Cahier de Formation N°1
Cahier de Formation N°1
Cahier de Formation N°1
(à visée professionnalisante)
Accompagnement existentiel
- éléments de base -
Irène Pereira
Année 2021
Sommaire :
Introduction
Fiches pratiques :
Lexique existentiel
Introduction
L’expression d’accompagnement existentiel doit être ici distinguée de plusieurs termes avec
lesquelles elle pourrait être confondue. L’accompagnement doit être distingué du coaching. Cette
dernière approche est issue du sport pour ensuite s’être développée dans le monde de l’entreprise.
Le coaching est orienté vers la recherche de performance. Il s’agit d’une approche qui vise à rendre
les personnes plus performantes en s’appuyant sur des techniques qui se veulent efficaces.
L’expression d’accompagnement existentiel doit être également distinguée de celle de
développement personnel. Celui-ci désigne un ensemble d’approches qui sont tournées vers la
réalisation de soi ou l’accomplissement de soi dans la lignée de la psychologie humaniste (Maslow,
Rogers…). Aujourd’hui, sous l’influence de la psychologie positive, le développement personnel
peut être tourné vers l’optimisation de soi.
L’accompagnement existentiel désigne plutôt un ensemble de pratiques qui visent à aider des
personnes qui sont confrontées à des épreuves de vie : ces épreuves pouvant être des épreuves
sociales ou des épreuves existentielles. L’accompagnement existentiel peut intervenir dans des
situations de rupture biographique – choix d’orientation d’études, reconversion professionnelle,
retraite – ou des situations de crise existentielle provoquées par une épreuve de la vie : chômage,
maladie, deuil…
L’accompagnement existentiel dont il est question ici est destiné en priorité à des praticiens
ou des praticiennes qui viennent du champ de l’éducation et de la formation, voire du travail social.
De ce fait, l’auteur qui nous sert de référence est Paulo Freire dont l’œuvre croise à la fois la théorie
sociale et la philosophie existentialiste. L’objectif est de fournir une relation d’accompagnement et
d’aide à des personnes qui sont confrontées à des épreuves de la vie. Cet accompagnement ne relève
pas du champ de la psychothérapie et encore moins de l’approche médicale et ne peut s’y substituer
lorsque celui-ci est nécessaire. Tout au plus peut-il être un complément.
La perspective existentielle qui est développée dans cette formation est qualifiée de socio-
existentielle critique. Ce qualificatif renvoie à deux dimensions qui distinguent cette approche en
particulier de celles qui relèvent de la psychologie existentielle au sens strict. La psychologie en
règle générale tend à centrer son approche sur la personne sans prise en compte du contexte social.
Dans l’approche socio-existentielle critique, l’analyse des conditions sociales constitue une étape
importante et même préalable à l’approche existentielle au sens strict.
La deuxième dimension qui caractérise cette approche existentielle est de se situer dans un
cadre plus philosophique que psychologique. La différence entre la philosophie et la psychologie
(en tant que science positive), c’est que la philosophie a un rapport critique aux concepts qu’elle
utilise. Ainsi, des idées qui peuvent être considérées comme des affirmations de base de la
psychologie existentielle sont, dans une approche philosophique, l’objet d’une problématisation
critique qui fait apparaître les dimensions de choix axiologiques qu’elles impliquent.
1. Les conditions sociales.
Comme il a été souligné en introduction, l’approche socio-existentielle critique suppose de
partir d’une analyse des conditions sociales. Cette analyse est importante pour éviter d’attribuer aux
personnes une responsabilité relativement à des faits qui en réalité relèvent de fonctionnement
sociaux. Cette tendance à orienter la focale uniquement vers le sujet se trouve non seulement dans
la psychologie, mais également dans la philosophie existentialiste, par exemple dans l’œuvre du
premier Sartre (dans son livre L’être et le néant ou sous une forme plus accessible, sa conférence
« L’existentialisme est un humanisme »). Par exemple, le fait qu’une personne ne trouve pas de sens
à son travail ne provient pas nécessairement de son incapacité à trouver du sens, mais de l’existence
par exemple de « bullshit jobs » (Greaber). Il est donc important d’analyser les conditions sociales
avant d’entreprendre une approche existentialiste d’une situation.
L’analyse des conditions sociales repose dans l’approche socio-existentielle critique sur la
notion de réification. Cette notion est comme toute notion philosophique problématique (voir par
exemple la discussion qu’en propose Axel Honneth dans son ouvrage La réification). Une des
difficultés de cette notion, c’est qu’en réalité la réification recouvre sous un même terme plusieurs
processus qu’il est important de distinguer.
La notion de réification au sens le plus général désigne le fait de traiter une personne comme
si elle était un objet. On peut à partir de là distinguer plusieurs processus de réification :
1) La réification interpersonnelle :
2) La réification impersonnelle :
On peut même dire que cette angoisse s’est accentuée sous l’effet de la « vie algorithmique »
(Eric Sadin). Il s’agit de la manière dont les technologies numériques produisent une colonisation
du monde vécu.
Sur le plan écologique, la nécrophilie désigne chez Paulo Freire (terme qu’il reprend d’Erich
Fromm) la tendance du système capitalisme à traiter toute réalité vivante comme une chose morte.
Cette tendance s’oppose à la biophilie qui est le respect du vivant.
La réification impersonnelle peut également se trouver à l’œuvre dans des organisations de travail.
Elle peut prendre deux formes :
Il existe également des processus de réification qui tiennent à la place que les personnes
occupent dans les rapports sociaux de pouvoir. Les rapports sociaux de pouvoir sont des rapports
structurels qui traversent l’ensemble de la société : le classisme, le sexisme, le racisme, le validisme
ect…
Simone de Beauvoir (dans Le deuxième sexe) au sujet des femmes ou Frantz Fanon (dans
Peaux noirs, masques blancs) au sujet des personnes noires ont analyser la réification deux deux
groupes socialement dominés et les effets de ces processus sur la conscience des personnes qui y
sont confrontés.
Si on prend l’exemple des femmes, elles peuvent être par leurs positions sociales
confrontées à des expériences de réification (comme par exemple des violences sexuelles) ou à
l’angoisse d’être confrontées à des processus de réification sexiste. Le fait pour une femme de subir
des violences sexistes peut avoir des effets sur sa subjectivité en produisant de la souffrance et de
l’angoisse.
L’intervention féministe (et avant la thérapie radicale féministe) ont mis en lumière
l’importance pour une approche des violences sexistes d’aider les femmes à conscientiser la
dimension sociale des violences qu’elles ont subie. Il ne s’agit pas seulement d’une réification
interpersonnelle, mais d’une oppression sociale.
Application dans l’accompagnement existentiel : Il est donc important pour une personne
qui met en œuvre un accompagnement existentiel d’être en capacité d’analyser ces différents
processus de réification, et en particulier les processus de réification sociale. Il est pour cela
fondamental de lire des ouvrages de sciences sociales qui permettent d’acquérir des connaissances à
ce sujet : sociologie clinique du travail, psychodynamique du travail, féminisme matérialiste (ou
plus exactement paradigme féministe matérialiste de l’intersectionnalité), théorie critique de la vie
quotidienne) ect…
Il est important de pouvoir expliquer à la personne les mécanismes sociaux à l’œuvre dans la
situation dans laquelle elle se trouve. On voit en effet actuellement, y compris chez les
psychothérapeutes, nombre de personnes qui ne sont pas capables d’expliquer les mécanismes
sociologiques de la souffrance au travail ou encore des violences sexistes.
Corbeil, Janine. "Les paramètres d’une théorie féministe de la psychothérapie." Santé mentale au
Québec 4.2 (1979): 63-86.
Dejours, Christophe et Isabelle Gernet. Psychopathologie du travail. Elsevier Masson, 2016.
Kergoat, Danièle. Se battre, disent-elles... Dispute (La), 2012.
Rosa, Hartmut. Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive. La
découverte, 2012.
2. La subjectivité :
entre conditions sociales et condition existentielle
Néanmoins, si l’on réduit toute action humaine au social, on est alors confronté à deux
difficultés. La première c’est que l’approche par le social permet de saisir des comportements
collectifs, mais plus difficilement les actions individuelles et la subjectivité. La deuxième difficulté
est l’écueil inverse de l’hyper-responsabilisation du sujet, c’est sa déresponsabilisation qui peut
aboutir à un fatalisme social. Pour essayer d’éviter ces écueils, Paulo Freire distingue, dans
Pédagogie de l’autonomie, entre le déterminisme et les conditions sociales. Dans la perspective
socio-existentielle qui est la sienne, l’être humain n’est pas déterminé socialement. Il est placé dans
des conditions sociales données. Mais, il garde une liberté d’action qui est liée au fait qu’étant un
être conscient, il lui appartient de donner un sens à ces conditions sociales en fonction de son projet.
L’objectif de Paulo Freire est de prendre en compte l’existence de conditions socio-historiques, tout
en luttant contre la conscience fataliste que peut engendrer la prise de conscience des déterminismes
sociaux.
1) La condition existentielle.
Les épreuves existentielles sont liées à la condition existentielle de l’être humain. Cette
condition existentielle est celle d’un être qui a conscience d’exister et de sa finitude, ce qui veut dire
de la mort. Cela amène certains philosophes existentialistes à distinguer la vie biologique de
l’existence par cette conscience de soi et de sa mort.
Le psychologue Irvin Yalom dans Psychothérapie existentielle distingue quatre enjeux existentiels
principaux :
- l’angoisse de la mort.
- l’absence de sens de l’existence
- l’angoisse du choix que suppose la liberté et la responsabilité
- la solitude existentielle qui est le fait que la souffrance a tendance à nous isoler et que nous
sommes seuls face à notre propre mort.
La relation a autrui est marquée par deux pôles contradictoires : le risque de réification et
l’intersubjectivité qui se caractérise par le dialogue. Cette importance accordée au dialogue est
présente chez Paulo Freire (via les philosophies existentialistes de Martin Buber et Karl Jaspers).
Nous voulons échapper à l’angoisse existentielle dans la relation intersubjective à autrui, mais nous
sommes confrontés au risque de réification (ou de chosification dans le vocabulaire de Sartre).
Le philosophe existentialiste Karl Jaspers pour sa part appelle « situation-limite », les situations
existentielles auxquelles l’être humain est confronté : la maladie, la mort, les hasards de l’existence,
la culpabilité, les remords ect… Ces situations sont source d’une souffrance existentielle.
La condition existentielle de l’être humain a une dimension tragique liée au caractère absurde de sa
situation. L’être humain ne possède pas d’explications scientifiques lui permettant de donner un
sens à l’existence du monde, à son existence et à sa mort. Cet absence de sens est source d’angoisse
existentielle. Les épreuves de vie liées à cette angoisse existentielle sont sources de souffrance.
Sartre affirme dans son œuvre la liberté du sujet humain. Pour lui, l’être humain a la capacité
de donner un sens à son existence. Certes l’existence de l’univers est absurde et l’être humain est
confronté à sa propre finitude – à sa mort -, mais il a la possibilité de donner un sens à son existence
par un projet qui oriente cette existence. De ce fait, vivre une vie authentique, c’est assumer sa
liberté et sa capacité à choisir son projet de vie en fonction de ses propres valeurs. Ainsi pour Sartre,
l’être humain est toujours libre, non pas de réussir à réaliser ses projets, mais d’essayer de les
réaliser.
La notion de projet qui oriente le sens de la vie chez Sartre rejoint la question du sens de la
vie chez le psychiatre existentialiste Viktor Frankl. Pour Frankl, l’être humain est capable de faire
face aux épreuves de la vie – qu’elles soient sociales ou existentielles-, s’il est capable de donner un
sens à sa vie. Néanmoins, chez Sartre, le projet originel d’une personne est choisi lors de son
enfance et oriente l’ensemble de son existence. Pour Frankl, l’être humain peut être amené à
modifier les projets qui donnent sens à son existence en fonction des épreuves de vie auxquels il est
confronté.
De ce fait, Sartre comme Frankl sont amenés tous les deux à prendre l’exemple de la
maladie. Dans Cahier pour une morale, Sartre explique que le malade n’est pas privé de sa liberté.
Certes il n’a pas les mêmes possibles qu’une personne valide, mais il a d’autres possibles. Pour
Frankl, c’est la capacité de l’être humain à continuer à donner sens à sa vie en fonction de la
situation dans laquelle il se trouve qui permet à l’être humain de résister au désespoir.
L’approche existentialiste ne nie pas les dimensions tragiques de l’existence, mais vise à
aider les êtres humains à affronter les épreuves liées au tragique de l’existence. Pour le psychiatre
Viktor Frankl, le but de l’existence n’est pas le bonheur. En effet, le bonheur est un état de plénitude
stable dans le temps qui suppose que l’être humain soit capable de rester heureux face à quelques
épreuves de la vie auquel il est confronté. Or il paraît inhumain qu’une personne puisse rester
heureuse lorsqu’elle perd un être cher. Il semble normal qu’elle traverse un moment de chagrin et de
deuil. Or surmonter cette épreuve consiste à continuer à trouver un sens à sa vie en dépit de la
disparition d’un être cher. De ce fait, le bonheur n’est-il qu’un effet qui peut arriver de surcroît par
rapport au fait d’être capable de donner un sens à sa vie.
3) Doutes existentiels
De ce fait, la subjectivité est toujours confrontée au doute que son sentiment d’avoir effectué
un choix libre et personnel n’était peut-être qu’une illusion. La subjectivité n’est peut être que
construite en réalité par les conditions sociales. Ainsi, lorsque le sujet pense vivre une vie
authentique, ce moi authentique et sa conception de la vie authentique, ne sont peut-être qu’une
construction historico-sociale. Le fait même de se considérer comme un sujet, un individu libre, qui
aspire à une vie authentique, est considéré souvent comme une conséquence des sociétés modernes
libérales et individualistes.
Mais non seulement, le fait de se considérer comme un sujet n’est peut-être qu’une illusion,
mais même si cela était possible, on pourrait également s’interroger sur le fait de savoir s’il est
souhaitable de s’affirmer comme un sujet. En effet, le bouddhisme par exemple semble se donner
davantage comme objectif d’amener la subjectivité individuelle à se considérer comme une illusion
et comme le membre d’un grand tout. Il est possible de critiquer l’individualisme moderne au
regard entre autres du fait qu’il a conduit chaque être humain à se considérer comme un individu
séparé de la nature et des autres êtres vivants.
Néanmoins, il est possible de remarquer que l’aspiration à pouvoir mener une existence
authentique, se trouve chez un certain nombre de mouvements sociaux modernes : mouvement
anarchiste ou libertaire, féministe ou LGBTI. Une personne homosexuelle ou transgenre aspire à
mener un certain type d’existence y compris si cela est condamné par la société. Elle peut être
parfois prête à sacrifier sa famille, son travail et son confort personnel pour pouvoir vivre en
adéquation avec elle-même. Il est donc possible de reconnaître qu’en dépit du caractère
problématique de la philosophie du sujet existentialiste et de son aspiration à l’authenticité, elle
correspond bien, comme l’a souligné le philosophe Charles Taylor (dans Le malaise de la
modernité) à une aspiration à l’émancipation.
Cependant, si l’on admet le caractère légitime qu’il peut y avoir à vouloir donner à sa vie le
sens que l’on pense vouloir lui donner, pour autant reste le caractère possiblement illusoire d’une
telle aspiration. Paul Ricoeur a formulé la dialectique que met en œuvre le doute existentiel à
travers les notions d’archéologie et de téléologie de la conscience. L’archéologie de la conscience
consiste à mettre en lumière la manière dont la subjectivité a été construite en particulier par les
conditions sociales. Mais cette archéologie de la conscience est menée pour permettre à la
conscience de s’affirmer davantage comme un subjectivité libre. De ce fait le sujet n’est pas libre en
soi, comme chez Sartre (dans sa première philosophie), détaché de toutes les conditions sociales,
mais l’affirmation de soi comme un sujet libre est un processus. Il est ainsi possible de rapprocher
cette dialectique chez Ricoeur, entre archéologie et téléologie de la conscience, du processus de
conscientisation chez Freire, ou de la méthode progressive-regressive chez Sartre.
Imaginons deux frères jumeaux : ils ont le même patrimoine génétique – ce sont des vrais
jumeaux-, ils ont été élevés par les mêmes parents. Pourtant, leurs personnalités sont différentes.
Ces divergences tiennent peut être à certaines expériences sociales différentes. Mais peut-être
également sous une forme existentielle commencent à apparaître entre eux des projets existentiels
différents : l’un se rêve écrivain, tandis que l’autre se rêve sportif. L’approche existentielle ne prend
pas en compte pour analyser une personne, le passé qui l’a construit, mais également ses aspirations
futures.
L’accompagnement existentiel est comme on l’a vu dans un premier temps tourné vers
l’analyse des conditions sociales de la situation dans laquelle se trouve une personne confrontée à
des épreuves de l’existence. Mais cet accompagnement existentiel consiste également, dans le
respect de ses valeurs, à l’aider à formuler des projets qui donnent un sens à sa vie en accord avec
ses valeurs personnelles.
3. Pratiques existentielles et militantisme existentiel
1) Les pratiques existentielles
Comme on l’a vu, dans une première étape, l’accompagnement existentiel aide la
subjectivité à analyser les conditions sociales de la situation à laquelle elle a été confrontée ou elle
est encore confrontée. La deuxième étape consiste à déterminer les valeurs de la subjectivité et les
projets qui peuvent donner un sens à son existence relativement aux possibilités ouvertes par la
situation. Néanmoins, il ne suffit pas d’identifier quels sont les projets que l’on souhaite réaliser
pour donner un sens à son existence, il faut également développer les capacités à poursuivre ces
projets.
Les philosophes de l’Antiquité, comme Aristote, concevaient la vertu comme une recherche
d’excellence morale acquise par la pratique et l’habitude. On trouve chez le philosophe stoïcien
Épictète une conception de la liberté qui n’est pas sans rappeler celle de l’existentialisme de Sartre.
Certes chez les stoïciens, le monde est un cosmos qui a un sens en lui-même et la réalité est soumise
à un déterminisme strict, voire même téléologique. Mais Épictète distingue entre ce qui dépend de
soi et ce qui ne dépend pas de soi. Or le soi est absolument maître de ses représentations et de ses
jugements qu’il peut parvenir à maîtriser par l’exercice.
L’ensemble de ces pratiques qui permettent aux philosophes dans l’Antiquité de développer
leur maîtrise d’eux-mêmes et leurs capacités d’agir, Pierre Hadot les appelle des « exercices
spirituels ». Il est néanmoins possible dans un sens plus existentialiste de les appeler « pratiques
existentielles » à la suite d’Emeline de Bouver. Les pratiques existentielles sont des pratiques de
subjectivations qui visent la transformation de soi par soi. Xavier Pavie, dans ses travaux sur les
« exercices spirituels » dans la philosophie depuis l’Antiquité, distingue entre autres pratiques : la
lecture philosophique, l’écriture philosophique, le dialogue, la méditation philosophique ect…
Il est possible de constater que certaines de ses pratiques sont encore dans une certaine
mesure utilisées dans les psychothérapies et entres autres les thérapies existentielles : le dialogue
socratique, la bibliothérapie, l’écriture thérapeutique ect…
Dans la lignée de l’identité narrative chez Paul Ricoeur, il est possible de intéresser à la
manière dont les pratiques d’écriture de soi – le récit de vie, l’écriture d’un journal ect… - peuvent
constituer des pratiques existentielles qui visent à déterminer les valeurs qui nous sont propres, à
réfléchir aux projets qui peuvent donner un sens à son existence, à développer un force d’âme
intérieure.
Ainsi, on trouve dans Les pensées pour moi-même de l’empereur Marc-Aurèle une forme
d’écriture de soi qui vise à développer une force intérieure, une citadelle intérieure, visant à aider la
subjectivité à résister aux épreuves de la vie.
Ainsi les pratiques existentielles visent tout d’abord à développer la « cohérence » (Freire)
ou « l’intégrité » (hooks) de la subjectivité, ce qui signifie la cohérence entre ce que je pense, ce que
je dis et ce que je fais. De ce fait, les pratiques existentielles permettent de développer le courage
moral de la subjectivité afin de lutter contre la « culture du silence » (Freire) des organisations pour
faire entendre une « voix différente » (hooks). La dissidence éthique est la capacité à faire entendre
une voix différente y compris contre le groupe. La subjectivité ne peut pas totalement abandonner
sa conscience critique au nom du militantisme social.
C’est sur la base de cette capacité de dissidence éthique que la subjectivité peut s’engager
dans un militantisme social dont l’objectif est d’agir collectivement pour transformer les conditions
sociales qui sont à l’origine de la souffrance sociale.
Il appartient à toute personne mettant en œuvre des pratiques existentielles d’orienter les personnes
avec qui elles travaillent, si besoin, vers des professionnels du champ médical et médico-social.
Il est néanmoins nécessaire de rappeler que la non-dénonciation de crimes est passible de sanctions
juridiques : « est le fait, pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible
de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux
crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou
administratives. »
4. Les praticiens et praticiennes existentielles doivent être attentifs à la lutte contre les
discriminations. Ils et elles ne doivent pas encourager des idées à caractère discriminatoire
contraires à la loi. Ils et elles doivent promouvoir le respect des droits humains, des principes
démocratiques et de justice sociale.
6. L’accompagnement proposé peut être individuel ou collectif et s’appuyer dans ce cas sur une
dynamique de groupe qui aide à développer une puissance d’agir collective.
L’enjeu de l’analyse consiste à s’interesser au poids des conditions sociales sur l’action humaine et
de la situation, mais également sur les marges de choix des personnes et leur subjectivité.
- solitude existentielle et
relations à autrui
Fiche 3. La pratique du journal existentiel
Le journal existentiel, mais il peut y en avoir plusieurs en réalité, est un journal orienté sur les
thématiques existentielles.
– Le journal existentiel à visée philosophique : c’est un journal qui est tenu régulièrement par une
personne et qui vise à une réflexion plus générale sur le sens de l’existence, sur des thématiques
philosophiques existentielles. Il peut en particulier se nourrir d’épisodes de vie, de lectures
philosophiques, de commentaires de livres de fictions, de films ou d’oeuvre d’art.
– Le journal de crise existentielle : C’est un journal existentiel qui est tenu par une subjectivité à
l’occasion d’une bifurcation ou d’une rupture biographique, plus précisément d’une situation qui
provoque une crise existentielle. Il peut s’agir par exemple du journal qui est tenu par une personne
lors de l’annonce d’une maladie grave.
Références :
Baeza, Carole. « Ecriture créative des carnets de route et expérience d’une maladie chronique: une
forme d’auto-éducation thérapeutique accompagnée. » TransFormations-Recherche en Education et
Formation des Adultes 5 (2011).
Hess, Remi, and Gabriele Weigand. « L’écriture du journal et de la correspondance, une éducation
tout au long de notre vie. » Revista europea de etnografía de la educación 5 (2008): 76-87.
Salesse, M. S., J-F. Saucier, and C. Mavrikakis. « Les bienfaits de l’écriture chez les malades
chroniques… où en sont les recherches?. » Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence 63.1
(2015): 53-60.
Fiche 4. Les pratiques d’accompagnement existentiel :
Sarfati Georges-Elia, « Chapitre 53. Les principales règles du dialogue socratique », dans : , Manuel
d’Analyse existentielle et de Logothérapie. sous la direction de Sarfati Georges-Elia. Paris, Dunod,
« Psychothérapies », 2021, p. 179-181. URL : https://www.cairn.info/—page-179.htm
Ehrlich Irene, Gastal de Castro Fernando, « Psychanalyse existentielle et sociologie clinique », dans
: Vincent de Gaulejac éd., La recherche clinique en sciences sociales. Toulouse, Érès, « Sociologie
clinique », 2013, p. 67-84. DOI : 10.3917/eres.massa.2013.01.0067. URL :
https://www.cairn.info/—page-67.htm
Bernaud Jean-Luc, 2. Médiatiser : le rôle des fictions « Chapitre 6. Construire et gérer un dispositif
d’intervention », dans : , Traité de psychologie existentielle. Concepts, méthodes et pratiques, sous
la direction de Bernaud Jean-Luc. Paris, Dunod, « Univers Psy », 2021, p. 177-200. URL :
https://www.cairn.info/—page-177.htm
Hess Rémi, Mutuale Augustin, Caille Christine et al., « L’écriture du journal comme outil de
formation de soi-même », Le Télémaque, 2016/1 (N° 49), p. 139-152. DOI : 10.3917/tele.049.0139.
URL : https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2016-1-page-139.htm
Bernaud, Jean-Luc. Encadré 10.1. Exploitation d’un collage pour explorer les valeurs (Jahn, 2018) «
Chapitre 10. Psychothérapies existentielles », , Traité de psychologie existentielle. Concepts,
méthodes et pratiques, sous la direction de Bernaud Jean-Luc. Dunod, 2021, pp. 275-301.
– La clarification de valeurs
La consultation existentielle : elle peut être considérée comme une des formes de la consultation
philosophique qui s’est développée ces dernières années. Elle s’adresse à des personnes qui veulent
réfléchir de manière générale sur le sens de l’existence.
(Voir par exemple : La consultation philosophique, une alternative au rendez-vous chez un psy ? –
https://madame.lefigaro.fr/bien-etre/consulter-un-philosophe-une-alternative-au-psy-020715-
97298 )
L’animation de groupe de discussion à visée existentielle : elle peut être rapprochée plutôt pour les
enfants et les adolescents de la discussion à visée philosophique, et pour les adultes, du café philo.
Ces pratiques vont être développées plutôt dans le secteur de l’éducation populaire : universités
populaires, MJC, mais aussi: médiathèques….
L’accompagnement existentiel :
– L’accompagnement existentiel lors d’une crise existentielle : lorsque la personne est confrontée au
chômage, à la maladie ou au deuil par exemple. Cet accompagnement peut être mis en œuvre dans
le cadre d’une structure médico-sociale.
– L’accompagnement existentiel en fin de vie : Il peut-être mis en œuvre dans le cadre d’une
structure médico-sociale. Il s’adresse en particulier à des personnes qui ne recourent pas à un
accompagnement spirituel religieux.
(Voir par exemple la biographie hospitalière pour les personnes gravement malades- https://passeur-
de-mots.fr/ )
Bibliographie sur l’existentiel :
Philosophie :
Philosophie de l’éducation :
Ardoino, J. (2000). Finalement, il n’est jamais de pédagogie sans projet [1]. Dans : , J. Ardoino, Les
Avatars de l’éducation: Problématiques et notions en devenir (pp. 149-154). Paris cedex 14, France:
Presses Universitaires de France.
Barbier René, Éducation et sagesse. La quête de sens, 2001, Albin Michel, « Question de » n° 123.
Martuccelli Danilo , « Une sociologie de l’existence est-elle possible ? », SociologieS [En ligne],
Théories et recherches, mis en ligne le 18 octobre 2011.
Critiques :
Augé, Marc. Journal d’un SDF. Ethnofiction: Ethnofiction. Média Diffusion, 2014.
Cassou-Noguès Pierre, « Projet d’une philosophie extra-ordinaire », Methodos [En ligne], 10 | 2010
Dossier: La philosophie comme manière de vivre, Cahiers philosophiques 2009/4 (N° 120)
Hadot, P. (2019). La Philosophie comme éducation des adultes. Textes, perspectives, entretiens.
Hadot, P. (2014). La citadelle intérieure: introduction aux Pensées de Marc Aurèle. Fayard.
Laugier, S. (2017). L’expérience de la lecture et l’éducation de soi. Le sujet dans la cite, (2), 39-53.
Laugier, S. (2012). Vertus ordinaires des cultures populaires. Critique, (1), 48-61.
Absurdité (sentiment), ennui existentiel et vide existentiel : Ensemble d’états subjectifs qui sont la
marque d’une absence de sens de l’existence et de projet existentiel.
Aliénation : La notion d’aliénation s’inscrit à la fois dans une tradition marxiste et existentialiste.
Elle constitue une notion à l’articulation entre le social et la conscience phénoménologique. Sur le
plan de la théorie sociale (Marx, Les manuscrits de 1844), l’aliénation désigne une triple séparation
entre : a) le travailleur et les moyens de production b) entre le travailleur et le produit du travail c)
entre le travailleur et la capacité du travail à lui permettre de se réaliser. Dans une perspective
existentialiste, l’aliénation s’oppose au désir d’authenticité et de réalisation de soi du sujet.
– l’angoisse de l’aliénation : Il est possible d’ajouter à cela l’angoisse de l’aliénation. Cette angoisse
est liée au fait que le sujet craint de ne pas pouvoir mener une existence authentique sous l’effet de
la pression sociale et économique.
Jaeggi, R. (2009). « Vivre sa propre vie comme une vie étrangère » : l’auto-aliénation comme
obstacle à l’autonomie. Dans : Marlène Jouan éd., Comment penser l’autonomie: Entre
compétences et dépendances (pp. 89-107). Paris cedex 14, France: Presses Universitaires de France.
Angoisse : L’angoisse désigne : a) chez Heidegger, une réaction fasse au « rien » : «Pourtant, que
veulent dire ces mots : cette angoisse originelle n’advient qu’en de rares instants ? Rien d’autre que
ceci : le rien nous est d’abord et le plus souvent masqué en ce qu’il a d’originel » (Qu’est-ce que la
métaphysique?). b) chez Sartre, l’angoisse est la marque de la liberté, du choix et du poids de la
responsabilité lié au choix et donc à la liberté: « c’est dans l’angoisse que l’homme prend
conscience de sa liberté ou, si l’on préfère, l’angoisse est le mode d’être la liberté comme
conscience d’être, c’est dans l’angoisse que la liberté est dans son être en question pour elle-même.
»
L’analyse existentielle peut avoir pour objectif de nommer les différents types d’angoisse propre à
une situation existentielle : angoisse d’aliénation, de réification, de mort, de l’absurde, de la liberté,
de la solitude… Elle n’est pas dévoilement de désirs inconscient, mais clarification de ce que la
conscience ne perçoit pas clairement. Elle est un effort de clarification.
Se constituer comme sujet implique donc un travail sur soi d’explicitation des conditions sociales de
la subjectivité et une dialectique critique entre l’archéologie de la conscience et la téléologie de la
conscience.
« L’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a
fait de nous » (Sartre, Saint-Genêt, 1952)
Authenticité : L’aspiration à l’authenticité apparaît pour Charles Taylor (Cf. Malaise dans la
modernité) comme une des deux aspirations fondamentales et contradictoire de l’individu moderne
avec la reconnaissance. Cette aspiration à l’authenticité émerge en particulier avec des auteurs tels
que Rousseau, Nietzsche ou encore Thoreau.
Un des exemples paradigmatiques de l’existence authentique est celle des personnes homosexuelles
ou transgenres qui décident de vivre non pas selon les normes sociales dominantes, mais en accord
avec ce qu’elles pensent être subjectivement.
Autrui: La relation à autrui peut être recherchée pour échapper à l’angoisse de la solitude
existentielle. Néanmoins, la relation à autrui est marquée par deux pôles antinomiques:
l’intersubjectivité (comme dans le dialogue) et la chosification (comme dans la manipulation ou
encore la violence). Lorsque la chosification aquiert une dimension sociale, on peut parler de
réification. Celle-ci peut peut avoir deux conséquences selon les types de réification : l’aliénation
ou l’oppression.
Par exemple, dans le sexisme, le « male gaze » est un regard qui réifie les femmes à travers des
images stéréotypées.
Banalité du mal (Arendt repris par Dejours dans Souffrance en France) : La banalité du mal
apparaît, lorsque face à une situation d’injustice sociale, alors même que sa vie n’est pas menacée,
la subjectivité accepte de se plier au pouvoir d’une autorité, alors même qu’elle a conscience que les
actes qu’elle commet sont contraire à ses valeurs et nuisent à d’autres personnes.
Bifurcation existentielle: La bifurcation fait suite à une crise existentielle produite par une épreuve
existentielle. Elle conduit soit à la construction d’un nouveau projet existentiel, soit à la
modification du projet antérieur.
Bibliothérapie existentielle: Pratique qui consiste à proposer la lecture d’un texte à visée
existentielle (par exemple un texte de philosophie ou tiré de la littérature ou d’autobiographie ect…)
de manière à être le support d’une méditation philosophique et d’un dialogue existentiel.
Bonheur : Dans l’approche existentialiste, par exemple celle de Viktor Frankl, ce n’est pas le
bonheur qui est la finalité, mais le fait de vivre une existence qui a du sens. Cela distingue la
psychologie existentielle de la psychologie positive.
Capitalisme de divertissement: Capitalisme qui colonise le monde vécu en s’appuyant sur les
industries du divertissement. Cette colonisation a une dimension existentielle: elle s’appuie sur
l’angoisse de l’absence de sens et de la mort. Les logiques du divertissement sont généralement à
l’oeuvre dans la société de consommation.
Citadelle intérieure : Pour Pierre Hadot, la « citadelle intérieure » constitue l’intériorité que les
philosophes stoiciens comme Marc-Aurèle parviennent à se bâtir, par des exercices spirituels, pour
résister aux épreuves de l’existence. Le psychologue existentialiste Viktor Frankl constate
également à la lumière de son expérience concentrationnaire que ce sont les personnes qui sont
parvenues à maintenir une vie intérieure qui ont pu le mieux résister à l’univers concentrationnaire.
Pour lui, cette vie intérieure était en particulier orientée vers les projets qui donnaient un sens à son
existence comme le fait d’écrire un livre.
La décolonisation des subjectivités désigne l’ensemble des pratiques de subjectivation qui visent à
lutter contre cette colonisation. Dans la thérapie radicale, il s’agissait de chasser « les flics dans la
tête » (Boal).
Condition existentielle et oppression sociale : Des auteurs comme Simone de Beauvoir (au sujet des
femmes), comme Fanon (au sujet des personnes racisées), comme Paulo Freire, ce sont interrogés
sur la manière dont la condition sociale pouvait intervenir sur la condition existentielle. Pour Paulo
Freire, la condition sociale de l’opprimé limite sa capacité à réaliser sa condition existentielle d’être
inachevé, à savoir sa vocation à l’être-plus. Elle limite en particulier sa capacité d’accès à
l’éducation, et plus généralement à « l’otium ».
Etre une femme, c’est être assignée à une condition sociale. Mais la subjectivité peut ne pas se
reconnaitre dans cette assignation sociale. Il peut donc y avoir une distance de soi (subjectivité) à
soi (social) et non pas nécessairement confusion, adhérence immédiate entre ces deux soi.
Conscience fataliste : Selon Paulo Freire, la conscience fataliste considère que la subjectivité est
incapable d’agir et de transformer sa situation. La conscience fataliste touche aussi bien les
capacités individuelles que les capacités collectives d’action.
Conscientisation (Freire): Processus par lequel le sujet prend conscience des conditionnements
sociaux qu’il subit et des rapports sociaux de pouvoir dans lequel il est situé, mais également de sa
capacité à pouvoir les transformer par l’action collective.
Corps propre: Le corps propre n’est pas pour la subjectivité un simple objet du monde. Il y a un
vécu propre à chaque subjectivité de son corps.
Crise existentielle : La crise existentielle est une crise qui surgit face à une épreuve existentielle et
qui peut venir remettre en question le sens que la subjectivité donnait jusqu’alors à son existence.
Déterminisme/condition (Sartre, Freire): L’approche philosophique existentialiste implique de ne
pas considérer que l’être humain peut-être réduit à un déterminisme naturel et social. La subjectivité
garde une liberté de choix mais qui s’exerce, non pas abstraitement, mais dans des conditions
sociales données. « Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement,
dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du
passé ». (Marx)
Dialogue existentiel : La pratique du dialogue existentiel est une forme de dialogue socrastique ou
de maïeutique qui vise à réflechir sur le projet existentiel d’une personne, à problématiser les
situations existentielles vécues par une ou des personnes, mais également à analyser le champ des
possibles ouverts par cette situation ect… Le dialogue existentiel permet entre autres de réflechir
aux implications éthique ou morale d’une situation: la liberté ou la réification, la responsabilité, la
faute morale, la culpabilité, les remords, la réparation ect… Il permet de réfléchir au sens que la
subjectivité souhaite donner à son existence, aux choix et aux actions qu’elle peut entreprendre, aux
conséquences probables de ces choix. [ L’éthique concerne davantage le rapport à soi (à ses propres
valeurs) tandis que la morale concerne davantage la responsabilité de ses choix relativement aux
autres personnes].
L’un des objectifs du dialogue maïeutique peut être par la réflexion sur les possibles de redonner à
la subjectivité la conscience de son pouvoir d’agir face aux expériences de réifications passées
auxquelles elle a pu être confrontées.
Dignité (luttes pour la…): Les personnes socialement opprimé-e-s luttent pour leurs dignités. Cela
signifient qu’elles luttent contre l’expérience sociale de réification. Etre un ou une opprimé, c’est
être définie comme une personne ayant vécue une expérience sociale de réification ou être exposée
potentiellement à cette expérience. Il y a donc une angoisse de la réification spécifique à la
condition sociale des personnes socialement opprimé-e.
Discussion à visée existentielle: Sous-catégorie de discussion à visée philosophique portant sur les
questions existentielles.
Divertissement : Chez Blaise Pascal, le divertissement désigne toute activité humaine (travail,
loisirs…) qui nous éloigne de la réflexion sur notre condition existentielle et qui nous permet ainsi
de masquer l’angoisse qui produit cette condition existentielle. Le divertissement conduit à une vie
inauthentique.
Doute existentiel: C’est le doute qui pèse sur la subjectivité quant à l’illusion qu’elle entretient sur
sa capacité à être un sujet authentique.
Ecrits existentiels (récit de vie existentiel (ou logorécit), fictions existentielles , pensées
(aphorismes, maximes…), journal…) : Les écrits existentiels sont des pratiques d’écriture qui
permettent d’aborder une réflexion sur la condition existentielle de l’être humain et sur son propre
positionnement relativement à sa condition existentielle et sociale. Les fictions portant sur l’avenir
peuvent en particulier permettre de réfléchir au projet existentiel.
On peut rattacher à ce genre en philosophie : Pensée pour moi-même de Marc-Aurèle, Les essais de
Montaigne, Les rêveries d’un promeneur solitaire de Rousseau, Le journal de Thoreau ect…
Selon le psychologue Irvin Yalom, l’être humain est confronté à quatre enjeux existentiels
principaux (Cf. Thérapie existentielle) :
– l’angoisse de l’absence de sens de l’existence (ou l’absurdité) et donc la construction d’un projet
existentiel.
– la mort : l’angoisse de la mort. Pour Sartre, la finitude de l’existence, est ce qui nous conduit à
chercher à donner un sens à notre existence et donc à construire un projet existentiel.
– l’isolement existentiel, l’angoisse de la solitude : Même si nous sommes des êtres sociaux,
l’angoisse générée tient au fait que les souffrances existentielles se vivent toujours en première
personne : personne ne peut éprouver la souffrance d’une autre personne ou la vivre à sa place. On
souffre en première personne et l’on meurt en première personne. Cette dimension de l’existence
amène à interroger à l’inverse le peur de la solitude et les liens sociaux : famille, relation
amoureuse, amitié…
Épreuves de la vie : Pierre Rosanvallon a intitulé un de ses ouvrages de sociologie, Les épreuves de
la vie. Mais, ce titre ne permet pas justement de distinguer plus nettement les épreuves existentielles
et les épreuves sociales.
– épreuves existentielles : Les épreuves existentielles, peuvent avoir une dimension sociale, mais
elles renvoient à une dimension du rapport au monde qui ne s’épuise pas dans le social : un
accident, un deuil, une maladie ect… Il y a une part de contingence et d’imprévisibilité de
l’existence dans ces épreuves.
– épreuves sociales : Les épreuves sociales sont davantage liées à une condition sociale. Ce sont par
exemple le chômage, les inégalités sociales, les discriminations sociales, les violences sociales
ect… Elles ne sont pas une expérience propre à une subjectivité, mais elles sont des expériences
communes à des groupes sociaux.
Ethique: désigne le champ de pratique et de réflexion du rapport de soi à soi. On peut également
parler de perfectionnisme moral.
Existence/vie : Tout être biologique a une vie. Mais le fait d’avoir une existence suppose la capacité
d’éprouver une angoisse face à la condition existentielle.
Existence/essence : Traditionnellement, l’existentialisme induit une distinction entre l’existence et
l’essence. Cette distinction apparaît par exemple chez Kant lorsqu’il met en lumière qu’il n’y a pas
de différence conceptuelle entre les 100 thalers conceptuels et les 100 thalers réels. La seule
différence se situe au niveau de l’existence qui est une propriété qui n’est pas contenue dans la
définition ou l’essence de la chose.
Expérience sociale: Expérience éprouvée par une subjectivité, mais qui peut être commune à un
groupe sociale.
Identité narrative: Comment à travers le récit de soi, la subjectivité se constitue comme un sujet. Car
se raconter à l’oral (entretien) ou à l’écrit (autobiographie), c’est rendre compte de son existence à
partir d’un « je » et donc se constituer comme un sujet. La pratique biographique peut donc être
considérée comme une pratique de « subjectivation » (Foucault).
Mauvaise foi: La mauvaise foi est pour Sartre l’ensemble des excuses qu’une personne va mettre en
avant pour nier sa liberté existentielle et sa capacité d’action dans une situation donnée.
– Lâcheté : « Les uns qui se cacheront, par l’esprit de sérieux ou par des excuses déterministes, leur
liberté totale, je les appellerai lâches » (Sartre, L’existentialisme est un humanisme). Pour aller plus
loin, il est possible de considérer que la lâcheté apparaît quand une subjectivité considère que face à
une autorité politique et sociale et à une situation sociale, elle n’a pas de possibilité d’agir et que de
ce fait elle laisse commettre des actes injustes contre d’autres personnes.
– Le salaud: » les autres qui essaieront de montrer que leur existence était nécessaire, alors qu’elle
est la contingence même, je les appellerai des salauds. » (Sartre) Pour aller plus loin, il est possible
de considérer que le salaud est celui qui n’assume pas sa responsabilité face au mal qu’il a commis
sciemment contre une personne. Les femmes victimes de violences sexistes sont souvent
confrontées à des salauds.
Morale: désigne le champ de réflexion qui porte sur l’action, sous l’angle du bien et du mal,
relativement à autrui. La morale a un rapport avec l’existentiel dans la mesure où elle suppose le
choix et la liberté. De ce choix, il peut résulter une angoisse propre à la faute et à la culpabilité.
Dans la perspective existentialiste, le choix moral est marqué par une expérience tragique: celle des
conflits de valeurs (Weber: « la guerre des dieux »). La subjectivité a privilégier et assumer
certaines valeurs en faisant des choix et de ce fait, elle est conduite à devoir en récuser d’autres.
Mythifications (Freire): Ensemble des discours sociaux qu’intériorise une personne et qui visent à
justifier l’inaction et l’ordre social dominant.
Nécrophilie/biophilie (Fromm, Freire): La nécrophilie est le fait d’étendre la réification à tout être
vivant. Les êtres vivants ont également un monde vécu. De ce fait, en définitif, l’angoisse de
réification renvoie à une angoisse de mort.
Oppression sociale: L’oppression sociale est un rapport social qui divise la société entre oppresseurs
et opprimés. L’oppression sociale est caractérisée par des phénomènes de réification qui se
caractérisent pas une perte de liberté. Néanmoins, cette réification à la différence de l’aliénation, qui
se caractérise par une perte d’authenticité, n’est pas liée au fonctionnement d’un système
impersonnel.
Perfectibilité : Cette notion désigne chez Rousseau ou Freire, le fait que l’être humain n’est pas
donné une fois pour toute dans une nature, mais qu’il est capable de se transformer par son action.
L’oppression sociale, pour Freire, met à mal la possibilité de chaque être humain de se réaliser.
Possibles : L’analyse d’une situation existentielle donnée se propose entre autres l’exploration des
possibles liés à cette situation.
(De Bouver, Emeline. L’existentiel est politique : enquête de sociologie politique sur le renouveau
du militantisme : les cas des simplicitaires et des coaches alternatifs. Prom. : Arnsperger, Christian ;
Ferreras, Isabelle)
Praxis (Sartre, Freire) : L’existentialisme sartrien affirme le primat de l’action sur le donné: «
l’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait. » Arno Tomés écrit à propos de la praxis chez Sartre
dans Critique de la Raison dialectique: » Ce qui caractérise la praxis, c’est sa structure dialectique :
elle est négation (du donné) et négation de la négation (du besoin ou de la menace de mort) ; elle est
le dépassement totalisateur d’une contradiction, en premier lieu celle qui existe entre l’organisme
pratique et son environnement matériel inorganique. La praxis est aussi fondamentalement libre,
c’est-à-dire qu’elle est un projet dépassant les conditions matérielles d’existence, même si cette
praxis peut s’engluer dans la matière et devenir pratico-inerte ».
Principe de responsabilité : Le principe de responsabilité chez Hans Jonas peut être mis en lien avec
la condition existentielle de l’être humain. C’est parce que l’être humain est conscient de l’impact
de son action sur la nature qu’il développe un sentiment de responsabilité vis-à-vis de la nature.
Projet existentiel : Chez Sartre, la personne n’est pas pré-déterminée par une essence, mais ce qui
caractérise une personne, c’est son projet existentiel. « L’existence précède l’essence », cela signifie
que l’être humain se fait en se faisant. (Laurent Husson. Projet existentiel, projet personnel, projet
professionnel à partir de Sartre. Questions d’orientation, Éditions Qui plus est, 2013). C’est entre
autres par des pratiques d’écriture narrative que la subjectivité peut-être amené à réfléchir sur le
projet existentiel et les bifurcations et transformations que ce projet existentiel peut être conduit à
connaitre en lien avec la situation.
Erich Fromm appelle « renoncement », le processus par lequel un individu abandonne son projet
existentiel, sous la pression familiale ou sociale, pour vivre une vie inauthentique.
Projet parental: « Le projet parental est celui que les parents construisent, consciemment ou
inconsciemment, pour leur enfant. » (Hatchuel, Françoise. « Projet parental. (parental project –
proyecto parental) », Agnès Vandevelde-Rougale éd., Dictionnaire de sociologie clinique. Érès,
2019, pp. 482-485.)
Réification : La réification est un processus par lequel une personne n’est plus considérée comme
une subjectivité, mais se trouve réduite au rang de chose. La réification est le versant objectif de
l’aliénation sociale, mais elle s’oppose aussi à l’oppression. En réalité, cette notion peut recouvrir
plusieurs processus différents. Ainsi la réification peut prendre plusieurs formes selon les espaces
sociaux et les groupes sociaux :
La réification impersonnelle:
Savoirs existentiels: Les savoirs existentiels sont constitués par la dimension symbolique de
l’expérience vécue (Galvani, 1997). Galvani, P. (1997). Quête de sens et formation : anthropologie
du blason et de l’autoformation. Paris Montréal:
L’Harmattan, 220 p.
Sens de l’existence et engagement social : L’existentialisme sartrien insiste sur la transcendance du
projet existentiel personnel dans un engagement social. Ainsi, pour Sartre, la subjectivité porte une
responsabilité plus large dans son projet existentiel que la simple définition de son existence
individuelle. A travers son projet existentiel, elle choisit une certaine conception de ce que devrait
être l’humanité.
Situation: La condition existentielle d’une subjectivité est toujours donnée dans une situation, ce qui
veut dire dans des conditions naturelles et sociales données. La possibilité de l’agir éthique, à savoir
d’être responsable de ses choix, doit être pensée à partir d’une condition historico-sociale donnée.
Pour les opprimé-e-s, la capacité à pouvoir se réaliser en tant que sujet suppose également une
capacité à transformer la réalité sociale qui conditionne les possibles de la réalisation de soi.
Ainsi, Sartre prend l’exemple d’une personne frappée d’une maladie ou d’un handicap (Cahier pour
une morale). Le malade ou la personne handicapée n’a pas moins de possibles que la personne
valide, mais elle a d’autres possibles. Modifier les conditions sociales revient à modifier les
possibles. C’est ce que permet par exemple pour les personnes en situation de handicap les
politiques d’accessibilité.
Danilo Martuccelli, « Une sociologie de l’existence est-elle possible ? », SociologieS [En ligne],
Théories et recherches, mis en ligne le 18 octobre 2011.
Souffrance sociale: Souffrance qui ne trouve pas son origine dans une relation interindividuelle,
mais dans une forme d’organisation sociale, dans un rapport social de pouvoir.
Sujet/subjectivité:
– le sujet: a) est une entité présupposée par le droit et la morale pour admettre la notion de
responsabilité. b) désigne une capacité à penser et à agir (être sujet de ses pensées et de ses actions)
– la subjectivité: elle renvoie à un monde vécu ou propre. Toute personne a une subjectivité. Celle-
ci peut être en particulier marquée par une expérience de la souffrance. Cette subjectivité peut se
concevoir comme un sujet ou considérer qu’être un sujet est un processus en devenir, un idéal de
soi.
Les sciences de la nature adoptent sur l’être humain une perspective objectiviste qui tend à nier la
capacité d’être un sujet. En revanche, si on se place dans la perspective de la subjectivité, celle-ci
tend à se considérer comme un sujet, en tout cas en occident depuis l’époque Moderne.
Système agresseur : « Un système agresseur se caractérise par l’articulation de contre-valeurs* et de
pseudo-valeurs* qui sont au principe de la violence de facto ou de jure, exercée et encouragée par
un dispositif de pouvoir à forte visée normative à l’encontre de groupes humains spécifiques
discriminés, exclus et persécutés en raison de leur appartenance religieuse, de leurs opinions, ou de
leur orientation sexuelle, ou en vertu de leur qualité d’ennemis désignés » « Glossaire d’Analyse
existentielle et de Logothérapie », , Manuel d’Analyse existentielle et de Logothérapie. sous la
direction de Sarfati Georges-Elia. Dunod, 2021, pp. 345-373.
Temps: Le temps pour la subjectivité est caractérisé par son caractère irrémédiable qui est source
d’angoisse existentielle: l’être humain est un « être-pour-la-mort » (Heidegger). Mais, la
subjectivité est également au prise avec l’aliénation du temps dans le technocapitalisme («
accélération » H.Rosa).
Ainsi dans l’agression sexuelle, la liberté de choix de la victime se trouve niée, sa subjectivité se
trouve ainsi réifiée. La personne est traitée comme un objet sexuel et non plus comme un sujet.
Dans le cas du stress post-traumatique, la subjectivité éprouve l’angoisse d’être de nouveau « réifiée
», réduite, impuissante, au rang d’objet.
Valeurs existentielles : Les valeurs sont ce qui oriente un projet existentiel, donc les choix et la
liberté du sujet. [ L’analyse des valeurs peut être effectuée à partir de la clarification de valeurs de
Raths, Harmin et Simon].