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4ème colloque « La métamorphose des organisations »

Logiques de création 21-22 octobre 2004 GREFIGE Université de Nancy2

Sybil PERSSON-GEHIN Mohamed BAYAD


Professeur associé Professeur des universités
ICN Ecole de management IAE - Université Nancy 2
GREFIGE GREFIGE

Le coaching au service de la transformation managériale

Tranfield (2002), notamment, met en relief la nature mixte et évolutive de la connaissance


gestionnaire, connaissance à la fois produite par une communauté académique, mais aussi par
les pratiques et discours issus du terrain. Dans cette perspective la fonction managériale,
principalement portée par une dimension initiale d’expertise technicienne, a évolué sous la
poussée des recherches dévolues au leadership, consacrant dès lors l’existence d’une
dimension relationnelle dans la fonction managériale. En effet, une revue de la littérature
consacrée au leadership (Northouse, 2001) permet de constater, depuis plus de cinquante ans,
l’ampleur des recherches menées, essentiellement nord-américaines, sans pour autant que les
résultats de ces recherches soient unanimes (Lévy-Leboyer, 2001). Actuellement, le coaching,
en tant que pratique émergente d’accompagnement des managers, se débat dans la nébuleuse
complexe des pratiques d’accompagnement, elles-mêmes en voie de structuration dans le
champ des sciences sociales (Hudson, 1999 ; Parsloe et Wray, 2001 ; Boutinet et Pineau,
2002), sans avoir encore mobilisé fortement l’attention des chercheurs en gestion. Une
perspective de recherche se dessine alors, en sciences de gestion, sur le registre de la
pertinence et du sens, plus que de la performance et de la mesure, par une mise en
correspondance de ces deux thématiques. La question qui s’ouvre alors peut être ainsi
formulée : quelle valeur ajoutée, un phénomène nouveau et non académique – le coaching –,
peut-il apporter à une thématique ancienne et largement étudiée – le leadership – de façon à
alimenter, avec pertinence, la pensée sur le management ?

Sapir et Whorf1 ont montré que la langue dans laquelle on s’exprime n’est pas sans
conséquences sur le type de réalité que l’on saisit (A. Chanlat et Bedart, 1992). Dans
l’hypothèse Sapir-Whorf, il existe un rapport intime entre la langue et les formes de pensée
(Journet, 2001). Ainsi, certains types de réalité sont mieux saisis avec certaines langues
qu’avec d’autres. L’appellation des choses est importante, non pour les choses elles-mêmes,
mais pour ceux qui les appellent en les nommant, rappelle Hagège (1995). Nommer ne permet
pas de reproduire les choses, mais de les classer par l’action de la pensée car les mots sont des
sources de concepts. Sur ce terrain où les mots (ou plutôt les signes dirait le linguiste)
permettent de penser des classements, il apparaît nécessaire de comparer les apports respectifs
des termes de leadership et de coaching afin d’évaluer la pertinence des réponses
managériales actuelles aux évolutions structurelles et comportementales des organisations.

Une première partie fait le point des écrits académiques de synthèse sur le leadership, une
seconde met en exergue les discours des praticiens sur le coaching principalement dans ses
déclinaisons autour du manager-coach et du coaching d’équipe. Dans une troisième partie,

1
Edward Sapir (1884-1939) et Benjamin Lee Whorf (1897-1941). Whorf fut l’élève de Sapir. Voir
« L’hypothèse Sapir-Whorf » (Journet, 2001)

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différentes dimensions sont alors proposées pour apprécier la possible valeur ajoutée du
coaching :
- la dimension rhétorique avec le poids des mots (Hagège, 1995) et les sophistes du
management (Martinet, 1990),
- la dimension psychique, « dimension oubliée » de la gestion (Chanlat, 1992 ;
Lapierre, 1992 ; Henriet, 1993),
- et enfin la dimension mythique : le mythe rationnel comme moteur de l’action
collective (Hatchuel, 2002) car « gérer, c’est légitimer » (Laufer, 2002a, 2002b).
Le leadership ancien revisité par le coaching nouveau apparaît alors, au sein des sciences de
gestion considérées en tant que sciences de l’ingénierie des organisations sociales (Le Moigne
1993), comme une illustration du renouvellement de la pensée managériale, en s’appuyant
sur différentes dimensions à des fins de coordination au service de l’action collective, faisant
alors écho au propos de R. Debray (2000, p.49): « Rien ne se perd, tout se métamorphose. Et
recommence autrement »

1. Le leadership
Dans ce paragraphe est d’abord mise en relief la thématique mobilisatrice et pluridisciplinaire
que constitue le leadership au sein des sciences sociales. Sa mise en œuvre au service du
management est ensuite appréciée, sans pouvoir, en définitive, ignorer la charge que
représente cette fonction pour ceux qui en sont investis.

1.1. Une thématique mobilisatrice et pluridisciplinaire

La prolifération d’ouvrages et d’études sur le thème du leadership a été souvent soulignée


(Rondeau, 1986 ; Aubert, 1992 ; Kets de Vries, 1995 ; Pelletier, 1999 ; Northouse, 2001) que
ce soit dans le champ des théoriciens, des chercheurs ou des praticiens, mobilisant diverses
disciplines : « L’étude du leadership lui-même, qui est au moins aussi ancienne que la
République de Platon, occupe toujours les colonnes des revues d’histoire, de psychologie, de
sciences politiques et des revues traitant de l’entreprise » déclare Kets de Vries (1995, p. 20).
Ainsi, non seulement les ouvrages sur le leadership et la vie des leaders contribuent à nourrir
les rayonnages des librairies avec succès (Kets de Vries, 1995), mais, au plan académique, le
leadership est l’un des thèmes les plus étudiés dans les recherches en sciences humaines des
cinquante dernières années, avec une prédominance du terrain d’étude aux Etats-Unis, sans
pour autant que les résultats de ces recherches soient unanimes (Lévy-Leboyer, 2001). Il
existe de nombreuses classifications des multiples approches du leadership, ce qui rend
difficile une synthèse générale et unanime. Northouse (2001) rappelle que 65 classifications
différentes, dont celle de Bass (1990), ont été répertoriées par Fleishman et al. (1991) pour
tenter de prendre en compte les milliers d’études existantes. Il est tout de même possible de
distinguer trois grands courants regroupant les principales études en psychologie sociale
(Guimond, 1994) :
- l’approche personnaliste qui privilégie la personne, son caractère, sa personnalité, son
comportement, éléments considérés comme essentiels dans le leadership,
- l’approche situationniste qui privilégie la situation (plus que la personne) comme terrain
de naissance du leadership,
- l’approche interactionniste enfin qui combine les deux premières approches, en ce sens
qu’elle propose la prise en compte à la fois de l’individu et de ses qualités personnelles,
ainsi que de la situation, pour comprendre le leadership.

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Ainsi historiquement, les premières études sur le leadership ont recherché des caractéristiques
dans le personnalité des leaders (Aubert, 1992 ; Rondeau, 1986 ; Lévy-Leboyer, 2001). Elles
ont ensuite intégré le contexte dans une approche contingente, ont relativisé l’efficacité de tel
ou tel mode de leadership. Ceci étant, la synthèse réalisée par Bass (1990) confirme la
prégnance d’un certain nombre de traits de personnalité, parfois innés comme le supposaient
les premières recherches, mais aussi et certainement plus souvent acquises à travers
l’expérience, la formation. Ces traits de personnalité s’apparentent aux trois éléments ci-
dessous :
- l’activité : le leader est énergique et sait s’imposer ;
- l’intelligence et la compétence : le leader sait apprécier la situation, utiliser son
expérience, disposer des informations utiles, et laisser parler son intuition ;
- la compétence sociale : le leader sait communiquer, développer des relations avec les
autres, résoudre les conflits, animer les groupes.

Dans l’approche américaine, le leadership, au delà des nombreuses acceptions dont ce concept
peut faire l’objet, s’inscrit dans un triple cadre culturel, idéologique et identitaire remarque.
Pelletier (1999) : un homme « libre », des droits individuels forts, des communautés locales
relativement autonomes, une réglementation sociale « légère », un appareil bureaucratique
faible. La question du leadership est devenue encore plus prégnante en raison de la
concurrence effrénée que se livrent les pays industrialisés à l’échelle mondiale (Aubert, 1992)
et cette demande ne diminue pas selon Northouse (2001, p. XIV) : « As we enter the 21st
century, these is a genuine demand for effective leadership ». Selon Henriet (1993), qui
privilégie l’approche par processus, un leadership efficace suppose de s’intéresser à ce que
font les personnes au delà de ce qu’elles sont, au travers d’une mise en œuvre effective. Il
donne une définition du leadership notamment par ses déterminants (1993, p. 105) : « C’est le
résultat d’une interaction permanente entre le contexte culturel, les données technico-
économiques (…) et les caractéristiques des personnes en présence (…). Cette interaction
peut se révéler plus ou moins efficace et durable ».

1. 2. Le leadership au service du management

Si le concept de leadership dépasse le cadre du monde du travail (ce qui explique peut-être en
partie son attractivité générale), il est facilement associé à la fonction managériale
(Northouse, 2001) sans pouvoir pour autant lui être strictement identifié (Levy Leboyer,
2001). Tant dans l’acception américaine que française, le leadership n’est qu’un aspect du
management qui en comporte d’autres (Levy Leboyer, 2001).
Les travaux de Koter (1990) ont cherché à distinguer les deux notions, montrant que le
management (dans sa dimension administration, gestion, direction, termes plus appropriés en
Français) hérité de Fayol (1916), encore représentatif du champ de la gestion aujourd’hui
selon Northouse (2001), développe une dimension d’ordre et de stabilité, alors que le
leadership développe une dimension dynamique favorable au changement.

Comparaison entre management et leadership (Northouse, 2001 d’après Kotter, 1990)

MANAGEMENT LEADERSHIP
« Produces Order and Consistency » « Produces Change et Movement »
- Planning / Budgeting - Vision Building / Stategizing
- Organizing / Staffing - Aligning People / Communicating
- Controlling / Problem-Solving - Motivating / Inspiring

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Les dirigeants orientés vers la gestion et le management s’attachent d’abord à bien gérer, alors
que les dirigeants leaders s’attachent à “libérer une influence, guider, orienter” (Aubert,
1992). Bennis et Nanus (1985, p. 221) ont clairement rendu compte de cette distinction par la
formule: « Managers are people who do things right and leaders are people who do the right
thing”.

Dans un travail de synthèse, les rapports mis en relief par Henriet (1993) entre leadership et
management permettent de dégager notamment les points ci-dessous :
1. Le management est considéré désormais comme une pratique décisive quant au bon
fonctionnement d’une organisation, mais cette pratique est de plus en plus contestée et
sanctionnée, remettant en cause le management traditionnel.
2. Le management évolue sous la pression d’un environnement globalement changeant et des
critiques dont il fait l’objet, modifiant, entre autres, les relations de travail. L’autorité a
alors mission de mettre en valeurs les potentiels dans des relations individualisées qui
s’inscrivent dans un cadre collectif.
3. Le leadership est un levier d’action et de relation pour le manager en insistant sur la
dimension personnelle de l’autorité.

Au terme de sa réflexion Henriet (1993, p. 147) résume la position qui semble culturellement
être admise en France : « Ainsi, avec la montée en puissance du leadership, le management de
l’entreprise n’est plus la simple administration des hommes, ce n’est plus seulement la
« gestion » mais l’ensemble des actions et des dispositifs qui vont avoir un rôle de
dynamisation. C’est cette dynamisation qui est au cœur du leadership. Elle réintroduit une
dimension humaine et fait un pari sur les personnes. Les aspects psychologiques deviennent
alors dominants et la gestion doit en tenir compte (…) Ce faisant, rien n’est jamais acquis en
matière de leadership et c’est sur cet aspect de contingence et de renouvellement permanent
qu’il nous a paru souhaitable d’insister pour clore cette réflexion. »

Efficacité contingente et relative en fonction du contexte d’une part, et dimension managériale


essentielle sur fond de psychologisation d’autre part, semblent structurer, en synthèse, la
fonction leadership. Le premier point souligne que la mise en œuvre d’un leadership efficace
reste le produit d’une équation complexe. Le deuxième point souligne la dimension
personnelle qui est mise en jeu et qui intervient dans l’exercice du leadership (Aubert, 1992).
Ainsi, si le leadership a bien régénéré la fonction managériale (voire en s’y substituant pour
certains), il est loin d’avoir réduit la complexité de la relation du cadre à ses collaborateurs.
De plus, le contexte actuel appelle et stimule la dimension identitaire au travail (au sens de
Sainsaulieu, 1985).

2. Le coaching

Pour aborder le phénomène coaching, encore diffus et en relation intime avec les modes
mêmes de sa diffusion, différentes sources sont utilisées. Elles sont principalement issues de
publications non ou peu académiques, mais susceptibles de porter en leur sein des éléments du
discours managérial et, par là-même, susceptibles de participer à une transformation des
pratiques2.

L’évolution du management en général et du leadership en particulier fait l’objet de la


réflexion de certains consultants ou praticiens pour asseoir la pratique du coaching dans un
2
Voir à ce sujet le chapitre 1 de la thèse de T. Jacquot (1998)

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processus d’évolution du management et/ou du leadership 3. Certains situent le coaching
comme un outil efficient dans une perspective d’empowerment4 D’autres encore le situent
dans une perspective d’apprentissage individuel5.

Pour tenter d’extraire les éléments pertinents de cet ensemble, le plan adopté dans cette partie
permet de considérer d’abord le coaching dit interne (par opposition au coaching dit externe),
et ensuite d’entendre les débats autour du manager coach. Ces deux paragraphes se situent sur
une toile de fond où se rencontrent une culture managériale anglo-saxonne a priori ouverte à
une démocratisation large du coaching, et une posture hexagonale (via notamment la Société
Française de Coaching) plus mesurée.

2.1. Coaching interne versus coaching externe

Le coaching interne est pratiqué par un salarié de l’entreprise alors que le coaching externe est
le fait d’un consultant, externe à l’entreprise. Cette distinction semble être consensuelle, peut-
être parce qu’elle pourrait s’appliquer à d’autres formes de consulting que le coaching. Ainsi
le coach interne est « sédentaire » le coach externe est « nomade » (Fourès, 2003). Le
coaching interne apparaît comme le dérivé du coaching externe, obéissant alors à une logique
de démocratisation dans le temps. Certains parlent d’un coaching de deuxième génération.
Mais surtout un personnage nouveau apparaît dans le coaching interne qui est le « manager
coach ». Le schéma ci-dessous propose une synthèse.

Les différents types de coaching

Coaching

C. Externe C. Interne

C. de la personne Team-building C. par un salarié Manager Coach

C. du dirigeant C. d’équipe de direction C. d’équipe

C. du responsable C. d’équipe projet C. du collaborateur

Sens du temps

Des pratiques aménagées en entreprise.


La distinction initialement opérée entre coaching interne et coaching externe tend à
s’amenuiser au regard de l’évolution des pratiques en entreprise. Ainsi, en France, le coaching
externe tend à être progressivement régulé par la Fonction Ressources Humaines qui apprécie
des formations6, des certifications7, des références chez les coachs externes. Ainsi, les DRH
s’organisent pour référencer des coachs externes qui seront de ce fait habilités à intervenir
3
Par exemple : Peters et Austin, 1985 ; Cruellas, 1993 ; Leleu, 1995 ; Hudson, 1999.
4
Notamment Oates, 1994 ; Meulemans, 1995 ; Kerjean, 1999 ; Stacke, 2000 ; Moyson, 2001; Gendron et
Faucher, 2002
5
Voir Gallwey, Parloe et Wray

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dans l’entreprise (Forestier, 2002), alors qu’à l’origine, le coaching relevait de l’intime et d’un
caractère intuitu personae ; il restait réservé au dirigeant 8, ou aux responsables à potentiel 9.
Par ailleurs, le coaching interne, mis en oeuvre par un salarié de l’entreprise dans une relation
non hiérarchique, emprunte à la dynamique mise en œuvre dans le coaching dit externe (la
flèche en pointillés sur le schéma ci-dessus traduit ce fait), puisque ce coach interne peut alors
assumer les tâches d’un coach externe.

D’après les enquêtes effectuées en France sur les pratiques coaching, il semble que la
préférence aille pour l’instant au coaching externe 10 alors que les entreprises anglo-saxonnes
investissent fortement dans le coaching interne. Ces deux modes semblent se révéler
complémentaires (Costes et Julien, 2001 ; Fourès, 2003). Ainsi, est de plus en plus observée,
dans les entreprises, une stratégie combinée de coaching externe démultiplié à l’interne.
Citons comme exemples d’entreprises déclarant pratiquer les deux formules conjuguées,
interne et externe : Arthur Andersen11, la SNCF12, EDF13, Renault14, Rank Xerox15, Ernst et
Young16.

S’appuyant sur l’expérience de 8 années de coaching chez IBM qui a fait le choix exclusif du
coaching interne, Costes et Julien (2001) considèrent que ce dernier est moins coûteux, plus
accessible, et peut être perçu comme un coaching de situation tandis que que le coaching
externe favorise le benchmarking, met en relation avec l’universel, et peut agir sur le
structurel de l’entreprise. Une autre nuance est identifiée chez EDF-GDF au plan de la
demande: en interne elle concernerait davantage le coaching dit « de performance » orienté
vers un développement de compétences, alors qu’en externe, elle concernerait davantage le
coaching dit « de croissance » favorable à une dynamique de développement personnel
(Pilard, 2002, p.62). De plus le coaching interne à moyen terme favoriserait « l’organisation
apprenante » (Fourès, 2003, p. 35), car plus susceptible d’introduire une dynamique
relationnelle entretenue sur la durée.

La demande de coaching en interne semble légitime, mais elle peut se révéler problématique
dans son application concrète. Le coach interne est-il un manager devenu coach, cumulant les
rôles éventuellement contradictoires de hiérarchique et de coach 17 ou bien est-il un consultant
interne chargé de coacher des personnes et des équipes dont il n’est pas le hiérarchique ? « Le
coach interne est pris dans des logiques organisationnelles qui rendent sa tâche beaucoup
plus ardue que celle d’un coach externe » estime Chavel (2003, p. 178-179). Celui-là se
révèle en fait complémentaire à celui-ci, « tous deux restant aux avant-postes des
changements de l’entreprise ». Les cadres de la fonction RH seraient appelés au premier chef

6
Les écoles de formation au coaching se sont fortement développées depuis 2000-2001et offrent en général une
certification à l’issue de la formation.
7
Notamment les certifications de la Société Française de Coaching et de l’ICF (International Coach Federation)
8
Malarewicz (2000, 2003), fort de son expérience de thérapeute familial, considère que les premiers coachs de
dirigeant furent les épouses (et/ou les maîtresses).
9
Conférence débat de la SFCoach, Paris, 16 décembre 2003 : « Coaching interne, coaching externe quelle
synergie ? »
10
Voir notamment l’enquête du Syntec, réalisée fin 2000 qui a été fortement médiatisée
(www.syntec.evolution-professionnelle.org)
11
Management, mars 2000, p.93-98
12
Liaisons sociales, novembre 2002, p. 80.
13
Forestier 2002, p. 51 ; Pilard, 2002.
14
Management et conjoncture sociale (2002, p. 47-49. Liaisons sociales (novembre 2002, p. 74-76 et 80).
15
Zylbermann et Kallel (1997).
16
Entreprises & Carrières (13-19 novembre 2001, p. 17).
17
Voir paragraphe 2.3.

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à utiliser les techniques et outils du coaching (Chavel, 2003) de même que les dirigeants en
fin de carrière (Albert et Emery, 1999 ; Alexandre, 2000)

Coaching d’équipe et team-building


Ce n’est qu’en 2001 que la Société Française de Coaching (créée en 1996) a introduit la
notion d’équipe dans sa définition officielle du coaching. Dans son essence, le coaching serait
une démarche consacrée à une personne, mais le coaching d’équipe se développerait pour
permettre démultiplication, démocratisation et réduction des coûts légitimement souhaitées
par l’entreprise (Roussillon, 2002). Cependant le coaching d’équipe suppose, au-delà des
aptitudes nécessaires au coaching de la personne, des compétences avérées en processus de
groupe (Delivré, 2002 ; Lenhardt, 2002). Pour certains, le coaching d’équipe présente des
atouts (Cruellas, 1993 ; Gauthier et Vervisch, 2000 ; Stacke, 2000 ; Lenhardt, 2002)
notamment au regard de la démarche personnelle, par trop susceptible de renforcer un
sentiment de solitude. En effet un coaching personnel peut se solder par le départ du coaché
de l’entreprise, voire son changement de métier et il ne peut aller au bout de la complexité
d’une équipe (Cardon, 2003).

Certains assimilent coaching d’équipe et team-building (Lang, 2002 ; Vergne-Cordonnier,


2003). Pour d’autres, qui font la différence, le team-building renvoie à une opération de type
séminaire afin de construire une équipe (Malarewicz, 2000 ; Moyson, 2001) alors « centré sur
l’accroissement de la motivation collective » (Cardon, 2003, p 8) dans le souci « générer la
participation d’autrui » (Colonna, 2002, p. 26), plus souvent en lien avec une dimension
externe, que ce soit par le type d’accompagnement (un coach externe) ou par un déplacement
« out-door » (à l’extérieur des murs de l’entreprise). Le coaching d’équipe s’apparenterait lui,
à un accompagnement sur la durée (Stacke, 2000 ; Giffard, 2003) plus souvent en interne,
facilement en lien avec le management même de l’équipe, soit parce qu’il est pratiqué par le
manager même de l’équipe, soit parce qu’il est pratiqué par un coach qui veille à conjuguer ou
à subordonner son action à celle du manager.

Quand le coaching d’une équipe est assuré par un coach qui n’est pas le manager, la situation
peut s’avérer délicate et requiert une très grande clarté dans le contrat et la mise en œuvre
puisqu’il y a alors potentiellement deux leaders, le coach et le manager (Délivré, 2002 ;
Cardon, 2003), la mission du consultant étant pourtant de mettre en relief les divergences
comme sources d’enrichissement (Malarewicz, 2000). Dans le cadre d’opérations conjointes
de coaching individuel et d’équipe, il est préférable de faire appel à des coachs différents pour
ménager les espaces distincts de transfert (Giffard, 2003). Quand le coaching prend une
coloration dite « stratégique », il accompagne en général le changement, favorise la
dynamique d’apprentissage appliquée à l’équipe, et travaille sur le système en prenant avant
tout en compte les interactions dans le groupe (Lang, 2002) dans une lecture systémique : « Le
travail systémique est avant tout un travail avec les relations, avec les liens, avec les
interactions » déclare Malarewicz (2000, p. 128) qui prévient par ailleurs: « en même temps
que nous avons à être ensemble, nous en avons perdu le mode d’emploi » (2000, p. 11).

En synthèse, le coaching d’équipe apparaît en liaison avec une dynamique d’apprentissage et


semble pouvoir se décliner sur deux plans principaux qui ne sont pas exclusifs :
1. Le coaching stratégique s’applique à une équipe (éventuellement de direction) (Maisons,
1999 ; Lenhardt 2002 ; Lang, 2002). Il favorise le team building, la démarche systémique
et accompagne le changement. Il peut avoir pour objectif ultérieur de transformer une
organisation dans une démarche d’apprentissage en autonomie de l’équipe (Cardon,
2003).

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2. Le manager d’une équipe adopte une posture de coach, avec leadership et outils de
communication appropriés (Kinlaw, 1997 ; Longin 1998 ; Drolet, 1999), posture fréquente
dans les obédiences anglo-saxonnes, l’originalité portant sur la dynamique
d’apprentissage par l’expérience.

2.3. Le manager-coach en débat

L’intérêt du concept de manager coach représente un enjeu en France : la distance


hiérarchique reste importante et le manager devenu coach doit accepter de perdre son statut
d’expert (Caby, 2002). Ainsi, si le manager coach gagne du terrain du moins dans les
discours, les pratiques semblent différer en France et dans le monde anglo-saxon.

Une adhésion dans le monde anglo-saxon


Du côté anglo-saxon, le coaching interne est plus développé qu’en France, une abondante
littérature sur cette thématique en témoigne. Par exemple l’Americain D. C. Kinlaw (1997)
qui propose dans son livre initialement publié en 1993 aux Etats-Unis Coaching for
Committment que le coaching devienne une stratégie de leadership pour promouvoir
l’engagement des employés et favoriser le contact entre employés et employeur. Le coaching
est alors considéré comme une stratégie de leadership sous l’égide de quatre items qui sont :
conseiller, guider, former et confronter. Par exemple encore, en 1994, le Britannique D. Oates
propose dans The manager as coach, une illustration de la vision courante selon laquelle le
rôle du manager doit évoluer du contrôleur vers le facilitateur. Dix caractéristiques du cadre
coach sont répertoriées : guide, consultant, challenger intellectuel, encourageur/créateur,
éclaireur, facilitateur, leader et interprète, émissaire, modèle, parangon (pierre de touche).
Hardgrove (1995) quant à lui, promet au travers de Masterful Coaching des résultats
extraordinaires en impliquant les personnes par une stratégie conjuguée d’apprentissage et de
changement dans la lignée de La cinquième discipline de P. Senge (1990). Le coaching dans
sa version technicienne peut être également, sur un mode très pragmatique, considéré comme
une collection de recettes pratiques qu’il suffirait d’appliquer pour atteindre la performance
(Eaton & Johnson, 2002). Des Canadiens d’expression française situent le coaching comme
un mode de gestion (Drolet, 1999 ; Mercier 1999 ; Gendron et Faucher, 2002), préférant le
mot « gestion » à celui de « management » de plus en plus usité en France.

Une position prudente en France


« Le coaching est-il un outil de management ou un outil à disposition du management ? »
interroge S. Roussillon (2002, p.73) vigilante face au manager qui endosse les habits du
coach, cumulant alors les rôles de hiérarchique et de coach. La confusion des rôles peut être
dangereuse, elle est souvent soulignée. Par exemple, Rouvin (2004, p. 152) parle de
« l’ambiguïté » du manager coach ; Devillard (2001, p. 30) oppose le rôle de « garant
opérationnel » du manager au rôle de « parrain de la croissance » du coach ; Giffard (2003,
p. 161) rappelle que le coach est « facilitateur, pédagogue qui accompagne » alors que le
responsable hiérarchique est « donneur d’ordres, évaluateur des performances » ; Malarewicz
(2003, p. 15) considère que « le coach doit être libre de tous liens hiérarchiques » pour éviter
une confusion des rôles issue du mélange des contextes.

La position de la SFCoach et du Comité d’Agréement et de Déontologie qu’elle a institué est


très claire 18: « le CAD reconnaît qu’il est admirable que les managers apprennent un style de
management leur permettant de mieux développer le potentiel des personnes, mais ils ne
18
extrait du compte-rendu du 28 mai 2002 « Le manager-coach existe-t-il ? » www.sfcoach.org (7 juillet 2003)

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peuvent en aucun cas être dans la position neutre d’un coach, et, pour autant qu’ils la
rechercheraient, ils ne rempliraient plus leur rôle de manager ». Il est à noter que la branche
française de l’ICF (International Coaching Federation), dans le même esprit, ne propose des
certifications que pour les coachs en excluant les managers coachs (Rouvin, 2004).

Pourtant les entreprises et les cabinets de conseil et de formation voient respectivement, au


travers du manager coach, un élan nouveau à impulser et un marché à occuper (Stacke, 2000 ;
Forestier, 2002). Cette contradiction entre management et coaching peut être dépassée en
acceptant l’idée que le « manager coach » est plus un manager qui développe des
compétences de coaching qu’un coach qui manage (Chavel, 2003). Le manager coach est
invité à agir sur les registres conjoints du management et du leadership (Radon, 1999) afin de
développer les potentiels humains de ses collaborateurs (Delivré, 2002, Fourès, 2003). A
l’expert le savoir-faire, au leader le savoir-faire-faire et au coach le savoir-faire-être selon
Goudsmet et al. (2003). Par le coaching dont il a éventuellement lui-même bénéficié, le
manager qui le pratique à son tour, gagne en capacité à impulser une dynamique
d’apprentissage personnalisée, destinée à favoriser l’autonomie des collaborateurs. Le
coaching se révèle alors comme un « levier puissant » pour « accompagner des changements
importants » (Noyé, 2002, p. 5) en s’appuyant « sur le développement du savoir-être du
manager pour lui permettre l’acquisition du savoir faire du coach, de façon réellement
intégrée » (Stacke, 2002, p. 30) permettant « un nouveau style de management » (Cruellas,
1993).

Chez Ernst et Young

Fabienne Speck, Responsable du développement des potentiels au sein de la direction de la


stratégie des ressources humaines chez Ernst et Young France lors des Journées du coaching
organisées en décembre 200219, témoigne au sein d’un discours convaincu de la mise en
œuvre du coaching comme double instrument de déclonage et de normalisation. Pour
« décloner » les jeunes recrues du grand cabinet qui se ressemblent, parce que formés
identiquement au sein des grandes écoles dont ils sont issus, il est judicieux de les faire
coacher par un manager coach, différent du manager hiérarchique. Le manager coach est lui-
même formé selon un schéma très précis, et bénéficie ensuite d’une supervision externe, et
d’une hot-line ou supervision interne. Il est ainsi coaché par un coach externe soigneusement
sélectionné, ou par un coach soigneusement formé en interne. Le risque est alors de
développer une mise aux normes des jeunes recrues sous la double houlette d’un manager
hiérarchique, d’un manager coach parrain, tout en ayant l’intention de « décloner » au départ.
Pour le haut de la hiérarchie, Fabienne Speck explique que les DAP (Direct Admit Partner)
bénéficient d’un coaching. Les coachs ayant été eux-mêmes sélectionnés pour permettre à
chaque futur coaché d’avoir le choix du coach, mais d’un coach ayant bien sûr intégré la
culture spécifique de ce type de cabinet. Dans la même entreprise, Pierre Hurstel Directeur de
la stratégie de ressources humaines, apporte sa vision de L’entreprise réparatrice (2002).
Dans l’ouvrage, il consacre trois pages au coaching donnant la parole à Gilles Panteix, son
coach personnel (2002, p. 113-116.)

En synthèse, la position a priori prudente en France, notamment portée par la SFCoach 20,
quant à la conjugaison des rôles de manager et de coach, tend à s’adoucir. La demande
croissante des entreprises et les pratiques en vigueur dans le monde anglo-saxon invitent à
considérer que le « manager coach » participe à une vision enrichie de la fonction
19
Journées du Coaching, organisées par ICAD et EM Lyon à Paris (10-11 décembre 2002).
20
Conférence du 28 mai 2002 de la SFCoach « Le manager-coach existe-t-il ? » (www.sfcoach.org)

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managériale. Elle suppose, pour le manager pratiquant le coaching, éventuellement à temps
partiel, qu’il parvienne à dépasser les contradictions inhérentes à une double fonction de
contrôle nécessaire et de bienveillance stimulante.

3. La pertinence du coaching
Trois dimensions sont ici proposées pour apprécier la possible valeur ajoutée du coaching,
dans la lignée du leadership, au service de la gestion : rhétorique, psychique et mythique.

3.1. La dimension rhétorique21

Sans vouloir mobiliser outre mesure des théories linguistiques poussées, et même si pour le
sens commun la question de la relation entre le langage et la réalité ne se pose généralement
pas, il importe de préciser ici la posture adoptée, au regard des développements conséquents
qu’a vécu la linguistique dans le dernier siècle (Dortier, 2001). A l’aide de la réflexion du
linguiste V. Nickees22 (2001), il est possible d’adopter une position tierce qui ne souscrive ni à
un langage conçu comme reflétant une réalité objective, ni à un langage arbitraire. Il s’agit
alors de rechercher la clé de l’organisation sémantique des langues dans l’expérience humaine
elle-même. La langue n’évolue, dans la perspective saussurienne, ni comme l’effet de
volontés individuelles, ni comme l’effet de la volonté de sujets supra-individuels. Nickees
souligne qu’une étude minutieuse des changements de sens conduit à penser que les nouvelles
significations ne se produisent pas au hasard, mais qu’elles sont conditionnées, tout au long de
l’histoire de la langue « par les relations entre le système linguistique et les expériences
collectives qui traversent la communauté des locuteurs » (Nickees, 2001, p. 131). On
approche alors, au sein du courant de l’interactionnisme social, les thèses notamment
développées par J. Habermas où le langage joue le rôle de médiateur de l’activité collective
(Bronckart23, 2001)

Le mot coaching peut être une étiquette cousine du mot leadership dans l’action que suppose
le management des projets, des hommes et des équipes, ces deux termes rendant compte
d’une posture de responsabilité managériale et de la dynamique ad hoc. Mais le leadership
évoque d’abord la personne, le leader, alors que le coaching évoque d’abord une action
d’accompagnement ou d’entraînement. Le mot coaching, mieux que le mot leadership peut
rendre compte d’une réhabilitation de la relation mesurée dans cette économie de l’échange
relationnel, perçu comme précieux pour asseoir aujourd’hui la réussite d’un projet,
l’implication d’une équipe, l’atteinte d’un objectif. Le mot leadership, même si il a essayé
dans les représentations collectives de porter l’idée d’un processus dynamique et actif (peut-
être avec plus de succès dans le monde anglo-saxon qu’en France au travers du gérondif
« leading ») risque de renvoyer en Français indubitablement à une logique binaire : le leader
et les « autres ». De plus, le leadership même apprécié comme un processus notamment
relationnel, est d’abord souvent pensé comme un attribut personnel, une fonction émettrice,
une intelligence contextuelle, une vision stratégique. Ainsi ce sont d’abord le talent,
l’intelligence ou la vision du leader qui sont cause et objet du leadership, au-delà des
différentes lectures qui en sont faites par les spécialistes.

Le terme coaching, popularisé en France sous cette appellation, traduit et favorise tout à la
fois une représentation du lien dans le management, sans mettre d’abord en avant le coach ou
le coaché, mais bien le lien entre les deux par l’évocation d’une médiation humaine. De plus,
21
(voir en médiologie, exp. sur la langue comme outil de tranmission, Debray 2000, p.2)
22
Vincent Nickees est Maître de conférences en linguistique à l’Université de Lilles III.
23
Jean-Paul Bronckart est psycholinguiste et professeur de didactique à l’Université de Genève.

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il permet de nommer facilement les trois entités : le coach, le coaché, le coaching. L’action
même est alors nommée, donc mise en relief, au-delà des personnes concernées. Le regard du
sociologue du travail Y. Minvielle (2002) permet de lire le coaching comme un nouveau
marqueur social, sans pouvoir encore augurer de la pérennité, ni du sens de ce marqueur.
L’époque actuelle est caractérisée par la mobilité et la fragilité du lien social, tant au plan
familial qu’amical, citoyen, professionnel et spirituel (Rocheford, 2002). Le coaching, mieux
que le leadership, pourrait intervenir pour (re)créer du lien là où il manque : dans une société
marquée par la dé-composition, le coaching re-compose. Il se distingue d’autres relations
d’accompagnement parce qu’il peut se révéler particulièrement riche en survalorisant le sujet.
Plusieurs fonctions sont évoquées par Minvielle (2002) à propos du coaching :
- la socialisation d’abord,
- la modélisation ensuite,
- voire la mise aux normes enfin.

Martinet (1990, p 15-16) souligne l’essor considérable des discours en gestion et met en relief
ce qu’il appelle « L’archipel des sophistes » au travers de peuplades, qui tentent de se faire
entendre, se disputant les feux de la rampe, pour le pouvoir, l’argent ou la notoriété. Cette
métaphore demeure d’actualité et particulièrement pertinente au regard du coaching. Au
regard des enquêtes réalisées pour connaître la population des coachs 24, plusieurs
« peuplades » sont susceptibles de les accueillir, témoignant de l’actualité effective du
coaching sur le registre discursif : les praticiens (heureux de se reconvertir au coaching), les
sophistes d’action (ayant pour eux une expérience riche et intégrée) et encore les
métasophistes plus ou moins sophistiqués (n’hésitant pas à mettre au point leur propre modèle
pour remplacer ceux qu’ils ont déjà expérimentés). Les « meilleurs » des coachs pourraient
cependant être hébergés dans la famille des socratiques. En effet, le coaching s’inscrit selon
les dires de beaucoup, dans l’héritage d’une maïeutique socratique ; ainsi deux ouvrages sur
cinq consacrés au coaching, en français, font référence explicitement à Socrate.

La thématique coaching semble devenue suffisamment « porteuse » pour provoquer des


rencontres dédiées mobilisatrices, susciter l’écriture d’ouvrages de management, renouveler
les thématiques de formation autour du manager coach, alimenter avec profusion la presse
économique. Parmi les nombreuses illustrations possibles, l’exemple de Ernst & Young est ici
repris.

3.2. La dimension psychique

Si les recherches ont permis d’avancer dans la compréhension du leadership, elles n’ont pas
pour autant circonscrit les choses, pouvant même se révéler « décevantes » (Levy-Leboyer,
2001, p. 340), et laissant, pour le moins, au leadership une irréductible part de
mystère (Ivancevich & Matteson, 1993). Pour tenter d’apprécier cette part de mystère, il
semble pertinent, à l’interface de la gestion et de des savoirs sur l’humain, de considérer
d’abord l’intériorité psychique puis la capacité de retrait et d’introspection du manager leader,
en faisant alors écho au retour de la subjectivité dans la gestion étiqueté par Henriet (1993).

Le leadership, figure rayonnante d’extériorité, repose aussi, sur l’intériorité d’une personne,
une des « dimensions oubliées » en gestion (Chanlat, 1992). « Il est banal de rappeler que le

24
Les enquêtes de la Société Française de Coaching conduites en 1998 et 2000 auprès de ses membres montrent
que le coach est âgé de 46 ans en moyenne, dispose de 10 à 20 ans d’expérience en entreprise à son actif, qu’il
est souvent un spécialiste des ressources humaines, de formation supérieure (bac+4 à bac +6 en général),
souvent issu d’école de commerce ou d’ingénieur ou diplômé en sciences humaines.

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dirigeant agit sur l’extérieur à partir de sa propre réalité intérieure » souligne Henriet (1993,
p. 51). Les travaux de Lapierre (1992) s’appuient sur la position des quelques chercheurs
d’expression anglaise25 qui mettent explicitement en relief la dimension intériorité au regard
de la dimension extériorité largement dominante en gestion. L’intériorité peut être ainsi
définie (Lapierre, 1992, p. 264) : « c’est l’aspect le plus secret et la plus mystérieux de
l’individu dans ses composantes aussi bien cognitives qu’affectives. L’intériorité est donc ce
qui caractérise le plus profondément et le plus authentiquement le sujet, ce qui est au cœur de
sa subjectivité ». L’intériorité est souvent assimilée à une boîte noire en gestion. Ouvrir la
boîte noire, ou du moins l’approcher peut être une voie ouverte par la pratique du coaching
permettant de mieux fréquenter, à défaut de la circonscrire, la part de mystère inhérente au
leadership. Lapierre propose d’envisager un continuum avec deux polarités (intériorité,
extériorité) et trois niveaux de lecture.

Intériorité et extériorité (d’après Henriet, 1993, p. 53 et Lapierre, 1992, p. 271)

Intériorité Extériorité
Mode du leadership Mode de l’administration

intuition analyse
La vision jugement modèle de décision
(la capacité d’imaginer et convictions personnelles occasions et menaces
de conceptualiser) réalité intérieure du leader réalité politique de la situation extérieure
désir de transformation besoin de transaction
considérations d’éthique considérations de droit
acceptation domination
La position affective ménager mener
intra-individuelle empathie distance
ressentir rationaliser
créer, produire exploiter, reproduire
engagement personnel jeu politique
Le mode d’interaction et implication distance
d’influence communication personnalisée communication médiatisée
jeux de création jeux de compétition
mentor par relations intimes mentor par relations d’estime
qualité de vie (mieux-être) efficacité (richesse)

« L’intuition, le jugement, le désir de transformer le monde, les questions d’éthique,


l’acceptation, l’empathie, le ménagement, les considérations morales, et d’entraide, le
mentorship, toutes des réalités qui relèvent du domaine de l’intériorité sont difficiles à saisir
et impossibles à quantifier et à mesurer objectivement ; elles supposent qu’on prenne des
risques, qu’on ose et qu’on utilise sa subjectivité, qu’on se révèle. » souligne Lapierre (1992,
p. 272), invitant dès lors à une vision enrichie non seulement du leadership mais également de
la performance.

En s’appuyant sur la philosophie de Dewey, Badaracco (2000, p. 119) explique que certaines
situations managériales obligent à prendre position : « nous forment, nous testent et nous
révèlent à nous-mêmes ». Par exemple dans le cas du management de projets, Declerck (2000,
p.158) met en relief la pertinence de l’accompagnement face à ce qu’il appelle « the
loneliness of the long distance runner ». Au-delà de l’approche leadership, l’accompagnement
permettrait de questionner davantage les dimensions « temps », « durée », « fréquence »,
« intensité », « suspension et ruptures » que suppose de plus en plus souvent le management
25
Lapierre s’appuie principalement sur Zaleznik, Kets de Vries et Miller

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d’un projet. Il faut alors du temps en lien avec celui de la pratique et de l’ascèse en lien avec
le travail sur soi-même (Reitter, 1994). Parce que le leadership est un phénomène complexe,
le leader doit pouvoir combiner quatre talents : cognitif, social et politique, intrapsychique et
éthique (Reitter, 1994). La reconnaissance du talent intra psychique dans l’exercice du
leadership permet d’affirmer un intérêt pour l’intériorité, comme fondement même du
leadership. Le coaching en tant que pratique d’accompagnement sur une durée pourrait
contribuer à légitimer, voire à actionner le levier de l’intériorité dans le management.

3.3. Les mythes rationnels de l’entreprise

Au-delà d’une nécessaire questionnement critique, notamment propre au regard sociologique,


une perspective gestionnaire, notamment développée par Laufer et Hatchuel qui plaident pour
de nouvelles fondations pour les sciences de gestion (2002), permet d’envisager le coaching
comme participant au renouvellement des doctrines nécessaires à l’édification des théories de
l’action collective.

La montée en puissance de l’affectif sur la scène sociétale et managériale semble être un trait
caractéristique de la société post moderne. Quand les managers retrouvent le droit d’éprouver
des sentiments, est-ce pour leur demander implicitement de mieux les dominer et de s’en
défaire, quitte à devenir le gestionnaire intégral de leur savoir-être (Bellier-Michel, 1997), ce
savoir-être dont l’utilité sociale réside dans l’instrumentation d’une soumission librement
consentie (Bellier, 1998). Ou bien est-ce pour suggérer aux managers de mobiliser l’ensemble
de leurs ressources socio-cognitives afin de développer des sentiments de compétences
croissants au travers d’expériences réussies dans la lignée du concept de self-efficacy
développé par Bandura (1997, p. 423) : « A subtantial body of reseach shows that beliefs of
personal efficacy play a key role in career development and pursuits ».

L’entreprise deviendrait-elle une école de vie, ou la vie se mettrait-elle au service de


l’entreprise ? Le « vitalisme » qui se dégage au sens de Maffesoli (2000), permet d’intensifier
le vécu, y compris le vécu professionnel, dans une recherche existentielle aux couleurs de l’ici
et du maintenant, en modifiant le rapport au temps, pouvant selon Aubert (2003), donner le
sentiment au manager hyper-actif de devenir le maître de ce temps qui s’écoule
inexorablement, lui permettant d’échapper temporairement aux affres existentiels. « Ce qui est
clair, dans le vitalisme, c’est que l’être ne se réduit pas à la pensée. C’est l’entièreté de
l’homme qui est requise. Ses respirs et soupirs. Son ventre aussi » précise Maffesoli (2000,
p.168).

Parce que issu du monde du sport (Whitmore, 1998), le coaching, beaucoup plus que le
leadership, invite à la santé du corps, mais suppose également un individu complet, incarné et
complexe à la fois suffisamment fort pour inventer des solutions à ses problèmes et
suffisamment incertain (Ehrenberg, 1996) pour mériter un accompagnement. Cet
accompagnement emprunte aux philosophies traditionnelles, qui n’hésitent pas à se coupler
avec les choix existentiels, permettant dès lors de marier opportunément exercice
entrepreneurial, dynamisme vital et choix existentiels.

Les classiques métaphysiques de l’action sont nécessaires aux organisations qui se pensent
éternels et/ou naturels, ou qui s’appuient sur des principes immuables. Hatchuel (2002), dans
une perspective gestionnaire, propose de les récuser au profit de théories généalogiques et
axiomatiques de l’action collective. L’entreprise peut alors apporter une vision sans
transcendance et artefactuelle du collectif. Elle use de la rhétorique inhérente à l’action

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argumentée et collective pour la construction de mythes rationnels propices. L’entreprise est
alors conçue comme occupant une fonction non seulement légitime et pertinente dans la
société humaine, mais également porteuse d’images propres à nourrir les modalités de vie
collective. Elle ne peut cependant exercer cette influence que dans son artefactualité, sans
transcendance, sans éternité, sans vérité première ni ultime. En revanche cette artefactualité
explique l’invention et le renouvellement des doctrines sur le management, qui sont toute à la
fois conséquences et conditions de cette artefactualité. « Les doctrines de management ne
déterminent pas l’action, mais elles rendent possible la réflexivité, donc l’évolution de cette
action » (Hatchuel, 2002, p. 17)

Le coaching en tant que doctrine, pourrait apporter sa pierre dans une entreprise de plus en
plus envisagée comme mortelle, prenant la forme d’un collectif engagé dans l’action, sans
vérité première et sommé de survivre. Les tensions conscientisées par des acteurs amenés à
délibérer, sont autant de sources de constructions inédites, vers une connaissance praticable,
opératoire et actionnable. Il y a alors « inséparabilité de l’action collective et de pensée sur
cette action » (Hatchuel, 2002, p. 18). En favorisant ce lien entre action et pensée, individu et
collectif, le coaching apparaît comme un artefact au service de l’action dans une dynamique
de réflexivité où savoirs et relations sont indissolublement liés.

Le coaching concerne le « sujet ». Ici, le sujet est celui qui vit dans sa conscience de soi,
porteur de son projet, désirant son identité, sujet de lui-même à travers les relations à l’autre.
Il est concerné, au cœur de son identité par ce rapport à l’autre que constitue la relation
asymétrique de pouvoir. De ce point de vue, le coaching invite à réfléchir à l’exercice du
pouvoir nécessaire, de sujet à sujet et non de dominant à dominé. Cette évolution de la notion
de pouvoir « classique » (autorité, hiérarchie) vers la notion de rapports de prescription
implique que l’ensemble des individus concernés négocient et élaborent des systèmes
d’activité convenables à la fois aux exigences de l’éthique et de la production du moment.
Ainsi au pouvoir « d’influence » auquel fait référence le leadership, vient s’ajouter le pouvoir
« contributif » auquel invite le coaching.

Conclusion

Sous des atours aux couleurs de la nouveauté, le coaching adopte une posture paradoxale à
l’instar de celle que l’on peut lire plus globalement pour l’ensemble des Sciences Humaines et
Sociales. De tout temps, des hommes ont entrepris, seuls et ensemble, détenteurs d’un monde
hérité et responsables d’un monde à construire. Héritée de la maïeutique socratique, et issue
du monde du sport, l’étiquette actuelle de « coach » sur certains managers, conseillers,
formateurs, consultants, psychologues, entraîneurs, ne pourrait que témoigner d’une évolution
de mise en forme, de packaging diraient les marketeurs, d’une fonction autrefois existante,
mais non étiquetée, ou du moins pas sous cette appellation à la résonance anglo-saxonne. Le
coaching, notamment dit de deuxième génération avec le « manager coach » et le coaching
d’équipe pourrait prendre le relais du leadership dans les doctrines managériales, la doctrine
leadership ayant elle-même évolué. En effet la prise en compte des importantes et nombreuses
recherches sur le leadership montrent qu’à l’approche par les traits de personnalité a succédé
la prise en compte des styles et des comportements ; la mise en relief de dimensions
contingente, transactionnelle puis transformationnelle du leadership était alors facilitée, mais
laisse en définitive intacte, voire renforcée, et toujours complexe, la responsabilité du
manager en prise avec lui-même, la situation, l’équipe et les objectifs.

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08/11/2023 4ème colloque La métamorphose des organisations
Au cœur des discours des praticiens du coaching, au-delà des différences repérables entre
chœurs, qui constituent autant d’écoles, pour ne pas dire de chapelles, le double souci de
contribuer au développement du manager et/ou de son équipe, au service de la performance de
l’entreprise peut être rapporté à une problématique d’instrumentation pertinente et bien
intentionnée, ce qui suffit à en garantir la légitimité, ou du moins à la fonder pour la plupart
des praticiens. Les pratiques françaises se distinguent cependant des pratiques anglo-
saxonnes, américaines notamment, par une position plus prudente voire critique, face au
coaching interne et au life coaching. Le premier, le coaching interne, suppose le mariage peut-
être incestueux des fonctions traditionnelles du manager héritées de Fayol et centrées sur le
contrôle avec celles plus philosophico-psycho-pédagogiques du coach bienveillant et
rogérien. Le second, le life coaching tend à gommer les frontières entre espaces privé et
public, psychique et professionnel et questionnent la légitimité d’une incursion dans la sphère
psychique au service du professionnel.

Au cœur des disciplines convoquées pour positionner un paysage interprépatif possible au


phénomène coaching, le centrage sur les sciences de gestion semble particulièrement
judicieux. Ce centrage est de nature à cristalliser un questionnement plus large, de nature
pluridisciplinaire et critique, sur la légitimité des modes de mobilisation au travers de
l’implication des personnes, quand celles-ci tendent à être considérées (ou à se considérer)
comme les sujets tout-puissants de la réussite de leur entreprise. Cette responsabilité est indue
pour certains, notamment en France où la fibre sociologique critique est culturellement
installée. Cette responsabilité est pertinente pour d’autres, engagés dans l’espérance d’un
management où compétences riment avec connaissances, dans une logique d’apprentissage.

Au-delà de cette vision duelle, la vision pragmatique des sciences de gestion permet de
concevoir celles-ci en charge de l’ingénierie des organisations sociales et en lien avec les
théories de l’action collective. Gérer et légitimer ont alors partie liée. Dans cette perspective
gérer suppose une mobilisation consciente de mythes rationnels dans une théorie de l’action
collective qui écarte les métaphysiques nourries de principes et de sujets totalisateurs, propres
à nourrir les débats, mais sources de division récurrente car idéologique, et impropres à une
avancée construite, concertée et co-conçue en intelligence de contexte.

Au plan interdisciplinaire, pour résumer cette posture, il s’agit d’adopter un regard


sociologique plus pragmatique que critique, en lien avec la nature même de la gestion, pour
apprécier la pertinence des pratiques d’accompagnement dans leur contexte même, ce qui
suppose une configuration circonstancielle et une perspective existentielle. Cette pertinence
peut s’apprécier au moins selon trois dimensions : rhétorique, psychique et mythique,
globalement au service de l’action collective, selon le schéma récapitulatif ci-dessous.

Les trois dimensions de pertinence des démarches d’accompagnement

Dimension contre par pour


rhétorique Le non sens Le recadrage, Construire des discours porteurs de sens,
la maïeutique, favorables à une action mobilisatrice au service
le tiers de la performance
psychique La solitude La médiation, Actionner les forces de l’intériorité favorables à
existentielle le lien, l’implication managériale individuelle au service

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08/11/2023 4ème colloque La métamorphose des organisations
le transfert de l’entreprise
mythique La fin La réflexivité, Mobiliser et renouveler des mythes rationnels
inéluctable les doctrines comme moteurs de l’action collective

Au plan épistémologique, il convient de rappeler que « l’histoire des idées n’est pas
nécessairement superposable à l’histoire des sciences. Mais comme les savants mènent leur
vie d’homme dans un milieu et un entourage non exclusivement scientifiques, l’histoire des
sciences ne peut négliger l’histoire des idées »26.

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