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DU Lucas Rouault

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Lucas Rouault,

Ergothérapeute DE

ETUDE DE CAS : ANALYSE ET


RECHERCHE DE COMPREHESION
D'UNE APPLICATION D'UNE
THERAPIE TOP DOWN EN
ERGOTHERAPIE

Étude de cas clinique


Présentée en vue de l'obtention du
Diplôme Universitaire de Neuropsychologie
Université Victor Segalen Bordeaux 2

- Année 2012-2013 -
SOMMAIRE

INTRODUCTION................................................................................................................................1

PROBLEMATIQUE.............................................................................................................................2

HYPOTHESE.......................................................................................................................................3

PRESENTATION DU CAS..................................................................................................................4

Anamnèse..............................................................................................................................4

Bilan psychomoteur...............................................................................................................5

Bilan neuropsychologique.....................................................................................................6

Bilan ergothérapeutique.........................................................................................................7

L'INTERVENTION..............................................................................................................................8

Matériel et Méthode...............................................................................................................8

Procédure..............................................................................................................................10

PRESENTATION DES RESULTATS................................................................................................11

ANALYSE DES RESULTATS...........................................................................................................13

DISCUSSION.....................................................................................................................................16

CONCLUSION..................................................................................................................................19

BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................20

ANNEXES.........................................................................................................................................21
INTRODUCTION

La motivation de cet écrit est similaire à celle qu-il m'a conduit à ce diplôme universitaire.

En effet, l'approfondissement de mes connaissances fondamentales en neuropsychologie vise à


mieux comprendre le fonctionnement cognitif du public avec lequel je travaille, de pouvoir travailler plus en
lien avec mes collègues neuropsychologues mais aussi et surtout me permettre de comprendre comment je
peux intégrer les connaissances accumulées dans ma pratique.

De part mon métier, je suis amené à travailler avec des personnes souffrant de limitations d’activités
et de restrictions de la participation (CIF) , parfois dues à des troubles cognitifs, eux-mêmes souvent associés
à d’autres difficultés. En tant qu’ergothérapeute j'essaie de permettre à la personne de réaliser les activités
signifiantes et significatives pour elle dans son contexte de vie. Malheureusement, il me semble que les
méthodes s'appuyant sur les compétences cognitives pour soutenir la réalisation sont moins développées en
France.

Mon contexte de travail m'amène à rencontrer des enfants présentant un handicap physique aux
profils très divers (Infirmes Moteurs Cérébraux (IMC), Infirmes Moteurs d'Origines Cérébrales (IMOC),
hémiplégie, myopathie, maladie neurodégénérative...). Pratiquement l'ensemble de ces enfants présentent au
sein de leurs nombreux troubles, des atteintes cognitives en lien probablement avec les lésions cérébrales.
Dans le cadre de cet écrit nous allons nous intéresser aux troubles du geste, qu'ils soient nommés troubles
spécifiques du développement moteur (CIM-10), troubles de l'acquisition de la coordination ou dyspraxie
développementale, les conséquences (qui définissent le tableau clinique) sont semblables en termes de
trouble du geste et d'atteinte sur les activités de la vie quotidienne.

Je me suis alors intéressé aux approches thérapeutiques permettant d'inclure et d'utiliser mes
connaissances neuropsychologiques ainsi que les compétences cognitives des enfants. Un début de réponse
m'a été apporté par mon mémoire de fin d'étude [10]. Celui- ci a porté sur un modèle conceptuel
d'ergothérapie nommé « Cognitive Orientation of Daily Occupational Performance » [6]. Cependant, à la fin
de ce travail de nombreuses questions persistaient notamment autour du fonctionnement cognitif de cette
méthode.

Durant cette année, outre les connaissances rafraîchies et supplémentaires apportées par cette
formation, mes premiers patients ayant bénéficié de cette méthode ont fait naître de nouvelles questions.

Nous allons donc commencer par développer la problématique rencontrée sur le terrain, avant de
formuler une hypothèse de compréhension que l'on tentera d'affirmer ou d'infirmer à l'aide d'une étude de cas
issue de ma pratique ainsi que de recherches complémentaires en neuropsychologie.

1
PROBLEMATIQUE

Ma question de départ a été la suivante: comment est-il possible d'utiliser les compétences cognitives
des enfants ayant un trouble du geste pour les aider à compenser leurs difficultés dans les activités de la vie
quotidienne ?

Un débat d'opposition existe depuis plusieurs années sur l'orientation thérapeutique des approches à
utiliser avec ces enfants. Deux grands courants s'opposent : les thérapies dites « bottom-up », centrées sur le
déficit et les thérapies dites « top-down », centrées sur l'activité et la participation [7].

Les approches de type bottom-up se situent dans une perspective développementale et fondent leur
traitement sur les dimensions et les fonctions cognitives, affectives ou/et physiques perturbées pour favoriser
une indépendance dans la vie quotidienne. A l’opposé les approches de type top-down visent l'amélioration
effective du rendement occupationnel que ce soit en exerçant directement l'activité ou en adaptant
l'environnement pour permettre sa réalisation 1.

Si la vérité ne se situe sûrement uniquement ni dans l'un ni dans l'autre, l'objet cible du traitement de
l'ergothérapeute, sa finalité thérapeutique reste l'activité et la participation au sens de la Classification
Internationale du Fonctionnement (CIF). A ce titre, les approches de type « top-down » me paraissent
pertinentes par rapport aux objectifs de mon métier en réadaptation.

Une méta-analyse comparative entre plusieurs thérapies des deux courants (top-down et bottom-up)
met en avant des données probantes en faveur des approches top-down, notamment en termes de transfert et
de généralisation des acquis [7 ; 8]. CO-OP fait partie de ces approches, de plus CO-OP possède un niveau
de preuve élevé par le nombre d'études en faveur de son efficacité.

CO-OP est une approche canadienne centrée sur la personne, orientée vers l'activité et la
participation, basée sur le modèle de résolution de problème comme outil permettant l'acquisition de
nouvelles compétences à travers l'utilisation de stratégies cognitives et d'une découverte guidée. L'ensemble
des principaux composants de la méthode présents dans le manuel [6] ont été retranscrits dans mon mémoire
de fin d'étude [10].

L'approche CO-OP est étudiée pour cibler les difficultés propres à chaque enfant en termes
« d'activité » (« occupation »). Elle serait efficace pour de nombreux troubles y compris les enfants
présentant une IMC (Bernatchez, Tétreault, & Nadeau, 2010).

Pourtant, la mise en pratique de cette approche a rencontré quelques obstacles. Ainsi elle ne semble
pas fonctionner auprès de tous les enfants.

Il devient alors intéressant de se demander pourquoi CO-OP ne permet pas à tous les enfants
ayant un trouble du geste d'utiliser leurs compétences cognitives pour compenser leurs difficultés à
réaliser les activités de la vie quotidienne ?

Polatajko dira des approches top-down : « peu importe la nature du trouble affectant l’enfant,
l’important est ce qui est appris et comment. » [7]

1 Coster, W. (1997). Occupation-centred assessment of children. The American Journal of Occupational Therapy. ,
52(5), 337-344.

2
HYPOTHÈSE

Le problème est alors de savoir quels enfants pourraient bénéficier de cette méthode. Pour cela
Polatajko définit les pré-requis de l'enfant :
 Des enfants capables de sélectionner jusqu'à trois compétences à acquérir ;
 Avec une fluence verbale suffisante (voie d'entrée et de sortie principale de la méthode) ;
 Possédant de compétences cognitives « suffisantes » ;
 Avec un engagement actif de l'enfant dans son soin (motivation).

Les critères donnés par Polatajko semblent larges et restent assez imprécis. La notion de
compétences cognitives suffisantes est particulièrement vague. Elle explique que la méthode peut être
utilisée avec de nombreux profils cognitifs. Il est juste déconseillé d'utiliser l'approche avec les enfants aux
atteintes cognitives « lourdes » [6]. Cependant, comment expliquer les échecs rencontrés dans la pratique
auprès d'enfant semblant présenter les critères requis par Polatajko ?

Nous pouvons alors formuler l'hypothèse selon laquelle, pour sa réussite, la méthode CO-OP
nécessite d'utiliser des compétences cognitives essentielles non définies précisément dans les pré-requis de
Polatajko.

Pour répondre à cette hypothèse, nous allons analyser le cas d'un enfant semblant présenter ces pré-
requis et pour et pour qui l'utilisation de CO-OP n'a pas abouti.

Cet écrit aura pour objectif de comprendre, au travers de l'analyse rétrospective de ce cas et grâce
aux éclairages d'une vision neuropsychologique, les blocages et/ou les perspectives d'une approche top-
down utilisant les stratégies cognitives et métacognitives auprès d'enfants présentant un trouble du geste.

3
PRÉSENTATION DU CAS

ANAMNÈSE :

Corentin est né prématuré à 31 semaines. Il y a dans le dossier une notion d'infection maternelle et
une suspicion de chorioamniotite. L’échographie trans-fontanellaire (ETF) met en évidence des lésions péri-
ventriculaires bilatérales. Les premiers examens à 4 et 9 mois mettent en avant l'absence du développement
moteur normal (ne tient pas sa tête assis, etc.). Nous disposons de peu de repères évolutifs : la mère dira que
le langage apparaîtra normalement et qu'il n'a jamais marché seul.

Nous retrouvons dans le dossier de Corentin la notion de leucomalacie péri-ventriculaire bipariétale,


d'un syndrome de WEST traité initialement par Sabril et de Potentiels Évoqués Visuels altérés.

Il sera d'abord suivi par le Centre d'Action Médico-Social Précoce (CAMSP) jusqu'à ses 6 ans. Il y
bénéficiera de kinésithérapie, d'ergothérapie et d'orthophonie. Le relais sera pris par un SESSAD spécialisé
dans la déficience visuelle (psychologue, psychomotricien, orthoptie...). A cette époque, la scolarisation en
maternelle se fait deux jours par semaine et aucune adaptation n'est mise en place. Une proposition de
placement en IEM spécialisé dans la double déficience visuelle-motrice est refusée par les parents pour cause
d'éloignement. Corentin arrive alors au sein du SESSAD handicap moteur où plusieurs bilans vont nous
éclairer (cf. bilan ergothérapique, psychomoteur et neuropsychologique). L'équipe préconisera une structure
spécialisée afin de permettre une scolarité adaptée.

Corentin rentrera alors à l'Institut d’Éducation Motrice (IEM) en 2006. En 2009, suite au décès de
son père, il en partira pour réintégrer le domicile. Il rentrera alors à la Section d’Éducation Motrice où je le
rencontre à 13 ans.

Corentin présente des séquelles neuromotrices et sensorielles d'une grande prématurité. Ces
séquelles s'expriment sous forme de tétraparésie spastique sans autonomie de marche avec des difficultés
visuelles importantes.

Son épilepsie est contrôlée par Dépakine®.

4
BILANS PSYCHOMOTEURS

J'ai tenu à opposer deux bilans éloignés dans le temps pour mettre en avant le questionnement justifié de ma
collègue en 2006.

Février 2006

Corentin est à l'aise dans la relation. Il communique facilement malgré les difficultés articulatoires.
Il repère bien les personnes et mémorise les prénoms. On observe une maturité de réflexion rare pour son
âge. On observe également chez lui une grande fatigabilité et un temps de concentration court.
Au niveau sensoriel : l'audition ne semble présenter aucune atteinte, le suivi oculaire d'objet est
difficile, l'évaluation de la distance de soi à l'objet aussi, la perception tactile est de qualité variable mais elle
sert à compenser la vision.
Le Schéma corporel : Corentin connaît les parties du corps. Il connaît la latéralité de soi et d'autrui. Il
est incapable de reproduire des gestes sur ordre oral s'ils passent la ligne médiane.
Structuration spatiale : il connaît les notions spatiales. Il est capable d'organiser ses déplacements,
de mettre en place des stratégies mais leur efficacité est systématiquement de courte durée.
Structuration temporelle : Il présente une bonne adaptation au rythme : l'écoute est de qualité si on
l'oblige à ne pas utiliser les yeux. Les repères dans le temps seraient de qualité et pourtant il est incapable de
réciter les comptines pour les jours de la semaine ou pour le dénombrement.
En fin de bilan une question est soulignée : Corentin est capable de répondre correctement à certains
exercices, de prime abord, mais les réponses (ou les connaissances) ne semblent pas être utilisables dans la
durée : labilité, perte de l'information, difficultés mnésiques ou d'apprentissage fiable ??
Janvier 2013

Corentin s'est montré réservé lors des premières rencontres.


Le schéma corporel : Corentin en connaît le vocabulaire de base. Il est incapable de reproduire des
positions corporelles par la sensation proprioceptive. Pour le test de Moyano interrogeant les représentations
corporelles, il paraît gêné. La fragilité du corps le met particulièrement mal à l'aise. Le vécu de son corps
paraît insécure. Il est en cours d'intégration d'une conscience corporelle.
Corentin présente des difficultés praxiques pour organiser son geste. Il connaît sa droite et sa
gauche mais le principe de réversibilité n'est pas acquis.
Structuration spatiale : Corentin réussit à placer la balle selon différents repères topologiques. Il
semble toutefois avoir du mal à repérer les points de repère dans l'espace quand il est lui même le point de
référence.
Structuration temporelle : il a acquis la notion de temps social lui permettant de se repérer par
rapport à la chronologie journalière et peut se projeter dans le temps. L'épreuve de structuration spatio-
temporelle de Stamback est échouée.
Il semblerait qu'il ait des difficulté à pallier la vue par les sensations tactiles. Il répond mieux aux
stimulations auditives.
Beaucoup d'épreuves n'ont pas été menées à terme car Corentin ne voulait pas poursuivre. Il semble
fuir les situations le mettant en échec. Il a besoin d'être rassuré.
Conclusion :
Certains éléments de base de son développement psychomoteur ne semblent pas stables et/ou ses
compétences variables. Certains points en accord se retrouvent toutefois : les difficultés praxiques, des
troubles rythmiques et l'intérêt du canal audio-verbal pour compenser un canal visuel défavorable.

5
BILAN NEUROPSYCHOLOGIQUE

Corentin n'a pas fait l'objet d'une évaluation psychométrique compte tenu de son niveau de
handicap. Cependant il a bénéficié de plusieurs évaluations incomplètes.
Le bilan initial (6 ans 7 mois) fait état d'un enfant au contact bon et à l'attention limitée. Avec un bon
niveau de compréhension orale et de capacités verbales. Des épreuves de la WISC IV lui ont alors été
proposées. La mémoire immédiate des chiffres présente un empan endroit de 5, toutefois variable selon son
niveau de concentration. Alors que la mémoire de chiffre en ordre inverse est totalement impossible.
Concernant l'épreuve de vocabulaire, Corentin montre des performances très faibles par rapport à son âge.
La compréhension de situation de vie quotidienne est également très laborieuse : Corentin a des difficultés à
mettre à jour les conséquences d'une action ("Compréhension").

Par le suite, en mars 2007, l'échelle verbale de la WISC III a été proposée à Corentin et indiquerait
un retard mental léger. En janvier 2009, les mêmes épreuves auraient donné des résultats similaires avec
toutefois une progression en repérage temporel et un meilleur niveau de connaissances acquises.

En mars 2012, certains éléments de la WISC IV lui ont été reproposés.


L'indice de compréhension verbale serait de 69 :
Corentin dispose alors d'un bon niveau de compréhension des consignes.
A « similitude » (note standard =1) il montre des capacités de catégorisation.
Son score à « compréhension » (5) dénote d'un bon niveau de connaissance générale et sociale. Toutefois,
dans ces subtests, son expression verbale suggère des capacités de réflexion et d'abstraction bien inférieure à
son groupe d'âge, d'où des notes standards très faibles. Malgré tout, une nette progression est visible par
rapport à 2006, ce qui marque sa capacité d'apprentissage.
Au subtest « information » (3), il fait état de bons repères temporels.
Enfin à « raisonnement verbal » (6), de bonnes connaissances verbales et des capacités de raisonnement
ont été mises en avant.

L'indice mémoire de travail serait de 50 :


Au subtest mémoire des chiffres, l'empan direct de Corentin serait de 4 et de 2 en inverse. Toutefois les
compétences de Corentin ont été ici très variables.
Au subtest « séquence de lettre-chiffres » (1), la consigne est clairement trop complexe pour lui (mettre les
lettres dans l'ordre puis les chiffres dans l'ordre).

Conclusion

Faute de matériel adapté à son handicap visuel, il a été impossible de proposer à Corentin une
évaluation standardisée concernant son potentiel cognitif global. Les observations sont donc basées sur le
canal auditif. Il semble avoir des compétences cognitives et intellectuelles certaines. Celles-ci sont à mettre
en lien avec sa scolarité. En effet, petit, la fréquentation très faible de l'école et la non adéquation des
supports ne lui permettaient pas d'accéder aux apprentissages correspondant à son âge. Aujourd'hui, il est
au sein d'une structure adaptée où il montre un réel potentiel d'apprentissage et de progrès. Nous pouvons
donc faire l'hypothèse que son retard est en partie aggravé par ses premières années scolaires non adaptées.

6
BILAN ERGOTHÉRAPIQUE

Cette synthèse est issue du bilan initial de Corentin (février 2006) et des bilans effectués à la SEM entre 2011
et aujourd'hui.
Au niveau des préhensions : Corentin est droitier. Les prises globales sont bien réalisées des deux
côtés avec une bonne opposition du pouce. L'approche est directe mais imprécise du fait de discrets
mouvements dystoniques bilatéraux et d'une gêne visuelle importante. Corentin utilise volontiers les deux
mains. Il peut passer un objet d'une main dans l'autre. Il ne présente pas de trouble moteur prédominant
aux membres supérieurs.
Au niveau praxique : Cependant, on observe des difficultés en termes de coordination générale. La
majorité des épreuves concernant les praxies idéo-motrices et idéatoires sont échouées. Pour ce qui est des
praxies constructives, les épreuves d'encastrement sont difficiles et toutes les épreuves de construction de
cubes sont échouées. L'imitation est aussi très difficile.
Il réalise une tour de 7 cubes de 4 cm de côté. On observe une approche directe avec une dysmétrie,
un lâcher correct, une bonne prise en opposition du I et du II ainsi qu'une bonne organisation.
Au niveau des Gnosies visuelles : Corentin reconnaît certaines images et formes, en général, les
premières présentées. Ensuite il semble répondre au hasard. La fatigabilité et la difficulté d'exploration sont
au premier plan.
Pour les Gnosies tactiles : Corentin reconnaît très bien les objets usuels à droite et connaît leur
nom. Il reconnaît les formes géométriques pour les encastrer ou les nommer (rond, carré, triangle). Il est
beaucoup plus en difficulté pour les matières.
Moyens de compensations des difficultés visuelles : Corentin est gêné dans les activités
d'apprentissage par ses difficultés visuelles qui l'épuisent. Même s'il compense un peu lui-même, notamment
par le toucher, il essaie spontanément de se servir en premier lieu de ses yeux et ne peut tenir que très peu de
temps sa concentration. Lorsqu'il y est incité, il peut se servir plus efficacement du toucher et il peut alors
être disponible sur l'ensemble de la séance (45 minutes). Il se sert également avec efficacité des
informations auditives (bruit pour savoir vers où lancer la balle, savoir où se diriger, indications verbales
pour le guider : sous la canapé, derrière ton dos, près de moi...).
Déplacements : Corentin se déplace très difficilement en marchant avec un risque de déformation
orthopédique. Le déplacement se fait alors préférentiellement avec un fauteuil roulant électrique qu'il
maîtrise très bien. La gêne visuelle reste sa plus grosse problématique au déplacement notamment dans les
environnement non adapté (marquages contrastés, endroits connus et stables...).
Activité de la vie quotidienne : « participation »
Habillage : Corentin est en grande difficulté pour s'habiller. Nous constatons qu'il connaît la manière
dont il faut s'y prendre mais ne peut définir avec précision les gestes à exécuter ni ne sait comment orienter
les vêtements. Ce trouble de l'habillage semble dû à un ensemble de troubles comprenant la déficience
visuelle, sensitive et praxique. Elle se rapproche de l'apraxie d'habillage.
Toilette : Corentin est capable de réaliser ses transferts seul, il est donc autonome pour aller aux toilettes.
Par contre, il ne sait pas se doucher seul. Ce sera l'objectif du travail présenté ici.
L'accès à l'informatique est travaillé avec Corentin déjà depuis quelques temps. Celui-ci permet une
compensation partielle du graphisme qu'il lui est impossible. Nous utilisons un clavier aux touches grossies
et apprises par cœur ainsi qu'un retour vocal de lecture de ce qu'il produit. Cela lui permet aujourd'hui
l’accès à certains apprentissages scolaires qui, et peut être plus tard, lui permettront une certaine forme de
participation sociale.

7
L’INTERVENTION

Aujourd'hui Corentin a 13 ans.


Suite à des démarches, la salle de bain a été aménagée au domicile afin de faciliter sa toilette. Il
bénéficie du passage quotidien d'un service de soin à domicile cinq jours par semaine. Depuis les travaux, sa
mère rapporte des difficultés pour le laver.
J’ai alors décidé de faire une visite à domicile où j’ai constaté que la toilette était réalisée sans sûreté
et sans participation de sa part.
Je lui ai alors proposé un travail spécifique autour de la toilette afin de lui permettre de participer. Il a
accepté ma proposition.
Corentin bénéficiait déjà d’une douche une fois semaine au sein de la structure avec une aide
médico-psychologique.
L'intervention s'est alors déroulée en deux temps :
Un premier temps où CO-OP a été proposé tel que la conceptualisé Polatajko.
Un second où, face à l'échec de la méthode, une adaptation en a été faite.

MATERIEL & METHODE

Le matériel et les outils utilisés sont ceux proposés pour la méthode CO-OP.

La mesure de la performance occupationnelle se fait à partir d'une analyse d'activité laquelle se


base sur une observation durant une mise en situation. Dans l'approche CO-OP, cette analyse de l'activité se
fait avec deux outils différents : « l'échelle de cotation qualitative de la performance » (« Performance
Quality Rating Scale », PQRS) et « l'analyse dynamique de la performance » (« Dynamic Performance
Analysis », DPA).

La PQRS (annexe I) est un outil de mesure de la qualité de réalisation effective (performance) de


l'activité basée sur de l'observation. Créé dans un objectif de recherche, cet outil est utilisé pour évaluer les
compétences avant et après la mise en place de CO-OP.

La DPA (annexe II) est composée d'un arbre décisionnel dirigeant l'analyse de l'activité et guidant
ainsi la pratique en ciblant les possibles causes d'échec lors de la réalisation. Celle-ci est utilisée tout le long
de l'intervention.

Ensuite ce sont les outils cognitivo-comportementaux (stratégies cognitives globales et spécifiques,


auto-guidage verbal) de la méthode CO-OP qui ont été utilisés.

8
 La stratégie globale est basée sur la résolution de problème :
GOAL-PLAN-DO-CHECK (annexe III)
 « Goal », but : Qu’est-ce que je veux faire?
 « Plan » : Comment je veux le faire ? Comment vais-je m’y prendre ?
 « Do », fait : Application du plan
 « Check », test : Comment fonctionne le plan ? ai-je bien réussi ? si non, pourquoi ?

Ces différentes étapes sont apprises par l'enfant qui les réutilise dans l'ensemble des situations qu'il rencontre
afin de pouvoir mettre en place ses propres stratégies de compensation.

 Plusieurs stratégies cognitives spécifiques à des domaines ont été définies. Afin de les utiliser,
Mandrich, Polatajko, Missiuna et Miller 2 ont créé le « BATS 2 V’s » (annexe IV) qui rassemble les 7 classes
de stratégies spécifiques qu'ils ont analysées pour résoudre les problèmes de réalisation basés sur la
motricité. Celles-ci concernent :
 Le positionnement corporel
 La concentration dans l'exécution
 Les adaptations et modifications nécessaires
 Les connaissances supplémentaires sur les tâches
 Le ressenti du mouvement
 L'utilisation de métaphores (image mentale)
 L'utilisation de moyens mnémotechniques (script)

 Meichenbaum a développé un programme d’entraînement par autoguidage verbal (Self-


Instructional Training program)3. Meichenbaum utilise la méthode de modélisation comportementale
émanant de la théorie de l’apprentissage social pour aider les enfants à apprendre de nouvelles compétences
[6].
Cinq étapes sont identifiées dans cette technique :

• Le modelage cognitif : le thérapeute imite la guidance verbale en disant à haute voix ce qui se passe
pendant la réalisation de l’activité.

• Le guidage ouvert : L’enfant réalise l’activité selon les instructions verbales du thérapeute.

• L’autoguidage ouvert : L’enfant réalise l’activité tout en disant seul les instructions à haute voix.

• L’autoguidage atténué : L’enfant chuchote les instructions pendant qu’il réalise l’activité.

• L’autoguidage intériorisé : L’enfant est guidé par un discours intérieur pendant qu’il réalise l’activité.

L'ensemble de ces outils ont l'avantage d'être souples, ce qui permet de s'adapter à l'enfant et à notre
pratique. Ils ont le défaut de réaliser des mesures peu objectives pour des études scientifiques et de ne pas
posséder de norme permettant de situer l'enfant par rapport à son âge et à son développement.

2 Mandrich, Polatajko, Missiuna, & Miller. (2001). Cognitive strategies and motor performance in children with
developmental coordination disorder. Physical and Occupational Therapy in Pediatrics , 20(2/3), 125-144.
3 Meichenbaum, D. (1977). cognitive-behaviour modification : An integrative approach. New york: Plenum Press.

9
PROCEDURE

L'approche CO-OP a été créée avec trois grandes phases.

La phase de préparation (bilan initial)


Dans CO-OP celle-ci comprend deux grandes phases : la définition d'un but et l'analyse de la
performance actuelle.
Nous commençons par expliquer à Corentin le contenu de la méthode et son déroulement, la
réalisation du « Daily Activity Log » (questionnaire renseignant sur le déroulement des activités durant une
journée typique de l'enfant) et de la « mesure canadienne du rendement occupationnelle » (ici nous en
sommes exemptés). A ce niveau le constat est celui que Corentin dit avoir besoin d'aide lors de la toilette.
L'objectif de travail est alors défini.
La seconde étape comprend l'analyse de la performance de Corentin. Elle est réalisée lors d'une mise
en situation dans les locaux de la SEM. La mise en situation met en évidence un étayage de l’équipe
éducative important. Celle-ci rapporte une absence de progrès et d'apprentissage depuis un an.
Le PQRS est alors coté et une analyse dynamique de la performance est mise en œuvre pour
identifier les difficultés qu'il rencontre.

La phase d'acquisition (plan thérapeutique et mise en œuvre)


Cette phase commence par l'introduction de la stratégie globale (GOAL-PLAN-DO-CHECK) de
façon répétée en vue de l'automatiser. Dans la théorie, les autres séances portent directement sur l'activité
cible, ici la toilette, en utilisant simultanément la DPA, la découverte guidée de Meichenbaum et les
stratégies cognitives spécifiques.

La phase de vérification (bilan final)


Normalement, elle est constituée d'un entretien favorisant le transfert et la généralisation et de la
réévaluation avec le PQRS.

Les séances durent de 45 minutes à 1 heure. Elles ont lieu dans la salle de bain de la SEM en
collaboration avec un membre de l'équipe éducative permettant de faire le relais.
Ce travail a été proposé ainsi sur une séance d'évaluation, une séance d'introduction à la stratégie
globale puis deux séances de travail sur l'activité. Face aux difficultés rencontrées par Corentin les séances
suivantes vont être adaptées.

10
RESULTATS

LA PHASE D'ÉVALUATION

Au début le PQRS est coté à 3 étant donné la participation que Corentin peut fournir avec un étayage
verbal constant et une aide estimée à environ 75 % de la tâche (équivalent cotation Mesure d'Indépendance
Fonctionnelle (MIF) = 2).

L'analyse d'activité renseigne sur plusieurs difficultés rencontrées. Tout d'abord, l'initiative est
clairement déficitaire ce qui entraîne le besoin d'étayage verbal celui-ci est concomitant (ou consécutif) au
trouble du geste qu'il rencontre. Ensuite, il ne sait pas organiser efficacement ses gestes dans l'espace ni
dans les séquences d'étapes à réaliser. Ces observations vont dans le sens des bilans réalisés hors contexte.

L'INTRODUCTION DE LA STRATÉGIE GLOBALE

L'intégration de la résolution de problème semble très difficile pour lui. Il comprend la démarche
mise en place, il répète aisément les étapes mais n'intègre pas la généralisation de cette stratégie à de
nouvelles situations. En outre, l'étape qui lui pose le plus de difficulté est celle de la planification du geste.
En effet, il ne semble pas être capable de définir les étapes nécessaires à la réalisation d'un geste même
courant et relativement accessible (exemple : plier une feuille). Cette difficulté a complètement entravé le
travail. Très vite, face à cette impossibilité pour lui de conceptualiser son geste, une adaptation a été
nécessaire.

ADAPTATION

La stratégie globale étant inaccessible pour Corentin, j'ai alors écarté cette étape pour me centrer sur
la découverte guidée avec les stratégies cognitives spécifiques à un domaine ainsi que les principes
comportementaux inscrits dans CO-OP.

Plusieurs stratégies ont alors été utilisées


La séquentialisation de la tâche étape par étape. Nous décrivions directement à Corentin les étapes
nécessaires à la réalisation de la tâche et aussi parfois de son geste. Il parvenait alors mieux à les réaliser.
Cette séquentialisation permet l’utilisation du « chaining ». Ce principe issu des théories comportementales
utilise la succession d'étapes dans une tâche pour renforcer les étapes adjacentes (antérograde ou rétrograde).
Nous avons utilisé, à partir du BATS for V’s, différentes stratégies cognitives concernant :
 le positionnement du corps
 l'attention durant l'exécution
 les moyens mnémotechniques
 le ressenti du mouvement
Nous avons donnés un maximum de feedbacks notamment auditifs, étant donné le déficit visuel. En
effet, nous pensions que le contrôle de la réussite de l’action était peut-être plus difficile.

11
De manière plus générale, nous avons tenté de supporter la réalisation motrice par un support audio-
verbal. Cela comprend également l'autoguidance verbale. Celle-ci nous a permis de travailler séparément
des étapes de l'activité.

PHASE D'ÉVALUATION FINALE

Corentin a fait d'importants progrès au niveau des différents gestes pour sa toilette. Sa participation
est aujourd'hui plus importante qu'auparavant. Cependant, l'étayage verbal demeure indispensable pour
permettre la réalisation de la tâche même si celle-ci n'est pas constante. Corentin sait réaliser une série de
tâches en semi autonomie : après l'étayage de l'adulte pour l'initiation (« lave-toi la tête, sèche-toi »). Il
automatise également progressivement les étapes apprises et répétées (tête, cou, épaules...).

Sa PQRS de retour est alors coté avec une magnitude de changement de +2 points. L'aide apportée
portant sur moins de la moitié des actes (cotation MIF : 3).

12
ANALYSE DES RESULTATS
Afin de réaliser l'écrit pour ce diplôme, j'ai cherché à analyser de façon plus approfondie le
dysfonctionnement cognitif que présente Corentin autour des praxies.

Nous allons maintenant tenter de poser un cadre théorique permettant la recherche d'explications aux
observations rencontrés avec Corentin.

Bien que le diagnostic n'ait jamais été posé en ces termes, Corentin semble souffrir à mon sens d'une
forme de trouble de la coordination pouvant être rapprochée de la dyspraxie selon la littérature. La présence
de troubles neurologiques avérés et d'un « possible » retard mental léger ne lui permettent pas de rentrer
dans la classification telle qu'elle est proposée (annexe V, C et D). Pour le reste, le tableau clinique est
similaire aux enfants dyspraxiques.
Albaret a réalisé une classification comprenant un certain nombre de déficits qui peuvent être observés de
manière concomitante chez les enfants dyspraxiques dont un retard de développement psychomoteur, un
quotient intellectuel inférieur à la norme (verbal et performance) et/ou une dyspraxie de l'habillage [5].

LE LIEN ANATOMO-CLINIQUE

Ce lien très présent dans la littérature de la neuropsychologie adulte ne l’est pas pour les enfants. En
effet, la dyspraxie est un trouble développemental sans site lésionnel clairement impliqué comme facteur
causal [3]. Cependant, certains auteurs ont identifié et rattaché des troubles praxiques à certaines zones
cérébrales. Parmi ces auteurs, Leroy-Malherbe, médecin travaillant auprès des enfants IMC, présente une
étude ayant mis en évidence deux origines possibles : les fonctions pariétales lesquelles seraient en rapport
« à l’espace eux-mêmes (mouvement, orientation, forme…) ou entre le sujet et l’espace environnant » ou
alors les fonctions frontales qui concerneraient « la façon d’organiser l’espace (attention visuelle, stratégie
spatiale ou corporelle…) »4. Cette hypothèse de la localisation pariétale est retrouvé de façon répétée comme
l'origine de différentes formes d'apraxie [3].

La lésion bipariétale due à la leucomalacie péri-ventriculaire de Corentin pourrait être alors une
origine à son trouble du geste.

Mais comme il a été dit « à la différence de l'apraxie chez l'adulte, aucune lésion cérébrale sous-jacente n'est
identifiable dans la dyspraxie développementale » [5].

INTERPRÉTATIONS

Sur le plan théorique, ces troubles de la coordination sont interprétés par deux principaux courants de
pensée desquels découle la distinction faite plus haut en termes de thérapie.

Le premier courant fait l'hypothèse d'un déficit en termes de planification, de contrôle ou encore
d'intégration motrice ou perceptive [5]. De ce courant de pensée découleront des thérapies de type bottom-
up, notamment basées sur les approches sensori-motrices. Celles-ci sont fondées sur le postulat selon lequel
les coordinations des informations sensorielles et motrices sont nécessaires à l'exécution motrice 5.

4 Leroy-Malherbe. (2006). La dyspraxie de l’enfant : hypothèses neurocognitives et diagnostic. Motricité Cérébrale :


Réadaptation, Neurologie du Développement. Volume 27, Issue 3, Pages 98–115
5 Dunn. (1997). Implementing neuroscience principles to support habilitation and recovery. Dans Christiensen, &
Baum, Occupational therapy. Enabling function and well-being (pp. (2nd ed., p.182-233)). Thorofare, NJ : Slack Inc.

13
Ces thérapies sont par exemple le programme perceptif de Frostig6, la thérapie neurodéveloppmentale7 ou
encore la thérapie d'intégration sensorielle8. Cette dernière explique que les difficultés praxiques des
enfants seraient en corrélation avec un déficit sensoriel.

Cette approche pourrait à elle seule expliquer les troubles de Corentin. En effet, son déficit moteur, visuel et
sensoriel pourrait expliquer ses troubles praxiques.

Cependant, cette hypothèse explique-t-elle les difficultés de planification du geste en dehors de tout acte
moteur (conceptualisation) ? Est-ce la seule explication possible?

La seconde approche principale de ce trouble se rapproche des modèles neuropsychologiques de


l’apraxie adulte. Elle cible la représentation gestuelle qui sous-tend le mouvement organisé [5]. Rappelons
qu’il faut prendre des précautions lorsqu’on rapproche des modèles cognitifs développés pour des patients
cérébro-lésés adultes présentant une apraxie et les enfants dyspraxiques. Ces auteurs rappellent que « ces
modèles « statiques » n’ont pas tenté d’intégrer la variable développementale » et que « nous ne savons pas
grand-chose de la manière dont se créent et évoluent les mécanismes cognitifs qui supportent la
représentation gestuelle chez l’enfant » (ibid.).

Toutefois si l'on tente de rapprocher les classifications de l'adulte à l'enfant, alors il apparaît un point
commun aux quelques modèles cognitifs dédiés à l'étude des mécanismes qui sous-tendent la
symptomatologie apraxique. Ce point commun est que l'apraxie résulterait d'une atteinte touchant un – ou les
deux – systèmes impliqués dans l'action : le système conceptuel qui fournit une représentation abstraite de
l'action, et le système de production qui englobe une connaissance sensori-motrice de l'action et les
processus perceptivo-moteurs requis pour son organisation et son exécution [5].

Ainsi pour Dewey (1995), la dyspraxie résulterait « d’une perturbation conceptuelle au niveau de la
connaissance gestuelle » [3]. D'après cette hypothèse, l'origine des erreurs praxiques commises par l'enfant
ne se trouvent pas dans un trouble moteur ou perceptivo-moteur, mais dans un problème de représentation
abstraite du geste. Cependant, le modèle de cette auteure exclut les lésions identifiables et donc les
paralysies cérébrales mais rapproche les troubles praxiques de l’enfant de ceux du langage (dysphasie) pour
des raisons d’incapacité commune de conceptualisation symbolique (Ibid.).

Tandis que pour Mazeau (1995), les dyspraxies sont associées aux fonctions de planification et de
pré-programmation du geste volontaire. La dyspraxie serait alors un « trouble de la réalisation du geste,
secondaire à l’impossibilité (ou à l’anomalie) de programmer automatiquement et d’intégrer au niveau
cérébral les divers constituants sensori-moteurs et spatio-temporels du geste volontaire » (p.67). Mazeau
introduit alors l’idée aujourd’hui ralliée par d’autres auteurs « d’anomalies de construction et
d’automatisation de gestes appris » [4].

Enfin, Cermark propose un modèle appliquant directement la conceptualisation de l’apraxie adulte à


l’enfant. Ainsi deux grands groupes de dyspraxies seraient identifiés : les troubles de planification motrice
(apparentés à l’apraxie de construction) et les troubles d’exécution (comparés à l’apraxie idéo-motrice).
Cermark intégrerait dans les troubles de planification : un trouble d’organisation conceptuelle proche de la
théorie de Dewey (formant la dyspraxie de planification primaire) ; ou un trouble d’orientation spatiale et
d’intégration sensorielle rappelant l’hypothèse d’Ayres (correspondant à la dyspraxie de planification
secondaire).
Qu'en est-il pour Corentin ?

6 Frostig. (1970). Movement education : theory and practice. Chicago, IL : Follett Educational Corp.
7 Bobath, & Bobath. (1972). the neurodevelopmental approach to treatment. Dans Pearson, & Williams, Physical
therapy services in the developmental disabilities. Springfield, IL : Charles C. Thomas.
8 Ayres. (1972). Sensory integration and learning disorders. Los Angeles: Western Psychological Services

14
LES OBSERVATIONS DE TERRAIN

Si l'on suit les théories de Ayres, les difficultés praxiques de Corentin peuvent être dues à son déficit
sensoriel et perceptivo-moteur. Cependant, le principe même de l'approche top-down CO-OP ici utilisée
n'est-il pas de contourner ces difficultés par l'utilisation de stratégies cognitives spécifiques et globales
permettant à l'enfant de trouver ses propres solutions ? Cette approche au fort niveau de preuve scientifique
[7] devrait fonctionner face à ces troubles.

Alors, fidèlement à mon hypothèse de départ : Corentin présente-t-il un déficit cognitif particulier dans une
compétence non expressément nommée dans les prérequis de la méthode ?

Cette compétence cognitive pourrait être la planification mentale du geste car Corentin semble dans
l'incapacité de planifier de façon purement mentale son geste. Il ne peut exprimer oralement une suite
d'étapes nécessaires à la réalisation d'un geste.
 Cette difficulté peut-elle être rapprochée de la « perturbation conceptuelle au niveau de la
connaissance gestuelle » décrite par Dewey et ralliée par Cermark (et ceci malgré la présence d'une
lésion cérébrale avérée) ?
 Ou est-ce l'expression de l'impossibilité « d'intégrer au niveau cérébral les divers composants du
geste » théorisée par Mazeau ?
 Ce trouble de la planification est-il la conséquence du déficit d'intégration sensorielle comme le
décrit Cermark avec le trouble de planification secondaire ?
Quel que soit le modèle retenu cette compétence cognitive semble indispensable à la maîtrise de la stratégie
globale utilisée dans CO-OP. Elle serait donc un prérequis non nommé expressément.

Nous pourrions avancer l'hypothèse selon laquelle CO-OP utiliserait notamment une forme de « planification
conceptuelle » pour composer la planification dite « d'exécution » durant le geste moteur.

D'une certaine manière, la compréhension du fonctionnement cognitif de CO-OP permettrait peut-être de


mieux comprendre les perspectives et les limites de ces approches de type top-down.

15
DISCUSSION

LES LIMITES DE CE TRAVAIL

Cet écrit porte sur l'analyse d'un seul cas parmi les différents enfants à qui cette méthode a été
proposée.
Cette réflexion a été menée à partir d'outil de mesure malheureusement non validé et non étalonné.
Toutefois, la mesure concernant la performance occupationnelle : l'analyse d'activité, paraît être un outil
approprié.
Le cadre se base sur les études et les modèles des enfants atteints d'une dyspraxie. Le cas utilisé dans
cet écrit ne peut correspondre aux critères qui définissent les enfants dyspraxiques. Le choix de ce cadre
théorique a néanmoins été argumenté. Cette limite met en avant un manque de classification de ces troubles
du geste chez les enfants atteints d'une lésion cérébrale.
La méthode appliquée pour ce travail nécessiterait sûrement des formations complémentaires et une
plus grande expérience professionnelle. Je disposais seulement des connaissances théoriques sur le modèle
conceptuel et des éléments pratiques fournis par le manuel [6].

LES AUTRES PISTES DE RÉFLEXION

Ce travail de recherche d'éléments de compréhension m'a conduit sur plusieurs pistes. Des
recherches complémentaires m'ont notamment permis de situer l'approche CO-OP parmi un ensemble
d'approches cognitives utilisées dans le monde. Un article référence différentes approches cognitives et les
classe selon leurs principales caractéristiques [2].
Cinq grandes classes sont alors identifiées :
 les approches basées sur la stratégie globale et la conscience des capacités,
 celles basées sur un entraînement de stratégies propres à un domaine,
 la remédiation cognitive centrée sur l'activité fonctionnelle, associée à un contexte
 l’entraînement spécifique à la tâche,
 celles s'appuyant sur une modification d'environnement et sur l'utilisation de technologie
d'assistance.
Cette classification place clairement CO-OP parmi les approches de stratégies globales : de type top-down.
Après réflexion, l'adaptation réalisée auprès de Corentin n'a-t-elle pas changé l'approche CO-OP pour se
rapprocher de modèle plus bottom-up ciblant une stratégie cognitive spécifique ? Ainsi Corentin aurait
bénéficié d'une méthode où les solutions sont proposées par le thérapeute, ciblée pour l’entraînement d'une
tâche. Corentin est-il alors en capacité d'évaluer ses propres capacités pour trouver ses propres solutions ?
Souffre-t-il d'un déficit en métacognition ?
Il devient alors intéressant de savoir quelles connaissances pour savoir quelles méthodes utiliser dans
telle ou telle situation. Si un travail approfondissant cette question paraît pertinent, plusieurs pistes peuvent

16
être évoquées : la proposition d'un travail interdisciplinaire ergothérapeute-neuropsychologue lesquels
pourraient se compléter ou encore la recherche de bilan permettant de connaître les réelles capacités de
l'enfant et savoir quelle thérapie proposer.

Des auteurs ont déjà tenté de réaliser un classement des stratégies cognitives utilisables par la
personne pour soutenir la réalisation d'activité et cela afin de guider la pratique des ergothérapeutes et de
soutenir la recherche [11]. Si cet article est un premier pas dans ce sens, cela ne suffit pas selon moi pour
permettre une pratique claire et maîtrisée.

D'autres pistes de réflexion pour comprendre l'échec de ma pratique peuvent être avancées. Parmi
elles, la présence de la déficience visuelle. En effet, d'après certains auteurs celle-ci peut entraîner un déficit
d'image mentale laquelle pourrait être en lien avec le déficit de planification dit « conceptuel » identifié
dans la pratique.
Cependant, d'autres auteurs de ce même courant mettent en avant une possible dissociation entre
la perception visuelle et la représentation mentale 9. Ces derniers avancent l'hypothèse selon laquelle un
déficit d'imagerie mentale peut être consécutif au trouble attentionnel coexistant. Ce trouble est également
retrouvé chez Corentin, est-il à l'origine du trouble de planification conceptuelle ?

D'autres origines peuvent être évoquées comme une problématique de motivation. En effet, CO-OP
base son fonctionnement sur un réel engagement et une vraie motivation de l'enfant. Ces conditions n'ont pas
été retrouvés chez Corentin malgré sa participation. Ce travail a mis en exergue des éléments inconnus
jusqu'alors. Un enjeu relationnel était « tissé » autour de l'activité « douche ».
Corentin est issu d'un milieu familial particulièrement blessé par la disparition du père. Il est revenu
à la maison après cette disparition et noue depuis une relation particulière avec sa mère. Celle-ci a du mal à
passer du temps avec son fils et à lui dire « non » (bilan psychologique). Ainsi il entretiendrait une certaine
situation de dépendance pour garder ce lien maternel.
Nous pouvons donc nous demander si cet enjeu relationnel sous-jacent est un obstacle à la maîtrise
de la toilette.

9 David Dulin, Yvette Hatwell, Zenon Pylyshyn & Sylvie Chokron. (oct 2008). Effects of peripheral and central visual
impairment on mental imagery capacity. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, Volume 32, Issue 8,Pages 1396–1408

17
LES POINTS À APPROFONDIR

Un certain nombre d'éléments étudiés pour réaliser ce travail ont permis de mettre en avant des flous
ou des manques.
Autour de la dyspraxie par exemple, la diversité des courants de pensée reflète le manque de
compréhension du phénomène. C'est aussi le cas de la diversité et l’hétérogénéité des sémiologies
regroupées sous cette appellation unique.
Une spécificité dans le diagnostic comme dans les modèles théoriques est nécessaire pour fournir un
modèle de compréhension neuropsychologique correspondant à Corentin. En effet, celui-ci est peut-être
concerné par une forme de ce trouble mais il nous est impossible aujourd’hui de définir de quel trouble il
s'agit. De part sa lésion cérébrale de naissance, il ne correspond pas aux critères du DSM. Nous ne savons
donc pas quel modèle utiliser. De plus, notre faible connaissance de la maturation neuropsychologique des
processus du geste ne nous permet que d'appliquer des modèles partiels. De nombreuses études restent
encore à mener.

Dans cette situation d’incertitude scientifique propre aux enfants dyspraxiques, de nombreux auteurs
[3 ; 8] pointent l’inadaptation de proposer des thérapies de type bottom-up centrées sur un déficit précis,
notamment à cause de l’incertitude des résultats en termes fonctionnels (performance occupationnelle). De
plus, ces mêmes auteurs pointent l’importante longueur de ces thérapies à produire des résultats (parfois
deux ans) durant laquelle l’enfant souffre d’un « écart à la norme » le plaçant de plus en plus en difficulté par
rapport à ses pairs.

Nous devons alors nous poser une autre grande question : quelle proposition effectuée ?

18
CONCLUSION

Ma question liminaire était la suivante : comment est-il possible d'utiliser les compétences
cognitives des enfants ayant un important trouble du geste pour les aider à compenser leurs difficultés dans
les activités de la vie quotidienne ?

La réponse à cette question me permettrait de projeter une utilisation des stratégies cognitives pour
soutenir la réalisation des activités cibles de l'ergothérapeute.

L'analyse du cas de Corentin dans toute sa complexité n'a pas permis à elle seule de confirmer
l'hypothèse selon laquelle des compétences cognitives lui manquent pour que la méthode soit efficiente.
Cependant, nous pouvons penser que, tout comme pour les troubles de cet enfant, l'origine de cet échec ne se
trouve dans une seule explication mais est la conséquence de multiples difficultés dont font partie les
troubles cognitifs.

Ce travail effectué dans la fin de ma formation initiale fait suite à celui commencé pour mon diplôme
d'ergothérapeute l'an passé. Il m'a permis d'avancer dans mes connaissances en neuropsychologie et dans mes
réflexions sur ma pratique. De manière générale, cette formation a été pour moi motrice pour le
raisonnement théorique. En effet, il est facile de s'enfermer dans une pratique quotidienne mais il est plus
difficile de conserver une remise en question constante laquelle est pourtant indispensable pour approfondir
ses connaissances et pour faire avancer la pratique de son métier.

Les analyses plus approfondies du fonctionnement de la méthode CO-OP et des processus cognitifs
des enfants dyspraxiques seront des éléments importants pour ma pratique. Ce travail met  en exergue
l'importance de la recherche et de la réflexion sur notre propre exercice professionnel afin d'aider au
mieux nos patients.

Il serait maintenant possible d'approfondir cette réflexion par la réalisation de travaux


interdisciplinaires qui permettront d'enrichir réciproquement par exemple les métiers d'ergothérapeute et de
neuropsychologue.

Ce travail a mis en évidence la complexité des tableaux cliniques que nous rencontrons, la difficulté
des diagnostics et de la modélisation des processus cognitifs chez l'enfant mais aussi la difficulté de définir
les réels prérequis à telle ou telle méthode cognitive.

L'ensemble de ces éléments sont les défis qui motivent la recherche d'aujourd'hui et de demain.

"La vie est un vrai défi à relever, un bonheur à mériter, une aventure à tenter".

Anaïs Nin

19
BIBLIOGRAPHIE

[1] Bernatchez, Tétreault, & Nadeau. (2010). Déficience motrice cérébrale et performance
occupationnelle : Application exploratoire d'une approche cognitive. ErgOThérapie , 37 ; 53-59.

[2] Giles et al. (oct 2012). Cognition, Cognitive Rehabilitation, and Occupational Performance. The
Commission on Practice. To be published and copyrighted in 2013 in the American Journal of
Occupational Therapy, 67(Suppl.).

[3] Lussier & Flessas. (2009). Chapitre 6 : troubles praxiques et visuo-spatiaux ; section A : la
dyspraxie. Dans Neuropsychologie de l'enfant (2 éd.), (p. 257-297). Paris : DUNOD, .

[4] Mazeau, & LeLostec. (2010). L'enfant dyspraxique et les apprentissages. Issy-les-Moulineaux:
Elsevier Masson.

[5] Peigneux & Betsch. (2009). les troubles de praxies. Dans Poncelet, Majerus & Van der Linden.
Traité de Neuropsychologie de l'Enfant, p 359-372. Marseille : Solal.

[6] Polatajko, & Mandich. (2004). Enabling occupation in children: The Cognitive Orientation to daily
Occupational Performance (CO-OP) approach. Ottawa: ON: CAOT Publication ACE.

[7] Polatajko, & Cantin. (2005). La prise en charge des enfants atteints d'un trouble de l'acquisition des
coordinations l’Approches thérapeutiques et niveau de preuve. Dans R. Geuse, Le trouble de
l'acquisition de la coordination : Evaluation et rééducation de la maladresse chez l'enfant (pp. 147-
195). Collection psychomotricité. Marseille: Solal Editeur.

[8] Polatajko, & Cantin. (2006). Developmental Coordination Disorder (Dyspraxia) : An overview of the
State of the Art. (E. I. reserved., Éd.) Seminars in Pediatric Neurology , 12:250-258.

[9] Pouhet. (2012). Le Cerveau de l'Apprenant : du fonctionnement normal au pathologique. Disponible


dans « https://sites.google.com/site/dralainpouhet/livre-le-cerveau-de-l-apprenant ».

[10] Rouault Lucas (2012). Les enfants atteints d’un trouble de l’acquisition de la coordination pourrait-
ils bénéficier d’une approche top-down ?. Mémoire présenté en vue de l'obtention du diplôme
d'ergothérapeute à l'institut de formation en ergothérapie de Bordeaux.

[11] Toglia, Rodger & Polatajko (oct 2012). Anatomy of cognitive strategies: A therapist’s primer for
enabling occupational performance. Canadian Journal of Occupational Therapy, 79(4), 225-236.

[12] Simonet Laura (2010). Essai d’apprentissage de deux activités motrices avec la méthode CO-OP à
un enfant présentant une déficience intellectuelle légère. Mémoire présenté en vue de l'obtention du
diplôme de psychomotricien à l'institut de formation en psychomotricité de Toulouse.

20
ANNEXES

21
ANNEXE I

22
ANNEXE II

23
ANNEXE III

24
ANNEXE IV

25
ANNEXE V

Critères de diagnostic du trouble de la coordination issus de la traduction du DSM-IV

A) « La réalisation des activités de la vie de tous les jours nécessitant une coordination motrice est
significativement inférieure à ce qu’on pourrait attendre compte tenu de l’âge chronologique du
sujet et de ses capacités intellectuelles. Cela peut se manifester par des retards importants dans les
étapes du développement psychomoteur, par le fait de laisser tomber les objets, par une maladresse,
par de mauvais résultats sportifs, par une mauvaise écriture.

B) La perturbation décrite sous A gêne de façon significative les résultats scolaires ou les tâches de la
vie quotidienne.

C) Non dû à une affection somatique connue comme une infirmité motrice cérébrale, une hémiplégie ou
une dystrophie musculaire, ne répond pas aux critères d’un trouble envahissant du développement
(TED).

D) En cas de retard mental, les difficultés motrices dépassent celles habituellement associées à celui-
ci. »

American Psychiatric Association. (1996). Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux,
traduction française du DSM-IV. Paris: Masson

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