Lettre de Prise en Charge
Lettre de Prise en Charge
Lettre de Prise en Charge
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Résumé
Cet article examine la manière dont la variation linguistique est perçue par des
étudiants allophones en formation dans un département de français. Leurs repré-
sentations quant à la gestion de la variation dans l’enseignement qu’ils suivent
et leur autoévaluation des compétences, recueillies à l’aide d’un questionnaire,
sont analysées d’après des critères permettant d’établir le degré d’acquisition des
compétences variationnelles et en rapport avec les conceptions de la variation dans
l’enseignement du FLE.
Mots-clés : variation linguistique, formation universitaire, francophonie, représen-
tation, étudiant
Abstract
This paper studies the way in which linguistic variation is perceived by allophone
students of a department of French language. A questionnaire was used to collect
their representations regarding the introduction of variation in their training as well
as their assessment of their own competences. The data is analysed using criteria
indicating to what extent the variational competences are gained. The principles
established for teaching French language variation are also considered.
Keywords: linguistic variation, academic training, Francophonia, representation,
student
Introduction
L’on pourrait penser que pour l’étudiant allophone faisant des études de français
aujourd’hui, à l’ère de la globalisation, il serait souhaitable, en plus de maîtriser
une variété standard de la langue, de se familiariser également avec les variétés du
français (qu’elles soient stylistiques, sociolinguistiques ou géographiques), afin de
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Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117
Pour qu’il n’y ait plus défi et que l’on considère que nous sommes passés du
côté de l’acquis, nous considérerons qu’il faut que les trois conditions suivantes
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La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université
soient remplies. Premièrement, que les étudiants aient une conscience linguis-
tique qui intègre les variétés de français, autrement dit qu’ils mentionnent dans
leurs discours le fait que le français n’est pas unique, mais qu’il a des réalisations
multiples, selon les contextes d’utilisation. Deuxièmement, qu’ils soient capables
de nommer d’autres pays que la France et les pays européens où on parle français,
qui étaient jusqu’il y a deux ou trois décennies les seuls pays de référence pour le
français ; qu’ils puissent donner des exemples de situations de communication où
se manifeste la variation. Et troisièmement, qu’ils montrent des compétences en
compréhension, à savoir qu’ils sachent identifier et qu’ils puissent comprendre les
variétés de français. Notre questionnaire ayant comme sujet affiché la diversité
des français, il oriente nécessairement les réponses des étudiants vers ce sujet. Il
s’agira donc d’une conscience affichée plutôt que spontanée, peut-être influencée
par la volonté de se mettre dans une lumière favorable. La même remarque doit
être faite pour la troisième condition, où les compétences affirmées peuvent ne pas
correspondre aux compétences effectives, soit parce que l’étudiant se surestime,
soit parce qu’il se sous-estime. Quoi qu’il en soit, les réponses des étudiants nous
fourniront des pistes pour savoir dans quelle mesure on peut considérer que la
variation du français de ce contexte de formation est un acquis.
1. Remarques préliminaires
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Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117
Par nature, l’enseignement tend à être normatif. Ce n’est peut-être pas pour rien
que la variation diaphasique a été depuis longtemps prise en compte par l’ensei-
gnement du FLE, car quoi de plus normé que l’emploi de la langue selon la situation
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La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université
d’énonciation, donnant lieu à des registres et styles (variation qui intervient d’ail-
leurs chez tous les locuteurs d’une langue, comme le souligne Gadet, 2003 : 110, et
qui se conjugue avec les autres types de variation) ? Cependant, comment envisager
l’enseignement de la variation diatopique, qui a comme caractéristique précisément
de remettre en question l’idée d’une norme centralisatrice ? N’y a-t-il pas une sorte
de paradoxe à penser « enseigner » la variation linguistique dans ce cas ? Quelle
forme prendrait un enseignement de la langue qui accorderait une place importante
à la variation dans toute son étendue ? Que devrait viser l’enseignement du FLE ?
La compréhension passive de certaines variétés, comme le propose Eloy (2003),
arguant que le locuteur natif lui-même a une compétence passive plus étendue que
sa compétence active et qu’il est capable de reconnaître plus de variétés qu’il n’en
utilise ? Ou, encore moins, une simple attitude à faire adopter à l’apprenant, un
déconditionnement, un certain état d’esprit, plutôt qu’un véritable enseignement
de savoirs linguistiques ?
A. Il faut enseigner d’abord l’essentiel, ensuite l’accessoire – choix imposé par
la nécessité pratique (Eloy, 2003 : 5), mais qui n’a rien d’absolu, étant donné
que la limite entre accessoire/essentiel se déplace selon les époques, les
traditions didactiques, les besoins de la société (la perspective actionnelle du
CECR oriente fortement vers les compétences communicatives, par exemple).
Selon cette vision, la base de l’apprentissage doit, dans tous les cas, viser le
noyau normatif de la langue, le français standard, fondamental, tandis que
les questions de variation ne sont à aborder qu’au niveau avancé (Eloy, 2003 :
13 ; Detey, 2017 : 103). Une position contraire est adoptée par Valdman (voir
l’attitude F).
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Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117
D. Il faut réduire la variation pour la production. Cela peut être réalisé à l’aide
d’une norme simplifiée et dynamique, ce que (Valdman, 2000 : 657) appelle
la « norme pédagogique ». Cette norme pédagogique sélectionne les formes
les plus fréquentes ou les plus représentatives pour les variétés traitées ;
elle veille aussi à sélectionner les variations valorisées, car plus rentables
pour le locuteur allophone ; enfin, elle retient les variantes les plus simples
à acquérir pour le niveau des apprenants (p. 657-658). De manière générale
en didactique des langues, on s’accorde sur le fait que « l’introduction de
l’authenticité, et donc de la variation, en classe de langue étrangère, ne peut
s’effectuer que de manière construite et raisonnée, en tenant compte du
profil des apprenants, de leur stade d’apprentissage et de leurs objectifs »
Detey (2017 : 109). La proposition de « norme pédagogique » de Valdman met
l’accent sur le fait que la didactique suppose des choix de formes et d’aspects
linguistiques à enseigner (à côté d’autres choix visant les méthodes, outils,
matériaux, etc.). Parmi les autres choix que suggère Valdman, nous retenons
le traitement conjoint des variations diastratiques et diaphasiques et l’intro-
duction de la variation diatopique le plus tôt possible dans l’apprentissage,
notamment pour ce qui est du lexique et de la phonologie. Cependant, selon
cette conception aussi, la langue cible de l’apprenant de FLE reste « une
forme neutralisée qui ne correspond à aucune langue native stricto sensu »
(Valdman, 2000 : 664).
E. Le traitement de la variation en général n’est pas productif et, pour cette
raison, il faut distinguer le type de variation visé (diaphasique, diastratique,
diatopique) et les niveaux linguistiques concernés (phonétique, morpholo-
gique, syntaxique, lexical) (Detey, 2017 : 100, 109).
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G. Il faut agir sur les représentations que les apprenants ont de la langue
française, pour les élargir et y intégrer la variation linguistique, y compris
l’arrière-plan culturel et identitaire de cette variation (Molinari, 2008 :
58). Par la position qu’il a, l’enseignant peut faire évoluer progressivement
l’horizon d’attente en matière de norme linguistique qui domine chez ses
apprenants (Molinari, 2010 : 103) ; il peut agir sur les représentations et
la conscience linguistique des apprenants (Merlo, 2011 : 23). En effet, de
nombreuses études ont montré que les apprenants allophones valorisent le
français standard de France et méconnaissent ou déprécient les variétés
de français. Par exemple, le test de perception des accents proposé dans
Molinari (2008 : 59 ; 2010 : 103) à des étudiants italiens montre que ceux-ci ne
connaissent pas les français parlés en dehors de l’Hexagone et que, si certains
arrivent à reconnaître des variétés d’Afrique et du Canada, personne ne
mentionne le Maghreb. Dans la continuité de ce test, Molinari (2008) conçoit
pour ses étudiants un parcours de découverte et d’ouverture à la variation
(elle parle de « prise de conscience d’un paysage sonore multiforme »,
p. 59) : exposition régulière à des parlers hors Hexagone, verbalisation de
la perception des différents accents (qui prouve que « le français standard
correspond à l’horizon d’attente des apprenants », p. 60), suivies par la décou-
verte des contextes ethniques et socio-culturels dans lesquels sont produites
les variations (à l’aide du dossier « Cités du monde » de TV5) et par un travail
de terrain pour lequel les étudiants adoptent la posture de l’ethnographe et
vont interroger des locuteurs du français appartenant à d’autres cultures que
la culture française. L’enseignant-chercheur conclut sur la nécessité de « [c]e
parcours parmi les voix de l’altérité, explorées par le biais du croisement des
perspectives linguistiques et ethnographiques » (p. 66), soulignant en même
temps « les enjeux identitaires et culturels des variations » (p. 67), dans une
logique qui est proche de celle des approches interculturelles.
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Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117
H. La variation est déstabilisante pour les apprenants. Alors qu’ils valorisent
le français standard de France, pensant qu’il leur suffit, les apprenants
allophones ne sont pas capables de comprendre les variations dans certaines
situations ou face à des documents authentiques (Merlo, 2011 : 1-3), ce qui
prouve justement les insuffisances et limites du français standard.
I. Les enseignants de FLE ne sont pas suffisamment formés à la variation linguis-
tique et manquent de ressources pour l’introduire dans l’apprentissage (Detey,
2017 : 103, 106). Or, il faudrait justement que l’enseignant connaisse les
facteurs de variation linguistique et qu’il sache adopter une attitude tolérante
vis-à-vis de la variation, une « normativité éclairée » (Valdman, 2000 : 664).
Toutes les recherches que nous avons consultées, dont celles que nous venons de
mentionner, sont très favorables à la prise en compte de la variation linguistique
dans l’enseignement des langues et ne remettent pas en question sa pertinence.
La conclusion de Detey (2017 : 111) quant aux retombées positives de l’intégration
de la variation dans l’enseignement-apprentissage du FLE est révélatrice de cette
attitude générale favorable. Celui-ci énumère plusieurs « opportunités » qu’offre la
présence de la variation dans l’enseignement :
« 1) celle d’offrir davantage d’outils sociolinguistiques aux apprenants en vue
de pouvoir évoluer dans différentes communautés linguistiques francophones,
2) celle de légitimer les variétés des locuteurs non natifs, quel que soit leur
degré d’expertise,
3) celle de relégitimer, de manière peut-être contre-intuitive, l’intérêt de
norme(s) commune(s) pour assurer non seulement une intercompréhension
élémentaire, mais plus encore la neutralisation de divergences sociolinguis-
tiques pouvant potentiellement entraver le succès des interactions,
4) celle d’expliciter des liens entre certains aspects linguistiques et certaines
dimensions socioculturelles de l’apprentissage,
5) celle d’aider les enseignants à accompagner leurs apprenants du réel de leur
salle de classe au réel des communautés francophones hors classe. » (Detey,
2017 : 111).
Les conceptions et attitudes ci-dessus, évoquées, prises en charge ou défendues
par les enseignants-chercheurs, se retrouvent très largement dans les travaux
traitant de l’intégration de la variation dans l’enseignement du FLE. En analysant
notre corpus, dans la section 4.4, nous chercherons à voir dans quelle mesure elles
se retrouvent également chez les étudiants que nous avons interrogés.
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La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université
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Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117
-- mentionner le fait que le français n’est pas unique, mais qu’il a des réalisa-
tions multiples, selon les locuteurs, les contextes d’utilisation, les régions
(conscience linguistique) ;
-- pouvoir nommer des pays et des régions où on parle français autres que la
France et les pays européens, ainsi que pouvoir donner des exemples de
situations de communication où les variétés interviennent et savoir qu’on
peut comparer ces situations entre elles ;
-- savoir identifier et comprendre les variétés de français (compétence en
compréhension).
Nous regarderons dans quelle mesure les étudiants interrogés remplissent ces
trois conditions, en évaluant globalement leurs réponses aux quatre points du
questionnaire, qui, pour rappel, touchent aux types de variations (diastratique,
diaphasique, diatopique) et à l’avis des étudiants sur l’enseignant des variétés du
français à l’université. Les représentations centrées sur chaque type de variation
seront comparées afin de voir s’il y en a qui sont plus familières aux étudiants.
Enfin, dans la section 4.4, nous regarderons également du côté des attitudes qui
s’expriment parfois de manière détournée dans les réponses, pour voir quelles sont
les conceptions qui dominent et si elles correspondent à celles qui sont discutées
dans la littérature (énumérées dans la section 2). En plus des trois conditions et des
attitudes vis-à-vis de la variation linguistique dans l’enseignement, nous prendrons
en compte tout élément susceptible de nous éclairer sur les représentations des
étudiants.
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La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université
Notre question de départ était de savoir dans quelle mesure la formation suivie
par les étudiants interrogés leur permet de développer une conscience linguistique
qui intègre la variation du français et d’être familiarisés avec les variétés de français
afin de pouvoir les identifier, voire d’en connaître les spécificités. Nous répondrons
à la question en examinant d’abord les critères mentionnés supra qui permettent
de décider si la compétence variationnelle est acquise par les étudiants, et ensuite
en regardant quelles sont les représentations des étudiants vis-à-vis de la variation
linguistique.
Le premier critère pour estimer si la variation est un acquis portait sur la mention
du fait que le français est une langue qui prend des formes multiples selon les
locuteurs, les situations d’énonciation ou les zones géographiques. Étant donné
que le questionnaire porte sur la variation linguistique, les étudiants vont néces-
sairement mentionner les variétés de la langue française. Cependant, ce critère
est rempli par les étudiants, d’après les discours qu’ils tiennent, seulement dans
une certaine mesure, car les étudiants ont tendance à s’orienter vers les mêmes
exemples, probablement en fonction des cours suivis dans le département.
Quant aux variétés nommées par les étudiants, les éléments de variation diastra-
tique et diaphasique les plus fréquents dans les réponses sont : les registres, la
phonétique, l’argot des jeunes, le statut social, l’âge, le vouvoiement, la langue
soignée. Quant aux exemples avancés pour les pays et régions où on parle français,
les réponses obtenues au point 3 du questionnaire font apparaître les variétés des
territoires suivants, que nous énumérons par ordre de fréquence : la France (4
mentions sans spécifications, 5 mentions pour le midi de la France et Marseille, 2
mentions pour le chti), la Belgique (5 mentions), l’Afrique (5 mentions), le Canada/
Québec (4 mentions), la Suisse (1 mention), la Guadeloupe (1 mention) et on parle
également du créole (2 mentions). 17 mentions concernent donc l’Europe, contre 12
hors Europe ; aucune mention n’est faite du Maghreb et les espaces moins étendus
de la francophonie ne sont représentés que par la Guadeloupe et le créole.
Il est intéressant de jeter un coup d’œil au profil des étudiants, pour voir
comment leurs expériences de séjour influencent les réponses qu’ils ont données
au point 3, énumérées ci-dessus. À partir de leurs profils, on constate qu’ils ont
surtout voyagé en Europe et qu’il n’y a que quatre étudiants qui ont voyagé ou vécu
en dehors de l’Europe. Plus précisément, les deux questions introductives liées aux
voyages et aux longs séjours dans des pays où on parle le français nous ont fourni
les données suivantes. La France arrive en tête (respectivement 28 mentions pour
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les voyages et 12 mentions pour les longs séjours), suivi par la Belgique (13 et 4
mentions), le Luxembourg (5 et 1 mentions), la Suisse (3 et 0) le Canada (3 et 0), le
Maroc (2 et 1), la Tunisie (1 et 0). Mais tous les étudiants n’ont pas fait de voyage
en pays francophone : c’est le cas de 5 étudiants, tous de première année. Les
données nous disent aussi dans combien de pays francophones ces étudiants ont
voyagé : 14 étudiants ont mentionné un seul pays, tandis que 17 ont voyagé dans
plus d’un pays : deux pays (9 étudiants), trois pays (4 étudiants) et quatre pays
(4 étudiants). Ces expériences personnelles de voyage, situées majoritairement
en Europe, n’ont apparemment pas beaucoup contribué à élargir la compétence
diatopique chez les étudiants, à l’en juger d’après les pays et régions mentionnés
au point 3 du questionnaire.
D’après ce que les étudiants affirment, ils maîtrisent mieux la variation diapha-
sique (42,86% savent l’identifier, contre 0% qui ne savent pas), suivie de celle
diatopique (31,43% savent l’identifier, contre 17,14% qui ne savent pas), alors
que la variation diastratique pose plus de problèmes (seulement 25,71% savent
l’identifier, contre 17,14% qui ne savent pas). Les difficultés à l’identifier (« oui,
je sais, mais peu/mal/c’est difficile ») vont dans le même sens : seulement 17,14%
éprouvent des difficultés à reconnaître les variations diaphasiques, contre 31,43%
pour les variations diatopiques et 34,28% pour les variations diastratiques.
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La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université
traitée » et « pas traitée en cours » concorde avec les résultats pour l’avis « oui,
traitée en cours » : peu d’avis négatifs pour la diaphasie (17,14%), plus d’un tiers
d’avis négatifs pour la diatopie (34,28%) et pour la diastratie (37,14%). Le sentiment
de maîtriser la variation s’accorde donc avec la perception de son intégration dans
l’enseignement, mais il faut remarquer qu’environ 14-17% des étudiants disent
avoir acquis les compétences variationnelles en dehors des cours à l’université.
Concernant les données selon les années d’études, il n’y a pas de régularités
à relever, sauf l’évaluation négative par les étudiants de Master de leur compé-
tence diatopique et même de son traitement dans l’enseignement, alors qu’ils
sont très positifs pour la compétence diaphasique et modérés pour la compétence
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diastratique. Par conséquent, chez les étudiants en Master, l’ordre de difficulté est
différent de celui de l’ensemble des étudiants : la diatopie est la plus probléma-
tique, suivie par la diastratie, alors que la diaphasie ne pose pas problème.
Globalement, d’après les trois critères évalués dans les sections 4.1 et 4.2, la
variation dans l’enseignement du département est un acquis dans une certaine
mesure, mais pourrait être renforcée à tous les niveaux d’étude, surtout au vu des
résultats concernant les variétés que les étudiants sont capables de nommer et au
vu des pourcentages présentés dans la Figure 1. Qu’en est-il alors de la manière
dont les étudiants perçoivent la formation qu’on leur propose ?
Le dernier point du questionnaire vise les questions suivantes : « Quel est votre
avis concernant l’enseignement des variétés de français à l’université ? Les variétés
de français sont-elles suffisamment prises en compte ? Si vous pensez qu’elles ne le
sont pas, comment faudrait-il introduire ces variétés dans le programme d’ensei-
gnement à l’université, selon vous ? ». À ce quatrième point du questionnaire, l’idée
de prendre en compte les variétés du français dans l’enseignement est évaluée
positivement par 16 étudiants, soit 45,71%, en égale mesure à tous les niveaux
d’étude, et négativement par un seul étudiant de 1e année, selon lequel il est
impossible d’enseigner toutes les variétés de français. Les évaluations positives se
font dans les termes suivants : intéressant (chez 6 étudiants), bien (ce serait bien,
chez 5 étudiants), agréable/sympa (chez 5 étudiants), j’aimerais bien (2 étudiants),
important (2 étudiants), utile (1 étudiant) et justifié (1 étudiant).
Les réponses obtenues nous ont permis de voir qu’un tiers des étudiants (34,28%)
sont satisfaits de la présence de la variation linguistique dans la formation qu’ils
ont suivie et qu’ils suivent. Ce taux de satisfaction s’explique en partie par l’image
qu’ils se font de la langue à apprendre, car chez 20% des étudiants, l’évaluation
positive de leur formation s’accompagne de la remarque qu’il faut avant tout
se concentrer sur le français standard (ce sont surtout les étudiants de 1e et 2e
année qui expriment cette vue). Un quart des étudiants (25,71%) n’ont pas d’avis
particulier là-dessus, même s’ils affirment que c’est un aspect important (ce sont
toujours les étudiants de 1e année qui sont les plus nombreux dans cette catégorie
de réponses). Enfin, presque la moitié des étudiants (45,71%) pensent qu’on devrait
ou pourrait prendre en compte plus les variétés de français. Il faut rappeler que la
somme des pourcentages n’est pas de 100% parce que les étudiants hésitent parfois
dans leurs réponses et peuvent, par exemple, après avoir évalué comme satisfaisant
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La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université
l’enseignement qui leur est donné, proposer des activités qu’on devrait/pourrait
introduire davantage dans les cours. Parmi les 45,71% qui souhaiteraient que la
variation soit davantage présente dans leur formation, nous retrouvons seulement
⅓ des étudiants de 1e-2e année, contre ½ des étudiants de 3e-4e année et ⅔ des
étudiants de 5e année ou plus. D’après nos données, les étudiants de 1e-2e année
estiment majoritairement que les variétés du français sont suffisamment présentes
dans les cours ou n’ont pas d’avis là-dessus (car ils se concentrent sur le français
standard), alors qu’à partir de la 5e année (au niveau Master), les étudiants sont
majoritairement d’avis que la variation devrait recevoir une plus grande place dans
l’enseignement. D’ailleurs, aucun des étudiants du niveau Master n’exprime, à
aucun moment du questionnaire, la vision selon laquelle les variétés de français
seraient moins importantes ou secondaires par rapport à la norme générale qui
serait à maîtriser en priorité. Cela correspond au développement d’une conscience
linguistique qui s’opère au fil des années et des modules de formation. Nous voyons
là l’indice du fait que le curriculum du département de français que fréquentent
ces étudiants (avec les modules et les stages linguistiques et professionnels qu’il
prévoit) est efficace dans le traitement de la variation linguistique : en fin de
parcours, les étudiants acquièrent majoritairement une conscience linguistique qui
intègre la variation du français et se montrent plus intéressés par les variations
diatopiques.
Dans cette section, nous présentons les conceptions et attitudes que les étudiants
expriment dans leurs réponses, en les mettant en rapport avec les attitudes A-I
décrites dans la section 2. Les réponses des étudiants sont reprises quasiment à
l’identique et elles sont traduites lorsqu’elles sont en finnois.
A. Il faut enseigner d’abord ce qui est essentiel, autrement dit le français
standard, et ne s’occuper qu’ensuite des variétés, de ce qui s’éloigne de
la norme (A1-6). Cette vision des choses est poussée à l’extrême quand on
affirme que le français standard suffit dans toutes les situations (A5) ou qu’on
ne peut pas enseigner/apprendre toutes les variétés de la langue (A6) ; et
un étudiant situe l’acquisition de la compétence variationnelle en dehors de
l’enseignement (A7). Six étudiants, soit 17,14%, adhèrent à cette conception
de l’enseignement-apprentissage du FLE. Cinq sont en 1e-2e année et un est en
3e-4e année. Ce sont donc les étudiants des deux premières années d’études
qui expriment la vue selon laquelle c’est le français de base qui doit être
acquis en priorité. Nous présentons ci-dessous l’ensemble des avis qui s’ins-
crivent dans cette vision.
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• (A1) On ne peut pas apprendre ces choses avant de bien connaître les fonde-
ments de la langue.
• (A2) Il ne faudrait pourtant pas mettre l’accent là-dessus plus que ça, car
personnellement j’ai besoin d’exercices dans la compréhension de la langue
de base.
• (A3) L’enseignement étant très limité, il y a des choses plus importantes sur
lesquelles il faut se concentrer.
• (A4) Il ne faudrait quand même pas trop les inclure dans l’enseignement,
parce que le français commun est la base de toutes les variétés et on se
débrouille avec ça.
• (A5) C’est suffisant à mon avis, car c’est la France qui est la plus importante.
• (A6) On ne peut pas enseigner toutes les variétés de français ; le plus
important c’est d’enseigner à tout le monde le français standard commun.
• (A7) (hors enseignement) Si un étudiant s’intéresse particulièrement
à une certaine variété de français, il peut s’informer lui-même et partir
par exemple en échange dans le pays où on parle la variété de français en
question. [même étudiant que pour A6]
B. Il est important d’enseigner les variétés du français (B1) et utile de savoir les
reconnaître (B2). En réalité, 19 étudiants, soit 54,28%, expriment au total,
dans l’une ou l’autre de leurs réponses, une attitude favorable à la présence
de la variation dans leur formation, mais nous avons retenu ici uniquement
les cas où un énoncé entier exprime cette attitude. Sur ces 19 étudiants, 9
sont en 1e-2e année, 6 sont en 3e-4e année, et 4 sont en 5e année ou plus – on
constante donc que les étudiants de Master sont les plus favorables, avec
deux tiers d’entre eux qui valorisent la variation. Cette attitude favorable
s’accompagne du constat qu’on se concentre trop sur le français de France
et d’Europe, éventuellement du Canada aussi, et que le français standard est
surreprésenté à l’université (chez quatre étudiants, dont un en 3e-4e année,
B3, et trois en Master, B4-B7). En tout, six étudiants, soit 17,14%, insistent sur
l’importance de la variation en FLE. Les étudiants de Master sont ceux chez
qui cette vue est la plus saillante.
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que dans le français de France, il n’y a pas eu de cours séparé pour ça.
[l’affirmation est faite deux fois, en répondant à des questions différentes ;
même étudiant que pour A6 et A7]
F. Il faut être exposé à la variation linguistique (F1) et la variété utilisée au lycée
conditionne la suite de l’apprentissage (F2 – il est intéressant de remarquer
que c’est un étudiant du niveau Master qui fait cette affirmation, ce qui va
dans le sens de la proposition de Valdman, selon laquel il faut introduire la
variation diatopique le plus tôt possible, dans un objectif de sensibilisation
à la variation). Mais l’acquisition des connaissances en matière de variation
du français se réalise principalement, voire exclusivement à l’extérieur de
l’université, en milieu de langue, parfois dans les stages linguistiques prévus
dans le curriculum. (F3, F4, F5, F7, F9, F10). Les étudiants ne se souviennent
pas toujours dans quels cours ont été traitées les variétés de français, mais
ont le sentiment d’avoir appris plus par la pratique dans des situations réelles,
face à des locuteurs francophones, autrement dit par imprégnation, en étant
exposés à la langue, mais également en interaction directe (F6, F8, F11). Le
séjour en France ou dans un pays francophone ne suffit pas pour maîtriser
la variation linguistique (selon F10) et F9 justifie sa compétence variation-
nelle défaillante par l’absence d’un séjour dans un pays francophone. Il est
important de remarquer que les affirmations F3 à F10 concernent l’appren-
tissage non institutionnel, hors enseignement et que, donc, huit étudiants
(22,86%, dont un seul est en 1e-2e année) pensent que la compétence liée à la
variation s’acquiert en dehors des cours. Un cas intéressant est celui de l’étu-
diant F11, étudiant de 3e-4e année, qui propose d’inviter la variation réelle
dans les cours, en prévoyant des interactions avec un locuteur francophone.
Sur les dix étudiants qui s’inscrivent dans cette conception de l’apprentissage
de la variation, nous trouvons un seul étudiant de 1e-2e année, six étudiants
des années 3e-4e et trois étudiants de Master (ce qui revient à dire qu’en 3e-4e
année et en Master, la moitié des étudiants partagent cette vision). Il s’agit
de la catégorie d’attitudes envers la variation la plus représentative chez les
étudiants interrogés (28,57%).
112
La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université
G.
Les étudiants ont des représentations de la langue que l’on peut faire
évoluer. Les points A., B., E., F. présentés jusqu’ici reflètent également les
représentations des étudiants, mais nous avons groupé sous le point G. des
énoncés qui ont comme objet la manière dont ils se représentent la langue,
des énoncés que l’on pourrait qualifier d’autoréflexifs. Trois remarques fort
intéressantes peuvent être qualifiées comme telles. En G1, un étudiant de
3e-4e année constate qu’au moment où la variation a été traitée dans un
cours de première année, la question ne le passionnait pas. G2 avoue qu’il ne
voudrait pas apprendre une variante dévalorisée du français et se justifie. G3
constate que, paradoxalement, l’apprenant non natif se compare soi-même
aux locuteurs ayant le français comme L1, tandis que pour l’anglais il se
comparerait plutôt aux locuteurs d’anglais L2.
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H.
Les expériences des étudiants déstabilisés par la variation linguistique se
limitent à l’énervement (H1), à la difficulté (H2, H3) et à la frustration qu’elle
provoque (H2), avec une représentativité assez faible, de 8,57%.
(I1) Ce serait bien s’il y avait des matériaux où les différences peuvent mieux
s’entendre, par exemple une prononciation plus claire et des locuteurs plus lents,
et la qualité du son pourrait être meilleure.
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La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université
Conclusion
Ces résultats pourraient bien entendu être affinés, car, si cette analyse s’est
axée sur l’année d’étude des étudiants, on peut envisager de décrire leurs
représentations et attitudes envers la variation linguistique sous d’autres angles
également, par exemple comme nous l’avons esquissé en parlant des expériences
de voyages/séjours francophones. En prenant en compte le profil des étudiants,
il serait intéressant, également, du point de vue de la formation professionnali-
sante, de chercher à voir s’il y a une corrélation entre les représentations face
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