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Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p.

95-117

La variation linguistique dans la


GERFLINT formation en français langue étrangère à
ISSN 1768-2649
ISSN en ligne 2261-2769
l’université : le point de vue des étudiants
Ana-Maria Cozma
Université de Turku, Finlande
anacoz@utu.fi

Reçu le 03-04-2018 / Évalué le 01-06-2018 / Accepté le 15-10-2018

Résumé 
Cet article examine la manière dont la variation linguistique est perçue par des
étudiants allophones en formation dans un département de français. Leurs repré-
sentations quant à la gestion de la variation dans l’enseignement qu’ils suivent
et leur autoévaluation des compétences, recueillies à l’aide d’un questionnaire,
sont analysées d’après des critères permettant d’établir le degré d’acquisition des
compétences variationnelles et en rapport avec les conceptions de la variation dans
l’enseignement du FLE.
Mots-clés : variation linguistique, formation universitaire, francophonie, représen-
tation, étudiant

Linguistic variation in the study of French as a foreign language at university:


the students’ perspective

Abstract
This paper studies the way in which linguistic variation is perceived by allophone
students of a department of French language. A questionnaire was used to collect
their representations regarding the introduction of variation in their training as well
as their assessment of their own competences. The data is analysed using criteria
indicating to what extent the variational competences are gained. The principles
established for teaching French language variation are also considered.
Keywords: linguistic variation, academic training, Francophonia, representation,
student

Introduction

L’on pourrait penser que pour l’étudiant allophone faisant des études de français
aujourd’hui, à l’ère de la globalisation, il serait souhaitable, en plus de maîtriser
une variété standard de la langue, de se familiariser également avec les variétés du
français (qu’elles soient stylistiques, sociolinguistiques ou géographiques), afin de

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s’adapter plus facilement à une gamme plus large de contextes de communication


et d’interlocuteurs. Les études à l’université affichent actuellement une dimension
« dia- » explicite, visible dans les curricula, et les étudiants ont donc l’occasion,
sinon de se familiariser avec ces variétés, au moins de développer une conscience
linguistique allant dans ce sens. C’est à cette familiarité et à cette conscience
linguistique que nous allons nous intéresser dans cet article, en cherchant à voir
de quelle manière elles sont à mettre en rapport avec les études proposées dans
la formation universitaire. Ce faisant, nous aborderons la thématique des défis de
l’enseignement du FLE à l’université en nous interrogeant sur la place qu’occupe la
variation linguistique dans cet enseignement.

Nous situerons la réponse à cette question dans le contexte du Département


de français de l’Université de Turku, aux étudiants duquel nous avons soumis un
questionnaire centré sur les représentations qu’ils ont de la variation linguistique
dans leur formation. Le questionnaire cherche à faire apparaître la manière dont
les étudiants évaluent leur capacité à identifier les variations du français ainsi que
leur avis sur le rôle des études à l’université dans l’acquisition de cette capacité.
Ces représentations seront tributaires de leur rapport à la langue à apprendre,
langue que les enseignants ont la mission de les aider à acquérir. Vu la diversité des
expériences linguistiques (séjours linguistiques, périodes vécues en pays de langue
française, ou absence de voyage/séjour francophone), vu l’hétérogénéité des
niveaux de langue (B1 à C1 en 1e année, B2 à C2 en fin d’études) et des expériences
à l’université (le système finlandais étant très souple et permettant l’inscription en
plusieurs disciplines), ainsi que les carrières différentes auxquelles ces étudiants
se destinent (spécialiste des langues, enseignant, traducteur, chercheur, etc.), il
est difficile de formuler des hypothèses quant aux résultats à attendre. Selon le
curriculum, à la fin de leurs études de Master, les étudiants devraient avoir acquis
une certaine compétence en matière de variation linguistique, dans la mesure où,
d’une part, la variation est présente dans des cours qui lui sont consacrés tout parti-
culièrement (centrés sur la variation linguistique, la sociolinguistique et la franco-
phonie) et, d’autre part, elle est susceptible d’intervenir dans tous les autres cours.
D’ailleurs, les enseignants eux-mêmes estiment intégrer la dimension variationnelle
à leur enseignement. Ainsi, dans un tel contexte de formation, où le curriculum a
été conçu de manière à laisser à la variation la place qu’elle mérite dans le monde
actuel, il nous semble intéressant de nous interroger sur la perception qu’en ont les
étudiants. D’après ces perceptions, dans quelle mesure sommes-nous encore, pour
ce qui est de la variation linguistique, face à un défi à relever ?

Pour qu’il n’y ait plus défi et que l’on considère que nous sommes passés du
côté de l’acquis, nous considérerons qu’il faut que les trois conditions suivantes

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La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université

soient remplies. Premièrement, que les étudiants aient une conscience linguis-
tique qui intègre les variétés de français, autrement dit qu’ils mentionnent dans
leurs discours le fait que le français n’est pas unique, mais qu’il a des réalisations
multiples, selon les contextes d’utilisation. Deuxièmement, qu’ils soient capables
de nommer d’autres pays que la France et les pays européens où on parle français,
qui étaient jusqu’il y a deux ou trois décennies les seuls pays de référence pour le
français ; qu’ils puissent donner des exemples de situations de communication où
se manifeste la variation. Et troisièmement, qu’ils montrent des compétences en
compréhension, à savoir qu’ils sachent identifier et qu’ils puissent comprendre les
variétés de français. Notre questionnaire ayant comme sujet affiché la diversité
des français, il oriente nécessairement les réponses des étudiants vers ce sujet. Il
s’agira donc d’une conscience affichée plutôt que spontanée, peut-être influencée
par la volonté de se mettre dans une lumière favorable. La même remarque doit
être faite pour la troisième condition, où les compétences affirmées peuvent ne pas
correspondre aux compétences effectives, soit parce que l’étudiant se surestime,
soit parce qu’il se sous-estime. Quoi qu’il en soit, les réponses des étudiants nous
fourniront des pistes pour savoir dans quelle mesure on peut considérer que la
variation du français de ce contexte de formation est un acquis.

1. Remarques préliminaires

Pour aborder la question de l’enseignement de la variation linguistique du FLE


à l’université, nous partirons d’une série de constats par rapport à la conception
de la langue française, à la notion de francophonie, à ce à quoi renvoie l’étiquette
« français langue étrangère » et à la dimension nécessairement normative de
l’enseignement.

La vision essentialiste du français (Klinkenberg, 2001) semble être dépassée


ou tout au moins remise en question. Les manuels de FLE sont révélateurs de
ce tournant, puisqu’ils laissent une place importante aux variétés de français et
cherchent à s’ouvrir sur la francophonie. On a maintenant une diversité de français
dans les méthodes de FLE qui devraient permettre aux apprenants, dès l’école,
d’avoir un horizon du français plus large que celui de la France et de Paris. On sait à
quel point les représentations des apprenants de FLE étaient autrefois quasi-unani-
mement francocentrées ; aujourd’hui, grâce aux manuels, les apprenants allophones
ne devraient pas, a priori, avoir besoin d’arriver à l’université pour être initiés à la
diversité linguistique et culturelle. Cela n’exclut pas, bien entendu, que perdure
une sorte d’attachement idéalisé envers Paris et la belle langue française, mais
cette attitude n’est plus la seule envisageable. L’ouverture aux variétés du français
s’est également opérée à l’université, où les curricula ne parlent plus seulement

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de variation diachronique, comme du temps où les départements avaient un profil


de philologie romane ; des cours de sociolinguistique et de variation linguistique ou
encore de francophonie s’y voient dorénavant allouer du temps.

On mentionne souvent la francophonie en parlant de l’enseignement des variétés


de français. Nous venons nous-même de mentionner les cours dédiés à la franco-
phonie pour illustrer la présence de la variation linguistique dans les curricula
universitaires. Or, il nous semble qu’il y a là un piège, dès lors que la francophonie
dont on traite est prise dans son sens institutionnel et devient la Francophonie, avec
majuscule, la « Francophonie solide » (Dervin & Johansson, 2011 : 31). En effet,
on peut parfaitement avoir tout un cours sur la Francophonie et faire apparaître
très peu la diversité des français qui la composent, car la Francophonie institu-
tionnelle déplace le débat, ou tout simplement le place sur des problématiques
d’ordre historique, géopolitique et de politique linguistique, éducative, identitaire,
etc. Même dans l’enseignement du FLE en général, on peut constater avec Detey
(2017 : 101) que la francophonie est évoquée surtout pour motiver les apprenants à
l’aide d’arguments socioculturels et économiques, tandis que les supports pédago-
giques oraux ne laissent pas apparaître la variation constitutive de la francophonie.
On peut donc avoir des cours de Francophonie sans vraiment faire intervenir la
variation linguistique, sans mettre l’accent sur la diversité des français.

Quant à l’expression « français langue étrangère », il est intéressant de réfléchir


à la réalité qu’elle recouvre. Le FLE est forcément un français à apprendre ou
à enseigner, appris ou enseigné. Mais au-delà de cette dimension transmissive
et d’appropriation, ce qui est transmis peut être envisagé de multiples façons :
français standard (correspondant à une variété ‘neutre’ de la langue, parlée par
le Français moyen de la région parisienne, vision idéalisée qui perdure même à
l’heure du CECR), français de référence (la variété que reconnaissent les linguistes
et grammairiens de la métropole), français international (expression utilisée
surtout au Canada, pour le français « neutralisé » que l’on estime nécessaire pour
les échanges au niveau international), français lingua franca (vu comme une langue
de contact simplifiée, moins nuancée, qui sert de moyen de communication dès
lors que l’un des locuteurs est non natif, cf. Dervin, 2008 : 142). Aucune expression
n’intègre les variétés de français qui existent à l’intérieur d’un pays et d’un pays à
l’autre, chez un même locuteur et d’un locuteur à l’autre. L’enseignement du FLE
continue à avoir comme cible une « norme », même si on a tendance aujourd’hui à
montrer davantage les écarts par rapport à cette norme.

Par nature, l’enseignement tend à être normatif. Ce n’est peut-être pas pour rien
que la variation diaphasique a été depuis longtemps prise en compte par l’ensei-
gnement du FLE, car quoi de plus normé que l’emploi de la langue selon la situation

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La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université

d’énonciation, donnant lieu à des registres et styles (variation qui intervient d’ail-
leurs chez tous les locuteurs d’une langue, comme le souligne Gadet, 2003 : 110, et
qui se conjugue avec les autres types de variation) ? Cependant, comment envisager
l’enseignement de la variation diatopique, qui a comme caractéristique précisément
de remettre en question l’idée d’une norme centralisatrice ? N’y a-t-il pas une sorte
de paradoxe à penser « enseigner » la variation linguistique dans ce cas ? Quelle
forme prendrait un enseignement de la langue qui accorderait une place importante
à la variation dans toute son étendue ? Que devrait viser l’enseignement du FLE ?
La compréhension passive de certaines variétés, comme le propose Eloy (2003),
arguant que le locuteur natif lui-même a une compétence passive plus étendue que
sa compétence active et qu’il est capable de reconnaître plus de variétés qu’il n’en
utilise ? Ou, encore moins, une simple attitude à faire adopter à l’apprenant, un
déconditionnement, un certain état d’esprit, plutôt qu’un véritable enseignement
de savoirs linguistiques ?

2. Attitudes envers l’enseignement-apprentissage de la variation en FLE

Il existe toute une réflexion autour de l’intégration de la variation linguistique


dans l’enseignement du FLE, à l’université ou même plus tôt dans l’apprentissage.
Ainsi, Eloy (2003) pose les principes de ce que devrait être un tel enseignement,
Valdman (2000) et Merlo (2011) parlent des stratégies à mettre en place, Detey
(2017) s’intéresse aux outils que sont les corpus oraux pour enseigner la variation
du français parlé, Molinari (2008 et 2010) montre concrètement des démarches à
suivre dans un enseignement centré sur la variation. Nous retenons de ces travaux
les diverses conceptions et attitudes vis-à-vis de la variation dans l’enseignement
du FLE, dont nous faisons la synthèse ci-dessous.

A. Il faut enseigner d’abord l’essentiel, ensuite l’accessoire – choix imposé par
la nécessité pratique (Eloy, 2003 : 5), mais qui n’a rien d’absolu, étant donné
que la limite entre accessoire/essentiel se déplace selon les époques, les
traditions didactiques, les besoins de la société (la perspective actionnelle du
CECR oriente fortement vers les compétences communicatives, par exemple).
Selon cette vision, la base de l’apprentissage doit, dans tous les cas, viser le
noyau normatif de la langue, le français standard, fondamental, tandis que
les questions de variation ne sont à aborder qu’au niveau avancé (Eloy, 2003 :
13 ; Detey, 2017 : 103). Une position contraire est adoptée par Valdman (voir
l’attitude F).

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B. La variation ne peut pas manquer de l’enseignement du FLE, car « [l]’appren-


tissage d’une langue reste sommaire, c’est-à-dire inexact, tant qu’il n’intègre
pas la variation » (Eloy, 2003 : 13). Selon ce point de vue « didactique-socio-
linguistique », la variation est nécessaire parce qu’elle correspond au réel
(Detey, 2017 : 109).

C. On ne doit pas viser la maîtrise active, mais la compétence passive de la


variation (la compréhension à l’oral et à l’écrit). Les formes non standard
sont à reconnaître plutôt qu’à utiliser, car le locuteur natif lui-même a une
compétence passive plus étendue que la compétence active, connaissant plus
de formes qu’il n’utilise (Eloy, 2003 : 9). L’idée de cette dissymétrie entre
les compétences actives et passives est reprise par Merlo (2011), qui insiste
sur le fait que la compétence active visée reste un français neutre, alors que
la compétence passive va inclure la reconnaissance des marques linguistiques
de la variation.

D. Il faut réduire la variation pour la production. Cela peut être réalisé à l’aide
d’une norme simplifiée et dynamique, ce que (Valdman, 2000 : 657) appelle
la « norme pédagogique ». Cette norme pédagogique sélectionne les formes
les plus fréquentes ou les plus représentatives pour les variétés traitées ;
elle veille aussi à sélectionner les variations valorisées, car plus rentables
pour le locuteur allophone ; enfin, elle retient les variantes les plus simples
à acquérir pour le niveau des apprenants (p. 657-658). De manière générale
en didactique des langues, on s’accorde sur le fait que « l’introduction de
l’authenticité, et donc de la variation, en classe de langue étrangère, ne peut
s’effectuer que de manière construite et raisonnée, en tenant compte du
profil des apprenants, de leur stade d’apprentissage et de leurs objectifs »
Detey (2017 : 109). La proposition de « norme pédagogique » de Valdman met
l’accent sur le fait que la didactique suppose des choix de formes et d’aspects
linguistiques à enseigner (à côté d’autres choix visant les méthodes, outils,
matériaux, etc.). Parmi les autres choix que suggère Valdman, nous retenons
le traitement conjoint des variations diastratiques et diaphasiques et l’intro-
duction de la variation diatopique le plus tôt possible dans l’apprentissage,
notamment pour ce qui est du lexique et de la phonologie. Cependant, selon
cette conception aussi, la langue cible de l’apprenant de FLE reste « une
forme neutralisée qui ne correspond à aucune langue native stricto sensu »
(Valdman, 2000 : 664).

E. Le traitement de la variation en général n’est pas productif et, pour cette
raison, il faut distinguer le type de variation visé (diaphasique, diastratique,
diatopique) et les niveaux linguistiques concernés (phonétique, morpholo-
gique, syntaxique, lexical) (Detey, 2017 : 100, 109). 

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F. L’apprentissage de la variation se fait par « imprégnation de pratiques


authentiques », de manière implicite et intuitive (Eloy, 2003 : 13). Il faut
donc favoriser l’exposition aux variétés du français afin de développer la
compréhension de ces variétés à l’oral et à l’écrit (Merlo, 2011 : 5). Cela
doit toutefois s’accompagner d’une réflexion sur ce qui fait l’authenticité
d’un document et sur les critères de l’authenticité en didactique des langues
(Detey, 2017 : 106). En ce qui concerne l’exposition aux variétés de la langue,
Valdman (2000 : 656) soutient même que la variation diatopique devrait être
introduite le plus tôt possible dans l’apprentissage afin de sensibiliser les
apprenants à la variété des voix de la francophonie.

G. Il faut agir sur les représentations que les apprenants ont de la langue
française, pour les élargir et y intégrer la variation linguistique, y compris
l’arrière-plan culturel et identitaire de cette variation (Molinari, 2008 :
58). Par la position qu’il a, l’enseignant peut faire évoluer progressivement
l’horizon d’attente en matière de norme linguistique qui domine chez ses
apprenants (Molinari, 2010 : 103) ; il peut agir sur les représentations et
la conscience linguistique des apprenants (Merlo, 2011 : 23). En effet, de
nombreuses études ont montré que les apprenants allophones valorisent le
français standard de France et méconnaissent ou déprécient les variétés
de français. Par exemple, le test de perception des accents proposé dans
Molinari (2008 : 59 ; 2010 : 103) à des étudiants italiens montre que ceux-ci ne
connaissent pas les français parlés en dehors de l’Hexagone et que, si certains
arrivent à reconnaître des variétés d’Afrique et du Canada, personne ne
mentionne le Maghreb. Dans la continuité de ce test, Molinari (2008) conçoit
pour ses étudiants un parcours de découverte et d’ouverture à la variation
(elle parle de « prise de conscience d’un paysage sonore multiforme »,
p. 59) : exposition régulière à des parlers hors Hexagone, verbalisation de
la perception des différents accents (qui prouve que « le français standard
correspond à l’horizon d’attente des apprenants », p. 60), suivies par la décou-
verte des contextes ethniques et socio-culturels dans lesquels sont produites
les variations (à l’aide du dossier « Cités du monde » de TV5) et par un travail
de terrain pour lequel les étudiants adoptent la posture de l’ethnographe et
vont interroger des locuteurs du français appartenant à d’autres cultures que
la culture française. L’enseignant-chercheur conclut sur la nécessité de « [c]e
parcours parmi les voix de l’altérité, explorées par le biais du croisement des
perspectives linguistiques et ethnographiques » (p. 66), soulignant en même
temps « les enjeux identitaires et culturels des variations » (p. 67), dans une
logique qui est proche de celle des approches interculturelles.

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H. La variation est déstabilisante pour les apprenants. Alors qu’ils valorisent
le français standard de France, pensant qu’il leur suffit, les apprenants
allophones ne sont pas capables de comprendre les variations dans certaines
situations ou face à des documents authentiques (Merlo, 2011 : 1-3), ce qui
prouve justement les insuffisances et limites du français standard.
I. Les enseignants de FLE ne sont pas suffisamment formés à la variation linguis-
tique et manquent de ressources pour l’introduire dans l’apprentissage (Detey,
2017 : 103, 106). Or, il faudrait justement que l’enseignant connaisse les
facteurs de variation linguistique et qu’il sache adopter une attitude tolérante
vis-à-vis de la variation, une « normativité éclairée » (Valdman, 2000 : 664).
Toutes les recherches que nous avons consultées, dont celles que nous venons de
mentionner, sont très favorables à la prise en compte de la variation linguistique
dans l’enseignement des langues et ne remettent pas en question sa pertinence.
La conclusion de Detey (2017 : 111) quant aux retombées positives de l’intégration
de la variation dans l’enseignement-apprentissage du FLE est révélatrice de cette
attitude générale favorable. Celui-ci énumère plusieurs « opportunités » qu’offre la
présence de la variation dans l’enseignement :
« 1) celle d’offrir davantage d’outils sociolinguistiques aux apprenants en vue
de pouvoir évoluer dans différentes communautés linguistiques francophones,
2) celle de légitimer les variétés des locuteurs non natifs, quel que soit leur
degré d’expertise,
3) celle de relégitimer, de manière peut-être contre-intuitive, l’intérêt de
norme(s) commune(s) pour assurer non seulement une intercompréhension
élémentaire, mais plus encore la neutralisation de divergences sociolinguis-
tiques pouvant potentiellement entraver le succès des interactions,
4) celle d’expliciter des liens entre certains aspects linguistiques et certaines
dimensions socioculturelles de l’apprentissage,
5) celle d’aider les enseignants à accompagner leurs apprenants du réel de leur
salle de classe au réel des communautés francophones hors classe. » (Detey,
2017 : 111).
Les conceptions et attitudes ci-dessus, évoquées, prises en charge ou défendues
par les enseignants-chercheurs, se retrouvent très largement dans les travaux
traitant de l’intégration de la variation dans l’enseignement du FLE. En analysant
notre corpus, dans la section 4.4, nous chercherons à voir dans quelle mesure elles
se retrouvent également chez les étudiants que nous avons interrogés.

3. Données recueillies et méthode d’analyse

Pour pouvoir observer les représentations des étudiants envers la variation


linguistique et envers son intégration dans la formation à l’université, nous avons
soumis un questionnaire aux étudiants du département de français dans lequel nous

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La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université

enseignons. Le questionnaire a été proposé à la fin du premier semestre de l’année


universitaire 2017-2018, via un lien Webropol, sans obligation de réponse.

Le questionnaire est constitué de deux parties : la première s’intéressant au


profil des répondants (âge, nombre d’années pendant lesquels ils ont étudié le
français, pays francophones où ils ont voyagé ou dans lesquels ils ont vécu au
quotidien) et la deuxième centrée sur l’image qu’ils se font des différents types de
variation linguistique, de leurs compétences en la matière, ainsi que de leurs études
dans le Département de français de l’Université de Turku. Sur les quatre points
abordés dans la deuxième partie du questionnaire, trois touchent aux différents
types de variation (diastratique, diphasique, diatopique – la variation diachronique
n’a pas été prise en compte dans le questionnaire – ; cf. Gadet, 2003) et la dernière
touche à leur avis sur l’enseignement des variétés du français à l’université. Le
terme de variation linguistique n’a pas été employé dans les questions, le verbe
varier apparaît seulement dans les questions du point 3 et le nom variété dans les
questions du point 4. Les questions ont été formulées sans faire référence à des
notions ou à des théories du champ de la sociolinguistique, de la variation linguis-
tique ou des politiques linguistiques. Chaque point comporte plusieurs questions
ouvertes, car nous avons voulu laisser les répondants s’exprimer par rapport à ce
qui les intéressait le plus. Ainsi, au point 1, les questions ont été formulées de la
manière suivante :

Savez-vous identifier la manière dont les gens parlent le français en fonction


de la classe sociale ou démographique à laquelle ils appartiennent ? (par
exemple, les locuteurs jeunes vs âgés, ruraux vs urbains, éduqués vs non
éduqués, etc.). Dans les cours que vous avez eus jusqu’ici à l’université,
comment a été traité cet aspect de la langue (dans quel cours, à l’aide de
quelles activités/exercices, sur quoi a-t-on mis l’accent) ? Développez votre
réponse SVP.

De la même manière, les points suivants s’intéressent à la langue « selon les


contextes d’utilisation » (point 2), à la variation « en fonction des régions et des
pays » (point 3) et à « l’enseignement des variétés du français à l’université »
(point 4). Certains étudiants ont choisi de répondre méthodiquement à chaque
question de chaque point, mais la plupart du temps les étudiants se sont orientés
vers l’un ou l’autre des éléments suggérés : les différences entre les usages de la
langue ; leur capacité, en tant qu’apprenants allophones, à identifier ces diffé-
rences ; les cours où ces différences sont ou ont été traitées et la manière dont elles
sont intégrées dans l’enseignement. Les questions ont été formulées en français et
en finnois et les étudiants ont eu la possibilité de répondre dans la langue de leur
choix.

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Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117

Nous avons recueilli 35 réponses au questionnaire. L’échantillon des répondants


est représentatif du public étudiant du département par la proportion entre les
étudiants des différentes années d’étude : 17 étudiants pour les deux premières
années à l’université, 12 pour les années trois et quatre, 6 pour cinq années d’études
et au-delà. Cette division par années sera employée dans notre interprétation des
réponses et se justifie par la structure des études en Finlande, où, en parallèle de
la progression Licence et Master, on emploie la progression « études de base »,
« études spécialisées » et « études approfondies », ainsi que par le fait que les
étudiants peuvent mettre plus de trois ans à finir leurs études de Licence et plus
de cinq ans à obtenir le diplôme de Master. Les études de base et spécialisées font
partie de la Licence et durent le plus souvent quatre ans ; le Master correspond aux
études approfondies, qui durent généralement cinq ou six ans. Le niveau de langue
des étudiants au moment de leur arrivée dans le département de français est en
moyenne B2, mais certains se situent aux niveaux B1 ou C1 du CECR.

Quant à la manière dont nous traiterons les données recueillies à l’aide du


questionnaire, nous emploierons d’abord les trois conditions proposées dans l’intro-
duction d’après lesquelles la variation dans l’enseignement peut être considérée
comme étant acquise :

-- mentionner le fait que le français n’est pas unique, mais qu’il a des réalisa-
tions multiples, selon les locuteurs, les contextes d’utilisation, les régions
(conscience linguistique) ;
-- pouvoir nommer des pays et des régions où on parle français autres que la
France et les pays européens, ainsi que pouvoir donner des exemples de
situations de communication où les variétés interviennent et savoir qu’on
peut comparer ces situations entre elles ;
-- savoir identifier et comprendre les variétés de français (compétence en
compréhension).

Nous regarderons dans quelle mesure les étudiants interrogés remplissent ces
trois conditions, en évaluant globalement leurs réponses aux quatre points du
questionnaire, qui, pour rappel, touchent aux types de variations (diastratique,
diaphasique, diatopique) et à l’avis des étudiants sur l’enseignant des variétés du
français à l’université. Les représentations centrées sur chaque type de variation
seront comparées afin de voir s’il y en a qui sont plus familières aux étudiants.

Enfin, dans la section 4.4, nous regarderons également du côté des attitudes qui
s’expriment parfois de manière détournée dans les réponses, pour voir quelles sont
les conceptions qui dominent et si elles correspondent à celles qui sont discutées
dans la littérature (énumérées dans la section 2). En plus des trois conditions et des
attitudes vis-à-vis de la variation linguistique dans l’enseignement, nous prendrons
en compte tout élément susceptible de nous éclairer sur les représentations des
étudiants.

104
La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université

4. La compétence en variation du français chez les étudiants

Notre question de départ était de savoir dans quelle mesure la formation suivie
par les étudiants interrogés leur permet de développer une conscience linguistique
qui intègre la variation du français et d’être familiarisés avec les variétés de français
afin de pouvoir les identifier, voire d’en connaître les spécificités. Nous répondrons
à la question en examinant d’abord les critères mentionnés supra qui permettent
de décider si la compétence variationnelle est acquise par les étudiants, et ensuite
en regardant quelles sont les représentations des étudiants vis-à-vis de la variation
linguistique.

4.1. La conscience linguistique et la capacité à nommer les variétés

Le premier critère pour estimer si la variation est un acquis portait sur la mention
du fait que le français est une langue qui prend des formes multiples selon les
locuteurs, les situations d’énonciation ou les zones géographiques. Étant donné
que le questionnaire porte sur la variation linguistique, les étudiants vont néces-
sairement mentionner les variétés de la langue française. Cependant, ce critère
est rempli par les étudiants, d’après les discours qu’ils tiennent, seulement dans
une certaine mesure, car les étudiants ont tendance à s’orienter vers les mêmes
exemples, probablement en fonction des cours suivis dans le département.

Quant aux variétés nommées par les étudiants, les éléments de variation diastra-
tique et diaphasique les plus fréquents dans les réponses sont : les registres, la
phonétique, l’argot des jeunes, le statut social, l’âge, le vouvoiement, la langue
soignée. Quant aux exemples avancés pour les pays et régions où on parle français,
les réponses obtenues au point 3 du questionnaire font apparaître les variétés des
territoires suivants, que nous énumérons par ordre de fréquence : la France (4
mentions sans spécifications, 5 mentions pour le midi de la France et Marseille, 2
mentions pour le chti), la Belgique (5 mentions), l’Afrique (5 mentions), le Canada/
Québec (4 mentions), la Suisse (1 mention), la Guadeloupe (1 mention) et on parle
également du créole (2 mentions). 17 mentions concernent donc l’Europe, contre 12
hors Europe ; aucune mention n’est faite du Maghreb et les espaces moins étendus
de la francophonie ne sont représentés que par la Guadeloupe et le créole.

Il est intéressant de jeter un coup d’œil au profil des étudiants, pour voir
comment leurs expériences de séjour influencent les réponses qu’ils ont données
au point 3, énumérées ci-dessus. À partir de leurs profils, on constate qu’ils ont
surtout voyagé en Europe et qu’il n’y a que quatre étudiants qui ont voyagé ou vécu
en dehors de l’Europe. Plus précisément, les deux questions introductives liées aux
voyages et aux longs séjours dans des pays où on parle le français nous ont fourni
les données suivantes. La France arrive en tête (respectivement 28 mentions pour

105
Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117

les voyages et 12 mentions pour les longs séjours), suivi par la Belgique (13 et 4
mentions), le Luxembourg (5 et 1 mentions), la Suisse (3 et 0) le Canada (3 et 0), le
Maroc (2 et 1), la Tunisie (1 et 0). Mais tous les étudiants n’ont pas fait de voyage
en pays francophone : c’est le cas de 5 étudiants, tous de première année. Les
données nous disent aussi dans combien de pays francophones ces étudiants ont
voyagé : 14 étudiants ont mentionné un seul pays, tandis que 17 ont voyagé dans
plus d’un pays : deux pays (9 étudiants), trois pays (4 étudiants) et quatre pays
(4 étudiants). Ces expériences personnelles de voyage, situées majoritairement
en Europe, n’ont apparemment pas beaucoup contribué à élargir la compétence
diatopique chez les étudiants, à l’en juger d’après les pays et régions mentionnés
au point 3 du questionnaire.

4.2. La capacité à identifier et à comprendre les variétés du français

Enfin, pour l’évaluation du troisième critère, celui de la capacité à identifier et


à comprendre les différentes variétés de français, nous nous basons sur les réponses
données aux points 1, 2 et 3, qui traitent respectivement de la variation diastra-
tique, diaphasique et diatopique. Pour chaque point, nous avons cherché à savoir si
les étudiants pensent qu’ils ont les compétences nécessaires en matière de variation
linguistique et s’ils ont le sentiment que les différents types de variation sont
traités dans la formation qu’ils reçoivent. Il s’agit donc de compétences passives
(« savez-vous identifier… ? ») affirmées et non pas des compétences effectives des
étudiants. Les réponses sont synthétisées dans la figure 1 infra. Les pourcentages
indiqués ne totalisent pas 100%, parce qu’un même étudiant a pu donner plusieurs
réponses, parfois même contradictoires, et parce que les étudiants n’ont pas tous
répondu à toutes les questions formulées sous chaque point du questionnaire.

D’après ce que les étudiants affirment, ils maîtrisent mieux la variation diapha-
sique (42,86% savent l’identifier, contre 0% qui ne savent pas), suivie de celle
diatopique (31,43% savent l’identifier, contre 17,14% qui ne savent pas), alors
que la variation diastratique pose plus de problèmes (seulement 25,71% savent
l’identifier, contre 17,14% qui ne savent pas). Les difficultés à l’identifier (« oui,
je sais, mais peu/mal/c’est difficile ») vont dans le même sens : seulement 17,14%
éprouvent des difficultés à reconnaître les variations diaphasiques, contre 31,43%
pour les variations diatopiques et 34,28% pour les variations diastratiques.

Si l’on regarde la perception du traitement de ces types de variation en cours, les


résultats concordent avec ceux de l’autoévaluation : la diaphasie, qui est la mieux
maîtrisée, est également la plus traitée en cours (54,28%), la diatopie est moins
traitée (45,71%) et la diastratie, qui pose le plus de difficultés, est perçue comme
la moins traitée en cours (40%). Dans ce cas aussi, la somme des avis « peu/mal

106
La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université

traitée » et « pas traitée en cours » concorde avec les résultats pour l’avis « oui,
traitée en cours » : peu d’avis négatifs pour la diaphasie (17,14%), plus d’un tiers
d’avis négatifs pour la diatopie (34,28%) et pour la diastratie (37,14%). Le sentiment
de maîtriser la variation s’accorde donc avec la perception de son intégration dans
l’enseignement, mais il faut remarquer qu’environ 14-17% des étudiants disent
avoir acquis les compétences variationnelles en dehors des cours à l’université.

Figures 1, 2 et 3. Autoévaluation des compétences variationnelles diastratiques,


diaphasiques et diatopiques
Figures 1, 2 et 3 Autoévaluation des compétences variationnelles diastratique, diaphasique et diatopique

Concernant les données selon les années d’études, il n’y a pas de régularités
à relever, sauf l’évaluation négative par les étudiants de Master de leur compé-
tence diatopique et même de son traitement dans l’enseignement, alors qu’ils
sont très positifs pour la compétence diaphasique et modérés pour la compétence

107
Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117

diastratique. Par conséquent, chez les étudiants en Master, l’ordre de difficulté est
différent de celui de l’ensemble des étudiants : la diatopie est la plus probléma-
tique, suivie par la diastratie, alors que la diaphasie ne pose pas problème.

Globalement, d’après les trois critères évalués dans les sections 4.1 et 4.2, la
variation dans l’enseignement du département est un acquis dans une certaine
mesure, mais pourrait être renforcée à tous les niveaux d’étude, surtout au vu des
résultats concernant les variétés que les étudiants sont capables de nommer et au
vu des pourcentages présentés dans la Figure 1. Qu’en est-il alors de la manière
dont les étudiants perçoivent la formation qu’on leur propose ?

4.3. Perception de la formation reçue du point de vue de la variation


linguistique

Le dernier point du questionnaire vise les questions suivantes : « Quel est votre
avis concernant l’enseignement des variétés de français à l’université ? Les variétés
de français sont-elles suffisamment prises en compte ? Si vous pensez qu’elles ne le
sont pas, comment faudrait-il introduire ces variétés dans le programme d’ensei-
gnement à l’université, selon vous ? ». À ce quatrième point du questionnaire, l’idée
de prendre en compte les variétés du français dans l’enseignement est évaluée
positivement par 16 étudiants, soit 45,71%, en égale mesure à tous les niveaux
d’étude, et négativement par un seul étudiant de 1e année, selon lequel il est
impossible d’enseigner toutes les variétés de français. Les évaluations positives se
font dans les termes suivants : intéressant (chez 6 étudiants), bien (ce serait bien,
chez 5 étudiants), agréable/sympa (chez 5 étudiants), j’aimerais bien (2 étudiants),
important (2 étudiants), utile (1 étudiant) et justifié (1 étudiant).

Les réponses obtenues nous ont permis de voir qu’un tiers des étudiants (34,28%)
sont satisfaits de la présence de la variation linguistique dans la formation qu’ils
ont suivie et qu’ils suivent. Ce taux de satisfaction s’explique en partie par l’image
qu’ils se font de la langue à apprendre, car chez 20% des étudiants, l’évaluation
positive de leur formation s’accompagne de la remarque qu’il faut avant tout
se concentrer sur le français standard (ce sont surtout les étudiants de 1e et 2e
année qui expriment cette vue). Un quart des étudiants (25,71%) n’ont pas d’avis
particulier là-dessus, même s’ils affirment que c’est un aspect important (ce sont
toujours les étudiants de 1e année qui sont les plus nombreux dans cette catégorie
de réponses). Enfin, presque la moitié des étudiants (45,71%) pensent qu’on devrait
ou pourrait prendre en compte plus les variétés de français. Il faut rappeler que la
somme des pourcentages n’est pas de 100% parce que les étudiants hésitent parfois
dans leurs réponses et peuvent, par exemple, après avoir évalué comme satisfaisant

108
La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université

l’enseignement qui leur est donné, proposer des activités qu’on devrait/pourrait
introduire davantage dans les cours. Parmi les 45,71% qui souhaiteraient que la
variation soit davantage présente dans leur formation, nous retrouvons seulement
⅓ des étudiants de 1e-2e année, contre ½ des étudiants de 3e-4e année et ⅔ des
étudiants de 5e année ou plus. D’après nos données, les étudiants de 1e-2e année
estiment majoritairement que les variétés du français sont suffisamment présentes
dans les cours ou n’ont pas d’avis là-dessus (car ils se concentrent sur le français
standard), alors qu’à partir de la 5e année (au niveau Master), les étudiants sont
majoritairement d’avis que la variation devrait recevoir une plus grande place dans
l’enseignement. D’ailleurs, aucun des étudiants du niveau Master n’exprime, à
aucun moment du questionnaire, la vision selon laquelle les variétés de français
seraient moins importantes ou secondaires par rapport à la norme générale qui
serait à maîtriser en priorité. Cela correspond au développement d’une conscience
linguistique qui s’opère au fil des années et des modules de formation. Nous voyons
là l’indice du fait que le curriculum du département de français que fréquentent
ces étudiants (avec les modules et les stages linguistiques et professionnels qu’il
prévoit) est efficace dans le traitement de la variation linguistique : en fin de
parcours, les étudiants acquièrent majoritairement une conscience linguistique qui
intègre la variation du français et se montrent plus intéressés par les variations
diatopiques.

4.4. Attitudes et représentations des étudiants envers la variation linguistique

Dans cette section, nous présentons les conceptions et attitudes que les étudiants
expriment dans leurs réponses, en les mettant en rapport avec les attitudes A-I
décrites dans la section 2. Les réponses des étudiants sont reprises quasiment à
l’identique et elles sont traduites lorsqu’elles sont en finnois.

A. Il faut enseigner d’abord ce qui est essentiel, autrement dit le français
standard, et ne s’occuper qu’ensuite des variétés, de ce qui s’éloigne de
la norme (A1-6). Cette vision des choses est poussée à l’extrême quand on
affirme que le français standard suffit dans toutes les situations (A5) ou qu’on
ne peut pas enseigner/apprendre toutes les variétés de la langue (A6) ; et
un étudiant situe l’acquisition de la compétence variationnelle en dehors de
l’enseignement (A7). Six étudiants, soit 17,14%, adhèrent à cette conception
de l’enseignement-apprentissage du FLE. Cinq sont en 1e-2e année et un est en
3e-4e année. Ce sont donc les étudiants des deux premières années d’études
qui expriment la vue selon laquelle c’est le français de base qui doit être
acquis en priorité. Nous présentons ci-dessous l’ensemble des avis qui s’ins-
crivent dans cette vision.

109
Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117

• (A1) On ne peut pas apprendre ces choses avant de bien connaître les fonde-
ments de la langue.
• (A2) Il ne faudrait pourtant pas mettre l’accent là-dessus plus que ça, car
personnellement j’ai besoin d’exercices dans la compréhension de la langue
de base.
• (A3) L’enseignement étant très limité, il y a des choses plus importantes sur
lesquelles il faut se concentrer.
• (A4) Il ne faudrait quand même pas trop les inclure dans l’enseignement,
parce que le français commun est la base de toutes les variétés et on se
débrouille avec ça.
• (A5) C’est suffisant à mon avis, car c’est la France qui est la plus importante.
• (A6) On ne peut pas enseigner toutes les variétés de français ; le plus
important c’est d’enseigner à tout le monde le français standard commun.
• (A7) (hors enseignement) Si un étudiant s’intéresse particulièrement
à une certaine variété de français, il peut s’informer lui-même et partir
par exemple en échange dans le pays où on parle la variété de français en
question. [même étudiant que pour A6]

B. Il est important d’enseigner les variétés du français (B1) et utile de savoir les
reconnaître (B2). En réalité, 19 étudiants, soit 54,28%, expriment au total,
dans l’une ou l’autre de leurs réponses, une attitude favorable à la présence
de la variation dans leur formation, mais nous avons retenu ici uniquement
les cas où un énoncé entier exprime cette attitude. Sur ces 19 étudiants, 9
sont en 1e-2e année, 6 sont en 3e-4e année, et 4 sont en 5e année ou plus – on
constante donc que les étudiants de Master sont les plus favorables, avec
deux tiers d’entre eux qui valorisent la variation. Cette attitude favorable
s’accompagne du constat qu’on se concentre trop sur le français de France
et d’Europe, éventuellement du Canada aussi, et que le français standard est
surreprésenté à l’université (chez quatre étudiants, dont un en 3e-4e année,
B3, et trois en Master, B4-B7). En tout, six étudiants, soit 17,14%, insistent sur
l’importance de la variation en FLE. Les étudiants de Master sont ceux chez
qui cette vue est la plus saillante.

• (B1) C’est important d’introduire la diversité du français dans le monde.


• (B2) Je trouve que ce serait vraiment utile et intéressant de pouvoir identifier
les différents accents et registres.
• (B3) J’ai le sentiment que l’enseignement du français à l’université se
concentre seulement sur la France ou l’Europe.
• (B4) Ce serait bien de montrer plus de discours des pays francophones, pas
toujours seulement la langue standard de France et Paris.

110
La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université

• (B5) La langue standard est surreprésentée dans les matériaux utilisés à


l’université. [même étudiant que pour B4]
• (B6) Peut-être assez peu traité à l’université. Souvent on commence à parler
seulement des différences entre le français de France et le français parlé
au Canada.
• (B7) Au total, le français d’autres zones que la France continue à jouer un
petit rôle dans le département de français.

Les conceptions C. et D. ne sont pas représentées, sauf peut-être par l’énoncé


(E1) qui précise que l’enseignement suivi a visé l’identification des caractéristiques
variationnelles. Ces deux catégories ne figurent pas chez les étudiants en raison
du fait qu’elles expriment davantage le point de vue de l’enseignant que celui de
l’étudiant.

E. Dans l’enseignement de la variation, on a visé à observer les caractéristiques


essentielles des usages (E1), ou on a traité la variation en général, superficiel-
lement, en théorie, sans aborder la prononciation ou la grammaire (E2-E6),
alors qu’on aurait pu la traiter avec précision, de manière explicite et spéci-
fique. Le fait que la variation est abordée en passant, parfois, de manière
marginale, etc. est mentionné souvent, mais sans jugement de valeur parti-
culier. Enfin, des aspects variationnels peuvent être observés par l’apprenant
lui-même, en dehors de la formation (E7). Comme pour les conceptions A. et
B., six étudiants mentionnent le fait que la variation est à aborder de manière
spécifique et explicite (2 sont en 1e-2e année, 3 sont en 3e-4e année et un est
en Master – ce sont donc les étudiants à partir de la 3e année qui sont plus
attentifs à cet aspect de l’enseignement).

• (E1) L’accent a justement été mis sur l’identification et sur la capacité à


observer les caractéristiques essentielles des différents usages.
• (E2) Si la question n’est pas mentionnée séparément, généralement je ne
sais pas y faire attention.
• (E3) On a traité assez superficiellement le fait que dans les différents pays
on parle le français de manières un peu différentes.
• (E4) Si on a traité de ça, on n’a pratiquement rien dit de la prononciation
ou de la grammaire.
• (E5) [l’étudiant décrit ce qui a été fait dans les cours qu’il a suivi pour
l’anglais et a du mal à tirer de conclusions sur ce qu’on pourrait faire dans
l’enseignement du français] (même étudiant que pour E2)
• (E6) Les cours universitaires traitent de sujets très théoriques.
• (E7) (hors enseignement) J’ai remarqué moi-même les différents registres
de langue / que dans le français d’Afrique on ne grasseye pas le R autant

111
Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117

que dans le français de France, il n’y a pas eu de cours séparé pour ça.
[l’affirmation est faite deux fois, en répondant à des questions différentes ;
même étudiant que pour A6 et A7]

F. Il faut être exposé à la variation linguistique (F1) et la variété utilisée au lycée
conditionne la suite de l’apprentissage (F2 – il est intéressant de remarquer
que c’est un étudiant du niveau Master qui fait cette affirmation, ce qui va
dans le sens de la proposition de Valdman, selon laquel il faut introduire la
variation diatopique le plus tôt possible, dans un objectif de sensibilisation
à la variation). Mais l’acquisition des connaissances en matière de variation
du français se réalise principalement, voire exclusivement à l’extérieur de
l’université, en milieu de langue, parfois dans les stages linguistiques prévus
dans le curriculum. (F3, F4, F5, F7, F9, F10). Les étudiants ne se souviennent
pas toujours dans quels cours ont été traitées les variétés de français, mais
ont le sentiment d’avoir appris plus par la pratique dans des situations réelles,
face à des locuteurs francophones, autrement dit par imprégnation, en étant
exposés à la langue, mais également en interaction directe (F6, F8, F11). Le
séjour en France ou dans un pays francophone ne suffit pas pour maîtriser
la variation linguistique (selon F10) et F9 justifie sa compétence variation-
nelle défaillante par l’absence d’un séjour dans un pays francophone. Il est
important de remarquer que les affirmations F3 à F10 concernent l’appren-
tissage non institutionnel, hors enseignement et que, donc, huit étudiants
(22,86%, dont un seul est en 1e-2e année) pensent que la compétence liée à la
variation s’acquiert en dehors des cours. Un cas intéressant est celui de l’étu-
diant F11, étudiant de 3e-4e année, qui propose d’inviter la variation réelle
dans les cours, en prévoyant des interactions avec un locuteur francophone.
Sur les dix étudiants qui s’inscrivent dans cette conception de l’apprentissage
de la variation, nous trouvons un seul étudiant de 1e-2e année, six étudiants
des années 3e-4e et trois étudiants de Master (ce qui revient à dire qu’en 3e-4e
année et en Master, la moitié des étudiants partagent cette vision). Il s’agit
de la catégorie d’attitudes envers la variation la plus représentative chez les
étudiants interrogés (28,57%).

• (F1) Il faudrait peut-être en entendre plus [de variétés comprises


difficilement].
• (F2) Au lycée on a utilisé principalement le français standard, donc les
usages proches de ça sont plus faciles à comprendre.
• (F3) (hors enseignement) Je sais les identifier parce que j’ai vécu 11 mois
dans un pays francophone.
• (F4) (hors enseignement) Une grande partie des connaissances en variation

112
La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université

se basent en ce moment sur mes intérêts et probablement sur le temps passé


dans les pays francophones.
• (F5) (hors enseignement) Ça n’est apparu dans aucun cours particulier, mais
plutôt au quotidien (par exemple à travers des films) et dans les voyages.
• (F6) (hors enseignement) J’ai plus appris sur ce sujet par la pratique, par
exemple en parlant avec des Français.
• (F7) (hors enseignement) En principe je sais les identifier, mais je n’ai eu
affaire qu’à des jeunes étudiants qui habitaient ici, donc ma pratique n’est
pas très étendue.
• (F8) (hors enseignement) J’ai en tout entendu vraiment peu de français
autre que soigné ou le standard de France. Pour que je comprenne le
français d’autres zones, il faudrait de l’entrainement et ça nécessiterait que
j’entende parler français à l’extérieur de l’université. Jusqu’à maintenant
ça n’a pas été le cas.
• (F9) (hors enseignement) Je ne sais pas les reconnaître et je ne sais pas
vraiment quelles sont les différences. C’est sans doute parce que je n’ai pas
été en échange. [même étudiant que pour F1]
• (F10) (hors enseignement) Je trouve que l’année que j’ai passée en France
ne suffit pas pour que je puisse spécifiquement identifier les gens démogra-
phiquement/selon leur classe sociale.
• (F11) (dans l’enseignement) L’opportunité de communiquer avec un franco-
phone [dans le cadre d’un cours, probablement] serait utile, mais peut-être
ce n’est pas réalisable à l’université.

G. 
Les étudiants ont des représentations de la langue que l’on peut faire
évoluer. Les points A., B., E., F. présentés jusqu’ici reflètent également les
représentations des étudiants, mais nous avons groupé sous le point G. des
énoncés qui ont comme objet la manière dont ils se représentent la langue,
des énoncés que l’on pourrait qualifier d’autoréflexifs. Trois remarques fort
intéressantes peuvent être qualifiées comme telles. En G1, un étudiant de
3e-4e année constate qu’au moment où la variation a été traitée dans un
cours de première année, la question ne le passionnait pas. G2 avoue qu’il ne
voudrait pas apprendre une variante dévalorisée du français et se justifie. G3
constate que, paradoxalement, l’apprenant non natif se compare soi-même
aux locuteurs ayant le français comme L1, tandis que pour l’anglais il se
comparerait plutôt aux locuteurs d’anglais L2.

• (G1) Dans un des cours de première année on en a parlé un peu, mais ça ne


me semblait pas très intéressant à l’époque.
• (G2) Je n’irais pas volontiers en échange quelque part où on parle d’une

113
Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117

manière déviante par rapport à la norme, parce que l’accent en question


pourrait avoir un statut négatif en France ou il pourrait être extrêmement
difficile à comprendre.
• (G3) Avec mes collègues, on a pensé le semestre dernier que pour le français
il n’y a pas de point de comparaison avec les locuteurs de L2 comme c’est
le cas pour l’anglais, mais tout le monde compare sa manière de parler avec
les locuteurs natifs, ce qui n’a aucun sens.

H. 
Les expériences des étudiants déstabilisés par la variation linguistique se
limitent à l’énervement (H1), à la difficulté (H2, H3) et à la frustration qu’elle
provoque (H2), avec une représentativité assez faible, de 8,57%.

• (H1) Je ne sais pas les identifier et ça m’énerve.


• (H2) mais elles [les vidéos] étaient toujours avant tout frustrantes, comme
c’était difficile de comprendre.
• (H3) Je sais identifier les différences en théorie, mais en pratique c’est
difficile de les remarquer.

I. Depuis leur perspective, les étudiants ne sont pas en mesure d’évaluer la


compétence de leurs enseignants, mais ils pourraient faire des remarques quant à
l’utilité des matériaux et des méthodes utilisées en cours. Un seul étudiant de 3e-4e
année s’y intéresse, en soulignant la mauvaise qualité des documents authentiques
oraux qui ne facilite pas l’apprentissage.

(I1) Ce serait bien s’il y avait des matériaux où les différences peuvent mieux
s’entendre, par exemple une prononciation plus claire et des locuteurs plus lents,
et la qualité du son pourrait être meilleure.

On constate donc que la catégorie d’attitudes la plus représentative chez les


étudiants interrogés est F., qui touche à l’apprentissage par imprégnation et par
exposition à la variation linguistique (28,57% – parmi lesquels peu d’étudiants de
1e-2e année, mais en revanche la moitié des étudiants à partir de la 3e année). La
même proportion d’étudiants (28,57%) estiment que l’imprégnation ou exposition a
lieu en dehors des cours de l’université (voir les attitudes F3-F10, A7, E7 – ce sont
surtout les étudiants de 3e-4e année qui expriment cette conception). Viennent
ensuite, avec le même degré de représentativité (17,14%), les vues A., B. et E.,
selon lesquelles on doit enseigner en priorité le français de base, il est important
de prendre en compte la variété, et l’enseignement doit se faire de manière spéci-
fique. Ce sont principalement les étudiants des 1e-2e années d’études qui expriment
la vue A. selon laquelle c’est le français de base qui doit être acquis en priorité,
alors que B. touchant à l’importance de la variation est soulignée par les étudiants
en Master, et E. touchant au besoin d’être spécifique dans l’enseignement de la

114
La variation linguistique dans la formation en FLE à l'université

variation est le plus représentatif chez les étudiants à partir de la 3e année, y


compris au niveau Master. On voit donc que :

-- les 1e-2e années sont préoccupés par l’apprentissage du français standard


avant toute autre chose, car ils mentionnent beaucoup A. et très peu B., E.,
F. ;
-- les 3e-4e années sont préoccupés par la manière dont la variation est enseignée
et l’exposition à la variation (ils sont ceux qui soulignent le fait que cette
exposition se fait en dehors des cours) ; ils mentionnent beaucoup E., F. et
peu A., B. ;
-- les 5e année et plus, c’est-à-dire les étudiants en Master, ont les mêmes
préoccupations que les étudiants de 3e-4e année, mais ils soulignent, en
plus, l’importance de la variation et le besoin de sortir de l’enseignement
du français standard francocentré ; ils mentionnent beaucoup B., E., F. et
très peu A.

Conclusion

D’après les réponses des étudiants, la variation linguistique en FLE est un


acquis, dans la mesure où la formation suivie éveille l’intérêt des étudiants pour
les variétés de français et où, en fin de parcours, les étudiants acquièrent une
conscience linguistique qui englobe la dimension variationnelle de la langue. En
effet, les résultats basés sur le point 4 du questionnaire et sur les attitudes et
conceptions de la variation linguistique montrent que la conscience linguistique se
développe au fil des études. Si les étudiants de 1e et 2e année n’accordent pas une
grande importance à la variation linguistique, ceux de 3e et 4e année font preuve
d’une réelle préoccupation pour l’enseignement-apprentissage de la variation
linguistique – inversion d’attitude qui s’opère grâce au curriculum du département,
puisque le cours de variation linguistique intervient à la fin de la 2e ou de la 3e
année, selon le rythme d’étude de l’étudiant. Quant aux étudiants de Master, ils
rejettent clairement le francocentrisme revendiqué par les étudiants de 1e-2e année
et sont très motivés par la variation diatopique.

Ces résultats pourraient bien entendu être affinés, car, si cette analyse s’est
axée sur l’année d’étude des étudiants, on peut envisager de décrire leurs
représentations et attitudes envers la variation linguistique sous d’autres angles
également, par exemple comme nous l’avons esquissé en parlant des expériences
de voyages/séjours francophones. En prenant en compte le profil des étudiants,
il serait intéressant, également, du point de vue de la formation professionnali-
sante, de chercher à voir s’il y a une corrélation entre les représentations face

115
Synergies pays riverains de la Baltique n° 12 - 2018 p. 95-117

à la variation et la carrière professionnelle visée par les étudiants. Notamment,


pour les futurs enseignants, il serait intéressant de voir s’ils ont une perception de
la langue à enseigner comme devant être plutôt normée ou plutôt ouverte sur la
variété des français ; ou encore, on pourrait voir si les représentations des futurs
traducteurs diffèrent de celles des futurs enseignants, s’ils s’intéressent plus à un
type de variation qu’à un autre.

Enfin, il reste toutefois des aspects à développer en matière de variation linguis-


tique dans le cadre d’enseignement du FLE où sont formés les étudiants inter-
rogés. En effet, l’autoévaluation des compétences et les difficultés perçues par les
étudiants montrent qu’on gagnerait à renforcer la présence de la variation dans
la formation des étudiants, notamment au niveau des variations diastratique et
diatopique qui ressortent dans les réponses au questionnaire comme étant les plus
problématiques. Sans rentrer ici dans une discussion sur les modalités de le faire,
nous pourrions conclure, inspirée par les avis des étudiants, en disant que c’est
finalement ce qui crée le besoin d’apprendre/enseigner la variation, à savoir le
contexte globalisé avec ses échanges accrus entre les pays et les locuteurs de diffé-
rentes zones géographiques et dans différents contextes, qui apporte la solution à
ce besoin : les étudiants du département dont il est question dans cette étude ont
tous la possibilité de passer du temps dans un pays francophone et d’échanger avec
des locuteurs francophones ; s’ils n’ont pas encore profité de cette possibilité, ils
savent qu’ils pourront et même devront le faire. C’est précisément cette possibilité
qui est soulignée dans les avis qui mentionnent l’apprentissage hors enseignement
et, comme le suggère l’énoncé F11, c’est cette possibilité qui pourrait être saisie
par les enseignants. Car inviter la variation authentique dans les cours, cela est bien
possible à l’université, contrairement aux doutes qu’émet F11. Par ailleurs, on peut
ajouter que la variation y est déjà présente dans une mesure plus grande que les
étudiants ne le pensent, seulement, pour beaucoup, comme pour E2, si les choses
ne sont pas explicitées, elles peuvent passer inaperçues.

Bibliographie

Conseil de l’Europe. 2001. Cadre européen commun de référence pour les langues :
apprendre, enseigner, évaluer. Paris : Les Éditions Didier.
Dervin, F. 2008. «  Le Français Lingua Franca : un idéal de communication interculturelle
inexploré ? ». Synergies Europe, n°  3, p.  139-158. [En ligne]  : https://gerflint.fr/Base/
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