Analyse Du Roman-Converti
Analyse Du Roman-Converti
Analyse Du Roman-Converti
Semestre 3
55 pages
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Les éléments du contexte
2. LA VIE ET L’OEUVRE
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L'Assommoir, triomphe : Zola devient alors le chef de l’école naturaliste.
Enfin, converti aux doctrines socialistes, il consacre ses dernières années à
des œuvres de propagande sociale et humanitaire.
Né d'une mère française et d'un père italien naturalisés, Emile Zola passe son
enfance à Aix et achève ses études secondaires à Paris. Il nourrit un culte pour
les romantiques et déteste le réalisme, qui peint « des sujets dénués de
poésie ». Un échec au baccalauréat le contraint à gagner sa vie : il travaille
aux docks, puis entre dans les services de la publicité à la librairie Hachette.
En 1865, il devient journaliste.
Son nouveau métier l'oblige à compléter une culture assez rudimentaire. Sous
l'influence de Taine et de Claude Bernard, il conçoit le roman comme une
œuvre scientifique qui doit étudier « les tempéraments et les modifications
profondes de l'organisme sous la pression des milieux et des circonstances ».
Thérèse Raquin (1867), où le remords est étudié comme un « désordre
organique », puis Madeleine Férat (1868), illustrent ses nouveaux principes.
En 1868, Zola a l'idée « de réunir tous ses romans par la réapparition des
personnages » et de faire pour le Second Empire ce que Balzac avait fait pour
la Restauration et pour la monarchie de Juillet. L'ensemble de son œuvre sera
intitulé Les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d'une famille sous
le Second Empire. Chaque jour, il rédige un nombre égal de pages et fait
alterner portraits et paysages avec une « symétrie de damier ». Il brasse un
univers de plus de mille personnages et décrit la vie provinciale après le coup
d'État (La Fortune des Rougon, 1871) ; le carreau des Halles (Le Ventre de
Paris, 1874); les milieux ecclésiastiques (La Conquête de Plassans, 1875, La
Faute de l’abbê Mouret, 1875) ; la Cour impériale (Son Excellence Eugène
Rougon, 1876).
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• LA CAMPAGNE NATURALISTE (1877-1893)
En I 87 7 3 L'Assommoir, un roman qui se déroule dans le monde ouvrier et
qui peint avec un relief cruel la déchéance de l’homme par l'alcool, est
accueilli avec enthousiasme. La presse littéraire signale la naissance d'une
« école naturaliste ». Quelques jeunes écrivains, Paul Alexis, Henri Céard,
Joris-Karl Huysmans, Léon Hennique, Guy de Maupassant, prennent
l'habitude de se réunir chez Zola, rue Saint-Georges, puis dans sa villa de
Médan, près de Paris. Ils conçoivent l'idée d'un recueil collectif de nouvelles,
Les Soirées de Médan (1880). Désormais sûr de lui, Zola se lance dans une
campagne ardente. Il définit son esthétique dans Le Roman expérimental
(1880) puis dans Le Naturalisme au théâtre (1881) et Les Romanciers
naturalistes (1881). En même temps, il publie de nouveaux romans : Une
Page d'amour, Nana, Pot-Bouille, Au Bonheur des dames, La Joie de vivre.
En 1885 triomphe Germinal, son chef-d'œuvre, où la rude vie des mineurs est
décrite avec une puissance épique.
En 1887, après la publication de La Terre, un roman consacré à la peinture
du monde paysan, quelques disciples de Zola éprouvent le besoin de protester
contre « la littérature putride » et, dans le Manifeste des Cinq, se
désolidarisent de leur maître. Sans se décourager, Zola, après un essai de
conte bleu (Le Rêve, 1888), publie La Bête humaine (1890), un drame de la
jalousie qui se dénoue sur la plate-forme d'une locomotive ; puis, de 1891 à
1893, L'Argent, La Débâcle, enfin Le Docteur Pascal (1893). Ainsi s'achève
le cycle des Rougon-Macquart.
3. LE ROMANCIER
Orphelin de père à 7 ans, il vit dans une grande gêne financière. Au collège
d'Aix il se lie d'amitié avec Paul Cézanne, avec qui, plus tard, il va jeter à
bas toutes les conventions de l'art. Il flâne dans les rues de Paris, fréquente
les ateliers de peinture et écrit des vers. Après une désillusion amoureuse, il
tourne le dos à l'élégie romantique et s'inscrit à la rude école du réel. De ses
débuts littéraires datent également les Contes à Ninon, fortement
romantiques. Comme journaliste, il défend les peintres impressionnistes et
surtout Manet. La publication du roman naturaliste Thérèse Raquin (1867) le
rend célèbre dans le monde littéraire. De 1871 à 1893, il fait paraître les 20
romans qui forment la grande fresque intitulée Les Rougon-Macquart; c'est
une œuvre qui illustre ses principes naturalistes. Il se marie en 1870 avec
Alexandrine Meley; en 1888 il rencontre Jeanne Rozerot, une lingère
embauchée par sa femme. Zola commence à mener une vie double, qui le
désespère. Il est un anxieux, un obsessionnel et un compulsif; il ne peut pas
supporter la foule et les cauchemars de claustration lui sont familiers.
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Curée;1873: Le Ventre de Paris;1877: L'Assommoir;1880: Pot-Bouille;1883: Au
bonheur des dames;1885: Germinal;1886: L'œuvre;1887: La Terre;1890: La
Bête humaine;1891: L'Argent; 1892: La Débâcle; 1893: Le Docteur
Pascal;1894: Les Trois Villes: Lourdes;1896: Rome;1898: Paris);1899:
Fécondité; 1901: Travail; 1903 (posth.): Vérité.
Zola réussit, grâce à son tempérament, à échapper à l'étroitesse de sa doctrine et
à créer dans ses romans une atmosphère hallucinante.
Son œuvre majeure, le cycle des Rougon-Macquart, prétend être une étude des
tares héréditaires qui se répercutent, à travers les milieux les plus variés, sur cinq
générations successives d'une seule famille, qui est repartie en deux branches: la
branche légitime et la branche bâtarde. Une fatalité sociale primordiale distingue
l'une de l'autre la branche légitime, qui court à la richesse et aux honneurs, et la
branche bâtarde, qui se confine dans la misère, le vice, la marginalité et le crime.
L'univers romanesque des Rougon-Macquart fait de la succession des
générations un principe de succession des œuvres dans le cycle (à l'Assommoir,
le roman de Gervaise, de la mère, succède Nana, le roman de la fille, puis
l'Œuvre, le roman du fils).
Pour réaliser ces volumes, Zola se documente minutieusement; il fouille son
univers social pour dévoiler tous les secrets d'un monde déchiré de
contradictions. Chaque œuvre apparaît, d'une part, comme une étape d'un long
périple qui traverse tous les milieux sociaux de l'époque, et de l'autre, comme
une matrice de transtextualisation.
Par exemple, dans La Curée, sur le fond des jeux et des misères du monde des
spéculations bancaires, se trouve l'histoire de Renée, l'épouse d'Aristide Saccard,
qui devient l'amante de Maxime, fils d'un premier mariage de son mari. Bafouée
par les deux hommes, elle meurt. La Curée devient ainsi un hypertexte de
Phèdre, une transformation qui n'est ni un pastiche, ni une parodie, mais une
adaptation centrée sur le motif de l'inceste. Aussi peut-on dire que l'œuvre-
source Phèdre fournit sa matrice structurelle entière à l'œuvre-cible La Curée;
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mais le système des personnages et, en général, toute la dynamique tragique du
roman zolien obéissent à un autre code historique, social, idéologique et
esthétique que ceux mis en œuvre par Racine. Les critiques parlent de ce roman
comme d'un livre-miroir, car Zola affiche explicitement au centre de son roman
le motif mythique et dramaturgique qui en est la source. Renée, Saccard et
Maxime assistent un soir à la représentation de Phèdre et découvrent sur la
scène du théâtre des Italiens leur propre histoire (même si Phèdre ne sera jamais
la maîtresse d'Hippolyte). Renée assiste ainsi par anticipation à ce que lui
promet sa propre destinée. Le roman joue avec lui-même et avec sa genèse. Le
texte se regarde dans le miroir de son intertexte, qui est aussi son avant-texte; les
personnages se découvrent et se doublent dans le miroir que leur tend le
spectacle. On a donc affaire à une double mise en abyme: celle de l'intrigue et de
ses personnages et celle d'un motif qui court à travers tout le roman, celui du
double (Renée devant sa glace, Renée devant la prostituée du boulevard, Renée
devant Phèdre etc.) Tout est donc ici reflet, dédoublement équivoque.
Germinal (1885), le chef-d'œuvre de Zola, est un roman d'enquête sur la
condition ouvrière et sur le travail des mines aux alentours de 1880. C'est le
treizième du cycle des Rougon-Macquart et a pour sujet la condition des
mineurs, dont il évoque le mode misérable de vie, le travail pénible, douloureux,
et les luttes syndicales. Etienne Lantier, fils de Gervaise Macquart, est un jeune
ouvrier intelligent et sincère qui travaille dans une mine du Nord. Au moment où
dans la mine éclate une lutte sociale violente, il essaie en vain de l'organiser; les
mineurs sont exterminés et Lantier comprend que son échec est dû à un manque
de méthode et décide de se rendre à Paris pour tenter une action sociale plus
cohérente.
Pour réaliser ce roman, Zola séjourne deux mois dans la région minière d'Anzin
et descend dans une mine. Le roman contient également des réminiscences
mythiques: Etienne Lantier défiant le Voreux avant de plonger dans le
labyrinthe de ses galeries fait penser à Thésée affrontant le Minotaure, dévoreur
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des jeunes gens d'Athènes. D'autre part, il se transforme en figure orphique au
moment où il laisse derrière lui Catherine morte avant de remonter du fond de
l'enfer minier. En outre, Lantier forme avec Chaval un couple antagonique (on
peut y percevoir un souvenir des frères ennemis de la Thébaïde).
1815 - la France est vaincue par les Anglais et les Prussiens lors de la bataille de
Waterloo (déroulée le 18 juin 1815), qui est perçue comme un désastre
provoquant la chute de Napoléon Bonaparte. Les Bourbons reviennent au
trône, ce qui donne à cette période historique le nom de Restauration. On
assiste au règne de Louis XVIII, suivi par celui de Charles X, dont le règne
provoque de vifs mécontentements de la population parisienne, qui se révolte
et dresse des barricades;
1830 - pendant trois jours, (les « Glorieuses »), les 27, 28 et 29 Juillet, c'est
l'instauration de la Monarchie de Juillet, lors de laquelle Louis-Philippe
remplace la monarchie dite « de doit divin » par la monarchie dite
« bourgeoise » des Orléans ;
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1852 - Louis Napoléon Bonaparte (Napoléon III) s'empare du pouvoir et règne
pendant une vingtaine d'années, jusqu'en 1870. Période appelée le Second
Empire ;
2. SOCIETE ET CULTURE
Le XIXe siècle est une période très mouvementée, assez instable sur le plan
politique et social, mais très riche sur le plan de la connaissance et de la
littérature.
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découvertes, courants et styles artistiques sont nés. Beaucoup de gens croit à la
science et au progrès. Ces découvertes ont, au fil de temps, formé l'image d'une
nouvelle société française.
A LIRE
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III. Le contexte littéraire de l’œuvre
1. Le naturalisme : définitions
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12
Bénac, Henri, Nouveau vocabulaire de la dissertation et
des études littéraires, Paris, Hachette, 1972, pp. 131-132.
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Dès le XVIIe siècle, les savants utilisent le terme «naturalisme» pour
désigner « l'étude rationnelle des phénomènes naturels ». Rien n'existe donc en
dehors de la nature ; en outre, pour Denis Diderot, «naturaliste» est synonyme
d'« athée »: « Les naturalistes sont ceux qui n'admettent point de Dieu, mais qui
croient qu'il n'y a qu'une substance matérielle ». (L'Encyclopédie, 1765)
Les romanciers du XIXe siècle reprennent ce terme pour désigner le roman dont
l'objectif essentiel est la description exacte et scientifique des milieux sociaux.
Zola utilise ce terme pour la première fois au XIXe siècle, en 1868, lors de la
publication de son roman Thérèse Raquin; ce roman marque l'apogée de
l'esthétique de la vérité, caractéristique des années 1860-1880, dans le
prolongement du réalisme. Les réalistes se réclamaient de l'observation de la
nature; les naturalistes vont plus loin: ils en font l'expérimentation.
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les romantiques à cause de la primauté, dans leur tempérament, de l'imagination
sur l'observation et de la sensibilité idéaliste sur la raison réaliste:
L'idéal des naturalistes est lié au goût de la recherche, appuyée sur «le plus
grand nombre de sciences» ; selon Zola, « le roman est devenu une enquête
générale sur la nature et sur l'homme ».
2. Influences
• Le positivisme
« Doctrine philosophique qui tire son nom du Cours de
philosophie positive d'Auguste Comte, disciple de Saint-Simon
et inventeur de la sociologie. Contre l'idéalisme, contre les
religions et la métaphysique, il affirme la supériorité de l'étude
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positive et scientifique des faits. Le bonheur naîtra pour
l'homme de la connaissance des lois scientifiques et
sociologiques. Les idées positivistes se répandirent dans tous les
secteurs de la pensée, philologie, critique littéraire, histoire,
médecine, etc. La Médecine expérimentale de Claude Bernard,
par exemple, qui marqua tellement Zola, est issue du
positivisme. L'influence de ce mouvement de pensée fut très
grande sur des auteurs comme Littré, Taine ou Renan, mais
aussi sur les poètes alors même qu'ils affirmaient l'art pour l'art.
Le tableau des religions antiques qui apparaît chez Leconte de
Lisle est par exemple à mettre au compte de l'idée positiviste
que le travail critique sur le passé pourrait libérer les hommes
de toute forme de servitude. »
GARDES-TAMINE, Joëlle et HUBERT, Marie-Claude, Dictionnaire de
critique littéraire, Paris, Armand Colin, 1993, pp. 161.
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littérature anglaise (1864) il présente une vie des hommes déterminée par
plusieurs facteurs par exemple par le tempérament, l’intégration ethnique, le
milieu naturel, physique et social et par l’époque dans lequel il vivait.
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• L’expérimentalisme de Claude Bernard
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expérimentale, il a décrit les règles d’une nouvelle méthode de la recherche,
utilisée par des chimistes ou des biologistes - les règles de la méthode
expérimentale.
“L'expérience n'est au fond qu'une observation provoquée dans un
but quelconque. Dans la méthode expérimentale, la recherche des
faits, c'est-à-dire l'investigation, s'accompagne toujours d'un
raisonnement, de sorte que le plus ordinairement l'expérimentateur
fait une expérience pour contrôler ou vérifier la valeur d'une idée
expérimentale. Alors on peut dire que, dans ce cas, l'expérience est
une observation provoquée dans un but de contrôle”.
BERNARD, Claude. Introduction à l'étude de la
médecine expérimentale [en ligne] p. 32.
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tous les endroits pour pouvoir le plus fidèlement possible documenter une réalité
absolument exacte.
“L'observateur chez lui donne les faits tels qu’il les a observés, pose
le point de départ, établit le terrain solide sur lequel vont marcher
les personnages et se développer les phénomènes. Puis
l'expérimentateur paraît et institue l'expérience, je veux dire fait
mouvoir les personnages dans une histoire particulière, pour y
montrer que la succession des faits y sera telle que l'exige le
déterminisme des phénomènes mis à l'étude. C'est presque toujours
ici une expérience « pour voir », comme l'appelle Claude Bernard.”
Le Roman expérimental, Émile Zola, 1880
Le roman naturaliste est basé sur une documentation de la réalité par la méthode
scientifique de l’observation. À partir de l'observation du réel, le romancier
formule des hypothèses (notamment concernant des lois qui s’occupent de
l'homme et de la société), puis il accomplit ses propres expériences pour les
vérifier. Il devient une sorte de laboratoire, où se formulent des hypothèses qui
permettent au romancier expérimentateur de vérifier leur validité. Ils choisissent
un cadre des personnages et les confrontent à une intrigue et observent comment
se déterminent le comportement des hommes et régissent leurs comportements
dans la société.
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• Le déterminisme scientifique
➢ La notion de l’hérédité
Dr. Prosper Lucas a publié une étude qui s’occupe de la théorie de
l’hérédité : Traité philosophique et physiologique de l’Hérédité naturelle dans
les états de santé et de maladie du système nerveux.
Lucas s’efforce de capturer dans son travail les diverses anomalies, physiques ou
morales, comme les maladies psychiques, la folie ou les tendances à la
criminalité et il a expliqué leurs naissance par l’action de l’hérédité.
Zola intègre cette étude dans son dernier ouvrage de la série des Rougon-
Macquart, dans Le Docteur Pascal. C’est un œuvre dans lequel Zola conclut
l’histoire de la famille et où il explique pourquoi il a élaboré l’arbre
généalogique de cette famille L’hérédité est un motif central des Rougon-
Macquart et pour cette raison Zola a élaboré l’arbre généalogique de la famille
où il pouvait montrer l’influence de l’hérédité dans la vie des personnages. Il a
créé les personnages avec de diverses maladies psychiques (comme p.ex.
l’alcoolisme, la folie) et il avait observé comment ces maladies, sous l’influence
de l’hérédité, se transmettaient de génération en génération.
Pour Zola, comme pour Taine, l'homme est soumis au déterminisme universel :
les sentiments et les caractères sont rigoureusement prédestinés par des lois
analogues à celles qui forment le support de la biologie et de la physiologie. Le
roman doit être une annexe de l'histoire naturelle et de la médecine. Dans la
Préface de L'Assommoir, Zola continue à affirmer son ambition d'être un peintre
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véridique des classes populaires : « C'est une œuvre de vérité, le premier roman
sur le peuple qui ne mente pas et qui ait l'odeur du peuple ».
En 1862, Zola est très ambitieux et a un grand projet. Il veut faire l’histoire
d’ « une grande famille en dix volumes », comme il le dit aux frères Goncourt. Il
a 28 ans et écrit un petit texte intitulé « les différences entre Balzac et moi » (fin
du cinquième volume de la pléiade).
« Je ne veux pas peindre la société contemporaine, mais une
seule famille, en montrant le jeu de la race modifiée par le
milieu ».
Zola, Le roman expérimental
Le sous-titre des Rougon-Macquart est «Histoire naturelle et sociale d’une
famille sous le Second Empire ».
• Histoire : ou fiction, ou compte rendu de son époque.
• Naturelle : il étudie cette famille comme un biologiste.
• Sociale : grâce aux trois branches de la famille, Zola a touché toutes
les couches de la classe sociale.
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• Famille : traité de l’hérédité.
• Dans le Second Empire : la famille est « modifiée par le milieu ». Il
y a des circonstances politiques et historiques.
Le cycle se compose de vingt romans suivants : La Fortune des Rougon
(1871) c’est le premier roman de la série des RougonMacquart. Ce roman
contient l'introduction à l'ensemble de ce cycle. L'action se déroule à Plassans,
dans une ville située au sud de France dans le moment du coup d’État de Louis
Napoléon en1851.
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• Histoire des Rougon-Macquart
L’Histoire de notre famille commence par Adélaïde Fouque, dite Tante Dide,
née en 1768 à Plassans. Elle se marie avec Rougon, un jardinier avec qui a un
fils Pierre Rougon. Mais son mari meurt et elle prend pour amant Macquart avec
qui a encore deux enfants, un fils Antoine Macquart et une fille Ursule
Macquart. À partir de ce moment, la famille se divise en deux branches :
Rougon et Macquart.
Adélaïde Fouque est hystérique et devient finalement folle. Son amant Macquart
est un ivrogne, seulement Rougon est en bonne santé. Dans la série, Zola décrit
cinq générations de cette famille et dans la plupart des cas, il se manifeste auprès
des descendants l’une de ces maladies nerveuses.
Les membres de cette famille se pénètrent dans toutes les couches sociales
et occupent divers postes. Les Rougon- Macquart sont tout d’abord paysans.
Rougon est un jardiner et Macquart contrebandier, mais au fil du temps ils se
pénètrent dans des milieux sociaux différents. La branche des Rougon entre dans
le monde de la petite bourgeoisie et puis passe dans le monde de la haute
société. La branche de Macquart se compose plutôt de petits commerçants ou
des ouvriers (la plupart alcooliques). Une caractéristique typique de ce cycle est
le mélange de caractères dans plusieurs romans, où on peut voir comment elles
se développent.
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Je tâcherai de trouver et de suivre, en résolvant la double question des
tempéraments et des milieux, le fil qui conduit mathématiquement d’un homme
à un autre homme. Et quand je tiendrai tous les fils, quand j’aurai entre les
mains tout un groupe social, je ferai voir ce groupe à l’œuvre, comme acteur
d’une époque historique, je le créerai agissant dans la complexité de ses efforts,
j’analyserai à la fois la somme de volonté de chacun de ses membres et la
poussée générale de l’ensemble.
Les Rougon-Macquart, le groupe, la famille que je me propose d’étudier, a
pour caractéristique le débordement des appétits, le large soulèvement de notre
âge, qui se rue aux jouissances. Physiologiquement, ils sont la lente succession
des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d’une
première lésion organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun
des individus de cette race, les sentiments, les désirs, les passions, toutes les
manifestations humaines, naturelles et instinctives, dont les produits prennent les
noms convenus de vertus et de vices. Historiquement, ils partent du peuple, ils
s’irradient dans toute la société contemporaine, ils montent à toutes les
situations, par cette impulsion essentiellement moderne que reçoivent les basses
classes en marche à travers le corps social, et ils racontent ainsi le Second
Empire, à l’aide de leurs drames individuels, du guet-apens du coup d’État à la
trahison de Sedan.
Depuis trois années, je rassemblais les documents de ce grand ouvrage, et
le présent volume était même écrit, lorsque la chute des Bonaparte, dont j’avais
besoin comme artiste, et que toujours je trouvais fatalement au bout du drame,
sans oser l’espérer si prochaine, est venue me donner le dénouement terrible et
nécessaire de mon œuvre. Celle-ci est, dès aujourd’hui, complète ; elle s’agite
dans un cercle fini ; elle devient le tableau d’un règne mort, d’une étrange
époque de folie et de honte.
Cette œuvre, qui formera plusieurs épisodes, est donc, dans ma pensée,
l’Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second empire. Et le premier
25
épisode : la Fortune des Rougon, doit s’appeler de son titre scientifique : les
Origines.
Émile Zola.
Paris, le 1er juillet 1871.
DISCUSSION
Tout d’abord, il faut remarquer ici que l’auteur utilise un vocabulaire qui
rapproche de l’homme de science. Il a :
• une thèse qu’il formule de manière très claire : « l’hérédité a ses lois
comme la pesanteur ».
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• une matière : une « famille », un « groupe »
• une démarche :
• suivre un fil conducteur,
• résoudre les problèmes de la volonté et de la fatalité,
• montrer comment de manière mathématique un individu est
déterminé par des lois,
• faire voir,
• amener à observer des comportements, à constater les réactions des
uns et des autres, comme si on était dans un laboratoire…
L’idée est qu’il y a dans les comportements et les tempéraments des
individus, une part de déterminisme. L’hérédité se définit comme une
communauté de caractères au sein d’une famille qui se manifeste sous une
manière ou sous une autre selon les circonstances et qui peut toucher plusieurs
générations.
L’influence par les découvertes scientifiques est très manifeste. Zola
s’intéresse aux travaux des hommes de science qui ont traité l’aspect
physiologique et médical de la question.
Sur le plan littéraire, il est influencé par Hyppolite Taine qui développe
dans ses essais critiques l’idée selon laquelle un écrivain est défini par la race, le
milieu et l’époque. C'est-à-dire que, pour étudier un auteur dans son œuvre, il
faudrait tenir compte de ces trois composantes.
Ce que fera Zola, c’est appliquer cette théorie à l’œuvre littéraire, et plus
précisément au roman. C’est ainsi que l’on parle de naturalisme ou, selon
l’auteur, de « roman expérimental ».
27
Zola continue dans la préface :
28
la suite d’une première lésion organique : Cela illustre le volet « physiologique »
Zola affirme ensuite que cette perturbation ne se manifestera pas de la même
manière chez tous les personnages. Il y a un dénominateur commun (on dira
maintenant un « gène ») mais aussi quelques variantes qui suivront l’évolution
historique de l’époque.
L’individu est le fruit de l’hérédité qui, selon les milieux, explique son être
profond.
- Les R.M. est, selon Zola, une recherche, beaucoup plus qu’une œuvre de
pure création.
- Il la rattache aux documents
- Il la situe dans le contexte social et politique de l’époque (Le Second
Empire)
- Il souligne qu’elle constitue un ensemble fini, cohérent, une sorte de
démonstration prête à être posée
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- Il annonce que le premier volume dont il rédige cette préface est consacré
à l’origine de la famille des R.M.
- Le titre illustre largement tout le projet de Zola : « Histoire naturelle et
sociale » (le qualificatif « naturelle » est le volet scientifique) « d’une
famille » (est-ce un échantillon de toute une société ?) « Sous le second
empire » (la dimension historique)
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Liste des vingt romans de l’histoire des Rougon Macquart
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Partie pratique
Les pré-requis :
• Une langue correcte
• Une bonne maîtrise de l’œuvre support
• Une bonne maîtrise la méthodologie
3. TRAVAIL PRELIMINAIRE
A. PREMIERS QUESTIONNEMENTS
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- Quelle est l’intention de l’auteur ? la visée du texte ?
Ces premières impressions de lecture vous donnent une carte d’identité du texte
qui mène à des hypothèses de lecture.
B. LECTURE ANALYTIQUE
4. LA REDACTION
D’un développement
Il comporte une introduction partielle qui annonce l’idée, la thèse qui sera
développée dans cette partie et une conclusion partielle qui fait une rapide
synthèse et assure le lien avec la partie suivante.
Il comporte plusieurs paragraphes qui correspondent aux sous-parties, aux
arguments qui valident la thèse.
Un argument n’est complet que s’il comporte 3 composantes indispensables :
• La qualification de l’élément relevé
• La citation des indices relevés dans le texte
• L’interprétation
Il convient de varier la formulation pour relier l’interprétation et le procédé de
style :
(L’idée) est soulignée par, est rendue par, est mise en valeur par, est marquée
par, est mise en évidence par, est traduite par, s’appuie sur…(Tel procédé)
traduit, souligne, rend compte de, révèle, crée l’impression de , suggère,
transmet, concourt à l’effet de , sert à…
Sauter 2 ou 3 lignes
34
Extrait 1
Au retour, dans l'encombrement des voitures qui rentraient par le bord du lac, la
calèche dut marcher au pas. Un moment, l'embarras devint tel qu'il lui fallut
même s'arrêter.
Le soleil se couchait dans un ciel d'octobre, d'un gris clair, strié à l'horizon de
minces nuages. Un dernier rayon, qui tombait des massifs lointains de la
cascade, enfilait la chaussée, baignant d'une lumière rousse et pâlie la longue
suite des voitures devenues immobiles. Les lueurs d'or, les éclairs vifs que
jetaient les roues semblaient s'être fixés le long des réchampis jaune paille de la
calèche, dont les panneaux gros bleu reflétaient des coins du paysage
environnant. Et, plus haut, en plein dans la clarté rousse qui les éclairait par-
derrière, et qui faisait luire les boutons de cuivre de leurs capotes à demi pliées,
retombant du siège, le cocher et le valet de pied, avec leur livrée bleu sombre,
leurs culottes mastic et leurs gilets rayés noir et jaune, se tenaient raides, graves
et patients, comme des laquais de bonne maison qu'un embarras de voitures ne
parvient pas à fâcher. Leurs chapeaux, ornés d'une cocarde noire, avaient une
grande dignité. Seuls, les chevaux, un superbe attelage bai, soufflaient
d'impatience.
- Tiens, dit Maxime, Laure d'Aurigny, là-bas, dans ce coupé... Vois donc, Renée.
Renée se souleva légèrement, cligna les yeux, avec cette moue exquise que lui
faisait faire la faiblesse de sa vue.
- Je la croyais en fuite, dit-elle... Elle a changé la couleur de ses cheveux, n'est-
ce pas ?
- Oui, reprit Maxime en riant, son nouvel amant déteste le rouge.
Renée, penchée en avant, la main appuyée sur la portière basse de la calèche,
regardait, éveillée du rêve triste qui, depuis une heure, la tenait silencieuse,
allongée au fond de la voiture, comme dans une chaise longue de convalescente.
Elle portait, sur une robe de soie mauve, à tablier et à tunique, garnie de larges
volants plissés, un petit paletot de drap blanc, aux revers de velours mauve, qui
lui donnait un grand air de crânerie. Ses étranges cheveux fauve pâle, dont la
couleur rappelait celle du beurre fin, étaient à peine cachés par un mince
chapeau orné d'une touffe de roses du Bengale. Elle continuait à cligner des
yeux, avec sa mine de garçon impertinent, son front pur traversé d'une grande
ride, sa bouche, dont la lèvre supérieure avançait, ainsi que celle des enfants
boudeurs. Puis, comme elle voyait mal, elle prit son binocle, un binocle
d'homme, à garniture d'écaille, et, le tenant à la main sans se le poser sur le nez,
elle examina la grosse Laure d'Aurigny tout à son aise, d'un air parfaitement
calme.
Les voitures n'avançaient toujours pas. Au milieu des taches unies, de teinte
sombre, que faisait la longue file des coupés, fort nombreux au Bois par cet
après-midi d'automne, brillaient le coin d'une glace, le mors d'un cheval, la
35
poignée argentée d'une lanterne, les galons d'un laquais haut placé sur son siège.
Çà et là, dans un landau découvert, éclatait un bout d'étoffe, un bout de toilette
de femme, soie ou velours. Il était peu à peu tombé un grand silence sur tout ce
tapage éteint, devenu immobile. On entendait, du fond des voitures, les
conversations des piétons. Il y avait des échanges de regards muets, de portières
à portières ; et personne ne causait plus, dans cette attente que coupaient seuls
les craquements des harnais et le coup de sabot impatient d'un cheval. Au loin,
les voix confuses du Bois se mouraient.
Zola, La curée, chapitre I
Démarche à suivre
• Rappel de la méthodologie du commentaire composé (voir le document :
commentaire composé)
• il convient de procéder par une lecture analytique rigoureuse du texte,
entrer dans l’univers du texte en s’intéressant à son vocabulaire, sa
syntaxe, son réseau d'images, le point de vue du narrateur….
• Une première lecture vous donne une série d'impressions. N'hésitez pas à
les formuler par écrit, mais pensez déjà à les assortir de points d'appui qui
sont les expressions ou les procédés du texte.
• Problématiser : mettez maintenant en relation ces différentes pistes autour
d'une problématique d'ensemble.
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vous, là encore, quelques irrégularités ? Excellente occasion d'aller y
regarder de plus près.
Axes de lecture
1. Les éléments du récit qui compose l’incipit
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dans cet incipit donne à voir deux formes de description : portrait et
paysage.
2. description connotative
▪ Portrait :
Le personnage mis en avant est celui de Renée : le narrateur focalise d’abord
l’attention sur sa prospographie
▪ La vue : « faiblesse de vue », « elle voyait mal » : une myopie qui
redessine en filigrane le portrait d’Œdipe, le héros tragique
▪ une bouche « dont la lèvre supérieure avançait que celle des enfants
boudeurs » : l’image incarne les désirs inassouvis, obscurs du personnage,
résonne audace, caprice.
▪ Aspect vestimentaire : « une robe de soie mauve, à tablier et à tunique,
garnie de larges volants plissés, un petit paletot de drap blanc, aux revers
de velours mauve » « binocle à garniture d’écaille », des indices qui
dénotent le luxe à outrance dans lequel vivait Renée et qui lui octroie le
sentiment de vanité.
Synthèse partielle : Le luxe du milieu s’imbrique à la luxure qui se dessine sur
la face du personnage de Renée, annonciatrice d’un destin obscur qui explique
pourquoi Renée a focalisé l’attention sur Laure d’Auvigny, une femme une
femme désignée par son nom et prénom et qui représente l’image d’une
prostituée, entretenue par la classe aristocratique. Renée ne cesse de la
contempler et éprouve même le plaisir de le faire : « tout à son aise, d’un air
parfaitement calme » ; un plaisir obscur qui suscite maintes interrogations chez
le lecteur : quel intérêt pour cette femme ? une réflexion qui reste suspendue,
démystifie le lecteur qui se trouve brusquement à l’extérieur de la calèche, en
plein Bois de Boulogne, le paysage-cadre de la scène.
▪ Le paysage du parc
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▪ Infusions de couleurs « gris mauves » « lueurs d’or » « noir »
« jaune, je de lumière et de contraste « soleil » « rayon »
éclairés » « brillaient ».
- Une panoplie de techniques impressionnistes fondée surtout sur le jeu de
correspondances entre sens et sensation, entre couleur et lumière.
- L’ensemble de ces techniques construisent la synesthésie qui, d’une part
dévoile la subjectivité de celui qui regarde et sa fascination par la beauté
du lieu et du moment, d’autre part, elle met l’accent sur l’impression qui
se situe en aval de la beauté de l’endroit et n’épargne pas celui qui perçoit
de prendre conscience de cette « teinte sombre » qui laisse son empreinte
à cause de l’encombrement, de la présence de ces personnes « aux
regards muet » et « voix confus ».
- Au sein de cet enchantement, Les gens perdent leurs formes, disparaissent
au profit des masses, « taches unies ». ils ne restent que des échos, des
reflets : ils sont ce qui apparaît, une masse définie par son apparence, le
type de véhicule dont ils se servent, le luxe de leurs vêtements, les
masques qu’ils mettent sur leur visage, une masse qui se définit par le
milieu ; c’est le milieu qui agit sur les volontés de ces individus et décide
même leur avenir et devenir : luxe et luxure.
Exemple de Conclusion
L’incipit du roman naturaliste dépasse celui du roman réaliste ; l’objectif
de l’auteur n’est pas seulement de créer la vraisemblance, mais de donner à voir
une scène comme un champ d’expérience d’un ensemble de personnages
plongés dans leur milieu, taillés sur mesure selon les règles de la société à
laquelle ils appartiennent. Ce début est annonciateur d’une histoire qui
commence dans le jeu de masques, à l’affût d’un désir annonciateur de
démesure voire de débauche.
Extrait2 :
Deux mois avant la mort d'Angèle, il l'avait menée, un dimanche, aux
buttes Montmartre. La pauvre femme adorait manger au restaurant ; elle
était heureuse, lorsque, après une longue promenade, il l'attablait dans
quelque cabaret de la banlieue. Ce jour-là, ils dînèrent au sommet des
buttes, dans un restaurant dont les fenêtres s'ouvraient sur Paris, sur cet
océan de maisons aux toits bleuâtres, pareils à des flots pressés emplissant
l'immense horizon. Leur table était placée devant une des fenêtres. Ce
spectacle des toits de Paris égaya Saccard. Au dessert, il fit apporter une
bouteille de bourgogne.
Il souriait à l'espace, il était d'une galanterie inusitée. Et ses regards,
39
amoureusement, redescendaient toujours sur cette mer vivante et
pullulante, d'où sortait la voix profonde des foules. On était à l'automne ;
la ville, sous le grand ciel pâle, s'alanguissait, d'un gris doux et tendre,
piqué çà et là de verdures sombres, qui ressemblaient à de larges feuilles
de nénuphars nageant sur un lac ; le soleil se couchait dans un nuage
rouge, et, tandis que les fonds s'emplissaient d'une brume légère, une
poussière d'or, une rosée d'or tombait sur la rive droite de la ville, du côté
de la Madeleine et des Tuileries. C'était comme le coin enchanté d'une cité
des Mille et une Nuits, aux arbres d'émeraude, aux toits de saphir, aux
girouettes de rubis. Il vint un moment où le rayon qui glissait entre deux
nuages fut si resplendissant, que les maisons semblèrent flamber et se
fondre comme un lingot d'or dans un creuset.
- Oh ! vois, dit Saccard, avec un rire d'enfant, il pleut des pièces de
vingt francs dans Paris !
Angèle se mit à rire à son tour, en accusant ces pièces-là de n'être pas
faciles à ramasser. Mais son mari s'était levé, et, s'accoudant sur la rampe
de la fenêtre :
- C'est la colonne Vendôme, n'est-ce pas, qui brille là-bas ?... Ici, plus à
droite, voilà la Madeleine... Un beau quartier, où il y a beaucoup à faire...
Ah ! cette fois, tout va brûler ! Vois-tu ?... On dirait que le quartier bout
dans l'alambic de quelque chimiste.
La Curée, extrait du chapitre 2 - Emile
Zola
- Un préambule
▪ Situer le texte dans son contexte général (par rapport à son auteur, son
œuvre, le mouvement dans lequel s’inscrit l’auteur). L’idée avancée doit
avoir une relation directe avec la problématique et non pas un inventaire
d’informations générales juxtaposées
▪ Situer le texte par rapport à son co-texte : situer le passage par rapport à
ce qui précède et ce qu’il énonce (l’idée générale du passage).
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▪ annoncer le plan (2 à 3 parties). Il répond à la problématique. Il doit être
progressif du plus évident au moins évident.
- Axes de lecture :
▪ Le récit enchâssé
▪ Le jeu de regard
▪ Une harmonie annonciatrice
1. Le récit enchâssé
- Il s’agit de repérer les différents éléments qui renvoient aux
circonstances de la scène du dîner.
- Il faut mentionner d’abord que le passage s’ouvre sur une analepse « 2
mois avant la mort d’Angèle », le texte se présente comme un retour en
arrière qui relate une scène qui date du premier mariage de Saccard.
- La scène représente un couple qui sort pour dîner : des motifs servent
de cadrage : « dimanche », « jour d’automne », « coucher du soleil »,
suggère une sortie romantique et laisse le lecteur penser qu’il s’agissait
d’un couple heureux.
- Des indications qui renvoient à la classe sociale à laquelle appartient le
couple : le lieu « les buttes de Montmartre », une banlieue qui se situe
dans la périphérie de Paris où se rencontrent les gens pauvres, démunis
qui ne pouvaient pas se présenter dans les lieus de Paris.
- Le personnage d’Angèle : Une femme d’un esprit simple, parle peu,
écoute seulement, ne réagit qu’une seule fois « se mit à rire en
accusant ces pièces-là de n’être pas faciles à ramasser », son mari ne
porte aucune affection pour elle. Il n’éprouve que pitié et mépris à son
égard « pauvre femme », absence de communication.
41
- Sur le plan de l’action, Angèle est un personnage passif, elle sert
seulement de prétexte pour relancer les pensées de Saccard ; c’est lui
qui parle, commente et domine.
Synthèse partielle : L’horizon d’attente du lecteur est cassé ; l’image de la
scène idyllique est brisée par la froideur qui régit le couple,
l’incommunicabilité et l‘incompatibilité entre les deux.
2. Le jeu de regard
3. Impressionnisme et harmonie
Aristide est fasciné par cette « cité des Mille et une nuit », enivré par l’aspect
exotique et grandiloquent de cette ville.
« Il souriait à l'espace, il était d'une galanterie inusitée. Et ses regards,
amoureusement, redescendaient toujours sur cette mer vivante et pullulante,
d'où sortait la voix profonde des foules » : Paris se met en avant, prend la
place d’Angèle. Elle « égaya Saccard », répond à son regard et son désir
dans un jeu de symbiose et d’harmonie.
Pour dépeindre cette impression, le narrateur qui se met dans le regard de
Saccard fait appel à certaines techniques impressionnistes :
- Le jeu des couleurs « ciel pâle » « gris doux » « verdures sombres »
« nuages rouges »,
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- Le jeu de lumière : « le soleil, l’or, rayon, flamber »
- Le jeu de sens : vue : brume/ ouïe : « voix profondes
s’alanguissaient »…
- Le Jeu de trompe-l’œil : La clarté, la limpidité est nuancée par la
présence du « sombre, bleuâtre » les deux adjectifs brouillent la vision
du lecteur.
- Estompage des couleurs qui devient de plus en plus accru avec le
cliché du coucher du soleil.
Conclusion
Aristide possède les qualités d’un visionnaire, il est l’architecte et le
spéculateur en acte qui prépare son entrée à Paris, une entrée spectaculaire,
hypothéquée à l’or. Le texte dresse le portrait de l’opportuniste, de l’arriviste
qui brûle de désir pour dévorer cette femme qui le fascine par sa beauté :
Paris
Extrait 3 :
Les treize ans de Maxime étaient déjà terriblement savants. C’était une de ces
natures frêles et hâtives, dans lesquelles les sens poussent de bonne heure. Le
vice en lui parut même avant l’éveil des désirs. À deux reprises, il faillit se faire
chasser du collège. Renée, avec des yeux habitués aux grâces provinciales,
aurait vu que, tout fagoté qu’il était, le petit tondu, comme elle le nommait,
souriait, tournait le cou, avançait les bras d’une façon gentille, de cet air féminin
des demoiselles de collège. Il se soignait beaucoup les mains, qu’il avait minces
et longues ; si ses cheveux restaient courts, par ordre du proviseur, ancien
colonel du génie, il possédait un petit miroir qu’il tirait de sa poche, pendant les
classes, qu’il posait entre les pages de son livre, et dans lequel il se regardait des
heures entières, s’examinant les yeux, les gencives, se faisant des mines,
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s’apprenant des coquetteries. Ses camarades se pendaient à sa blouse, comme à
une jupe, et il se serrait tellement, qu’il avait la taille mince, le balancement de
hanches d’une femme faite. La vérité était qu’il recevait autant de coups que de
caresses. Le collège de Plassans, un repaire de petits bandits comme la plupart
des collèges de province, fut ainsi un milieu de souillure, dans lequel se
développa singulièrement ce tempérament neutre, cette enfance qui apportait le
mal, d’on ne savait quel inconnu héréditaire. L’âge allait heureusement le
corriger. Mais la marque de ses abandons d’enfant, cette effémination de tout
son être, cette heure où il s’était cru fille, devait rester en lui, le frapper à jamais
dans sa virilité.
Renée l’appelait « mademoiselle », sans savoir que, six mois auparavant, elle
aurait dit juste. Il lui semblait très obéissant, très aimant, et même elle se
trouvait souvent gênée par ses caresses. Il avait une façon d’embrasser qui
chauffait la peau.
Mais ce qui la ravissait, c’était son espièglerie ; il était drôle au possible, hardi,
parlant déjà des femmes avec des sourires, tenant tête aux amies de Renée, à la
chère Adeline qui venait d’épouser M. d’Espanet, et à la grosse Suzanne, mariée
tout récemment au grand industriel Haffner. Il eut, à quatorze ans, une passion
pour cette dernière. Il avait pris sa belle-mère pour confidente, et celle-ci
s’amusait beaucoup.
Chapitre III, La curée
Mise en situation
Délaissé par son père, Maxime grandit dans la province de Plassans, Saccard
le récupère après son mariage de Renée qui se réjouit de son arrivée et prend
en charge son instruction et son entrée dans le monde.
Problématique
Ce passage fonctionne comme une prolepse qui prépare le devenir de la
relation entre Maxime et sa belle-mère. Il met l’accent notamment sur le
portrait typiquement féminin de maxime.
Comment l’effminité précoce de Maxime annonce la débauche du
personnage ?
Axes de réflexion
- Un portait féminin
- Le regard de Renée
- Prémisses de la débauche
1. Le portrait féminin
- Les marques de la féminité : « se soignait les mains », « cheveux
courts », « possédaient un petit miroir » « se
regardaient……coquettes » : profil d’une fille coquette qui prend soin
44
de son apparence avec une « taille mince », « hanches d’une femme
faite »
- « effémination de tout son être……..sa virilité » : Maxime prend
conscience de sa nature hybride porteuse de tragique.
- L’effémination de Maxime a des origines :
- Le milieu où il a grandi, Plassans : allusion à son appartenance à la
brèche des Rougon, branche maudite par le déterminisme de l’hérédité.
- le collège où il étudie était « un milieu de souillure » : le déterminisme
du milieu
Zola, imprégné par la théorie de Taine et de LUCAS explique le tempérament
du personnage par l’influence du milieu et de l’hérédité. Le passé détermine le
tempérament du personnage et conditionne son devenir.
2. Le regard de Renée
- Le narrateur intradiégétique se met dans le regard de Renée pour nous
rapprocher et zoomer la personnalité de Maxime : maxime est
l’adolescent à « la nature frêle et hâtive », possède un désir précoce,
une sensualité naissante « il avait d’une façon d’embrasser […] la
peau », esquisse du vice « le vice en lui parut même en avant l’éveil
des désirs ». le désir envahit aussi le regard de Renée qui se porte
comme une mère jalouse.
- Le regard de Renée complète le portrait de Maxime : elle l’appelait
« Mademoiselle », « lui semblait très obéissant, très aimant….souvent
gênée par ses caresses ».
- la nature hermaphrodite de Maxime joue le rôle de prolepse, prépare le
futur dandy. Certains caractères l’annoncent : « son espièglerie »,
« son voyeurisme « collé toujours aux femmes » « parlant déjà des
femmes avec des sourires, tenant tête aux amies de Renée » ; Maxime
n’existe que dans le harem des femmes.
Le milieu féminin attise le désir latent de Maxime et que la présence féminine
dégage le refoulé « ces dames encourageaient Maxime par leurs rires étouffées
précoce ». Le nouveau milieu prépare la nouvelle identité du personnage
3. Annonce de la débauche
- Une débauche « fort aristocratique » ; le ton ironique de cette
expression rappelle le luxe de ce monde où les valeurs s’enlisent au
profit de caprices immorales « les femmes séduisent Maxime ».
- Le tempérament des femmes a aussi des explications : elles
menaçaient une « vie tumultueuse [….]par la passion […] leur goût ».
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- Chaque personnage a ses raisons mais le dénominateur commun entre
ces comportements abusifs est le désir, cette pulsion qui exerce un
pouvoir sur les gens et conditionne même leur avenir ; ils seront brûlés
par ce feu qui prend forme, s’anime devient même la matière qui crée
leur univers : « les femmes laissent Maxime toucher leur robe, frôle
leurs épaules…douce »
- La description au ralenti visualise de plus en plus la débauche des
femmes de l’aristocratie, ce milieu qui est à l’origine de leur
démesure : elles « riaient comme des folles », ont tendance à faire de
Maxime « un joujou, un petit homme de mécanisme ingénieux qui
faisaient la cour », le prototype de l’homme séducteur, l’homme qui
n’existe pas dans leur vie réelle mais qui satisfait leur caprices.
Or, la vérité de Maxime est autre, la vérité est occultée : l’homme en lui n’est
qu’une apparence « un petit homme en carton », la virilité est étiolée car « sous
sa main d’enfant se cache un frisson très doux » ; le frisson féminin.
Extrait4
Avec un tel mari, Renée était aussi peu mariée que possible. Elle restait des
semaines entières sans presque le voir. D’ailleurs, il était parfait : il ouvrait pour
elle sa caisse toute grande. Au fond, elle l’aimait comme un banquier obligeant.
Quand elle allait à l’hôtel Béraud, elle faisait un grand éloge de lui devant son
père, que la fortune de son gendre laissait sévère et froid. Son mépris s’en était
allé ; cet homme semblait si convaincu que la vie n’est qu’une affaire, il était si
évidemment né pour battre monnaie avec tout ce qui lui tombait sous les mains,
femmes, enfants, pavés, sacs de plâtre, consciences.
Depuis ce marché, il la regardait un peu comme une de ces belles maisons qui
lui faisaient honneur et dont il espérait tirer de gros profits. Il la voulait bien
mise, bruyante, faisant tourner la tête à tout Paris. Cela le posait, doublait le
chiffre probable de sa fortune. Il était beau, jeune, amoureux, écervelé, par sa
femme. Elle était une associée, une complice sans le savoir. Un nouvel attelage,
une toilette de deux mille écus, une complaisance pour quelque amant,
facilitèrent, décidèrent souvent ses plus heureuses affaires.
Souvent aussi il se prétendait accablé, l’envoyait chez un ministre, chez un
fonctionnaire quelconque, pour solliciter une autorisation ou recevoir une
réponse. Il lui disait : « Et sois sage ! » d’un ton qui n’appartenait qu’à lui, à la
fois railleur et câlin. Et quand elle revenait, qu’elle avait réussi, il se frottait les
mains, en répétant son fameux : « Et tu as été sage ! »
Renée riait. Il était trop actif pour souhaiter une Mme Michelin. Il aimait
simplement les plaisanteries crues, les hypothèses scabreuses. D’ailleurs, si
Renée « n’avait pas été sage », il n’aurait éprouvé que le dépit d’avoir
réellement payé la complaisance du ministre ou du fonctionnaire. Duper les
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gens, leur en donner moins que pour leur argent, était un régal. Il se disait
souvent : « Si j’étais femme, je me vendrais peut-être, mais je ne livrerais jamais
la marchandise ; c’est trop bête. »
Chapitre III, La curée, Zola.
3. Axes de réflexion :
- Le truchement de l’ironique et du pathétique
- Une situation féminine tragique
1. L’ironique et le pathétique
C’est un procédé stylistique qui consiste à tourner en dérision un personnage,
une situation….le registre ironique fait appel notamment à des figures
d’opposition, un lexique dépréciatif, les fausses causes, la caricature……
47
montre son impassibilité et la froideur qui domine sa relation à sa fille
ce qui renforce le pathétique de la situation de Renée.
- « qu’elle ne pouvait lui reprocher le marché de leur mariage » :
l’analepse de cette phrase forme un clin d’œil qui rappelle l’histoire de
rencontre entre Saccard et Renée, le marché conclu entre lui et le père
pour sauver son honneur
- « Depuis ce marché, il la regardait un peu comme une de ces belles
maisons qui lui faisaient honneur et dont il espérait tirer de gros
profits » : Renée le fait est cantonné à un objet ; sa chosification
témoigne de la situation tragique dans laquelle elle vit sous silence
derrière le paravent. D’ailleurs même la comparaison dans cette phrase
évoque une dimension d’inclusion et de possession. Renée est
assimilée à une maison qui fait partie à Saccard.
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miment l’immoralité de l’acte et son indignation : Saccard fait de sa
femme une prostituée de luxe, une entretenue à qui il trouve des
amants de la haute société pour l’aider à avancer ses projets et
transactions. Renée est dépouillée de toute volonté devant cet
alchimiste qui fait « battre monnaie avec tout ce qui lui tombait sous
les mains, femmes, enfants, pavés, sacs de plâtre, consciences ».
Saccard est l’homme sans scrupules, le prototype de l’affairiste
machiavélique (Haussmanisé) qui possède la toute-puissance, le
manipulateur qui décide, qui ordonne « sois sage » et contrôle.
Quant à Renée, c’est la femme-poupée, sans volonté, elle est l’obéissante et la
soumise à son bourreau. Son rire est le glas qui précipite sa déchéance
circonscrite par la main d’un démiurge qui s’accapare des volontés, usurpe les
forces, perverti les essences. Une femme pour lui, est faite pour être vendu et
s’en prendre de sa beauté afin d’avoir l’argent : « Si j’étais femme, je me
vendrais peut-être, mais je ne livrerais jamais la marchandise ; c’est trop bête.
»
Extrait 5 :
Et, dans l’ombre bleuâtre de la glace, elle crut voir se lever les figures de
Saccard et de Maxime.
Saccard, noirâtre, ricanant, avait une couleur de fer, un rire de tenaille, sur ses
jambes grêles. Cet homme était une volonté. Depuis dix ans, elle le voyait dans
la forge, dans les éclats du métal rougi, la chair brûlée, haletant, tapant toujours,
soulevant des marteaux vingt fois trop lourds pour ses bras, au risque de
s’écraser lui-même.
Elle le comprenait maintenant ; il lui apparaissait grandi par cet effort
surhumain, par cette coquinerie énorme, cette idée fixe d’une immense, fortune
immédiate. Elle se le rappelait sautant les obstacles, roulant en pleine boue, et ne
prenant pas le temps de s’essuyer pour arriver avant l’heure, ne s’arrêtant même
pas à jouir en chemin, mâchant ses pièces d’or en courant. Puis la tête blonde et
jolie de Maxime apparaissait derrière l’épaule rude de son père ; il avait son clair
sourire de fille, ses yeux vides de catin qui ne se baissaient jamais, sa raie au
milieu du front, montrant la blancheur du crâne. Il se moquait de Saccard, il le
trouvait bourgeois de se donner tant de peine pour gagner un argent qu’il
mangeait, lui, avec une si adorable paresse. Il était entretenu. Ses mains longues
et molles contaient ses vices. Son corps épilé avait une pose lassée de femme
assouvie. Dans tout cet être lâche et mou, où le vice coulait avec la douceur
d’une eau tiède, ne luisait seulement pas l’éclair de la curiosité du mal. Il
subissait. Et Renée, en regardant les deux apparitions sortir des ombres légères
de la glace, recula d’un pas, vit que Saccard l’avait jetée comme un enjeu,
49
comme une mise de fonds, et que Maxime s’était trouvé là, pour ramasser ce
louis tombé de la poche du spéculateur. Elle restait une valeur dans le
portefeuille de son mari ; il la poussait aux toilettes d’une nuit, aux amants d’une
saison ; il la tordait dans les flammes de sa forge, se servant d’elle, ainsi que
d’un métal précieux, pour dorer le fer de ses mains. Peu à peu, le père l’avait
ainsi rendue assez folle, assez misérable, pour les baisers du fils. Si Maxime
était le sang appauvri de Saccard, elle se sentait, elle, le produit, le fruit véreux
de ces deux hommes, l’infamie qu’ils avaient creusée entre eux, et dans laquelle
ils roulaient l’un et l’autre.
Problématique :
Comment l’hallucination de Renée introduit le fantastique comme un
intermédiaire pour une prise de conscience qui finit dans la déchéance ?
Axes de réflexion :
- De l’hallucination au fantastique.
- Prise de conscience
- déchéance
1. L’hallucination et le fantastique
50
2. Une prise de conscience
Renée est avertie de l’essence de cet homme, un homme qui dépasse l’ordinaire,
qui possède des volontés et des puissances lui permettant de mettre tout le
monde à son insu.
L’image du démiurge rappelle le surhomme (Nietzsche) qui outrepasse l’homme
ordinaire par ses qualités :
- la métaphore filée de l’agilité « sautant sur les obstacles, roulant en pleine
boue, ne prenant pas le temps de s’essuyer, ne s’arrêtant pas…. »
- L’hyperactivité et la frénésie qui jalonnent du mouvement du personnage
témoigne de sa mollesse, sa capacité de l’ubiquité qui redresse en filigrane
l’image du diable.
- Le portrait de Maxime succède à celui du père :
• Positionnement « apparaissait derrière l’épaule rude de son père »
• Traits : « le sourire de fille », « yeux vides de catin » « ses longues
mains contenaient ses vices » : description de l’efféminé destiné à
la débauche.
• Paresseux, inactif, indifférent à l’argent : il paraît au début
dissemblable par rapport à son père
• De plus près : « un être lâche et mou » : la mollesse est le point de
ressemblance entre lui et son père, caractéristique qui permet aux
deux de changer de forme, de s’adapter à toutes les situations, d’y
accéder facilement notamment quand il s’agit de vice « qui coulent
avec la douceur d’une eau tiède »
- La métaphore de l’eau : la fluidité s’ajoute à l’agilité, rend le
personnage pénétrable au mal : l’axiome de l’hérédité est
omniprésent : Maxime ressemble à son père : L’un affairiste, l’autre se
prostitue, les deux sont érigés par la même substance (le désir et la
démesure).
3. La déchéance de Renée
- Traumatisme de Renée devant cette prise de conscience, harcelée par
l’hallucination qui rend de plus en plus flou sa vision. Les distances
s’estompent.
- Elle prend conscience de sa propre vérité : comprend que Saccard
« l’avait jetée comme un enjeu, comme une mise de fonds » : elle
n’était qu’une marchandise, un moyen pour amasser l’argent que
« Maxime s’était trouvé là pour ramasser…….spéculateur ».
- Chosification de Renée : « la tordait dans les flammes de sa forge »,
un modèle forgé par le forgeron, victime de son bourreau.
51
- Cette dépossession la rend « assez folle, assez misérable pour les
baisers du fils », partagé entre le père et le fils « ce dernier qui n’a fait
qu’accomplir l’œuvre de son père ».
Maxime et Renée, les deux sont la production du père ; lui « le sang appauvri »,
il porte les gènes de la médiocrité du père et elle « le produit, le fruit véreux de
ces deux hommes » qui tirent leur force de leur race et du milieu dans lesquels ils
sont prospérés les germes de cette race. Les deux sont les résultats de
« l’infamie », du dénuement moral qui mène vers les ténèbres, vers l’abîme « ils
roulaient l’un et l’autre ».
Extrait 6 :
Renée étouffait, au milieu de cet air gâté de son premier âge. Elle ouvrit la
fenêtre, elle regarda l’immense paysage. Là rien n’était sali.
Elle retrouvait les éternelles joies, les éternelles jeunesses du grand air. Derrière
elle, le soleil devait baisser ; elle ne voyait que les rayons de l’astre à son
coucher, jaunissant avec des douceurs infinies ce bout de ville qu’elle
connaissait si bien. C’était comme une chanson dernière du jour, un refrain de
gaieté qui s’endormait lentement sur toutes choses. En bas, l’estacade avait des
luisants de flammes fauves, tandis que le pont de Constantine détachait la
dentelle noire de ses cordages de fer sur la blancheur de ses piliers. Puis, à
droite, les ombrages de la Halle aux vins et du Jardin des Plantes faisaient une
grande mare, aux eaux stagnantes et moussues, dont la surface verdâtre allait se
noyer dans les brumes du ciel. À gauche, le quai Henri-IV et le quai de la Rapée
alignaient la même rangée de maisons, ces maisons que les gamines, vingt ans
auparavant, avaient vues là, avec les mêmes taches brunes de hangars, les
mêmes cheminées rougeâtres d’usines. Et, au-dessus des arbres, le toit ardoisé
de la Salpêtrière, bleui par l’adieu du soleil, lui apparut tout d’un coup comme
un vieil ami. Mais ce qui la calmait, ce qui mettait de la fraîcheur dans sa
poitrine, c’étaient les longues berges grises, c’était surtout la Seine, la géante,
qu’elle regardait venir du bout de l’horizon, droit à elle, comme en ces heureux
temps où elle avait peur de la voir grossir et monter jusqu’à la fenêtre. Elle se
souvenait de leurs tendresses pour la rivière, de leur amour de sa coulée
colossale, de ce frisson de l’eau grondante, s’étalant en nappe à leurs pieds,
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s’ouvrant autour d’elles, derrière elles, en deux bras qu’elles ne voyaient plus, et
dont elles sentaient encore la grande et pure caresse. Elles étaient coquettes déjà,
et elles disaient, les jours de ciel clair, que la Seine avait passé sa belle robe de
soie verte mouchetée de flammes blanches ; et les courants où l’eau frisait
mettaient à la robe des ruches de satin, pendant qu’au loin, au-delà de la ceinture
des ponts, des plaques de lumière étalaient des pans d’étoffe couleur de soleil.
1. Mise en situation :
2. Problématique :
3. Axes de réflexion
- Paysage impressionniste
- Opposition ville/ nature
1. Le paysage impressionniste
- La critique est destinée aux affairistes, ceux qui ont ôté à la ville sa
beauté et son identité, se sont accaparés des terres, hangars, usines
pour en faire le quai Henri VI et le quai de la Râpée. Zola s’en prend
de ces gens qui ont démoli des lieux de mémoire pour réaliser leurs
projets.
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