KIAMBA, Op.cit, p. 25.
38
Moussa KONATE, Op.cit, p. 49.
39
Eugène ADINGRA, La place et le role de Marie dans l’Eglise-famille de Dieu en Afrique, A Thesis in partial
fulfillment of the requirements for the degree of Doctorate of Sacred Theology with specialization in Marian
Studies, p. 47, in : https://etd.ohiolink.edu. (Consulté le 20/06/2021 à 14h 30).
40
Bernard PASSOT, Tanzanie, Tanganyika, Zanzibar, Paris, Editions Harmattan, 1985, p. 208.
41
Thomas B. TCHOUNGUI, « Le bien commun dans les traditions du capitalisme et du communisme », in :
Xavier DIJON et Marcus NDONGMO, (dir.), L’éthique du bien commun en Afrique, Paris, Harmattan, 2011, p.
88.
Dans ce que nous venons de voir, la solidarité dans les sociétés traditionnelles
africaines est construite autour de l’appartenance de l’individu à sa famille, tribu et ethnie.
L’approche définitionnelle ainsi terminée, la suite de notre travail nous conduit à traiter dans
les pages suivantes les cadres d’expressions de la solidarité africaine qui constituaient un
réseau dynamique des relations de dépendance et d’entraide.
Dans les sociétés africaines, la reconnaissance d'un individu à l'intérieur de son groupe
de parenté se fait par rapport à un ancêtre commun, réel ou parfois mythique. Le lignage, ou
le clan, devient alors un espace où se trouve définie la position sociale de l'individu, à
l'intérieur de son propre groupe de filiation, comme par rapport à ceux qui n'en font pas
partie48. La solidarité tribale, d’après Tshungu, « est comprise comme étant une organisation
de plusieurs clans (groupes d’individus issus d’un même ancêtre ou groupes fermés de
personnes se soutenant mutuellement) sur une base territoriale» 49. Toutes ces personnes se
soutiennent pour se favoriser et défendre leurs intérêts en cas de menaces par un groupe
adverse. Sans avoir l’intensité de la solidarité familiale, la solidarité tribale fait obligation aux
membres de la tribu de s’entraider et de se solidariser face aux entreprises d’autres groupes ne
faisant pas partie de leur tribu, qui menacent leur identité ainsi que leurs intérêts 50. Nous
allons voir à présent la solidarité ethnique.
47
Le terme tribu d’où provient le mot « tribale » est à distinguer avec le terme clan et ethnie. Selon le
Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, le clan est défini de manière minimale comme un groupe
d’unifiliation dont les membres ne peuvent établir les liens généalogiques réels qui relient à un ancêtre commun,
souvent mythique. Le clan répond à diverses fonctions parmi lesquelles, il est susceptible de se fédérer avec
d’autres clans pour former une tribu, ou de les dominer et de constituer dans ce cas une chefferie (clans
cloniques, par exemple), ou une royauté. (Cf. Pierre BONTE et Michel IZARD, Dictionnaire de l’ethnologie et
de l’anthropologie, Paris, PUF, 1991, p. 152.) Le terme "ethnie" désigne un ensemble linguistique, culturel et
territorial d'une certaine taille, le terme de 'tribu' étant généralement réservé à des groupes de plus faible
dimension. (Cf. BONTE et IZARD, Op.cit, p. 242) Dans un sens courant plusieurs clans vivant sur un même
territoire peuvent configurer une tribu, et plusieurs tribus configurent un groupe ethnique.
48
Cf. Martine SEGALEN, Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin, 1981, p. 283.
49
Bamesa TSHUNGU, Op.cit, p. 78.
50
Ibidem.
51
Cf. Jean François Ng’andu KAMUNGA, Op.cit, p. 41.
qu'à l'extérieur face aux enjeux de survie du groupe 52. Dans quelques sociétés en Afrique de
l’Ouest, il existe depuis longtemps, les alliances socioculturelles définies comme des pactes
qui unissent des peuples ou des lignages entre eux, ou comme un moyen de régulation de
relations non conflictuelles entre groupes alliés. Les alliances interethniques comprennent la
«parenté à plaisanterie» (généralement considérée comme un système de solidarité), le
cousinage, le pacte de sang et l’alliance de non-agression ou de non-complicité d’agression
entre clans et entre groupes ethniques 53. Les alliances interethniques proviendraient de
l’aspiration de peuples à la cohabitation pacifique, à l’harmonie socioculturelle et à un vivre
ensemble malgré les différences socioculturelles 54. Eu égard à ce qui précède, nous allons voir
de manière concrète comment la solidarité s’était manifestée dans certaines sociétés
traditionnelles telles que les Chewa du Malawi et les Bambara du Mali.
Le peuple Chewa est un groupe ethnique qui occupe largement la partie centrale du
Malawi appartenant à un groupe des ethnies de langue bantou d'Afrique centrale et australe.
Les Chewa ont un riche ensemble de croyances, de coutumes et de pratiques, qui sont toutes
essentielles à la cohésion et à la survie du groupe. Dans le milieu Chewa, la famille élargie a
toujours joué un grand rôle d’unification de tous les membres de la famille. Cela se reflète
dans des expressions traditionnelles telles que chibale nichipysera, qui signifie que les
relations familiales sont comme des cicatrices qui ne disparaissent pas du corps et mlendo ndi
mnasi, ce qui signifie qu'un visiteur est aussi comme un membre de la famille et doit être
traité de la même manière 55. Ces expressions montrent que le sens de la vie communautaire et
de la solidarité sont des éléments très forts de la société traditionnelle des Chewa.
52
Cf. Muyisa LUSENGE, Solidarité, famille et développement socio-économique en ville de Butembo,
Université catholique du Graben - Licence 2008, in : https://www.memoireonline.com/05/10/3526, (Consulté le
28/09/2021 à 19h 35).
53
Cf. Hyacinthe Zaoro LOUA, « Les alliances interethniques en Afrique de l’Ouest. Nouvelles stratégies de
réconciliation » in : Revue théologiques, Volume 23, numéro 2, 2015, p. 186.
54
Idem, p. 187
55
Cf. Bossman S. CHITHEKA, Towards a Chewa Ecotheology with Special Reference to the Thought of Ernst
M. Conradie, 2015, p. 85, in : https://scholar.sun.ac.za. (Consulté le 19 aout 2021 à 18h 00)
Pour les Chewa, l'univers est plein de vie sacrée, plein de vie qui se transcende à
travers la fécondité. Ainsi, les humains ne réalisent leur propre plénitude qu'en réalisant les
liens et l'attachement de la vie avec les autres humains. Ces liens avec les autres sont réalisés
par ce que les Chewa appellent « Umunthu »56. Umunthu peut être traduit comme humanisme,
souci de l’autre ou l’essence de la personne. Il s’agit d’une philosophie relationnelle, tournée
vers l’autre et d’une éthique humaniste. Umunthu est une philosophie bien équilibrée de la vie
dans laquelle être une personne - avoir Umunthu - c'est être en paix avec soi-même, la
communauté autour, Dieu, les esprits et la nature. Le point caractéristique d’Umunthu est
qu’un être humain authentique appartient à un monde relationnel, communautaire,
environnemental et spirituel plus vaste et plus significatif57.
Les situations les plus courantes qui faisaient appel à la solidarité parmi les Chewa
sont : la naissance, le mariage, la maladie et le deuil. Lors des mariages, par exemple, toutes
les femmes du village se réunissaient des semaines avant le mariage où ils commençaient la
préparation de la nourriture en pilant le maïs qui sera plus tard amenée au moulin pour la
production de farine58. Pour les hommes et les garçons, ils devraient apporter du bois de
chauffage de la forêt communale pour que les femmes l'utilisent pour la cuisson59.
Pendant les funérailles, chez les Chewa il y avait toujours un profond sentiment de
communion et d'appartenance les uns aux autres 60. Toutes les activités personnelles et
communautaires étaient suspendues jusqu'après l’enterrement. Lors des funérailles, sur les
routes à côté de la maison du défunt étaient posées les feuilles en signe aux passants qu’ils
devraient se rendre à la maison du défunt pour donner quelques pièces d’argent ou pour
présenter leurs condoléances en signe de solidarité avec la famille du défunt. Toute personne
assistant aux funérailles devrait également apporter des poulets, de la farine de maïs qui
serviraient à nourrir tous les participants. Tout ce qui se faisait aux funérailles est lié à la
manifestation de solidarité de la communauté.
56
Umunthu/Ubuntu/buthu est décrit comme un terme qui dérive de « muntu » signifiant une personne, un être
humain. Ubuntu se défini comme un fondement spirituel, un état intérieur, une orientation et une bonne
disposition qui motive, défie et fait percevoir, ressentir et agir de manière humaine envers les autres. C'est un
concept qui existe dans presque toutes les langues bantoues d'Afrique et parmi celles-ci est Umunthu, en
Chichewa, la langue des Chewa du Malawi. (Cf. Mluleki MNYAKA et Mokgethi MOTLHABI, «The African
Concept of Ubuntu/Botho and Its Socio-Moral Significance », in : An International Journal , Black Theology
3,Volume 3, Issue 2, 2005, p. 218).
57
Cf. Bossman S. CHITHEKA., Op.cit, p. 85.
58
Idem, p. 88.
59
Ibidem.
60
Cf. Van J.W.M. BREUGHEL, Chewa Traditional Religion, Blantyre, Christian Literature Association of
Malawi, 2001, p. 102.
Les activités communautaires, les liens conjugaux et familiaux sont aussi les
principaux moyens par lesquels la solidarité et l'unité étaient créées, maintenues et nourries
dans la culture traditionnelle des Chewa. Parmi ces activités communautaires, il y avait la
culture communautaire des jardins appelée dima et le partage fraternel d’un repas commun
par un nombre des familles vivant ensemble appelé chidyerano61. Quant à la culture
communautaire des jardins, plusieurs familles établissaient un horaire de travail dans les
jardins des membres. Pour faciliter le travail, le propriétaire du jardin était censé préparer soit
de la bière, de la boisson locale sucrée et de la nourriture pour que toutes les familles qui
travaillent ensemble puissent manger ensemble62.
Les proverbes, les chansons et les expressions courantes sur la vie sociale attestent que
la solidarité fait partie de la vie quotidienne des Chewa. Par exemple, le proverbe Chewa qui
dit chipande chatherere chimakoma mkuyenderana, ce qui signifie que les deux parties d'une
communauté doivent profiter les uns des autres, montre la nécessité d’entraide dans les
activités communautaires et le partage des biens matériels ainsi que spirituels. Les expressions
telles que kugula manja qui signifie acheter les mains et kugula nkhondo qui se traduit comme
acheter la guerre sont souvent employées pour décrire la solidarité manifestée dans la
réciprocité et l’interdépendance dans les moments de joies et de souffrance. Abordons
maintenant les expressions de la solidarité chez les Bambara pour voir les ressemblances et
les différences dans leur manifestation de la solidarité avec les Chewa.
Les Bambara sont une ethnie de l'Afrique de l'Ouest établis principalement dans le Sud
de l'actuel Mali, ainsi que dans d’autres pays tels que le Burkina Faso (au sud), la Côte
d’Ivoire (au nord) en Gambie et au Guinée. Les Bambara comme les Malinké font partie d’un
groupe plus vaste appelé les Mande, au sein duquel ils partagent de nombreux caractères
communs, notamment d’ordre anthropologique63. Quant à la société traditionnelle bambara,
elle est patrilinéaire, en ce sens que tout le pouvoir est entre les mains des hommes.
Les associations et les sociétés d’initiation jouent un grand rôle pour préparer les
jeunes à la vie communautaire. Les jeunes font partie du ton, association qui regroupe tous les
jeunes du village. Outre son rôle essentiellement économique, sa principale activité étant le
travail agricole, cet organisme a également un rôle social (entraide, festivités) et éducatif : il
complète la formation de l'individu, développe en lui le sens de la solidarité, de l'émulation,
de la discipline personnelle69.Quant aux sociétés d’initiation, il existe traditionnellement dans
la société bambara six sociétés d'initiation : le ntomo (ou n'domo), komo, nama, kono,
tyiwara, kore. Elles constituent une stratification religieuse ; à chacune de ces étapes les
secrets de la sagesse, de la science et de la spiritualité sont enseignés par initiation
progressive70.
64
Michèle FELLOUS, « Socialisation de l’enfant bambara », In : Journal des africanistes, tome 51, fascicule 1-
2, 1981, p. 201.
65
Charles BAILLEUL, Sagesse bambara, proverbes et sentences, Bamako, Editions Donniya
66
Idem, p. 214.
67
Idem, p. 202.
68
Cf. SIDIBE, Op.cit, p. 159.
69
Cf. FELLOUS, Op.cit, p. 203.
70
Idem, p. 204.
L'échange est l’un des principes fondamentaux de la vie traditionnelle dans la société
bambara. Quand surviennent des événements comme la dation du nom, le mariage, la mort,
les visites, quand il y a un travail collectif à faire, il y a échange réciproque. Dans les réunions
la parole est, elle-même, «donnée» et «échangée»71. L'échange est sensible au niveau des
salutations également. L’hospitalité est une autre forme d’échange qui est également
importante pour les Bambara. L’étranger de passage est toujours accueilli au mieux des
possibilités. C’est une marque d’honneur pour son hôte d’avoir été choisi 72. La force du
système traditionnel de Bambara consistait dans la cohérence de ses institutions et la création
du sentiment de la communauté et une forte intégration à la vie sociale. La solidarité africaine
telle qu’elle a été perçue à travers des exemples de Chewa et Bambara a connu une
progression.
Limitée dans le temps et dans l’espace, avec les rencontres des peuples, la solidarité
africaine tend aujourd’hui à dépasser les frontières familiales, tribales, ethniques et même
nationales73. Même si le capitalisme et l'individualisme occidentaux sont devenus des valeurs
de facto prédominantes dans l’Afrique contemporaine, Zadi Samuel note que les gens
professent encore la solidarité africaine comme une valeur cardinale et symbolique, et certains
veulent l'appliquer comme dans les sociétés traditionnelles 74. La solidarité africaine telle
qu’elle est perçue aujourd’hui se vit à plusieurs niveaux. Il s’agit maintenant des niveaux :
familial, ethnique, villageois, national et continental.
En ce qui concerne la solidarité familiale, Kiamba Claude note que « la famille
demeure toujours pour l’Africain cet espace de communion, de solidarité, d’hospitalité et de
vie qui procure à tous ses membres la sécurité, la joie de vivre ainsi que le bonheur »75. C’est
dans cette même ligne que Jean Paul II avait dit « qu’ouvert à ce sens de la famille, de l'amour
et du respect de la vie, l'Africain aime les enfants, qui sont accueillis joyeusement comme un
71
Idem, p. 209.
72
Cf. Charles BAILLEUL, Sagesse bambara, proverbes et sentences, Bamako, Editions Donniya, 2005, p. IV.
73
Cf. Eugene ADINGRA, La place et le role de Marie dans l’Eglise-famille de Dieu en Afrique, A Thesis in
partial fulfillment of the requirements for the degree of Doctorate of Sacred Theology with specialization in
Marian Studies, p. 177, in : https://etd.ohiolink.edu. (Consulté le 20/12/2021 à 15h 30).
74
Cf. Samuel ZADI, The Irony of ‘African Solidarity’ in Ousmane Sembene’s Mandabi, Department of Modern
Languages, Central Connecticut State University, p. 4, in : https://www.mdpi.com (Consulté le 12/12/ 2021 à
17h 00).
75
Claude Ernest KIAMBA, « Le bien commun en Afrique. Entre tradition et modernité », in : Xavier DIJON et
Marcus NDONGMO, (dir.), L’éthique du bien commun en Afrique, Paris, Harmattan, 2011, p. 28.
don de Dieu »76. Cette solidarité s’exprime souvent par l’entraide mutuelle en formes diverses,
parmi lesquelles on peut citer les transferts d'argent, de vivres, de crédits.
Il y a aussi dans les villages africains une forme de solidarité qui est vécue entre les
personnes d’un même village qui a pour finalité l’entraide mutuelle entre les villageois. Cette
entraide mutuelle s’exprime par le rapprochement et le partage des situations heureuses et
malheureuses ; par exemple lors des mariages et les funérailles. De plus, la naissance des
groupements de paysans qui cherchent à recréer la solidarité africaine sur des nouvelles bases
ne peut pas être ignorée. Pradervand Pierre montre que « chaque groupement est né dans des
circonstances bien particulières, parfois suite à l’influence d’un « innovateur » sur un village,
parfois il est le résultat de la propre réflexion de ses habitants ou de l’influence d’un
groupement d’un village voisin »79. En général, « les critères de création des groupements sont
généralement définis par les organismes d’encadrement technique en milieu rural »80. Les
facteurs spécifiques qui suscitent la création d’un groupement varient d’un village à un autre
76
JEAN PAUL II, Ecclesia in Africa, 1995, n° 43.
77
Eugene ADINGRA, op. cit, p. 225.
78
Agnès ADJAMAGBO, « Les solidarités familiales dans les sociétés d'économie de plantation. Le cas de la
région de Sassandra en Côte-d'Ivoire », in : Marc PILON et alii, Ménages et familles en Afrique. Approches des
dynamiques contemporaines, Paris, CEPED, 1997, p. 305.
79
Pierre PRADERVAND, Une Afrique en marche. La révolution silencieuse des paysans africains, Paris, Plon,
1989, p. 133.
80
Georges Kossi KENKOU, « Solidarité sociale traditionnelle et promotion des structures coopératives en milieu
rural africain. Le cas de groupements villageois au Togo et au Burkina Faso », in : Cahiers des Sciences
Humaines, 30 (4), 1994, p. 752.
mais les causes fondamentales citées sont la faim, les problèmes de santé, la sécurité et la
promotion des activités économiques comme la pisciculture et l’élevage. Ces groupements de
paysans sont un souvenir vivant de la pratique traditionnelle de la solidarité.
Les villes africaines qui sont considérées comme des lieux privilégiés du changement
social et l’effondrement de valeurs traditionnelles africaines comme la solidarité, sont aussi
les lieux où semblent se pérenniser les anciennes solidarités familiales et ethniques. Il existe
dans ces milieux des formes de solidarité construites à partir des relations
interprofessionnelles, les relations de voisinage ou de la confession religieuse. Adjamabo
Agnès souligne que des réseaux d'entraide fondés sur la parenté et sur l'ethnie jouent un rôle
prédominant dans l'accueil et l’insertion des nouveaux citadins en milieux urbains 81. Il est
également intéressant de noter qu’il existe de plus en plus les groupements de ressortissants
dans les milieux urbains qui regroupent un peuple lié par la parenté et l’ethnie visant
l’entraide mutuelle.
81
Cf. Agnès ADJAMABO, op. cit., p. 305.
82
Cf. Eugene ADINGRA, op. cit., p. 178.
Loin de mystifier, comme à l’accoutumée les vertus de la solidarité africaine, il est
important aussi de montrer certaines de ses limites.
La famille africaine est reconnue pour son sens d’accueil. Cependant, comme le
constate Konate, le réseau de solidarité africaine opère en réalité dans un rayon assez limité :
la famille étendue (incluant parents amis et alliés) ou la tribu, dans le meilleur des cas. 83 Ceux
qui n’appartiennent pas à la même famille ne sont pas toujours traités avec le même respect
parce qu’ils sont de familles différentes 84. Bien que les étrangers soient bien accueillis dans
les communautés, ils ne sont souvent pas intégrés ou assimilés au même rang que les
autochtones, peu importe combien de temps ils restent. En d’autres termes, la solidarité
familiale manque l’ouverture envers les gens situés hors du circuit de l’union vitale. On ne
leur accorde pas toujours les mêmes droits, par exemple, le droit de respect, d’hériter et de
liberté de la parole sur la prise de décision de la vie de la communauté.
Ensuite, l’autre aspect négatif de la solidarité familiale est dans le sens « qu’une
allégeance indue aux membres de la famille et une recherche excessive des intérêts de la
famille ont été parfois à l’origine d’hostilités, de guerres et d’atrocités »85. Le tribalisme avec
toutes ses ambiguïtés en est un exemple frappant. La vengeance et la haine séculaire
entretenues entre les grandes familles déstabilisaient ces mêmes entités sociales où l'unité est
difficile à réaliser. Si pour l’Africain la vengeance est un devoir, elle est un devoir solidaire
vécu surtout au niveau des clans et des familles. Et cette solidarité dans le devoir de
vengeance était la principale cause des conflits entre différentes familles et à l’intérieur des
familles africaines traditionnelles elles-mêmes86. Ici se créait une solidarité dans le mal où en
rendant le mal pour le mal, les conséquences se cristallisaient dans l’élimination physique de
son rival ou adversaire déclaré en utilisant de pratiques telles que la sorcellerie et
l’empoisonnement.
83
Cf. KONATE, Op.cit, p. 175.
84
ADINGRA, Op.cit, p. 184.
85
Ibidem.
86
Cf. ADINGRA, Op.cit, p. 185.
En outre, la dépendance de l’individu au projet collectif souvent comprise comme une
forme de solidarité dans les sociétés traditionnelles africaines ne manque pas de pertinence.
Ndongmo Marcus démontre que « la communauté devient un handicap pour l’émergence de
l’individu qui ne peut librement exprimer toutes ses potentialités. Le groupe est extrêmement
solidaire au point que, quiconque émerge, est à la fois un danger et en danger. Nivellement
par le bas, pourrait-on dire »87. Cet ensemble de contraintes trop astreignantes restreignent ou
même dévastent le champ de liberté nécessaire à l’affirmation de la personnalité individuelle
et à l’épanouissement personnel et collectif 88. Une telle conception de la solidarité peut
inhiber justement les efforts de développement par certains effets.
Il est pertinent de remarquer aussi que l’accent trop mis sur la collectivité est un excès
de vie communautaire et il est en effet un facteur qui engendre le parasitisme. Le parasitisme
se comprend comme l’attitude de ceux qui comptent tellement sur les autres, notamment sur
ceux qui ont réussi que l’on finit par ne plus rien faire 89. Le parasitisme vécu au sein des
familles africaines est une lourde charge pour les plus vaillants ou courageux. En effet, la
plupart des membres des familles riches s’occupent des membres des familles pauvres,
puisque l’Africain a un esprit communautaire qui, quelquefois, encourage la paresse de
certains90. Aujourd’hui, cette réalité n’est pas propre aux seuls citadins mais elle existe dans le
village également comme le remarque Konate,
« En effet les paysans, du fait des nouveaux besoins liés aux progrès technologiques, du
trop grand nombre de personnes qu’ils ont à charge – le plus souvent à cause de la
polygamie –, de la faiblesse de la productivité et de l’amenuisement des gains, sont tentés
de s’adresser à leurs parents de la ville, surtout aux salariés, pour pouvoir joindre les deux
bouts. Et comme chaque salarie a plusieurs parents dans les villages, on imagine aisément
quel fardeau peut devenir la solidarité »91.
Dans la partie définitionnelle en haut, nous avons vu que le respect des aînés y
compris des femmes âgées, a toujours constitué une valeur traditionnelle très importante dans
la culture africaine. Dans la plupart des sociétés traditionnelles africaine, la gérontocratie qui
est définie comme principe de gouvernement de la famille, communauté ou village par les
87
NDONGMO, « Promouvoir l’éthique du bien commun en Afrique », in : Xavier DIJON et Marcus
NDONGMO (dir.), L’éthique du bien commun en Afrique, Paris, Harmattan, 2011, p. 190.
88
Cf. Jean de Dieu M. MVUANDA, « Option Pastorale pour la libération de la Kindoki », in : RECHERCHES
AFRICAINES DE THEOLOGIE, Une théologie prophétique pour l’Afrique, 17, Kinshasa, F.T.C.K, 2004, p.
349.
89
NDONGMO, Op.cit, p. 190.
90
ADINGRA, Op.cit, p. 185.
91
KONATE, Op.cit, p. 177.
plus anciens, est donc devenue un système régissant l’ensemble des structures sociales de la
famille à la communauté. La gérontocratie a été à la base de certains conflits des générations
entre les cadets et les aînés dans les familles et dans la société globale du village. Adingra
remarque que la gérontocratie qui est une façon de gouverner ne tient pas toujours compte de
l’avis des jeunes et des femmes qui n’ont généralement pas le droit à la parole dans les
affaires importantes de la famille et de la société 92. Comme le constate Soede, « ces valeurs
traditionnelles « qui invitent sans discernement l’enfant à ne pas poser beaucoup de questions,
à parler peu devant les grandes personnes [...] ne préparent pas l’Africain à lutter contre
l’indifférence qui provoque, par le sous-développement, la violence sociale »93. Ainsi, il en va
sans dire que malgré l’estime porté vers certaines valeurs traditionnelles, il en existe un
certain nombre qui étaient des contre-valeurs.
Conclusion
92
Idem, p. 187.
93
Nathanaël Yaovi SOEDE, Inventer une Afrique autre: Monde invisible, développement et Christianisme,
Abidjan, Paulines, 2017, p. 138.