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Articles 2007

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La distribution

des articles du français

Sylvain Kahane

L’objet de cet article1 est de décrire la distribution des articles du français. Deux
dimensions sont à envisager. La dimension paradigmatique : il existe plusieurs
articles en distribution complémentaire. La dimension syntagmatique : chaque
article possède des propriétés distributionnelles et un placement propres. Cette
contribution sera donc divisée en deux parties. Dans la première, nous tenterons de
définir la notion d’article et de délimiter les différents articles du français.
L’opposition massif-comptable des noms joue un grand rôle dans cette répartition.
Dans la deuxième partie, nous présenterons une modélisation topologique de la
distribution linéaire des articles, ainsi que des déterminants adjectivaux.

1 Les articles du français

1.1 La définitude et la notion d’article

Nous considérons que les déterminants du français se répartissent entre définis


(LE, CET, MON)2 et indéfinis (UN, DES, PLUSIEURS, CHACUN, …)3. Outre
diverses propriétés distributionnelles communes, les déterminants de ces deux
classes se distinguent par le sens qu’ils partagent. Ainsi, un groupe nominal X est

1
Je suis heureux de dédier cet article à Pierre Le Goffic. Outre le fait qu’il est devenu un ami
fidèle au travers de nos échanges, il y a deux raisons pour lesquelles je lui adresse cet article.
D’une part, il est de ceux qui ont saisi l’importance du lexique dans la description
grammaticale, comme le montrent ses études des mots kw. D’autre part, nous partageons l’un
et l’autre la conviction que la structure topologique joue un rôle central dans la description de
l’ordre des mots et la syntaxe en général. Et ces deux points sont au cœur de cette étude.
2
Nous notons en majuscules les unités lexicales. Dans l’absolu, nous devrions distinguer
entre elles par un numéro lexicographique les différentes unités lexicales d’un vocable.
3
Nous adoptons une position très tranchée sur l’opposition défini-indéfini. On trouvera de
nombreuses mises en question comme Corblin 1987, Kleiber 1994 ou Dobrovie-Sorin 2004.
TITRE DU CHAPITRE 2

défini si le contexte permet au Locuteur de repérer l’objet du monde4 que X dénote


et de penser que le Destinataire l’a également repéré (voir Riegel et al. 1994 : 154
pour une définition équivalente). (Le contexte inclut le monde extérieur directement
perceptible par les interlocuteurs, les connaissances partagées par les interlocuteurs
(les objets « conventionnels » : le roi de France Henri IV, la capitale du
Zimbabwe…) et le discours antérieur (les objets du discours).) Un déterminant
indéfini entraîne une interprétation opposée : le contexte ne permet pas au Locuteur
de repérer l’objet du monde que X dénote ou ne lui permet pas de penser que le
Destinataire l’ait repéré.
Dans la mesure où l’interprétation défini-indéfini est obligatoire pour tout groupe
nominal5, nous considérons que défini et indéfini sont des grammèmes du français
formant une catégorie flexionnelle du nom, que nous appellerons définitude
(préférant ce terme à celui plus traditionnel, mais plus ambigu, de détermination).
Un grammème est une signification grammaticale. Les grammèmes forment des
catégories flexionnelles. Une catégorie flexionnelle pour une classe X est une
famille finie de significations en distribution complémentaire, dont la présence est
obligatoire avec toute lexie de X, mais dont le choix de l’élément particulier est
normalement libre (Mel’čuk 1993 : 263). Autrement dit, à chaque fois qu’un
locuteur utilise une lexie de X, il doit choisir dans chacune des catégories
flexionnelles de X un grammème. Ainsi on ne peut pas utiliser un nom en français
sans lui attribuer au choix le singulier ou le pluriel et le nombre est donc une
catégorie flexionnelle du nom.
Le fait de considérer la définitude comme une catégorie flexionnelle n’est quand
même pas aussi évident, que pour d’autres catégories flexionnelles, comme, par
exemple, le temps verbal en français. Deux choses nous incitent à faire néanmoins
ce choix : 1) le fait, comme nous l’avons dit, que le choix entre défini et indéfini est
systématique pour un nom, et 2) le fait qu’il existe des marqueurs spécifiques de la
définitude, c’est-à-dire des morphèmes dont le sens est ‘défini’ ou ‘indéfini’. Ces
marqueurs sont justement les articles et c’est ainsi que nous les définissons : un
article est un marqueur lexical de la définitude (et de la définitude seule).
On pourrait objecter au fait de considérer la définitude comme un catégorie
flexionnelle les arguments suivants : 1) les marqueurs de la définitude – les articles –
ne sont pas des morphèmes flexionnels, mais des morphèmes lexicaux, et 2) ces
marqueurs ne sont pas toujours présents, puisqu’ils commutent avec d’autres

4
Le monde en question est bien sûr un « objet » construit par le discours dans le cerveau des
interlocuteurs, même si celui-ci renvoie éventuellement au monde réel.
5
Il existe des positions où le nom n’est pas marqué pour la définitude (nous parlons politique,
cheval, problèmes personnels, chiffons …), mais même dans ces positions l’absence de
définitude est contrôlée par un élément (le régime du verbe PARLER dans l’exemple
précédent). L’absence de définitude est par exemple courante dans les constructions à verbe
support, où le rôle prédicatif du nom rend la définitude inappropriée : avoir besoin, faire mal,
perdre courage … L’absence de définitude se rencontre également dans les chaînes N1 – Prép
– N2 (un compas de menuisier, une table de jardin, un verre à vin, une montre à quartz, un
téléphone sans fil, une chemise pour homme), où elle est sémantiquement justifiée par
l’absence de référentialité de N2.
TITRE DU CHAPITRE 3

déterminants, dont le sens est plus complexe. Concernant ces deux points, on peut
dire qu’il en va à peu près de même du nombre des noms en français, qui, à l’oral
n’est pas réalisé sur le nom, mais de manière cumulative avec la définitude : /lәʃɑ/
(le chat), ɛ̃ʃɑ/ (un chat), /leʃɑ/ (les chats /deʃɑ/ (des chats). Même les temps
verbaux possèdent, en plus des formes flexionnelles, des formes analytiques comme
le passé composé. De plus, le fait d’être réalisé de manière cumulative avec un autre
morphème est une caractéristique assez courante des grammèmes. Une autre
caractéristique des grammèmes est d’avoir plusieurs réalisations (allomorphes), ce
qui est le cas de l’‘indéfini’ comme nous allons le voir maintenant.

1.2 Les différents articles du français

L’opposition défini-indéfini est loin d’être parfaite en français. Alors que du côté
du défini le français possède incontestablement un seul article, LE6, qui se fléchit en
nombre et en genre (le = LEsg,masc, la = LEsg,fém et les = LEpl), le panorama de
l’indéfini est particulièrement complexe avec deux lexies au singulier (UN/DU) (1a)
et une au pluriel (DES) alternant deux formes (de et des) (1b), ainsi que la
préposition DE au négatif (1c) et une forme zéro après la préposition DE (1d) :
(1) a. Pierre a acheté une télévision et du papier.
b. Pierre a acheté des livres/de beaux livres.
c. Pierre n’a pas acheté de télévision/de papier/de livres.
d. Pierre a parlé de _ livres qu’il a lus récemment.
De plus ces formes sont d’origines variées et forment une classe assez hétérogène :
- UN est issu de la famille des numéraux ; c’est l’indéfini singulier des noms
comptables ; il se comporte comme les autres déterminants indéfinis et non
comme les numéraux, qui eux sont compatibles avec les déterminants définis
(les/ces/mes deux livres).

6
Il existe un autre emploi de LE, dit générique, qu’il faut distinguer du LE spécifique :
(i) a. Pierre aime le vin/les livres.
b. Le vent/Les araignées font peur à Pierre.
Le LE générique, qui fait abstraction du contexte et renvoie à l’ensemble des objets qui
peuvent être dénotés par le nom qu’il détermine, possède une distribution particulière,
puisqu’il est nécessairement pluriel avec les noms comptables (et s’accorde avec les massifs).
Ainsi les exemples suivants ne peuvent pas avoir d’interprétation générique :
(ii) a. #Pierre aime le livre.
b. #L’araignée fait peur à Pierre.
Il faut traiter à part les phrases dites génériques (La baleine est un mammifère ; Les oiseaux
n’ont pas de dents ; Un sujet doit obéir à son roi), où l’ensemble de la phrase renvoie à une
situation générique et où l’interprétation générique ne dépend pas des articles.
TITRE DU CHAPITRE 4

- DU est généralement appelé article partitif, mais de nombreux auteurs ont


déjà défendu qu’il s’agit de l’article indéfini pour les massifs singuliers7.
Nous reprendrons cette question dans la section suivante.
- DE négatif est une des lexies du vocable DE et fonctionne comme une
préposition (Muller 1977, Gaatone 1992) ; il n’est possible que dans la
position de complément d’objet direct et remplace dans cette position aussi
bien DU et DES que UN.
- DES est l’article indéfini pluriel8 ; il est à la fois le pluriel de UN pour les
comptables et le pluriel morphologique de DU, avec lequel il partage un
certain nombre de propriétés distributionnelles sur lesquelles nous
reviendrons (Kupferman 1998). Nous considérons les emplois de de devant
un adjectif comme des formes atones de DES. DES peut être réalisé par de
devant un adjectif (Pierre achète de/des bons fruits) 9 ; il est toujours réalisé
par de devant un adjectif quantifieur (Pierre achète de/*des nombreux fruits).
Cette classe distributionnelle des adjectifs quantifieurs, comme RARES ou
NOMBREUX, méritent un coup d’œil. La cooccurrence des adjectifs quantifieurs
avec des déterminants indéfinis (et quasi-indéfinis, voir deuxième partie) autres que
DES est difficile (*plusieurs nombreux, *différents nombreux, *divers rares ; seul le
redondant quelques rares paraît possible), ce qui est compréhensible, puisque ces
adjectifs assurent déjà la quantification. D’autres adjectifs encore n’acceptent pas la
forme des, comme AUTRE10. On notera que, comme les adjectifs quantifieurs, cet
adjectif a un lien avec la détermination et plus précisément la référentialité, ce qui en
fait un cousin sémantique de la définitude.
On notera pour terminer le contraste entre le DE négatif, qui commute avec UN,
DU et DES, et la préposition standard DE, qui bloque la réalisation de DU et DES

7
Les noms massifs ne varient pas en nombre. La plupart sont singuliers (l’eau, la radio, le
courage, etc.), mais il existe aussi de nombreux noms massifs pluriels (les rillettes, les
fiançailles, les gens, les informations, etc.).
8
DES est un indéfini pluriel, mais le pluriel français ne marque pas de manière forte la
pluralité. On a en particulier un contraste fort entre DES et PLUSIEURS que de nombreux
auteurs ont remarqué (cf. par ex. Corblin 1987) :
(i) a. Avez-vous puni des élèves hier ? – Oui Pierre./*Non seulement Pierre.
b. Avez-vous puni plusieurs élèves hier ? –Non seulement Pierre./*Oui Pierre.
9
Cette règle ne vaut évidemment que si l’adjectif ne forme pas une locution avec le nom (des
bonnes femmes ; #de bonnes femmes ; des jeunes filles ; ?#de jeunes filles). Par contre quand
l’adjectif est seulement un collocatif du nom, de est possible : de sombres idées, de grands
hommes. (Une collocation reste la composition d’un nom et d’un adjectif, même si le choix de
l’adjectif est lexicalement contraint.)
10
Un cas un peu limite est l’adjectif TEL, que l’on trouve très rarement avec la forme des de
DES (1 fois sur 200 sur le web). Cet adjectif doit être distingué du déterminant indéfini TEL
(OU TEL), qui singulier (Que tu prennes tel ou tel cheval, ça ne changera rien ; ?*Que tu
prennes tels ou tels chevaux, ça ne changera rien) (ce qui n’empêche pas d’en trouver de très
nombreuses occurrences orthographiées au pluriel sur le web). L’adjectif TEL est surtout
possible en contexte négatif-interrogatif : Je n’avais jamais eu de tels problèmes avec une
telle personne.
TITRE DU CHAPITRE 5

(Pierre parle de vin/fruits), mais oblige celle de UN (Pierre parle d’un ami/*d’ami ;
Pierre vient d’un village/*de village). C’est ce qui nous amène à considérer un
article indéfini zéro utilisé à la place de DU et DES après la préposition DE 11.

1.3. DU : article indéfini pour les massifs singuliers ?

DU est traditionnellement appelé l’article partitif. Une très nombreuse littérature


pose la question de savoir s’il est ou non un article indéfini. Kupferman 1979, 1994
fait remonter la question à Buffier 1709, en passant par Frei 1960, qui prend
nettement position pour l’indéfini.
Avant toute chose, il est nécessaire, à la suite de Kupferman 1979 et à l’instar de
Nolda 2006, de distinguer clairement DU du partitif DE. Nous appelons DE partitif
la lexie du vocable DE qui déclenche le sens partitif (≈ ‘une partie de’) et qui
s’emploie devant la plupart des déterminants et pronoms :
(2) a. J’ai mangé de mon/ce/chaque gâteau.
b. J’ai mangé du gâteau apporté par Marie.
c. J’ai mangé de tous les gâteaux.
d. J’ai mangé de mes/ces/plusieurs/quelques/deux gâteaux.
e. J’ai mangé d’un gâteau délicieux.
f. J’ai mangé de ça/celui-là/tout/certains/l’autre.
Comme l’a remarqué Englebert 1992, DE partitif ne peut s’employer qu’en
introduction du complément d’objet d’une petite classe de verbes, appelés verbes
fragmentatifs. Ce DE a donc encore toutes les caractéristiques d’une préposition,
comme le DE négatif 12. Les articles DU et DES sont assez clairement construits
avec ce DE partitif, dont il partage la sémantique : du vin, c’est une partie de tout le
vin et des livres, c’est une partie de tous les livres. Néanmoins, DU et DES
possèdent une distribution différente du DE partitif et c’est ce qui nous autorise à les
considérer comme des lexies à part entière : il s’agit de locutions formées à partir de
DE partitif + LE générique, où le DE a perdu son rôle prépositionnel, pour former
quasiment un mot avec LE (au delà de la question de l’amalgame en du qui est
possible même lorsque DE et LE sont deux lexies, et donc deux mots, clairement
séparées).
On notera qu’après un verbe fragmentatif, du et des sont ambigus, entre l’article
DU ou DES (3-4)a et la forme compositionnelle DE partitif + LE défini (3-4)b :
(3) a. Pierre a mangé du gâteau (= une partie du gâteau)
b. Pierre a mangé du gâteau (= une certaine quantité de gâteau)
(4) a. Pierre a mangé des carottes (= une partie des carottes)
11
Une autre solution plus traditionnelle, mais peu défendable morphophonologiquement, est
de considérer que de réalise conjointement la préposition et l’indéfini et qu’il s’agit donc
d’une contraction : DE(Prép) + DU/DES(Art) se réalise par de.
12
On trouve en russe une alternance comparable entre accusatif et génitif, avec la négation et
avec les verbes fragmentatifs, l’accusatif entraînant une interprétation définie et le génitif une
interprétation indéfinie (Partee 2005).
TITRE DU CHAPITRE 6

b. Pierre a mangé des carottes (=une certaine quantité de carottes)


Kupferman 1994 remet en doute la frontière entre DE partitif et DU en raison
d’exemples du type (5a) (à contraster avec (5b)) :
(5) a. ?Pierre est parti avec de mon/ce gâteau.
b. *Pierre est parti avec de plusieurs gateaux.
Ces exemples, par ailleurs difficiles à produire, ne peuvent effectivement s’analyser
avec un DE partitif de nature prépositionnelle. Nous considérons qu’ils illustrent
l’existence d’une autre lexie, que nous appellerons le DE prédéterminant, qui ne
peut se combiner qu’avec les déterminants possessifs comme MON et le
déterminant démonstratif CET et dont l’emploi reste plus que limité.
Maintenant que l’existence de DU est acquise, il nous faut encore convaincre
qu’il s’agit bien d’un article indéfini. Comparons :
(6) a. Pierre a acheté du vin.
b. C’est Pierre qui a acheté le vin.
L’opposition que l’on peut observer entre (6a) et (6b) est exactement de l’ordre
indéfini-défini : dans les deux cas il s’agit de la même quantité indéterminée de vin,
mais la première ne réfère pas un élément du contexte déjà identifié, alors que la
deuxième si. Le contraste est absolument similaire à celui qu’on a entre (9a) et (9b) :
(7) a. Pierre a acheté une bouteille de vin.
b. C’est Pierre qui a acheté la bouteille de vin.
Nous en déduisons que DU et UN ont exactement le même sens ‘indéfini’. On peut
comprendre pourquoi l’indéfini des noms massifs a pu se construire à partir du
partitif DE, car pour un massif X, un indéfini réfère à une quantité quelconque de X,
c’est-à-dire à une partie indéterminée de la totalité du X existant dans le monde. Il
en va de même pour les indéfinis pluriels, puisque une multitude de X tend à être
interprétée comme une masse composée de X et donc une partie de tous les X.13
Il reste néanmoins un problème d’envergure : si UN et DU sont tous deux des
articles indéfinis, ils devraient être en distribution complémentaire. C’est ce que

13
Plusieurs auteurs (Attal 1976, Bosveld-De Smet 2000, Dobrovie-Sorin & Beyssade 2004)
relèvent, à côté de l’emploi proprement indéfini de DES un emploi plus marqué avec une
valeur « partitive » plus forte, puisque le groupe nominal fait alors référence à une partie d’un
ensemble contextuellement donné et peut être repris par le pronom anaphorique AUTRE :
a. Des élèves tambourinaient sur leurs tables, tandis que d’autres criaient à tue-
tête.
En fait, l’ensemble qui sert d’antécédent à AUTRE n’est pas introduit par DES, mais
seulement induit par la situation (un groupe d’élèves appartient normalement à une classe, ce
qui induit un groupe complémentaire). D’ailleurs, comme le fait remarquer Leeman
(2004:131), la même valeur « partitive » est possible avec d’autres déterminants indéfinis :
c. Trois élèves tambourinaient sur leurs tables, tandis que deux autres criaient à
tue-tête.
d. Plusieurs élèves tambourinaient sur leurs tables, tandis que quelques autres
criaient à tue-tête.
Nous nous en tiendrons donc à une seule lexie DES, ayant valeur d’indéfini pur.
TITRE DU CHAPITRE 7

nous défendons, en disant que UN se combine avec les noms comptables et DU avec
les noms massifs singulier. Mais d’aucuns considèrent que l’interprétation massive
vs comptable est justement déclenchée par les articles UN et DU (un poisson vs du
poisson ; du vin vs un vin d’Australie) et qu’ils sont donc porteurs de sens différents.
Nous allons répondre.
Pour commencer, il nous paraît clair que cette alternance de sens n’est pas
imputable à UN et DU, puisqu’elle s’observe aussi au défini (8-9) et avec DE
négatif (10-11) :
(8) a. Pierre aime le vin
b. Pierre aime les vins d’Australie.
(9) a. Le poisson fait horreur à Pierre.
b. Les poissons font horreur à Pierre.
(10) a. Pierre ne boit pas de vin.
b. Pierre ne boit pas de vins d’Australie.
(11) a. Pierre ne mange pas de poisson.
b. Pierre n’élève pas de poissons.
On notera que, de manière tout à fait intéressante, avec LE générique comme
avec DE négatif, les noms comptables sont au pluriel et que l’opposition comptable-
massif est alors marquée par une opposition pluriel-singulier 14.
La différence de sens qui existe entre un poisson et du poisson ne doit donc pas
être directement attribuée à des sens supposés différents des articles UN et DU, mais
au fait que UN et DU sélectionnent des lexies de nature différente : dans un poisson,
POISSON a est une lexie comptable désignant un être vivant (éventuellement mort),
tandis que dans du poisson, POISSON b est une lexie massive désignant la chair des
poissons a.
Le cas de la paire du vin vs un vin merveilleux est plus gênant, car toutes les
lexies massives acceptent cette alternance (de l’eau vs une eau limpide ; du sel vs un
sel iodé). Mais ici aussi une solution convaincante a déjà été proposée : il s’agit
d’une conversion régulière15, introduite par Bunt 1985 et appelée le trieur par
Galmiche 1988, qui à toute lexie massive concrète X associe une unité comptable
signifiant à peu près ‘type de X’, que nous noterons [TYPE X ], qui nécessite l’usage
obligatoire d’un modifieur classifiant (ce qui est d’ailleurs encore un signe que ce
n’est pas DU qui assure cette conversion). Exemple : UN [TYPE VIN]
MERVEILLEUX. Une autre conversion massif-comptable est le conditionneur de
Galmiche 1988, signifiant ‘une part de’, que nous noterons [PART X] : une bière, un

14
Cette opposition fonctionne aussi avec PARLER N : parler chevaux, c’est parler de
l’animal (comptable), tandis que parler cheval, c’est parler d’une activité liée au cheval
(massif). Voir aussi Note 5.
15
Selon Galmiche 1987, l’idée de conversion régulière apparaît déjà chez Damourette &
Pichon 1911-1927:425 (« En français moderne, toute substance peut être envisagée d’un point
de vue ou de l’autre ») et elle trouve une formulation explicite chez Weinreich 1966. Il revient
à Pelletier 1975, Bunt 1985 et Galmiche 1987 d’avoir montrer qu’il y a différentes
conversions associées à différentes sémantiques.
TITRE DU CHAPITRE 8

double scotch (UN DOUBLE [PART SCOTCH]). Celui-ci s’applique aussi à des
comptables : un spaghetti bolognaise, un avocat aux crevettes (désignant en fait un
demi-avocat). 16
Il existe aussi plusieurs conversions comptable-massif, à commencer par le
broyeur (angl. glider) de Pelletier 1975, que nous noterons [EXTRAIT X] :
(12) Pierre a de l’œuf sur son veston. (DU [EXTRAIT ŒUF])
Le broyeur s’applique aux fruits et légumes de façon assez surprenante ; les fruits
et légumes que l’on ne consomme pas dans leur totalité sont traités comme des
massifs lorsqu’ils sont considérés en tant qu’aliments ; cf. le contraste suivant :
(13) a. Pierre mange du pamplemousse. Il aime le pamplemousse.
([EXTRAIT PAMPLEMOUSSE])
b. Pierre mange une orange. Il aime les oranges.
Avec les X qui ont une fonction (la voiture sert à se déplacer, la flûte à produire
de la musique), [ EXTRAIT X] donne le résultat de leur utilisation (‘déplacement en
train’, ‘musique de flûte’) ou encore l’activité consistant à les utiliser (‘conduire une
voiture’ , ‘jouer de la flûte’) :
(14) a. Pierre a fait de la voiture. Il préfère le train à la voiture.
([EXTRAIT VOITURE])
b. Pierre écoute de la flûte. Il aime la flûte. ([ EXTRAIT FLÛTE])
Il existe encore d’autres conversions de ce type (cf. d’autres exemples de
Galmiche 1988 en (15)), mais leur nombre reste néanmoins limité.
(15) a. Pierre vend de la cigarette de contrebande.
([PRODUCTION CIGARETTE])
b. On a surtout fait de la pomme cette année.
([PRODUCTION POMME])
c. Il va y avoir de la chute. ([MULTITITUDE CHUTE])
On peut assimiler ces conversions à des sortes de lexies vides. On observe
d’ailleurs avec ces conversions régulières les mêmes phénomènes de figement
qu’avec la combinaison de lexies normales. Ainsi [EXTRAIT POISSON a] a fourni la
lexie à part entière POISSON b (Pierre mange du poisson tous les jours). De même,
[EXTRAIT MOUTON a] a donné deux lexies désignant respectivement la viande et la
peau de mouton. Dans certains cas comme du carton vs un carton (une boîte en
carton) ou du soleil vs le soleil (l’astre solaire) ou un vison (un animal) vs du vison
(de la fourrure) vs un vison (un manteau), la lexicalisation est telle que la conversion

16
On notera qu’on peut difficilement dire #un vin ou #un chocolat à croquer avec un sens ‘une
part de’, probablement parce qu’il existe plusieurs façons de partager ces substances et que
[PART X] est alors en compétition avec d’autres lexies (verre, pichet, bouteille de vin ;
carreau, barre, plaque de chocolat).
TITRE DU CHAPITRE 9

n’est plus active chez nombre de locuteurs, et le sens même de cette conversion
incertain 17.
On peut encore citer, pour conclure, le cas des massifs abstraits qui alternent DU
et UN selon qu’ils sont modifiés ou non (Gross 1975, Kleiber 2006), preuve, s’il en
était encore besoin, que ces deux articles expriment le même sens et ne commutent
que pour des raisons syntaxiques :
(16) a. Pierre a du/*un courage.
b. Pierre a un/*du courage remarquable.

2. Le placement linéaire des articles et des déterminants


adjectivaux

On pourrait penser que le placement des articles ne présente pas de difficultés


particulières. Contrairement à une idée largement développée aujourd’hui, il n’est
pas clair qu’il y ait une position unique pour le déterminant (au sein du syntagme
nominal), en tout cas en français. Nous allons donc commencer notre étude par la
question générale du placement des déterminants adjectivaux. Nous regarderons
ensuite le cas particulier des articles et notamment celui des formes en DE. Notre
modélisation du placement est faite dans le cadre du modèle topologique et vise à
établir les champs du groupe nominal ou plus exactement du groupe prépositionnel,
car nous pensons que le placement de la préposition doit être considéré en même
temps que celui des déterminants et du nom.

2.1. Le placement des déterminants adjectivaux

Nous regroupons sous le terme déterminant adjectival les adjectifs possessifs


(MON, TON …), l’adjectif démonstratif CET, les numéraux (DEUX, TROIS …) et
la classe assez large des adjectifs indéfinis (AUCUN, CHAQUE, PLUSIEURS,
QUELQUES …). Nous éliminons de notre étude les autres déterminants, qui
ouvrent généralement un constituant prépositionnel, de la forme « Adv/Adj de »
(peu de, beaucoup de, plein de, pas mal de …) ou « N de » (un tas de, des masses
de, la plupart de, la moitié de, deux tiers de …), et encore d’autres locutions comme
n’importe quel ou je ne sais quel. Nous laissons aussi de côté quelques éléments,
parfois nommés prédéterminants, qui peuvent se placer devant le déterminant
comme les adjectifs SEUL et TOUT et l’adverbe MEME (seuls/tous/même les idiots
comprendront).

17
Par exemple, dans le Cobuild, pour MINK ‘vison’, l’animal est défini à partir de la fourrure
(exemple noté par Fontenelle 1997 et repris par Barque 2007), contrairement à la plupart des
autres dictionnaires.
TITRE DU CHAPITRE 10

En première analyse, classer tous les déterminants adjectivaux dans une même
classe distributionnelle de déterminant paraît raisonnable, puisque ces éléments
semblent commuter :
(17) a. J’ai perdu les/mes/ces/des/deux/plusieurs/quelques pommes.
b. J’ai perdu la/ma/cette/une/chaque pomme.
En déclarant que le déterminant est obligatoire (18a) et qu’il se place en tête du
groupe nominal (à l’exception de quelques prédéterminants bien répertoriés) (18b),
on rend compte à bon compte de la syntaxe du groupe nominal.
(18) a. *J’ai perdu pomme/pommes.
b. *J’ai acheté belles plusieurs pommes.
Mais ceci présuppose l’unicité du déterminant. Ici les problèmes commencent.
Que faire de (19) ?
(19) ces/les/mes deux/quelques pommes
On peut décréter que ces est le déterminant (puisqu’il occupe la première place)
et que deux ou quelques sont ici des adjectifs épithètes, mais on se retrouve alors
avec une ambiguïté fonctionnelle, voire catégorielle, pour les numéraux et les
éléments qui possèdent le même comportement (DIVERS, DIFFÉRENTS,
QUELQUES …), ambiguïté qui n’est nullement justifiée au niveau sémantique et
lexical, puisqu’aucune différence de sens n’est décelable entre les deux positions (cf.
Van Peteghem & Tovena 2006 ou Gaatone 2006). Par exemple, les exemples (20a)
et (20b) sont parfaitement synonymes, à la différence de structure communicative
près :
(20) a. Différentes/deux/quelques personnes sont venues me voir. Je les
ai envoyées au bureau des réclamations.
b. J’ai envoyé au bureau des réclamations les différentes/deux/
quelques personnes qui sont venues me voir.
On peut préserver une analyse homogène des numéraux en renonçant à l’unicité
du déterminant et en considérant qu’on a au moins deux positions déterminatives et
trois classes distributionnelles d’éléments qui peuvent occuper ces positions :
- les déterminants définis : l’article défini LE, les adjectifs possessifs
(MON, TON …) et l’adjectif démonstratif CET ;
- les déterminants quasi-indéfinis : les numéraux (DEUX, TROIS …) et les
adjectif DIVERS, DIFFÉRENTS, QUELQUES … (nécessairement au
pluriel) 18 ; ces éléments ne sont pas marqués pour la définitude : ils peuvent
assurer seuls la détermination et déclenchent alors une interprétation
indéfinie, mais ils sont compatibles avec un déterminant défini.

18
Il est clair que QUELQUE (au singulier) est une autre lexie, qui d’ailleurs n’est plus
productive en français contemporain et n’apparaît plus que dans des expressions figées :
quelque chose, (il y a) quelque temps, quelque peu, en quelque sorte, avoir quelque peine à …
TITRE DU CHAPITRE 11

- les déterminants indéfinis19 : UN, AUCUN, CHAQUE, TEL (OU TEL)


…, PLUSIEURS, CERTAINS …
En ne considérant que les trois classes distributionnelles que nous venons
d’introduire, les règles sont temporairement les suivantes :
- Il existe deux20 positions de détermination en français (Fig. 1a) : l’une des
deux au moins doit être remplie ; la première est occupée par les
déterminants définis (et est donc liée à la référentialité), la deuxième par les
déterminants quasi-indéfinis (et est donc liée à la quantification). L’absence
de déterminant défini entraîne l’interprétation indéfinie du déterminant
quasi-indéfini.
- Les déterminants indéfinis occupent simultanément les deux positions
(Fig 1b).
Nous représentons dans la Fig. 1 les différentes positions topologiques entre la
préposition et le nom. Nous ne détaillons pas les différentes positions adjectivales
qui suivent le nom (cf. par ex. Knittel 2005 ou Iordanskaja 2003). Pour une
présentation plus précise de la topologie21, on pourra consulter Gerdes & Kahane
2006.
a.
Dét Dét quasi-
Prép … Adj … Nom
défini indéf
avec ces quelques autres petits livres

b.
Dét indéfini
Prép = Dét déf +quasi- … Adj … Nom
indéf
avec plusieurs autres petits livres

Figure 1. Les positions topologiques entre la préposition et le nom

19
On notera que les déterminants indéfinis sont soit toujours singuliers comme CHAQUE,
soit toujours pluriels comme CERTAINS.
20
Bien que nous l’ayons situé en dehors de notre étude, il nous faut également une place pour
TOUT dans avec toutes mes amies entre la préposition et le déterminant défini. On notera que
TOUT ne peut pas cooccurrer avec un quasi-indéfini (*toutes les/mes deux/quelques amies).
Cette impossibilité n’est pas sémantiquement motivée (puisque la cooccurrence est possible
avec le pronom dans toutes les deux) et nous devrons la traiter comme une contrainte
topologique, considérant que la présence de TOUT bloque la position du quasi-indéfini (ce
qui bloque le DEUX adjectif, mais pas le DEUX pronom).
21
L’étude la plus poussée de la topologie du français à ma connaissance a été développée par
Pierre Le Goffic qui a fait un étiquetage topologique de Sylvie de Nerval dans son projet
Syntaque. Ces travaux ne sont pas encore publiés, mais on pourra consulter Le Goffic 2003,
qui les préfigure.
TITRE DU CHAPITRE 12

En conclusion, nous considérons que la détermination du nom dans ces deux


gâteaux est assurée conjointement par ces et deux : le premier assure la définitude,
tandis que le deuxième assure la quantification. Référentialité et quantification sont
les deux principales contributions de la détermination, exprimable en un même mot,
mais aussi en deux.

2.2. Le placement des articles

Nous allons maintenant modéliser les descriptions proposées à la section 1.1.2.


L’article UN est un déterminant indéfini : il se comporte comme les autres
déterminants indéfinis et non comme les numéraux, puisqu’il ne peut coexister avec
un déterminant défini.
Une des complications du système des indéfinis en français est que les différents
DE, y compris les locutions DU et DES, ne peuvent coexister. Autrement dit, bien
que sémantiquement envisageable (cf. (18b)), un partitif d’un indéfini pluriel n’est
pas possible :
(21) a. *J’ai mangé de des gâteaux.
b. J’ai mangé de plusieurs gâteaux.
Après la préposition DE, comme nous l’avons déjà dit, DU et DES sont
remplacés par le déterminant zéro, tandis que UN est normalement réalisé.
Le DE négatif est aussi une préposition, mais il joue également le rôle d’article
indéfini : il occupe donc la position de déterminant et bloque en même temps les
deux positions déterminatives.
Le DE partitif, qui est également une préposition, occupe donc la position de la
préposition, mais bloque quand même DU et DES.
Les articles DU et DES, quant à eux, se comportent comme les autres
déterminants indéfinis, si ce n’est qu’ils ne peuvent apparaître ni après la préposition
standard DE, ni après le DE partitif.
Nous modélisons cette impossibilité pour les différents DE de coexister en
considérant que tous les DE occupent une position commune. Cette position n’est
jamais réalisée seule, sauf pour le prédéterminant DE, dont on a vu qu’il ne se
combinait qu’avec les déterminants définis (possessifs et démonstratifs) et restait
extrêmement marginal.
Dans les autres cas, la position spéciale pour DE fusionne avec une ou plusieurs
positions voisines. Le DE préposition standard, ainsi que le DE partitif, entraînent la
fusion de la position spéciale avec la position préposition, laissant les positions
déterminant libres (Fig. 2b). Ceci suffit à bloquer DU et DES qui doivent aussi
occuper la position spéciale DE. Les articles DU et DES entraînent la fusion de la
position spéciale avec les positions déterminants (Fig. 2c). L’article négatif DE, qui
ne peut cooccurrer ni avec une préposition, ni avec un autre déterminant,
entraînerait, quant à lui la fusion de la position spéciale avec à la fois la position
préposition et les positions déterminant (Fig. 2d).
TITRE DU CHAPITRE 13

a. DE prédéterminant

Dét Dét quasi-


Prép DE … Adj … Nom
défini ind
avec de ce petit vin

b. DE préposition standard ou DE partitif

Dét Dét quasi-


Prép+DE … Adj … Nom
défini ind
de ces quelques petits livres

c. DU/DES
DE+Dét défini+
Prép … Adj … Nom
Dét quasi-indéf
avec des petits livres

d. DE article négatif

Prép+DE+
… Adj … Nom
Dét défini+Dét quasi-indéf
de petits livres

Figure 2. Les positions topologiques entre la préposition et le nom, incluant DE.

Conclusion

1) Nous considérons qu’il existe, en français, une catégorie flexionnelle de


définitude pour le nom à seulement deux valeurs, défini et indéfini. Considérer la
définitude comme une catégorie flexionnelle signifie que l’expression de la
définitude est obligatoire (le choix de la valeur – défini vs. indéfini – restant libre),
c’est-à-dire que, en dehors de contextes bien particuliers où la définitude ne
s’exprime pas, un nom doit en français être accompagné d’un déterminant exprimant
la définitude.
2) Le dit article partitif DU est pour nous un article indéfini pour les massifs
singuliers. Il existe un certain nombre de conversions régulières comptable-massif
TITRE DU CHAPITRE 14

(de l’[EXTRAIT œuf], de la [PRODUIT cigarette] de contrebande) et massif-comptable (un


[TYPE vin] merveilleux, un double [PART scotch]), mais ni DU, ni UN ne sont porteurs
de ces conversions, puisqu’elles s’observent également avec LE ou DE négatif.
3) Nous estimons qu’il existe 5 articles en français lorsqu’on les dénombre en tant
qu’unités lexicales : le défini LE (de formes le/la/les), l’indéfini des comptables
singulier UN (un/une), l’indéfini des massifs singuliers DU (du/de la), l’indéfini
pluriel DES (de formes des et de) et l’indéfini négatif DE. S’y ajoute une forme zéro
d’article indéfini utilisée après la préposition DE, à la place de DU et DES.
4) Il y a plusieurs classes distributionnelles de déterminants adjectivaux : les
définis (LE/CET/MON), les quasi-indéfinis (DEUX, QUELQUES, DIFFÉRENTS
…) et les indéfinis (UN, CHAQUE, PLUSIEURS …). Les articles indéfinis DU et
DES se rapprochent des déterminants indéfinis, mais possèdent une distribution à
part en raison de leur non-cooccurrence avec la préposition standard DE et le partitif
DE. De même, l’article-préposition négatif DE possède une distribution unique.
Nous avons retenu deux positions topologiques pour les déterminants en raison de la
cooccurrence possible entre déterminants définis et quasi-indéfinis.
5) La complexité des problèmes que nous avons considérés vient en grande partie
de la polysémie de DE. Nous avons isolé 6 formes de (cf. par ex. Abeillé et al. à
paraître pour d’autres cas encore) : la préposition DE, le partitif DE, qui est à la fois
une lexie à part entière et une sous-lexie des locutions DU et DES, le prédéterminant
DE, l’article négatif DE et la forme atone de de l’article DES. Malgré leurs
différentes appartenances catégorielles, ces différentes formes occupent toutes la
même position topologique et s’excluent donc mutuellement, mais chacune en
fonction de son rôle va également occuper des positions topologiques voisines.
Remerciements : Je remercie Kim Gerdes, Claude Muller et Igor Mel’čuk et les
éditeurs de cet ouvrage pour leurs remarques, conseils et corrections sur les
premières versions de ce travail.

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