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DE
L’ARMÉE
ALLEMANDE
HISTOIRE DE L’ARMEE ALLEMANDE
(1918-1946)
i
L’effondrement (1918-1919).
II
La discorde (1919-1925).
III
L’essor (1925-1937).
IV
L’expansion (1937-1938).
V
Les épreuves de force (1938-1939).
VI
L’apogée (1939-1942).
v11
Le tournant (1942-1943).
v111
Le reflux (1943-1944).
IX
L’agonie (1944-1945).
X
Le jugement (1945-2946).
BENOIST- CH IN
HISTOIRE
DE
L'ARMÉE
ALLEMANDE
I
L'EFFONDREMENT
(1918-1919)
Avec 6 cartss
LA FIN DE L
'
- IMPERIAIX
I
DE L’OFFENSIVE DE LUDENDORFF
A LA VICTOIRE DE FOCH
1. ERZBERGER,
Souvenirs, p. 315. a Werfen Sie dach den Mann im Reiclwtug
herausl D
LA FIN DE L ’ A R M ~ E I M P ~ R I A L E 15
allemands savent qu’ils n’ont plus aucune chance de gagner
la guerre.
Mais s’ils savent que la victoire leur échappe, ils ne se
résignent pas encore à l’idée de la défaite. Plus exactement,
ils n’entrevoient nullement le désastre qui les attend. A
leur avis, il s’agit de sonder l’état d‘esprit des Alliés tout
en poursuivant le combat. La paix, pensent-ils, peut encore
être conclue dans des conditions pas trop désavantageuses.
Ne tiennent-ils pas en gage la Belgique et un nombre impor-
t a n t de départements français? La ligne Hindenburg demeure
une position très forte, qui servira éventuellement de ligne
de repli. L’armée pourra s’y retrancher en attendant le
moment de reprendre l’offensive. Cette erreur d’apprécia-
tion montre à quel point ils sont éloignés de la réalité.
Le 8 août, l’armée allemande enregistre son premier
revers grave. Les yeux commencent à se dessiller. Le
14 août, un Conseil de la couronne est convoqué à Spa.
L’Empereur, Hindenburg, Ludendorff en sont les princi-
paux protagonistes. Mais l’Empereur a renoncé depuis
longtemps à la direction des affaires militaires. Les déci-
sions stratégiques reposent presque exclusivement entre
les mains d’Hindenburg et de Ludendorff.
Qui sont ces deux hommes? Tous deux sont d’anciens
cadets, tous deux sont brevetés d’état-major, tous deux
sont nés à l’est de l’Elbe. Monarchistes convaincus, ils pour-
suivent un but identique : travailler à la grandeur de leur
pays. Mais combien leur caractère est différent! Depuis la
bataille de Tannenberg, une sourde rivalité les divise.
Ludendorff accuse Hindenburg dans le fond de son cœur -
bientôt il l’accusera ouvertement, et avec quelle violence!
- de lui avoir volé ses lauriers. Ludendorff, qui a refusé
le titre de second Commandant en chef, mais a fait ajouter
son grade de premier Quartier-Maître Général la curieuse
mention : (( Agissant sur sa propre responsabilité », mit
eigener Veranttvortung, est un tempérament éruptif, enclin
aux coups de tête et aux impulsions irraisonnées. Certains
ne lui marchanderont pas le génie. D’autres le .blâmeront
d’être instable et de manquer de suite dans les idées. (( Luden-
dorff, écrit Delbrück, ne sait jamais ce qu’il veut. I1 oscille
sans cesse entre deux tendances contraires. I1 veut rem-
16 HISTOIRE D E L’ARYSEALLEMANDE
porter la victoire, mais néglige de concentrer toutes ses
forces à l’endroit décisif. I1 ne veut porter que des coups
...
partiels mais ne discerne pas l’endroit où il y a le plus de
chances de l’emporter. Pourquoi Ludendorff continua-t-il
encore ses attaques meurtrières, quand le succès insuffisant
de sa première offensive ne lui eut montré que trop mani-
festement la vanité de son entreprise?... I1 comptait que,
sous de nouveaux coups, le front ennemi pourrait s’effon-
drer (( à l’occasion D. Acceptons donc ce mot et disons que
Ludendorff fut un stratège d’occasion l. 1)
Appréciation injuste. Car ce N stratège d’occasion N a des
idées d’envergure, très en avance sur celles de son milieu
e t de son temps. Son ambition est de réaliser la nation
armée. Dès avant 1914, étant chef de la Section des effectifs
a u Grand État-Major, il est entré en conflit avec le ministre
de la Guerre pour avoir réclamé la création de trois corps
d’armée de réserve supplémentaires. L’Empereur a refusé,
craignant que le Reichstag ne le suive pas dans cette voie.
Grave erreur. Car, lors de la première bataille de la Marne,
l’absence de ces trois corps d’armée s’est fait lourdement
sentir 2.
Pendant la guerre, Ludendorff a travaillé de toutes ses
forces à militariser la nation, à insumer une discipline de
fer a u x ouvriers des usines, à galvaniser toutes les forces
du pays pour la lutte décisive. C’est lui qui a fait rafler
en masse les populations belges, pour les contraindre à
travailler dans les arsenaux westphaliens. I1 a demandé
l’application d’un vaste programme économique - dit
(( plan Hindenburg D, à cause du prestige qui s’attache à ce
1. Der Fnhrteneid isf mir cine Idee. On lui a bcaucoup reproché cette parole
par la suilc. I1 s’est justifié en disant (1 qu’il n’entendait nullement exprimer un
jugement de principe sur le serment au drapeau, mais énonccr un avis objectif
sur la réalit6 d’une situation sur laquelle on voulait h tout prix fermer les yeux
dans l’entourage de l’Empereur B.
2. Le roi Guillaume dc IVurternberg a noté i ce sujet dans son journal : 8 En
réalité, Crwner avait raison, mais il aurait dû dire au Maréchal : Prenez un Prus-
sien pour dire ces choses. D
30 HISTOIRE D E L’ARMEE ALLEMANDE
se résigne. Puisque le roi de Bavière e t le roi de Saxe se sont
enfuis, puisque le prince de Bade insiste pour qu’il suive
leur exemple, puisqu’un sujet du roi Guillaume de Wur-
temberg ne craint pas de dire que (( le serment a u drapeau
n’est plus qu’un vain mot D, l’Empereur se retirera. Ce n’est
pas lui qui abdique : ce sont les princes confédérés qui
l’abandonnent. Le lien forgé par Bismarck au lendemain
de la victoire, se dissout de lui-même à la veille de la défaite.
L’Empereur renonce désormais à :’Empire.
Mais pas à la Prusse! Malgré l’intervention de Grœner, le
mythe national est resté intact. Le général von der Schu-
lenburg et l’adjudant-général von Plessen maintiennent que
Guillaume de Hohenzollern, roi de par la grâce de Dieu, ne
peut en aucun cas déposer la couronne. Qu’il abdique, en
t a n t qu’empereur, puisque les circonstances l’exigent. Mais
qu’il reste roi en Prusse l.
Le Maréchal se range à cette façon de voir. I1 conseille
au Kaiser de se retirer provisoirement en Hollande. I1
assumera pendant ce temps la responsabilité des opéra-
tions, et ce avec d’autant plus de calme qu’il saura son
souverain à l’abri du danger 2.
1. Sur la différence juridique entre ces deux titres, voir plus loin, chap. XI,
p. 163, note 1.
2. Guillaume II ne renoncera i ses droits sur la couronne de Prusse que le
28 novembre 1918, sous la pression de l’Angleterre qui menace de réclamer son
extradition ti la Hollande, s‘il ne signe pas un acte d’abdication dénué de toute
équivoque. Voici les termes de cet acte :
Par la présente, je renonce pour toujours à mes droits sur la couronne de Prusse
et auz droits c o n m e s à la couronne impériale. J e délie en même temps low les f o n c
tionmires de l’empire allemand et de Prusse, de même que tous les oficiers, SOUS-
officiers et soldats de la marine et de l’armée prussiennes et des contingents des Élak
conft;dérés, d u serment de fidélité qu’ils m’ont preté, comme à leur Empereur-roi et
chef supr~?me.
J’attends d’eux, jusqu’à ce que soit faite la nouvelle organisation de l‘Empire,
qu’ils aident ceux qui détiennent effectivement le pouvoir en Allemagne à protéger
le peuple contre les dangers menaçants de l’anarchie, de la famine et de la domina-
tion étrangére.
Fait en original, signé de notre propre main avec le sceau impérial.
Amerongen, le 28 novembre 1918.
GUILLAUME.
Remarquons que l’Empereur ordonne i ses ofriciers d’aider ceux qui détiennent
eflectivement le pouvoir en Allemagne, non le nouveau gouvernement allemand. La
nuance est capitale. Car aux yeux de Guillaume II, le détenteur eiïectif du pou-
voir n’est pas Ebert : c’est Hindenburg.
LA FIN D E L ’ A R M É E I M P É R I A L E 31
Jusqu’au dernier moment, l’Empereur a cru que les choses
prendraient une autre tournure. I1 a espéré un miracle,
mais le miracle n’a pas eu lieu. I1 resterait bien encore.
Mais il sent que ses généraux sont fidèles à un principe,
plus qu’à sa personne. Ce n’est pas sans dépit - ni sans
rancune - qu’il remet le pouvoir suprême à Hindenburg,
dont la haute stature soutient, pour quelques heures encore,
l’édifice du Reich, qui semble prêt à s’écrouler. h p r k un
dernier coup de téléphone de Berlin, il se résout à l’inévi-
table : le lendemain, il aura franchi la frontière hollandaise
( I O novembre).
Le 14 août, ils étaient trois. A la fin octobre, ils n’étaient
plus que deux. A présent, Hindenburg est seul. Le vent
soume en rafale et déracine les arbres, les uns après les
autres. Mais lui est toujours debout. Une responsabilité
écrasante pèse sur les épaules de cet homme de soixante et
onze ans : mettre fin aux hostilités, sauver l’armée, empê-
cher la guerre civile. C’est une sorte de régent sans régence,
de monarque sans couronne. L’Empereur, en partant, lui a
remis le pouvoir, mais ce pouvoir il n’en connaît ni la soli-
dité ni l’étendue. La fuite du Kaiser n’est pour lui q u ’ u n
interrègne : il pense qu’un jour viendra où il se tiendra
devant son souverain et devra lui rendre compte de la
façon dont il a géré le bien qui lui a été confié. I1 reste
le vassal des Hohenzollern, le témoin irrécusable de la
grandeur prussienne : les consignes restent les mêmes
que par le passé. La présence ou l’absence du Roi n’y sau-
raient rien changer.
+ +
LE C H E F D ’É T A T - M AJ O R G É N É R A L D E L’ARMÉE AU M I N I S T R E
PRUSSIEN DE LA G U E R R EET A L A COMMISSIONALLEMANDE
DE L’ARMISTICE :
On devra s’efforcer d‘obtenir un adoucissement des conditions
de l‘armistice sur les points suivants :prolongation des délais,
pas de zones neutres en Rhénanie, moins de wagons, blocus, pri-
sonniers.
Si l‘on ne parvenait pas à obtenir des conditions moins rigou-
reuses, il faitdrait conclure tout de même.
Si l’on refusait un accord sur les points un, quatre, cinq, six,
huit, neuf, il faudrait deoer une protestation enflammée et en
appeler à Wilson.
Prière de presser le gouvernement de prendre une décision
dans ce sens.
* *
Pour le gouvernement de Berlin, par contre, la défaite
représente en même temps une victoire. L’abdication de
l’Empereur couronne les vœux des partis de gauche. Le
9 novembre marque pour eux l’aboutissement d’une lutte
acharnée contre Bismarck, contre Bülow, contre Bethmann-
Hollweg, contre tous les Chanceliers qui se sont succédé au
40 HISTOIRE D E L’ARMBE ALLEMANDE
I
III
L E HAUT-COMMANDEMENT ALLEMAND
REMPORTE TROIS AVANTAGES
1. SCEEIDEMANN,
L’Efloruirement, p. 235.
LA F I N D E L’ARMBE IMPBRIALE 51
eux-mêmes lorsqu’ils s’y refusent. La plupart sont des
adolescents de seize à dix-huit ans qui semblent jouir
immensément du pouvoir mis soudain entre leurs mains.
Ils grimacent sur le marchepied des autos grises comme des
écoliers en escapade, ce qui ne les empêche pas de faire
beaucoup de mal dans le courant de la journée, car il va de
soi que quelques officiers refusent de leur obéir. Des effusions
de sang, la mort même s’ensuivent. Car ces jeunes gens ne
reculent devant aucune violence, et je crois que presque tout
le sang répandu est la conséquence de la liberté sans frein
qu’on leur a soudain octroyée.
u E n deux heures, environ deux cents de ces grands
camions ont dû passer sous nos fenêtres. A chaque minute,
la vue de tant de forces élémentaires brusquement lâchées
en liberté devient plus alarmante. Nous avons dû, natu-
rellement, baisser tous nos volets de fer et verrouiller les
portes de la maison, ne gardant qu’une fenêtre ouverte
pour observer ce qui se passe. ))
Devant ce débordement de forces populaires, Ebert a dû
renoncer à former un Cabinet suivant la procédure habi-
tuelle. Comme nous l’avons vu, il s’est fait remettre le
pouvoir par le Comité central des Conseils de soldats et
d’ouvriers, actuellement maîtres de la capitale l. Le nou-
veau gouvernement dont il assume la présidence prend le
titre de N Conseil des Commissaires du Peuple II, non par
conviction intime, mais sous la pression des événements.
Le soir du 9 novembre, les (( Commissaires du Peuple ))
s’installent dans le palais de la Wilhelmstrasse qui abri-
tait, la veille encore, les bureaux de la Chancellerie. Dans
ce Conseil, - dont Liebknecht a été évincé, - Ebert prend
l’Intérieur et les Affaires militaires, Haase les Affaires étran-
gères, Landsberg les Finances, Dittmann diverses attri-
butions, Barth la Politique sociale, et Scheidemann 1’Infor-
mation. Mais dès son arrivée au pouvoir, le Conseil des
Commissaires du Peuple se heurte à la complexité du SYS-
tème administratif allemand. La plupart des ministres
* *
A présent, Ies délégués des Conseils de soldats peuvent
venir : l’fitat-Major ne les craint plus.
Leur arrivée ne tarde guère. Le 10 novembre au matin,
un groupe de sept membres se présente à Spa : ce sont les
délégués de tous les Conseils de soldats de l’armée auprès
du Commandement suprême.
Le lieutenant-colonel Faupel, qui les reçoit, les conduit
devant une grande carte murale où sont figurés les deux
millions de soldats stationnés à €’ouest du Rhin et groupés
par armées, corps d’armée, divisions et brigades. I1 leur
montre des réseaux de voies ferrées, des plans de gares,
d’embranchements, de régulatrices; des statistiques de maté-
riel roulant, de wagons, de locomotives. Puis il leur montre
les quelques ponts du Rhin - de Cologne à Kehl - par
où cette formidable masse d‘hommes doit passer, e t où elle
viendra s’écraser si la retraite ne s’effectue pas dans un
ordre mathématique. Que l’armée se désorganise, et c’est à
peine si quelques centaines de mille hommes en réchappe-
ront. Le reste sera fait prisonnier par les Alliés. Les délégués
des Conseils sont-ils prêts à assumer la responsabilité d’un
tel désastre? S’estiment-ils vraiment en droit, à cette heure
désespérée, de venir brouiller le travail des officiers par
un contrôle intempestif, eux dont la compétence dépasse
à peine l’étroit secteur d’une escouade ou d’une compa-
gnie?
Les délégués restent muets devant les cartes où s’entre-
lacent des lignes rouges, vertes, bleues, noires. Ils entre-
voient pour la première fois l’incroyable complexité de la
technique moderne et s’aperçoivent qu’un monde nouveau
ne s’improvise pas en un jour. L’un d’eux déclare (( qu’il ne
s’agit pas de ces affaires-là, que l’on pourrait à la rigueur
abaqdonner aux officiers; que c’est de la politique dont ils
sont’ responsables, e t qu ils ne toléreront pas que l’on
empiète sur leurs droits ».
Le lieutenant-colonel Faupel leur demande alors s’ils
ignorent que le Maréchal Hindenburg a conclu un accord
avec le gouvernement de Berlin. Ils en demandent confir-
56 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
+ +
gramme sur la hase duquel Erzberger discutera avec Foch à Trèves. C‘est lui qui
manœuvre le Conseil de soldats du G . Q. G. contre le Comité central de Berlin.
C’est lui enfin qui propose a Ebert, président des u Commissaircu du Peiiple I!,
un plan d‘action commune contre les révolutionnaires. Pourtant sa présence n’ap-
paraît nulle part : il n‘est représenté ni 1 Trèves, ni a Ems, ni B Berlin.
LA FIN D E L’ARMÉE IMPÉRIALE 65
l’ordre règne à Berlin. La plus cordiale entente préside aux
relations des Commissaires du Peuple et du Comité central.
Si les soldats ne veulent pas le croire sur parole, qu’ils
viennent dans la capitale. Ils y seront reçus à bras ouverts,
Le Congrès des Conseils du Reich les accueillera à ses
séances et ils pourront prendre part à ses délibérations. Le
temps est révolu où seuls les gradés avaient droit à la
parole ...
Ces déclarations - qui dépeignent la situation sous un
jour fallacieux et passent soigneusement sous silence les
conflits qui opposent la droite et la gauche des Commissaires
du Peuple - font une impression profonde sur les soldats
du front. L’étincelle révolutionnaire se propage de groupe
en groupe. On pose les jalons d’un élargissement des compé-
tences des Conseils de soldats, qui dépasse de beaucoup les
limites que le gouvernement leur a assignées dans son télé-
gramme du 9 novembre. Le vote de défiance à l’égard du
Comité central est oublié. A sa place, on décide d’envoyer
à Berlin des représentants des soldats.
L’État-Major mesure soudain la gravité de la situation.
C’est l’autorité même des ofliciers qui est mise en question.
La crise de confiance latente qui couve depuis des mois
entre les gradés e t la troupe se précise. Du même coup, la
possibilité de juguler la révolution par l’armée semble
repoussée à une date indéterminée...
+ +
r i
4 4
empoignant le bras, qui d’un ami, pui d’un mari, tandis que
les enfants emboîtent le pas à côte de leurs pères.
Les acclamations, un instant calmées, reprennent de plus
belle : voici les uhlans à cheval, lance en main, raides sur
leurs selles comme au temps des parades impériales. Quelques
pièces de leur équipement ont été remises à neuf. Leurs mon-
tures au poil luisant caracolent comme jadis. Les officiers
portent la croix de fer e t toutes leurs décorations. L’un
d’eux fait un signe : la musique à cheval entonne gravement
le Deutschland über alles. L’hymne national retentit, sou-
tenu par les cors, les trompettes e t les tambours. Les civils
se découvrent, les officiers saluent.
Parvenus à la hauteur de la porte de Brandebourg, que
surmonte le quadrige de la victoire, les soldats de la Garde
sont reçus par Ebert. I1 les accueille avec ces mots :
- J e vous salue, vous qu’aucun ennemi n’a vaincus sur
les champs de bataille!
Les soldats n’écoutent pas ce civil qui leur décerne un
brevet d’héroïsme que, d’ailleurs, ils ne lui demandaient pas.
Pourquoi n’était-il pas au front avec eux? I1 aurait appris
5 ses dépens ce qu’est un champ de bataille. Mais les officiers
dressent l’oreille. Serait-il donc vrai qu’ils n’ont pas été bat-
tus? La retraite ne serait-elle vraiment due qu’à l’effondre-
ment de l’arrière? Si le chef du gouvernement le proclame
lui-même, comment ne pas le croire?
Pourquoi Ebert prononce-t-il, à ce moment, ces paroles
fatidiques? Ne voit-il pas qu’il met la défaite d u côté de la
révolution, que par cette seule phrase - qui n’a d’autre
but à ses yeux que de ménager la susceptibilité de l’armée
- il absout l’État-Major e t condamne la République?
Cependant quelques groupes, rassemblés le long des trot-
toirs, ne participent pas à la satisfaction générale : ce sont
les matelots de la Division civique, avec leurs cols bleus e t
leurs bérets à rubans. Ils portent leurs fusils à la bretelle,
le canon tourné vers le sol, et font les cent pas devant le
palais impérial. Ils opposent à la tenue impeccable des o f i -
ciers une attitude cynique e t volontairement débraillée. La
colère gronde en eux. Sans doute flairent-ils, avec le retour
des troupes, le danger d’un coup de force, d’une contre-révo-
lution ...
LA FIN D E L'ARM$E IMPÉRIALE 75
Le lendemain et le surlendemain, les régiments qui rentrent
1"
défilent devant une foule apathiqu et résignée. Ce n'est plus
le cortège presque triomphal de a veille, mais la marche
morne et silencieuse d'une troupd en retraite. Les chants,
les fanfares e t les acclamations ne^ sont plus là pour donner
le change. Dans la buée humide' e t froide des soirées de
décembre, les défilés se déroulent - avec la démarche haras-
sée des bêtes et des hommes, les fusils tenus à la diable, le
grincement des essieux et les cris sourds des conducteurs
- dans l'indifférence absolue de la capitale.
Un à un, les derniers contingents regagnent leurs casernes.
La retraite est terminée. La démobilisation commence.
Y
LA DÉMOBILISATIOPU’
,
+ +
Pendant ce temps, le désarmement de la population,
réclamé par von Schleicher au Conseil de Cabinet du
9 décembre, ne s’effectue pas. Le Commandant de la Place,
Wels, ne peut faire appliquer le décret prohibant le port
d’armes pour les civils. Ce sont au contraire les civils qui
désarment les militaires.
Sitôt arrivées à Berlin, les divisions se disloquent. Le jour
de leur entrée à Potsdam, les hommes du l e r régiment de la
Garde lynchent les membres du Conseil du bataillon de dépôt
et tous ceux qui arborent le brassard rouge. Mais le lende-
main, les Conseils de soldats, reprenant l’avantage, forcent
le commandant du régiment à donner sa démission.
Gagnés par la contagion, un à un, les régiments passent
à la révolution. Lorsque les officiers en uniforme traversent
la ville, ils ont le plus grand mal à éviter les horions de la
foule. Des hommes cocardés de rouge foncent sur eux, leur
arrachant leurs épaulettes, leur revolver et les insignes de
leurs casquettes. S’ils font mine de se défendre, le sang coule
sur la chaussée.
Arrivées dans leurs dépôts, toutes les unités veulent être
démobilisées sur-le-champ. Mais comment rapatrier deux
millions d’hommes en huit jours? On commence par ren-
voyer dans leurs foyers les ressortissants d’Alsace-Lorraine
e t du Palatinat. On licencie les cheminots, les mineurs,
les employés des bureaux de bienfaisance et de ravitaille-
ment. Cependant l’impatience des troupes s’accroît de jour
en jour. Les Bavarois, cantonnés à l’extrême nord, près de
Wesel, réclament leur rapatriement immédiat, à travers le
grand mouvement de troupes qui s’opère d’ouest en est. Les
contingents qui se trouvent en Thuringe et en Silésie ne
veulent pas être démobilisés par unités, mais par classes,
les soldats les plus âgés partant les premiers. L’État-Major
s’y oppose désespérément car cela complique terriblement sa
tâche. Finalement, il lui faut céder’.
1. Le colonel Reinbard, qui attribue pour sa part l’initiative de cette mesure
1 6
82 HISTOIRE DE L’ARMÉE A L L E M A N D E
1. Le 24 décembre.
94 HISTOIRE DE L’ARMEE ALLEMANDE
1. Pas plus qu’il ne faut compter sur les renforts promis. En apprenant ce qui
se passe h Berlin, Koske, le gouverneur de Kiel, a fait la tournée des dépôts, pour
obtenir des Conseils la promesse a qu’ils n’apporteront aucune aide aux marins
révoltés contre le gouvernement n. (NOSKE,Von Kiel bis Kapp, p. 54).
96 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
c c
LA REICHSWEHR PROVISOIRE
EMPECHE LA DISLOCATION DU PAYS
VI1
L’INTERVENTION DE NOSKE
1. SCREIDEYANN.
L’Eflonàrement, p. 237.
102 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
1. Pad GUNTIZON,
L‘Armée allemande apr& lo &/aite, p. 36.
108 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
1. Paul GBNTIZON,
op. cif., p. 35.
110 HISTOIRE D E L ’ A R M ~ E ALLEMANDE
I
8
114 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
1. Qu’il ne aut pas confondre avec le major général Max Hoffmann, chef
d’lhat-Major du prince Léopold d e Bavière e t signataire du traité de Brest-
Litowsk.
2..Qu’il ne faut pas confondre avec le colonel Walter Reinhardt, ministre
de la Guerre.
3. II Je ne sais pas comment cet homme se trouva là D, écrit NOSICEdans sea
Mérnoirea (p. 64).
LA R E I C H S W E H R PROVISOIRE 115
Lüttwitz, Ebert e t Noske se rendent au camp de Zossen,
situé à cinquante kilomètres au sud-ouest de Berlin, afin
d’y inspecter les volontaires réunis par le général Mærcker.
Les deux membres du gouvernement sont stupéfaits de se
trouver de nouveau (( devant de vrais soldats ». Ils passent
en revue les bataillons alignés sous la neige Les hommes
présentent les armes, comme au temps de l’Empereur. Les
compagnies défilent dans un ordre impeccable et les musiques
militaires font retentir leurs fanfares, auxquelles l’air froid
de janvier ajoute un éclat mordant.
D’où vient cette troupe, surgie comme par miracle au
lendemain de la dissolution de l’armée impériale? Qui est
ce général Mzrcker, qui a réussi ce tour de force : grouper
autour de lui plusieurs milliers de volontaires, recrutés un
par un en pleine période d’anarchie?
+ +
Camarades,
déclare-t-il à ses hommes le jour où il les rassemble pour la
première fois,
J e suis un vieux soldat. Pendant trente-quatre a m j’ai servi
fidèlement trois Empereurs. J’ai combuttu el répandu mon sang
pour eux dans cinq guerres et sur trois continents. Des senti-
ments que l’on a mis en pratique pendant irente-quatre ans ne
peuvent pas se rejeter comme une vieille défroque. Quiconque
agirait ainsi serait vil et méprisable. Aujourd‘hui encore j’aime
et je respecte Guillaume I I autant qu’il y a trente-quatre ans
lorsque j’ai prêté serment à la dynastie. Mais à présent il n’est
plus mon Empereur, ni mon Seigneur de guerre. L e gouverne-
ment d’Ebert lui a succédé, et celui-ci se trouve dans une situa-
tion critique ...
I l y a cent six ans, lorsque la Prusse se trouva aussi humiliée
et bafouée que le Reich l‘est aujourd’hui, des Chasseurs se ras-
semblèrent volontairement à Breslau, autour d u major von Lüt-
zow. C’est avec eux que Lützow entreprit son audacieuse équipée.
En formant u n corps de Chasseurs volontaires, c’est une troupe
semblable que j’ai voulu créer ...
1. C’est la première fois dans les annales de la Prusse que des militaires sont
pass& en revue par des civils.
116 HISTOIRE DE L’ARMÉE A L L E M A N D E
nomie originales. C’est pour cela qu’il peut être considéré comme le véritable
promoteur du système.
1. Crundlegender Belehl, no 1.
2. Voir plus haut, p. 79, note 2.
118 HISTOIRE DE L’ARYBE ALLEMANDE
1. MAZRCKER,op. cif., p. 64. a Sei ruhigl JefJ wird alles besser gehenl
IX
+ +
+ +
LA BATAILLE DE
N (janvier 1919).
138 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
pas battus. Même s’ils nous jettent dans les fers, nous sommes
là, nous demeurons 11i. E t la v i c t o i r e s e r a pour nous. Car
Spartakus, c’est le feu de l’esprit, c’est l’âme et le cœur,
c’est la volonté e t l’acte de la révolution du prolétariat.
Spartakus, c’est toute la misère et le désir de bonheur, car
Spartakus c’est le socialisme et la révolution universelle. Le
calvaire de la classe ouvrière allemande n’est point encore
à son terme, mais le jour de la délivrance approche. ))
Ce sera le dernier article qu’il écrira, son testament poli-
tique. Car le 15 janvier au soir, Liebknecht et Rosa Luxem-
burg sont découverts à Wilmersdorf et amenés sous escorte
à l’hôtel Eden, qui abrite le Quartier Général de la Garde
montée. Après un bref interrogatoire, on décide de les
conduire à la prison de Moabit.
Liebknecht est emmené le premier. Au moment où il sort
de l’hôtel, le soldat Otto Runge, placé en sentinelle devant
la porte, lui assène deux formidables coups de crosse sur
la tête. Ensanglanté, Liebknecht s’effondre dans la voi-
ture où on le transporte. Arrivé au Tiergarten, le chef du
détachement fait stopper l’auto. I1 fait descendre Lieb-
knecht et lui ordonne de poursuivre le chemin à pied. Pré-
textant une tentative de fuite, on l’abat à coups de revolver.
Le chef de l’escorte, le lieutenant von Pflugk-Hartung, remet
le cadavre au poste de secours le plus proche, en déclarant
que c’est celui d’un inconnu.
LA REICHSWEHR P R OVI S OI R E 141
Quelques instants plus tard, Rosa Luxemburg quitte à
son tour l’hôtel Eden. Le soldat Runge ne l’épargne pas
davantage. On la traîne à demi morte dans une voiture.
L’auto démarre. A quelques mètres de là, une balle, tirée à
bout portant, fracasse la tête de la malheureuse. Le chef du
détachement, le lieutenant Vogel, fait jeter son cadavre dans
le canal de la Landwehr. On ne le retrouva que quelques
mois plus tard.
Lorsque Scheidemann apprit la nouvelle de l’assassinat,
il n’était pas à Berlin, ayant jugé plus prudent de se mettre
en sécurité. Il se trouvait à Wilhelmshohe, où il s’était rendu
( ( à la demande du général Grœner, pour discuter avec lui
différentes questions de service ».I1 rentra à Berlin par train
spécial, le 17 janvier, et trouva la capitale en proie à une
émotion extrême, provoquée par la disparition des deux
chefs spartakistes et par les détails affreux que l’on appre-
nait peu à peu sur les circonstances de leur mort. J e ne
puis que répéter, écrit-il dans ses Mémoires l , ce que je décla-
rai à l’hôtel de ville de Cassel, sous la première impression
du moment : je regrette sincèrement ces deux morts, et cela
pour de bonnes raisons. Quotidiennement, les deux victimes
ont appelé le peuple aux armes afin de renverser le gouver-
nement. E t voici que leur propre tactique les a frappés
eux-mêmes. ))
On pensera ce que l’on voudra de cette déclaration hypo-
crite. Mais les regrets de Scheidemann ne devaient pas être
bien vifs, puisque le soin de mener l’enquête sur les circons-
tances du drame fut confié, par le gouvernement dont il
faisait partie, au tribunal de la Division de la Garde, à
laquelle appartenaient les meurtriers et qu’aucun d’entre
eux ne fut condamné 2.
Rosa Luxemburg avait-elle prévu ces choses, lorsqu’elle
écrivait à Sonia Liebknecht, de sa prison de Breslau : (( J’ai
l’impression que cette grande maison de fous dans laquelle
nous vivons se transformera un jour, comme par un coup
de baguette magique, en quelque chose d’incommensurable-
...
ment grand et d’héroïque Mais il faudra que nous traver-
1. ÇCHEIDEMANN, L’Eflondrernent, p. 262.
2. Seul, Otto Runge fut condamné a deux ans de prison. Tous les autres furent
acquittés.
142 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
+ +
Les journées qui suivent sont consacrées par les chefs des
corps francs à une revision de leur armement et à une
redistribution des effectifs. Le corps des Chasseurs s’est aug-
menté, depuis peu, de tant de nouvelles recrues que le géné-
ral Maercker se voit dans l’obligation de le scinder en deux :
la Ire brigade (composée des Ire, IIe et IIIe sections) est
placée sous le commandement du colonel von Reitzenstein.
La 2e brigade (Ive, Ve et V I e sections) est confiée d’abord
au colonel Nigmann, qui s’est distingué, en 1905,en Afrique
orientale, puis a u colonel von Frankenberg, ancien chef
d’État-Major sur le front français. L’arrivée d’une batterie
supplémentaire (issue du 44e régiment d’artillerie de réserve)
permet une répartition plus homogène des canons. Enfin
une escadrille d’avions, qui a été formée à Paderborn par le
capitaine Crocker, est transférée au camp d’aviation de
Potsdam.
Des remaniements similaires ont lieu au sein du régiment
Reinhard, de la Division de la Garde montée et des Tirail-
leurs du général von Raeder.
Pendant ce temps, le désarmement des populations civiles
continue. Les maisons sont visitées de fond en comble et
les habitants obligés de remettre leurs armes. Un cordon de
sentinelles, postées sur les ponts de la Sprée, arrête les pas-
sants, les fouille et leur fait subir un interrogatoire serré.
Mais ces mesures ne donnent pas les résultats escomptés.
a Nous ne récupérâmes que très peu d’armes I), avoue le géné-
ral Mærcker. Par contre, le séjour dans la capitale ne tarde
pas à avoir une influence démoralisante sur la troupe. A
force de perquisitionner dans les immeubles sordides où s’en-
tassent des familles entières, les volontaires, appartenant
en majorité à des milieux provinciaux ou campagnards,
1. Rosa LUXEMBURG,
Leîtrss à Sonia Liebknecht, p. 31.
LA R E I C H S W E H R P R O V I S O I R E 143
découvrent avec stupeur la misère des ouvriers. Ils s’aper-
çoivent que leur révolte n’est pas dictée uniquement par la
haine et l’envie, comme on a cherché à le leur faire croire.
Malgré l’effort des chefs, la disciplme se relâche. On voit
des Chasseurs fraterniser avec les matelots de la Division
populaire. Certaines escouades, casernées à l’université, ont
saccagé les salles qui leur servent de dortoirs. Les généraux
s’inquiètent de ces symptômes alarmants. Les corps francs
vont-ils se dissoudre à leur tour, comme les régiments impé-
riaux, lors de leur rentrée dans la capitale? Ce serait, cette
fois-ci, un désastre irréparable, car les corps francs, une fois
dissous, ne se reformeront plus.
Aussi Noske et le général Maxcker décident-ils de retirer
les troupes de Berlin. Puisque l’ordre semble rétabli, mieux
vaut les encaserner aux alentours de la ville. I1 sufira de
maintenir le régiment Reinhard dans la caserne de Moabit.
Le 23 et le 24 janvier, les Chasseurs se retirent dans la zone
limitée par le chemin de fer de ceinture au nord, la ligne
Berlin-Trebbin à l’est, la route Mahlow-Teltow au sud, et
les lacs de la Havel à l’ouest. Là, ils seront à l’abri de la
contagion spartakiste.
Pourtant Noske a tort de croire que l’ordre est rétabli.
Le calme qui règne à Berlin n’est qu’apparent. Le feu couve
sous la cendre ...
X
L’ASSEMBLEE NATIONALE
ET L’ORGANISATION DE L’ARMÉE NOUVELLE
4 4
EN A V A N T L E S HUSSARDS
! Les Hussards de Cassel-Hesse-
Hombourg vont renaître. Uniformes comme p a r le passé,
1. Pour tout ce qui concerne les corps francs, leur nomenclature et leur histoire.
consulter Edgar von SCHMIDT-PAULI, Ceschichle der Freikorps (Stuttgart, 1936,
p. 353-369) et surtout l’ouvrage monumental d’Ernst von SALOMON, D Q Buch
~
w m deutschen Freikorps Kdmpfer (Berlin, 1938).
2. Major STEIN, Schafit ein Hscrl, p. 21.
LA REICHSWEHR PROVISOIRE 155
paysannes. A l’issue de leur période d’engagement, les volon-
taires toucheront les indemnités accordées à tous les mili-
taires démobilisés. Les officiers ont droit à une indemnité
journalière de 5 marks, qui vient s’ajouter à leur solde de
campagne.
I1 est évident, dans ces conditions, que les corps francs
se trouvent bientôt composés d’éléments les plus divers. A
côté de patriotes et d’anciens combattants du front, on y
rencontre beaucoup d’individus douteux qui n’ont repris du
service que pour échapper à la misère, (c des éléments spar-
takistes et violents dit Noske, ou des fainéants sans efi-
)), ((
* I
+ *
La Constitution de 1919 va modifier complètement cet‘
état de choses. E n créant une armée unique pour l’ensemble
du Reich, elle va supprimer les quatre contingents des
États confédérés. En soumettant cette armée au contrôle
du Parlement, elle va lui retirer la (( splendide autonomie N
dont elle s’enorg~eillissaitjusque-là.
Le chef de l’Etat, ou président du Reich, est le chef
suprême de l’armée allemande (art. 46). I1 nomme et relève
les officiers de leurs fonctions (art. 47). Comme autrefois
l’Empereur, ses actes et ses décrets ont besoin, pour être
valides, d’être contresignés par le Chancelier du Reich ou
par le ministre compétent (art. 50).
hlais le Chancelier n’est plus nommé par le chef de l’atat.
I1 est élu à la majorité par les députés du Reichstag, auxquels
il doit rendre compte de ses actes. Un vote de méfiance
entraîne sa démission et celle du Cabinet. Le chef de l’État
ne peut donc disposer de l’armée qu’avec l’assentiment du
Parlement. Enfin, lesmerribres de l’armée ne sont plus asser-
mentés au chef de l’Etat, mais à la Constitution (art. 176).
La puissance du président du Reich est donc beaucoup
plus restreinte que celle dont jouissait l’Empereur. Cepen-
dant la nouvelle Constitution lui confère un certain nombre
de prérogatives que l’Empereur ne possédait pas.
Tout d’abord, le droit exclusif de légiférer, en ce qui
concerne l’armée, est transféré des Pays au Reich (art. 6,
9 4 ) et l’organisation de l’armée est réglée d’une façon uni-
forme pour toute l’Allemagne (art. 79). Les contingents
bavarois, saxons et wurtembergeois disparaissent, pour faire
place à une seule armée qui prend le nom de Reichswehr.
Les ministères de la Guerre de Prusse, de Bavière, de Saxe
et de Wurtemberg sont remplacés par un ministère unique,
dit ministère de la Reichswehr, établi à Berlin et dont
l’autorité s’étend à tout le territoire. Le ministre de la
Reichswehr fait partie du Conseil des ministres qui siège
sous la présidence du Chancelier du Reich.
Enfin - reflet de l’époque troublée où elle fut conçue e t
rédigée - la Constitution contient un article spécial, l’ar-
LA REICHSWEHR PROVISOIRE 167
ticle 48, qu’il importe de citer en entier parce qu’il confère
au président du Reich le droit d’instaurer à tout moment
une dictature militairel :
Lorsqu’un Pays ne remplit pas les obligations qui lui incombent
a u x termes de la Constitution d u Reich, ou des lois d u Reich,
le président d u Reich peut l’y contraindre en employant la force
armée.
Lorsque la sécurité et l’ordre public d u Reich sont gravement
troublés ou mis en péril, le président du Reich peut prendre les
mesures nécessaires a u rétablissement de l’ordre, et intervenir au
besoin en employant la force armée.
+ +
Voyons à présent en quoi consiste la structure interne
de cette armée, telle qu’elle découle de la loi du 6 mars 1919.
Le paragraphe I de la loi indique les buts dans lesquels
a été créée la Reichswehr provisoire a :
10 La protection des frontières.
20 L’exécution des ordres d u gouvernement.
30 L e maintien de l’ordre à l’intérieur d u pays.
La Reichswehr est soumise aux lois qui régissent les autres
organisations de 1’Etat. Elle est commandée par un générai,
qui dépend du ministre de la Reichswehr et fait fonction de
chef d’État-Major.
Le paragraphe II pose les bases du recrutement : c’est le
I.Reichsgesetzbinft, 1919, 1,110 152, p. 1392 (14 Août 1919). Ce droit, 1’Empe-
reur ne le possédait pas. L’armée prussienne ne pouvait en aucun cas intervenir
dans les affaires des h a t s confédérés, à moins d’y être expressément appelée par
le gouvernement dudit État. Encore cette opération requérait-elle, auparavant,
l‘assentiment du Bundesrat.
2. Son nom de Reichswehr (force de défense du Reich) est en lui-même tout
un programme.
168 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
i. A vrai dire, cette dernière disposition ne sera jamais appliauée aii pied de
la lettre. On en verra de multiples exemples par la suite.
2. De là, la dénomination de Lieutenants de six semaines, 1 l’égard desquels
M. Açsmann, député réactionnaire, exprimait son peu de confiance à la tribuna
de l’Assemblée de Weimar.
L A R E I C H S W E H R PROVISOIRE 169
les Israélites, dont plusieurs ont joué un rôle important
dans les troubles de Berlin et de Munich. Enfin les déser-
teurs des régiments impériaux ne sont pas admis daris les
nouvelles formations.
Certaines unités sont même particulièrement rigoureuses
dans leur choix et les volontaires v sont triés sur le volet.
Ainsi se forment certaines compagnies d’élite, dites (( compa-
gnies de fer »,dans lesquelles ne sont admis que d’anciens
cadets, des sous-officiers rengagés, des étudiants et des élèves
des écoles secondaires
L e s effectifs e t la durée des engagements restent à dessein
dans le vague, étant donné le caractère provisoire de la loi.
Ces points seront précisés après la signature du traité de
paix. Pour l’instant, les engagements sont contractés pour
une durée de s i s ou neuf ans. Mais la loi du 6 mars 1919
prévoit toute une série de dérogations en vertu desquelles
les volontaires peuvent résilier leurs contrats, et les chefs,
congédier les (( mauvais éléments )) pour insubordination ou
indiscipline 2.
La formule de serment adoptée est la suivante : (( J e m’en-
gage à me conduire comme un soldat brave e t pénCtré du
sentiment de l’honneur, & consacrer toutes mes forces à
chaque moment e t en tout lieu à la défense du Reich alle-
mand, à protéger le gouvernement établi par le peuple et à
obéir à mes supérieurs. ))
1. Ces dispositions restrictives,le choix des chefs parmi les ofiiciers du front -
donc parmi les membres de l’ancienne armée impériale, le caractère nettement
bourgeois et paysan des recrues ne tarderont pas à faire de la Reichswehr une
citadelle de l’esprit réactionnaire. En 1913, le corps des oficierç comptait 22 %
d’aristocrates. En 1921, il en comptera 23 yo et ce chiffre augmentera au cours
des années suivantes.
2. Le traité de Versailles obligera les engagements à <tre de douze ans effectifs
pour la troupe et de vingt-cinq ans pour les oficiers, et supprimera les clauses d’an-
nulation de contrat.
170 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
* *
Mais à côté de transformations apportées à des disposi-
tions préexistantes, la loi du 6 mars 1919 contient aussi un
certain nombre d’éléments nouveaux, qui la distinguent des
lois militaires qui l’ont précédée en Allemagne. Ces innova-
tions sont dues,. presque toutes, à l’initiative du général
Mærcker. I1 s’agit de la création des Conseils d’hommes de
confiance, des Commissaires de sport, et enfin des Écoles à
l’usage des sous-officiers e t hommes de troupe. Leur but est
d’élever progressivement le niveau physique, intellectuel e t
moral des membres de la nouvelle armée.
Le rapporteur socialiste de la loi a tenu à souligner l’im-
portance qu’il convenait d’attribuer aux sports, dans l’or-
ganisation de la Reichswehr. Mais la loi laissait primitive-
ment le soldat libre ou non de participer aux compétitions
athlétiques. Le général Mærcker veut aller beaucoup plus
loin, et ses suggestions amèneront le gouvernement à ren-
forcer la loi, sur ce point, par une série d’ordonnances complé-
mentaires. Selon Mærcker, la longueur du temps de service
doit permettre à la Reichswehr de former chaque année un
contingent de deux à trois mille professeurs de culture phy-
sique qui se placeront comme moniteurs dans les écoles e t
les universités et serviront de trait d’union entre l’armée et
la jeunesse du pays. Ils seront des agents de propagande de
1. Par exemple, l‘obligation pour le soldat de ne pouvoir s’entretenir, même
familièrement, avec un officier, sans rester au garde-à-vous; la défense de lui
adresser la parole autrement qu‘a la troisième personne, etc.
LA R E I C H S W E H R P R O V I S O I R E 171
premier ordre et contribueront à entretenir l’esprit militaire
au sein de la nation.
Dès le 14 février 1919, le gouvernement prescrit la for-
mation, à l’intérieur de chaque bataillon, de Commissions
sportives (Ausschüsse für Leibesiibicngen) composées de trois
à sept membres (officiers, sous-officiers et soldats), dont le
b u t est de veiller à l’hygiène de la troupe, d’organiser des
réunions sportives et de servir de conseillers techniques pour
l’installation des terrains d’exercice et de jeux. Ces comités
choisissent en outre, au sein des régiments, les jeunes ofi-
ciers, sous-officiers et soldats susceptibles de recevoir une
instruction physique plus poussée. Lorsque l’ordre sera réta-
bli dans le pays, cinq écoles d’athlétisme seront créées à
Torgau, Witterberg, Halle, Weimar e t Altenburg. Chacune
de ces écoles recevra cent quarante militaires (sans distinc-
tion de grades) qui suivront un cours de six semaines, donné
par des professionnels. A l’issue de ce cours, les jeunes gens
retourneront dans leurs régiments respectifs, où ils serviront
de moniteurs de culture physique au reste de la troupe.
I1 est intéressant de connaître les Directives pour l’activité
sportive de la troupe, rédigées par le général Mærcker à l’usage
de ces moniteurs. Celles-ci sont basées sur les principes sui-
vants : éveiller l’intérêt sportif de tous les membres de l’ar-
mée; développer l’esprit d’équipe, de discipline et de cama-
raderie; accroître la cohésion morale de la troupe. Pour cela,
il faut :
10 Accorder une place de choix aux compétitions collectives.
20 Obliger les équipes ri rgaliser des moyennes honorables.
30 Inciter chaque homme à pratiquer plusieurs sports.
40 N e ;amuis perdre de vue que le but de l’éducation physique
est la préparation au combat armé.
t
* *
+ +
1 +
+ +
1. Ces bagarres, Ics a-t-il provoquées? C’est peu probable. La vérité sur les
troubles demars est diIïicile démêler. Les sources utilisées ici sont : l o les Mémoires
D dii général von L ~ T T W I T Z ;
de NOSKE;20 les Lllériroires d u colonel R E I N H A Ret
30 une brochure publiée par la Freiheil, intitulée La Vérité sur les troubles de Ber-
lin (sans nom d’auteur), exposant la thèse des rbvolutionnaires; 40 une brochure
P ubliée par la maison Neumann, intituléo Lea Troubles Spartakistesde mars (1919)
également sans nom d’autcur), exposant la thèse du gouvernement; 5 0 le compte
rendu sténographique du procès du lieutenant Marloh; 6 O les collections d u V o r
u-ærls, du Berliner Tageblall, de la Kreuzzeitung et de la Gazette de Francfort.
2. Au cours d‘unc conlércnce faite aux délégués de la presse, le capitaine von
Moyzysowicz, de l‘État-Major du général von Lüttwitz, confirma ce fait en décla-
rant : a I1 faut établir une distinction tr&snette entre la grève générale e t l’in-
LA R E I C H S W E H R P R O V I S O I R E 201
Comité exécutif du Parti Spartakiste a beau publier un
tract exhortant les ouvriers au calme et soulignant que les
bagarres de la nuit ont été provoquées (( par des éléments
incontrôlés, appartenant à des formations armées n’ayant
aucun lien avec le comité de grève n; Noske reste inflexible :
il ne fera aucune distinction entre grévistes et insurgés.
Le 4 mars, au matin, une partie des corps francs encasernés
aux environs de Berlin occupe le faubourg de Sparidau où
se trouve un important dépôt de mitrailleuses. Le bataillon
de pionniers rouges qui assure la garde du dépôt est dis-
sous. Les premiers coups de feu éclatent à cette occasion
entre troupes gouvernementales et révolutionnaires. Ainsi
commence la semaine sanglante de Berlin, phase culmi-
nante de la deuxième révolution.
Le même jour, dans l’après-midi, une foule énorme se
masse sur I’ Alexanderplatz, devant la Direction de la Police.
Des nouvelles alarmantes circulent de groupe en groupe.
On apprend que les troupes gouvernementales ont occupé
Spandau et que les premières victimes sont tombées. Sur
ces entrefaites, un détachement de volontaires appartenant
au corps franc Reinhard veut traverser la place. Ils sont
arrêtés et molestés. L’officier qui commande le détache-
ment est arraché du siège de sa voiture, jeté à terre, piétiné,
et dépouillé de son uniforme. Le torse à moitié nu et le
visage ruisselant de sang, il parvient à se réfugier dans la
Direction de la Police, vers laquelle sont également refoulés
les restes du détachement.
Ivres de rage, les soldats du corps franc veulent se frayer
une issue et faire évacuer la place. Ils s’élancent hors du
bâtiment, le fusil à la main et, après les somniations d’usage,
ouvrent Ie feu sur les manifestants. Les cris des blessés et
les râles des agonisants sont bientôt recouverts par les hurle-
ments de la foule, qui se rue vers la Direction de la Police,
pour tout mettre à feu et à sang. Craignant d’être débordé,
le commandant du détachement fait charger les assaillants
par une section de chars d’assaut. Crachant le feu par
toutes leurs ouvertures, les lourdes masses d’acier entrent
dans la foule. C’est une boucherie effroyable. Incapable de
surrection. Les chefs et les membres du Parti indépendant étaient hostiles aux
émeutes. Mais la grève n’en a pas moins déclenché l’insurrection. s
202 HISTOIRE DE L’ARM&E ALLEMANDE
* *
Le mercredi 5 mars, la situation s’aggrave. Une section de
la Division de la Marine populaire, cantonnée dans les halls
d’exposition de la gare de Lehrt, a reçu l’ordre de se dis-
soudre. Exaspérés par cette mesure, les matelots envoient,
dès 8 heures du matin, une délégation à la Direction de la
Police, pour exiger le retrait des troupes gouvernementales.
Les marins déclarent que le seul moyen d’éviter de nouveaux
accrochages est de leur confier la garde du bâtiment. Le
capitaine Marks se met en rapport avec l’État-Major du
général von Lüttwitz et demande des instructions. I1 reçoit
l’ordre de répondre par un refus catégorique. A la sortie,
le quartier-maître Kloppel, très aimé de ses camarades, est
mortellement frappé dans le dos par une balle de revolver,
tirée de l’intérieur de la Direction de la Police. Hasard ou
provocation? Nul ne le saura jamais. Mais cet incident porte
tt son comble l’exaspération des matelots et va contribuer
h donner aux collisions des jours suivants une ampleur et
une acuité inconnues jusqu’ici.
A la même heure, le corps franc du général von Lütt-
witz, composé de l’Alexander-Ersatz-Regiment, du régiment
A u g u s t a et de plusieurs autres formations, fait son entrée
dans la capitale, venant de Zehlendorf. I1 s’installe dans
les écoles et les bâtiments publics situés aux environs de
l’hlexanderplatz. Dans l’après-midi, des sections de matelots
toujours plus nombreuses viennent se mêler aux manifestants
qui s’ameutent de nouveau devant la Direction de la Police.
Toute la nuit la foule assiège le bâtiment où se trouve
enfermé le détachement du capitaine Marks. Toute la nuit,
les soldats du gouvernement font feu sur les manifestants.
LA REICHSWEHR PROVISOIRE 203
Mais la foule grossit d’heure en heure : les marins de Dor-
renbach distribuent aux civils les armes et les munitions
accumulées dans le Marstall e t le Volksmarinehaus, les deux
citadelles de l’insurrection.
Le jeudi 6 mars va décider du sort de la révolution.
Dès le lever du jour, le corps franc de Lüttwitz entre en
action. La brigade du colonel Reinhard et d’autres forma-
tions armées prennent position sur l’Enckeplatz, d’où ils
essayent d’envoyer des renforts au capitaine Marks, cerné
depuis la veille et dont la résistance commence à faiblir.
Hommes et mitrailleuses sont chargés sur trois camions,
précédés d’un char d’assaut. Mais la colonne ne parvient
pas à enfoncer les barricades, élevées par les matelots dans
les rues avoisinantes.
Devant l’inutilité de cette tentative, le colonel Reinhard
donne l’ordre à ses hommes de procéder à un assaut en
règle. Les scènes du front se renouvellent au cœur de la
capitale. A 14 h. 30, une section d’infanterie et une batterie
d’artillerie lourde réussissent à se frayer un passage à travers
le Spittelmarkt. D’autres troupes, commandées par le colonel
von Kohden et le capitaine von Specht s’avancent, venant
du nord et du sud. A 15 heures l’attaque est déclenchée
de tous les côtés à la fois. Les voltigeurs de la section
Henschkel, placés en première ligne, et les officiers qui
commandent les troupes gouvernementales sont animés
d’une détermination farouche : ils sont résolus à laver
l’humiliation que leur ont infligée les matelots, lors des
combats de Noël.
Le premier objectif des soldats de la Garde est de déloger
les marins des bouches du métropolitain, o u ils se sont
retranchés. La station de l’hlexanderplatz est prise sous
le feu des canons et des lance-mines, postés en batterie sur
la place du marché de Werder. Obus et torpilles s’abattent
en rafales sur la chaussée, y creusant de vastes entonnoirs.
Bientôt les insurgés sont obligés d’évacuer leur position et
de chercher un refuge dans les immeubles avoisinants. Les
troupes gouvernementales s’élancent a u pas de charge et
parviennent à dégager la Direction de la Police, fortement
1. C’est le jour où l’hssembléc de Weimar vote la loi sur la Rcichswebr provi-
Boire.
204 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
+ +
+ +
1. Marloh avoua lui-même, au cours du procés qui lui fut intenté par la suite,
qu’il avoit l’intention d’en fusiller 80 ou 100. U n capitaine (dont on ne sait pas
le nom) intervint i temps pour l’en empêcher.
2. NOSKE,o p . cit., p. 110.
LA R E I C H S W E H R P R O V I S O I R E 211
d’ouvriers de Berlin. Le Conseil est dissous et la salle des
séances occupée par la troupe. La dernière citadelle du Spar-
takisme est tombée.
Dans le courant de l’après-midi, le calme se rétablit peu
à peu dans tous les faubourgs de la capitale. Si nom-
breux soient-ils, les revolvers et les mitrailleuses ne peuvent
pas l’emporter sur les canons et les tanks. La Division de
la Marine populaire est anéantie. Dorrenbach s’enfuit à
Brunswick l. Les derniers insurgés de Lichtenberg se sou-
mettent et déposent les armes.
Le 13 mars, la deuxième révolution berlinoise est défini-
tivement écrasée.
Une semaine à peine après le vote de la loi qui lui confère
une existence légale, l’armée nouvelle a remporté une vic-
toire décisive.
Le même jour, Noske monte à la tribune de l’Assemblée
de Weimar et annonce, au milieu d’un tonnerre d’applau-
dissements, que la Reichswehr a triomphé des formations
spartakistes.
- Pendant une semaine, dit-il, la bataille a fait rage
dans toute son horreur. J e puis vous dire aujourd’hui que
l’insurrection est écrasée.
Douze cents morts 2, plus de dix mille blessés, tel est,
pour la seule région de Berlin, le bilan de cette semaine tra-
gique. Mais peut-être le nombre des victimes aurait-il
été encore plus grand, si les troupes nationales n’étaient
pas intervenues à temps. Car la vague d’anarchie aurait
submergé la capitale et se serait étendue ensuite à l’ensemble
du pays. Seule, une action énergique pouvait écarter ce péril.
Aussi n’est-ce pas sans raison que Noske a pu écrire : (( Pour
ma part, j’ai conscience d’avoir accompli mon devoir. J e ne
crains pas le jugement de la postérité 3. n
1 4
* *
Dès le début de 1918, l’écroulement de l’empire des Tsars
a mis la Russie dans l’obligation de conclure une paix
séparée avec l’Allemagne.
P a r le traité de Brest-Litowsk, la Russie a renoncé for-
mellement à la Pologne, à la Lithuanie, à la Courlande,
à l’Esthonie, à la Livonie, et a autorisé l’Ukraine à se cons-
216 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
t
* *
A l’est, les Empires centraux ont donc atteint - e t
même dépassé - leurs objectifs essentiels. Mais jamais
triomphe n’aura été plus fragile ni plus éphémère. Dans
quelques mois, l’Allemagne s’effondrera à son tour.
Voyant approcher la débâcle et sachant, depuis le
6 novembre, que l’Allemagne v a être obligée de capituler
sur la base des 14 points de Wilson, - dont le 13e promet
l’indépendance à la Pologne1, - le prince Max de Bade
s’empresse de libérer Pilsudski. Le 9 novembre au matin,
deux officiers en civil, le comte Harry Kessler, oficier de
la Garde impériale et le D* Schultze, bras droit du général
von Beseler, gouverneur de Varsovie, se présentent à la
prison de Magdebourg, pénètrent dans sa cellule et annoncent
au chef du P. O. W. qu’il est libre. Une auto les attend
pour les conduire à Berlin. Surpris par cette libération
inattendue, Pilsudski demande à ses deux visiteurs pour-
quoi ils sont en civil. Embarrassés, ceux-ci finissent par lui
avouer que c’est par mesure de prudence, car les révolu-
tionnaires sont maîtres de la ville.
Les trois hommes se rendent incognito à Berlin, où les
Allemands s’efforcent de rallier Pilsudski à leur cause. Ils le
prient de s’abstenir de toute manifestation hostile à 1’Alle-
magne, .peut-être même de renoncer à revendiquer la Pos-
nanie pour le nouvel É t a t polonais 2. Mais Pilsudski, en
technicien de l’insurrection armée, a jugé la situation d’un
coup d’œil. Si on l’a libéré in extremis, si on a multiplié les
prévenances à son égard, c’est que les Empires centraux
ont perdu la guerre. Ce n’est donc pas le moment de leur faire
des concessions. Tandis que l’ancien commandant de la
* +
La plus urgente, à coup sûr, est la question de Posnanie.
Mais à Berlin, nul ne sait exactement ce qui s’y passe. Des
rapports contradictoires, émanant des autorités allemandes
de Posen, aflluent au ministère de l’Intérieur. Désirant être
mieux renseigné, Ebert charge M. Iielmuth von Gerlach,
sous-secrétaire d’gtat, de se rendre sur place pour y faire
une enquête.
Le 20 novembre, M. von Gerlach arrive à Posen l. I1 rend
visite a u général von Bock et interroge tour à tour l’0ber-
1. Toutes ces données sont empruntées à la brochure de M. von GERLACH.
Der Zusammenbrueh unaerer Polenpolitik, Berlin, 1920, rédigée sur la base de son
Rapport officiel.
LA REICHSWEHR PROVISOIRE 227
prnsident e t le Regierungsprnsident allemands, le nouveau
maire polonais, le Conseil d’ouvriers et de soldats allemands,
le Comité de ravitaillement mixte et le Conseil suprême polo-
nais. De l’avis unanime, la situation, fort troublée au cours
de la semaine précédente, tend à se stabiliser. Un accord est
intervenu entre autorités polonaises et allemandes pour assu-
rer le maintien de l’ordre.
I,e Conseil suprême polonais cherche à obtenir de M. von
Gerlach des précisions concernant la délimitation des fron-
tières. Mais le sous-secrétaire d’État se récuse : cette ques-
tion n’est pas de son ressort : elle dépend des Alliés. I1
demande toutefois à ses interlocuteurs de ne pas brusquer
les choses et de maintenir le statu quo jusqu’à ce que la
Conférence de Paris ait fait connaître ses décisions. Le
Conseil suprême y consent, à condition que le gouvernement
de B e r l i n promette de n e p a s envoyer ci P o s e n des troupes
élrangéres à l a province.
Au moment de regagner son train, M. von Gerlach reçoit
la visite d’un oficier de la Konzmandantur Celui-ci est visi-
blement ému par une nouvelle qu’il vient d’apprendre. Selon
une source bien informée, Berlin s’apprêterait à envoyer
pliisieurs régiments à Posen pour reconquérir la province.
L’oficier conjure hi. von Gerlach de faire pression sur le
gouvernement pour l’amener à renoncer à ce projet insensé.
Si ces unités sont dEjà en route, il faut les arrêter coûte que
coûte, car leur arrivée ne manquera pas de provoquer des
incidents sanglants. Ce sera la fin de la collaboration ger-
mano-polonaise.
Rentré à Berlin, M. von Gerlach fait un long exposé devant
le Conseil des Commissaires du Peuple. I1 explique qu’à l’ef-
fervescence des premiers jours a succédé une période de
détente et qu’il n’y a plus, à proprement parler, (( d’insurrec-
tion 1) en Posnanie. M. von Gerlach préconise une politique
de conciliation e t déconseille formellement toute interven-
tion armée. Celle-ci aurait pour effet de mettre la Posnanie
à feu et à sang. Alors, ce ne sera plus une poignée de batail-
lons, mais trente à quarante mille hommes qu’il faudra pour
rétablir l’ordre. Les Commissaires du Peuple lui donnent
1. Probablement le capitaine Anders, u11oficier d’origine polonaise attaché 21
l’État-Major du général von Bock.
228 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
r r
+ +
Saxons susceptibles de porter les armes t) (An das gesnrnte wehrfijhige Sachsen-
calk), pour qu’ils s’enrûlent dans les formations de volontaires d u Grenzscliulz-Ost.
2. Dés le 1 5 janvier 1919, hlgr Dalbor, évêque de Gnesen et Posen, avait lancé
un appel au maréchal Foch, le conjurant de mettre fin a u x incursions des Hei-
rnnlschützen allemands.
3. Cette ligne passe par : Cross-Neudorf, Schubin, Exin, Samotschin, Kolmar,
Czarnikau, Biala, Birnbaum, Bentschen, Wollstein, Lissa et Rawitsch.
4. a Les exigences relatives h l‘évacuation de la Posnanie et de la Haute-Silésie
étaient d’une portée tellement énorme, écrit ERZBERGER dans ses Mémoires
(p. 441), que je refusai de négocier a ce sujet sans i’approbation de l’Assemblée
Nationale. Avant m o n départ, j’avais prié plusieurs ministres prussiens de tra-
240 HISTOIRE D E L’ARYÉE ALLEMANDE
vailler à la conclusion d’un accord amiable avec lea Polonais. On m’avait répondu :
a La Prusse ne négocie pas avec des mutins. D J e fis remarquer qu’il serait bien
plus désagréable d’encourir des mesures de contrainte de la part de l’ennemi
et de se voir arracher plus de concessions que par une entente directe. Mes craintes
n’étaient que trop fondées II. On voit que le point de vue d’Erzberger corrobore
l a thèse de M. von Gerlach.
1. Pour obliger l’État-Major à respecter cette décision, les Socialistes décident
de couper tous subsides aux corps francs de l’est.
LIMITES
PROVISOIRES D E LA POLOGNE
établies par l’ultimatum allié du 20 février 1919.
I 16
242 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
+ +
I. - Magdebourg, Brunswick.
Les premières missions assignées par Noske aux corps
francs ont consisté à rétablir l’ordre à Brême et à Mülheim,
à Halle e t à Berlin. Ces opérations se sont déroulées dans le
cadre de la Prusse, ou plus exactement à l’intérieur des États
de la Confédération du Nord. A présent, la Reichswehr va
étendre son activité à l’ensemble du Reich. Plus sûre de ses
moyens e t plus forte en effectifs, elle va entamer la lutte
contre les gouyernements séparatistes qui ont pris le pou-
voir dans les Etats du Sud.
De ce fait, les corps francs voient grandir et se préciser
le rôle qui leur incombe. Ce qu’ils apportent désormais aux
provinces qu’ils traversent, ce n’est plus seulement l’ordre et
la sécurité. C’est un principe plus élevé, d’ordre historique et
moral. C’est l’idée de l’unité et de l’indivisibilité de l’Empire.
Cette idée dont la Reichswehr va se faire le porte-drapeau
trouvera son expression la plus complète dans les expéditions
entreprises contre la Bavière et la Saxe. Mais elle commence
déjà à prendre corps dans les opérations dirigées contre Mag-
debourg e t Brunswick.
+ +
1. Avant 1914, les sièges des XVIe et XXIe corps étaient Metz et Sarrebruck.
Du fait du retour de la Lorraine A la France et de l’occupation de la Sarre, ils
avaient 8 6 transférks à Magdebourg.
2. Landsberg avait occupé successivement, dans le Cabinet d’empire, les minir
tàres des Finances et de la Justice.
LA REICHSWEHR PROVISOIRE 247
Mais le lendemain, d‘anciens sous-officiers, appartenant au
26e régiment d’infanterie, constituent un premier embryon
de corps franc, sous le commandement du lieutenant Elste.
Le 8 avril, dans l’après-midi, ils occupent la citadelle, la
gare e t la Poste centrale. La foule, à laquelle se sont mêlées
quelques escouades de marins, cherche à les en déloger.
L,es manifestants sont repoussés à coups de grenades. A la
m6me heure, des bagarres éclatent autour du journal socia-
liste, la Vollsstirnrne, également défendu par une poignée de
sous-officiers. L’atmosphère devient de plus en plus orageuse.
Les extrémistes menacent de fusiller leurs otages.
La nouvelle de l’arrestation du ministre Landsberg et du
général von Kleist parvient à Berlin dans la nuit du 7 au
8 avril. E n apprenant la chose, Noslte bondit. Nulle part
ailleurs, les extrémistes n’ont fait montre d’une pareille
audace.
- Jamais je ne tolérerai de tels agissements! rugit-il en
martelant son bureau de ses poings énormes. Jamais je n’ac-
cepterai la dislocation du Reich!
11 prend sa plume et rédige un ultimatum à l’adresse du
Conseil de soldats du IVe corps, par lequel il lui intime
l’ordre de libérer séance tenante Landsberg et les autres
otages. Mais comme il prévoit que ce message n’aura aucun
effet s’il n’est pas appuyé par une démonstration de force, il
convoque le général Mmcker, lui prescrit de marcher immé-
diatement sur Magdebourg, et lui remet à cet effet les ins-
tructions suivantes :
10 Libérer le ministre et les oficiers emprisonnés.
20 1)ésarmer la I I ~ i r g c v v d i r .
30 ïransformer le Wachtreginient e t dissoudre la section de
matelots.
40 Appliquer dans t o u t e sa rigueur l’Ordonnance du ministre
de la Guerre d u I 9 janvier 1919 1.
50 Arrêter les individus ayant pris part B I’emprisonneincnt
du ministre e t des oliiciers, ainsi que tous les fauteurs de
troubles et les criminels 2.
1. Voir plus haut, chap. x, p. 15; e t 156.
2. Q.uc1iIurs bernaines aupa~”vmit,Iri Indépendants avaient ouvert les portes
des prisons, libérant indistincteiiient détenus politiques et condamnés de droit
commun.
248 HISTOIRE D E L’ARMBE ALLEMANDE
1. GénBrai M ~ R C K E RVont
, Kawsrhasr aw Reichswehr, p. 189.
250 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
1. C’est cet officier qui a reçu à Spa, le 10 novembre 1918, les premiers délé-
gués des Conseils de soldats (voir plus haut p. 55).
2. Au dernier moment, les extrémistes avaient cherché A enlever le ministre
Landsberg en auto, pour le conduire à Brunswick. Mais la voiture avait été arrê-
tee et le ministre relâché.
LA R E I C H S W E H R P R O V I S O I R E 251
était-elle terminée, écrit Maercker, qu’un péril nouveau faisait
planer son ombre sur nos têtes. Le 10 avril, au matin,
deux avions brunswickois sont apparus au-dessus de Mag-
dehourg et ont lancé des tracts révolutionnaires sur la ville.
Le même jour, des appels de plus en plus pressants sont
parvenus de diverses localités du Brunswick, où les extré-
mistes molestent les ouvriers qui ont repris le travail.
Le 12 avril, le ministre de la Guerre de Saxe, M. Neu-
ring, a été assassiné à Dresde par une troupe de mutilés
de guerre spartakistes. Noske envoie aussitôt au général
Mærcker l’ordre de marcher sur Brunswick, tandis que le
corps franc de Gorlitz se dirige sur Dresde.
Le 14 avril, dans la matinée, les Chasseurs sont passés
en revue par le général von Kleist. Sac au dos e t drapeaux
déployés, les troupes défilent en tenue de campagne devant
l’ancien commandant du IVe corps. Le lendemain, au petit
jour, les premiers trains militaires les emmènent vers leur
destination nouvelle.
*
* 1
*
* *
Une fois ces heures d’exaltation passées, il s’agit de
remettre de l’ordre dans les affaires du pays. Sepp &ter et
Eckardt, sentant la partie perdue, viennent se constituer
prisonniers. (( J e jugeai opportun, déclare le général Mær-
cker, de leur rendre leur détention aussi légère que possible. ))
Quant à Dorrenbach, il reste introuvable. Eichhorn pour sa
part s’est enfui en avion.
Mais si la population de Brunswick a reçu les corps francs
avec enthousiasme et si les milices révolutionnaires se sont
soumises sans combattre, il n’en va pas de même des élé-
ments gouvernementaux. Pour incroyable que cela paraisse,
ceux-ci adressent à Noske un télégramme de protestation,
dénonçant le caractère illégal de l’intervention de Mærcker.
Cette accusation mérite qu’on s’y arrête, car malgré les
apparences, elle est juridiquement fondée. E n avril 1919, la
Constitution de Weimar, bien qu’esquissée dans ses grandes
lignes, n’est pas encore votée l, Ses clauses, et en particulier
l’article 48 qui donne au gouvernement du Reich (( le droit
d’intervenir par les armes dans les pays faisant partie de la
Confédération afin d’y rétablir l’ordre 2 »,ne sont pas encore
entrées en vigueur. Seule a donc force de loi l’ancienne
Constitution de 1871, aux termes de laquelle toute inter-
vention de la Prusse exige, a u préalable, l’assentiment du
Bundesrat. Or le Bundesrat n’existe plus depuis novembre
1918. I1 est donc impossible de le convoquer. (( On se trou-
vait, écrit Mærcker, devant cette situation paradoxale : le
gouvernement du Reich n’avait aucun moyen légal de châ-
tier les Etats qui mettaient en péril la sécurité de l‘Empire.
Pour justifier son action, le Reich ne pouvait invoquer que
l’instinct de conservation. n
Mais si Noske a violé la Constitution, est-ce bien a u x
extrémistes de le lui reprocher? N’ont-ils pas violé, les pre-
miers, la convention de 18677 Enfin n’y a-t-il pas quelque
ironie à voir des révolutionnaires invoquer la constitution
impériale?
1. Elle ne sera ratifiée que le 11 août 1919.
2. Voir plus haut chap. XI, p. 167.
260 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
II. - Munich.
Que se passe-t-il donc à Munich, pour plonger ainsi l’,Alle-
magne dans un tel état d’anxiété? Se peut-il que les événe-
ments y soient d’une gravité si exceptionnelle? C’est ce que
nous allons examiner à présent. Mais pour saisir plus exac-
tement l’ampleur des forces de désagrégation qui travail-
lent l’Allemagne du Sud, il faut d’abord se remémorer la
nature des liens qui rattachaient, depuis 1871, la Bavière
à la Prusse.
*
* +
Lorsqu’au lendemain de Sedan, Bismarck voulut pro fi-
ter de la victoire pour sceller l’unité allemande, il ne put
décider le roi de Prusse à ceindre lui-même la couronne
impériale. Guillaume Ier reculait devant un acte dont il
appréhendait les conséquences. I1 fallut donc que la cou-
ronne lui soit offerte par les princes de la Confédération.
Or, le premier de ces princes était Louis I I de Bavière, de
la dynastie des Wittelsbach.
Mais si le roi de Prusse hésitait à ceindre la couronne, le
roi de Bavière répugnait à la lui offrir. Pour l’y amener, le
Chancelier de Fer dut recourir à une manœuvre diploma-
tique, qui atteste la fertilité et la souplesse de son génie. I1
promit à Louis I I de récompenser son initiative généreuse
par un certain nombre d’avantages qui seraient inscrits
dans la nouvelle Constitution. Si le roi de Bavière s’obstinait
dans son refus, Bismarck ne lui en tiendrait pas rigueur.
Mais il 136 verrait obligé de faire offrir la couronne à Guil-
LA REICHSWEHR P R OVI S OI R E 263
laume Ier par le roi de Wurtemberg, et c’est lui qui recueille-
rait alors tous les bénéfices de l’opération.
Louis II se montra longtemps récalcitrant. K Croyez-vous
qu’il soit agréable d’être avalé? )) répondait-il d’un ton
boudeur aux démarches de ses conseillers. Mais les flatteries
de Bismarck et son habileté à jouer des rivalités dynas-
tiques finirent par triompher des résistances royaleS.Redou-
t a n t de laisser échapper les avantages qu’on lui offrait,
Louis II se résigna à subir la tutelle prussienne. Le 16 juil-
let 1871, une fois la campagne terminée, les armées du Sud
firent leur entrée triomphale à Munich. (( Le Roi chevau-
chait en tête du cortège, mais Frédéric de Prusse était h sa
droite, et c’était Frédéric le chef, le vainqueur; c’est à
Frédéric qu’allaient en réalité les acclamations. A son visage
maussade, à son front chargé de colère, il fut aisé de voir
que Louis I I était blessé l . 1)
Pourtant, les privilèges consentis à la Bavière par Bis-
marck étaient loin d’être négligeables. Ils laissaient aux Wit-
telsbach une autonomie, qui, pour être limitée, n’en était
pas moins réelle. Ils devaient hériter de la couronne impé-
riale à l’extinction de la dynastie des Hohenzollern. Le
Landtag et les organes de gouvernement bavarois étaient
maintenus dans leur intégrité, sauf en ce qui concernait les
chemins de fer et les Postes. L’armée gardait son indépen-
dance. Aucun régiment prussien n’avait le droit de péné-
trer en territoire bavarois. Les deux corps d’armée bavarois
conservaient leurs numéros d’ordre, leurs uniformes et leurs
garnisons z. Le roi de Bavière détenait seul le droit de
nommer les officiers. Enfin le commandement suprême de
l’armée n’était transféré à l’empereur d’Allemagne qu’en
cas de déclaration de guerre, le jour o~ était signé le décret
de mobilisation 3.
Après la déposition et la mort tragique de Louis II, sur-
1. Kurt Eisner, Jaff6, le professeur Fœrater, Gustav Landauer, Ernet Toller, eto.
LA REICHSWEHR PROVISOIRE 265
hollandaise; le prince Henri, frère de l’Empereur, s’attache
un brassard rouge a u bras et disparaît; le Kronprinz Ruprecht
de Bavière, abandonnant ses troupes, saute dans l’auto
à fanion rouge du Conseil des soldats de Bruxelles, et
Ludendorff, le visage dissimulé derrière une paire de lunet-
tes noires, s’envole sur un avion privé à destination de
la Suède.
E n quelques heures, les trônes sont renversés, les gou-
vernements dissous. A Munich, le pouvoir tombe entre les
mains du peuple, avant même qu’il l’ait brigué. Que va-t-il
en faire? I1 ne le sait pas encore. Où sont ses nouveaux
chefs? I1 ne les connaît qu’à peine. Mais dans la foule qui
encombre les rues et qui parcourt la ville en agitant des
milliers de drapeaux rouges, un sentiment très ancien se
fait jour, s’enfle, prend voix et se mêle au grondement des
cloches qui sonnent le tocsin : u Los von Berlin! n - u Sépa-
rons-nous de Berlin ... ))
* *
C’est à Kiel et à Munich que la révolution a éclaté : c’est
de ces deux pôles qu’elle est partie pour submerger le pays,
sous une double forme militaire et idéologique. Car à l’heure
où les marins de la Baltique désarment leurs officiers et se
répandent à travers l’Allemagne, on assiste, sur les bords
de l’Isar, à une levée de boucliers, fomentée, par des intel-
lectuels.
Le 7 novembre 1918, une grqnde démonstration en faveur
de la paix est organisée à Munich par les partis de gauche.
Vers 14 heures, 150.000 personnes, hommes, femmes et
enfants, conduits par un paysan aveugle du nom de Gan-
dorfer, se massent sur la Theresienwiese, au pied de la statue
de la Bavaria. 2.000 à 3.000 soldats - hommes d’étape et
permissionnaires - se sont joints au cortège. Une vingtaine
de meneurs socialistes prennent la parole sur des estrades
de fortune, dressées tous les vingt mètres. n D’instinct -
car aucun plan n’a été conçu - les soldats se réunissent
autour de l’orateur dont les discours sont les plus viru-
lents. C’est Kurt Eisner, un agitateur d’extrême gauche
récemment libéré de prison où il a été incarcéré pour propa-
266 HISTOIRE DE L’ARM9E ALLEMANDE
Citoyens,
Après cette longue guerre d’extermination et pour reconstruire
un noirvel Etat, le peuple a renversé le pouvoir civil et militaire
et s’est emparé du gotrvernenient. L’autorité supérieure appar-
tient désormais a u Conseil des ouvriers, soldats et paysans, choisi
par le peuple; il fonctionnera provisoirement jusqu’à ce que la
représentation définitive ait été fixée. Ce Conseil a tous les pou-
voirs, législatifs et exécutifs. Toute la gurnison s’est mise à la
disposition du gouvernement républicain. L e commandement de
la Place et la direction de la Police se trouvent sous nos ordres.
La dynastie des Wittelsbach est dépose‘e.
Vive la République!
Pour le Conseil des ouvriers et soldats :
KURTEISNER.
1. C’està-dire de la Pmse.
LA REICHSWEHR PROVISOIRE 273
Berne, préfère se désolidariser publiquement de son chef
hiérarchique. Dans un article reproduit par toute la presse
bavaroise, il en appelle ouvertement (( à la conscience des
Conseils d’ouvriers et de soldats »,et préconise a la collabo-
ration de tous ».La position d’Eisner est d’autant plus déli-
cate que, dans quelques jours, les premiers régiments du
front vont arriver à Munich, et que, pas plus qu’à Berlin,
nul ne sait comment les soldats vont se comporter à l’égard
de la révolution. L’agitation va-t-elle dégénérer en émeutes?
Mis en minorité a u sein du Cabinet et sommé par Auer de
se soumettre ou de se démettre, Eisner se rallie, à contre-
cœur, a u point de vue des socialistes. Le 3 décembre, des
affiches placardées dans toute la ville annoncent que le gou-
vernement s’est prononcé à l’unanimité (( contre les méthodes
terroristes et pour la prompte convocation d’une Assemblée
nationale ».C’est une victoire pour Auer et pour l’aile droite
du Cabinet.
Mais cette (( capitulation )) provoque la fureur des extré-
mistes. Les plus violents d’entre eux sont les Gardes rouges,
groupés autour d’un jeune intellectuel anarchiste, Erich
Mühsam, et l’inévitable Division de matelots venus de Kiel,
commandée par un ancien aviateur de la marine, Rudolf
Eglhofer.
Inquiets des progrès croissants de la contre-révolution, et
inspirés par l’exemple de leurs émules berlinois, Eglhofer e t
Mühsam décident de passer aux actes avant qu’il soit trop
tard.
Dans la nuit du 7 décembre ils se livrent, de leur propre
chef, à une tentative de coup de force. Accompagnés de
quatre cents hommes armés, ils envahissent les salles de
rédaction des principaux journaux munichois et déclarent
vouloir instaurer la dictature du prolétariat. Eisner, réveillé
a u milieu de la nuit, s’habille en toute hâte et se rend sur
les lieux pour calmer les esprits et s’opposer aux violences.
Impressionnés par sa crânerie, les Gardes rouges se rendent
alors chez Auer, au ministère de l’Intérieur dont ils forcent
les portes. Au milieu des cris et des huées, ils exigent que
le ministre leur remette sa démission. Sous la menace des
revolvers, Auer se voit contraint de signer la déclaration
suivante : (( Dans la nuit d u 7 décembre, j’ai été assailli
I ia
274 HISTOIRE D E L’ARMI?E ALLEMANDE
voylons un Bavarois!
Ecœuré par la sottise et l’ingratitude de ses contempo-
((
i i
lité, du district situé au nord de Munich, que l’on s’attend à voir attaque par les
troupes contre-révolutionnaires du gouvernement Hoffmann.
LA REICHSWEHR P R O V I S O I R E 285
populations est à son comble, que les paysans s’opposent,
l’arme à la main, à toute réquisition de lait et de farine, que
les salves crépitent dans les cours des prisons et que
les cadavres des victimes pourrissent en plein air en atten-
dant que leurs familles viennent les réclamer, les (( Dicta-
teurs )) se conduisent comme en pays conquis, et ménent au
palais royal une existence fastueuse: Dans les salons de la
Résidence, c’est un va-et-vient incessant d’aventuriers et
d’élégantes, de dactylos en robes de bal et d’énergumènes
débraillés. Le champagne coule à flots, et les scènes d’orgie
se prolongent jusqu’à I’aube.
Toutes ces dépenses sont portées au compte de l’État.
Eglhofer se distingue par le luxe dont il s’entoure. I1 s’est
constitué une garde du corps personnelle - formée de deux
compagnies de 350 hommes chacune - qui ne recule devant
aucune exaction. Le jour où elle fracture les caveaux de la
succursale munichoise de la Reichsbank, Eglhofer s’adjuge
la part du lion et distribue à (( son personnel 1) des coupures
de 1.000 marks. On est loin des projets de (( régénération
humaine », élaborés par Kurt Eisner et ses disciples.
Est-il surprenant qu’à ce train les coffres de 1’Etat soient
bientôt vides? Le commissaire préposé aux finances, un
employé de banque de vingt-cinq ans nommé Manner, chargé
de pour.voir à la rentrée des fonds, a recours aux grands
moyens : il fait fonctionner la planche à billets. Le problème
est résolu : désormais, chaque soldat de l’armée rouge pourra
être millionnaire...
Aussi les effectifs grossissent-ils rapidement l. Les hauts
salaires et les bons de nourriture ne sont pas à dédaignes,
en ces temps de disette. L’Armée rouge compte bientôt près
de 20.000 hommes, équipés grâce aux stocks réquisitionnés
dans les casernes 3. Les milices bourgeoises sont désarmées
1. On enrôle même des anciens prisonniers russes, libérés des camps d’interne.
ment et qui sont passés au communisme.
2. Les hommes touchent 25 marks par jour. Les sous-officiers 1.000 marks par
mois, plus une o. indemnité n (Handgeld) de 3.000 marks. Les gradés 3.000 marks
par mois plus une indemnité pouvant aller jusqu’à 15.000 marks. On calcule que
l’armée rouge coûte 500.000 marks par jour au gouvernement (Berliner Tageblalt,
26 avril 1919, édition du matin).
3. Principalement aux dépôts du 7 e régiment d’artillerie de campagne et du
1er régiment d’infanterie.
286 HISTOIRE DE L’ARMÉE ALLEMANDE
r i
+ +
+ *
On a beaucoup exagéré l’importance militaire de la
bataille de Dachau dont on a fait quelque chose comme un
(( Valmy 1) bavarois. Au point de vue militaire, l’action -
1. Toller avait été mis à l’écart quelques jours auparavant. Son succès à Dachau
avait porté ombrage à l’amour-propre des a dictateurs n.
294 HISTOIRE DE L’ARMBE ALLEMANDE
* *
1. Ceux-ci semblent n’avoir pas été au courant des engagements pris par
Hoffmann envers Noske. Ils se rendirent même à Berlin pour tâcher d’obtenir
une formule transactionnelle. I1 va sans dire que leur démarche se heurta à un
refus.
2. suivant le principe des ~andesmannschaf~en, voir vol. 11, chap. vIII.
3. Voir au volume II, le chapitre relatif au putsch de Hitler en 1923.
XVII
III. - Dresde,Leipzig.
Pour ramener tout le reste de l’Allemagne du Sud au res-
pect de la Constitution de Weimar et étouffer les derniers
foyers de séparatisme, il n’y a plus qu’à étendre à la Saxe
le succès de l’action exécutive bavaroise.
Cette mission, c’est le général Mærcker qui va en être
chargé. Mais la conquête de la Saxe, exécutée par le corps
des Chasseurs, - qui s’appelle à présent la XVIe brigade de
la Reichswehr, - n’offre pas un caractère aussi dramatique
que la marche sur Munich. Nous nous contenterons donc
d’en retracer les épisodes les plus saillants.
t
+ i
+ *
Surpris par l’arrivée inattendue des Chasseurs, les extré-
mistes leipzigois cherchent à se ressaisir. Dès le lendemain,
12 mai, Kurt Geyer s’efforce de reconquérir le pouvoir en
déclenchant la grève. Soixante usines sidérurgiques sur les
191 que comprend la région ferment leurs portes. I1 faut
prendre des mesures très strictes pour étouffer dans l’œuf
ce nouveau mouvement d’insurrection. Les troupes reçoivent
l’ordre de protéger les ouvriers qui acceptent de reprendre
volontairement le travail. Tous les agitateurs et les distribu-
teurs de tracts sont arrêtés. Le régiment von Oven est
chargé d’occuper l’usine à gaz et d’en assurer le fonctionne-
ment. Cette opération s’effectue au cours des journées sui-
vantes, avec l’aide de la section du génie du corps des
Tirailleurs de la Garde montée, envoyée spécialement de
Berlin.
Dès le 13 mai, le colonel von Oven - qu’il ne faut pas
confondre avec le général du même nom qui a commandé
l’expédition de Munich - peut annoncer que le travail a
repris dans tout son secteur. Le 15, la grève est virtuellement
terminée.
Le 18 mai, au matin, le général Mærcker organise une
parade dans le quartier résidentiel. A sa demande, le géné-
ral von Leuthold, ancien commandant du XIXe corps,
passe en revue les troupes. D’abord marchent les Chasseurs
saxons, puis viennent les Grenadiers de la garde de Neuf-
ville; les Chasseurs de Mærcker ferment le cortège, qui se
déroule devant une foule aussi nombreuse qu’enthousiaste.
((Après le cauchemar de ces dernières semaines, écrit le
général Mærcker (et l’on remarquera la fierté qui perce
à travers ces lignes), on vit se déployer de nouveau comme
un reflet de la force et de la discipline de l’ancienne armée.
Les trompettes sonnaient, les drapeaux claquaient au vent.
I1 y avait encore des soldats en Allemagne! ))
L‘échec du dernier mouvement de grève a brisé la résis-
tance des révolutionnaires. Le calme qui règne en ville
permet au général Mærcker de diminuer l’effectif des troupes
d’occupation. Le 18 mai, immédiatement après la parade,
LA REICHSWEHR PROVISOIRE 305
la IVe section de Chasseurs et le train blindé no 54 repartent
pour Eisenach. Le régiment von Oven quitte Leipzig le
même jour. Le 21 mai, le train blindé no 21 remonte vers le
nord, pour assurer la défense des frontières de l’est, où
subsiste, malgré l’ultimatum de Foch, une certaine effer-
vescence, tandis que la I r e brigade des Chasseurs saxons
est remplacée par deux bataillons de la 2e brigade.
Désormais, les Chasseurs peuvent considérer leur tâche
comme terminée. L’autorité du gouvernement du Reich
est rétablie en Saxe.
La population civile a été désarmée;le Régiment de sécu-
rité a été dissous; à la place des diverses formations révo-
lutionnaires, un bataillon de Volkswehr et des compagnies
de protection, formées de volontaires à court terme, sont
en train de se constituer l. Elles sufiiront bientôt pour
assurer l’ordre dans le pays.
Afin d’accélérer la formation de ces milices, le général
Marcker prononce, le 24 mai, un grand discours dans 1’Aula
de l’université de Leipzig. Mais le commandant en chef des
Chasseurs n’y parle pas seulement de questions de recrute-
ment. Par-dessus la tête des étudiants leipzigois, il s’adresse
à la jeunesse universitaire d’Allemagne. Brossant à grands
traits un tableau dü pays tel qu’il se présente après cinq
mois de révolution, il compare le rale joué, durant cette
période, par les différentes classes de la population.
(( Pendant mes cinq mois d’activité en Allemagne centrale,
LE TRAITE DE VERSAILLES
ET LA DISSOLUTION
DE LA REICHSWEHR PROVISOIRE
XVIII
LA CONFÉRENCE DE PARIS.
* *
Après avoir tenu les premières réunions plénières, les plé-
nipotentiaires représentant les quatre grandes puissances
alliées - Clemenceau, Wilson, Lloyd George et Orlando
- se mettent d’accord pour créer un Comité spécial, chargé
de rédiger les clauses militaires, navales et aériennes du
Traité 2. Dans l’esprit de lord Balfour, - inspirateur de ce
Comité, - ces clauses devraient être présentées immédiate-
ment à l’Allemagne, car plus le temps passe et moins 1’Alle-
magne sera disposée à les accepter. Mais cette procédure est
repoussée à la demande de Clemenceau. Le délégué de la
France ne veut pas que les clauses militaires fassent l’objet
d’un arrangem-ent séparé et demande qu’elles soient incor-
porées à l’ensemble du Traité.
1. David LLOYDGEORGE, The Truih about the Peace Treaties, Londres, 1938,
vol. I, p. 587. II faut remarquer à ce sujet que, comme l‘Angleterre n’envisageait
nullement de diminuer sa marine, et que c’est elle qui s’était attribué la part du
lion dans l’empire colonial allemand, l’armée française était la seule force SUS-
ceptible de mettre en question son hégémonie mondiale.
2. David LLOYDGEORGE, op. cit., vol. I, p. 590. Toute la discussion, telle
qu’elle est relatée par le Premier britannique, merite d’être lue attentivement
(p. 591-596).
LE TRAIT& DE VERSAILLES 317
à leur compte l’argument que Clemenceau a avancé lui-
même à la veille de l’armistice. Lloyd George déclare donc
que la question du service obligatoire est une affaire poli-
tique plutôt que militaire, dont la décision incombe aux
chefs de gouvernement ». Le président du Conseil français
est agréablement surpris de voir la délégation anglaise
abonder dans ses vues. Il n’a pas si souvent l’occasion d’être
d’accord avec elle l.
Le 7 mars, en séance plénière, le Premier britannique
propose, et fait adopter avec l’appui de Clemenceau 2, une
résolution suivant laquelle les clauses militaires, navales et
aériennes seront basées sur le principe du volontariat à long
terme, c’est-à-dire sur l’armée de métier. Le Comité militaire
est chargé de dresser un nouveau projet (( conforme à la
résolution du Conseil suprême 1). La thèse anglaise a triom-
phé. Cette décision va avoir une portée incalculable : elle va
doter la jeune république allemande d’une armée monar-
chique, qui sera perpétuellement à la recherche d’un (( sou-
verain ».
Le maréchal Foch s’incline devant cette décision et le
Comité militaire reprend ses travaux. Mais cette fois-ci,
les e x p e r t s français refusent d’entériner le chiffre de
200.000 hommes, accordés à l’Allemagne dans le projet pré-
cédent. Ce chiffre avait fait l’objet de longues discussions.
On avait parlé, tout d’abord, de 500.000 hommes, et la
délégation militaire britannique avait été d’avis que 1’Alle-
magne devrait $tre autorisée à conserver 400.000 hommes,
ne fût-ce que temporairement. En définitive le chiffre de
200.000 hommes n’avait été accepté par Foch que parce que
son projet était basé sur le service obligatoire à court terme.
I1 considère le volontariat à long terme comme une menace
directe pour la sécurité de la France. Force lui est, à présent,
d’en accepter le principe. Mais il cherchera à en pallier les
effets en ramenant les effectifs autorisés au niveau le plus
bas. Après des négociations laborieuses, le Comité militaire
finit par s’arrêter au chiffre de 140.000 hommes. Ce nouveau
1. Parlant de l’ensemble de ses rapports avec Lloyd George, CLEMENCEAU écrit
(Grandeurs et Misères d’une victoire, p. PO) : a En de périlleux débats, jamais deux
hommes ne parurent plus près de s’entre-dévorer. n
2. W i f hthe support of Clemenceau ( H . W. V. TEMPERLEY, Histoire da la Confé-
rence de Paris, vol. II, p. 129).
318 HISTOIRE DE L’ARMEE ALLEMANDE
+ +
I . Ce paragraphe, que renforce l’article 177, a pour but d’interdire, et par consé-
quent de rendre illégales, toutes les associations paramilitaires comme les Ein-
wohnenvehren et les Zeitfreiwiliigs.
2. L’ensemble de l’armée allemande disposera donc en tout de 5 canons de
rechange.
LE TRAIT& DE VERSAILLES 321
et plus petits; à 500 coups par pièce pour les calibres supé-
rieurs (art. 167).
La fabrication des armes, des munitions et du matériel
de guerre quel qu’il soit, ne pourra être effectuée que dans
les usines et fabriques dont l’emplacement sera porté à la
connaissance et soumis à l’approbation des gouvernements
alliés. Tous les autres établissements ayant pour objet la
fabrication, la préparation, I’emmagasinement des armes, les
arsenaux et les dépôts de munitions seront supprimés. Leur
personnel sera licencié (art. 168).
Tout l’excédent d’armes, de munitions et de matériel de
guerre existant en Allemagne en sus des quantités autori-
sées, sera livré aux gouvernements alliés pour être détruit
ou mis hors d’usage. Cette livraison aura lieu sur tels points
du territoire allemand qui seront déterminés par lesdits gou-
vernements (art. 169). L’importation en Allemagne et l’ex-
portation à l’étranger des armes, munitions et matériel de
guerre de quelque nature que ce soit sont strictement prohi-
bées (art. 170). L’emploi, la fabrication et l’importation de
gaz asphyxiants ou toxiques sont prohibés. Sont également
prohibées la fabrication et l’importation des automobiles
blindées et des chars (art. 171).
Le Chapitre I I I est relatif au recrutement et à l’instruc-
tion des militaires. Tout service militaire obligatoire sera
aboli en Allemagne. L’armée allemande ne pourra être consti-
tuée et recrutée que par voie d’engagements volontaires
(art. 173). L’engagement des sous-oficiers et soldats devra
être de douze années consécutives. La proportion des hommes
quittant le service pour quelque cause que ce soit avant l’ex-
piration du terme de leur engagement, ne devra pas dépas-
ser chaque année 5 % de la totalité des effectifs fixés par
le Traité 1 (art. 174). Les officiers maintenus dans l’ar-
mée devront contracter l’engagement de servir au moins
jusqu’à l’âge de quarante-cinq ans. Les officiers nouvelle-
ment nommés devront contracter l’engagement de servir
e 4
allemands fussent réduits i 200.000 hommes B la date du 10 avril 1920 (en vertu
de l’article 163) e t h 100.000 i< la dale du 10 juillet 1920.
Ce délai supplémentaire, qui laissait un hattement de quinze mois entre le
moment ou les Allemands eurent connaissance des clauses militaires et la date
de leur mise i exécution effective, permit nux autorités allemandes de dissimuler
de grandes quantités d’armes et de munitions, dont elles se servirent pour armer
les Einrvohnrrwehren et les associations illégales, au f u r et ti mesure qu’elles désar-
maicnt la Reichswehr pro, isoire.
1. u Le système des ouvrages fortifiés du sud et de l’est de l’Allemagne sera
conservé dans son état actuel n.
2. CLEMENCEAU, Grandeurs et Misères d’une victoire, p. 213.
328 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
wehr exige en conséquence que les troupes stationnées sur le territoire de Reuss
soient bien accueillies. a
1. ci Bismarck avait vécu dans la terreur que le Reich qu’il avait créé ne pro-
voquat une coalition européenne qui essaynt de le détruire; mais il n’avait jamais
imaginé, comme le fait remarquer amèrement Bainville, qu’il se trouverait une
coalition assez stupide pour employer sa victoire a parfaire l’unité allemande D.
(John W. WHEELER-BENNETT, Le Drame de l’Armée demande, p. 49).
XIX
I. - Le duel Erzberger-Scheidemann.
Lorsque les clauses du traité sont connues en Allemagne, ce
n’est, d’un bout à l’autre du Reich, qu’un cri de colère et de
désespoir. (( La révélation des conditions de paix, écrit le géné-
ral Mærcker l, frappa comme la foudre tous ceux qui étaient
capables d’en saisir la portée. D Où sont les déclarations de
Wilson sur une paix (( sans indemnité ni annexions I)? Où
sont ses promesses sur le (( libre droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes D? Où sont les 14 points dont le prince Max de
Bade avait pensé qu’ils serviraient de cadre à un règlement
général, et sur la base desquels il avait accepté de déposer
les armes? (( L’incroyable est arrivé, s’écrie M. Fehrenbach,
président de l’Assemblée nationale. Nos ennemis nous présen-
tent un traité qui surpasse en dureté tout ce qu’auraient pu
imaginer nos plus grands pessimistes! N L’opinion publique,
tenue dans l’ignorance de ce qui se passe à Versailles, et
qui a presque oublié qu’il doit y avoir un traité de Paix,
découvre soudain la vérité. Elle s’insurge devant ce docu-
ment sans équivalent dans l’histoire, où les clauses morales
et financières, militaires et territoriales s’enchaînent et se
complètent comme les attendus d’un verdict. L’ampleur
de la catastrophe se fait jour dans les esprits. Qu’était-ce
que l’armistice? Une suspension d’armes conclue par une
poignée de plénipotentiaires dans la clairière d’une forêt, la
cessation des combats, la fuite de l’Empereur. Tous ces
événements s’étaient passés en dehors du pays - à Spa et
à Rethondes - et la nation, dont l’attention était accapa-
rée par la guerre civile et la révolution, n’y avait pas prêté
I . MBRCKER, Vom Kaiserheer zw Reichswehr, p. 284.
LE TRAIT$ DE VERSAILLES 331
suffisamment attention. Les militants extrémistes n’avaient
cessé de lui répéter : N Que l’Empereur et sa clique s’en
aillent, et les Alliés nous accorderont une paix équitable!
Elle les avait crus sur parole. Guillaume II était parti.
L’affaire était donc réglée ... Le cauchemar se dissipait, une
ère nouvelle allait naître. Même les incidents les plus dra-
matiques de ces journées s’auréolaient d’une espérance indé-
finissable ...
Mais à présent, c’est bien la défaite, la défaite inexorable
avec son cortège de servitudes et d’humiliations. Une
indemnité à payer dont le montant n’est pas encore fixé
et dont le paiement s’étendra sur plusieurs générations l,
la perte de la Posnanie, de la Silésie et de la Prusse occi-
dentale,. le territoire de l’Empire coupé en deux tronçons
par le corridor de Dantzig, la réduction de l’armée à cent
mille hommes, la dissolution du Grand fitat-Major et la
livraison des coupables, la perte des colonies africaines et
asiatiques 2 sont des exigences trop claires pour que l’on
puisse s’y tromper. Pour la première fois, l’Allemagne
mesure l’étendue de sa chute. Si l’on ne savait pas ce qui
est arrivé depuis, on serait tenté d’écrire qu’elle est par-
venue au point le plus bas de sa courbe historique.
Un vent de panique souffle sur le pays. Partout, dans les
États-Majors, dans les ministères, dans les couloirs du Par-
lement, des groupes anxieux se forment et s’interrogent.
Que faire? Signer? Ne pas signer? En l’espace d’une mati-
née, les hommes d’Etat changent vingt fois d’avis, passant
alternativement de la résistance hautaine à l’abattement
le plus profond. Les idées les plus folles se font jour. Aban-
donner l’occident et se jeter dans les bras de la Russie
1. E n vertu de l’article 231 du Traité, <I tous les dommages de guerre causés
dans tous les pays n devaient Ctre payes par l’Allemagne. Le montant de ces
dommages f u t fixé par la Commission des Réparations, le 24 janvier 1921, P
212 milliards de marks-or, payabIes en quarante-deux ans. Ce chiffre astrono-
mique fut obtenu en aioutant le mût de la guerre aux réparaiions proprement
dites. I1 provoqua une protestation très vive de John Foster Dulies, conseiller
juridique de la Délégation américaine P la Commission des Réparations. Le pré-
sident Wilson lui-mCme fut obligé de convenir que cette exigence était ineompa-
tible avec les engagements pris envers le pri:rce M a x de Bade, antérieurement à la
signature de l‘armistice et ne correspondail en rien à ce qu’on avait permis ù 1’Alle-
magne d’espérer. (The intinrate papers 01 Colonel House, IV, p. 343).
2. La valeur des colonies allemandes, estimée à Y milliards de dollars, n’était
pas déduite du montant des réparations.
332 HISTOIRE DE L ’ A R M ~ E ALLEMANDE
I. - SI LA PAIXEST SIGNÉE.
a) Conséquences en politique extérieure :
- L’état de guerre cessera.
- Le blocus sera supprimé.
- Les frontières s’ouvriront, nous recevrons de nouveau
des vivres et des matières premières.
- Les prisonniers de guerre rentreront.
-La Pologne sera obligée de renoncer à ses intentions
offensives.
- L’unité du Reich sera maintenue.
b) Conséquences en politique intérieure :
- Les charges fiscales seront très lourdes, mais le travail
pourra être repris.
- Le bolchévisme perdra sa force d’attraction.
- Le gouvernement actuel se maintiendra, selon toute
vraisemblance, au pouvoir.
-Les milieux de droite et une partie de la bourgeoisie
libérale déclencheront une lutte acharnée contre le gouver-
nement. I1 n’est pas impossible qu’il y ait un coup de force
1. ERZBERGER,
op. oit., p. 423-424.
I 22
338 HISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
c
.+
A la demande d’Erzberger, le Cabinet se réunit en séance
secrète les 3 et 4 juin, (( pour examiner les conséquences
probables d‘un refus, en prenant comme base les termes de
son mémorandum ». Mais malgré le caractère dramatique
des prédictions d’Erzberger, celui-ci est encore le seul à pré-
coniser la signature. En face du désastre qu’entraînerait un
rejet, il s’efforce de minimiser les charges qui résulteront de
la ratification.
1. Citd d’après SCEEIDBMANN, L’Eflondrement, p. 269-273.
2. SCEBIDBYAUN, op. ci&, p. 269.
340 EISTOIRE D E L’ARMÉE ALLEMANDE
1. Voir E. O. VOLKUANN,
La Rdvolution allemande, p. 228.
LE TRAITÉ DE VERSAILLES 345
foyers, de rétablir l’ordre intérieur et d’endiguer le chaos.
C’était une mission technique, écrasante sans doute, mais oii
la discussion ne portait que sur le choix des moyens. A pré-
sent les choses se passent sur un tout autre plan : celui de
sa conscience. On lui demande de choisir pour son peuple
entre deux voies également obscures.
Sans ajouter un mot, le Maréchal se retire. Lui que n’ont
pu ébranler ni l’échec de l’offensive d’avril, ni les journées
de novembre, ni les combats de Noël, pour la première fois
de sa vie il ne peut trouver le sommeil. Longtemps on l’en-
tend marcher de long en large dans sa chambre. Enfin, aux
premières heures du matin, il appelle son Quartier-Maître
Général et lui dit d’une voix sourde :
- J e suis d’accord avec vous sur le fond de la question,
et je ne crains pas de le proclamer ouvertement. Mais je ne
puis me départir des convictions qui m’ont lié durant toute
ma carrière. J e vous prie donc de remettre cette dédaration
au gouvernement du Reich :
G . Q. G., le 17 juin 1919.
En cas de reprise des hostilités, nous sommes militairement
en mesure, à l’est, de reconquérir la province de Posen et de
maintenir nos frontières. A l‘ouest, dans le cas d’une attaque
sérieuse de nos ennemis, nous ne pouvons guère compter sur une
victoire, en raison de la supériorité numérique de l’Entente et de
la possibilité d’un enveloppement sur nos deux ailes.
A u s s i , une issue favorable de l’opération d’enseni hle est-elle
fort problématique, mais je dois, en tant que soldat, préférer une
défaite honorable à une paix honteuse.
VON HINDENBURG.
t
r +
originaires du Wurtcmberg. Mais de par les fonctions qu’il occupe, Reinhardt s’est
complètement identifié A l’esprit prussien.
1. Ce que Reinhardt demande à Grœner n’est rien de moins, en somme, que
de se désolidariser du gouvernement si celui-ci accepte de signer le Traité.
LE TRAIT^^ D E VERSAILLES 347
ratification, mais sans aboutir à aucun résultat. On procède au
vote : huit ministres votent contre la signature et six pour.
Bien qu’Ebert sympathise avec les adversaires de la ratifica-
tion, il estime qu’une majorité de deux voix n’est pas sufisante
pour assumer la responsabilité d’une décision aussi grave.
Puisque les ministres ne parviennent pas à se mettre d’ac-
cord, il faut trouver une instance supérieure pour les dépar-
tager. Ce ne peut être le Parlement, lui-même très divisé.
Ce sera donc l’État-Major, - puisque l’État-Major, en tout
état de cause, est l’arbitre de la situation.
*
C C
nouvel état de choses, dbclara le Roi à Bismarck, tandis que moi, je n’y tiens
pas le moins du monde. Je ne tiens qu’a la Prusse. D
1. I1 s’agit de celles qui ont trait à la livraison de Guillaume II et des a crimi-
nels de guerre n.
LE TRAIT& DE VERSAILLES 349
ment et l’Assemblée nationale ne tenaient pas compte de
ce refus, tous les officiers sensés seraient obligés de se
démettre et les autres seraient rejetés dans le camp de
l’opposition ».
Grœner, qui a gardé jusqu’ici le silence, a suivi l’exposé
de Noske avec un soulagement croissant. I1 en a déduit
que le futur président du Conseil prendra la responsabilité
de signer le Traité, à l’exclusion des (( clauses morales ».
Le moment lui semble donc venu de jeter dans la balance
l’avis du Commandement suprême. Tel nous l’avons vu
au matin du 9 novembre 1918, tel nous le retrouvons le
19 juin 1919. L’homme n’a pas changé. C’est toujours le
technicien réaliste et lucide qui refuse de se laisser entraîner
dans des combinaisons hasardeuses et de baser ses actes
sur les réactions du sentiment. Lui qui n’a pas craint, à la
veille de l’armistice, de déclarer que (( le serment au dra-
peau n’était plus qu’un vain mot )) pour ramener la dis-
cussion sur le terrain des faits, c’est en termes presque
identiques qu’il va s’efforcer de grouper tous les officiers
derrière Noske.
- Ce qui prime tout, à cette heure, déclare-t-il d’une
voix vibrante, c’est le maintien de l’unité du Reich. Or
cette unité n’a d’autre garant que l’unité du corps des
officiers. C’est pourquoi tous les officiers, sans exception,
ont le devoir de se grouper derrière le ministre de la Reichs-
wehr. Pour sa part, le Haut-Commandement est décidé à
faire cause commune avec lui, quoi qu’il advienne.
Galvanisés par les accents du Quartier-Maître Général,
les officiers en viennent à prêter une sorte de serment de
fidélité à Noske. D’un commun accord, les généraux e t
le chef de l’amirauté lui expriment leur confiance. N’est-il
pas l’homme qui a reconstitué l’armée au lendemain des
combats de Noël? N’est-ce pas lui qui a fait voter par
l’Assemblée la loi du 6 mars sur la Reichswehr provisoire?
N’est-ce pas lui, enfin, qui a pris en main la direction des opé-
rations, quand l’Allemagne glissait à l’abîme? Toutefois, les
généraux spécifient que l’acceptation du Traité, expurgé des
((clauses morales »,marque l’ultime limite de leurs concessions.
1. E. O. VOLKMANN,
op. ci;., p. 251.
350 HISTOIRE DE L’ARMBE ALLEMANDE
+ *
A la même heure, un soleil radieux se lève sur la baie
de Scapa Flow 4, où la flotte allemande est prisonnière des
Anglais depuis le 21 novembre 1918. L’escadre britannique,
commandée par l’amiral Freemantle, quitte la rade et se
dirige vers le large, pour effectuer des exercices de tir.
Sachant que le traité de Paix va être signé d’un momer,t
à l’autre, le commandant en chef des forces navales alle-
LA SIGNATURE DU TRAITE DE P A I X
III. - La débâcle.
Le dimanche 22 juin, le nouveau Cabinet se réunit pour
rédiger la déclaration ministérielle. Les ministres se mettent
d’accord sur le texte suivant : (( L‘Assemblée nationale est
prête à signer le Traité, sans cependant reconnaître par là
que le peuple allemand est responsable de la guerre, et sans
prendre d’engagement au sujet des articles 227 à 230 l.
Les deux partis de la majorité proposent la motion sui-
vante : (( L‘Assemblée nationale approuve l’attitude du
gouvernement en ce qui concerne la question de la signa-
ture de la paix. ))
Mais en faisant le pointage des voix, on’s’aperçoit que,
sans les Indépendants, la motion n’est pas sûre d’obtenir
la majorité. Or, les Indépendants sont pour une signature
inconditionnelle. Ils trouvent que la motion élaborée par les
socialistes et le Centre n’est pas assez souple pour laisser a u
gouvernement toute latitude à l’égard des Alliés. Ils pro-
posent de lui substituer la formule suivante : (( L’Assemblée
nationale approuve la signature du Traité. ))
La droite et les démocrates protestent. On vote au milieu
d’un brouhaha indescriptible. Finalement, le texte des Indé-
pendants est adopté par 237 voix contre 138 et 5 abstentions.
Entre-temps, le chancelier Bauer a fait savoir à l’Entente
que l’Allemagne était prête à signer le Traité, à condition
que l’on en supprime les (( clauses morales )) e t que l’on
accorde au gouvernement du Reich un délai supplémen-
taire de quarante-huit heures.
SITUATION
MILITAIRE D E L'ALLEMAGNE (à la date du 6 mars 1919).
LE TRAITA DE VERSAILLES 361
Au début de l’après-midi, le gouvernement se présente
devant le Parlement. L’atmosphère est houleuse. Les natio-
nalistes insistent pour un vote nominal. Le président leur
dit : (( Le parti national allemand prend-il la responsabilité
de retarder encore la décision, en exigeant un vote nominal? 1)
Ce n’est qu’un cri dans toute la Chambre : (( I1 est mainte-
nant 16 heures. A 19 heures, les ennemis seront en marche! ))
Alors un vent de folie soume sur le Parlement. C’est une
débandade générale. Pris de panique, un groupe de députés
se ruent vers la sortie. L’un d’eux remplit le hall de ses
clameurs terrifiées : Mon auto? ou est mon auto? J e veux
partir tout de suite. Les aviateurs français seront ici d’un
instant à l’autre l. 1) Des scènes du même genre se déroulent
dans les couloirs. L’hémicycle se vide au milieu d’un brou-
haha indescriptible.
A 17 heures 15, le président Ebert télégraphie à la déléga-
tion allemande à Versailles pour l’informer que le gouver-
nement du Reich est prêt à souscrire aux conditions de paix.
L’acceptation allemande est portée à Clemenceau par
M. von Haniel, dix-neuf minutes seulement avant l’expira-
tion des délais prescrits. Jusqu’à la dernière seconde, Lloyd
George a cru que les Allemands ne signeraient pas. Clemen-
ceau lui tend la dépêche et se penchant à son oreille, lui dit
laconiquement : (( Voilà! ».
A 19 heures, l’ultimatum prend fin. Les trois millions de
soldats stationnés sur le Rhin, qui s’apprêtaient à franchir
le fleuve, remettent l’arme au pied.
i r
FIN D U T O M E P R E M I E R
TAB= DES MATmRES
DU TOME PREMIER
24
TABLE DES CARTES
DEUXrÈME PARTIE
LA REICHSWEHR PROVISOIRE
EMPÉCHE LA DISLOCATION DU PAYS
du Conseil (237).
-
- Le G. Q. G. allemand se transporte B
Kolberg (238). Projet allemand de contre-offensive (238).
- Ultimatum des Alliés (16ievr. 1919)(239).- Le retour des
-
troupes allemandes de Russie (240). L'armée du général
Haller arrive en Pologne (243).- Le rêve d'un empire alle-
mand de l'est survit à la défaite (244).
TROISI&ME PARTIE
LE TRAITE
DE VERSAILLES
ET LA DISSOLUTION
DE LA REICHSWEHR PROVISOIRE
(5973)
xuniÉRo D’EDITION : 3527
D ~ P O TLEGAL : ler TRIMESTRE 1964