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Mathématiques: Informatique

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Mathématiques

& informatique

Une nouvelle
Bibliothèque
Tang L'aventure .,,,athé.,,,atique
e

Tangente Hors-série n° 52

Mathématiques
et informatique
Une nouvelle ère numérique

© Éditions POLE - Paris - Juillet 2014


Toute re présentati o n , traduction , adaptation o u reproduction , mê me parti e lle, par tout procédé , sur
quelque support que ce so it , e n tout pays, faites sans autorisation préalable, est illicite e t exposera it
le contrevenant à des poursuites judiciaires (loi du 11 mars 1957).
ISBN : 9782848841519 ISSN : 2263-4908 Commission paritaire : 1016K80883
ProchaineI Dent
dans la Bibliothèq ue Tangente

EDITIONS.
POLE
Mathématiques
et informatique
La Société informatique de France
Le Prix Bernard-Novelli
Les perspectives de l'informatique au XXIe siècle
Informatique, popularisation et médiation
Intelligence artificielle et philosophie

DOSSIER mathématiques pour l'informatique


L'informatique n'existerait pas sans les mathéma-
tiques. Les procédures qu'elle utilise, les algorithmes et
les structures de langage qui permettent la program-
mation, la vérification de programme s'appuient sur
des théories mathématiques dont certaines ont été
créées spécialement dans ce dessein. Système binaire,
algèbre de Boole, notion de complexité ont apporté à
l'informatique le support théorique qui en fait une
science à part entière.

La préhistoire de l'informatique
Babbage et le premier ordinateur potentiel
Le programme de Lady Ada King
Les messages qui se corrigent tout seuls
Alonzo Church, Alan Turing et la calculabilité
Algèbre de Boole
Langages et récursivité
Langages rationnels et automates finis
Complexité de Kolmogorov
et profondeur logique de Bennett
Comment éliminer les spams

En bref

Notes de lecture

(suite du sommaire au verso)

Hors série n° 52. Mathématiques & inf


i •X•ti-1 ia,l1ntormauque pour les mathématiques
Comme toute progéniture reconnaissante, l'informa-
tique a bien rendu aux mathématiques ce qu'elle leur
doit. L'expérimentation, la simulation, le calcul haute
performance, la démonstration automatique sont
quelques-unes des nombreuses portes ouvertes par
l'informatique aux mathématiques.

Mathématiques expérimentales
Les automates cellulaires et le jeu de la vie
Démonstration, l'ordinateur à la rescousse
Espaces de Banach et informatique théorique
Le problème fondamental de l'informatique théorique :
P est-il égal à NP ?
La simulation numérique
Le calcul haute performance
Quelques problèmes de calculs

DOSSIER Des applications qui changent le monde


Mathématiques et informatique, une équipe gagnante.
Que d'applications de ce partenariat talentueux
voient régulièrement le jour ! Compression des
images, cryptographie, sécurité informatique ...
L'utilisation des modèles mathématiques sophistiqués
agissant sur les données massives ( en finance , biolo-
gie, commerce ...) fait même débat dans la mesure où
elle pose des questions d 'éthique inédites.

Images numériques, du pixel à la topologie


La méthode de Monte-Carlo :
application à un investissement financier
Pirater un site ou une messagerie
Limiter la collecte des données personnelles :
un problème juridique NP-difficile
Le langage des molécules du vivant
GroLopin et les plans projectifs finis
Le traitement du signal
Protégez-vous des hackers !
Le Cloud
Le classement des pages par les moteurs de recherche
Entre le robot et l'homme, les mathématiques
La cryptographie, à l'origine de l'informatique

En bref

Problèmes
Solutions

4 Tangente Hors série n° 52. Mathématiques &


par H. Lehning et M. de Ruelle EN BREF

le « Teorem » de Thales Une pascaline.


Ne c he rc hez pas une ou de ux e rre urs d 'ortho-
gra phe dans le titre de cette brève, la soc ié té
Thales a bien c réé un objet qu 'ell e a nommé
Teorem. Rie n à voi r avec le cé lè bre théorè me
de Thalès sauf, peut-être, l' idée d' un monde paral- L'Amstrad
lè le et proportionnel a u nô tre, ce lui de l'es- CPC464.
pionnage. Il s'ag it e n effet d ' un té lé phone
portable haute ment sécuri sé dont mê me le pri x
est secre t, que lques millie rs d 'euros selon nos
in forma tions. Ne cherc hez pas à l'achete r dan s
une boutique , vous ne l'y trouve rez pas.

l'infonnatique,
Le Teorem de Thales
ouvert. Le petit écran d'hier à aujourd'hui
supplémentaire informe
l' utilisateur du niveau L'informatique a totalement envahi le monde
de sécurité de la moderne, qui ne peut plus s'en passer, pas plus
communication. que de l'eau courante ou de l'électricité. Plus
encore que ces éléments indispensables de notre
environnement, l'histoire témoigne d'une accélé-
ration exponentielle du temps qui permet à chaque
instant de progresser autant que pendant les dix ins-
tants précédents.
De l'algorithme d'Euclide à la machine à calcu-
ler de Pascal, du premier ordinateur potentiel de
Babbage à la machine de Turing, des ordinateurs
géants aux PC, des disquettes au Web généralisé,
tout va tellement vite que personne ne sait ce que
réserve l'avenir. Voilà pourquoi, tant du côté de la
recherche que dans la médiation scientifique vers
Ce télé pho ne est réservé aux go uve rn a nts et le public, des efforts sont indispensables pour ne
hauts responsables de l' armée . Son usage est pas laisser une partie de la population sur le bas-
plus lourd que celui des téléphones usuels, c'est côté de la route.
pourquoi longtemps les mini stres ont préféré uti-
li ser le urs télé phones usuels, inconscients qu ' il s
étaie nt del ' importance de la sécurité. li a fallu
les révélations d ' Edward Snowden pour qu ' il s
comprennent que le urs conversations à trave rs
un téléphone po11able ordinaire étaient écoutées
par la NSA ... et d ' autres services d ' intelligence
sans auc un doute. Il est difficile d 'en dire plu s
car, bien entendu , les algorithmes de chiffre ment Supercalculateur
utili sés sont classés « secre t défense» ! Cray XI.

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


EN BREF par B. Hauchecorne & A. Zalmanski

la naissance d'un nouveau vocabulaire


À nouvelle di sc ipline, nouvelle terminol og ie. L'apparitio n de l' info rmatique dans la seconde mo itié
du xx< siècle est assoc iée à la créati on de nouveaux termes. Curie usement , aucune règle généra le ne
s'est appliquée, montra nt l'absence de méthodo log ie dans la créati on de néo logismes dans les langues
actue lles (voir la note de lecture page 43) .
T ant que l' in fo rmatique est restée l'apanage des entre pri ses d ' in fo rmatique, les créati ons se sont fa ites
consc iemment. Ainsi John Tukey, mathématicien trava illant chez IBM , fo rgea à la fin de la guerre les
termes software et bit en s'appu ya nt sur la termino logie ang laise. C'est en re prenant des rac ines latines
que Jacques Perret et Karl Ste inbruch introdui sent les mots ordinateur et informatique. C itons le mot
souris dés ignant ce petit boîtier qui no us permet de communiquer avec l'ordin ate ur : on doit son in ve n-
ti on, en 1963, à l' ingénieur américain Doug las Enge lbe rt. Dans la plupart des langues, sauf peut-être
en italien et en japona is, on a tout simple ment traduit le no m de ce petit rongeur fa mili er ; ain si. un
Espag no l manie el raton là où un Allemand utili se die Maus.
Le mot fran ça is logiciel est l' une des rares réuss ites de franc isation de te rmes venu s d ' Outre-Manche
sinon d ' Outre-Atlantique. Ce mot-valise, contracti on des termes logique et matériel,
fut introduit en 1972 par l' Académi e frança ise pour rempl acer le mot ang lais sof-
tware que rien ne sembl ait pou vo ir arrêter.
L 'arrivée des ordinateurs personnels dans les années 1980 fut sy nonyme d ' une
invasion de nouveaux termes ve nu s de l'angla is qu 'aucun organi sme référent ne
pouvait plus cana li ser dans notre langue. Cette termino log ie concerne mo ins les
fo nde ments de l' in fo rmatique que son utili sation courante . Ain si on parle de bug, de
spam , de mail et le pré fi xe e- (prononcer i , si vo us ne vo ulez pas passer pour has-bee11 )
enva hit le vocabul aire. Sans être hostile à l'emprunt lingui sti que, preno ns garde à ce qu 'i l ne
défigure pas notre langue !

Informatique
Karl Steinbuch, l'un des pionniers de De IJil à 11,re en passant par l'octet
l'informatique en Allemagne, for-
gea en 1957 le mot lnformatik où À la fin des années 1940, John Tukey appelle bit
l'on reconnaît bien sûr l'influence l'unité élémentaire de stockage dans la mémoire
du mot français informer qui signi- d'un ordinateur. Il s'agit de la contraction de binary
fiait, à l'origine, façonner l'esprit digit, c'est-à-dire chiffre binaire. Sans doute faut-il y
Le suffixe -ique (-ik en a lie ma nd) voir un clin d'œil au terme anglais bit qui désigne un
qui l'agrémente provient du latin morceau. L'utilisation du terme bit a été popularisée
-icus : relatif à. Certains estiment par Claude Shannon, l'un des fondateur de la théorie
cependant que l'on est en présence de l'information.
d'un mot-valise, c'est-à-dire le début Cependant, la plus petite unité adressable se com-
d'un terme et la fin d'un autre, abré- pose de plusieurs bits, en général 8. C'est pourquoi,
viation de l'expression information on utilise souvent le mot octet, introduit vers 1920
automatique. Professeur d'informa- en chimie pour désigner une couche composée de 8
tique à Harvard puis directeur du électrons. Le mot byte, introduit en 1956 par Werner
Centre national de calcul électronique Buchholz, ingénieur américain d'origine allemande
de la société Bull, Philippe Dreyfus travaillant pour IBM, lui est (presque) synonyme : il
reprend en français en 1962 et popu- désigne la plus petite unité adressable (qui autrefois
larise le mot sous sa forme francisée pouvait varier en fonction du matériel].
informatique.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


EN BREF

Ordinateur un programme char rahc


[]
palindromique
11ersus computer Le programme
"\ni "

Le mot ordi11ator existait déjà en ci-contre, redivider


latin. li désignait celui qui met palindromique r]
de l'ordre, qui règle les choses. en chaque ligne,
On l'utilisait par exemple en droit lit la ligne 9 "La marine en ira maL"
pour nommer celui qui instrui- et écrit
sait en justice. Pour les premiers son inversion. *
chrétiens. l'ordi11ator était celui Le concepteur deliver,revi led
qui dirigeait les cérémonies, ce de ce programme
qui explique que, de nos jours a remporté 1+ 1
encore, on parle de l'ordination le concours
des prêtres. Le mot apparaît en de code impénétrable niam ; main
français vers 1600. dans des sens Obfuscated ()
voisins. CContest de 1987. {/*\}
Les anglophones utilisent le mot \*/
co111puter. Emprunté également au int tni
latin, il vient du verbe computare
qui signifie calrnler, compter (qui OxO
a évidemment la même origine).
Alors que cet anglicisme commen- rahctup,putchar
()
çait à se répandre dans le monde,
,LACEDxO = OxDECAL,
IBM France fit appel à un lin-
rof: for
guiste et latiniste. Jacques Perret,
(;(int) (tni);)
pour trouver un terme français.
(int) (tni )
Bien astucieusement, Perret fait
= revi led ; deliver =
revivre le mot ordinateur, qui s'est redi vider
implanté sans difficulté dans notre
langue. ainsi qu'en espagnol sous fo r (( int)(tni )++,++reviled:reviled* *deli ver:deliver++,++(int)(tni )) rof
la forme ordenador. On peut s'en
réjouir pour deux raisons: d'abord (int) -1- (tni )
il remet au goût du jour un vieux ;revi led--;--deliver;
mot français et ne perturbe donc (tni ) = (int)
pas notre langue, mais surtout sa - OxDECAL + LACEDxO -
connotation bien plus large cor- rof : fo r
respond mieux aux tâches gérées (rev iled--,(i nt)--( tni) ;( int) (ln i) ;( int)--( tni), --del iver)
par les ordinateurs que le mot rahctup = putchar
computer, c'est-à-dire calculateur, (reviled* *deli ver)
beaucoup plus réducteur. Le mot
anglais a cependant fait le tour du rahctup * putchar
monde puisque seules les rives de ((char) * (rahc))
la Méditerranée y ont partielle-
ment échappé (français, espagnol. /*\
{\*/}
grec. turc et arabe) .

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


par S. Alayrangues, C. Froidevaux
EN BREF et C. de la Higuera

Colin de la Higuera,
président de la Slf: « L'enseignement de
l'informiltique en Frnnce est insuffisilnt »
Dans l'e nsembl e des pays se pose la quest ion
de l'enseigne ment de l' in fo rmatique . Certains,
co mme la France , fo nt le pari de fo rmer au
Société Informatique de France
numérique, c'est-à-dire, essenti e lle ment aux
SI f : la plus jeune usages. D'autres, comme le Royaume-U ni , les
États-U ni s et la majo rité des pays as iatiques.
des societés sauantes jugent indi spe nsa bl e de fo rme r à l' in fo rma-
En France, les sc iences ont toutes une soc iété savante. tiqu e, c'es t-à- dire à la prog ra mm ati o n , a u
Po ur les plu s in sta ll ées d 'entre e ll es, ces soc iétés codage et à l'ense mbl e de ce qui pe rmet de
savantes sont des institutions centena ires qui jouent un détenir les cl és du mo nde numérique.
impo rtant rô le d 'organi sati o n et d 'anim ati on . Ell es Si l'on part du princ ipe qu ' un enseig nement
permettent à la sc ience qu 'e ll es re présente nt d 'être de l' info rmatique est correct quand la d isc i-
vi sible, aux médi as de loca li ser des interl ocuteurs, aux pline est enseignée de faço n stabl e et pérenne
pouvoirs publi cs de di sc uter d 'évoluti ons dans les cur- par des spéc iali stes fo rmés pour cela , le constat
sus. Une soc iété savante pe ut contribuer à la va lori - est qu 'en 201 4 la sc ie nce in fo rmatique n 'est
sation des travaux conduits dan s la di scipline , et à sa rée lle ment enseig née en France que dans cer-
vul garisation. Elle a éga le ment une responsabilité vis- tains cursus de l'enseigne ment supérie ur.
à-v is des je unes: le ur mo ntrer tout l' intérêt d 'orie n- Po urtant , que l que so it le ur ni vea u de fo rma-
ter leurs études dans sa bra nche scientifique. ti on, tec hni c ie ns et ingéni e urs passés par ces
La Soc iété informatique de France (SIF) a été créée cursus info rmatiques sont rég uliè re ment pl é-
pour cela le 3 1 ma i 201 2. Ses adhérents en partage nt bi sc ités par les e ntre pri ses: les sa laires d ' em-
les o bjectifs: prom ouvo ir l' informatique , une in fo r- bauche sont presque systématiquement toujours
matique ouve rte, qui se retrou ve pl e ine ment au se in les plus hauts, et les embauches ont souvent lieu
des sc ie nces de l' info rm ati o n et du numé rique. li ava nt la fin des études.
s'ag it éga le me nt de contribue r à la diffu sion d ' une Ma is le contingent d ' informatic iens fo rmés est
culture sc ientifique , et de ré pandre l' idée que ! 'en- lo in d ' être suffisant pour ré pondre aux beso ins
se igne ment de l' inform atique, en tant que di sc ipline ac tue ls du marc hé de l'e mpl o i et to utes les
sc ientifique et pas seul eme nt en tant qu 'o uti 1, est une études pros pecti ves à di spositi on montrent que
nécess ité aujourd ' hui . cette te nd ance n 'est pas prête de s' in ve rser.
Comme le montre brill amment Mil ad Do ue ihi dans Malgré ces constats, aucun di spos iti f permet-
son li vre Qu 'est-ce que le numérique? (Hermès, 201 3), tant de générali ser l'enseigne ment de l' in for-
l' in fo rm atique est née sc ie nce, s'est déve loppée en matiqu e n 'est mi s e n pl ace e t les obstacles
industrie et a donné lie u à une culture qui a changé de s'accumulent notamment avec des pro blèmes
no m et est devenue numérique. Ma is ce la ne signifie de mi se en œ uvre de programmes à la hauteur
pas, bien au cont ra ire, que l' informatique ait di sparu ! des enje ux sc ie ntifiques , c ulture ls et soc ié-
Elle est l'essence mê me de cette culture. Avec l' aide taux actuels au lycée, en BTS , et dans les classes
de son Conseil scientifique, de ses adhérents, des asso- pré parato ires. Malgré le très fo rt in ves ti sse-
ciatio ns d ' inform aticiens, des grandes in stitution s, la me nt de ceux qui so nt impliqués, le manque
SIF ente nd contribuer au déve loppement et au rayo n- d 'ense ignants aya nt reçu une fo rmati on spéc i-
ne ment de cette sc ience. fique en in fo rmatique empêche la mise en place
Site de la SIF : d ' une politique de formation ambitieuse, comme
www.societe-informatique-de-france.fr ce la pe ut être le cas dans d 'autres pays.

8 Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


par Gilles Cohen . EN BREF

Le PriK Bernard-nouelli
lormalique et de ieu
De pui s l' avè ne ment de ! 'e nse ig ne me nt de spéc ia lité ISN ( infor-
matiq ue et sc iences du numé rique), le magazine Tangente o rga-
ni se un co ncours de proje ts info rmatiques auto ur du je u, intitulé
Prix Be rnard -Nove lli e n souve nir de son co ll aborateur di sparu
e n 20 1 1. La Société in fo rmatique de France. !'assoc iatio n Pro-
;
.". ""
•-·.
.'

~
log in , Mag ma Mobil e. Cas io, INRI A et plu sie urs uni ve rs ités et •
éco les d' ingé ni eurs e n sont pa rte na ires. Conç u e n prio rité po ur xr
~
les é lèves e n spéc ia lité IS N, le co ncours est cepe nd ant o uve rt à
tout lycée n accro d ' in fo rmatique e t de jeu. L' idée est de conc i-
lie r la pass io n q ue peuve nt avoir les lycée ns po ur le je u o u po ur

'
l' info rmatique e n jo ignant l' util e (la pré parati o n du proje t ISN)
à l'agréable (le fa it de se vo ir reconn aît re dans l' uni ve rs du je u
numériq ue).
- ,:
~.,..~· ~
.. - . ~

Les lauréats re mpo rtent un tro phée d 'art mathé matique, mais sur-
tout la poss ibilité de vo ir d urant l'année sui va nte le ur je u déve-
loppé de maniè re profess io nne lle e t pro posé sur les smartphones. it'i É. Tho mas lf':l É. Thomas

Référe nces : Lt•, deux lauréats 2013 arborant leur


• Ta11ge111e 14 1, doss ie r « Be rn ard Nove li i » , 20 1 1. trophée: Marc Coudriau (à gauche)
• Tangente Éducation 22 , doss ie r « !S N » , 201 2. et Maxime Gourghoulon.

Prix 2014 :dans le cadre des Trophées Tangente


E n 201 4 , le Pri x Novelli sera organi sé dans le cadre des Trophées T angente ,
décernés au Sé nat le me rcredi 19 novembre. Les candidats do ivent
CASIO œ préalable ment s' inscrire sur le s ite www.trophee tangente.corn en précisant
leurs coordo nnées complè tes, le ur établi sseme nt sco la ire e t le ur cl asse, ain si
q u' un résumé de le ur projet e n que lques lig nes. Il s o nt a lo rs le te mps de se
consacrer à le ur bac avant d'envoye r le ur dossier comple t avant le 3 1 ao ût.
Ils devront alo rs e nvoyer un doss ie r numé rique compo rtant, o utre les pièces admini strati ves :
- La règ le du je u qui fai t l' o bjet du projet. Cette règle n 'est pas fo rcéme nt ori g ina le, ma is do it
fa ire interveni r des qua lités mathé matiques c hez le jo ue ur (log ique, habil eté numé rique ou
géométriq ue .. . ) ;
- Un document précisant les é lé ments descriptifs du projet : le but du je u, les a lgorithmes mj s au
po int par le candidat .. . ;
- La partie du projet développée (no n compilée et compilée).

Nouveau : de ux acte urs du do ma ine de l'éducatio n, du je u et de l' info rmatique, les ca lc ul atri ces
Casio et la société M ag ma M obile (vo ir e n page 3 1), parraine nt le concours, qui pre nd une
importance médiatique partic uliè re.
Re nseigne me nt et inscriptio n : http://www .tro phe tange nte .corn/

Hors-sene n 52. Mathematiques & informatique Tangente


ACTIONS Article collectif

les perspectiues de l'informatique


au XXIe Siècle
Depuis l'avènement de l'informatique, que de chemin par-
couru ! Les applications, déjà innombrables, ne constituent
qu'une infime partie du potentiel de cette science. Au niveau
théorique, la recherche en science informatique a fait émer-
ger des concepts inédits. Sur quoi porte-t-elle aujourd'hui, sur
quoi portera-t-elle demain?

T
outes les acti vnes humaines , plus ou moins importante, aux pro-
éco nomiques , sc ie ntifiques grès sc ientifiques et technologiques
ou indu stri ell es prése nte nt des champs info rmatiques et mathé-
aujourd ' hui des enjeux liés, de manière matiques des sciences. Bien entendu,

les sciences du numérique


Le terme de sciences du numérique désigne les sciences de l'i nformation et de la communication
sur leurs volets matériel s et logiciels. Cette terminologie inclut les sciences informatiques
(computer science) et les mathématiques appliquées liées à ces sujets et représente une nouvelle
façon de parler des sciences de l' information et de la communication, à l'aube du xx1<siècle. Elle se
nourrit de di sc iplines telles que l'automatique, le traitement du signal , ou la robotique. Les grands
objets d'études des sciences du numérique sont les systèmes, données, interfaces et modèles.
Parmi les systèmes, on peut citer les réseaux. Dans cet exemple, les formalismes vont pouvoir
s'appliquer aux réseaux informatiques, mais être ensuite transformés pour étudier des réseaux
biologiques (réseaux de neurones, réseaux de gènes, etc.) ou des
réseaux humains (réseaux soc iaux).
Les sciences du numérique se distinguent des sciences numériques
(computational sciences), qui désignent une approche scientifique
reposant sur un recours mass if aux modéli sations informatiques et
mathématiques ainsi qu ' à la si mulation. Ici (pour simplifier), ce ne
sont plus unjquement des équations mathématiques qui décrive nt
les loi s de la nature, mai s des algorithmes qui représentent ces
mécani smes naturel s, et permettent de prédire leur évolution et
d ' ajuster leurs variables pour les contrôler.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


et c'est aussi ce qui fa it le ur richesse
et le ur inté rêt, e lles interagissent fo r-
lnrla
te me nt avec les autres di sc iplines . Créé le 3 janvier 1967 suite au lancement du Plan
Il est courant que les avancées d ' un Calcul, l'Institut national de recherche en infor-
autre doma ine scie nti fiq ue irrigue nt ces matique et en automatique (Inria) est l'institut de
sciences du numé rique, ou qu ' une ques- recherche français qui se consacre uniquement aux
tion applicati ve dé bo uche sur un pro- sciences du numérique (mathématiques et informa-
blème fo nda mental inédit à résoudre. tique). Il a le statut d'établissement public à caractère
scientifique et technologique. Les équipes-projets
Les in stituts de reche rc he fr ança is Inria, rassemblant 1800 chercheurs de l'institut et
déd iés à ces sujets sont Inri a et l' in- près de 1600 universitaires ou chercheurs d'autres
stitut du C NRS qui se no mme l'IN - organismes, mènent des recherches fondamentales
S21. La majorité des c he rche urs de ce et appliquées qui contribuent aux technologies nu-
do ma ine trava ille nt au sein des uni - mériques de demain, en partenariats étroits avec les
versités. D' autres orga ni smes comme acteurs de la recherche publique et privée en France
les grandes écoles d ' ingénie urs o u le et à l'étranger. Chaque année, elles publient près de
CEA sont des ac te urs maje urs sur 5000 articles. Elles sont aussi à l'origine de la créa-
ces sujets. Beaucoup d 'équipes de tion de nombreuses « start-ups » (no à cette date).
rec herche sont communes à plusie urs
de ces structures.

Les défis de la recherche


informatique
La recherche e n in fo rmatiq ue po rte
essentie llement sur de ux bra nc hes.
L' une, de nature théorique, concerne
la défi nition de concepts et modèles,
l' autre, de nature plus techno logique,
s' intéresse aux techniques concrètes
d' implantation et de mi se e n œ uvre
des abstractio ns précédentes.
Mais justement, ce qui di sting ue Une partie des reche rches est directe-
cette sc ie nce des mathématiques c 'est me nt stimul ée par les contex tes
qu' e lle est incarnée dans la techno lo- sociétaux , économiques et e nvi ro nne-
g ie qui e n é mane : ces deux face ttes me ntaux. Les chantiers maje urs sur
en sont inséparables . Sc ie nce fo rme lle lesque ls les princ ipaux in stituts s'en-
du calcul au sens a lgorithmique, e n gagent (lnria et INS21, vo ir e ncadrés)
rappo rt avec tout type d ' info rmati o n me tte nt l' huma in au cœur des prob-
que l'o n pe ut re présente r de maniè re lé matiques du numé rique .
sy mbo liq ue o u numé riq ue , ce calcul va
s' implémente r dans des mac hines do nt Dans ce cadre, les c he rc he urs d 'au-
l'étude théorique est to ut auss i im por- jo urd ' hui do ivent résoudre de no m-
tante et cette info rmatio n sera codée bre ux ty pes de défis scie nti fi ques . E n
da ns des la ngages , e ux a uss i o bjets vo ic i q ue lques exemples.
fo rmels de cette discipline.

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


Les perspectives ...

• Les défis de la modé li sati on multi - sécurité. qui sont les principaux sujets
éche lle et des incertitudes associées. actue ls de recherche au cœur de lïn-
Il s concernent les très grand s systèmes for matique.
numériques, e mbarqués ou e nfoui s,
les systè mes de systèmes, la program - • Les défis liés à la tran sformation du
mation des très g rand s log ici e ls . .. déluge de données en bibli othèq ues
Il s do ivent pre ndre en co mpte les de conn aissa nces di gnes de confi-
impératifs de fiabilité , de sûreté et de ance. Les enjeux sont de taille : la
cyber-communication générali sée dans
laque lle on s' immerge doit être sûre
l'INS21 :le PIUS ieune instiWt du CNRS et respectueuse de la vie pri vée : l ' in-
Avec ses dix instituts thématiques, le Centre national de teraction e ntre les mondes rée ls et
la recherche scientifique (CNRS) couvre l'ensemble du numériques débouche par exem ple sur
des probl ématiqu es d'a pprenti ssage
champ scientifique. Créé ea 2009, l'Institut des sciences
qui renvo ient à des thématiques plu-
de l'information et de leurs interactions (INS21) est
ridi sc iplin a ires. L'é laboratio n même
le plus jeune d'entre eux. Il soutient et coordonne la de la connai ssance en devient un axe
communauté autour d'un réseau d'une soixantaine de majeur.
laboratoires associés aux centres universitaires et répar-
tis sur l'ensemble du territoire. Les professionnels des • Les défis liés à la modéli sation du
métiers de la recherche présents dans ces laboratoires viva nt et à ses applications : santé.
sont au nombre de 11000. Une moitié est constituée bien-être, re lations entre l' humai n et
ses environnements. Le paradi gme dif-
de doctorants et de post-doctorants, et l'autre moitié de
fè re selon qu ' il s'agisse de développe-
permanents, exerçant des métiers variés : ingénieurs,
ments théoriques ou d 'expériences de
techniciens, enseignants-chercheurs de . L'université et
laborato ire qui sont les fo rmes tradi-
chercheurs du CNRS. Ces derniers, au nombre d'environ tion nel les de la sc ience et de 1'ingén-
600, sont des chercheurs à plein temps. ierie. L" approche est ici de gagner en
compréhension, principalement grâce
Les recherches de l 'INS21 se répartissent en six domaines à l'anal yse de modèles mathématiques
principaux : l'informatique fondamentale ; le traitement mi s en œ uvre à trave rs des simulati ons
et la sécurité des données ; les réseaux ; le traitement numériques . De plu s. des algorithmes
représentent les mécani smes naturels
des signaux et des images; l'automatique; l'intelligence
étudiés et permettent de les représenter.
artificielle et la robotique.
de les préd ire, et d 'ajuster leurs vari -
Les trois premiers domaines relèvent de l'informatique, ables pour les contrôler.
les trois derniers vont au-delà, l'ensemble constituant les
« sciences de l'information». Des concepts nouueaux
Mettant à profit la pluridisciplinarité du CNRS, l'INS21 jeunes de moins d'un siècle
tisse des relations fortes avec les mathématiques, la
biologie, l'ingénierie ou encore les sciences humaines De grands rés ultats sc ientifiques sont
offerts par cette sc ience.
et sociales.
Ainsi , dès qu ' une mac hine (é lec tro-
Vous trouverez davantage d'informations sur le site
nique, abstraite, etc.) qui ca lc ul e peut
www.cnrs.fr/ins2i. exéc ute r les in g rédi e nt s de base des
Michel Bidoit, directeur de l'Institut a lgo rithmes, a lo rs e ll e peut exéc uter

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


Panenariat maths-info :
le GOR IM hnP://www.adr-im.tr/
Une communauté se consacre au développement des nouvelles ma-
thématiques liées à l'informatique, celle du GDR IM (Groupement de
recherche Informatique et mathématiques).
Deux événements importants marquent la vie du GDR:
• Les Journées nationales: ce rassemblement annuel (en 2014 à l'uni-
versité Paris-Diderot) donne l'occasion à une dizaine de chercheurs
du GDR et à des invités prestigieux de présenter leur recherche;
• L'École des jeunes chercheurs en informatique mathématique: cette
semaine de cours de haut niveau donnés par des spécialistes français
du domaine permet de compléter la formation de jeunes chercheurs
(étudiants en Master2, doctorants ou docteurs récemment diplô-
més). Celle de 2014 a eu lieu à Caen du 31 mars au 4 avril.

Arnaud Durand, Jean-Michel Muller et Brigitte Vallée

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS Les perspectives ...

tous les log ic ie ls du mo nde : c'est que lque sorte). Nous voil à donc devant
un e mac hin e univ e rse ll e, comm e une vision nouve lle de cette noti on
d éfinie par la th èse de Churc h- d 'aléa.
Turin g (vo ir a rti c le e n page 40 ).
Ce rés ultat implique pa r e xe mpl e Au fur et à mesure que cette sc ience se
que toutes les « inte lli ge nces méca- po pul ari sera , la pensée info rmatique
niques» (ordin ate ur, robo t, etc.) so nt enrichi ra les connaissances humaines
qu a i itativ e me nt équiv a le ntes : e ll es et é larg ira notre vision sur ces sujets.
se ront ju ste plu s o u mo in s ra pides o u
pe rformantes. La relation auec les mathématiques
Un autre rés ultat mo ntre le li en entre
la sc ience informatique et de grand s La modé li sation et la réso lution de
concepts. C'est la théori e algorith - no mbre ux pro bl è mes re ncontrés en
mique de ! ' inform ati on. La co mplex i- info rmatique offrent des dé fi s nou-
té d ' un message e n te rme d ' info rma- veaux pour les mathématiques pour
tio n (au sens où " bl ablabl a .. . " mê me les deux di sciplines info rmatiques et
répété une infinité de fo is contie nt mathématiques.
mo in s d ' info rm atio n qu ' une page de Il est en effet rare que les techniques
longueur fini e) se défi nit par « la lon- mathématiques usuelles pui ssent être
gueur du plus petit programme écrit utili sées « clés en main ». Les objets
a vec une machine uni verselle qui manipulés tout comme les types de
génère le message en question ». Bref, réponses attendues (par exemple en
la long ue ur du plu s petit programme termes d 'effecti vité) appara issent sou-
indique la complex ité du message. Il vent comme non class iques aux mathé-
n'est pas du tout év ide nt, ma is c'est le matic iens.
cas , que cette dé finition est pertine nte,
bien fond ée, ne dé pend de la mac hine L' info rmatique théorique intervient,
cho isie qu 'à une co nstante près, et entre autres, dans les domaines sui -
offre une form ali satio n profonde de va nts : calcul fo rme l, arithmétique des
cette idée de « compl exité ». ordin ateurs, géométrie pour l' image,
algorithmique (du tex te, sur les arbres ,
De même la notion de suite aléato ire graphes), automates, systèmes dy na-
prend un visage nouvea u : ce n'est plu s miques, ana lyse d ' algorithmes, com-
une suite « générée par le hasard » (au plex ité du ca lcul , info rmatique quan-
sens préc is de la théorie des probabili - tiqu e, log ique, bases de données,
tés), mais une suite qui ne peut être ... preuves de programmes, vérifi cation
générée par un programme de taill e log icie ll e et matéri elle, codes correc-
fini e (une suite « imprédictible » en teurs, cry ptographie .. .
Tout un programme !

INTE R NAUG R A PH I E ARTI CLE COLLECTIF COORDONNÉ


PAR THI ERRY VI ÉV ILL E
• https://fr.wikipedia.org/w iki/Sciences_du_ numérique ET CHRISTIN E FROIDEVAUX
• https://www.allistene.fr
• http ://www. inria.fr/co nte nt/downl oad/2437 l /605690/
version/5/fi le/Plan-strategiq ue-Objectif-2020. pdf

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


par A. Zalmanski et F. Lavallou EN BREF

Hrt mathématique la longue et riche histoire


et informatique de la logique
Les outils informatiques peuvent auss i serv ir à
la construction d'œuvres d'art mathématique à Suivant un plan historique en six chapitres, Jean-Pierre Belna
base de courbes. L'appli cation la plus connue nous fait suivre, au cours des siècles, la construction d'une
est , bien sû r, l'art fractal. Mais bien avant son certaine idée de la logique , car cette notion abstraite, qui
apparition, les premiers langages permettaient vise à l'universalité, échappe à une définition consen-
déjà de construire des courbes ornementales suelle. Les termes les plus courants qui lui sont associés
com me les jolygones. La construction algo- tout au long de cet ouvrage sont les notions de vérité, de
rithmique de ces courbes a été initiée par feu raisonnement, de loi, de règle , de forme et de validité.
Le Petit Archimède dans son 11° 14 en 1975 , et Née en Grèce, fille de la dialectique, en tant que pratique
favor isée ensuite par l'avènement de certain s de la discussion raisonnée, on lui attribue Aristote pour
langages ex plicites, comme le Logo . père adoptif. Le Stagirite a été le premier à considérer la
logique comme une discipline autonome . Sa syllogis-
tique, dont les procédés, avec leurs limites, nous sont clai-
rement explicités, sera reprise au Moyen Âge et servira
longtemps de référence, plongeant dans les limbes de
l'histoire la bien plus fine logique mégarico-stoïcienne.
La Scolastique médiévale fut à son tour rejetée à l' âge
classique. Pascal retisse le lien logique-langage avec la logique
k = 0,00 a= 61 ° k = 1 a = 115° de Port-Royal et Leibniz anticipe certaines idées de la
logique moderne, qui apparait au XIXe siècle. La logique
Le principe est simpli ss ime : symbolique se lie alors intimement aux mathématiques avec
• on trace un segment horizontal de longueur Boole et Frege, intervenant profondément dans les débats
I , puis un autre fa isant un ang le a avec le pre- sur les fondements des mathématiques. Au siècle de Rus-
mier et dont la longueur(/) a été multipli ée sell et Gode! se développe, à côté de la logique dite stan-
par un nombre donné k compri s entre O et 1, dard, des logiques plurielles, dont certaines s'affranchissent
• on recommence cette opération à partir de la du principe du tiers exclus. Enfin, un chapitre évoque les
nouvelle extrémité jusqu'à obtention du joly- logiques orientale, indienne et chinoise.
gone (a, k). Sans faire appel à trop de connaissances préalables, cet
En voici l'organi gramme : ouvrage, par sa rigueur, la simplicité et la clarté de sa
rédaction, requiert néanmoins une certaine concentration
de lecture . Par son panorama historique assez complet, ce
livre-manuel est une bonne initiation à la logique et devrait
intéresser les étudiants de deux domaines scientifiques
dont la logique est à l'intersection : la philosophie, qui l'a
produite, et les mathématiques, qui l'ont réformée .
F.L.
Tracer un trait de longueur/,
faisant un angle a avec ! ' horizontale
H I sT o I RE Histoire de la logique.
DE LA LOG tQY E Jean-Pierre Belna, Ellipses,
128 pages, 2014, 16 euros.
I =l xk ,
a=a+k

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS Collectif

Informatique, popularisation et
I • •

e 1a ion
La « fracture informatique » ne concerne pas seulement les
générations ou l'accès au matériel. Au sein d'une m êm e
catégorie d'utilisateurs d'équipements informatiques, des
inégalités parfois rédhibitoires sont constatées en fonction de
la culture scientifique et technique liée au numérique. La
médiation scientifique est là pour tenter de répondre à ce défi
de société.
e 11u111enque façonne aujourd'hui l ' impli cati o n dans la c réat io n de ces

L le monde d ans leque l nou s évo-


luon s. Des activités profess io n-
nelles, quel qu 'en soit le secteur (industrie,
applications, fo rme r des ci toyens écla i-
rés et contribu er à lutte r contre la frac-
ture numé rique.
te1tiaire, enseigne me nt , commerce. e1c.), E n quoi consiste+elle ? En un certai n
aux activités ludiques, domestiques e t nombre de pratiques qui permettent au
soc iales, toutes font appel au mo in s e n public visé de rencontrer les in fo rma-
parti e aux tec hnologies issues de l' in - ti o ns dont il a besoin , e t ce dans des
formatique e t des sc ie nces du num é- contex tes qui ne sont pas fo rcément ins-
rique. 11 est par conséque nt essentie l que titutio nne ls o u éd ucatifs .
les c itoye ns maîtri sent ces techno log ies L'offre de méd iati o n est d'autant plus
dan s le urs usages, ma is aussi qu ' il s va ri ée qu'elle doit ê tre adaptée à to utes
acquiè re nt la cu lture sc ie ntifique suffi - les typologies des conna issances, et à
sa nte pour e n co mpre ndre les fonde- la c uri os ité de publics divers : e nfa nts
ments e t pouvoir a ins i contribuer à la e t jeunes, c uri e u x de sc ie nce, grand
mutation de la soc ié té e nge ndrée pa r public , sc ie ntifiqu es de toute s d isci-
le ur diffusion rapide dans le ti ssu soc ia l. plines , décideurs politiques. pa1tenaires
soc io-écono miques ...
la médidtion scientifique Po ur fa ire passer le message , on peut
distinguer trois vo lets princ ipaux .
La média/ion scien lijïque sert à favo ri -
ser l ' appropriation de cette no u ve ll e • un vo l e! éduca1if à destination des
dime ns io n d e l" ex iste nce. no urrir la é lèves et é tudia nts: interventio ns dan s
curiosité v is-à-v is des applications inno- les é tabli sseme nts sco laires devant de
va ntes et d'intérêt commun de ces tech- larges g roupes , vis ites d ' é lèves dans
nologies, encourager la partic ipation o u des laborato ires de l' industrie o u de

16 Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


la recherc he , mais auss i acc ue il per-
sonn ali sé de lycée ns o u d'étudi ants,
La revue en ligne Interstices:
par exemple à l' occas io n de le urs tra- http://interstices.info
va ux pe rso nn e ls e ncadrés (T P E e t
T IPE), acco mpag ne me nt de proje ts
d'é lèves ou d 'ense ignants Iiés à I'op-
tio n ISN (info rmatique et sc iences du
numérique) de termina le, à des stages
« MathC2 + », à des a te li e r s
« MATh.en.J EA NS » ou dans d ' autres
contextes . . .

• un volet citoyen à destination du grand


public : diffusion de pé pi tes de science
info rm at iq ue lo rs d'ex pos iti o ns, de
confé rences ou de rencontres, partic i-
pati on à des évé ne me nts co mme la Interstices , revue de culture scientifique en ligne,
Fête de la sc ience , les cafés-sc ie nces , invite les curieux de sciences à explorer les sciences
la N ui t des c he rc he urs , app o rt de du numérique. Créée à l'initiative d'Inria, cette revue
connaissances sc ienti fi ques pour a li - animée par des chercheurs se développe depuis dix
menter les débats citoyens ou les cafés ans en partenariat avec le CNRS, les universités et
sc ie nti fiq ues s ur les s uj e ts de type des associations professionnelles du domaine, notam-
sc ience et soc iété, etc. Il s'agit ici aussi ment le groupe ITIC-EPI-SIF. Son but? Mettre les
de susc iter l' inté rêt d u citoyen pour connaissances scientifiques en informatique et en
des s ujets no n d irec te me nt sc ie nti - mathématiques appliquées à la portée d'un large
fiq ues, comme une expos iti o n art is- public francophone. Elle jouit d'une notoriété crois-
tique utilisant les nouvelles technologies, sante sur son domaine et recense 3000 visites d 'in-
et de profiter de cet intérêt pour emme- ternautes par jour.
ner le ci toyen vers la sc ie nce .
Algorithmes, langages, information, modèles ... Pour
• un volet participatif à destin at io n des faire comprendre les notions fondamentales de l'in-
c urie ux de scie nces : di ffus io n de formatique et des mathématiques appliquées, per-
savo irs e t d e co nt e nu s de c ulture mettre d'en mesurer les enjeux pour la société et d'aller
scienti fi que via des magazines comme à la rencontre des acteurs de la recherche, Interstices
Tangente , Phosphore o u Okapi , des propose en accès libre et gratuit plus de 400 documents.
rev ues com me Doc-Sciences ou TDC Ces contenus très divers, ressources pour les lycées,
(Textes et documen ts pour la classe), articles didactiques, dossiers thématiques, portraits,
ou com me la rev ue e n li g ne Inter- documents approfondis, sujets de réflexion et d'his-
stices (voi r e nca dré), d 'o util s d u toire des sciences, tirent pleinement parti des tech-
nu mé ri que, so uti e n de c lubs (c lub- nologies Web.
robotiq ue, make r-c lub , fa b-labs) o u Vidéos, podcasts audios ou encore animations inter-
d'éducat ion popula ire en sc ience, par actives viennent ainsi enrichir les textes rédigés par
exe mple e n ai da nt à tro uver des res- les chercheurs.
sources et des contacts sc ientifiques. Quatre à cinq nouveaux sujets sont à découvrir chaque
L'organi sati on de concours, destinés mois sur http:/ /interstices.info.
o u non aux sco la ires, est un mode de Christine Leininger
médi ati o n très efficace.

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique TClngent:e


ACTIONS Informatique, popularisation ...

ISN :un partenariat réussi Ces tro is vo lets se cro isent en pratique.
une interve ntion en cl asse (vo let éduca-
pour taire entrer les sciences ti f) par exemple donnant li eu à des di s-
du numérique à l'école cussions fa miliales Je soir (volet citoyen).

Promouvoir l'enseignement de l'informatique et des sciences Un engagement au service


du numérique, en vue de donner aux jeunes une formation de causes nationales
leur permettant d'être créatifs et productifs dans un domaine
aux enjeux économiques forts dont notre pays ne peut se Qui sont les médi ate urs ? In stitu tion-
désintéresser, telle est la grande cause dans laquelle un ne ls, assoc iatifs , c he rc he urs. ac teurs
certain nombre de médiateurs se sont investis. médi atiqu es ou éducatifs o u s impl es
indi vidualités, il s ont parmi Jeurs objec-
Déjà depuis le milieu des années 2000, de nombreux acteurs tifs esse nti e ls de fa ire co nn aître aux
ont milité pour la promotion de l'enseignement de l'infor- jeunes les secteurs de l' économie asso-
matique et des sciences du numérique (ISN) au lycée, au c iés à ces sc iences et d 'augmenter ain si
collège et à l'école. Ils se sont engagés, en partenariat avec leurs chances de trou ve r ou de créer un
les académies et les universités, à aider à concevoir cet e mplo i.
enseignement, puis à le mettre en place, ce qui fut fait à la
rentrée 2012. Développer l'égalité des chances devant
Les résultats sont encourageants : dès la rentrée 2012 , 750 Je numé rique, pro poser à des jeunes
établissements proposaient la spécialité informatique et qui n' ont pas acc roc hé, e n mathé ma-
sciences du numérique (ISN) aux classes de terminale S et tiques par exemple, une seconde chance
plus de 10 ooo élèves se sont inscrits. Cet enseignement avec cette mati ère nouvelle qu 'est I' in-
sera étendu progressivement, les années suivantes, aux ter- fo rmatique (qui contient auss i des abs-
minales des filières Let ES ainsi qu'aux classes préparatoires. tractions nouvelles. comme I' info m1ation
Ce partenariat se prolonge avec le ministère de !'Éduca- o u l'a lgorithm e), te ll e est une de Jeurs
tion nationale et l'inspection générale pour réfléchir à la mi ss ion s. Ell e dev ra débo ucher sur un
mise en place d'une formation initiale pour les enseignants. apprentissage différent , via une machine
De nombreux chercheurs en informatique ont ainsi contri- qui a uto ri se d e no mbre ux essa is e t
bué à la formation de la première vague de professeurs qui erreurs sa ns porter de jugement.
assurent la spécialité ISN au lycée, à l'élaboration des pro- De te ls proj e ts, co mm e ju s te me nt
grammes et des supports de cours, et même à la rédaction « L'éco le de la seconde chance », ont
de manuels pour les professeurs et les élèves.
Inria, la SIF, !'EPI, Pasc@line et tous leurs partenaires ont
contribué à la création de contenus (manuels, supports
d'activités, outils logiciels, ressources culturelles, etc.), à
la formation d'enseignants, à la construction d'une plate-
forme d'échanges et de ressources «SIL:O! », à l'animation
du biotope (site Facebook ISN pour les élèves) et aux
réflexions sur le contenu des enseignements.
Tangente Éducation a réalisé lors de cette rentrée 2012
un numéro consacré à cette nouvelle option, lançant dès
la première année un concours de projets informatiques Photo prise durant l'exposition
autour du jeu, le concours Bernard-Novelli dont les pre- «Les littératures numériques d ' hier
miers lauréats ont été récompensés en novembre dernier à demain » qui s'est tenue à la
(voir page 9). Bibliothèque nationale de France
du 24 septembre au 1°• décembre 2013.

18 Tc::J.ngente Hors-série n °52. Mathématiques & informatique


pu ê tre financés no ta mme nt g râce a u
plan « In ves ti sseme nts d 'ave nir » .
Pour les o rga ni smes de recherche, c'est
a uss i une m a ni è re de m o ntre r l ' im-
po11ance et l' utilité de l' investi sseme nt
public e n m atiè re d e rec h e r c h e.
Co nstruire e t re nforce r des relais de
médiation co nstitue nt un e ngageme nt
des ac te urs de la rec he rche e n ma thé-
matiques e t in fo rm atique qui se me t-
tent en partenariat au service de grandes
causes nation a les. Gilles Kahn (1946-2006).
Int rod uite da ns l ' article pre mi e r du
Code de la rec he rc he co mme un des Le GICS, associaUon en développement
objecti fs de la po litique nationa le de
rec he rc he e t de dé veloppement tec h- pour le panage des sciences
nolog ique , la mé diation est deve nue
une mi ss io n de la rec he rche. E ll e est Le Groupe pour l'initiative et la culture scientifiques (GICS)
de plu s e n plu s pri se e n compte , dans est une association créée il y a trois ans par des étudiants
l'éva lu at io n des individus, des équipes rassemblés autour de l'idée que les sciences, en particulier
e t des o rga ni s mes de rec he rc he, ainsi les sciences du numérique, doivent se partager, dès le lycée,
que pa r les in sta nces na tiona les. Elle pour propager la culture scientifique, permettre de comprendre
est , par exe mpl e, in scrite dan s le plan et d'apprécier un monde profondément scientifique et, avec
stratég ique d'lnria, cette mi ss ion cor- un peu de chance, créer des vocations scientifiques.
respondant à une impli cation d ' un jour Le constat de départ est le suivant : beaucoup d'étudiants
par an en moyenne pour ses che rcheurs . en sciences sont prêts à passer une après-midi à partager
leur enthousiasme avec des lycéens avec une approche
Faire de la médi ation sc ientifique e ntre proche des élèves et différente de celle adoptée en classe,
ainsi dans le champ des mi ss ions de ser- sur des thèmes qui les passionnent. En face, nous avons
vice public . dans tous les lycées de France des élèves prêts à se laisser
C'est un devoir ma is aussi un pl a is ir, entraîner par leur curiosité hors des sentiers battus des pro-
celui « d'allum er l 'étincelle dans les grammes de lycée.
yeux des enfants » , se pla isa it à rappe- Le GICS s'est donc donné pour mission de créer un échange
ler Gilles Kahn, pre mie r informatic ie n entre étudiants et lycéens. Il propose à tous les passionnés
à être entré à l'Académie des sciences. de sciences de venir donner un peu de leur temps pour
donner une fois un atelier ou un cours , traiter de pro-
Article collectif coordonné blèmes concrets, de théorie ou de jeux d'esprit dans les
par Thierry Viéville lycées où il est implanté. Et il est prêt à s'implanter dans
tous les lycées intéressés, il suffit de motiver les interve-
nants potentiels à proximité !
Lycéens désireux de voir le GICS s'implanter, passeurs de
sciences prêts à donner quelques après-midis, professeurs
souhaitant voir le projet s'installer dans leur lycée, amateurs
de culture scientifique sont invités à se faire connaître sur
le site http://gics.fr !
Adrien Dufour et Gabriel Gouvine

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente


par M. Brilleaud et R. Lamarche-Perrin

Intelligence artificielle et philosophie,


deuK cousines éloignées
La notion d'intelligence artificielle débouche sur des interro-
gations que seule une réflexion philosophique peut structurer.
Réciproquement, l'informatique peut apporter à la philoso-
phie une approche expérimentale novatrice. Regards croisés sur
deux disciplines qui ne sont lointaines qu'en apparence.

seconds, de comprend re la nature même


de l' inte lligence en s' interrogeant sur
ses propriétés essentielles: une machi ne
peut-elle être consc iente, avoir des émo-
tions, des intentions, etc.?

Ces quali tés ne sont pas vra iment perti-


ne ntes po ur l' inte lli gence art ifi cie lle
pui sque les similitudes entre la mac hine
et l'être humain ne sont pas a priori né-
cessai res pour résoudre les probl èmes
co mplexes te ls que jouer aux échecs,
pro uve r des théorèmes, percevoir l'en-
viro nne ment et s'y dép lacer sans en-
combre ... De la même mani ère qu ' un
ingénie ur en aéronauti que n'a pas pour
objectif d ' imiter le vol des o iseaux, la
questi on de la « véritable inte ll igence »
Statue d'Alan

C
omment construire une mac hine ne présente que pe u d ' intérêt pour un
Turing à intelligente ? Cette question in- spéc iali ste e n inte ll ige nce arti fic ie ll e
Bletchley Park. téresse to ut autant les spéc ia- (vo ir Le test de Turing en encad ré).
li stes en inte lligence artific ie lle que les Pourtant , même si à pre mière vue les
chercheurs en philosophie de l'esprit. de ux d isciplines ne s' intéressent pas aux
Pour les premiers, il s'agit de créer une mê mes probl èmes sc ie ntifiq ues, des
mac hine capable de résoudre des pro- liens profo nds ex istent entre philoso-
blèmes techn iques habitue llement trai- phie et in fo rm atique.
tés par l' homme. L 'objectif est, pour les

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


l'atomisme logique et le joueur d'échecs
Le test de Turing
L' histoire de l'info rmatique montre que et l'intelligence simulée
cette jeune di sc ipline est parfois considé-
rée comme de la philosophie appliquée.
Elle emprunte alors à la philosophie de
!'esprit des modè les et des théories pour 1--1
procéde r à ses déve loppements tech-
niques. Pour l'atomisme logique, courant
majeur de la philosophie occ identale du
début du xxe siècle, toute connaissance
peut être décomposée en propos itions lo-
giques élémentaires afin de décrire et de
raisonner sur le monde réel. Le computa-
tionnalisme. courant dominant de !' intel- Alan Mathison Turing (1912-1954) est un mathématicien
ligence artificielle jusqu 'aux années 1980, et informaticien britannique reconnu comme étant l'un des
est née de la volonté d' utiliser des calcu- pères fondateurs de l'intelligence artificielle. Dans un ar-
lateu rs pour automati ser ces ra isonne- ticle publié en 1950, il propose de répondre à la question
ments . Par exemple, en fo rmalisant les épineuse« est-ce que les machines peuvent penser? » par
règ les du jeu d'échecs et les di ffé rentes un dispositif extrêmement simple: si un observateur, dis-
stratégies possibles, les premiers joueurs cutant avec une machine et un autre être humain, se re-
aitificiels ont rapidement égalé les joueurs trouve incapable de distinguer, au cours de la conversation,
humains, jusqu 'à battre aujourd ' hui les lequel de ses deux interlocuteurs est humain, alors il est
meilleurs professionnels. Cependant , s' il nécessaire d'admettre que la machine est aussi intelli-
est relativement fac ile de décomposer le gente que cet être humain . Le test de Turing s'appuie donc
« micro-monde » du jeu d'échecs en pro- sur une définition comportementale de l'intelligence, c'est-
positions log iques élémentaires, les ap- à-dire indépendante dufo11cti01meme11t interne de la ma-
plications in fo rmatiques de l' atomi sme chine.
logique ont rencontré de lourdes difficul - Si Turing s'intéresse néanmoins à des questions philoso-
tés pour résoudre les problèmes plus com- phiques telles que la conscience, les émotions et la créati-
plexes du monde réel : comprendre et vité, le dispositif qu'il propose répond à une volonté de ré-
parler le français, reconnaître des objets soudre un problème propre à l'informatique : comment
sur une photographie, se déplacer dans la déterminer si une machine est ou non intelligente? La ré-
rue sans heurter les piétons ... ponse qu'il donne, par la seule observation des compor-
Le philosophe Hubert Dreyfus montre, dans tements, est une posture propre aux spécialistes de l'in-
son ouvrage intitulé What Computers Can ~ telligence artificielle qui cherchent à simuler les
Do, comment l' idée d'un programme gé- comportements intelligents, sans exiger de qualités in-
nérique, capable de résoudre « tout type de ternes particulières. Le 7 juin 2014, lors d'un test organisé
problèmes », est finalement abandonnée par par la Royal Society à l'occasion du soixantième anniver-
le computationnalisme. saire de la mort d'Alan Turing, un programme informa-
tique a réussi à se faire passer pour un garçon de 13 ans
l'énaction et l'apprentissage des robots auprès de plus de 30 % des observateurs interrogés après
des conversations libres de cinq minutes.
Vu le nombre de paramètres à prendre en
compte lors de la décomposition logique,
« se dépl acer » est bi en plus di ffic ile Apparu dans les années 1980 , le mo-
pour un robot que « jouer aux échecs». dèle énactif de l'esprit tient compte de

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


PASSERELLES Intelligence Artificielle ...

ILA CHAMBPJ! CHNOISE !

l' importance des perceptions dans la co- un robot qui appre nd à marc her, le mou-
gnition e t rompt ain si avec le modè le ve me nt des d iffé re ntes parties du corps
cartés ie n affirmant que le corps et l'es- produit des c ha ngeme nts dans la pe r-
prit sont deux substances indépe ndantes . ception de l 'e nvironne me nt. Certains de
Appliqué à la robotique , cette pos itio n ces c ha nge me nts ne sont pas préd ic-
philosophique invite à conce voir des tibles , te ls que bo uger to utes les pattes
mac hines qui ne sont pas programmées e n mê me te mps po ur une arai gnée mé-
pour une tâc he ou un problè me spéc i- canique. D' autres mouve me nts, plus or-
fique, mais qui appre nne nt de manière ga ni sés , pe rmettent cependant au robot
autono me à pe rcevoir et à résoudre le de découvrir son e nvironne me nt de ma-
problè me sans décompos iti o n log ique nière effi cace . En tâtonnant , il peut donc
préalabl e de la part du concepte ur. Po ur tro uve r de lui -mê me les mo uve me nts

Tcingent:e Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique


optimaux et appre nd re à interag ir avec ries philosophiques affectent les choix de
l'enviro nne me nt e n fo nc ti o n des mo- conceptio n info rmatique, elles indui sent
te urs et des capte urs do nt il di spose. En une d iffé re nce en pra1ique. li est do nc
appliqu ant le modè le énac1ff de l'esprit , poss ible d 'éva lue r ces théories indirec-
l' inte lli ge nce arti fic ielle propose do nc te me nt , à partir de le urs applicatio ns.
des progra mmes inte lli gents auto no mes
sans passer par une déco mpos iti o n for- « Fa ire de la philosophie de l 'espril
mell e du problè me par le concepte ur. avec un lournevis. » Cette amusante fo r-
mule du spéc iali ste e n inte lli gence arti -
l'infonnatique pour éualuer les théories fic ie ll e ln man Harvey in vite à o bserver
philosophiques et en créer de nouuelles to utes sortes de mac hines po ur s' inter-
roger sur ! ' ho mme et son cervea u . Les
S i la phil osophie apporte donc les bases no mbre ux déve loppe me nts de la robo-
conceptuell es po ur les développe me nts tique fo ndée sur le modè le énaclif de
de l' intelli gence artifi cie lle, la colla bo- l'esprit e ncourage nt e n reto ur la phi lo-
ra ti o n ne reste pas unil a téra le. Po ur sophie à considé re r ce modèle comme
Daniel Andler, che rche ur e n mathé ma- une vé ritab le alte rnati ve a u computa-
tiques e t e n phil oso phe des sc ie nces, 1ionnalisme et re lance nt le dé bat sur le
l' intelli gence artific ielle in vite notam- rô le du corps da ns l'appre nti ssage et les
me nt la phil osophi e à « préciser ses a utres fo nctio ns cogniti ves.
choix , à dissiper des malenlendu s 111il- Timoth y va n Ge lder, c he rc he ur e n
lé11aires, à formuler el à lesler de ma- sc iences cogniti ves, donne égale ment de
nière scien1ijïque de nou velles hypo- no uve lles pistes philosophiques en s' in-
1hèses » . L' info1matique s' immi sce ainsi téressant à un problème technique de la ré-
da ns les controverses philosophiques e n volution industrielle : comment régule r
pro posa nt , pa r ! ' ex pé rime ntati o n , de l'énergie produite par une machine à va-
nouveaux arguments. Elle o btie nt lesta- peur pour alimenter un métier à tisser ? Le
tut inatte ndu de philosophie expérimen- « régulateur à boules» imaginé par James
la /e . Les di ffic ultés pra tiques des pro- Watt à l'époque utili se la force centrifuge
gra mmes compu1a1ionnalis1es o nt par d ' un volant po ur ajuster une valve d 'ad-
exe mple mi s e n év ide nce des présup-
posés erronés da ns les théori es phil oso-
phi ques qu ' il s tentaie nt d 'appliquer.S ' il CERVEAU M6CAHiQUe
ou CERVEAU NIJMEI\ÎQUE?
est imposs ible de concevoir un robot ca-
pab le de se dé pl acer e n ado pta nt les
mê mes méth odes qu e ce ll es utili sées
pour le joue ur d 'échecs, c'est qu ' il est
pe ut-être imposs ible e n vé rité de dé-
composer Ioule conn aissance en pro po-
s1t1o ns log iqu es é lé me nta ires.
L' intelli gence artific ie ll e, g râce à une
lo ng ue séri e d 'ex pé ri e nces infruc-
tueuses, a permi s de mettre l'accent sur
la nécess ité de pre ndre e n co mpte le
corps e t ! 'enviro nne me nt po ur conce-
vo ir des mac hines inte lli gentes. Plus gé-
nérale ment , pui sque les di ffé rentes théo-

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente 23


Intelligence Artificielle ...

mission . Il s'agit d ' un dispositif entière- tables de multiplication . Leur appren-


ment mécanique . Aujourd'hui, on utili- tissage est coûteux en mémoire: il fau-
serait au contraire un di spositif numé- drait un peu mo in s de 5,000 Go pour
rique, c'est-à-dire un ordinateur capable stocker les ta bl es des no mbres à
de mesurer la vitesse de rotation du volant six chiffres. L' algorithme traditionnel
et de calculer la position de la valve pour que l'on app rend à l'éco le primaire
apporter la bonne quantité d'énergie. Ces consiste à décomposer les multiplica-
deux dispositifs parviennent néanmo ins à tions à plusieurs chiffres en multiplica-
résoudre le problème posé. li s ouvrent tions à un seu l chiffre et en add itions. Ce
ainsi deux voies possibl es pour com- procédé , écono me en termes d'espace
prendre d'autres systèmes de régulation, mémoire, nécessite néanmoi ns un peu
tels que le cerveau : les fonctions cogni- plus de temps de ca lcul. Mais il repose
tives de l' homme sont-elles similaires à sur une compréhension plus profonde
celles d ' un régul ateur numérique ou à de la notion de multiplicati on dans la
celles d ' un régulate ur mécanique ? À mesure où il fa it intervenir le produit
celles de l'ordinateur jouant aux échecs ou croisé de puissances décimales.
à celles du robot apprenant à se déplacer Ai nsi l'analyse de l'a lgorithme permet
par essais et erreurs? Si !'observation de de se rendre compte de ce qu'est véri-
ces deux systèmes de régulation ne per- tablement une multiplication en don-
met pas de trancher en faveur de !' une ou nant une intuition mathématique . Mieux ,
de l' autre des de ux hypothèses, elle a ce- il permet d'ouvrir des pistes pour la com-
pendant le mérite de révéler et d'explici- pré hension des mécani smes cogniti fs
ter ces hypothèses par des exemples humains. L' arg ument est le sui vant: un
concrets, de proposer des pi stes de vali- programme simple ne peut pas, en pra-
dation théoriques, tout laissant à la philo- tique, résoudre un problème complexe .
sophie de l'esprit le soin de les départager. Personne, pas même un supercalcul a-
teur, ne pe ut exécuter une tâche donnée
L'i nformatique peut égaleme nt partic i- (par exemple, multipli er des grands
per à l'édification de nouve lles théories no mbres) sans em ployer une méthode
philosophiques. Un exemple de cette « intelligente » . Dès lors, tout pro-
démarche est donné par! ' utili sation des gra mme réso lva nt un problème com-
pl exe est lui -même assez sophi stiqué
pour mériter que l'on s'y intéresse.
Bmuo(;RAPHIE
• Dreyfus . H.L. 1979. hlll' lligencc Artificielle : rnrlhe., Dans le cas del' intelligence artific ielle ,
et limites . Pari~ : Flammarion . contrairement à ce qu'en dit John Searle
• Lamarche-Perrin , R. 2012 . De.1collah11ratio11.11m.1- dans son expérience de la « chamb re
.ühle.1 e111re philosophie el /11tellig e11ce !lrt(ficielle. chinoi se » (voir encadré), une machine
Mémoire de Master de philo~ophie de l' Université passant le test de Turing avec succès ne
Pierre-Mendès-France . Grenoble . peut pas , en pratique, être complètement
• Searle. J .R . 1984. Du cen-eau au Sll\'oir : c011jëre11ce., « stupide » . Une te lle machine constitue
Reith 198-1 de la BBC. Pari~ : Hermann. 1985 . dès lors une piste ex périmentale pour
• Turing . A .M . 1950. « omputing Machiner1 and modéli ser et expliquer la complex ité des
Intelligence . ». Mi11d . vol. 59 . p. --1-33-460 . facultés humaines.
• Varela . F.J . 1988 . lm·i1atio11 a11.1 sciences cog11iti1·c•.1.
Paris : Seuil. 1996. M.B . et R.L.-P.

Ta.ngente Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique


par J.-J. Vie, A. Talon et A. Charguéraud EN BREF

L'association Prologin organise depuis 1992 un concours national d'in-


formatique qui s'adresse aux jeunes de 20 ans et moins.
Le concours débute d'octobre à janvier avec une ,preuve de 5'lection
l!e.!9111J91! rJll~~ compo5'e d'un questionnaire de culture informatique et de pro-
blèmes algorithmiques de difficul~ croissante.
À l'issue de cette phase, les meilleurs candidats sont qualifiés pour les
,preuves regionales organiStts dans plusieurs villes de France et de
Belgique : le matin, une ,preuve ~rite d'algorithmique assortie d'un
entretien et l'après-midi, une ,preuve • machine • de programmation.
Dernière ,tape, les 100 meilleurs candidats sont convi,s à la grande
finale qui se d,roule pendant trois jours à l'EPITA à Paris : chaque candidat dispose de trente-six
heures pour programmer une intelligence artificielle (appe"e • champion ,). Les champions des can-
didats s'affrontent ensuite deux à deux au sein d'un tournoi et les dix meilleurs passent devant un
jury et remportent les lots.
Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site du concours : http://prologin.org

Le concours Castor Informatique


Au mois <le novembre. !'ENS Cachan, l'association France- 10 1et lnria ont organisé la troisième édition
française du concours Castor Informatique.
Le principe est simple : seuls ou en binôme!'>, <les collégiens et lycéens ont 45 minutes pour résoudre
18 exercices permettant <le découvrir des concepts informatiques. La plupart des questions se
présentent sous la rormc d' animations interactives où les élèves constru isent petit à petit leur réponse
en interagissant avec l' ordinateur.
Ne nécessitant aucune connaissance préalable en informatique, le Castor vise à faire découvrir aux
jeunes ce qu'est l'informatique en tant que science. ainsi qu'à suggérer le type de raisonnement mis en
œuvrc en programmation et en algorithmique. Et ça marche !
Depuis trois ans. le nombre <le participants français a quasiment doublé chaque année. Ils étaient plus
<le 170000 en 2013. dont 48 % <le filles .
Le concours. entièrement gratuit, se déroule début novembre dans
une salle informatique <le chaque établissement participant sous
la ,urveillance <l ' un enseignant. Comme dans les 28 autres pays
où il est organisé. le Castor est décliné en France en différents
niveaux : 6"/Y, 4"/3<, 2,1< et 1'"!ferminale. Peu après la fin du
concours. des corrections sont pub!iées, ainsi que des informations pour
aller plus loin sur les thèmes abordés . Tous les participants reçoivent un
diplôme. et les meilleurs gagnent un lot.
Pour plus d'informations, ainsi que pour jouer les sujets <les éditions
précédentes. n 'hésitcL pas à vous rendre sur le site du concours :
htt p://castor-i nformatique. fr

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tcin9ente


EN BREF par H. Lehning & M. de Ruelle

La révolution
POPPV. premier robot humanoïde crvntoaraphiaue
imprimé en 30
Le robot Poppy a été présenté en 2014 à François Hollande
à l'Élysée, dans le cadre d'un évènement Frenchîech pour
soutenir le développement de l'économie du numérique (des
vidéos sont disponible en ligne sur les sites de DailyMotion
et de Vimeo). Poppy est le premier robot humanoïde com-
plet au monde à être la fois open-source et imprimé en 30.
Il est destiné principalement au monde de l'éducation, des Colossus, premier ordinateur
Fablabs (associatifs ou dans les entreprises). des geeks et à Blctchley Park pendant
des artistes. la Seconde Guerre mondiale.
Dès 2014, les premiers lycées, écoles d'ingénieur et Fablab
commenceront à l'utiliser dans leurs formations. Il est prévu L ' in formatique est née en partie du
que cet usage se multiplie rapidement afin de contribuer à besoin de décry pter les messages
l'appropriation du monde numérique et de l'impression 30 allemands de la Seconde Guerre
par le plus grand nombre. mondiale. Des méthodes pour casser
Tout le monde peut télécharger librement les plans de Poppy fac il ement le code de la mac hine
et le logiciel associer, le construire, le << hacker », et inventer Eni gma, comme celle de l 'indice de
de nouvelles version ! coïncidence, ex istaient mais n'ont pu
Référence : être utili sées du fa it de l'absence de
http ://www.poppy-project.org moyens de calcul s suffisants. Cest
pourquoi Al an T uring et son éq uipe
optèrent pour une méth ode moin s
systématique, la recherche de mots
probables, qu ' heureusement l 'armée
allemande fo urni ssait en abondance.
dans les bulletin s météo par exempl e.
L e premier ordin ateur (Colossus) fut
construit par les Britanniques à la
même époque pour décrypter le code
d' une autre machine de chi ffrement.
L orenz. réservée aux hauts dirigeants
allemands alors qu 'Eni gma servait sur
le champ de bataill e, en parti culier
dan s les sous- marins. Le code de
L orenz et le relati f fa ible nombre de
messages le permettaient.
Après la guerre, ces progrès menèrent à l'introducti on de nouvelles méthodes.
comme les clefs asymétriques où, contrairement aux clefs sy métriques, savoir coder
ne suffit pas pour savo ir décoder. L a plus cé lèbre et la plus utili sée d 'entre elles. en
parti culier dans les cartes bancaires et sur Internet, est la méth ode RSA. du nom des
tro is inventeurs : Ri vest. Shamir et Adl eman. Elle repose sur la difficul té pratique de
fac tori ser les nombres quand il s sont grands.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


HISTOIRES par B. Hauchecorne

La préhistoire
de l'informatique
De la procédure algorithmique aux premières machines à cal-
culer, les origines de l'informatique sont bien plus anciennes
que ce qu'on pourrait imaginer, même si ce sont les progrès
de la physique qui ont permis le pas sage à l'acte. Histoire de
précurseurs.

e dévelo ppe me nt de l' in fo rma-

L tique a é té re ndu poss ibl e par les


progrès immenses des s ièc les
de rnie rs e n sc ie nces phys iques , en par-
tic ulie r dans le domaine des maté ri aux.
Mais il n' aura it pas été possibl e sans
des ava ncées mathé matiques o u lo-
giques préa lables. C'est mê me de pui s
très lo ngte mps que certains o nt ima-
giné des méthodes itérati ves pouva nt
abo utir à un résultat o u des machines
capabl e de réali ser des opératio ns au-
to matiques.

les premiers algorithmes

L'ordinateur ne réa li sant que des opé-


rati o ns programmées à ! 'avance et
s'adaptant en fo nctio n des résultats
o bte nus aux é tapes précéde ntes , la
noti on d 'a lgo rithme y prend tout son
sens. C'est sans do ute c hez Eucl ide
qu 'on voir apparaître po ur la pre mière
fo is ce type de méthode.

es & informatique
POUR L'INFORMATIQUE

Dans le livre VII des Éléments, il John Na pier, l' inve nte ur des loga-
explique , dans ses deux pre miè res pro- rithmes e n 1614, mit au po int un
positions, la méthode effective po ur systè me de baguettes couli ssantes sur
obtenir le PGC D de deux nombres : lesque lles étaie nt notées les tables de
c'est ce qu'on appe lle de nos jours multipli cation des e ntiers de 1 à 9
l'algorithme d 'Euclide. qui pe rme ttaie nt ainsi d 'effectuer des
Dans l ' Antiquité, o n pe ut cite r aussi multiplications. Pe u après, Wilhe lm
le cribl e imag iné pa r Ératosthè ne Schickhard s ' e n inspira pour imaginer
pour obte nir la li ste des no mbres pre- une horloge calculante ; d ' après le
miers. Les deux ho mmes o nt vécu à courrie r qu'il envoya à son ami Ke pler,
Alexandrie au troi siè me siècle ava nt le haut était constitué de baguettes cou-
J. -C. , le pre mie r au dé but, le second li ssantes alors que des roues dentées e n
au milie u. bas pe rmettaient d 'e nreg istrer les rete-
nues . Malheure useme nt sa mac hine
Mais d'où vie nt le mot mê me d 'a l- no n e ncore ac hevée fut détruite l'an -
gorithme, c uri e use a nagra mme du née sui va nte da ns un incendie .
mot logarithme ? Il provie nt de la
déformation du no m du mathé mati- Bla ise Pasca l, âgé de 19 ans, se
cien arabe du début du dixième siècle dé tac he du principe de l' ho rlo ge.
Mohammed al-Khwari zmi. Celui-ci ne perme ttait pas d 'effectue r
Dans son cé lè bre o uvrage Kitab al-ja- des rete nues en cascade pour des rai -
br (on y reconnaît une autre origine, sons mécaniques (trop forte pou ssée
celle du mot algèbre), il a donné une qui bloqu ait la mac hine) . Il conçoit
méthode mécanique de la réso lution des des rouages mini aturi sés, dits à lan-
équations du second degré ; po ur lui , il ternes, qui rés iste nt à des secousses
y en avait six types une fois ôtées toutes très fortes alors que des systè mes de
les express ions négatives. L'attribution sautoirs pe rmette nt les retenues. Cette
de son nom po ur désig ne r ce type de mac hine fonctionnait sans inte rve ntion
raisonnement n' est donc pas usurpée. humaine interméd iaire. C'est pourquoi
o n considè re Blaise Pascal comme le
Les premières machines à calculer pre mie r invente ur d ' une machine à
ca lculer.
Les premiers instrume nts mécaniques
pour permettre le calcul sont les bou-
liers, o u abaques, conç us dans diffé-
re ntes civili satio ns dès l ' Antiquité ; on
ne peut cepe ndant pas les considé rer
comme des mac hines.
Gerbert d ' Aurillac, é rudit éclairé,
rapporta de ses voyages chez les
Maures d 'étranges machines et en
conç ut lui-mê me avec tant d'habile té
qu ' o n le soupçonna d 'avo ir vendu son
âme au diable, ce qui ne l' e mpêcha pas
d ' être é lu pape e n 999 sous le nom de
Sylvestre Il .

Hors-série n°52 . Mathématiques & informatique Tangente


HISTOIRES La préhistoire de ...

Fort de ces idées , Le ibni z conço it en


••
•• ••
t 1673, une mac hine dont le principe est
f • • • .' assez di ffé rent de ce lui de la Pasca line .
• •
0 f , ,,, ~ Elle se co mpose de cy lindres canne lés
qui entraînent des roues dentées. Seul

l f O Of "., de ux exempl aires ont été construi ts,


l'un e n 1694 et l'autre en 1706. Il en

i OOf fO· O ex plique le fo ncti onnement en détail


dans un article paru en 17 10 et se
réjouit en affi rmant : « grâce à ma
l- 0 l O L~ f

l 10,,~,, Machine ( ...) les calm is pouvaient
être menés à bonne fi n par un petir
enfant. »

t t O O O t f ''1 t En fa it. cette mac hine ne marche-


ra j ama is rée ll e me nt. L' ingé ni e ur
Addition en binaire extrait de Thomas de Colmar l' incorporera en
http://www.bibnum.education.fr/files/Leibniz-a nalyse. pdf 1820 dans son arithmomètre, une nou-
ve lle machine à ca lculer qui aura un
certain succès commercial.
No mmée Pascaline, cette mac hine fut
construite et commerc ialisée mais sans C'est à la même é poque que Charles
grand succès. Certes le prix en était Babbage imagine une mac hine à cartes
é levé, mai s on pense surtout qu ' elle perforées (vo ir article sui vant) ; même
in spirait à l' é poque une certa ine si elle ne vit jamais le jour, on peut
méfi ance, ce qui fit dire à Voltaire : la considérer comme ancêtre des pre-
« Pascal,jou sublime né un siècle trop miers ordinate urs.
tôt. »
B.H.
Pour plu sie urs rai sons, Le ibni z peut
être considé ré comme un précurseur de
l' informatique. Dans un manuscrit De
Progressione Dyadica, datant de 1673 La Pascaline,
mais non publié, il introduit le systè me collection du musée
bina ire et effectue des opérations. Il des Arts et métiers.
conçoit alors la poss ibi-
lité de mécani sation
du calcul. Il re prend
en détail ces idées
dan s son article
Explication de
l'arithmétique
binaire publié
en 1703.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


par Franck Daninos INTERVIEW

Nicolas Sorel, créateur de Magma Mobile :


II Restez dans les clous el 11ersé11érez ! 11
Magma Mobile con- En tant que partenaire du prix Ber-
naît un fort dévelop- nard-Novelli et des Trophées Tangente,
pement depuis sa quels conseils donneriez-vous aux
création en 2009. jeunes développeurs ?
Comment expliquez- « Rester dans les clous ! S'ils se fixent un ob-
vous ce succès ? j ectif, qu'ils ont une idée, et qu'ils veulent la
« Magma Mobile a effectivement développé réaliser, il faut que les jeunes développeurs
environ cent cinquante j eux, toutes plate- se donn ent les moyens de le faire. Il n'y a
formes confondues (A ndroid, !phone et Win- rien de magique ! Ce n'est pas parce qu'on
dows Phone). Nous étions là au bon moment, va faire un j eu et qu 'on va le "mettre dans un
et avons su saisir les opportunités : en 2009, store" que la magie va opérer. C'est w1 peu
il n 'y avait pas d'A ndroid en Fran ce et on a une vue de l'esprit actuellement : déposer un
commencé à faire des applications pour ce j eu, mettre beaucoup d'efforts dedans, le dé-
système d'exploitation mobile. On a écrit poser et ensuite constater que ça ne marche
un livre,fait des formations vidéo ... On s'est pas et passer à autre chose.
lancé à trois, maintenant nous sommes une Le conseil, c'est de mettre beaucoup d'énergie
quinzain e, stagiaires compris. Aujourd'hui dans la création d'un j eu ou d'un programme.
on a plus de trois cents millions de téléchar- Après, il faut continuer, trouver des moyens
gements de nos j eux ! » de le faire connaître, d'en faire parler, ne pas
lâcher l'affaire. Par contre, le chemin ne sera
Les applications que vous développez pas facile : il y a une grosse concurrence,
font-elles appel à des algorithmes com- avec un million d'applications sur les stores.
plexes ou à des notions mathématiques Pendant les moments durs, ilfaut persévérer
sophistiquées ? et faire confiance à son intuition. »
« Tout à fait ! Depuis le début, notre sa-
voir-faire c'est les jeux du type "brain and Quelles sont selon vous les grandes
puzzle" [NDLR : cerveau et casse-tête] et lesj eux tendances qui semblent se dessiner au-
de réflexions. Dans Connect'em par exemple, jourd'hui?
on doit relier, de façon stratégique et selon « Avant, les j eux payants étaient les plus
des considérations arithmétiques, des petits rémunérateurs. Les choses ont changé : les
personnages marqués par des entiers natu- Coréens, j e crois, ont introduit l'achat in-
rels. Nous créons aussi des j eux de type Bubble tégré dans l'appli ("in app purchase"). En
Blast, où il faut calculer la longueur d'une ce moment, c'est ce mode-là qui prévaut :
réaction en chaîne. Nous avons également l'application est gratuite, puis au bout d'un
développé un j eu moment, un e fois qu'on
d'échecs très poin- est bien accroché, on va
tu, un jeu de Re- passer à la caisse. Chez
versi ainsi que nous, tous les j eux sont
tous les j eux clas- gratuits, et on les moné-
siques qui font ap- tise avec de la publicité.
pel à l'intelligence On est dans un autre
artificielle. » modèle.»

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


HISTOIRES par Hervé Lehning

Babbage
et le premier ordinateur potentiel
Au XIXe siècle, Charles Babbage conçut la première calculatrice
scientifique ainsi que le premier instrument que l'on puisse
qualifier d'ordinateur. Malheureusement, au-
cun des deux ne fonctionna à l'époque.

C
harles Babba- no mbre d ' e rre urs, ce q ui cond ui sa it
ge se consa- parfo is à des catastro phes, e n partic u-
cra très je une Iier des na ufrages pui squ ' e ll es étaie nt
aux mathé matiq ues. uti lisées dans la nav igatio n. Le but ini-
Après des études au ti a l de Babbage fut do nc de créer des
Trinity Co llege de tables de fo nctio ns sans e rreur de cal-
Cambridge, il dev int c ul. Po ur cela, il conç ut une machine
me mbre de la Royal capa ble de ca lc ule r les vale urs d ' un
Soc iety e n 18 16 e t fut po lynô me à pa rt ir de ses di ffére nces
parmi les fond ate urs de fi ni es (vo ir l'encadré). E n utili sant
la Roya l Astrono mical So- l' approximati o n des fo nctio ns par des
c iety en 1820, ce qui pe ut ex- po lynô mes, ce la permet de dresser les
plique r son inté rêt po ur les tables tables des fo nctio ns usue lles, comme
Charles de fo ncti o ns numé riques, indi spe n- les fon ctio ns trigono métriques o u log-
Babbage (1791-1871). sab les aux calcu ls astro no miques, e n arithmiques.
Portrait par partic ulie r. La méthode utili sée ex plique le no m
Virginia Kolence . Les tables de l' é poque, confec tio n- do nné à ce calcu lateur : la machine à
nées à la ma in , conte naie nt un g rand différences.

E n 182 1, un pre mie r modè le partiel ,


La calculatrice de Charles Babbage
mai s fo ncti o nne l, de la machine à
a été réalisée à la fin du rr siècle diffé re nces fut présenté à la Royal
et on projette de construire l 'ordinateur Astro no mi ca l Socie ty. Ce lle-c i s ' in-
té ressa au proje t et, e n 1823, le gou-
en ce début de xxf! siècle ...
Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique
POUR L'INFORMATIQUE

ve rnement britannique accorda une


bourse de 1 500 f. afin que Babbage
li •61111111 da ••renca nain
puisse construire l'ensemble complet. Soit li la fonction qui, à un polynôme P, associé le poly-
Malheureusement, ce ne fut pas le cas =
nôme l1P défini par: l1P (x) P (x + 1) - P (x).
de son vivant, en partie parce qu ' il per- On remarque immédiatement que le degré de l1P est égal
fect ionn ai t sans cesse sa machine, sans à celui de P diminué d'une unité.
attendre qu'un modè le so it achevé. =
Ainsi, si Pest de degré 3, l!t.P est de degré 2, 112 P li (l!t.P)
Les principes de cette machine restent =
est de degré 1 et /i3 P li(/i2P), de degré 0, c'est-à-dire
classiques. Comme les précédentes, =
est une constante, /i4 P O.
celle de Bl aise Pasca l en particulie r,
e lle fonctionne avec des roues dentées, En inversant la méthode, de simples additions suffisent
correspondant aux chi ffres de O à 9. pour calculer les valeurs de P à condition de conmu"tre
les valeurs sur la diagonale, en jaune dans le tableau. La
machine à différences de Babbage, si elle avait été réali-
sée, aurait été capable
d'effectuer ces calculs
pour des polynômes de
degré au plus 7 et des
nombres comportant
jusqu'à 31 chiffres.

Différences rmies de
rappliquées aux
premiers entiers (lire
verticalement l'image
n élément de la machine à différences, de 0, 1, 2, •.• )
construit en 1832, on remarque qu 'elle
calcule sur des nombres décimaux.

L' é lément construit fut ut ili sé pour la machine analytique


montrer que ('ensem ble était réa li sable ,
même s' il ne le fut jamais du vivant de Sans avoir ré uss i à construire sa
Babbage. En fait, ce lui -c i ava it conçu mac hin e à diffé re nces , Charles
deux modè les de sa machine. C'est la Babbage entreprit un projet plu s ambi -
econde que l' on a construit à la fin du tieux e ncore : la machine analytique,
xx<siècle, après avo ir corri gé que lques premier ordinateur qui reste ... poten-
erreurs mineures. La plu s gênante con- tie l, car lui , il ne fut jamai s réali sé.
cernait le mécani sme des retenues, qui Pour comprendre ses principes, mieux
ne pouvait fo nctionner te l qu ' il éta it vaut savoir que Babbage s'est inté-
décrit.. . même si son princ ipe éta it ressé au métier à ti sser de Jacquard ,
correct. qui utili sait des cartes perforées : les

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


HISTOIRES Babbage

La machine à différence, construite selon les plans de Babbage en 1991. Sur la droite, on remarque la
manivelle qui actionne la machine, sur la gauche, l'imprimante et sa manivelle.

pleins des cartes servaient à repousser les parties permettant de communiquer


les aiguilles, le contraire pour les creux l' algorithme à effectuer ainsi que les
qui les laissaient passer. .. données. Pour stocker ces données et
C'est ain si que le ti ssage d ' une pièce les résultats intermédiaires, ainsi que le
était commandé par une séquence de rés ultat fi nal, il conçut une autre unité,
cartes, qui constituait ain si un pro- qu ' il nomma le magasin, qui fo nction-
gramme avant la lettre. nait avec des roues dentées et des
cartes perforées . C'est l'équi valent, de
Contrairement à la mac hine à di f- nos jours, de la mémo ire. Le magas in
fé rences, qui ne po uvait effectuer comportait également des unités de
qu ' un calcul , la machine analytique sortie : perfo ratri ces (ou plutôt leurs
devait pouvoir sui vre n' importe que l ancêtres) et imprimantes.
algorithme compatible avec sa concep-
tion . Ain si, e lle prévoyait des bouc les C'est égale ment en s' in spi ra nt des
et des structures conditionnelles. métiers Jacquard que Babbage déc i-
Babbage choisit d 'entrer ses algorith- da de séparer le mécanisme de com-
mes dans la mac hine, comme Jacquard mande de la machine, qu ' il nomma
entrait ses motifs : avec des cartes l'unité de commande, du mécani sme
perforées. Il nomma unités d'entrée d 'exécution des opérations logiques et

Tangente Hors-série n°52 . Mathématiques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

arithmétiques, qu ' il appelait le moulin . Babbage re présentant


Les deux correspondent aux proces- le mieux son projet.
seurs des ordin ateurs modernes. On peut trou ve r le
Cette machine, e ntièrement numérique projet et ses détai ls
donc mathématique, ne fut jamais con- sur Internet.
struite car, o utre les diffi cultés tec h-
niques, l'époque était plutôt favorab le H.L.
au calcul analog ique, plu s in spiré par
la physique (vo ir c i-dessous).

En ce début de xx1" siècle, un pro-


jet a vu le jo ur pour construire une Détail d' un métier
mac hine analytique. Il porte le nom de Jacquard montrant les
plan 28, qui est le numéro du dess in de cartes perforées.

le calcul analogique
Pour donner un exemple simple, voire simpliste, de calcul analogique, une autre façon
d'effectuer les additions est d'utiliser les propriétés des longueurs : deux mètres plus trois
mètres font cinq mètres. Ainsi, avec deux règles graduées, on peut facilement opérer une ad-
dition. La fonction logarithme transformant une multiplication en addition donne alors une
méthode analogique pour calculer un produit. Il suffit de transformer l'échelle linéaire en
échelle logarithmique. On obtient un instrument de calcul, autrefois symbole de l'ingénieur.

De façon plus générale, l'idée du calcul analogique est de représenter les nombres par des
grandeurs géométriques Oongueurs, aires, volumes,
angles) ou physiques (mécaniques, électriques, hy-
drauliques, chimiques), et d'exploiter des phéno- Une règle à calcul est composée de
mènes géométriques ou physiques dont la modéli- trois réglettes dont une cou~ entre
sation mathématique est fondée sur les équations les deux autr . En faisant coïncider la
que l'on veut résoudre. graduation 1 de l'une et la graduation
En particulier, des systèmes électriques per- 2 de l'autre, pu· en alignant le curseur
mettent de résoudre automatiquement certaines sur la graduation 5 de la première, on lit
équations : celles qui les régissent. le résultat de la multiplication 2 x 5 sur la
Les calculateurs analogiques ont été en usage seconde.
jusqu'à ce que les ordinateurs, ou calcula-

teurs
dire jusqu'au dessup: ;la~n;t;e;n;t,; c~'e;s~t-~à;-;;:::i::=3j~~g~Ë~
débutles
numériques, ~-~~~
années 1970. Dans le
domaine du calcul scien-
tifique, numérique est
ainsi devenu l'opposé
d'analogique.

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


-··

HISTOl1
R E$ par Jean-Jacques Dupas

Le programme de Lady Hda King,


comtesse de louelace
Lady Ada King est le personnage romantique par excellence :
jeune, belle, indépendante, intelligente, unique fille légitime
du célèbre poète britannique lord Byron, elle décédera
comme lui dans la fleur de l'âge, à 36 ans. L'informatique
moderne la rendra célèbre.

ady Ada King est certes la fill e

L du cé lè bre poète Lo rd Byro n ,


m a is éga le me nt de la m a th é-
m a ti c ie nn e Ann a be ll a (o u Anne Isa -
b e l la) Milb a nk e. Ses p a re nt s se
séparero nt avant sa na issance e t e n fa it
Ad a ne co nn aîtra j a m a is so n pè re . . .
Annabe lla cho is it po ur sa fill e une édu -
cati o n mu s ica le e t sc ie ntifique. Le 5
juin 1833 , e l le re nco ntre C ha rl es Ba b-
bage lo rs d ' une réce pti o n , e ll e a a lo rs
17 ans. Ba bbage ex pose les prin c ipes
de sa pre mi è re mac hine à Ada, qui se
trou ve imm é diate me nt fasc in ée . Il s
dev ie nne nt ra pi de me nt a mi s e t Ba b-
bage lui parl e d ' une no uvell e mac hine ,
la M ac hine ana lytiqu e , bea ucoup plu s
é la bo rée, do nt il passera le reste de sa
v ie à pea ufine r les pl a ns da ns l'es po ir
de la fa ire co nstruire ( il ne la ve rra
j a ma is réa li sée). L' a rchitecture de son auparavant par Jacquard pour les métiers
appareil est éto nne me nt moderne. Jugez à ti sser, d ' un magas in ( la mé mo ire) et
plutô t : e ll e s'arti c ul e a uto ur d ' un lec- d ' un mo ulin ( le processe ur).
te ur de cartes pe rfo rées ( l' unité d ' e n-
trée), in ve nt é qu e lqu es d éce nni es Un siècle d'auance !

En 1840 , Babbage présente, po ur la pre-


Le programme utilise toutes mi è re et unique fo is, sa mac hine à un
les possibilités de la machine : groupe d ' ingénie urs et mathé mati cie ns
branchements conditionnels et boucles. italie ns, do nt Lui gi Federico Me nabrea,

Tc:ingente Hors-série n"52. Mathématiques & informatique


l!OUR L'INFORMATIQUE

le pseudo-code du programme d'Ida


1 -> Bernoulli[o]
Pour n de 1 à n faire
o-> Somme
(2n- 1)/(2n+1) -> A[o] # évaluation de A 0
A[o] + Bernoulli[o] -> Somme #A;B; -> Somme
Si n == 1 alors - Somme-> Bernoulli[1] # B 1 = -A;B;
Pour i de 1 à n faire
Si i == 1 alors n -> A[I] #A.= n
Sinon
A[1] -> Produit # Produit = A.
Pour j de o à 2(i- 1) fai re
Produit*(2n- 1- j)/ (3+D -> Produit # Produit= A.(2n-1- j)/(3-j)
Produit -> A[i] #A;= A.(2n-1)(2n-2) ... /3 /4 ...
Somme+ A[i]*Bernoulli[i] -> Somme # Somme = Somme + A;B;
Si i == n- 1 alors - Somme -> Bernoulli[z1 # B;= - Somme

qui publiera un article en français, Notions re nce qui o n t é té à la b ase du p ro-


sur la machine analytique de Charles gramme d ' Ada Lo ve lace. Ces de rniè res
Babbage . Ada lit , traduit et a nno te cet so nt de la fo rme s ui va nte :
article grâce aux échanges qu 'elle conti-
nu e d ' avo ir avec Ba bbage, pui s e ll e A0 B0 + A 1B 1 + A 2 B2 + ... + A,, B,, = 0 ,
publie ce tex te. li est tro is fo is plus lo ng avec les coeffic ie nts A ; qui pe uve nt
que !' article de Me nabrea, car augmenté dé pe ndre den. La fo rmule de récurre nce
de sept notes. Ce sera pe ndant près d ' un la pl us e mployée aujo urd ' hui est
sièc le le seul artic le de ce genre.
Les notes d' Ada sont co nsac rées à la
L" (17 k+ 1) Bk
k-0
= 0, mais e n son te mps Ada

programmation. En particulier, la dernière Lovelace uti lisait l'équa tio n suivante:


déc rit un progra mme permettant de cal- _ _ _!_ 2x - 1 + 2x
0 81
c uler les no mbres de Be rno ulli : ce pro- - 2 2x + 1 2!
gramme utili se to utes les poss ibilités de + B, (2x)(2x - 1)(2x - 2) + ...
la mac hine, comme les bra nc he me nts . 4!
cond itio nnels et les bo uc les. Il est bie n +B (2x)(2x - 1) .. . (2x - 211 + 2)
plu s complexe q ue ceux qu i ava ie nt été " (2 11 )!
e nvisagés par Babbage, et reste consi- o ù e ll e posait x = n.
dé ré pa r beaucoup comme le pre m ie r On o btie nt alo rs e n effet :
vra i programme de l' hi sto ire. A = (211)(211- 1) .. . (211- 211 + 2) = (211)! = I
Les no mbres de Be rno ulli B,, so nt des " (211)! (211)!

co nsta ntes qu e l'on re ncontre lo rs d u et


développe me nt e n polynô mes des fo nc- A = (211 )(2n- l) .. . (0) ... (-2p + 2) = O.
,,.,, (211 ) 1
tio ns tri go nométriques . li s sont dé fini s
par le déve lo ppe me nt e n séri e e nti è re Ada utili se des vari ables Y 1, V2 ... rece-
de la fo ncti o n dé fini e qui a u rée l stric- va nt les va le urs. V I est initi a li sée avec
teme nt pos iti f x assoc ie x/(ex - 1). 1. V 2 avec 2. Le prog ramme qu 'e ll e
Ma is ce so nt des fo rmu les de réc ur- conço it est une g rande bo uc le itérant

Hors-serie n• 52. Mathématiques & informatique Tangente


Lady Ada King

sur n calculant les nombres de Be rnoulli Les résultats des A; sont conservés dans
B; de proc he e n proche. les variables V 11 , V 12 et V 13 alors que les
Pour n = 1, 0 = A0 + B I résultats des nombres de Be rnoulli uti-
donc 8 1 = - A0. li sent les variabl e V 21' V 22 ,Y 23,V 24 ...
Pourn= 2,0 =A 0 +B 1A 1 +8 2 Ce p rog ra mm e est incroy a bl e me nt
donc 8 2 = - A0 - B IA 1. moderne et abstrait (utilisation de variables .
Pour n = 3, 0 = A0 + B IA 1 + B2A 2 + 8 3 bouc les, branchements). Ada avait bie n
donc 8 3 = - A0 - B 1A 1 - B 2A 2. co mpri s l' idée de ce que no us ap pelo ns
V3 est initialisée avec n. Une autre boucle le branchement conditionnel (la poss i-
de sommation est nécessa ire pour ajo u- bilité qu' a un programme de sélection-
ter à A 0 les A;B;. Le compte ur de cette ner des instructions sui vant une condition).
boucle est la variable V 10. Ell e s'est inté ressée à la no ti o n de cal-
Encore faut-il évaluer les A ; ! Pour ce faire, c ul abilité, fa isa nt la di stinction e nt re ce
e lle comme nce par ca lculer qui est théoriquement possible de calculer
1 211- l . 211 de ce qui l'est en pratique. Enfin , elle avait
A 0 = - - - - pui s A 1
2 2n + 1' 2 parfa ite me nt pe rçu l' inté rêt de la méca-
Son évalu ation du coeffic ie nt A 1 n 'est ni satio n du ca lc ul. Hé las, elle décédera
pas optimale, ma is e ll e se sert de la à la fl e ur de l'âge d ' un cancer et ses tra-
valeur 2n déjà stockée dans une variable va ux seront o ubliés pendant plu s d ' un
lors de l'éva luatio n du coefficie nt A0. s ièc le . Ell e sera redécouve rte lo rs de
Pour évalue r les A,, sui vants (o ù n > 2), l'avène me nt des premiers ordinate urs;
elle réécrit l'expression de A,, comme suit : un langage informat ique portera mê me
A 211 2n - 1 211 - 2 2 son nom .
" = 2-3--4-···211
J.-J. D.
211- 1 211 - 2 2
=A----
' 3 4 211 Références
• Lady Ada et le premier ordinateur. Eugene Eric
Elle construit donc une nouve lle boucle, Kim et Betty A lexa ndra Too le, Pour La Science
maté ri ali sée da ns son programme par 26 1. juillet 1999.
une accolade . Le numérate ur est initia- • Lady Augusta Ada King comtesse de Lovelace.
li sé avec 2n - 1 et le dé nominate ur avec Biblioth èque Tan gente 37. Les algorithmes.
3; à chaque itération , on divise le numé- 20 13.
rateur, diminué de 1, pa r le dénomina- •Informatique: la préhistoire est anglaise . Tan -
te ur, a ugme nté de 1, et on le multiplie gente 137, 20 10 .
avec le rés ulta t. Ce mo rcea u de pro-
gramme est le sui vant s i la va ria ble V I
conti e nt 1, V 7 conti e nt 2, V6 conti e nt
2n e t V 11 contie nt A 1 :

V6- V1-+V6
(Y 6 contient désorm ais 211 - 1),
V1+V 7 -+V7
( Y 7 contient désormais 2 + 1 = 3),
V6/ V7 -+Vs
(Y 8 contient désorm ais la nouvelle fraction ),
Vg X VI I -+ VII
(Y 11 contient le nouvea u prod uit) .

Tangente Hors-série n"52. Mathématiques & informatique


par Hervé Lehning EN BREF

les messages
oui se corrigent tout seuls
De nos jours, tout message, que ce soit un texte, une image ou une
vidéo, est une longue suite de bits, c'est-à-dire de O et de 1. Il peut
être envoyé par des canaux de communication divers : câbles, fibres
,:i·.
i~

\
optiques, ondes radio, etc. Quelle que soit la ligne de transmission util-
isée, elle ne saurait être à l'abri d ' erreurs. Pour remédier à ce défaut,
l' idéal est que les messages erronés se corrigent d 'eux-mêmes. La tâche
semble impossible .. . et pourtant l'idée est simple : enrichir le message
d ' informations redondantes.
Rkh;ml. "'"''"•·
La première solution qui vient à l'esprit est la répétition, par exemple 191:i~t98.
trois foi s. Ainsi, 0 est codé en 000, et 1, en 111 . À la réception, le mes-
sage est découpé en blocs de trois bits. Les groupes 000 et 111 sont
corrects et ne posent aucun problème. Pour les autres, on remplace le bit minoritaire par le bit opposé.
Ainsi 100, 010 et 001 sont remplacés par 000, 011, 101 et 110, par 111. Inconvénient : la correction
s' avère exacte si une seule erreur a été commise. Autrement dit, le code proposé ne peut corriger qu ' une
erreur tous les trois bits. De plus, il est assez lourd puisqu'il triple la longueur des messages.

Avant d ' aller plus loin, notons qu ' une notion importante se dégage, celle de distance linguistique entre
deux messages, c'est-à-dire le nombre de bits à modifier pour passer de l'un à l' autre.

Les mathématiciens ont inventé de nombreux codes correcteurs d ' erreurs utilisant des notions d'al-
gèbre. Par exemple, un codage dû à Richard Harnrning consiste à transformer chaque groupe de quatre
bits (x 1, x 2, x 3 , x 4) en un mot de huit bits qui s'écrit:
(x1, x2, x3, x4 , x1 + x2, x3 + x4, x1 + x3, x2 + x4) .
+ 0 1
Dans cette transformation, 0 0 1
l'addition se fait suivant la table suivante : 1 1 0

Ainsi, le mot 0110, où x 1 = 0 , x 2 = 1, x 3 = 1 et x 4 = 0 , est transformé en 01101111. Le mot 0010 est


transformé en 00100110. Alors que les deux mots 0110 et 0010 sont à une distance linguistique égale à
1, les deux mots images 01101111 et 00100110 sont à une distance égale à 3. Ce résultat est général :
deux codes distincts génèrent deux images à distance au moins égale à 3. Le code de Harnrning permet
donc de corriger une erreur en étant plus économe que la répétition triple. On peut dresser une table de
correction comme dans le cas précédent mais on peut également donner une formule de correction . ..

R ÉFÉ R ENCES
L'U11i1•ers des codes secrels de l 'A 111iq11i1é à /11/erne/, Hervé Lehning. Ixe lles
De nombreux a11ic les (vo ire mê me numéros entiers) de Tangenle, de ses hors-séries et de Tange/lie
Sup ont été consacrés à la cryptographie et aux codes correcteurs d' e rreurs. Vo ir par exemple :
• Ta11ge111e 14 7. pages 42 à 50, 20 12.
• ù 1 cryplographie. Bibli othèque Tangente 26, réédité en 201 3.
• Tra 11.1fe r1 el échange. Ta11ge111e SU P 70- 71 . 201 3.

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


HISTOIRES par David Delaunay

Hlonzo Church, Hlan Turing


et la calculabilité
S'inspirant l'un et l'autre des travaux fondateurs du logicien
Kurt Godel, Alonzo Church et Alan Turing dégagent deux
notions clés : le À-calcul et la machine de Turing. Leur but est
de préciser la notion de calculabilité. Ils ont en fait défini un
seul et même concept !

' la fin du XIXe s ièc le, les fon- Un nouueau langage

A de me nts des m a th é ma tiqu es


sont re mi s e n cause par l' in-
troduction de paradoxes log iqu es e t
Le mathé matic ien et log ic ie n américai n
Alonzo C hurc h ( 1903- 1995) co nduit
e nse mbli s tes a na log ues a u paradoxe des trava ux parallè les à ceux de Godel
du me nte ur affirmant « Je suis un men- et s' intéresse e n particulier à défi nir ce
teur » . Cette c ri se a pa rti c ipé à l'essor qui est « algorithmique ment calculable ».
de la log ique m athé ma tique à tra ve rs li introduit po ur ce la ce quel 'on appelle
) 'ax io m a ti sa tion d e la th éor ie d es de nos jours le À-calc ul (lire lambda cal-
e nse mbl es, le calcul des préd icats o u cul ). Il s'ag it d'un la ngage serva nt à
la th éo ri e des m odè les. En 1930, le décrire et à composer des fo nct ions afi n
log ic ie n Kurt G ode ) é nonce un pre- de déterminer ce que ce ll es-c i peuvent
mi e r th éo rè m e de co mpl é tud e affir- calcule r.
mant que, s i un é noncé est vérifié dans Dans ce langage, to utes les le ttres ser-
tous les modè les d ' une théorie, alors cet ve nt à dés igner des fo ncti o ns . Six e t y
é noncé est dé montrabl e. Pe ut-o n a lo rs désignent de ux fo nctions, écrire ,\)' signi-
e n « ca lcul e r un e dé mon s trati o n » ? fie composer cell es-c i (ce que l' on écrit
Qu e s ig nifi e ê tre ca lc ulabl e ? Avec aujo urd ' hui x oy ). S i e est un mot de ce
Alonzo Ch u rch e t Alan Turing, o n langage o ù po urrait a pparaître la lettre
obtient de ux approches qui vont conver- x, Alonzo Churc h éc rit Àx .e pour dési-
ge r vers une mê me dé finiti o n . gner la fo nc ti o n qui à x assoc ie e (ce
qu e l 'o n éc rir a it x ~ e ) . A in si .
1 = Àx .x désig ne la fo nction identité, tan-
Alonzo Church écrivait initialement "x
dis que Àx.y désigne la fonction constante
au lieu de l x, puis le symbole éga le à y . Plu s géné ra lement , o n peut
s'est transformé avec l'usage .. . aussi éc rire Àxy.e , po ur définir la fo nc-

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

tion qui à x et y assoc ie e. Par exe mpl e,


Àxv_.ryx se compre nd co mme une fonc-
tion qui envoie x et y sur le résultat de
la compos ition x oyox. La fo ncti on K =
Àxy_r se comprend comme ce ll e asso-
ciant à un couple (x, y) son premier é lé-
me nt (projec ti o n s ur la pre mi è re
com posante).
En À-calcul , un e fo ncti o n défi ni e par
Àx.e es t com posée par y e n éc ri va nt
(Àx.e)y. Cette fo nction est a lors« équi -
va lente » à la fo ncti on obtenue e n rem-
pl aça nt chaque occ urre nce libre de x
da nse par y. On dé finit a in si une règle
de tra nsformation des ex press ions du À-
ca lcul do nnant par exe mpl e
(Àx.xx)y -+ yy, (Àxy_r) z --+ Ày.z, Alonzo Church.
(Àxy.yx)ab --+ ba
ou encore la success ion titre, le À-ca lcul pe ut être co ns id é ré
(Àx .xx)(Ày.y) --+ (Ày.y)(Ày.y) --+ Ày.y. comme l' un des pre miers langages per-
Ces ca lcul s, a priori s impl ifi cate urs, mettant de coder les algorithmes . Ain si,
pe uve nt néa nm o in s bo uc le r à l' infini Alonzo C hurch accède aux fo ncti ons À-
da ns certa ines situations. C'est le cas si ca lcul ables, c'est-à-dire à celles pou-
l'on considère fl = M avec va nt être obtenues par À-calcul.
ô = Àx.xx, où l'on obtient :
fl = (Àx.xx)ô -+ M = fl -+ fl-+ ... Une machine à calculer uniuerselle
Parfo is mê me, il n 'y a simplifi cati on
qu'en fo nction de l'organisation du cal- Parallè lement , le mathématic ien et logi-
cul: c ien britannique Al an Turing compl ète
Klfl = (Àx ~r) lfl --+ 1 alors que lui auss i les tra vaux de Gi:ide l afin de
Klfl= Kl (Àx.xx)ô -+ Klfl-+ KJfl-+ ... déterminer ce qui est « mécaniquement
ca lcul a bl e». Il définit po ur ce la un e
En À-ca lcul , les lettres ne désignent que « machine à calculer uni verselle». Celle-
des fo ncti o ns et null eme nt des o bjets c i es t parti c uli è re me nt rudime nta ire,
mathé matiques: les ex press ions écrites mais ses capac ités théoriques éga le nt ,
en À-calcul ne compo11ent que les lettres et même surpasse nt , ce lles de n' importe
du voca bul a ire serva nt à no mme r les que l superca lcul ate ur moderne !
fo ncti ons, le sy mbo le À et les sy mbo les Une machine de Turing est constituée d'un
utiles au pare nthèsage . Alonzo Church ruban de lo ngueur infini e (équi valent
parvient cependant à reconstruire dans d ' une mémo ire) sur leque l évo lue une
ce langage les objets du mo nde mathé- tête de lecture et d 'écriture . Une machine
matique , à co mmencer par les e nti ers de Turing est auss i constituée d ' un pro-
nat ure ls ou les va le urs boo léennes. Il cesseur pouvant prendre un nombre fini
parvient aussi à défi ni r les constructeurs d 'états et commandant le comportement
de la programmati on in fo rmatique que de la tête de lecture. La programmation
sont les in structio ns conditi onnées, les d ' une mac hine de Turing se fa it préa la-
itérateurs et les appe ls réc ursifs. À ce bl e me nt à so n fo nc ti o nn e me nt. Ell e

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente


HISTOIRES Alonzo Church, Alan Turing ...

La« À.-ca lcul alibilité » et la« T-ca lcu-


lalibilité » sont de ux approches a priori
Alan Turing. di fférentes, car! ' une est plutôt log icielle
alors que !'autre est plus matérielle. Elles
visent cependant toutes deux à défi nir le
plus généra lement poss ible ce que pou-
vait être une fo nction ca lculable. En
1936, Al onzo C hurch démontre que ces
de ux notion s déterminent exacte ment
les mê mes fo ncti o ns ca lc ul abl es ' li
affirme même qu ' il n 'est sans doute pas
poss ible de proposer un ensemble plus
large de fo ncti ons ca lc ul a bl es. Cette
affirmati on (un peu vag ue) est appe lée
la thèse de Church . Ce n'est pas un théo-
consiste à définir, en fon ction de l'état rème, car la notion de fo nction calculable
du processeur et de la va leur lue sur le n'est qu ' intuitive. C'est plutôt un constat :
ruban, des actions d 'écriture sur le ruban, o n ne parvient pas à dé finir une cl asse
de dé place ment de la tête de lecture, de plus large de fo nctions dont les va le urs
changement d 'état du processeur. pourraient être ca lcul ées par un procédé
À pai1ir d ' une information initi ale ment de nature algorithmique.
écrite sur un nombre fini de cases du
ruban, la machine de Turing opère selon Après ses théo rè mes de co mpl étu de,
le programme prédéterminé et, si celui - Kurt Gode! a énoncé des théorèmes d ' in-
ci conduit le processeur à un état qua- compl études. Sché matiqu eme nt , l' un
lifié de fi nal , on dit que la mac hine de d 'eux a ffirm e que, dans toute théori e
Turing s'est arrêtée. L' utili sate ur Iit capable de définir l'arithm étique des
alors le contenu du ruban, qui se com- entiers, il ex iste un énoncé qui ne pe ut
prend comme étant la ré pon se calcu lée (ni lui , ni sa négati on) être dé montré .
par la mac hin e de Turing à partir du Cela entraîne qu 'on ne pe ut définir d 'al-
ruban d 'entrée. Au fin al, une machine de gorithme prenant la déc ision de savo ir
Turing se comprend comme une fo nc- si un énoncé arithmétique est, ou non ,
tion mécanique tra nsform ant l'état du vé rifié: on dit qu ' il s'ag it d ' un pro-
ruban en un autre . Al an Turing a ain si blème indécidable. Parailèlement, Alonzo
défini ce que pou vait être un ordinateur C hurch dé montre qu ' il est indéc idable
aya nt é té prog ramm é. Il parti c ipe ra de savoir si de ux phrases du À-ca lcul
d 'a ille urs acti vement à la créati on d ' un sont équiva lentes. Al an Turing établit
des premiers ordinate urs en 1949. quant à lui qu ' il n 'est pas non plu s déc i-
d able de savo ir si le fo ncti onn ement
Bie n que ce modè le parai sse é lé me n- d ' une mac hine de Turing donnée va ou
taire (et c'est ce qui en fac ilite l'étude), no n s'arrêter.
il suffit pour mettre en place des démarches Ces études ont fo rte ment partic ipé aux
algorithmiques complexes. Alan Turing pro g rès des ma th é matiqu es d a ns le
pe ut ainsi étudier ce que sont les fo nc- do ma ine de la log ique et ont développé
tions T-calcu lables, c'est-à-dire les fo nc- les outil s contribuant à la fo rmali sation
tio ns dont les va le urs sont fourni es par de l' info rmatique moderne .
l'exécution d ' une mac hine de Turing. D. D.

42 Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


par É. Busser et A. Zalmanski NOTE DE LECTURE

l'avènement d'un nouveau langage


Le livre de Maria Centrella est beaucoup plus qu'un simple dictionnaire ou
thésaurus, car son auteur y étudie les fondements linguistiques de la révolution
culturelle que constitue l'informatique. Dans la liste des termes reconnus de la
Commission générale de terminologie, et dont l'usage est normatif, c'est-à-dire
obligatoire dans les textes officiels, Maria Centrella extrait 362 entrées dont elle
dissèque les origines (anglaises pour 640/o d'entre elles, latines ou anglo-latines),
et les calques structuraux (base de données), sémantiques (fenêtre, passerelle).
syntagmatiques (cheval de Troie, liste de diffusion). transpositionnels (internaute,
mémoire vive, page d'accue;n qui engendrent parfois des néologismes. Les
commentaires métalinguistiques sont clairs et pertinents comme dans l'étude Vocabulaire
des acronymes et sigles anglais (le choix de l'usage de www plutôt que « toi le informatique,
d'araignée mondiale »).
de la norme à
Une deuxiéme partie est consacrée à l'implantation des termes officiels dans
l' usage
l'usage réel de la langue avéré par les dictionnaires courants.
Maria
Le travail, fin et rigoureux, extrait de la thèse de doctorat de l'auteur, est étayé
Ccntrella,
par de nombreux tableaux de fréquences d'apparition des termes dans des
Hermann,
ouvrages spécialisés ou de langue générale avec 3 200 textes et 1 250000 mots
214 pages,
répertoriés et analysés. Il montre clairement que si la norme conduit à l'usage,
l'usage peut conduire à la norme de fait, tel un droit coutumier. L'exemple
2013, 23 euros.
d'échecs de termes comme mé/ (créé sur la topologie de té/.) ou courriel au
profit de e-mail, email et maintenant mail, voire courrier électronique est car-
actéristique. A.Z.

Qu11111·1n11rm1t1111 l'IVllttl IN c111111m


La reliure spirale donne à ce livre un petit côté Sous la jolie couverture elle-même, on trouve
cahier d'écolier, mais d'écolier studieux car ainsi plus de mathématiques et surtout plus
tout est ici traité avec le plus grand sérieux. d'informatique que de divertissements. Les
On part de problèmes ludiques classés en trois problèmes évoqués donnent tous lieu à de
catégories : « Avec des nombres », « Avec des grands développements informatiques que
lettres»,« Avec des images». Tous bien connus seuls les amateurs éclairés apprécieront. Enfin,
des amateurs de mathématiques récréatives, au livre est associé un site, www.divmath.fr,
comme le problème de Josèphe, la suite de offrant de nombreuses références culturelles et
Collatz, les nombres parfaits, les techniques de historiques.
cryptographie et de stéganographie, la spirale É. B.
d'Ulam ou l'ensemble de Julia, ils sont plus
traités par l'informatique que par le raisonnement
mathématique. Le livre en devient un véritable
manuel d'informatique, avec exposé des notions, l)ivertissen,ents ...............
0,.................
.. i ~
programmes (en langage Ruby ), exercices et nrathématiques et
solutions. Il n'est pas nécessaire au départ de infonnatiques. Laurent
savoir programmer pour étudier les problèmes Signac, H&K, 176 pages,
proposés, l'information nécessaire étant donnée 2011, 14,90 euros.
au fur et à mesure de la lecture. Le néophyte
devra donc le lire dans l'ordre.

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangent:e


SAVOIRS par François Lavallou

Hlgèbre de Boole
Fruit d'une longue et lente algébrisation de la logique, l'algèbre
de Boole est utilisée pour la première fois hors du champ
mathématique par Shannon, père fondateur de la théorie de
l'information. Elle a depuis de nombreuses applications en
électronique et informatique.
Des péripatéticiens à Boole

L
es phil osophes g recs fure nt les
p'.emiers à étudie r la log iqu~, qui
rege nte, so u ve nt in co nsc ie m - En q uête d' un la ngage uni ve rse l com-
me nt , nos process us me nta ux. Dès le mun à la log iq ue e t à l' algè bre, Le ibni z
s iècl e de Pé ri c lès , la struc ture idéa le reche rc he, sa ns succès, un « alphabet
d ' un texte mathé matique est é tablie e t des pe nsées hum aines » q ui pe rmette
la notion de démonstration chez Eucl ide, de tra nscrire sy mbo liq ue me nt tout ra i-
Archimède ou Apollo nius est totale ment sonne me nt déductif e n algorith me. Ge r-
mode rne. De ux log iques co mpl é me n- gonne tente bien d ' uti liser la combinatoire
taires se dévelo ppe nt avec l'école pé ri- pour retrouver la syllogistique des anciens
pa té ti c ie nn e d ' Ari sto te e t l 'éco le du m a is, fo nda me nta le me nt , la logi qu e
po rtique de Chrys ippe. S i la log ique reste to ujours une bra nche de la philo-
aristotélicie nne, ou scolastique, fut long- so phi e n 'a ppa rte na nt pas a u co rpu s
te mps la référe nce des logic ie ns, celle mathé matique.
des stoïc ie ns, qui to mba pe u à pe u da ns C'est à Geo rge Boo le (18 15- 1864), un
l'oubli , peut être considé rée comme une mathé matic ie n autod idacte, q ue rev ie nt
pre mière versio n du calcul moderne des le mé rite d 'affirme r que la log iq ue doit
propos itio ns. être rattac hée aux mathé matiq ues et no n
à la phil oso phi e . Il ré unit les log iques
E C lasses (a , [3 , y, ... ) Propositions (p , q , r ... . ) a ri s to té li c ie nn e e t stoï c ie nn e e n un
1 Un ivers ( 1) Ta uto logie (V) uni q ue systè me a lgé bri q ue , mais qu i
0 Vide ÇO) Cont rad icti o n (F) im pose de c ho is ir e ntre une interp réta-
+ Uni o n ( U) Disjoncti on (y ) ti o n e nse mb li ste o u propos itio nn e l le
X Intersectio n ( n ) Conjonction(/\) (voir tabl eau). Malgré ses défa uts, cette
Conp lément (- ) Négati o n (~) mathémati sati o n de la log iq ue est une
c Inclus ion de c lasse (C ) Imp licatio n matérie lle (:l ) révo luti o n , p lu s q u ' un e évo lu tio n , et
Iden tité en tre classe(=) Equiva lence matérielle( = ) a ura des réperc uss io ns sur les fo nde-
Interprétations de l'algèbre de Boole me nts mê me des ma thé matiq ues.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

Svllogismes et carré logique


Les syllogismes sont des associations de trois propositions prises parmi quatre types possibles, notés par
les quatre premières voyelles : A, E, 1, O, qui sont aussi celles d'Aristote ! Ces propositions références
sont les suivantes, avec les notations ensembliste et booléenne, où x E X et y E P :
• Proposition A, universelle affirmative: Tout x est P; Vx x c P; x.(1- y)= 0
• Proposition E, universelle négative : Tout x est non-P; Vx x <t. P; x.y 0 =
• Proposition 1, particulière affirmative : Quelque x est P; 3x x c P; x.y ;il! 0
• Proposition 0, particulière négative: Quelque x est non-P; 3x x <t. P; x.(1-y) ;il! 0

Le carré logique illustre les oppositions logiques entre ces


propositions.
Des propositions peuvent s'opposer par leur quantité
(universelle ou particulière) et/ou leur qualité (affirma-
tive ou négative). Chaque proposition de référence est ainsi
Subalterne CONTRADICTOIRE Subalterne en opposition avec trois autres selon le schéma dit du
! / "-.... l carré logique. Ces relations sont dénommées :
• contradictoires, pour opposition en quantité et qua-

Û s,,co~~ lité,
• contraires, pour des propositions universelles (V) oppo-
sées en qualité,
• subcontraires, pour des propositions particulières (3) opposées en qualité,
• subalternes, pour opposition en quantité.

Les syllogismes sont composés de deux propositions, appelées prémisses, ayant en commun un moyen terme,
et d'une proposition conclusive sans le moyen terme. Pour des prémisses données et supposées vraies, le
=
syllogisme valide la véracité de la conclusion. Il y a 43 64 propositions pour un syllogisme, 2 X 2 4 posi- =
=
tions pour le moyen terme, donc en tout 4 X 64 256 structures potentielles de syllogismes. Mais seuls
vingt-quatre sont valides. Le célèbre syllogisme :
Tous les hommes sont mortels
Or Socrate est un homme
Donc Socrate est mortel
est constitué de trois propositions de type A, avec« homme» pour moyen terme. Un tel syllogisme est appelé
« barbara », car les voyelles correspondent aux types des propositions. De même, le syllogisme :
Tous les lecteurs de Tangente sont sympathiques
Certains mathématiciens ne sont pas sympathiques
Donc certains mathématiciens ne lisent pas Tangente
est de type « baroco ».

La contributio n de Boo le à la log ique dont ces symboles sont combinés »,


sy mbo lique se résume da ns les pro po- • l' algèbre appliq uée aux no mbres pe ut
siti ons sui va ntes : être éte ndue au x cl asses (ensemb les) ,
• la log ique peut être re mplacée par un • les qu a tre propos ition s fond a m e n-
calcul qui « ne dépe nd pas de l' inte r- tales d ' Ari stote (voir e ncadré) pe uve nt
prétation des sy mbo les e mployés mais ê tre ex prim ées pa r d es é qu a ti o n s
seulement des lois qui régissent la manière a lgé briques,

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Ta:n9ent:e


SAVOIRS Algèbre de Boole

échangés dans l'éno ncé. Les rés ultats


multipli ca ti fs précéd e nt s so nt a in s i
va labl es po ur l' additio n e t l' ide mpo-
te nce s'écrit : x + x = x.
En notant x la cl asse complé me ntaire
de x , le princ ipe de co nt radi ctio n des
Mé taphys ic ie ns, qui affirme impossible
po ur un o bjet de posséde r et ne pas pos-
séde r une qualité, s'écrit x.x = O. Avec
le princ ipe de du a lité, no us o bte no ns
l' ex press io n x + x = 1, qui n ' est autre
que le princ ipe du ti e rs excl u : un objet
appa rtie nt à la cl asse x o u à son com-
plé me ntaire . Boole e n tirera son ex pres-
s io n du compl é me nta ire additi f:
x = 1 - x , qui pe rmet d ' ide ntifie r prin-
cipe de contradiction et loi d' idempotence:
x 2 =x<=>x.( l - x)=x .x =0.
Pa r le « prin c ipe de t ra nsfert » , q u i
• la va lidité des sy llog ismes pe ut ê tre « reli e » log ique e t algè bre fo rme lle , o n
établie par un calcul algébrique sur ces pe ut é tablir algébrique me nt le théorème
équ ati o ns. d ' absorptio n : a + a . b = a . ( 1 + b) = a .
Le systè me de Boole re pose sur l' utili - Et avec les théorè mes duaux de Mo r-
- -
satio n de lettres po ur dés igne r les o bjets gan , a + b = a . b e t a. b = a + b , vo us
et de symboles po ur traduire les rela- avez tous les éléments pour simplifier une
tions e ffectuées par la pe nsée e ntre ces a
expressio n telle que E = .b + a .c + b .c
obje ts . La conjonction des te rmes, qui en E = a. b+ a.c.
correspond au « et » , est sy mboli sée par Avec son algè bre, Boole pe ut mettre en
la multipli catio n , e t la di sjonctio n , po ur équati o ns les quatre propos iti ons réfé-
le « o u » exc lu sif, par l'additi o n . re nces d ' Ari stote. Le sy ll og isme cor-
respo nd alo rs à la rédu c ti o n de de ux
Les syllogismes en équations équa ti o ns (l es pré mi sses) à une seul e
(la conclus io n) e n éliminant la va ri able
L'a lgèbre de Boole re pose sur des pro- moyen terme.
prié tés fond ame ntales, dont l'associ a- L'algè bre de Boo le a tro uvé naturelle-
tivité, la commutativité, x .y = y .x, la ment un domaine d'appkation en sciences
di stributivité, x .(y + z) = (x .y) + (x .z) info rmatiques do nt la logique repose sur
e t une loi d ' ide mpo te nce x 2 =x, spéc i- un systè me binaire.
fiqu e à cette algèbre. Iro ni e de l ' hi sto ire , la log iqu e po ur
En notant I la cl asse universelle, ou uni - laquelle s'est pass io nné George Boo le
ve rs du di scours, e t O la c lasse v ide, a causé sa pe rte ! Aya nt pri s fro id , il
Référence alors I est un é lé me nt ne utre, 1 .x =x e t me urt d ' une pn e umo ni e a près qu e sa
• Paul Gochet, Pascal O est un absorbant , 0 .x = O. fe mme Mary, croyant au principe d ' ana-
Gribomont , Logique, L'a lgèbre de Bool e vé rifi e le princ ipe log ie (théorie à la log ique di scutabl e) ,
méthodes pour de dualité: to ut théorè me deme ure vra i l'ait as pe rgé d 'eau po ur le guéri r.
l'info rmatique quand les symbo les « . » e t « + », a in s i
fonda mentale , Hermès. que les é lé me nts ne utres O e t I so nt F. L.

46 Tangente Hors-série n °52. Mathématiques & informatique


par G. Cohen et H . Lehning

La tour de Babel reconstituée par l'informatique


D' Arcy Thompson a été le premier à uti liser systèmes de voca li sati on qui vo nt conduire ses
les mathématiques po ur ex pliquer les sc iences robots à fa ire le lien entre des sons et des
du viva nt. La sélectio n nature lle, la fo rme des objets ou des réactio ns motri ces j usqu ' à créer un
coq uill ages et autres o rganes pouvaient dès « vrai » langage et de sa syntaxe.
lors être mis en équ atio n. A vec les ordinate urs Outre la reconstitution d ' une soc iété huma ine,
et les algorithmes de simu latio n, le climat, la l'expé rimentation permet, e n modifi ant les
mo rphogenèse , I' auto re produ cti o n et l' auto- algorithmes, de se rapprocher de la réalité, et par
organi sation des structures furent mi s en év idence là- même de fa ire des prog rès sur la conn aissance
par Fermi , Lorenz, Turing pui s Yon Neumann . de la constructio n du monde dans leque l on vit.
C'est cet héritage que revendique Pierre-Yves G.C.
Oudeyer qui , partant de la ro botique, une no uve lle PIE RRE -YVES OUDEYER

sc ience n' ex istant que par l' in fo rmatique, cherche Aux sources de la parole. AUX SOURCES
au to-orga II isat ion DE LA PAROLE
à modéli ser les re présentatio ns cogniti ves du ~nhia.unoN

cerveau, et en particulier la paro le et la création du et évolution,


langage par une com mu nauté vivante autarci que. Pierre-Yves Oudeyer,
Le li vre aborde déjà l'étude de la structure de Éditions Odile Jacob 2013,
la parole et des langages ain si que les princ ipes 230 pages,
de l'auto-o rgani sati on. À partir des d iffé rentes 24,90 euros.
théo ries sur les orig ines de la paro le, il justifie
le modè le chois i pour l' auto-organi sati on de

TIC :repérez les mvthes savent la modifier, en la locali sant à ! 'étranger


par exemple, ce que certains logic iels gratuits
Les mythes et légendes réfèrent à la re li g ion et à
réali sent à volonté. De même, le calcul intensif
I' Antiquité ; comment pe ut-on les assoc ier à des
n'est plus le domai ne réservé des supercalcul a-
questions ultra modernes, comme les TI C (tech-
te urs ; les « bonnes » méthodes de chi ffrement ne
no log ies de l' in fo rmation et de la communi ca-
sont pas fo ndées sur des algorithmes tenus secrets
ti on) ? Gérard Peliks et son équipe d ' aute urs du
mais sur des algorithmes
fo rum Atena nous montrent pourtant que ce do-
connus de tous les spécia- Mythes et légendes des
mai ne , a priori élo igné de toute re lig ion, fo nc-
li stes, dont on change sou- TIC. Collectif, sous la
ti onne bien sur un mode mythique et légendaire.
ve nt les clefs ; etc. direction de Géra rd
L' un des mythes principaux concerne la compé-
L 'ouvrage intéresse- Peliks, Forum Atena,
te nce in fo rmatique supposée de ces personnes
ra toutes les personnes 296 pages, 2011 ,
« nées avec un ordinate ur dans les mains », qui
concernées par l' informa- disponible en ligne.
seraient donc toutes des génies de l' in fo rma-
tique, Internet et les TIC.
tique. Bien sûr, elles ont acqui s des savoir-faire,
Écrit dans une langue
mais ceux-ci sont limités, pe u ex pli cités ou
simple et compréhensible,
ex plicitables et ne prêtent pas à la conceptua-
très lo in de celle qu ' uti -
li sation. Les entre pri ses du secteur des TIC ont
lisent ceux qui colportent
d'ailleurs bien du mal à recruter. .. Un véritable
les mythes et légendes,
enseignement de l' in fo rmatique po ur tous serait
il illustre à merveille
nécessaire pour cela.

-
cette c itation de Boileau :
Autre mythe parmi d ' autres, dans un domaine Mythes et légen des d es TIC
« Ce qui se conçoit bien
très diffé rent : le système des adresses IP (Inter-
s'énonce clairement. »
net protoco[), qui permettrait d ' identifie r les uti-
H.L.
lisateurs . .. mais qui est lo in de le fa ire si ceux-ci

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS par Herve Lehning

Langages et
récursiuité
La notion d'autoréférence fascine les amateurs de paradoxes
et de jeux mathématiques. En informatique, c'est la récursivité
qui joue ce rôle. Elle consiste à appeler au sein d'un
programme qui calcule la fonctionf. .. la fonctionf elle-même !
Il n 'y a pourtant rien de plus sûr qu'une telle démarche.
es premi ers langages de pro-

L gramm ati o n co mm e C OBOL


pour la gesti on ou FORTR A
pour le calcul sc ientifiqu e se passa ient
de réc ursi vité, il s ava ient bien tort ' Si
auj ourd ' hui , sa ns doute, tous les lan-
gages so nt réc ursifs, l ' une des rai sons
es t prob abl ement l a sûreté, les pro-
grammes récursifs étant pratiquement les
seul s dont on puisse démontrer qu ' ils font
bien ce qu ' il s sont censés fa ire ... Dans
les di cti onn aires, la définiti on la plu s
courante du mot récursif est siby llin e:
Un programm e info rmatiqu e es t dit
récursif s' il demande sa propre exécu-
tion au cours de son déroulement. Sans
aucun exempl e, ce tte ph rase est bi en
diffi cile à comprendre ...

Récurrence et induction

Pour comprendre cela, i l est nécessa ire


d 'exp l iquer effecti vement ce qu 'est la
récursivité .. . et pour cela la réc urrence ,
la not ion mathématiqu e dont ell e est
issue.

Tangente Hors-serie n 5..::. athématiques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

A La récursivité en mémoire
B La procédure ci-dessous décrit en détail comment la fonc-
tion Factorielle fonctionne pour n = 3 :
• Comme 3 n'est pas égal à o, l'appel de Factorielle (3) pro-
voque l'affectation de 3 x Factorielle (2), qui demande le
1
I p calcul de Factorielle (2), et on recommence.
• Comme 2 n'est pas égal à o, l'appel de Factorielle (2) pro-
voque l'affectation de 2 x Factorielle (1), qui demande le
calcul de Factorielle (1), et on recommence.
• Comme 1 n'est pas égal à o, l'appel de Factorielle (1) pro-
Un polygone convexe à n sommets voque l'affectation de 1 x Factorielle (o), qui demande le
est obtenu d ' un polygone convexe P calcul de Factorielle (o), et on recommence.
à n - 1 sommets en ajoutant un point A • Comme o est égal à o, l'appel de Factorielle (o) provoque
entre deux sommets B et C (côtés en l'affectation de 1. Les calculs envisagés et laissés de côté
rouge) . Les diagonales sont alors peuvent alors être effectués. On obtient successivement :
de trois types : celles de P, BC et celles Factorielle (1) = 1 x Factorielle (o) = 1 x 1 = 1,
passant par A (en bleu). Factorielle (2) = 2 x Factorielle (1) = 2 x 1 = 2,
Factorielle (3) = 3 x Factorielle (2) = 3 x 2 = 6.

Voyons un exemple où ce principe est Chaque procédure récursive peut se détailler ainsi. Elle
à l'œuvre: combien de diagonales un poly- occupe une place en mémoire importante car tous les appels
gone convexe à n côtés possède-t-il ? récursifs doivent être stockés dans un sens, avant d'être exé-
Tout d'abord, nous lui donnons un nom : cutés dans l'autre. On comprend que cette description est
v11 • Nom mer est pre ndre un pouvoir sur inutile dans la pratique, car l'un des intérêts primordiaux
ce que l' o n no mme. Le raisonne ment des fonctions récursives est d'être facile à prouver par
s' opère en li ant le cas d' un po lygone à récurrence.
n côtés à celui d ' un polygo ne à n - 1
côtés. On considère donc un po lygone
P à n - 1 côtés et on y ajo ute un po int donnant v11 • On trouve: v11 = n(n - 3)/2.
A entre deux sommets B et C. Comme nt la tro uver ? Le déta il ne sera
Le s diago na les se sc in de nt e n tro is pas do nné ici, mais il fa ut savo ir q ue
groupes. Le pre mier est formé des d ia- les méthodes sont diverses. L' une d'entre
gonales du po lygone P, au nombre de e lles, q ui n'est pas la plu s nég li geable,
v11 _ 1 par hypothèse, le seco nd d u côté est l' induction .
BC de Pet le troisième des dro ites joi-
gnant A aux points de P autres que B et On é met une hypothèse par intu ition ,
C, au nombre den - 3. on la vérifie expérimenta le ment pour
Ai nsi : v11 = v,,_ 1 + 1 + (n - 3) les premières valeurs, et, si aucun contre-
exe m ple ne vient la dé me nti r, o n la
Une telle re lation est dite de récurrence dé montre .
car elle lie v11 à v11_ 1 • Si on connaît v11_ 1, La démons tration par récurrence (ce
on en déd uit v11 • La conn aissance d' un n'est pas par hasard qu 'elle est appelée
terme permet de calculer, les sui vants. induction par les Anglo-Saxons) est la
Comme un triangle n'a aucune diagonale, preuve de cette form ule a posteriori. Sa
v3 = 0 ce qui donne les suivants de proche. dé marche:
On peut même en déd uire une formu le • Elle est vérifiée pour n = 3 .

Hors-serie n • 52. Mathematiques & informatique Tangente


Langages et récursivité

• Adme tton s qu ' e lle le so it po ur n - 1 de la fo nction décrit comment elle est défi-
(hypoth èse de récurrence) : ni e. Cette définiti o n pe ut se mbler éton-
v,,_1 = (n - l )(n - 4) / 2. nante, car la factorielle y est définie à paitir
• Al o rs, d 'a près la re lat io n de réc ur- d 'ell e-mê me. On la compre nd mieux en
re nce: pe nsant à une délégatio n de tâc he. Vo u-
v,, = v,,_ 1 + n - 2 lo ir sui vre son exécutio n est fast id ie ux
= (n - 1)(n - 4) / 2 + n - 2 e t, de plus, ne sert à rie n (l'encadré c i-
=(n 2 - Sn + 4 + 2n - 4) / 2 co ntre s imul e ce pe nda nt l'exéc uti o n
= (n 2 - 311 )/2 = n(n -3)/2 compl è te de la procéd ure). L' intérêt est
La fo rmule est do nc vra ie po ur n. de po uvo ir pro uver que la fo ncti o n Fac-
• De proc he e n proc he (on dit e ncore to ri e ll e re mp lit bie n son rô le. Ce la se
par récurrence), o n e n déduit q u 'ell e fa it par réc urre nce sur son arg ume nt 11.
est vraie po ur to ut n ~ 3 . O n re ma rque que l'écriture de la fo nc-
li s 'ag it de !'archétype du raisonne me nt ti o n est e ll e- mê me la pre uve q u 'e ll e
pa r récurre nce. Co mme o n va le vo ir, il do nne bi e n le bo n résul tat. En effet, si
s'applique à l' ide ntique po ur pro uve r n = 0 , le résultat est bi e n 1. Ad me tto ns
que les fo nctions récursives rempli ssent que le résultat soit bi e n (n - 1) 1 pour
bi e n le ur office. n - 1, la re latio n Facto rie ll e: = 11 x Fac-
li est do nc à la base de la récursivité. to rie lle (n - 1) do nne 11 (n - 1) ! = 11 !
po ur n , ce qui est le bo n résultat. O n a
Description d'une fonction récursiue ainsi mo ntré par récurre nce que la fo nc-
ti o n Facto ri e lle re nvo ie do nc to ujours
La démarche précéde nte permet de créer le bo n résultat.
des algo rithmes ava nt de les prouve r.
L' impo rta nt est de res te r a u cœ ur du le tri par récursiuité
princ ipe: s i o n sa it passer de l'éta pe 11
à l'éta pe n + 1 e t que l'on sa it démar- Les fo nc ti o ns réc urs ives sont parti cu-
rer , o n pe ut tra ite r to utes les é tapes. liè re me nt intéressantes s i ell es s'appli -
Qua nd o n l' applique e n info rmatique, que nt à des structures récursives comme
o n ne parl e plu s de réc urre nce mais de les li stes o u les arbres . Vo ici la défi ni -
récursivité. tio n , a priori surréali ste, de la structure
On pe ut ainsi définir des fo nctions récur- de li ste :
sives da ns pra tique me nt to us les lan-
gages mode rnes. Une liste cl ' obj ets est soit fa liste vide.
L'exe mpl e le plu s so uve nt do nné est soit un obj et (la tête) plus une liste (fa
celui de la fo nctio n fac to rielle do nt voici queue). Une li ste de no mb res e nti e rs
la desc ripti o n du ca lc ul : pe ut do nc être: { 10. 5 , 8, 2}. Dans ce
cas, sa tête est le nombre 10 et sa que ue,
Fonction Factorielle, argument n : nombre la li ste {5, 8, 2}. Po ur ce qui suit , o n
Si n = 0 alors Factorielle := 1 no tera t : : q la I iste de tê te t e t de queue
sinon Factorielle := n x Factorielle (11 - 1) q. Un exemple de fo nctio n récursive sur
les li stes va dé bo uche r sur un tri . Com-
Co mme da ns un grand nombre de lan- me nt trier une li ste par ordre croissant ?
gages, on a fait précéde r la descripti o n Comme o n va le vo ir, il suffit de savoir
de cette fon ction par une partie déclarant in sérer un no mbre dans une li ste déjà
son no m (Fac to rie lle) et son (o u ses) triée . La fo nctio n sui va nte, notée Insère ,
argument : n qui est un no mbre . Le corps sera utili sée po ur ce fa ire :

Tangente Hors-serie n°52. Mathematiques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

Fonction Insère, arguments 11 : nombre,


l : liste
Si la listel est vide , Insère :={11}
Si la li ste l n ' est pas vide , on la
décompose en tête t et queue q
Si 11 < t alors Insère := 11 : : l
sinon Insère := t : : Insère ( 11 , q)

L'a lgorithme est simple,


On peut démontrer que cette fo ncti on
réalise bien une insertion d ' un nombre
n da ns une li ste triée I par récurre nce
sur la longueur de /.
• Si cette longueur est nulle, la li ste est
vide. la premi ère ligne du corps de la
fo nction s'applique , le résultat est donc
COITect.
• Admettons que le résultat so it correct
pour une li ste de longueur p et consi-
dérons une liste de longueur p + l . La
li ste se décompose en tête t et queue q .
Sin < t , il est mi s en première position , - Si cette longueur est nulle , la liste est
sinon il est inséré dans la queue. vide, la première ligne du corps de la
fonction s'applique, le résultat est donc
Cette qu e ue es t de lo ng ue ur p donc correct.
In ère (n , q) donne le bon rés ultat. . . on
en déduit que Insère (n, /)auss i. Ainsi, -Admettons que le résultat soit correct
par réc urrence, la fo nction renvoie bien pour une li ste de longueur p et consi-
toujours le résultat attendu . L' intérêt de dérons une li ste de longueur p + 1. La
la récursivité est là: la facilité et la clarté li ste se décompose en tête t et queue q.
de la programmation, la brièveté du pro- Cette queue est de longueur p donc Tri (q)
gramme ... et surtout la poss ibilité de do nne le bo n résultat. Comme Insère
pro uver que les fo nction s fo urni ssent donne éga lement le bon résultat ... on
bien les résultats attendus ! en déduit que Tri (/) auss i. On conclut
à nouveau par récurrence.
À partir de cette fo nction d ' insertion, il
est fac ile de créer une fo nction de tri : Ces que lques exemples justifient l'af-
fi rmatio n : av ec la réc ursivité, pro-
Fonction Tri , argument : l : liste grammer, c'est prouver.
Si la liste lest vide alors Tri := l H . L.
Si la liste l n ' est pas vide, on la
décompose en tête t et queue q alors :
Tri := Insère (t , Tri (q))

De même que pour la fo nction d ' inser-


tion. cette fo nction se prouve par récur-
rence sur la longueur de la li ste I :

Hors-serie n• 52. Mathematiques & informatique Tangente


SAVOIRS par Jill-Jênn Vie

langages rationnels
et automates finis
La théorie des langages formels est une modélisation du
langage naturel. Fondamentale pour décrire et analyser les
langages de programmation et la calculabilité, elle a de
nombreuses applications en linguistique correction
orthographique, reconnaissance vocale, traduction.
anni les langages formels se trouve

P la sous-cl asse re marqu abl e des


langages rationnels, indissociables
des automates fini s ou des machines
abstraites (à la base des fameuses machines
de Turing). Les automates trouvent eux-
mêmes des applications en info rmatique,
te lles que la modé li sation de processus,
l'analyse lex icale effectuée par les com-
pi lateurs et la recherche de motifs (par
exemple la recherche d'occurrences d' un
mot dans un texte, ou de détection de
séquences de bases azotées dans I' ADN).

Des lettres, des mots... un langage !


Marcel-Paul Schützenberger
Un langage est défini comme un ensemble (1920-1996), fo ndateur
de mots, eux- mêmes suites d 'éléments de la combinatoire des mols (1983).
d ' un alphabet , ensemble de lettres sou-
vent supposé fini . L'ensemble des mots On introduit ensuite la concaténation , opé-
fini s sur l'alphabet A est noté A*. Sur l'al- ration (natu re lle) qui à deux mots
phabet {a, b, n}, les ensembles u = u 1u2 . •• u111 et
{baba, m:ibab, banann.} et {a,aa,aaa .. . } v = v 1v2 ... v11 assoc ie le mot
sont des langages (le premier est fi ni , uv =u 1u1 . .. u,,,v 1v2 ••• v11 obtenu en « ajou-
le seco nd es t infini ). De mê me, les tant » o u « coll ant » v après u. La nota-
séque nces de bases azotées so nt des ti o n (a b )3 = ababab est ut ili sée pour
mots sur l'a lphabet {A , T, C , G}. simplifier les notati ons. Enfin , on note

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

E le mot vide (qui ne conti e nt a uc une


lettre), é lé me nt ne utre pour la concaté- Type O
nation. Plusieurs opérations peuvent être Langages rée. énumérables
effectuées sur les langages. Si Let L' Machines de Turing
sont deux langages, on peut définir L U L'
l' union (a u se n s de la th éo ri e des Type I
ensemb les) des deux langages. LL' est Langages contextuels
par définition le langage formé par les Automates linéairement bornés
mots qui so nt les concaténations des
mots de L avec les mots de L' . Ainsi, Type 2
LL' = {uv, avec u dans Let v dans L'}. Langages algébriques
Ensuite, l'étoile de Kleene L * de Lest Automates à pile
le lan gage défin i par {E}U LULL U ...
Enfin , L c est le complémentaire d u lan-
gage L (c'est l'ense mbl e des mots fin is
qui appa rti e nnent à A * mai s pas à L).
Amusons-nous sur un exemple .
Le langage {aa + b} * contient par exemple
aab o u bbaa mais pas ab. S aurez-vo us La hiérarchie de Chomsky est une classification des langages
le démontrer à l'a ide d ' un rai sonne ment form els et des grammaires formelles. Les automates finis
rigoureux ? reconnaissent les langages rationnels tandis que les machines
de Turing peuvent calculer tout ce qui est calculable.
Parmi tou s les langages co ncevables ,
les langages rationn els so nt dé fini s sant pa r ab est dé noté par A *ab et le
ains i : pour chaque lettre a da ns A , {a} langage des mots com me nça nt par b,
est un la ngage ratio nne l ; le complé- fm issant par b et ne contenant jamais deux
mentaire d'un langage rationnel est un a conséc utifs est dé noté par
langage rat ionnel ; l' union ou la conca- b(ab + b)*, s ig nifi ant : « d ' abord, un b ,
ténation de de ux langages rationnels est sui vi d ' un nombre arb itra ire de mots
un lan gage ration ne l, et l'étoil e d ' un parmi ab et b » (convainq uez-vous bien
langage rationnel est un langage ration- que nécessai reme nt tout mot ai n si
nel. On représente généra lement les lan- co nstruit finira par b).
gages rationnels par des express ion s Le langage {a"b" , avec n un e ntier quel -
rat io nne lles : conque} , qui est s impl eme nt { E, ab,
• a est l'exp ression rationne lle dé notant aabb , aaabbb .. . } , est un exemple célèbre
le langage {a} pour une le ttre a appar- de langage non rationnel.
te na nt à A , Les notations sur les langages ration-
• e + e' dé note l ' uni o n des la ngages ne ls ne sont pas sans rappeler les expres-
dénotés par e et e', sions régulières : lorsque je veux vérifier
• ee' dénote la concaté nati o n des la n- da ns cet art ic le que je n 'a i pas com-
gages dé notés par e et e', men cé un paragra phe par un e lettre
• e* dénote l' étoile de Kl eene du la n- minuscule , mon éd iteur de texte me
gage dé noté par e , permet d ' utili ser l'express ion rég uliè re
• A *\e dénote le comp lé menta ire du \n[a-z], qui correspond à un caractère
langage dé noté par e. de retour de lig ne (newline) su ivi d ' une
Par e xemp le, si o n cons idè re! 'a lphabet lettre minuscule , pour rechercher toutes
A= {a, b}, le langage des mots fi ni s- les occurre nces incrimi nées.

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS Langages rationnels

Des automates dans tous leurs états la ngage est reconna issab le si , e t seu le-
ment si , il est rationnel. C'est le théorème
Un mo t étant do nné, o n pe ut se de ma n- de Kleene , dont il ex iste une pléthore
de r s' il fa it pa rtie o u no n d ' un la ngage . de démonstrations.
Po ur ce la, il ex iste une mac hine a bs- En particulier, pour c haq ue express io n
traite (appelée automate fini), composée ratio nne lle o n peut construire un auto-
d ' un no mbre fini d 'états re liés par des ma te qui reco nn aît le la ngage dé noté
fl èches é tique tées pa r des le ttres. Les par cette ex press io n . Une intuiti o n pour
a uto ma tes déterm inistes n 'o nt qu ' un compre nd re po urquo i
seul état initia l et une unique fl èche é ti - {a"b" , avec n un e nti er q ue lco nqu e}
quetée par une le ttre pour c haque état. n 'est pas rat io nne l est de remarquer que
Pour tester un mot , il fa ut partir de !'état les é tats d ' un a utomate pe uve nt renfer-
initi al e t sui vre les fl èches corres po n- mer une info rmatio n bornée. Or, pour
dant aux lettres du mot les unes après les acce pter un mot de ce la ngage , lors-
a utres. Si l'automate est déte rmini ste, qu 'o n a lu un no mbre arb itra ireme nt
il ne possède qu ' un état initial et il ex iste, grand de a, o n a beso in de vé rifier qu'il
à c haque é tape, au plus une fl èche é ti - y a auta nt d'occurrences de b.
que tée par chaque lettre. Le che min (on Pour compte r les occurre nces du mot
dit a uss i calcul) ainsi construit à partir chaton da ns un texte, o n peut construire
d ' un mot sur un automate dé te rmini ste un auto m ate qui reco nnaît le langage
est donc unique . Après avo ir é puisé les rationnel A *chaton (les mots qui finis-
lettres du mot , s i on se trouve sur un sent par chaton) sur l'a lph abet nat ure l,
état fin al, le mot est accepté, sinon il est qui pe ut lire le tex te à trave rs l' auto-
rejeté par l'automate. Le langage reconnu m a te e t in c ré m e nte r un co mpte ur à
par cet automate est l'ensemble des mots c haque fois que l'on visite un état final
acceptés par cet automate. Dans le même (qui correspo ndra à une occurre nce de
ordre d'id ées, un lan gage es t recon- chaton dans le tex te).
naissable s' il existe un automate qui le
reconnaît. De maniè re remarqua ble, un On pe ut auto ri ser un automate à possé-
de r plu sie urs c he min s étiquetés par un
b mot. On obtient ce qu 'o n a ppe ll e un
automate non déterministe e t un mot est
accepté si au moins un des chemins qu'il
étique tte est acceptant, rejeté si no n .
Bonn e no uv e ll e, il es t poss ibl e de
construire pour c haque a uto mate no n
dé te rmini ste un automate détermini ste
qui reconn aît le mê me la ngage ! Mau-
Un automate qui reconnaît le langage b(ab + b)*. vaise nouve lle, l'automate ainsi constrn it
Par exemple, pour tester bba, on part de l'état initial O pe ut avo ir ex po ne nti e ll e m e nt plus
(indiqué par la flèche entrante). La flèche étiquetée par b d 'états . .. Ces de ux classes d 'auto mates
nous mène en 1, la flèche suivante nous laisse en 1 et on finit ont do nc é to nna mme nt le même pou-
enfin en 2, qui n'est pas un état final : le mot est donc rejeté. voir ex press if : il s sont éq ui va lents en
Le mot a est directement rejeté. Le mot bbab , en revanche , ce qu ' il s sont capables de ca lcule r, mais
fait arriver en 1, qui est final (indiqué par la flèche sortante), ils diffèrent dans la manière dont il le cal-
donc le mot est accepté. Et en effet, le langage dénoté c ul e nt. Il fa ut tro uve r un co mp rom is
par b(ab + b)* contient bbab mais pas bba. e ntre le fa ible no mbre d 'états des auto-

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

mates non déterministes et l' uni cité du


chemi n des automates déterministes. En ~ 111J---
s- ·
particulier, un résultat dû à Valentin M.
Antimi rov permet de co nstruire, à par-
tir d' une expression rationnelle à n lettres,
un automate non nécessaireme nt déter-
B

,____,,___o_ ~
R
~--•~--•
f- --· s
s
ministe à 11 + 1 états au pire qui le recon-
naît. Un tel automate est appelé awomate u ( }----
X
·
aux termes dérivés.

Parmi tous les auto mates qui recon-


naissent le même langage, i I en ex iste
un unique, déterministe, à nombre d'états
p

~ . __
~ 111J---

..___
s-

s
.
·

minimal, appe lé ... automate minimal. c


De plus , cet automate est ca lcul ab le
efficacement .
Les langages contenant un nombre fini
de mots sont rationnels puisque la somme
de tous les mots d'un tel langage consti -
tue une express ion rationnelle finie qui
le dénote . Le dictionnaire électronique
D i-----------1' :·
O U
des formes fléchies du français , réa li sé
par les lin g ui stes de l' unive rsité de Une représentation par arbre lexicographique.
Marne-la-Vallée, contient huit cent deux Une représentation équiva lente par automates.
mille neuf mots sur un alphabet de quatre-
vingt-dix lettres (minu scul es et maj us- prennent en entrée un mot et retournent
cules accentuées, chiffres et autres signes). O ou I selon s' il est accepté ou rejeté, il
Sa représe ntati on par arbre lex icogra- en ex iste une généra li sation (les trans-
phique nécessite 2 203 26 1 nœuds, tan- ducteurs finis) qui transforme l'entrée en
dis que l' a ut o mate minim a l le une sorti e sur un autre alphabet , ce qui
reconnaissant ne possède que 273 716 a des appli cations en compilation , en
états. Les automates constituent donc reconnaissance de la parole et en analyse
un exce llent moyen de compresser l' in- grammaticale.
format ion contenue dans un di ct ion-
nai re, et donc d'accepter des mots validés J.-J. V.
ou rejetés dans une version électronique
du jeu de Scrabble par exempl e. Références
Ain si, ces mac hines très simpl es per- • Élémems de théorie des automates. Jacques Sakarovitch , Vuibert , 2003.
mettent de décrire une vaste classe de lan- • Fondations mathématiques de la théorie des automates .
gages. Et c'est ce qui est à la base de la Jean-Éric Pin et O li vier Carton , disponible en li gne.
co mpl ex ité algorithmique : savoi r ce • Co111bi11atorics on Words, M. Lothaire, Cambridge Un iversi ty Press.
que l' on peut décrire à partir de res- 1997.
sou rces limitées, ou réciproquement
tro uver la capac ité de ca lcul suffi sante
pour répondre à un problème donné. À
note r que si les automates fini s peuvent
être vus co mme des programmes qui

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS par Jean-Paul Delahaye

Complexité de Kolmogorou
et profondeur logique de Bennett
Pour mesurer la complexité d 'un objet numérique, s elon que
l'on considère son contenu en informations, ou son contenu
en structures, deux notions très différentes sont obtenues. À
l'origine de ces outils se trouvent les travaux du mathématicien
Andreï Kolmogorov.
proposée par A ndreï Ko lmogorov e n
1965. C harles Bennett a depuis donné un
sens mathématique à une distinction tout
auss i nature lle e t impo rtante , ma is q ui
j usqu 'à présent écha ppa it à la forma li-
sati o n , la di stin ctio n e ntre ce q ui est
« complexe car a léato ire » (co mme un
gaz o u un tas de caillo ux) et ce qu i est
« co mpl exe ca r t rès o rga nisé o u très
structuré » (comme une puce info rma-
tique ou un être vivant). Ces deux concepts
- comp lex ité de Ko lm ogorov et pro-
fo nde ur logi que de Be nnett - concer-
ne nt to utes les scie nces.

Que signifie « complexe » ?


Co mpl exe pe ut vo ul o ir dire « lo ng à
décrire e n déta il » o u « ric he e n struc-
tures et subti lement o rganisé ». Les deux
Andreï Nikolaïevitch Kolmogorov (1903-1987), idées que sont le « conte nu e n in fo r-
photogr aphié pa r Pa ul Halmos en 1965 . matio ns » et le « conte nu en structu res »
sont re lati ve me nt indépe ndantes. « Une
es tentatives de mathé matisati o n a llée rectil igne e mpie rrée » est d iffic ile

L d es n o ti o n s n a ture ll es de
« s impl e » e t de « co mpl exe »
n 'ont abo uti à des résultats inté ressants
à décrire e nti è re me nt dans le déta i1, car
il faut indiquer l'emplacement et la fo1m e
de chaque caillo u. Pourtant e lle est fac ile
que de puis que lques années, g râce à la à décrire po ur ce qui est de sa struc ture
théorie a lgo rithmique de l' informati o n gé néra le , pui sque seule sa for me géo-

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

mé triqu e ( lo ng ue ur, la rg ue ur .. . ) es t
importante a lo rs.
Il y a bie n de ux concepts de complex ité
à ne pas co nfo ndre : la « co mplex ité Raymond Solomonoff
a léato ire » et la « complex ité o rga ni sée (1926-2009).
(ou structure lle) » . Po ur l' illu stre r plus
préc iséme nt, cons idérons le pro bl è me
de la description au millimètre près d ' une
ma ison dont les murs sont couve rts de
c ré pi . Le pl a n de la ma ison correspo nd
à la complex ité o rga ni sée de la ma ison . La dé finiti o n de la profo nde ur log ique
Ce plan ne préc ise pas les dess ins du de Be nne tt s'appuie sur la théorie de la
c rép i sur les murs. La descripti o n com- calc ul a bilité e t es t assez tec hnique à
plète de la ma ison , qui contie nt to us les é no ncer ; e ll e fa it e n partic ulie r inte r-
détails du crépi , compo rte bien plus d' in- ve nir les no tio ns de machine de Turing
forma tio ns que celle du pl an . La ma ison uni ve rsell e e t de fo nc ti o ns récurs ives .
possède une complexité organisée de Mais cela n'empêche pas de comprendre
ta ill e moyenne (un pl an n 'est pas très assez bie n intuiti vement de quo i il s'agit.
compliqué comparée pa r exemple à un Po ur tro uver le« bo n » concept mathé-
être viva nt ) et une complexité aléatoire matique assoc ié à la complex ité struc-
assez gra nde. ture lle, C harles Bennett a mené un trava il
d 'ana lyse. Po ur lui , un o bje t fo rte me nt
Programmes courts et temps de calcul orga nisé contie nt nécessaire me nt e n lui
la trace d ' un lo ng process us d 'élabora-
Le concept mathé matique de complex ité ti o n , de ré fl ex io n o u d 'évo luti o n qui
a léato ire a été ide ntifié da ns les a nnées correspo nd à une fo rme de calcul . Dé fi -
1960, g râce a ux travaux pré limina ires nir la co mplex ité o rga ni sée d ' un o bje t
de Ray S o lo mo no ff , e t à ce ux d ' A n- se ramè ne do nc au problè me de la dé fi -
d reï Ko lmogorov, de Gregory C ha it in niti o n d ' une no tio n de contenu en cal-
et de Leonid Lev in . Cette complex ité cul. E n in fo rm a tiqu e th éor iqu e, les
se no mme complexité de Kolmogorov. trava ux s ur les a lgo rithmes pre nne nt
Elle est dé fini e co mme la ta ille du plus bi e n e n co mpte les te mp s de ca lcul
peti t progra mme po ur un o rdinate ur de (classes P, NP, EXP ... ), ma is ces é tudes
référe nce - a ppe lé machine univer- s ' attac he nt surto ut a ux compo rte me nts
selle - capable de produire l'objet numé- asy mpto tiques des a lgo rithmes, a lo rs
rique auque l o n s' inté resse e t que l'on qu ' ic i o n n 'a à fa ire qu 'à des o bj e ts
a s upposé éc rit so us la fo rme d ' une numé riques fini s, o u que l 'on ra mè ne à
sui te de O et de 1 (image numérique, son des o bje ts fini s e n fi xa nt un ni vea u de
numé rique ... ). Une suite d ' un milli a rd préc is io n cons idé ré comme s u ff isant
de O a une fa ibl e co mpl ex ité de Ko l- po ur la numé ri sati o n . Po ur dé finir le
mogorov, de mê me qu ' un milli a rd de conte nu e n ca lc ul d ' un o bje t numé rique
c hi ffres bin a ires d e n (ca r d es p ro- (c'est-à-dire sa complex ité o rga ni sée),
gra mmes courts pe rme tte nt de les ca l- Be nnett propose de considé re r le te mps
culer). Une suite a léato ire d ' un milli ard de calcul que pre nd le programme mini-
de O e t de 1, à l ' in ve rse, possède une ma l (celui do nt la ta ille définit la com-
co mpl ex ité de Ko lmogorov d 'enviro n plex ité de Ko lmogorov) po ur produire
un milli ard . l'objet a uque l on s' inté resse . C'est une

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS Complexité de Kolmogorov

sagée e n te rmes de progra mme « le plus


ra pide » , est vra ime nt q ue le contenu en
ca lc ul (o u profo nd e ur log iqu e) d'u n
Charles Henry Bennett o bjet numé rique O b do it être co nsidé ré
(né en 1943). co mme « le tem ps de ca lc ul d u pro-
gramme minimal (en taill e) de Ob » . Un
o bjet « profond » ,c ' est-à-d ire aya nt une
grande profonde ur log ique, est un objet
do nt l'o ri g ine la plu s probab le es t un
so rte de « te mps de décompress io n » lo ng ca lc ul. C'est un objet qui conti e nt
car le prog ramme minim al est la fo rme des redo nda nces parfo is profo ndéme nt
comprimée la meilleure de l' objet numé- cachées. Po ur teste r s i la défi niti on de
ri sé, e t exéc ute r ce progra mme mini - Be nne tt corres po nd bi e n à notre atte nte
ma l c'est décompresse r l'in fo rmat io n intuiti ve, co nsidéro ns di vers exe mples.
compressée de ma niè re ex trê me da ns
le prog ramm e minim a l. Ce te mps de Un bloc de cristal possède clairement une
ca lcu 1, Be nn e tt l'a ppe ll e profondeur fa ibl e compl ex ité a léato ire (pui squ ' il
logique de l'obje t numé riqu e. n'est pas du tout aléatoire !) et une fa ible
co mpl ex ité e n o rga ni sati o n (pui squ e
La profondeur logique de Bennett n'a été son o rgani sati o n est une s imple répéti-
proposée que dans les années l 980 , car ti o n). En utili sa nt les défi niti o ns fo r-
l' idée la plu s te nta nte po ur définir le me ll es, o n constate que, confo rmé me nt
contenu en calcul d' un objet est de mimer à cette intuiti o n , la compl ex ité de Kol-
la définiti o n de la compl ex ité de Ko l- mogorov est petite puisque le programme
mogoro v e t do nc de définir le conte nu minima l po ur décrire la ve rs io n numé-
e n calcul d ' un obje t numé rique comme ri sée du bl oc de c ri stal est court , et que
« le temps de calcul du programme le plus sa profo nde ur log ique a uss i est petite ,
rapide capable de produire l'objet numé- pui sque le progra mme minim al est un
riqu e ». Ce tte définiti o n na ture ll e ne progra mme d ' itérati o ns é lé me nta ires
marc he pas : e n effet , ce te mps mini- du ge nre « mill e fo is de suite, re pro-
mal de calcul est to ujo urs do nné par le duire le moti f de base du c ri sta l » , qui
prog ramme« imprime r Ob » o ù Ob est ' exécute ra pide me nt.
l'obje t numé ri sé auque l o n s' inté resse. Comme de uxiè me exemple, preno ns un
Cette remarque est d 'ailleurs bie n connue litre de gaz (supposé numé ri sé avec une
des prog ramme urs, qui save nt tous que préc isio n de l' o rdre du milli o niè me de
le programme le plus ra pide pour o bte- millimètre par exemple). C'est un o bjet
nir les vingt pre miè res décima les de n qui possède une très grande complex ité
est le programme a léato ire . Les mo léc ul es du gaz sont
« imprime r 14 159265358979323846 » . ré pa11ies au hasard , o n ne pe ut rie n fa ire
La définiti o n nature ll e du conte nu e n de mi e ux po ur déc rire le litre de gaz
calc ul pa r le te mps minim al de calcul qu ' utiliser un programme du type « impri-
d ' un objet n 'a do nc pas de sens et ne me r Ob » . Il n 'y a pas o u très pe u de
mesure rien . C'est cette di fficulté d ' une racco urc is poss ibles dans la description.
définiti o n te ntante mais ino pérante que La compl ex ité o rga ni sée est fa ibl e (le
Be nnett a surmontée e n fa isant réfé rence programme minimal « imprimer Ob » ne
au programme minimal. Sa définiti o n , fa it pas de ca lcul s subtil s). À no uvea u.
qu ' il ne faut pas confo ndre avec celle envi- les définiti o ns mathé matiques s'accor-

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

Sur un exemple
Un programme de compression de données permet d'évaluer à la fois la complexité de Kolmo-
gorov et la profondeur logique de Bennett. L'idée est que la version compressée d'un fichier doit
être vue comme un court programme engendrant le fichier. La taille de ce fichier indique donc
une valeur approchée de la complexité de Kolmogorov. De plus, le temps nécessaire à la décom-
pression du fichier est assimilable au temps de calcul de ce court programme pour produire le
fichier initial, donc peut être vu comme une évaluation de sa profondeur logique de Bennett.

Voici concrètement ce que l'on obtient avec des images. Les expériences ont été réalisées par Hec-
tor Zenil, Cédric Gaucherel et l'auteur. On a pris sept images de même format que l'on a com-
pressées par utilisation d'un algorithme de compression sans perte O'image que l'on retrouve après
décompression est exactement celle avant compression).

La première série indique le classement des images par ordre croissant de taille du fichier com-
pressé. Le classement est donc celui par complexité de Kolmogorov K(s ) croissante. Sans sur-
prise, l'image toute noire (image 1, en haut à gauche) a le contenu en information le plus petit,
et l'image composée de pixels tirés aléatoirement (image 7) est celle qui exige la plus grande
quantité de mémoire (K(s) est maximal). Les autres images sont classées à peu près comme on
s'y attend : le texte écrit à la main (image 2) demande assez peu de mémoire car il y a beaucoup
de blanc ; un réseau périodique (image 3) ; une courbe de Peano (image 4) ; une image irrégu-
lière mais avec deux axes de symétrie (image 5) ; un microprocesseur (image 6).

La seconde série d'images (ligne du bas) reprend les sept mêmes images, mais cette fois par
ordre croissant de temps de décompression, ce qui donne des valeurs approchées de la profon-
deur logique de Bennett, P(s), et donc un classement par complexité structurelle croissante.
L'image 7 du premier classement (qui est parfaitement aléatoire) est maintenant parmi les pre-
mières, conformément à l'idée qu'un hasard parfait est sans structure. Le microprocesseur est
bien identifié comme le plus complexe structuralement. La courbe de Peano est sans surprise tou-
jours considérée comme contenant des structures un peu plus riches que le motif périodique. Le
texte écrit et le motif symétrique changent de position, donnant au total un classement compa-
tible avec ce qui, intuitivement, correspond à une complexité structurelle croissante.

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS Complexité de Kolmogorov

complexe , aussi bien en complex ité aléa-


to ire qu 'en complex ité organi sée.
Kurt Godet
(1906-1978). Croissance lente et indécidabilité

Les déve lo ppe me nt s math é matiqu es


que Be nnett a do nnés à ses idées sont
inté ressa nt s so us plu s ie urs as pec ts .
D'abo rd , il a mo ntré que, moyennant
dent avec nos attentes : la complex ité une bo nne défi nition des ordinate urs de
de Ko lmogorov de l'objet est grande (le référe nce, la définiti o n q u ' il pro pose
programme minimal est long) et sa pro- ne dé pe nd pratique me nt pas de l' ordi-
fo ndeur logique est fa ible (le programme nateur choisi : sa notion est donc (comme
minim al n ' a pas vra iment de calcul s à cell e de la complex ité de Ko lmogorov)
mener) . stab le et g loba le ment in va ri ante q uand
Pour (' instant , o n n 'a rencontré que des on change la mac hine utili sée pour la
objets de petite profondeur log ique. Ce mes ure r. E ns ui te, il a mo ntré qu e la
n 'est pas le cas des cent mille pre mières notio n de profo nde ur log ique véri fie ce
décimales de :rt, qui constitue nt un objet qu ' il appelle une loi de croissance lente :
subtilement organi sé ! On sa it écrire des l'augmentation de la profonde ur ne peut
programmes relati vement courts capables être que très le nte (o u encore : il n ' y a
d 'e ngendrer ces cent mille déc imales , qu ' une très fa ible proba bilité pour que.
et donc, cont ra ire me nt au cas où l'on du ra nt un court process us dynamique ,
s' inté resse uniqu e me nt à v ing t déc i- un objet profo nd apparaisse spontané-
ma les de :rt, ce n 'est plus le programme me nt). Cec i confirm e que, face à un
« imprimer » qui est le plus court . Ces obj et profo nd , o n do it considérer que
prog ramm es co urts d o ive nt ca lc ul e r son ori g ine probable ne peut être qu ' un
longte mps et ne produi sent leurs déc i- lo ng ca lcul : un o bj et profo nd po rte
males qu 'à petite vitesse (contrairement (implic ite ment) en lui la trace d ' un long
à un programme « imprimer Ob »). Ce la processus d 'é laboratio n.
sig nifie que la profondeur log ique est Plus malheureuses sont les conséquences
grande. Conformé ment à notre attente, des rés ultats d ' indéc id abilité de Gode l
les ce nt mille premières déc ima les de :rt (to uj ours e ux !) q ui , auss i bien po ur la
ont une fa ibl e compl ex ité de Ko lmogo- complex ité de Ko lmogorov que pour la
ro v e t un e assez g rand e profond e ur profonde ur log ique de Be nnett , mon-
log ique de Bennett. tre nt que ca lcul e r avec ce rtitud e les
Co mme derni er exempl e, considéro ns va le urs de ces de ux mes ures de com-
un mouton . Sa complex ité aléato ire est plex ité est une tâc he d' une extrême d if-
grande car (par exemple) la ré partiti on fi c u lté, qui sera in fa isable de manière
de la laine sur sa peau ne s uit pas un exacte dès qu e l'on devra tra ite r des
motif parfa iteme nt réguli er. Sa pro fon - objets no n tri viaux. Ce n 'est pe ut-être
de ur logique, e lle auss i, est grande car pas surprenant, car on comprend bien que
on pourrait (en théorie) décrire le mou- face à un o bjet profo nd (pensons aux
ton , en donnant son génome et en deman- déc imales de :rt entre la cent millième et
dant au programme de simuler le processus la de ux cent milliè me) il est di ffic il e de
de développement , ce qui prendrait beau- déc ider entre les ex plicati ons « c'est un
coup de te mps. Le mo uton est un objet o bjet de grande compl ex ité aléato ire»

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

ou « c'est un objet de petite complex ité Un autre problème est de savoir si les lois
aléatoire mais profond ». Pour tra ncher, du monde physique sont telles que, néces-
il fa ut avo ir ide ntifié en quo i la co m- sa irement , se produit un accroissement
plexité est orga nisée. Ce qui est pro- de la complex ité organi sée. Ce n 'est pas
fond peut avoir l'apparence de l'aléatoire. parce qu ' une sorte de ca lcul se déroule
li n'es t pas absurde de considé rer q ue da ns le monde physique qu ' un autre cal-
le trava il de la rec herc he sc ientifiqu e cul plus rapide n 'est pas poss ible ou que
est l'identification de la complex ité orga- les résultats de ce ca lcul ne pe uve nt pas
nisée , là où ap pare mme nt ne se tro uve être détruits (auque l cas bien sûr aucune
que de la compl ex ité aléato ire. croissance de profonde ur log ique ne se
Aujou rd' hui , les algorithmes de co m- prod uit). Le fa it que notre monde phy-
press ion de données (sans pertes) sont sique autorise de longs calculs ne prouve
les mei ll e urs o ut il s po ur me ne r des do nc pas qu ' il es t le lie u d ' une aug-
mes ures de complex ité : me nta ti o n in év ita bl e de profo nd e ur
• La taill e du fic hi er compressé est une log ique . Les bons concepts mathéma-
ap prox im ati o n de la co mpl ex ité de tiques semblent identifiés. La question
Kolmogorov. « pourquo i ass iste-t-on à un accroisse-
• Le temps de calcul pri s pour décom- ment de la complex ité organi sée? » pos-
presser un fic hie r compressé do nne sè d e m a int e na nt un se ns pure me nt
une évaluation de sa profondeur logique mathé matique, et pe ut do nc recevo ir
de Bennett (elle n'est vraiment sati s- une réponse mathématique. Si on y arrive,
fa isante q ue si l'algorithme de com- peut-être sauro ns-no us a lors pourquo i
pression a bien su re pérer les structures la vie deva it apparaître sur Terre !
du fic hier qu 'on lui a confié).
Les rés ul tats de Bennett montrent auss i J.-P. D.
que l'apparition lente de la complex ité
organi sée ne contredit aucune me nt la Références
seconde lo i de la thermodynamique, qui • Mesurer la complexité des objets numériques. Jea n- Paul Delahaye , Bulle-
concerne l'accro isse me nt de la co m- tin de la Société informatique de Fran ce ( 1), 20 13 , disponi ble en li gne.
plex ité aléato ire . Le fa it que la co m- • Image Characterization and Classiflcation by Physica l Complexiry. Hec-
plex ité orga ni sée s'accroisse au cours tor Zenil , Jean-Paul De lahaye et Cédric Gauchere l, Complexiry 17 (3),
du tem ps (com me o n le cons tate sur 2012.
Terre) est simple ment le signe que dans • Camplexiré aléatoire et complexité organ isée. Jean- Pau l Delahaye, Qure ,
le monde physique se déroulent des pro- 2009 .
cess us ass imil a bl es à du calcul (avec • Logica/ Depth and Physica/ Complexity . Charles Ben nett, in The Univer-
mé morisation). Ce n'est pas choquant : sal Turing Machine: A Half-Centu ry Su rvey, Oxford Unive rsi ty Press ,
les mo uve ments mécaniques, les inte r- 1988 .
actio ns c h imiqu es, les process us d e • How 10 dejin e complexity in physics, and Why. Charles Ben nett , in Com-
sélection, les mouvements culturels sont plexiry, Enrropy and the Physics of Information , SFI Studies in the Sciences
des sortes de ca lcul s. S i o n ado pte le of Comp lexi ty (V III ), Add ison-Wes ley, 1990 .
point de vue de Bennett , l'aug me nta- • Information , Randomness and lncompleteness: Papers on Algorithmic
tion de la complex ité organisée sur Terre Information Th eory. Gregory Chai tin , Worl d Scient ific. 1987.
de pui s qu atre milli ards d 'a nn ées es t • Information, comp lex ité et hasard . Jean-Paul Delahaye , Hermès , 1999.
co mpatibl e avec la the rmody namique, • Three Approaches for Defining the Concept of Information Quamity. Andreï
et cela sans avoir recours à des pirouettes Kolmogorov, Information Transmission ( 1), 1965.
comme quand on confo ndait complex ité
aléato ire et complex ité organi sée.

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tan9ente


ACTIONS par Nicolas Delerue

Comment éliminer
les spams?
Comment rejeter les courriers électroniques non sollicités
sans perdre de messages ? La solution la plus efficace à
l'heure actuelle repose sur l'utilisation d'un théorème de
mathématiques : le théorème de Bayes.

n inco nnu vo us propose une

U importante somme d ' arge nt en


échange d ' une transaction sans
ri sque . Une soc iété vous pro pose des
pilules miracl es po ur presque rien . Un
inconnu vous signale l' ex iste nce d ·un
si te Web vendant des produits de lu xe
à des pri x défi ant toute co nc urre nce .
Ce genre de messages peut fa ire rêver.
C 'est e n fa it le cauc he mar des inte r-
nautes do nt la boîte à lettres é lectro-
nique se remplit chaque matin de courriers boîtes aux lettres. Le coût de ces net-
no n so llicités . Il s sont tellement no m- toyages est fac ile à calculer. À raiso n
bre ux que l'on a tro uvé un no m po ur d ' une seconde par message, un milli on
les dés igner: il s ' ag it des spams (ou de messages de mande 278 heures pour
po urrie ls en frança is). être effacés, ce qui représente deux mois
Les auteurs de po urri e ls profitent de la de trava il d ' un salarié . C'est exorbitant.
quasi gratuité de l'envoi de messages sur C'est pourquo i des algorithmes ont été
Internet pour inonder toutes les boîtes mi s au po int pour identifier et détru ire
dont il s trou vent l'adresse de pro pos i- auto matiquement les pourrie ls.
ti ons de toutes sortes . Une étude sta-
ti stique a montré que le taux de réponses Des mots clefs à la reconnaissance
pos iti ves à ces pourrie ls est de quinze automatique
pour un miljjon. C'est infime mais le prix
de l'envoi l'est encore dava ntage, s i La première idée venant à l' esprit pour
bi e n que , a uss i inc ro ya bl e qu e ce la identifier les pourrie ls est de tester la
puisse paraître, ce genre de pratique est présence de que lques mots clefs carac-
très profitable ! téristiques de ces messages. Les meilleurs
Pour les destin ataires de ces messages, candidats sont sans do ute « viagra » ou
il reste à nettoyer quotidiennement leurs « sexe » ain si que d ' autres mots da ns

Tan9 nt Hor sene n 52. Mathemat1ques & informatique


POUR L'INFORMATIQUE

le même registre. Cependant, cette idée sage, tou s ses mots sont lu s ; il est ainsi
montre rapidement ses limites pour plu - transformé en un e nsembl e de probabi-
sieurs raisons. lités. Ces probabilités sont combinées
Tout d'abord , un co urri er normal peut pour donner un indi ce indiquant la pro-
très bien uti Iiser ces mots et vous ri s- babilité que le message so it du spam ou
quez de les é liminer automatiquement. non. Comme ce calcul de probabilités fait
Ensuite , ce rtain s po urri e ls ne les uti- appel au théorè me de Bayes, ces filtres
Iisent pas. D ' a utre part , il s uffit de sont appel és filtres bayésiens.
changer « v ia gra » e n « Via g r a » ,
« VI4GR4 » o u « YIAGRA » pour Pour calculer la probabilité qu ' un mot
conto urne r la difficulté. apparai sse dans un pourriel , rien de très
Des filtres plus développés ont été mi s difficile : pre nez un gra nd nombre de
au point pour tenir compte de ces pro- pourriel s, utili sez un log iciel pour trier
blèmes. Cependant , les tec hniqu es les mot s s ' y trouvant e t co mptez le
em ployées par les aute urs de pourriels nombre d 'occurrences de chacun. Faites
évo lue nt sa ns cesse, ce qui nécess ite la mê me chose avec un ensemble de
une mise à jour permanente des règles message n' étant pas du spam (vos mes-
emp lo yées. Et bien qu e ces règ les sages personnel s par exemple) et vous
so ie nt très efficaces pour se d é bar- obtenez, pour chaque mot , la probabi-
rasse r d ' une bonne parti e du spam , le lité qu ' il apparai sse dans un pourriel et
filtrage des messages restants es t sou- la probabilité qu'il apparaisse dans un
ve nt très difficile. message norma l. Après l'analyse d ' un
message , vous pouvez , en multipliant
Est-il si diffic ile de distinguer les pour- les probabilités que chaque mot apparaisse
riels des vrais messages ? Po ur un être dans un pourriel , en déduire la probabilité
hum a in e n aya nt déjà reçu quelques- que l' e nsemble des mots du message
un s, un coup d' œ il suffit. Ce n'est pas apparaissent dans un pourriel . Mais atten-
la présence d ' un mot particulier qui les tion , la probabilité que l'ensemble des
rend fac ile à identifi er, mai s plutôt l'ac- mots d ' un message apparaissent dans
c umul ati o n de mot s dan s un mê me un pourriel n 'est pas égal à la probabi-
registre. Dans le cas des pourriel s , il lité que cet ensemble de mots forme un
s'agi t souve nt du reg istre pornogra- pourriel !
phique. La différence entre un texte nor- Appelons P(S) la probabilité qu ' un mes-
mal même très vulgaire sur le sujet et un sage soit du spam. Pour chaque mot M ,
pourriel est l' accumulation . Mê me de il est facile de calculer la probabilité
mauvaise qualité , un texte normal res- conditionnelle P(M I S) que le mot M
pecte certaines contraintes littéraires . apparaisse dans un message de spam. Il
À ! ' heure ac tuelle , les log iciel s les plus est donc facile d 'en déduire la probabilité
performants se fondent sur ce constat. qu ' un ensemble de mots M; formant un
Il faut anal y er les mots dans leur contexte courrier électronique C apparaissent
pour savoir si un message est du spam dans du spam :
ou non. La lecture de tous les mots du
message permet en effet d 'avoir une vue
=IJ
P(C I S) P(M; 1S)

plus globale de son contenu et donc de Par contre, pour connaître P(S I C),
sa nature . Pour cela, chaque mot reçoit c'est-à-dire la probabilité que ce mes-
une probabilité: celle qu'il fi gure dans sage soit effectivement du spam, il est
un spam . Lors de l'arrivée d'un mes- indiqué d ' utiliser le théorème de Bayes .

Hor ~ene n 52. Math mat1ques & informatique Tangente


ACTIONS Éliminer les spams

Paul G raham , l' un des pionniers de cette


méthode, affirme que son filtre ne laisse
passer que 0 ,5 % des spams et ne bloq ue
p(B\A) p(A) j amais un message standard . Quo i qu ' il
e n so it , les performances du filtre bayé-
p(A/ B) === - P( B) sie n dé pe nde nt de la qualité des spams
utili sés po ur le ca lc ul des probabilités.
Si vous n' utili sez que des spams vo us
va nta nt les mé rites d ' un certai n produi t
pharmaceutique po ur calcul er les pro-
ba bilités , ne vo us é to nnez pas qu ' un
Le théorème de Bayes permet spam se fa isant passer po ur un ami qui
de suspecter si un message est du spam. ve ut vo us do nner un millio n d ' e uros ne
so it pas cl assé comme te l !
Ce théorè me pe rmet e n effet d ' in ve r-
ser une probabilité : connaissant P(C I S), Il est poss ible de fa ire mie ux e n utilisant
il pe rme t de calcule r P(S I C ) , à l'a ide des méthodes d ' inte lligence artificielle .
P(S)P(CiS) Pa r exe mpl e , un résea u de ne uro nes
de la formul e P(SIC) = .
P(S) + P(S) po urra it probable me nt , après appre n-
Ici , P(S) est la prob!bilité qu ' un message ti ssage , ê tre plu s e ffi cace qu ' un filtre
soit du spam e t P(S ) la probabilité qu ' il bayés ie n . Ce pe nd ant , l' utili sation d ' un
n 'en soit pas (pour connaître ces pro- réseau de ne urones est assez compl exe
babilités , il suffit de compte r le no mbres et il n'est pas sûr que le gain possible jus-
de m essages d a n s ch ac un d es de ux tifie l' augme ntati o n de la compl ex ité .
en sembles utili sés po ur calculer les pro-
babilités P(M I S) ). Le spam est apparu il y a quelques années
La probabilité P(S I C) est do nc un indice et progresse rapideme nt. Les techn iques
pe rme tta nt de suspecte r qu ' un message utilisées par les auteurs de pourriels évo-
est du spam . Plus l' indice est é levé , plus luent po ur te nter de contourner les filtres
le message est suspect. La spéc ifi c ité qui leurs sont o pposés . Les filtres anti -
des pourrie ls fa it que ce t indice atte int spams d o ive nt do nc e n pe rm a ne nce
souvent des va le urs très élevées po ur la s' adapter. Les filtres bayésiens sont l' une
plupart d ' e ntre e ux , et des vale urs très des de rniè res innovatio ns e n date , mais
basses po ur les autres messages. Il est de nombre uses autres sont à ve nir. Pro-
a uss i poss ibl e d ' utili se r po ur c haque bable me nt que ces no uve lles mé thodes
mo t la probabilité que celui-c i ne so it utili seront d ' autres théorè mes mathé-
pas du spam po ur e n déduire la proba- matiques plu s o u mo ins connus !
bilité que ce message ne so it pa s du
spam . En comparant les de ux indices , il N.D.
est possible de conclure si le message est
probabl e me nt du spam ou non .

Chaqu e a lgorithme utili sa nt un filtre


bayés ie n a un e e ffic ac ité diffé re nte
(dé penda nt de la ma niè re exacte do nt
les probabilités sont calculées et com-
binées). Le prog ra mme ur britannique

64 Tangente Hors-sene n °52. Mathematiques & informatique


ACTIONS par Jean-Paul Delahaye

mathématiques
expérimentales
Les mathématiques science expérimentale ? Cette affirmation,
qui ferait bondir plus d'un mathématicien pur et dur, trouve
de plus en plus d'échos grâce à l'outil informatique.

philm,ophc\ do nt Imre monde objectif, comme le fait la phy-

P
lt1\ll'llP,

La katos et Th o mas Tymoczko sique, il n 'y a aucune raison pour que


ainsi que de no mbre ux mathé- la méthode indu ctive ne puisse être
mati c ie ns o nt in s isté sur les as pec ts appliquée en mathématiques comme
ex pé rime ntaux et inducti fs de l 'acti - elle l 'es t en physique ». L'i dée chez
vité mathématique et sur certaines simi- Gode! d ' une induction analogue à celle
litudes e ntre le travail du phys icie n et des sc ie nces e mpiriques concerne la
celui du mathématicien. Carl Frederich découverte de nouveaux ax iomes et le
Gauss expliquait qu ' il atteignait la vérité choix entre systèmes d 'axiomes concur-
math é matique par ! 'ex pé rime ntati o n re nts , opérati o ns qui ne pe uvent rés ul -
systématique.C'est de cette faço n qu ' il ter des raisonne ments déductifs seul s à
découvrit que le nombre de no mbres l'œuvre dans les démonstrations mathé-
pre miers in fé rieurs à n est approxima- matiques usue ll es.
ti veme nt n / ln n , affirmation qui ne fut Parfo is, l' idée de fa its et d 'expérimen-
prouvée qu ' un siècle plus tard. Le logi- tations mathématiques va au-delà, sur-
cien Kurt Gode!, cohérent avec ses posi- tout depuis que !'ordinateur s'est ajouté
tions réali stes - il croyait que les objets à la feuille, au crayon et aux instruments
mathématiques ont une existence indé- de tracé géométrique qui ont longtemps
pe nda nte de no us -, re marqu ait qu e été les seul s outils des mathématiciens.
« si les mathématiques décrivent un Plusieurs li vres récents sont consacrés
à cette faço n no uvelle de pratiquer les
mathématiques avec un ordinateur comme
« J'ai toujours considéré outil (voir la bibliographie).
Comme !'affirme Hardy (voir encadré),
qu'un mathématicien était en premier les mathématiques n'auraient pas pour
lieu un observateur » but général de découvrir des démons-
Godfrey Hardy trations, mais des connaissances sûres !

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

Chacu n des exemples des usages de l'in-


fo nnatique en mathématiques qui sui vent
les démonstrations ne servent qu'à
illustrera un aspect de ces jeux ex péri - convaincre de ce qu'on observe ?
mentaux dont l' importance va e n s ' ac-
croissant au fur et à mesure que les outils
informatiques se perfecti onnent et se Godfrey Hardy
diffusent. (1877-1947).

L'ordinateur pour forger l'intuition Le mathématicien God-


frey Hardy (qui fit venir
Tout d ' abord l'ordinateur sert à façon- Ramanujan en Europe)
ner l' intuition en créant une familiarité formula en 1928, à une
avec des objets et situations qui ne peu- époque où pourtant l'or-
vent être réalisées matériellement. C'est dinateur n'était pas encore
la fo ncti on didactique de l' ex périmen- entré dans le jeu, une idée étonnante :
tation dont non seulement les é lèves et « J'ai toujours considéré qu'un mathématicien était en
les étudi ants peuvent bénéfic ier, mai s premier lieu un observateur, un homme qui, situé assez loin
dont le chercheur lui -même tirera pro- de paysages montagneux, décrit ce qu'il y voit. [ .. .] L'ana-
fit. logie est un peu brutale, mais je suis certain qu'elle n'est
Manipuler des billes aide à se construire pas trompeuse. En la poussant à son extrême, nous arri-
une image précise du monde des nombres vons à la conclusion plutôt paradoxale que nous pouvons,
entiers ; réaliser des découpages en car- en dernière analyse, nous contenter de noter ce que nous
ton donne une compréhension affinée observons ; que les démonstrations sont ce que Littlewood
de ce que sont les longue urs, les aires , et moi appelons des effets rhétoriques destinés à frapper
les polyèdres , etc. De mê me , les simu- les esprits, des images sur un tableau lors d'une confé-
lati ons mass ives de tirages au hasa rd rence, des trucs pour stimuler l'imagination des étudiants.
qu'on peut effectuer avec un ordinateur La vérité n'est pas exactement ainsi, mais ne s'en écarte
sont un bo n moyen de déve lo ppe r le pas beaucoup. L'image donne une idée aussi bien de ce
sens des probabilités. qu'est la pédagogie mathématique que de ce qu'est la décou-
verte mathématique. Il n'y a que les personnes étrangères
Le Principe du jeu direct ( « bold play ») aux sciences et mal informées qui imaginent que les mathé-
affirme que «la méthode la plus efficace maticiens font des découvertes en tournant la manivelle
de jeu pour passe r de A euros à B euros d 'une machine miraculeuse. L'image enfin de compte
en jouant sur pa ir o u impa ir à la rou- donne une vision crue des démonstrations telles que les
le tt e s'ob ti e nt e n mi sa nt toujours concevait Hilbert, qui ne sont en réalité que certains argu-
- par exemple sur pair - la somme max i- ments en faveur de leurs conclusions et dont le but est seu-
male possible, sans dépasser le but visé». lement de convaincre.»
Par exemple : pour passer de IOO euros
à 1000 euros : mi sez 100 si vous avez
IOO, misez 300 si vo us avez 300 , misez cipe du j eu direct et de mesurer leur effi-
400 si vo us avez 600, etc . cacité par simul ation , en comparant au
Ce princ ipe, démontré par Dubbin s et résultat donné par le j eu direct. La loi
Savage en 1956, est diffic ile à établir dev ient petit à petit naturelle pour celui
rigoureusement. En revanche il est fac ile qui réali se ces simulations. Il en com-
à mettre à l'épreuve expérimentalement. pre nd la raison profonde : puisque les
Il suffit d ' essayer toutes sortes de stra- tirages élémentaires sont défavorables au
tég ies de jeu non conformes au Prin- joueur, son intérêt est de poser sur le

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS Mathématiques expérimentales

ta pis de je u le moin s d 'argent poss ible


e t donc d ' alle r droit au but.

Ce t e xe mple d 'expé rime ntation dans un


dessein didactique n'en est qu ' un parmi
une multitude d 'autres. L' idée n'est pas
no uve ll e e t ne fait qu e re pre ndre e n
)'ada pta nt la propos iti o n de c réer des
Laboraloires de Ma/h ématiques, pro-
pos iti o n défe ndue pa r Émil e Bo re l e n
1904, soute nue de pui s par Jean Di e u-
do nné à propos de )'ense ig ne me nt de la
géomé tri e e t re pri se de no mbre use fo is
e n didactique des mathé matiques.

l'ordinateur producteur
de faits mathématiques
Simon Plouffe.
Un sec ond type d 'e xpé rim e nt a ti o ns
mathématiques est celui où l'on de mande cette mé th ode est ce ll e que fit Simo n
à l'o rdinate ur de produire un g ra nd Pl o uffe e n 1995 de l' éga lité:
nombre de «faits mathé matiques» qu 'on
analyse e nsuite jusqu 'à y découvrir des :rr = h,' 16'1 ( 8k4+ 1 2
8k + 4
1
8k + 5
1 )
Sk + 6 .

régul arités, qu ' il sera pe ut-être poss ibl e Cette no uve lle fo rmul e de séri e po ur rr
de dé montre r. C 'es t a in s i qu ' un a mi pe rmet d'en ca lcule r les chiffres binaires
ma thé m a ti c ie n a redéc ou ve rt , il y a indé pe nda mme nt les un s des autres, ce
que lques années par l'ex périme ntati o n qui étonna tout le monde . Elle permet par
informatiqu e la stratég ie ass urant de exe mpl e de ca lcul e r le milli a rdi è me
gagne r au Jeu de M ari e nbad (o u je u de c hi ffre binaire de rc sans calculer les pré-
Nim) basée sur la Nim-additi o n . céde nts.
Noto ns bi e n que la no uve ll e fo rmule a
Le re pé rage inform atique de régul ari - é té pro uvée ri go ure use me nt pa r un e
tés dans des faits mathématiques énumérés démo nstration au sens traditionnel. Fa ire
pa r la m achine adme t un cas pa rtic u- trava ille r l'o rdinate ur et généra li ser sans
lie r : la reche rc he de no uve ll es fo rmules prendre la pe ine de dé mo ntrer se révé-
par examen des chiffres décimaux qu 'elle lera it catas tro phiqu e . La nécess ité de
produit. La technique co ns iste à ca lcu - fa ire des dé mo nstrati o ns trad iti onnelles
le r avec un e préci s io n de plu s ie urs n 'est contestée pa r pe rsonne.
di za ines de c hiffres di verses fo rmul es L'o rdin a te ur produit des fa its math é-
e t à co mp a re r les rés ult a ts o bte nu s. matiques e n gra nde qu a ntité do nt o n
Lorsque les rés ultats de de ux formul es pe ut lui de mande r que ll es lo is les o rga-
coïncide nt , on essaie de dé mo ntre r l'éga- ni sent. Les régul arités re pé rées dev ien-
lité re pé rée. En pratique, po ur me ne r d ro nt alo rs des théo rè mes s i o n ré uss it
très ra pide me nt de no mbre uses compa- à les dé mo ntre r, ou sero nt des co nj ec-
ra isons, des a lgorithmes spéciaux sont tures s i o n n ' y pa rvie nt pas.
utili sés. C'est ain s i qu ' e n ca lc ul ant avec l' aide
La plu s fa meuse découve11e obte nue par de progran1mes, les décimales des nombres

68 Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS
/

n, e. ·h et de bien d ' autres nombres irra- so mme de mo in s de n pui ssances n-


tionn e ls, et e n exa min a nt - to ujo urs ièmes de no mbres non nul s n'est jamais
avec l' ord inate ur - leur ré partiti on, on une pui ssance 11-ième sauf dans les cas
a été amené à for muler la co njecture év idents n = 2 ou a" = a" .
que ces nombres sont normaux: chaque Il se tro uve que cette généra li sati on est
déc ima le se présente avec la fré que nce fa usse po ur n = 5. En effet , e n 1966 ,
1 / 10, chaque série de 2 chi ffres (par L. Lander et T. Park in ont tro uvé - bien
exe mpl e 37) se présente avec la fré- sûr en utili sant un ordinate ur - que:
quence 1 / 1OO, etc 27 5 + 84 5 + 110 5 + 133 5 = 144 5 .
Pour n =4 la générali satio n d 'Eul er du
L'ordinateur falsificateur théorème de Fermat est encore fa usse
et en 1988, N . Elkies a démontré qu ' il
Karl Po pper a défendu l' idée qu ' une y ava it une infinité de so luti o ns (non
théorie a d 'autant plus de contenu qu 'elle multiples les unes des autres) dont la
est fac il e à mettre à l'épre uve - ou, avec plu s petite, qui fut trou vée par ordina-
son vocabul aire àjàlsijier. Pour fa lsifier teur par R. Fries de la Thinking Machine
des conjectu res , rien de te l qu ' un ord i- Corporation , est :
nateur et ic i l'ex périmentation mathé- 95 8004 + 2 17 51 94 + 4 145(J()4 =422 48 14 .
m a ti q ue resse mbl e d'assez près à Pour n = 6 et au-delà, la conjecture reste
l'expérimentation physique: on mène des aujourd ' hui irrésolue.
ex périences (de ca lcul ) avec des do n-
nées diffé rentes, en observa nt si la lo i Si l'ordinateur n 'a servi à rien dans la
qu' on teste est sati sfa ite à chaque fo is. démonstration du Grand Théorème de
Fermat, sa capac ité à fa lsifier d 'autres
L'énoncé du Grand Théorème de Fermat conjectures proches doit être vue comme
indiq ue par exemple qu ' il n 'ex iste pas cruc iale. Sans lui , des mathé matic ie ns
de quadruplets d ' entiers a, b , c, n avec continueraient à cherche r une démons-
a, b, et c non nul s et n > 2, te ls que: tration de la générali sation proposée par
a"+ b" = c". Un te l énoncé serait fa lsi- Euler. .. que d 'ailleurs Euler pensait vraie.
fié par n ' importe que l quad ruplet a, b,
c, 11 sati sfaisant les cond itions c itées. Le Bien sûr, le plu s souve nt , les conj ec-
gra nd théorè me de Fe rmat éta it do nc tures rés istent et le tra va il de ceux qui
fa lsifiable ava nt qu ' il ne soit dé montré tentent de les fa lsifier apparaît absurde :
par And rew Wiles. De nombre ux essais si la conjecture est vra ie, il s ne trou ve-
ava ient d ' aille urs été fa its pour le fa lsi- ro nt jama is rien , que l que so it le so in
fie r, et aujourd' hui encore certains mathé- ou le génie qu ' il s auront pu mettre dans
ma t icie ns la n ce nt sa n s d o ut e d es le urs progra mmes . On peut penser que
programmes qui recherche nt des fa lsi- c ' est ce que se passe pour la conjecture
ficateurs pour ce théorè me cé lè bre. Ces de Syracuse dont la vérificati on chaque
te ntatives ne sont pas absurdes, car au année progresse grâce à des programmes
fur et à mes ure du te mps, le ur éc hec de plus en plu s compl exes et subtil s.
confi rme indirectement que la démons- Cette conjecture affirme que la fo nction
trati on de Wil es est j uste. f(n) = n/2 sin pa ir,f(n) = 3n+l sin
impa ir conduit to ujours à I qu and on
Di ve rses gé néra li sati ons du théorè me l'applique de manière répétée à un entier :
de Fermat ont été envisagées dont celle- n-+ J( n ) -+ f(f( n)) -+ J(f(f(n))) -+ ...
ci proposée par Leonh ard Eule r : une Cette conjecture a été vérifiée pour tous

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS Mathématiques expérimentales

les entiers inférieurs à : tous ces nombres). La méthode ex haus-


5 X 2 60 :::: 5 ,764 X ]0 18 . ti ve, en l'état ac tue l de la technolog ie ,
ne pourrait même pas fa ire dé fil er tous
L'ordinateur assistant les no mbres jusqu 'à 1025 .
aux capacités multiples La méthode utili sée par les chercheurs
s' intéressant aux nombres parfaits impairs
Récemment , des progrès ont été faits à associe des raisonnements arithmétiques,
propos de ce qui est sans doute la plu s condui sant à des le mmes et théorèmes,
ancienne conjecture mathématique: « il qui permettent de découper le problème
n'ex iste aucun nombre parfait impair » . en cas qu 'on traite alors soigneusement ,
Les nombres parfa its sont les nombres parfois en utili sant un ordinateur auque l
qui c omme 6 o u 28 so nt égau x à la on confie par exemple un travail de fac-
somme de leurs di viseurs stricts : torisatio n. Le tout conduit à la concl u-
6 = 1 + 2 + 3 ;28= 1 + 2 +4+7+ 14. sion via un raisonnement par l' absurde
On conn aît auj o urd ' hui 4 8 no mbres qui serait d ' une taille colossale si on en
parfaits pairs, ce sont les nombres de écri va it toutes les étapes.
la forme 2 11 - 1(2" - 1) avec 2" - 1 nombre
de Mersenne premier, mais aucun nombre Mê me lo rsqu ' il s ' ag it de tes te r des
parfait impair. La rec he rc he infruc- conjectures , le mathémati c ien ex péri -
tue use de no mbres parfa its impa irs a menta li ste do it fa ire preuve d ' inte lli -
suggéré aux mathématiciens qu ' il n'existe ge nce, e t c ' es t e n e ntre mê la nt
pas de nombre parfa it impair (c'est la ra isonnements usue ls et ca lcul s confiés
conjecture). à la machine qu ' il avance . Notons encore
Depuis plus de deux millénaires la ques- que dans l'exemple des nombres parfa its
ti on est posée. impairs les calcul s pour obtenir les fac-
Les progrès à ce sujet mérite nt d 'être to ri sati o ns nécessa ires aux étapes d u
mentio nnés car il s constituent un bon ra isonneme nt s'appui ent sur des algo-
exemple de ce que sont les interacti ons rithmes résultants eux-mêmes de longues
entre mathématiciens et ordinate urs. Il s recherches utilisant des théorèmes ayant
consistent princ ipalement e n résultats demandé des calculs in formatiques pour
du type : s' il exi ste un no mbre parfa it leur mi se au po int.
impair, il possède au mo ins F fac teurs
premiers, et est plus grand que N. Dans les mathé matiques ex périme n-
Le dernier résultat record de ce type est tales , l'ordinateur apparaît parfois comme
dû à Pascal Ochen et Michae l Rao qui un simple exécuteur de corvées, dont
ont établi que s' il ex iste des no mbres les résultats viennent s' in sérer à l' inté-
parfaits impairs, il s possèdent au mo ins ri e ur d ' une pre uve par a ill e urs com-
101 facteurs dans leurs décompos itions plexe. De ux cas so nt cé lèbres de cet
e n fac te urs pre mi e rs e t il s so nt plu s usage au sein d ' un ra isonnement déli -
grands que 10 1500 . cat et di ffic ile.
To ut cela a é té établi e n utili sant des Il s'ag it de la démonstra ti o n du théo-
o rdinate urs, ma is pas d ' une mani ère rème des quatre couleurs en 1976 (toute
naïve e n fa isant dé fil e r les no mbres carte peut être coloriée avec quatre cou-
impairs les un après les autres et en s' as- leurs sans q ue de ux pays vo isins por-
surant qu'aucun n'est pas égal à la somme tent la même couleur) et de la conjectu re
de ses di viseurs propres (d ' ailleurs on ne de Keple r dé mo ntrée e n 1998 (l' e mpi -
sa it pas fac toriser en temps acce ptables le me nt le plu s se rré qu e l' o n pui sse

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

o btenir de s ph è res dan s l'es pace est contrôl é mécaniquement. Bien sûr le
ce lui utili sé pour fa ire les piles de bou- trava il de mi se au point de la version
lets de canon ou les tas d 'oranges). formal isée se fait en s'aidant d 'ordina-
Un bon ass istant ne sert pas seule ment teurs, et une fois que ce travail sera effec-
à exéc ute r doc il e me nt des co r vées tué , ce sera encore l'ordinateur qui sera
si mples qu 'on pourrait faire soi-mê me chargé du contrôle final de la justesse de
à la main si o n éta it près à y consacré chaque pas de la preuve formalisée. Un
des années ou des s ièc les . li sera d 'au- tel travail d 'éc riture formelle d ' une
tant plu s préc ie ux qu 'o n pourra lui preuve associée à sa vérification a été mené
demander des tâc hes subtil es. Grâce pour le théorè me des quatre couleurs
aux log ic ie ls de calcul formel e t de par Georges Gonthier.
démonstration automatique, il n'est pas Cet usage des ordinateurs pour valider
ra re qu ' une parti e dé li cate de dé mon s- des démonstrations complexes est une
tration o u un morceau difficile de ca l- forme nouvelle d 'expérimentation mathé-
cul so it confi é à l'ordin ate ur. matique. Elle s'ajoute aux nombreuses
Aujourd ' hui , on voit donc fréquemment autres form es d 'ex pé rimentation s e n
des recherches où l'ordinateur interv ient train d 'e nvahir l'ense ig ne me nt et la
en fournissant son aide au moment de la recherche mathé matique.
découverte des nouveaux énoncés, étape J.-P. D.
sui vie par une aide à la mise au po int des
démonstrations et éventuellement à leur Bibliographie
contrô le (sans parler de l'a ide qu 'ap- • J. Borwein, D . Bai ley, R. Gi rgensohn. Experimetati on in Mathematics:
porte ('ordinateur pour éditer les textes Computati onal Paths to Discovery. Natick, MA, A. K. Peters, 2004 .
mathématiques, les imprimer et les faire • D. Bailey, J. Borwei n , K . Devi in. The Experimental Mathe matician:
circuler entre chercheurs). a Computationa l Guide to the Mathematica l Unknown. Natick , MA , A.
K . Peters, 2002 .
L'ordinateur pour confirmer • D. Bailey, J . Borwe in , N. Gi rgenshn , Ex perimental Mathematics in
et contrôler Action, A. K. Peter, 2006.
• K . Cha urasya Experimenta l Mathematics, Campus Books International,
Signalons encore qu'un usage impor- 20 12.
tant de l' ordinateur se mbl e e n vue à • G. Gonthi er, Formai Proof, The Four-Color Theore m . Notices of the
cause justement de la complex ité des AMS 55 ( 11 ), 1382- 1393, 2008.
preuves que l' interaction e ntre ordina- • K. Hare. New Techniques for Bou nds on the tota l number of primes fac-
teurs et mathématic iens engendre. La tors of an odd Perfects number, Mathematics of Computation, 76:260,
démonstration que Thomas Hales a mise 224 1- 2248,2007.
au point de la conjecture de Kepler et dont • P. Oc hem, M , Rao,. Odd Perfect Numbers are Greater than 10 1500 ,
certaines parties fo nt interve nir des cal- Mathemati cs of Computation, 8 1, 1869- 1877, 20 12.
cul s informatiques a été publiée avec
une mi se en garde du comité d 'experts
chargé d'en fournir la garantie: le comité
a indiqué qu ' il ne pou vait pas assurer
q u'auc une erreur n'éta it restée. Pour
lever cette incertitude, Thomas Ha les a
entrepri s de produire une vers ion for-
malisée de sa dé monstration , c'est-à-
dire une version dont chaque pas est
so igneusement ex pli c ité et pe ut être

Hors-série n ° 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS par Michel Criton

les automates cellulaires


et le jeu de la uie
Le jeu de la vie fait partie des automates cellulaires. Ces êtres
virtuels sont nés dans les années 1960, de l'imagination fertile
du mathématicien britannique John Horton Conway. Des
cellules d'un quadrillage régulier vivent, meurent et naissent
selon des règles définies à l'avance.
des pions so nt pl acés s ur un damier
infini , des règles de na issance, de sur-
vie et de mort sont précisées , et on laisse
ag ir le processus. Da ns le cas d ' une
Joh n Conway application à la propagation d' une mala-
croqué par Simon die, o n suppose a u départ que to utes les
Fraser en 1975. cases du da mi er conti e nne nt des indi-
vid us sains. On déc lare ensui te que cer-
ta in s indi vidu s (o u cases) sont infectés.
et on précise en plus une règle probabiliste
de type: les ce llul es vo isines de la ce l-
lule in fec tée sont e ll es-mêmes co nta-
min ées à l 'é ta p e s ui va nt e avec la
probabilité p; l' indi vidu meurt ou est
immunisé à l'étape sui vante. La question
qui inté resse alors autant les ép idémio-
log istes que le gra nd publi c est a lors :
pour quelles va le urs de p la malad ie se

L
es a uto mates cellulaires o nt fait propage-t-ell e au mo nde e ntier?
le ur ap pa riti o n dans les a nnées
1940, s uite à des trava ux des naissance, uie et mort
mathé matic iens Stanislaw Ulam et John
von Neumann qui recherchaient des sys- Une automate cellul a ire peut se définir
tè mes abstraits capables de se ré pliquer co mme un e nse mbl e de ce llul es po u-
e ux- mê mes. vant pre ndre des é tats s uccessifs (le
Ils sont régulièrement utilisés pour modé- no mbre d'états poss ibles étant fini) en
li ser les processus d 'ex pa ns ion des é pi - fo ncti o n des états des cellules vo is ines
dé mi es o u des é pi zooti es. Ils sont auss i à c haq ue étape, le te mps étant discrétisé
pertinents que le ur définiti on est simple : e n in sta nts 1, t + 1, t + 2, . .. Les ce l-

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

Iules d'un automate cellulaire sont les cases


d' un résea u rég ulier dans un espace à n
Quelques exemples d'évolutions
dimensions, le cas le plus co nnu et le de populations au ieu de la vie
plus étudié étant ce lui d' un qu adrill age
à mailles carrées dans le pl an . On peut • Dans le premier
aus i co ncevo ir des automates ce llu - exemple, on part d'une
laires dans un résea u à maill es tri angu- population de trois cel-
laires ou hexagonales ou dans le pavage lules. Deux de ces cel-
régulier d ' un espace à troi s dimensions lules ont un seul voisin
ou davantage . et la troisième a deux
A insi , pour définir un automate cellulaire, voisins. Toutes les trois
il fa ut un réseau de cases ( les ce llul es) vont donc mourir. Mais une cellule vide possède trois voi-
pouvant prendre un nombre fini d 'états sins (avant leur mort). Cette cellule va donc voir une nais-
se lon une règ le préc isa nt le deveni r de sance. À l'instant 2, notre population sera donc éteinte.
chaque état d ' un e ce llul e à l ' in stant • Prenons maintenant l'exemple de trois cellules formant un
1 + 1 en foncti on de son état et de celui rectangle.
de ses ce llules vo isines à l ' instant 1. Les
math émati c iens Stephen Wolfram et
Dav id Eppstein ont tenté de proposer
une class ifi cati on des automates cellu-
laires.
L'étude d'un automate cellulaire consiste
à pa11ir d' une configuration initi ale don-
née et à obser ver son devenir. L a popu - On constate que le rectangle va être alternativement horizontal,
lation va- t-elle s'éteindre et di sparaître, puis vertical, et que l'on a affaire à une transformation de période
s'étendre indéfinim ent , converger vers 2 : la population va prendre deux états. On l'appelle parfois
une configurati on parti culière constante un pulsar.
ou péri odique, fi xe ou en déplacement ,
ou encore deve nir chaotique? L es auto- • Voici maintenant un autre type de population, appelé glis-
mates cellul aires peuvent être considé- seur, qui revient périodiquement à sa forme initiale mais en
rés co mme des systèmes dynamiques se déplaçant ou en glissant selon un vecteur défini.
di screts. L'étude de ces systèmes s'est
co nsidérabl ement déve lo ppée, on le
comprend aisément , avec ! 'avè nement
de l' informatique qui permet une approche
ex périmentale.
Le plu s connu des automates ce llul aires
es t « le j eu de la vie » . John Horto n • Voici pour finir deux questions faciles
Conw ay l 'a introduit dan s les années laissées à votre sagacité : comment les
1960, en en préc isant les règles de nais- deux configurations ci-dessous vont-elles
sance, de survie et de mort. évoluer?
En oc t o bre 19 7 2, M artin G ardn er
consac re sa rubriqu e du Scie111ijic Ame-
rica11 au j eu de la vi e de Conw ay et
l 'e ngo uement po ur ce j eu prend un
essor ex trao rdin aire au tout début du
déve loppement de l ' inform atique.

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS Les automates cellulaires

n ' est pas le nôtre: il s' agit d'un temps


La coquille discret , qui s' écoule en « étapes » suc-
du conus textile cess ives. On passe de l' in stant Oà l'ins-
présente des motifs tant 1, pui s à l' in stant 2 , et ceci sans
complexes aucune tran sition . Le quadrill age est
qui sont similaires constitué de cellules qui pe uvent être
à certains habitées, ou non , par des êtres vivants ,
automates à raison d ' au plus un par cellule. Une
cellulaires. cellule habitée est dite vivante (sur les dia-
grammes, elle est coloriée), et une cel-
lule vide est morte (elle n'est pas coloriée).
Le jeu de la vie, comme tou s les auto- Chaque cellule est entourée par huit cel-
mates cellul aires, est un jeu entièrement Iul es voisines, deux cellules voisines
détermini ste . Une population de dé part aya nt un côté ou un sommet en com-
constituée d'êtres monocellulaires (les mun. Si, à l' instant n , une cellule est
cellules) , va vivre, donner nai ssance à vivante, alors e ll e le reste à l' in sta nt
de nouve lles cellules vivantes et parfois n + 1 si, et seule ment si, deux ou troi s
mourir se lon des règ les intang ibles. En des cellules voisines sont vivantes. Dans
quoi s'ag it-il alors d ' un je u ? La seule tous les autres cas, la cellule meurt à
intervention du joueur consiste à créer l' instant suivant. Si , à l' instant n , une
(' univers de ce jeu : la grille destinée à cellule est n'est pas vivante , elle s' anime
recevo ir les cellules, les règ les de vie, (ou elle naît) à l'i nstant n + 1 si,et seu-
de nai ssance et de mort de ces cellules, lement si, exactement troi s des celIules
puis à placer dans cet univers des popu- voisines sont vivantes. Dans les autres cas ,
lation s et à observer le ur deve nir, en la cellule demeure vide. En particulier,
n ' ayant plus aucune pri se sur ce deve- une cellule isolée ne pe ut survi vre. Une
nir. On peut égale ment procéder à une population de départ constituée d 'êtres
a nal yse ré trograde et recherche r les monocellulaires va vivre (et parfois mou-
configurations « parentes » (les antécé- rir) se lon ces règ les intang ibl es . Les
dents) d ' une configuration donnée , cer- morts et les na issances se produi se nt
taines configurations n'ayant d ' ailleurs simultané ment , et , juste ava nt de mou-
pas d ' antécéde nt (on appelle ces popu- rir, une cellule pe ut participer à la nais-
lations des « edens »). sance d ' une autre.
L'étude du jeu de la vie de Conway pe ut
Les règles du jeu de la uie conduire à de multiples questions, par-
Références fois difficiles: trouver des edens ; trou-
• Les algorithmes. Le jeu de la vie fonctionne sur un qua- ver des populations de période 2 (comme
Bibliothèque drillage régulier formé de carrés uni- le pulsar, voir encadré), de période 3 , de
Tangente 37 , 20 13. taires (ou cellules) pavant le pl an. On période 4, etc. ; explorer d ' autres règles
• Th éorie des jeux. pourrait tout auss i bien le générali ser à de survie, de mort et de naissance des cel-
Bibliothèque un plan pavé de triangles ou d ' hexagones Iu les; ex plorer d ' autres type de pavage
Tan gente 46 , 20 13. réguliers, ou encore dans un pavage de du plan : triangul aire, hexagonal.
• Wh eels . life and l' espace à trois dimensions, mai s sa ver- Vou s allez le constater, la richesse et la
other mathematical sion originelle offre déj à un vaste ter- co mpl ex ité des automates ce llul ai res
amusements. Martin rain d 'ex ploration et d ' amusement. Des va le nt bien cell es de la vie e lle-même !
Gardner, Freeman , créatures vont vivre et mourir dans ces
1983. cellules. Le temps dans lequel elles vivent M.C.

Ta.ngent:e Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


par Karine Brodsky EN BREF

Hu commencement,
les matrices...
Matlab est un logiciel de calcul numérique interactif développé
par la soc iété américaine MathWorks. Utilisé aujourd ' hui par
plu sieurs millions d' ingénieurs et de chercheurs , il est issu,
au milieu des années 1970 , du projet pédagog ique d ' un pro-
fesse ur de mathématiques, Cleve Moler, soucieux d 'aider ses
matlab
élèves à fai re du calcul matriciel sans connai ssance préalable
de Fortran (Matlab est la contraction de Matrix Laboratory) .
poor l'enseignement
Matlab est donc , nati vement , optimisé pour le traitement des Les dernières versions de Matlab
matrices , qui en sont d'ai lleurs les variables par défaut. Son permettent aux utilisateurs de créer
langage , destiné initi alement à des étudiants, est simple , intui- des applications prêtes à l'emploi et
ti f et plus concis que les langages hi storiques Basic , C , For- de les empaqueter automatiquement
tra n ou Pasca l. afin de les partager facilement via
la plateforme communautaire de
MathWorks (www.mathworlcs.fr/rnat-
labcentral). Autre signe d'une volonté
d'interopérabilité accrue , les possi-
bilités d' interfaçages avec d ' autres
_,_,._.
. . :=.;_
__
_
langages comme le C++ ou Java .
Au-delà de l'usage dans la recherche
---
---·
--·· et l'industrie, cet environnement
constitue également un outil nova-
teur pour l'enseignement. En sciences
du vivant par exemple, le recours à
Si Matl ab est d 'abord un langage, c' est aussi un environne- Matlab peut permettre d'aborder la
ment de développement doté d'une interface graphique pui s- problématique de la bio-informa-
sante pour l' affichage des courbes et des données , ainsi que tique et des systèmes biologiques à
de nombreuses boîtes à outils (fonctions dédiées à des appl i- travers l' analyse de séquences géno-
cations spéc ifiques, comme le tra ite ment du signal , !'analyse miques, d ' arbres phylogénétiques ,
stati stique , l' optimi sation . . . ). Outre une utili sation standard de structures protéiniques , etc.
en algèbre linéa ire , le log ic iel permet ain si )'analyse et la
visuali sation de données , la modéli sati on et la simulation de Matlab se veut aussi le partenaire
systèmes dynamiques , l' optimisation numérique , la mi se en privilégié du baccalauréat « Sciences
œuvre et le test d ' algorithmes, et trouve des applications aussi et technologies de l' industrie et du
bien en traitement du signal qu 'en statistique ou encore en trai- développement durable » (STI2D).
tement des im ages. Certaines ressources pédagogiques
Les trois fo ndateurs de Math Works (C leve Mo Ier et les ingé- exploitent ainsi les capacités de simu-
ni eurs Jack Little et Steve Bangert) pouvaient-il s imag ine r, lation et de modélisation du logiciel
lors de la commercia li sation , en 1984 , de la toute première pour proposer aux élèves l'étude de
vers ion de Mat lab, que leur logic iel dev iendrait non seule- systèmes réels, comme la lampe
ment un outil incontourn able pour la recherche, mai s sera it solaire Mona, développée par la jeune
de plus en plus utili sé et pri sé par le monde de l' industrie et entreprise Solar 21 .
de la finance?

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente 75


ACTIONS par Jean-Christophe Filliâtre

Démonstration
L'ordinateur à la rescousse
Une intelligence artificielle comparable à celle de l'être
humain reste encore à ce jour hors de notre portée. Pour
autant, l'ordinateur peut nous aider à mener bien des
raisonnements, parfois même très complexes.
Puzzle Artifact illustrant le théorème
des quatre couleurs
(design : Tara Flannery).

'
L
ordinateur est e ncore lo in des
pe r fo rm a nces hum a in es e n
te rmes d ' inte ll igence , mais il
a des ato uts que l' être humain ne pos-
sède pas : une capac ité de ca lc ul incom-
parable , une docilité totale et une fiabilité
sans fa ille dès lors que la mi ss io n q ui lui
a é té confiée l'a é té avec ri g ue ur.
li se mb le a lo rs no rm al que le mathé-
m ati c ie n c he rc he à s ' a ppu ye r dess us
po ur l'a ide r da ns ses dé mo nstra ti o ns ,
surto ut ce lles do nt il a du mal à se tire r
to ut seul. Dans ce but , il a do nc im a-
g iné plu sie urs o uti ls in fo rmatiques.

L'assistant de preuue
Il n 'est pas possible d 'écrire
un programme qui prend en entrée L' un des o uti ls les pl us notables de la
dé mo nstrati o n ass istée pa r o rdinate ur
un énoncé mathématique est l'ass istant de pre uve. Un ass ista nt
et qui détermine, en un temps fini, de pre uve est un log icie l qui vé rifie les
si cet énoncé est vrai oufaux. é ta pes d' un ra iso nne me nt log ique. Il

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

peut égal ement effectuer des ca lcul s,


numé1iques ou symboliques. L'un des plus
Coq en action
uti I isés est le logiciel Coq , déve loppé Voici un exemple d'utilisation de Coq. On commence par
par des chercheurs d ' In ria depui s 1984. définir la propriété« être un multiple de 5 » pour un entier
L ' utili sateur intera git avec Coq pour relatif x.
introduire des définition s. énoncer des Definition mult5 (x: Z) : = exists k: Z, x = 5 * k.
théorèmes et construire des preuves. L e Ici le symbole Z dénote l'ensemble des entiers relatifs, fourni
sys tème vérifi e alors la va lidité de ces par la bibliothèque de Coq. La syntaxe (x: Z) peut se lire comme
divers éléments. « x est un entier relatif ». On peut ensuite énoncer un théo-
L e log iciel Coq a été utili sé pour véri- rème stipulant que si deux entiers a et b sont multiples de
fier des démonstrations de grande ampleur. 5, alors leur somme l'est également.
A in si on peut citer la preuve du théo- Theorem thmt: forall ab: Z,
rème fondamental de ! 'a lgè bre ( tout mult5 a f\ mult5 b ! mult5 (a+ b).
po lynôme non constant à coefficients Ici « thm1 » est le nom que l'on a choisi de donner à ce
dans C admet au moins une rac ine) en théorème, par exemple pour y faire référence plus tard.
2000 par une équipe de chercheurs de Pour procéder à la preuve de ce théorème, on commence
Nimègue (Pays- Bas) ou encore la preuve par la commande « intros » qui permet de séparer les hypo-
du théorème des quatre cou leurs (toute thèses (a et b sont des entiers multiples de 5) et la conclu-
carte planaire peut être co loriée avec sion à prouver (a + b est multiple de 5). On poursuit la
seulement quatre cou leurs sans que deux preuve avec la commande « exists » qui nous permet de
pays ayant une frontière commune soient donner l'entier kjustifiant que a+ b est multiple de 5, c'est-
de la même couleur) en 2005 par deux à-dire tel que a+b est égal à 5* k.
cherc heurs de Mi crosoft Resea rch et On peut terminer la preuve automatiquement avec la com-
lnri a (Georges Gonthier et Benjamin mande « ring », car il ne reste que du calcul.
Werner) . Il ex iste d 'a utres d ' assistants
de preuve , développés dans des labo-
ratoires de recherche du monde entier :
PYS (SRL Cali fornie) , HOL-Light (Intel ,
Oregon), Isabell e (TUM , Muni ch) ...

la démonstration automatique
a + b • 5 • ( k 1 + k2)

Deuxième outil : le démonstrateur auto-


matique . C'est un progra mme qui prend
en entrée un énoncé mathématique et La figure montre l'interface graphique du logiciel Coq, avec
tente d 'en étab lir une preuve automati - notamment les commandes saisies par l'utilisateur dans la
quement. En cas de succès, on a la garan- partie gauche et le but à prouver dans la partie droite.
tie que ! 'énoncé est vrai . En cas d'échec ,
en revanche, il se peut que l ' énoncé so it
tout de même vra i mais que le logiciel mathématiciens. Il n' y a pas de contra-
n·a pas su en trouver une preuve. diction pour autant à chercher à développer
On a montré qu ' il n' es t pas possible des démonstrateurs automatiques. Il faut
d ' éc rire un progra mme qui prend en seul ement être consc ient du fa it qu ' un
entrée un énoncé mathématique et qui démon strateur automatique pourra tou -
déten11ine, en un temps fini, si cet énoncé jours ne pas termin er ou répondre « j e
est vra i ou fa ux. En quelque sorte, c'est ne sa is pas », y co mpri s sur des énon-
là une assurance anti-chômage pour les cés vra is.

Hors-série n ° 52. Mathématiques & informatique Tangente 77


ACTIONS L'ordinateur à la rescousse

Un exemple de Un exemple significatif de preuve de


démon s trateur programme est celui de la preuve d ' un
automatique est compil ateur C , réali sée en 2008 par un
le logiciel Alt- chercheur d ' lnria (vo ir http ://comp-
Ergo , développé cert.inria.fr). Un autre exemple est celui
par des chercheurs de la preuve d ' une parti e du logic iel de
de l 'U nivers ité la li g ne 14 du métro parisien , par la
Paris Sud depui s société Matra en 1998.
2007. Dan s la Un des outils les plus utili sés en France
sy ntax e d ' Alt- de preuve de programmes est le logi-
Ergo, on peut énoncer que (la parti e ciel Wh y3 , développé à l' Université
entière de) la moyenne de deux entiers Pari s Sud depuis 200 1. Il peut être uti-
relatifs est toujours comprise entre ces li sé conjointement avec de nombreux
deux entiers avec la sy ntaxe suivante : ass istants de pre uve , dont Coq, et de
goal thm2: forall x, y: int. nombreux démonstrateurs automatiques ,
X<= y ·>X<= (x+y)/2 <= y dont Alt-Ergo.
li ne faut que quelques centièmes de Considérons le programme expo figu-
seconde à Alt-Ergo pour démontrer un rant dans l'encadré ci-dessous et utili-
tel énoncé. so ns un log ici e l co mme Wh y3 pour
De nombreux démonstrateurs automa- montrer que ce progra mme é lève bien
tiques sont développés de par le monde x à la puissance n .
depuis plus d'un demi siècle. En 1996 , On commence par énoncer précisément
une conjecture de la théorie des groupes la propriété que l'on souhaite vérifier. On
qui résistait aux mathématiciens depui s ap pe lle cela spécifier le programme.
1933 a été prouvée par le démonstra- Comme il s' agit ici d' une fonction , cette
teur automatique EQP, après huit jours spéc ification a deux composantes : une
de calcul. propriété attendue à l'entrée de la fonc-
tion , appelée pré-condition , et une pro-
La preuue de programmes priété attendue à la sortie de la fonction ,
appelée post-condition. Ici la pré-condi-
Troisième outil : il est possible de faire tion stipule que n ~ 0 et la post-condi-
la preuve qu ' un progra mme informa- tion que le résultat est égal à .i'. L'ensemble
tique est correct, c'est-à-dire qu ' il fait de la pré-condition et de la post-condi-
bien ce qu ' il est censé faire, en exprimant tion forme ce que l'on appelle le contrat
cela comme un énoncé mathématique . de la fonction.
Plus précisément, un outil prend en entrée Même si cet exemple est très simple , la
un programme, ainsi qu 'une propriété que spéc ification est une étape importante
ce programme doit vérifier, et produit en et parfois diffic ile. En particulier, le lec-
sortie un ensemble d 'énoncés mathé- teur doit pouvoir se persuader que c 'est
matiques qui , s'ils sont prouvés , garan- bie n là la propriété que l'on sou haite
tissent la correction* du programme . pour le progra mme. Une e rre ur peut
C'est notamment là que la démonstra- facilement se g li sser dans l' énoncé et
tion ass istée par ordinateur, dan s les la machine ne nous aidera pas.
deux acceptions précédentes , prend tout
son sens , car de telles preuves peuvent On passe alors à l'étape de preuve . À
être gigantesques et sont en général ce stade , il faut a ider l'outil Why 3 en
* Le fait d'être correct. extrêmement fastidieuses . lui donnant une indication , sous la forme

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

d ' une propriété qui reste vra ie à chaque


tour de boucle du programme. On appelle
le programme expo calculant x"
ce la un invariant de boucle. Plus pré- fonction expo(x, n) =
c isément , on indique que la propriété r +-1
r x pe =x" doi t être vérifiée chaque fo is p +-X
q ue le progra mm e a tte int la li g ne 5 e +-n
(que l que so it le rés ultat du teste> 0). tant que e > 0 faire
L' in variant de bouc le est un peu l'ana- si (e mod 2) = 1 alors r +- r x p
log ue de l' hypothèse de récurre nce en p+-p x p
mathématiques . e +-e div 2
L'outil Why3 ne prend pas cet in variant renvoyer r
de bo uc le po ur a rge nt co mptant. Au
contraire , il va ex iger de no us de mon-
trer qu ' il s'agit bien là d ' une pro priété L'outil Wh y3 produit ces divers énon-
vra ie à chaque tour de bouc le, en sup- cés dans le form at d 'entrée des o uti ls
plé ment de la propriété fin ale que no us Coq et Alt-Ergo, qui peuve nt alors être
cherchons à montrer. Plus préc isément, uti lisés pour obteni r une preuve com-
l'outil Why3 va nous demander de prou- pl ète me nt mécani sée de la correcti on
ve r les trois pro priétés s ui vantes : du progra mme expo . Une fracti on de
• que l' in vari ant de boucle est vrai ini - seconde suffit po ur rejo ue r un e te l le
tialement , c'est-à-dire quand on atteint preuve .
la li gne 5 du progra mme pour la pre- li convient enfin de montrer que notre
m iè re fo is. Cec i revie nt à mo ntrer programme s'exécute en un temps fin i.
J X X =X , Ce qui est immédi at.
1 1
Pour cela , on majore le nombre de tours
• que l' invariant de boucle est maintenu de la boucle tant que , par exemp le par
par une exécution du corps de la boucle. l' entier e. L' outil Why3 ex ige alors de
Cela revient à supposer e > 0 (le test nous de montrer que la quantité e reste
de la boucle est positif puisque le corps to uj o urs pos iti ve o u nu lle e t qu 'e ll e
est exécuté) et l' invariant r X pe =x'' et décroît stri cte me nt à c haque to ur de
à montrer que l'invariant est toujours vrai boucle, ce qui ne pose aucune di ffic ulté.
après l'exécution des trois instructions C'est bie n entendu un majorant gros-
lignes 6, 7 et 8 . Il y a là deux cas de sier du nombre de tours de bouc le de ce
fig ure, selon que le test e mod 2 = 1 programme, mais cela suffit à en garan-
est ou non positi f. Si oui ,c'est-à-dire si tir la terminaison .
e est impair, il fa ut montrer : J.-C. F.
r X p X (p X p ) (e- J)/2 = X1 (car e div 2
désigne ici la partie entière de la di vi- Références
sion de e par 2). On trouvera plu s de déta il s sur les out ils Coq, Alt-Ergo et Why3
Sinon, c ' est-à-dire si e est pair, il fa ut sur les sites suivants :
montrer r x (p x p )'12 =x'. Dans les deux • http://coq.inri a.fr
cas, un petit pe u d 'algèbre suffit. • http://alt-ergo. lri .fr
• enfi n, que la post-cond itio n est sati s- • http://why3 .l ri .fr
fai te quand on atteint l' instruction ren-
voyer à la fin du programme, c'est-à-dire
que r = x". Vu que e = 0 à la sortie de
la bouc le, l' in vari ant r x p• = x" se
simplifie en la propriété voulue.

Hors-série n ° 52. Mathématiques & informatique Tangente 7


SAVOIRS par Alain Valette

Espaces de Banach
et informatique théorique
Un problème d'analyse difficile peut être reformulé en théorie
des graphes et se trouver lié à certains concepts de
l'informatique théorique. Ce phénomène fréquent est une
manifestation forte de l'unité des mathématiques !

L
Les termes suiv is ' é me rge nce d e l ' o rdin a te ur , les di sta nces e ntre X et B , o n introduit
d'un astérisque sont dans la seconde mo itié du XX 0 la dis lo rs io n d e f , un no m bre da ns
défin is en encadré.
clans le glossaire. s iècl e, a induit le déve lo ppe- l l ; 001dé fini par:
me nt d ' une no uvelle branche des mathé- . . 11/(x)- f(_r)II II d(x. r)
th.\ï ( f } == max x max · .
· '" ' d(x .y) •· • llf<x)- /(.r)II,.
matiques , l' in fo rm atique théorique, e t
do nc auss i ! 'appariti o n d' une no uvelle La d isto rs io n de f est un in variant très
es pèce de sc ie ntifiques , les « in fo rm a- robu ste: il est in va ri ant par exemple par
tic ie ns théori c ie ns », qui o nt la parti c u- les homothéties de B. Po ur avo ir un in va-
larité d ' ê tre a uss i à l ' a ise d eva nt un ri ant ne dépe ndant que de X, on prend
c lav ie r qu ' a u ta bl eau no ir. li y a d es la bo rne in fé rie ure sur to utes les appli -
as pects de l' in fo rmatique théorique que catio ns injecti ves te lles quef, et on défi-
l'on im ag ine bi e n: théorie des g raphes, nit la dis10rsion de X à va le urs da ns B :
algorithmique, théorie de la complexité ... c,,( X) = in f dist (f).
J x---n

li est pe ut-être plus surpre nant de vo ir En 1986, da ns un a rticle qui fo nde la


des in fo rm atic ie ns se pass io nner po ur th éo ri e no n lin éa ire des espaces de
des pro bl è mes d 'ana lyse fo ncti o nne ll e Ba nac h , le mathé ma ti c ie n be lge Jea n
li és à la géo m é tri e d es es paces de Bo urga in (né e n 1954, méda ille Fie lds
Ba nac h* ! 1994) mo ntre q ue, s i B es t l'es pace
L''([O; IJ) , avec 1 :Sp<+oo, il ex iste une
Une notion subtile : la distorsion constante C(p) > 0 (ne dépe ndant que de
p) te ll e que:
A u dé pa rt se tro uve la noti o n d ' es pace
mé trique * fini (X, cl). U ne faço n de la
CL"IIOII) (X),, C(p) ln 1x1.
compre nd re est d 'essayer de plo nge r X A utre me nt dit , il ex iste une applicatio n
dans un espace de Banach* B bien connu , injecti ve X-+ L'' do nt la d istors io n est
pa r exe mpl e un es pace e uc lidi e n d e a u plu s logarithmiqu e e n le no m bre de
gra nde dime ns io n. Le prix à payer est po in ts de X .
qu ' une applicatio n injecti ve!: X -+ B
n 'a a uc une ra ison de préserver les d is- Passons ma in te na nt à la t héor ie des
tances. Pour mes urer comme ntfdéforme grap hes: si X est un grap he fi ni, d'e n-

80 Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

se mbl e de so mmets V et d 'e nsembl e


d'arêtes E, et S est une partie de V, le bord
Petit glossaire des espaces de Banach
de S, noté ôS, est l'ensemb le des arêtes Espace de Banach : espace vectoriel sur Ill ou C muni d'une
co nn ec tant S à so n co mpl émenta ire norme* pour lequel il est complet*.
V - S. C'est donc l'ensemble des arêtes Norme sur un espace vectoriel : application qui, à
qu' il fa ut enl ever pour déconnecter S tout vecteur V, fait correspondre un nombre positif I IVI I
de V - S. Pour cette ra iso n, la paire qui vérifie certaines propriétés, comme l lk.VI 1= lkl x IIVI I
{S ; V - S} s'appell e une coupure du ou IIV+WII :s; IIVII + IIWII-
graphe X. Espace métrique : ensemble muni d'une distance d véri-
La constante de Cheeger de X est : fiant certaines propriétés, en particulier l'inégalité triangulaire :
d(A, C) :S d(A, B) + d(B, C). Tout espace normé est un
155
<!> * (X)= min 1 1 .
espace métrique: on pose pour cela d(V, W) = I IW - VI 1,
g:i~~1v1 1s1 x 1v- SI mais il n'est pas forcément complet.
Le problème consistant à calculer <t>*(X) Espace métrique complet: dans un espace métrique com-
est connu sous le nom de problème de plet, toute suite de Cauchy* est convergente. Ainsi, Ill ou Ill",
la coupure de densité minimum (ou spar- munis par exemple d'une norme euclidienne, sont des
sest eut problem). C'est un prob lème espaces de Banach, mais pas ICI!, qui n'est pas complet.
NP-di fficile, ce qui signifie que l'on ne Suite de Cauchy : suite (un)n pour laquelle la distance
connaît essentiellement pas de meilleure 11 u,,, - u,, 11 entre deux éléments tend vers o quand leurs indices
solution, pour calculer <l>*(X), que d'énu- tendent vers l'infini. ICI! n'est pas complet car une suite de
mérer les iv 1 - 2 parties S appara issant Cauchy de a peut ne pas converger dans a mais dans Ill (par
dans la définiti on. D'où un temps de exemple, la suite décimale de lt est une suite de Cauchy de
calcul ex ponenti el en IVI. ICI! qui ne converge pas dans ICI!).
On va se contenter d' une solution approxi- Espaces lJ' : on appelle IP(I) l'espace des fonctions dont
mati ve, qui approcherait <l> *(X) à une la puissance p est intégrable sur 1 (au sens de Lebesgue).
constante multiplicati ve près. Une pre- Lco est l'espace des fonctions bornées.
mière solution a été fo urnie en 1995 par
les Israéliens Nati Linial, Eran London
et Yuri Rabinov itch. li s donnent d'abord gramm ation linéa ire, qui se résout en
une réi nterprétation de <1>* en termes de temps po lynomi al avec une préc ision
plongements de X (vu comme espace arbitraire. On a clairement
métrique* , avec les arêtes de longueur <l>PL(X) :5 <t>*(X), mais un ri sque ex iste,
1) dans L1• Une distance* d surX est une év idemment : fa ire une erreur gigan-
di stance- L I s' il ex iste une appli cation tesque en remplaçant <t>*(X) par <l>PL(X).
injective!: X-+ L 1 avec C'est préc isément le rés ultat de Jean
d(x , y)= llflx) - f(y) II I' normalisé par : Bourgain qui nous assure que <l>PL(X) est
I I d<x, y) = 1. une bonne approximation de <l> *(X) !
tEV \€v En effet, ce résultat implique
Les tro is mathématiciens ont démontré <l>pL(X) :5 <l>*(X) :5 C ln IX 1<I> rL(X)
que
<I> *( X)= inf 1
L d(x,y) .
d d1~tancc-L , urX (x,y)EE
Ce résultat remarquable a provoqué une
série d' interactions passionnantes impli-
Leur idée est de relaxer le probl ème en quant info rmaticiens, analystes, théo-
oubli ant la cond iti on L 1, c'est-à-dire en ri c ie ns des graphes, th éo ri c ie ns des
travaillant avec toutes les métriques sur groupes: une mani fes tati on de plus de
X. On définit ainsi une constante <t>PL(X), ! ' unité des mathématiques !
dont le calcul est un problème de pro- A. V.

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente 8


SAVOIRS par Jean-Paul Delahaye

le problème fondamental de l'informatique théorique

Pest-il égal à nP ?
Le problème découvert par Godel paraissait facile ; pourtant,
il résiste depuis cinquante ans, et on a surtout compris qu'il
ne fallait pas s 'attendre à en trouver rapidement la solution.
De quel problème fondamental s 'agit-il ?

L
es problèmes combinato ires clas- de la même faço n po ur chaque compo-
siques(« savoir si un mot contient sante. Si l' o n re ncontre une im poss ibi-
un sous- mot donné »,« savo ir lité, c'est qu 'aucun coloriage bicolore n ·est
s i un c he min do nn é est le p lus court poss ib le, ca r to us les co lori ages fa it s
chemin re li ant A et B dans un gra phe », après le pre mier sont inév itables . Si on
« savo ir si l'entie r N est un carré par- aboutit , c'est que la ré ponse est oui.
fa it » .. . ) se tra itent parfo is rapide ment , Aucun retour en arrière n' est nécessai re
ou à l' in ve rse de mandent bea ucoup de da ns l' utili sa ti o n de la mé th ode (les
ca lculs. Les cl asses de comp lex ité défi - nœuds une fo is co~rés ne changent plus

ni es en in fo rmatique théorique serve nt de dti ule ur) et doncia méthode de colo-
à les ranger en catégories. C'est étra nge, riage prend un « temps» (c 'est-à-di re un
ma is on ignore si les de ux princ ipa les nombre d ' étapes) proportionnel en gros
c lasses, P et NP, sont éga les ! au nombre de nœuds, n. On dit que le pro-
bl ème de la 2-co lori abilité est polyno-
La classe P m ia l (o u ap p a rli e nl à la c lass e
polynomiale) .
Savo ir si les nœ uds d ' un gra phe donné Certains problèmes de décision Oa réponse
aya nt n nœ uds sont co lori ables à l' a ide do it être « oui » ou « non ») ne peuve nt
de de ux couleurs (par exemple bl e u et être réso lus qu 'en un nomb re d ' étapes
ro uge) sans que deux nœ uds liés l'un à majoré par ,l (o u par toute autre pui s-
l' autre portent la même couleur est fac ile. sance de n , n mes urant la taille des don-
On obtient la ré ponse rapidement par la nées). On con sidère encore que ce sont
méthode sui va nte. On cho isit un nœ ud , des problèmes « efficacement traitables »
que l'o n co lorie e n rou ge , on co lorie et il s constituent la classe P des pro-
to us les nœ uds qui lui sont liés en ble u , blèmes que l'on pe ut résoudre en temps
on colorie tous les nœuds liés à un nœud polynomial.
bl e u e n rouge, et on poursuit ainsi de Bien év idemment , un problème deman-
proche en proche en alternant les cou- dant un nombre d 'étapes de l'ordre de
4
leurs ; quand il ex iste plusie urs compo- 11 est plus diffic ile (en un sens) qu ' un

santes connexes au gra phe, on procède problème demandant un nombre d'étapes

82 Tangente Hors-sé , ~ n° 52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

de l'ordre de 11 2 . Cependant , pour une pre- sa urez qu e la ré po nse es t « no n , le


mière analyse, on les considère tous les graphe n 'est pas 3-colo ri abl e »).
de ux comme re lati vement fac iles . Vo ic i S i vo us ê tes co mme Go nt ra n , le pe r-
que lques exemples de problèmes de la sonnage de Wa lt Di sney à qui le hasard
classe de complex ité P : est toujours favora ble, alors la méthode
« essayer une foi s au ha ard et vérifier »
• Savoir si une suite de 11 entiers est ra n- est parfaite. Cette méthode vous donne
gée en ordre cro issant. la répo nse e n un te mps propo rtionne l
• Savoir si un entier de 11 chi ffres est un en gros à 11 . Si vous n'êtes pas Gontra n,
carré parfa it. mais que vo us di sposez d ' un ordinateur
• Savoir si un entier de 11 chiffres est un parallè le au parallé li sme illimité, vo us
no mbre premier (probl ème de la pri- vo us e n sorti rez auss i en un nombre
malité: c'est seulement en 2002 que d'étapes en gros proportionnel à n car vous
l'on a pro uvé qu ' il est dans P). lancerez 311 te ntati ves en parall è le e t
• Savo ir si un mot contient un sous-mot donc saurez, aussi rapidement que Gon-
donné. tran, si le graphe est 3-coloriable ou pas .
On dit que le problème de la 3-coloria-
Savo ir si les nœuds un graphe possé- blité est un problè me de la classe NP
dant 11 nœuds sont colo ri ables à l'aide (pour non déterministe, polynomial) car,
de tro is couleurs (par exempl e : ble u, en ayant une chance parfaite et en menant
rouge, jaune) sans que deux nœuds liés un essai de manière non déterministe, ou
l' un à l'autre portent la même couleur si l' on di spose d ' un ordinateur au paral-
est plus di ffic ile qu 'avec deux couleurs. lélisme illimité, on le résout en temps poly-
On ne conn aît aucune méthode pol y- no mial . On ne sait pas, par contre, si ce
no mi a le (c'es t-à-dire de ma nd a nt un problème est dans la c lasse P, car les
te mps de ca lcul maforé par un po ly- seul s algorithmes"étermini stes (et non
nôme de la vari able 11) conduisant , de parallè les) que l'on connaît sont du type
manière certa ine, soit à la répo nse oui , de celui décrit précédemment , qui pro-
so it à la répo nse no n . On soupço nne cèdent par énumération et demandent
qu' il n'ex iste pas de tel algorithme poly- un te mps de travail expo ne ntie l à un
nomial pour ce problème, mais on ne sait ordinateur non parallèle (ici 311 essai s).
pas le prouver. D ' une manière généra le, on définit la
En reva nche, il n'y a aucune diffi culté c lasse NP comme la c lasse des pro-
à co lorer les 11 nœ uds selon une règ le blèmes de décision (la réponse est « oui »
a rbit ra ire, pui s à exa min e r s i ce la ou « non ») que l' on sait résoudre e n
convie nt. Si vo us avez de la chance, temps poly nomial si on a une chance
vo us trouverez une solution dès le pre- parfa ite : on utili se un algorithme dont
mier essai et ce sera fini . Sino n vo us le nombre d 'étapes est majoré par un
recommencerez . li y a 311 te ntati ves à polynôme de la variable n (la taille du
fa ire (car il y a 11 nœ uds po uvant cha- problème), qui fait des choix au hasard ,
cun prendre troi s couleurs di ffé rentes). et qui vérifie (une foi s que les cho ix
Lorsque vous les aurez toutes essayées ont été fa its) que c'est bo n . Ce la est
en utili sant un procédé d 'énumération équi valent à utiliser un algorithme lan-
systématique , so it vo us aurez trou vé çant des calcul s en parallè le (sans limi -
une solution (vous saurez que la réponse tation), chacun d'eux ne travaillant qu ' un
est « oui , le graphe est 3-colori abl e » ), no mbre d 'étapes majoré par un mê me
soit vous n'en aurez pas trouvé (et vo us po lynô me de la variable n.

Hors-série n ° 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS P est-il égal à NP ?

Q111111s Pflblènles NP-ca•IIIIII ni le hasard , ni le para ll é li s me (c lasse


des pro bl è mes P) ?
Plusiems milliers de problèmes NP-eomplebttlODtconnus Pre uve de son importance , le problème
et on en découvre chaque année de nouveaux. Si '90l18 vou- « P = NP ? » est l' un des sept problèmes
lez tenter votre chance pour gagner un million de dollars, que l' Institut C lay a sélectionnés en l' an
en voici une petite liste. 2000 (dont un seul a été résolu à ce jour).
Comme pour les six autres, une somme
P, . . . . . . . eümlt IMmdltonfen d ' un millio n de doll ars atte nd celui ou
Un graphe G, de taille n, étant donné, peut-on suivre les arcs ceux qui sauront le résoudre. Certains affa-
du graphe de façon à passer par tous les nœuds du graphe, ment que c'est le plus important des sept
sans passer deux fois par le même nœud et en revenant au probl è mes , et donc le p lu s important
point de départ? aujo urd' hui e n mathématiques ! Il est
vrai qu ' il est a priori le seul dont la réso-
.ProWàte du 1'0flGf18UP. eonmren,e lution pourrait avo ir des conséquences
Un graphe G, de taille n, étant donné avec un nombre sur pratiques car des centaines de problèmes
chaque arc indiquant sa longueur, et un nombre M étant concrets sont concernés . Il est aussi celui
fixé, peut-on trouver un chemin du graphe ayant une lon- dont la portée philosophique est la plu s
gueur totale inférieure à M et passant par tous les nœuds grande: il concerne la nature de ce qu 'est
du graphe? la recherche de solutions dans un ensemble

Problème·~ planaire
Un graphe G, de taille n, étant donné, ainsi qu'un entier k,
ex po ne ntie l de poss ibilités , ce qui est
le problème même de la recherche sc ien-
tifique. Dit en termes simples , la ques-
peut-on trouver knœuds du grapbeGtels qu'en ne retenant tion « P = NP ? » signifie « est-ce que
que ces k nœuds et les arcs qui les relient on obtienne un ce que nous po uvo ns tro uve r ra pide-
graphe planaire (représentable sur un plan sans que deux ment , lorsque nous avo ns de la chance ,
arcs se coupent) ? pe ut être trouvé ra pidement par un ca l-
cul intelligent ?». Sous forme très brève :
Problème da emenabla ~ l' inte lli ge nce pe ut-e ll e re mpl acer la
Une famille finie d'ensembles finis F, de taille n, étant don- chance?
née, ainsi qu'un nombre 1c, peut-on trouver k ensembles Une autre fo rmulation encore de ce pro-
dans la famille F qui soient disjoints deux à deux ? blème est : tout ce que l 'on peut vérifi er
Exemple : F = {{a, b, c}, {a. e, c,f, g}, {d. e,f}. {a. c, e, i}, fac ilement peut-il être découvert fac i-
{c,f, i}, {g. h, i}, {b,f, ï}, {j, 1c, l, m}, {b, g, h, i}} avec k = 4. lement ? Vérifier qu ' un chemin dans un
Réponse : oui, en considérant {a, b, c}, {d, e,j}, {g, h, i}, gra ph e passe pa r to us les nœ ud s du
{j, 1c, l, m}. graphe sans jamais passer deux fo is par
le mê me nœ ud (che min hamiltonien)
est fac ile, do nc, si P = NP, savo ir s' il
la grande question ex iste des che mins hamilto ni ens sera
fac ile (on ne connaît pour l' instant aucun
La ques tio n la plu s fo nd ame nta le de algorithme e ffi cace qui le permet) .
l' inform atique théorique est ce ll e de
savoir si P =NP. Autre ment dit , ce que Tout probl ème de la classe P est égale-
l'on pe ut fa ire en te mps po lyno mi a l ment da ns la cl asse NP. Apparteni r à la
non déterministe quand on a une chance classe NP n'est donc pas un gage de di f-
p ar fa ite (cl asse d es probl è mes NP) fi culté ! Un te l gage ne s'obtient qu ' en
pe ut-il toujours être fait en temps po ly- considérant la classe des problèmes NP-
no mi a l par un a lgorithme n ' utili sa nt compl ets.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

les problèmes uraiment dificiles


Prol,lème de f,a NJHlftdion épitable
Ce rta in s p ro bl è mes de la c lasse NP Une suite finie de nombres entiers étant donnée, de taille
concentrent en eux toute la di ffic ulté de n, peut-on la séparer en deux paquets ayant la même
la classe NP, e n ce sens que : somme?
Exemple : (1, 2, 2, 2, 3, 4, 4).
• savo ir e n résoudre un seul e n te mps Réponse :oui,car2 +2 +2+3 = 1 +4 +4.
po ly no mi al pe rm e ttrait de résoud re
tout pro bl è me NP e n te mps po lyno- Les iquatiom quadratiqae8
mi al, Trois nombres-entiers a, b et cétant donnés, peut-on trou-
• pro u ve r qu ' il es t imp oss ibl e d ' e n ver deux entiers x et y tels que or + by =c?
réso udre un seul e n te mps po lyno mi al
pro uvera it définiti veme nt que P ~ NP. Prol,l.ime du Sadolm ginéraHN
Au lieu de considérer des problèmes de Sodoku composés
On les appe lle les problèmes NP-com- de neuf carrés de neuf cases regroupés en un grand carré
plets. Cette notio n fut introduite au début de neuflignes et neuf eolonnes, on considère des problèmes
des années 1970 indé pe ndamme nt par composés de n2 carrés den• cases regroupés en un grand
Leoni d Lev in e n Ru ss ie (a lo rs Uni o n carré de n"lignes et n2 colonnes avec les mêmes règles de
des républiques soc iali stes sov iétiq ues) remplissage. La question poaêeest: un énoncé étant donné,
et Stephen Cook a u Ca nada, qui pro u- possède-t-il une solution ?
vè re nt c hac un de le ur côté qu ' il ex iste
effect ive me nt des problè mes NP-com- Le prol,lème . . nlOls erouâ
plets, ce qui est loin d 'être une év ide nce . Une liste finie de mots (un dictionnaire), D, étant donnée,
ainsi qu'une grille de mots croisés de taille n 2 (c'est-à-dire
Le pro bl è me de la 3-colo ri a bilité est une grille carrée vide avec quelques cases noircies), peut-
NP-complet (ce la fut dé mo ntré en 1972 on remplir la grille de mots croisés en utilisant des mots pris
par Ric hard Karp) . En conséque nce, s i dansD?
vo us découvrez un algo rithme qui le
résout en temps po lyno mi al, vo us a urez
pro uvé que P = NP. C ' est bi e n sûr la
vo ie la plu s te nt a nt e po ur réso udre
l'énig me « P =NP ? » . Si vous démon-
trez qu ' il n'ex iste pas d 'algorithme poly-
nomi al po ur ce pro blè me, vo us aurez
démontré que P ~ NP.

O n connaît des pro bl è mes de déc is io n


do nt o n a dé mo ntré qu ' il s de mandaie nt
un te mps de ca lc ul ex po ne nti e l (pa r
exemple savoir si un programme o u une
mac hine de Turing s'arrê te avant avoir
fa it n é ta pes de ca lcul ). De te ls pro-
blè mes appartie nne nt à la c lasse notée
EXP, mais ne sont pas dans NP, ni ne sont
NP-complets. Cependant , ces problè mes Stephen Arthur Cook
sont plu s rares et , très souve nt e n a lgo- (né en 1939).
rithmique , o n to mbe sur des problè mes

Hors-série n ° 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS P est-il égal à NP ?

Kun Giidel interroge John von Neumann


Kurt Gëidel, dans une lettre retrouvée parmi ses papiers et
qu'il envoya à John von Neumann en 1956 quelques mois
avant sa mort, est le premier à avoir formulé clairement la
question « est-ce que P =NP? » en insistant sur son impor-
tance concrète en mathématiques. Il y explique que si
P = NP (sans employer cette notation, qui sera introduite
en 1972) alors bien des questions mathématiques devien-
dront faciles par le procédé suivant. Pour résoudre une
question ouverte Q, il suffira de rechercher parmi toutes les
démonstrations de longueur n (n un entier fixé), dans un
système donné d'écriture des démonstrations (par exemple Richard Manning Karp (né en 1935).
dans celui de la théorie des ensembles), s'il y en a une
conduisant à la réponse cherchée. S'il y en a une, on aura
résolu le problème. Si on n'en trouve pas, et que le n essayé des classes Pou NP. C'est au ssi pour
est assez grand, alors « il n'y aura plus de raisons sérieuses cette raison que savoir si P est identique
de rester préoccupé par le problème ». à NP est si important.
L'indécidabilité algorithmique des systèmes logiques (c'est-
à-dire l'affirmation qu'il n'existe pas d'algorithmes indi- On e ntend dire parfois que le problème
quant, en un temps fini, pour toute formule F, si elle est « P = NP ? » est, des sept problèmes
démontrable ou non dans un système fixé assez puissant) récompensés par l' Institut Clay , celui
est un résultat négatif central en logique qui fut établi dans le plus susceptible d'être résolu par un
la décennie 1930 par Alonzo Church et Alan Turing. Pour amateur. C ' es t exac t , e n ce se ns que
Kurt Gëidel, sa version concrète est l'affirmation P NP. On * son énoncé est plus simple à comprendre
le voit, l'enjeu est capital. que ce lui des autres problèmes et qu ' il
La preuve que P = NP serait une surprise. Les chercheurs es t e nvi sageabl e ( bi e n que pe u pro-
sont aujourd'hui à peu près tous persuadés qu'en vérité bable .. . ) qu ' une so luti on é lémenta ire
P * NP (plus de 80 % de ceux qui ont un avis pensent que soit proposée demain par un géni al pas-
*
P NP). Il est étrange que, bien qu'en apparence très simple, sionné , par exemple e n découvrant un
la question résiste autant. Les recherches menées depuis plus a lgo rithm e polyn o mi a l po ur un pro-
de quarante ans à son sujet ont peu fait avancer vers la blè me NP-co mpl et. La s itu ation était
solution. Elles ne sont cependant pas restées totalement la même pour le grand théorème de Fer-
vaines, car à défaut de suggérer ce qu'il faut faire, elles don- mat , dont l'énoncé est compréhensible
nent une meilleure compréhension des raisons des échecs par tou s. Cependant, comme on l' a vu ,
et de l'inutilité de l'exploration de certaines voies. cela ne signifie pas que la so lution éta it
facile ! Pour le grand théorème de Fer-
Références mat , d ' aill eurs, c ' est un professio nne l
• ls P Versus NP Formai/y lndependant ? Scott Aaronson, Bulletin of the qui a résolu l' é ni gme . Aujourd ' hui , on
European Association of Th eoretical Computer Science 81, 2003. a de série uses ra isons de cra indre que
• Th e P versus N P Problem. Stephen Cook , C lay Mathematics ln stitute, la questi on « P = NP ?» est d ' une pro-
2000 (d isponible en ligne) . fo nde et ex trême diffi culté.
• les problèmes NP sont-ils si compliqués ? Jean-Paul Delahaye, Dossier Pour J.-P. D.
La Science « Les grands problèmes mathématiques », 20 12.
• Math ématiques discrètes et combi11atoire . Bibliothèque Tangente 39 , 2010.
• P. NP a11d the NP-Completeness. The Basics ofComputatio11al Complexity .
Oded Go ldre ich , Ca mbridge University Press , 20 10 .

86 Tan9ente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


par M. Criton et M. de Ruelle EN BREF

Latex Cabri
La compos iti o n des fo rmul es mathématiques
est un cauchemar pour beaucoup d ' utili sateurs
pour uérifier une conjecture
de maths, de l' étudiant au chercheu r, mais plus Les log icie ls de géo mé trie inte rac ti ve sont une des
e ncore pour les éd ite urs. e n recherche perma- manifestations importantes de l'appo rt de l' infor-
nente de sy nthé ti se urs de form ules. En 1977 le matique aux mathé matiques.
mathématic ie n e t in formatic ien Donald Knuth Si Je plus connu d 'entre e ux, Cabri , s'adresse natu-
crée le langage Tex (pro noncez « Tek ») qui , rellement au monde de l'éducation (la société Cabri-
ap rès compi lation. affiche la plupart des fo r- log vient de plu s de sortir Cabri Fac tory pour le
mules dont on peut avo ir besoin. Quelques collège), des chercheurs, amateurs ou profess ion -
a nn ées pl us tard , e n 1983, Les] ie Lam port nels, se le sont rapidement approprié pour e n faire
intègre ce langage dans un log ic ie l de co m- un outil de conjecture et de recherche dans le domaine
pos iti o n de pages qui prend le no m de LaTeX . de la géométrie é lé me ntaire.
Aujo urd' hui , LaTeX est utili sé dans le mo nde
e nti er, dans to utes les lan g ues, sous to us les C'est ainsi quel' ingé nieur et mathé maticien amé-
systèmes d'exploitation, et possède de nombreuses ricain Sta nley Rabinowitz, connu pour son inépui-
extensions se mbl ab les aux bibliothèqu es de sable base de problè mes (il a créé dans les années
Maple o u Math ematica, qui regro upe nt des 1990 une société d 'édition spécialisée dans le pro-
co mmandes pré prog rammées. blem solving et un site internet intitulé « 20 000 pro-
blems under the sea »),a choisi un logo illu strant
une propriété toute simple à énoncer qu ' il a décou-
B(x) = E(x) + J. f(x , y)dy 1 verte en 1990 grâce au logiciel Cabri -géomètre .
Soit P un point quelconque intérieur à un triangle
ABC. On trace les segments [PA], [PB] et [PC] qui
l(a)o(( o)o ,.,., ,( a.1)t,

coupent respectivement en X, Y et Z le cercle ins-


crit dans ce triang le. Ce dern ier est tangent aux
côtés du triangle en D , E et F (voir figure).

Fo!otSIH IOO.OO!"C...... -

Un fichier LaTeX co ntie nt du texte où fi g u-


rent des commandes de marquage. Il est e nsuite
conve rti grâce à un compilateur, qui pe rme t
une mi se e n page sobre, « spartiate » disent
certain s, mais avec une grande qualité des for-
mul es mathé matiques.
Malheure usement , cette mise en page, suffi sante
pou r des thèses ou des publication s sans pré- c
te ntion gra phique, ne pe ut conve nir pour une
mise en page sophi stiquée ou e n coule ur, s i ce Alors, les droites (DX), (EY) et (FZ)
n 'est po ur récupé re r les formules sous forme sont concourantes, quel que soit le choix du point P.
d ' images . Mais dans ce cas, il n ' y a pas vrai-
ment plu s d 'avantage à utili ser LaTe X que les Référence
autres éd ite urs d'équations comme ceux qui Stanley Rabinowitz , Problem 1364,
sont intégrés dans les traite me nts de tex te ou Mathematics Magazine 64(199 1) .
co mme MathType.

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique T4n9ente 87


SAVOIRS par François Lavallou

la simulation numérique
Entre la théorie et l'expérience s 'est glissée, depuis
l'avènement de l'informatique, la simulation numérique. Elle
est devenue un outil indispensable pour compenser les
limites de l'expérimentation et tenter de représenter
l'irreprésentable.
ù sui~-je ? Que l' interrogatio n inventé par les Grecs , re mplit cette fo nc-

O soit temporelle ou spatiale , l 'ap-


parente régularité des alternances
j o ur nuit , la répétiti vité des levers et
ti on et est un be l exempl e de la relat ion
modé li sation- simul atio n. Modèle de la
sphère cé leste par projecti on stéréogra-
couchers de sole il (bref , le nycthémère), phique, sa conceptio n et son utili sat ion
la pé ri odi c ité mê me des qu arti e rs de ne requi èrent en aucun cas la connais-
lune semblent les signes objectifs d ' une sance du système héliocentrique. Il n 'ex-
incroyable horlogerie astrono mique . À plique pas le mo nde, il le ca lcul e. Il
défaut de comprendre, on a tous besoin permet de prévo ir, par une simpl e lec-
de prédire son fo nctionnement pour ryth - ture, la pos iti on à ve nir des as tres o u
Filaments entre mer notre vie, que ce soit au jour le jour pl anètes . La précis io n de cette prév i-
amas de galaxies. ou sa iso n après sa iso n . L' as tro la be , sio n dépe nd bie n s ûr de la qu ai ité de
réali satio n de l' astrolabe qui détermine
! ' incertitude de lecture , mais surtout de
la validité de ce modèle pl ani sphérique .

Un modèle à suiure

Méthodologiquement parlant , la science


moderne est née à l'époque de Ga lil ée .
D a ns la co ntinu ité de Pyth agore , il
cherche à expliquer le monde au moyen
d ' un langage , les mathé matiques. Les
lo is phys iques sont modé li sées par des
formul es qui permettent de mettre en
équ ati o n les mo u ve me nts des corps
célestes (donc ra pides) . On résout ana-
ly tiqu e me nt le mo uve me nt de de ux
co rps e n att rac ti o n grav itat io nn e ll e ,
mais Po incaré démontre qu ' il est va in
de chercher une so luti on exacte pour
un p ro bl è me a uss i s impl e (co nce p-

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

tue lleme nt) qu e le probl è me des troi s


corps . Il est le pre mie r à étudier la sta-
bilité de systè mes dynamiques et à faire
émerger la notion de chaos. Il était alors
illusoire d 'espérer pré dire l' évo lution
du sys tè me so la ire s ur de « lon gs »
temps ! Il faudra attendre la pui ssance
ca lcul atoire de l' informatique moderne
pour po uvo ir so ume ttre la sta bilité du
sy stè me so laire à l ' ex pé rime nta tion
numé rique .
La notion d'expérience numérique est un
no uveau concept. Pythago re , e n effec-
tuant des ex pé ri e nces de reproduction
des sons , faisait de la s imul ation . Tout
laborato ire est un modè le d ' unive rs ,
toute expérie nce est une s imulation de
la réa lité, un e réa lité réduite dont on
espè re la re prése ntativité acce ptabl e.
Quand on est sûr d ' avoir incorporé dans Visualisation de simulations DEUS.
le modè le tous les é lé ments nécessaires ,
o n peut mê me s ' affra nc hir de matéria-
Iiser l'ex pé rie nce et effectue r alors des
la méthode de Monte-Carlo
expériences de pensée, dont la puissance La méthode dite de Monte-Carlo a été conçue lors du pro-
pédagogique a é té me rve ille useme nt jet Manhattan pour le transport neutronique. Au cours de
illustrée par Albert Einste in . Mai s quand sa vie hasardeuse, un neutron subit des évènements (émis-
on quitte notre doma ine de connaissance sion, absorption, diffusion élastique ou inélastique ... ) dont
pour aborder des éche ll es de te mps ou les probabilités élémentaires sont connues. Comme pour
d 'espace auxquelles nou s n' aurons sans un sondage d'opinion, le tirage au sort (d'où Je nom de la
doute jamai s physiqueme nt accès , seule méthode !) d'un nombre fini de neutrons sera représenta-
une ex pé ri e nce numé rique pe ut nou s tif de l'ensemble du flux neutronique (s'il est bien réalisé !).
éclairer. Ell e amplifie les poss ibilités de Le principe de cette méthode, dont la convergence a fait
la recherche en permettant de comprendre l'objet de nombreuses études mathématiques, s'applique bien
les structures mo léc ul a ires auss i bi e n sûr à de nombreux domaines (voir dans le dossier suivant).
que les co lli s ion s de ga laxie .
Ai ns i, une équipe de l ' Observa toire de
Pari s a utili sé le supercalculate ur Curie c ulie r la nécess ité de l'ex iste nce d ' une
du Genci (vo ir en pages suivantes) pour « mati ère noire» pour expliquer la
s imule r la structuration de tout l' uni- vitesse expansionniste de l' univers pri -
vers observable afi n de comprendre la mordial. Cette expérience illu stre un
nature de la matiè re noire. Cette s imu- rôle déterminant, et nouveau, de la simu-
la ti o n DEUS (dark energy universe lation , qui induit des théories à pa rtir
simulation) va pe rme ttre de comparer des données d'observation . Elle peut
la prédiction de tro is modè les cos mo- pe rm e ttre de d é termin e r, parmi les
log iques de la matiè re noire a ux obser- modè les théoriques proposés, celui qui
vatio ns sur la structure de l' uni vers aux fournit l' approximation la plu s fiable,
gra ndes éche lles. Elle montre e n parti- e t potentielleme nt de l'optimi ser.

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente 9


SAVOIRS La simulation numérique

l'informatique de la simulation
La précision des simulations numériques croît avec
la finesse de discrétisation des objets étudiés. Pour gagner
un facteur dix sur la résolution, il faut multiplier le
nombre de mailles par mille ! Cette croissance expo-
nentielle lie intimement le progrès des simulations
numériques à celui des équipements informatiques.
On est passé de quelques dizaines de mailles dans les
années soixante à la dizaine de milliards de mailles
aujourd'hui. À mailles égales, cette augmentation de
performance a permis de passer des modèles sphé-
riques à une dimension a des modèles à trois dimen-
sions, plus proches de la réalité. La s imul a ti o n num ériq ue s' int rod uit
clo ne dans le d iptyque d ialectique théo-
Les processeurs vectoriels, qui exécutent des opéra- rie-ex pé rie nce , au cœ ur de la sc ie nce
tions sur des vecteurs, sont particulièrement bien cl ass ique, po ur structurer la recherc he
adaptés à la simulation numérique. Les performances mode rn e se lo n un t riptyque t héo rie,
d'un processeur actuel sont liées à sa fréquence de modé li satio n- s imul atio n et ex périme n-
fonctionnement et à son parallélisme interne (sa tati o n . Elle permet bie n sûr de limiter le
capacité à effectuer des opérations simultanées). Le coût e t le danger par rappo rt aux ex pé-
degré suivant est le parallélisme entre processeurs, rime ntati o ns phys iques , mais auss i de
dont la gestion est à la charge du programmeur. Le se do nne r les moyens de mi e ux co m-
calcul doit alors être décomposé en tâches indépen- pre ndre, do nc de mi e ux concevo ir o u
dantes, en veillant à maintenir la communication agir. Elle devient un guide conceptuel pour
entre processeurs pour partager des résultats inter- intuite r d e no u ve ll es direc ti o ns d e
médiaires, et à l'équilibre des charges de travail de reche rc he.
chaque processeur pour gagner en efficacité.
Les résultats de s imul atio n numérique
Plusieurs types d'architecture existent pour les super- fo nt ma inte nant partie de notre quoti-
calculateurs, dont les puissances se chiffrent aujour- die n : prév is io ns mé téoro log iques, pré-
d'hui en téraflops (voir en pages suivantes). Les vis io ns dé mographiques, évolutio n du
supercalculateurs vectoriels possèdent des proces- climat o u cours de la bo urse.
seurs haut de gamme, mais leur architecture rigide
est peu évolutive. Les « grappes de PC » sont peu Des mailles à répartir
coûteuses, mais mal adaptées à une forte puissance
de travail. Enfin, un excellent rapport performance / prix La pre miè re é tape d ' une expérime nta-
est offert par une structure intermédiaire : les « grappes ti o n num é riqu e cons iste à ré unir les
de mini-ordinateurs à mémoire partagée ». Des caractéristiques phys iques du systè me à
briques de base - les nœuds - sont constituées de plu- étudier cl ans un modèle établi avec des
sieurs microprocesseurs partageant une mémoire mé thodes mathé matiques e t in fo rma-
commune et sont reliées entre elles par un réseau tiques. Les grandeurs phys iques recher-
d'interconnexion haute performance. Cette struc- c hées (pos iti o n , vitesse, te mpérature,
ture, la plus répandue parmi les supercalculateurs, pression . . . ) et le urs variatio ns sont liées
est appelée ordinateur massivement parallèle. par des équati o ns , souve nt aux dérivées
pa11ie lles, qui modé li sent le comporte-
me nt de l' o bje t. Ho rs d u c ha mp analy-

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

tique, que l'on ne re ncontre e n fait que


dans les exe rc ices sco laires, le ca lc ul
est numérique e t ne pe ut donc être effec-
tué que sur un nombre fini de va le urs.
Ce passage du monde infini de la conti -
nuité au monde des vecteurs de dime n-
s ion finie s'appe lle la discrétisation.

Deux fa mill es de ca lc ul se propose nt


pour résoudre les équation s du modè le.
La méthode de Monte-Carlo (vo ir dans
le doss ie r suivant), qui est une mé thode
stati stique, est parti c uli è re me nt bi e n
adaptée pour suivre les flux de parti-
cules, neutroniques, photoniques ou élec-
troniqu es . Ell e optimise le temp s de
calcul e n s' inté res sant aux particules
qui contribue nt le plus au signa l (voir en
e ncadré). Quant aux méthodes détermi-
nistes, leur principe a é té é tabli bien Les résultats d'une expérimentation
ava nt l'avènement de l' informatique.
numérique doivent être confrontés
Chaque point du domaine de calcul est
associé à so n vo is inage pour constituer à l'expérience, seul juge
un volume é lé mentaire , dont la form e, de paix en physique.
qui pave l'espace , peut être un tétraèdre
ou un hexaèdre. Ce maillage tridimen- l'analyse numérique, ne doit sa com-
sionnel est au cœur de la méthode dite plexité qu 'à sa taille.
des volumes finis, aisée à mettre en œuvre
pour un calcul parallèle (voir en enca- Les résultats d'une expérimentat ion
dré) . Il peut être fixe (maillage lagran- numérique, un e fois sé lectionn és,
gien) ou suivre l'écoulement d ' un liquide extraits et visualisés, doivent e ns uite
(maillage eulérien), ou encore adapta- être confrontés à l 'ex périence , se ul
tif, en ajustant la taille des mailles à la juge de paix e n physique. Ainsi, par
complexité des phénomènes physiques. exemp le, c'est seuleme nt par son inca-
L' étude de la sensibilité des résultats au pacité à produire une expérience pro-
type de maillage est équivalent à l'éta- bante que la théorie des cordes tombe
lonnage pour un détecteur. aujo urd ' hui en disgrâce .
F. L.
Effectuer un calcul revient donc à suivre
le flot des valeurs des grandeurs phy- Références
s iques , d ' une maille à l'autre , à travers • Les revues Clefs CEA, et notamment C/e/1· CEA 47 (2003),
le ur surface commu ne, selon les prin- di sponibl es en ligne à cette ad resse:
c ipes contenus dan s les équation s du www.cea.fr/le-cea/publications/les-c lefs-du-cea/clefs-cea
modèle. Les re lations algébriques entre • Math ématiques et géographie. Bibliothèque Tangente 40, 20 11.
les paramè tres d ' une maille et ceux de • Les matrices. Bibliothèque Tangente 44, 2012.
ses voisines constituent un immense • Le calcul intégral. Bibliothèque Tangente 50 , 2013.
systè me linéaire dont la réso lution, par • Les angles. Bibliothèque Tangente 53, bientôt disponible.

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACt'IONS ' \ .
par J.-J. Dupas et F. Lavallou

le calcul
haute performance
Le besoin croissant de simulation numérique ne pourrait être
assouvi sans les performances en continuelle évolution des
technologies numériques. Le calcul intensif, ou haute perfor-
mance, participe à ce développement de l'innovation et est
devenu un enjeu majeur dans la course à la compétitivité.
epui s que l' homme s'est mi s à

D
ling), ou calc ul intensif, renvo ie , à ce
calculer, il n'a eu de cesse de jour, aux machines pétafl opiques , c 'est-
chercher à produire plus de cal- à-dire de machines capables d'effectuer
cu ls. Utilisant tout d 'abord de pet its un million de milliard s d'opérations à la
ca illoux , les calculi , puis l'écriture, il seconde (vo ir encad ré).
comprit bi en plu s tard qu e certaines
opérations pouvaient être mécani sées . Un enjeu stratégique
Une des premi ère s mac hin es méca-
niques est due à Pascal en 1645 . Bab- De nombreux domaines académiq ues ,
bage a failli nou s faire basc ul er dans mais auss i industriels, ont beso in de ces
un monde d ' inform atique méca nique pui ssa nces de ca lcul s : cos mo log ie,
dès le XIXe siècle. Ce fut ensuite l'avè- météoro logie, médec ine , chimi e, phy-
nement de l' informatique moderne. Pen- sique nucl éa ire ... Le ca lcul intensif est
dant ce temps, les beso in s en calcul s devenu un instrument de compétiti vité
ont augmenté de façon exponentielle, au pour nos entreprises. Il leur permet d'in-
sens propre du terme ! [l faudrait des cen- nover plus vite et de réduire le temps
taines, voire des milliers d'années à nos entre la concepti on et la mise sur le mar-
machines de bureau pour exéc uter les ché des produits. Pour toutes ces ra i-
applications imaginées par nos sc ien- sons, le pays devait se doter de moyens
tifiques. Le « calcul haute performance » de ca lcul efficaces.
dev ient une nécess ité. Il y a encore quelques années, la France
Le terme de calcul haute performance (ou accusait un retard certain dans ce domaine.
HPC , pour high performance compu - La stru cture publiqu e Genci (G rand
Équipement national de ca lcul intensif)
Le savoir-/aire français dans le domaine fut alors créée en 1987. Cette structure
a financé et commandé un certain nombre
du calcul intensifprovient de la volonté
de machines , dont Curi e , d'une pui s-
de garantir la fiabilité des armes sance de plus de 2 pétaflops, est la figure
nucléaires par la simulation. de proue, avec un accès ouvert à tous

92 Tangente Hors-sene n°52. Mathematiques & informatique


P.OUR LES MATHS

les sc ientifiques e uropéens. À titre indi-


cati f, cette machine, implantée fin 2011 ,
Vocabulaire arénaire
est constituée de plu s de qu atre-v ingt- En informatique, le terme flops est l'acronyme de l'expres-
douze mille cœurs de ca lcul couplés à sion anglaise floating point operations per second, signifiant
un système permettant de stocker !'équi- opérations à virgule flottante par seconde. C'est une des plus
va le nt de se pt mill e six ce nts ans de communes mesures de vitesse d ' un système informatique.
fic hiers MP3 , à une vitesse de 250 Gois, Dans cette unité, les capacités des ordinateurs sont des nombres
so it ce nt mill e fo is s upé ri e ure a u x gigantesques, qu' il a fallu dénommer pour en faciliter l' usage.
me ill e ures lia iso ns A DSL. E ll e pe ut Déjà Archimède s'était attaqué aux grands nombres en vou-
effectuer en une journée cent c inquante lant estimer le nombre de grains de sable que pouvait conte-
années de travail de votre ordin ate ur de nir l'univers. Le système grec était alors limité à une myriade,
bureau ! En que lques années, la pui s- soit dix-mille. Dans l' Arénaire (arena =sable), il dénomme pre-
sance de calcul di sponible en Fra nce, mière octade tous les nombres de un à une myriade de myriade
pour le monde académique , passe de 20 (soit 108) , quantité qu'il appelJe unité des nombres seconds.
térafl ops à plusie urs pétafl ops.
Il continue avec l'unité des nombres troisièmes (soit
Rops
? =
10 16 108 x 108) , et ainsi de suite jusqu'à (10• )'°' = 10••10' .

~.
xa
Il appelle alors première période l'ensemble de ces nombres,
recommence le processus en remplaçant octade par période,

rr
• pour arriver à un nombre qui n 'existe pas dans la nature:
Ordinateur de bureau

ga • ((10· = 10···0"

ga • Pour les grands nombres informatiques, on utilise classi-


,.., quement une base mille, dont vous connaissez les premiers
=
éléments : kilo k (de chilioi mille), méga M (de megas =
Progression exponentielle =
grand) , giga G (de gigas géant). Pour le terme suivant, on
de la puissance des ordinateurs. utilise téra (T), qui vient de teras = monstre.
« Téra » peut être vu comme une déformation de tetra, quatre.
En 1995 , le go u ve rn e me nt fr a nça is En gardant ce principe, on obtient les termes suivants par modi-
déc ide d ' arrêter les essa is nucl éa ires, fication du nom du nombre qui leur est associé dans l'expo-
et de garantir la fi abilité et la sûreté des nentiation de k. Ainsi, 1015 = k5 a pour préfixe péta puisque
ann es nucléaires par la simulation. Pour = = =
penta cinq et 1018 k 6 , exa, car six hexa en grec.
sati sfa ire ces beso in s , la Directi on des
applicati ons milita ires du Co mmi ssa-
riat à l'énerg ie ato miques et aux é ner- la réalisation et l'exploitation des machines
gies alternati ves (CEA/DAM) a développé haute performance, a créé un complexe
un nouvea u savo ir-fa ire dans le ca lcul de calcul scientifique qui abrite le Centre
intensif. Ce projet condui ra e n 2002 à de ca lcul reche rche et techno log ique
la réa li satio n de la mac hine Tera (pre- (CCRT), mi s en serv ice en 2003. Les
mi ère mac hine téra fl opique d 'Europe, missions du CCRT sont de répondre aux
quatriè me mac hine plus pui ssante du beso ins du CEA et de ses partenaires en
monde avec I térafl ops), pui s à Tera lO matière de grandes simul ati ons numé-
en 2006 (60 téraflops), et enfin à Téra 100 riques , proposer aux partenaires ex pe r-
en 20 11 , première machine pétaflopique ti ses et compétences dans le doma ine
d ' Europe . du HPC , favo riser les échanges et les
Le CENDAM de Bruyères-le-Châtel, fort collaborations scientifiques entre le CEA
de cette ex périence dans la conceptio n, et les partenaires industriels .

Hors-serie n 52. Mathematiques & informatique Tangente


Le calcul haute performance

Le calculateur Le TGCC (Très Grand Centre de calcul impensable de multiplier par mille la
Curie. du CEA), nouvell e infrastructure verte , consommation é lectrique des futures
héberge , outre la première machine péta- machines. D'autant que, de l' autre côté,
flopique Curie , la nouve lle génération une grande partie de cette é lec tri ci té
du CCRT. Cette structure a pour but consommée est tran sformée par effet
d ' accue illir des systèmes informatiques Joule e n chaleur, et il faut alors refroi-
dédi és au calcul haute pe rformance , dir les mac hines . Les tec hniqu es de
offrir des espaces de communication refroidissement progressent , et on fai t cir-
pour de gra nd s évènem e nt s sc ie nti- culer de l' eau directement au plu s près
fiques, et proposer un bâtiment modu- des processeurs , ce qui permet d ' éva-
laire et flexible dimensionné pour recevoir cuer plus de calories. Mieux refro idis.
les futures évolution s des machines. les processeurs peuve nt donc être rap-
Les structures qui ont permi s le déve- prochés , ce qui diminue le te mps de
loppement de ces mac hines ne sont pas co mmunication entre eux. Il est touit
toujours simples à appréhe7ider. li ex iste fois certa in qu'il faudra concevo ir de
bien sûr les structures européennes Prace no uveaux microprocesseurs touj ours
(partnership for advanced computing plu s pui ssants e t moin s énerg ivores.
in Europe) et ETP4HCP (European tech- Enfin , il faudra augmenter la fiabilité
nologie platform fo r HCP ), mai s il est des systèmes. On estime qu ' une mac hine
important de comprendre que la France, exaflopique contiend ra des millions de
en s' appuyant sur l' expérience du CEA , cœurs de calcul s, ce qui impliquera une
reste au premier plan dans la course de panne par heure avec les fiabilités actuelles.
ces technologies. Cepe ndant , l' avenir L'exploitation de te lles mac hines pour-
sera au moin s exaflopique (avec des rait alors s' avérer difficile, sinon impos-
machines capables d 'effectuer 10 18 d'opé- sible. D'ores et déjà, les machines actuelles
rations à la seconde). contiennent des redondances qui per-
mettent de ne pas stopper les calcul s à
les défis du futur chaque panne.
Références De nombreux obstacles restent à fran-
• Les supercalculateurs Pour arriver à de tel s résultats, les cher- chir, et la dé mocrati sation du calcul
relève nt le d éfi. La cheurs doivent relever plusieurs défis. Le haute performance, attendue avec impa-
Recherche 469 , 20 12 premier est la maîtri se de la consom- tience par les sc ientifiques et les indus-
(di sponibl e en li gne). mation énergétique. En effet. la consom- triels , sera longue , mais est en cours.
• www-hpc .cea .fr mation électrique peut représenter jusqu' à
• www.genci.fr 30 % du coût de fonctionnement, et il est J.-J. D. & F. L.

Tangente Hors-serie n°52. Mathematiques & informatique


par Hervé Lehning EN BREF

maple mathematica :
Capture d'écran les maths de la fortune
de Maple montrant
· ~ t l l · rs-..-o ril a un calcul d ' intégrale. Le logiciel de calcul form e l Mathematica est
> ln:t"" C
a• li , • ) :J édité par Wolfram Researc h depuis 1988 .
[ 2- .1 .. 111(.1• 1)

!>I Maple est un logic iel de cal- Arrivé sur le marché peu de temps après son
.:J
cul symbo lique dont le nom , conc urrent Maple, il a immédiateme nt fait la
qui s ig nifi e « éra bl e » e n fortune de son créateur, Stephen Wolfram
anglais, vient sans aucun doute de son origine cana- (voir Tangente 134). Malgré une syntaxe pour
d ienne. Son a mbiti o n est de permettre des ca lcul s le moin s déroutante au premier abord ,
comme les mathé mati c ie ns les fo nt. Mathematica a su s' imposer dans de nom-
A in s i, il est poss ibl e de ca lcul er des intég ral es breux milieux grâce à la qualité graphique des
xi courbes et surfaces qu ' il permet de générer et
comme : J - - dx.
x +I à sa souplesse d ' utilisation.
Maple trou ve un résultat exact :
x 2 / 2 - x + ln (x + 1)
mais ne préc ise pas les inte rva lles de va lidité car
ce la est e n de ho rs de ses compéte nces .
De plus, Maple calcule sur un espace de fon ction s
hors de portée de I' uti Iisate ur moyen . Par e xe mple,
il fo urnit des résultats comme :
"' d.'r = lna - ln (- a )
f
0
7
~ - - a 2 2a

qui ne pourra qu ' éto nne r l' utili sate ur. Un.pe u de
c urios ité pe rmet de compre ndre d ' où vie nt un te l
rés ultat : le log ic ie l calcule l' intégral e définie : Un exemple de graphique sous Mathematica.
dx = 1n(x -a ) -1n(x +a )
fx 2
- a 2
2a
Les autres atouts de Mathematica sont le cal-
cul d ' intégrales, la simplification de formules
pui s re mpl ace x pa r les bo rnes de l' intég ral e, algébriques alambiquées , la manipulation de
sans vé rific ati o n de sens. C ette vé rifi cation doit systèmes de logique formelle et la résolution
ê tre fa ite par l' utili sate ur, ce qui est norm al mai s exacte (en calcul symbolique) d ' équations ,
ne do it pas ê tre o ubli é. M a pl e pe rmet éga le me nt grâce à une banque de données riche de nom-
de visuali ser des courbes e t des surfa ces , les in s- breuses fonctions spéciales . En outre, les der-
truc ti o ns po ur ce faire sont é lé me nta ires (voir la nières versions du logiciel permettent de poser
fi gure). Po ur finir ce bref tour d ' hori zo n , M a ple des questions ou de donner des instructions
est programmabl e vi a un la ngage s impl e , ce qui mathématiques en langue naturelle (l ' anglais),
pe rmet e n particu lier d ' utili ser des fonction s plu s directement dans l'invite de commande , sans
sophi stiquées. passer par la syntaxe formelle !
> plot(• - •.ln(a) , r-0 . Pi) :
Ce qui n'est pas toujours correctement inter-
Tracé de la courbe prété, on s'en doute : rien ne sait encore rem-
d'équation: y= x- sin x placer une bonne syntaxe pour interagir avec
entre O et p. [>
un logiciel. ..

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS par J.-F. Colonna et D. Justens

Quelques problèmes de calculs


liés au caractère discret
et fini de nos ordinateurs
Notre système de calcul est décimal, conséquence de nos deux
mains à cinq doigts. La machine, elle, travaille en base deux,
ce qui permet une représentation physique des nombres par
le passage (1) ou non ( o) d'une impulsion électrique. Ce qui a
une incidence sur la façon de représenter les nombres.
e sys tè m e bin a ire utili sé e n va imp lique r l'ex iste nce o u no n d ' un

L informatique permet la transition


ve rs le systè me octal (base 8),
qui synthétise toute suite de trois chiffres
certain ni veau d'erreur lors des différentes
opératio ns à effectuer. Face aux nombres
irratio nne ls, to us les systè mes semble nt
binaires en un seul. Théorique ment, tout éga ux : ces no mbres ne so nt j a ma is
nombre pe ut s'écrire indi ffé re mme nt qu 'approc hés ! M ais il n' e n va pas de
dans chaque systè me de comptage. Mais mê me po ur les no mbres ratio nne ls qu i
e n pratique il est loin d 'en ê tre a in si ! s'exprimeront de maniè re exacte ou non
En effe t , le fait po ur un no mbre de se e n fo nc ti o n de la b ase c ho is ie. U n
présente r ou no n sous une écriture finie c hangeme nt de base implique alo rs une
modificati o n pa rfo is s ig nificati ve du
ni veau d 'erre ur lo rs d ' une success io n
d 'opérations arithmétiques . Alors que dire
des o pérate urs no n a rithmétiques ?

No tre confia nce e n la mac hine doit être


adaptée e n conséque nce. Et parfois mi se
e n do ute. En vo ic i un pe tit exempl e.
Cons idérons la suite de ca lc ul s établis
co mme s uit. So it a un no mbre rée l.
Défmi ssons b = a + 1 et x 1 = 1. Calculons
x 2 = bx 1 - a. On vé ri fie qu e x 2 = 1
év ide mment. Se lo n la mê me procédure ,
on peut calcu ler (par récurrence) x 3 ,x4 ...

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


POUR LES MATHS

x,,. Et vérifier que cette suite est composée


uniformé ment de « 1 », que lque so it le
Pierre-François Verhulst
no mbre a cho isi au départ. Encodons à Gravure de Verhulst,
présent notre procédure dans un tabl eur par Léopold Flameng.
quelconque et testons quelques valeurs
particulières « bien choisies » pour a. Le mathématicien bruxellois Pierre-
La plupart des va le urs a produi se nt François Verhulst (1804-1849) fut
bien la suite de « 1 » atte ndue . Ma is l'élève de Quetelet. Il est surtout
que se passe- t-il lorsque l' o n introduit connu pour sa construction de la
a = 1023, 1 ? On arrive à la suite de courbe qu'il a lui m ême intitulée
valeurs présentées dans le tabl eau de la « logistique », sans fournir d'explication satisfaisante à
page 96 , qui est bi e n loin de ce qu e cette dénomination. Délaissant les modèles exponentiels
l' on doit trou ve r ! de Thomas Malthus, Verhulst propose une modèle de
A na lyso ns ce résultat é tonn a nt. Le croissance sous contrainte particulièrement bien adapté à
no mbre de zéros s itu és à droite des l'évolution des populations puisqu'il conduit à l'existence
premières ité ration s est éc lairant : il d 'une taille maximale pour toute population, fonction des
montre que le systè me trav a ill e « en conditions initiales. Verhulst a appliqué à plusieurs reprises
double préc ision », c'est-à-dire avec son modèle à la population belge avec des conclusions
deux fois huit c hiffres s ig nifi catifs. variées. Détail amusant, la thèse de Verhulst, soutenue en
Ceci pe ut se vé rifi er éga lem e nt en 1825, portait sur la résolution des équations binomiales.
ca lc ul ant la s uite de nombres Un demi-siècle plus tard, lorsque Conan Doyle décida de
( 10" + 1)- 10", comme il es t fait dans donner à Sherlock Holmes un ennemi mortel, il en fit un
le seco nd tabl ea u . Dès la valeur mathématicien ... dont les travaux portaient précisément
n = 15 , un e e rre ur appa raît , limita nt sur ce sujet. Verhulst a-t-il servi de modèle à Moriarty?
ain si la préc ision de to ute opération.

Certes , dans la plupart des applications, Les nombres 22k s'écrivent de manière
ce ni vea u de préc is ion es t s uffi sant. exac te e n base 2. Qu 'e n es t-il de la
Ma is ce n'est pas le cas dans une suite fraction 9 / 10? Un calcu l simple montre
de calcul s dans lesquels une erreur même que 0 ,9 s'écrit 0, 111 00110011001 1... ,
extrêmement petite sur la va leur de l' un présentant bien une forme pé riodique
des x de la s uit e es t a mplifi ée illimitée. Que se passe-t-il lorsque l' on
systématiquement. Que ll e est don c la travaille en double précision ? On connaît
nature bi e n pa rti c uli è re du nombre bie n l'a pproximation qui est souve nt
10 23, 1 qui conduit à ces rés ult a ts
aberra nts? On obtient en fa it ce type de
suites de va leurs absurdes pour tout a
de la forme 4 k - 0 ,9 ou encore 22k - 0 ,9,
k éta nt un nombre e nti e r nature l. Le
lecte ur c uri e ux pe ut a in s i tes te r 3, 1,
15 , 1 ou63 ,I pourconstaterque, lorsque
11
k croît, la divergence devient plus rapide .
La suite (x,,),, proposée est construite 1(
de telle so1te que toute différence initiale, 1

si petite so it- e ll e, va s'a mplifi e r de


manière exponentielle, vu la multiplication
introduite dans la procédure.

Hors-série n ° 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS Problèmes de calculs ...

faite et qui dit que i 0 = HPavec une erreur ca lcul s effect ifs utili sant la machine.
de l' ordre de 2 %. Pour o bte nir une Po ur ce la , introdui so ns la procéd ure
préc ision de l'ordre de quinze ou se ize chaotique connue sous l'appe ll ation de
déc im a les (ce qui sé m a ntiqu e me nt dynamique de Verhulst, selon le nom du
implique la base 10), il fa ut , en base 2, célèbre mathé matic ien be lge . Le but de
aller jusqu 'à une cinquantai ne de chiffres ce scientifique était de décrire l'évolution
« après la virgule». Les puissances de d' une popul ati o n sous contrai ntes, de
1/2 donnent en fa it les erreurs absolues mani è re à éc happer à l'a bsurdi té d u
maximales en base 2. Elles sont calculées, modèle exponentiel manquant de réal isme
respecti vement aux l 6e et 17e décimales , (vo ir Ma thém at iq u es et Biologi e ,
d ans le tabl eau c i-contre, qui do nne Bibliothèque Tangente 42, 20 11 ). Voyons
également les erreurs absolues pour la ce qu ' il en est en temps discret. So it une
valeur 0 ,9 . On constate que ces erreurs populatio n y mesurée à l' instant enti er
sont maximales étant, pour une précision t (on note y, cette popul ation). L' instant
de 10-k, approximati ve me nt éga les à s ui va nt , cette po pul ati o n va croître
( 1/2) x 10...;; (et même un peu supérieures) proportionne llement à ell e-même mais
pour les valeurs k = 16 et k = 17 . De là e n subi ssa nt éga le me nt un facte ur
les résultats étonnant obtenus pour toute d 'atté nuation expliqué par la limitati on
succession de calculs de nature divergente ! des ressources et la saturation de sa niche
écolog ique. Yerhul st étudi e alo rs une
puissances de 1/2 Valeur décimale erreur en base 2
procédure évo luti ve se lo n l' équ ati on
50 8.88E-016 5.55E-016
suivante:
51 4.44E-016 0.000000000000000 11102
52 2.22E-016 Yr +I = Y, + a X Y, X ( 1- ~) .
53 1.11E-016
54 0.00000000000000005551 5.55E-017
55 0.00000000000000002776 0.00000000000000002776 Cette équation ex pri me une croissance
p ro po rti o nn e ll e à e ll e- mê me m a is
Des problèmes vont donc également se atténuée par un fac teur proportionne l à
poser lors de la mi se en pl ace de tout la taill e de la po pul ati on . La constante
calcul générateur de chaos mathématique. K es t s upp osée re ndre co mpte de s
Un deuxiè me exemple va nous montrer conditions nature lles propres à l' espèce
ex pli c ite me nt qu e les propri é tés de concernée . Cec i n 'est pas notre sujet.
distributi vité ou d ' assoc iati vité ne sont Concentro ns-nous sur l'aspect for me l
pas vérifiées lors de la mi se en place de de l 'équ a ti o n , qui pe ut s'éc rire , e n
posant K = 1 :
2
Y1+1 =Y, + ay, + ay ,

On pe ut d o nn e r plu s ie urs no tati o ns


fo rm e ll e me nt ide ntiqu es d e cette
ex pression en utilisant les propriétés de
co mmutati v ité, d ' assoc iati vité et de
di stributivité dans les réels. Mais qu ' en
est-il des valeurs numériques obtenues ?
Examino ns et comparons les résultats
obtenus pour les valeurs a = 3 en partant
de .-to =0,5 et en donnant à notre expression
les écritures sui vantes, fo rme lle ment
équivalentes :

8 Ta.n9ente Hors-serie n°52. Mathematiques & informatique


POUR LES MATHS

De nombreux Yr+ I = (a + 1)y, - ay;et


Yr+ I = (a + 1)y, - (ay,) y,.
autres exemples
En notant bien qu ' imposer à un ordinateur
Les deux exemples utilisés dans le l'ordre des o pérati ons à effectuer est
corps de l'article (à savoir le traite- chose di fficile . . . On obtient le tableau
ment de l'équation de récurrence de valeurs c i-contre . De petites erre urs
x = bx - a et l'étude de la dynamique a pparaissent dès la di xième itérati on ,
de Verhuslt) font partie des nombreux montrant ainsi la non-assoc iati vité dans
modèles que le premier auteur pré- les ca lcul s info rmatiques.
sente sur son site depuis ... plus de
vingt ans ! En effet, notre collabora- Ces di fférences vont aller en s'ampli fie r
teur, du Centre de mathématiques pour ex ploser littéra lement après une
appliquées (CMAP) de l'École poly- c inquantaine d ' itérations et donner dans
technique, semble avoir été le premier les deux colonnes des résultats totalement
à étudier le cas de l'exemple indépendants. Le graphique c i-dessous
x = bx - a (aucune mention antérieure re présente ces diffé rences success ives
n'a pu être trouvée dans la littérature) entre les deux express ions fo rmellement
et certainement l'un des premiers à identiques de calculs.
avoir soulevé le cas de la dynamique
Verhulst. Pour plus de précisions, on
pourra consulter cet article :
The Subjectivity ofComputers. Jean-
François Colonna, Technical Corres-
pondence, Communications of the
Association for Computing Machi-
nery (ACM), volume 36, numéro 8,
pages 15 à 18, août 1993.
De nombreux exemples complémen-
taires (par exemple liés à l'attracteur
de Lorentz, au problème des n corps D 'a utres ex press io ns t o ut a u ss i
ou à l'irréversibilité du temps) peu- équi valentes peuvent être testées avec des
vent être trouvés en ligne à cette conc lusio ns ide ntiques. On pe ut ain si
adresse: calculer
www.lactamme.polytechnique.fr yr+ 1 = ((a + 1)- ay,)y,,
Yr+I = ay, + ( 1 - ay,) y, ou e ncore
A""1ul .....n..Tn"IIIM......
,u.r,.....,,.....,.. 1t ..,.,,.,r~r-..t y;)
~----·----·- Yr+I =Y, + a(y, -
4 _ _ ... _ _ _ _ __ _

--·-. ---· ---- . ---~


... -----~-...-.--
..._ -·--·-- et effectue r une centaine d ' itératio ns.
On arrive à la ligne de valeurs sui vantes:

On peut légitimement se poser la question


angoissante : quelle est la vraie vale ur
de x 100 ?
J.-F. C. & D. J.

Hors-série n 52. Mathematiques & informatique Tangente 99


EN BREF par Philippe Boulanger

Décimales de jt Une ignominie réuélée


et normalité Philippe Boulanger,
chacun le sait , était
Les Japonais Alexander Yee et Shigeru Kondo directeur de la Rédac-
ont calculé, le 16 octobre 2011 , dix mille milliards tion. au magazine Pour
de décimales de n. C 'est à la foi s un exploit et La Science. Il raconte
une misère , car nous savons que le nombre des une anecdote liée aux
décimales est infini. D ' autre part, on n' y a pas décimales den.
reconnu quelques milliards de décimales consé- « C'était il y a envi-
cutives de e ou d ' un autre nombre remarquable. ron vingt ans (il y a
Et pourtant sin est normal, ce que tous les mathé- prescri pti on) . Nous
maticiens pen sent mais qui n' a pas été démon- publii ons, da ns une
tré, alors toutes les suites finies de nombres y autre revue que Tangente , une chro nique mathé-
figurent. matique sur le ca lcul des déc imales den. Et dans
L' absence de cette démonstration est exaspé- un souci d ' illustration indispensable à !' attrait d ' un
rante . Cette question aurait dû figurer dans la joumal,j 'avais pensé illustrer par un portrait les prin-
liste des problèmes de mathématiques dont la cipaux ca lcul ateurs de Jt, d 'A rchimède aux ordi -
résolution est primée d'un million de dollars par nateurs de l'époque .
la fondation Clay ! J' en ava is prévu huit et tout all ait bien sauf pour
un dénommé Machin , dont toute grav ure restait
Nous supposerons que n est normal (on dit par- intro uva bl e. John Mac hin ( 1680- 1751 ) es t un
foi s aussi universel, mais on ne peut pas aller à mathématicien britannique dont la renommée est
l' encontre du vocabulaire politique !). Si donc due au calcul , en 1706 , de cent déc im ales de n
toutes les suites de nombres existent dans n , le grâce à la fo rmule qui porte son nom, la for mul e
roman de votre vie y existe aussi, en français de Machin:
comme dans toutes les langues du monde, pas- n i 4 = 4 arctan 1 / 5 - arctan 1 / 239 .
sées et à venir. Comment cela? Il suffit de rem-
placer chaque couple de chiffres par une lettre Donc la pl ace all ouée à Mac hin , leque l deva it
ou un signe de ponctuation , et les couples de OO trôner à côté de sa fo rmul e , était déses péré me nt
à 99 y pourvoient largement. Hélas, avec cent mil- vid e. Et la date fa tidiqu e de re mi se de cop ie
liards de signes dans Jt, sachant qu ' un mot com- a pproc ha it. . . Le d ra me co uva it , ro tati ves e n
porte en moyenne environ neuf lettres et avec les atte nte et lec te urs impati e nts. Pourqu o i prive r
blancs , disons dix , il ne reste plus que dix mil- les lecte urs et les sept autres ca lcul ateurs den de
liards de mots . Un roman de vie peut comprendre leur portrait ? Il fa llait trancher. Je trouva is un por-
cent mille mots, donc la bibliothèque avec le trait d ' un perruqué anonyme de l'époq ue et lui
nombre de décimales calculées ne comprendra, attribu a is la pate rnité de la fo rmul e . Qui pe ut
en étant exagérément optimistes sur la signifi- prouve r que ce n ' était pas Mac hin ? Et co mme
cation des décimales de n dont aucune ne serait il fa ut un crédit , je c réa is une Agence Truc qui
inutile ,« que » cent mille livres, ce qui est bien nous ava it proc uré le port ra it de Machin. Cette
insuffisant, car cent trente millions de livres ont agence n ' aura it e u qu ' un cli e nt si des éditeurs
été publiés depuis l'invention de l'imprimerie. de mathé matiques ne nous ava ient de mandé le
droit de publi cation de l' illu strati on ! Ell e a été
Alors pour l' histoire de votre vie en javanais, ve ndue de ux fo is. Pas pour rie n, car la gratuité
vous pourrez attendre ... dix mille milliards de aura it all égué de notre turpitude. »
décimales de Jt, une misère. L'infini est un rêve .

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


SAVOIRS par Sylvie Alayrangues

Images numériques,
du pbcel à la topologie
Les images numériques sont partout ; mais sans les mathé-
matiques, nos ordinateurs seraient bien démunis pour les
exploiter. Au fait, qu'entend-on précisément par l'expression
« image numérique » ?

ne image numérique peut être 3D), caméras (unique ou multiples, 2D

U produite par deux grandes


familles de procédés. Le pre-
mier d 'entre eux est la captation d' une
+ temps ou 3D + temps), mais aussi
appareil s d 'acqui sition plus spéciali sés
comme pour l' imagerie médicale (IRM ,
certai ne réalité à l'aide d 'outil s très tomographe) ou l'exploration des sous-
di vers : appare il photo, scanner (2 D ou sols (imagerie sismique). Le résultat
de ces captations peut être, certes, une
matrice de pi xels (la représentati on
Un complexe simplicial, un complexe cellulaire et une carte class ique que l'on peut se fa ire d' une
combinatoire représentant le même objet. Pour les deux image numérique) mais pas seulement.
premiers, l'objet est décomposé en cellules de dimension O On peut, par exemple, récupérer un
(sommets), dimension l (a rêtes) et dimension 2 (faces). La nuage de points 3D (autrement dit un
carte, elle, est fabriquée à partir d 'éléments appelés brins ensemble de po ints de lf;P).
reliés par trois involutions différentes (trait noir, double
trait rouge, pointillés) et ce sont des compositions de ces ftu-delà des pixels
involutions qui permettent de reconstituer les différentes
cellules composant l'objet. Une autre approche po ur obtenir des
images consiste tout simple me nt en

.l=..I
la mi se en œuvre d ' un processus de

1À \ ~
.
--········- ~
.
construction (concepti on assistée par
ordin ateur ou CAO , architecture ... ).
Dans ces processus constru ctifs, on
~ --· ···· -- ·-~
... .. utili se des objets mathé matiques plu s
. .. o u mo in s structurés pour représenter

im

i • ··· ·····--· ~
les objets contenu s dans les scènes
( « soupe » de tri angles, autrement
dit un e nsemble de triangles sans

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

aucune in fo rmati o n de connecti vi- Une scène pour


té entre eux, complexes simpliciaux laquelle le calcul de
voi re ce llul aires, g raphes d ' inci- l'éclairage exploite
dence, cartes combin ato ires, courbes les propriétés
paramétriques ... ). L' idée sous-jacente topologiques du
derrière ces représentatio ns consiste à bâtiment (image
modé li ser une scène à l' aide de vol- extraite des travaux
umes ou de surfaces en mémori sant de Maxime Maria,
d' une man ière plu s ou moins fi ne selon Séba~ticn Horna et
les modèles comment ces volumes et Lilian Avcncau).
ces surfaces sont agencés.

À ces objets mathématiques permet-


tant de coder la structure de l' image
peuvent être assoc iées des données
caractéri sant les objets représentés. Il
s'agit souvent d ' informatio ns de cou-
leurs ou de textures mais l'on peut indépendant du contenu de l' image
également utiliser des vecteurs de val- (immergées sur une grille régulière ... )
eurs plu s complexes ou des info r- ou des images structurées par leur
mations sémantiques. Ainsi, en imag- contenu (un maill age de la surface de
erie méd icale ou en télédétection, on l'objet représenté .. .).
peut avoir affaire à des images dites
de polarisation dont chaque pi xel est Enrichissement de la topologie
assoc ié à un vecteur contenant 16 va l-
eurs sca laires caractéri sant cette pro- Au-de là de la simple visuali sation
priété é lectro magnétique. En architec- des images numériques sur un écran
tu re, lorsqu 'on modé li se un bâtiment, 20 (pas si simple que cela d 'ailleurs Pas la peine de
il peut être utile d'assoc ier aux dif- lorsque celles-c i ne sont pas repré- découper votre
fé rents vo lumes qu i le composent des sentées par une matrice de pixels), de revue pour essayer
info rmations sémantiques : te l vo lume nombreuses applicati ons o nt besoin de coller les arêtes
est une pièce, tel autre un mur, te l autre de calculer et d ' utili ser des proprié- scion les flèches,
enfi n une ouverture. tés structurelles des scènes qu 'elles vous n'y arriverez
contiennent. pas : la bouteille de
Bref, une image numérique, si e lle peut Ainsi, être capabl e de reconn aître Klein ne peut pas
être une simple matrice de pixe ls col- des fo rmes est nécessaire pour pou- être construite dans
orés, peut aussi être bien plu s. En toute voir indexer des images de manière notre monde
généralité, elle est défi nie par un objet semi -auto matique ou , en imagerie à trois dimensions.
mathématique, qui permet de coder la médicale, pour repérer d'éventue lles
structu re de la scène, objet auque l est modifications structure lles des organes V O
associé un ensemble d 'attributs qu i et détecter, par exemple, la présence
caractéri sent ses éléments. On pourra de tumeurs.
do nc avo ir des images peu structurées En CAO, on doit pouvoir garantir que b b
(construites sur des nuages de points l' objet que l'on modélise peut être
ou des « soupes » de triangles ... ), des usiné. Si , suite à un mauvais recolle-
images structu rées se lon un modè le me nt lors de la construction du modè le a

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS Images numériques ...

30 , votre machine-outil tente de pro-


ILatopologie reconnue par l'ordinateur duire une bouteille de Klein, il y a fo rt
Comment un o rdinateur pe ut-il « vo ir », « manipuler » et à parier qu'elle ne s'en remettra pas '
« ex plo iter » la to po logie d ' une scène représentée dans
une image? En synthèse d 'i mages, lorsq u' il s'ag it
T out d ' abord , le modè le mathématique utili sé pour d'éclairer une scène, iI est indispensable
de savo ir quels éléments de la scène
représenter l'image do it permettre d ' encoder sa topo-
vo nt être écla irés par une source de
log ie : un nuage de po ints et une soupe de tri ang les en
lumière et quel s autres seront occultés.
sont par exemple bien incapables. Ex traire la topo log ie li n'est ainsi plu s utile, lorsq u' une
d ' un objet représenté dans une matrice de pi xels pose scène représente un bâtiment entier, de
égaleme nt un certain no mbre de problèmes. Fort heu- chercher à ca lcul er l'éc lairage apporté
reusement, des a lgorithmes ont été développés pour par une ampoule allumée au sous-sol
reconstruire des modè les topolog iques à partir de telles sur les objets présents dans le grenier.
do nnées. En outre, il fa ut di sposer d ' in fo rmati ons
to po logiques calculables et ex plo itables (par exemple Le ca lcul de caractéristiques
topologiques permet de répondre par-
comparables) sur des images. La topo log ie a lgébrique
tie ll ement à certaines de ces questions.
est ici d ' un grand secours pui squ 'elle fo urnit toute une
Les propriétés topologiques sont, en
panoplie d ' in vari ants : caractéri stique d 'Euler, groupes effet, des propriétés qui ont trait à
d ' homo log ie, groupes d ' homotopie ... la structure même des objets ou des
Les groupes d ' homo logie permettent de caractéri ser les scènes représentées. Dans les appli -
« trous » d ' un objet. Cette info rmatio n est calculable et cation s de reconnaissance de fo rme,
peut être mise sous la fo rme d ' un vecteur d ' entiers (le elles pe uvent ain si permettre d'éviter
nombre de Betti et d 'éventue ls coefficients de torsion). un certain nombre de biais.
Par exemple, un même objet capté
Il est donc aisé de comparer les groupes d ' ho mo logie
sous différentes conditi ons d'éclaire-
de plusieurs objets. En outre, il est possible de calcule r
ment , d ' angles de vue, en utili sa nt
un représentant po ur chaque trou. Le tore représenté éventuellement des modes de captation
c i-contre possède de ux tro us de dime nsion 1 (en ro uge différents, garde (mod ul o les erreurs
et en bleu). d'acquisition) la mê me topo log ie.

0
La diffic ulté rés ide même si sa géométrie est déformée, ses
alors dans la définition, . couleurs mod ifi ées ... Réc iproquement,
.
le calcul et l' utilisation . il est poss ible de di stinguer certai ns
objets en observant leur topol og ie.
de tels invariants sur les
Ainsi, sans les goûter, il est poss ible de
modèles mathématiques particu-
distinguer un donul d'un bretzel rien
liers uti lisés dans les images numériques. Il s'agit là d ' un
qu'en comptant le nombre de trous de
domai ne de recherche très actif. chacun des deux objets
_. Références (en France) concernant le
calcul de l' homologie sur des images: Lors de l'étude de séquences d'images
travaux de Sylvie Alayrangues, Dobrina de battement de cœur, être en mesure
Bo ltcheva, Guill aume Damiand , Laurent Fuchs, de détecter les changements de topol-
Jacques-O li vier Lachaud , Pascal Lienhardt, ogie provoqués par l' ouverture et la
fermeture de la va lve aortique peut
Samue l Pe ltier.
permettre de déceler des anomali es.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

Topologie, image et paradoxe


Définir une topologie sur une image captée n'est pas
si facile. Prenons un cas simple , une image 20 en noir
et blanc. Les pixels blancs correspondent au fond de
l'image, les pixels noirs aux objets présents. Plutôt que
de tenter de définir in extenso une topologie sur une
image, on peut essayer d'introduire des notions topo-
Un do,wt et un bretzel logiques adaptée aux images. Par exemple, comment
diflêrent par le goût sait-on qu'un amas de pixels appartient à un même
mais aussi par la topologie. objet? Probablement parce qu'ils sont « collés » les uns
aux autres. autrement dit quïls constituent une compo-
En modéli sation 30 , qu ' il s'ag isse de sante connexe. Comment peut-on définir une connexité
représenter un bâtiment ou bien des
sur une grille ? Assez naturellement, en passant par la
couches géo log iques, il est primordial
notion d'adjacence. Deux pixels noirs appartiennent au
de connaître la topolog ie de ! 'agence-
ment des vo lumes qui constituent de même objet sïls sont voisins (adjacents) ou s'il existe
telles scènes. Quelle pièce dans un bâti - entre eux un chemin composé de pixels noirs deux à
men t est voisine de que lle autre? Quels deux adjacents. Ici, la connexité ressemble fort à une
blocs du sous-so l proviennent d ' une connexité par arc.
même couche géo logique initiale ? Mais qu'appelle-t-on des pixels « voisins »? Ceux qui
se rencontrent sur une arête ? Ou bien sur au moins un
Attention cependant , la to po log ie ,
sommet? Chaque pixel a-t-il quatre ou huit voisins? En
seule, ne pe ut ré pondre à toutes les
questions. Un donut et une tasse fait, pourquoi choisir? On peut définir les notions de 4-
avec une anse n'ont pas grand chose et de 8-adjacence qui, par extension, donnent naissance
en com mun si ce n'est qu ' il s sont à la 4- et à la 8-connexité.
topologiquement parfaitement équi va- Une autre propriété topologique importante est celle de
le nts' Et lorsqu ' un architecte modé li se Jordan- Brouwer : une courbe fermée se doit de séparer
la topologie d ' une tour par exemple,
l'espace en deux. Avec la notion d'adjacence, on peut
c 'est bien le plongement géométrique
(e ntre autres) quïl va lui associer définir une courbe comme un ensemble de pixels deux
qui déterminera si e ll e finira penchée à deux adjacents. Une courbe sera ainsi 8-connexe si les
co mme la tour de Pi se. pixels qui la composent sont 8-adjacents.
Il est donc toujours nécessa ire de com- On arrive au paradoxe. Sur la figure. l'ensemble des
biner l' utilisation de la topo logie avec pixels noirs forme une courbe 8-connexe. Sépare-t-elle
celle d ' informati ons d ' autres natures :
bien l'espace en deux composantes 8-connexes dis-
géo mét riqu es , co lo rim é triqu es,
tinctes ? Non ! Essayons avec la 4-connexité. Observons
mécaniques , sé mantiques.. . Et bi e n
so uve nt , l' ex perti se hum a ine reste les pixels blancs : ils forment bien deux composantes
indi spensab le pour obte nir le résultat
souhaité.
4-connexes distinctes. mais la
courbe qui les sépare n'est pas -,,.,,,,.-.
S.A.
4-connexe. Comment contour-
ner ou lever ce paradoxe ?
-,.,,;,,.,,,,,
. .

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS par Daniel Justens

lamé de de monte-Carlo
Hpplication à un inuestissement financier
Lorsque l'ensemble des paramètres d'un problème (par
ex emple la rentabilité d'un investissement financier) est
trop important ou ne peut être entièrement décrit, des
méthodes numer1ques statistiques deviennent les seuls
moyens de modéliser la situation. La méthode de Monte-
Carlo en fait partie.
à certaines idées Une application « théorique »
reçues, les mathé matiques ne au calcul d'intégrdles
constituent pas une science défi -
nitive, au sein de laquelle tous les résul - Parmi les méthodes numériques initiées
tats sont établ is une foi s pour toutes. de pui s que lques décennies et rendues
Bien au contraire, les maths sont en per- prag matiques g râce à l' in fo rmatique ,
manence e n construction. De nouveaux o n re trouv e la fa me use mé th od e de
résultats sont découverts chaque jour et Monte-Carlo mise au point vers 1947 par
complè te nt prog ress iveme nt le grand le phys ic ien gréco-améri ca in Nicho las
livre de nos connaissances . Constantine Metropo lis ( 19 15- 1999),
Tous les prob lè mes théoriques ne sont l' un des co llaborate urs de Jo hn vo n
donc pas résolus . Et il en est de même Ne um a nn ( 1903- 1957 ). C'es t a uss i
pour de nombreux problèmes pratiques Ni cho las Metro po li s qui fut l' un des
en manque de support mathé matique inve nteurs d ' un des tout pre miers ordi -
uti Iisable concrète ment. nateurs opérationnels qu ' il baptisa du nom
La grande complexité de certains cas de de MAN IAC (Mathe mati cal Analyzer,
fi g ure e n éco nomi e, en bi o log ie, e n Nume rical Jntegrator And Co mputer)
physique, en finance, fa it que nos mathé- pour coupe r court à la mode des acro-
matiques, toutes sati sfai santes qu 'elles nymes étranges qui désignaient ce genre
pui sse nt se mbl e r, s'a vè re nt souv e nt de mac hines . MANI AC I fut totalement
insuffi santes. C'est pour ce type de pro- opératio nne l dès 1952.
bl è mes que l' inform atique se révè le
d ' un secours inc roya ble ment utile. La méthode de Monte-Carlo s 'est révé-
lée particuli ère ment uti le pour le calcul
de certa ines intégra les portant s ur de
Quand des méthodes numériques suppléent très larges domaines, donn ant en pra-
à l 'absence de solution mathématique ... tique des rés ultats numériques nette-

i106 Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

me nt plus préc is que les méthodes clas-


siques déterministes (voir l' article de
Simuler une distribution uniforme
François Lavallou pages 98 à 103 du Considérons trois entiers (bien choisis) :
HS « Bibliothèque » 34 de Tangente A = 2051, B, = 2097153 et C = 4194304.
~onsacré aux stati stiques). On construit les nombres D = A X B1 puis D / C dont on
Mais ce tte m ét hod e es t éga le m e nt prend la partie entière E [D / C]. On redéfinit B2 (procé-
employée e n finance, domaine dans dure itérative usuelle en informatique) :
leq ue l e ll e permet de qu a ntifi er assez B2 = D - E [D / C] X C.
exacte me nt le risque pa r une approc he Le nombre x = B2 / C est bien compris entre o et 1.
statistique ada ptée. La suite de l'article On recommence alors la procédure à partir de B2 •
présente la méthode dans ce cadre par- Numériquement les résultats obtenus se distribuent assez
tic ulie r, e n li a iso n avec les mé thodes bien pseudo-aléatoirement de manière uniforme.
numériques implémentées . On peut visualiser le résultat en considérant le graphique
suivant dans le plan, reprenant 1000 points obtenus par la
Considérons un projet d'investissement suite (x,. x1001), .. . ' (x,ooo• x2000) .
de mont a nt co nnu , co ncré ti sa nt pa r
exemple le rachat d ' une entreprise. Que ls On imagine assez mal de faire ce genre d'opérations suc-
vo nt être les résultats de cette e ntreprise cessives sans l'appui de l'informatique. La simulation décrite
pendant les dix prochaines années , une peut être téléchargée sous formats XLS et ODS sur le site
durée qui corres pond par exemple à la www.infinimath.com.
durée max imale d ' utilisation de son outil On observe une
de production? En réa lité nul n 'en sa it répartition quasi
rien. Tout au plus di spose-t-on d ' infor- uniforme des
mations du passé, qui ne sont e n ri e n points. Notre œil
gara ntes des résultats futurs . est un assez bon
juge de l'uniformité
Ld modélisation statistique de la dispersion.
du problème

Po ur gére r ce type de problè me, on va sur un an comme la somme de ses résul-


consi dé re r que les résultats futurs de tats partie ls.
l 'e ntrep ri se so nt des variab les a léa- L'idée de l'équipe de Nichol as Metro-
toires de distributions connues. En effet, poli s a été de proposer de simu ler arti-
études de marché et résultats anté rie urs ficiellement un gra nd nombre de futurs
peuvent nous donn er une idée de la te n- possibles de l' e ntrepri se conformément
dance des résultats atte ndu s (moye nne) au c hoix de di stribution de probabilité
et éga le me nt de le ur niveau de varia- adoptée et ensuite de travaille r stati sti-
bilité (écart type). Reste à choisir un que me nt sur les résultats obtenus.
type de di stribution pour cette va riable La première difficulté consiste à repro-
a léato ire. Le théorème central limite duire artificiellement le hasard . On parle
co nduit souve nt à choisir une di stribu - a lors de variable « pseudo-aléatoire ».
ti on norma le . En effet, tout phé nomène L' idée de départ est de commencer par
qui est la somme d ' un grand nombre de si muler une di stribution uniforme sur
petits phé nomè nes aléatoires indé pe n- l' intervalle [0 , 1] à partir de calcu ls réso-
dants de variance finie es t di stribué lume nt déterministes. Le tableur Excel
normale me nt. Et l' on cons idère gé né- fournit un opérateur de ce type sous la
ra le me nt le résultat d'une e ntrepri se fonction ALEA().

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente


SAVOIRS La méthode de Monte-Carlo

Ma is o n pe ut e n co nstruire so i-mê me pui sq ue sa densité n' est pas intégrab le ?


assez fac ile me nt. L'encadré de la page Box et Mull er suggèrent de travai ller à
précéde nte déc rit un pe tit a lgor ithme deux dimensions e t de passer aux coor-
qui ne donne pas de trop ma uvais résul - données po lai res.
ta ts e t que c hac un pe ut impl é me nte r Le détail du calc ul est donné dans l' e n-
fac il e me nt sur son PC. cadré de la page sui va nte.
Nou s voici donc capabl es de s imul e r
aléatoirement (ou presque) une valeur dis- ne applicdtion « pratique »
tribuée uniformé me nt sur [O, 1] qui est au projet d'investissement
préc iséme nt l' inte rva ll e image de toute
fonction de répartition. En effet, pour Vo ic i l'applicati o n de ces résultats dans
une vari able a léatoire X que lconque, la le cas de l'exemple de l' acquisition d ' une
fonction de ré pa rtiti o n F quantifie la e ntrepr ise. On va s upposer que l' o n
proba bilité assoc iée à ! 'ensembl e des acquie rt une e ntrepri se pour le prix de
valeurs pou va nt ê tre pri ses par X et qui 10 U.M. (unité mo né ta ire) e t que les
sont infér ie ures o u éga les à X : résultats futurs po ur les dix années à
F(x) = P[w te ls que X(w) :S x] . ve ni r pe uve nt ê tre représentés par des
Fest une fonction croissante dont! ' image variables aléatoires normales de moyenne
parcourt l' inte rvalle [O , I]. 1,5 U.M. et d ' écart type 0 ,5 U .M.
Les mathématiciens George Edward Pel-
ha m Box et Me rvin Edgar Mulle r o nt On e ntre ic i dans l'univers incontrôlable
alors proposé vers 1958 de simule r toute des ca lc ul s in formatiques. Les résultats
va ri a bl e a léatoire à partir de la réc i- futurs de ! 'entreprise sont simulés se lon
proque de cette fonction de ré partition . les re lati o ns é ta bli es , créa nt a in s i un
Soit ALEA une variable aléatoire uni - grand no mbre de futurs possibles éga-
formément di stribuée sur [O , l] . Po ur le ment probables. Vo ic i un graphe pré-
une di stribution de proba bilité de fonc- senta nt tro is trajec to ires possib les dans
tion de répartition F, la valeur F 1(ALEA) l'espace des futurs co mpatibl es avec
s imul e une valeur numé rique co mpa- nos hypothèses.
tible avec la di stribution envisagée . Gra-
phique me nt , les c hoses sont visualisées
sur la fi g ure ci-dessous.

f(x ) 1.5

ALEA(\
2 > • 1 a g 10

Pour chaque trajecto ire , le futur de !'en-


trepri se est connu et le rendement asso-
cié peut être calculé. Toutes ces procédures
0 F ' (ALEA()) sont excl us ive me nt numé riques e t se
s itue nt dans le mo nde in fo rmatique .
Mai s que fa ire avec la distribution nor- En s imula nt ain si un millie r de futurs
m a le dont o n sa it qu e la fo nc ti o n de possibles e t e n y assoc ia nt les re nde-
répartition n' a pas une structure agréable me nts correspond ants, o n c rée une sta-

Tangente Hors-série n °52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

ti stique de re nde me nts que l'on pe ut


soumettre a ux méthodes usue lles d ' in-
Simuler une distribution uniforme
terprétatio n . Rappelons la fonction densité/(x) d ' une distribution nor·
Avec nos do nnées numériques , on aJTive male de moyenne met d'écart type a: ,
à une d istributi o n de re nde me nts dont l l(x-m)
f (x ) = - - e 2 o
la de ns ité observée est re présentée c i- o~
dessous . Le passage à une variable centrée réduite simplifie la
La moyenne stati stique va ut O,08154 e t x- m dx
présentation : z = - - donne dz = - .
l'écart type 0,02374. 0 0
Il fa ut donc s ' atte ndre à un re nde me nt Toute intégrale sur un domaine D se transforme en :
co mpri s e ntre 2 e t 14% avec fiabilité 1 _.!_(x-m)' 1 z'

95 % . f o o ~ e 2 o dx= ~ fo,e-Tdz .
En dimension 2 et en coordonnées polaires, on représente un
Densité de fréquence de la distribution des rendements
point (x, y) du plan en joignant ce point à l' origine, et en
mesurant d' une part l'angle entre ce segment et l'horizontale
(0) et d'autre part la distance entre le point et l' origine (r ).
On a: x = rcosO ety = rsinO (voir graphe en bas ci-contre).
r appartient à R+ et O parcourt l' intervalle [0, 2n].
Le changement de variables dans l' intégrale double impose
la multiplication par le Jacobien , déterminant de la matrice
des dérivées partielles des deux variables de départ relative-
0,02 0,0-4 0.06 0,06 0,1 0,12 0,14 0,16
ment aux deux nouvelles variables. Ici, il vaut :
iJx iJy
La méthode Monte-Carlo no us li vre ic i J - det iJr iJr = det I cosO sinO I=rcos2 0 + rsin2 0 =r.
un résultat in access ibl e a u moye n de iJx iJy -rsinO rcosO
- -
méthodes traditio nnelles mais que seule iJO iJO
une étroite co ll aborati o n e ntre les de ux L'intégrale double (sur un certain domaine D) de deux variables
domaines mathé matiques e t in fo rm a- normales réduites indépendantes x et y se sépare naturelle-
tique a re ndu possible. ment en deux intégrales simples : ,
D.J. 1 _.!_(x' +,') 1 -~
- ff'e 2 dxdy = -JdO'Jre 2 dr.
2nJJ 2H
La première quantifie une distribution uniforme de la variable
O sur l' intervalle [O, 2n] , ce qui est facile à simuler. Pour la
deuxième, il suffit de poser r2!2 =tee qui donne rdr=dt pour
arriver à une fonction intégrable dont l'image sur l'ensemble
des réels positifs est l' intervalle [O, 1], nous permettant à nou-
veau de recourir aux distributions uniformes :
r,înO
,,

,'
=
On pose donc O 2n x ALEA et e 2 = ALEA, soit
X r = .J-21n(ALEA). La simulation de variables normales
Représentation graphique d' un point réduites se fait alors au moyen de
en coordonnées polaires . z = sin(2nALEA) x .J-2ln(ALEA).

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS par rv

un site ou une messagerie


Les hackers peuvent être de simples passionnés
d'informatique, ils sont aussi bien souvent de redoutables
escrocs. Dans cet article, nous voyons comment ils utilisent
les faiblesses d'un système pour s'approprier un compte de
messagerie ou pénétrer un site interdit.
Principe général d ' une fonctionde hachage :
à partir d ' un message, elle réalise un résumé
qui est une suite de bits, ici traduite
en hexadécimal car c'est ainsi qu 'elle
a pparaît normalement comme,
pa r exemple, sur votre récépissé
de déclaration de revenus
en ligne.
IOA53F. ... C2 l I
fo nction de hachage rés umé

ous avez sans doute tous reçu

V
pas et , é ve ntu e ll e me nt , lui té lé ph o-
des messages du type : « Bon- ne rez . . . po ur vo us ape rcevo ir qu 'e ll e
jour es t c hez e ll e, bi e n lo in des so uc is .
J'espère que tu vas bien . J 'ai besoin de Ce rta in s s'y fo nt pre ndre et se fo nt
ton aide, j e suis en déplacement et je dé trou sse r, parfo is de qu elques mil -
me trou ve dans une situation très com- liers d ' e uro s ! Le bon se ns suffit pour
pliquée que j e voudrais t'expliquer. Je év ite r ce pi ège . No us no us inté res-
reste cependant connectée en attendant so ns ic i aux procédures s ui vies par
ta réponse, puisque j e ne suis joignable les escrocs pour s' approprier le compte
que par mail. » de messageri e d 'a utrui , et co mme nt
Ce message est signé d ' une amie et pro- l 'e mpêc he r. Po ur le co mpre ndre, il
vi e nt de son adresse é lec troniqu e . Si fa ut savoir comme nt les comptes so nt
vous êtes prude nt , vou s n ' y répondrez protégés .

Tan.9cn Hor 11e n 52 Math mat1que & mform. qu


CHANGER LE MONDE

Hacher pour cacher diffic iJe de trou ver


un autre message
Pour utili ser un compte de messagerie, aya nt le m ê m e
il fa ut son identifiant et son mot de passe. résumé. Si ce n'est
Le problème du hacker est de trou ver pas le cas, connais-
votre mot de passe. Il ex iste deux types sa nt un de vos
de méthodes pour cela. La pre mière est contrats signés, on
l'espionnage de votre ordinateur. Cela peut e n fabriquer
peut être fa it à partir d ' un virus (spy- un a utre e t pré-
ware) ou d' un dispositif physique. Ce der- te ndre que vo us Ivan Damgârd.
nier cas est peu probable, sauf si vo us l'avez signé, pui s-
ê tes parti culi èreme nt c ibl é. L'espi o n qu ' il a le mê me rés umé ! Cette résis-
envo ie à une adresse toutes vos frappes ta nce es t nécessa ire po ur év it e r la
au clav ier et , parmi ell es, se trouveront contrefaçon .
tous vos mots de passe. L'autre faço n Enfin , un e fo ncti o n de hachage do it
est de chercher directement chez votre ass urer la résistance aux collisions. Il
serveur de courrier. Bien entendu , par pru- do it être di ffic ile de trou ver deux mes-
dence, votre mot de passe n'y est pas sages ayant le même résumé. Si ce n'est
stocké en c lair. pas le cas, il est poss ibl e de vo us fa ire
L'élément technique utili sé po ur coder signer un contrat et de préte ndre que
un mot de passe es t une fonc tion de vous en avez signé un autre puisqu ' il aura
hachage. li s'ag it d ' un e a ppli cati o n le mê me rés um é. Re marquez qu e la
tra nsformant un texte, par exemple un rés istance aux co lli s io ns implique la
mot de passe ou un contrat, en un résumé rés istance à la seconde pré- image . En
de longueur fixe, que certains nomment ce qui concerne les mots de passe, nous
« hac hé » car la structure de ces fo nc- nous intéressons seulement à la résistance
tions fait effecti vement penser à la tech- à la pré- image.
nique de certa ins chefs pour découper Ces prin c ipes é ta nt posés, co mm e nt
les o ignons. réaliser une fonction de hachage ? Comme
Ces fonctions doivent répondre à quelques souvent en informatique, l' idée est de la
impératifs de séc urité. To ut d 'abo rd , construire de faço n progress ive. lmagi-
co mme les rés um és so nt co nnu s o u nons que nous disposions d' une fo nction
fac il es à découvrir, il s ne do ivent pas h fo urni ssant un résumé sûr de 128 bits
permettre de remonter aux ori g inaux. d ' un message de 256 bits. On découpe
Dans le cas co ntra ire, ce la po ur ra it alors le message donné M en blocs de
entraîner des fa lsifica tions. Cette pro- 128 bits : M I' M 2 , etc. On combine un
priété indi spensable est la résistance à message initial de 128 bits à M I pour
la pré-image. Ce terme vie nt du lan- obte nir, grâce à h, un résumé de 128
gage mathé matique assoc ié aux fo nc- bits, que l'on combine à M 2 . On obtient
tio ns. Le rés umé es t ic i l ' im age du un nouveau résumé de 128 bits, et on
message par la fo nction de hachage qui , recommence avec M 3 . En continuant
lui , est la pré- image du résumé. ainsi, on obtient un résumé final de 128
Cette rés istance ne suffit pas pour év i- bits, c'est-à-dire une fonction de hachage
ter la fa bri cation de fa ux. Une bonne H résumant tout message en 128 bits (voir
fo nction de hachage doit également assu- le graphique ci-contre e n haut) .
rer la résistance à la seconde pré-image. R a lph Me rkle e t Ivan Da m ga rd o nt
Co nn a issa nt le message, il do it être m o ntré qu e s i h es t rés is ta nte a u x

Hors sene n 52. Mathemat1ques & informatique Tangent 111


Pirater un 1t ..

Message découpé Q [+J ~cp


~~!~:i: - 0-0- - 0-0- Résumé

Construction de Merkle-Damgard. Le message est découpé en blocs de 128 bits


puis on résume succesivement des chaînes de 256 bits en partant d ' une chaîne
arbitraire, dite la valeur initiale. Bien entendu, le procédé est généralisable
en remplaçant 128 par tout autre nombre .

co lli s ion s a lo rs H ! 'est a uss i ! On peut retrouver le mot de passe par recherche
réa li ser une te lle fonction de hac hage au ex ha ust ive (o n dit aussi « par force
m oye n d'un c hiffre m e nt par blocs, brute »). S ' il s ' ag it de SHA-1, il est
comme le code AES (Advanced Encryp- mieux protégé . Une faço n toute s impl e
tion Standard), pui squ ' il combine une de casser un mot de passe est d'essayer
clef secrète de 128 bits à un bloc de 128 tous les mo ts de passe c lassiq ues. li
bits pour obtenir un bloc de 128 bits. 11 ex iste ainsi des dictionnaires de mots de
suffit d'introduire la clef secrète comme passe usue ls : mots courants de la langue
vale ur initi ale de l' itération . La fonction nata le de l' utili sateur (comme « mai-
de hac hage obtenue est a uss i rés istante son » o u « objet »), prénoms, suites de
que le chiffre ment utilisé. L'ennui est que c hi ffres « log iques » comme 123456,
I' AES o u les fonctions de c hiffre me nt mots spéciali sés et ra res du domaine de
e n général sont longues à calculer. C'est ! ' utili sate ur com me « aca ta lectique » ,
pourquo i on a introduit des fo nctio ns etc. Les hackers utilisent a insi un grand
de hachage plus rapides , tels MD5 (Mes- no mbre de dictionnaires que l'on peut
sage Di ges t) s ur 128 bits o u SHA-1 trou ve r sur Internet.
(Sec ure Has h Algorithm) sur 160 bits, Pour év ite r le cassage par dictionnaire ,
qui utilisent des chiffrements simplifiés. il est nécessa ire d ' utili ser des mots de
Ma lhe ure useme nt les clefs des c hiffre- passe qui ne peuvent y figurer. Il est
me nts sont trop courtes , ce qui autori se prudent a uss i d ' en avo ir un différent
une attaq ue exhaustive. Le nombre de cas pour c haq ue compte et site utili sé. Une
à analyser pour MD5 est de 2 16 , ce qui idée simpl e pour ce faire est de partir
est devenu beaucoup trop faible à l'heure d'un mot et d'un no mbre , et de les mixer
actuelle. Pour SHA-1, il est de 26() , ce qui différemment pour chacun de vos comptes,
pe ut être atteignable e n me tta nt un très mai s de faço n log ique pour vo us. Par
gra nd no mbre d'ordinateurs e n réseau. exe mpl e , si vo us utili sez Tangente et
Il est possible d 'amé liore r ces attaques. votre date de naissance 25 12 / 993, vous
Cependant, SHA-1 est encore considéré po uvez les marier se lo n plu sieurs lo is,
comme re lative me nt sûr. que vo u s pouvez même noter. Par
exemple, 1-2-3-4-3-2- 1 donne :
Recherche du mot de passe T25angl219ent93e. Cec i n 'est qu'un
exemple , e t il est év idemment possible
Le hacke r di s pose do nc du hac hé de de compliquer à lo is ir la méthode !
votre mot de passe a ins i que de la fo nc-
tion de hac hage utili sée . Si MD5 est au H. L.
cœur de cette fo nction , il est possible de

Tang ene n 52 Mathemat1que & mformat1qu


par Herve Lehnmg EN BREF

Une brèue histoire d'Internet


Le mvthe des origines
Arpanet, l' ancêtre d ' Internet, naquit en pleine guerre froide, en
1969. Sa structure décentrali sée aurait eu pour but de résister à une
destruction partielle du réseau, due à une attaque nucléaire. Cette
légende est contredite par le fait que les premiers sites d ' Arpanet
étaient des universités , des sites de recherche et des entreprises et
non pas des sites militaires. L' ori gine de ce mythe semble être un
ra pport sur le sujet, écrit par Paul Bara n, parfoi s présenté comme à
l' ori gine d ' Arpanet, mais dont le projet fut un échec.

Louis Pouzin, né en 1931,


précurseur d ' Internet.
Les protocoles IP, très proches
des datagrammes de Louis
Pouzin, sont destinés à assu-
rer le transfert des commu-
nications à travers Internet.
Conçus en 1974, ils devinrent
la règle en 1983. Contraire-
ment au réseau téléphonique,
leur particularité est de ne pas
fixer le chemin du transfert à
l'avance. La communication
passe par le chemin le moins
saturé. Le principal défaut
connecte. La gestion des rieux ! Cela amène même à des
de ce système, aujourd'hui
noms de domaine, comme dysfonctionnements dangereux.
vieillissant, est d'avoir été
www .infinimath.com, est Par exemple, en juin 2014,
conçu sans le moindre souci de
faite par une soc iété privée l' ICANN désire vendre au plus
sécurité. Autrement dit, avec
de droit californien créée offrant les noms de domaines de
ce protocole, si l'on souhaite
en 1998, l' ICANN (Internet suffixes« vin» ou« wine ». Ain-
avoir un minimum de sécurité,
Corporation for Ass igned si, un particu lier en Australie,
il est nécessaire de chiffrer les
Names and Numbers), ce ou ai lleurs, pourrait acquérir le
messages!
qui est pour le moins eu- domaine www.bordeaux.vin ou
www .champagne.v in sans
La gouvernance respecter les indications
d'Internet géographiques protégées.
La gouvernance d ' Internet
concerne essentiellement l'at-
Est-il légitime qu ' une
tribution des ad resses IP et des
société californienne vende
noms de domaines . Les adresses
le nom de domaine
IP sont attribuées automatique-
www .bordeaux. vin
ment par le réseau où l'on se
au plus offrant ?

dthemdt1ques & 111format1que Tangente


ACTIONS par N. Anciaux et B. Nguyen

limiter la collecte des données personnelles


Un prob em ·uridi ue nP- ifficile
Oui, un problème mathématique tout à fait théorique à
l'origine peut avoir une application très pratique! La preuve
avec le problème de n-exposition, qui concerne la collecte de
données personnelles, et la problématique de l'attribution
d'aides sociales. Un défi basé sur des données réelles est
proposé aux lecteurs.
de protection des don- En effet, la lo i de 1978 énonce dans ses
nées personne ll es ex iste de pui s a rti c les 6 (s ur la co ll ec te et co nserva-
lo n g te mp s . En Fr a n ce, p a r ti o n des do nn ées) et 7 (s ur le co nsen-
exemple, la loi relative à l' informatique, te me nt) les co nditi ons de li cé ité d'un
aux fichi ers et aux libertés, dite loi infor- tra ite ment (in fo rmatique). On vo it que
matique et libertés, date de l 97 8 et pose la.finalité du traitement doit être « déter-
l'ex istence d ' un certain nombre de prin- min ée, explicite et lég itime » , qu e les
cipes fond amentaux liés au traitement des do nnées tra itées d o ive nt ê tre « adé-
données personnell es, protégeant ain si quates, pertinentes et non excessives ».
la v ie pri vée des c itoyens . Parmi ces mai s éga le me nt « exac tes e t co m -
nombre ux princ ipes, l' un d 'entre e ux plètes ». En d'a utres termes . il n'est pas
rég it le traitement des données person- léga l d e co ll ec te r des d o nn ées sa ns
ne lles : la co llecte limitée de données savo ir si e lles seront util es o u pas pour
pe rso nne l les e n vue d ' un traite me nt le process us. Or, nous allons vo ir que
informatique (voir en encadré). ce princ ipe (j uridique) de minima lité
des do nnées tra itées est très di ffic il e à
Traitement des données personnelles mettre en place de manière pratique pu is-
qu ' il pose des problèmes mathématiques
Un traitement de données personnelles est un terme (in fo rm atiques) compl exes : il est en
général, correspondant à un traitement automatique e ffet NP-diffi c ile de déc ide r, co mpte
(informatique) ou non portant sur des données per- tenu d ' un traitement modé li sé sous la
sonnelles, quel que soit le procédé utilisé, et notam- forme de règles logiques permettant une
ment la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la pri se de déc is io n multi c ritè re , si un
conservation, l'adaptation ou la modification, l'ex- ensemb le de données collecté est min i-
traction, la consultation, l'utilisation, la communi- mal o u no n.À un pro blème de déc ision
cation par transmission, diffusion ou toute autre NP-comp let (vo ir )'artic le consac ré à
forme de mise à disposition, le rapprochement ou ce thème dans ce hors-série) qui cherche
l'interconnexion, ainsi que le verrouillage, l'efface- à déterminer s' il ex iste une so lution de
ment ou la destruction. ta ill e n à un pro blème, on pe ut lier un
probl ème d 'optimi sati on qui cherche à

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

ca lcu le r la plus petite va le ur acceptable


pour n ; ce nou veau problè me est qua-
Un exemple de prêt bancaire
lifié dans ce cas de NP-difficile, et sa Règles de collecte :
résolution est au moins aussi coûte use r 1 : (p 1 IIP,) V (p 3 11p4 ) ::::} c1

que la résolution du problème de déc i- r 2 : (p 5 llp 6 11p7) V (p 4 11p8 11p9) ::::} c2


sion NP-complet assoc ié . r 3 : (p 1 11p6 11p7) V (p 2 llp4 llp, 0 ) ::::} c
3
r4 : (p 2 11 p 5 11p6 llp 7) V (p 1 11p4 11p8 11p9) ::::} c4
Pour illu s tre r le probl ème, pre non s avec
com me exempl e de traite me nt automa- p, : revenu_annuel > $30.000, p 2 : patrimoine > $100.000,
tique de données personnelles un système p 3 : nantissement > $100.000, p 4 : assur_vie = 'oui',
informatique permettant d 'attribuer des p 5 : taux_impots > 10 %, p 6 : marié = vrai,
prêts bancaires personnalisés. Une banque p 7 : enfants > o, p 8 : edu = 'université',
propose des prêts à la consommation de p 9 : age< 30, p 10 : frais_sinistres < $5.000
5 000 dollars à 10 % sur troi s ans, per- et
sonnali sables selon quatre critères: mon- c, = prêt_élevé, c2 = taux-5 %,
tant plus é levé du prê t , réduction du c3 = prêt_long, c4 = assurance_réduite.
taux. a ugmentation de la durée de re m- Assertions Client :
boursement et réduction de l'assurance as, : revenu_annuel = $35.000, as 2 : patrimoine = $150.000,
liée au prêt. La déc is ion d 'attribuer c ha- as 3 : nantissement= $175.000, as4 : assur_vie = 'oui',
cun de ces quatre critè res est prise sur as5 : taux_impots = 11.5 %, as6 : marié = vrai,
la base d'un ensemble de règles logiques, as7 : enfants = 1, as 8 : edu = 'univ',
dit modèle métier de la banque, expri- as9 : age = 25, as 10 : frais_sinistres = $250.
mées avec des variables Boolée nn es
bk.ij ' o ù chaque règle r k permettant d 'ob-
tenir un bénéfice ck est en forme nor- as 3 ... supposées de la forme attribut=
male disjonctive, et où certa ines variables valeur, tel que cet ensemb le permet de
booléennes bk.i j interv ienne nt dans plu- prouve r que le corps de la règ le
sieurs règles. Dans l'exemple de l'encadré (p 1 11 p 2 ) v (p 3 11 p 4 ) est vrai.
c i-contre,on ab1.1. , =b3 .1., =b4 2 ., =p, , Dan s l'exemple ,as 1 =}p"as 2 =} p 2 ,
b 1., .2 =b32 . 1 =b4 .1., =p 2 et a insi de suite . as 3 ::::} p 3 et as4 ::::} p 4 . Il est donc évi-
Il est intéressant de noter que, dans de de nt que le corps de règle r I est vrai, et
nombre ux cas, les règ les sont issues de donc que ce client peut bé néficier d ' un
techniques de fouille de données (data montant de prê t plus é levé. Toutefoi s, il
mi11ing) sur la base de décis ions pri ses est inutile que le client transmette l' in-
précédemment par des ex perts. tégralité de ces informations pour béné-
ficier de cet avantage (on dit éga lement
Considérons la règle r 1 : qu ' il expose ces informations) . Il est en
(p I Il P2) V (p 3 Il p 4) ::::} C 1· réalité nécessaire et suffisant de ne trans-
Elle ex prime le fait qu ' un c lie nt peut mettre que {as"as 2 } ou {as 3 ,as4 } afin
o bte nir un prêt plus é levé (l'avantage de lim iter la co llecte de données per-
c 1) si son revenu annuel est supé rie ur à sonnelles (pour simplifier, on considère
30 000 $ e t s i son patrimoine est supé- que chaque attrib ut a la même sensibi-
rieur à IOO 000 $ ou bien s' il possède une lité qu ' un autre ; il est ainsi aussi « pro-
ass urance vie et un nanti ssement supé- blématique » pour le client de transmettre
rieur à IOO 000 $. Afin de bé néficier de son âge que son adresse). On préfère
cet avantage, un client doit ex poser un donc transmettre le plus pe tit nombre
e nsemble d'assertions logiques as 1, as 2 , d'attributs.

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS Un problème juridique...

l'article &de la lol lntomauaue et llllenés On se donn e un e nse mbl e de règ les
R = {ri' r 2 , r 3 ... } , un ense mble d'as-
« Un traitement ne peut porter que sur des données à carac- sertion s data 11 = {as I' as 2 , as 3 .. . asq} te l
tère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : que tou s les rk sont vra is , un ensemble
de variables booléennes
1) Les données sont collectées et traitées de manière loyale B = {/Jpp 2 . . . Pq} te l que
et licite; p 111 =vrai<=> as,,, est transmi s, et enfin la
2) Elles sont collectées pour des finalités déterminées, expli- formule boo lée nne de ! ' e nse mbl e de
cites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement règles R, notée~ = 11k(v;(11i k;)) où , quels
de manière incompatible avec ces finalités. Toutefois, que soient les indices k , i et), bk.i j E B.
un traitement ultérieur de données à des fins statistiques On dit que data,, est n- exposable par
ou à des fins de recherche scientifique ou historique est rapport à R si, et seulement si, il ex iste
considéré comme compatfüle avec les finalités initiales une affectation de valeurs boo léennes
de la collecte des données, s'il est réalisé dans le respect aux variables de B te lle que ~ est vraie ,
des principes et des procédures prévus au présent cha- et le nombre de p 1, p 2 .. • p q prenant la
pitre, au chapitre IV et à la section 1 du chapitre V _llinsi valeur vraie est inférie ur n.
qu'aux chapitres IX et X et s'il n 'est pas utilisé pour
prendre des décisions à l'égard des personnes concernées ; Pour les données présentées dans l' en-
3) Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard cadré précédent , on peut fac ilement véri-
des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de fi er que la soluti on
leurs traitements ultérieurs ; T a= {P 1 = V,P2 = Y, p 3 = F,p4 = F,
4) Elles sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour ; Ps = V, p 6 = V,p7 = Y, ps = F,p9 = F,
les mesures appropriées doivent être prises pour que les p 10 = F} valide bie n ER, et donc que R
données inexactes ou incomplètes au regard des finali- est 5-exposable. Pour montrer que 5 est
tés pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient bien la plu s petite valeur acceptable,
effacées ou rectifiées ; une manière est de tester toutes les affec-
5) Elles sont conservées sous une forme permettant l'iden- tations ayant quatre valeurs vraies (il en
tification des personnes concernées pendant une durée ex iste Cio so it 2 10) , et montrer qu ' au-
qui n 'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour cune ne convient.
lesquelles elles sont collectées et traitées.
li est poss ible de montrer que ce pro-
bl ème, dans sa généralité , est NP-com-
S ' il n'y a qu ' une seule règle de collecte, pl et , en se fondant sur une réducti on à
le problème est simple: il suffit de trans- un problème assez connu en log ique : le
mettre la conjonction impliquant le moins problème de satis.fiabilité minimale avec
d 'attributs. Le problème devient plu s pondération (ou Min Weighted Sat). On
difficile lorsque le client souhaite béné- défi nit le problème d 'optimisation asso-
ficier de plusieurs avantages ck si mul - c ié, qui cherche à trou ve r le plu s petit
tané ment. nombre d 'é léments de B (on notera m
Afin de définir formellement le pro- cette vale ur) qu ' i I fa ut fi xer à vrai pour
blè me mathé matique de la minimi sa- que ER so it vraie. Le problème d ' opti -
tion des données co!Jectées (dit également mi sation est NP-difficil e, ce qui signi -
problème den-exposition) , posons fie qu ' il peut être très coûteux de trouver
ER= llk (rk) = 11k (v;(llik.;)), appe lée for- le rés ultat exact à cette questio n pour
mule booléenne del' ensemble de règles . de grandes valeurs de m. Pour ca lculer
Le problème s'énonce formellement de la solution exacte du problè me , on pe ut
la manière suivante : utili ser une méthode de force brute,

ri 16 Ta.ngente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

• • • e lIJ•
~o=lallO m.r.m,~
Formulaire vierge IÏTil (.: .M
et règles de collecte IIDIIJ >J!lr
~ ~~ssusde~
Processus de lfl///1} dec1S1on

L1o:1~~?~~ 1
décision
0 ~ormulaire Formul<l: @
complet minimal
~ ~Mi - .-n-i nu
- .s-a-ti-o -n
® ~ ~J
Offre de service 6 du contenu

Offre de mv;ce

Processus classique Processus à exposition minimale.


Le demandeur renseigne l'intégralité du formulaire Les informations renseignées par le demandeur sont
d'application, transmettant ainsi toutes les minimisées conformément aux règles de collecte, ce qui
informations identifiées comme ayant un impact conduit à prendre la même décision, à partir d'un
potentiel sur le processus de prise de décision. formulaire contenant (beaucoup) moins d'informations.

Processus de prise de d écision à exposition minimale d ' information.

IPPllcaU• : l'IUrlbutlan de ra1111 IDCIIII


En France, les Conseils généraux sont responsables d'attribuer une aide sociale aux penonnes dépendantes,
sous forme de support financier, matériel.ou humain. L'aide est aollicit& au travers d'un ensemble de for-
mulaires à renseigner décrivant la situation précise de la penoDQe ~ et comportant plusieurs cen-
taines de champs à saisir avec l'aide de son médecin, de son llll8istant social et de son entourage. Ainsi, les
Conseils généraux peuvent traiter chacun plusieurs dizaines de millien de cJenumcJ- par an, œcessitant l'in-
tervention de centaines d'employés dépouillant les fonmdaires pour extraire et vérifier les informations, et
décider de la forme que devra prendre l'aide afin de répondre au mieux à la situation du requérant. Un pro-
cessus identifiant, en amont du traitement de la demande, l'ensemble minimal d'assertions permettant de
conduire à la décision limite la quantité de données personnelles exposées par le requérant conformément
à la loi, et accélère le traitement des demandes.
Le défi. Voici un jeu de règ)es construit avec l'aide du Conseil général des Yvelines, impliquant 440 prédi-
cats et 63 bénéfices potentiels. Les données sont factices pour des raisons de confidentialité, mais respectent
la topologie des règles réelles. Ces règles ont été transposées au format AMPL (données disponibles sur le
sitehttps://project.inria.fr/minexp,l.rubriqueauillenge).LesolveurCowmneJanœsurlamodélisaticm.non
linéaire ne parvient pas à trouver une solution minimale, m&me apres plusiemsjoura de fonctionoemeot. L'al-
gorithme RAND" permet d'obtenir une solution en quelques secondes (230êlêmentssontconsenés sur 440,
avec N =1 ooo, et 215 éléments avecN=tooooo). Cetteaolutionsesitueprobablement assez loin de la solu-
tion optimale. Nos lecteurs sont bmtés à développer-d'autres aJgoritbmes basétsardes heuristiques plus effi-
caces, permettant de parvenir à une solution phis proche de l'optimale, tout en restant très rapides !

Références
• Exposition minimum de données pour des applications à base de classifieurs. Nicolas Anci aux, Benjam in Nguyen et Mi chali s
Yazirgianni s. Ingénierie des Systèmes d 'inf ormation 18(4) , 20 13.
• Le dé fi : https://project.inri a. fr/minex p/, rubrique Challenge (en anglais).

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tcingente 117i


ACTIONS Un problème juridique ...

Un exemple de programme en AMPL Une au tre ma nière de fa ire est d' uti li -
ser un o util de réso luti o n exact de pro-
var b1 binary; var b2 binary; ... var b10 binary; bl è mes d'o ptim isati o n . Le prob lème
minimize EX: do it alors être écrit da ns un langage par-
b1 + b2 + b3 + b4 + bs + b6 + b7 + b8 + b9 + b10; tic u Iie r : le la ngage A MPL ( la ngage de
subject to modé li sati o n po ur la progra mm ati o n
n : b1*b2 + b3*b4 >= 1; mathé matique), qui perme t d · exp ri me r
r2 : b5*b6*b7 + b4*b8*b9 >= 1; une fo nc ti o n à minimi ser pa r rapport à
r3: b1*b6*b7 + b2*b4*b10 >= 1; un ensemble de variables (ic i les prédicats
r4: b2*b5*b6*b7 + b1*b4*b8*b9 >= 1; booléens) et de contra intes (ic i les règles).
U n exe m p le d ' un te l progra m me est
donné en encadré. Les contraintes contien-
L'algorithme approché RAND* ne nt des multipli catio ns, ce qu i re nd le
p ro bl è m e no n- lin éa ire. Ta nt qu e le
Entrées : ensemble de K règles r k contenant q prédicats no mbre de variables n'est pas trop impor-
distincts P; tant (di sons une centa ine), ce programme
nombre de passes N peut être résolu par des logic ie ls comme
Sortie : meilleur ensemble de valeurs de vérité P; trouvé Coue nne (po ur Co nvex over and under
Variables: p_optimal, un tableau de q booléens e nve lo pes fo r no n- linea r es tim atio n .
x, une variable de type entier di spo nibl e e n li g ne e t open -source).
l. Mettre à VRAI toutes les valeurs de p_optimal;
2. Pour compteur allant de 1 à N faire Une de rniè re approc he est de pro poser
3. Mettre toutes les valeurs de P; à FAUX des a lgo rithmes de compl ex ité po lyno-
4. Pour k allant de 1 à K faire miale, et donc fac iles et rapides à calculer,
5. x - une valeur aléatoire comprise entre l pe rmettant de trouve r un résultat appro-
et le nombre de disjonctions dans r k c hé de la so luti o n . L'encadré qui suit
6. Pour j allant de 1 au nombre de prédicats dans la do nne l'exemple d ' un a lgo rithme a léa-
J!111• disjonction de r k faire to ire, no mmé RAND *, très s impl e, qui
7. mettre à VRAI la valeur du prédicat P; pe rme t de ca lcule r une soluti o n accep-
correspondant à b k.xj table au problè me, e n gé néra nt a léato i-
8. FinPour re me nt N solutio ns acceptabl es, pui s en
9 . FinPour c ho is issa nt la me ill e ure . To utefo is, la
10. Si le nombre de prédicats P; mis à VRAI est plus petit que minima lité de la so luti o n n'est auc une-
le nombre de prédicats p_optimal; mis à VRAI, alors me nt garantie !
11 . Pour i allant de 1 à q faire
12. p_optimal; - P; Le lecte ur est in vité à c he rche r d 'autres
13. FinPour a lgorithmes po ur résoudre le problè me
14. FinSi de mani ère approchée, et à comparer, à
15 . FinPour te mps de calcul égal, le ur qua lité avec
16. Retourner la liste des p_optimal; l' algorithme naïf RAND*. A insi, on voit
que le problè me de limite r la collecte
de do nnées est compliqué, pui sque la
c'est-à-dire teste r to utes les so luti o ns simple identification d' une donnée poten-
poss ibles : il y e n a très exacte me nt 2<i ti e ll e me nt util e est un pro bl è me in fo r-
o ù q re présente le no mbre de prédicats matique di ffic il e et coûte ux e n te mps !
booléens du problè me. Le coût de cette
mé thode est do nc haute me nt pro hibiti f. N.A.&B. N.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


par Maxime Audouin

L'intelligence artificielle pour jouer aux échecs


Deep Blue, le premier
à battre les champions
Alan T uring et C laude Shannon ont commencé
Le logiciel
da ns les années 1950 les premiers travaux
Chess
sur l' intelligence artific iell e appliquée au jeu
sur iPad.
d'échec. Mais c'est à la fin des années 1990
qu' IBM marqua l' hi sto ire en créant Deep
Blue, une mac hine conçue spéc ifiquement
pour jouer à ce je u. E n 1997 , avec la victo ire de
Deep Blue sur le célè bre champion Kas parov,
une machine se cl assait devant les humains
lors d ' un tournoi du plu s haut ni veau.
Si on compte les plateaux d'échecs sur les-
Depui s, de nombre ux progrès ont été réa li sés,
quels ont été joués moins de huit coups, on
permettant de mettre au po int plusieurs
obtient déjà 84 milliards de plateaux. Ce qui
programmes solides qui fo nctionnent sur
veut dire qu'il faudrait faire 84 milliards d'ap-
des machines personnelles (ordinateurs ou
pels à la fonction de recherche pour simuler
téléphones) et qui battraient aujourd ' hui
seulement huit coups.
Deep Blue. Ces progrès sont du s à de grandes
Malgré la puissance de calcul des ordinateurs
avancées importantes en algorithmique.
modernes, ce nombre est trop grand : l'intel-
ligence artificielle mettrait trop longtemps
à jouer. Il existe heureusement un grand
nombre de raffinements, dont le plus connu
l'algorithme du logiciel Chess est l'alphabeta .
La société Magma Mobile a suivi les traces de
Deep Blue pour développer Chess, son Intel- Le temps de calcul de cet algorithme dépend
ligence Artificielle pour téléphone, disponible évidement de la profondeur et du nombre de
sur http://m.magmamobile.com/Chess/ coups par plateau, mais aussi de l'ordre de
Les programmes d'échecs reposent tous sur le recherche des coups. Il permet néanmoins de
même principe : une fonction qui peut don- parvenir à un résultat en un temps acceptable
ner: pour les joueurs.
• une estimation de la valeur d'un plateau
(l'estimation du plateau peut être le nombre L E PROGRAMME « RECHERCHE »

de pièces blanches pondérées par leurs va-


fonction recherche (p; plateau)
leurs moins le nombre de pièces noires pon- si la partie est.finie alors renvoyer le score
dérées par leurs valeur). sip = oalors
• une fonction de recherche (voir en encadré renvoyer une estimation du score
soit max = +oo
le programme). Cette fonction simule chaque
pour tous les plateau; faire
mouvement possible sur le plateau, et se rap- soit score = - recherche(p - 1; plateau)
pelle récursivement. Quand elle arrive à une max = max(score; max)
profondeur donnée ou à une fin de partie, elle fin
renvoyer max
décide d'une valeur à renvoyer.

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS par J. Nicolas, C. Belleannée et F. Coste

le langage des molécules


du uiuant
Les textes du génome des êtres vivants affluent. Il ne reste
plus qu'un détail : en comprendre le sens ! Les outils informa-
tiques doivent aller plus loin que la reconstitution des mots :
comprendre comment leur assemblage sera interprété par les
machines quijouent un rôle prédominant dans les cellules vi-
vantes.

Les auteurs epui s une quinzaine d 'années, Le déferlement des do nnées


sont chercheurs
à IRISA / INRIA
Centre de Rennes
D la bio logie di spose de moyens
d 'observatio n sans précédent
pour accéder au ni veau moléculai re
génomiques concerne non seulement
le code des chro mosomes humains
- obtenu en 2003 - , mais également
Bretagne Atlantique. le plus intime à l'ensemble des celui d' un nombre croissant
informations présentes dans une cellule. d 'organi smes, des plus petits, les viru s
La question centrale de la biolog ie et les bactéries, aux plu s gros comme
est de passer de cette info rmation l' éléphant afri cai n. À la base, il y a
de bas ni vea u à la compréhension donc la cellule, la brique de base de
des fo nctio ns essentielles du vivant : tout organisme vivant, et au cœur de la
la reproduction, I'autoréparation, cellule, ces longues mo lécules d 'ADN
l'organi sation en structures emboîtées qui forment les génomes et qui recèlent
à l'aide de membranes isolant les toutes les données nécessaires à la
systèmes cruciaux, et enfi n l'évolution maintenance et à la reproduction de ces
et l'adaptation au milieu de vie qui cellules .
permettent aux organi smes d 'affronter En termes mathématiques, un génome
des conditions d 'environnement très pe ut être vu de manière simpli fiée
variées. comme une (grande) séquence écrite
sur un a lphabet à quatre lettres, les
les données génomiques : bases a, c, g et t. C'est un peu plus
Voyage non, HRn et protéines compliqué, la séquence est orientée
(le texte a un sens de lecture) et c 'est
au cœur M ais de que lles informations dispose- un age nt double : I'A DN a deux brins
des cellules. t-on exacte ment ? enl acés, qui sont codés de manière

Tc:ingente Hors-série n°52. L'informatique


totalement complémentaire, c'est-à- g et u. Simple brin cette fo is et plus
dire en sens opposé et en associant les court, il peut se replier dans l'espace
lettres qui se fo nt face selon un schéma en s'appariant sur lui -même (paires
ri gide de paires a-t ou g-c. a-u ou g-c) et prendre des formes
variées caractéri stiques de sa fo nction .
Nous savons maintenant que On sait maintenant observer finement
l' informati on nécessaire à la la présence d ' ARN dans les cellules.
compréhension des comportements La structure spatiale est difficil eme nt
vivants est loin de s'arrêter aux access ible ex périmentalement et on
chromosomes. La molécule d 'ADN s'appuie en général sur la modé lisation
est une sorte de conservatoire, mathé matique pour la découvrir.
elle code et retient l' info rmation Il nous fa ut évoquer enfin le troi -
héréditaire comme un notaire ve ill ant sième grand type de (macro-)molécule
sur le patrimoine de ses cl ients, des cellules, les protéines, qui sont
mais il fa ut bien avo uer qu ' elle les agents à tout fa ire de la cellule :
n' est pas très acti ve. Une première e lles ont un rôle structu rel, e ll es s'oc-
molécule sembl able à l'A DN mais cupe nt du transport des molécul es, de
beaucoup plus dynami que est l'ARN , la signali sati on des évène ments exté-
probablement apparue très tôt dans la rieurs, de la mobilité, e lles catalysent
soupe primordiale de molécules ayant les réactions chimiques et régulent
condu it aux fo rmes de vie terrestre. l'ex pressio n des gènes. Les proté ines
Les molécules d ' ARN sont les agents sont produites par traducti on d ' un type
de trad uction du message génétique d ' ARN dit messager. Les textes en
en mesures concrètes et adaptées à résultant sont codés sur un alphabet,
l' intérieur de la cellule. Ain si, les les acides aminés (une vingtaine de
segments d' ADN d'une entité appe lée lettres) et ne dépassent pas quelques
gène pourront donner naissance à milliers de caractères. Les propriétés
diffé rentes vari antes en ARN (appe lées phys ico-chimiques de ces molécules
transcrits) suivant le contexte dans sont beaucoup plu s variées que celles
lequel se trouve la cellule. L' ARN des molécules d ' ADN et d 'ARN,
participe également à la fo rmation de même que les structures qu ' e lles
des machines molécul aires qu i vont adopte nt spontanéme nt dans l' espace.
trad uire puis réguler l'ex pression On sait observer ! 'ensembl e des pro-
des gènes pour fo rmer des molécules té ines présentes dans un échantillon.
act ives. Formelle ment, l' ARN est auss i Connaître leur structure spati ale est
un texte orienté à quatre lettres, a, c, un pro blème à la fo is di fficil e ex péri-

Dans une protéine : insuline.


Les protéines de la famille de l'insuline partagent toutes une structure
spatiale commune de deux chaînes liées d 'acides aminés, de séquence
C 1-C 2- x(3)-C_.-ISTDNEKPI l-x(3)-[LIVMFSl-x(3)-C,, et C 5 x(l2)-C6,
où x(k) est un mot quelconque de taille k. De plus, les cystéines C;
forment des liaisons, les pont~ disulfures (en rouge dans l'image) qui
rigidifient la forme de la molécule dans l'espace : C , est reliée à C 3, C1
est reliée à es, el c_
, est reliée à c •.
Source: Auteur (J.Nicolas) de la base de données PDB

Hors-série n°52. L'informatique Tangente


ACTIONS Le langage des molécules ...

mentalement et fondamental en pra- du copier/co l Ier ou du couper/coller


tique car la fo nction des protéines des ordi nateurs ou des mob iles , à ceci
est intimement liée à cette structure. près que le texte copié cont ien t aussi
Comme pour I' ARN , la modé li sat ion le programme de copie ! C'est un
mathématique et informat ique se ré- mécani sme très efficace qui provoque
vè le donc indi spensab le à le ur étude, la cro issance des génomes et apporte
e n parti culier pour prédire la structure un éclairage sur leur étonnante
à partir du texte. plasticité et le ur capacité à évol uer
et à se diversifier au-de là de ce que
Des textes naturels et troublants ... permettraient les seul s acc idents de
transmission du patrimoine génétique
Pour un informatic ien, observer la (les mutations) et les recombinaisons
complex ité des mécani smes du viva nt entre indi vid us lors de la reproduction.
est une source infinie d 'étonnement Le record de croissance, 1,5 x 10 11
et d ' in spiration . Car il ne s'ag it pas bases d'ADN , est ac tue llement détenu
uniquement de physique et de chimi e. par une plan te, Paris japonica, qui
Les différents textes à l' intérieur pousse sur les montagnes de l'île de
des ce llul es, qui sont le fruit d ' une Honshu (le génome humain n' a « que »
longue maturation tout au long de 3 x 109 bases).
l'évolution, ont un impact maje ur sur
le comportement cellulaire. Dan s des De façon générale, il existe
cas ex trê mes, le changement d ' une d'autres mots que l' on retrouve
seule base d ' ADN conduit à des états systématiquement dans ces tex tes et
patholog iques, comme c 'est le cas qui les charpentent, presque toujours
pour la pre mière maladie génétique associés à des mac hines plus ou
de France, la drépanocytose, où mo in s compl exes (à base d' ARN et de
la mutati on d'une base d'un gène protéines) , qui vo nt permettre la lecture
entraîne un changement d 'ac ide aminé et la tran sformation des textes , un peu à
de la protéine assoc iée, déformant les la manière des têtes de lecture/écritu re
g lobules rouges. de nos enreg istreurs é lectroniques. On
pourrait multipli er les exemples. Ainsi ,
Si on regarde ces tex tes d ' un pe u plus les fa me ux gènes, uni tés génom iques
près, on s'aperço it qu ' il s sont tout sauf qui vo nt être trad uites en proté ines.
aléatoires . La première impress ion qui sont découpés chez les organi smes
frappe est l' abondance de ré pétition s supérie urs en tronçons appelés exons
plu s ou moins exactes qui peuplent et intron s qui s'a lternent le long de la
les séquences biologiques. On sa it molécule. Le texte utile pour la protéine
maintenant qu'il ex iste des mécani smes sera constitué d ' une sé lecti on d 'exons
dans les cellul es commandés par des mi s bout à bout. Sans comprendre
proté ines propres - les transposases - en détails comment la machine
ou importées de virus - les intégrases - assoc iée, le splicéosorne, effectue cette
qui permettent de copier certaines sé lecti on, on connaît déjà des mots
portio ns de génome, les tramposons , à qui se retrouve nt majoritairement aux
un autre endroit dans le génome. jonctio ns entre les tronçons : gu au
D' un po int de vue informatique, il début et agg à la fin des introns par
s'ag it ni plu s ni mo in s d ' une vers ion exempl e.

Tcingent:e Hors-série n°52. L'informatique


Pour le passage du tex te e n ARN au De faço n c la ire et re marquable , les
tex te e n ac ides aminés, la mac hine mo ts a in si que le ur asse mbl age e t
s ' ap pe lle ribosome et le dé but du tex te le ur interpré tatio n par des mac hines
à trad uire co mme nce par auget pa rfo is spéc ia li sées jo ue nt un rô le prédo mina nt
gug o u uug et finit in va ri abl e me nt pa r da ns les cellules vivantes. Au-de là des
11ag. 11ga o u uaa. Systé matique me nt , phé no mè nes de the rmod yna mique,
les tr iple ts de lettres d ' ARN vo nt d 'électrostatique ou autres lo is
être transformés e n une le ttre d ' ac ide à caractè re continu , il ex iste des
aminé. On o bserve là des phé no mè nes re prése ntatio ns et des compo rte me nts
très di ffé re nts de ce qui se passe de nature sy mbo lique qui contrô le nt le
e n c himie c lass ique : de vé ritabl es devenir des ce llul es.
codes sont inte rprétés de maniè re
rigo ure use da ns la cellul e. Autre langages, structures et interactions
exemple de mac hine e n ac ti o n sur
les ce llul es ge rmin a les o u les ce llul es Des mots qui s 'e nchaî ne nt de façon
cancéreuses, les télomérases. Il s ' ag it contrô lée, y aurait- il do nc un langage,
d ' un asse mbl age de proté ines et vo ire des langages à l' œ uvre dans
d ' ARN c hargé d ' ajo ute r une séque nce les o rga ni smes ? Précisons les te rmes
ré pétée spéc ifique à l'ex tré mité des e mp loyés : il y a gé né rale me nt de ux
chro mosomes, po ur év ite r de pe rdre niveaux d 'écriture dans une lang ue, le
des gè nes lo rs de le ur ré plicati o n po ur
produire de no uve ll es ce llules. Dans un ARN : télomérase.
Une structure de pseudo-nœud dans la partie ARN
Il reste e ncore de te lles mac hines à de la télomérase humaine : cette structure permet de
découvrir au cœur des ce llules . Pa rmi positionner une matrice qui va générer des répétitions
les découvertes réce ntes, évoquo ns TT ACCC à la fin des chromosomes et éviter le
juste les structures de CRIS PR , au raccourcissement de leurs extrémités lors de leur
no m improbable mai s do nt l' ex iste nce rét>lication (mécanisme également utilisé dans les
est e ncore plu s surpre nante : o n cancers). En pointillés, une structure alternative.
tro uve dans bo n no mbre de bac téri es Source : Wikimedia http://
des séries de mots courts ré pétés qui commons. wikimedia.org/
fo rment une ossature dans laque ll e wiki/File: Pseudoknot.svg,
vo nt s' inte rcale r d 'autres mo ts très modifié par auteur (J. Nicolas)
di ffé re nts, qui sembl e nt issus d ' une
lang ue étrangère à la bacté rie. En
fa it , to ut comme no us, les bacté ries
sont suje ttes à des attaques de virus
et cette structure se compo rte comme
un e nsemble de cases mé mo ires , q ui
retie nne nt des mo rceaux de séque nces
.......................
de viru s re ncontrés et les reconnai ssent
lo rs de futures attaques: ce n' est ni plu s
ni mo in s qu ' un systè me immunita ire ..
auq ue l sont assoc iés un e nsemble de
mo ts et une mac hinerie spéc ifique de ··...
gè nes assoc iés.

Hors-série n°52. L'informatique Tc:ingent:e


ACTIONS Le langage des molécules ...

Une structure de CRISPR dans une Elle utili se un o util comm un des lin-
bactérie 2200 Kbp
g ui stes et des in fo rmati c iens pour
Chromosome circulaire de générer avec un
2000Kbp

Bijidobacterium breve, une CRISPA 1 système for me l


bactérie lactique qui facilite 1800 Kbp fini un nombre
600Kbp -
la digestion chez pot e nti e ll e men t
les nourrissons. no n borné de phrases :
CRISPA 2
Emplacement les gramma ires. Forme ll ement,
de CRISPR et 1200Kbp
une gramm ai re est un ensemb le
de la machinerie de règles de récriture qui repose à
associée. la fois sur l' utili sation d'un ensemb le
de sy mbo les spéc ifiques appe lé
ni veau lex ical qui est celui des mots du non -terminaux et d ' un vocab ul aire
dictionnaire, et le niveau syntaxique, dont les é lé me nts sont dits termin aux.
qui est celui des enchaînements Po ur gé nére r toutes les phrases du
possibles au sein de phrases. langage, il suffit de transformer ité-
L'ensemble des mo ts est rativement une chaîne réduite initi a-
généralement fini et on parl era le me nt à un sy mbo le fixé, l' ax iome,
ici de vocabu laire pour indiquer et d'appliquer de toutes les mani ères
l'ensemb le des sy mbol es manipul és. poss ibles les règ les e n changeant une
Le vocabulaire pe ut être constitué de occurre nce d ' une partie gauche de la
simp les caractè res (des idéogra mmes règ le dans cette chaîne par la partie
comme les hi érog lyphes, ou des droite de la règ le (vo ir en encad ré un
ac ides a minés pour les proté ines) o u exemp le de ce qu'on appe ll e un lan-
de success ion de caractères (un mot gage régulier).
en frança is, une bali se HTML), pe u
importe, on le suppose fi gé. Une façon Cependant la classe des langages ré-
particuli ère ment simple de décrire guliers reste trop limitée pour décrire
un langage est d 'établir la li ste des ce qui se passe en biologie. Il n'est par
phrases qu ' il contient, c'est-à-dire des exemple pas poss ible de décrire les
co mbinai sons permi ses d 'élé me nts du structures en fo rme de tige qui naissent
vocabulaire. Mais contraire me nt aux lors du repliement de l 'ARN dans l' es-
vocabulaires, les langages peuve nt pace pour former des doubles brins,
la plupart du temps être considé rés comme dans certaines structures de
comme infini s. On ne pe ut do nc CRISPR (une structure qui ressemble
pas se contenter d 'énumé rer leurs fort aux palindromes du français).
é lé me nts. L ' informatique a été très tôt Pour cela, il fa ut pouvo ir mettre en
confrontée à ce problè me car il y a un correspondance des sy mboles éven-
lien intime entre langages et calc ul. tuellement distants. On étend donc
Après tout , la logique mathématique les règles de grammaires régulières en
n 'est rien d 'autre que l'étude des permettant un assem blage que lconque
mathé matiques en tant que langage de terminaux et de non terminaux dans
et un ordinateur est une machine de la partie droite. Comme les non termi -
manipulation de langages . La théorie naux se récrivent directement où qu'ils
des langages a pour but de décrire soient, on parle de grammaire hors
formellement la notion de langage. contexte.

Tangente Hors-série n°52. L'informatique


Grammaires II régulières II
En prenant S comme axiome, une grammaire possible de génération d'une séquence
d'ARN bactérien codant pour une protéine est la suivante :
{1 :S-+ aX,, 2 : X, -+ uX:,1 3: X 2 -+ gX) U {4 :X 3-+ aX4, 5: X 7-+ aX4 I a E {a,c,g}} U { 6 :
X4-+ px6' 7 : X 6-+ p x 7 1 p E {a, c, g, u}} u { 8 : X 5-+ yX 6' 9: X B-+ yX 7 1 y E {c, g, u}} u
{ 10 : x3-+ uX5, 11 : X 7-+ uX5, 12 : X 5-+ aXB, 13 : X B-+ a}.

Elle pourra par exemple générer la séquence augccguaa en utilisant successivement les
règles 1, 2 et 3 (aug) , puis 4, 6 et 7 (ccg) , et enfin 11, 12 et 13 (uaa). Observez que la struc-
ture des règles est très régulière : elles sont toutes de la forme « un non terminal se récrit
en un symbole terminal suivi éventuellement d'un non terminal » . On nomme réguliers
les langages générés avec cette forme de règles. Ces langages ont une foule de bonnes
propriétés qui en font un outil précieux en informatique (système Unix, traitements de
texte ... ). Ainsi, savoir si une phrase appartient à un langage régulier demande un nombre
d'opérations proportionnel à la taille de la phrase. De plus ils forment une classe stable au
sens où l'intersection, l'union, le complémentaire, la différence ou l'application d'un ho-
momorphisme sur un langage régulier continuent à donner un langage régulier.

Les langages peuvent aussi être décrits, de façon équivalente, à l'aide de machines : c'est
un modèle plus proche de ce qui se passe en biologie où de nombreuses machines sont en
œuvre ainsi qu'en informatique où on définit plusieurs types de machines abstraites en
fonction du type de langages, la plus générale, la machine de Turing , étant le fondement
de nos ordinateurs.
Pour reconnaître un langage régulier, on utilise ainsi ce qu'on appelle des automates
d'états finis. La machine part d'un état initial et lit les symboles de la phrase de gauche
à droite. En utilisant une fonction de transition fixée qui associe à chaque état et chaque
symbole lu un nouvel état, la machine progresse tant que c'est possible d'états en états.
La phrase est reconnue si la machine termine dans un état final. On représente graphi-
quement les états par des cercles, un état final par un double cercle et une transition en
lisant un symbole par une flèche depuis l'état de départ jusqu'à l'état d'arrivée surmontée
du symbole. Nous effleurons juste en passant la notion de probabilité qu'on peut intro-
duire dans les langages et leurs représentations: rien n'empêche de considérer un langage
comme une distribution de probabilités sur l'ensemble des enchaînements possibles. D'un
point de vue grammaire ou machine, ceci suppose d'associer des probabilités aux règles
ou aux transitions. Nous nous contentons ici de considérer que toutes les phrases ont la
probabilité o ou 1. En pratique, il peut exister en biologie différentes alternatives d'analyse
(on parle d'ambiguïté) avec des probabilités différentes pour de mêmes phrases, comme
par exemple dans le cas des télomérases qui oscillent entre deux états stables.

l\ insi, une grammaire ho rs contexte {S-+ aSu , S-+ cSg, S-+ gSc, S-+ uSa}
)Our la reconnaissance de ti ges-bo ucles U { S-+ aX, X-+ a l a E {a,c,g, t} }.
fa ns I'ARN peut être décrit par deux
!nsembles de règles (l' un pour la tige, De même, il fa ut amé liorer la machine
le deuxième pour la boucle) : précédente en ajoutant une mé mo ire

Hors-série n°52. L'informatique Tangente


ACTIONS Le langage des molécules ...

Découvrir un langage,c'est automatisable ?


L'acquisition d'un langage, c'est un jeu d'enfant: l'essentiel est achevé avant l'âge de 3 ans
pour la plupart. Si on arrive à apprendre n'importe quelle langue naturelle, ne peut-on
arriver à apprendre cette autre langue naturelle qu'est le langage du génome ? On est
cependant loin de comprendre les mécanismes internes qui permettent cette acquisition
ni même de savoir comment nous représentons mentalement les langages et il nous faut
inventer une approche rationnelle de l'apprentissage. Notons que la démarche n'est pas
tout à fait celle d'un Champollion déchiffrant les hiéroglyphes : on ne dispose pas d'un
langage de référence sur lequel s'appuyer pour comprendre un nouveau langage, il s'agit
bien d'apprendre un nouveau langage simplement à partir d'un échantillon de phrases.
On sait actuellement assez bien modéliser l'apprentissage de langages réguliers. Une idée
simple mais mathématiquement intéressante est de partir d'un langage qui reconnaît uni-
quement les phrases autorisées. C'est par exemple l'automate de gauche dans la figure. En-
suite, on peut généraliser le langage correspondant (c'est-à-dire accepter plus de phrases)
en fusionnant deux états quelconques (ils deviennent égaux et on conserve l'union des
transitions auxquelles ils participent). La structure mathématique de l'ensemble des pos-
sibilités est ce que l'on appelle un treillis, c'est-à-dire un ensemble partiellement ordon-
né où tout couple d'éléments admet une borne supérieure et une borne inférieure. Si on
considère l'ensemble de tous les états E, c'est en fait le treillis des partitions sur E, c'est-
à-dire l'ensemble des façons de partitionner E en sous-ensembles distincts, ordonné par
l'inclusion sur les partitions. Généraliser, c'est aller de la gauche vers la droite dans le
treillis. Pour savoir jusqu'où le faire et éviter de reconnaître n'importe quel enchaînement
(automate de droite sur la figure) , on peut par exemple dialoguer avec l'utilisateur en pro-
posant l'automate le plus général et en demandant une phrase impossible si le langage est
jugé trop permissif, afin de filtrer progressivement la bonne solution.

L'apprentissage d'un automate d'états fini par


fusion. 0,1,2
Source : Auteur (J. Nicolas) 0,1,
Le treillis des partitions d'états 2,3
correspondant à l'apprentissage d'un langage 0,2,
1,3
régulier à partir des phrases {ac, ag}. 0,2

On a effectué un zoom
sur certains éléments du
treillis. Pour les autres, on ,, c,1
a simplement indiqué les 0,3,
états fusionnés. La double 1,3 1,2
ellipse est le plus grand langage compatible
avec l'ensemble de phrases impossibles {a,
0 • 1,2
aag, agg, aca, acg}. Il est constitué des mots
formant une suite éventuellement vicie de

ag terminée par ac (par exemple agagac fait
partie du langage). 2,3 0,2,3

Ta.ngent:e Hors-série n°52. L'informatique


... ..--. .......
-
(supposée infinie ) o ù o n pe ut e mpile r , ~
IIIM1......
des sy mbo les spéc ia ux qui sont e nsuite
.... ........
1-t al .-..

....,,
a.. •
... ... .. ,
.......
tte,410,
utili sés pour définir la fo ncti o n de .......... . 11
' )1111··
Ill,..~~
"'
-· ,_.....,.,..
...... ..-. ~......~ - . . a e a a t
tra nsitio n. La ri chesse de descriptio n a ""'
..,., lt,&,U ,
"''"'
........... 1c11uu .... 1111111>,,

....... IN~"':UC$1t ~ l

un coû t : reconn aître une phrase d' un



~
• .......... 11u1 11 .... 11 11111 ..

la ngage peut de mande r un no mbre .... lt!'2U


"'""
,...,.,
lr.:ttTTT».mKCat~
mo.uco...~~
. .... tUJ.UH~ · · lllllLJI ..
d' opérati o ns de l'ordre de n-' s in est la ~r."°""
..... ,...,., lff.1171 IJ"tt~~
•.•....•.• ,11 H u .... 11 ,,111 ..
longue ur de la ph rase.
Détail des
Notons ici q ue les langages pe rmette nt appe lés cysté ines qui o nt te ndance à répétitions (1111it)
de structurer les tex tes de faço n lo- s' asse mble r spo nta né me nt po ur fo rme r d'un CRISPR, sa
gique mais égale me nt spati ale da ns le des li aisons fo rtes. les apparie me nts structure emboîtée,
cas des mac ro molécules : à une corres- pe uve nt être dans un o rdre que lconque et les segments
ponda nce ent re symbo les corres po nd par ra ppo rt à l' o rdre dans la phrase. Il viraux (spacer) .
vra ime nt une prox imité ph ys ique et/o u fa ut e ncore augme nte r la co mplexité La structure en
une interactio n chimique. A u bo ut du des langages e t des grammaires néces- tige-boucle des
co mpte , un langage est po rte ur de se ns saires. Les langages contextuels sont répétitions du
et savoir le décrire do nne des indi ca- e ngendrés par des grammaires é te n- CRISPR précédent.
ti ons préc ieuses po ur compre ndre les d ues o ù le sy mbo le no n te rminal de (Source : Auteur
phéno mè nes à l'œ uvre. ga uc he e t la pa rtie d ro ite de la règle (J.Nicolas), base
pe ut être e ncadrée d ' a uta nt de sym- de données http://
Les langages de prog ra mmati o n e t la bo les que nécessaire ( il a un contexte crispi.genouesl.org/)
desc ripti o n des pages We b reposent d ' appli cati o n) du mo me nt qu ' o n les
sur ce type de g ra mmaire, mais est-ce re trou ve à dro ite . Les lang ues natu-
suffisant pour la bio log ie ? La ré po nse re lles comme les langages mo lécu-
est cla ire me nt no n. Les a pparie me nts laires du vivant se ra ngent dans cette
qu'accepte nt les grammaires ho rs catégori e, sans ex iger cepe ndant to ute
con tex te doive nt être nécessa ire me nt la pui ssance offe rte pa r les gramma ires
emboîtés (par exem pl e s i j ' o uvre une contextue ll es . Savo ir déco uvrir et mo-
parenthèse [vo ire ic i une de uxième], dé li ser a u juste ni vea u ces la ngages
je sui s ob li gé de mettre le croche t fe r- de faço n à anal yse r a utomatique me nt
mant ava nt la pare nthèse fe rmante). Or leurs phrases reste un pass io nnant défi
si o n considè re des structures d ' ARN de reche rche.
co mpo rtant des pseudo- nœuds comme
da ns les té lomérases , o u des proté ines J .N., C.B. et F.C.
compo rtant plu sie urs ac ides aminés

POU R ALLE R PLUS LO I N . . .


• The lang11age of ge11es, Dav id Searl s. no v. 2002. Nature 420 2 11 -2 17 Ve rsio n accessible sur
ft p://ftp.c is. u pe n n .ed u/pub/cse 140/pu bl ic_html /2002/Searls.pd f
• La gra111111aire de la vie. Anto ine Da nc hin , 2009.
• htt p://www .no rmalesup.org/-adanc h in/causeries/ grammaire. html
• Langagesfon11els. calrnlabilité et complexité. Oli vier Carto n, Pari s. Vuibe rt, co ll. « Capes-agrég » ,
oct. 2008 . Version access ible sur http ://ww w.no rrnalesup.org/- bi sson/tea/lfcc.pd f

Hors-série n°52. L'informatique Tcingent:e


JEUX & PROBLÈMES par Jill-Jênn Vie

Grolopin
et les plans projectifs finis
Un petit problème de combinatoire peut cacher de grandes
théories. Arithmétique des congruences, corps finis , espaces
projectifs (en passant par une conjecture non résolue) , voilà
des notions qu'il vaut mieux connaître pour trouver
l'algorithme qui construise la solution optimale.
ro log in (voir page 25) est une • Les pin 's sont tous composés d' un

P association d 'étudiants de l'EPJTA


(une école d ' ingénieurs en info r-
matique), des Éco les norma les s upé-
engrenage de M dents dont N per-
cées d ' un tro u.
• La superpos iti o n de de ux pin 's
rieures et de !'École po lytechnique , qui quelconques do it toujours laisser
orga ni se c haqu e ann ée un co nco urs apparaître un unique trou.
nati onal d ' info rmatique ouvert à tous Les concurre nts devaient afficher
les j eunes de 20 ans et mo ins. le plu s de pin 's poss ibl e qui res-
Cette assoc iation a organi sé du rant trois pectent la propriété .
se ma ines , à la re ntrée 201 2, un mini - Et il fallai t se dépêcher, car les autres
j e u sur le s ite www.grol opin .co m (le ré fl échi ssaient au même défi !
pourquo i de ce nom est la issé en exer-
c ice au lecteur), dont on peut tirer de Les pin ' s éta ie nt re prése ntés par des
nombreux enseignements. chaînes de M caractères contenant N fo is
Les pre mie rs à trouver to us les pin 's le symbole « 0 » correspondant à un trou.
remportaient , entre autres , les éditions Par exemple , pour tro is « 0 » parm i sept,
spéci a les Alan Turing et Doctor Who le jeu sui vant de trois pin 's est correct
du jeu Monopo ly. (de ux pin 's que lco nques ont toujours
exactement un O à la même pl ace) :
Le jeu des pin's compatibles ooo••••
o••oo••
Vo ic i pour commencer la règle du jeu : o••••oo
Mais celui-ci ne l'est pas , car les premier
Le laborato ire d ' Okabé ne cesse de et dernier pin 'sont deux trous à la même
compter de nouveaux membres, et pos ition :
il s'attac he à di stribue r à chac un oo•o•••
d 'eux un pin 's, e n res pectant les o•o•o••
contraintes sui vantes : o••o•o•
Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique
CHANGER LE MONDE

Les coupl es (N ; M) po ur lesquels il fal - L' intuitio n qui se cache derriè re la solu-
la it réso udre l' é ni g me é taie nt (3 ; 7) , ti o n est de voir les pin 's co mme des
(4 : 13), (6 ; 3 1) , (9 ; 73) pui s fin a le- droites du pl an e t les trous co mme les
me nt (28; 757) (notez qu 'on a to uj o urs po ints par lesque ls e ll es passent : de ux
M = N 2 - N + 1). droites que lco nqu es sont séca ntes o u
Po ur (N; M) = (3; 7) , le nombre max i- parallè les. Ain si, ajo ute r un po int « à
mal de pin 's constructibles est 7, dont voici l' infini » po ur chaque cl asse de droites
un je u admi ss ibl e : parallè les pe rme t de garantir un po int
o•o•o•• d ' inte rsec ti o n po ur c haqu e pa ire de
•o•oo•• d ro ites , do nc un unique trou e n com-
o••o•o• mun po ur c haque paire de pin 's. C ' est
•oo••o• la base de ce qu ' o n appe ll e la géométri e
oo••••o projecti ve.
••oo••o Po ur construire un je u de pin 's max i-
••••ooo
L'avantage de ce problè me est que c ha-
mal, o n di sting ue ra de ux cas :
• N = p + 1 o ù p est un no mbre pre mie r,
c un , pe u impo rte so n bagage mathé- • N = / + 1 po ur p pre mie r e t k > 1.
matique, po uva it soume ttre des pin 's
e t co ntribue r à dévo il e r des pi xe ls de la résolution pour n=3
la carte.
Comme nçons par le cas de l' e xe mpl e ,
mest un majorant du nombre de pin's so itN= 3.
Cons idé rons to utes les droites à coeffi -
Le problè me consiste donc à réali ser un
tableau de M = N2 - N + 1 colo nnes e t
le plus de lignes possible , tel que chaque
Code Pvthon résolvant le cas
ligne comporte N trous et que deux lignes N=o+ 1où onremier
quelconques aie nt exacte me nt un trou
N; 3
à la mê me positio n . p ; N -1
On peut comme ncer par remarque r qu ' il Np ; range(p)
est impossible d 'obtenir plus de M pin 's. points; [(x, y) fo r x in Np for y in Np] \
En effet, si o n di sposa it d ' un te l jeu , o n + [('infini', k) fo r k in Np) \
+ [('infi ni', 'infi ni'))
aura it stri cte me nt plu s de MN trou s à
for a in Np :
ré partir parmi les M co lo nnes . D 'après
for b in Np:
le « principe des ti ro irs » , il ex isterait une pins ; "" # droi te y ; ax + b
colonne comportant au moins N + 1 trous. for x, y in points:
Considérons alo rs les N + 1 pin 's aya nt pins+ ; 'o' if (x ;; 'infini' and y ; ; a) \
or (x J; 'infini' and y;; (a * x + b) % p) else ' '
un tro u da ns cette co lo nne, il reste pour
print(pins)
chac un d 'entre e ux N - 1 tro us à ré par-
fo r a in Np:
tir parmi les M - 1 = N2 - N co lo nnes pins ; "" # verticale x ; c
res ta ntes , so it en to ut for x, y in points :
( N + l )( N - 1) = N 2 - 1 trou s parmi pins+; 'o' if ((x, y);; ('infini ', 'infini') or x ;; a) else ''
N 2 - N co lo nnes . Une co lo nne co m - print(pins)
pins ; "" # infini
po rtera au moin s de ux trous : les de ux
for x, y in points :
pin 's ainsi mi s e n év ide nce auro nt de ux pins+; 'o' if x ;; 'infini' else ''
trous aux mêmes positions, ce qui consti- print(pins)
tue une cont radi ctio n.

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


JEUX & PROBLÈMES GroLopin

Figure 1. \ =() B

Intersections des droites


à coefficients dans {O, 1} s
modulo 2 à gauche,
avec les points à l'infini
à droite. À noter que
sur le graphique à gauche,
les droites en croix sont
parallèles : modulo 2, les C r=O
droites y = 1+ x et y = 1- x
sont identiques ; X

à droite, la droite y =x est


représentée par un cercle.
On a ainsi construit une c ie nts dans {O; 1}. que ls il fa ut ajouter les p + 1 points à l' in-
représentation du plus Elles o nt pour équations y = ax + b po ur fini {ooa, a E NP} U { 00 00 } .
petit plan projectif a et b dans {O; 1} e t x = c po ur c dans Dé no mbrons- les :
(intituléplandeFano). { 0; l } . • c hac une des p 2 d ro ites D0 :b passe par
Considé ro ns Je reste de la di visio n eucli- les p po ints (x; ax + b) po ur x E N,,}
die nne par 2 (on dit la vale ur « modulo a in s i qu e le p o int à l ' in f ini oo";
2 ») de chaque o pératio n arithmétique : soit p + 1 = N po ints en to ut ;
a ins i, 1 + 1 sera équivale nt à O et do nc • c hac un e des p ve rti ca les V c passe
la droite y = x + 1 passera (cf. fi g ure 1) pa r les p po ints (c ; y) po ur y E N,,
par le po int ( ] ; 0). a ins i que le po int à l' infini 00 00 so it
La fi gure 2 dévo ile un jeu de pin 's max i- p + 1 = N po ints en tout ;
mal po ur N = 3. • l a d ro it e infini e p asse p a r les
On ajoute le po int à l' infini 00 3 à to utes p + 1 = N po ints à l' infini .
les droites pa rallè les de pe nte a ; a ins i,
to utes les droites de pe nte O (y = 0 et Ana lysons les inte rsecti o ns :
y = 1) se coupe ront e n un nou veau po int • les ve rticales Ve se coupe nt e n 00 00 pa r
nommé 00 0 , to utes les droites de pe nte définiti o n ;
1 (y = xet y = x + l )se couperont e n oo 1 • pour a fixé EN,,, les droites D a:b se cou-
e t toutes les droites de pe nte infini e pe nt e n oo a par définiti o n ;
(x = 0 et x = l ) se coupe ront en 00 00 • • chaque dro ite (sa uf la d ro ite infinie)
passe par un unique po int à l' in fi ni ,
La résolution pour n- 1 premier d o nc co upe la d ro ite infini e e n un
unique point ;
Pl açon s-nous mainte nant où N - 1 = p • to ute droite D a:b coupe to ute dro ite Yc
est un nombre pre mier. e n le point (c; ac + b)
On appe lle NP = {O ; 1 ; ... ;p - 1} l'en- • si a "# a', D a:b coupe D a.:b' e n un poi nt
semble des e ntie rs modulo p (tous les (x; y) vé rifi ant y= ax + b = a'x + b '
calcul s y seront e ffectués e n ide ntifiant soit (a - a ' )x = b ' - b ma is comme p est
a e t a+ p ). pre mie r, le thé orè me de Bézout no us
On considè re le cadre géné ral de droites affirme l'ex iste nce d 'entie rs re latifs u
D a;b: y= ax + b et de verticales et v te ls que u(a -a') + vp = 1 e t do nc :
V c : x = c où a , b et c appartienne nt à u(a - a')x = u(b ' - b) = x (mod p ) est
NP. Les points d ' inte rsection sont les p 2 l ' unique solution de l'équatio n . Do nc
points du pl an{ (x ; y), x, y E NP} au x- les dro ites se coupent en un unique point.

130 Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

O n construit ainsi p 2 + p + 1 = M pin 's Code SAGE résolvant le cas


à p + 1 = N trous parmi p2 + p + 1 = M
dents, ce qui est donc un jeu de pin 's N= ,1 + 1où onremier, k> 1
maximal.
N=9
q = N-1
Le cas n= ff + 1 où p premier, h >1 Fq = GF(q, 'x')
points = [(x, y) for x in Fq for y in Fq] \
O n peut observer à l'analyse qui pré- + [('infini', k) for k in Fq] \
+ [('infini', 'infini')]
cède que la seule chose dont on a besoin
for a in Fq:
pou r garantir l' intersection entre deux forb in Fq:
droites quelconques à coeffic ients dans pins = "" # droite y = ax + b
une certai ne structure, c'est de garantir for x, y in points :
l'ex istence d ' un inverse po ur c haque pins += 'o' if (x == 'infini' and y== a) \
élément , ce qui est caractéri stique de la or (x != 'infini' and y== a * x + b) else' '
print(pins)
structure de corps fini. Ainsi , à la sec-
fora in Fq:
tion précédente, NP joue en fa it le rôle pins = "" # verticale x = c
du corps à p é léments noté "11..!p"ll... for x, y in points :
Comme il ex iste un corps à / é léments, pins+= 'o' if ((x, y)== ('infini', 'infini') or x == a) else''
on va pouvo ir construire un te l plan, print(pins)
pins = "" # infini
mais il ne s'ag ira pas de "11..!/"1!.. pui sque
for x, y in points :
par exemple le nombre p n 'y a pas d'in- pins+= 'o' ifx == 'infini' else ''
verse (c'est un diviseur de zéro: print(pins)
p • / - 1 = O mod Ji,
"11..! n"ll.. a une struc-
ture de corps si et seule me nt si n est
pre mi er). de 1980 à 1989 a a in s i conduit à la
Certain s candidats ont ain si pu consta- conclu sion qu ' il n 'en existe pas pour
te r que le ur a lgorithme fonctionnant q = 10 .
pour N = 2, 3 et 6 ne fonctionnait pas Seu les six personnes ont trou vé tous les Le classe ment est
pourN=9(=2 3 + 1). pin 's poss ibles, parmi lesque ls Ryan di sponible sur
Pour éviter d'avoir à construire un corps, Lahfa, qui avait 14 ans lors du déroule- www.grolopin .corn.
on peut recourir à un log ic iel de calcul ment du concours.
fom1el tel que SAGE ; le code est presque J.-J. V.
exacte ment le mê me que pour le cas
N = p + 1 (il suffit de changer la struc- (0 ; 0) (0 ; 1) (1 ; 0) (1 ; 1) 000 001 OO
"'
ture et de retirer un modulo p). y=O 0
• • 0
• 0
• •
y=l
• 0 0 0
• ••
Cas général et dénouement y=x 0
• • 0
• 0

y=x+l
• 0 0
• • 0
Ce n'est pas parce qu ' il n 'ex iste pas de x=O 0
• •
• 0
• • •• 0

• •
corps de cardinal q non primaire (pui s- x=l 0 0 0
sance de nombre premier) qu ' il n 'existe
pas de plan projectif d 'ordre q, c'est-à-
OO
• • • 0 0 0

dire à q2 + q + 1 points et droites et Figure 2.


q + 1 points par ligne . Mais leur ex is- Grille du plan projectif d 'ordre 2. Pour chaque droite,
tence est un problè me ouvert . Une é po- on met un o en dessous des points par lesquels elle passe.
pée de calcul par ordinate ur menée à On voit ainsi apparaître un j eu de pin's maximal pour N = 3
Concordi a University par Clement Lam (cf. le jeu admissible plus haut).

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente 131


ACTIONS par François Lavallou

le traitement
du signal
Aux frontières des mathématiques et de l'informatique, le
traitement du signal, à l'intitulé médicalisé, est injustement
méconnu. Avec l'arrivée des ordinateurs, il a basculé dans
l'informatique moderne et envahi l'intégralité de nos outils de
communication.
, 1, n 11 llL' tous des Monsie ur complexe de détection dont) ' unité cen-

N (ou Madame) Jourda in du tra i-


te ment de signal. En li sant ces
li gnes, vou s effectuez ce que vo us allez
tra le de traite me nt est notre cervea u. Si
notre ord inateur neuronal vient à se déré-
gler et perd une partie de ses log icie ls
découvrir. .. en lisant ces lignes ! Nos sens de traitement , alors, malgré un bon fo nc-
sont e n veille perpétuell e et captent en tionnement de nos organes sensoriels, peu-
continu les informati ons de notre envi- ve nt a pp a raî tre d es cas d 'a nos mi e,
ronneme nt par leurs interacti ons avec d 'ague usie, de surdité ou de céc ité.
notre e nv e lo ppe co rpo re ll e, qu 'e ll es Nous all ons nous intéresser aux signaux
soi ent phys iqu es, chimiques, é lectro- obtenu s par des détecte urs non bio lo-
mag nétiques, phoniques ou thermiques . g iques . La théorie de la co mmunication
À partir de ces perceptions, notre cerveau ou les outil s tec hniques du tra itement
nou s offre la poss ibilité de nous fa ire du signal (comme l'analyse numérique
une re présentation de notre milieu envi- ou des approc hes probabili stes) ne sera,
ronnant. Notre corp s es t un systè me par contre, pas abordée ic i.

Les problèmes inuerses


« Donnez-moi cent paramètres
Qui dit traite ment , dit in fo rmati sat ion.
et j e vous fais un éléphant. On quitte le monde analogique réel pour
Donnez-moi un cent-unième entrer dans son simul ac re numérique.
et j e lui f erai remuer la queue. » C haque future victime d ' un ca lcul est
alors re présentée par un ensemble fini
de va le urs, mi s ha bitu e ll e me nt so us
Jacques Hadamard fo rme de vecte ur ou matrice . Pre nons

Ta.ngente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

l'exemple de domai nes physiques tels que


! 'é lectromag néti sme (o ptiqu e, radar,
les opérateurs usuels
rad ioastro nomi e, laser), les co ntrôles Les plus simples et usuels des opér ateurs utilisés en
non destructi fs , la spectroscopie, et !' ima- traitement du signal sont les suivants :
gerie en général pour lesquels se pose le •translation: Cl>,[/ ) (x) = f(x + t),
prob lème de déterminer la di stribution • taux d ' accroissement: A, [/ ] (x) = f(x)- f(xo),
spatiale d'un objet à partir d' un ensemble ' X-X 0

de mesures , que nous appellerons géné- • différentiel (ou dérivée) : D[/ ] (x) = f'(x) .
riquement images. Notons x l ' obj et, y
l ' image obtenue par la mes ure et H la L' in tégration , opérateur in ver se de D, permet de
transformati on représe ntati ve du sys- construire de nombreux autres opérateurs, et en par-
tème de détecti on. H est souvent appe- ticulier l'importante famille des opérateurs à noyaux,
lée un opérateur (vo ir en encadré). Ces de la forme H[/ ] (x) = f K(x,y)f(y}dy.
tro is grandeurs sont liées par la relation
y= H(x), pour une ex périmentati on non Deux exemples courants sont :
bruitée, donc utopique. On ne considè- • la convolution : Hg[! ](x) = f f(u)g(x -u}du.
, .
rera que le cas très courant d ' une trans-
• l'operateur tomograph1que : A[ J ] (x) = 2 r- ~
uf(u)du
-
fo1111ation H linéaire: le ni veau de l' image J, 11 2 - x2
est proporti onnel à ce lui de l ' objet et
l ' im age d ' un e so mm e d 'o bj et es t la
so mmes des images de chaq ue objet. ra lité du problème en supposant objet
On note alors Y = H .X , où X et Y sont et im age éc hantill onnés de la même
les matrices co lonnes de l 'objet et de façon , de sorte que les matrices X et Y
l 'image avec un e dim ension éga le à contiennent le même nombre de va leurs
! 'échantill onn age (le nombre de po ints et donc que la matrice H associée à l'opé-
de mesures) . On n'enlève rien à la géné- rateur H so it carrée.

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS Le traitement du signal

Le problème se trou ve ainsi mathéma- ses coordonnées dans une base, que nous
tisé, et son étude est ramenée à celle des supposerons orthogonale. Un espace de
matrices d'opérateur, dont le cadre mathé- Hilbe rt pe ut alo rs être vu co mme un
matique est ce lui des es paces de Hil - ensemble de suites infinies , mais de car-
be rt . C es es pa ces d e fo ncti o n s, rés so mm ables, pui sque les fo ncti ons
générali sati ons des espaces euclidiens, qu 'elles représentent sont d 'énergie fi nie
so nt muni s d ' un produit sca la ire. On (vo ir encadré). A insi, l'approx imation
peut alors parler d 'orthogonalité de fo nc- d' une courbe par un po lynôme de deg ré
ti o ns e t définir des projecti o ns. Cec i n est un pro blè me d 'optimi satio n qui
explique que l'intuition géométrique est consiste à rechercher la projecti on d' un
un mote ur pui ssant de la créati vité en objet de dimension infinie dans un espace
tra ite ment du signal, les théorèmes y de dimension n + 1.
étant analogues à ceux de la géométrie
cl assique. Un é lé ment d ' un espace de Dans la plupart des cas conc rets , les
Hilbert, une fonction ( 1D) ou une image opérateurs linéa ires d ' un espace de Hil -
(2D), est défini de mani ère unique par bert sont des transformations qui peuvent
être décomposées en so mme d ' homo-
D'Euclide à Hilbert théties de ra pports (valeur pro pres) et
de directio ns (vecteurs propres) di ffé-
La notion d'espace de Hilbert, ou hilbertien, généralise re nts. L'ensembl e des va leurs et vec-
celle d 'espace euclidien, lente mathématisation de notre teurs propres résume toutes les propriétés
environnement. David Hilbert a prolongé les méthodes de l'opérateur et est appelé son spectre.
mathématiques des espaces euclidiens de dimensions infé- La théorie spectrale est au cœur du trai-
rieures ou égales à trois à des espaces de dimension quel- tement du signal.
conque, voire infinie (mais dénombrable). Un changement de base dans un espace
En 1926, John von Neumann développe cette idée en consi- vecto ri e l pe ut simplifi er les coo rdon-
dérant qu'un système quantique constitué de N particules, nées d ' un vec te ur. li en est de même
chacune déterminée par six paramètres (trois de position po ur la stru cture d ' un e matrice ! Par
et trois de vitesse), est un point d 'un espace de Hilbert de un c hange me nt de base de vec te urs
dimension 6N. Il axiomatise la mécanique quantique, asso- pro pres o rth ogo naux, la plupart des
cie aux grandeurs physiques traditionnelles des opéra- matrices peuve nt s'écri re sous la fo rme
teurs linéaires et leurs applique les techniques de l'analyse À.1 Ü Ü

mathématique. O Ài O
di ago na le H,,,, =
Les espaces hilbertiens apparaissent fréquemment en phy- 0
sique, et sont incontournables en traitement du signal. 0 0 0 À,,
Puisque les phénomènes physiques étudiés sont d'énergie où les (À.;)i=l l ...11 sont les valeurs propres.
finie, et que l'énergie est proportionnelle au carré d'une To ute la pro bl é matique d u tra iteme nt
grandeur Oa vitesse pour un mouvement, Ec = mv 2 / 2 ; la du signa l est rés umée dans cette repré-
position pour l'énergie potentielle d'un ressort, EP = kx2 / 2 ; sentati o n .
le champ électrique E ou magnétique B pour les phéno- On di stin g ue les prob lèmes d irects,
mènes électromagnétiques, Eem = E0 E2 / 2 + B2 / 2µ 0 ; l'in- lorsque l'objet x et l'opérateur H sont
tensité I ou la tension U en électricité, E = RI2 = U2 / R, connu s, et les problèmes inverses, pour
etc.), la plupart des grandeurs physiques sont de carrés lesquels seul l'objet x est inconnu .
intégrables. Ceci explique que les exemples les plus courants Les mesures de te mpérature, press ion,
d'espace de Hilbert en physique sont les espaces de fonc- hygro métrie et plu vio métrie recueillies
tions de carré intégrable ! par une station météorolog ique sont por-
teuses d ' info rmations qui vont permettre ,

i134 Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

en utilisant les résultats d'expériences pas- Une mesure du degré avec lequ e l un
sées, de prédire l' évo lutio n future de problème est bien posé est le critère de
phénomènes atmosphériques. C'est un
exemple de pro bl ème direct qui prédit
..
cond 1twnnement JE
----=-
À.min
~ 1,

le futu r à partir du présent , sous réserve


d'avoir établi un bo n modè le.
ou' c = v~
;;:: represente a rac ine carree
, 1 . ,

Le problème inverse impose de po uvoir du rapport des valeurs propres extrêmes.


inverser l'opérateur H pour obte ni r la Mê me si un problème est bien posé, il
solution X= H-1y , peut être mal conditionné lorsque ce cri-
)./ 0 0 tère est « nettement supérieur » à l' unité.
0 ;_;-' 0 La so luti on sera alo rs peu robuste, et
où H·' =
0 variera beaucoup même pour une très
0 0 0 À,~' fa ibl e erreur de mesure. Une caracté-
L'ex iste nce de cet o pérate ur in verse ristique commune des problèmes d ' ima-
nécessite donc qu 'aucune valeur propre gerie est qu ' ils sont souvent mal posés
ne soit nulle, c'est-à-dire que HX = 0 ou mal conditionnés . Il convient alors de
implique que X= 0 soit la seule solution. modifier le problème originel avant d'en-
L'opé rate ur est alo rs injectif, ce qui visager un traite ment numérique. Des
garantit l' unicité de la soluti on , si elle hypothèses supplémentaires concernant
existe. C'es t la plu s in co nto urn a bl e les caractéristiques de la solution peu-
condition imposé par Hadamard po ur vent ainsi s'avérer nécessaires .
qu' un problème in verse soit bien posé
(vo ir en encadré). S i un pro blè me est le rôle de la régularisation
bien posé, il ex iste certainement un algo-
ri thme stable pe rmettant de déterminer Les o util s mathé matiques utili sés en
une soluti on « proche » de la so luti on traitement du signal proviennent de plu-
exacte . sie urs domaines des mathé matiques :

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique TC1.ngente


Le traitement du signal

les espaces vectoriels, l 'a lgèbre linéaire, cher une solution x, possédant les carac-
les distributions , l 'analyse fonctionnelle, téri stiques attendues de l 'obj et, qui mini-
les probabilités , les stati stiques, l 'opti - mi se la qu antité Q(x) = JJ y- H(x) JJ 2 . La
mi sation , l ' analyse numérique ... D ' un so luti on , identique à l ' in verse généra-
point de vue méthodologique, deux direc- I isée , est x = (1 HH r1 ' Hy, où 'H est la
tions de rec herche sont utili sées pour m atri ce transposée de H . Bi en sûr ,
l 'é tude des probl èmes inverses . U ne x = W 1y si la matri ce H est carrée et
voie, très en vogue, utilise les méthodes in versibl e.
probabili stes qu i incorporent des infor- Dans le cas d ' un système linéai re de
mations a priori sur la so lution (c'est matri ce mal conditi onnée, la régul ari -
toujours plus fac ile quand on connaît la sati on de Tikhonov incorpore de plus
solution !). dans le critère de minimi sation des condi-
L'autre vo ie date des années 1960 avec ti ons sur la soluti on. Son principe est
les travaux de Tikhono v ( 1906- 1993) de minimiser une quantité qui dépend de
en physique mathématique, qui traite, deux termes et d'un para mètre :
en dimension infini e, des probl èmes =
Q(x) D(y - H(x)) + aS(x).
d 'existence , d ' unicité et de stabilité. L a Comme pour la méthode des mo indres
réso luti on numériqu e s'e ffectue alors carrés, le premier tenne est fidèle aux don-
par proj ection sur des espaces de dimen- nées et s'annule si H(x) = y. Le second
sion fini e. terme tient compte de conditions a priori
sur la so luti on et se doit d 'être « petit »
quand elles sont rempli es.
Le po ids des données (a= 0) ou de l' a
priori (a=+ oo) sur la so luti on dépend
de la va leur du paramètre a. Pour une
va leur du paramètre fixée, on cherche la
so luti on x qui minimi se Q (x). Class i-
2 2
quement, Q(x) = Il Y - HX 11 + a JJ CX 11
et la so luti on généra li sée est
X= ('HH + a 'cet
' Hy . On retrouve
bien sûr la so lution des moindres carrés
pour a= O. Tout dépend donc du choix
de l 'opérateur de rég ul ari sati on. Pour
l ' identité C = 1, les soluti ons de norm es
fa ibl es sont favo ri sées, et on év itera les
Andreï Nikolaïevitch Tikhonov. grandes flu ctu ati ons dues à des va leurs
propres faibles. De fa it , les va leurs
Résoudre un probl ème inverse rev ient propres À ont été tran slatées et changées
à détermin er un obj et x dont l ' im age en À + a, ce qui régul ari se la solution en
H (x) par le système de détecti on est « la atténu ant l 'a mplifi cati on À- 1 due aux
plu s proche poss ibl e» de la mesure y. fa ibl es va leurs propres. Le conditi on-
Cette notion de di stance entre éléments nement est amélioré car
de Hilbert a un sens grâce à la nonne asso- À"'"" + a < À,,.., pour a> O.
ciée au produit sca laire, analogue de la À rnin +a À min

di stance euclidienne en géométrie clas- On a effectué un .fïltrage, c'es t-à-d ire


siqu e . D 'o ù la cé lèbre méthode des une légè re manipul ati on des va leurs
moindres carrés, qui consiste à cher- propres.

Tc:ingent:e Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

En prenant pour C l 'opérateur de déri -


vation, on favori se les solutions qui n'ont
pas de vari ati ons bru sques, qu and on
sait par exemple que la soluti on doit être
réguli ère .

Ce prin c ipe de rég ul ari sa ti on (o n en


in vente chaque j our, pour chaque pro-
blème traité) illustre la créati vité dont on
doit fa ire preuve en tra itement du signal
pour incorporer une idée de la soluti on,
plus ou moin s contra ignante, se lon les
conditions ex périmentales, clans le pro-
cessus de ca lcul. Ce côté ex périm ental
de la recherche d' une so lution optimale,
jamais exac te, ne po urrait , bi en sûr,
jamais se fa ire sa ns l 'apport de la pui s-
le Bien selon Hadamard
sance in fo rm atique. L a concepti on et Soit y l'image d'un objet inconnu x par une mesure dont l'ac-
l 'é tu de de nouvea ux moye ns de d ia- tion est représentée par l'opérateur linéaire H. Le problème
gnostic fai t appel aux mathématiques, mais inverse est donc de résoudre l'équation matricielle Y= HX.
la mi se en œuvre opérationnelle néce - Deux ensembles sont caractéristiques d'un opérateur H :
site l ' info rm atique. son noyau Ker(H), ensemble des vecteurs d'image nulle, et
Le traitement du signal étant une di sc i- son image Im(H), ensemble des images pour l'ensemble
pline ex trêmement vas te, o n ne peut des objets possibles.
qu'effl eurer ici quelques principes géné- La première chose à faire est de s'assurer qu'il n'y a pas
raux, sans entrer dans le vif des méthodes d'ambiguïté pour l'image réciproque, c'est-à-dire qu'une
de traitement. Ce monde, à la routin e image a un seul antécédent. Si deux objets X1 et X2 donnent
absente, fa it le bonheur des ingéni eurs- la même image (Y = H X, = H X2 ), alors ils doivent être
chercheurs et est une bell e éco le d ' hu - égaux (X, = ~). Puisque l'opérateur est linéaire, on doit avoir
mili té. Quel trava il il reste à accomplir H (X1 - X2 ) = o =} ( ~ - X2 ) = o.
quand on voit , dans les séries télév isées, Le noyau de l'opérateur H se trouve réduit au strict mini-
qu'en mo in s de temps qu ' il n'en fa ut mum, le vecteur nul : l'application H est injective. La solu-
po ur appuyer sur une touche, on ex tra it tion est unique, si elle existe !
d'un unique pi xel un visage! Le deuxième critère est d'assurer l'existence. L'image doit
F.L. pouvoir être celle d'un objet possible : y E Im(H).
Ll', illu,tr:Hmn:,, on\ !.'. té réaJi..,,fr:- par Pierre R;.1yhaut. À ces deux conditions d'unicité et d'existence, qui garan-
tisse une bijection entre l'ensemble des objets et celui des
Rérérences images, Hadamard ajoute, comme critère suffisant pour
• Les 111a1rices. Bibli othèque Ta ngente 44.20 12. l'inversion d'un opérateur, une condition de continuité
• Le cairn/ i111égra/. Bibl iot hèque Tange nte 50 . nécessaire pour les problèmes bruités de la physique.
2014. Quand ces trois conditions sont remplies, on parle de pro-
• Les angles. Hors-série 53 de Ta11ge111e, 20 14. blème bien posé au sens de Hadamard. Dans ce cas, il
existe en général un algorithme stable permettant de
construire une solution approchée de la solution exacte.
Très souvent, un problème direct est bien posé et un pro-
blème inverse est mal posé (c'est-à-dire « non bien posé »).

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS par Hervé Lehning

Protégez-uous
des hackers !
Les menaces sur Internet portent des noms poétiques comme
spams, phishing , chevaux de Troie, zombies, botnets, dénis
de service et bien d'autres encore tant l'imagination des
criminels est fertile. Heureusement, une bonne hygiène suffit
pour éviter l'essentiel car l'élément faible d'un système
informatique reste l'être humain.

prendre le contrôle d ' un E n ce qui concerne les pièces jo intes,


o rdinate ur ? Pas du vôtre ma is le mie ux est de ne pas o uvrir les docu-
de celui d 'autrui . Bie n ente ndu , ments non sollic ités. Pe nsez que la boîte
il ne s'ag it pas de vo us l'appre ndre ic i, a ux le ttres é lectronique de ce lui que
ce serait illégal, ma is on peut vous ex pli- vo us c ro yez ê tre votre corres po ndant
que r comme nt les hackers s'y prenne nt. pe ut avoir été pi ratée et que de rriè re e lle
Le ur idée est de vous inc ite r à lancer se trou ve e n fa it un escroc .
vou s- mê me un programme ma lve ill a nt
qui le fe ra pour e ux. Comment ? Soit e n Un exemple de phtshmq
vo us a me na nt à ouvrir une pi èce j o inte
à un courrie r é lectronique, soit e n vo us L' id ée du ph ishing, o u « ha meço n-
fa isant c liquer s ur un li e n ve rs un s ite nage » , es t de se fa ire passe r po ur un
piraté a u pré al abl e . Ce la pe ut se pro- site de confi ance pour utili ser la naïveté
duire sur des s ites de té léchargement. À de la v ictime e t l'ame ne r à do nne r des
ce ni vea u , il est conseill é de to ujo urs re nseigne me nts impo rta nts o u payer
vé rifie r si le nom du do ma ine sur leque l des fac tures im ag ina ires . On pe ut sou-
vo us c liquez est bie n le no m offi c ie l. ve nt s'ape rcevo ir de la contrefaçon par
Par exemple, si vo us vo ulez té lécharger la prése nce de fa utes d 'o rth og raphe
un log ic ie l de Mic rosoft , méfi ez-vous g ross iè res . Da ns l'exempl e qui s uit ,
si le site proposé porte un autre nom . Pen- e lles o nt cepe nd ant été é liminées po ur
sez aussi à décoche r les cases prévoyant re ndre le courri e r plu s vra isembl abl e.
des té léchargeme nts no n dés irés. La fac ture utili sée es t no rm a le me nt
vé rita bl e e t mo ntre que le service e n
questi o n a é té pi ra té.
Intern et: un monde impitoyable?
Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique
CHANGER LE MONDE

Un exemple de phishing.
Cher(e) EDF Client(e) : Si vous cliquez sur le lien en
bleu , vous vous retrouvez
sur un site où on vous fait
Votre paiement a été refusé par vot re étab lissement bancaire en raiso n payer au moyen de services
d'un problème technique sur le système de prélèvement automatiq ue. du type Paypal , ce qu'au-
• Dépassement du plafond j ournali er, cune administration ne fait.
• Erreur de sa isie des données bancaires,
• Erreur de la sa isie du nom du titulaire de la ca rte de crédit.

Pour éviter les péna lités de reta rd, nous vo us donnons la possi bilité de
payer en lign e. Afin de régler vot re facture N° F03674.92 78.5417.3681 ,
cliquer sur le lien ci-desso us :

« Régler votre facture »

En cas d'échec de régularisa tion de votre situation, nous procéderons à la


suspension de fourniture d'énergie. Cette intervention vous se ra facturée.

AITENTIO N : Ce messa ge est strictement confidentiel. Son intégrité n'es t


pas assurée sur Internet. Si vo us n'êtes pas destinata ire du message, merci
de le détruire.

ED F SA au capi 1al de 924 433 331 €. RCS Paris n• 552 081 3 17.
siège ~ocial 22·30 av de Wagram 75382 Paris cedex 08 . Copy ri ght © EDF 20 14

Le piratage d ' un service offic ie l peut se rien. En général, les hackers ne rendent
fai re e n obte nant le mot de passe d'un rie n. L' ironie de! ' hi stoi re est qu ' il s uti -
adm ini strateur du système, ce qui per- li sent un dispositif destiné à sécuri ser
met d 'en prendre la maîtri se. Une fois Internet pour vous rançonner. En effet,
le système sous contrôle , il est poss ible le log iciel mal veill ant qu ' il s vo us amè-
de réc upére r les données co nte nues ne nt à exéc ute r s ur vo tre ordinateur
dans ses mémoires et donc d 'envoyer chiffre vos fichiers avec un système de
des courriers é lectro niques aux c li ents chi ffre ment asy métrique. Une clef tenue
e n se fa isa nt passer pour le sys tè me secrète est nécessa ire pour les déchif-
lui -même. frer. Bien entendu , les ransomwares (ou
« rançongiciels ») peuvent s'attaquer
Une attaq ue bien plus série use consiste aux entrepri ses comme aux particuliers.
à prendre les données contenu es s ur Les plus vulnérables sont les PME car
votre ordi nateur en otage et vous deman- e lles sont des objectifs plus tentants que
der une rançon pour vous les rendre. Ne les particuliers mais so uve nt presque
payez surto ut pas, ce la ne serv irait à auss i inconsc ients qu 'eux des dangers.

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente 139


ACTIONS Protégez-vous des hackers !

Les g randes e ntre pri ses se protège nt Ce rt a in s pe u ve nt se de ma nde r co m-


géné rale me nt mie ux. me nt pro s pè re I ï nd us tri e du spa m .
L' arnaque se mbl e te ll e me nt év ide nte '
Zombies et botnets La ré po nse ti e nt d a ns le ca lc ul des
probabilités. Stati stique me nt, les spams
Pour des attaques de grande e nve rg ure, o bti e nn e nt un e ré po nse pos iti ve da ns
les hackers se constitue nt des réseaux un e di zain e de cas s ur un milli o n . La
d 'esclaves : vos ordinate urs tran sfor- locati o n des se rvices d ' un résea u de
més en zombies. La pri se de contrôle de mill e zo mbi es po ur un e he ure co ûte
vo tre ordinate ur n 'es t alors qu e pa r- e nviro n 10 €. Ce la suffit po ur atteind re
ti e ll e . Ces réseaux de zombi es o u bot- le million de spams. Avec 10 €, vo us
nets so nt e n ve nte s ur Inte rn e t po ur po uvez do nc a tte indre di x c li e nts . La
mo nte r des attaques . La cy bercrimin a- dé m a rc he ne co ûte qu ' e n v iro n 1 €
lité a ses e ntre pri ses ! À quoi pe ut ser- pa r cli e nt , a uque l il fa ut ajo ute r l'achat
vir un botnet ? Tout d 'abord à e nvoyer du fi c hi e r d ' adresses , e n ve nte éga le-
des spams, ou courri e rs no n so llicités me nt s ur Inte rn e t po ur des pri x s imi-
(« po urrie ls »). li s contie nne nt e n géné- la ires. S i vo us ve nd ez à c hac un po ur
ral de la publicité po ur des « médi ca- I OO € de produit s a vec un e ma rge de
me nts » ( mê me s i les crimine ls n ' ont 50 %, l' o pé rati o n proc ure un bé né-
e n l' occurre nce aucun intérêt à tuer le urs fi ce de 4 90 € pa r milli o n de spams
clie nts, il convie nt de se méfi e r des sub- e nv oyés , ho rs taxes , bi e n e nte ndu ...
stances ve ndues pa r ce genre d ' indi vi- sa uf ce ll es éve ntu e ll es d 'a utres hac-
dus), des sites pornographiques ou autres. kers. Co mm e le di sa it Geo rges Bras-
se ns , il y a que lque c hose de po urri au
ro yaum e de Tru a nde ri e ...
Malgré cela , les spams restent une fo rme
de me nace très anodine , et ne co nsti -
tue nt qu ' une taxe sur l' excess ive c ré-
dulité. Les botnets sont également utili sés
po ur sature r des services en li gne et les
e mpêche r de fon cti o nner. On parle alors
d ' « attaques en déni de services ». ou DoS
(pour denial of service), o u encore DDoS
(po ur distributed denial of service). Le
motif de ces attaques pe ut être l' ac ti-
vi sme po litique , comme ce ux qui peu-
ve nt c ibl e r d es o rga ni sa ti o n s
go uve rne me ntales de type Pe ntago ne ,
Élysée o u Maison Blanc he , mais auss i
la mi se e n da nge r d ' e ntre pri ses com-
merciales , éventue lle ment concurrentes .
Ain s i, e n 2000 , Amazo n a été victime
d ' une attaque , qui a immobili sé ses ser-
Annonce de services pour hackers sur Internet. vi ces comme rc iaux pendant di x heures .
Il semblerait que ce site vende des dénis de service clefs en ce qui a coûté 600 000 $ . Le moti f pe ut
main, à moins que cela soit un piège . .. auss i être fin a nc ier. po ur rançonne r une
Mais il est avéré que ce genre de service existe sur Internet. e ntre pri se , affaiblir un conc urre nt , etc .

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


Les failles de sécurité
Risques Exécution de code arbitraire à di stance
li est possible d ' augmenter ainsi les Atteinte à la confiden ti a lité des données
divers types d ' attaque , et de parler alors
d 'es pionnage économique. Le ren se i- Systèmes affectés Goog le C hrome vers ions anté ri eures
gnement cherché peut parfoi s se mbler à 33 .0. 1750. 154 pour Windows
a nodi n mais , pa r exe mpl e, connaître Goog le C hrome vers ions anté ri eures
l' offre d ' un concurrent pe ut aide r une à 33.0. 1750. 152 po ur Mac et Linux
entreprise à rempo11er un marché. Inutile
d ' imag iner le vo l de plan s de matériel s Résumés De multiples vuln érabilités ont été corrigées
sophi stiqués po ur cela. dan s Goog le Chrome. Ell es permette nt
Mai s voyo ns plutôt mainte nant les vul- à un att aquant de provoquer une e xécut ion
né rabilités des systèmes d ' information de code arbitraire à di stance et une atte inte
que les hackers exploite nt. Chaque pays à la co nfi dentiali té des do nnées.
po ssède un o rga ni s me les co ll ectant ,
les CERT (pour computer emergency res- Solutions Se référer au bu ll etin de séc urité de l'éditeur
ponse team). Par exe mpl e, le CERT- po ur l'obtention des correctifs
FR publi é par I' Agence natio nale de la
séc urité des systè mes d ' information
(A nss i) co mporte plu s de c inquante nécessa ires au log iciel e n cours d 'exé- Le bulletin
a le rtes nouv e ll es p a r m o is ! (cf. le cution et les re mplacer par d 'autres . .. un du CERT-FR
tableau c i-contre). code malve illant , bie n sûr! Pour év iter du 14 mars 2014.
cela , on pe ut utili ser des langages de
Bien ente ndu , il s'agit toujours de failles programmation adaptés , comme Cami
découvertes par les services de l'édi - (dans sa version OCaml) ou des biblio-
teur o u d ' autres et déjà corrigées. Pour thèques de composants log iciel s séc u-
ce la, il suffit de mettre ses log ic ie ls à ri sés. Dan s tou s les cas , la sécurité des
jour. .. en pre nant garde de les solliciter systè mes d ' information mérite d 'être
so i-même car certain s hackers créent effectuée a priori et non pas seuleme nt
de fa ux s ites de mi se à jour ! Certains a posteriori comme c 'est le cas le plus
se spéc ia li se nt dan s la découverte de courant actuellement.
fa ill es de séc urité e t les vendent s ur
Internet. Ces faille s no n e ncore décou - Les portes dérobées
vertes par les services de sécurité sont
appelés des zero day (o u « jour zéro »). Un autre type de faille concerne éga le-
El les permettent des attaques difficiles me nt la progra mmation initiale m a is
à parer, puisque e ncore inconnues. n 'est pas une e rreur. li s'ag it de la pré-
L'origine de ces failles tie nt à une mau- sence de « portes dérobées », ou back
va ise co ncepti o n des log ic ie ls, à des doors . La mé taphore e nvoie à l' i mage
e rreu rs de programmatio n . En particu- d ' une citadelle imprenable . .. sauf qu ' une
lie r, les e ntrées de données so nt rare- petite porte di ssimul ée et non protégée
ment sécurisées correcte me nt et ce11ains pe rmet d'y pé nétrer. Les programmeurs
langages de progra mmation ne s'y prê- créent souvent de telles portes pour tes-
tent pas. Par exem ple, un log ic ie l peut ter le urs programmes. Norm a lement ,
acce pter une e ntrée dépassant l'espace il s les dé trui sent ensuite mais peuvent
qui devrait normale ment lui être a lloué, o ublier de le faire , intentionnellement
ce qui permet d 'écraser des in structions o u non .

Hors-série n• 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS Protégez-vous des hackers !

Un grand nombre de personnes ont été


scanda li sés par les révélations d' Ed-
ward Snowden. Ce co nsultant de la
NSA ( Natio na l Security Age ncy) a
révélé que les serv ices d 'espionnage
des États-U ni s ... espionnaient le monde
entier, ce qui , normalement , ne devrait
pas passer pour un scoop . Tous les pays
fo nt de même , sin on pourquoi payer
des espions ?

Peu de gens ont vu que l'affa ire était


potentiellement bi en plus grave. La
suspicion réelle serait que, pour espion-
ner plu s fac il emen t, la NSA aurait fa it
place r des portes dérobées dans les
logiciels de sécurité fabriqués aux États-
U ni s. Les serv ices amé ri ca in s o nt
répondu qu ' il s n'étaient pas assez fous
pour cela. En effet, s' il ex iste des portes
Edward Snowden (né en 1983), traître, héros ou naïf? dérobées, les serv ices des grands pays
sont tous capabl es de les trouver. Espé-
les antivirus rons que la NSA ait effect ivement eu
cette sagesse. li n'e n reste pas moin s
Les antivirus sont des logiciels destinés à détecter et détruire que ce la devrait éve ill er une méfiance
les virus. Pour cela, ils se servent de plusieurs techniques. envers les log icie ls de sécurité prove-
La plus utilisée est la recherche d'un morceau de code du nant des Éta ts-U ni s, ou des c ircuit s
virus le caractérisant et que l'on appelle, pour cette raison, intégrés venant d'ailleurs pui sq u' il est
sa « signature ». Pour ce faire, le virus doit se trouver dans éga lement poss ibl e d 'y disposer des
la base de données de l'antivirus. Une deuxième méthode portes dérobées , ou d 'y affa iblir les
analyse les codes des programmes inconnus en simulant son circuits créa nt les suites de nombres
fonctionnement. Cette méthode, dite« heuristique», peut pseud o-a léato ires, au cœ ur des sys-
provoquer de fausses alertes. Enfin, une dernière méthode tèmes cryptog raphiques.
consiste à surveiller le comportement des logiciels actifs.
S'il détecte une anomalie, il avertit l'utilisateur. H.L.

En cas de détection, les antivirus offrent trois possibilités :


réparer le fichier, le supprimer ou le mettre en quaran-
taine. La meilleure option est la première mais elle n'est pas
toujours possible.

Pour les particuliers et les très petites entreprises, il existe


des antivirus gratuits tout à fait suffisants. D'autre part,
on peut également analyser son ordinateur en ligne, pour
disposer des dernières mises à jour. C'est ce qu'il convient
de faire en cas de doute (sur un site dûment répertorié).

142 Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


par Hervé Lehning EN BREF

Les chiffrements homomorphes


Un chiffrement correspond à une fo nctionf trans- est opérationne l et pe ut être utili sé pour fabri-
fo rmant un nombre en un autre, soit x ...... j(x). Il que r des systèmes de vote é lectronique, comme
est di t homo11Zorphe pour / 'addition s' il véri fie He lios . qui est utili sé pour voter sur Internet. De
j (x) + f(v) =j(x + y) pour tous x et y . Dans ce cas , manière plus subtile , on pe ut éga lement imagi-
la somme des chi ffrés est le chiffré de la somme. ner consulter une base de données dans le nuage
Autrement dit , on pe ut fa ire les calcul s impli - (c 'est-à-dire à di stance, via Internet) sans révé-
quant l'add iti on sur les chi ffrés pui s déchi ffrer le ler la requête faite à l'aide d ' un chiffre ment ho-
rés ul tat. Le déc hi ffrement sera encore poss ible si momorphe additif (vo ir Tangente Sup 70- 7 J ).
j(x ) + f(v) = f(x * y) où * est une autre lo i, par De plu s, il exi ste des chiffrements homomor-
exemple une multiplicati on. On parlera encore phes pour les deux opérations, comme celui
d ' homomorphi sme additi f dans ce cas. inve nté par Craig Gentry en 2009, mais ils ne
li ex iste des chi ffre ments ho mo morphes addi - sont pas encore o pératio nne ls car trop lourds.
tifs. En s' inspi ra nt de l' idée de base de la mé- Quand il s le seront, il s permettront d 'effectuer
thode RS A, Pascal Paillier a inve nté un chiffre- dans les nuages tous les calcul s impliquant les
me nt homomorphe po ur l' addition en 1999. li de ux opérations.

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


par

le classement des
par les moteurs de recherche
pages
Les pages du Web sont innombrables. Pourtant, les moteurs
de recherche comme Google les classent en une fraction de
seconde. Ils sont capables de repérer les pages les plus
populaires, aussi bien que celles qui se cache nt ...

es moteurs de recherche comme seco nd e ! Le pre mi er es t l'artic le de

L G oog le utili se nt le gra phe du


We b (vo ir l'encadré) pour pro-
poser une li ste de pages tra itant d ' un
Wikipédi a, qui concerne la géo métrie,
le de uxiè me concerne un magazine de
culture math é matique. D ' où vient ce
sujet donné, en les cl assant selo n le urs cl asse me nt ? La ré ponse est qu ' il est
degrés de pertinence . Par exe mple , si dû aux internautes e ux- mêmes, qui fo nt
l'on effectue une recherche du mot « tan- po inter le urs pages ou non vers te ll e ou
gente » (le 4 juin 2014), on obtient 1,73 te lle autre. C haque page a ainsi un score
milli o n d e rés ult a ts e n un qu a rt d e se lo n le no mbre de pages po inta nt ve rs
e ll e, score qu 'e lle di stribue à ce ll es sur
le produit matriciel lesque ll es e ll es po intent.

Au centre du calcul effectué dans notre exemple se trouve la matrice le mode de calcul
( 0 1/ 2 0 0\

l 01
M - l O li 3 correspon d ant a' 1a distn'b ution
. des scores d e Pour préc iser les ca lcul s, imag inons la
0 0 1/ 3 0 parti e du We b tra itant du sujet cherché
0 1/ 2 1/ 3 1
limitée à quatre pages.
chaque page. C'est pourquoi la somme des termes de chaque

(:
~ :J\,
Pour simplifier, les pages sont dés ignées
par des lettres . Les fl èches dés ignent les
colonne est égale à 1. Partant de la distribution initiale X -

les distributions suivantes sont MX, M 2 X, M3X, etc. où le produit


l
114
1/ 4
pages vers lesquelles chaque page pointe,
c'est-à-dire les pages auxquelles on peut
accéder en un c li c de souri s.
A
matriciel s'opère de la façon suivante :

(:: :: ~ ::'Jl(~ J\ (l:::: : :::: : ~;: : :::: \J.


=
l d, d 2 d3 d4 x4 d 1x 1 + d 2 x 2 + d 3x 3 + d 4 x 4
La stabilisation des pages dépend donc des puissances de la matrice
M. La question se trouve ainsi liée aux valeurs propres de M et on
montre que, en général, cette suite converge (voir le Théorème de
Perron-Frobenius dans Tangente Sup 44-45).
CHANGER LE MONDE

Pour déterminer le score de chaque page,


o n attribue d 'abo rd à c hac une le mê me
Le graphe du Web
score (égal à 25 % ici). Ensuite,on tie nt Le Web peut être représenté comme un graphe gigan-
compte des interfére nces entre les pages. tesque. Ce graphe énumère toutes les pages avec leurs
A in s i , la page B po inte s ur les d e u x connections, celles-ci correspondant aux liens que l'on
pages A et D, auxquelles elle va donc don- peut atteindre en cliquant. Ce graphe est immense puis-
ne r la mo itié de son score . De mê me, qu'il réunit plusieurs millions de pages. Vu de loin, il prend
e l le reço it le score de la page A et le une forme de nœud papillon.
tiers de celui de la page C. Ces di ve rses
form ules sont appliquées plus ie urs fo is ,
et do nne nt le tableau sui va nt :

Page Score 1 Score2 Score 3


A 25 % 12,5 % 16,66 %
B 25 % 33.33 % 15 ,27 %
c 25 % 8,33 % 2,77 %
D 25 % 45 ,83 % 65 ,27 %
Pa e Score4 Score 5 Score6
A 7,63 % 8,79 % 3,97 %
B 17,59 % 7,94 % 8,90 %
c 0 ,92 % 0 ,3 1 % 0,10 % 0 0
D 73,84 % 82,94 % 87,02 % Composantes déconnectées ()
10%
0
li est in util e de continue r lo ng te mps Le nœud papillon. Les Dèches indiquent le sens des liens.
pour que le systè me se stabilise . Il en res-
sort le classeme nt des pages : D , B , A et L'essentiel des pages (90 %) sont connectées entre elles,
C , da n s ce t ord re. L es m o t e ur s d e dans un sens, dans l'autre ou les deux. Les autres forment
rec herche o pè re nt a ins i, ma is avec des quelques composantes déconnectées. Celles-ci ne pointant
millie rs de pages. Mathé matique me nt , qu'entre elles n'intéressent pas le surfeur moyen. En revanche,
cette faço n de procéde r appelle le ca l- elles pourraient intéresser la police car il peut s'agir de
c ul matric ie l (voir e n e ncadré). réseaux de malfaiteurs, comme les pédophiles ou des ter-
Le princ ipe est d o nc réc urs if, l 'a lgo- roristes par exemple. Les repérer est un problème intéres-
ri thme auss i. Les calcul s sont é normes , sant aussi bien mathématiquement que pratiquement. Le
infaisab les à la ma in ma is s imples da ns critère est exactement l'inverse des moteurs de recherche
leu rs princ ipes. S i vo us avez un s ite e t qui, au contraire, classent les pages les plus populaires.
q ue vo us le dés irez v is ible, ce princ ipe Si l'on exclut ces composantes déconnectées, le Web est
montre q u ' il est inutile de paye r po ur constitué d'un gros noyau central, contenant 27 % des pages.
ce la , il suffit de le fa ire connaître ! Cer- Leur particularité est d'être accessibles les unes des autres
tains sites po inte ro nt dessus e t l' affa ire en quelques clics. Autour de ce noyau, on trouve les pages
sera lancée. liées au noyau dans un sens ou dans l'autre (on y va ou on
H.L. en vient), plus deux branches non accessibles du noyau
Références mais connectées en sens inverse.
• Co mment Goog le classe les pages. Tan gente
Sup 44-45 , 2008. A un niveau plus local, on peut reconnaître des structures
• Le théorème de Perron-Frobenius. Tangell/e Sup particulières, comme des groupes de pages pointant toutes
44-45 ,2008. vers la même ou les mêmes, l'inverse étant faux. Ces struc-
• L'algorithme P(lgeR(lnk de Google : promen(lde tures représentent des groupes de fans, que l'on peut ainsi
sur l(l Toile. Tangente 130 , 2009. retrouver.
• Les marrices . Bibliot hèque Tangente 44, 20 12 .

Hors-série n° 52. Mathematiques & informatique Tangente 145


INTERVIEW par Gilles Cohen

Entre le robot et l'homme,


les mathématiques
Percevoir, ressentir, s 'intéresser, apprendre, inventer, com-
muniquer, parler, manifester ... Ces fonctions , que l'on croyait
réservées à l'être humain, peuvent être modélisées au sein
d'une communauté de robots.

rgo-robors est le titre de l' ins- bots. C'est là qu ' intervient , au cours de

E tall ation que l'on tro uvait au


rez-de-chaussée de la Fonda-
tion Cartier, à l'occas ion de l'ex pos i-
je ux de langage, l'ex press ion : ex pl ora-
ti on, acquiescement ou négati on (se lon
le succès ou l'échec), impatience. joie
tion « Mathématiques, un dé payse ment ou co lère . .. Elle est matéri ali sée par la
soudain » dans un grand œ uf de quatre coule ur des lampes qui les écl airent de
mètres d 'enve rgure qui acc ue ille une l'intéri e ur. Petit à petit , les indi vidu s se
communauté de robots curie ux (vo ir comprennent et la langue se construit.
Tangente 143, 201 2). C uri e ux de le ur
Pierre-Yves environnement, de le urs congénères. S i Pierre-Yves Oudeyer d iri ge l'équipe
Oudeycr est ces robots en viennent un jour à croire Fl owers F ie lds de I' ln ri a qui a mi s au
chercheur en un die u, il s pourraient lui donner point, en co ll aborati on avec le Lab ri
ü l'lnria le visage de Pierre-Y ves Oudeyer, (laborato ire bordelais de recherche
lfordeaux- le cherche ur de l ' Inri a qui , avec son en info rmatique), l' inte lli gence artifi -
Sud-Ouest. équipe, les a conçus. c ie lle de ce modè le indi viduo-centré.
phys ique ment et soc ialement situé. Il a
Au-delà de leur curiosité, les robots ont ex pliqué à l'équipe de Tangeme l' im -
été programmés pour se prêter à l' ex- portance des mathématiques da ns sa
press ion orale. Tout se passe comme réali sati on.
dans une c ivilisatio n naissante. Les in -
di vidus di sposent d ' un système voca l la deuxième uie de l'IH
qui leur permet de s'exprimer à l' aide
d ' une di stribution de sons, au dé part IA : inte lligence artificie lle. Cette
aléatoire, et compara ble à ce lle des lan- bra nche de l' in fo rmatique, qui a pour
gues du monde huma in . Pour dés igner ori g ine les trava ux d ' Alan Turing en
les objets de le ur environnement ou 1950, a nourri bien des ambitions (des
les actions de leurs congénères, il s in - illu sions ?) dans les années 1980. Pour
ve nte nt des mots, pas forcément com- fa ire réfl échir des ordinate urs comme
pri s du premier coup par les autres ro- des humain s, on a in ve nté les systèmes

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

expe rts, ces log ic ie ls capables de ma- la faço n dont il traite l'information.
nipule r des règles introduites par les Pour les systèmes complexes, comme
progra mme urs et ex pl o itées à l'a ide de ceux de la physique statistique, on uti-
mote urs d ' in fé re nce, re produi sant le lise des équations différentielles cou-
ra isonne ment hum ain. plées, en particulier pour créer des
boucles de rétroaction, qui permettent
Tangente : Où en est aujourd ' hui au système de s'autoorganiser de la
l'intelligence artificielle ? bonne manière. Tous ces outils sont ex-
« Dans u11 premier temps limitée par ploités pour modéliser l'apprentissage
la complexité des algorithmes, com- des robots. Et dans notre proj et, la cu-
parée aux capacités des microproces- riosité est simulée à l 'a ide de modèles
seurs, l'IA bénéficie aujourd'hui des encore au stade de la recherche. C 'est
progrès des capacités de mémoire des ce qui nous a rapprochés de Misha
ordinateurs et des recherches mathé- Gromov [NDLR : le mathé matic ie n
matiques. Elle est à la base de techno- Mikhaïl G ro mov est e n poste à l' In s-
logies modernes telles que les moteurs titut des hautes études sc ie ntifiques]. Il
de recherche de type Google, mais a lu un de nos articles sur la curiosité
un obstacle subsistait : l 'approche de artificielle, consacré à la modélisation
la cogn ition est symbo liq ue ; or la du plaisir engendré par la croissance
connexion à la réalité est une difficulté des connaissances : la problématique
importante que l'on retrouve quand il des modèles informatiques fa isant la
s 'agit de programmer des robots réels. différence entre les motivations intrin -
Des tâches élémentaires pour les hu- sèques et extrinsèques était également
mains devien nent d'énormes gageures. au cœur de ses travaux sur les ergosys-
On s' est alors retournés vers une vieille tèmes ! »
idée, déjà évoquée par Turing : fa ire
apprendre comme un enfa nt. La notion De la « curiosité artificielle » ? Voi-
d'a uto-apprentissage, à laquelle on là qui éveille la nôtre ! Pierre-Yves
revient dep uis une di~aine d'années, Oudeyer explique qu'elle est consti-
allait donner une seconde vie à l '/A. » tuée de trois modules.
• Le pre mie r module réa li se un ap-
Et les mathématiques dans tout pre ntissage stati stique class ique, qui
cela? cons iste po ur le robot à construire un
« Elles sont fo ndamentales. Certains modè le prédic tif du résultat de ses
outils ne sont pas très exotiques : actes, e t à pou voir compare r, po ur
l'apprentissage automatique est un chaque ac tio n, sa prédictio n avec la
doma ine de recherche à l 'intersec- réa lité.
tion de l 'IA, de l'inférence statistique • Le de uxiè me module, au-dess us, est
et de l'optimisation. Les algorithmes, un systè me de méta- prédictio n. Les
briques élémentaires de I'a rchitec- prédictio ns de premie r ni veau sont
ture, proviennent de diverses sources : soumi ses à une évaluation qui va ser-
pour comprendre le vivant, Turing vir à mesure r l' inté rêt de c haque situa-
avait déjà imaginé les automates cellu- tio n ex plorée par le robot. Plus cette
laires ; pour simuler le f onctionnement mesure sera é levée, plus la curi os ité
du cerveau, les réseaux de neurones du robot sera é ve illée et l'inc itera à
per111e1ten t une approche reconstituant po ursui vre son apprenti ssage. Si la

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tcin9ente


INTERVIEW Entre le robot et l'homme ...

prédiction s'avère presque toujours situati ons qu ' il va ex plorer, de manière


exacte (situations simples), il n'y aura à provoquer le plus de prog rès en ap-
pas de surpri se, il suffira d'entériner prentissage, donc de curios ité et de
les conc lusions. On pourrait alors pen- plaisir. Les acti vités sont automatique-
ser, à l'inverse, à faire en sorte que ce ment ordonnées sui vant une échelle de
soient les situations les plu s complexes complex ité croissante, les plus simples
(où les prédictions sont toujours mau- et les plu s complexes étant éliminées.
vai ses) qui éve illent au maximum sa
curiosité. C' est une mauvai se idée. Elle Vo ilà qui remet en selle la prox imi té
déboucherait sur un comportement qui entre sc ience et art : comprendre, mais
ne ferait pas fo rcément faire de progrès. auss i créer une nouvelle représe ntation
La mesure choi sie, plus sophi stiquée, du monde. « Si on rempl ace dans le
repose sur l'étude de la dérivée d ' une modèle le mot intérêt par le mot es-
fonction mesurant l'évolution des er- thétique, on construit une relation ma-
reurs de prédiction dan s le temps. On thé matique entre objets ex térieurs et
part d ' une situation imprédictible, pui s modèles subjectifs du monde. En parti -
on mesure les progrès. S ' il s sont signi - culier, l'esthétique d' un résultat sc ien-
fi catifs, cela crée de l' intérêt. Quand le tifique pourrait déri ver d ' une combi -
progrès ralentit, on s' intéresse à autre naison entre simplic ité et amélioration
chose. des théories ex istantes. »
• C'est l' objet du troisième module :
optimiser son plaisir ! Le système op- Propos recueillis par G.C.
timi se le cho ix de ses actions, donc des

Le de,ign
des têks des
rohoh a rté
conçu par
Da\ id 1 ~ nrh.

Enfcrmrs dans un espace confiné, les rohots


Les rohot~ apprennent à interagir a\ef leur apprennent il comn11111iqucr t·n drHl011pant un
Cil\ ironnement. langage.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


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Prologin sciENcE 5 (( g Société


Mathématique
de France

0 014)
ACTIONS par Hervé Lehning

la cryptographie,
à l'origine de l'informatique
La réalisation des premiers ordinateurs a mobilisé des
moyens énormes. La dépense était à l'époque justifiée par
l'urgence de décrypter les messages chiffrés allemands, un
travail qui demande de colossaux moyens de calcul.

a toujours demandé de
l'astuce et des calcu ls. Pour le
montrer, prenons le code le plus
simpl e qui ex iste, ce lui de Jules César,
qui consiste en un décalage de lettres. La
clef du chiffre ment est donc ic i le déca-
!age, c'est-à-d ire un nombre entre I et
25. Prenon s un exem pl e simple, dont
on ignore la c lef : L'auteur explique à Cédric Villani
WYMNM SGJUX YXYWI XYL , comment utiliser une C-36 sous
où les le ttres o nt été regroupées par le regard du général Desvignes,
cinq comme c'es t l'usage . L'idée la président de 1'Association des
plus simple pour le décrypter est d'écrire, réservistes du chiffre et de la sécurité
so us chaque lettre, l 'a lph abet d a ns de l' information (A RCSI).
l 'ordre:
Une des vingt-cinq li gnes que l'on peut
w y M N M s G J u X y X y w X y L
écrire a in si correspond au message en
X z N 0 N T H K V y z y z X K y z M
c la ir (vo ir le tableau). Une idée plus
y A 0 p 0 u L w z A z A y K z A N
subtil e pour décrypter ce message est
z B p Q p V J M X A B A B z L A B 0
d'utiliser la fréquence des lettres en
A c Q s QW K N y B c B c A M B c p
français. Dans le message chi ffré, le Y
B 0 R s R X L 0 z c 0 c 0 B N c 0 Q
est la lettre la plus fréquente. Ell e cor-
c E s T s y M p A D E D E c 0 D E R
respond probab lement au E, la lettre la
plus fréquente en français. Pour trans-
Décryptement d ' un message chiffré par le code former Y en E, il faut le décaler de 6 dans
de Jules César. On peut par exemple utiliser des bandes l'ordre alphabét ique: Y, Z,A , B , C , D,
de pa pier portant chacune l' alphabet dans l' ordre. E. En décala nt de même chaque lettre
Avec une règle, on examine chaque alignement du message chi ffré, o n obt ient bien le
et on s'arrête dès que le texte a un sens . même décryptement.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

Les chiffres à substitution


pol11 alphabétique

Le premi er chiffre à substitution po ly-


alphabétique de l' histo ire est connu sous
le nom de chi ffre de Yigenère car, même
s' il fut utilisé ava nt lui , Bl a ise de Yi ge-
nère ( 1523- 1596) fut le pre mi e r à le
décr ire c la ireme nt. Dans sa vers io n
actue ll e, le chi ffre de Yigenère est un
César à décalage va ri ab le. En g ui se
d'exe mpl e, chiffro ns le message « le
chi ffre de Yigenère est plus so li de que
ce lui de César » avec la c lef « art » .
Pour ce la , on écrit le message dans un
tableau sans espace ni ponctuation puis
la c lef e n dessous, en la répétant autant
de fo is que nécessa ire . Le décalage
dépend du numéro d ' ordre de la lettre
considérée, 0 pour A, 1 pour B, 4 pour
E, etc. On app lique a lors le décalage
indiqué sous chaq ue lettre du message.

L E C H I F F R E D E V Le chiffrement est assez laborie ux pui s-


A R T A R T A R T A R T qu ' i I faut décaler chaque lettre de faço n
0 17 19 0 17 19 0 17 19 0 17 19 distincte, ce qui explique que la méthode
L V V H Z Y F I X D V O a it été pratique me nt ig norée pe nd ant
presque troi s siècles. La moindre erreur
G E N E R E E s T p L pouvait rendre le message indéchiffrable
A R T A R T A R T A R T pour son destinataire.
0 17 19 0 17 19 0 17 19 0 17 19 Les machines à chiffrer mécaniques ou
X X N V K E V L T G E électro-mécaniques de la Seconde Guerre
u s s 0 L D E Q u E c mondial e effectuent des substitution s
po ly-a lphabé tiqu es de mani è re auto-
A R T A R T A R T A R T matique et déchiffrent de même. La plus
0 17 19 0 17 19 0 17 19 0 17 19 célè bre d ' entre e lles est la mac hine alle-
u J L 0 c B D V J u V V mande Enigma, mais il en a ex isté un
E L u D E c E s A R grand nombre comme , par exe mple, la
A R T A R T A R T A R C-36 utilisée au niveau tactique par l' ar-
0 17 19 0 17 19 0 17 19 0 17 mée française pendant cette guerre. En
E c N u X c V L A la découvrant au Salon de la culture et
des jeux mathématiques de 2014 , Cédric
Codage de Vigenère. Yillani s ' est d 'aill e urs exc lamé: « Oh ,
Le chiffre de Gronsfeld est identique un bébé Enigma ! » Il ava it parfa ite-
mais la clef est donnée sous la forme me nt raison, ces deux machines so nt
d ' une liste de nombres (« 0 17 19 » ici). effectiveme nt de la mê me famille.

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS La cryptographie

Le maillon faible de la cryptographie chaq ue lettre: nA pour A , n 8 pour B . ..


et n 2 pour Z . On en fa it la somme n ,
est toujours l 'être humain. qui est do nc la longueur du tex te, pui s
I a somme des carres , n.A 2 , 11 ?- ... n 2 . 0 n
8 2
di vise enfin cette dernière somme par
la notion d'indice de coïncidence le carré den . S i on échange les lettres ,
les pos itions des carrés des fréquences
L'indice de coïncidence d'un texte Test la probabilité so nt modifi ées da ns la so mme ma is
que deux lettres tirées au hasard dans ce texte coïnci- celle-c i reste identique pui sque tous les
dent. Si le nombre de A est égal à nA, le nombre de carrés s'y retro uvent malgré la permu-
couples de deux A est égal à nA (nA - l) celui de B, tation . Ce no mbre n' ayant pas de sens
2 ' concret , o n préfère en utili ser un autre ,
na (na - l) , etc. En faisant la somme de tous ces nombres, qui est très proc he , appe lé indice de
2 coïncidence (voir l'encadré). Sans moyen
on trouve le nombre de couples formés de deux lettres é lectronique, le calcul est très long donc
identiques. Le nombre de couples quelconques dans le imprati cable, d 'où le beso in de créer
un moyen de calcul pui ssant et fia ble.
texte est égal à n(n - l) donc la probabilité pour que
2 À partir des fréqu e nces usue ll es , o n
deux lettres d'un texte coïncident vaut: peut déterminer l'indice de coïncidence
n,1(n,1 -l)+n8 (n 8 -1)+ ... +nz(nz -1) moye n d ' un tex te fra nça is, o u da ns
Ic - •
n(n-1) d 'autres langues, éventue lle ment codé
Si on note/A,/8 ... /z les fréquences des lettres dans le par un chiffre te l celui de César ! li suf-
=
texte (nA n/A par exemple), on peut écrire: fit de fa ire la somme des fréquences
moyennes au carré.
1C _ nfA(nfA -1)+ ... __n_(/,A+...
2 }--1-(/, )
A+ ...•
n(n -1) n -1 n -1
1 A B c D E F G
On en déduit que le - _!!__ S - - - où S est la somme 8,4 1, 1 3 4,2 17,3 1,1 1,3
n-1 n-1 H 1 J K L M N
des carrés des fréquences des lettres. 0 ,9 7,3 0,3 0,1 6 3 7,1
0 p Q R s T u
Dans les applications, on peut donc employer S au lieu 5,3 3,0 6,5 8,1 7,1 5,7

de l'indice de coïncidences car, si le texte est relative-


V w X y z
1,3 0,1 0,4 0 ,3 0, 1
ment long, net n -1 sont à peu près égaux et 1 est négli-
geable devant n donc S et le peuvent être confondus. Tableau de fré quences des lettres
en fra nçais, exprimées en pourcentages.

Po ur déte rm iner la longueur d ' une cle f En fra nça is, l' indi ce de coïnc ide nce
de Vigenère, Wi ll iam Friedman ( 189 1- moyen est donc égal à la somme
1969) eut l' idée d ' introd uire un indice 0 ,084 2 +0 ,0 11 2 + . .. + 0 ,00 12,
invariable par pe rmutation des lettres. soit 0 ,0746. Dans le cas d ' un message
Ain si, sa valeur n 'est pas affectée par où les lettres seraient choisies au hasard ,
une substituti on alphabétique simple, on trou ve une fréque nce moyenne de
te lle celles engendrées par le code de 1 /26. L' ind ice est donc égal à 26 fo is
César. Pour obtenir un te l ind ice, !' idée ( 1/ 26)2 , c'est-à-dire à 1/ 26, soit 0,038.
la plus simple est d 'additionner les car- Il s'agit de l' indice de coïncidence moyen
rés des fréquences des lettres . Plus pré- d' un tex te aléato ire .
ci séme nt , dans un tex te T do nné , o n Prenons un message chiffré par la méthode
co mpte le nombre d 'occ urre nces de de Vi genère , par exemple :

Ta.ngent:e Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


CHANGER LE MONDE

CVXIA UWQKU ZMEIO ITKTJ YWPFB RGTCP


VJUME JVNCI WRBVZ ZJYWK NVFRV NXIZF
ITKJX ZHLFX BAIOC SBIME RRGZR NHMHX
UZWEJ YMSKC GPJVA KGOFI YIKRA DAVGP
WTRAF G XZDW VABNY JZKPV AOFUL
VDWLM VBSSM PYEHV RLFDD PH YWA
MLZ FV VOBRT LZTP Y RAGKR NFFKV
DVYVM WITRA FG XZP RWYCF OVPCW
TRAFG XZDUB VARZI JFZLA BPUUZ DTHET
RI YDQ JYRLR IVNLV SNURZ YJOIK RASXV
LFIUP MFVVM XIAQM PUE XW YYR.

So n indice de coïnc ide nce est égal à


0,042, plus proc he de ce lui d ' un texte
aléato ire que ce lui d ' un tex te moyen .
li n'est donc pas chiffré au moyen d ' une
substituti o n mo no-alphabétique, la c lef
n 'est pas de lo ng ue ur 1. On considè re
alors les textes obte nus e n partant de la
pre miè re lettre et e n ne garda nt qu ' une
lettre sur de ux, une le ttre sur tro is, etc.
On o btie nt des indi ces de coïnc ide nce
compri s entre celui d' un tex te aléatoire
et celui d ' un tex te moyen :
gro upes, la clef est RVL EHNING et le La C-36 ouverte.
Clef 2 3 4 S message do nne une autre mé thode de Elle sera améliorée
Indice 0,04 0,04 0,06 0,05 0,04 décrypte me nt , moins systé matique mais en la C-38 ,
Clef 6 7 8 9 auss i mo ins ca lc ul ato ire. E lle est d ue qui deviendra la
Indice 0,06 0,04 0,03 0,08 au précurseur de l' in fo rmatique C harles célèbre M-209
Babbage: de l'armée
Mesure des indices de coïncidence. « La méthode de Babbage consiste à américaine.
chercher des répétitions pour trouver
Arri vé à 9, o n trouve un indice proc he la longueur de la clef. Elle fo nctionne
de l'indi ce moyen . A in s i, par un s imple dès que les messages sont assez longs,
calcul , o n découvre que la lo ng ue ur de ou assez nombreux. Une fo is la longueur
la clef est pro babl e me nt éga le à 9. Si obtenue , il reste à subdiviser le mes-
cette hypothèse est correcte, o n prod uit sage en plusieurs messages, qui se trou-
neuf messages chi ffrés par s imple déca- vent codés par le chiffre de César. La
lage do nt le pre mie r est méthode des f réqu ences p erm et de
CUTIV ZYJIR UCFVX JLSFL LRYX V conclure.»
X lUYV YV VE
(en partant de la pre mi ère lettre puis e n Ce type de calcul pe rme t de décrypte r
écrivant une lettre sur ne uf). La le ttre to ut message des m ac hines à c hiffre r
la plus fréque nte est V (plus de 23 %), de la fa mille de l'Eni g ma alle ma nde,
e lle re prése nte sans do ute E. La pre- s' il est assez lo ng. Les e rre urs des o pé-
mi è re lettre de la c lef est do nc R . En ra te urs a ll e ma nds, do nt la prin c ipa le
fa isant de mê me po ur les huit autres éta it de c hiffre r les bulle tins météoro-

Hors-série n° 52. Mathématiques & informatique Tangente


ACTIONS La cryptographie

Colossus, le premier ordinateur log iques, fo rcé ment prév isibles , per-
mirent à Alan Turing d 'utiliser la méthode
d u mot probable avec succès.
Colossus, premier
ordinateur à Bletchley Autreme nt d it , une mac hine peut être
Park pendant la Seconde idéa le et potenti e ll ement imposs ibl e à
Guerre mondiale. décrypter, mais le mai llon fai ble reste tou-
jours l'être humain. C'est pourquoi, il est
important que les opérateurs so ient bien
formés et les notices d ' uti lisation cl aires.
Le premier ordinateur (Colossus) fut construit par les Ain si, cell e de la C-36 , mac hine à chi f-
Britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale pour frer de l'armée fran ça ise au cours de la
décrypter le code d'une machine de chiffrement, Lorenz, Seconde Gue rre mo ndi a le , préc ise de
réservée aux hauts dirigeants allemands, alors qu'Enigma limite r les messages à qu atre-v in gts
servait sur le champ de bataille, en particulier dans les sous- caractères et de change r la cle f après
marins. Le code de Lorenz et le relatif faible nombre de chac un d ' eux ...
messages le permettaient.
Après la guerre, ces progrès menèrent à l'introduction Références
de nouvelles méthodes, comme les clefs asymétriques où, • Cryptographie et codes secrets. Tangente Biblio-
contrairement aux clefs symétriques, savoir coder ne suf- thèque 26 .20 13.
fit pas pour savoir décoder. La plus célèbre et la plus uti- • L"un ivers des codes secrets. de / 'Antiquité à
lisée d'entre elles, en particulier dans les cartes bancaires Internet. Hervé Lehnin g , Ixe lles , 20 12.
et sur Internet, est la méthode RSA, du nom des trois • Doss ier « Codes secrets » . Tangente 14 7. 20 12.
inventeurs : Rivest, Shamir et Adleman. Elle repose sur
la difficulté pratique de factoriser les nombres quand ils H.L.
sont grands.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


par Michel Criton

Huec ou sans clauier


A : C et mo i sommes mathé mati-
HS5201 - Un petit calcul Ro cie ns;
B : C n 'est pas mathé matic ien ;
Sans l'aide d ' un ordinate ur ou d ' un
C : B est mathé matic ie n ou A est
log iciel de calcul , pouvez-vous calcu-
info rmati cien.
ler cette expression ?
Sachant que les mathématiciens
1234 567 890 disent toujours la vérité alors que
1 234 567 89 J 2 - J 234 567 890 X 1 234 567 892 les informaticiens mentent systéma·
tiquement, pouvez-vous dire qui est
HS5202- Un nombre à trouuer vv quoi?

U n je u sur ordinateur fo nctio nne de la HS5204 - mathématiciens


maniè re suivante. L 'ordin ate ur cho is it et informaticiens (2) v
aléato ire me nt un no mbre e ntier e ntre I
et n. Le jo ue ur a droit à k essa is pour T ro is autres pe rsonnes, D, E et F,
trouve r le no mbre cho is i. Après chaque chacune d ' e lle étant soit mathé mati -
essai, l'ordinate ur ré po nd « Exact » , cie n(ne) soit in fo rmati cie n(ne) , ont la
« Trop g rand » ou « Trop petit ». di scuss io n sui va nte :
Pour des valeurs fixées de k et de n, D : Fest info rmati cie n ;
déterminez la probabilité de réussite E : D et F sont mathé mati cie ns ;
et trouvez la stratégie optimale. F : E est mathé maticie n.
Sachant que les mathématiciens
HS5203 - mathématiciens disent toujours la vérité alors que
et informaticiens (1) v les informaticiens mentant systéma-
tiquement, pouvez-vous dire qui est
Troi s pe rsonnes, A , B et C , chacune quoi ?
d ' e lle é ta nt so it mathé maticien(ne) soit
informatic ie n(ne), o nt la di scuss io n HS5205 - la calculatrice de l'année vv
suivante :
Cette calcul atrice ne sait fa ire qu ' une
S O UR CES DES PROB LÈMES o pératio n : la multiplicatio n de deux
• Onta rio Math ematical Ga-;,ette (HS 520 1) no mbres . li est impossible de lui e ntrer
• D 'après l'A 111erican Math ematical Monthly (HS 5202) un no mbre au cl av ier ! Les seul s
• D ' après Ontario Seconclary Schoo! Math e111atics Bulle- no mbres qu 'elle pu isse utiliser sont
tin (HS 5203, HS5204) ceux qui sont dans sa mé mo ire, et elle
• D ' après C ha mpio nnat des je ux mathé matiques et lo- garde systé matique me nt en mémoire
g iques (HS 5205 , HS5206) les résultats de to us les ca lc ul s qu' elle
• D ' a près la revue Parahola ( HS5207) effectue . On pe ut ra ppe le r à to ut
• D ' a près la revue Function (HS5 20 8) mo me nt n ' impo rte quel no mbre se trou-
• D ' après le Journal of Recreational Math e111atics vant da ns sa mé mo ire. Au départ, seul
(HS5 209 , HS52 10) le no mbre 201 4 est dans sa mémoire.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


par Michel Criton JEUX & PROBLÈMES

Quel est le nombre minimum de stupeur qu 'à partir d' un certain


multiplications qu'elle doit effectuer rang, les résultats sont tous
Niveau de difficullé
pour calculer 2014 x 2014? entiers, alors qu'il sait perti-
0 très facile
nemment que les pui ssances de
t/ facile
ce nombre sont toutes irration-
HS5206 - Un clauier défectueux vv nelles . li recommence avec le
t/t/ pas facile
t/t/v' difficile
nombre 4 + .J15 et fa it le même
Sur les neuf touches 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, t/t/t/t/ très difficile
constat.
8, 9 du clav ier de Mathias, seu les troi s
Comment pouvez-vous expli-
fonctionnent , et la touche O ne fonc-
quer cela?
tionne pas. Sur son ordinateur, Mathias
additionne les six nombres s 'écrivant
avec troi s chiffres di stincts qu ' il peut HS5210- le singe et la calculatrice vv
encore taper avec les troi s touches res-
capées, et il constate avec am usement Un jour, un singe tapa dix fo is sur
que le total s' écrit en n' utili sant que les des touches d' une calculatrice. Un (°' 0
J
chiffres de ces troi s to uches. Quelles nombre s'afficha à l'écran. -------
sont les trois touches numériques Le calculateur simiesque posa alors (IJ ŒJ ŒJ
qui fonctionnent encore sur le cla- son doigt sur la touche « cos » ,
vier de Mathias ? mais rien ne se produisit. Tout en (IJ (IJ (&]
grimaçant et en poussant de petits
HS5207 - Un ordinateur cris, il appuya à nouveau plusieurs [J [IJ (IJ
et ses nombres v v v fois sur la touche « cos » ; hélas,
le nombre affiché restait identique.
[ill08
Un ordinateur est capable de ca lculer Au, fait, quel était ce nombre ?
l' inverse de n'importe quel nombre (On donnera la troncature de ce
non nul qu ' il a en mémoire et la nombre avec six chiffres après
somme de deux nombres quelconques la virgule.)
qu'il a mémori sés. Il peut également Rema rque : comme l'i ndiquent les
mémoriser tous les nombres qu ' il a lettres DEG sur l'écran de la calcula-
calculés. Au départ , il ne connait que trice, celle-ci est en mode degrés. Une
le nombre IOO. Quels sont tous les calculatrice scientifique est nécessaire
nombres qu'il peut produire ? pour résoudre ce problème.

HS5208 - Puissances successiues vv HS5211- les bonbons vvv

Si ( 1 + v'2)" = a + b-v'2 où a, b et Cette sorte de bonbons ex iste en k


n sont des entiers strictement posi- arômes et j 'a i n exemp laires de chaq ue
tifs , démontrez que a est l'entier arôme. Je ve ux les déguster un par un
le plus proche de lrh. en ne mangeant jamais troi s bonbons
ayant le même arôme à la suite .
HS5209 - Des irrationnels presque De combien de manières puis-je le
entiers ? v v v faire si j 'ai trois arômes différents
et trois bonbons de chaque arôme ?
Le professeur Cosinus ca lcu le à l'aide
d' un tab leur les pui ssances successives
du nombre 3 + .Js . Il constate avec

Hors-série n°52. Mathématiques & informatique Tangente


par Michel Criton

HS5201- no mbres rationne ls strictement pos iti fs .


123456789 12 - J 234567 890 X 1234567892 HS5208- Si (../2 + 1)" =a + b../2 où a , b et n sont
= 1234567 891 2 - (1 234567891 2 - 1) = l. des entiers stricteme nt pos iti fs , 0 < c../2 - 1)
On en déduit l'expression demandée, égale à " < 0.5. On a donc :
123 467 890. 2a < (../2 + ] )" + (../2 - I)" < 2a + 0 ,5 et
HS5202 - Si n ~ 2k - 1, il ex iste une stratégie 2b - 0 ,5 < (../2 + 1)" - (../2 - 1)" < 2b.
optimale permettant de trouver le nombre à On en déduit la pro priété demandée.
coup sûr. On procède par dichotomie, en pro- HS5209 - Le no mbre (3 + ../8)" + (3 - ../8)" est
posant systématique ment le nombre situé au un nombre entier. O r le second terme de cette
milieu de l' intervalle considéré. Si n > 2k - 1, somme tend rapidement ve rs O quand n aug-
on procède de même, avec une probabilité de mente. On en déduit que (3 + ../8)" te nd rapide-
trou ver le nombre cherché égale à (2k - 1) / n. ment ve rs un nombre entier quand n tend vers
HS5203 - Si A di sait la vérité, B et C menti - l' infini . On fa it le même raisonnement avec
raie nt tous les deux, ce qui entraînerait une 4 + ../15 et avec tous les nombres de la forme
contradiction. Donc A est informaticien. On a + ../(a 2 - 1).
en déduit que C , qui dit la vérité, est mathé- HS5210 - Un essai à partir de (presque) n' im-
maticien et que 8 est informaticien. porte que l no mbre a saisi sur une ca lcula-
HS5204 - Si D ment, F et E sont mathémati - trice sc ienti fi que à huit chiffres, donne, après
c iens, et on aboutit à une contradictio n pour D au plus tro is appui s successifs sur la touche
qui ne peut être mathématicien et mentir. Si D COS , 0 ,9998477 . En
dit la vé rité, F ment et E est info rmaticien. Il effet, - 1 < cos a < 1,
ment bien pui sque D et F ne sont pas tous deux et cos est cro issante
mathématiciens. Do nc D est mathématicien et entre - 1 et O pui s
E et F sont informaticiens. décroissante entre O
HS5205 - 16 multiplications suffise nt : et 1. Donc, dans les
20 142014 = (((((((20]4 X 201 4 X 20 14)3)2)2 X deux cas, 0 ,9998476
20 14) 3) 3 X 20142) 3 X 20 142)2. 951 < cos(cosa 0 ) <
HS5206 - Si a, b, c sont les tro is chiffres 1. En ité rant, o n
cherchés , le total des six nombres est égal à obtient : 0,999847695
222(a + b + c). La somme des tro is chi ffres I < cos(cos(cosa 0 ) )
peut prendre toutes les va leurs entihes de 6 < 0 ,99984774 16.
à 24, soit di x-neuf valeurs. Seules les treize HS5211 - En choisissant les bonbons tou r à
sui vantes utili sent troi s chiffres di stincts non tour, on a 9! / (3!)3 = 1680 choix possibles.
nul s : 1332, 1554, 1776, 1998, 2664, 2886, Il fa ut déd uire de ces cho ix les cas où troi s
3552, 3774, 3996 4662, 4884, 5772, 5994. bonbons aya nt le même arôme se sui vent. Le
T ro is sont des solutions au problè me posé : premier de ces trois bonbons peut occuper
1332=(1 +2+3) x 222 2664= (2+4+6) x222et sept places d iffé rentes et il reste vingt choix
3996 = (3 + 6 + 9) X 222. pour les six autres bo nbons. Ce fa isant, on
HS5207- L' ordinateur peut calculer l'ensemble enlève deux fo is les cas où il y a deux séries
des multiples de 0 ,01. Il peut donc obtenir, d ' arô mes et trois fois ceux il y a trois séries de
1000, !0000, 100000, etc. et leurs inverses, trois arô mes identiques qui se sui vent. Il fa ut
donc to us les no mbres déc im aux stri cte- donc les rajo ute r. Un peu de dénom brement
ment positifs, pui s, en in versant les no mbres montre que le no mbre demandé est égal à
entiers non nul s et en les additi onnant, tous les 1680 - 420 + 42 + 12, so it 1314 possibilités.

Tangente Hors-série n°52. Mathématiques & informatique


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Ta.ngent:e Hors-série n° 52
Mathématiques et informatique

Ta.ngente
Publié par les Éditions POLE
sns au capital de 42 ooo euros
Siège social
80 bd Saint-miche! - 75006 Paris
Commission paritaire : 1016 Il 80883
Dépôt légal à parution
Directeur de Publication et de la Rédaction
Gilles COHEn
Rédacteur en chef adjoint
Herué LEHnmG
Secrétaire de rédaction
Édouard rnomns
Ont collaboré à ce numéro
Sylute HLHYRHnGUES, mcolas nnc1nux, maidme HUDOUm,
Catherine BELLEnnnÉE, miche( BIDOIT, Philippe BOULHnGER,
martlne BRILLLEHUD, Élisabeth BUSSER, Hrthur CHHRGUÉRHUD,
Jean-François COLonnn, François COSTE, miche! CRITOn,
Franck DHnmos, Jean-Paul DELHHHYE, Colin DE LH HIGUERH,
Dauid DELHUnHY, mcolas DELERUE, Hdrien DUFOUR,
Jean-Jacques DU PHS, Hrnaud DURHRD,
Jean-Christophe flLLIHTRE, Christine fROIDEUHUX,
Gabriel GOUUlnE, Bertrand HHUCHECORnE, Daniel JUSTEnS,
Robin LHmHRCHE-PERRm, François LHUHLLOU,
Herué LEHRlnG, Christine LElnlnGER, Jean-miche! mULLER,
Benjamen nGUYEn, Jacques ntCOLHS,
Hlexandre THLOR, Hlain UHLETTE, Brigitte UHLLÉE,
JIII-Jênn UIE, Thierry UIÉUILLE, Hlain ZHLmHRSlll
maquette
Guillaume GHIDOT, Ratacha LHUGIER,
Claude LUCCHlnl

Ulsuel couuerture : © www.picardieweb.com


Photos : droits réserués
Dessins : Julie Lambert [catoune.com)
Hbonnements
abo@poledltions.com
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Achevé d'imprimer pour le compte des Éditions POLE


sur les presses de l'imprimerie SPEI à Pulnoy (54 France)
Dépôt légal - Juillet 2014
& informatique
' , .
ere nuntenque

L'informatique est un système


de représentation de l'information.
L'algèbre booléenne et l'algorithmique
sont les outils qui permettent de numé-
riser ( « mettre sous forme de
nombres»), représenter et manipuler
l'information. La logique formelle
comme la sémantique cherchent
à préciser ce qui peut être formalisé
et expliqué à un ordinateur. La théorie
du signal permet de faire circuler
des données d'un ordinateur à l'autre.
La cryptologie vise à étudier la sécurité
de ces données qui transitent.
La vérification des programmes
s'appuie sur la logique mathématique.
De fait, la démonstration automatique,
l'expérimentation et la simulation
numérique quittent le domaine du rêve
pour devenir réalité. Ainsi, l'outil
informatique envahit notre quotidien,
de la biologie à la finance en passant
par l'ingénierie, et bouscule notre vision
du monde en soulevant des questions
(scientifiques ou éthiques) qui n'avaient
jamais été envisagées.
Sans les mathématiques, aucun
de ces progrès ne serait possible !

EDITIONS.
Prix: 19,80 € POLE

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