L'alchimie
L'alchimie
L'alchimie
Le processus alchimique
L’alchimie est, par définition, une transformation et transmutation de matériaux. Si il n’est
pas question ici de transmutation de métaux comme on l’entend au terme historique selon la
science occultée au Moyen-Âge, nous retrouvons les mêmes principes chez Bonnefoy avec
d’autres types de matériaux. Il s’agit, dans ce recueil, de rêves et de matériaux naturels qui
nécessitent d’être contrôlés. La traditionnelle transformation, elle, s’opère à travers le travail
poétique. C’est dans la prosodie de Bonnefoy que nous pouvons observer cela.
Rêves
La quête de l’origine passe par le rêve. D’un aspect psychologique, les rêves permettent
d’exprimer ses conflits internes et la poésie devient donc dans ce cas-ci, un outil pour
exploiter son inconscient.
Endormons-nous...
(p. 415, dlldm I)
→ volonté d’endormir conscience pour aller vers rêverie
(...) montre le souffle
rappel du processus nécessaire
Le rêve est omniprésent dans la section “dans le leurre des mots” et il y est explicite comme :
Et par la grâce de ce songe que vit-il ? (p. 412)
grâce = faveur accordée
Nous mettons nos pieds nus dans l’eau du rêve,
Elle est tiède, on ne sait pas si c’est de l’éveil
Ou si la foudre lente et calme du sommeil
Trace déjà ses signes dans des branches
Qu’une inquiétude agite, puis c’est trop sombres
Pour qu’on y reconnaisse des figures
Que ces arbres s’écartent, devant nos pas.
(p.413, dlldm, I)
allitération en “n” - doux, onirique, liquide - va avec tiède qui est une sensation réconfortante,
maternelle
pareil pour m et l
foudre lente et calme = oxymore - marque la différenciation
“ou” - marque
allitération dentale - dures, montre l’inquiétude
personnification de l'inquiétude - montre son ampleur
pieds nus - directe référence à l’origine
La section “maison natale” est un récit d’un rêve bien que ce dernier y soit implicite et pas
nommé comme tel. Nous pouvons observer les attributs du récit à travers l’alternance du
passé simple et de l’imparfait qui sont des temps propre au récit. Les apparitions surnaturelles
telles que la sorcière, la déesse, le monde des fantômes et la voix sur le chemin rappellent un
monde rêvé, proche de l’illusion.
Cependant, le narrateur ne montre pas toujours des signes d’effroi face à ces rencontres et
événement, semblant ainsi être conscient de se trouver au sein d’un récit. Il se trouverait en
effet dans le monde des morts - hypothèse qui est appuyée par l’utilisation du terme “autre
rive” qui renvoie à la rive que les morts traversaient pour atteindre le royaume.
Un aspect paradoxal s’impose alors à nous : le rêve est un éveil (“je m’éveillai, c’était la
maison natale). L’éveil est dans ce recueil une prise de conscience de la réalité et de la vérité.
L’inconscient stimulé lors de rêveries permet d’exprimer des vérités intérieures. En temps
normal (c’est-à-dire en temps d’éveil), le narrateur se voit imposer des “limites” par la
conceptualisation, ce à quoi il peut échapper lors du rêve. L’inconscient est libre de
transgresser aux “règles préconçues” du langage. Bien que cela pourrait être mis en relation
avec le surréalisme (refus de toutes les constructions logiques de l’esprit, basé sur des valeurs
de l'irrationnel, de l’absurde, du rêve) la poésie de Bonnefoy reste cohérente et a un sens,
même si parfois énigmatique. De plus, Bonnefoy ne laisse pas la spontanéité envahir son
texte.
L’exploration de la mémoire
Comme en témoignent les rêves, l’angoisse de l’écriture chez le narrateur est bien présente.
Lorsque ce dernier utilise l’action de ramasser des feuilles et des branches comme métaphore
de l’acte de se souvenir, il nous partage ainsi sa difficulté. Il ne semble pas pouvoir se
représenter ses souvenirs en couleurs et ils demeurent du reste éparses et désincarnés.
Comment pourrait-il donc écrire s’il n’a pas accès à ces souvenirs ?
p. 426 (lmn, 4)
Et je savais que je n’aurais pour tâche
Que de me souvenir, et je riais
rire coupé du lien + au passé
certaine forme de conscience
savoir connu qui porte sur une mission unique
suite : différentes étapes de la collecte des souvenirs puis passe de l’enthousiasme à
l’angoisse
matériaux composites trouvés sur le sol
souvenirs forment “une masse”, est une charge encombrante
bois est lourd d’un passé douloureux, marqué par “tant d’absence”
métaphore filée de bois et du branchage
Par exemple, les poèmes 7 à 10 de la maison natale montre un passage du rêve aux souvenirs
qui s’avèrent être douloureux et impénétrables. Les trois portraits diffractés du père hantent le
poète.
Alors que depuis le début de la section nous étions au sein d’un rêve (“je m’éveillai +
continuation”, la maison natale n’est plus onirique dans le poème 7. Elle est directement liée
aux souvenirs de l’enfant.
Nous sommes témoins d’une partie de cartes. Les strophes sont très peu ponctuées, comme
s’il était plus simple pour le narrateur d’évoquer ses souvenirs d’une seule traite. Le temps est
immobile, l’ennui omniprésent. La maison semble être un lieu fermé aux rêves et aux images
puisque les cartes semblent être le seul moyen de “recevoir la demande du rêve”.
J’aurai barré
Cent fois ces mots partout, en vers, en prose,
Mais je ne puis
Faire qu’ils ne remontent dans ma parole
(p. 432, lmn, VII)
difficulté de trouver une forme appropriée à ces souvenirs
comme un commentaire ajouté de Bonnefoy
incapacité, comme si une voix lui empêchait de partager ces souvenirs
L’incapacité de se saisir du passé semble être un problème dont la seule issue reste le rêve.
En effet, le rêve guide l’écriture et la première partie de la section.
Sa volonté d’endormir la conscience serait alors un moyen d’aller dans la rêverie.
Dans “les planches courbes”, le voyage est guidé par la poésie elle-même et nous pouvons
mettre en lien le poète, qui représenterait alors la barque et son esprit qui, lui, se substituerait
aux planches. Le voyage vers une terre nouvelle dont il est question dans cette section est un
voyage en soi et dans la mémoire.
L’inspiration poétique est rendue par la voix, laquelle est la source de la poésie que le poète
se doit d’écouter.
Se souvenir pourrait ramener le poète à un rapport originel avec le monde : sans écran, sans
concepts mais plutôt dans les perceptions. - rapport w exposé d’Ophé, Sophara et Chris
“La maison natale” est en réalité une section faussement autobiographique. Ce lieu devient le
symbole du souvenir : en tentant d’évoquer les souvenirs et images ayant construit son
enfance, cette “maison natale” se rapproche plus d’une métonymie des souvenirs. Elle s’y
confond avec le lieu même du souvenir. Bonnefoy y raconte alors ses tentatives d'accéder à
ses souvenirs à l’aide de la poésie. Dans le poème V, il tente d’explorer le monde par l’esprit
mais un retour à la maison natal s’opère.
visite salle de classe dénuée de pittoresque → renvoie à l’origine de l'échec → apprentissage
de la langue → apprentissage de la pensée conceptuelle
attitude du poète : tête collée contre planches, refuse de voir, retour dans salle de classe
lien fort avec la barque - sens. état foetal
p. 427 - V
Trop vastes les images, trop lumineuses,
Que j’ai accumulées dans mon sommeil,
Pourquoi revoir, dehors,
Les choses dont les mots me parlent, mais sans me convaincre,
Je désire plus haute ou moins sombre rive
le monde extérieur est fermé au rêve, pourquoi y aller ?
question rhétorique, même pas de ?
“choses” indéterminées, même pas certain de ce que sont ces mots
p.424 (II)
Ici rien qu’à jamais le bien du rêve,
La main tendue qui ne traverse pas
L’eau rapide, où s’efface le souvenir.
Ici = ramène à un lieu - la maison natale
rejet - mise en évidence de “l’eau rapide”
le rêve est un bien essentiel à la poésie, est le dynamisme nécessaire à la création
La création poétique est donc bien une alchimie car une transformation des matériaux du rêve
est accomplie.
Le voyage est guidé par la poésie elle-même. Cette dernière est telle Vénus, l’étoile du berger
qui guide la barque. La barque étant elle-même la poésie, nous pouvons donc en conclure que
la poésie se guide elle-même. Le voyage est un voyage vers une terre nouvelle mais
également un voyage en soi, dans la mémoire.
L’eau se confond avec le rêve, la navigation se fait dans l’esprit. Une sorte de matérialisation
du rêve s'opère : en associant le rêve et l’eau, une nouvelle force est donnée à la création
poétique. Eau permet également de guider vers l’inconscient pour accéder par la suite aux
rêves. Le processus alchimique est tout particulièrement observable avec la transmutation de
l’eau. Par exemple, l’eau mélangé et transformé peut donner de la boue vu au poème IV de la
maison natale, boue