Examen Clinique Du Rachis Lombal
Examen Clinique Du Rachis Lombal
Examen Clinique Du Rachis Lombal
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Examen clinique du rachis
lombaire
J.-Y. Maigne
Hôpital Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris cedex 4
Introduction
L'intérêt de l'examen clinique lombaire a souvent été remis en cause car très peu
d'éléments en ont été validés. Il n'en reste pas moins qu'il est une étape indispen-
sable avant toute décision thérapeutique, comme nous allons le voir.
L'examen clinique vient en complément de l'interrogatoire, partie la plus contri-
butive [1]. Ce dernier doit être directif : les patients ont tendance à utiliser l'ordre
chronologique pour expliquer leur problème, mais l'ordre inverse a un meilleur
rendement diagnostique (partir de la douleur actuelle, ses caractéristiques puis
remonter à son origine). Il doit être structuré en quatre étapes : topographie de la
douleur, ancienneté et cause éventuelle, facteurs d'aggravation ou d'amélioration
et état psychologique. Le fil conducteur est de chercher à mettre en évidence une
« logique d'organe » à la douleur, l'organe étant ici le rachis lombaire [2]. Lorsque
cette logique est présente, la douleur possède des caractéristiques en rapport avec
l'anatomie et la physiologie vertébrale lombaire. Il est alors très probable qu'elle a
une origine vertébrale. Dans le cas contraire, l'origine est plus probablement liée
à un dysfonctionnement des voies centrales de la douleur.
L'examen physique va chercher à confirmer l'impression donnée par
l'interrogatoire.
Anomalies de flexion
La douleur peut être présente en fin de course ou seulement à mi-course (vers 30°
de flexion) et disparaître au-delà. On parle alors de passage (ou d'arc) doulou-
reux. La raideur est liée à la contraction des spinaux en flexion par perte du
phénomène de flexion-relaxation. Malgré cela, l'amplitude globale du mouve-
ment peut rester normale si les ischio-jambiers et les hanches sont souples. Une
attitude antalgique peut être associée, visible en position érigée ou ne se révélant
qu'en flexion, si le tronc se déporte sur le côté. Une raideur douloureuse traduit
théoriquement une pathologie discale, mais ceci n'est pas démontré. Une raideur
peu douloureuse traduit souvent une arthrose lombaire importante. La
cinésiophobie désigne la peur du mouvement, le sujet hésitant à se pencher
au-delà de 10 à 20°. Elle révèle un comportement anormal face à la douleur.
L'examen de la flexion lombaire a démontré une bonne reproductibilité [6-8].
Sa valeur pronostique n'est pas établie [9].
Anomalies de l'extension
L'extension, d'amplitude plus réduite de moitié que la flexion, s'analyse de la
même façon (figure 2.1). Cette dernière a démontré une bonne reproductibilité
[6-8, 11]. Une douleur en extension évoque classiquement une lyse isthmique ou
un canal lombaire étroit avec ou sans spondylolisthésis. L'équation « douleur
en extension = douleur articulaire postérieure » a été démentie par diverses
études [10]. La reproduction d'une douleur radiculaire par l'extension est
censée traduire la présence d'une sténose foraminale. L'attention a été attirée
sur l'association douleur en extension et discopathie inflammatoire, avec ou
sans signe de Modic à l'IRM [12, 13]. La présence d'une douleur réveillée par
l'extension est donc plus intéressante à étudier d'un point de vue diagnostique
que la douleur en flexion.
Anomalies de la latéro-flexion
Lorsque la latéro-flexion est douloureuse du côté opposé à la lombalgie, il paraît
plausible (mais non validé) d'évoquer une atteinte des branches postérieures
cutanées issues de la charnière thoraco-lombaire (T12, L1 et L2). Elles sont, en
effet, étirées par cette manœuvre qui équivaut à une sorte de Lasègue du tronc.
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[(Figure_1)TD$IG]
FIGURE 2.1. La douleur provoquée par l'extension lombaire a plus de valeur diagnostique
que celle provoquée par la flexion.
[(Figure_2)TD$IG]
FIGURE 2.2. Pression sur la ligne des articulaires postérieures. L'index appuie sur la 3e
phalange du majeur.
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[(Figure_3)TD$IG]
[(Figure_4)TD$IG]
FIGURE 2.4. Pression latérale sur l'épineuse. Cette manœuvre, comme les précédentes, doit
être répétée à tous les étages lombaires et jusqu'à la charnière thoraco-lombaire.
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Lasègue
En cas de lombalgie, on ne rencontre que des Lasègue lombaires, c'est-à-dire une
reproduction (plus ou moins nette) de la douleur lombaire par l'élévation du
membre inférieur tendu. Cette manœuvre n'exerce pas seulement une traction
sur les racines L5 et S1. Les muscles ischio-jambiers et grands fessiers sont étirés et
la charnière lombo-sacrée est mise en légère flexion à partir de 70° d'élévation. Le
sac dural est tiré vers le bas. Malgré l'absence de radiculalgie, il peut donc exister
une limitation de l'élévation du membre inférieur (aux alentours de 60-70°) avec
apparition d'une douleur lombaire. Le Lasègue lombaire pourrait évoquer une
pathologie discale, mais ceci n'est pas validé. Deux causes d'erreur possibles : une
rétraction des ischio-jambiers qui se traduit par une limitation bilatérale et indo-
lore de l'élévation du membre inférieur ou une coxopathie évoluée limitant la
flexion de hanche.
Réflexes ostéo-tendineux
La percussion de l'achilléen doit être systématique, certaines hernies discales
n'entraînant que des douleurs lombo-fessières. Une abolition de tous les
réflexes chez un lombalgique peut aussi être la marque d'une neuropathie
diabétique.
Muscles lombaires
Quatre muscles doivent être examinés : le multifidus, l'érecteur du rachis, les
glutéaux et le piriforme. Leur sensibilité s'apprécie par rapport au côté opposé.
20 Généralités
Muscle multifidus
Principal stabilisateur lombaire, le multifidus est souvent sensible à la palpation
d'un voire des deux côtés. La palpation doit se faire en pressant le muscle contre la
face latérale des épineuses. Cette sensibilité est plus ou moins étendue en hauteur.
Elle peut parfois remonter jusqu'à la charnière thoraco-lombaire. En bas, elle peut
descendre le long de la face dorsale du sacrum. Il est intéressant de noter que cette
sensibilité diminue lorsque le muscle est étiré (patient placé en travers de la table).
Le « multifidus test » décrit dans la littérature consiste à chercher une plus forte
tension d'un côté en palpant simultanément les deux côtés à l'aide de l'index et du
majeur en V. La reproductibilité de ce test est acceptable avec un kappa entre 0,12
et 0,48 [22]. La constatation fréquente d'une atrophie musculaire en cas de
lombalgie unilatérale rend compliquée l'explication de cette tension [23].
Muscles glutéaux
Ils sont presque toujours sensibles, avec présence de cordons myalgiques du côté
de la lombalgie lorsqu'elle est latéralisée, l'autre côté étant indolore. Pour ce faire,
la palpation est effectuée doigts en crochet, perpendiculairement à la direction des
fibres, sans agresser le muscle.
Muscle piriforme
Il est situé au milieu de la fesse entre le grand trochanter et le milieu du bord latéral
du sacrum. À son bord inférieur se fait l'émergence superficielle du nerf sciatique.
Il est particulièrement sensible lorsque la douleur du patient est localisée au milieu
de la fesse.
Conclusion
Bien que l'interrogatoire soit le temps le plus important, l'examen clinique lom-
baire doit garder sa place. Il permet d'abord de rassurer le patient et de lui montrer
que l'on prend son cas au sérieux [30]. Cependant, il reste insuffisant et ne permet
pas, à lui seul, de diagnostiquer une hernie discale (ou, a fortiori, d'autres causes
de douleur) [31]. En revanche, confronté aux données de l'interrogatoire et de
l'imagerie, il permet de fournir des arguments en faveur soit d'une origine
vertébrale segmentaire de la douleur (présence d'une « logique d'organe »), soit
d'un dysfonctionnement des voies centrales de la douleur (absence de logique
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d'organe) et c'est là son intérêt majeur. Enfin, il est possible qu'à l'avenir, les
données de l'examen clinique participent à l'élaboration de règles prédictives
thérapeutiques [32].
Références
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