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Ouvrage Planification Urbaine Mep

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Coordination

Mustapha CHOUIKI

Pour Quel devenir?

Les auteurs :

2019
Titre : Tournants et Tourments de la Planification Urbaine au
Maroc : Quel Devenir?
Auteurs : Groupe de chercheurs
Format : Livre Electronique
Année : 2019
Couverture : Said KODAD
Dépôt Légal : 2020MO1117
ISBN : 978-9920-39-359-1

$FEPDVNFOUFTUËVTBHFHSBUVJU5PVUFDPNNFSDJBMUJPOPVVUJMJTBUJPOËCVUMVDSBUJG
FTUTUSJDUFNFOUJOUFSEJUF
Les auteurs :

ADIDI Abdelaziz
BEGDOURI Mohamed-Habib
CHOUIKI Mustapha
EL IDRISSI Abdelwahed
EL IDRISSI Omar
GUEZZAR Abdenebi
LEHZAM Abdellah
MEHDAOUI Addelouahed

Du même FRRUGRQQDteur :

- Casablanca : Approche socio-spatiale, Pub. Université de Casablanca,


1996, 518 p.
- L’aménagement des marges urbaines de Casablanca (dir.)
Pub. Université de, Casablanca, 2003, 298 p.
- L’habitat insalubre à Casablanca, (dir.) Pub. UNIGEM, Casablanca,
2004, 152 p.
- Le transport urbain à Casablanca (dir.) Pub. UNIGEM, Casablanca,
2006, 186 p.
- La ville marocaine. Essai de lecture synthétique, Ed. Dar Attaouhidi,
Rabat, 2011, 156 p.
- Le Maroc face au défi urbain. Quelle politique de la ville ? Ed. Dar
Attaouhidi, Rabat, 2012, 150 p.
- Ville et changement au Maroc, Pub. INAU, Rabat, 2013, 200 p.
- L’informalité urbaine. Une alter-urbanisation, Imp. Najah El Jadida,
Casablanca, 2014, 174 p.
- Un siècle d’urbanisme au Maroc, Le devenir de la ville marocaine, Pub.
L’Harmattan, Paris, 2017, 259p.
- L’urbanisme en question. Problématiques conceptuelles, Pub. INAU,
Rabat, 2017, 112 p.

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AVANT-PROPOS

Cet ouvrage est le fruit de débats assez anciens entre certains membres
de l’équipe qui s’est penchée sur sa réalisation. Ces débats qui ont eu
lieu à différentes occasions ont fini, malgré les divergences des points
de vue, à mettre d’accord les auteurs concernés sur la publication de
ces points de vue, sous la forme d’un ouvrage de réflexion
multidimensionnelle. Pour ce l’actuel ouvrage met en évidence la
complexité de la situation de la planification, que chacun incrimine à
sa manière. La diversité des positions qui est en elle-même porteuse
d’une réflexion aussi variée que riche permet de mettre en évidence la
complexité de la réalité et du parcours de la planification urbaine.
En effet, le système de planification urbaine qui est entré en vigueur au
Maroc, il y a déjà plus d’un siècle, a eu une histoire qui n’est pas des
plus simples, bien qu’il soit toujours qualifié de stérilité et d’absence
d’innovations. Ce constat est pour beaucoup dans la mise en évidence,
au niveau du titre des tournants et des tourments qui caractérisent le
parcours de la planification urbaine au Maroc.
Cet ouvrage est produit par des auteurs d’horizons académiques et de
profils professionnels différents, et que la pratique de l’urbanisme a
réuni autour de sujets et d’objets se focalisant autour de la planification
urbaine. Les croisements répétés de leurs chemins professionnels qui
sont à l’origine de multiples débats sur la planification urbaine, leurs
ont permis de se connaître et d’adhérer volontairement et facilement à
ce projet.
Les difficultés du système de planification urbaine en vigueur au Maroc
sont pour quelque chose dans l’adhésion d’hommes de réflexion et
d’action de différents bords à une entreprise qui ne fait plus l’unanimité
des penseurs, des chercheurs, des praticiens de l’urbanisme…
La réunion d’une équipe associant des spécialistes appartenant aux
sciences apportant le plus de contributions à la planification urbaine, à
savoir la géographie, l’économie, le droit, l’histoire, l’architecture et la
topographie, et s’activant aux niveaux de la recherche, l’élaboration des
documents d’urbanisme, la gestion urbaine, et l’encadrement juridique
du système de planification urbaine, n’est pas un pur hasard, mais
l’expression du développement d’une réflexion aussi large que possible.
Nous espérons avoir fait le nécessaire, et le reste dépend des auteurs
qui ont bien voulu apporter leurs contributions à cette entreprise.

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4
PRESENTATION GÉNÉRALE

Le phénomène urbain ne cesse de s’imposer, un peu partout, en tant


que réalité structurante, comme souci majeur et comme important
objet de réflexion et d’études. Au Maroc, où la question urbaine se pose
comme un des aspects les plus lourds de la problématique du
développement global du pays, la planification urbaine n’a cessé,
depuis le début du 20ème siècle, de confirmer sa position de passage
obligé dans le processus d’urbanisation et les mécanismes de la gestion
urbaine.
La planification urbaine en tant que système de régulation revenant à
l’Etat et à ses structures spécialisées fait de plus en plus l’objet
d’interrogations aussi nombreuses que variées, allant jusqu’à sa remise
en cause. Le retour en force du libéralisme depuis le début des années
80 qui s’est associé au programme de réajustement structurel et au
désengagement accru de l’Etat est à la base d’une nouvelle conjoncture
jugée comme n’étant pas favorable au maintien de la régulation
urbaine telle qu’elle est pratiquée jusqu’ici, en matière de fabrication
des villes et de gestion de leurs affaires.
Le sujet choisi pour cet ouvrage se veut, à la fois, une contribution au
débat en cours sur la planification urbaine et une tentative de
déblayage des pistes de déblocage de la difficile situation actuelle de ce
système qui ne satisfait plus personne.
Cet ouvrage qui vise à faire le point sur cette question après quatre
décennies de l’instauration de cette nouvelle conjoncture, tente de
répondre à des questions visant à éclairer les nombreuses zones
d’ombre qui se sont accumulées durant toute cette période :
- Comment se porte la planification urbaine actuellement au Maroc ?
- Comment a-t-elle évolué en rapport avec la nouvelle conjoncture ?
- Pour quoi la planification urbaine n’arrive-t-elle pas à assimiler les
changements dictés par l’évolution du pays ?
- Quels sont les changements qui ont affecté le plus la planification
urbaine ?
- Qu’est devenu l’héritage accumulé en matière de régulation urbaine
depuis la période coloniale ?
- Comment le Maroc tente-t-il de concilier planification urbaine et
désengagement de l’Etat ?
- Quel urbanisme véhicule les tentatives de négation de la planification
urbaine ?

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La planification urbaine a suscité ces dernières années un intérêt
croissant dans les débats des politiciens, des spécialistes en urbanisme
et des académiciens, en raison de son caractère de plus en plus difficile
à concevoir et à gérer. Elle est même devenue une question aussi
litigieuse que source de problèmes.
L‘objectif de cet ouvrage est d’interroger la réalité de la planification
urbaine au Maroc, en prenant explicitement en compte son état actuel
de système en difficulté, largement critiqué et ouvert sur des évolutions
pas toujours concordantes. Pour ce, cet ouvrage s’est-il donné pour
principal but d’interroger cette réalité dans tous ses aspects et ses
tendances.
Il vise ainsi à répondre à trois objectifs structurants :
x Formuler et mettre à la disposition des pouvoirs publics, des
chercheurs et des acteurs urbains un bilan d’une longue
expérience en matière de planification urbaine avec tout ce qu’il
comporte comme points forts et points faibles sur le plan
conceptuel et opérationnel ;
x Apporter une contribution à caractère théorique et pratique
collective à l’appréhension et à la maîtrise de la planification
urbaine comme grand souci national d’un pays où le
phénomène urbain reste à maîtriser et à asseoir sur des bases
adéquates et satisfaisantes pour les attentes de l’ensemble du
Maroc ;
x Evaluer les effets de l’évolution de cet instrument majeur de la
gestion de l’urbanisme et dégager les tendances lourdes de cette
évolution sur le devenir urbain de l’ensemble du pays.
Cet ouvrage a ainsi pour ambition de cristalliser une réflexion sur la
planification urbaine dans ses multiples facettes, en croisant et
articulant ses dimensions politiques, techniques, économiques et
sociales, étant donné que la prise en compte de ces différentes
dimensions est indispensable pour en comprendre les enjeux et en
orchestrer les évolutions, notamment dans un contexte global porteur
de fortes incertitudes en raison des effets de l’instabilité conjoncturelle
mondiale.
Cet ouvrage constitue ainsi une occasion pour faire un état des lieux
des études et des réflexions en cours sur les théories et les pratiques
autour de la planification urbaine, à travers une approche
transdisciplinaire et transversale permettant d’interroger la réalité en
place et l’évolution en cours, en posant l’incontournable question de la
manière dont la planification urbaine doit évoluer, dans un contexte de
retour en force du libéralisme.
Les auteurs qui ont contribué à cet ouvrage ont chacun une
appropriation inventive et constructive, sans mettre de côté les acquis
de plus d’un siècle, le rôle de l’Etat urbaniste, et les valeurs, qui ont

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toujours animé la planification urbaine depuis son introduction au
Maroc.
Cette planification qui a beaucoup servi et qui sert toujours de clé de
lecture du phénomène urbain et du projet de société retenu pour le
Maroc, devient un véritable enjeu en elle-même et un catalyseur
politique, qui n’est plus objet de simples problématiques spatiales. Elle
est à la base de nombreuses problématiques qui justifient une réflexion
partagée entre académiciens, et praticiens, qui ont pris cette question
à bras le corps pour en faire un ouvrage dans le cadre de la globalité
thématique qui est celle de cette question multidimensionnelle.
L’implication d’un nombre important de collaborateurs ayant des
convictions théoriques très accentuées et des expériences pratiques
assez variées, n’est pas un pur produit du hasard, mais elle est plutôt
l’expression d’une volonté de mettre à profit ces acquis en matière
d’appréciation d’un domaine d’action où la pratique semble prendre le
dessus sur les théories.
Cette réalisation a imposé certaines exigences à l’ensemble des
collaborateurs :
- Cet ouvrage qui s’articule autour de trois niveaux de l’approche de la
planification urbaine, à savoir l’évolution temporelle, l’état des lieux
actuel et les perspectives d’avenir, a cherché à décliner cette
articulation au niveau de chaque thème traité ;
- Le choix d’une question aussi vaste que celle de la planification
urbaine n’a pas impliqué des traitements généraux des thématiques
sectorielles, bien au contraire chaque thème a fait l’objet d’une
approche spécifique et bien pointue pour permettre de dégager des
enseignements à même de se traduire en propositions concrètes et
fiables ;
- L’analyse fine tentée à chaque niveau n’a pas justifié des
développements très détaillés, mais plutôt la compression nécessaire à
une présentation claire et fertile ;
- Le sous-titre de « Pour quel devenir ? » a été pris en compte au niveau
de chaque contribution pour faciliter la présentation de visions
perspectives à chaque niveau de cette étude ;
- L’appréciation du système de planification en place n’a pas servi à
renier à ce système ses bienfaits, qui ont été soupesés en rapport avec
ses points de faiblesse ;
- La synchronisation des différentes contributions s’est imposée à tous
les auteurs en vue d’éviter les divergences à même de remettre en cause
l’efficacité et la pertinence du débat ;
- La thématique générale de cet ouvrage collectif est sous-tendue par
le partage d’une réflexion sur des thématiques sectorielles convergeant
vers une réflexion globale.
Au cours des réflexions collectives qui ont animé le contenu de cet
ouvrage, il s’est avéré nécessaire de lui donner l’articulation

7
thématique lui permettant d’ouvrir tous les niveaux du débat sur les
éventuelles perspectives de l’évolution globale qui est la sienne.
La globalité recherchée et l’esprit de synthèse partagé ont atténué la
diversité des thématiques abordées par les différentes contributions à
travers une mise en réseau équilibrée et complémentaire faisant de
chaque apport l’expression d’un angle d’observation solidaire de
l’ensemble. Ainsi les thèmes sectoriels reflètent des visons pointus
d’une même problématique abordée à travers des interrogations
spécifiques mais convergentes. Ce qui est de nature à favoriser une
compréhension globale de manières différentes.
Cette expérience collective qui a permis à chacun des contributeurs de
s’exprimer librement, a donné lieu à un apport aussi varié que
concordant sur une réalité aussi proche des uns et des autres, sur le
plan pratique que distanciée sur le plan de la réflexion. Ce qui s’est
traduit par un ouvrage associant diversité et concordance à propos
d’une question qui n’a jamais été objet d’une quelconque unanimité. Ce
résultat acquis sur ce terrain très rugueux n’est pas des moindres.
Pour conclure cette présentation, il importe de souligner que la
réflexion sur la problématique de la planification urbaine reste ouverte
et que cet ouvrage aurait au moins le mérite de la soulever à un moment
où tout ce système est remis en cause.
Nous remercions vivement tous ceux qui ont contribué à cet ouvrage et
ont enrichi par leurs apports la réflexion sur une question dont la
complexité n’est plus à démontrer.

Mustapha CHOUIKI

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PREMIERE PARTIE : LES
ASSISES DE LA
PLANIFICATION URBAINE

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10
CHAPITRE 1 : L’EVOLUTION DU SYSTEME DE
PLANIFICATION URBAINE AU MAROC

Au Maroc, la planification urbaine n’a pas eu un parcours régulier, sur


tous les plans, puisqu’elle a été adoptée essentiellement pour servir les
réformes introduites par la colonisation. Ce sont les soucis sécuritaires
et le centralisme administratif qui lui ont permis de résister au virage
néolibéral postkeynésien du début des années 80, dans une
conjoncture défavorable à la prise en charge des problèmes urbains par
l’Etat.» (Chouiki, 2011,63-64). Et ce au moment où elle est contrainte
à se réadapter constamment à une urbanisation de plus en plus
imprévisible, à des agglomérations urbaines en perpétuelle mutation,
à des attentes sociales de plus en plus aigües et pointues et à des enjeux
de plus en plus contrastés.
Un examen rapide de son évolution permet de faire ressortir le
caractère irrégulier des différentes phases de son histoire et le caractère
limité de ses changements et ses performances.

1 – UN PARCOURS IRREGULIER

1 – 1 Une évolution conjoncturelle déséquilibrée


La planification urbaine au Maroc a connu deux phases temporelles
facilement identifiables, mais sans ruptures profondes.
- Une phase coloniale scindée en deux temps complémentaires :
La première période qui a débuté avec le dahir du 16 avril 1914, relatif
aux alignements, plans d’aménagement et d’extension des villes, a été
voulue comme un outil d’urbanisme prévisionnel et opérationnel. Ce
document dont le champ d’application n’a été à aucun moment précisé,
(Dryef, 1994, 144) s’est limité à l’introduction de modalités de création
par les particuliers de groupes d’habitations et à la mise en place d’une
réglementation de l’acte de bâtir. C’est donc une période d’initiation
de la planification urbaine mise en place par l’administration coloniale
pour faciliter la mise en œuvre de l’entreprise coloniale et du projet de
société qui devait la sous-tendre.
Le deuxième temps de la phase coloniale, a été initié par le Dahir du 30
juillet 1952 qui a consisté à élargir les dispositions de celui de 1914, en
matière d’urbanisme en générant par de nouvelles obligations,
notamment pour ce qui des PA.
Ces deux temps sont complémentaires et s’adossent à la même logique
coloniale qui a cherché à ancrer dans l’espace le système
socioéconomique qui est derrière elle.

- Une phase de l’indépendance associant des temps contrastés :

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Durant les trois premières décennies d’indépendance, la planification
urbaine n’a fait que du surplace. Les tentatives de réforme que sous-
tendait la loi-cadre de 1969, ont été presque toutes avortées.
L’expérience d’introduction des SDAU comme nouvel outil
d’urbanisme a mis presque deux décennies pour être admise et
généralisée, même sans termes de références.
Ce n’est qu’en 1992 que le Maroc s’est doté d’une véritable législation
en matière d’urbanisme (loi 12-90 du 17 juin 1992 relative à
l’urbanisme), constituant une première tentative de codification plus
ou moins globale.
L’institutionnalisation des agences urbaines (et non d’urbanisme !) n’a
ni limité le centralisme ni la main mise bureaucratique sur l’urbanisme,
et s’est avérée un rajout d’une structure de plus à un système
multipliant ses rouages.
Le recours aux bureaux d’études privés pour développer des visions
plus ou moins différentes de celles des administrations en charge
de la gestion des villes et qui a également favorisé l’intégration des
valeurs et des choix relevant de l’initiative privée, a mis du temps à
s’affermir et à s’imposer face aux réticences de la bureaucratie et à
l’immobilisme inhérent au centralisme.
Le code de l’urbanisme qui a été voulu comme un grand tournant n’est
pas arrivé à voir le jour.
La dérogation constitue une épreuve que la planification urbaine doit
affronter pour se redresser et rentrer dans une nouvelle phase de son
évolution.
La montée en puissance de l’urbanisation informelle, notamment
depuis les années 80 (Chouiki, 2014, 95) face à laquelle toutes les
structures de l’Etat se sont montrées impuissantes, constitue un autre
aspect des contrastes de l’évolution de l’urbanisme, qui a constitué un
puissant alibi pour le discours de remise en question de l’ensemble du
système de planification urbaine.
Le passage au portage spécial des grands projets par des structures
dédiées et agissant en marge du système de planification urbaine,
constitue une autre façon de contrecarrer la régulation institutionnelle
du fait urbain.
Ainsi, cette succession de faits sectoriels contrastés démontre
l’irrégularité de l’évolution d’un système de planification urbaine
marqué depuis son introduction par sa subordination aux
changements de la conjoncture. Ce qui n’a fait qu’accentuer
l’incohérence originelle de ce système.

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1 – 2 Une évolution référentielle sans ruptures
Tout acte de planifier s’adosse forcément à un référentiel théorique
choisi et opérationnalisé au service d’un projet de société bien
déterminé. Ce qui fait de la planification urbaine l’expression d’une
pensée avant d’être une action.
La reproduction des sources d’inspiration françaises comme moyen
d’encadrement de l’acte de planifier, a fait du Maroc un champ
d’expérimentation du schéma français où se distinguaient trois grands
épisodes :
x L’épisode de l’urbanisme moderne des années 20 aux
années 50, se caractérisant par la prééminence de la tendance
fonctionnaliste qui fait des quatre fonctions de la ville
consacrées par la Charte d’Athènes les principaux piliers de
toute action urbanistique.(habiter, travailler, se recréer et
circuler). La déclinaison de ce modèle a été initiée au Maroc
par H. Prost et reconduite trois décennies plus tard par M.
Ecochard, quoiqu’on a voulu les opposer comme représentants
de deux courants (fonctionnalisme et culturalisme).
L’exaltation de la modernité véhiculée par ce modèle a servi
de support à un urbanisme de masse traduit par une
standardisation des besoins et une uniformisation des
comportements.
C’est au cours de cette phase qu’ont été établies les bases
de la planification urbaine au Maroc.
x L’épisode de la planification urbaine des années 60 et 70.
La planification urbaine qui a fait son apparition, en France
sous les auspices de l’urbanisme moderne a initié un
tournant dans la pratique urbanistique qui s’est soldé, dès
le début des années 60, par une coupure avec l’héritage
de la première moitié du 20ème siècle. Le changement a
commencé par se focaliser sur la programmation des
équipements pour prendre la forme d’une nouvelle
organisation spatiale.
Ce tournant a été ressenti au Maroc à partir de la fin des
années 60, après la préparation du projet de Loi Cadre de
1969 et le lancement des premières études des SDAU au
début des années 70. Le postulat que le développement
d’une société moderne doit être coordonné par une autorité
centrale investie de larges responsabilités qui est à l’origine
du principe même de planification en France, est encore
vivace au Maroc malgré son dépassement dans son pays
d’origine .
C’est à partir de 1970 que le Maroc est entré dans la phase de
planification urbaine de la crise, sous la houlette de la Banque
Mondiale intervenant dans le domaine urbain, au nom d’une

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efficacité qu’elle entend faire prendre en charge par les États
bénéficiaires de son aide. Dans ce sens, l’introduction du SDAU
constitue l’expression de la recherche de solutions globales aux
dysfonctionnements urbains. (Chouiki, 2017,97) Ce qui a
donné lieu à un débat sur le rôle de la planification urbaine
comme outil d’ordre urbain ou ordre politique !
x L’épisode du réal-urbanisme, à partir des années 80. Cette
nouvelle séquence qui exprime le triomphe du libéralisme
sur le volontarisme , en matière d’urbanisme n’est autre que
l’échos du retour en force des doctrines et pratiques dites
néolibérales, un peu partout dans le monde. Ce qui a fait que
l’urbanisme a changé de fonction puisqu’il a été obligé de
renoncer au pilotage de la production de l’espace urbain
pour se contenter de faire fonctionner la ville conformément
au contenu mis en place par les opérateurs privés.
L’appel à M. Pinseau au Maroc a permis au pays
d’expérimenter ce nouveau choix doctrinal. Les documents
d’urbanisme qu’il a élaboré, notamment les SDAU des
grandes villes, mettent en évidence la grande liberté
d’entreprendre accordée aux acteurs et opérateurs urbains
privés.
Ainsi, l’évolution du cadre référentiel souligne que la planification
urbaine ne bénéficie pas d’un encadrement propre au Maroc. Le
recours continu à des modèles prêt-à-porter réduit toute la
planification urbaine à une simple tâche bureaucratique et
techniciste. (Chouiki, 2017,102) Les principaux enrichissements
apportés par le temps au référentiel hérité sont en rapport avec la
consécration des acquis du passé.

2 – UN PARCOURS OU LA CONTINUITE L’EMPORTE SUR LE


CHANGEMENT

2 – 1 Sur le plan des principes directeurs


La continuité des sources d’inspiration ne peut être sans une autre au
niveau des principes de base. Les éléments de rupture avec le passé
sont surtout techniques, alors qu’au niveau des principes c’est la
continuité qui l’emporte.
L’urbanisme de la période coloniale a été guidé par les principes
suivants :
- La séparation socio-spatiale entre la ville moderne et la
médina. Séparation qui a contribué à vider les tissus historiques de
leur population, a perturbé leur fonctionnement, handicapé leur
attractivité, et par conséquent a accéléré leur dégradation ;

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- Le zonage qui était utilisé pour segmenter la ville moderne en zones
spécialisées et attribuer à chacune un règlement spécifique selon sa
principale vocation ;
- L’habitat du grand nombre. Ce principe qui fut expérimenté juste
pendant la dernière décennie du protectorat a été transmis à la période
postcoloniale pour continuer à être valoriser dans l’habitat dit social ;
- La trame urbaine, qui consiste à créer une voirie tenant compte à
la fois des nécessités économiques, de la circulation automobile, de
l’hygiène et de la sécurité ;
- La modernisation du fait urbain. L’urbanisation introduite et
consolidée par l’administration coloniale qui s’inscrivait dans le Traité
du Protectorat de 1912 visant à introduire des réformes au Maroc, a fait
de la modernisation des villes le principal vecteur des réformes
retenues pour le Maroc.
Les principes dominants de l’époque de l’indépendance, concernent
tous des aspects secondaires par rapport à ceux de la colonisation qui
n’ont jamais été remis en question. Les nouveaux principes introduits
sont également puisés dans le modèle français ;
- La hiérarchisation des documents d’urbanisme. Le Maroc
indépendant a étoffé progressivement son arsenal en matière d’outils
d’urbanisme, en l’inscrivant dans le cadre d’une vision hiérarchisée ;
- La reproduction des mêmes compositions territoriales. Les
villes marocaines ont été amenées à se produire et à se reproduire selon
le modèle urbain consacré par la colonisation. Ce qui a consacré la
fabrication urbaine comme moyen de concrétisation de la stratégie de
promotion de l’urbain comme vecteur de promotion de l’ensemble du
pays ;
- Une vision moderne et attractive des équipements publics.
Cette vision reflète une logique de promotion du capitalisme urbain en
tant que vitrine du développement du pays ;
- La recherche affichée d’une qualité urbaine différenciée,
notamment à travers une production différenciée du bâti, des
paysages, de l’architecture et des bâtiments de prestige ;
La tendance que consacre cette évolution se caractérise par l’absence
de principes tant vantés et jamais retenus au niveau pratique. Il s’agit
de l’approche participative, la vision stratégique, et la souplesse de la
réglementation et des procédures, même si la loi 12-90 les a introduits
notamment au niveau du PA.
2 – 2 Sur le plan des références
Le Dahir de 1952 a assuré la continuité de celui de 1914, à travers une
actualisation des règles d’urbanisme pour une meilleure maîtrise
spatiale, et un élargissement du champ des plans d’aménagement aux
zones de banlieues, zones périphériques, et aux centres délimités…,
L’introduction d’un plan de zonage et de plans d’affectation plus

15
détaillés à travers la définition du droit des sols et par la répartition des
grandes infrastructures, a permis la consécration des principes de la
doctrine fonctionnaliste.
La plus importante réforme en matière d’urbanisme survenue en 1992,
a reproduit les mêmes références en les inscrivant dans une vision plus
globale. L’intégration des SDAU a renforcé la hiérarchisation des
outils, tout en essayant de les soumettre à la même logique. Les
documents d’urbanisme ont été détaillés davantage et actualisés sur
certains de leurs aspects. Les procédures d’instruction et d’approbation
ont été légèrement modifiées, avec l’introduction d’un comité
préfectoral ou provincial à la place de la commission interministérielle.
De même que l’introduction de nouvelles normes s’est inspirée de la
France. C’est le cas du COS qui fut calqué sur le modèle français.
Dans le même sens, la planification urbaine a été de plus en plus
sollicitée pour reproduire le rôle dévolu à la ville par la colonisation
pour servir de miroir de la politique générale visant à concrétiser les
actions de l’Etat et à faciliter le redéploiement et le fonctionnement du
système libéral.
2 – 3 Sur le plan opérationnel
L’administration coloniale qui a fait du fait urbain une affaire du
pouvoir central a par conséquent mis en place des règles et des normes
unifiés. Ainsi, les normes techniques d’équipement ont été
standardisées et par conséquent ont contribué à l’uniformisation des
solutions sans considération aucune des spécificités locales et
régionales et des dimensions sociales et dans leur articulations
spatiales ;
Les termes de références obéissent comme les documents d’urbanisme
à un moule standard que la réalité urbaine se trouve forcée d’épouser.
Les lacunes et le manque de précision des CPS se traduisent parfois par
des missions difficiles à réaliser, ce qui se traduit par une faible qualité
des études et des propositions urbanistiques.
La standardisation des canevas à tous les niveaux laisse peu de place à
l’innovation et aux apports souhaités des professionnels du secteur
privé qui se retrouvent contraints à se plier aux exigences des logiques
et pratiques bureaucratiques à caractère central.
La lenteur des procédures d’approbation fait de l’allongement des
durées d’élaboration des documents d’urbanisme et de la lenteur des
processus d’approbation, des moyens de stérilisation de l’acte de
planifier la ville. L’absence d’une réglementation régissant les délais et
procédures d’approbation des documents d’urbanisme aggrave cette
situation.

16
3 – DES PERFORMANCES CONTREVERSÉES

3 – 1 Une faiblesse permanente face à des contraintes


renouvelées
Globalement la planification urbaine au Maroc est taxée par tous et
partout par la faible mise en œuvre des documents d’urbanisme, et les
faibles taux de valorisation des terrains réservés pour les équipements
collectifs, que la faiblesse qualitative des réalisations consacre sur tous
les plans.
D’aucuns mettent cette faiblesse multidimensionnelle sur le seul
compte du manque de suivi de l’exécution des dispositions des
documents d’urbanisme.
La faiblesse des réserves foncières publiques et la spéculation foncière
sont également pointées en raison de leur rôle en matière de
mobilisation des terrains nécessaires à la réalisation des équipements
et des programmes d’habitat. Le désengagement de l’Etat du marché
foncier qui handicape tout le système de planification urbaine est pour
beaucoup dans la réduction voire même l’épuisement des réserves
foncières de nombreuses villes. « La spéculation foncière […] (qui)
constitue un obstacle important à l’urbanisation » (Dryef, 1994, 77)
constitue par la même occasion un sérieux handicap pour la
planification urbaine.
Le faible intérêt des collectivités locales pour un système de
planification qui leur est imposé se conjugue à la faible précision des
compétences des structures intervenant en urbanisme et du partage
déséquilibré des rôles entre l’Etat et les collectivités locales, pour
consacrer le marasme de l’urbanisme dans sa globalité.
Ce système qui n’est pas encore arrivé à intégrer une approche
performante de la gouvernance urbaine, dans la mesure où il repose
sur une séparation handicapante entre production et gestion du fait
urbain a démontré ses limites. Il est de plus en plus certain que la
planification urbaine est au cœur du renouvellement de la gouvernance
urbaine et cette dernière ne peut prétendre à la performance en dehors
de la planification urbaine.
L’innovation dans ce domaine doit être l’expression d’un nouvel esprit
adossé à une nouvelle vision de la ville et de l’accouplement de la
planification urbaine à la gouvernance des villes. La reproduction du
centralisme de différentes manières et à différents niveaux ne laisse
que peu de place aux acteurs locaux et aux innovations des
professionnels de l’urbanisme.
3 – 2 Des constantes qui se sont érigées en obstacles majeurs
La planification urbaine au Maroc s’est mue en un système figé où les
constantes l’emportent sur les innovations, même si la réalité urbaine

17
change et exige de plus en plus de changements. Les constantes les
plus en vue se retrouvent sur presque tous les plans :
- La première constante réside dans la reconduction des mêmes
sources d’inspiration ;
- Le déficit en précision du contenu de la planification urbaine est
constamment reconduit ;
- « L’inertie juridique, d’une part, et les pressions du terrain, d’autre
part, ont abouti à intégrer dans la pratique administrative des
documents de planification urbaine sans base légale. » (Dryef, 1994,
142)
- Jusqu’ici, on continue à considérer l’urbanisme comme une
discipline neutre ;
- La planification quantitative continue à l’emporter sur la
planification qualitative, dans la mesure où le modèle choisi s’est
avéré beaucoup plus un instrument de programmation des
équipements, c’est-à-dire un outil d’accompagnement de
l’urbanisation qu’une véritable planification urbaine visant une
synchronisation globale des dynamiques urbaines ;
- L’élaboration des documents d’urbanisme ne débouche pas
forcément sur des propositions relatives à son financement.
Autrement dit le système de planification en vigueur fait toujours
l’impasse sur le devenir des documents qui sont censés le sous-
tendre ;
- Le mode de planification urbaine en vigueur au Maroc a été
basé depuis l’époque du protectorat sur la séparation de fait
entre l’élaboration et le suivi ;
- Le recours croissant à la procédure dérogatoire est voulu comme un
palliatif à la lourdeur et à la complexité du système de planification
urbaine et comme un instrument d’encouragement de
l’investissement économique ;
- La centralisation de l’initiative d’élaboration et d’approbation des
documents d’urbanisme est toujours en œuvre ;
- La prééminence du caractère technique de la planification urbaine
et le poids des structures technocratiques dans les choix et la mise
en œuvre ont amoindri la portée du savoir-faire développé par le
pays. Ce qui ne permet pas l’épanouissement et la valorisation des
compétences développées par le pays. (Chouiki, 2017, 108)
- La faible prise en compte des soucis de l’environnement et de
l’aménagement du territoire, hérités de l’époque coloniale et qui
sont le reflet de la perception du Maroc comme un pays à « risque
zéro » (Chouiki, 2012,53) est reproduite de différentes manières et
à différentes échelles.
Ainsi, le modèle de planification en vigueur au Maroc reproduit des
lacunes de taille, qui se sont érigées en obstacles à l’évolution et à la
réforme de ce modèle même. Le Maroc a toujours besoin d’assurer

18
« une planification urbaine adéquate » (Dryef, 1994,142). Dans ce
sens, la distinction entre PA et PDAR est-elle toujours pertinente ?
3 – 3 Les prévisions toujours prééminentes par rapport aux
visions
La planification urbaine qui associe théoriquement et
opérationnellement vision et prévision, se focalise au Maroc autour des
prévisions. Cette situation est la conséquence directe de la
standardisation des recettes qui est devenue la solution miracle à tous
les dysfonctionnements urbains, sans discernement.
Les performances de la planification se focalisent essentiellement
autour de la confection de documents d’urbanisme, et ce au moment
où ces documents ne connaissent que des taux de réalisation très
faibles. Ces documents notamment les PA et les PDAR sont
généralement dépassés avant leur approbation, et vite renouvelés pour
reconnaitre les coups partis qui les ont remis en question. Dans le
même sens, la recherche de compromis entre les différents acteurs se
traduit par des documents boiteux, n’ayant qu’une faible consistance et
n’apportant pas de véritables solutions aux dysfonctionnements en
place.
« L’effort de planification urbaine entrepris depuis plusieurs décennies
a permis de couvrir l’essentiel des villes et des centres urbains et
certaines agglomérations rurales mêmes, en documents d’urbanisme.
De ce fait, la population est en droit d’en attendre des effets bénéfiques
sur le développement global des agglomérations urbaines et des
populations vivant sous l’influence directe des villes. Ainsi,
l’expérience marocaine n’est pas des moindres. Cependant, la faiblesse
des capitalisations et la faible valorisation des expériences accumulées
sont de nature à faire de cette expérience un assemblage peu homogène
et difficilement valorisable. » (Chouiki, 2017, 108)
La cohérence entre la conception et la réalisation des projets urbains
qui doit être l’expression de l’efficacité de la planification urbaine et de
son caractère stratégique, ne se retrouve pas dans la planification
urbaine postcoloniale qui est loin d’atteindre ces performances. Le
Maroc indépendant n’a pas pu entretenir ce caractère stratégique et
s’est contenté de gérer l’urgence. Cette planification qui est depuis
l’époque du protectorat hantée par le souci sécuritaire, se retrouve
handicapée par la conception de beaucoup de projets urbains à haute
portée fonctionnelle.
Ainsi, les résultats mitigés de la planification urbaine et la persistance
de la déficience urbaine incitent à questionner le système en place sur
son efficacité et sur l’urgence de sa refonte. Refonte qui ne peut se
satisfaire d’amendements superficiels et de colmatages partiels. Pour
ce, il faut d’abord qu’il y ait une volonté de pérenniser et de restructurer

19
ce système. « Echec ou sabotage de la planification urbaine, le résultat
et le même. » (Chouiki, 2014, 96)
3 – 4 Des changements notables
Les changements introduits à près la colonisation ne sont pas non plus
des moindres. Dans ce sens, il y a lieu de souligner les plus en vue :
- L’adoption depuis la fin des années 1960 de nouveaux critères tels
que le coefficient d’occupation du sol (COS) ;
- La réduction de la durée de validité des effets des plans
d’aménagement, dans un souci de réalisme, de 20 à 10 ans, par la loi
n° 12-90 relative à l’urbanisme , n’est pas démunie d’importance ;
- L’ouverture accrue, depuis les années 80, de la planification urbaine
aux chercheurs universitaires s’est avérée d’un important apport en
compétences, en connaissances et en méthodes d’approche relevant
des différentes sciences humaines et sociales comme des sciences
physiques ;
- L’octroi d’une base légale aux Schémas Directeurs d’Aménagement
Urbain, mis en œuvre au début des années 70 et qui n’ont acquis
une assise juridique, qu’avec la loi de 1992, mais qui demeurent
malgré tout de simples cadres de référence, à l’exception de celui du
Grand Casablanca qui est opposable aux tiers ;
- La possibilité pour les plans d’aménagement de prévoir l’ouverture à
l’urbanisation de zones d’extension selon un échéancier déterminé ,
est à même de favoriser le redéploiement spatial de l’acte de
planifier ;
- La possibilité pour les S.D.A.U. et les PA de prévoir des zones qui
obéiront à un régime juridique particulier constitue une souplesse
qui n’est pas toujours perçue comme telle ;
- L’institution d’un document d’urbanisme pour les agglomérations
rurales, au début de l’accession à l’indépendance a constitué un
tournant permettant de prévoir le processus urbain à l’amont, mais
qui est déjà dépassé par l’urbanisation du milieu rural ;
- La création des agences urbaines a constitué un important tournant
dans le processus de décentralisation qui est d’une grande
importance, mais qui nécessite d’être réadapté au changement de la
conjoncture.
Pour conclure
Il importe au terme de ce chapitre de rappeler que « dans la plupart des
pays capitalistes, l’urbanisme et la planification spatiale ont été parmi
les premiers secteurs où sont apparues des mesures de planification. »
(Ascher F. et Giard J, 1975, p42) Le Maroc ne fait pas ainsi exception,
sauf par le fait que son évolution dans ce domaine est nettement
tourmentée, malgré la prééminence de la continuité sur le changement.
Cette continuité fortement marquante sur le plan des sources

20
d’inspiration n’a pas manqué également de marquer l’évolution des
documents d’urbanisme qui n’ont connu que des changements
mineurs.
La planification urbaine dont les résultats ont été toujours au-dessous
des prévisions s’est imposée malgré tout comme un puissant outil du
suivi public d’une urbanisation débordante. La faiblesse de la vision du
futur focalisée sur les images produites par la programmation des
équipements n’a pas permis la mise en avant du projet de société
véhiculé par le système de planification urbaine.
La planification constitue ainsi l’aspect le plus expressif de la forte
empreinte coloniale au Maroc. C’est à ce niveau que les traces du passé
colonial sont toujours pesantes. (Chouiki, 2017, 93). La reproduction
d’un héritage introduit dans un contexte soumettant un système de
régulation à une aventure coloniale faite juste pour favoriser l’initiative
privée, ne peut être évaluée en termes de performances que pour ce qui
relève de l’initiative publique orientée vers la glorification de la
puissance coloniale.
Cependant, en devenant un outil de développement du pays après
l’accession à l’indépendance, les Marocains sont en droit d’attendre
d’elle qu’elle apporte des solutions aux dysfonctionnements des villes
du pays. Les faibles performances sur ce plan ne sont ni à la hauteur
des expériences accumulées ni des attentes qui se sont amplifiées.
Mais ce constat ne doit pas mener vers un rejet total d’un système dont
le seul mérite est d’avoir servi de cadre pour consacrer le rôle de l’Etat
en matière de fabrication et de structuration des villes.
Ainsi, les résultats mitigés de la planification urbaine en place et la
persistance de la déficience urbaine incitent à questionner le système
en place sur son efficacité et sur l’urgence de sa refonte ; Refonte qui
ne peut se satisfaire d’amendements superficiels et de colmatages
partiels.
Bibliographie sélective
- ASCHER F. : Les nouveaux principes de l’urbanisme, Editions de l’Aube,
La Tour d’Aigues, 2001, 104 p.
- CHOUIKI M. (2012) Le Maroc face au défi urbain. Quelle politique de la
ville ? Ed ; Dar Attaouhidi, Rabat, 150 p.
- CHOUIKI M. (2014) L’informalité urbaine، Une alter-urbanisation ? Imp.
Najah Al Jadida, Casablanca, 174 p.
- CHOUIKI M. (2017) Un siècle d’urbanisme, Le devenir de la ville
marocaine, Ed. L’Harmattan , Paris, 250p.
- DRYEF. M. (1993) Urbanisation et droit de l’urbanisme au Maroc,
Edition La porte Rabat et CNRS, Parsi, 400 p.
- SITRI Z. et HANZAZ M (2016) Pouvoirs et contre-pouvoirs en matière
de planification urbaine. Pour une nouvelle régulation des pouvoirs de
décision, in Revue Internationale d’Urbanisme, n° 2, 2016.

Mustapha CHOUIKI

21
22
CHAPITRE 2 : LA REGLEMENTATION DE LA
PLANIFICATION URBAINE AU MAROC

L'urbanisme, en tant que science de l'aménagement et de l'organisation


des villes, s’active à assainir, agrandir et embellir les villes. L’objectif
étant de maîtriser les éléments constitutifs de l'équilibre vital des
groupements humains et les coordonner en vue de substituer une
organisation rationnelle à la spontanéité souvent désordonnée qui a
présidé à la croissance de presque toutes les agglomérations anciennes.
Pour assurer une efficacité à toutes mesures, projetées et fixées en
théorie, pour les faire passer dans la pratique, il fallait l'intervention du
législateur qui seul pouvait astreindre les particuliers à subir les gènes
imposées momentanément par l'exécution d'un plan d'urbanisme et
donner aux personnes morales de droit public, en particulier aux
communes, la faculté de poursuivre cette exécution.
Le Maroc s’est engagé très tôt dans cette voie. Deux ans après
l'instauration du protectorat, il s'est vu doter d'une législation en
matière d'urbanisme. Cette législation est constituée spécialement par
le dahir du 16 avril 1914 relatif aux alignements, plans d'aménagement
et d'extensions des villes, servitudes et taxes de voirie.
Après un siècle de pratique de l’urbanisme, depuis l’introduction des
normes et prescriptions dans le droit positif marocain, sommes-nous
aujourd’hui appelés, dans le cadre de cet ouvrage , à aborder en
premier lieu le système de planification urbaine à travers les
instruments de planification et de règlementation des sols, en second
lieu les limites, carences et dysfonctionnements générés par la mise en
œuvre des dispositifs mis en place et en dernier lieu les perspectives
d’avenir.

1- LE DISPOSITIF METHODOLOGIQUE DE LA PLANIFICATION


PREVISIONNELLE AU MAROC

Le dispositif juridique de l’urbanisme réglementaire actuellement en


vigueur, assis sur des principes d’aménagement mis en place durant le
protectorat en 1914, reconduit en 1952 et 1992, est passé d’un
urbanisme de voirie au départ basé sur les notions d’alignement et des
règles du prospect, à un urbanisme de composition axé
particulièrement sur le zonage.
La nécessité d’une planification spatiale tient à la conjonction d’un
certain nombre de phénomènes qui font que le Maroc connaît
actuellement une croissance démographique, des mouvements

23
migratoires, une industrialisation et des mutations d’ordre social et
culturel influant sur les modes de vie.
Une coordination s’impose, entre ces différents phénomènes. Trois
documents constituent la base de la réglementation des sols au Maroc :
le plan d’aménagement, le plan de zonage et dans une moindre mesure
les arrêtés d’alignement. Les agglomérations rurales disposent d’un
moyen d’action spécifique en matière de réglementation des sols, à
savoir le plan de développement.

A- Le SDAU
Historiquement, le SDAU dans sa première version issue du projet de
loi-cadre sur l’aménagement urbain et rural établi en 1969 ne disposait
d’aucun soubassement juridique à même de lui conférer la qualité de
document règlementaire de planification urbaine.
Les SDAU établis après l’entrée en vigueur de la loi 12-90 précitée l’ont
été sur la base de cette dernière. Les SDAU établis avant cette date et
dont les dates de concertation n’excédaient pas les dix ans ont été
assimilés à ceux élaborés en vertu de cette loi.
Le Schéma Directeur qui est un outil de planification urbaine définit
pour un horizon temporel généralement de 25 ans, a pour objet
notamment de :
- délimiter les choix et les options d’aménagement qui doivent régir un
développement harmonieux, sur le plan spatial, économique et social
du territoire concerné ;
- déterminer les zones nouvelles d’urbanisation et les dates à compter
desquelles elles pourront être ouvertes à l’urbanisation ;
- de fixer la destination générale des sols.
Une fois approuvé, le SDAU est opposable à l’administration, aux
collectivités locales ainsi qu’aux entreprises publiques. Leurs
programmes d’activité ainsi que leur réalisation doivent être
conformes aux orientations du SDAU.
Le territoire du grand Casablanca dispose d’un régime spécial en
matière de SDAU.

B- Le plan d’aménagement
Le plan d’aménagement est le document d’urbanisme réglementaire
qui définit le droit d’utilisation du sol à l’intérieur des territoires
auxquels il s’applique. Il est composé d’un document graphique et d’un
règlement.
C’est l’instrument qui transforme les orientations du SDAU, lorsque
celui-ci existe, en prescriptions légales opposables à l’Administration
et aux tiers.
Il peut être établi pour tout ou partie d’un des territoires suivants :
* les communes urbaines ;
* les centres délimités ;

24
*les zones périphériques des communes urbaines et des centres
délimités ;
* les groupements d’urbanisme : Concernant ce point, la loi précise
qu’un plan d’aménagement ne pourra être établi pour une partie d’un
groupement d’urbanisme que si ledit groupement est doté d’un Schéma
Directeur d’Aménagement Urbain.
* tout ou partie du territoire d’une ou plusieurs communes rurales,
ayant une vocation spécifique telle que touristique, industrielle ou
minière et dont le développement urbain prévisible justifie un
aménagement contrôlé par l’administration.
La procédure d’élaboration du plan d’aménagement comporte
plusieurs étapes : elle débute, le cas échéant par des mesures
conservatoires et se poursuit par les phases d’étude et d’instruction,
pour s’achever par l’acte d’approbation.
L'étude du projet de plan d'aménagement est effectuée par l'agence
urbaine en liaison avec les conseils élus, les autorités administratives,
les services locaux des différents départements ministériels et
éventuellement tout autres organismes intéressés.
Le projet de plan d’aménagement, préalablement à son approbation,
est soumis par le directeur de l’agence urbaine, à l’appréciation des
conseils communaux concernés, aux fins d’examen et étude. C’est un
document juridique de caractère très spécifique qui produit des effets
juridiques avant et après son approbation.

C- Le plan de zonage
Le plan de zonage est un document d’urbanisme réglementaire qui
répartit un territoire en zones affectées chacune à un type déterminé
d’utilisation du sol à l’intérieur des territoires auxquels il s’applique.
Ce document peut être considéré comme un relai entre les SDAU et les
plans d’aménagement, ce qui permet aux autorités compétentes de
mettre en application d’une manière plus précise les prescriptions des
SDAU en attendant la prise d’effet des plans d’aménagement en cours
d’ élaboration. A cet effet, il définit le droit d’utilisation des sols :
* en prévoyant la destination des différentes zones ;
* en fixant la réglementation applicable à la construction ;
* en imposant certaines servitudes à respecter.
Le projet du plan de zonage préalablement à son approbation est
soumis par le directeur de l’agence urbaine aux délibérations des
conseils communaux concernés, qui disposent d’un délai de deux mois
pour formuler leurs observations.
Le plan de zonage est approuvé par arrêté de l’autorité
gouvernementale chargée de l’urbanisme. Cet arrêté est publié au
Bulletin Officiel.
Dès son approbation il devient opposable à l’administration et aux
tiers. Il produit des effets pendant une période de deux ans.

25
D- Arrêtés d’alignement et arrêtés d’alignement emportant
cessibilité
L'arrêté d'alignement est défini comme étant un document
d'urbanisme pouvant créer des voies communales, places et parkings
publics communaux, la modification de leur tracé ou de leur largeur ou
leur suppression totale ou partielle (article 32 de la loi n°12.90).
L'arrêté d'alignement peut être pris aussi bien à l'intérieur des
périmètres urbains et des zones périphériques que dans les
agglomérations rurales.
Le régime applicable est unique selon les dispositions prévues par la loi
n°12-90 relative à l'urbanisme (articles 32 à 39).
Un arrêté d'alignement peut valoir aussi cessibilité.
Le président du conseil communal peut prendre un arrêté d’alignement
pour la création, l'élargissement ou la suppression d'une voie
communale, quand cette mesure n'est pas prévue par un document
d'urbanisme déclaratif d'utilité publique.
Les arrêtés d'alignement valent déclaration d'utilité publique des
opérations qu'ils fixent, pendant une durée de 10 ans.

E- Le plan de développement des agglomérations rurales


Ce document est institué par le Dahir n°1-60-063 du 30 Hija 1379 (25
Juin 1960).
Il définit le droit d'utilisation des sols et il est opposable à
l'administration et aux administrés dans les agglomérations rurales
situées en dehors des périmètres définis à l'article 18 de la loi n°12-90
relative à l'urbanisme.
Il a pour objet de délimiter :
- Les zones réservées à l'habitat des agriculteurs comportant
l'installation de bâtiments d'exploitation agricole ;
- Les zones réservées au commerce, à l'artisanat et à l’industrie ;
- Le tracé des principales voies de circulation ;
- Les emplacements réservés aux places publiques, aux espaces
libres et aux plantations ;
- Les emplacements réservés aux édifices et services publics ainsi
qu'aux installations de la vie sociale et notamment le souk et ses
annexes.
Il fait l’objet d’une délibération communale et d’une enquête publique
d’un mois.

26
2 - LES LIMITES DES MOYENS D’ACTION DE LA
PLANIFICATION PREVISIONNELLE

L'évaluation des effets de l'urbanisme prévisionnel sur le contrôle et


l'encadrement des phénomènes urbains révèle certaines lacunes et
carences qui sont de plusieurs niveaux :

2-1-Entraves liées à la méthodologie d’élaboration ou de


conception des documents d’urbanisme
Les documents d’urbanisme notamment les plans d'aménagement tel
qu'ils sont produits actuellement ne découlent pas d'une synthèse
d'approches d'équipes pluridisciplinaires et ne tiennent par
conséquent pas compte des interactions de tous les phénomènes qui
entrent en jeu dans l'agglomération.

A- Plans prévisionnels dénués de tout prolongement opérationnel


Ces documents sont, établis à partir d'approches superficielles de la
connaissance des mécanismes de développement de l'agglomération
étudiée. Ils sont donc plus une spatialisation des consultations des
différents intervenants que le résultat d'études objectives pouvant
déboucher sur une programmation qui permet d'accorder les trois
dimensions de la prévision à savoir l'espace, le temps et le coût.
Il y a lieu de remarquer par ailleurs que les communes et les
départements ministériels intéressés ne considèrent pas les documents
d’urbanisme comme un guide des réalisations qui leurs incombent,
bien que s'étant prononcés favorablement sur les prévisions des plans
qui leur ont été soumis pour examen et par conséquent sur les réserves
de terrains qui leurs sont affectés.
A cela on pourrait ajouter que la procédure d'instruction et
d'approbation des documents d'urbanisme n'aboutit pas souvent dans
les temps requis, faute parfois d’absence de mécanismes d’arbitrage.
Aux termes de ces longs délais, les prévisions des documents ne
correspondent plus à la réalité et ne sont plus susceptibles d'apporter
des solutions opérationnelles aux problèmes posés.
Régler minutieusement et dans les moindres détails le développement
futur d'une agglomération ou prolonger les tendances passées ou
récentes de son urbanisation c'est admettre que ces facteurs resteront
les mêmes à l’avenir.

B- Plans ne définissant généralement aucune priorité


d’action
Le plan d'aménagement permet d'organiser l'espace à l'intérieur de
l'agglomération. Il présente à cet égard un schéma complet d'utilisation
des sols mais il ne précise ni un échéancier pour leur réalisation, ni

27
enfin une étude des moyens financiers pour l'exécution des opérations
d'équipement ainsi que leur échelonnement dans le temps. Or il est
certain que l'infrastructure relative aux transports ou à la voirie
peuvent notamment modifier les conditions de l'urbanisation. On ne
pourrait en effet prévoir longtemps à l'avance l'importance et le tracé
des réseaux nécessaires 20 ans à l'avance, et encore moins les fixer de
façon précise sur des plans.
Il est donc fondamentalement incohérent d'établir un plan
d'aménagement sans l'accompagner d'un échéancier des réalisations,
au moins pour les équipements structurants.

C- Plans inducteurs d’injustice foncière


En définissant l'affectation des zones, le document d'urbanisme crée
une inégalité inévitable entre propriétaires fonciers puisqu'il leur
alloue des droits de construire différenciés, et parfois même les prive
de ce droit. Cette inégalité n'est supprimé, ni tempérée par aucune
disposition législative, le droit de l'urbanisme en vigueur restant fidèle
au principe de la non indemnisation des servitudes d’urbanisme.
Aucune mesure d'ordre fiscale n'est venue par ailleurs, remédier à cette
inégalité. A ce facteur d'injustice foncière doivent s'ajouter ceux relatifs
à:
- La non répartition entre les propriétaires des charges résultants de
l'affectation des terrains aux équipements. Pourtant dès 1917 le
législateur a donné à l'administration la possibilité de remédier à ces
inconvénients en prévoyant la création d'associations syndicales de
propriétaires urbains.
- Face au gel pendant des périodes très longues des terrains réservés
aux équipements, l'administration dispose en effet d'un délai de 10 ans
pour acquérir les terrains concernés. Ces terrains restent donc
immobilisés sans contrepartie pour leurs propriétaires qui ne peuvent
en reprendre la disposition qu'à l'expiration de ce délai prescrit.

B- Problèmes d’articulation entre documents de


planification urbaine et documents de réglementation
des sols
Le Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme définit pour un
long terme l'organisation générale du développement urbain et
s'inscrit donc dans le cadre des orientations générales du
développement régional concernant souvent des agglomérations
importantes exigeant une vue globale de l'évolution urbaine.
C'est à partir de ce document que l'on devrait concevoir les plans
d'aménagement concernant les règles d'utilisation des sols au niveau
d'une zone ou d'un secteur pour aboutir à une cohérence des tissus
urbains .Or cette coordination entre les options arrêtées par le S.D.A.U

28
et celles des plans d'aménagement n'est pas toujours évidente et ceci
pour deux raisons :
- L'articulation du S.D.A.U au plan d'aménagement n'est pas dans tous
les cas automatique. Le plan d'aménagement peut être établi sans qu’il
ne soit précédé d'un schéma directeur.
- L'échelle et le niveau de précision du S.D.A.U n'est pas à même de
répondre efficacement à la demande présente des terrains à urbaniser
avec le détail souhaité.

F- Absence de références aux moyens de la planification


nationale et régionale
Il est sans doute préjudiciable d'aménager une ville en ignorant les
actions de développement effectivement entreprises ou programmées
à court ou moyen terme, dans la région dont elle est un des pôles de
croissance. L'aménagement d'une ville ne saurait en effet être entrepris
sans son insertion à l'armature urbaine régionale et nationale.
Le développement économique et social du pays dépend dans une large
mesure de la manière dont la planification spatiale s’insère dans la
planification régionale qui s'inscrit à son tour dans la planification
nationale. Etant une question régionale et nationale, l'urbanisme doit
être de ce fait un moyen pour optimiser le développement national.
Coupés de cette référence, ces documents font preuve d'un manque de
réalisme certain puisqu'ils ne sont pas fondés sur une vision
prospective qui permettrait la définition des orientations générales du
développement national et régional. Or, toutes les régions ne sont pas
encore pourvues de Schémas Régionaux d’Aménagement Régional
(SRAT).

G- Problèmes de mobilisation des sols urbains et de maîtrise


foncière
Toute politique d'aménagement est subordonnée à la maîtrise du
problème foncier qui implique soit une appropriation publique des
sols, soit un contrôle de leur affectation en fonction d'objectifs
déterminés et reconnus dans la planification et la réglementation des
sols.
Garante de l'intérêt général, la puissance publique a des prérogatives
considérables sur la propriété privé, dont en premier lieu celle de s'en
saisir légalement. Elle en a usé de façon massive jusque vers les années
soixante-dix avec une politique d'aménagement volontariste, affichée
par des objectifs à long terme. Depuis l'Etat intervient de manière
légère et ponctuelle.

29
2-2 Dysfonctionnements et contraintes liés à la mise en
œuvre des documents d’urbanisme
Ce volet sera appréhendé particulièrement à travers les constats
d’étapes et les évaluations, rapports et contributions établis par la
Direction de l’urbanisme durant les dernières décennies.
En 1997, cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi 12-90 relative à
l’urbanisme, la Direction générale de l’urbanisme a diligenté une
première évaluation de la mise en œuvre de la loi précitée.
Cette entreprise fut suivie de plusieurs évaluations ponctuelles. C’est le
cas avant la préparation du projet de loi sur la mise à niveau de
l’urbanisation de 1999 et des circulaires sur la dérogation. Il en est de
même lors de la préparation des projets de refonte successifs de la loi
12-90 précitée et plus tard lors de mise en chantier du projet de code
de l’urbanisme en 2005.
Il est utile de rappeler dans ce cadre, que le rapport relatif à la
dérogation établi par le CESE comprend une grande partie dédié à cette
question.
Le premier rapport d’évaluation du premier quinquennat de la loi en
vigueur a souligné qu’un document d'urbanisme, aussi parfait soit-il,
ne vaut que par l'application qui en est faite. D'où tout l'intérêt accordé
à la mise en œuvre des documents d'urbanisme et à la mise en place
d'institutions chargées de cette mission.
De même que l'exécution des dispositions des plans d'aménagement
doit faire l'objet d'un suivi rigoureux, d'autant plus que la durée de
validité des dispositions d'un grand nombre de plans d'aménagement,
afférentes aux équipements publics est presque arrivée à son terme,
alors que les administrations concernées n'ont pas encore procédé à
l'acquisition de l'assiette foncière desdits équipements et encore moins
à la prévision des crédits nécessaires à la réalisation des projets en
question.
Dans ce sens, l'application des documents d’urbanisme pose des
problèmes de différents ordres : fonciers, financiers et humains.
Le problème du foncier consiste dans la difficulté de mobilisation d'une
grande partie des terrains urbains ou devenus récemment urbains,
De même que le coût élevé des terrains privés, l'insuffisance des crédits
budgétaires et l'amenuisement, voire l'épuisement des réserves
foncières de l'Etat et des collectivités locales, empêchent
l'administration de réaliser les équipements à sa charge, dans les délais
légaux.
Il faut ajouter à cela le manque ou l'insuffisance du personnel qualifié
à même d'assurer l'exécution des prévisions des documents
d'urbanisme et le suivi y afférent1.

1
Rapport évaluation mise en œuvre de la législation de l’urbanisme .1997 DGUAAT.

30
Le rapport du C.E .S.E, résume les dysfonctionnements et les lacunes
et propose pour y pallier ce qui suit i:
x Mettre en œuvre les modalités de dérogation stipulées par la loi
12-90 relative à l’urbanisme, en faisant notamment recours à
l’article 19.
x Mettre en place des mécanismes de post-évaluation
systématique de l’application du P.A ;
x Mettre en place un dispositif de suivi et d’évaluation des projets
bénéficiaires de dérogation. Ce dispositif doit permettre aussi
de suivre la réalisation des engagements contractuels entre la
commune et le bénéficiaire de dérogation.
x Prévoir des outils juridiques et techniques pour introduire plus
de flexibilité dans les documents d’urbanisme, comme
alternative à la gestion administrative des dérogations ;
x Mettre en place un cadre juridique global ayant trait aux
politiques publiques de l’aménagement du territoire, de
l’urbanisme, de l’habitat et du foncier, en vue d’assurer une
meilleure régulation urbaine ;
x Mettre en place un code de l’urbanisme qui regroupe l’ensemble
des instruments juridiques répondant aux nouvelles exigences
de flexibilité, d’opérationnalité et de régulation foncière ;
x Prévoir des mécanismes de financement de l’urbanisation en
vue de faciliter la mise en œuvre des documents
d’urbanisme, éviter le sous-équipement des villes et impulser
une urbanisation progressive, cohérente et incitative à
l’investissement ;
x Intégrer la dimension environnementale et de développement
durable dans les documents de planification et de gestion de
l’espace :
x Remédier à la carence constatée en matière d’expertise dans le
domaine de l’urbanisme, notamment en matière de
planification urbaine ;
x Développer les outils de l’urbanisme opérationnel ;
x Réviser les normes et standards de conception de l’espace
urbain en matière de dimensionnement et de spatialisation de
la voirie, des espaces verts et des équipements publics, afin
d’intégrer les nouvelles données démographiques et
urbanistiques ;
x Simplifier et décentraliser les procédures d’approbation et de
révision des documents d’urbanisme.
x Privilégier les procédures de modification et d’adaptation des
documents sous forme d’études sectorielles.
x Intégrer les dérogations accordées aux documents
d’urbanisme lors des procédures d’élaboration, de révision et de

31
modification.
x Réduire les délais d’approbation, de révision et de
modification des documents d’urbanisme.
x Sensibiliser la population et communiquer sur l’importance
des enjeux de la planification urbaine afin d’améliorer la qualité
et les apports des enquêtes publiques et de la concertation.

A- Carences dans la production des normes et prescriptions


législatives et/ou réglementaires
La mise en œuvre du dispositif réglementaire de l’urbanisme durant les
dernières décennies a révélé des carences et dysfonctionnements dont
notamment :
- Son caractère discriminatoire vis à vis notamment de certains
territoires démunis de toutes conditions objectives de mise en
œuvre normale de ces dispositions,
- Son uniformité : une même législation s’appliquant
uniformément à tout le pays sans différenciation spatiale
aucune avec tous les phénomènes sous-jacents entrainés par
cette situation de sous équipement, d’habitat non
réglementaire et de non-respect des dispositifs mis en place ;
- L’inertie des structures chargées de la mise en œuvre
opérationnelle,
- L’incapacité à s’auto-réviser dans les temps requis : nos
législations ou réglementations ne sont pas mises à jour à
chaque changement d’objectifs ou de contextes.
Les dispositifs et procédures ne doivent en principe être mis en échec
que dans les conditions fixées par le référentiel qui leur sert de
soubassement. Les amendements ou modifications à apporter auxdits
dispositifs et procédures ne peuvent être diligentés que conformément
au formalisme requis. L’administration au même titre que le citoyen se
doit de respecter les règles régissant le domaine.
Ainsi et pour pallier les aléas dus parfois à des situations d’imprévision,
l’administration compétente se doit de procéder durant la validité des
documents d’urbanisme existants à des évaluations périodiques et à
initier éventuellement les réajustements qui s’imposent.
Il est atypique de relever que depuis plusieurs décennies qu’à l’occasion
de chaque année législative, l’administration en charge de la tutelle du
secteur considéré, met sur pied un programme d’action annuel
comportant un volet relatif aux projets de textes juridique en relation
avec le département en question.
Or, une simple évaluation des résultats obtenus jusqu’ici montre qu’à
l’évidence, la quasi-totalité des projets proposés souvent sous diverses
moutures n’ont pas abouti ou n’ont en l’état, peu de chance d’aboutir
et les mesures provisoires ou transitoires qui s’y sont greffées resteront
entachés de non légitimité (cas des différentes circulaires instituant la

32
procédure de la dérogation). Les seules exceptions à la règle furent
notamment la loi sur le littoral, la loi n°66-12 relative au contrôle et à
la répression des infractions en matière d’urbanisme et de construction
et les décrets portant approbation de certains règlements généraux de
la construction.

B-Recherche de systèmes de régulation alternatifs


Face aux difficultés apparues dans le domaine de la production des
prescriptions réglementaires, le recours à des mesures ponctuelles
prises à titre transitoire devient une échappatoire et un moyen de
régulation mis à la disposition de l’administration pour concrétiser ses
objectifs loin de toute contrainte juridique.
Le rapport du CESE aborde dans le même sens et estime que la rigidité
des documents d’urbanisme par rapport à un contexte économique et
social mouvant et leur incapacité à intégrer les besoins imprévisibles
tant des habitants que des investisseurs constituent les principales
causes des pratiques qui se greffent sur le dispositif actuel régissant
l’urbanisme.
Des préambules des quatre circulaires successives qui ont régi la
pratique de la dérogation, et des divers ouvrages et écrits disponibles,
il se dégage un quasi-consensus sur l’inadéquation et l’anachronisme
du dispositif méthodologique régissant l’urbanisme.
A cet effet, on n’hésitait pas d’évoquer l’existence d’un urbanisme à
double vitesse et ce dans la mesure où une même législation
s’appliquait uniformément à tout le pays sans différenciation spatiale
aucune avec tous les phénomènes sous-jacents entrainés par cette
situation de sous équipement, d’habitat non réglementaire et de non
respects des dispositifs mis en place.
Un système dérogatoire fut alors décrété. Cet outil censé être
transitoire dans l’attente de la réforme du code de l’urbanisme est
maintenant bien ancré dans le paysage au même titre que d’autres
outils quotidiens de gestion de l’urbain. Alors que la dérogation se
pratique sur près de deux décennies, les études d’évaluation restent
partielles, et une perception fortement critique de ce système est
souvent sous-jacente. La dernière en date est celle conduite en 2014
par le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), a
conclu entre autres à la nécessité de mener une évaluation approfondie
du système dérogatoire.
De l’analyse croisée des données recueillies à travers les études,
ouvrages, rapports d’évaluation et divers autres documents, il se
dégage plusieurs tendances dont les plus crédibles tendent vers une
bipolarisation du phénomène considéré. Il s’agit d’une part, des
adeptes de la légalité et de la primauté de la règle de droit qui doit faire
l’objet d’une mue au fur et à mesure de l’évolution des territoires
considérés, la dérogation étant prévue à l’avance tout en restant de

33
nature exceptionnelle et d’autres part des partisans du passage de
l’urbanisme prévisionnel à l’urbanisme de projet ce qui supposerait la
mise en place de modes et procédures de régulation spécifiques de
l’usage des sols .
Mais force est de constater que ces deux tendances quoique divergentes
sur la vision stratégique et les moyens à mettre en place pour sa
concrétisation, s’accordent toutes sur le constat de la mise en œuvre du
dispositif en vigueur ainsi que sur les objectifs à mettre en œuvre pour
pallier les carences ou dysfonctionnements relevés dans leur
argumentaire.
Une réflexion est engagée dans ce sens à la diligence du département
de l’urbanisme et ce suite aux recommandations du rapport précité
établi par le CESE en 2014 apportera les éclairages nécessaires à nos
questionnements.
Il en est de même d’une autre et non moins importante réflexion
actuellement en cours au niveau du département précité portant sur
l’évaluation du système de planification en vigueur en vue de sa refonte
partielle ou totale le cas échéant.

3 – ACTIONS ENTREPRISES ET/OU A ENTREPRENDRE ET


PERSPECTIVES D’AVENIR

Dans l’attente de l’aboutissement de la réflexion relative à la refonte du


système de planification urbaine et d’autres notamment celle portant
sur l’évaluation de l’impact de la pratique de la dérogation,
l’administration de l’urbanisme a édicté plusieurs mesures visant
l’atténuation des dysfonctionnements et lacunes constatés ainsi que du
poids de la dérogation et ce, à travers le traitement en amont des causes
inhérentes notamment aux aspects conceptuels et procéduraux
découlant des documents d’urbanisme.
L’administration s’y est bien attelée en vain et ce, depuis la première
évaluation des lois 12-90 relative à l’urbanisme et 25-90 relative aux
lotissements, groupes d’habitation et morcellement, intervenus
courant 1997 par le truchement de projets de refonte des deux lois
susvisées, suivi de la proposition d’un projet de loi fondateur
regroupant ces deux lois et le dahir du 25 Juin 1960 relatif au
développement des agglomérations rurales (projet de loi 42.00 sur la
mise à niveau de l’urbanisme).
Ce projet a été retiré du circuit faute d’aboutissement des concertations
intergouvernementales et remplacé par deux nouveaux projets de
refonte. Et ce n’est qu’à l’occasion de la discussion du projet de loi 04-
04 sur le contrôle et sanctions des infractions à la législation de
l’urbanisme au niveau du parlement que le département de
l’urbanisme annonce l’amorce de la codification des textes relatifs à

34
l’urbanisme via le projet de code de l’urbanisme dont la dernière
mouture a été examinée en conseil du gouvernement.
Suite aux contraintes diverses ayant empêché l’aboutissement du
projet de code de l’urbanisme, le département de l’urbanisme en vue
d’une meilleure visibilité et célérité a opté pour le portage de petits
projets de lois thématiques issus du projet du code précité de
l’urbanisme dont celle relative au contrôle et à la répression des
infractions de l’urbanisme est arrivé à terme (promulguée et publiée au
B.O).
Un nouveau projet de loi sur la planification urbaine est actuellement
en cours d’examen. Ce projet se focalise sur les documents d’urbanisme
et tente d’apporter des réponses aux carences, limites ou
dysfonctionnements révélés par la mise en œuvre desdits documents.
Il s’articule sur les précédents projets de refonte tout en apportant un
éclairage nouveau sur certaines thématiques. Il est notamment
proposé :
x La consécration de la notion de développement durable :
x La maitrise de l’étalement urbain à travers la rationalisation de la
consommation foncière et l’incitation au renouvellement et à la
revitalisation des espaces évitant le mitage et la dispersion des
zones périphériques et préservant l’équilibre entre le centre et la
périphérie ;
x La préservation des zones agricoles, des zones sensibles, des
espaces littoraux, des sites naturels, archéologiques et culturels et
des paysages et la sauvegarde des équilibres écologiques ;
x La mise en place des conditions de mise en œuvre de la charte
nationale de l’environnement et du développement durable ;
x L’intégration et la prévention des risques naturels, industriels et
technologiques ;
x La performance énergétique et les exigences d’efficacité
énergétique dans les modes d’aménagement ;
x La gestion équilibrée et économe de la ressource en eau dans les
modes d’aménagement ;
x La promotion de la mixité, et de la fluidité de la mobilité ;
x La maitrise des besoins en déplacements et mobilités tout en
intégrant les principes d’accessibilité et d’optimisation des
systèmes existants ;
x La diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale en prévoyant
des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour
la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d’habitat,
d’activités et d’équipements publics ;
x La création d’espaces de vie de qualité à même de satisfaire les
besoins et les attentes des citoyens en matière d’équipements et
d’espaces publics ;

35
x La cohérence des actions et des programmes sectoriels ;
x La compétitivité et la complémentarité des territoires ;
x L’articulation des documents d’aménagement du territoire et de
planification urbaine :
x Le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme est établi en
tenant compte du Schéma National d’Aménagement du Territoire
et du Schéma Régional d'Aménagement du Territoire, lorsqu’ils
existent.
x Aucune opération d’aménagement urbain ni projet de construction
ne peuvent être autorisés en l'absence d’un plan d’aménagement
s'ils ne sont pas compatibles avec les orientations édictées par le
schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme quand il existe.
x Le plan d’aménagement, selon la spécificité du territoire auquel il
s’applique, doit faire l’objet d’une adaptation mineure rendue
nécessaire par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le
caractère des constructions avoisinantes sans porter atteinte à
l’économie générale du plan.
Dans l’attente des réformes proposées, il est utile de souligner que les
services relevant de la direction de l’urbanisme et indépendamment
des contraintes liées au portage des projets de réformes, initient
chaque année un programme d’action visant un encadrement adéquat
du territoire national, à travers des mesures d’amélioration du
processus d’élaboration des plans d’aménagement et des plans de
développement des agglomérations rurales.
Il s’agit de mesures ponctuelles visant la rationalisation et la mise en
œuvre effective du dispositif actuel du processus d’élaboration de ces
documents d’urbanisme.
Cette plateforme se focalise, en effet, sur quatre grandes thématiques
se déclinant notamment en mesures concrètes dont les plus
représentatives se répartissent comme suit :
x Phase « programmation »
-Donner la priorité lors de l'établissement du programme triennal à
la couverture des territoires dynamiques et des zones à fortes
pressions urbaines ;
-Mettre en place un plan de financement dans un cadre partenarial
avec les acteurs régionaux et locaux ;
-Procéder au lancement des appels d'offres relatifs à la modification
ou à la révision des documents d'urbanisme au moins deux ans
avant la caducité de la déclaration de l'utilité publique reconnue aux
plans d'aménagement et aux plans de développement des
agglomérations rurales.
x Phase « élaboration des termes de références et lancement des
appels d’offres »
-Veiller à l’élaboration des termes de référence axés sur trois

36
principales phases d’étude : diagnostic stratégique et enjeux
territoriaux, orientations et projet d'aménagement, mise en forme
du document réglementaire ;
-Intégrer la démarche participative à travers l'organisation
d'ateliers thématiques notamment autour des aspects suivants :
économie et emploi, infrastructures et mobilité, environnement et
urbanisme, projets structurants et modèles d’aménagement ;
-Réduire la durée d'élaboration des plans d'aménagement des
grandes et moyennes villes à 12 mois et celle des petites villes et
centres émergents à 6 mois ;
x Phase « suivi de l’étude »
Mettre en place un comité local de suivi en procédant à la
désignation « intuitu personae » des représentants des différents
acteurs ;
x Phase « concertations règlementaires » Principes à mettre en
œuvre :
*Dimension développement durable
-Inciter les BET à mettre en œuvre lors de l'élaboration des
documents d'urbanisme les orientations de la loi-cadre portant
charte nationale de l'environnement et du développement durable ;
-Rationnaliser l'ouverture à l'urbanisation en veillant à la
préservation des zones agricoles et des périmètres irrigués ;
-Intégrer les mesures de prévention des risques naturels, industriels
et technologiques ;
*Dimension parti d’aménagement
-Définir des seuils de densités urbaines en tant que principe de
qualité et de compacité assurant la diversité des formes urbaines et
répondant aux enjeux de l'urbanisme durable ;
-Concilier entre les deux modes d'aménagement, celui du
renouvellement urbain et celui de l'extension urbaine tout en
veillant à préserver l'équilibre entre le centre et la périphérie ;
-Maîtriser les besoins en déplacements et mobilités en intégrant les
principes d'accessibilité multimodale, de maillage équilibré entre
les anciens quartiers et les nouveaux et de proximité des services et
des équipements ;
-Favoriser la mixité sociale et fonctionnelle traduite par une mixité
des fonctions résidentielles et économiques quand il y a
compatibilité entre elles ;
-Veiller à mettre en application le principe d'équité foncière en
assurant notamment, une répartition équitable des plus-values
urbanistiques et à favoriser l'optimisation du foncier ;
-Intégrer des mesures incitatives au profit des projets retenant le
principe de l'efficacité énergétique, et ce, en application des
dispositions de l'article 6 de la loi 47-09 relative à l'efficacité
énergétique ;

37
*Dimension règlement d’aménagement
-Intégrer au niveau du règlement d'aménagement le dispositif prévu
au dernier paragraphe de l'article 19 de la loi 12-90 relative à
l'urbanisme concernant les modifications particulières à introduire
lors du dépôt des demandes des autorisations de lotir ou de créer un
groupe d’habitations ;
-Intégrer au niveau du règlement d'aménagement un dispositif
relatif aux adaptations mineures à observer lors de l'examen des
différentes demandes d’autorisations ;
-Prévoir des mesures incitatives pour l'encouragement des
opérations de constructions maitrisées au lieu de lotissements
ordinaires (augmentation du COS, nombre d'unités).
Ces principes selon leur initiateur, s’ils sont bien entendu exploités
rationnellement lors de l’élaboration des plans d’aménagement, auront
à n’en point douter pour effet direct de pallier manifestement le recours
à la pratique de la dérogation dont la plupart des causes
« enclenchées » seront évacuées en amont du processus.
Il en est de même pour l’action visant la concrétisation effective des
dispositions relatives aux dérogations prévues à l’article 19 de la loi 12-
90, formalisée par une circulaire ministérielle.
En date du 23 Mai 2013, une circulaire portant n°8802 a été édictée
par l’administration de l’urbanisme, rappelant aux directeurs des
agences urbaines, l’intérêt de la mise en œuvre effective des possibilités
offertes par le dispositif en vigueur et notamment celles prévues par les
dispositions de l’article 19 de la loi n°12-90 relative à l’urbanisme
restées sans application dans les faits et ce depuis la promulgation de
la loi précitée en 1992.

En somme, dans une société de droit, les dispositifs législatifs et/ou


règlementaires une fois promulgués, approuvés ou édictés acquièrent
le caractère d’applicabilité obligatoire à l’égard de toutes personnes
morales ou physiques ayant un lien avec le territoire en question.
L’inobservance des prescriptions qui y sont transcrites est considérée
comme une transgression à la règle et donc passible de sanctions
administrative, pécuniaire voire même privative de liberté.
La loi quand bien même elle est générale et impersonnelle prend en
considération les cas d’espèce qui de par leurs spécificités ou les
conditions dans lesquelles ils gravitent méritent un traitement
particulier et ce au travers de circonstances atténuantes ou
d’exceptions pures et simples de l’application à la règle édictée. Les
exceptions comme les dérogations sont prévues et encadrée par la loi.
De même la loi peut à tout moment faire l’objet de révision,
modification, annulation ou d’abrogation et ce, pourvu que les
procédures y afférentes soient enclenchées.

38
Or, aucun dispositif mis en place aussi sophistiqué soit-il, ne peut
prétendre atteindre à son entrée en vigueur la perfection. C’est sa mise
en application effective qui va déterminer le cas échéant les
infléchissements qu’il faudrait lui apporter pour une meilleure
efficience dans la prise en charge des affaires qu’il régi.
Tout dispositif qui se mérite, doit faire l’objet après sa mise en
application, d’audit ou d’évaluation de l’ensemble ou de certaines de
ces dispositions débouchant le cas échéant sur des amendements,
ajouts ou suppression qui seront promulgués ou approuvés selon le
formalisme de rigueur. Déroger à cette démarche en optant pour des
mesures à la marge de la légalité ne pallierait pas, aussi louables soient-
elles, les considérants ayant servi de soubassements à ces mesures, les
carences et ne ferait à terme qu’aggraver la situation au lieu de
l’éradiquer.

BIBLIOGRAPHIE
x Ministère de l’Urbanisme :Rapports introductifs et minutes du
déroulement des procédures de préparation, de concertation et de
discussion au niveau du parlement des lois 12-90 relative notamment
à l’urbanisme et 25-90 relative aux lotissements groupes d’habitations
et morcellements.
x Ministère de l’urbanisme : Recueil des textes relatifs à l’aménagement
et à l’urbanisme et aux problématiques spécifiques en relation avec les
domaines précités.
x GUEZZAR A. (1992) Mémoire de DES en aménagement et
urbanisme : les moyens d’action de l’urbanisme prévisionnel au
Maroc ; INAU
x Direction urbanisme (1998) : Rapport portant sur l’évaluation de la
mise en œuvre des dispositifs relatifs à l’urbanisme mis en place en
1992 ;
x Direction de l’urbanisme : Rapport divers rapports sur la législation
de l’urbanisme durant la période 1980-1998 (aménagement urbain,
rural et foncier).
x Ministère de l’Urbanisme, Direction des Affaires Juridiques :
Rapports introductifs et minutes du déroulement des procédures de
préparation, de concertation et de discussion au niveau du parlement
des principales réformes notamment celles relatives aux refontes
partielles des textes en vigueur et au projet de code de l’urbanisme.
x Ministère de l’urbanisme : Rapports et réflexions portant sur la
pratique de la dérogation en matière d’urbanisme.

Abdenebi GUEZZAR

39
40
CHAPITRE 3 : LA PLANIFICATION URBAINE DANS
LA POLITIQUE GLOBALE DU MAROC

Tout acte de planification urbaine s’inscrit, d’une manière ou d’une


autre dans un contexte politique et dans la stratégie globale de gestion
du territoire. Autrement dit, la planification urbaine relève de la
politique globale de gestion des affaires du pays.
Ainsi, le système de planification urbaine qui répond à des soucis
urbanistiques est cadré, dans sa conception comme dans son
instrumentalisation par des choix politiques. En plus, les dimensions
économiques et sociales de la planification urbaine amplifient ce
cadrage, en accentuant son rôle de moyen de reproduction des
équilibres du système politique en place.
Ce cadrage politique qui a besoin d’être étayé, à cette occasion, fait de
la politique globale une dimension de grande importance dans la
conception, le fonctionnement et l’évolution du système de
planification urbaine.

1 – UNE QUESTION PRIMORDIALE POUR LE POUVOIR


POLITIQUE

La régulation urbaine, dans sa version moderne, est un fait colonial qui


a été introduit au Maroc à des fins très ciblées :
- Un moyen d’asseoir l’introduction du système libéral sur des
bases solides. La colonisation qui avait des finalités
économiques certaines a cherché à leurs donner des assises
territoriales basées sur le transfert du centre de gravité
économique et politique des campagnes vers les villes. Ce qui a
exigé une urbanisation plus maitrisée et mieux ouverte aux
nouveaux circuits économiques.
L’introduction de la planification urbaine s’est ainsi imposée
comme prélude à ces réformes et comme exigence de
l’introduction du système libéral qui a démontré dès les
premières implantations des colons ses besoins en structures
urbaines adaptées au fonctionnement territorial du système
capitaliste.
- Introduire au Maroc les réformes retenues par le Traité du
Protectorat. Ce traité signé à Fès le 30 mars 1912, stipule dans
son article premier que « le gouvernement de la République
Française et Sa Majesté le Sultan sont d’accord pour instituer

41
au Maroc un nouveau régime comportant les réformes
administratives, judiciaires, scolaires, économiques,
financières et militaires que le gouvernement français jugera
utile d’introduire sur le territoire marocain » 2 . Dans ce sens,
l’implantation d’un « nouveau régime » a besoin d’un nouveau
cadre de gestion plus adapté aux exigences des rouages et
techniques de la gestion des affaires du pays.
- Introduire une coupure durable avec le passé du pays.
L’introduction d’un nouveau régime qui veut dire clairement la
prise de distance des visions et des pratiques en place, a fait de
la planification urbaine un outil pour cristalliser cette coupure
et instaurer un nouvel ordre territorial à même de faciliter la
mise du pays sur de nouvelles voies et la mise en œuvre des
réformes voulues par le protectorat.
Dans ce sens, planifier la ville marocaine revient à mettre en
place tout ce qui est à même de réorienter le phénomène urbain
et concrétiser une nouvelle vision, non seulement de la vie
urbaine mais de l’ensemble du pays. Autrement dit mettre en
place tout ce qui rend difficile voire impossible tout retour en
arrière.
- Uniformiser et moderniser le fait urbain. Par son pouvoir
modélisateur la planification urbaine est instrumentalisée
depuis son introduction comme outil de doter le Maroc de
structures urbaines voulues comme vecteur de modernisation
du cadre et du mode de vie des hommes. Cet objectif qui a pris
au début la posture de moyen de standardisation du contexte
urbain et d’homogénéisation des Marocains est toujours à
l’œuvre, mais de manière plus nuancée et plus ouverte sur la
diversité des profils sociaux qu’exige le système libéral. La
reproduction des mêmes normes et règles dévolue à la
planification urbaine n’a été à aucun moment remise en cause.
- Instaurer un encadrement territorial plus durable. La
planification urbaine qui a été consacrée comme moyen
d’introduction et de consolidation d’un nouveau modèle
urbain, visait à faire de la ville une nouvelle assise territoriale
pour le « nouveau régime » à implanter au Maroc. Elle a été
ainsi instrumentalisée dès le départ comme outil du système
politique. Les connexions instaurées entre le « nouveau
régime » et la planification urbaine ont beaucoup servi les

2 RIVIERE M.P.L : Traités, codes et lois du Maroc, Tome premier, Librairie Recueil

Sirey, Paris, 1924, p.121

42
nouveaux choix politiques, même si les réformes dans ce
domaine ne sont pas toujours souhaitées, dans un pays connu
pour son conservatisme politique.
Ainsi, les finalités assignées à la planification urbaine dès son
introduction au Maroc, sont devenues des contraintes difficiles à
dépasser, étant donné qu’elle est devenue indispensable pour le
pouvoir politique, qui en a fait un outil primordial pour les centres de
décisions à l’échelle centrale. Cette association au pouvoir central
concorde bien avec le passé du pays où l’urbanisme a été érigé depuis
longtemps au rang d’une œuvre princière de première importance.
Cependant, le propre de la période coloniale est d’en avoir fait un
puissant outil aux mains de l’administration territoriale. La grande
marque du ministère de l’Intérieur qu’elle porte toujours constitue une
preuve de son affiliation au pouvoir central et son rattachement à
l’administration territoriale. Le poids de l’héritage français n’a fait que
consacrer le mariage entre le poids du passé du pays et l’œuvre
coloniale.
2 – UNE EVOLUTION TRES MARQUÉE PAR LES TOURNANTS
POLITIQUES

L’évolution de la planification urbaine au Maroc est fortement


marquée par le rythme de la vie politique. Ce pays qui est passé de la
colonisation à l’indépendance en cherchant à ne pas faire de ce passage
une véritable coupure politique, a imposé à la planification urbaine de
ne pas subir des mutations rapides ou violentes.
L’échec des grandes réformes de l’urbanisme pendant les trois
premières décennies de l’indépendance, et la mise en œuvre partielle
du contenu de certaines d’entre elles, témoignent de l’attachement du
pays au changement dans la continuité.
Les effets des principaux tournants politiques sur la planification
urbaine se résument ainsi :
- Sous le protectorat, le Maroc a connu l’instauration d’une
planification centralisée et modélisant l’urbanisme. Il s’agit là
d’un changement qui ne remet pas en cause l’héritage du pays
en matière d’urbanisme « princier ». Dans le même sens,
l’attachement manifesté au patrimoine urbain local, a été
largement instrumentalisé comme expression du respect des
traditions et du passé du pays. Ce qui n’a pas empêché
l’administration coloniale de provoquer des transformations
urbanistiques notables, mais en douceur.
- Le passage à l’indépendance a été marqué par le difficile choix
de consécration du modèle colonial. En effet, l’héritage colonial

43
n’a pas été remis en question, puisque le pays a continué à
s’urbaniser selon le modèle développé par l’administration du
protectorat. Les mutations légères qui ont eu lieu ne constituent
aucunement une prise de distance du legs colonial.
Après l’adoption du plan quinquennal 1968-1972, un nouveau
dynamisme a été insufflé dans la politique urbaine marocaine,
dans le but de trouver les solutions adéquates aux effets de la
crise urbaine. En effet, le projet de « loi cadre de
l’aménagement urbain et rural » a été proposé, et l’Etat
comptait le mettre en application à partir du plan quinquennal
1973-1977. Mais il a été abandonné et une partie de son contenu
a été retenue de manière segmentée.
Ledit projet prévoyait, en complément des documents
d’urbanisme en vigueur, une chaine d’instruments nouveaux et
hiérarchisés qui proposaient d’assurer aux agglomérations
urbaines un développement rationnel et harmonieux. Il s’agit,
des schémas de structure et d’orientation (SSO), des plans
d’utilisation des sols (PUS) et des Schémas Directeurs (SD).
L’espoir de concrétisation des apports de cette tendance de
réforme a permis au pays de vivre sur l’héritage colonial
légèrement amendé jusqu’aux années 90.
Entre temps, le retour en force du libéralisme au début des
années 80 a été l’occasion pour entrer dans une phase de
planification plus libérale, qui n’a pas pu assurer la gestion de
la crise urbaine des années 90. En intégrant le secteur privé
d’une façon plus massive on n’a fait qu’aggraver cette crise, et
amplifier les dysfonctionnements urbains.
L’abandon du projet de Code de l’Urbanisme, et la mise en
pratique de certains de ces apports témoigne de la volonté de ne
pas vouloir apporter des changements plus ou moins profonds,
pour ne pas bousculer le retour du libéralisme.
Ce nouveau tournant qui s’est traduit par une remise en cause
du système de planification urbaine, se démêle actuellement
dans la recherche d’issue à l’impasse inhérente au passage
incertain d’un Etat planificateur à un Etat dé-planificateur.

3 – UN GRAND ROLE DANS LA CRISTALLISATION DES CHOIX


POLITIQUES

La planification urbaine constitue l’expression de l’existence d’un ordre


établi qui consacre la prééminence de la loi et d’un encadrement
juridico-administratif symbole d’un Etat omniprésent. Cette
planification a permis la concrétisation d’un certain nombre de choix
politiques en réalité concrète. C’est le cas de :

44
- L’instauration d’un nouvel ordre urbain par l’administration
coloniale. Elle a également permis à l’Etat marocain de
perpétuer cet ordre et de l’orienter dans le sens jugé
politiquement favorable au maintien de l’ordre établi ;
- Elle a servi, avant tout, à la mise en œuvre de la vision du projet
de société qu’exigeaient l’entreprise coloniale et le système
économique auquel elle s’adossait ;
- Elle sert de moyen de reproduction du moule spatial
permettant le façonnement de la société marocaine,
conformément aux choix politiques retenus et réaménagés
périodiquement par le pouvoir politique en place ;
- Elle joue également le rôle de principal rouage de la
configuration sociétale, à travers le redéploiement spatial des
groupes sociaux ;
- Elle permet la reproduction des héritages du passé jugés utiles
pour la gestion du présent ;
- Elle sert de cadre référentiel pour l’organisation des villes
conformément à la répartition des fonctions urbaines, à
l’échelle nationale, régionale et locale ;
- Elle permet le renforcement et la réorganisation des rouages de
l’administration territoriale et du fonctionnement du territoire
national ;
- Les documents d’urbanisme cristallisent des principes et des
choix retenus sur le plan central et qui sont subordonnés à
l’approbation des instances centrales, consacrent leurs
dimensions politiques en tant qu’outils au service de stratégies
centrales multidimensionnelles ;
- La stagnation régnante sur le plan juridique reflète un choix
politique traduisant la recherche de dynamiques urbaines
inscrites dans la continuité et rejetant les instabilités inhérentes
à des changements faiblement maîtrisés ;
Ainsi, malgré les critiques focalisées sur la faible maîtrise de la
planification urbaine jugée assez souvent comme faiblement encadrée,
elle joue le rôle d’un puissant outil de régulation de la réalité du pays.
Autrement dit, malgré la faible réalisation des prévisions, en matière
d’équipements urbains, son poids n’est pas des moindres en matière de
régulation du pays, puisqu’elle permet la reproduction du cadre
référentiel de l’évolution de la société et du territoire de manière
concomitante. C’est ce qui favorise la tendance à continuer à planifier
malgré la faible réalisation des prévisions des documents d’urbanisme,
puisque la finalité recherchée de ces documents se situe ailleurs.

45
4 – DES PRINCIPES GENERAUX A FORTE COLORATION
POLITIQUE

La planification urbaine qui a été introduite au Maroc pour servir à des


fins politiques et économiques avant tout, continue à jouer le même
rôle qui lui a permis d’être reconduite sans grands changements. Les
amendements souhaités et attendus par les professionnels se situent
sur le plan juridique, réglementaire et opérationnel, alors
l’instrumentalisation politique de la planification urbaine se focalise
autour d’autres soucis. Cette évolution controversée est assujettie à des
principes politiques qui ne se rapportent pas aux mêmes intérêts, dont
les plus pesants sont :
- La préservation de la symbolique du pouvoir : La colonisation qui
a pris à son compte la reproduction des symboles du pouvoir
marocain, en a profité pour mettre en place ses propres
symboles. De ce fait, la planification urbaine a été fortement
instrumentalisée pour structurer les espaces urbains par le biais
de symboles reproduisant différents aspects du pouvoir
marocain et consacrant l’incontournable présence du pouvoir
colonial. .
- La préservation de l’empreinte française : La mixité symbolique
est devenue structurante des villes marocaines qui évoluent au
rythme d’une architecture hybride. En même temps, elle a
consacré l’empreinte française dans la conception et la
fabrication des villes, à travers la reconduction de l’école
d’urbanisme française comme première source d’inspiration.
Reconduction qui est toujours à l’ordre du jour, sur de nombreux
plans.
- Le changement dans la continuité : Sachant que toute stabilité ne
peut être éternelle, tout a été fait, depuis l’époque du protectorat
pour consacrer le changement comme un des vecteurs de
reproduction des structures en place. Autrement dit, il ne s’agit
pas de faire de la planification urbain un moyen de
chamboulement permanent, mais plutôt un cadre de faire du
changement un moyen de reproduire autrement l’existant.
- La reproduction du caractère de régulateur social de
l’urbanisme : L’administration coloniale qui a oublié les
Marocains, durant les trois premières décennies de son existence
au Maroc, a fini par les intégrer dans son système de concevoir et
de produire les villes. Mais cette intégration qui est survenue
lorsque les Marocains ont accru leur poids dans les villes et sont
devenus des sources de problèmes, a acquis un caractère
sécuritaire. Par conséquent la prise en compte des Marocains est
devenue un élément de structuration des villes. Ce n’est pas un

46
hasard si l’administration coloniale a axé sa conception des villes
sur le principe de séparation entre Européens et Marocains. Ce
qui s’est traduit par une planification urbaine mettant à l’écart les
quartiers réservés aux Marocains, et mettant à leur disposition
des espaces de vie tout à fait différents de ceux des Européens.
- Le souci sécuritaire de l’urbanisme : La recherche de la sécurité
et de l’ordre public a été érigée par la colonisation au rang d’un
des thèmes récurrents de la planification urbaine. Comme
vecteur de taille du processus de composition d’un cadre de vie,
à la fois, commun et associant des intérêts nettement divergents
et opposés même, la fabrication urbaine s’est faite pour produire
des villes ouvertes à tous mais de manière différenciée.
Ainsi, le souci sécuritaire s’est conjugué aux aspirations
ségrégationnistes pour planifier des villes contrastées. Ce souci
est à l’origine de la forte implication du département de
l’intérieur dans le domaine de l’urbanisme. Dans ce sens, il
importe de signaler que les troubles sociaux qu’a connus
Casablanca en 1981, sont derrière le lancement de l’élaboration
du SDAU de 1985, qui a apporté des solutions urbanistiques
politiquement assaisonnées aux problèmes sociaux de la ville.
- La consécration de la planification urbaine comme cadre
redynamisant de la vie économique : La période coloniale a initié
la prise en charge de la redynamisation économique par l’Etat. Le
Maroc indépendant qui a hérité ce principe en a fait sien pour
également asseoir le pouvoir des structures politiques dans
l’orientation et le rééquilibrage de la vie économique.
L’association de cette exigence politique à celle de régulation de
la fabrication urbaine s’est traduite par la persistance de
l’attachement du pouvoir politique à la planification urbaine,
même après l’abandon de la planification économique depuis les
années 70. La planification urbaine a en quelque sorte remplacé
la planification économique.
Tous ces principes et tant d’autres, qui puisent leur origine dans le
système introduit par le protectorat, ont été reproduits par le Maroc
indépendant comme ayant fait leurs preuves et comme base de
consécration du système libéral et de la sécurité publique.
Ces principes permettent de saisir sous un même rapport les
dynamiques urbaines les plus diverses et de les évaluer en commun
afin de leur reconnaitre la place qui leur revient comme bases d’un
système de planification se prolongeant dans la matérialité de la ville
marocaine. Autrement dit, ces principes ne sont pas seulement
abstraits, puisqu’ils impliquent dans la réalité, à la fois, la politique se
trouvant derrière le système de planification urbaine et les positions
des personnes qui sont derrière la mise en œuvre de ce système.

47
5 – DES PRATIQUES ACCENTUANT LA VOCATION POLITIQUE
DE LA PLANIFICATION URBAINE

Il importe de ne pas oublier, que la planification urbaine n’est pas une


simple affaire de vision de la matérialité de la ville. C’est une question
où tous les intérêts en présence dans la ville sont déterminants. Dans
ce sens, il faut rappeler que l’administration coloniale qui a cherché à
introduire le système libéral au Maroc a opté pour la planification
urbaine qui ne fait pas partie des principes de base de ce système. Ce
sont les aspects pratiques et l’efficacité recherchée qui ont dicté ce
choix. Ce qui revient à retenir que la planification urbaine relève
essentiellement de choix politiques et pratiques beaucoup plus que de
positions idéologiques, contrairement à ce que pensent ceux qui
s’acharnent aujourd’hui contre la planification urbaine en croyant
qu’elle est en contradiction avec le retour du libéralisme.
En effet, de nombreux aspects de la réalité matérielle et des pratiques
opérationnelles sont là pour prouver le caractère politique de l’acte de
planifier :
- La faible implication des instances locales élues : L’urbanisme qui
est concrètement une affaire des pouvoirs locaux, est depuis
l’époque du protectorat un domaine de chasse gardée du pouvoir
central. La faible implication des structures élues locales témoigne
du poids politique de ce domaine empêchant le pouvoir central à
se désengager et à céder sa place aux élus locaux, qui sont, un peu
partout dans le monde fortement impliquées dans la fabrication
urbaine ;
- La forte présence du ministère de l’intérieur : Depuis
l’indépendance du pays, ce ministère ne s’est jamais désengagé de
manière nette de l’urbanisme. Même lorsque ce domaine est
rattaché à un autre département étatique ou bénéficiant d’un
ministère à part entière, l’implication du ministère de l’intérieur
reste prééminente. Ce ministère n’est-il pas à l’origine de l’INAU ?
N’a-t-il pas fait, à l’origine, de cet établissement une structure de
recyclage en urbanisme des cadres administratifs ?
Avec la récente instauration de la politique de la ville comme
action directe sur la réalité urbaine, le ministère de tutelle de cette
nouvelle stratégie d’intervention a été presque mis à l’écart par les
représentants du pouvoir central. Une marginalisation qui
consacre le caractère politique de toute intervention sur la réalité
urbaine.
- L’ampleur prise par la dérogation en matière d’urbanisme, et ses
impacts sur la planification urbaine, démontre, on ne peut plus

48
clairement, la mainmise des représentants du pouvoir central, non
seulement sur la mise en œuvre des projets urbains, mais
également sur la vision d’urbanisme et la conception des espaces
urbains.
- La dissociation de la mise en œuvre du suivi et de l’évaluation des
documents d’urbanisme, qui en principe intéresse en premier le
pouvoir politique en tant que planificateur, ne bénéficie pas de
l’intérêt qu’il faut. L’Etat et ses représentants locaux ne font rien à
ce niveau et ne se donnent pas les moyens pour manifester un
quelconque intérêt aux suites de l’acte de planifier, faisant
semblant d’oublier que le libéralisme n’a jamais voulu dire laisser-
aller.
La séparation entre ceux qui conçoivent les documents
d’urbanisme et ceux qui se chargent de la réalisation de leurs
prévisions constitue une autre façon d’abandon de la planification
urbaine, non seulement dans les faits mais également dans les
choix politiques.
- La faible lutte contre les « faits accomplis » qui s’inscrit dans le jeu
politique en vigueur ouvre la voie aux particuliers d’imposer leurs
choix à ceux de la collectivité dans sa globalité. Ce qui revient à
appliquer une politique de laisser-faire érigeant les « coups
partis » en réalité à prendre en compte par les documents
d’urbanisme.
- La déficience urbaine est devenue une façon de concrétiser
l’incapacité de l’Etat à répondre à toutes les attentes. Autrement
dit obliger la population à compter de plus en plus sur elle-même
et à revoir ses besoins à la baisse. Une façon d’inscrire la politique
dans l’espace en faisant de la déficience un moyen de gestion du
territoire.
Ainsi, le territoire urbain devient un moyen de cristallisation de la
politique et des choix politiques dominants. La consécration de la
déficience urbaine comme partie prenante de la réalité urbaine
reproduit un état de fait qui impose la reproduction des mêmes
pratiques. Autrement les dysfonctionnements urbains acquièrent la
posture de partie prenante de la gestion urbaine. Ce qui est pour
beaucoup dans l’acte de recomposition de la diversité des réalités
urbaines et dans la reproduction d’une grammaire
urbaine uniformisant les standards de la gestion urbaine. Comme quoi
la tendance à l’uniformisation de l’acte de gérer les villes reproduit le
devenir de la planification urbaine.
Conclusion
S’il est évident que la planification urbaine est un fait politique, il était
utile de clarifier certains des aspects de la politique en place, en vue de

49
mettre en évidence les implications qui en découlent. Ce qui a permis
effectivement de remettre ces différentes implications dans le cadre
duquel elles se combinent et interférent.
Ce qui a permis de faire émerger que si le poids du passé est toujours
grand au sein du système de planification en vigueur, le poids du
présent n’est pas des moindres. Ce qui est à même de limiter de
l’intensité de la tendance de déplanification que nombreux sont à
vouloir imposer comme un choix déterminant. Personne ne renie
l’éventualité de cette tendance, mais pas dans la vision d’une négation
totale de l’acte de prévoir le devenir urbain du pays.
S’il est certain que le désengagement de l’Etat constitue une éventualité
à ne pas écarter, il est tout aussi certain que ce désengagement ne
remettrait pas en question l’implication d’un Etat qui n’est pas
politiquement prêt à renoncer à sa vocation de leadership de toutes les
dynamiques qui traversent le pays et qui pèsent lourdement dans son
devenir, dans la mesure où cet Etat associe son devenir à celui du pays
dans sa globalité.

BIBLIOGRAPHIE

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RAFFESTIN Cl. Pour une géographie du pouvoir, 1980, Pub. LITEC, Paris
RAWLS J., 1995, Libéralisme politique, Paris, PUF

Mustapha CHOUIKI

50
CHAPITRE 4 : LA PLANIFICATION URBAINE UNE
EXIGENCE STRATEGIQUE

Au-delà de sa réputation technique et de sa vocation pratique, la


planification urbaine est avant tout une affaire stratégique, étant donné
qu’elle inscrit la réflexion à propos de la vision du développement
urbain sur le long terme, et dans le cadre de choix médités et
programmés. Le caractère stratégique se rapporte aussi à la
conception d’une vision intégrée sur le plan structurel et fonctionnel,
associant le spatial à l’économique, au social et au culturel.
Ainsi donner un véritable caractère stratégique à la planification
urbaine revient à penser et à concevoir la ville en termes de stratégie.
Ce qui revient en fin de compte à identifier des objectifs urbanistiques
et urbains clairs et solides, à prendre en compte les potentialités réelles
du territoire concerné et les vocations crédibles des villes à planifier, à
inscrire l’acte de planifier dans le cadre d’une vision de développement
globale bien établie et répondant à des besoins réels, et à mobiliser les
moyens nécessaires pour la mise en œuvre des documents d’urbanisme
élaborés. (Chouiki, 2017, 106).
Au moment où la réflexion stratégique permet de se projeter dans
l'avenir, elle contribue également à organiser l’intervention sur la
réalité présente, sur le plan structurel et fonctionnel. Elle s’adosse ainsi
à une démarche dynamique se traduisant par une projection évolutive
de l’espace concerné, suite à la déclinaison d’un programme issu d’une
vision définie du devenir du territoire concerné. Autrement dit, la
vision stratégique est multidimensionnelle.

1 - UNE DIMENSION SPATIALE STRUCTURANTE

L’espace urbain est un champ d’action sollicité par de nombreuses


politiques publiques et interventions privées, en raison de ses capacités
à nourrir et à entretenir de nombreuses relations entre les différents
acteurs de la ville. Ce qui fait du caractère stratégique de la
planification urbaine le mode d’appropriation le plus conforme à la
réalité spatiale et à la diversité des intervenants et des enjeux en
présence au sein de l’espace concerné.
Si tous les acteurs de la ville font de l’espace un outil pour répondre à
des questions sectorielles, la planification urbaine en fait son objet
principal et le support de sa légitimité et de l'efficacité de ses actions.
L’espace est ainsi le véritable laboratoire permettant d’interroger et de
cristalliser les différents aspects de la réalité urbaine, dans ses

51
manifestations matérielles et ses expressions immatérielles. Et c’est à
travers l’espace que la planification urbaine déploie les visions de
l’horizon urbain retenues par la puissance publique.
Le Maroc qui a hérité de l’époque coloniale une planification urbaine
centrée sur l'usage des sols, a usé de cette dernière comme un moyen
de façonnement des territoires urbains et de production et de
structuration des villes. Ce qui a fait de la planification urbaine un outil
servant avant tout à légitimer ce façonnement en faisant des espaces
urbains une production conforme aux normes et règlements en
vigueur. Cependant, l’expérience marocaine a viré vers la consécration
de l’espace comme simple support de l’action de programmation. Or
lors de son introduction au Maroc, la planification urbaine a servi,
avant tout, à la mise en œuvre de la vision du projet de société
qu’exigeaient l’entreprise coloniale et le système économique auxquels
elle s’adossait. Ce qui a fait de l’espace un moyen de concevoir et de
mise en œuvre d’une stratégie s’inscrivant dans une vision à long terme
d’un territoire bien déterminé. Autrement dit, la politique coloniale a
érigé l’espace en un important outil stratégique non seulement en
matière de production du fait urbain en tant que fin en soi-même, mais
plutôt comme support d’une vision s’inscrivant dans le devenir du pays
en tant que totalité.
En plus, si la ville n’est pas un simple contenant sans contenu, et que
l’évolution de l’un est indissociable de l’autre, la planification urbaine
telle qu’elle a été introduite sous la colonisation ne concerne pas
uniquement les villes en tant que réalité indépendante du reste du
pays. En tant que capacité d'émettre des principes de régulation de
l'usage des sols et du fonctionnement de l’espace urbain, elle est un des
rouages les plus déterminants dans la configuration sociétale et de
l’articulation économique de l’ensemble du pays.
Ainsi, l’entrée de la planification urbaine par la configuration spatiale
est à même d’apporter des clarifications et des informations
d’importance stratégique sur la vision globale de la politique régissant
le développement de l’ensemble du pays. L’abondance des matériaux
de terrain qu’elle mobilise et les finalités qui la mobilisent, sont d’une
importance capitale dans la clarification de la vision dominante en
matière de mise en place du moule spatial conçu et mis en œuvre pour
la concrétisation de la société de demain, de son fonctionnement et son
conditionnement.
Dans ce sens, la nouvelle vision du SDAU mise en place au cours des
deux dernières décennies, en tant que niveau supérieur de la
planification urbaine verse beaucoup plus dans l’aménagement du
territoire focalisé sur des villes-centres que vers le traitement des
réseaux urbains dans un cadre intercommunal. Ce qui est à même de
se traduire par des projets d’aires métropolitaines beaucoup plus que
par une planification urbaine partagée, puisqu’il traite beaucoup plus

52
d’aires d’influences que de bassins de vie. Ainsi, la nouvelle vision sous-
tendant la nouvelle génération des SDAU est celle cherchant la
concrétisation de territoires satellitaires et non d’aires urbaines
fonctionnant selon des logiques urbaines. Cette démarche plagiée sur
le modèle français ne tient pas compte d’une différence de taille que
représentent les aires métropolitaines françaises largement urbanisées
par rapport aux communes satellitaires marocaines qui restent
foncièrement rurales et faiblement connectées aux villes-centres. Ce
qui n’est pas fait pour instaurer une urbanisation allant dans le sens
d’une atténuation des clivages territoriaux, à travers une régulation des
effets de l’opposition entre centre et périphéries. C’est donc une
planification cherchant à reproduire l’opposition de l’urbain au rural,
et ce au moment où le pays tend vers une atténuation de cette
opposition. C‘est une autre façon de reproduire les clivages consacrés
entre communes urbaines et communes rurales. Une vision qui ne fait
que cristalliser la fragmentation territoriale du pays. Ce qui est de
nature à reproduire le territoire d'une société fragmentée. C’est dire le
caractère stratégique de la planification urbaine.
Sans s’attarder sur les autres manières de reproduire les héritages
légués par la période coloniale qui reconduisent une vision qui n’est pas
faite pour préserver l’identité marocaine, il y a un exemple qui mérite
d’être souligné. C’est le cas, de la planification urbaine qui fait de
l’organisation des territoires des villes une succession de lotissements
juxtaposés les uns aux autres, et servant de moyen pour faire couler les
Marocains dans un même moule spatial. Cette conception n’a fait
jusqu’ici que remettre en cause la vie de quartier qui a donné beaucoup
de difficultés aux autorités coloniales, en reproduisant la vie
communautaire et les solidarités spatiales traditionnelles qui se sont
avérées de véritables obstacles à la standardisation du mode de vie des
populations, (Chouiki, 2013, 127) et par voie de conséquences elle s’est
opposée aux finalités de l’entreprise coloniale.
Dans ce sens, l’absence de l’approche intercommunale réduit l’espace
urbain à ses dimensions politiques et multiplie les formes artificielles
de la mixité socio-spatiale et les recours répétés à l’exclusion spatiale à
travers l’habitat sous-intégré… et tant d’autres pratiques consacrant
l’usage stratégique de l’espace par le biais du système de planification
en vigueur.

2 - UNE DIMENSION INSTITUTIONNELLE QUI REPRODUIT


SON CARACTERE STRATEGIQUE

Il importe d’abord d’attirer l’attention sur le concept de « planification


stratégique » dont l’utilisation est de plus en plus courante et qui
consacre une vision reniant à la planification urbaine son caractère

53
stratégique inné. En tant que vision d’avenir, elle a une portée
stratégique certaine dans la mesure où toute projection dans le temps
ne peut être démunie de portée stratégique. C’est donc un pléonasme
qui consacre la prééminence de la force de frappe terminologique sur
le contenu conceptuel de la planification urbaine. Cette qualification
qui s’origine dans une vision économiste de l’urbanisme cherchant à
accentuer les aspects quantitatifs des prévisions urbaines engendre de
graves confusions en matière de conceptualisation et
d’opérationnalisation de ce concept clé de l’urbanisme. Le SDAU n’est-
il pas l’expression de l’aspect stratégique de la planification urbaine ?
L’urbanisme au Maroc se caractérise par la coexistence de structures
administratives et techniques aussi nombreuses que variées. Chaque
passage de la tutelle de l’urbanisme d’un ministère à un autre se traduit
par la création de nouvelles structures qui ne remettent pas en cause
l’existence des précédentes, avec tous les chevauchements que cela
puisse donner. L’ensemble des institutions peine à se positionner et à
se réformer, sans arriver à animer des interactions entre elles et avec
les autres acteurs urbains.
Cette situation est pour beaucoup dans la consécration de la
bureaucratie avec tous les effets d’opacité qu’elle produit et les
difficultés qu’elle engendre pour le commun des mortels. Ce qui inscrit
l’urbanisme dans les rouages bureaucratiques dominants au sein des
l’ensemble des structures de l’Etat. Autrement dit, l’expérience
marocaine postcoloniale est arrivée à faire fonctionner l’urbanisme
comme un simple rouage de l’administration territoriale. C’est là où
réside la faille qui a permis l’introduction du concept de « planification
stratégique ». Même les agences urbaines (et non de l’urbanisme !) qui
ont été conçues comme des outils techniques de la gestion urbaine ont
fini par fonctionner comme n’importe quel autre service administratif.
De ce fait, les spécificités de l’urbanisme ont été noyées et alignées sur
l’ensemble des rouages de la bureaucratie, ce qui a masqué le caractère
stratégique de ces structures spécifiques et de la planification urbaine.
Ainsi, ces structures nécessitent une refonte de leur positionnement et
leur fonctionnement pour permettre à l’urbanisme de retrouver la
portée stratégique qui était la sienne sous la colonisation et qui est pour
beaucoup dans de nombreuses réalisations qui ne pouvaient voir le
jour en dehors de cette portée. Ainsi, contrairement à l’époque
coloniale, la gestion de l’urbanisme est de plus en plus administrative.
En plus, les grands projets (villes nouvelles, stations touristiques,
zones industrielles, marinas…) qui devaient être inscrits dans une
vision stratégique sont de plus en plus confiés à des structures dédiées
ou à des entreprises privés qui ne sont pas sans influence sur le devenir
de ces projets et partant sur la vision stratégique qui est derrière eux.
L’Etat est-il en train de céder sa fonction stratégique ? Répondre par
l’affirmative revient à méconnaître les spécificités de l’Etat marocain

54
qui n’est pas prêt à concéder aucun de ses champs d’intervention que
de manière partielle en vue de préserver son omniprésence. Et c’est là
un aspect stratégique constant de l’Etat marocain qui se répercute
automatiquement sur la planification urbaine.
Le Maroc qui ne cesse de moderniser ses institutions dans presque tous
les domaines tend par la même occasion à renouveler sa vision
stratégique. Ainsi de nombreux domaines ne sont plus aussi
stratégiques que par le passé, et d’autres sont hissés au premier plan
des stratégies de l’Etat. Dans ce sens les champs ayant un rapport direct
avec la sécurité du pays sont passés au premier plan, et l’urbanisme est
toujours considéré comme stratégique dans sa globalité. Ainsi, la
concentration des structures d’intervention publiques en matière de
l’habitat et leur fonctionnement selon les lois du marché constitue un
tournant stratégique puisqu’il a permis à l’Etat de maintenir sa
présence tout en s’insérant dans les nouvelles règles du jeu imposées
par le retour en force du libéralisme. Par conséquent le caractère
stratégique de l’urbanisme ne cesse d’être reproduit.

3 - UNE PORTEE POLITIQUE TOUJOURS PRÉEMINENTE

La planification urbaine constitue le principal vecteur


d’opérationnalisation des choix politiques en matière de fabrication
urbaine. Telle qu’elle a été introduite par l’administration coloniale,
elle « répondait aux ‘’inquiétudes ‘’ des Européens dont le fond reste
politique » (Benzakour, 1983, 62). Cependant, l’«un des aspects
stratégiques de la planification urbaine consacré par le protectorat et
perdu rapidement après l’accession à l’indépendance, réside dans
l’abandon général de la reconstitution des réserves foncières dites
stratégiques ». (Chouiki, 2017, 109) Suite à quoi l’Etat a été obligé de
se repositionner à travers le renforcement de sa position d’arbitre dans
les jeux et les enjeux urbains.
Dans ce sens, le jeune Etat marocain devenu héritier compétent en
urbanisme, après l’accès à l’indépendance, a tenté de renforcer
progressivement sa vocation en matière de planification urbaine. Ce
qui lui a permis de se repositionner au sein « des relations de pouvoir
et d’articulations des rapports entre les différents acteurs ». (Hanzaz,
2016, 3) L’accroissement quantitatif et qualitatif des parties prenantes
concernées par la planification urbaine comme passage obligé d’un
futur qu’elles cherchent à maîtriser n’est pas sans donner une forte
coloration politique aux documents d’urbanisme qui doivent refléter
les compromis recherchés par l’Etat en tant qu’arbitre d’un jeu de plus
en plus serré. Ce qui explique pourquoi le pilotage politique qui reste
globalement en dehors des mains des instances locales élues est

55
renforcé par un portage technique, où les agences urbaines jouent
généralement un rôle moteur. Ce qui explique l’étroite subordination
de ces agences aux représentants du pouvoir central.
Autrement dit, l’urbanisme est toujours prééminent dans le domaine
politique, mais sa position au sein des intérêts de l’Etat a changé.
L’essentiel pour le pouvoir politique est d’arriver à concrétiser le
devenir urbain de manière plus ou moins maîtrisée sur le plan
technique et politique et satisfaisante pour les autres acteurs impliqués
dans la fabrication urbaine. Autrement dit, l’Etat n’arrive pas toujours
à faire tout ce qu’il veut, mais il se contente au moins de la satisfaction
des besoins de ses partenaires, dans le cadre de choix qu’il est le seul à
maîtriser.
Ainsi, la portée politique de l’urbanisme ne réside plus dans la
réalisation de projets politiquement concordants, mais plutôt dans le
maintien des équilibres permettant à l’Etat d’entretenir son rôle de
maître du jeu urbain. Cette autre façon de l’implication stratégique de
l’Etat compte de plus en plus sur le plan politique que celle de l’Etat
urbaniste qui prend en charge la fabrication de la ville dans presque sa
globalité.
Ce changement stratégique dans la politique urbaine a été consacré par
l’expérience marocaine en matière de gestion du retour en force du
libéralisme au début des années 1980, lorsque le Programme de
Réajustement Structurel (PRS) a imposé à l’Etat de se désengager de la
fabrication urbaine. Le Maroc a choisi cette période pour inaugurer un
nouveau mode de planification urbaine qui a permis de concilier le
maintien d’un Etat omniprésent en urbanisme et une urbanisation de
plus en plus libérale. Les SDAU élaborés par M. Pinseau au cours des
années 1980, ont permis le maintien de l’Etat planificateur et
l’ouverture de la ville de façon plus grande à l’initiative privée. Ce
changement dans la stratégie urbaine de l’Etat est à lui seul suffisant
pour prouver que la fin de la planification urbaine est une voie déjà
écartée par le Maroc lorsqu’il était contraint par les bailleurs de fonds
internationaux à opérer un désengagement conséquent.
Ainsi, la planification urbaine est pour l’essentiel assimilée
apparemment par le système bureaucratique marocain comme un outil
de gestion administrative beaucoup plus que de fabrication urbaine.
L’Etat concède la fabrication de la ville au secteur privé tout en
continuant à maîtriser sa vision globale et son mode de fabrication,
comme outils de maîtrise du projet de société. C’est une autre façon de
perpétuer l’omniprésence de l’Etat, qui est beaucoup plus politique que
technique. L’amplification accrue de ses interférences avec la gestion
administrative témoigne de cette nouvelle vocation.
Quelle crédibilité doit-on désormais accorder au discours soutenant
que la planification urbaine a atteint ses limites ? Le retour récurrent
du tiraillement idéologique de la planification entre la recherche de

56
l’ordre politique et de l’ordre urbain opposant planification impérative
et indicative n’arrange pas la situation actuelle de la planification
urbaine dans sa globalité.

4 - UNE IMPLICATION ECONOMIQUE MULTIDIMENSIONNELLE

Il est certain que la planification urbaine est un puissant moyen de mise


en place des structures spatiales nécessaires à la vie économique.
Comme elle fait partie des structures d’animation des activités
économiques. Si jusqu’ici l’Etat a privilégié l’industrie dans le système
de planification urbaine en vigueur, le commerce et les services ont
surtout bénéficié de larges marges de manœuvre à travers les
possibilités offertes à leur intégration au sein de nombreux tissus
urbains.
Les dernières tendances de la planification urbaine ont enrichi la
pratique régulatrice par l’accentuation de la démarche de projet
inhérente à la volonté politique de relancer les investissements. Depuis
les années 1980, l’Etat a multiplié les projets de zones industrielles
pour activer la relance économique d’un grand nombre de villes. C’est
le cas, également actuellement des projets d’aménagement portés par
des structures dédiées et les plans d’aménagement sectoriels... Ainsi,
l’Etat procède à des concessions sans limites, comme si le champ
économique est beaucoup plus stratégique que par le passé.
Dans ce sens, la ville est devenue un grand enjeu du développement
économique, comme le développement économique est devenu un
vecteur de taille du développement urbain. Ce qui dicte à la
planification urbaine de se hisser au rang d’un important vecteur de
développement économique. Elle se doit ainsi de développer des
articulations structurées et performantes entre urbanisation et
promotion économique.
C’est de cette manière que l’urbanisme peut développer des logiques
nouvelles. Les logiques qu’exigent le retour en force du libéralisme et
la montée puissance de la mondialisation.
Au Maroc, où la planification économique est de moins en moins
globale, puisque ce sont les stratégies sectorielles qui sont actuellement
les plus mises en avant, la planification urbaine doit prendre en compte
ces visions sectorielles pour les inscrire de manière globale dans le
devenir de toute ville. Autrement dit, la vision stratégique à caractère
économique revient à chaque ville qui pour être compétitive se doit
d’abord d’être une planification économique performante.
Pour être performante chaque ville doit avoir une vision stratégique à
travers sa propre promotion en tant que pôle économique, espace de
production et de consommation, un milieu d’affaires, une production
urbaine économiquement et socialement performante, une mise à

57
niveau ascendante… En somme la planification urbaine doit désormais
permettre à chaque ville de répondre de manière spécifique et adéquate
aux nouvelles exigences des stratégies sectorielles, de la mondialisation
et de la compétitivité territoriale.
Ainsi, la planification urbaine où la promotion économique n’a pas
jusqu’ici bénéficié de tout l’intérêt qu’elle mérite, se doit désormais de
renforcer son caractère stratégique en développant l’intégration entre
l’urbanisme et l’économie. Ce qui est à même de renforcer sa crédibilité
et d’accentuer ses performances. Et c’est de cette manière qu’elle
gagnerait en efficacité pratique et en pertinence stratégique.

5 – DES EXIGENCES SOCIALES QUI NE PEUVENT PLUS


CONTINUER A ETRE IGNORÉES

La planification urbaine sert de moyen de gestion des structures


d’accueil de la société urbaine actuelle, et du projet de société de
demain dans sa globalité. Ce qui fait d’elle un moyen de régulation du
présent et de préparation de l’avenir urbain. (Chouiki, 2017 b, 73) Son
rôle sur le plan social concerne également les processus
d'appropriation de la ville par la société, en tant que cadre de
socialisation et d’expérimentation des innovations urbaines et leurs
impacts sur la société en tant que structures et comme rapports
socioculturels. Autrement dit, elle est d’une grande importance dans
le façonnement de la ville en tant que contexte culturel et
d’enrichissement de la civilisation de tout le pays. Il n’est pas
nécessaire de souligner ici, que rien ne peut se faire à ces niveaux sans
réflexion stratégique, programmation et régulation préalables.
Les évolutions récentes de l’urbanisme et de l’urbanité ne peuvent
prendre forme et effet qu’en étant méditées et maîtrisées. De même que
les aménagements à visées sociales permettent, réinventent et
modèlent l'espace urbain, à travers les injections de populations dans
des milieux naturels et sociaux adaptés à la structuration de la société
actuelle et en devenir. Et la planification urbaine constitue ainsi un
passage obligé stratégique.
Actuellement, si la planification urbaine doit composer avec l’évolution
des mécanismes du marché, elle doit également et certainement
composer avec la demande sociale. La prééminence de l’économique
sur le social ne peut être totale et totalitaire. Toute marginalisation des
aspects sociaux risque de porter atteinte aux équilibres en place qui
sont aussi importants que les équilibres politiques et économiques.
Si le développement économique constitue un critère grandement
utilisé dans la classification internationale des pays, les dimensions
sociales ne sont pas des moindres dans les hiérarchies établies. Il est
même exigé de faire du social un facteur de taille pour soupeser

58
l’importance du développement économique. Dans ce sens, la Chine
qui a accédé, tout récemment au rang de la deuxième puissance
économique du monde est toujours classée parmi les « pays en voie de
développement » en raison de ses conditions sociales.
Ainsi, tout développement économique qui n’est pas sous-tendu par
l’amélioration de ses retombées sociales, n’en est pas un. Autrement
dit, toute rupture en urbanisme avec l’environnement social est pleine
de risques de toutes natures. La planification urbaine a ainsi pour
mission stratégique d’associer le développement urbain à un autre sur
le plan social, sinon elle aurait ratée en partie sa vocation, en la
réduisant à ses seules dimensions matérielles. Et c’est là l’un des plus
grands problèmes du Maroc d’aujourd’hui et de l’ensemble des pays du
Sud.

6 – DES ASPECTS CULTURELS DE PLUS EN PLUS PESANTS

Les aspects culturels visés ici se répartissent entre deux niveaux. Le


premier est celui de la culture spécifique à la réalité urbaine traitée. Le
deuxième est celui de la culture guidant le travail en matière de
planification urbaine. Autrement dit, une culture locale comme partie
prenante de la réalité urbaine et une culture professionnelle agissant
sur le traitement de la réalité urbaine.
L’interpellation de la culture en matière de planification urbaine est à
même de mettre en évidence l’efficacité de l'effort collectif, comme
moyen d’intégration de l’environnement humain dominant dans le
façonnement de contextes urbains assimilant et assimilés. Comme elle
constitue également un autre niveau de la concertation très en vogue
en urbanisme, actuellement.
La prise en compte de la dimension culturelle amène à faire évoluer le
processus d'élaboration des documents de planification urbaine de la
démarche de la vision du plan à celle du contexte du plan. C’est la vision
culturelle qui supporte le plan et non l’inverse. Une nouvelle culture
professionnelle est en cours d’émergence au Maroc. C’est le cas des
cultures inhérentes aux pratiques propres à l’informatique, la
participation, le marketing, l’intelligence urbaine ... qui introduisent de
nouvelles dimensions du traitement des aspects culturels de la ville, qui
ne sont plus perçus uniquement à travers la culture dominante, mais à
travers de nouvelles visions culturelles professionnelles du substrat
culturel local. L’ouverture de la ville marocaine à l’internationale qui
s’est traduite par un élargissement du champ culturel de manière
virtuelle, a nettement contribué au surdimensionnement des aspects
culturels de la ville, surtout que la mondialisation a transformé les
rapports des hommes à l’espace.

59
La vision culturelle a ainsi beaucoup évolué. Ce qui implique d’accorder
une place plus grande aux autres modes de réflexion et d’expression
graphiques, non pas en tant qu’outils d’illustration des discours mais
comme modes de cristallisation de projets urbanistiques, beaucoup
plus adaptés à la vision stratégique que les outils de spatialisation.
Ainsi, l'espace en tant que mémoire collective sert de moyen de
façonnement d’identités culturelles plus nuancées qu’homogènes, en
fonction de ses colorations sociales. Ce qui se traduit par une
amplification constante des dimensions culturelles de l’urbain, qui est
par essence un fait culturel.
Par conséquent, le caractère stratégique de la planification urbaine
dicte de redonner à la culture son rôle d’enjeu majeur pour toute ville
et pour la planification urbaine. C’est la marginalisation de la culture
qui a donné au Maroc des villes à valeur amoindrie sur tous les plans.
Il est certain que la modernisation et la transformation des villes
marocaines n’est pas démunie de dimensions culturelles. Mais, en
étant porteuse de visée uniformisée, la ville n’est pas toujours traduite
en images appropriées.
La culture a pour principale caractéristique de respecter l’histoire et la
spécificité de chaque ville. Et c’est la vision de la culture qui permet
aux villes du monde occidental de résister à la concurrence acharnée
dans un environnement néolibéral uniformisant de manière
déchaînée. C’est ce respect de la culture, en tant qu’ensemble
d’activités partagées par une population qui fait de la ville un lieu
d’échanges culturels intenses et d’animations attractives. En parallèle,
ces villes investissent et s’investissent dans la promotion de nouvelles
cultures mondialisées. C’est cet investissement sur le long terme qui
affirme le rôle de la culture dans la fabrication de la ville, et consacre
son caractère stratégique comme cadre de vie complet. Autrement dit,
les bénéfices de la culture pour la ville ne se comptent plus, puisque aux
héritages de l’histoire s’ajoutent les apports de la mondialisation.
En somme, la culture qui est depuis toujours une forte composante de
la ville, et qui implique à travailler avec les habitants, permet de
façonner l’identité de chaque ville, favorise son appropriation par sa
population, consacre l’ancrage de chaque ville au sein de son territoire,
et contribue au développement de l’esprit citoyen. De sa part, la ville
contribue par ses équipements collectifs à la démocratisation de la
culture. Le tout consacre le caractère stratégique de l’intégration de la
culture à la fabrication et à la gestion des villes. De ce fait, pour
consacrer son caractère stratégique la planification urbaine au Maroc
se doit de consolider son association au système de valeurs culturelles
prépondérant au sein de la société, et notamment sur le plan local.

60
7 – LES EXIGENCES DU TEMPS DES INCERTITUDES

Les différentes formes de l’évolution récente de la planification urbaine


révèlent que cette dernière traverse une période d’incertitude qui exige
une réflexion approfondie et débouchant nécessairement sur des choix
adéquats qui ne peuvent être que stratégiques. L’existence de
discordances accrues entre d’une part, l’encadrement politique et
juridique et d’autre part la pratique urbanistique avec tous les
dysfonctionnements qui en résultent, exige une refonte de ce système
conformément à la vision stratégique qui est celle d’une conjoncture
qui fait planer l’incertitude sur la question urbaine dans sa globalité.
Est-ce un virage vers la consécration de la crise ?
Les incertitudes en question concernent à la fois les aspects théoriques
et pratiques du système de planification et ne cessent de s’amplifier à
travers des discours tendant à remettre tout en question.
Théoriquement, les incertitudes sont inhérentes au temps qui est fait
de conjonctures différenciées et pas toujours prévisibles. Ainsi,
l’incertitude est un produit du temps. En plus, la ville est une réalité
qui bouge beaucoup plus que son système d’encadrement qui n’arrive
pas toujours à suivre les dynamiques en place et a recourt assez souvent
à de simples réactions de rattrapage ou même de colmatage partiel. La
vision prééminente au Maroc qui fait des incertitudes de la réalité
urbaine une simple question de retards pouvant être rattrapés d’une
manière ou d’une autre, se focalise sur les seules apparences de cette
réalité et néglige les interférences sous-jacentes aux dynamiques en
cours. Si le Maroc bouge, il le fait certainement d’une manière globale.
Autrement dit, les incertitudes de la ville marocaine ne peuvent être
ramenées à leurs seuls aspects matériels. Si les incertitudes comportent
partiellement des risques, elles expriment d’une manière plus certaine
un état de crise. Pour ce, la question de l’urbanisme dans sa globalité
doit faire l’objet d’une réévaluation débouchant nécessairement sur
une nouvelle vision globale et mieux réfléchie dans une perspective
stratégique.
Il y a crise, parce qu’il y a un nouveau défi pour la planification urbaine
ainsi que pour l’inscription de l’urbanisme dans une perspective
stratégique. Les incertitudes en présence qui se sont accrues en
rapport avec la consécration de la conjoncture libérale, n’ont fait
jusqu’ici qu’accentuer la complexification de la fabrication urbaine, à
travers leurs impacts négatifs sur les processus de conception et de
matérialisation des espaces urbains. Ce qui est à même de multiplier
les risques de dérive et de provoquer une crise des modèles de
référence. L’émergence d’interventions improvisées dans une ville
planifiée constitue déjà un facteur d’accroissement de la complexité des
situations urbaines. Ce qui se traduit par une ville évoluant à vitesse

61
plurielle. De même que les incertitudes ont engendré des situations
favorables à l’accroissement des inégalités et des disparités. Par
conséquent, les incertitudes s’imposent en tant que source de
problèmes pour les professionnels. Ce qui incite certains d’entre eux à
penser déjà à une refonte des cultures et des pratiques professionnelles
loin des légitimités consacrées. La croyance en une crise de la pensée
urbaine fait son chemin. Face à un devenir incertain, nombreux sont
ceux qui s’activent déjà à la recherche de nouveaux modèles urbains.
Cette situation fait que les incertitudes de la planification urbaines ont
acquis un caractère politique, non seulement à travers la recherche de
positionnements plus politiques pour des problèmes théoriques et
techniques, mais aussi par le fait que la position de l’Etat n’est plus
centrale. Ce qui mène déjà vers d’autres façons de politiser l’acte de
planifier. Autrement dit, aux incertitudes d’ordre conceptuel et
techniques s’ajoutent d’autres à caractère politique, institutionnel, et
économique. De ce fait, le flou urbain tend à se généraliser. Tout ce qu’il
faut pour faire sortir l’incertitude de sa situation conjoncturelle et lui
donner un caractère structurel.
Ainsi, la situation actuelle est une occasion non pas pour intégrer
l’incertitude dans la planification urbaine, comme le pensent ceux qui
cherchent à inclure la dérogation dans le système de régulation
urbaine, mais pour entamer un nouveau processus de conception de
modèles adaptatifs. Dans ce sens, le Maroc qui n’a pas connu le
keynésianisme à l’instar de l’Europe de l’après seconde guerre
mondiale, n’a pas manqué malgré tout de faire l’expérience de
l’efficacité des pouvoirs publics et de leur légitimité à agir au nom de
l’intérêt général. La montée des incertitudes, qui tend à consacrer une
vision fragmentée de la réalité urbaine, la fin de la prévisibilité du futur,
et le remplacement du déterminisme politique par un déterminisme
technique et administratif dictent l’adoption d’une vision technique et
moins stratégique, focalisée essentiellement sur l’atténuation des effets
des incertitudes.

8 – DES ENJEUX GLOBAUX DE PLUS EN PLUS PESANTS

La planification urbaine au Maroc est devenue une pratique routinière


où les procédures comptent beaucoup plus que les principes et les
résultats. La preuve est que les taux des réalisations prévues sont
toujours en deçà des faits accomplis. Mais malgré le cumul des échecs,
elle reste indispensable rien que comme passage incontournable au
moins pour les rouages bureaucratiques de la gestion urbaine. Elle est
également nécessaire dans une situation où « la relation dialectique
entre un pouvoir central concepteur de la planification urbaine et un

62
pouvoir local supposé la mettre en œuvre engendre des conflits
d’intérêts. » (Hanzaz, 2016, 3)
Cependant, cette pratique routinière et cette exigence bureaucratique,
font qu’elle se doit d’être traitée comme un des multiples outils
stratégiques s’activant en matière de développement urbain. Elle doit
ainsi apporter une contribution favorisant l’intégration nécessaire à
l’entretien des rapports d’harmonie et de complémentarité entre les
différentes autres stratégies.
Les objectifs de la planification stratégique, l’intégration d'un nombre
d'acteurs accru et la coordination d'un large ensemble de politiques
publiques à plusieurs échelles entraînent, par conséquent une
extension de la planification en direction des champs politique,
institutionnel, économique, et culturel, pour des raisons de divers
ordres :
- En tant que défi majeur pour l’ensemble du Maroc, le processus
d’urbanisation ne peut se passer de la politique de régulation de la
fabrication urbaine. Autrement dit, soumettre cette production à la
logique du marché ne doit pas se traduire par la fin de tout système de
référence, de régulation et d’encadrement ;
- Les risques et les enjeux de la mondialisation ne doivent faire oublier
que l’urbanisation du Maroc ne doit pas se traduire par la négation de
sa personnalité culturelle et la valeur connue et reconnue de son
patrimoine urbain. Ce qui dicte impérativement des mécanismes de
régulation et de référencement ;
- Le perfectionnement du système de planification urbaine en place ne
doit plus se focaliser sur la seule recherche des solutions à caractère
quantitatif, et les besoins du pays en logement ne sont pas une simple
question quantitative. Et ce n’est qu’à travers un système de
supervision et de régulation que l’équilibre peut être sauvegardé ;
- La ville en tant que système complexe et multifonctionnel doit faire
l’objet, non pas d’une intervention publique fragmentée, mais
certainement cohérente, coordonnée, équilibrée, s'inscrivant dans une
continuité spatiale et fonctionnelle et permettant une harmonisation à
différents niveaux de tous les aspects de la ville.
Autrement dit, l’intégration territoriale et structurelle doit constituer
un objectif globalisé et non fragmenté et dilué, qui ne peut être atteint
en dehors d’un système de planification urbaine.
La prise en compte de toutes ces dimensions de la planification urbaine
permet de soutenir, que la revendication d’un rôle plus consistant pour
les collectivités locales ne donne pas à ces structures la vocation à se
substituer à l’Etat qui a toutes les compétences à continuer à assurer
ses fonctions en urbanisme, du moins en partie. Rien que l'activité
normative de l'Etat est à même de faire évoluer l'action de toutes les
structures publiques et d’activer les tendances à s’inscrire dans une

63
culture commune, dans la mesure où la diversité des pratiques et des
cultures locales n'est pas des moindres.

9 – EST-CE LA FIN DE L’ETAT URBANISTE ?

Poser cette question à la fin de ce chapitre consacré à la dimension


stratégique de l’urbanisme, ne veut aucunement dire que la
planification urbaine tend vers le même sort que celui de la
planification économique. Il s’agit bien au contraire d’éviter tout
parallélisme entre deux domaines servant certainement les mêmes
objectifs et intérêts, mais selon des logiques spécifiques et différentes.
Si le retour en force du libéralisme au début des années 1980 a accéléré
le désengagement de l’Etat du domaine économique, notamment en
matière de planification, sans toutefois mettre terme à son intervention
économique directe, pour l’urbanisme le désengagement de l’Etat s’est
traduit par l’octroi d’un rôle plus grand au secteur privé dans la
fabrication urbaine. La dérogation que certains ont prise pour un
prélude à la déplanification n’est faite que pour la facilitation de
l’initiative privée sans lui adjuger l’exclusivité dans un domaine aussi
stratégique que l’urbanisme. Le désengagement de l’Etat peut à la
limite aller plus loin en introduisant beaucoup plus de souplesse, mais
sans toutefois imaginer un retrait aussi partiel soit-il. Au moment où
la France, par exemple, connait un grand retour au SDAU, depuis les
années 1990, au Maroc on n’a pas cherché du tout à déplanifier la
fabrication urbaine. Si la dérogation a été introduite comme solution à
certains dysfonctionnements, elle n’a jamais été conçue comme
alternative à la planification qui conserve politiquement,
économiquement et socialement son intégration au système politique
en place. Dans ce sens, il importe de souligner que la soumission de
l’urbanisme à l’ordre économique ne peut en aucun cas mener vers
l’abandon de la planification urbaine.
L’Etat qui a été obligé de faire quelques pas en arrière ne s’est jamais
désengagé de la fabrication urbaine, et ne le fera certainement pas à
l’avenir, rien que pour pérenniser un droit de regard qui compte
beaucoup dans le devenir global du pays. Les techniques de
l’intervention publique seront certainement amenées à évoluer et à se
réadapter aux exigences de l’évolution de la conjoncture, sans toutefois
aller jusqu’à la déplanification, surtout que l’urbanisme offre à l’Etat
des occasions inestimables pour intervenir dans le maintien des
macros et micros équilibres à toutes les échelles du pays. La dérogation
n’est-elle pas une de ces formes d’intervention ?
La montée en puissance des promoteurs privés dans la fabrication
urbaine, y compris dans les villes nouvelles initiées par l’Etat,
constitue – t – elle le signe d’une nouvelle forme de concession

64
urbaine, accordant au secteur privée un rôle croissant en matière
de conception et de production des territoires urbains ?
Si oui, le rôle que joue l’Etat en matière de confection des
mégaprojets urbains, et de configuration future du phénomène
urbain, relève - t - il d’une nouvelle forme de subordination de l’Etat
aux intérêts du capital ?
Cependant, malgré l’accentuation du caractère économique de la
fabrication urbaine, cette dernière conserve sa vocation stratégique
et sa portée sécuritaire pour être concédée totalement ou en grande
partie aux promoteurs privés.
L’évolution en cours se fait sous le signe de l’association entre
secteur public et secteur privé, tout en permettant à l’Etat de
préserver son rôle de maître du jeu.

10 – VERS UN RENOUVEAU DE LA PLANIFICATION URBAINE ?

Le champ de l’urbanisme et ses méthodes opérationnelles ont


certainement évolué, malgré la stagnation qui caractérise son
encadrement juridique. Ce qui a posé les premiers jalons de nouvelles
approches, à l’échelle verticale et horizontale, et des prémices d’une
nouvelle culture de l’urbanisme bien portée sur les techniques de
modélisation et de management, en cohérence avec l’évolution de la
question de la gouvernance. Les nouvelles approches se doivent ainsi
de créer les conditions nécessaires au développement de la créativité
en vue de suivre l’évolution des besoins urbains et des nouvelles mises
en scène des villes qu’exigent la mondialisation du mode de vie et
l’universalisation des aspirations humaines. Autrement dit, l’évolution
de la planification urbaine se doit désormais de s’inscrire dans les
dynamiques du futur, qui se focalisent essentiellement sur
l’amélioration de la qualité urbaine. Comme elle se doit d’intégrer
l’arsenal de renforcement des forces de résistance à la montée en
puissance de la compétitivité urbaine qui va en s’amplifiant à toutes les
échelles et qui impose à chaque ville de toujours essayer de conquérir
de nouvelles positions d’avant-garde. Ce qui exige de doter chaque ville
d’une vision claire et équilibrée de son devenir. Ainsi, la planification
urbaine est une exigence non seulement de la ville en elle-même et pour
elle-même, mais avant tout en tant que structure de base permettant
au système économique en place d’accroître ses performances et
d’inscrire son extension dans la durée.
Ceux qui croient que le libéralisme économique est une affaire de
liberté totale d’entreprendre courent derrière le seul profit immédiat
en dehors de toute vision globale de l’avenir. Ce n’est pas par hasard
que la France qui constitue toujours pour le Maroc une source

65
d’inspiration en urbanisme maintient-elle la planification urbaine
comme mode d’urbanisation.
Au Maroc, il n’est pas actuellement question de remettre en cause le
système de planification en vigueur, mais plutôt de le soumettre à des
réformes pour lui permettre d’entamer une phase de renouveau à
même d’accroître ses performances et de lui redonner la vigueur
qu’exige sa réadaptation aux nouvelles exigences de la ville marocaine
et de la conjoncture qui est celle du Maroc actuel. Les réformes qui
s’imposent doivent concerner, à la fois, les aspects juridiques,
réglementaires, institutionnels et méthodologiques.

Conclusion

Au terme de ce chapitre à caractère stratégique, il importe de rappeler


qu’il est de plus en plus nécessaire de réfléchir pour produire et gérer
la ville. Ce qui fait de la planification urbaine le point focal de
l’association de la réflexion à l’action. Cependant, la réflexion exigée se
doit d’avoir une portée stratégique, dans la mesure où c’est de l’avenir
pensé et encadré qu’il est question en matière de planification urbaine.
L’urbanisme moderne tel qu’il a été introduit par l’administration
coloniale avait un caractère stratégique très accentué, qui est en train
de perdre du terrain. C’est encore le cas, dans les provinces sahariennes
du Sud où la dimension stratégique est plus affichée, comme si, ce sont
les soucis politiques qui mettent en avant ce caractère stratégique, en
rapport avec la défense de l’intégrité territoriale du pays. Cependant,
l’urbanisme qui prend en charge tout le devenir du pays a vocation à
préserver son caractère stratégique. Les menaces qui pèsent sur le
devenir du pays sont aussi importantes que l’intégrité territoriale.

Bibliographie sélective

- BAILLY AS. Et al : Stratégies spatiales. Comprendre et maîtriser l’espace,


Pub. Reclus, Montpellier, 1995, 216 p.
- BENZAKOUR S. (1983) Casablanca ou le mythe urbain, in Actes du
colloque de Casablanca, FLSH, Casablanca, pp. 39-73
- CHOUIKI M. (2012) Le Maroc face au défi urbain. Quelle politique de la
ville ? Ed. Dar Attaouhidi, Rabat, 150 p.
- CHOUIKI M. (2013) Ville et changement au Maroc, Quel changement
véhicule la ville marocaine ? Pub. INAU, Rabat, 200 p.
- CHOUIKI M. (2017) (a) Un siècle d’urbanisme. Le devenir de la ville
marocaine, Pub. L’Harmattan, Paris, 250 p.
- CHOUIKI M. (2017) (b) L’urbanisme en question. Problématiques
conceptuelles, Pub, INAU, Rabat, 112 p.

66
- CHOUIKI M. (2017) La gouvernance urbaine au prisme de la
planification urbaine, in International Journal of Spaces and Urban
Territory, Tunis, n° 3, 2017, pp. 55-72
- GAUDIN J-P. (1997), Les nouvelles politiques urbaines, Presses
Universitaires de France, Paris

Mustapha CHOUIKI

OUTILS ET
DEUXIEME PARTIE :
MECANISMES DE LA PLANIFICATION
URBAINE

67
68
CHAPITRE 5 : PLANIFICATION URBAINE ET
REGLEMENTATION DU CADRE BATI

Les paysages urbains et architecturaux offerts par nos villes ne sont pas
seulement l’émanation de la création des urbanistes, des architectes,
architecte-paysagistes, des systèmes de construction immobilière et
des interventions des différents acteurs dans la production de l’espace.
Les instruments de la planification urbaine et les outils d’urbanisme
opérationnel sont pour beaucoup dans la configuration de la
morphologie urbaine consacrant l’urbanisme d’alignement et de
zonage dans l’ensemble des territoires marocains de manière
identique, répétitive et monotone laissant peu de marge aux
spécificités locales, aux caractéristiques des sites et aux modes de vie
des habitants. Depuis la promulgation de la loi de 1914, le cadre
référentiel en matière d’urbanisme reposant sur les principes
d’alignement et de zonage ne laisse plus la place à toute autre forme
d’urbanisme et de création architecturale y compris l’urbanisme
communautaire organique et introverti découlant des fondements
culturels traditionnels et des spécificités des sites magnifiquement
illustré par le patrimoine bâti au Maroc composé de médinas, ksour et
kasbahs. La généralisation de la maison marocaine moderne et la
domination du paysage de l’habitat économique qui en découle et qui
ont investi tous les milieux indépendamment de leurs caractéristiques
physiques, morphologiques, sociologiques constitue un illustre
exemple de l’uniformisation de la production urbanistique et
architecturale, incombant au système de planification urbaine en
place.
Dans le présent essai, il s’agit de mettre la lumière sur les principaux
outils de planification urbaine et sur les éléments déterminants de la
règlementation de la production de l’espace qui participent à la
configuration du cadre bâti urbain au Maroc.
1 - LA RÉGLEMENTATION DÉCOULANT DE LA PLANIFICATION
URBAINE.

La planification urbaine au Maroc repose sur un système hiérarchisé


de documents d’urbanisme instaurés par la loi 12/90 relative à
l’urbanisme et composé de 4 documents à savoir le SDAU, le plan de
zonage, le plan d’aménagement et l’arrêté d’alignement. Les
agglomérations rurales non couvertes par les SDAU et situés en dehors
des zones périphériques des municipalités et centres délimités sont
concernées par les plans de développement des agglomérations

69
rurales instauré par le Dahir de 1960 relatif au développement des
agglomérations rurales. Nous nous contentons dans ce qui suit de se
limiter au SDAU et plan d’aménagement vu leur impact décisif sur la
réglementation du sol et la maitrise de la production du cadre bâti
urbain. Le plan de zonage n’est qu’un document intermédiaire de
courte durée faiblement instrumentalisé et qui constitue une mesure
transitoire et conservatoire entre l’homologation d’un SDAU et
l’établissement d’un plan d’aménagement. Aussi, l’arrêté d’alignement
ne concerne que l’ouverture des voies publiques et qui sont souvent
prévues par les plans d’aménagement.
1 – 1 Le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain (SDAU)
Le SDAU est un outil de planification urbaine prévisionnel qui définit,
pour une période ne dépassant pas 25 ans, les grandes orientations du
développement urbain des agglomérations urbains et leurs zones
d’influence directes. Le SDAU comprend une programmation globale du
développement urbain destinée à orienter et à coordonner les
programmes d’actions de l’Etat, des collectivités locales et des
établissements publics.
Le SDAU constitue un référentiel pour l’établissement des plans
d’aménagement et des plans de zonage des divers secteurs de l’aire
couverte par le SDAU. De ce fait, le SDAU à travers ses options
d’aménagement qui sont traduites et précisées par le Plan
d’Aménagement (PA), requiert une importance non négligeable dans
la conception et la production des normes et prescriptions
réglementaires d’application obligatoire en matière de production du
cadre bâti.
1-2 Le Plan d’Aménagement
Le Plan d’Aménagement est un outil d’urbanisme réglementaire qui
régule l’utilisation du sol des territoires qu’il couvre. C’est un
instrument composé d’un plan graphique et d’un règlement
d’aménagement qui transforme les orientations du SDAU, lorsque
celui-ci existe, en prescriptions légales en matière utilisation et de
conception architectural et urbanistique des espaces et constructions
à réaliser.
L’impact du PA dans le façonnage, la configuration et l’utilisation du
cadre bâti apparait dans son importance en tant qu’outil réglementaire
dans la chaine de production des règles et prescriptions se rapportant
à la réglementation de la construction et son utilisation.
L’ampleur de cette importance se manifeste avec acuité dans les
éléments constitutifs de l’objet du plan d’aménagement précisés par

70
l’article 19 de la loi 12/90 relative à l’urbanisme dont on cite ici
uniquement les éléments déterminants en matière de la conception
urbanistique et architecturale du cadre bâti :
- L'affectation des différentes zones suivant l'usage principal qui doit
en être fait ou la nature des activités dominantes qui peuvent y être
exercées telles que zone d'habitat, zone industrielle, zone
commerciale, zone touristique, zone maraîchère, zone agricole et zone
forestière ;
- Les règles d'utilisation des sols et les règles applicables à la
construction, notamment les hauteurs minima et maxima du bâtiment
et de chacune des parties, le mode de clôture, les conditions
d'implantation et d'orientation des immeubles, les parkings couverts
ou non, les distances des bâtiments entre eux, le rapport entre la
surface constructible et la surface totale du terrain, les servitudes
architecturales ;
- Les limites de la voirie (voies, places, parkings) à conserver, à
modifier ou à créer ;
- Les quartiers, monuments, sites historiques ou archéologiques, sites
et zones naturelles telles que zones vertes publiques ou privées à
protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d'ordre esthétique,
historique, culturel, et éventuellement les règles qui leur sont
applicables ;
- Les servitudes établies dans l'intérêt de l'hygiène, de la circulation,
de l'esthétique, de la sécurité et de la salubrité publique et
éventuellement les servitudes découlant de législations particulières ;
- Les zones dont l’aménagement fait l’objet d’un régime juridique
particulier.
Le plan d’aménagement est composé de deux documents3
indissociables :
- un ou plusieurs documents graphiques : usuellement
c’est un plan à l’échelle 1/2000 ou définissant par un graphisme
approprié les limites des voies d’aménagement existants et à
créer, les limites de zonage, les limites des équipements publics
et privés d’intérêt général existants et projetés et les limites des
espaces grevés par les différentes servitudes imposées par le
plan d’aménagement… Les documents graphiques à travers
l’implantation, la répartition et la localisation de ces différents
éléments précités, traduit la structuration fonctionnelle et
urbanistique de l’espace aménagé couvert par le plan
d’aménagement.

3
Article 20 de la loi 12/90 relative à l’Urbanisme

71
- un règlement d’aménagement, c’est un document écrit
définissant les règles d'utilisation du sol, les servitudes et autres
obligations imposées en vue de la réalisation d'un
aménagement ordonné et cohérent ainsi que les règles de
construction applicables à la zone concernée.
Ainsi, le contenu des différentes utilisations du sol arrêtées par le plan
graphique est précisé et explicité par les dispositions réglementaires
écrites du règlement d’aménagement qui traduit et concrétise l’objet
du plan d’aménagement tel qu’il est précisé par l’article 19 de la loi
12/90 dont les six éléments énumérés ci-haut constitue le contenu
principal d’un plan d’aménagement.
De ce qui précède apparait l’importance du règlement d’aménagement
des PA dans le façonnage et le remodelage des tissus urbains et dans
le conditionnement de la création urbanistique et architecturale.
1 – 3 Le règlement d’aménagement des PA
Monotonie, répétitivité, absence de cachet urbanistique et
architectural local ou régional spécifique, faible créativité
architecturale, paysage urbain banalisé, conception architecturale
dénuée de fondements socioculturels, sont parmi les qualificatifs de la
production urbanistique et architecturale qui caractérise le paysage
urbain et l’aspect monographique d’une grande partie du cadre bâti de
la plupart des villes Marocaines. Les règlements des plans
d’aménagement qui constituent la part la plus importante de la
plateforme référentielle en matière de gestion urbaine sont d’un
impact décisif dans le façonnage du cadre bâti et du paysage urbain au
Maroc.
- Contenu d’un règlement d’aménagement
Les règlements d’aménagement précisent et détaillent la
réglementation du sol qui accompagne les plans graphiques à l’échelle
1/2000éme des plans d’aménagement. Ils sont établis conformément
aux prescriptions de l’article 19 de la loi 12/90 et par conséquent
définissent et précisent ce qui suit :
- la délimitation de l’aire d’aménagement,
- les dispositions générales concernant les diverses servitudes
applicables au zoning, à la voirie et aux équipements,
- les règles en matière de construction applicables à chaque zoning
prévu par le PA, concernent la définition du zonage, les utilisations
permises et interdites, les possibilités maximales et minimales
d’utilisation du sol relatives aux hauteurs des constructions, la
superficie des parcelles privatives à créer, et le coefficient d’occupation

72
du sol (COS)4. Comme il précise le coefficient d’utilisation du sol ou
d’emprise au sol (CES)5 et les reculs des constructions par rapport à
l’emprise de la voie publique et par rapport aux limites latérales et du
fond de la parcelle.
- les servitudes applicables à la construction et au lotissement en
matière de parking, de plantation, d’arbres et espaces verts ;
-les règles et servitudes architecturales applicables à la
construction telles que : portique, encorbellement hauteur sous
plafond, possibilité d’accès ou non à la terrasse, la hauteur des
escaliers et des parapets, dimension des ouvertures etc. ;
- la largeur des emprises des voies carrossables et voies piétonnes,
- les règles de prospect
- la longueur des bandes formées par les ilots de lots à construire en
continuité bâtie …
- la codification, l’affectation et la superficie des équipements publics
et privés d’intérêt général existants et prévus par le PA ;
- les servitudes architecturales diverses à imposer (aspect de façades,
hauteur sous plafonds, matériaux de construction et de ravalement
des façades…).
L’ensemble de ces règles prescrites par les règlements d’aménagement
élaborés souvent après l’établissent du plan graphique, arrêtent de
manière précise, rigide et ne laissant aucun espace d’interprétation,
d’utilisation des constructions, la densité et la volumétrie du cadre
bâti, l’allure et la configuration des constructions… et par conséquent
sont perçues par les constructeurs architectes et par les propriétaires
terriens ou promoteurs comme un frein limitant leurs capacités de
création ou de construction.
- L’impact des règlements d’aménagement
Les règles énumérées précédemment édictées par les règlements
d’aménagement ont des conséquences diverses sur la configuration et
la morphologie du cadre bâti. Les impacts les plus en vue sont relatés
dans ce qui suit.
x Densité urbaine et silhouette du cadre bâti
Les règles d’utilisation du sol imposées par les règlements
d’aménagement permettent d’arrêter la densité maximale en termes
de surface de plancher construite et par conséquent la capacité
maximale de zoning proposé, en termes de logements et de surfaces
construites réservées aux activités et aux emplois de différentes
natures. Ainsi, le règlement d’aménagement assure, par la
réglementation du sol en zonage, la ventilation et la répartition des

4
COS : Cumul des planchers à construire divisé par la superficie de la parcelle privative
5
CES : Surface au sol de la construction divisée par la superficie de la parcelle privative

73
habitants et des activités dans l’aire d’aménagement couvert par un
plan d’aménagement (zoning de différentes catégories
d’habitat, zoning de différents types d’activités, la programmation et
la répartition spatiale des équipements et la structuration de l’espace
par la voirie). Les règlements d’aménagement par leur répartition des
règles de constructions en secteurs ou zones consacrent l’urbanisme
de zonage, la ségrégation socio-spatiale, et la séparation entre les
différentes fonctions de la ville.
Cette répartition spatio-fonctionnelle imposée par les règlements
d’aménagement induit des paysages et des silhouettes urbaines
différentiés du cadre bâti au gré des types de zonages prévus par le
plan d’aménagement.
x Uniformité et diversité des formes urbaines
Au sein d’un zonage, les règles prescrites par le règlement
d’aménagement qui doivent être appliquées de la même manière pour
tous, conduisent à l’uniformité du cadre bâti dans chaque secteur
défini par le plan d’aménagement.
Ainsi, la silhouette basse de la plus part de nos villes et la faible
diversité des tissues qui les composent trouvent leur explication dans
l’impact des typologies de zonages décrétés par les plans
d’aménagements et les règles prescrites par leurs règlements.
La généralisation de l’habitat économique et la banalisation de la
forme de la maison marocaine moderne est le résultat du manque de
diversité et de créativité dans la conception des règlements
d’aménagement qui laissent peu de choix et de manœuvres aux
architectes dans la conception urbanistique des lotissements et dans
la conception architecturale des constructions. Cette contrainte
imposée à la créativité par les règlements d’aménagement est
amplifiée par l’objectif de rentabilité foncière imposé aux concepteurs
par les promoteurs immobiliers, les propriétaires terriens et les
constructeurs incitant à l’exploitation maximale des possibilités
d’utilisation du sol réglementée par le Plan d’Aménagement. Ainsi,
tous les lotissements s’alignent dans leurs conceptions au minimum
parcellaire, à la hauteur maximale et au nombre d’étages permis par le
règlement d’aménagement.
Par ailleurs, en plus de l’impact des règlements d’aménagement et
d’autres règlements spécifiques, la marge élargie d'appréciation de
l’administration en termes esthétique, lors de l’instruction des projets
de construction dans le cadre des commissions de voirie, est souvent
considérée par les concepteurs comme facteur qui participe à brider la
création architecturale et à favoriser l’uniformisation des

74
constructions. Force est de constater que la fréquente banalité de
l’habitat économique et social qui compose la plus importante partie
du cadre bâti des villes marocaines, s’explique en grande partie par
l'attitude de la recherche d'économies dans la construction et par
l’impact uniformisateur des règlements d’aménagement.
Face à ce constat qui porte atteinte à l’image des villes, les pouvoirs
publics ont consenti plusieurs efforts qui visent à l’amélioration de
l’image des villes et au rehaussement de la qualité du cadre bâti. Parmi
ces efforts, on cite notamment les actions suivantes :
- la généralisation de l’intervention de l’architecte dans la
construction dans les espaces urbains et leurs périphéries
depuis 19926
- le lancement de plusieurs études qui couvrent plusieurs
thématiques dont le dénominateur commun est le
rehaussement de la qualité architecturale et urbanistique des
villes marocaines dont on cite notamment, l’impact des
règlements d’aménagement et du lotissement, l’élaboration des
chartes architecturales pour plusieurs villes…
- le lancement depuis les années 80 de plusieurs concours et
programmes d’embellissement et d’ordonnancement
architectural des traversées des villes et centres urbains et
ruraux ;
- le lancement depuis 2005 de plusieurs programmes de mise à
niveau des villes et centres ;
- la promulgation de plusieurs circulaires qui incitent à
l’amélioration du paysage urbain et au rehaussement de la
qualité du cadre bâti ;
- la mise en place de la commission d’esthétique concernant
certaines catégories de projets et pour certains axes de certaines
villes…

2 - LA RÉGLEMENTATION TECHNIQUE DE LA CONSTRUCTION

En plus de la réglementation issue des documents d’urbanisme, le


Maroc dispose d’un arsenal de règles de la police de la construction qui
participent également à façonner et à préciser les détails de la
configuration et de la morphologie du cadre bâti. Il s’agit notamment :

6
Loi 12/90 relative à l’urbanisme de 1992 et Loi n° 016-89 relative à l'exercice de la
profession d'architecte et à l'institution de l'ordre national des architectes de 1993

75
- des règlements de construction établis lors de la période
coloniale sous forme d’arrêtés municipaux permanents
d’hygiène, de voirie et de construction,
- des règlements généraux de construction d’étendue nationale ;
- des règles issues des réglementations spécifiques.
2-1- Règlements de construction
Le premier règlement de construction et d'hygiène a été élaboré pour
la ville de Casablanca, le 29 Avril 1914. Par la suite, ces règlements ont
été généralisés progressivement aux principales villes et centres du
Maroc. La plus part de ces règlements qui reste en général méconnus,
instaurés par des arrêtés communaux permanents depuis la période
coloniale, restent encore valides et n’ont pas été actualisés jusqu’à
maintenant, malgré plusieurs tentatives menées par certaines agences
urbaines. Ces essais d’actualisation des arrêtés municipaux permanent
portant règlement de voirie et de construction de certaines villes se
heurtent aux dispositions de la loi 12/90 relative à l’Urbanisme
instituant la promulgation d’abord d’un règlement général de
construction d’étendu nationale avant l’établissement des règlements
communaux de construction qui précisent les dispositions du
règlement général de construction pour chaque agglomération ou
commune. Néanmoins, certaines de ces tentatives ont réussi à
l’aboutissement de documents référentiels en matière de gestion
urbaine adoptés par les conseils communaux concernés comme arrêtés
communaux de voirie et d’hygiène tel le cas par exemple des villes de
Taza et de Dakhla…
Les règlement de construction communaux doivent se conformer aux
règlements d’aménagement des PA et concernent essentiellement les
aspects de détail qui ne sont pas généralement traités par les
règlements des plans d’aménagement. Selon l’article 59 de la loi 12/ 90
précitée, et qui a repris généralement l’objet des anciens règlements de
voirie et de construction, le règlement général de construction fixe :
- la forme et les conditions de délivrance des autorisations et de
toutes autres pièces exigibles en application de la présente loi
et de la législation relative aux lotissements, groupes
d'habitations et morcellements ainsi que des textes pris pour
leur application ;
- les règles de sécurité que doivent respecter les constructions
ainsi que les conditions auxquelles elles doivent satisfaire dans
l'intérêt de l'hygiène, de la circulation, de l'esthétique et de la
commodité publique, notamment :
ƒ les normes de stabilité et de solidité de la construction ;

76
ƒ la superficie, le volume ou les dimensions des locaux ;
ƒ les conditions d'aération des locaux et,
particulièrement, les dimensions et dispositifs
intéressant l'hygiène et la salubrité ;
ƒ les droits de voirie dont peuvent bénéficier les riverains
de la voirie publique ;
ƒ les matériaux et procédés de construction interdits
d’une manière permanente ;
ƒ les mesures destinées à prévenir l'incendie ;
ƒ les modes d'assainissement ainsi que les modes
d'alimentation en eau potable ;
ƒ les obligations d'entretien des propriétés foncières et
des constructions.
Actuellement, faute d’aboutissement des études lancées par le
département chargé de l’urbanisme pour l’élaboration d’un règlement
général de construction conformément à la loi 12/90, il semble que les
pouvoirs publics ont pris le choix d’établir le règlement de construction
de manière progressive en promulguant plusieurs règlements
thématiques qui ne concernent que des aspects précis de l’objet du
règlement général de construction. Ainsi, l’état des règlements établis
dans ce sens concerne :
- le règlement général de construction fixant la forme et les
conditions de délivrance des autorisations et des pièces
exigibles en application de la législation relative à l'urbanisme
et aux lotissements, groupes d'habitations et morcellements
ainsi que des textes pris pour leur application de 2013 ;
- le règlement général de construction fixant les règles de
sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les
constructions et instituant le comité national de la prévention
des risques d'incendie et de panique dans les constructions du
15 octobre 2014 ;
- le règlement général de construction fixant les règles de
performance énergétiques des constructions.
Par ailleurs, quatre règlements généraux applicables sur l’étendue du
territoire national sont actuellement, en cours de validité et dont trois
datent avant la promulgation de la loi 12/90. Il s’agit des règlements
relatifs à :
- la fixation de la hauteur sous plafond des constructions à usage
d’habitation7 de 1953 ;

7
Arrêté viziriel du 22 joumada II 1372 (9 Mars 1953) portant réglementation de la
hauteur sous plafond des locaux à usage d'habitation (B.O. 27 mars 1953).

77
- la définition des zones d’habitat économique et le règlement général
de construction applicable à ces zones8 de 1964 ;
- la réglementation applicable aux zones d’aménagement économique ;
- et au respect des normes parasismiques de 2000. Il y a lieu de signaler
qu’un règlement technique provisoire dit "NORMES AGADIR 1960" a
été approuvé par décret du 21 décembre 1960.
Il est à signaler que les dispositions du règlement général de
construction applicables aux zones d’habitat économique de 1964 est
celui qui a eu le plus d’impact sur le façonnage du cadre bâti des villes
marocaines. Les normes de ce règlement en absence de dispositions
similaires pour les autres types d’habitat, sont souvent généralisées à
tout type de construction tel par exemple la hauteur sous plafond, les
superficies et les largeurs minimales des pièces habitables. En
attendant l’aboutissement du code de la construction en cours
d’élaboration par le département d’urbanisme et de l’Habitat et un
règlement général de construction, l’état des lieux en matière de
réglementation technique se caractérise essentiellement par une série
de règlements communaux, certes toujours valables, mais anciens, des
règlements généraux à objectifs et de portée très limitée.
De par son importance en termes d’hygiène, de salubrité, de solidité
des constructions et également de son impact sur la création
architecturale et urbanistique en termes d’esthétique, la
réglementation technique de la construction, nécessite une adaptation
et une actualisation continues, justifiées, notamment, par l'évolution
tant de la société que de la technologie de construction.
2-2- Règles émanant de législations particulières ou
spécifiques
Plusieurs règles issues de réglementations particulières ou spécifiques,
ont des incidences plus ou moins importantes dans la structuration de
l’espace, la configuration du cadre bâti et l’aspect des paysages urbains.
Il s’agit notamment de la législation portant réglementation des
établissements insalubres, incommodes ou dangereux, des lois
relatives à la protection de l’environnement9, la loi relative au littoral,
des règles de sécurité et d’hygiène dans les chantiers de construction et

8
Décret n°2-64-445 du 21 Chaabane 1384 (26 décembre 1964) définissant les zones
d’habitat économique et approuvant le règlement général de construction applicable
à ces zones et modifié en 1966
9
Loi n° 12-03 promulguée par le Dahir n° 1-03-60 du 10 rabii I 1424 (12 mai 2003)

78
du régime de conservation des monuments historiques et des sites, des
inscriptions, des objets d’art et d'antiquité10 .
Les prescriptions des plans d’aménagement et les projets des
constructions doivent se conformer à ces regels édictées par ces
différentes lois et règlements spécifiques à des domaines différents qui
ne manquent pas d’incidences sur la production de l’espace et sur sa
structuration.
3- LES LOTISSEMENTS ET LEURS CAHIERS DES CHARGES

Les tissus urbains des villes marocaines sont composés et formés en


majorité par l’addition de lotissements de différentes tailles et formes.
Pour des raisons d’optimisation de la voirie à créer, de rentabilité
foncière et de commodité commerciale, les promoteurs et opérateurs
publics et privés optent souvent dans la conception des lotissements à
des lots rectangulaires identiques, répétitifs et s’alignant sur le
minimum parcellaire permis par les plans d’aménagement. Cette
configuration répétitive du parcellaire des lotissements généralement
de largeur de façade plus petite que la profondeur pour assurer un
maximum de lots sur les voies créées engendre souvent une
valorisation basée sur un nombre limité de plans types et de volumétrie
architecturales des façades.
Les cahiers des charges des lotissements qui en plus de traduire les
prescriptions rigides des règlements d’aménagements, des règlements
divers de construction et des lois en vigueur, détaillent, précisent
d’avantage toutes les mesures et façons de construire et de valoriser les
lots et par conséquent sont souvent considérés comme des limites des
possibilités de création architecturales.
Ces différents éléments relatés ci-haut d’encadrement juridique,
technique et foncier de création et de valorisation des lotissements,
notamment d’habitat économique, favorisent la production d’un cadre
bâti à base d’un même vocabulaire architectural et urbain dénué de
fondement culturel, sans diversité et sans souci esthétique, cachet
architectural et spécificités locales et régionales.

CONCLUSION

10
Loi n°22-80 promulguée par Dahir n°1-80-341 du 17 safar 1401 (25 décembre
1980) et de son Décret pris pour son application

79
La rigidité des prescriptions réglementaires des plans d’aménagement
et de la réglementation technique de la construction et leurs impacts
sur l’uniformisation du cadre bâti et parfois négatifs sur les aspects
relatifs à la gestion des dossiers objet d’autorisations d’urbanisme,
impliquent de revoir les approches et démarches de l’élaboration du PA
et leurs règlement d’aménagement. La démarche visant l’encadrement
à outrance et dans les détails, des modes d’utilisation des sols et des
règles applicables à la construction, au risque de générer un modèle
répétitif ne laissant aucune marge de liberté de manœuvre aux
architectes et aux hommes de l’art en matière de production de
l’espace. Les règlements d’aménagement doivent traduire l’esprit d’un
encadrement rationnel minimum prenant en charge uniquement les
aspects essentiels et laissant tout ce qui est subsidiaire ou
complémentaires aux règlements locaux de construction qui depuis
1992 ne sont pas encore établis.
L’aboutissement du règlement général de construction, la
généralisation des règlements communaux adaptés aux spécificités
locales et leurs actualisations autant que nécessaire pour la prise en
compte des exigences de développement et de la réalité mouvante des
villes, est une action devenue plus que jamais urgente. Il s’agit
d’accompagner et de conforter les efforts consentis et à consentir en
matière de mise à niveau du cadre de vie des populations, des espaces
de travail et d’amélioration de l’image des villes et par conséquent leurs
compétitivités économiques. Il ne s’agit pas en fait, d’une simple
transcription juridique et procédurale des règles relatives à la
construction, mais d’une action multiforme de transparence et de
rationalisation de la gestion urbaine, de l’encadrement de l’activité de
construction, du traitement de l’espace public et de la maitrise de la
qualité de la production du cadre bâti.

BIBLIOGRAPHIE
Lois
- Dahir de 16 avril 1914 relatif aux alignements, plans
d'aménagement et d’extension des villes, servitudes et taxes
de voirie,
- Dahir du 7 Kaada 1371 (30 juillet 1952) relatif à l'urbanisme,
- Loi n°12-90 promulguée par le dahir n°1.92.31 du 15 Hija
1412 (17 juin 1992) relative a l’urbanisme,
- Dahir n° 1-92-7 du 15 hija 1412 (17 juin 1992) portant
promulgation de la loi n° 25-90 relative aux lotissements,
groupes d'habitations et morcellements.

80
Circulaires ministérielles :
- N° 2114/DUA/DA/3 du 18 Décembre 1986 relative au
concours d'idées sur les sites et paysages urbains.
- N °13 du 14 Janvier 1987 relative aux travaux de
construction - respect de l'alignement.
- N°11 du 5 janvier 1989 relative à la activation et extension
du programme de concours d’idées sur les sites et paysages
urbains.
- N° 36 du 27 Juin 1989 relative à l’amélioration de
l’environnement et de la qualité du paysage urbain.
- N°132 du 2 Avril 1990 relative à la lutte contre la
taudification des terrasses dans les agglomérations
urbaines.
Etudes et mémoires :
- Abdennabi Guezzar, L’Urbanisme prévisionnel : évolution
des moyens institutionnels et règlementation du sol,
mémoire troisième cycle, INAU, 1993
- Agence urbaine d’Oued Eddahab Aousserd, étude
règlement de voirie et de construction
- Direction d’Urbanisme, étude foncière et d’évaluation de
l’impact du lotissement et groupement d’habitation en tant
qu’outil d’urbanisme opérationnel
- Direction de l’Urbanisme, Etude des règlements des plans
d’aménagement et leur impact sur la morphologie urbaine
- Direction de l’Urbanisme, études d’évaluations des
documents d’urbanisme de la région de Rabat Salé
Zemmour Zaaer et de la région de l’Oriental , Atelier
parisien d’urbanisme, Règlements et formes urbaines étude
comparative, 2003

Omar EL IDRISSI

81
CHAPITRE 6 : DOCUMENTS D’URBANISME
PROCEDURES D’ELABORATION ET DE MISE EN
ŒUVRE

Les documents d'urbanisme qui constituent les principaux outils de la


planification urbaine au Maroc ont un impact décisif dans la
préparation et l'organisation du développement urbain des villes et
centres ruraux. Leur rôle dans l'orientation, la coordination et
l'harmonisation des actions des divers intervenants leur procurent une
importance capitale pour tous les acteurs de la production de l’espace
urbain. Pour ce faire, les documents d’urbanisme fixent la
règlementation d'utilisation du sol, édictent des servitudes diverses et
grèvent par conséquent les terrains de diverses dispositions limitant
leurs utilisations. Ils limitent, ainsi la jouissance de la propriété
foncière et leurs dispositions concernent aussi bien le citoyen, les
propriétaires fonciers que tous les acteurs de la ville aussi bien publics
que privés. Par conséquent, les modalités et procédures de leur
élaboration et homologation ont été assujetties depuis le premier texte
de loi relatif à l’urbanisme de 1914 à un processus prescrit
rigoureusement par le législateur. Seules l'interprétation et
l'explication de certains aspects de ce processus sont laissées au
pouvoir organisationnel du département chargé de l’urbanisme. Cette
circonscription réglementaire des modalités de production des
documents d'urbanisme est souvent considérée rigide lente et
inadaptée pour des outils encadrant des réalités urbaines en perpétuel
changement.
Dans cet essai, qui concerne la mise en lumière des modalités et
procédures d’élaboration des documents d’urbanisme, il s’agit
particulièrement de se focaliser sur les plans d’aménagement qui
constituent l’outil de planification urbaine de tous les espaces urbains
au Maroc ainsi que leurs zones périphériques. Sans nier l’importance
des autres documents d’urbanisme, ce sont les plans d’aménagement,
le plus ancien outil instrumentalisé au Maroc depuis 1914, qui ont plus
d’impact sur le développement et la régulation de l’espace urbain et qui
suscitent plus d’enjeux et de défis pour la planification urbaine. Si les
PDAR, institués en 1960, ne concernent que les agglomérations rurales
de faible importance, les orientations et choix de développement du
SDAU sont traduits en prescriptions légales opposables à
l’administration et aux tiers par les PA qui jouent un rôle capital dans
la configuration spatiale des territoires concernés.

82
1 - UN EFFORT LÉGISLATIF ET ORGANISATIONNEL FACE À DES
EXIGENCES EN PERPÉTUEL CHANGEMENT

Durant les différentes étapes de l’évolution de la règlementation en


matière d'urbanisme, les procédures d'établissement et d'approbation
des documents d'urbanisme ont été un souci majeur du législateur et
du département chargé de l'urbanisme. Cependant, malgré les
différentes améliorations apportées au référentiel juridique de
planification urbaine -reformes de 1952 et de 1992- et également en
termes de suivi et d'organisation administrative (différentes circulaires
notamment depuis 1992), l'objectif de mise en place d'un processus
procédural souple jugé nécessaire par tous les acteurs au bon
fonctionnement de la production des documents d'urbanisme et à leur
mise en œuvre, est loin d'être atteint. Les procédures d’élaboration et
d’homologation des documents d'urbanisme et leur refonte sont
toujours taxées à tort ou à raison de lentes, lourdes, rigides et
inadaptées à une réalité urbaine changeante, à une gouvernance
urbaine efficiente et aux nouvelles exigences de l'investissement.
Loin de vouloir faire l’historique de la réglementation de l’élaboration
des documents d’urbanisme, il s’agit ici juste de mettre en lumière les
efforts introduits notamment lors de la dernière refonte de 1992 en
matière d’allégement des procédures d’élaboration du plan
d’aménagement.

1 – 1 Un effort législatif limité


Les efforts consentis en 1992 par la loi 12/90 relative à l’urbanisme en
termes de procédures d’élaboration du PA et de leur mise en œuvre
obéissent à divers soucis :
- L’élargissement du champ d’intervention
A chaque étape de refonte des textes de l’urbanisme, le champ
d'application du plan d'aménagement a été élargi en vue de réguler le
déferlement des extensions urbaines hors du champs de couverture du
PA et ce pour couvrir toutes zones situées à l'extérieur des
agglomérations urbaines, des zones périphériques et des groupements
d'urbanisme qui connaissent ou sont susceptibles de connaitre un
développement urbain à maitriser et à organiser. Le champ
d’application des PA, sous le texte de 1952, a été agrandi pour inclure
en plus des villes et leurs banlieues définies par le texte de 1914 et pour
englober « les villes érigées en municipalités, les centres existants ou
en formation, délimités par arrêtés viziriels, les zones de banlieue, les
zones périphériques des villes érigées en municipalités de 10 km ou des

83
centres délimités de 5 km, les groupements d’urbanisme11 et les zones
de banlieue. La loi de 1992 a élargie le champs d’application des PA par
l’extension de la zone périphérique de 10 à 15 km et par l’ajout de tout
territoire à vocation spécifique12 à délimiter par voie réglementaire
dont le développement urbain prévisible justifie un aménagement
contrôlé par l’administration.
Cette évolution des champs d’application du plan d’aménagement
dénote du souci du législateur de contenir les impacts d’une
urbanisation accélérée et sans précédent qu’a connu le Maroc depuis le
début du siècle dernier et dont les manifestations urbanistiques les
plus saillantes et qui mettent en cause l’utilité des PA, sont l’étalement
et l’éclatement urbains, la déficience urbaine en termes
d’infrastructures de voirie et d’équipements et les extensions
anarchiques défiant toute régulation.

- La précision de l’objet du plan d’aménagement et


l’assouplissement de son contenu
Le premier texte de 1914 cantonnait l’objet dudit « plan
d’aménagement et d’extension » à une mission d’urbanisme de voirie
et d’alignement. Le second texte instaure l’urbanisme de zonage. La loi
de 1992 à clairement précisé l’objet et le contenu du plan
d’aménagement en essayant de voir large pour adapter cet outil à
toutes les situations, dépasser sa rigidité et pour suivre les nouvelles
tendances d’urbanisme. Cependant au niveau pratique, il semble que
l’administration ainsi que les concepteurs des documents d’urbanisme
après 27 ans de pratique n’ont pas encore exploré toutes les possibilités
offertes par l’article 19 de la loi 12/90 qui définit l’objet et le contenu
du plan d’aménagement. En effet, certaines dispositions de cet article
n’ont presque jamais été utilisées, alors qu’elles sont instaurées pour
assurer une grande souplesse aux plans d’aménagement. Il s’agit
notamment :
• Des zones à ouvrir à l’urbanisation suivant une périodicité
déterminée ;
• Des zones dont l’aménagement fait l’objet d’un régime juridique
particulier ;
• Des zones qui peuvent faire l’objet d’une modification particulière.
- La réduction de la durée de la déclaration d’utilité publique
Depuis son institution en 1914, le plan d'aménagement a toujours été,
générateur d'obligations notamment celles limitant la jouissance de la
propriété foncière privée. Les servitudes imposées par les plans
d’aménagement, et les projections de voirie et d’équipements publics

11
Voir définition du groupement d’urbanisme selon l’Article 10 du Dahir de 1952
relatif à l’Urbanisme et l’article1 de la loi 12/90 relatif à l’urbanisme de 1992
12
Voir article 18 de la loi 12/90 relatif à l’urbanisme de 1992

84
sont généralement considérées par les propriétaires fonciers concernés
comme mesures injustifiées faisant obstacle à l’investissement. Ces
accusations ne sont pas toujours loin de la réalité. L’administration,
contrariée par le faible taux de mise en œuvre des plans
d’aménagement reste souvent sans argument devant ses
accusations de gèle du foncier. Aussi, les dispositions des documents
d’urbanisme contraignantes ont été pour les spéculateurs fonciers et
certains acteurs un fort mobile pour contrecarrer les options
d’aménagement des documents d’urbanisme surtout au cours de leur
étude rendant ces documents obsolètes et inadaptés avant même qu’ils
soient homologués.
Ainsi, tenant compte de ce constat et devant les limites de la capacité
financière de l’Etat et des collectivités locales et la raréfaction du
patrimoine foncier de l’Etat, le législateur a été contraint en 1992 à la
réduction à la baisse à 10 ans de la durée de validité des effets du plan
d’aménagement13 en ce qui concerne la déclaration d’utilité publique
pour la réalisation de la voirie et des équipements publics prévus par
les plans d’aménagement fixée à 20 ans par le texte de 1952.

- Introduction de mesures conservatoires lors d’élaboration des


plans d’aménagement
La lenteur des différentes phases d’élaboration des plans
d’aménagement est généralement mise à profit par les spéculateurs ou
les acteurs « intéressés informés des intentions de l'administration
pour faire échec aux projets de celle-ci, en procédant à des
constructions ou à des travaux que le plan doit interdire »14. Le Dahir
de 1952 a introduit deux mesures conservatoires qui permettent à
l’administration d’éviter l’inconvénient du temps assez long de la
période d’élaboration des plans d’aménagement. La première concerne
l’interdiction de toute construction depuis l’ouverture de l’enquête
publique relative au plan d’aménagement jusqu’ à son homologation.
La seconde concerne la possibilité offerte à l’administration de prendre
un arrêté de mise à l’étude dans les secteurs concernés par
l’aménagement à l'intérieur desquelles aucun permis de construire ne
peut être délivré pendant 6 mois à renouveler en cas de besoin une
seule fois d’égale période. Ces deux mesures ont été reprises par la loi
12/90 mais réadapter pour rendre le plan d'aménagement
opérationnel avant même d’être homologué. Ainsi, la loi 12/90 a
instauré l’opposabilité du plan d’aménagement dès la clôture de
l’enquête publique.

13
Article 28 de la loi 12/90
14
Exposé des motifs du dahir de 1952 relatif à l’urbanise

85
- L’assouplissement et la maitrise des délais d’instruction et
d’approbation du plan d’aménagement
Les PA sont souvent sujet de blocages à différentes phases de leur
élaboration par certains acteurs entravant leur processus
d'approbation et d’aboutissement et ce pour des enjeux parfois qui ne
sont pas liés à des considérations d'intérêt public. Pour assurer les
conditions d’opérationnalité du plan d’aménagement et surmonter la
lenteur de l’élaboration des plans d’aménagement, la loi 12/90 a
imposé de nouvelles mesures par rapport aux textes de 1952 visant la
maitrise des délais d’élaboration et l’assouplissement de la procédure
d’instruction et d’approbation du plan d’aménagement. Il s’agit
essentiellement de :
- Le remplacement du comité interministériel par un comité
technique local présidé par le gouverneur chargé d’instruire le
projet du plan d’aménagement obligeant toutes les
administrations concernées de formuler leur avis séance
tenante ;
- la limitation du délai réservé aux collectivités locales pour
l’étude du plan d’aménagement à deux mois après leur saisi par
l’administration. Passé ce délai elles sont « censées ne pas avoir
de propositions à émettre »15 ;
- l’instauration de l’opposabilité du plan d’aménagement dès la
clôture de l’enquête publique rendant ainsi le plan
d’aménagement opérationnel avant même son homologation.
Pour assurer la célérité nécessaire à l’homologation du plan
d’aménagement après l’enquête publique, l’administration n’a
qu’un délai d’un an pour traiter les éventuelles remarques des
collectivités locales et de l’enquête publique en liaison avec les
communes concernées, et la publication de l’arrêté
d’homologation du document dans le bulletin officiel faute de
quoi le projet du plan d’aménagement « cesse d'être
opposable »16 et devient ainsi annulé ;
- le plan d’aménagement est approuvé par décret pris sur
proposition de l’autorité gouvernementale chargée de
l’urbanisme. Ainsi, la loi 12/90 a supprimé l’avis du ministère
des finances les visas des ministères de l’intérieur, de
l’agriculture et de l’Equipement.
1 – 2 Un effort organisationnel avec peu d’impact
Depuis la promulgation de la loi 12/90 relative à l’urbanisme, le
département chargé de l’urbanisme a consenti plusieurs efforts visant

15
Article 24 de la loi 12/90
16
Article 27 de la loi 12/90

86
l’explication, la simplification et l’adaptation des procédures
d’élaboration des plans d’aménagement aux nouvelles exigences du
développement urbain au Maroc dont en cite notamment :
- La circulaire 005 qui a précisé avec détail le processus et
procédures d’élaboration des plans d’aménagement tout en
présentant en annexe un modèle type de termes de référence
pour le lancement des marché d’études des plans
d’aménagement ;
- Plus de 17 circulaires se sont succédées pour détailler
d’avantage ou modifier les modalités d’élaboration ou de mise
en œuvre des plans d’aménagement ;
- L’élaboration d’un référentiel des normes d’équipements
publics en 2005, révisé en 2016 ;
- Elaboration de plusieurs évaluations de la pratique
d’élaboration des plans d’aménagement ;
- Proposition de deux projets de refonte de la loi 12/90, projet de
loi 42 :00 et projet de code de l’Urbanisme.
Depuis 1992 et malgré ces différents efforts législatif17 et administratif
consentis qui restent limités pour rendre les PA plus efficients et pour
maitriser leur délais d’élaboration, plusieurs évaluations de la pratique
d’élaboration et de mise en œuvre notamment lors de la préparation de
nouveaux textes de refonte de la loi 12/90 ont souligné l’écart qui n’a
cessé de se creuser entre la réalité des textes et la réalité de la pratique
d’élaboration des documents d’urbanisme.

2 - MODALITÉS ET PROCÉDURES D’ÉLABORATION DES PLANS


D’AMENAGEMENT ET DE LEUR MISE EN ŒUVRE

La procédure d’élaboration du plan d’aménagement, depuis l’initiative


de son établissement et jusqu’à son homologation, est clairement
définie par la loi 12/90 relative à l’urbanisme et son décret
d’application. La circulaire 005 du 17 janvier 1994 a précisé avec détail
les modalités du processus d’élaboration de toutes les phases du
processus d’élaboration de ce document d’urbanisme et propose dans
son annexe les termes de référence type définissant le référentiel
scientifique et technique à adapter aux spécificités des territoires
concernés pour le lancement des appels d’offre d’élaboration. Ce
modèle type de TR a fait l’objet de plusieurs modifications par
l’administration centrale visant à pallier à différentes contraintes

17
Trois textes de loi uniquement durant plus d’un siècle 1914, 1952 et 1992 et
plusieurs projets de loi non aboutis

87
constatées dans le processus d’élaboration du plan d’aménagement
dont notamment la prise en compte des spécificités territoriales, les
nouvelles exigences des changements du contexte institutionnel et les
nouveaux modes d’intervention urbanistique et la réduction des délais
des différentes étapes du processus d’élaboration. Quarte grandes
phases jalonnent le long processus d’élaboration d’un plan
d’aménagement :
1. La phase d’étude qui commence du choix du territoire à couvrir
et se termine par la mise en forme d’un projet de plan
d’aménagement ;
2. La phase d’instruction du projet destinée, dans le cadre d’une
Commission Locale, à recueillir l’avis de toutes les
administrations et organismes ;
3. La phase d’examen du projet par les conseils communaux
concernés et l’ouverture d’une à l’enquête publique.
4. La Phase d’homologation du projet.
2 – 1 L’initiative d’établir un plan d’aménagement
La généralisation des documents d’urbanisme et leur actualisation a
toujours été affichée comme objectif18 prioritaire de l’Etat, une action
d’incitation à l’investissement19 et comme vecteur de développement.
Cependant il semble que cet objectif est loin d’être atteint, en témoigne
le vide juridique d’encadrement urbanistique de certains pôles dont la
dynamique urbaine ne peut être régulée par des documents dépassés
ou sans assise juridique. En effet, certaines localités urbaines, soit en
partie ou dans leurs totalités, ne disposent pas ou ne sont couvertes que
de plans d’aménagement non aboutis ou de plans d’aménagement dont
la déclaration d’utilité publique est levée après 10 ans de leur
homologation. L’exemple le plus illustrant de ce constat est celui de
l’agglomération de Marrakech. A part le secteur d’Annakhil et qui date
de plus de 18 ans l’agglomération n’a pas bénéficié de plan
d’aménagement homologué depuis 1992.
L’initiative de couvrir un territoire par un document d’urbanisme a été
toujours une prérogative de l’Etat et de ses organes centraux. Le texte
de 1992 a consacré ce monopole tout en délégant la plupart des
compétences d’élaboration des plans d’aménagement aux agences
urbaines auxquelles l’Etat a transmis la plus part de ses compétences
en matière d’urbanisme. Ce texte a également ouvert le champ à la
participation des collectivités locales. Cependant, en pratique, cette

18
Voir la circulaire Ministérielle N°302/DGUAAT du 29 Septembre 1995 au
financement par le FEC des plans d'aménagement et des plans de développement
19
Voir La circulaire Ministérielle n° 219/DGUAAT du 15 Juin 1995 relative à la
couverture des agglomérations en plans d'aménagement et plans de développement et
la circulaire

88
participation est limitée à la contribution financière et à la consultation
des communes durant les différentes phases du processus
d’élaboration du plan d’aménagement. Avec la politique de
régionalisation et de déconcentration et avec la généralisation des
agences urbaines pour couvrir l’ensemble du territoire national,
l’établissement d’un plan d’aménagement est devenu une affaire locale
de l’agence urbaine en concertation avec ses partenaires locaux
intervenant en matière d’urbanisme. Certes la stratégie de la
couverture du territoire en documents d’urbanisme et le planning de la
programmation des localités concernées, propres à chaque agence
urbaine s’inscrivent dans le cadre de la politique gouvernementale et
ses priorités et adoptés par leur conseils d’administrations qui
regroupent en plus des walis et gouverneurs les communes concernées
et l’ensemble des départements ministériels. Cependant dans la
pratique de la planification urbaine au Maroc, notamment en ce qui
concerne la couverture des territoires concernés par les plans
d’aménagement, ne peut être appréciée qu’en l’inscrivant dans son
contexte stratégique, économique, et institutionnel. En matière
d’urbanisme et au niveau local, les acteurs les plus influents restent
sans conteste les Walis et gouverneurs et les communes et enfin
certains acteurs de production de l’espace à travers leurs actes concrets
sur le terrain. Les agences urbaines se livrent, tant bien que mal, à jouer
le rôle de régulateur souvent très affaiblies à un jeu de pouvoir entre les
des différents acteurs de production de l’espace. Ainsi, si l'initiative de
l’établissement d’un document d’urbanisme peut émaner, peu importe,
de l'administration centrale de l'urbanisme, des autorités provinciales,
de l'agence urbaine, de la commune, des autorités locales ou d’autres
acteurs, ce sont les jeux d’influence des acteurs animés par les enjeux
fonciers qui restent déterminants dans l’initiative d’établir un plan
d’aménagement, la célérité ou la lenteur de son aboutissement et voir
même son blocage ou la mise en péril de ses orientations.
2 – 2 Conception et procédure d’élaboration d’un plan
d’aménagement : un long processus
Avant la promulgation de la loi 12/90, les plans d’aménagement,
étaient conçus et établis par l’administration centrale chargée de
l’urbanisme avant d’être instruits par un comité interministériel puis
versés aux délibérations du ou des conseils communaux concernés et
l’ouverture d’une enquête publique. L’avis favorable des conseils
concernés était nécessaire pour l’approbation du plan par
l’administration. Avec la mise en application de la loi 12/90, et
l’engagement du Maroc dans un processus de déconcentration, la
procédure d’élaboration d’un plan d’aménagement a été déléguée
progressivement aux acteurs locaux. Depuis les années 90,
l’administration animée par l’ambition de généraliser la couverture du

89
territoire national en documents d’urbanisme, a commencé à sous-
traiter aux BET notamment les cabinets d’architectes la tache de la
conception des plans d’aménagement et des plans de développement.
Les appels d'offre concernant ces documents ont été lancés au niveau
préfectoral ou provincial. La procédure de leur établissement est
assurée par la division préfectorale ou provinciale de l'urbanisme avec
l’encadrement de l'administration centrale chargée de l’urbanisme.
Avec la généralisation des agences urbaines depuis 1994 et la sortie du
département de l’urbanisme de la coupole du ministère de l’intérieur,
la procédure d’élaboration des PA devient totalement une affaire locale
et une compétence de l’agence urbaine à l’exception de la phase
d’homologation. Même la commission centrale, chargée d’étudier les
requêtes de l’enquête publique et les observations des délibérations
communales, qui reste une affaire centrale de la direction d’urbanisme,
se tienne souvent au niveau local.
La promulgation cette année, de la charte de déconcentration et de la
nouvelle loi sur l’investissement confortant le rôle du wali rendra
d’avantage l’élaboration du plan d’aménagement une affaire purement
locale.
Les limites de la planification urbaine dans l’encadrement du
développement urbain concernent plus la conception du plan
d’aménagement et sa procédure d’élaboration. Comme on l’a signalé
auparavant, plusieurs possibilités offertes par la loi 12/90 dans sa
définition de d’objet et du contenu du plan d’aménagement (article 19
et 20) n’ont depuis 27 ans de pratique presque jamais été exploitées.
Ainsi, les déterminants de l’encadrement de la conception d’un plan
d’aménagement et de la procédure de son d’élaboration peuvent être
présentés comme suit :
a) Marché et termes de référence
Les documents conçus et élaborés en interne par les agences urbaines
sont relativement très rares par manque de moyens humaines et par
contraintes administratives procédurales et financières limitant la
mobilisation des compétences de différentes disciplines requises. Les
études de la plupart des plans d’aménagement sont externalisées par
l’administration aux cabinets d’architectes et aux BET. L’objectif de
cette démarche est « de garantir une meilleure qualité du contenu de
ces documents et de permettre aux services techniques et
administratifs de l’Etat de se charger de l’encadrement des études, de
leur gestion ainsi que le processus de leur mise en œuvre »20.
La première étape d’établissement d’un plan d’aménagement
commence par le lancement d’un appel d’offres sur la base d’un CPS

20
Rapport introductif d’un séminaire sur les plans d’aménagement en 2002,
direction d’urbanisme

90
(Cahier des Prescriptions Spéciales) comportant les termes de
références établis par l’administration sur la base des termes de
référence type souvent sans adaptation réelle aux problématiques
d’aménagement et de développement de la zone concernée par l’étude.
Bien que les soumissionnaires sont invités à présenter leur réaction par
rapport aux des termes de régence de l’appel d’offres, les CPS des
marchés conclus avec les BET adjudicataires souvent ne laissent pas la
possibilité pour les BET en cas de besoin d’adaptation des termes de
référence aux spécificités locales.
La qualité de l’étude d’un plan d’aménagement et la célérité de son
aboutissement dépendent ainsi des seuls termes de référence. A cet
effet, les CPS et les termes de références types ont été revus à plusieurs
reprises à travers la réduction des délais et du nombre de phases,
l’introduction des notions de concertation , de l’urbanisme durable, la
limitation de la partie externalisée au BET à la phase de la commission
centrale et la prise en charge, en interne par les agences urbaines des
modifications liées aux concertations et aux délibérations
communales, à l’enquête publique et à la commission centrale.
Cependant, malgré les efforts consentis en matière de refonte et
d’adaptation de ces documents contractuels définissant le contenu des
études et les étapes d’élaboration du plan d’aménagement continuent
encore à susciter plusieurs observations21 dont les plus importantes
peuvent être résumées comme suit :
- Les termes de référence ne sont pas suffisamment adaptés à la
problématique et aux spécificités des aires d’études
concernées ;
- Les délais prescrits par les marchés sont rarement respectés ni
par les agences urbaines ni par ses partenaires notamment les
communes, provinces et préfectures…
- Les exigences et les investigations demandées par les termes de
référence sont souvent incompatibles par rapport à l’objectif de
l’étude et les budgets alloués aux marchés sont sous-estimés par
rapports aux efforts à consentir par les BET,
- La rigidité des CPS qui doivent être respectés rigoureusement
par le contractant ne permet pas d’adapter le contenu des
études et remanier le processus d’élaboration aux spécificités
des territoires, aux éventuelles changements sur le terrain et du
contexte de l’étude pour produire des documents souples,
adaptables et évolutifs ;
- Plusieurs prestations demandées dans la phase de diagnostic
restent inutiles pour l’objectif de l’étude et aux délais réduits

21
Rapport introductif d’un séminaire sur les plans d’aménagement en 2002,
direction d’urbanisme

91
alloués aux investigations. En plus, les cabinets concepteurs
sont souvent confrontés à la rétention de l’information de la
part de certaines administrations impliquant des retards
considérables de l’étude ;
- Faible mise en connexion entre planification territoriale et
socioéconomique et planification urbaine ;
- Le lancement des études de plans d’aménagement de centres et
localités ne disposant pas de restitutions ou de restitutions
actualisés.
Ainsi, les dispositions des marchés et des termes de référence sont
encore loin des objectifs affichés par l’administration à savoir
l’allégement des études, la rapidité, la maîtrise des délais contractuels,
l’adaptation des prestations à la réalité et la bonne gestion des relations
avec les cabinets concepteurs.
b- L'arrête de mise à l'étude : une mesure conservatoire faiblement
exploitée
Compte tenu des délais assez long d’établissement d’un plan
d’aménagement et afin de contrecarrer l'implantation de nouvelles
constructions qui peuvent mettre en péril les orientations du projet du
plan ou rendre sa mise en œuvre difficile ou couteuse financièrement,
la loi 12/ 9022 a permis au président de la commune après consultation
du conseil communal la possibilité de prendre un arrêté de mise à
l'étude fixant les limites du territoire pour lequel l'étude du plan
d'aménagement est envisagée. L’arrêté de mise à l’étude est approuvé
par le ministère de l’intérieur et publié au bulletin officiel.
L’approbation de l’arrêté de mise à l’étude et son affichage au siège de
la commune, permet à l’administration de statuer sur toute demande
d'autorisation de lotir pendant un délai de six mois renouvelable une
seule fois et pour la même durée. Le sursis est opposé même si le
secteur est couvert par un plan d'aménagement approuvé, sauf
dérogation exceptionnelle qui ne peut être accordée par le président de
la commune qu’après accord de l'agence urbaine.
c) La grille d’équipements : un référentiel normatif à adapter
Le faible taux de réalisation des équipements publics prévus par les
plans d’aménagement, les moyens de plus en plus réduits de l’Etat et
des communes, la raréfaction du foncier public, ont poussé
l’administration à revoir la grille et les normes de projections des
équipements publics à deux reprises. La première en 2005 et la
deuxième en 2016. Les plans d’aménagement, dont la conception
s’appuie sur ces grilles, sont souvent taxés de sur dimensionner les
superficies des équipements et de prévoir un nombre non justifié qui

22
Articles 21 et 22 de la loi 12/90

92
s’avère impossible à réaliser surtout en situation de faiblesse des
capacités financières et foncières mobilisables. Ce constat est amplifié
par les extensions démesurées prévues par certains PA en réponse aux
pressions exercées lors des phases de concertations par divers acteurs
pour ouvrir et intégrer des zones injustifiées au vue des besoins réels à
l’urbanisation.
Comme les extensions prévues dans les PA sont souvent démesurées,
les grilles des équipements prévoient un nombre non justifié
d’établissements qui s’avère impossible à réaliser surtout en situation
de faiblesse des capacités financières mobilisables. Il est à noter que
par manque de normes «réalistes», les superficies demandées par
différentes administrations ou prévues par les concepteurs de PA sont
très grandes et rendent difficiles voire impossible leur acquisition et la
réalisation des équipements.

d) Phase d'instruction du projet de plan d’aménagement : une


étape de concertation limitée à la sphère administrative
L’aménagement urbain est une affaire transversale qui interpelle tous
les acteurs publics. Sous le régime de 1952, le projet du PA une fois
établi par l’administration est soumis à l’avis d’un comité
interministériel. La loi 12/90 a déconcerté cette étape de concertation
qui concerne toutes les administrations en instaurant une commission
technique locale présidée par le gouverneur de la préfecture ou la
province concernée. Le gouverneur est invité à soumettre le projet du
plan à toutes les administrations et organismes publics concernés pour
avis de 15 jours avant la tenue de la réunion de la CTL. Le PV de la
réunion doit être remis à l’agence urbaine au plus tard 15 jours après la
dite réunion. Ainsi, les administrations qui ont été consulté lors de
l’élaboration du projet, conformément à la circulaire n°005 du 17
janvier 1994, pour fournir leur programmation d’équipements et leur
calendrier des réalisations à entreprendre en priorité dans les cinq
années à venir assorties d’une estimation approximative et des
modalités de financement, sont invités à donner leur avis sur le projet
du plan d’aménagement séance tenante lors de la réunion de la
commission technique locale (CTL).
Le projet de plan d’aménagement est corrigé par l’agence urbaine
conformément aux observations retenues de la réunion de la CTL en
concertation avec le gouverneur et les présidents des communes
concernées.
En pratique, cette étape de concertation constitue un facteur de lenteur
de la procédure d’élaboration des plan d’aménagement voir même de
blocage. La tenue de la réunion de la commission technique locale est
laissée à la convenance de l’agenda du gouverneur. La prise de décision
sur les remarques issues de la CTL peut également constituer une

93
discorde qui peut affecter la poursuite de la procédure d’établissement
du projet du plan d’aménagement.
e) Phase de l’enquête publique et des délibérations communales :
une concertation limitée
Une fois le projet du plan d’aménagement corrigé conformément aux
décisions de la réunion de concertation de l’après CTL, le projet est
soumis par l’agence urbaine sous couvert du gouverneur concerné, au
président de ou des communes concernées pour le soumettre aux
délibérations de ou des conseils communaux dans un délai de deux
mois à partir de la réception du projet. A défaut de faire connaître leur
opinion dans ce délai, lesdits conseils sont censés ne pas avoir de
propositions à émettre. Le ou les présidents des communes concernés
sont tenus à soumettre le projet du plan à l’ouverture d’une enquête
publique d’un mois concomitamment à l'examen du projet par le ou les
conseils communaux intéressés. En cas d’inscription de requêtes lors
de l’enquête publique, le conseil communal concerné est invité à
formuler son avis sur les requetés enregistrés et ce dans les délais de
deux mois qui lui sont accordé.
Cette consultation est aussi un facteur de blocage et de lenteur de la
procédure d’élaboration des plans d’aménagement. Certains projets de
plans restent bloquer sans suite plusieurs mois dans les communes
concernées. L’inaction du président de la commune concernée peut
être dépassée par l’intervention du gouverneur concerné en usant de
son droit de substitution mais qui reste en réalité difficilement
applicable.
Dès la clôture de l’enquête publique, les dispositions du plan
d’aménagement ou de zonage, s’il en existe un, cessent d’être
applicables et le projet de nouveau plan d’aménagement devient
opposable à l’administration et aux tiers avant même d’y intégrer les
modifications éventuelles pour satisfaire les requêtes de l’enquête
publique et les observations formulées par les conseils communaux.
Cette opposabilité cesse après le délai d’un an si le décret
d’homologation du plan n’est pas publié au bulletin officiel23.
f) Intervention du comité central et homologation du plan
d’aménagement
Les requêtes de l’enquête publique et les observations formulées par le
ou les conseils communaux sont étudiées par l'autorité
gouvernementale chargée de l'urbanisme (Direction d’urbanisme) en
concertation avec l’agence urbaine et avec le ou les présidents des
communes concernées24 dans le cadre d’une commission dite

23
Article 27 de la loi 12/90
24
Article 24 de la loi 12/90 et article 25 de son décret d’application

94
« commission centrale » présidée par le directeur de l’Urbanisme et
auxquelles participent en plus des présidents des communes
concernés, l’agence urbaine et le représentant du gouverneur concerné.
L’agence urbaine est tenue d’apporter les modifications nécessaires
conformément aux décisions de la commission centrale et transmettre
le plan et son règlement d’aménagement à la direction d’urbanisme
pour entamer la procédure d’homologation.
Le plan d'aménagement est approuvé par décret pris sur proposition
du ministre charge de l’urbanisme et éventuellement après avis
conforme du ministre chargé des affaires culturelles dans le cas où le
plan d'aménagement apporte des modifications aux servitudes
résultant d'un classement d'un monument historique ou d'un site.
Dès la parution du décret d’homologation au B.O., l’agence urbaine est
chargée de la diffusion des documents du plan d’aménagement aux
communes et administrations concernés.

2 – 3 Procédure de mise en œuvre


La mise en œuvre du plan d’aménagement est une compétence des
conseils communaux concernés. Selon l’article 31 de la loi 12/90 et
l’article 27 de son décret d’application, les conseils communaux sont
tenus de prendre toutes mesures nécessaires pour la réalisation et le
respect des dispositions du plan d'aménagement en concertation avec
l'agence urbaine. A cette effet, ils sont habilités à :
- programmer en liaison avec les administrations concernées les
projets d’aménagement inhérents à la réalisation des objectifs du
plan d'aménagement ;
- faire régulièrement le point de l'avancement de l'exécution des
prévisions du plan d'aménagement et, notamment de la
réalisation des travaux et opérations publics.
La circulaire 005 du 17 Janvier 1994 relative au plan d'aménagement,
invite les conseils communaux à prendre, dès la publication au bulletin
officiel du décret d'approbation du plan d'aménagement, toutes les
mesures nécessaires pour la réalisation et le respect des dispositions
dudit plan et à en confier le suivi à un comité ad hoc. Cependant, rares
sont les communes qui ont mis en place ce comité de suivi. La
réalisation de la voirie proposée par le plan d’aménagement et qui fait
partie des compétences des communes, est souvent reléguée au secteur
privé lors de la viabilisation des lotissements autorisés. La mise en
œuvre des plans d’aménagement n’est considérée que dans le cadre des
activités de gestion urbaine lors de l’instruction des demandes
d’autorisation de construire et de lotir. Aussi, le faible taux de
réalisation des équipements publics par les administrations
concernées démontre le faible intérêt accordé à la mise en œuvre des
documents d’urbanisme. La plus part des administrations ne prennent

95
aucune disposition pour l’acquisition du foncier des équipements
pendant la durée de la déclaration d’utilité publique et accordent la
main levée aux propriétaires terriens pour la réalisation de projets
d’habitat sans se soucier du déficit d’équipement dans les zones
concernées. Le recours excessif depuis 1998 à la dérogation
urbanistique montre le faible intérêt accordé par certains acteurs
publics à la mise en œuvre des plans d’aménagement, ce qui ne manque
pas de mettre en cause l’utilité même de la planification urbaine.
Également, la faible coordination entre planification territoriale et
socioéconomique et la planification urbaine amplifie les difficultés de
mise en œuvre des plans d’aménagement.

CONCLUSION
Depuis le début du siècle dernier, la maitrise et l’encadrement du
phénomène urbain ont toujours constitué un souci et un objectif
majeur de l’Etat. L’inertie et la dynamique des efforts législatifs,
institutionnels et administratifs pour faire de la planification urbaine
un référentiel en matière de production de l’espace, efficient et adapté
aux exigences d’une réalité urbaine en perpétuel changement, restent
toujours insuffisantes par rapport aux différents enjeux et défis du
développement urbain au Maroc.
Au niveau législatif, les enjeux et défis de l’urbanisation et du
développement urbain n’ont pas été toujours favorables à
l’aboutissement de plusieurs idées novatrices proposés par les projets
de lois notamment le dernier projet de code de l’urbanisme de 2006.
Durant plus d’un siècle et depuis le premier texte de 1914, seules deux
modifications du référentiel en matière de planification urbaine
réglementaire ont pu avoir l’aval du législateur à savoir la loi de 1952 et
celle qui est toujours en vigueur de 1992.
Au niveau institutionnel, le secteur de l’urbanisme, pour se conformer
aux nouvelles modes de gouvernance et au processus de régionalisation
et de déconcentration, a connu plusieurs changements au niveau de
l’organisation des structures chargées de l’urbanisme notamment la
mobilité du département chargé l’urbanisme entre plusieurs
ministères, la généralisation des agences urbaines, la création des
inspections d’urbanisme et le recadrage de leurs missions à plusieurs
reprises…
Au niveau organisationnel, les efforts consentis depuis 1992,
démontrent un dynamise remarquable pour faire prévaloir la
planification urbaine et l’adapter aux exigences de la réalité urbaine et
aux changements au niveau institutionnel. Parmi ces efforts, on
souligne la modification des normes de projection des équipements à
deux reprises (2005 et 2016) et la quatrième refonte depuis 1994 des
termes de référence type des marchés relatifs à l’établissement des

96
plans d’aménagement. Aussi, l’externalisation depuis les années 90 de
l’établissement des documents d’urbanisme a permis le
développement et l’accumulation d’une expertise nationale en matière
de planification urbaine et qui a fait du secteur privé un partenaire de
taille de l’administration dans ce domaine .
Les nouveaux modes d’action et les nouveaux outils d’urbanisme
opérationnels instrumentalisés ces dernières années, notamment les
grands projets urbains, les stratégies de développement urbain des
villes, la gestion dérogatoire, l’urbanisation informelle conjugués aux
critiques envers la planification urbaine portés, à tort ou à raison, par
les différentes parties prenantes des sphères concernées par le
domaine de l’urbanisme (lourdeur, rigidité, crise de confiance,
inadaptation, iniquité, instabilité, inefficience, frein à
l’investissement)25 risquent de faire perdre toute légitimité aux
documents d’urbanisme réglementaires.
Les défis de la ville marocaine, les nouvelles attentes de la population,
les exigences de l’investissement et du développement durable…
interpellent, plus que jamais, non seulement à rendre plus flexibles et
plus diligentes les procédures de la planification urbaine mais à
repositionner le système de planification urbaine pour qu’il puisse
jouer pleinement son rôle d’encadrement d’une réalité urbaine en
perpétuel changement et d’apporter les réponses adéquates et au
temps opportun aux problématiques urbaines posées. Aussi, des
adaptations des procédures de la planification urbaine deviennent
urgentes avec la publication dernièrement au bulletin officiel de la
charte de la déconcentration et la promulgation de la loi 47/18 relative
aux centres régionaux d’investissement et aux commissions régionales
unifiées de l’investissement.

Bibliographie
Lois
- Dahir de 16 avril 1914 relatif aux alignements, plans d'aménagement
et d’extension des villes, servitudes et taxes de voirie,
- Dahir du 7 Kaada 1371 (30 juillet 1952) relatif à l'urbanisme,
- Loi n°12-90 promulguée par le dahir n°1.92.31 du 15 Hija 1412 (17 juin
1992) relative a l’urbanisme,
- Décret n°2-92-832 du 27 Rebia ii 1414 (14 octobre 1993) pris pour
l'application de la loi n°12-90 relative à l'urbanisme

25
Direction d’urbanisme, rapport de diagnostic de l’étude du système de
planification urbaine p. 18

97
Circulaires ministérielles :
- N°82 DUA/SJ 28 du MAI 1993 relative à la participation des
inspecteurs régionaux de l’urbanisme, de l'architecture et de
l'aménagement du territoire aux travaux d'urbanisme.
- N° 005 du 17 janvier 1994 relative aux plans d’aménagement
- N°156 / CAB du 16 Mars 1995 /-procédures d’étude, d'instruction, et
d'approbation des plans d’aménagement
- N° 219 DGUAAT du 15 Juin 1995 relative à la couverture des
agglomérations en plans d’aménagement et plans de développement.
- N° 206 /DUA du 2 7 Novembre 1995 relative aux commissions
d’ouverture des plis relatifs aux études d'urbanisme.
- N°302/DGUAAT du 29 Septembre 1995 relative au financement par
le FEC des plans d'aménagement et des plans de développement.
- N° 399. / DGUAAT du 14 Mai 1996 relative au suivi de l'exécution des
dispositions des plans d’aménagement.
- N°12.96 du 29 octobre 1996 relative à la mise en œuvre des
documents d’urbanisme.
- N° 2039 du 13 Mars 2012 relative à la mise en place d’un portail
national sur les enquêtes publiques
- N°995 du 20 octobre 2014 au programme de relance des documents
d’urbanisme.

Etudes et mémoires :
- Abdennabi Guezzar, L’Urbanisme prévisionnel : évolution des
moyens institutionnels et règlementation du sol, mémoire troisième
cycle, INAU, 1993
- Direction d’Urbanisme, Rapport diagnostic de l’étude Système de
planification urbaine au Maroc, 2016
- Direction de l’Urbanisme, rapport introductif d’un séminaire sur les
procédures d’élaboration et d’approbation des études des plans
d’aménagement, 2002
- Direction de l’Urbanisme, études d’évaluations des documents
d’urbanisme de la région de Rabat Salé Zemmour Zaaer et de la région
de l’Oriental

Omar El IDRISSI

98
99
CHAPITRE 7 : LES EQUIPEMENTS URBAINS DANS LA
PLANIFICATION URBAINE

L’essor et la compétitivité d’une ville dépendent assurément des


équipements à effets d’entraînement socioéconomique. Les aspects
sociaux et sécuritaires comme les facteurs infrastructurels et super-
structurels sont déterminants pour la création d’une ville compétitive,
intégrative et inclusive ayant une identité sociale positive et à même de
booster un repositionnement territorial.
La valeur d’usage et la valeur symbolique comptent beaucoup dans la
construction de l’image du lieu et la réduction des ségrégations socio-
spatiales. C’est ainsi que la répartition des équipements collectifs, des
espaces publics, des repères identitaires voire des centralités,
détermine la qualité de l’espace urbain et donne aux habitants le
sentiment de la dignité, et le droit à la ville. Vivre dans un
environnement urbain décent constitue un facteur profond de
l’insertion et de la citoyenneté.
La présente réflexion s’interroge sur la place des équipements urbains
dans la planification urbaine au Maroc. L’intention étant d’apprécier
les méthodes de conception desdits équipements dans le cadre des
documents d’urbanisme et les outils de leur mise en œuvre. A priori, la
planification urbaine est un exercice de gouvernance urbaine, une
démarche et un processus plutôt qu’une recette à même de garantir le
résultat. Quelle que soit la rigueur pédagogique suivie, nul ne peut
prétendre à la rationalité absolue de quantification, de
dimensionnement et de spatialisation des équipements urbains parce
que la réflexion s’engage dans un champ hypothétique. L’acte de
planifier ne peut être l’expression d’un intérêt général ou d’un
optimum socio-économique partagé par tous les acteurs, quoiqu’on
s’efforce de « démocratiser » le processus de prise de décision.
Cette incertitude est empirée par les méthodes empruntées dans le
domaine de la planification urbaine ayant généré, depuis plus d’un
siècle, une crise d’efficacité. On a tendance à une standardisation des
besoins et formes urbains. Autant dire que la planification urbaine
traduit au moins un triple handicap de méthode, d’outils et de politique
publique.
Cela dit, la problématique centrale de cette réflexion mène
essentiellement à interpréter le dispositif qui conditionne la
planification des équipements urbains dans le système de planification
urbaine. Ce qui mène à formuler la question suivante : Avec quels
principes et règles de planification urbaine peut-on assurer une
régulation socio-spatiale à travers les équipements urbains ? Ou
encore comment les penser autrement ?

100
Cet essai suit un canevas composé de trois axes : le premier s’attache à
dévoiler les portées et les limites du cadre normatif et juridique portant
sur la planification des équipements urbains. Le deuxième vise à
mettre en évidence les méthodes idéologiques et canevas de
conception desdits équipements dans les documents d’urbanisme ainsi
que le gâchis découlant de leur mise en œuvre. Quant au troisième axe,
celui-ci met l’accent sur lesdits équipements comme préalable au droit
à la ville, en essayant d’esquisser des principes pour un renouveau
possible en la matière.

1 - LE CADRE NORMATIF ET JURIDIQUE RÉGISSANT LA


PLANIFICATION DES ÉQUIPEMENTS URBAINS

1 – 1 Un référentiel international de plus en plus incitatif


Le référentiel international en matière d’équipements et de durabilité
urbaine est pléthorique. On s’applique davantage à étayer un cadrage à
même de garantir la cohérence, la cohésion et l’articulation des
stratégies, initiatives, programmes et actions visant la production des
espaces urbains durables. Ainsi, l’accès aux équipements urbains figure
dans les objectifs de développement durable visant, entre autres, à
promouvoir le bien-être et à faire en sorte que les villes et les
établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et
durables.26
De même le nouvel agenda urbain adopté lors de la troisième
conférence des Nations Unies sur le logement et le développement
urbain durable (Habitat III) qui s'est tenue à Quito incite à favoriser
l’aménagement d’espaces publics sûrs, inclusifs, accessibles et de
qualité, affirmant ainsi la place des équipements en tant que potentiels
et moteurs de développement économique et social.
La charte d’Aalborg et d’Aalborg +10³, la charte de Leipzig27, l’Agenda
206328 pris par l’Union Africaine et bien d’autres référentiels
internationaux impliquent une conscientisation des pays vis-à-vis de la
nécessité de développer des villes équipées, durables et résilientes.

26 A noter notamment l’objectif 3 (cible 3.8), l’objectif 4, l’objectif 6, l’objectif 9 et


l’objectif 11 (cible 11.1).
27 La charte de Leipzig : 2007 exprime la volonté des villes en matière d’intelligence et

de résilience de l’urbain. Les préoccupations sont de mieux tirer profit des approches
d’une politique de développement urbain intégrée (moderniser les réseaux
d’infrastructure, pérenniser les stratégies de mise en valeur des qualités
urbanistiques…) ;
28 L’Agenda 2063 pris par l’Union Africaine table entre autres sur les villes et les autres

établissements humains en vue de donner un nouvel élan à l’Afrique pour qu’elle


réalise le plein potentiel de son urbanisation.

101
En sus, le système normatif international est de plus en plus précis. De
nombreuses approches et initiatives ont évolué dans le monde pour
construire des méthodes, indicateurs et guides, sachant que la
normalisation des processus de conception et de production de la ville
tient de la gageure. A titre indicatif, l’Organisation Internationale de
Normalisation (ISO) s’est appliquée à la réalisation d’une série de
normes, définissant des canevas normatifs pratiques pour aider les
collectivités à implémenter un processus de durabilité et d’intelligence
urbaines, en termes de planification des équipements, infrastructures
et composantes de la ville.
1 – 2 Des stratégies nationales apathiques
Le système normatif international n’a pas encore constitué une source
d’inspiration pour les stratégies nationales en matière d’urbanisme et
d’aménagement en vue d’instiller les méthodes et démarches de
performance et de durabilité urbaines. La normalisation comme
préoccupation est insignifiante dans l’élaboration des documents de
planification urbaine.
Naguère, la normalisation des équipements urbains, dans le cadre des
études d’urbanisme et des programmes de développement territoriaux,
s’affiche comme projet amorcé par l’Institut Marocain de
Normalisation (IMANOR), pour établir les normes nécessaires à même
d’aider à la construction de projets de villes durables29.
Nombreuses sont les stratégies, programmes et plans présumés
porteurs de visions de développement à même d’assurer l’efficience de
la ville et le bienêtre des habitants via les équipements, les espaces
d’échange, la sécurité publique, etc. La Stratégie Nationale de
Développement Durable (SNDD) et la Stratégie Nationale du
Développement Urbain (SNDU) ont annoncé un changement de
logique et une conscience quant à la nécessité de garantir à la ville les
composantes infrastructurelles et super-structurelles nécessaires à la
création d’espaces de vie intégratifs, inclusifs et compétitifs. Ces
stratégies se présentent comme cadres de cohérence des politiques
sectorielles, de la convergence des actions publiques et de l’intégration
des impératifs de la durabilité.
Au-delà de l’ambition et des discours officiels, la ville au Maroc reste
généralement la résultante d’un ensemble de lotissements ou d’un
patchwork de projets de constructions conçus en dehors d’une vision
intégrée mettant la ville et ses équipements au service du bienêtre de la
population.

29 Conseil Economique Social et Environnemental : Réussir la transition vers des

villes durables, 2017, p.15


in http://www.ces.ma/Documents/PDF/Auto-saisines/2017/as32-2017-villes-
durables/Rp-AS32-VF.pdf

102
1 –3 Espérances constitutionnelles et règles juridiques
élastiques
La constitution n’a pas manqué d’ériger l’accès aux équipements en
droit fondamental des citoyennes et des citoyens. Selon son article 31,
l'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales doivent
œuvrer à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter
l'égal accès aux conditions leur permettant de jouir des droits aux soins
de santé, à une éducation moderne, accessible et de qualité, à la
formation professionnelle et à l’éducation physique et artistique, à
l’accès à l’eau et à un environnement sain, au développement durable.
Il s’agit d’un acte juridique significatif, mais pour qu’il soit substantiel,
l’action publique doit agir suivant un système de normes et de mesures
opposables pour garantir la réalisation de la trame d’infrastructures et
d’équipements urbains. Les acteurs publics sont appelés à rompre avec
des pratiques éphémères pour s’engager dans des réajustements
structurels et à engager le développement urbain au niveau de leurs
espaces de compétence, selon des indicateurs de performance
mesurables, évaluables et corrigibles.
S’agissant des lois ordinaires en vigueur, les documents d’urbanisme
définissent les emplacements réservés aux équipements publics, le
tracé de la voirie, les limites des espaces verts, etc. Si on se limite au cas
le plus usuel du plan d’aménagement, le texte d’approbation dudit plan
vaut déclaration d’utilité publique des opérations nécessaires à la
réalisation de ces éléments urbains. Mais, cette opposabilité juridique
cesse à l'expiration d'un délai de 10 ans à compter de la date de
publication au bulletin officiel du décret d’approbation et aucune
nouvelle déclaration d'utilité publique poursuivant le même objet ne
peut intervenir sur les zones réservées auxdits équipements avant un
délai de 10 ans. Ainsi, les propriétaires reprennent la disposition de
leurs terrains, à la cessation des effets de la déclaration d'utilité
publique, et les utilisent conformément à l’affectation de la zone dans
laquelle ils sont situés.30
Par ailleurs, les servitudes qui peuvent être imposées dans le cadre
d’une demande d’autorisation de lotir ou de créer un groupe
d’habitations ne sont ni suffisamment intelligibles, ni dissuasives.
L’article 30 de la loi 25-9031 permet de subordonner cette autorisation
à l’insertion des réserves d'espaces supplémentaires pour les
équipements collectifs et les installations d'intérêt général dont
l'implantation est rendue nécessaire par suite de la création du projet.
Il y a lieu d’imposer l'établissement de servitudes dans l'intérêt de la

30
Dahir n° 1-92-31 du 15 hija 1412 (17 juin 1992) portant promulgation de la loi n° 12-
90 relative à l'urbanisme, article n°28.
31 Dahir n° 1-92-7 (15 hija 1412) portant promulgation de la loi n° 25-90 relative aux

lotissements, groupes d'habitations et morcellements (B.O. 15 juillet 1992).

103
sécurité publique, de l'hygiène, de la circulation et de l'esthétique,
comme il est possible d’exiger le maintien des plantations existantes.
L’article 31 de la même loi précise que la voirie et les réserves d’espaces
supplémentaires pour les équipements collectifs et les installations
d'intérêt général ouvrent droit à indemnité lorsque la superficie
réservée excède un certain taux par rapport à la superficie totale du
lotissement32.
La loi a édicté des concepts larges comme la sécurité, l’esthétique, la
salubrité …, lesquels permettent des interprétations multiples, comme
ils peuvent être instrumentalisés d’une manière discrétionnaire
sachant qu’il est facile de revêtir ces concepts à des mesures diverses et
variées.
1 – 4 Une grille normative peu persuasive
Les besoins en termes d’équipements urbains sont estimés, quantifiés
et spatialisés mécaniquement sur la base d’une grille normative
contenue dans le manuel des normes urbaines des équipements de
2005, abrogé récemment par le référentiel de programmation des
équipements publics et privés d’intérêt général de 2018. 33
Les normes urbaines des équipements visant à ˝rationnaliser˝ la
consommation du sol se veulent relevant d’un acte réaliste de
programmation susceptible de permettre une équité foncière et une
optimisation des superficies et coefficients d’occupation du sol. Elles
relèvent plutôt d’une logique dérivée des idéologies progressiste et
fonctionnaliste reposant sur une conception d’un individu humain
standard et identique en tout temps et dans toutes les régions, alors
qu’il est difficile d’admettre, l’existence de besoins types d’un citoyen
standard ou d’une population uniformisée.

32 Les servitudes de réserve d'espaces supplémentaires pour les équipements collectifs


et les installations d'intérêt général et de voirie n'ouvrent droit à indemnité que si la
superficie réservée représente plus de 25 % de la superficie totale, lorsque la surface
moyenne des lots est égale ou supérieure à 1.000 m2. Elle peut dépasser les 30 % de la
superficie totale, lorsque la surface moyenne des lots est inférieure à 1.000 m2 et égale
ou supérieure à 600 m2. Elle dépasse 35 % de la superficie totale, lorsque la surface
moyenne des lots est inférieure à 600 m2 et égale ou supérieure à 350 m2 ? Elle s’élève
à plus de 40 % de la superficie totale, lorsque la surface moyenne des lots est inférieure
à 350 m2 et égale ou supérieure à 200 m2. Plus de 45 % de la superficie totale, lorsque
la surface moyenne des lots est inférieure à 200 m 2 et égale ou supérieure à 100 m2 .
Plus de 50 % de la superficie totale, lorsque la surface moyenne des lots est inférieure
à 100 m2. Les indemnités prévues au présent article ne sont dues que pour la superficie
réservée excédant celle résultant de l'application des taux fixés ci-dessus.
33 Un manuel des normes urbaines des équipements a été élaboré par le département

ministériel chargé de l’habitat et de l’urbanisme en juin 2005. Ce manuel est abrogé


par le référentiel de programmation des équipements publics et privés d’intérêt général
qui a été établi en 2016 et vulgarisé par la circulaire du ministre de l’aménagement du
Territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville n°1606 du 15 février
2018.

104
Il est temps de sortir de l’approche quantitative et du ratio réducteur
par les seuils de population (équipement/nombre d’habitants)
puisqu’il n’y a pas un contexte unique mais des situations multiples. La
programmation des équipements devrait répondre en effet à des
logiques différentes et se voit par conséquent dictée par des critères
multiples relatifs à la situation, la densité, la typologie de l’habitat, les
caractéristiques socio-économiques des habitants, etc. 34
Le manuel de 2005 comme le référentiel de 2018 ont revu à la baisse
les superficies pratiquées, auparavant, pour les équipements par soucis
dits d’optimisation et de flexibilité35. Si ces principes émanent dans
l’absolu d’une conduite vertueuse, leur instrumentalisation est fort
contestée. Un même équipement n’est pas à traiter de la même manière
partout au Maroc. Les contraintes foncières, les densités urbaines, les
moyens financiers différent d’une aire urbaine à l’autre et d’une
collectivité à l’autre et rendent inopportun cet acte déclaré
d’homogénéisation.
Le référentiel de programmation des équipements publics et privés
d’intérêt général de 2018 a annoncé l’adoption d’une approche moins
normative, plus qualitative et plus flexible permettant de gérer le
changement et de s’adapter aux transformations et aux modes de
développement urbain au Maroc, aux dynamiques démo-économiques
et à l’évolution du champ des acteurs de l’urbain. Même si ce document
se veut un cadre de référence d’aide à la programmation plutôt qu’une
grille normative, il n’a pas apporté de réponses quant aux questions de
déficience qui pèsent sur la programmation des équipements dans les
plans et schémas d’urbanisme.
Les ˝ recettes ˝ proposées ne doivent pas être en deçà des aspirations
et idéaux sociaux sous l’alibi de la rationalisation. Le fait de se baser,
dans l’étude d’un document d’urbanisme, sur un tel raisonnement ou
sur une telle démarche constitue un risque de dérapage
méthodologique et une source d’insuffisance en qualité comme en
quantité.
Il serait injuste de prétendre que tous les documents d’urbanisme
forment un seul tenant reflétant la même platitude. Toutefois,
l’implication qui lie des données démographiques, la quantification des
besoins sur la base d’une grille statique et la ventilation des

34 Voir le référentiel de programmation des équipements publics et privés d’intérêt


général vulgarisé en 2018.
35 Dans le manuel de 2005, la superficie d’une école primaire devient 4 000 m² au lieu

de 5 000 m², un collège 10 000 m² au lieu de 12000 m², un lycée 12 000 m² au lieu de
15 000 m², etc. Dans le nouveau référentiel de 2018, les superficies sont également
revues à la baisse, même si on a prévu des intervalles de superficies à adopter selon le
contexte.

105
équipements constitue un constat général conforme à la logique
fonctionnaliste voire mécaniste.
Si les objectifs de la planification urbaine sont, principalement, de
nature économique, socio-écologique et politique, ils ne sont pas
facilement appréciables et perceptibles. Le planificateur réagit par
rapport à des objectifs manifestes mais partiels, mal hiérarchisés et peu
saisissables. Satisfaire les besoins des habitants présents et futurs est
une problématique compliquée vu que l’énumération scrupuleuse de
ces besoins n’est guère évidente. N’est-il pas aberrant de préétablir des
listes de besoins banals et des grilles normatives des équipements
collectifs prescrites dans une programmation standardisée ?
Un autre élément de cette problématique réside dans la manière de
percevoir un objectif quelle que soit sa nature. Comment, par exemple,
justifier la rentabilité d’un parc, d’une voie, voire d’un équipement
socioculturel ? Aucun argument de nature économique ou socio-
spatiale ne permet de faire un choix.
Aucune norme opposable ne détermine le coefficient de biotope à
prévoir selon les densités et les vocations des secteurs. Les densités
urbaines, le taux de motorisation, les fonctions de l’espace et les usages
changent alors que la trame viaire réalisée reste immuable et peut
même devenir inappropriée.
La ville à repenser au Maroc doit préserver son échelle humaine à
travers un équilibre spatial et environnemental. Toutefois, l’espace
urbain y est essentiellement minéral. « Les aménagements verts sont
symboliques à Casablanca, Salé et Tanger au regard des villes comme
Madrid, Copenhague, Berlin et Londres. Au vu d’une normalisation
claire, la majorité des grandes villes du Nord et même du Sud ont
réalisé des ratios importants »36. En Tunisie, «l’évolution de la
superficie d’espace vert par habitant en milieu urbain a évolué
considérablement en passant de 4.4 m2/habitant en 1994 à 14.65
m2/habitant en 2007»37.
Le département ministériel chargé de l’urbanisme a établi en 2008 un
guide d’élaboration des plans verts urbains qui s’aligne sur les
recommandations des Nations Unies, en proposant des seuils et ratios

36 Le ratio d’espace vert/habitant est de 1,19 m² à Salé, moins d’un 01 m² à Casablanca

et à Tanger. La norme internationale préconise 10 m² et une superficie d’espace vert


en milieu urbain supérieure à 6 % de la contenance de la ville. A noter que le ratio
d’espace vert/habitant est de l’ordre de 10 m² à Tunis, 11,5 m² à Madrid, 23.60 m² à
Berlin, 45 m² à Londres et 35 m² à Copenhague. Voir Naima El Qessouar : L’espace
vert au Maroc, Essai d’analyse, Cas de la ville de Tanger, mémoire de Troisième Cycle
pour l’obtention du Diplôme des Etudes Supérieurs en Aménagement et Urbanisme,
INAU, 2009, pp.47-155.
37 Ministère de l’Environnement et du Développement Durable & Agence Nationale de

Protection de l’Environnement : Les Indicateurs de l’Environnement en Tunisie, 2008,


p.2.

106
d’espaces verts à atteindre dans une ville. Toutefois, ce guide n’est pas
encore traduit en règles opposables à l’Etat, aux villes et aux tiers.
Le référentiel des normes urbaines des équipements de 2018 n’a pas
reconduit les standards adoptés dans le guide précité, concernant les
superficies dédiées aux espaces verts. Il n’a pas définit de coefficient de
biotope. Les normes à cet égard sont diluées, sachant que les
superficies de l’espace vert et du parking sont comptées dans la
contenance globale de l’équipement autour duquel ils seront
implantés. Au moins, la grille normative de 2005 était claire dans sa
déficience lorsqu’elle a édicté pour 1 000 habitants, un jardin de 450
m² soit un ratio de 0,45 m²/habitant et quand elle a prévu un grand
jardin pour un seuil de population de 10 000 à 20 000 habitants, et
pour un lotissement de 10 ha, soit un ratio de 3 m²/ habitant.
Même ces standards ne sont pas respectés au vu des indécisions,
tractations et marchandages administratifs, du coût du foncier et de
l’insolvabilité des villes. Ainsi, la planification urbaine évolue dans un
champ conjoncturel, quoiqu’on prétende la « démocratisation » du
processus de prise de décision dans des actes de création et de gestion
des richesses, impliquant « des prises de position idéologiques sur le
système social, le mode de vie, la morale collective »38.

2 - LES MÉTHODES IDÉOLOGIQUES ET CANEVAS DE


CONCEPTION DES ÉQUIPEMENTS URBAINS

Considérant le système référentiel, à la fois théorique et pratique, la


méthode implique une démarche intellectuelle et un canevas
procédural que la conception doit emprunter pour résoudre des
problèmes urbains qui s’imposent et tracer des pistes de
développement dans un cadre de prospective et de rectitude. Toutefois,
la planification des équipements comme des autres composantes
urbaines dans les documents d’urbanisme continue à suivre des
modèles idéologiques surannés et des canevas désuets. La conséquence
est un gâchis énorme.

2 – 1 Des modèles surannés


La conception progressiste - fonctionnaliste de l’urbanisme s’est
longtemps érigée en modèle international et ne cesse de constituer une
recette à consommer au Maroc. La standardisation des équipements,
les formes géométriques types et la répartition des fonctions urbaines
via le zonage sont des aspects de l’idéologie véhiculée par la charte

38 F. Parfait (présidée par) : La planification urbaine : alibi ou espoir, édition Eyrolles,

1973, p.9.

107
d’Athènes, imprégnant la confection des documents d’urbanisme au
Maroc.
Les plans conçus au Maroc entre 1946 et 1953 par Michel Ecochard 39
étaient fidèles à la charte d’Athènes. De même, « Les plans
d’aménagement établis après cette période sont devenus, de plus en
plus, de simples plans techniques et règlementaires où la recherche
conceptuelle est parfois absente »40. Durant les années quatre-vingt, la
scène de l’urbanisme au Maroc va être marquée par Michel Pinceau 41
qui a mené « un urbanisme formaliste de tracés et de percées »42.
Les plans d’aménagement établis jusqu’à présent, continuent à refléter
un urbanisme prescriptif et normatif basé sur une logique
fonctionnaliste de répartition des équipements et de zoning, ne cessant
de générer des divisions spatiales et des ségrégations sociales
corrélatives.
La conception universaliste de « l’homme type » conduisant à des
besoins humains identiques et uniformisés à tous les hommes, en tous
les lieux et en tout temps ne peuvent garantir la cohérence urbaine et
la cohésion sociale au vu des mutations profondes qui ne cessent
d’altérer la ville contemporaine.
Toutefois, la ville n’est pas un objet statique, c’est un processus en
mutation continuelle. En Europe comme partout en Occident, le
dogmatisme de l’idéologie fonctionnaliste est remis en question. Si le
fonctionnalisme a dominé l’urbanisme pendant de longues décennies,
il commence à tomber en désuétude dans ses pays d’origine depuis les
années 1970. En revanche, le culturalisme commence à se raviver et se
revaloriser. En fait, les fondements de la théorie culturaliste sont « au
cœur des problématiques actuelles de l’aménagement et de
l’urbanisme »43.
2– 2 Des canevas de planification d’équipements désuets
Dans l’absolu, le document d’urbanisme franchit une série d’étapes
enchaînées devant attester la lucidité de l’esprit politique assurant la

39 Michel Ecochard, architecte urbaniste et archéologue était directeur du service de

l’urbanisme et de l’architecture du Maroc entre 1946 et 1953. Il a établi les plans


d’aménagement d’Agadir, de Casablanca, de Fès, de Meknès, de Rabat.
40 Larbi Gharbi : la planification urbaine au Maroc, bilan des 50 années et perspectives,

2005.
in www.rdh50.ma/fr/pdf/contributions/GT6-7.pdf
41 Michel Pinceau, architecte du roi Hassan II pour la construction des résidences

royales, d’aéroports, d’université d’Ifrane, de la mosquée Hassan II, etc. Il a réalisé les
schémas directeurs d’aménagement urbain de Casablanca, Marrakech, Rabat-Salé, Fès
et une panoplie de plans d’aménagement au Maroc.
42 Larbi Gharbi, op.cit.
43 Emilianoff Cyria : la ville durable, un modèle émergent, géo-scopie du réseau

européen des villes durables (Porto, Strasbourg, Gdansk), thèse pour l’obtention du
grade de docteur en géographie, université d’Orléans, 1999.

108
maîtrise d’ouvrage et la finesse de pensée émanant des maîtres
d’œuvre. Cependant, le déroulement de l’étude, de l’instruction et de
l’approbation d’un tel document pourrait s’apparenter à un rituel
politico-administratif.
Dans un canevas de planification urbaine, il y a lieu, à l’évidence,
d’établir un diagnostic qui doit dresser l’état des lieux et exprimer les
besoins en matière de développement économique, de cohésion
sociale, d’équilibre spatial et d’équipements. Néanmoins, le cahier de
charges ˝type˝ servant de base à l’établissement des plans
d’aménagement tombe en désuétude. Il manque de rigueur et de
méticulosité débouchant ainsi sur des diagnostics stéréotypés
conduisant d’un espace à l’autre aux mêmes registres de réponses.
Les études sectorielles portant sur les aspects fonciers, sociaux et
environnementaux sont souvent peu explorées, diluées ou délaissées.
A titre indicatif, le foncier et l’immobilier sont rarement prospectés ;
alors que l’immobilier constitue « un facteur de redynamisation de
l’ensemble de la vie urbaine et renforce son statut de locomotive de
l’économie urbaine »44 et qu’il est demandé de repérer les problèmes
fonciers entravant la mobilisation des terrains à urbaniser,
d’inventorier les propriétés relevant des différents statuts juridiques,
de mentionner la situation du marché foncier et de définir les moyens
susceptibles de remédier aux contraintes qui s’y imposent.
Il n’est pas facile de décider raisonnablement des affectations du sol,
d’établir une programmation lucide des équipements publics et de
retenir pertinemment des fonctions sur lesquelles s’adossent les
changements socioéconomiques et spatiaux souhaités. Comme il est
inconcevable de se borner à un jeu simpliste qui repose sur les taux
d’accroissement démographique à prolonger dans le futur conduisant
à des projections à un horizon temporel donné. La conception de
l’espace urbain requiert des analyses fines et des expertises soutenues.
Des premières réflexions à la mise en forme du document d’urbanisme,
l’exercice se trouve ardu et consiste à évaluer les dynamiques urbaines,
économiques, sociodémographiques et spatiales.
Cette réflexion est encline à désapprouver les canevas d’élaboration des
documents d’urbanisme et de planification des équipements urbains.
Le schéma d’urbanisme est en définitive le résultat d’un ensemble
d’actions accomplies conformément à des règles réglementaires et
administratives faisant partie d’un processus plus cérémonial
qu’intellectuel. L’enjeu est souvent de légaliser les faits et les coups
partis cautionnés par les instances politico-administratives. Quand la
procédure prévaut sur le savoir et le savoir-faire, l’acte de conception
se réduit aux tractations et compromis. La planification urbaine

44 Mustapha Chouiki : ville et changement au Maroc, quel changement véhicule la ville

marocaine ? Edition INAU, 2013, p.15.

109
s’assimile, alors, à un simple acte de gestion administrative en suivant
un rituel de commissions, de réunions et de procès-verbaux.

2 – 3 Un gâchis énorme
Le gâchis en matière de production des équipements urbains est grand.
Le taux de réalisation des équipements publics, des espaces verts et de
la voirie prévus dans les documents d’urbanisme est globalement en
deçà de 15%. Ce chiffre est reconnu officiellement et confirmé à partir
des rapports des conseils d’administration des agences urbaines.
Aucune de ces dernières n’a affiché un taux de concrétisation des
schémas et plans d’urbanisme au-delà de 20%, depuis l’an 2000
jusqu’à présent.
Ce constat véhément est à nuancer, car il faut comparer les besoins
effectifs avec le bilan réalisé en matière d’équipements et installations
d’intérêt général. Il ne serait pas sensé de considérer intégralement les
trames d’équipements conçues dans les documents d’urbanisme ;
lesquels sont souvent surestimés. Les projections démographiques, les
hypothèses et les résultats du plan sont généralement entachés
d’incertitude. Les attraits industriel, tertiaire et résidentiel ainsi que les
interdépendances des espaces urbains, les emprises des pôles de
commandement et les concurrences territoriales sont peu creusés dans
l’ensemble.45
Le gâchis s’exprime également par le recours à un urbanisme de
dérogation prétendu facilitateur et incitatif pour l’investissement, en se
basant sur une « réglementation » non réglementaire par des
circulaires46. On a officialisé la pratique de la dérogation par
l’instauration de la circulaire n°254 qui a été édictée, à titre transitoire,
en attendant d’accomplir des reformes des textes juridiques en vigueur,
alors que cette situation perdure encore. Elle a fait l’objet d’une
modification par la circulaire n°622 avant être abrogée par la circulaire
interministérielle n°3020/27. 47 Cette logique propice aux enjeux

45 L’attrait industriel se réfère à la densité moyenne nationale de 60 emplois à l’hectare

brut de zone industrielle, en comptant 0.7 ménages de cinq personnes par poste
d’emploi. L’attrait résidentiel fait ressortir une estimation de la population qui pourrait
résider dans l’aire d’étude au vu des nombres de lots issus des lotissements et groupes
d’habitations autorisés ou prévus.
De même, le secteur tertiaire implique une fraction de la population à estimer selon le
type de l’activité tertiaire préconisé dans le document d’urbanisme.
46 La circulaire, selon le principe de la hiérarchie des textes juridiques, n’a aucune

incidence réglementaire. Elle n’a pas à enfreindre les textes qui lui sont supérieurs ;
c’est un outil de travail qui ne concerne que l’administration, mais qui peut être un
document d’information du public dans un système démocratisé. Son rôle est de
commenter, expliquer, voire indiquer, dans certains cas, une ligne de conduite afin de
rendre la pratique administrative homogène et uniforme, mais la circulaire ne peut en
aucun cas être un acte créateur de droit.
47 A noter :

110
politiques et économiques s’est déroulée à plusieurs coups par
l’atteinte aux emplacements réservés aux espaces verts, aux
équipements d’intérêt général ; D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle
il a fallu divulguer une autre circulaire incitant à la préservation des
équipements publics prévus par les documents d’urbanisme, bien
qu’elle utilise des formulations dépourvues de résolution48. Enfin, la
circulaire interministérielle n° 10098/31, entrée en vigueur, en date du
06 juillet 2010 a introduit des restrictions, quant aux critères de
recevabilité des demandes de dérogations en urbanisme, notamment
la nature des projets éligibles, l’intuitu personae des exceptions
accordées, la préservation des terrains destinés aux équipements
publics, aux espaces verts, aux voies d’aménagement, aux périmètres
irrigués, etc.
En principe, aucune dérogation ne doit porter sur les terrains destinés
aux équipements urbains. Pourtant, ils n’acquièrent aucunement
d’immunité contre l’agression de la dérogation. Les indicateurs chiffrés
mettent en exergue que la bétonisation a empiété sur une superficie de
900 ha dédiés initialement à des équipements et installations d’utilité
publique, dont 420 ha d’espaces verts49.
Le recours démesuré aux dérogations s’est traduit par la réalisation des
projets sur des terrains non équipés, des zones agricole intensives, des
ceintures vertes, des réserves naturelles, des zones de boisement ou des
nappes phréatiques. A ajouter que la superficie urbanisée
annuellement est de l’ordre de 5900 ha50, dont plus de 1000 ha sont
des terres agricoles, concernant surtout les périmètres irrigués situés à
la périphérie de centres urbains.

- La circulaire ministérielle n°254 relative aux procédures d’instruction des


projets d’investissement en date du 12 février 1999 ;
- La circulaire ministérielle n°622 du 08 mai 2001 modifiant la circulaire
n°254 ;
- La circulaire interministérielle n°3020/27, relative aux conditions dans
lesquelles les projets d’investissement peuvent bénéficier de dérogations dans
le domaine de l’urbanisme, en date du 04 mars 2003.
48 Il s’agit de la circulaire n°6403 en date du 5 avril 2004 relative à la préservation des

équipements publics prévus par les documents d’urbanisme, notamment les


équipements de l’enseignement et de la formation.
Cette circulaire signale que la commission de dérogation instituée par la circulaire
interministérielle n°3020/27 en date du 04 mars 2003 est tenue de prendre en
considération la préservation des équipements publics prévus dans les documents
d’urbanisme notamment ceux ayant trait à l’enseignement et à la formation afin de ne
pas porter atteinte aux besoins futurs des habitants.
49 Conseil Economique, Social et Environnemental : rapport sur les impacts de la

dérogation en matière d’urbanisme, 2014, pp. 11-13


50 Ministère de l'Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire, Direction de

l’Aménagement du Territoire / EDESAT: Étude relative à l’élaboration de la Stratégie


Nationale de Gestion du Foncier, mission 2 : Etat des lieux et diagnostic territorial,
Janvier 2016, p.224.

111
Les dérogations les plus sollicitées portent sur le changement de
zonage et l’accroissement des coefficients d’occupation et d’utilisation
du sol (COS et CUS). Il en ressort également que l’investissement
productifs de richesses est réduit51.
Faut-il prévoir des mesures réglementaires de régulation contre
la ˝déplanification˝ urbaine et faire prévaloir une conception qui rende
l’espace à la société ? Il serait irrationnel de sacrifier la réflexion
intégrée à la circonstance, le durable à l’éphémère, la prospective au
rapiéçage.

3 - LA PLANIFICATION DES EQUIPEMENTS URBAINS OU


COMMENT ASSURER LE DROIT A LA VILLE ET PENSER UN
RENOUVEAU

La planification des équipements urbains constitue un préalable au


droit à la ville. L’intention est de réconcilier le citoyen avec sa ville et y
recréer de la vie, de l’espoir, de la solidarité, de la réhabilitation, du lien
social. De même, les pistes d’un renouveau de la planification urbaine,
notamment la conception des équipements urbains, révèle l’ambition
de cette réflexion consistant à amorcer ou au moins à accompagner une
mouvance affichant le défi d’émanciper les méthodes de planification
et de reprendre le contrôle de la pensée sur les principes de l’urbanisme
prévisionnel.

3 – 1 La planification des équipements urbains comme


préalable au droit à la ville
Le droit à la ville est un concept renouvelé dénonçant la ville morose
qui crée la fracture urbaine et « urbanifie » le citoyen au détriment de
son intégration et de son bien-être. Ce concept récuse l’urbanisme
prescriptif et normatif. Il stigmatise les déficiences liées au manque
d’équipements, aux inégalités urbaines, aux exclusions sociales, aux
risques urbains, à l’habitat irrégulier, à la décadence des médinas, etc.
C’est ainsi que l’Etat et les collectivités territoriales sont interpellés
pour un autre système de planification urbaine et pour une autre
gouvernance urbaine susceptible de préserver et de valoriser les
équipements urbains et d’assurer le droit à la ville et les valeurs tant
matérielles que symboliques.
L’intérêt est porté à la ville comme unité organique et totalité
culturelle. La ville doit annoncer ses équipements majeurs et
miniatures, ses lieux conviviaux de rencontres sociales, selon une
conception rassurante, et confortable.

51Conseil Economique, Social et Environnemental : rapport sur les impacts de la


dérogation en matière d’urbanisme, 2014, pp. 11-13

112
Le droit à la ville requiert des équipements publics, logements, espaces
socio-collectifs et installations de loisirs et d’ouverture à l’image des
valeurs de créativité, de cohésion sociale, de mixité urbaine et de
cohérence spatiale. Le lien doit être fort entre la morphologie urbaine
et son contenu social.
Le droit à la ville est une nécessité absolue, au vu de l’ampleur prise par
le phénomène urbain et les handicaps structurels. Le rapport publié
par la Banque Mondiale en 2017 sur le Maroc à l’horizon 2040 a
souligné que l’enjeu est décisif parce que si la tendance de la croissance
du début du siècle s’est maintenue, il faudrait au Maroc 65 ans pour
atteindre le niveau actuel de développement de la Malaisie, 129 ans
pour celui de la Corée du Sud et près de deux (02) siècles pour atteindre
celui des Etats Unis.52
Les déficiences du pays sont manifestes. De même, «L’ampleur prise
par les dysfonctionnements des villes, et les besoins du développement
urbain, plaident pour une inscription des nouveaux choix en matière
de politique urbaine »53. Il est nécessaire que le Maroc cherche à
rattraper les retards cumulés en matière de développement socio-
économique. Autant dire que la ville constitue un enjeu tant décisif que
fondamental pour relever les défis qui s’amplifient au fil des années.
On doit donc instaurer la règle de l’équipement d’abord pour mieux
définir les priorités en matière de conception et de gestion de la ville.
Avant d’enclencher le foisonnement des logements et l’entassement
des populations, il faut prémunir celles-ci contre la déficience urbaine.
Il serait donc question d’amorcer la réalisation des équipements
d’infrastructure et de superstructure préalablement ou au moins
parallèlement à l’ouverture d’une zone à l’urbanisation suivant un
système de conception et de financement.
Chaque équipement urbain peut exprimer des valeurs culturelles, à
travers sa forme et ses charges symboliques. Il doit être considéré
comme une assise structurelle de l’espace à produire. Au-delà de
l’aspect matériel d’un édifice à usage public, c’est son attrait productif,
cohésif, inclusif voire spirituel qui importe dans la conception de
l’urbain. Ainsi, il faut traiter tant les formes spatiales que les figures
sociales de la ville, à l’occasion d’un document d’urbanisme.
Les équipements urbains comme les options d’aménagement sont, du
moins, à définir, de manière à favoriser les rencontres sociales, et
partant la cohésion sociale. L’espace public, la mixité urbaine, les
équipements publics et socio-collectifs, les lieux de culte, les aires de

52Mémorandum économique, publié par la banque mondiale en 2017 sur le Maroc à


l’horizon 2040 : capital immatériel et les voies de l’émergence économique in
http://www.banquemondiale.org/fr/country/morocco/publication/morocco
economic-memorandum-2017
53 Mustapha Chouiki : Le Maroc face au défi urbain, quelle politique de la ville ? Edition

Dar Attaouhidi, 2012, p.109.

113
sport et de verdure, les repères et symboles urbains, les aménagements
de restructuration, de réhabilitation ou de requalification ainsi que
bien d’autres éléments sont des ingrédients à réfléchir, à prévoir, à
composer pour solutionner, selon les cas, la problématique urbaine
posée et s’assimilant à une équation complexe à plusieurs variables.
Bien entendu, la ville, et tout particulièrement l’espace public, n’accède
pas encore au rang de l’idéal social. Il convient de miser la valorisation
de l’espace concret, l’espace vécu, dans toute conception urbanistique
qui devrait puiser ses symboles, ses repères identitaires et ses idéaux
pour en faire un bien communautaire dans les pratiques socio-
spatiales.
La finalité étant d’inculquer progressivement à la conscience collective
une véritable culture d’urbanité. C'est-à-dire s’attacher à son quartier
et exprimer ouvertement sa citadinité et sa citoyenneté. On est,
actuellement, loin de revendiquer la dégradation d’un jardin public ou
l’atteinte à un emplacement réservé à un équipement d’intérêt général.
Cependant, ce sont ces composantes urbaines qui rendent la ville
hospitalière pour ses habitants. Il n’est pas de coutume de se soulever
contre un parti d’aménagement jugé déséquilibré ou arbitraire. Les
valeurs de l’espace ne font pas partie des dossiers revendicatifs
habituels. L’espace public ne peut être introverti que si les citoyens sont
associés à son façonnement et initiés à la reconnaissance de son unité
de voisinage.
Dans cet état d’esprit, l’espace public s’érige d’une manière
différentielle à un bien commun ou à une propriété en indivision dont
les parties indivises sont notamment les équipements et installations
publics, les espaces libres, les aires d’agrément, de sport et de
circulation. L’espace public est l’un des supports indispensables à la
pratique des activités sociales, culturelles, ludiques, sportives et
touristiques. Il est donc inadmissible de bétonner de tels supports pour
des considérations « réglementaires » ou complaisantes à l’égard du
pouvoir économique, notamment immobilier et foncier.
La planification urbaine consciencieuse ne tolère pas les distances
sociales et spatiales excessives. La réduction de ces distances peut se
faire à travers l’articulation des séquences urbaines et des espaces
publics au niveau de chaque quartier et de chaque secteur. Si nul ne
peut porter remède aux inégalités sociales, il est toujours possible
d’apaiser leurs intensités et surtout favoriser les valeurs d’usage
collectives de la ville. Les valeurs d’usage disparates et iniques nuisent
à l’Homme qui doit non seulement accéder à des équipements urbains,
mais aussi jouir des qualités pratiques et symboliques de la ville, ce qui
revient à rendre celle-ci à la société.
De même, rendre la ville aux personnes vulnérables est une priorité,
autant dire que rendre la ville à tous ses habitants représente un enjeu
fondamental qui pourrait traduire le droit à la vie communautaire en

114
ville. Les infrastructures et équipements socio-collectifs et les autres
espaces publics ne doivent pas transgresser les droits des personnes
vulnérables, à savoir la femme, les enfants, les personnes âgées et les
personnes à mobilité réduite.
Si l’urbanisme est un moule qui façonne les projets de société, c’est à
travers les espaces publics qu’on inculque à l’homme les
tempéraments d’extraversion ou d’enfermement, de pacification ou
d’agressivité, d’initiative ou d’engourdissement, de bien-être ou
d’angoisse, etc.
Cette réflexion exprime l’intérêt de renouer avec les valeurs de la ville
tolérable et ouverte afin de faire intégrer à l’espace urbain sa chaleur
humaine et son rayonnement culturel. L’objectif étant de faire renaître
les valeurs d’ouverture, de la cohérence et de l’intégration à travers une
conception spatiale susceptible de susciter une urbanisation sociale.
Faut-il rendre à l’habitant sa manière d’être à travers la valorisation de
l’identité concrète de l’espace qui ne se veut pas un simple paraître
urbanistique ou architectural.

4 - LA PLANIFICATION URBAINE ET LA QUESTION DES


EQUIPEMENTS URBAINS OU QUETE D’UN RENOUVEAU

Si les méthodes et outils usités dans la planification urbaine ne


permettent guère de faire face aux traumatismes urbains, le renouveau
recherché doit se focaliser sur le renouvellement de certains principes
de l’urbanisme avant d’ébaucher un schéma de conception plausible.
Qu’il soit politique, économique ou social, chaque acteur a ses propres
objectifs, ses priorités et ses modalités d’action. C’est pour cela que la
planification urbaine ne doit pas être livrée aux conjonctures et au jeu
de forces faisant prévaloir les intérêts politico-économiques sur les
intérêts socio-environnementaux. L’intérêt général ne peut être qu’un
optimum socioéconomique et spatial. Il serait judicieux de se mettre
d’accord sur un univers de référence qui serait pour tous les acteurs un
enjeu susceptible de stimuler l’implication des différents intervenants
dans un cadre collectif de planification et d’action vis-à-vis des
problématiques urbaines. Il relève de la conscientisation unanime à
s’entendre sur la prééminence des équipements et servitudes à
instaurer dans l’intérêt des convenances sociales, de la décence, de
l’ordre public, de la circulation, de l’esthétique et de l’agrément.
Ce faisant, un équipement public, acquerrait une sorte d’immunité
contre toute agression probable. La règle de droit ou d’éthique pourrait
jouer le rôle de verrou empêchant l’empiétement de l’intérêt privé ou
sectaire sur l’utilité publique.
Sur un autre registre, l’importance est portée sur l’impartialité de l’Etat
appelé à décréter des règles de droit sociales, impersonnelles et

115
générales. L’iniquité foncière54 avive chez les personnes ayant subi les
conséquences d’une planification préjudiciable le sentiment d’injustice
sociale sachant que la réussite de tout projet de développement,
compatible avec le projet global de société, reste tributaire de
l’élimination des réticences et de la convergence des perceptions
sociales vis-à-vis de l’espace à produire collectivement et à sacraliser
comme bien commun.
Par ailleurs, le renouveau désiré mise sur la valorisation des
équipements et espaces publics dans tout acte de planification urbaine.
Ce principe n’implique pas une réflexion dogmatique. C’est un élément
de méthode qui invoque une planification consensuelle. Pour éviter
tout malentendu, il faudrait admettre que tout schéma chimérique est
synonyme d’échec ; c’est pour cela qu’il serait utile d’annoncer,
d’emblée, que la conception et la fabrication de la ville ne peuvent obéir
ni à un plan rationnel, ni à un modèle reconductible. Toutefois, plaider
en faveur de la concertation, la co-conception de la ville et la
coresponsabilité vis-à-vis de cette dernière exprime une prise de
conscientisation face au risque de ségrégation socio-spatiale due à la
fragmentation de la ville en zones des inclus et zones des exclus.
Dans une autre optique, le système de planification a besoin de
soupapes de régulation, de rattrapage et d’impulsion tout au long du
processus tant de décision que d’action. Les idées, les démarches et les
procédures qui briguent la maîtrise de l’évolution de la ville sont basées
sur des hypothèses de conception et d’aménagement qui présupposent
une configuration susceptible d’assurer le développement urbain. Ces
éléments hypothétiques s’inscrivent dans le temps et, partant, dans
l’incertitude. Nul ne peut se référer à une méthode figée pour aiguiller
la planification urbaine qui est, par essence, érigée à moyen et à long
terme, donc inconnue voire énigmatique.
La planification urbaine se doit de renouveler ses instruments et ses
canevas en se nourrissant des réflexions prospectives. La mise en cause
continuelle des clichés, qu’ils soient méthodes ou politiques, devient
une nécessité pour que l’acte de concevoir soit créatif et vivant. La
méthode courante de confection des plans d’urbanisme, au Maroc, a
besoin plus que jamais de s’imprégner d’une logique interactive. Les
horizons temporels de validité des schémas directeurs et des plans
d’aménagement respectivement de 25 et 10 ans brident la crédibilité de
la conception. Faut-il prévoir, par conséquent, des critères de
performance intelligibles et transparents selon lesquels le plan serait

54 La circulaire n°6690 en date du 2 mai 2003 sont largement partagés attache de


l’importance aux principes de solidarité sociale et de justice foncière, en incitant à
prendre en considération les statuts fonciers et le parcellaire dans le choix des options
d’aménagement en vue de limiter la contribution de chaque propriété foncière à 30%
de sa superficie globale au profit des installations d’intérêt général.

116
évalué à tout moment, ce qui rendrait sa révision inopportune,
préférentielle ou obligatoire.
Cette réflexion invoque des compétences et expertises confirmées. La
méthode à étayer concerne la maîtrise de l’information, la
multidisciplinarité, la mise en valeur des idéaux sociétaux,
l’engagement collectif et la souplesse du système de planification.
Cela dit, baliser les pistes d’un renouveau en matière de planification
urbaine et de conception des équipements urbains est une entreprise
complexe. C’est une question d’idéologie, de culture et surtout de
politique. Le fondement de notre représentation tient du rejet de la
méthode unique, transplantée au Maroc ; laquelle vaut un arrimage de
soi et provoque une crise d’identité et inéluctablement une crise
d’efficacité.

Conclusion
La place pour les équipements urbains dans la planification urbaine au
Maroc laisse à désirer. Les déficiences quantitatives et qualitatives sont
multiples. Les systèmes référentiels et normatifs, les méthodes
d’urbanisme et les canevas de réalisation des équipements sont à
repenser dans la perspective de relever le défi d’émanciper les
méthodes de planification et de reprendre le contrôle de la pensée sur
les principes d’urbanisme prévisionnel.
Dans le même sens, la gouvernance de la ville est à optimiser.
Nombreux sont les moyens prévus par la constitution et les lois
organiques sur les collectivités territoriales qui ne sont pas encore
épuisés. La subsidiarité, l’intercommunalité, les établissements de
coopération intercommunale, les groupements, les mécanismes de
coopération, de partenariat et de contractualisation, la gestion
moderne par objectifs suivant des indicateurs de suivi, de réalisation et
de performance, les techniques de suivi et d’évaluation, ainsi que les
systèmes d’information sont des exemples d’un gâchis dans la
gouvernance des villes.
Sur un autre registre, aucun système de planification et de production
d’équipements urbains ne peut fonctionner sans maitrise du foncier,
sans fonds et moyens de financement de l’urbanisation et sans capacité
à investir pour assurer la durabilité de la ville. D’ailleurs, le
financement des besoins de la ville en équipements urbains
s’apparente au maillon faible de la politique de décentralisation. A
noter la forte dépendance des villes à l’appui financier de l’Etat et la
prépondérance des dépenses de fonctionnement. Toute volonté de
réforme en profondeur doit être multidimensionnelle touchant le
système juridico-administratif, le financement de l’urbanisation, la
maitrise du foncier et l’expertise.

117
La ville est à la fois territoire et population, mais surtout un cadre
matériel d’investissement, configuration d’objets physiques et nœud de
relations, foncièrement, entre les pouvoirs économiques et politiques.
C’est pourquoi, il faut repenser la ville et ses équipements dans le cadre
d’une politique urbaine afin d’améliorer la régulation du pouvoir et de
développer des mécanismes de coordination et de régulation de l’action
collective. L’enjeu étant de co-planifier la ville et gérer l’appropriation
du projet urbain.

Références bibliographiques
ƒ Ouvrage :
- CHOUIKI M : ville et changement au Maroc, Quel changement
véhicule la ville marocaine ? Edition INAU, 2013.
- CHOUIKI M : Le Maroc face au défi urbain, quelle politique de la
ville ? Edition Dar Attaouhidi, 2012.
- EMILIANOFF C : la ville durable, un modèle émergent, géo-scopie du
réseau européen des villes durables (Porto, Strasbourg, Gdansk), thèse
pour l’obtention du grade de docteur en géographie, université d’Orléans,
1999.
- GHARBI L : la planification urbaine au Maroc, bilan des 50 années et
perspectives, 2005
- JACQUOT H. & LEBRETON J.P. : La refonte de la planification
urbaine. AJDA, 2001.
- PARFAIT F. (présidée par) : La planification urbaine : alibi ou espoir,
édition Eyrolles, 1973.
-
ƒ Autres références :
- ELIDRISSI A : La conception de l’espace urbain au Maroc : cas des
plans d’aménagement de la couronne ouest de Casablanca, thèse de
doctorat, Université Hassan II, FLSH de Mohammedia, 2011.
- EL QESSOUAR N: L’espace vert au Maroc, Essai d’analyse, Cas de la
ville de Tanger, mémoire de Troisième Cycle pour l’obtention du Diplôme
des Etudes Supérieurs en Aménagement et Urbanisme, INAU, 2009.
- Conseil Economique, Social et Environnemental : Les impacts des
dérogations en matière d’urbanisme, 2014.
- Conseil Economique, Social et Environnemental : Réussir la
transition vers des villes durables, 2017.
- Mémorandum économique, publié par la banque mondiale en 2017
sur le Maroc à l’horizon 2040 : capital immatériel et les voies de
l’émergence économique in :
http://www.banquemondiale.org/fr/country/morocco/publication/mor
occo-economic-memorandum-2017

Abdelouahed ELIDRISSI

118
119
CHAPITRE 8 : LA DEROGATION NE PEUT ETRE LE
DEBUT D’UN PROCESSUS DE DEPLANIFICATION

Le Maroc a adopté, depuis le début des années 90, une pratique


dérogatoire qui a beaucoup évolué tout en suscitant des réactions
controversées, et des crispations très tendues. Cette procédure
administrative qui a permis de résoudre certains problèmes est en
passe de s’imposer en alternative au système de planification urbaine.
De nombreux documents d’urbanisme ont été remis partiellement en
question en raison de rectifications qui se sont avérées peu compatibles
avec les dispositions réglementaires des outils d’urbanisme.
Cette évolution et cette situation font actuellement l’objet d’un débat à
dimensions multiples et penchant vers des alternatives divergentes. Il
s’agit à cette occasion d’établir un état des lieux et de dresser un bilan
des tendances en présence.

1 - DES FINALITES AUSSI NOMBREUSES QUE VARIÉES

La dérogation se positionne comme une solution associant le maintien


de la planification urbaine, et la recherche de solutions de déblocage
des impasses inhérentes à la montée en puissance de l’initiative privée.
Elle est ainsi une autorisation exceptionnelle répondant à des
problèmes bien précis.
« Cette procédure est régie par la circulaire du Ministère de
l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement, de l’Urbanisme et
de l’Habitat n° 254 du 12 février 1999, celle du 08 mai 2001 (n°622) et
deux autres interministérielles (n°3020/27 du 04 mars 2003 et
n°10098/31 du juillet 2010) qui ont mis en place un système de
dérogation aux lois régissant l’occupation des sols en milieu urbain,
devenu un outil d’urbanisme opérationnel à part entière. » (Chouiki,
2017,105)
1 – 1 Des objectifs déclarés présentant apparemment une
certaine crédibilité
La pratique dérogatoire mise en œuvre par ces circulaires
ministérielles accorde un droit de transformer les occupations du sol
instaurées par les documents d’urbanisme.
La procédure dérogatoire avait pour objectifs majeurs :
x Elle se veut un outil pour l'adaptation des dispositions
réglementaires aux particularités et aux réalités des terrains et
sites concernés ;
x Elle se propose ainsi comme un outil correctif des
imperfections des documents d’urbanisme et un moyen

120
supplémentaire permettant d’asseoir des projets d’envergure
suivant une démarche concertée ;
x Elle pallie l’absence de documents d’urbanisme dans certaines
communes, la non couverture de l’ensemble du territoire et la
lenteur de leur réalisation dans d’autres ;
x Elle se veut porteuse de réponses à titre transitoire aux
exigences du développement économique et social, dans
l’attente de mise en place des reformes juridiques nécessaires ;
x Elle se veut porteuse de réponses à la rigidité des documents
d’urbanisme par rapport à un contexte économique et social
mouvant et à l’incapacité du système de planification en place
d’intégrer les besoins imprévisibles tant des habitants que des
investisseurs. Elle vise ainsi, à introduire plus de souplesse
dans l'instruction des dossiers en matière d’investissement ;
x Elle est présentée comme un moyen d’apporter
temporairement une solution rapide et efficace à la lenteur et à
la complexité des procédures d'élaboration et de révision des
documents d'urbanisme ;
x Elle reconduit les conduites normées et réglementées en
matière de fabrication des villes et de leur organisation
structurelle et fonctionnelle, tout en permettant aux pouvoirs
locaux d’intervenir, s’il en est besoin ;

1 – 2 Une pratique qui n’est pas sans ambigüités


L’introduction de cette pratique s’est traduite par une gestion urbaine
associant de nombreuses ambigüités :
- Le constat relatif à la rigidité des documents d’urbanisme n’est pas
tout à fait récent, puisque « cette critique fondamentale a vu le jour vers
la fin des années 1960.» (Dryef, 1994, 163). En plus la rigidité critiquée
a été grandement atténuée par la loi 12-90 qui a introduit la souplesse
sur de nombreux plans. Et il est toujours possible de continuer dans ce
sens ;
- Elle ne remet pas en cause la planification urbaine comme principe et
dans sa globalité, mais elle ouvre une petite brèche qui est en passe de
devenir grande, rien que par la consécration d’un processus urbain à
plusieurs vitesses ;
- Elle est à la fois une transition vers une autre voie non encore
identifiée, mais se traduisant dans l’immédiat par un assouplissement
forcée de la régulation réglementaire. Elle est ainsi un début de refonte
des règles de jeu et une orientation vers la recherche de moyens du
changement ;
- Elle n’est ni une négation de la planification urbaine, ou un désaveu
de l’urbanisme dans sa globalité mais une remise en cause partielle et
conjoncturelle, qui remet en question toute initiative se prévalant des

121
principes de la planification urbaine. (AUM, 2013 ,10-11). Cette
pratique, dans le contexte marocain connu pour son conservatisme
juridique constitue une façon d’encourager la réflexion sur la refonte
des méthodes de la planification urbaine, au du moins une orientation
de la réflexion vers plus de souplesse, qui s’assimile à une pression sur
les professionnels de l’urbanisme à travers l’élargissement du pouvoir
des interventions bureaucratiques.
1 – 3 Une procédure associant des aspects positifs et négatifs
- Les aspects positifs :
ƒ La dérogation a permis la réalisation de nombreux projets
socioéconomiques initiés par des opérateurs publics et privés
(MHUAE, 2009, 40)
ƒ La dérogation apporte temporairement des solutions rapides
face à la lenteur et à la complexité des procédures d'élaboration
et de révision des documents d'urbanisme (MHUAE, 2009, 40)
ƒ La dérogation a permis la réaffectation d'un grand nombre de
terrains qui ont été réservés par les documents d’urbanisme à
des équipements publics mais qui n’ont pas été tous valorisés ;
ƒ Elle a permis de délivrer des autorisations exceptionnelles aux
projets s’insérant dans le cadre du programme national de
200.000 logements.
ƒ La dérogation a introduit une souplesse essentielle dans la
gestion des documents d’urbanisme et a permis de débloquer
de nombreux projets d’investissements.
- Les aspects négatifs :
Parmi les limites de la dérogation en matière d’urbanisme, il importe
de signaler que les préjudices occasionnés se situent sur plus d’un
niveau :
ƒ Sa faible assise juridique, puisqu’elle est basée seulement sur
des circulaires ministérielles, qui servent de support à la
remise en question de documents d’urbanisme ayant une force
de loi juridique ;
ƒ « Le contournement des différents écueils du système de
planification urbaine, reconnu comme défaillant, s’est fait
donc par le biais d’une procédure de mise à mal des documents
d’urbanisme ayant une assise juridique certaine » (Chouiki,
2017, 105) , surtout que cette pratique a porté à hauteur des
trois quarts des dossiers présentés sur des territoires couverts
par des documents d’urbanisme. Ce qui constitue une tendance
à remettre en question les documents d’urbanisme en
particulier et la planification urbaine de manière globale ;
ƒ L’absence de mécanismes de suivi et d’évaluation de mise en
œuvre des projets objets de dérogation, surtout que la

122
multiplication des pratiques détournées de la dérogation a été
prouvée ;
ƒ La procédure dérogatoire a favorisé la spéculation foncière en
l’absence d’un marché foncier réglementé et transparent.
ƒ La pratique dérogatoire participe au développement d’un
mode de production urbain localisé et sans vision d’ensemble
et qui a contribué à l’accentuation des discontinuités et des
incohérences spatiales ;
ƒ Cette procédure amplifie le risque de surexploitation des
équipements en place et de réduction des espaces publics par
la diminution, voire l’extermination des espaces réservés aux
équipements urbains ;
ƒ La majorité des projets dérogés est à caractère immobilier,
sans retombées notables pour les villes, surtout quand ils sont
associés à des négligences architecturales, environnementales,
et à l’absence de respect des règles de l’hygiène ;
ƒ En matière de fabrication urbaine, la dérogation s’est
largement traduite par des incohérences du développement
urbain, la perturbation de la gestion urbaine et de la
planification de l’espace, en raison de l'absence de dispositions
juridiques permettant aux communes d’intervenir et de tirer
profit des dérogations ;
ƒ Le recours à la dérogation justifié par la recherche de
l’efficacité économique se retrouve en contradiction avec une
urbanisation sélective se traduisant généralement par une
faible efficacité socio-spatiale que cristallise la condamnation
des équipements publics.
ƒ La généralisation de la pratique dérogatoire remet en cause les
grandes orientations et les dispositions des documents
d’urbanisme. (MHUAE, 2009, 41)

2 - UNE MISE EN ŒUVRE TRES CONTREVERSÉE

Dans un environnement global, de plus en plus dominé par les enjeux


politiques et économiques, cette procédure s’est déployée à l’encontre
de l’intérêt général, alors qu’elle puise toute sa légitimité d’un certain
nombre de carences de la planification urbaine. (AUM, 2013,10) Ce
qui a amplifié les débats et les controverses sur ses assises juridiques,
ses procédures administratives, ses logiques contradictoires et ses
impacts mitigés.
Cette procédure a ainsi multiplié ses pratiques et a diversifié ses effets
indésirables. Ce qui lui confère les caractères d’une pratique très
controversée :

123
- Une procédure qui s’est largement répandue
Conçue pour gérer des situations exceptionnelles, la dérogation s’est
généralisée à presque toutes les villes, notamment les grandes et
moyennes pour devenir une pratique courante. Le nombre des
demandes et des projets dérogés se sont considérablement accrus.
Cette procédure est passée graduellement d’une gestion administrative
centralisée à une pratique décentralisée confiée à des commissions
régionales instituées à cet effet sous la présidence des Walis.
- Une pratique qui s’est grandement étendue
Introduite pour gérer des situations limitées et minimes, elle n’a cessé
de gagner de terrain et de s’attaquer à des aspects de plus en plus
diversifiés et complexes.
Les types de dérogation les plus sollicités sont souvent les changements
de zonage et les changements des coefficients d’occupation et
d’utilisation du sol (COS et CUS). Ainsi « les changements d’affectation
ou de zonage sont les plus répandus parmi les projets sujets de
dérogation jusqu’en 2007. » (CESE, 2014, 17). Ce qui affecte
profondément les documents d’urbanisme. Dans ce sens, les
emplacements destinés aux espaces libres et aux équipements publics
se sont retrouvés assez souvent ouverts à d’autres valorisations. Ce qui
s’est traduit par l’extension des convoitises aux terrains destinés aux
équipements publics, aux espaces verts, aux voies d’aménagement, aux
périmètres irrigués, aux zones à protéger et autres biens et capitaux
naturels et culturels...
Ainsi, à El Jadida, « les projets ayant apporté une modification aux
dispositions du PA représentent près de 66% des projets dérogés
réalisés, ceux apportant une modification partielle sont de l’ordre de
14% et ceux qui n’ont pas d’impact sur le PA sont de l’ordre de 19%. »
(CESE, 2014, 22)
- Une procédure qui a surtout bénéficié au secteur de l’immobilier
Selon l’évaluation établie par le CESE « l’immobilier a constitué le
secteur le plus concerné par la dérogation. » (CESE, 2014, 17) Le
secteur de l’habitat a bénéficié amplement de cette procédure en
contribuant à la production de nombreux projets de logements sociaux
et à la redynamisation du marché foncier. Cependant, le recours
démesuré à la dérogation s’est traduit par la réalisation de projets
immobiliers sur des terrains non équipés, des zones agricoles
intensives, des ceintures vertes, des réserves naturelles, des zones de
boisement . . .
En principe, aucune dérogation ne doit porter sur les terrains de ce
genre, aux terrains destinés aux équipements publics, aux espaces
verts, aux périmètres irrigués, aux zones à protéger et au patrimoine
naturel et culturel. Ainsi, de tels espaces n’ont plus aucune immunité
face à la dérogation.

124
- Une faible concrétisation des projets dérogés
Un grand nombre des projets dérogés n’ont jamais été réalisés et se
sont avérés de simples manœuvres de spéculateurs à la recherche de
plus-values foncières. Partout, la concrétisation des projets ayant reçu
l’accord de principe de la dérogation, reste limitée.
En plus, la pratique dérogatoire qui a contribué à la consécration d’un
mode de production urbain localisé sans vision d’ensemble, n’a fait que
produire des discontinuités spatiales par la faible réalisation des
projets dérogés et par les incohérences socioéconomiques,
architecturales et environnementales des projets réalisés.
Ainsi cette procédure s’est avérée une approche fragmentaire du
développement territorial et porte préjudice tant à la planification qu’a
la gestion urbaine.
- Une méthodologie de traitement des demandes de dérogation
différenciée
Les circulaires instituant la dérogation n’explicitent pas suffisamment
les procédures à suivre et les critères de recevabilité des projets
candidats à une dérogation. Comme elles ne prévoient aucune mesure
de suivi de la mise en œuvre des projets dérogés. Ce qui s’est traduit
par un flou procédural presque général et a donné lieu à des
interprétations pas toujours concordantes des dits circulaires, et à des
approches hétérogènes de leurs contenus. Ainsi, ces circulaires ont été
appliquées différemment d’une région à l’autre et ont donné lieu à des
solutions divergentes. De même que les commissions régionales n’ont
pas réussi à définir des critères définitifs pour l’éligibilité des demandes
et la sélection des projets candidats à la dérogation.
Dans ce sens, la méthodologie de travail suivie par les commissions
régionales n’est pas unifiée et s’est trouvée confrontée à d’importantes
difficultés d’ordre politique et opérationnel. Autrement dit, l’absence
d’un cadrage stratégique et les faiblesses procédurales ont sapé à la
base cette procédure. A titre d’exemple « le principe de la contrepartie
n’est pas pratiqué par l’ensemble des commissions régionales. En effet,
certaines exigent de façon quasi systématique l’application de ce
principe alors que d’autres n’y accordent que peu d’importance. »
Comme, « il a été souvent exigé au pétitionnaire une participation
symbolique à l'intérêt général par la cession gratuite d'un terrain pour
la construction d'un équipement de substitution ou la réservation pour
un prix convenable d'un local ou appartement lorsqu'il s'agit d'un
projet immobilier à la municipalité à des fins socioculturelles.
Cependant, il n'existe pas de procédure ou de cadre légal pour s'assurer
de l'acquittement de ces engagements.» (CESE, 2014, 27)
- Démultiplication des vices de forme et de contenu
La dérogation était remise en cause avant tout par les faiblesses de sa
conception, la désarticulation des contenus des différentes circulaires

125
et le manque de précision de son mode opératoire. Ce qui est pour
beaucoup dans son impact négatif sur la gestion urbaine ainsi que sur
le système de planification en vigueur.
De même que la gestion par des circulaires à caractère administratif ne
cherchant pas à remettre en cause les lois et les règlements en vigueur
a ouvert la voie à l’improvisation sur tous les plans et à tous les niveaux.
Ce qui n’a fait que compromettre la maîtrise du développement urbain
et la sauvegarde de l’intérêt général. Ainsi, les impacts positifs de cette
procédure sur les plans économique, social, spatial et environnemental
sont globalement mitigés.
A défaut d’assises structurées et réfléchies, la procédure dérogatoire
s’est avérée entachée d’une multitude de vices de forme et de fond qui
ont mis cette procédure en situation de contradiction avec les principes
d’intégration et de cohérence de la fabrication urbaine, ainsi qu’avec le
système de planification en place. Les compromis recherchés entre un
urbanisme normatif et l’interventionnisme non encadré des pouvoirs
publics ont donné lieu à des solutions complexes qui n’ont fait que
compliquer la réalité urbaine en place. Dans ce sens, les avis favorables
mentionnent quasi systématiquement un « accord de principe » sans
indiquer précisément quels sont les éléments qui bénéficient de la
dérogation. (MHUAE, 2009, 43)
Ainsi, le Maroc où la planification urbaine a depuis toujours souffert
d’une panne chronique du suivi et de l’évaluation n’a pas eu de mal à
transférer ce vice à la procédure dérogatoire. (Chouiki, 2011, 69)
- Des apports en deçà des objectifs
La pratique a démontré que la dérogation n’a pas permis aux villes
concernées de tirer le meilleur parti de cette procédure. Sur le plan
socioéconomique, les réalisations sont de loin inférieures aux attentes.
Si l’immobilier est le premier secteur qui en a profité, pour les autres
les résultats sont partout au-dessous des attentes. Le phénomène
spéculatif aggravé par la non-valorisation des projets dérogés et le non-
respect des engagements pris par les investisseurs ont fait que la
dérogation est allée à l’encontre des objectifs de la circulaire. (CESE,
2014, 38-39)
En plus, «le droit de l’urbanisme touche un domaine particulièrement
mouvant, en perpétuelle mutation et qui doit pouvoir s’adapter avec
flexibilité et rapidité aux situations nouvelles.» (Dryef, 1994, 201) Ce
qui implique son ouverture soutenue aux réformes et non pas aux
entorses à même d’engendrer des déséquilibres juridiques et
opérationnels qui risquent de remettre en cause l’ensemble du système
de régulation et de gestion du fait urbain. Ainsi, « la révision
périodique des textes est une nécessité […] (en vue) de répondre aux
objectifs d’un urbanisme de participation. » (Dryef, 1994, 202)

126
3 – POURQUOI CHERCHE-T-ON A FAIRE DE L’EXCEPTION UNE
REGLE ?

La dérogation en urbanisme est une mesure exceptionnelle mais


certains tentent à en faire une règle. Ce qui incite à se demander
pourquoi ? Et pourquoi ne pas réformer les textes et les procédures en
vigueur pour résoudre les dysfonctionnements auxquels répond la
dérogation. Si on rejette les réformes pour chercher à inclure les
pratiques dérogatoires, on revient à rejeter une réforme pour une
impasse générale. Ce qui en dit long sur les finalités de l’attachement à
la dérogation.
Si l’objectif recherché est l’introduction de plus de souplesse, la loi de
1992 en a introduit et il est toujours possible d’en introduire d’autres.
Cette éventualité laisse entrevoir dans cette exception plus d’alibis que
de véritables raisons de réforme. Autrement dit le problème n’est pas
juridique mais il est plutôt politique puisque le plus visé c’est le système
de planification en tant que tel. La pression croissante du secteur privé
n’est pas étrangère à cette situation. Cependant toute tentative de
déplanification maquillée risque d’être plus grave que l’état actuel
puisqu’elle est à même de mettre terme à la moralisation du secteur et
son ouverture sur le chaos. En plus la libéralisation ne veut
aucunement dire travailler en dehors de toute réglementation.
Comment sortir de cette impasse ? Il s’agit essentiellement de procéder
à des amendements des textes en vigueur, tout en précisant davantage
les modalités du recours à la dérogation. Aucune porte n’est totalement
fermée, mais toutes les portes ne doivent pas être totalement ouvertes.
Autrement dit, les réformes préfigurent une ambition plus crédible et
plus durable, alors qu’un recours systématique à la dérogation ne peut
être que désastreux et stérilisant sur presque tous les plans.

4 - DES RECTIFICATIONS DE TIR S’IMPOSENT

En tant que procédure d’exception, la procédure dérogatoire ne peut


par principe être amenée à durer, surtout qu’elle n’est plus un acte
mineur et exceptionnel mais un mode d’urbaniser en dehors de la
réglementation en vigueur. Son inscription d’une manière ou d’une
autre dans la durée ne peut être conçue qu’à travers son transfert vers
un statut lui permettant d’intégrer les procédures cadrant avec la
réglementation ayant une assise juridique. Autrement dit, elle ne doit
plus relever de la logique de dérogation et renoncer à la logique
d’exception en s’inscrivant dans celle du droit.
Cette intégration peut passer par :
- Une réforme juridique

127
Cette réforme doit viser comme le souligne le CESE à apporter « des
réponses qualitatives et quantitatives pouvant être soutenues par des
dispositifs réglementaires, soit les documents et les lois d’urbanisme
en vigueur. » (CESE, 2014, 8) Dans ce sens, il s’agit donc de :
x Introduire la flexibilité recherchée en s’adossant à des outils
juridiques et techniques et rompre avec le statut de l’alternative
inhérente à la gestion administrative ;
x Introduire des mécanismes légaux de modification et de
révision des documents d’urbanisme relevant du dispositif
juridique en vigueur, en intégrant les dispositions légales en
place ;
x Concevoir de nouvelles dispositions apportant un caractère
organisationnel, et institutionnel et permettant de nouvelles
mesures de mobilisation du foncier ;
x Rendre les outils de la planification urbaine plus flexibles, en
les pérennisant à travers de nouvelles dispositions
réglementaires loin de celles relevant de l’exception ;
x Prévoir dans les textes juridiques des exceptions
réglementaires au profit des grands projets structurants, tels
que les villes nouvelles, les ensembles d’habitat social, les parcs
industriels, les structures touristiques d’envergure. . .
x La reforme totale du contenu et des procédures d'élaboration,
de révision et de modification des documents d'urbanisme,
pour les rendre plus simples et rapides ;
- Une réforme institutionnelle
Il s’agit essentiellement d’introduire des changements et des
enrichissements sur le plan institutionnel à travers :
x La constitution d’un comité de suivi relatif à la réalisation de
chaque SDAU, qui veillera à la conformité des autres outils de
l’urbanisme avec les choix retenus à l’échelle du SDAU et à
l’introduction de la flexibilité nécessaire au niveau des PA.
x Prévoir des procédures de révision et de modification totale ou
partielle des documents d’urbanisme de manière à ouvrir la
voie aux adaptations et aux réajustements des plans et des
règles d’urbanisme selon des processus souples et pratiques
conformément à l’évolution de la conjoncture et aux besoins
du développement, sans aller jusqu’à remettre en cause des
documents réglementaires, ni porter atteinte à des choix
urbanistiques juridiquement homologués, ni nuire à l’intégrité
de chaque territoire urbain ;
x Réactiver le code de l’urbanisme en regroupant l’ensemble des
instruments juridiques et en répondant aux nouvelles exigences
telles que la flexibilité, l’opérationnalité et la régulation foncière
et l’amplification du rôle accordé au secteur privé. . .

128
x Mettre en place des moyens institutionnels pour la maitrise et
la gestion du foncier comme préalables à la mobilisation des
emplacements réservés aux équipements et installations
d’intérêt général. et la constitution des réserves foncières
publiques mobilisables au profit de toutes les institutions
étatiques ;
Ces réformes et tant d’autres sont à même d’éviter à chercher à
pérenniser une procédure d’exception en l’incluant dans la
réglementation en vigueur. Ce qui permet d’éviter de créer un système
parallèle et alourdir la gestion urbaine. Ce qui est loin de rationnaliser
cette gestion. Par conséquent la procédure dérogatoire serait
acceptable si elle se limite à des réadaptations mineures et techniques,
dans le cadre d’un contexte réglementaires clair et précis.
- Un assainissement technique et administratif de la fabrication
urbaine
La gestion administrative par circulaires se positionne, du point de vue
juridique, à la limite de la légalité et sans fondements crédibles
puisqu'elle a abouti à déroger aux dispositions législatives et
réglementaires par de simples actes administratifs. L’Etat perd de sa
crédibilité.
Ce qui remet en cause les grandes orientations et les dispositions des
documents d’urbanisme, qui ont perdu toute leur force de loi et se
réduisent à de simples documents consultatifs, dans le sens où l’impact
ponctuel et indépendant de la dérogation provoquerait des
discontinuités spatiales et des incohérences urbaines mettant en échec
les options d'aménagement. (CESE, 2014, 26) Ce n’est pas la même
pratique qu’en France où le législateur a imposé le respect des options
d’aménagement définies par les documents d’urbanisme, et a dicté à la
dérogation de ne porter que sur des petites adaptations à caractère
technique. Au Canada, le recours à des dérogations mineures, est
prévu par la loi, sans changement des règlements. En Allemagne, la
dérogation ne permet jamais un quelconque changement des traits de
la planification. Dans ce sens, le Conseil Economique, Social et
Environnemental au Maroc dans son avis sur la dérogation a vivement
recommandé de renoncer à la dérogation telle qu’elle est pratiquée
actuellement.
Il serait également irrationnel de sacrifier la planification urbaine
intégrée et réglementée à des pratiques improvisées, le durable à
l’éphémère, la prospective au rapiéçage. . .
La mise en place de nouvelles dispositions juridiques et
institutionnelles reviendrait à la mise en place de nouveaux dispositifs
et mécanismes de régulation et d’arbitrage, au lieu de chercher à
donner un caractère réglementaire à une procédure qui n’est pas faite
pour durer et qui remet en question non seulement l’ensemble du
système de planification mais également l’ensemble de l’arsenal

129
juridique. Alors que rien n’empêche de réformer le cadre juridique en
vigueur pour introduire les dispositions nécessaires , et ne pas faire de
l’exception une règle.
En plus, s’il n’est pas question de reconduire la procédure dérogatoire,
il ne peut être également question d’ouvrir la voie au vide ou à d’autres
solutions qui ne sont pas faites pour résoudre les dysfonctionnements
à l’origine de la dérogation. S’il est question de plus de souplesse, il
n’est non plus question d’un laisser-faire destructeur et déstabilisant
ou à des pratiques anéantissant tous les acquis accumulés pendant plus
d’un siècle de planification urbaine.
Conclusion
En somme, la dérogation qui a été mise en place suite au virage
postkeynésien des années 80, reflète, quelque part, le retour en force
du libéralisme. Elle n’est pas arrivée à s’imposer en alternative de la
planification urbaine. Cette dernière qui est restée en vigueur dans une
conjoncture de désengagement de l’Etat, s’est même renforcée comme
corollaire des soucis sécuritaires et de la difficulté du Maroc à
abandonner le centralisme auquel s’adossent tous les équilibres
internes. (Chouiki, 2011, 64) Ce qui implique actuellement d’entamer
une nouvelle étape concrétisant l’abandon de la dérogation démesurée
au profit d’une série de réajustements et de réformes d’ordres
juridique, institutionnel, technique et organisationnel permettant
d’introduire plus de flexibilité dans les documents d’urbanisme,
comme alternative à la gestion administrative des dérogations, sans
pour autant abandonner la planification urbaine qui constitue toujours
un vecteur de taille du centralisme toujours dominant. « Si la
procédure dérogatoire s’est avérée un simple contournement ou
parfois un détournement de l’urbanisme réglementaire, il y a lieu de
réinventer un mode de régulation plus adapté et plus approprié. Le
nouveau système se doit d’intégrer à l’amont et à l’aval des outils
régissant la régulation de la fabrication des villes, et des procédures de
leur réparation. » (Chouiki, 2017, 109) « En effet, toute politique, quels
que soient ses objectifs et ses finalités, devrait nécessairement faire
l’objet d’une planification de mise en œuvre et de programmes
d’actions coordonnés. » (Dryef, 1994, 203) C’est la meilleure façon,
et la plus pratique qui comporte le moins de risques de dérapage, de
mieux gérer l’urbanisme et permettant de maintenir les documents
d’urbanisme tout en favorisant le renforcement des pouvoirs locaux,
comme relais incontournable du centralisme. Le projet de
régionalisation avancée est-il fait pour assimiler la procédure
dérogatoire ? Est-il, au contraire, en mesure d’atténuer les
conséquences négatives de cette procédure qui ne fait qu’accentuer les
divergences et les disparités ?

130
Bibliographie sélective
- Agence Urbaine de Marrakech (AUM) (2013) Etudes d’impact des
projets de dérogation dans le ressort territorial de l’Agence Urbaine de
Marrakech, 91 p.
- CHOUIKI M. (2011) La ville marocaine. Essai de lecture synthétique,
Pub. Dar Attaouhidi, Rabat, 156 p.
- CHOUIKI M. (2017) Un siècle d’urbanisme, Le devenir de la ville
marocaine, Ed. L’Harmattan , Paris, 250p.
- DRYEF. M. (1993) Urbanisation et droit de l’urbanisme au Maroc,
Edition La porte, et CNRS, 400 p.
- Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), (2014) Etude
d’impact des dérogations dans le domaine de l’Urbanisme, Rabat, 173 p.
- Ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme, et de l’Aménagement de
l’Espace (MHUAE), (2009) Etude de l’impact de la dérogation sur le
processus de planification et de gestion urbaine, Rapport final, Rabat, 74
p.
- SITRI Z. et HANZAZ M (2016) Pouvoirs et contre-pouvoirs en matière
de planification urbaine. Pour une nouvelle régulation des pouvoirs de
décision, in Revue Internationale d’Urbanisme, n° 2, 2016.

Mustapha CHOUIIKI

131
TROISIEME PARTIE : DES QUESTIONS
STRUCTURANTES

132
133
CHAPITRE 9 : ORGANISATION TERRITORIALE ET
PLANIFICATION URBAINE

Le concept de territoire désigne un espace géographique approprié par


une population qui y vit, y travaille et l’instrumentalise comme support
de ses projets et ses rapports. Tout territoire fait l’objet d’une gestion
de nature politique, administrative économique et sociale. Ce qui lui
confère des caractères spécifiques et en fait un des traits marquants de
la société dont il est la propriété.
L’organisation et la gestion territoriales font partie de la politique
globale de l’Etat, qui en concède une partie à ses structures
décentralisées et aux représentants de la population.
En raison de son appropriation et de sa tutelle politique, le territoire
n’est pas un simple cadre pour la planification urbaine, mais il est avant
tout un objet de cette planification, puisque cette dernière s’attèle à en
faire un produit portant les empreintes de l’Etat, de celles de la société
dont il est la propriété et des structures publics en charge de sa gestion
directe.
Le présent texte qui vise à clarifier le rôle de l’organisation et de la
gestion du territoire en matière de régulation urbaine, commence par
l’identification des référents et des outils instrumentalisés, pour
aboutir à l’évaluation de ce rôle et de ses impacts dans le domaine de la
planification urbaine.

1 – LES RÉFERENTS D’ENCADREMEBNT

1 – 1 LE SNAT : référence de base


Au Maroc, le SNAT est le principal document de référence en matière
d’aménagement du territoire pour l’ensemble du pays. Il définit les
besoins et les priorités et identifie les objectifs, les orientations et les
pistes d’intervention pour une durée de 25 ans. Il constitue ainsi un
cadre de référence cohérent pour les différentes politiques publiques
sectorielles.
Ses objectifs majeurs, notamment en matière d’urbanisation se
résument comme suit :
x Déterminer les orientations générales de l’aménagement du
territoire national :
x Proposer un mode d’aménagement à même de garantir les
conditions d’un développement durable ;

134
x Définir un cadre de référence pour l’élaboration des schémas
régionaux d’aménagement du territoire (SRAT) ;
x En tant que vision prospective, il se doit d’être un puissant
instrument d’équilibrage des dynamiques urbaines, et de
requalification du processus d’urbanisation ;
x Faire face aux déséquilibres territoriaux de l’urbanisation ;
x Coordonner la mise en œuvre de la politique urbaine ;
x La maîtrise et la coordination des nouvelles tendances de
l’urbanisation ;
x L’amélioration du cadre de vie en milieu urbain ;
x …
Ces objectifs qui mettent en évidence l’implication directe du SNAT en
matière d’urbanisation, soulignent également l’évidence de son rôle en
tant que cadre de référence en matière de planification urbaine. C’est
dans ce sens que P. Merlin accorde à l’aménagement du territoire la
vocation d’«assurer une hiérarchie urbaine harmonieuse » (Merlin,
1988, 271)
Ses principaux apports se doivent d’être à la mesure de ses
objectifs. Dans ce sens, il est fait pour assurer la conformité de la
planification urbaine à la politique urbaine en vigueur qui représente
les choix majeurs du pays en matière d’urbanisation dans sa globalité
et ses articulations territoriales, et qui articule de manière globale et
complémentaire les différentes dimensions du phénomène urbain.
Pour ce, la planification urbaine se doit d’être une valorisation de ce
document, à travers une déclinaison adaptée aux conditions et aux
exigences de chaque composante du territoire national.
Aussi, la traduction des objectifs du SNAT, en matière d’urbanisation,
n’est-elle pas appréciable à la seule aune quantitative et qualitative,
mais elle est avant tout une affaire stratégique, dans la mesure où le
SNAT n’est pas un simple programme mais un arsenal stratégique
global. Son rôle de moyen de « mise en valeur du territoire » (Merlin,
1988, 291) n’est pas des moindres.
En abordant la question urbaine en termes de « crise urbaine » le
SNAT soutient qu’«il y a de quoi se faire du souci » et apporte ainsi sa
part à la thèse faisant de l’urbain « un véritable enjeu national » et
« qu’il y va de l’identité nationale ». (SNAT Synthèse, 2004,22-23)

1- 2 La Charte Nationale de l’Aménagement du Territoire


Suite au Débat National sur l’Aménagement du Territoire engagé en
2000, le Maroc s’est doté d’une Charte Nationale de l’Aménagement
du Territoire, qui définit les principes et fixe les mécanismes de
l’intervention publique en matière d’aménagement du territoire.
Cette charte qui aborde la situation urbaine en termes de crise, fait de
l’aménagement urbain un « enjeu de la compétitivité lié à la répartition

135
efficace des attributions selon les niveaux hiérarchiques urbains. »
(Charte, p. 60) Ce qui revient à soumettre l’intervention publique en
matière d’urbanisation à l’ordre en place qui exige le respect des
équilibres naturels en présence. Ce qui accorde en principe la
prééminence au cadre territorial dans le développement urbain.
Cette charte stipule que « La ville constitue un enjeu important et un
élément déterminant dans la politique d’aménagement du territoire »
(Charte, 59) fait des villes les lieux où se jouera l’essentiel des enjeux
territoriaux à venir. Ce qui hisse la répartition des tâches entre les
différents niveaux de la hiérarchie urbaine au rang d’une priorité
territoriale et fait de l’ensemble des espaces urbains un moyen pour
relever les défis de la compétitivité territoriale.
Ainsi, « la mise à niveau de l’espace urbain sur la base d’une
planification urbaine à même de résorber les goulots d’étranglement
qui existent au niveau de l’habitat, des équipements de base, des
services à usage collectif, des transports et de l’environnement »
constitue un passage obligé de l’aménagement du territoire.
Cependant, cette charte qui ne considère pas l’aménagement du
territoire comme une fin en soi, se donne pour principes :
« l’inscription du citoyen comme objectif du développement, la
conciliation entre efficacité économique et cohésion sociale et
l’intégration de l’homme à son environnement, la solidarité entre
toutes les composantes du territoire national et la consécration des
principes de la démocratie et de la participation.» (Charte p. 27)
Par conséquent le territoire en matière de planification urbaine se doit
d’être pris dans toutes ses dimensions, valorisé à travers toutes ses
potentialités, et urbanisé dans le respect de tous les équilibres qui le
sous-tendent.

2 – LES OUTILS DE RÉGULATION

2–1La régionalisation : Le cadre de l’intervention territoriale


La région constitue le principal cadre d’orientation en vue d’unifier les
approches et d’harmoniser les interventions publiques. Dans ce sens,
le découpage régional au Maroc a évolué en fonction des objectifs et
des rôles attribués à l’entité régionale, à travers le temps. A la région
conçue comme structure d'administration et de contrôle par le
protectorat, le Maroc indépendant a substitué une région qui a
beaucoup évolué. Cependant, la régionalisation a mis du temps pour
s’inscrire dans le processus de planification territoriale. (Chouiki, 1996,
29)
En 1971, le Maroc, s’est doté d’un découpage en 7 régions susceptibles
d’entretenir des relations de nature à stimuler leur développement. La
région est ainsi conçue comme cadre d’action économique visant un

136
développement harmonieux et équilibré des différentes composantes
territoriales du pays. Cependant, cette expérience n’a pas permis
d’atténuer le fossé entre régions riches et régions pauvres. La vision
libérale n’a fait qu’accentuer le poids de la région « centre ».
Cette vision économique a été remplacée en 1997 par une nouvelle
faisant de la région une collectivité territoriale. Le découpage régional
du pays a évolué avec la révision constitutionnelle de 1992, puis celle
de 1996, pour consacrer sa vocation de collectivité territoriale,
disposant d'attributions et de compétences, qui demeurent malgré tout
limitées en raison de la tutelle pesante de l'administration centrale.
Le dernier découpage de 2015, prônant une « régionalisation avancée »
a redéfinie la région et l’a hissé au rang d’un outil de modernisation du
pays sur le plan structurel et fonctionnel, avec l’articulation du
territoire régional autour de pôles structurants comme locomotives de
développement et garants des équilibres territoriaux.
Ce dernier découpage soulève la question de la coordination entre la
planification territoriale et la planification urbaine, en rapport avec le
rôle dévolu à la région en matière de développement socioéconomique,
même s’il est certain que la régionalisation a contribué à l’amplification
de l’urbanisation. (Saadi, 1990,74) Ainsi, c’est au niveau de la région
que se définie la vision à long terme du développement local, qui fait
de la planification urbaine un moteur de ce développement.
Dans ce sens, l’intercommunalité se doit d’être hissée au rang d’un
souci majeur de la régionalisation avancée, en raison du rôle qu’elle est
à même de jouer en matière de connexion des entités territoriales et de
mise en commun de leurs potentialités en vue de réaliser des projets
communs. Il s’agit ainsi d’un enjeu majeur de l’ensemble du processus
de régionalisation, et du rehaussement des performances de la
gouvernance territoriale.
Pour son rôle capital en matière de consolidation des solidarités
territoriales, l’intercommunalité est à même de faciliter le
contournement des limites administratives, notamment lors des
extensions des périmètres urbains, et comme passerelle de
réadaptation des territoires aux évolutions socio-économiques,
notamment sur le plan urbain.
Ainsi, « La planification est un cadre idéal pour la réflexion prospective
qui permet à la région de s’acquitter, avec le maximum d’efficacité, de
ses responsabilités économiques et sociales. C’est une occasion pour
mobiliser tous les opérateurs économiques en vue d’établir un
programme d’investissements à moyen et à long terme et prévoir les
modifications importantes qui sont nécessaires » (Rachidi, 2001,51)
Elle est également compétente en matière de fonctionnement de son
territoire, selon les règles d’une planification territoriale spécifique, au
sein de laquelle la planification urbaine prend ses dimensions les plus
significatives et les plus pertinentes.

137
Par conséquent, la région ne doit plus être considérée comme un
simple contexte de référence pour la planification urbaine, mais plutôt
un cadre d’action qui doit définir, orienter et structurer toute
intervention en milieu urbain. La planification urbaine n’apporte pas
de simples réponses aux besoins d’une ville mais à ceux de toute la
région en tant que cadre déterminant pour l’ensemble de l’armature
urbaine régionale.
Dans ce sens, la régionalisation avancée est à même d’apporter un plus
à la planification urbaine, notamment en matière de développement
socioéconomique. La finalité de la région comme cadre partenarial
respectueux de l’autonomie de chaque collectivité territoriale permet
de veiller à la cohérence d’ensemble, tout en facilitant les interférences
positives, en créant la complémentarité régionale au sein du réseau de
villes qui la structure et en améliorant la compétitivité de chaque ville
et de l’ensemble de l’armature urbaine régionale.
C’est de cette manière que la régionalisation avancée apporterait une
contribution notable au développement économique et social du pays,
et favoriserait un développement durable des villes, dans le respect de
l’autonomie et de l’égalité institutionnelle de l’ensemble des villes
régionales. C’est dans ce sens aussi que la planification urbaine
contribuerait de façon significative au renforcement du rôle de la
région comme territoire de développement. Ce qui revient à
repositionner toute ville au sein du système de solidarités territoriales
et de la problématique du développement intégré du pays.
De cette manière, la régionalisation doit affronter la montée en
puissance des incertitudes de la gestion territoriale inhérente à la
mondialisation, et contribuer ainsi au renforcement de leurs
compétitivités. Autrement dit, la région « reste un organe qui a
certainement un bel avenir devant elle, mais qui pour l’instant reste du
domaine du potentiel ». (SNAT Synthèse, 2004,28)

2 – 2 Le SRAT : Le document de régulation à l’échelle


régionale
Le SRAT constitue le moyen de régulation de l’aménagement du
territoire à l’échelle régionale ainsi que pour les schémas sectoriels
d’aménagement du territoire qui sont faits pour favoriser l’intégration
et la coordination des interventions et des programmes prévus par
l’Etat et les collectivités locales.
Il constitue ainsi, le principal outil du développement cohérent de la
région, comme instrument permettant la mise en place d’une vision
globale du développement, la définition des moyens à adopter pour
améliorer l’efficacité économique et la qualité de vie des habitants, à
travers des prévisions réalistes des actions publiques en matière
d’infrastructures et d’équipements, ainsi qu’à travers la mise en place

138
d’un cadre de partenariat dynamique autour de projets de
développement partagé.
La spécificité du développement régional relève de l’exigence
d’aménagements appropriés et relevant de finalités régionales
adossées à des besoins bien précis. Le territoire national
compartimenté en entités régionales ne peut être géré en dehors d’une
vision régionale globale, que doit véhiculer et coordonner le SRAT.
De cette manière le SRAT se doit d’être un moyen de coordination et
d’articulation de l’urbanisation à l’échelle régionale, en raison du rôle
donné à ce document en matière d’articulation et de maîtrise de
l’organisation territoriale. C’est à ce niveau que s’élaborent les
stratégies de développement urbain de manière globale et en dehors de
toute concurrence entre les villes et dans le cadre d’un projet urbain
régional global et complémentaire.
La préservation des authenticités régionales et locales doit être le fil
conducteur du processus et des dynamiques d’urbanisation, sans
verser dans un régionalisme rétrograde plus tourné vers le passé que
vers l’avenir. Comme il ne s’agit pas de tomber dans la surexpression
de cachets superficiels servant plus l’immobilisme des territoires que
leur développement.
Dans ce sens, le SRAT qui a vocation à servir de base pour l’émergence
d’une région bien structurée et fonctionnelle, doit se traduire par une
planification urbaine mettant en valeur une réflexion élaborée par les
acteurs concernés, et leurs partenaires impliqués dans la valorisation
urbaine locale. Pour ce, la planification urbaine se doit d’être conçue
et mise en œuvre à travers l’harmonisation de l’échelle locale avec
l’échelle régionale à travers une forte mutualisation du SRAT et des
documents de planification urbaine.
Elle se doit également d’inscrire les enjeux spécifiques de chaque ville
au sein de l’ensemble des enjeux régionaux. Il s’agit ainsi d’inscrire la
planification urbaine dans une vision globalisante associant les intérêts
des villes et de leur environnement régional. Ceci, en plus de
l’inscription de la planification urbaine dans les exigences des
territoires voisins de chaque ville. Elle doit être ainsi un puissant
vecteur de lutte contre les disparités territoriales à l’échelle de chaque
région.
Ce qui revient à faire des villes un puissant vecteur du maintien des
équilibres structurants à l’échelle régionale, conformément aux
nouvelles tendances démographiques et économiques du pays,
exigeant une synchronisation des dynamiques urbaines avec les
dynamiques économiques régionales, et assujettissant par conséquent
les processus urbains aux logiques spécifiques à chaque région.
Ainsi, la planification intégrée à son contexte régional, revient à mettre
en place les batteries d’actions qu’exige une articulation urbaine
opérationnelle et répondant aux perspectives du développement

139
régional dans sa globalité. Autrement dit, synchroniser le local et le
régional, et le régional au national.

2 – 3 Les outils opérationnels


La charte de l’aménagement du territoire a prévu des outils
opérationnels visant à contribuer à l’opérationnalisation de la politique
publique. Il s’agit essentiellement de :
ƒ Les schémas sectoriels à dimension régionale ou interrégionale
chargés d’orienter l’intervention dans le cadre de programmes
intéressant une partie de l’espace régional ou intégrant
plusieurs régions ;
ƒ Les documents d’urbanisme (SDAU, PA, Plan de Zonage . . .)
ayant pour mission d’encadrer la production et la structuration
des espaces urbains ;
ƒ Le Centre National d’Aménagement du Territoire et de
Développement Durable destiné à appuyer le Centre d’Etudes
et de Recherche en Aménagement et Urbanisme en matière de
ressources humaines et financières et contribuer à élargir son
champ de recherche pour couvrir tous les aspects et
problématiques liés au développement et à l’aménagement du
territoire ;
ƒ L’Observatoire Régional d’Aménagement du Territoire et du
Développement Durable qui constitue une représentation
régionale du Centre National d’Aménagement du Territoire et
du Développement Durable et assurant, par conséquent, les
mêmes fonctions au niveau régional.
Ainsi, en matière de régulation territoriale, le pays s’est doté, tout
récemment, des premiers moyens visant à mettre en place des
instruments à même d’encadrer et de coordonner les interventions
des structures de l’Etat et du secteur public.

3-LES REFERENCES TERRITORIALES OPERATIONNELLES EN


PLANIFICATION URBAINE

A ce niveau, il s’agit d’examiner et d’évaluer les manières dont la


planification urbaine intègre le territoire comme objet dans ses
approches de l’urbain. Etant donné que les études en matière
d’élaboration des documents d’urbanisme se focalisent sur les
territoires des villes, et accessoirement sur leurs marges externes les
plus proches, le territoire dans ses dimensions extra-urbaines n’est
abordé que comme contexte global de ces études. Pour ce, il ne sera
question que du territoire en tant que contexte, au sein duquel la ville
s’impose en nombril d’un territoire donné.

140
Dans ce sens, il importe de souligner que les différences dans ce
domaine entre SDAU et PA n’existent plus puisque les mêmes CPS sont
reproduits à tous les niveaux de la planification urbaine, et même pour
certaines études spécifiques.

3 – 1 Le contexte : un référent de forme


Il s’agit généralement d’une présentation globale de l’environnement
territorial de l’aire de l’étude à travers des thèmes classiques
concernant les limites du découpage administratif, les traits saillants
du relief, les caractéristiques du climat, la population, les activités
économiques, l’habitat, les équipements publics, les documents
d’urbanisme…
Le contexte est voulu ainsi comme une présentation générale de
l’environnement territorial où la portée situationnelle est prééminente.
Ce qui vire assez souvent à une énumération de données
essentiellement chiffrées de l’environnement du milieu urbain
concerné.
Cette façon de concevoir, reflète une perception du contexte en tant que
milieu influant sur la ville, qui s’adosse à la vision voulant que la ville
évolue sous les contraintes de son environnement naturel et humain.
Elle est conditionnée par la nature et produite par l’afflux des ruraux.
Cette conception du contexte qui date d’une époque révolue, ne tient
pas compte du renversement des rapports entre ville et campagne.
Actuellement, ce sont les villes qui s’imposent aux campagnes comme
référence en matière de mode de vie, comme locomotives du
développement économique et comme lieux de commandement.
L’influence urbaine est devenue prééminente par rapport à celle des
campagnes, en rapport avec de nouveaux enjeux territoriaux et de
l’évolution des mentalités. La dualité opposant l’urbain au rural est
dépassée et a cédé la place à un contexte aussi composite que complexe.
Ainsi, la conception du contexte se doit de dépasser les démarches
classiques et d’être enrichie par la prise en compte d’autres aspects
d’importance structurelle et conjoncturelle, notamment :
ƒ La place de la ville dans son contexte régional
La nature des relations de la ville avec son environnement est
parfois décisive pour la définition du statut et de l’identité de
chaque ville ou de chaque région. La définition du
positionnement de la ville au sein de son environnement
régional est nécessaire vu que ce positionnement permet
d’appréhender l’espace urbain concerné à travers ses multiples
rapports interactifs avec son environnement sur le plan spatiale
et économique. Ce qui revient à poser la problématique urbaine
au sein de son environnement territorial, et non présenter cet
environnement de manière presque isolée de la ville concernée.

141
La définition et la délimitation de l’aire de l’étude ou la
distinction entre aire d’investigation et aire d’aménagement
sont de simples précisions techniques qui n’apportent pas
grand-chose en matière de territorialisation. C’est l’ouverture
de la planification urbaine sur l’aménagement du territoire
régional qui compte le plus.
ƒ La question de l’intercommunalité
Aborder le contexte à travers les possibilités qu’il offre en
matière d’intercommunalité est plus pertinent pour traiter de
façon globale et cohérente les problèmes et contraintes
existants à l’échelle des territoires concernés. Ce qui permet
par la suite à définir la prise en charge et la mise en œuvre de
projets d’intérêt commun et ayant des impacts sur l’ensemble
des communes concernées.
ƒ Le contexte social
La présentation du contexte dans ses dimensions sociales est de
nature à dresser un état des lieux permettant la mise en avant
de la population en tant que réalité sociale et non comme de
simples données chiffrées. Ce qui est à même de mettre en
évidence les équilibres humains en présence et non de simples
charges démographiques uniformisant et réduisant toute la
population à un habitant type. Ce qui est d’une grande
importance pour les actions à proposer par la suite. Ce qui
permet également de saisir les articulations nouvelles que la
globalisation de l'économie impose aux sociétés locales.
Dans ce sens, « la perception de la régionalisation en tant
qu’action visant un nouvel équilibre social s’impose donc
comme un impératif de toute l’action de la planification du
développement socioéconomique ». (Chouiki, 1996, 33)
ƒ Le contexte comme bassins de vie
Le contexte territorial ne met pas en évidence les bassins de vie
et de travail articulant le territoire, et qui mettent en évidence
l’organisation, le fonctionnement et les inégalités du territoire
devant orienter en fin de compte la définition des besoins en
équipements publics et les aménagements du cadre de vie. Ce
qui revient à faire de l’étude du contexte une occasion pour
soumettre à l’analyse les rapports des hommes au territoire.
Autrement dit, il importe de mettre terme à la « rupture du lien
territorial ». (SNAT Synthèse, 2004,32) que reproduit l’étude
du contexte dans sa version classique.
x L’analyse dynamique du territoire
L’approche statique du territoire a épuisé toutes ses marges de
manœuvre, en se focalisant sur la description de la réalité
présente. Tout territoire fait l’objet de dynamiques diverses et
croissantes, qui laissent entrevoir des tendances à examiner de

142
plus prêt. Ce qui impose le renouvellement de l’analyse
territoriale, en vue de prendre en compte les dynamiques à
l’œuvre dans l’appréhension du présent et la prévision du
devenir. Une autre façon de mettre en évidence les traces du
temps sur l’espace. Autrement dit, il importe de plus en plus
d’accorder au temps le temps qui lui revient, en matière de
façonnement du territoire.
x L’octroi d’une plus grande importance aux
interférences entre le local et le global
Aucun contexte régional ou local ne se situe désormais dans une
situation coupée de la réalité nationale globalisée et
mondialisée. Ainsi, il n’est plus possible d’isoler aucun
territoire est d’en faire un vase clos. La circulation des hommes,
des biens et de l’information est telle que les influences ne sont
plus à sens unique. De ce fait, tout contexte se doit d’être
examiné en rapport avec son degré d’ouverture sur l’extérieur
et de sa participation aux échanges territoriaux. L’urbanisation
n’a-t-elle pas déconnecté tous les niveaux territoriaux, tout en
les ouvrant sur l’extérieur ?
Par conséquent l’étude du contexte en tant que cadre ambiant
se doit d’être placée dans l’ambiance qui est la sienne.

2 – 2 Le diagnostic territorial : une approche plus


quantitative que qualitative
Il est généralement question d’un diagnostic exhaustif et non territorial
ou du cadre spatial de l’entité urbaine, conçu sous forme d’études
sectorielles. Les thématiques proposées sont généralement peu
connectées entre elles et ne versent pas toutes de la même manière
dans la problématique centrale, qui reste fragmentée et faiblement
mise en évidence. Les principales carences à ce niveau se présentent
comme suit :
- Le diagnostic ne s’adosse pas à des croisements des données, afin de
faire apparaitre les cumuls de dysfonctionnements, particulièrement
dans les territoires où ils sont prégnants ;
- Le diagnostic territorial ne donne pas toujours lieu à une
cartographie des différentiations spatiales ;
- L’évaluation prend presque toujours un aspect comptable et ne se
présente pas comme une appréciation qualitative visant la
rationalisation des services publics et au public ;
- La faiblesse des approches transversales ne favorise pas une réflexion
approfondie et ne permet pas une évaluation pertinente ;
- La mobilité résidentielle est un phénomène urbain ascendant, qui
n’est pas toujours évalué à sa juste valeur, notamment en matière

143
d’identification des besoins en logements et des tendances spatiales de
la demande sociale dans ce domaine ;
- Les enquêtes ménages ne font que reproduire les canevas du RGPH
sans apporter du nouveau ni approfondir les recherches en vue d’une
plus grande connaissance de la réalité ;
- Le diagnostic territorial ne débouche pas sur une définition
d’orientations stratégiques sur la base de scénarios élaborés à partir
des tendances de la réalité en place ;
- Le diagnostic territorial ne s’occupe que rarement des
dysfonctionnements de la gouvernance territoriale, et se focalise plus
particulièrement sur les seuls moyens financiers des collectivités
territoriales . . .

4 - UNE TERRITORIALITÉ PEU EFFICIENTE

4 – 1 L’urbanisation est toujours faiblement maîtrisée


L’urbanisation a acquis les caractères d’un phénomène face auquel
aucune politique n’a donné des résultats tangibles :
- Un défi insurmontable que ce soit au niveau de la croissance
démographique, ou sur le plan de l’étalement spatial, ou des
performances socioéconomiques ;
- Le niveau de l’aménagement du territoire qui s’impose comme une
source de dysfonctionnements accrus et insurmontables sur le plan de
l’emploi, du logement et des services collectifs, est faiblement intégré
au processus d’urbanisation ;
- La planification urbaine continue à mettre l’Etat en situation de
difficulté au niveau de son rôle d’arbitre et de porteur de solutions aux
attentes du pays ;
- Malgré les percées enregistrées par certaines villes, notamment les
grandes, la crise urbaine reste générale, les déséquilibres ne cessent de
s’amplifier sur presque tous les plans et la compétitivité des villes reste
en deçà des attentes ;
- L’intégration qui constitue le principal objectif de toute la politique
urbaine, constitue également une des grandes carences des villes sur le
plan interne et sur le plan régional et national ;
- La ville marocaine reste encore loin d’assurer la cohésion sociale et
la lutte qu’elle doit assurer en matière d’atténuation des inégalités
sociales et spatiales ;
- La ville constitue toujours le plus important point de faiblesse en
matière de lutte contre les défaillances environnementales ;
- Malgré les percées réalisées en matière d’instauration de pratiques
démocratiques, la ville est encore loin de jouer le rôle qui lui revient
dans ce domaine à l’échelle nationale. La faible participation en
matière de planification urbaine contribue fortement dans ce sens ;

144
- La ville en tant cadre privilégié de l’investissement, reste un lieu de
reproduction des déficiences dans ce domaine, notamment au niveau
des déséquilibres territoriaux et sectoriels ;
- La ville ne joue pas le rôle qui est le sien en matière d’innovation au
niveau de la création de nouveaux horizons et de relance du
développement économique. Les grandes métropoles nationales
restent monopolistes sur ce plan ;
- Le passage du Maroc de la majorité démographique rurale à la
majorité urbaine risque d’amplifier les dysfonctionnements urbains si
rien n’est fait pour recadrer les efforts en vue d’une plus grande
maîtrise des dynamiques urbaines, notamment en matière de
développement social, la résorption de la crise de l’habitat, la lutte
contre l’habitat insalubre…
- L’entrée en vigueur de la politique de la ville n’a pas encore contribué
de manière notoire en matière de lutte contre les grands maux urbains,
que la pratique sélective n’a fait qu’amplifier ;
- « La planification urbaine voit souvent ses tendances infléchies par le
difficile contrôle du marché foncier et les dérapages qui en découlent
au niveau de la croissance urbaine, ce qui rend difficile l’orientation de
la production de l’espace urbain selon les options des documents
d’urbanisme. » (Charte, 44)

4 – 2 Faible territorialisation des faits urbains


L’approche territoriale classique est à l’origine de nombreuses lacunes,
comme :
- Une approche fragmentaire des questions territoriales sous forme de
thématiques isolées les unes des autres ;
- Sur le plan territorial, chaque niveau est abordé séparément des
autres et sans mise en évidence des connexions et des interactions ;
- Sur le plan démographique, la population est essentiellement abordée
selon ses seuls aspects quantitatifs.
- Sur le plan social, l’ensemble de la population est ramené à un
habitant type, sans mise en évidence des différences inhérentes au
marché de travail, et aux conditions de l’habitat, de manière
dynamique ;
- Sur le plan économique la spatialisation des activités l’emporte sur
l’évaluation qualitative ;
- En matière d’équipements publics, l’état des lieux se ramène à un
inventaire peu évalué en termes de besoins ;
- Les interférences entre les aspects économiques, sociaux et
environnementaux sont généralement évacuées.
- La situation actuelle, se focalise sur l’existant sans définition des
attentes à moyen et à long terme pour le territoire ;

145
- La spatialisation des faits structurants ne se traduit pas par une
réflexion évaluative. De même que la territorialisation ne bénéficie pas
d’une vision d’avenir stratégique.
Ce qui se traduit globalement par des descriptions ne permettant pas
toujours d’évaluer les besoins de la population, surtout que les
comparaisons entre des entités territoriales similaires sont presque
toujours absentes. De même que l’évaluation en termes de retombées
sur la population est généralement superficielle.

4– 3 Des innovations qui s’imposent


De nouvelles thématiques à introduire
Il s’agit essentiellement de :
x Cohérences et dysfonctionnements de la gestion urbaine. Un
niveau de l’évaluation de l’existant qui est à même d’aider à
comprendre la réalité urbaine et les difficultés qu’elle rencontre
en matière de mise en œuvre des dispositions des documents
d’urbanisme.
x Le phasage de la croissance urbaine. Il ne s’agit pas simplement
de retracer le déroulement historique de la croissance de la
ville, mais de détecter les moments les plus pesants dans le
processus urbain et d’en chercher les explications qui sont à
même de fournir des renseignements sur les facteurs
déterminants de la fabrication urbaine.
x L’étude du contexte et du diagnostic se doivent de mettre en
évidence l’identité territoriale de la ville, en synthétisant les
éléments de son identification sur le plan territorial.

De nouvelles interférences à mettre en évidence


x Renouvellement urbain et patrimonialisation. Les villes
marocaines et notamment les grandes et les moyennes
connaissent un vieillissement structurel de plus en plus
accentué. Les tissus menaçant ruine se multiplient, et le
renouvellement urbain s’opère de manière éclatée sans tenir
compte des exigences de la patrimonialisation, et de la nécessité
de refonte de la structuration urbaine. Il est donc temps de
sauver les territoires de l’histoire en mettant en place des
stratégies de maîtrise du patrimoine et de renouvellement
urbain.
x Connexions des périmètres urbains aux communes rurales
limitrophes. La non-inclusion des communes rurales
limitrophes dans la planification des villes, ouvre la voie à des
coups partis qui hypothèquent le devenir des agglomérations
urbaines. Ces communes sont à inclure dans les processus de

146
planification urbaine, puisque c’est à leur niveau que se réalise
l’extension des villes, à travers un grignotage stérilisant pour les
campagnes comme pour les villes. En cas d’existence d’un
SDAU cette intégration est plus aisée dans la mesure où ce
document dicte ses dispositions aux plans d’aménagement.
Dans le cas contraire cette intégration se fera dans un cadre
d’intercommunalité qui reste à définir entre les parties
concernées.
x Les thèmes abordés en matière de territorialisation des villes
sont généralement coupés les uns des autres. Ce qui en fait des
paragraphes ou des chapitres manquant de cohésion et
d’inscription homogène dans l’étude.
Il y a ainsi lieu de chercher, non seulement des transitions
terminologiques entre eux mais avant et surtout des liaisons de
cause à effet ou d’appartenance à un même champ.
x Les études territoriales se doivent d’être entreprises de manière
à saisir leurs dynamiques et leurs articulations structurelles.
Dans ce sens, il est plus pertinent d’aborder les différents
niveaux et formes des articulations des entités territoriales et
des rapports entre le global et local. Ce qui est à même de mettre
en évidence les innovations au niveau des enjeux en présence et
des logiques de l’ordre dominant.
Une nouvelle vision à adopter
En matière de territorialisation du phénomène urbain, il importe
d’adopter une nouvelle vision ; Il s’agit d’entreprendre une lecture
posant les jalons d’une perspective stratégique de la ville. Cette vision
consiste à faire de l’étude du contexte une occasion pour entreprendre
une analyse perspective mettant en évidence tous les éléments à même
de permettre par la suite de bâtir une représentation stratégique du
devenir de la ville concernée, au sein de son environnement. Vision
stratégique qui doit être en harmonie avec la stratégie d’aménagement
et de développement régional. C’est de cette manière que la
planification urbaine s’inscrirait dans la planification régionale dans
ses dimensions sectorielle et globale.

CONCLUSION

La planification urbaine se doit d’assumer sa mission de principal outil


d’atténuation des disparités territoriales, en érigeant les villes au rang
de vecteur de rééquilibrage du territoire national dans ses différentes
entités. Ce qui met en évidence le rôle de la planification urbaine en
matière d’organisation et de gestion du territoire. Ainsi, les
interférences entre la planification urbaine et l’organisation du
territoire ressortent à plus d’un niveau en raison du rôle des villes dans
la structuration de tout territoire.

147
Les différentes interférences mises en évidence ci-dessus, entre
organisation et gestion du territoire, régionalisation, planification
urbaine, dynamiques de territorialisation, politique urbaine, …
soulignent clairement la complexité de la réalité territoriale et
l’hétérogénéité de l’impact de la planification urbaine sur
l’organisation territoriale dans ses différentes dimensions. Ce qui
renseigne sur les difficultés de la maîtrise du territoire par les
différentes formes de l’intervention publique, y compris la
planification urbaine. Le tout est à même de se traduire par des conflits
de compétences, avec tout ce qui peut en découler comme
dysfonctionnements territoriaux qui sont à même de s’imposer comme
problèmes de l’aménagement du territoire, et comme handicaps pour
la planification urbaine.
La succession de découpages régionaux à vocation différentes et à
structures territoriales instables ne reflète pas uniquement une
évolution de la politique régionale, mais également une appréciation
différenciée et évolutive de l’organisation territoriale. Ce qui devrait se
traduire par une révision de la politique urbaine et du système de
planification urbaine en vigueur. Cependant, ce dernier n’a pas évolué
de la même façon et dans le même sens. Et les décalages n’ont fait que
s’accentuer. De nouvelles méthodes de conception et d’action restent à
inventer, et la planification concertée est à conforter et à généraliser.
De ce fait, la généralisation de l’aménagement du territoire et de la
planification urbaine « signifie avant tout l’égalité de traitement des
citoyens, en quelque point qu’ils se trouvent de l’espace national,» dans
la mesure où l’aménagement du territoire et l’urbanisme sont
considérés comme des exigences de « l’efficacité économique des
territoires urbains et ruraux » et de reconstruction du lien territorial.
(SNAT Synthèse, 2004,33-34). De ce fait, la question de la gouvernance
territoriale se pose en passage obligé. C’est pour ce, que le SNAT
propose « la formule du Contrat de Plan ». Ce qui revient au
renforcement de la planification.

BIBLIOGRAPHIE

- BEGUIN H. (1974) L’organisation de l’espace au Maroc, Pub. Académie


royale des sciences d’Outre-mer, Bruxelles, 787 p.
- BREJON DE LA VERGNEE N. (1991) Politiques d’aménagement du
territoire au Maroc, Ed. L’Harmattan, Paris,
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148
- CHOUIKI M. (2017) La gouvernance urbaine au prisme de la planification
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- JOLY F., (1950) Les régions géographiques du Maroc, Revue L’Information
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Maroc, in Bulletin de I.I.A.P, Juillet-Septembre, Rabat, 1974, pp. 51-82
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l’urbanisation au Maroc, in Revue de la Faculté des Lettres et des Sciences
Humaines, de Fès, n° 6, pp. 73- 82

Mustapha CHOUIKI

149
CHAPITRE 10 : LA QUESTION DE L’HABITAT DANS
LA PLANIFICATION URBAINE

La question de l’habitat n’est traitée par la planification urbaine que de


manière partielle, étant donné que la production du logement est en
grande partie une affaire personnelle. La planification urbaine qui
définit juste le zonage urbain s’occupe essentiellement de
l’identification des secteurs urbains pour chaque type d’habitat.
L’implication de l’Etat ne dépasse ce niveau que pour l’habitat social.
L’habitat social ou logement social désigne un type de logement destiné
à certaines catégories sociales qui n’ont pas les moyens économiques
pour accéder à des logements normés, modernes disponibles sur le
marché. On parle dans ce cas, selon l’expression de joseph Roy (In
IRAKI Aziz 2010, 95) de l’habitat social de droit (ce sont les logements
subventionnés par l’Etat et construits par des organismes publics ou
privés) par rapport à l’habitat social de fait constitué de logements
dans les bidonvilles, les anciennes médinas et les quartiers non
réglementaires. C’est l’imbrication de ces deux types d’habitat social
avec le reste des tissus urbains qui fait l’originalité des villes
marocaines se caractérisant par une mixité sociale dans l’ensemble
réussie.
Ce résultat est obtenu grâce à une politique de logement de l’Etat qui
combine depuis plusieurs décennies :
- La production de logements sociaux à travers l’aménagement des
terrains (lotissements) et l’encouragement des promoteurs privés et
publics à produire des logements neufs clé en main.
- Et le rattrapage des déficits que connaît l’habitat social de fait
notamment les bidonvilles et les quartiers non réglementaires.
Le système de planification urbaine et de production formelle de
logements, même soutenu par les pouvoirs publics, ne réponde qu’aux
besoins des ménages les plus pauvres qui constituent selon l’enquête
logement 2012 (MHUPV, 2014, 84) la moitié des besoins annuels en
logements. Ce qui fait que pour qu’un ménage pauvre puisse accéder à
terme à un logement décent il faut d’abord qu’il fasse l’effort de
séjourner un certain nombre d’années dans un bidonville ou dans un
quartier non réglementaire pour espérer, en tenant compte de la file
d’attente, accéder à un logement normé.

150
1. MIXITE ET HABITAT SOCIAL DANS LES DOCUMENTS DE LA
PLANIFICATION URBAINE

1.1 Cadre et normes juridiques de la mixité sociale


dans la planification urbaine
L'inclusion sociale et spatiale des ménages pauvres et vulnérables par
le logement est souvent évoquée par le terme de « mixité sociale ». De
façon générale la notion de mixité sociale désigne la cohabitation, en
un même lieu, de personnes appartenant à des catégories
socioprofessionnelles, à des cultures, à des nationalités, à des ethnies,
à des tranches d'âge,… différentes etc. …
En matière d'habitat, la mixité sociale se traduit par des quartiers
hétérogènes où vivent des personnes de niveaux de vie, de cultures et
d'origines variées. Ce mélange peut s'apprécier à différentes échelles,
au niveau de l'immeuble, d'un ensemble d'habitations, d'un quartier...
Ainsi, la mixité sociale est à la fois un état observé sur le terrain et un
processus volontariste voulu par les pouvoirs publics (ONDH 2017, 7)
9 C’est un état, dans le sens où des groupes sociaux aux
caractéristiques diverses cohabitent de façon paisible et continue
sur un même territoire (quartiers, zone urbaine, ville).
9 C’est un processus volontariste, du fait de l’intervention des
pouvoirs publics afin d’avoir une répartition plus équilibrée des
populations sur un même territoire. L’objectif recherché étant la
cohabitation paisible sur un même territoire de groupes sociaux
divers par l’ethnie, la nationalité, l’âge, le statut professionnel, les
revenus etc...
Au Maroc, la mixité sociale est un état de la configuration de l’espace
urbain liée à la conjugaison de plusieurs facteurs (historiques,
sociologiques, modalités d’accès au foncier urbain, modalités de
production de logements etc…)
Cependant, il n’existe pas de texte juridique ou de normes imposées
par la loi concernant la mixité sociale au niveau de l’habitat mais des
pratiques qui restent indicatives. Elles se manifestent à travers les
opérations de péréquation dans les lotissements publics, et le discours
qui entoure cette pratique dans les documents d’urbanisme
notamment les Plans d’Aménagement. En d’autres termes il n’existe
aucune programmation quantitative normative (pourcentage de
logements sociaux à produire obligatoirement par région ou ville) des
réalisations, au niveau local, qui tienne compte des besoins.
Malgré cet état de fait, la politique de logement de l’Etat a contribué à
homogénéiser la morphologie de l’habitat urbain et à améliorer les

151
conditions de vie de la population urbaine dans le cadre d’une approche
plus réparatrice qu’anticipative.

1.2 La planification de l’offre d’habitat social dans les


documents d’urbanisme
Les documents d’urbanisme sont appelés à évaluer quantitativement
les besoins en logements et la part de la demande solvable et non
solvable à l’horizon assigné au document d’urbanisme (25 ans pour le
SDAU et 10 ans pour le PA).
La quasi-totalité des SDAU depuis les années quatre-vingt à nos jours
estiment d’une façon empirique la demande non solvable (par rapport
aux logements offerts sur le marché) entre 30% et 40% des ménages
présents et futurs urbains. Ce qui a changé entre temps ce sont les
propositions formulées par ces documents pour compenser la faible
capacité financière des ménages.
Au cours des années 1980- fin des années 1990, les mesures proposées
consistent à :
- L’abaissement des coûts d’acquisition des terrains à bâtir,
destinés à des ménages à faible revenu, la réduction des normes
d’aménagement des terrains, la révision des modalités de
réalisation des prestations d’équipement d’infrastructures
(revêtement de la voirie, éclairage public, assainissement,) soit
en les supprimant totalement soit en différant leurs réalisations
dans le temps.
- La réalisation d’économies sur le coût de la construction de
logements : diminution de la superficie des parcelles,
utilisation systématique des murs mitoyens, livraison des
bâtiments semi-finis etc...
Les types de lots et logements sociaux recommandés ont des noms tels
que « Trames assainies », « logements embryonnaires », « logements
évolutifs », etc…
Les différents types de lots et logements recommandés pour répondre
aux besoins des ménages à faible revenu ne retrouvent aucune
traduction ni au niveau du zonage ni au niveau des règlements de
constructions proposés par les PA.
Les mêmes zones d’habitat avec le même règlement standard se
retrouvent d’une façon invariable dans pratiquement tous les PA
depuis des décennies quelle que soit la ville ou la population
concernées. Les trois zones en question sont : « les zones d’habitat
économique », « les zones immeubles », « les zones villas ».
A partir des années 2000, c’est l’émergence des logements sociaux clef
en main subventionnés par les pouvoir publics et produits par des
promoteurs privés et publics : c’est le cas de logements à 200 000 DH
et par la suite à 250 000DH et des logements à 140 000 DH. Seul ce

152
dernier type de logements est censé répondre aux besoins des ménages
à faible revenu mais dont la production reste limitée.
Les logements des ménages à faibles revenus continuent à être produits
en dehors des documents de la planification urbaine soit dans le cadre
des espaces informels (bidonvilles et quartiers non réglementaires)
soit, récemment, dans des zones périphériques dans un cadre
dérogatoire. Ces logements produits en dehors de la planification
urbaine sont intégrés à posteriori au moment du renouvellement des
plans d’aménagement.
Globalement on peut dire que la politique de l’habitat social au Maroc
se caractérise par une constante à savoir la lutte contre l’insalubrité
urbaine, par contre la production de lots et de logements sociaux neufs
a connu des changements dans le temps. Deux grandes périodes sont à
retenir en matière de production d’habitat social au Maroc : les années
1970 jusqu’à la fin des années 1990 où les lotissements publics ont joué
un rôle important dans l’offre de logements sociaux et dans la mise en
œuvre des documents d’urbanisme (LEHZAM.A. 1994). Ensuite depuis
le début des années 2000 jusqu'à nos jours, la relation planification
urbaine et production de l’habitat social est régie par des dérogations
aux dispositions des documents d’urbanisme.

2. LES LOTISSEMENTS PUBLICS D’HABITAT SOCIAL COMME


OUTIL DE MISE EN ŒUVRE DES DOCUMENTS D’URBANISME

Les années 1970 et 1980 se caractérisent par un urbanisme de


lotissements et de standardisation des plans d’aménagement. Ces
derniers sont réalisés essentiellement par les architectes et les
techniciens du ministère chargé de l’urbanisme de l’époque. Les
problèmes liés à la gestion des PA existants sont évacués par le
développement de lotissements publics et l’installation des
équipements collectifs sur des terrains appartenant au domaine privé
de l’Etat. La quasi-totalité des équipements collectifs et plus de la
moitié du parc logement construit au cours de cette période l’ont été
sur des lotissements publics. Quant aux quartiers non réglementaires
ils sont considérés comme en dehors de la ville. Ce n’est qu’à l’occasion
de l’élargissement des périmètres urbains ou du renouvellement des
PA que ces quartiers sont intégrés à l’espace urbain.
Ainsi, les lotissements publics jouaient un triple rôle : la mise en œuvre
des dispositions d’urbanisme des PA, une offre de terrains pour les
ménages auto-promoteurs pour construire leurs logements et un rôle
de restructuration et de mise à niveau des zones non réglementaires
intégrées aux villes.

153
A partir de la fin des années 1980, une pénurie progressive de terrains
domaniaux au sein des villes commence à se faire sentir. Pour faire face
à cette situation, l’Etat a, progressivement, substitué à sa production
de lotissements une approche qui privilégie l’intervention du secteur
privé dans la production des logements clef en main grâce à des
exonérations fiscales. En l’absence de dispositions adéquates, le
secteur privé n’a pas entièrement pris la relève.

3. LA DEROGATION AUX DOCUMENTS D’URBANISME COMME


MOYEN D’INTENSIFIER LA PRODUCTION DE LOGEMENTS
SOCIAUX

Depuis le début des années 2000, dans un contexte d’épuisement des


réserves foncières de l’Etat, une division de travail s’est opérée entre
l’Etat et les promoteurs immobiliers (privés et publics) : Les moyens
financiers de l’Etat destinés aux logements sociaux sont orientés vers
la mise à niveau urbaine, notamment le programme « villes sans
bidonville ». Quant aux promoteurs, l’Etat leur confie sur la base de
conventions, la réalisation de logements sociaux neufs en contrepartie
d’exonérations fiscales et de l’accès à des terrains équipés (à des prix
préférentiels dans le cadre des villes nouvelles) ou des terrains
agricoles à urbaniser dans le cadre de dérogations aux dispositions de
l’urbanisme. Cette offre de terrains destinée aux promoteurs est
assurée, en grande partie, grâce au développement de pôles urbains
périphériques et des villes nouvelles sur des terrains domaniaux et
collectifs.
Il est indéniable que la production massive de logements sociaux a
répondu aux besoins des ménages modestes mais solvables en fonction
des conditions du marché. L’offre de logements sociaux à 250 000 DH
est actuellement supérieure à la demande dans pratiquement toutes les
villes. Quant aux logements sociaux, moins chers, le volume de leur
production reste modeste par rapport aux besoins (MHUPV, 2016).
Depuis 2008, date du lancement du programme des logements sociaux
à 140 000 DH seules 25 000 unités ont été produites au niveau
national (CNH, 2018, 19).
Ces résultats, contrastés, n’ont été acquis que grâce à une permissivité
extrême en matière d’urbanisme. Dans les grandes villes, par exemple,
les promoteurs privés n’investissent dans la production de logements
sociaux sur des terrains privés que dans le cas où ils peuvent bénéficier,
en plus d’exonérations fiscales, de superprofits générés par la
transformation de terrains périphériques agricoles en terrains
urbanisables. Plus de la moitié des logements sociaux autorisés au
niveau national, de 2010 à fin février 2015, ont reçu une dérogation aux

154
dispositions des documents d’urbanisme. Le taux le plus élevé se
trouve au niveau de la région du Grand Casablanca comme le montre
le tableau ci-dessous.

Logements sociaux (250.000DH) ayant bénéficié de la dérogation


de 2010 à fin février 2015
REGIONS (Ancien découpage) LOGEMENTS DEROGATION POURCENTAGE
AUTORISES
GRAND CASABLANCA 140 664 128 812 91,60%
TANGER-TETOUAN 74 137 25 810 34,80%
RABAT-SALE-ZEMMOUR-ZAËR 46 450 28 259 60,80%
MARRAKECH-TENSIFT-AL HAOUZ 36 040 22 624 62,80%
SOUSS-MASSA-DRAA 32 952 11 060 33,60%
CHAOUIA-OUARDIGHA 27 589 9 353 33,90%
FES-BOULEMANE 25 089 3 353 13,40%
ORIENTAL 23 223 10 032 43,20%
GHARB-CHRARDA-BENI HSSEN 18 197 3 935 21,60%
DOUKKALA-ABDA 16 742 8 914 53,20%
MEKNES-TAFILALET 16 096 10 147 63,00%
TADLA –AZILAL 4 482 4 482 100,00%
TAZA-AL HOCEIMA-TAOUNATE 3 108 833 26,80%
ENSEMBLE 464 769 267 614 57,58%
Source : Ministère de l’Habitat et de la Politique de la Ville

Ces dérogations ont contribué à une production importante de projets


immobiliers d’habitat social disséminés à la périphérie des grandes
agglomérations d’où l’accentuation de l’étalement urbain qui se
manifeste par (MHUAT, 2017) :
- Une dé-densification des zones bâties des grandes agglomérations.
Les densités urbaines (nombre d’habitants à l’hectare) sont passées
entre 2010 et 2016 de 131 à 122 au niveau du Grand Casablanca, de
97 à 78 au niveau de l’agglomération Rabat-Salé-Témara et de 77 à
44 au niveau du Grand Marrakech.
- Une déconnection de l’habitat par rapport à l’emploi. Même au
niveau du Grand Casablanca où l’étalement est généré en partie par
la dissémination des entreprises au niveau des espaces
périphériques, celles-ci se créent en dehors de la prise en compte
de l’habitat et vice versa.
- Un coût en termes de gaspillage de ressources. Les projets réalisés
non seulement restent sous exploités pendant des années mais
nécessitent en plus d’importants investissements (voies de liaison,
équipements hors sites, ouvrages d’art etc..) pour leurs viabilités

155
futures. Ceci sans compter les dépenses de déplacement domicile-
travail que doivent consentir les futurs résidents de ces projets.

4. VERS UNE PRISE EN COMPTE EFFICIENTE DE LA


PRODUCTION DE L’HABITAT SOCIAL DANS LA PLANIFICATION
URBAINE

Comme il a été évoqué ci-dessus, la production de l’habitat social au


Maroc avec ses différentes composantes (logement dit social à 250 000
DH et à 140 000 DH) ne fait l’objet d’aucune planification ni en termes
de quantification ni en termes de spatialisation. Le volume et la
localisation, entre les villes et au sein des villes de ces logements est
laissé à la discrétion des promoteurs privés.
Face à une conjoncture immobilière morose et une offre importante de
logements sociaux qui ne trouve pas de preneurs, les promoteurs privés
revendiquent des outils de planification et de suivi de l’offre et de la
demande de logements leur permettant d’orienter leurs
investissements futurs.
Actuellement, la Fédération Nationale des Promoteurs Immobilier
(FNPI) réclame aux pouvoirs publics plus de visibilité au niveau du
marché immobilier. Elle ne voit pas d’un mauvais œil une planification
indicative, par région et par agglomération, de la demande potentielle
de logements sociaux.
Parmi les grandes orientations annoncées lors de tenue de la deuxième
session du Conseil National de l’Habitat qui a eu lieu à Rabat le 24
octobre 2018, c’est l’adoption d’une approche territoriale de la
politique et des programmes d’habitat à travers l’adoption d’un nouvel
instrument à savoir le plan local de l’habitat (PLH) qui va permettre :
- D’apporter aux collectivités territoriales un éclairage
territorialisé sur le secteur de l’habitat, ses besoins et ses
priorités ;
- De fixer les orientations relatives au développement d’une offre
en logement en adéquation avec la demande en tenant compte

156
des dynamiques locales, pressions sur les marchés fonciers et
immobiliers etc.
- D’indiquer les moyens à mettre en œuvre notamment sur le
plan financier pour la réalisation des actions prioritaires en vue
de satisfaire les besoins en logement ;
- De constituer le support de contractualisation entre l’Etat, les
collectivités territoriales et le secteur privé.
La maquette de cet outil de planification est encore à l’état d’esquisse
car beaucoup de questions sont encore en suspens telles :
- Qui est le maître d’œuvre de ce document ?
- Quel est son statut juridique ?
- Quelles sont les modalités de sa conception ?
- Quelle est sa portée opérationnelle en particulier son
articulation avec les documents d’urbanisme (SDAU et PA) ?
- Quel est le rôle des collectivités territoriales dans sa conception
et sa mise en œuvre ?

Conclusion
Actuellement, la politique du logement social au Maroc agit par le biais
de deux systèmes parallèles : un marchand subventionné par l’Etat
(logement social neuf) et l’autre administré (la résorption des
bidonvilles et la mise à niveau urbaine). Ces deux systèmes de
production de logements sociaux génèrent des projets qui sont intégrés
à posteriori dans les documents de la planification urbaine. Cette
politique présente les paradoxes suivants :
- Elle a permis le renforcement de la mixité sociale surtout au niveau
des anciens quartiers non réglementaires. De même la production
massive de logements sociaux a répondu aux besoins des ménages
modestes mais solvables en fonction des conditions du marché.
L’offre de logements sociaux à 250 000 DH est actuellement
supérieure à la demande dans pratiquement toutes les villes.
- Le modèle d’habitat social offert (ensembles immobiliers) est très
mal apprécié. Il se caractérise par une densité élevée avec les
problèmes liés aux habitations collectives : le mode de vie dans les
immeubles (copropriété, densité et promiscuité élevées) et leur
gestion au quotidien (difficulté de mise en place de syndics pour
l’entretien des immeubles et leurs environnements).
- Les ménages qui ne disposent ni d’un logement à monnayer dans le
cadre d’une opération de résorption de l’habitat non réglementaire
ni de moyens financiers pour accéder à des logements sociaux,
suivant les conditions du marché, se trouvent contraints tôt ou tard
de s’adresser à une offre non réglementaire soit 47 000 ménages

157
annuellement selon les estimations, récentes, du Conseil National
de l’Habitat en 2018 (CNH,2018, 23).
La politique du logement social reste centralisée, sans aucune
planification en amont. La répartition territoriale de la production des
logements sociaux neufs est laissée à la discrétion des promoteurs
immobiliers. Quant aux collectivités locales, elles ne jouent qu’un rôle
réduit qui se limite aux opérations de résorption des bidonvilles.

Bibliographie
- Observatoire National du Développement Humain (2017) Séminaire sur
la problématique de l’inclusion par le logement des populations pauvres
et vulnérables (synthèse), Rabat ,75 p
http://www.ondh.ma/sites/default/files/documents/rapport_habitat_ondh
_.pdf
- IRAKI A et LE TELLIER J. (2010) Habitat social au Maghreb et au
Sénégal, Ed L’Harmattan et INAU, Rabat, 288 p
- Ministère de l’Habitat de l’Urbanisme et de la Politique de la Ville (2015)
Synthèse des résultats de l’enquête logement 2012, Rabat, 84 p.
- LEHZAM A (1994) Le logement urbain au Maroc : Les ménages et l’Etat
face à l’accès à la propriété et la location, Ed CCMLA, Rabat, 198 p
- Ministère de l’Habitat de l’Urbanisme et de la Politique de la Ville (2016)
Phase III de l’enquête nationale sur la demande en habitat, Rabat, 185 p
- Ministère de l’Aménagement du Territoire National de l’Urbanisme de
l’Habitat et de la Politique de la Ville (2017) Etude sur le système de la
planification urbaine au Maroc : Rapport analyse diagnostic, BET
CREADH, Rabat, 338 p
- Conseil National de l’Habitat (2018), Projet de feuille de route pour la
redynamisation du secteur de l’habitat : Grandes orientations, Rabat, 68p

Abdellah LEHZAM

158
159
CHAPITRE 11 : LA QUESTION ENVIRONNEMENTALE
DANS LA PLANIFICATION URBAINE

Le Maroc, qui a vu sa population urbaine se multiplier par 7 en 58 ans


en passant de 3 millions en 1960 à plus de 20 millions en 2018, est
aujourd’hui confronté à de multiples défis urbains comme la lutte
contre toutes les formes d’exclusion urbaine (Habitat insalubre, sous-
emploi, sous-équipement, dégradation des ressources
naturelles,…etc.). Le taux d’urbanisation est de 60,1 % en 2014. Il est
plus important que la moyenne mondiale (48,3 %) mais encore très
inférieur à la moyenne des pays industrialisés (74,5 %). La population
urbaine a augmenté, au cours de la période 1950-2000, de l’ordre de
presque 4 % par an en moyenne, ce qui correspond à un rythme très
rapide. Le taux de croissance mondiale au cours du dernier quart de
siècle n’a été que de 2,5 %. La part des urbains dans la population
marocaine qui est passé de 26 % en 1950 se situe aujourd’hui (2018)
autour de 63 %.
Soumis à une urbanisation intense plutôt démographique
qu’économique qui s’est traduite par un désajustement entre
croissance de la population et accroissement des richesses, le Maroc a
vu se mettre en place un système urbain déséquilibré et relativement
peu hiérarchisé marqué par de fortes distorsions entre régions, à
l’intérieur de la même région et surtout entre la ville et le monde rural.

1– LA GOUVERNANCE URBAINE FACE A LA PROBLEMATIQUE


ENVIRONNEMENTALE

Pendant longtemps, l’urbanisation, ou plus précisément, la croissance


urbaine était perçue comme un fléau à endiguer. Les études préalables
à l’élaboration du Schéma National d’Aménagement du Territoire
(SNAT) ont débouché sur la reconnaissance de la prééminence de la
ville comme moteur de développement économique. Aujourd’hui, La
ville est considérée comme un espace de création de richesses et un
moteur de changement social.
De même, la gestion des villes ne se réduit plus aux seules questions de
ramassage des ordures, d’eau, d’assainissement et de logement. C’est
aussi un espace de création de biens et services, d’innovation, de
création culturelle et artistique, ainsi qu’un cadre de partenariat et de
synergie entre les différents acteurs en présence.
L’urbanisation tout en étant inéluctable, voire souhaitable (politique
des villes nouvelles, ouverture des zones d’urbanisation nouvelles à la

160
périphérie de grandes villes) nécessite des modes de planification et de
gouvernance territoriale rénovés.
Plus important encore, la nécessité de concilier l’aménagement du
territoire à la planification urbaine à la préservation et à la gestion
rationnelle des ressources (principalement l’eau et l’énergie) constitue
aujourd’hui un des grands challenges du développement et de la
planification territoriale au Maroc.
Néanmoins, le modèle d’urbanisation en cours repose sur de nombreux
dysfonctionnements :
x Une fragilité socioéconomique qui se traduit par le
déséquilibre entre la croissance urbaine et le développement
des capacités productives des villes, une expansion de
l’économie informelle, et une mutation des valeurs et du lien
social (montée de l’individualisme) ;
x Un étalement urbain doublé d’une fragmentation
socio-spatiale. L’éclatement de l’unité urbaine favorise
l’exclusion sociale, l’explosion du phénomène de l’habitat non
réglementaire et le déficit en infrastructures et équipement
publics. Les rapports déséquilibrés centre/périphérie
s’expriment essentiellement par les difficultés de circulation et
de mobilité.
x Des outils de planification souvent dépassés et
inadaptés. Inadaptation des visions et des échelles qui fait que
l’on pratique plus un urbanisme « de rattrapage » plutôt qu’un
urbanisme prévisionnel. A tout cela s’ajoute une multiplicité
des intervenants, une interpénétration des compétences, voire
une confusion des attributions des acteurs, ce qui accentue
davantage la crise de gouvernance que connaissent certaines
villes marocaines.
C’est à cause d’un système de planification spatiale inadapté, hérité de
la période coloniale que les villes marocaines s’étendent au détriment
de terres à fort potentiel agricole.
Face à l’urbanisation galopante et anarchique, les instruments de
planification techniques, juridiques et institutionnels ont montré leurs
limites pour contenir et canaliser cette poussée urbaine.
Il est à retenir également que deux phénomènes géoéconomiques
complémentaires dérivent de l’urbanisation au Maroc :
1. La littoralisation qui se traduit par une tendance à la
concentration de la population, des activités économiques et des
équipements structurants le long du littoral atlantique dans un
premier temps et méditerranéen ensuite. Cette littoralisation pose
le problème de la gestion intégrée des espaces côtiers et des
ressources halieutiques.
2. La métropolisation est définie comme étant une composante et
un moment particulier de la croissance urbaine, repose la question

161
des formes urbaines et reprend le débat traditionnel relatif à la
taille optimale des villes, et fait appel à la notion de ville durable et
à celle de gouvernance urbaine, voire territoriale. Elle conduit
aussi à s'interroger sur les fractures de mutations de nos sociétés.
L'analyse de la métropolisation révèle donc la diversité et la
complexité des contextes urbains, et sollicite des perceptions
culturelles et scientifiques multiples (Sylvette Puissant et Claude
Lacour, 1990).
Aujourd’hui, plus que jamais auparavant, ces espaces urbains et
métropolitains sont confrontés à de multiples défis :
x Extension urbaine non maîtrisée : Il est à constater, que
notre pays a connu une forte croissance démographique et
urbaine durant le siècle dernier. Le territoire national s’est
profondément transformé dans sa structure spatiale et son
armature urbaine. De nouvelles villes se sont rapidement
constituées, des centres ruraux se sont transformés en espaces
urbains traduisant une urbanisation galopante et anarchique.
x Consommation démesurée des espaces agricoles
périphériques : Le Maroc dispose de vastes terres agricoles
qui couvrent une superficie de 8.7 millions d’hectares soit 12 %
de la superficie nationale. Une analyse géographique sur la
répartition de la superficie agricole utile au sein du territoire
national montre que ces surfaces s’étendent principalement
dans les zones déjà peuplées ; Ceci montre à l’évidence que ces
terres agricoles sont consommées chaque année par
l’urbanisation. Les terres agricoles sont très convoitées et
subissent des dégradations d’origine naturelle liées à la
désertification, la salinisation et l’érosion des sols et des
pressions d’origine anthropique qui résident dans
l’urbanisation galopante et anarchique. La pratique abusive de
la dérogation fait reculer les terres à fort potentiel agricole de
plusieurs centaines d’hectares par an.
En somme chaque le Maroc perd chaque année entre 5000 et
10000 hectares à cause d’une urbanisation non contrôlée. Ce
qui constitue une véritable menace pour le secteur agricole et la
sécurité alimentaire du pays.
x Consommation excessive d’énergie et d’eau :
L’urbanisation se traduit également par une pression
phénoménale sur les ressources hydriques et énergétiques. La
consommation croissante de l’eau et de l’énergie fossile en
raison de l’augmentation de la demande, mais aussi à cause de
la mauvaise gestion et du gaspillage de ces ressources pose la
problématique de l’alimentation durable des villes marocaines
en eau potable et en électricité domestique. Déjà des villes
commencent à souffrir en période de sécheresse, voire même

162
en été, d’un stress hydrique manifeste. Les coupures
récurrentes impactent fortement la qualité de vie des habitants.
x Production élevée et croissante de déchets urbains :
L’assainissement solide et liquide constitue un véritable point
noire dans la gestion urbaine au Maroc. De nombreuses
agglomérations ne disposent pas d’un réseau d’assainissement
adéquat, quand il existe, ce qui le rend incapable d’évacuer les
eaux pluviales en période de fortes crues. Ce qui cause parfois
des inondations catastrophiques. Sans oublier les quartiers
d’habitat non réglementaire demeurent dans la plupart des cas
non assainis. S'agissant de la gestion des ordures ménagères, le
ramassage irrégulier dans beaucoup de quartiers, ainsi que
l’absence de décharges contrôlées impactent fortement le
paysage urbain et réduit la qualité de vie des habitants. La
concentration des ordures dans certains quartiers peut être un
facteur de prolifération de rongeurs et de chiens errants.
x Congestion de la circulation : Les phénomènes de
périurbanisation et d’étalement urbain que connaissent les
grandes agglomérations urbaines rendent de plus en plus
difficile l’accès au centre-ville, voire même les déplacements
entre les quartiers périphériques. L’existence d’un réseau de
transport en commun inadapté a fait exploser le phénomène du
transport informel (charrettes, taxis clandestins, triporteurs,
…etc.). Par ailleurs, l’augmentation vertigineuse du parc
automobile, notamment de la voiture particulière, rend la
circulation difficile et complexe, notamment durant les heures
de pointe.
x Ségrégation et perte de la cohésion sociale :
L’urbanisation à caractère démographique sans développement
réel des capacités productives des villes se traduit par
l’extension de la pauvreté. Celle-ci se manifeste à travers des
taux élevés de chômage, l’explosion des activités de survie, et
surtout l’expansion du phénomène de l’habitat insalubre qui
prend des formes diverses : bidonville, habitat non
réglementaire en dur, habitat menaçant ruine ; ainsi que le
développement du phénomène de la cohabitation. Ajoutons à
cela, l’apparition ces dernières années d’un nouveau
phénomène : les sans domiciles fixes et les enfants de rue. Tout
ceci, donne une ville marocaine fortement compartimentée et
hiérarchisée marquée par une forte ségrégation socio-spatiale.
x Sous équipement : La question des équipements publics au
Maroc est au centre des préoccupations des pouvoirs publics
dans un contexte de forte croissance urbaine des villes, de

163
hausse continue des prix du sol et de rareté du foncier
notamment, au niveau des grandes agglomérations.
L’évaluation faite en la matière a révélé :
9 un déficit important en termes de réalisation des
équipements publics avec un taux inférieur à 20%,
9 un faible niveau de programmation, d’engagement et de
réalisation des grands équipements par les
départements ministériels,
9 des préjudices importants causés aux propriétaires des
parcelles de terrains en cas de non valorisation,
9 un surdimensionnement des superficies réservées aux
équipements publics aussi bien par rapport aux besoins
réels des agglomérations que par rapport à la capacité
de financement effective de l’Etat et des collectivités
territoriales.
A ces défis viennent s’ajouter les impératifs écologiques et la crise
économique internationale.
L’urbanisation est donc un phénomène appelé à durer et à s’intensifier
dans les prochaines décennies. Aujourd’hui, la ville est devenue un
enjeu central pour le développement économique et social du pays. Elle
est le moteur de la croissance économique du pays, avec 80% de
l’activité productive (industrie et services) et ¾ des opportunités
d’emploi ; elle est le lieu de cristallisation des attentes sociales :
9 Les villes sont appelées durant les 15 prochaines années à créer
plus de 250.000 emplois/an ;
9 Lieux d’espoir et d’intégration des ruraux : elles ont accueilli
plus d’un million de migrants au cours de la période 1994-2014.

2 - LE PROBLEMATIQUE DE L’ENVIRONNEMENT DANS LES


DOCUMENTS D’URBANISME

La loi n°12.90 relative à l’urbanisme et la loi n° 25-90 relative aux


lotissements, groupes d’habitations et morcellements sont quasiment
muettes sur la protection de l’environnement. D’ailleurs, le terme
environnement est inexistant dans les deux lois. Seul l’article 4 de la loi
sur l’urbanisme qui stipule que le Schéma Directeur d'Aménagement
Urbain a pour objet « de déterminer les zones nouvelles d'urbanisation
et les dates à compter desquelles elles pourront être ouvertes à
l'urbanisation en préservant notamment les terres agricoles et les
zones forestières dont les limites sont fixées par voie réglementaire ;
(Art. 2 du décret n°2-92-832). Ainsi que l’article 19 qui stipule que le
Plan d'Aménagement a pour objet de définir tout ou partie des
éléments énumérés ci-après :

164
1- L'affectation des différentes zones suivant l'usage principal qui
doit en être fait ou la nature des activités dominantes qui peuvent
y être exercées telles que zone d'habitat, zone industrielle, zone
commerciale, zone touristique, zone maraîchère, zone agricole et
zone forestière ;
2- Les zones dans lesquelles toute construction est interdite.
Le plan d'aménagement détermine les zones soumises à certaines
servitudes d’urbanisme. Les servitudes les plus sévères concernent plus
particulièrement les servitudes dites non aedificandi et qui concernent
les parties du périmètre urbain dans lesquelles toute construction est
interdite (article 19 du dahir de 1992).
L'interdiction est justifiée par plusieurs raisons :
x l'interdiction peut affecter les espaces boisés à préserver dans
un intérêt écologique ;
x l'interdiction peut concerner les terrains exposés à des risques
naturels : risques sismiques, inondations, pollutions, terrains
glissants ou accidentés ;
x l'interdiction peut être utilisée pour bloquer l'extension d'un
secteur et orienter l'urbanisation vers d'autres directions.
x l’interdiction peut enfin intervenir pour des raisons de sécurité,
d’hygiène, ou pour des raisons d’ordre esthétique ou historique
(monuments), etc.
Néanmoins, les pratiques abusives de la « dérogation » ont souvent
remis en cause les préoccupations environnementales dans les
documents d’urbanisme. L’introduction officielle de la dérogation en
matière d’urbanisme s’est faite en 1999, à travers la circulaire n°254 du
12 février 1999, dans un contexte marqué par l’avènement du
gouvernement appelé communément d’Alternance en 1998.
En effet, dans un contexte marqué par une crise socio-économique
profonde et une volonté politique d’encourager l’investissement privé
à travers l’assouplissement et la facilitation des procédures d’octroi des
autorisations de lotir et de construire, trois autres circulaires viendront
compléter la circulaire précitée respectivement en 2001, 2003 et 2010
en vue de créer une dynamique socioéconomique et territoriale et de
répondre aux défis sociétaux comme celui de l’emploi.
Certes, le bilan national de la mise en œuvre de la procédure
dérogatoire note que celle-ci a permis le déblocage d’une multitude de
projets qui sont de nature à insuffler une dynamique à l’investissement.
Néanmoins, le résultat réel de cette procédure demeure mitigé. De
nombreux projets autorisés selon la procédure de la dérogation ont
porté atteinte aux équilibres écologiques en procédant par exemple à
détruire des espaces boisés, à impacter négativement les ressources en
eau aussi bien superficielles que souterraines et surtout à consommer
les terres à très fort potentiel agricole.

165
Déjà les documents d’urbanisme ne se soucient pas suffisamment de la
question environnementale, malgré la montée en puissance du
discours sur le développement durable. La dimension
environnementale est sensée être observée dans les projets
d’aménagement urbain, en application de la loi n°11.03 relative à la
protection et la mise en valeur de l’environnement, la loi n°12.03
relative aux études d’impact sur l’environnement en date du 19 juin
2003 et la loi cadre n°99.12 portant Charte Nationale de
l’Environnement et le Développement Durable.

3 – POUR UNE PLANIFICATION URBAINE STRATEGIQUE ET


PARTICIPATIVE

Aujourd’hui, le Maroc est appelé à revoir son dispositif de planification


urbaine en accordant plus de place à la concertation et à la
participation des acteurs de la ville à la conception, la mise en œuvre et
à l’évaluation des documents de planification urbaine. L’émergence des
préoccupations de « développement durable » est une opportunité
pour intégrer les préoccupations environnementales dans l’urbanisme.
Ajoutons à cela les défis imposés par les changements climatiques qui
sont aujourd’hui une réalité incontestable. Le stress hydrique menace
de nombreuses agglomérations, et nombreuses également sont
exposées à des risques d’inondation, de glissement de terrain,
d’effondrement d’habitations menaçant ruine, d’ensablement et de
désertification. Sans oublier la remontée du niveau de la mer qui
menace la quasi-totalité des villes côtières. D’où la nécessité de revoir
le dispositif de planification urbaine en vigueur en y intégrant les
considérations de développement durable et d’adaptation aux
changements climatiques.
De surcroit, il existe actuellement une Stratégie Nationale de
l’Efficacité Energétique dans le Bâtiment, l’Industrie et le Transport
lancée par l’Agence Nationale pour le Développement des Energies
Renouvelables et de l’Efficacité Energétique (ADEREE). La stratégie
prévoit de réduire la facture énergétique de 12% à l’horizon 2020 et
15% à l’horizon 2030.
L’efficacité énergétique dans le bâtiment, la promotion des énergies
renouvelables, la gestion des déchets solides, le traitement des eaux
usées et la lutte contre les inondations en milieu urbain, sont les
questions majeures de la Nouvelle Charte Nationale de
l’Environnement.
L’heure aujourd’hui est à l’anticipation et à l’urbanisme de projet et
non à l’urbanisme d’opportunité. Une véritable planification

166
stratégique urbaine peut apporter des solutions à de nombreux
dysfonctionnements dont souffre la ville marocaine.
La planification stratégique se doit d’être une méthode ordonnée visant
à aboutir à un changement en produisant des décisions et des actions.
Il s’agit essentiellement d’anticiper le futur afin de s’adapter à
l’environnement et de se préparer aux changements d’un horizon
d’incertitudes.
En termes simples, pour être stratégique la planification doit permettre
de déterminer précisément où veut amener l’organisation durant la
prochaine année ou à plus long terme, et comment s’y prendre. Il s’agit
d’un processus coordonné et méthodique qui sert à établir les
orientations de notre organisation et les moyens à mettre en œuvre
pour les réaliser.

Cycle de la planification stratégique urbaine

Aujourd’hui, la gestion de la ville - par le biais des documents


d’urbanisme à caractère juridico-technique - semble être dépassée. Les
outils de planification notamment les plans d’aménagement imposent
une règlementation qui fige les formes urbaines en limitant les
hauteurs des constructions. Cette disposition contraignante pour les
gestionnaires locaux produit un modèle de villes basses,
consommatrices de l’espace, monotones, voire stéréotypées. Ceci
impacte négativement la fabrication de la ville moyennant des
constructions horizontales provoquant un étalement urbain au
détriment des terres agricoles et entache la qualité du paysage urbain
sur le plan esthétique, fonctionnel et social .
Pourquoi la ville doit faire l’objet d’une politique publique concertée et
participative ?

167
x La ville est devenue avec la mondialisation le symbole de la
richesse, de la prospérité et de la puissance des nations ;
x La ville est également le lieu de socialisation, d’intégration et
d’inclusion sociale des populations vulnérables (populations à
faible revenus, personnes handicapées, immigrés, enfants de la
rue, ….etc.)
x La ville c’est aussi l’espace de création des richesses, des valeurs
universelles, mais aussi le lieu d’expression des contradictions
sociales, économiques, de l’expression des revendications
politiques et sociales;
x La ville est l’espace où s’affrontent les intérêts et se manifestent
les enjeux politiques, économiques, sociaux et
environnementaux ;
x La ville est le principal émetteur des gaz à effet de serre
responsables des changements climatiques (80% de la quantité
de gaz émise dans le monde chaque année). La ville est aussi la
principale victime des risques dérivés des perturbations
climatiques (inondations, glissement de terrain, ensablement,
désertification, canicule,…etc.
x La ville est le lieu où se concrétisent et s’évaluent les politiques
publiques sectorielles et la gouvernance territoriale.
Selon l’Agence Française de Développement (AFD) : « La planification
territoriale stratégique est un processus d’élaboration collective d’un
projet de ville porté par le pouvoir politique. Cette démarche doit
permettre de définir un cadre d’ensemble composé d’orientations
générales et de principes d’action pour piloter le développement d’un
territoire urbain. »
Selon la Conférence des Gouvernements Locaux Unis d’Afrique
(CGLUA) « La planification stratégique fournit une méthodologie qui
aide les villes à identifier leurs forces et leurs faiblesses, tout en
définissant les principaux objectifs à atteindre pour le développement
local. »
La ville doit être gérée dans sa complexité dans un cadre systématique
intégrant à la fois les aspects économiques, sociaux,
environnementaux…La construction verticale des villes, économe et
conservatrice et l’environnement, peut se substituer à la construction
horizontale. Pour ce faire, il convient de repenser et revoir les
principales normes de l’urbanisme à savoir la hauteur, le COS et CUS.
La prise en compte de la densité comme règle de planification s’impose
aujourd’hui pour permettre à la ville de se positionner en tant que
territoire compétitif et concurrentiel tout en respectant les principes du
développement durable.
Se basant sur l’arsenal juridique actuel et les documents d’urbanisme
qui en découlent, les aménageurs et les promoteurs immobiliers se

168
heurtent à des contraintes règlementaires qui handicapent leurs
opérations. Il s’agit en premier lieu de la limitation des hauteurs des
constructions et donc du nombre de logements à produire et la
surestimation des équipements à prévoir dans les opérations de
lotissements.
Dans la perspective d’une meilleure prise en charge de cette
problématique et de ses implications socio-économiques et
territoriales, une série d’axes de réflexion sont proposés ci-dessous,
pour servir de base à une stratégie nationale de prise en compte des
enjeux du développement territorial en général, urbain en particulier.
Une Stratégie Nationale d’Aménagement du Territoire pour la mise en
place d’outils de planification permettant une articulation des
politiques urbaines et rurales.
9 La planification et la gestion urbaine pratiquées actuellement
au Maroc ont montré leur limite dans la maîtrise de l’espace
urbain et la résorption de la crise de logement.
9 L’introduction d’une planification souple et concertée, basée
sur une implication accrue des acteurs publics et privés
améliorerait sans doute la gouvernance locale.
9 L’analyse des différentes extensions urbaines au Maroc montre
la prépondérance du modèle d’extension horizontale avec tout
ce qui en découle comme éclatement du tissu urbain en zones
périphériques ; D’autres modèles urbains peuvent pallier à
cette situation, notamment une densification verticale de
l’habitat.
9 Le mitage dans les périmètres irrigués et la problématique des
unités de regroupement de l’habitat rural. L’urbanisation
dispersée et diffuse, progressant en tâche d’huile, notamment
le long des axes routiers, est aussi consommatrice de terres
agricoles.
9 Le foncier est l’un des éléments clés de la problématique du
logement au Maroc. La multiplication et la complexité des
statuts fonciers se conjuguent à la spéculation foncière pour
rendre difficile la mobilisation des terrains et par
conséquent, l’urbanisation s’opère sur les terres agricoles ayant
le statut foncier le moins contraignant (le Melk et le Collectif)
La constructibilité des zones agricoles pose des problèmes aigus dans
certaines régions, où, à l’évidence, le marché foncier du terrain à bâtir
est à un niveau de prix nettement supérieur à celui du marché foncier
agricole quelle que soit la valeur agricole du sol. L’écart crée à
l’évidence une pression foncière qui finit par détourner la
réglementation des documents d’urbanisme.
Un élément de régulation majeur consisterait en l’introduction d’une
taxation des profits générés par la rente foncière urbaine, la base
d’imposition étant la différence entre le prix de vente des terres

169
urbanisables et leur valeur agricole initiale. Le produit de cette taxe
resterait à partager entre la municipalité chargée d’équiper les
nouvelles terres urbanisées et l’Etat.
La taxe d’urbanisation n’est bien entendue, que l’une des pièces d’un
dispositif global tendant à préserver les terres agricoles. En effet, ce
principe de taxation des plus-values doit être indissociable d’une
politique globale de régulation du marché foncier dans les divers
centres urbains et leur périphérie. Les espaces agricoles ont aussi bien
une fonction économique qu’un rôle de maintien des équilibres
naturels et de conservation des paysages.
En général, l’espace agricole autour des villes ne fait l’objet d’aucune
politique spécifique. Cet espace est indispensable pour l’équilibre des
agglomérations. L’usage d’un espace de coupure verte pour diversifier
les formes d’utilisation du sol des régions urbaines reste peu utilisé
dans notre pays.
La préservation d’un « morceau » de campagne est nécessaire pour la
valorisation du cadre bâti. Dans ce contexte, l’agriculture rejoint la
forêt pour devenir un espace vert urbain. Une manière aussi de
préserver certaines zones sensibles de l’urbanisation.
Aujourd’hui, des changements structurels positifs sont en cours :
- L’affirmation de la vocation méditerranéenne du Maroc ;
- Le combat contre l’habitat insalubre et toutes les formes de
précarité ;
- Le projet de régionalisation avancée ;
- L’émergence de nouvelles formes de mobilité et de transport
comme le tramway ;
- Naissance et développement des énergies renouvelables ;
- La poursuite de l’effort de mobilisation de l’eau pour l’agriculture
et la consommation domestique.
Néanmoins, le chemin demeure encore assez long, car l’adaptation des
villes marocaines aux changements climatiques, nécessite certes, une
refonte du système de planification urbaine et d’aménagement du
territoire, mais aussi un changement radical des mentalités qui doivent
intégrer le souci de préservation et d’économie des ressources (eau,
énergie, sol, foret, biodiversité), mais aussi développer l’esprit de
solidarité intergénérationnelle, sociale et territoriale.

170
Bibliographie :

- BACHELET F; MENERAULT PH.; PARIS D. ACTION PUBLIQUE ET PROJET


METROPOLITAIN-L ‘HARMATTAN, 2006
- BOCHET B., GAYJ.B., et PINI G., 2004, La ville dense et durable : un
modèle européen pour la ville, Géoconfluences, Lausanne.
- BOURDEAU-LEPAGE L., 2009, Formes urbaines et développement
durable. Quelques pistes de réflexion, Atelier PUCA : « Les stratégies de
localisation des activités économiques et les logiques de développement
durable des territoires », 17 septembre, Grande Arche de la Défense.
- CHOUIKI M. Le Maroc face au défi urbain. Quelle politique de la ville ?
Ed. Dar Attaouhidi, Rabat, 2012, 150 p.
- CHOUIKI M. : Ville et changement au Maroc, Quel changement véhicule
la ville marocaine ? Pub. INAU, Rabat, 2013, 200 p.
- CHOUIKI M : L’informalité urbaine. Une alter-urbanisation ?, Imp.
Najah El Jadida, Casablanca, 2014, 174 p.
- CHOUIKI M. : Un siècle d’urbanisme, Le devenir de la ville marocaine,
Ed. L’Harmattan, Paris, 2017, 256 p.
- COURLET Cl; BAGNASCO A.; NOVARINA G. Sociétés urbaines et
nouvelle économie.-L ‘Harmattan, 2010.
- ELAME E. La ville durable interculturelle.-L ‘Harmattan, 2016.
- OTTE A. La notion de planification stratégique spatialisée en Europe
(1995-2005) Strategic spatial planning.-CERTU, 2006

Abdelaziz ADIDI

171
172
CHAPITRE 12 : LE PATRIMOINE DANS LA
PLANIFICATION URBAINE

Le Royaume du Maroc dispose d’une richesse patrimoniale de grande


valeur reflétant l’apport des civilisations humaines qui ont marqué son
histoire depuis la période préhistorique jusqu’à l’ère contemporaine.
Les éléments constituant ce patrimoine sont assez riches et diversifiés,
aussi bien quantitativement (plus d’une trentaine de médinas et
centres historiques et des milliers de ksour et kasbahs implantés dans
les régions atlasiques et subatlasiques…), que qualitativement
(patrimoine architectural, urbain, culturel, naturel, mixte…).
En guise de reconnaissance des valeurs historiques, culturelles,
scientifiques et artistiques que représente ce patrimoine, plusieurs
médinas, centres historiques et sites archéologiques ont été inscrits sur
la liste du patrimoine de l’humanité par l’Unesco. Aujourd’hui, on
compte 09 tissus patrimoniaux inscrits sur cette liste, à savoir : Fès
(1981), Marrakech (1985), Ksar Ait Benhadou (1987), Meknès (1996),
Tétouan (1997), Volubilis (1997), Essaouira (2001), El Jadida (2004)
et Rabat (2012).
Conscient de l’importance que revêt ce trésor civilisationnel, tant sur le
plan économique (attraction touristique et apport des activités
artisanales et commerciales), que sur le plan social (poids et contenu
démographique de ces tissus au sein des agglomérations urbaines), le
Maroc s’est engagé dans un processus de valorisation et de
réhabilitation de son patrimoine, afin, tout d’abord, d’assurer sa
pérennité dans le temps, et puis pour l’intégrer dans la politique de
développement urbain au sens large du terme.
L’intervention de l’Etat s’est focalisée, en premier lieu, sur
l’instauration d’un cadre législatif et règlementaire adéquat,
permettant d’encadrer et de contrôler toute intervention sur le
patrimoine, et en second lieu sur l’instauration d’un appareil
institutionnel capable d’assurer, efficacement, le contrôle et la
surveillance des monuments historiques contre toute violation des lois
et règlements en vigueur. Il s’agit, entre autres, des lois relatives à la
protection des monuments et des sites de 1912, 1914 et 1945,
promulguées pendant la période du protectorat, et par la suite de la loi
22-80, relative à la conservation des monuments historiques, des sites,
des inscriptions, d’objet d’art et d’antiquités, promulguée en 1981.
Toutefois, la compétence de la question patrimoniale n’était pas un
domaine exclusif des lois dites de protection, mais cette question

173
épineuse était toujours et demeure au centre d’intérêt de plusieurs lois
voisines. C’est le cas des lois régissant l’urbanisme et l’environnement.
Mais, l’intervention dans le domaine du patrimoine reste une
compétence partagée entre plusieurs intervenants institutionnels :
Tourisme, Habous, Urbanisme, Habitat, collectivités territoriales… et
acteurs non institutionnels : société civile, acteurs économiques et
même les individus.
La problématique à traiter ici se veut une modeste tentative de
démontrer, à travers une analyse historique, comment les problèmes
des tissus urbains anciens ont été approchés par la politique urbaine
en général et par les documents de planification urbaine en particulier.

2 - L’ERE DU PROTECTORAT : PLANIFIER L’EXTRA-MUROS ET


MUSEFIER L’INTRA-MUROS

« La ville arabe, le quartier juif, je n’y touche pas, je nettoie, embellis,


fournis de l’eau, l’électricité et j’évacue les eaux usées, c’est tout … mais
en face, dans le bled, je bâtis une autre ville…” C’est ce qu’a dit Lyautey
quand il a énoncé ses directives pour la ville de Rabat (RIVET. D, 1996, p :
147). Cette déclaration du Résident Général dévoila et résuma la
politique du protectorat français envers les médinas, en tant que villes
des « indigènes » et traça une politique en matière d’urbanisme axée
sur trois piliers : la création de villes nouvelles, la protection des
médinas et la séparation entre ces deux entités urbaines.
En vue de mettre en œuvre cette politique, l’administration du
protectorat s’est engagée dans un programme d’envergure visant la
création d’un nombre important de villes nouvelles à côté des médinas.
L’objectif affiché était la création de pôles urbains afin d’accueillir les
colons européens ainsi que leurs activités. Mais au fond, cette politique
visait l’instauration d’un modèle urbain moderne basé sur le régime
capitaliste, qui va, par la suite, concurrencer le modèle traditionnel.
Ainsi, les villes nouvelles se sont dotées de toutes les infrastructures de
base et des équipements structurants nécessaires à la vie économique
et sociale, tandis que les espaces historiques ont été gardés à l’intérieur
de leurs remparts sans bénéficier d’aucune opération d’aménagement
pouvant améliorer leur situation.
La création des villes s’est accompagnée d’un encadrement juridique
substantiel, ayant permis à l’administration coloniale de réaliser ses
projets dans un cadre légal. Il s’agissait en premier lieu, de la loi du 16
avril 1914 relative aux lotissements, plans d’aménagement et extension
des villes, considérée comme étant le texte fondateur de l’urbanisme
moderne au Maroc…
Corrélativement, Lyautey a instauré une politique de protection et de
conservation des tissus anciens, basée sur la patrimonialisation des

174
monuments à haute valeur historique et artistique. Sa période est
marquée, à cet égard, par la publication d’une pléthore de textes de
classement des monuments et des sites, en application des dispositions
de la loi de 1914 relative à la conservation des monuments historiques,
des sites, d’objets d’art et d’antiquités. Néanmoins, on peut reprocher
à cette politique son manque de visibilité à propos du tissu ancien dans
son ensemble, puisqu’elle traitait le monument classé d’une manière
isolée, sans prendre en considération son environnement urbanistique,
architectural et social.
Le dernier pilier de la politique de Lyautey, dans ce domaine, consistait
en la séparation entre les médinas et les villes nouvelles. Quels que soit
les fondements de cette politique, elle a suscité un grand débat entre
les partisans et les opposants de cette approche. Cette séparation a
engendré une bipolarisation urbaine : ville ancienne/ville nouvelle,
ville indigène/ville européenne. Comme elle fut matérialisée par la
création de zones de protection artistique autour des murailles des
médinas par voie règlementaire. Ces zones de protection sont grevées
de deux servitudes distinctes. La première concerne la servitude non
aedificandi, dans laquelle toute construction est interdite et la
deuxième prévoit une servitude dite non altius tollendi où la
surélévation des constructions ne doit pas dépasser une hauteur
déterminée.
Après le départ de Lyautey et son architecte H. Prost, la sécheresse qui
a frappé le Maroc a déclenché un processus d’exode rural qui a aggravé
la densification de l’espace intra-muros au détriment des espaces libres
(Souanis, jardins…) et a entrainé une dégradation totale du paysage des
médinas.
Erik Labonne (Résident général) invita l’architecte M. Ecochard qui a
focalisé ses efforts sur la résolution de la crise urbaine, en affichant un
objectif central : « la construction de logements pour le plus grand
nombre », pour éradiquer une crise urbaine devenue structurelle
pendant les années 40. Face à l’aggravation de la crise des médinas,
Ecochard a essayé de substituer de nouvelles normes pour pouvoir
opérer des percées dans les Médina, en vue de faire vivre un patrimoine
qui se dégrade (Mezzine.M, 2010, p38).
Sur le plan juridique, cette période fut marquée par une révision
partielle de la loi régissant la protection du patrimoine. Cette révision,
qui a eu lieu en 1945 (Dahir publié au BO n 1715 en date du 7 septembre
1945), a pu apporter de nouvelles mesures de protection des
monuments historiques. La disposition la plus marquante, était le
changement d’échelle de protection, en passant de l’échelle du
monument isolé à l’échelle de la médina dans son ensemble. En effet,
la loi prévoit l’élaboration des règlements de protection des médinas
comme étant un instrument qui doit gérer toutes les interventions à
caractère architectural et urbanistique, tout en veillant à préserver le

175
cachet urbanistique propre à chaque médina (art 47 de la loi de1945).
Cette mesure protectrice, permettra à l’administration d’empêcher
toute intervention qui peut nuire à la santé du monument ou à son
aspect esthétique.
En somme, l’urbanisme du protectorat n’a pu apporter aux tissus
anciens aucune valeur ajoutée. Au contraire, la création des villes
nouvelles a contribué à la marginalisation de la centralité des médinas
dans le paysage urbain et la transformation de celles-ci en villes
dortoirs, à cause des problèmes structurels qui ont fragilisé l’économie
traditionnelle. Ce qui s’est traduit par la paralysie des tissus
traditionnels en les rendant incapables de suivre le rythme accéléré de
la vie urbaine moderne.
En effet, l’état des lieux des médinas, à la fin de la période du
protectorat, confirme ce constat. Des médinas surpeuplées, et un cadre
bâti très épuisé à cause de la cohabitation et de la surexploitation en
l’absence d’instrument de planification pouvant arrêter l’hémorragie
interne des tissus traditionnels.
Le désordre urbain, causé par cette urbanisation laissée pour compte
dans les espaces intra-muros, a entrainé aussi des transformations
spatio-fonctionnelles et a généré un déséquilibre au niveau de
l’organisation traditionnelle des Médinas. Cette rupture de l’ancien
équilibre de la médina provoquera la formation de ghettos de
prolétaires ou sous prolétaires enfermés dans l’antique enceinte de la
ville (Dethier J. 1970, p23).

2 - SCHEMAS DIRECTEURS : PREMIERE TENTATIVE POUR


PLANIFIER LES TISSUS ANCIENS

Après l’adoption du plan quinquennal 1968-1972, un nouveau


dynamisme a été insufflé à la politique urbaine, dans le but de trouver
les solutions adéquates à la crise urbaine. En effet, un projet de loi
dénommé « loi cadre de l’aménagement urbain et rural » a été proposé,
et l’Etat comptait le mettre en application à partir du plan quinquennal
1973-1977. Ledit projet de loi prévoyait, en complément des documents
d’urbanisme en vigueur, une chaine d’instruments nouveaux et
hiérarchisés qui proposaient d’assurer aux agglomérations urbaines un
développement rationnel et harmonieux (IDDAOUI.M, 1985, p59). Il
s’agit des schémas de structure et d’orientation (SSO), des plans
d’utilisation des sols (PUS) et des Schémas Directeurs (SD).
En sa qualité de document d’urbanisme prévisionnel, ce dernier
instrument (SD), constituait un outil de planification stratégique, sur
la base duquel l’Etat tentait de maitriser l’extension anarchique des
villes et présentait une vision globale des agglomérations urbaines
dans leur totalité.

176
La mise en œuvre de cette stratégie ambitieuse, a permis à plusieurs
villes marocaines de se doter de cet instrument de planification ; les
études y afférents concernaient principalement les grandes villes du
Royaume à savoir : Rabat-Salé, Casablanca, Agadir, Fès, Meknès,
Marrakech, Kenitra… mais aussi des villes moyennes comme : Beni
Mellal, Taza, Safi, Khémisset…
Le SD servira de référence pour toute l’opération de sauvegarde de Fès,
mais aussi de Meknès, de Marrakech et d’autres villes du Maroc. Parmi
ses premières exigences, à Fès, le SD voulait donner à la médina le rôle
de locomotive de patrimonialisation, et faire en sorte que la ville
ancienne soit érigée en symbole opérateur de patrimonialisation, seul
capable de la sauver.
Le SD de Fès a constitué l’unique document qui a pu traiter, d’une
manière détaillée, la problématique de la Médina et les défis de sa
réhabilitation, en permettant à la médina de garder sa centralité au sein
de l’agglomération urbaine et se doter de tous les moyens pour
promouvoir son contenu économique et valoriser son capital humain.
La réussite de ce SD fut le fruit, d’une part, de la volonté de l’Etat, qui
s’est engagé à réhabiliter la première médina classée patrimoine
mondial en 1981, suite à la Lettre Royale adressée en juillet 1980 par
feu Hassan II au gouvernement en faveur de la sauvegarde de la cité
Idrisside et, d’autre part, de l’assistance technique et financière portée
par les organismes internationaux notamment l’UNESCO, le PNUD et
la Banque Mondiale.
Cependant l’absence de l’assise juridique du SD limitait son impact sur
les tissus anciens. La refonte du système juridique relatif à l’urbanisme
au début des années 90 a pu donner un nouveau souffle à l’intervention
dans les tissus anciens. En effet, la promulgation de la loi 12-90, relatif
à l’urbanisme, est considérée comme un point de départ pour le
lancement d’une nouvelle génération des SD.
Dans son article 4, cette nouvelle loi stipule que le schéma directeur de
l’aménagement urbain a pour objet de fixer la destination générale des
sols en déterminant la localisation :
- Des zones grevées de servitudes telles que les servitudes non
aedificandi, non altius tollendi et les servitudes de protection
des ressources en eau ;
- Des sites naturels, historiques ou archéologiques à protéger
et/ou à mettre en valeur.
Dans son article 5 ladite loi stipule que le SDAU comprend des
documents graphiques constitués, notamment, d’un plan de
sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine historique PSMV. Mais
la loi n’a défini ni le contenu de ce nouveau instrument de sauvegarde
ni la procédure de son élaboration et de son homologation, chose qui a
déclenchée un grand débat quant à l’efficacité d’un tel instrument.

177
Dans les meilleurs des cas, les tissus anciens sont indiqués sur le plan
graphique sous des dénominations d’ordre général à savoir : zone à
réhabiliter, zone soumise à une réglementation spécifique.
Le SDAU, de cette manière, se veut un document qui trace les lignes
directives de la philosophie d’intervention dans les tissus anciens et un
cadre de référence pour les futurs plans de sauvegarde de ces entités.
Cette vision a été appliquée surtout dans le cadre de l’élaboration du
SDAU de Fès (homologué en 1995). Ce dernier a considéré la médina
comme axe principal de la problématique de l’aire d’étude, en se
concentrant sur la question de la centralité de la médina dans le grand
Fès et sur le problème de dé-densification de ce tissu. Par contre, les
autres SDAU se sont contentés d’émettre des recommandations et des
résolutions à caractère général.

3 - ETUDES ARCHITECTURALES : NOUVELLE APPROCHE POUR


REHABILITER LES TISSUS ANCIENS

Les études architecturales et les plans de sauvegarde des tissus anciens


sont le fruit d’une réflexion approfondie menée au sein de la direction
de l’architecture, depuis le début des années 80. Ainsi, un premier
nombre d’études afférentes aux médinas de Meknès, Chefchaoune et
Taroudant, ayant pour objectifs d’analyser le tissu de ces médinas ont
été lancées en vue de développer leurs éléments architecturaux.
Une deuxième génération de ces études a vu le jour pendant les années
90. Ces études ont permis de dégager les grandes orientations de
réaménagement des tissus concernés et d’établir un dossier
comportant les documents suivants :
- Un document graphique (plan de sauvegarde) reflétant les
options d’aménagement en prévoyant un zonage approprié et
adapté aux spécificités des tissus anciens ;
- Un règlement du plan de sauvegarde qui contient les dispositions
techniques applicables à chaque zone ;
- Un cahier de prescriptions architecturales CPA qui constitue un
lexique des composantes urbaines, architecturales et
architectoniques de la Médina concernée. Il constitue une
référence, certes non exhaustive, mais suffisante de l’architecture
du tissu concerné.
Cette deuxième génération des études architecturales a concerné, en
premier lieu, les médinas de Bejaâd et Azemmour pour s'étendre,
ensuite, aux médinas de Safi, Essaouira, Marrakech, Sefrou, El Bhalil
et El Menzel.
Dans le but de pallier au problème de l’opposabilité juridique, il a été
décidé de convertir ces études en plans d’aménagement, tout en
s’alignant sur les dispositions de la loi 12-90 relatif à l’urbanisme, ce

178
qui a donné naissance à une troisième génération des études
architecturales. Ainsi, de nouveaux termes de référence ont été
élaborés en tenant compte de l’évaluation des anciens TR et de la
nouvelle politique adoptée par le Maroc, notamment après l’inscription
de plusieurs médinas et sites sur la liste du patrimoine universel.
Les objectifs escomptés de ces études, tels que définis par les nouveaux
termes de référence, peuvent être résumés comme suit :
- Le recensement de l'état et de la valeur architecturale du cadre bâti ;
- La définition des grandes options d'aménagement ;
- La coordination de l'action étatique et municipale ;
- Le contrôle et la gestion des interventions architecturales à l'intérieur
de la médina ;
- L'encadrement des initiatives publiques et privées ;
- Le réaménagement des accès et du réseau de voirie ;
- La restructuration et la restauration des réseaux d'infrastructure ;
- L'insertion des équipements socio-éducatifs, sanitaires et culturels ;
- La réorganisation des activités économiques ;
- L'identification de projets intégrés d'importance stratégique visant le
développement et la revitalisation de la médina ;
- La prise en considération et la revalorisation de la médina dans ses
relations avec les centres urbains environnants de la région.

Etat des plans d’aménagement et de sauvegarde


Plan d’Aménagement et Situation
de Sauvegarde
Assila ƒ Homologué le 15/09/2009.
Beni Mellal ƒ Homologuée le17/08/2011.
Demnate ƒ Homologué le 01/08/2012.
Taza ƒ Homologué le 09/08/2011.
Larache ƒ Homologué le 19/09/2013
Ksar EL Kebir ƒ Homologué le 01/08/2013
Chefchaoune ƒ Homologué le 12/05/2014
Tetouan ƒ Relancement en 2012.
Tanger ƒ PAS intégré au niveau du PA de Tanger
Kasbah de Debdou ƒ PAS intégré au niveau du PA de Debdou.
Marché annulé par la loi de finance 2013.
Ksar AÏT Ben Haddou ƒ Homologué le 09/04/2015.
Tiznit ƒ Homologué le 05/08/2016
Taroudant ƒ Phase finale.
Rabat ƒ Homologué le 03/11/2017
Sali ƒ Tenue de la CTL le 30/06/2016.
Meknès ƒ Homologué le 17 septembre 2015
My Driss Zerhoune ƒ Marché résilié
Safi ƒ Phase préliminaire
El Jadida ƒ Phase de synthèse intermédiaire

179
Source : MATUHPV, Direction de l’architecture

En guise d’évaluation de la faisabilité, et même de l’impact, de la mise


en œuvre des études architecturales et plans de sauvegarde des
médinas, on peut avancer des constats préliminaires :
Du point de vue méthodologique, on peut distinguer entre deux
niveaux d’évaluation. Le premier concerne les dispositions et les
options à caractère stratégique et le degré de mise en œuvre des actions
majeures des PAS. Le second vise le volet dit opérationnel, c’est à dire
tout ce qui concerne les autorisations au sein des tissus anciens.
Quant au premier niveau, on peut constater que le plafond des
ambitions, lors de l’élaboration des PAS, était très élevé par rapport aux
moyens énormes qu’on devrait mobiliser. Ce qui a influencé, bien
évidemment, la consistance de ces instruments et, par conséquent, la
nature des options majeures que l’on peut qualifier d’« utopiques ».
Cet enthousiasme des acteurs fut animé par le niveau très avancé de
dégradation de ces tissus.
La plupart des PAS des Médinas ont adopté des plans d’aménagement
volontaristes, nécessitant des interventions onéreuses, vu la
consistance des programmes qu’ils proposent, mais aussi provoquant,
parfois, des résistances de la part de la population et de la société civile.
En outre, l’intervention dans les tissus anciens nécessite l’engagement
de plusieurs partenaires (Etat, collectivités territoriales,
établissements publics, acteurs économiques…), ce qui rend difficile la
réussite de la contractualisation autour des programmes concernés. A
titre d’exemple, l’aménagement d’un espace public nécessite
l’assainissement du foncier, le recasement ou l’indemnisation des
propriétaires ou des occupants, avant de penser au financement des
travaux d’aménagement, qui peut être considéré comme étant une
opération chirurgicale très compliquée.
A titre d’exemple, le PAS de la médina de Taza prévoit l’élargissement
de la place Moulay El Hassan (Aharrach) en créant un espace suffisant
pour assurer la fluidité de la circulation dans la place et ouvrir la
médina sur le parc zoologique et archéologique prévu par le PAS. Cette
opération nécessite le recasement des dizaines de ménages occupant
l’entrée de la place et la démolition de certains équipements. Faute de
moyens financiers, la mobilisation de plusieurs partenaires, la
réalisation de ce projet est presque impossible au moins à l’heure
actuelle.

180
Extrait du PAS de la médina de Taza (zone Aharrach)

Source : Agence Urbaine de Taza-Taounate

Ce constat ne doit pas être généralisé à l’ensemble des tissus anciens.


En effet, quelques grandes médinas impériales sont très favorisées en
matière de financement public des opérations de réhabilitation du
patrimoine. Le grand projet de réhabilitation de la médina de Fès, dont
une partie du financement fut assurée par un prêt de la banque
mondiale et d’autres bailleurs de fonds internationaux, en est un
exemple.
C’est le cas aussi du projet pilote de la réhabilitation de la médina de
Rabat, en cours d’exécution, qui a pu rehausser la qualité architecturale
des axes et espaces commerciaux de la médina, ainsi que le projet pilote
de réhabilitation de dix Fondouks dans la médina de Marrakech, qui a
nécessité le recasement des ménages, qui y habitaient, dans un
lotissement de la société Al Omrane et la contribution effective de
plusieurs partenaires.
Le deuxième niveau d’évaluation concerne le volet dont la
responsabilité de réalisation est partagée entre les demandeurs
d’autorisation, les instances de contrôle et les professionnels. Il s’agit
des demandes d’autorisation de construction ou de réfection au sein
des tissus anciens. Les infractions enregistrées à ce niveau contribuent
à la dégradation du paysage urbain traditionnel et à la violation des
dispositions édictées par les règlements d’aménagement et les CPA y
afférents.

181
Les visiteurs des tissus anciens peuvent remarquer, sans difficulté
aucune, les infractions graves telles que l’implantation de
constructions dites modernes au cœur des centres historiques en
utilisant des éléments architecturaux non compatibles avec le cachet
authentique. L’infraction peut être aussi une construction non
conforme au plan autorisé, comme elle peut être le détournement des
autorisations de réfection pour réaliser des surélévations ou des
modifications des bâtiments existants…
Le CPA, même s’il constitue un document important dans le dossier du
PAS, il reste toujours, aux yeux des commissions d’instruction des
dossiers, pas plus qu’un document de référence voire même un simple
catalogue des éléments architecturaux et architectoniques. Par
conséquent, son impact est très restreint en ce qui concerne la
préservation du cachet architectural des tissus anciens, puisqu’il ne
repose sur aucune assise juridique.

4 - AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : PENSER LE PATRIMOINE


A GRANDE ECHELLE

Pour combler le retard cumulé en matière de politique d’aménagement


du territoire, le Maroc a lancé, au début du 21 ème siècle, un débat
national sur ce sujet, qui revêt une grande importance en ce qui
concerne la convergence des politiques publiques et l’harmonisation
des programmes et projets structurants pour l’ensemble du territoire
national. Ce débat a abouti à l’adoption de deux documents importants
à savoir : le Schéma National d’Aménagement du Territoire (SNAT) et
la Charte Nationale d’Aménagement du Territoire.
Les études thématiques qui ont été élaborées par les chercheurs et les
experts, à l’occasion de cet évènement, sont riches en informations et
en recommandations afférentes au sujet des tissus anciens.
Le rapport intitulé « orientations » (DAT, 2003, rapport orientations,
p 46,) a dédié un chapitre au traitement de la problématique des tissus
anciens, en essayant d’apporter des éléments de réponse à la
question/problématique suivante : comment peut-on intégrer le
patrimoine dans le processus de développement économique, social et
culturel du pays ? A cet égard, il a insisté sur l’apport de la planification
urbaine dans le processus de réhabilitation et de mise en valeur des
tissus anciens. Dans ce sens, le document a recommandé l’instauration
d’un instrument spécifique dénommé : « plan de sauvegarde et de
développement » qui pourrait assurer la combinaison entre les deux
composantes de notre problématique : sauvegarde/développement.
La charte d’aménagement du territoire, qui se présente comme un
cadre référentiel définissant la philosophie et les principes de la
politique d’aménagement du territoire, a confirmé, de son côté, cette

182
tendance, en insistant sur l’intégration de la question du patrimoine
dans le cadre de la préservation des ressources naturelles et culturelles
du pays. Elle insiste aussi sur l’adoption d’une approche de
conservation intégrée, basée sur un système harmonieux de mesures et
d’actions visant à assurer sa pérennité dans un environnement naturel
et humain favorable.
La réussite de cette approche nécessite, selon la charte, la refonte de la
loi régissant la conservation du patrimoine dans le but d’une part, de
classifier les différentes composantes patrimoniales et d’autre part,
d’élaborer des plans de réhabilitation des tissus traditionnels des villes,
Kasbahs et Ksour dans la mesure où ces derniers constituent des
systèmes de vestiges architecturaux, de connaissance et de savoir-faire
hérité de modes d’organisation, de traditions, et d’arts dont notre
société est dépositaire. (DAT, 2001, charte d’aménagement du
territoire, p.52,).

5- VOLET JURIDIQUE : FAIBLE ACCOMPAGNEMENT DU


PROCESSUS DE REHABILITATION

Presque 15 ans après la publication de la charte d’aménagement du


territoire et du SNAT, on peut constater que peu de recommandations
ont été exécutées dans le domaine de la conservation du patrimoine.
Toutefois, un léger avancement, bien qu’à faible vitesse, est observé en
matière de réalisation des projets de réhabilitation qui concernent les
médinas impériales.
Sur le plan organisationnel et juridique, les résultats ne sont pas
suffisamment satisfaisants. Le Ministère de la culture n’a pas réussi,
jusqu’à nos jours, à obtenir l’adoption de trois projets de lois élaborés
pendant le mandat législatif : 2012-2017 (projets de textes disponibles
sur le site du SGG). Le premier concerne la valorisation des trésors
humains, conformément aux dispositions de la convention mondiale
pour la protection du patrimoine immatériel de 2003. Le deuxième est
un projet de loi cadre relatif à la charte de conservation du patrimoine.
Quant au troisième, il concerne une révision globale de la loi 22-80
relative à la conservation des monuments et des sites.
Ce dernier projet de loi propose un certain nombre de dispositions
portant sur les procédures de classement, les exonérations fiscales, le
volet institutionnel,… Il prévoit également, dans le domaine de la
planification urbaine, l’élaboration de plans de sauvegarde des tissus
anciens, à l’initiative des services compétents du ministère chargé de la
culture. Le projet de loi a été versé dans la procédure législative, sans
concertation suffisamment élargie avec les experts, les professionnels
et les praticiens.

183
Par ailleurs, une nouvelle loi, élaborée à l’initiative du département de
l’habitat, fut promulguée en 2016. Il s’agit de la loi n° 94-12 relative aux
bâtiments menaçant ruine et à l’organisation des opérations de
rénovation urbaine (BO n° 6466 du 19/05/2016). Cette loi, même si
elle apporte une réponse partielle à la problématique des tissus
anciens, il n’en demeure pas moins qu’elle peut constituer une assise
juridique pour encadrer les interventions de l’Etat et des collectivités
territoriales en matière de traitement de l’habitat menaçant ruine.
Aussi, cette loi prévoit-elle des dispositions importantes en matière de
rénovation urbaine. Au terme de son article 2, la rénovation urbaine
est l’ensemble des opérations visant à prendre soin des tissus urbains
anciens et des vieux quartiers, à préserver le patrimoine architectural
et civilisationnel des villes et à valoriser les espaces urbains. Selon le
même article la rénovation urbaine peut se faire soit par des opérations
de démolition et de reconstruction, des opérations de restauration et
de rénovation, le développement des infrastructures, la desserte en
équipements de base et la construction de nouveaux logements, soit
par l’aménagement foncier, dans le respect des conditions de
protection de l’environnement.
L’introduction de ce concept permettra, certainement, de faciliter la
mise en œuvre des programmes de rénovation dans les tissus anciens,
en instituant un document juridique opposable aux tiers, intitulé : Plan
de Rénovation Urbaine. Néanmoins, cet outil n’est pas encore
opérationnel, car les procédures d’élaboration et d’homologation
restent tributaires de la publication d’un texte d’application, selon les
dispositions de l’article 26 de ladite loi.

Conclusion
En dépit des efforts colossaux qui ont été déployés pour instaurer un
dispositif de planification urbaine adapté à la spécificité des tissus
anciens, les planificateurs ne sont pas pour autant, satisfaits ni du
degré ni de la méthodologie de la mise en œuvre des dispositions de cet
instrument. En fait, la question de la réhabilitation des tissus urbains
anciens est approchée, le plus souvent, sous l’impulsion de la pression
et de l’urgence.
L’apport de la planification urbaine aux programmes de réhabilitation
des médinas est très limité. En effet, les options majeures qui prévoient
des actions volontaristes restent, généralement, suspendues à cause du
manque de financement, des problèmes liés à l’assainissement du
foncier et parfois à la résistance des habitants.
Au terme de cette réflexion, il est important de présenter quelques
recommandations et propositions à propos du système de planification
urbaine relatif aux tissus anciens :

184
- Accélérer la procédure d’homologation des projets de loi qui
sont déjà versées dans la procédure législative depuis plusieurs
années, tout en veillant à la mise à jour de leurs contenus ;
- Regrouper tout l’arsenal juridique relatif au patrimoine dans un
support juridique unifié par l’adoption d’un Code du
patrimoine ;
- Doter le cahier des prescriptions architecturales CPA de
l’opposabilité juridique, pour garantir la préservation du cachet
architectural et urbanistique de chaque tissu ancien ;
- Intégrer l’ensemble des mesures socio-économiques et
juridiques dans les plans d’aménagement et de sauvegarde des
Médinas pour faciliter la mise en œuvre de leurs dispositions ;
- Accélérer la mise en place de l’agence
nationale de renouvellement urbain et de réhabilitation des
habitations menaçant ruine, nouvellement créée, et renforcer
ses interventions en matière de renouvellement urbain des
tissus anciens.

Bibliographie

Ouvrages
- ECOCHARD. M, (1955) Casablanca, le roman d’une ville, édition de
Paris.
- LAPRADE A: Lyauty H. (1934), Urbanisme, souvenir d’un témoin, éd
Horizons de France, Paris.
- MEHDAOUI. A, (2011) Guide du patrimoine culturel et naturel au
Maroc, édition Maraya, Tanger
- RIVET.D, (1996) Lyauty et l’institution du protectorat au Maroc 1912-
1925, l’harmatan, Paris.
Thèses
- BOUAZZA ELASSOULI .B. (1993), la protection du patrimoine
culturel au Maroc, cas des monuments et des sites, mémoire du cycle
supérieur, Rabat.
- IDDAOUIL. M, (1985), Planification urbaine et problèmes des centres
anciens : cas de la médina de Salé, propositions du SD et Tendances
actuelles, mémoire de fin d’études, INAU, Rabat.
Rapports
- Agence urbaine de Taza-Taounate (2004), Plan d’aménagement de la
médina de Taza, Cahier des prescriptions architecturales. Taza
- Agence Urbaine et sauvegarde de Fès (1999), La médina de Fès entre
la réhabilitation et la planification urbaine, Fès.
- Direction d’aménagement du territoire (2003), Schéma National
d’Aménagement du Territoire, Orientations, Rabat.
- Direction d’aménagement du territoire (2001), Charte
d’aménagement du territoire, Rabat.

185
- Direction de l’architecture,(1998) : Termes de référence des études
architecturales, Rabat.

Articles
- ARRIF .A, (1994), Le paradoxe de la construction du fait patrimonial
en situation coloniale, le cas du Maroc»; in Figure de l’Orientalisme
en architecture; RMMM, N° 73-74, pp. 153-166.
- CHOUY.F (1992), Patrimoine urbain et aménagement du territoire,
enjeux et nouvelles perspectives, Trames, n°8, pp 12-21.
- DETHIER J.(1970), soixante ans d’urbanisme au Maroc, BESM,. pp
5-56, Rabat.
- ECOHARD .M (1951), Problème d’urbanisme du Maroc, BESM n°52,
volume XV, 4 éme trimestre, Rabat.
- MEZZINE.M (2010), La fabrication et l’usage d’une
patrimonialisation annoncée. Hesperis-Tamuda, Vol. XLV, pp. 35-53,
Fès.
Références juridiques
- Dahir du 13 février 1914 (17 rebia I 1332) relatif à la conservation des
monuments historiques.
- Dahir du 21 juillet 1945 (11 chaabane 1364) relatif à la conservation
des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets
d'art et d'antiquité, et à la
protection des villes anciennes et des architectures régionales.
- Dahir n° 1-92-31 du 15 hija 1412 (17 juin 1992) portant promulgation
de la loi n° 12-90 relative à l'urbanisme.
- Loi n° 22-80 relative à la conservation des monuments historiques et
des sites, des inscriptions, des objets d'art et d'antiquité promulguée
par le dahir n° 1- 80-341 du 17 safar 1401 (25 Décembre 1980).
- Loi n° 94-12 relative aux bâtiments menaçant ruine et à l’organisation
des opérations de rénovation urbaine promulguée par le Dahir n° 1-
16-48 du 19 rejeb 1437 (27 avril 2016).
- UNESCO, (1972) Convention internationale pour la protection du
patrimoine culturel et naturel, Paris.

Abdelouahed MAHDAOUI

186
QUATRIEME PARTIE : QUEL DEVENIR ?

187
188
CHAPITRE 13 : LA PLANIFICATION URBAINE UN
SYSTEME QUI SE CHERCHE

A l’heure de la mondialisation, les flux des capitaux, considérés, à tort


ou à raison, comme stimulants du développement économique,
circulent de plus en plus librement sur le territoire planétaire. Attirer
ces capitaux, devient, aujourd’hui, un objectif saillant des pays en
développement. Pour ce faire, ces pays multiplient les efforts,
notamment en matière d’équipement des territoires, de mise en place
de services de haute qualité et de garantie de stabilité et de quiétude –
réelle ou supposée – sensés sécuriser les investisseurs. Ceci engage les
Etats dans un processus de planification multi- sectorielle et à long
terme.
L’incidence de cette tendance sur les territoires est grandissime. Elle
est, certes, physique, mais elle est, surtout économique, sociale et
humaine. Combien, même l’espace physique peut-il être équipé et
aménagé de manière volontariste, le développement économique reste,
en revanche, plutôt hypothétique. En effet, le libéralisme économique
a ses propres règles qui font l’objet d’évolutions et d’adaptations
continues, parallèlement aux avancées technologiques spectaculaires
que connait l’humanité.
De plus, le potentiel humain performant, notamment par son savoir-
faire et son endurance, ne peut être le fruit du hasard. Des efforts de
longue haleine en matière de formation, d’éducation et d’intégration
sont indispensables. Le potentiel humain appelé sans cesse à améliorer
ses performances, reste conditionné par le système en place
d’éducation, de formation et d’intégration. Dans ce contexte
particulièrement bien fourni en contradictions et divergences, la
planification urbaine doit prendre en charge sa mission de manière
convaincante, efficace et durable.
L’essentiel de sa mission passe par la recherche d’un équilibre
dynamique dont l’objectif est de mettre en cohérence l’ensemble des
actions sectorielles sur les territoires, de manière à les mettre au service
de l’Homme.
Le Maroc, pays qui est en guise de forger sa place légitime sur
l’échiquier mondial, est fort de son passé riche, de sa position
géographique singulière, de ses structures stables et de son potentiel
humain remarquable. Son système de planification urbaine, datant du
siècle dernier, et qui est appelé à relever des défis lourds de
conséquences, est, aujourd’hui, soumis à de multiples épreuves. Il

189
arrive, cependant à la limite de ses possibilités. Ce constat fait l’objet
de consensus. Mais les multiples tentatives de redressement ou de
renouvellement n’ont pas encore abouti.
Face à un passé très riche en enseignements et un présent souffrant de
carences multiples, le futur semble se dessiner sans être préparé.
Jusqu’à présent, aucune convergence en matière de vision future ne
semble se dessiner à l’horizon.
Le texte qui suit, est à considérer comme un témoignage dont l’objectif
est de contribuer à l’énorme effort collectif que notre pays est appelé à
entreprendre pour faire triompher la cause de la planification urbaine
contre la gestion improvisée des territoires.

3 - DES ORIGINES A PRENDRE COMME REFERENCE

1 – 1 Un passé très chargé


Pays millénaire, le Royaume du Maroc, ou plus précisément le ‘’
Royaume du Maghreb 55 a pu créer et gérer plus de 33 villes de tailles
diverses ; dont quatre capitales, des milliers de Ksour et de Kasbahs et
un nombre incalculable d’agglomérations rurales (Douars, Dchars…).
Tous ces établissements humains ont été répartis sur le territoire de
manière réfléchie. Ils ont été reliés par des voies caravanières drainant
des flux de biens et de personnes dont les origines et les destinations
dépassaient de loin l’étendue du pays. Ceci sans compter l’Andalousie
et les autres territoires qui, aujourd’hui, sont sous la souveraineté
d’autres Etats ou qui ont créé leur souveraineté propre.
Ces villes, Ksour et Kasbahs ont été créés sous l’autorité d’un pouvoir
très centralisé au niveau des grandes décisions, mais extrêmement
déconcentré au niveau de l’action territoriale et de la gestion des
affaires locales.
Ce mode de gouverner a donné lieu à des espaces urbains intégrés,
attirant des activités économiques intenses et créant des équilibres
sociaux dynamiques, tout en générant des rayonnements culturels qui
ont dépassé, bien souvent, les frontières du pays.
Ces espaces urbains ont enregistré également des performances
indiscutables sur le plan environnemental : tissus compacts, usage
rationalisé du foncier, usage économe de l’eau, respect de la nature,
économie circulaire, traitement écologique des déchets, comportement
individuel et collectif éco - responsable … bref, des villes qui présentent
toutes les qualités aujourd’hui recherchées par la ville durable. Il s’agit
d’une vraie leçon émanant d’une expérience humaine de plusieurs
siècles d’efforts capitalisés, de cumuls du savoir-faire et d’innovations.

55
En Arabe : Al Maghrib (‫ )اﳌﻐﺮب‬signifie pays du soleil couchant

190
Des crises géopolitiques profondes ont donné lieu à des régressions qui
ont creusé l’écart entre les deux rives de la Méditerranée. Après une
longue période de résistances et de crises internes, la souveraineté du
pays fut partagée. C’est une ère nouvelle qui vient de naître : un coup
d’arrêt brutal officiel a été donné aux établissements humains
traditionnels et un autre modèle d’urbanisme fût adopté56. C’est la
rupture avec la ville originelle qui portera désormais le nom de ‘’
Médina ‘’ qui n’est autre que celui de la ville en Arabe !
1 – 2 Une rupture marquante
Dès la première année qui a suivi la signature du traité du protectorat,
un système juridique et technique aiguisé a été mis en place57.
L’objectif étant de développer un nouveau mode d’urbanisation qui, au
niveau des principes, entend s’aligner avec les courants mondiaux en
la matière. Cependant, au niveau de la pratique, tous les outils étaient
orientés vers la mise en place d’un urbanisme de ségrégation en faveur
de la population européenne, avec quelques ‘’ ouvertures ‘’ en faveur
des ‘’ notables indigènes 58 . Les autres indigènes sont, dans un premier
temps, laissés pour compte. Plus tard, ils feront l’objet de traitements
spécifiques. C’est la naissance de la ville marocaine multiformes : tissu
traditionnel appelé Médina, tissu moderne appelé ville européenne ou
ville nouvelle, et tissu improvisé appelé nouvelle médina. Plus tard, des
opérations à caractère social ont été réalisées en faveur de la population
‘’ indigène ‘’. Ce sera la naissance d’un quatrième type de tissu urbain
où prédominent les logements sociaux. Il faut ajouter à cela des tissus
de teneur, de configuration et de matériaux sommaires appelés ‘’
Bidonvilles ‘’ qui sont considérés comme provisoires.
Les séquelles de ce tournant historique marquent jusqu’à nos jours à la
fois l’espace urbain et la mentalité dominante qui inspire la
planification urbaine et la gestion des projets urbains dans notre pays.
1– 3 Relever les défis de l’indépendance

56 Le règlement de voirie de Rabat adopté en 1938 interdit toute construction


‘’ indigène ‘’ dans la ville nouvelle !

57 Dahir de 1913 relatif à la conservation foncière,


Dahir de 1914 relatif aux Habous
Dahir de 1914 relatif à l’urbanisme (alignement, plan d’aménagement)
Dahir de 1913 sur les obligation et contrats….

58 Les plans d’aménagement de l’époque portaient clairement les mentions :


‘’ école pour Européens, ‘’école pour les notables’’, ‘’école pour les indigènes’’
…etc…

191
Lorsque le Maroc a retrouvé son indépendance, il fallait relever
d’énormes défis aussi urgents les uns que les autres. Sur le plan de
l’urbanisme, il fallait, en premier lieu, unifier le référentiel juridique,
technique et institutionnel d’un territoire qui était divisé entre trois
régimes différents : le statut international de Tanger, le régime
Khalifien du Nord sous protectorat espagnol et le régime dit chérifien
sous protectorat français. Plus tard, d’autres parties du territoire
national ont rejoint la mère patrie : Tarfaya, Sidi Ifni et le Sahara
Marocain. C’est le système hérité du protectorat français qui a été
généralisé sur le territoire national, avec ses textes, ses institutions,
mais aussi avec son mode de penser et sa manière de gérer la chose
publique avec toutes les différences qui distinguent habituellement ‘’
l’original ‘’ de ces différentes duplicatas. Des efforts remarquables ont
été, cependant, déployés pour rechercher des modèles à la fois d’avant-
garde et adaptés au contexte national. Ces efforts ont eu pour résultats,
des projets de loi qui n’ont pas aboutis59 et d’autres textes qui ont pu
voir le jour. Des actions d’envergure ont été mises en œuvre face à
l’urbanisation accélérée marquée, notamment, par la prolifération des
bidonvilles et les extensions démesurées et non maîtrisées des tissus
urbains, notamment informels.
La ville marocaine qui comportait déjà quatre types de tissus en dur,
subira davantage de facteurs de désintégration par la prolifération de
trois autres tissus : les extensions non réglementaires, les extensions
réglementaires improvisées et les tissus d’origine rurale intégrés par la
ville dans le sillage de ses extensions.
La typologie de l’habitat arrêtée par les recensements généraux de la
population et de l’habitat (RGPH) reflète d’ailleurs ces catégories de
tissus urbains et consacre à jamais cette distinction :
Maison marocaine traditionnelle pour désigner les logements de type
médina. Appartements et villas pour désigner ceux des villes nouvelles
et extensions réglementaires. Maison marocaine moderne pour
désigner les tissus des extensions nouvelles restructurés ou
réglementaires improvisés. L’habitat sommaire pour désigner les
bidonvilles et l’habitat rural pour désigner les tissus d’origine rurale
intégrés par la ville.
Les résultats sont éloquents : un doublement de la population urbaine
en moins de trois décennies, des extensions disproportionnées des
villes, avec des développements différentiés à plusieurs vitesses selon
les types de tissus urbains, avec une insalubrité montante et un
contenu social qui suscite beaucoup d’inquiétudes.
Face à cette situation, d’énormes efforts sont déployés pour traiter de
manière sporadique les problèmes posés :

59
Exemple : Loi cadre relative à l’aménagement urbain et rural.

192
x Effort de relogement des habitants des bidonvilles qui a évolué
vers l’objectif ‘’ villes sans bidonvilles’ ’
x Effort d’équipement progressif des quartiers insalubres qui a
évolué vers la restructuration systématique des extensions non
réglementaires ;
x Le projet pilote de sauvegarde et de dé-densification de la
médina de Fès qui a évolué vers la stratégie nationale de
réhabilitation des médinas (plus de 26 médinas).
x L’action timide dans le domaine des logements qui a évolué
vers l’objectif de réalisation du programme de 200.000
logements sociaux ; puis vers des programmes multiples des
logements sociaux à 250.000 dirhams et ceux à faible VIT
(140.000 DH) ;
x Les projets de lotissements d’envergure qui ont évolué vers les
villes nouvelles ;
x La création des nouveaux pôles urbains qui a évolué vers des
mégaprojets territoriaux à caractère spécifique ;
x Les projets de mise à niveau urbaine qui ont évolué vers des
programmes intégrés d’actions urbaines,
x Etc….
L’espace fait donc l’objet d’actions concrètes diverses qui ont tendance
à évoluer vers la convergence et l’amélioration des performances au
niveau de l’opérationnalité et de la maitrise du facteur temps. Qu’en
est-il de la planification ?

2 – MULTPLICATION DES EFFORTS D’ADAPTATION

2 – 1 La planification urbaine comme couverture

x Un système incomplet
Les efforts de l’Etat en matière de planification urbaine ont traversé
une succession de phases historiques qui ont donné lieu à des
réflexions de haut niveau. Certaines d’entre elles ont marqué leur
temps, car elles ont réussi à trouver une application partielle. D’autres
sont restées à l’état d’idées, souvent très bien édifiées mais jamais
appliquées. L’histoire de la planification urbaine dans notre pays est
celle des occasions manquées, des instabilités institutionnelles, des
incohérences entre politiques publiques sectorielles, avec, toutefois,
quelques ‘’ avancées ‘’plus ou moins spectaculaires, quoique, bien
souvent, mises à mal par la suprématie des aléas conjoncturels.
Cependant, les dynamiques enclenchées ont abouti, tant bien que mal,
à forger un « système » cohérent, mais incomplet de la planification
urbaine. Ce système comporte des potentialités remarquables non
encore exploitées. Mais il comporte également des lacunes de

193
taille amplifiées par des pratiques peu réfléchies, incohérentes et
réductrices. Ainsi, et prenant comme référence les textes en vigueur, le
système en place parait être structuré de la manière suivante :
x La planification territoriale stratégique : Un potentiel
latent
Elle est largement représentée par le Schéma Directeur
d’Aménagement Urbain (SDAU). Ce dernier est encadré, notamment,
par la loi 12.90 relative à l’urbanisme et son décret d’application. C’est
un document élaboré par des experts de haut niveau dans un cadre de
concertation avec tous les intervenants en matière de développement.
Son contenu et son processus d’élaboration connaissent sans cesse des
évolutions et des adaptations aux exigences nouvelles tant
économiques que sociales et environnementales.
Il a également une capacité d’adaptation aux échelles territoriales et
aux exigences institutionnelles qui en découlent. Quant à son horizon
temporel, il est d’une souplesse extrême. Il ne fait l’objet d’aucune
obligation sauf celle de ne pas excéder 25 ans.
Ce document exemplaire par sa grande aptitude à l’innovation trouve
sa portée amoindrie, tout d’abord par les délais démesurés de son
élaboration et de son homologation, ensuite par la faible implication
des pouvoirs publics dans sa mise en œuvre 60 . Mais il demeure,
malgré tout, le document le plus fort en termes d’idées, de visions et de
propositions concrètes à même d’impacter le territoire de manière
durable.
x L’urbanisme réglementaire : Un outil rigide et des
pratiques réductrices
Il se manifeste à travers plusieurs dispositions et documents. Mais il
est plus incarné par le plan d’aménagement61. Ce dernier est composé
d’un rapport justificatif, un règlement d’aménagement et un document
graphique. Il est entièrement défini par la Loi 12.90 relative à
l’urbanisme (Article 19 et suivants).
Ce document reste tributaire de pratiques et de visions rigides qui le
transforment, lorsqu’il est homologué, en fardeau administratif et
financier difficile à mettre en œuvre. Il est aujourd’hui le document
impopulaire par excellence. Il fait presque systématiquement l’objet de
protestations sociales à l’occasion de son affichage pour enquête
publique. Il est également le document qui suscite le plus de vigilance

60
Peut-être bien que l’un engendre l’autre : il y a là une relation de réciprocité
évidente
61
Mais aussi par le plan de développement et les arrêtés d’alignement.

194
de la part des promoteurs privés et autres acteurs qui guettent des gains
matériels ou politiques du processus de l’urbanisation.
Constituant une pièce maîtresse de l’urbanisme réglementaire, ce
document gagnerait à être revu tant au niveau de sa conception, que
des pratiques qui conditionnent son élaboration et sa procédure
d’homologation. Les résultats enregistrés au niveau de sa mise en
œuvre restent très éloignés des prévisions. Mais force est de constater
qu’aucune action structurée ni mesure conséquente n’est prise pour la
réalisation des dispositions de ce document. L’examen des dossiers de
demande d’autorisation de lotir ou de construire reste le seul levier
pour faire respecter, autant ce faire que peuvent, certains éléments de
son contenu.
x L’urbanisme opérationnel : Un champ vacant
La réglementation de l’utilisation du sol que le plan d’aménagement
tend à faire appliquer par un ensemble d’interdits, de prescriptions et
de déclarations ‘’d’utilité publique ‘’ ne peut être, à elle seule, l’outil
approprié pour promouvoir le développement urbain. Les opérations
de lotissements et de constructions ne peuvent porter et supporter de
manière aléatoire et sans gestion réfléchie la mission globale de faire
ou de refaire la ville. En effet, entre un document qui réglemente
l’utilisation du sol et des documents qui permettent de collecter les
fruits financiers de cette réglementation (les lotissements en
l’occurrence), nombre de problèmes restent à régler, telles la
répartition des charges de l’urbanisation, l’aménagement foncier, le
montage des projets urbains majeurs, le traitement des ‘’ points durs ‘’
notamment ceux en liaison avec les domaines social et humain,
l’adhésion des acteurs, etc…
Ceci relève de l’urbanisme opérationnel qui constitue aujourd’hui la
grande carence du système de planification urbaine en place.

x Les autorisations préalables : Des pratiques qui créent les


blocages et consacrent le sous- développement
Si le législateur a introduit la notion d’autorisation préalable à tout acte
de construire ou de création de lotissement ou morcellement, c’est par
souci légitime d’exercer un contrôle sur la légalité de ces actes et la
conformité des plans aux normes et prescriptions techniques en
vigueur. Il est évident que ce contrôle est déconnecté de tout souci
économique et social. Il reste très fidèle à son caractère
normatif, théoriquement neutre. La pratique a bien montré que la
pression économique et sociale ne peut être sous-estimée ou ignorée.
Aussi, la pression politique se manifeste de plus en plus comme force
montante.
Face à cette dynamique pluridimensionnelle, le processus d’examen
des demandes des autorisations de lotir ou de construire ne trouve à

195
opposer que les règlements d’aménagement largement recopiés les uns
sur les autres, des règlements de voirie datant du début du siècle
derniers et des habitudes forgées par des techniciens peu avertis. Cet
état de fait crée un courant fort de maintien du sous - développement
et d’une forte obstination à tirer l’urbanisation vers le bas.
Cette situation entache le processus de l’urbanisation dans toutes ses
dimensions : économique, sociale, culturelle, environnementale,
architecturale, etc…
2 – 2 Le rattrapage : Une pratique déficiente
Dans la ‘’ boite à outils ‘’ du système de planification urbaine de notre
pays, figure des instruments destinés à rattraper les ‘’ coup – partis ‘’.
Il s’agit, notamment, de la restructuration et des sanctions. La notion
de ‘’ rattrapage ‘’ doit signifier, normalement, qu’il s’agit de
‘’phénomènes ‘’ exceptionnels ou - en tout cas – d’actes plutôt rares et
à étendue réduite. Dans la pratique il n’en est rien. La restructuration
qui concerne, aujourd’hui les quartiers non réglementaires et sous –
équipés, est devenue l’outil d’intervention qui couvre des superficies de
plus en plus étendues de l’espace urbain suivant ainsi la cadence
galopante de l’urbanisation non réglementaire. Cette dernière a
largement dépassé le cadre des extensions urbaines périphériques pour
s’inscrire dans une nouvelle logique : Celle de créer des villes nouvelles
entières non réglementaires.
Il est à noter que le rythme de création de ce type d’urbanisation
dépasse de loin celui de la mise en œuvre de la restructuration. Le
résultat est que le rattrapage qui devrait être un acte correctif limité
dans le temps, devient un outil durable d’interventions en milieu
urbain.
Quant à la sanction, elle ne peut avoir que des effets très limités qui ne
peuvent donner lieu que très rarement à des rétablissements de
situation. Elle peut, tout au plus, dissuader certaines catégories
sociales très réduites. Elle se heurte cependant à une confrontation,
souvent farouche avec de larges couches sociales, démunies mais fortes
par leurs actions solidaires et collectives.
Il est évident que les sanctions ne peuvent porter leur fruit que
lorsqu’elles sont adressées à l’encontre des infractions correspondant
à des actes isolés. Tout phénomène de masse ne peut être contrarié par
les sanctions, sinon c’est la confrontation. C’est d’ailleurs ce qui arrive
le plus souvent et qui oblige la puissance publique à reculer.
2 – 3 La dérogation comme recours
Bien qu’elle soit instaurée de manière plutôt contraire aux principes de
droit, notamment celui relatif à la hiérarchie des textes, la dérogation
en tant que telle n’est pas tout à fait ‘’ étrangère ‘’ à la pratique de
l’urbanisme .Néanmoins, elle concernait jusqu’à la fin du siècle dernier

196
des cas plutôt isolés. Sa généralisation a eu lieu grâce des circulaires
successives qui en ont fait un instrument de recours par excellence
pour contrecarrer les règles d’urbanisme considérées, à tort ou à
raison, comme contraignantes. En effet, face au souci du
développement économique, les règles d’urbanisme, souvent
considérées comme arbitraires, ont été exposées à une remise en cause.
Après, près de 20 ans de pratique de la dérogation, de vrais ‘’ audits ’’
scientifiques, multidisciplinaires et impartiales n’ont pas eu lieu.
Cependant, un rapport sur l’impact de la dérogation dans le domaine
de l’urbanisme a été établi par le Conseil Economique, Social et
Environnemental il y a 4 ans. Ses propositions sont sans équivoque :
x Renoncer à la logique de la dérogation absolue,
x Estomper les facteurs de blocage de l’investissement,
x Remédier aux dysfonctionnements du système de
planification et de gestion urbaine.
Ainsi, peut-on constater que la ‘’dérogation ‘’ qui est imposée en tant
que voie alternative à celle prévue par les textes en vigueur, devient un
levier non négligeable pour la réforme du système actuel de
planification urbaine.
Par ailleurs, il est tout aussi utile de constater que la limitation, ces
derniers temps, du recours à la dérogation a été accompagnée d’un
blocage du processus d’homologation des plans d’aménagement. Est-
ce un simple concours de circonstances ou une ouverture de nouvelles
opportunités de déroger aux dispositions des documents
réglementaires en les maintenant de manière durable dans leur version
provisoire qui permet toute modification selon la demande ?
Il s’agit là d’un choix stratégique entre deux pistes : la première est celle
qui mène vers le renforcement de la légalité, notamment, par un travail
réfléchi de conception et de création d’outils techniques à la hauteur
des défis à relever. La seconde est celle qui consacre l’improvisation et
la gestion conjoncturelle du développement urbain. Il est évident que
la première nécessite volonté, expertise et travail de longue haleine,
mais ses effets sont sains et durables. Quant à la seconde, elle présente
plus de facilités à produire des effets immédiats, mais elle engage le
mode de gestion de la chose publique dans des pistes incertaines
d’improvisation qui affectent de manière durable la crédibilité des
institutions.
Dans le feu de l’action, le choix entre ces deux pistes est difficile, bien
qu’en théorie la première piste est de nature à faire l’objet de
consensus.
3- VERS LA RECHERCHE DE NOUVELLES PISTES

Il parait clairement que la planification urbaine dans notre pays


nécessite une réforme profonde. Cette réforme ne doit pas se limiter

197
aux outils. Elle ne doit pas, non plus, se contenter d’une simple mise en
phase avec les autres secteurs.
Elle doit reposer les questions de fond, notamment celles relatives aux
objectifs, aux référentiels, aux moyens et enfin aux outils. Le point de
départ doit se baser sur les acquis (expériences cumulées), la
connaissance approfondie de l’état des lieux du territoire national dans
sa diversité et les perspectives futures souhaitées.
Ceci nécessite un travail laborieux de groupes d’experts
pluridisciplinaires dont les missions ne doivent pas être assimilées à
une livraison de services rendus. 62
En attendant, voici quelques éléments de réflexion qui sont de nature
à dresser les jalons de cette réforme.
3- 1 Prendre en compte de nouveaux objectifs
ƒ Prendre au sérieux les aspects relatifs à la sécurité
La sécurité dans son sens le plus large impose une vigilance et une
sagesse dans le traitement de l’espace. Elle a pour exigences majeures :
x L’interdiction de l’urbanisation des zones à risques
(séismes, inondations, glissements de terrains, lignes de
haute tension…) ;
x L’accessibilité la plus détaillée des espaces naturels, des
espaces urbains, des bâtiments à usage public, groupe
d’habitations…
x La lisibilité du tissu urbain ;
x L’encadrement par un emplacement adéquat des
équipements (protection civile, police, équipements
socio-collectifs notamment adressés aux jeunes) ;
x La rénovation–réhabilitation des tissus menacés
(poches d’insalubrité, tissus non réglementaires…)
x L’intégration des espaces marginaux et quartiers non
réglementaires ;
x La protection des enfants et piétons, en général, contre
les risques de la circulation.
ƒ Mettre en valeur l’image civilisationnelle du Maroc
L’urbanisme constitue un moyen technique et réglementaire pour
mettre en exergue et perpétuer la mémoire du pays. Il se doit donc de
contribuer et d’inciter à refléter, par l’architecture, et les spécificités de
la civilisation du Royaume, marquées par une forte identité propre,
mais ouverte sur le monde. Aujourd’hui, les efforts remarquables
déployés développent, certes, les territoires, mais ne ‘’ font ‘’ pas la ville

62
Notamment à travers des ‘’ marchés d’études ‘’ dont la nature reste foncièrement
différente de ce type de mission.

198
marocaine. Ces efforts semblent se soucier peu ou pas du tout de la
question identitaire tant en matière d’aménagement urbain qu’en
matière de typologie du bâti. Il est grands temps de ‘’ refaire’’ nos villes
de manière à équilibrer leurs composantes, harmoniser leur paysage et
créer de nouvelles formes urbaines, en s’inspirant des Médinas et en
adoptant les valeurs qui font aujourd’hui l’unanimité en matière de
durabilité.
ƒ Faire de l’urbanisme un levier de cohésion sociale
Cette vision repose essentiellement sur :
x La capacité de l’urbanisme à contribuer à la création des
richesses, de l’emploi et à l’instauration de la confiance entre
les administrés et l’Etat ;
x La réorganisation spatiale qui débouche sur une réelle mixité
sociale ;
x La réorganisation des quartiers sous forme de ‘’ villages
urbains ‘’ avec une forte implication des habitants dans leur
gestion ;
x L’amélioration des conditions de vie des habitants des
quartiers fragilisés ;
x La contribution à la mise en place de normes et de conditions
de sécurité des biens et des personnes ;
x La mise en accessibilité des espaces ouverts au public
garantissant ainsi les principes de l’égalité des chances au
profit de tous les utilisateurs ;
x Le renforcement de la vie communautaire par une occupation
du sol et un cadre bâti qui assurent le développement des
relations sociales intra et inter – quartiers ;
x Le renforcement du développement humain par le
truchement d’une réelle mise à niveau des villes et de leur
périphérie.
x Illustrer, à travers l’urbanisme, les idéaux et valeurs
reconnus à l’échelle mondiale, à savoir :
x Le développement durable en tant qu’objectif majeur de
l’humanité. Sachant qu’un certain nombre de principes
adoptés à ce propos trouvent leurs racines dans la ville
ancestrale marocaine ;
x La démocratie locale agissante qui trouve son appui sur
l’implication et la participation de la population au
développement d’un territoire avec lequel elle entretient un
fort sentiment d’appartenance ;
x La solidarité en tant que valeur morale, mais aussi en tant
qu’obligation constitutionnelle et exigence incontournable de
la vie communautaire ;

199
x L’ouverture sur le monde avec un esprit positif de
compétitivité et d’aspiration à l’excellence ;
x La tolérance comme valeur ancestrale de notre pays,
aujourd’hui menacée par des courants, certes isolés, mais qui
continuent à se reproduire ;
x Le développement humain en tant qu’objectif mondial et
national majeur qui donne un sens noble à tout effort de
développement économique ;
x La gouvernance locale et la gestion de proximité comme levier
principal pour l’enracinement du développement et la mise à
contribution du génie local latent ;
x La lutte contre toute forme d’exclusion sociale et d’insalubrité
spatiale, notamment à travers l’adoption de normes
minimales pour garantir un cadre de vie humaine admissible
et l’intégration de toutes les catégories sociales : personnes
âgées, enfants, personnes à mobilité réduites, couches sociales
démunies, couches sociales aisée, etc…
ƒ Une bonne prise de conscience collective des nouvelles
réalités
Le contexte global dans lequel s’exerce la planification urbaine a
changé de manière radicale par rapport au siècle dernier :
- L’administré d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier. La
prise de conscience de la population, les dynamiques sociales et
l’instauration des tribunaux administratifs, sont de nouveaux
facteurs qui mettent sérieusement les gestionnaires de la ville en
difficulté et limitent leurs champs d’action. Ceux – ci doivent,
désormais, se conformer strictement à la réglementation et se
soucier sérieusement des moyens nécessaires à la mise en œuvre
de la planification urbaine.
- L’émergence d’un pouvoir local non seulement à
travers les conseils élus mais également à travers
l’action associative qui est de plus en plus omniprésente, fait
apparaître de nouveaux interlocuteurs, parfois porteurs d’un
savoir, d’une vision et d’une capacité de mobilisation
remarquables.
- La capacité de production des promoteurs privés et le
taux d’encadrement dont ils disposent ne cessent de croître,
devant un affaiblissement progressif de l’administration. Ceci est
de nature à renverser le rapport de force en matière du savoir-
faire au détriment de cette dernière.
-Les populations démunies ont de plus en plus
d’exigences tant en termes d’habitat salubre qu’en termes
d’équipements de superstructure. La demande qui était jadis
latente, devient de plus en plus pressante et même imposante.

200
-Les quartiers non réglementaires d’hier, sont devenus
des secteurs restructurés d’aujourd’hui. Ils donnent lieu à
un mode nouveau d’urbanisation, sans doute condamnable, mais
efficace.
-La contrainte relative à la répartition des charges de
l’urbanisation, longtemps ignorée, s’impose
aujourd’hui avec insistance. La rationalisation,
l’optimisation, l’économie d’échelle, sont autant de termes qui
reviennent souvent au niveau de la gestion urbaine, mais ils n’ont
pas encore trouvé leur place au niveau de la conception des
documents d’urbanisme. Manifestement, ils n’ont pas, non plus,
fait l’objet du souci des concepteurs de ces mêmes documents.
- L’usage de l’outil informatique ouvre aujourd’hui des
perspectives nouvelles qui sont de nature à rendre plus
dynamique le processus de planification urbaine. Il permet
d’élever considérablement les performances en matière de
maîtrise de l’urbanisation, aussi bien au niveau de la conception
de la planification qu’au niveau de sa mise en œuvre.

3– 2 Repenser les champs d’action de l’urbanisme de


manière à
- Refaire la ville de manière à la rendre compétitive et
élargir le champ de son rayonnement ;
- Mettre en avant le développement humain comme
objectif principal de tout aménagement urbain ;
- Adopter l’approche ‘’ genre ‘’ pour créer la ville pour tous :
hommes, femmes, jeunes, personnes âgées, personnes
handicapées, enfants, riches, pauvre, etc… Il s’agit
d’évoluer vers un urbanisme à ‘’ visage humain
‘’ favorisant une réelle cohésion sociale.
- Traiter la ville comme espace dynamique caractérisé non
seulement par les actions d’aménagement et de
construction, mais aussi par les activités économiques, la
mobilité, les services urbains, les activités culturelle, etc…
- Prendre en compte les nouvelles pratiques urbaines, les
nouveaux comportements sociaux de masse, les nouvelles
pratiques en matière d’investissement, l’ouverture sur le
monde…
- Repenser les formes urbaines, reprendre le référentiel
actuel et faire preuve d’innovation pour renouer avec la
ville durable marocaine.
- Accorder au patrimoine historique l’intérêt majeur qui lui
revient, en le considérant comme espace urbain de
référence.
- S’ouvrir sur les nouveaux courants mondiaux de pensées.

201
CONCLUSION

Le Maroc qui est passé par une transition plus ou moins progressive en
matière de fabrication urbaine, lors de l’introduction de l’urbanisme
moderne avec l’instauration du régime du protectorat, n’a pas évolué
de la même manière lors du passage à l’indépendance. Ce qui n’a pas
permis au pays de s’offrir l’opportunité de revoir sa façon d’urbaniser
et de méditer son devenir urbain.
Tout récemment, le système de planification urbaine qui a été voué à
s’inscrire dans la durée depuis plus de six décennies est exposé à des
critiques et à des remises en cause qui le rendent de plus en plus
instable et ne facilitant pas sa contribution à la réalisation des chantiers
de développement et des réformes institutionnelles lancés par le pays.
Ce qui s’est traduit par l’accentuation de son caractère de système
traversé par des tendances contradictoires. Un système qui n’est pas
arrivé à se forger une personnalité propre et à se frayer un chemin clair.
Un système qui se cherche toujours.
Ainsi peut-on constater que les défis sont énormes. Ils ne peuvent être
relevés ni par la vision sectorielle exclusive aussi efficace soit – elle, ni
par l’improvisation, même si ses effets sont immédiats.
C’est la voie de la planification territoriale globale et intégrée qui doit
être privilégiée. Elle nécessite expertise et savoir-faire sur le plan
technique, mais aussi un nouvel environnement socio-culturel et
politique, ainsi qu’une grande aptitude à l’ouverture au changement
animée par l’aspiration à l’excellence.

Bibliographie
- KHATIBI, A. (1983) : Maghreb pluriel, Denoël, Paris.
- LENIAUD J-M: Patrimoine, art et culture Encyclopédie Universalis
(en ligne)
- Naji, S. (2001) : Art et architectures berbères du Maroc, Edisud-
Eddif, Casablanca, Maroc
- STIERLIN Henri (2005) L'Art de l'Islam en Méditerranée,
d'Istanbul à Cordoue Edition Gründ - 2005.

Mohamed Habib BEGDOURI

202
CHAPITRE 14 : QUELLE RÉSILIENCE PROCURE LA
PLANIFICATION URBAINE A LA VILLE
MAROCAINE

Le Maroc traverse depuis une vingtaine d’année une période de


transition dans tous les sens du terme et sur tous les plans :
démographique, économique, politique, sociale, culturelle, écologique,
territoriale et urbaine, ….etc. Cette transition et les mutations qui
l’accompagnent sont plus visibles dans la ville ou les défis, les enjeux et
les conflits d’intérêt sont énormes et plus perceptibles.
Soumis à une urbanisation intense plutôt démographique
qu’économique qui s’est traduite par un désajustement entre
croissance de la population et accroissement des richesses, le Maroc a
vu se mettre en place un système urbain déséquilibré et relativement
peu hiérarchisé et marqué par de fortes distorsions entre régions, à
l’intérieur de la même région et surtout entre la ville et le monde rural.

1 – DANS QUELLE SITUATION ENVIRONNEMENTALE SE


TROUVE ACTUELLEMENT LA VILLE MAROCAINE ?

Pendant longtemps, l’urbanisation, ou plus précisément, la croissance


urbaine était perçue comme un fléau à endiguer. Les études préalables
à l’élaboration du Schéma National d’Aménagement du Territoire
(SNAT) ont débouché sur la reconnaissance de la prééminence de la
ville comme moteur de développement économique. Aujourd’hui, La
ville est considérée comme un espace de création de richesses et un
moteur de changement social. Néanmoins, le modèle d’urbanisation
en cours repose sur de nombreux dysfonctionnements :
x Une fragilité socioéconomique qui se traduit par le déséquilibre
entre la croissance urbaine et le développement des capacités
productives des villes ;
x Une raréfaction des ressources, notamment hydriques et
énergétiques, ainsi que le recul du couvert végétal et des terres
agricoles ;
x Un étalement urbain doublé d’une fragmentation socio-
spatiale. L’éclatement de l’unité urbaine favorise l’exclusion
sociale, l’explosion du phénomène de l’habitat non
réglementaire et le déficit en infrastructures et équipement
publics ;
x Une faible prise en charge par les documents d’urbanisme des
risques à la fois naturels, anthropiques et technologiques dans
un contexte de dérèglement climatique et de gestion

203
irrationnelle de certaines ressources naturelles ;
x Des outils de planification souvent dépassés et inadaptés :
L’inadaptation des visions et des échelles, fait que l’on pratique
plus un urbanisme « de rattrapage » plutôt qu’un urbanisme
prévisionnel, anticipatif et prospectif.
A cela s’ajoutent quelques problématiques urbaines dont souffrent de
nombreux habitants, notamment dans les quartiers périphériques
comme la mobilité et le transport, l’alimentation en eau potable,
l’assainissement liquide et solides, l’insécurité, la mauvaise
gouvernance, …etc. Cela crée une ségrégation socio-spatiale de plus en
plus accentuée.

La tendance irréversible à l’urbanisation et qui atteindra, selon les


projections du Haut-Commissariat au Plan (HCP) les 75% à l’horizon
2030 impose au Maroc de faire face à trois principaux défis :

y Une littoralisation accentuée qui renforcera la polarisation


héritée de la période coloniale : l’axe urbain Kenitra – Rabat –

204
Casablanca – El Jadida, (soit une bande de 150 km qui concentre
40 % de la population urbaine marocaine)
y Une urbanisation sans développement équivalent des capacités
productives des villes accentuée par l’exode rural, le sous-emploi,
le sous–équipement, le sous-habitat … etc. ;
y Une urbanisation diffuse et mal maitrisée, souvent au détriment
des terres agricoles ou sur des terrains à risque.
C’est principalement ce dernier défi qui hante les urbanistes et les
planificateurs territoriaux dans la mesure où il est imprévisible et
difficilement maitrisable. Cette urbanisation diffuse consiste, dans la
majorité des cas, en une forme de croissance urbaine non planifiée et
non « aménagée », qui s’effectue selon une occupation anarchique de
l'espace à la périphérie des grandes agglomérations.
En effet, l’expansion de ces villes est surtout nourrie par le dynamisme
de l’habitat dit « spontané ». Selon les régions et les agglomérations,
une grande partie des citadins ne parviennent à construire leur
logement qu’en recourant à des filières informelles. Dans certaines
villes, les périphéries de l’habitat spontané s’étendent sur des
superficies importantes et regroupent une grande partie de la
population. On note la densification et la verticalisation des quartiers
périphériques spontanés, et leurs déficiences en services publics, en
réseaux d'adduction d'eau et d'assainissement. La motivation majeure
est partout l’incapacité de l'Etat à produire un parc significatif de
logements sociaux. Il s'y ajoute l’impuissance des pouvoirs publics à
maîtriser l'utilisation des sols.
L’étalement urbain des villes sécrète de nombreuses zones urbaines
nouvelles d’habitat dans les périphéries sans planification préalable
créant ainsi des lotissements sans cohérence d'ensemble multipliant
les interférences entre les marges des villes et l’espace rural et générant
les aspects d’inachèvement et de laideur du fait urbain.
L'extension spatiale des agglomérations a pour effet mécanique
d'amplifier les flux de mobilité et d'en accroître les distances. Dès lors
une préoccupation environnementale entre en jeu, dans toute la
mesure où ces nouvelles mobilités s'effectuent largement par voitures
particulières qui, contribuent très largement à la pollution de
l'atmosphère.
Parmi les autres conséquences négatives de l'étalement urbain, l'accent
est à mettre sur les budgets temps des périurbains, plus encore sur la
part de leurs revenus consacrés aux déplacements qui ne cessent de
s’amplifier chez presque toutes les catégories sociales.
Devant l’offre défaillante de transports collectifs, la majeure partie des
déplacements quotidiens des zones périphériques est assurée par le
transport informel : taxis clandestins, minibus non autorisés, pick-up,
triporteurs, motocycles, charrettes, …etc.
Les zones nouvellement ouvertes à l’urbanisation qui ont échappé au

205
processus de planification urbaine contribueront à densifier le réseau
routier. Ces quartiers seront en effet occupés par des ménages dont les
déplacements domicile/travail empruntent des voies saturées aux
heures de pointe. Ajoutons à cela que les zones d’habitat spontané ne
comportent pas de dispositifs adaptés en matière de stationnement, de
zones piétonnes ou encore de signalisation.
Les changements climatiques ont rendu les villes marocaines encore
plus vulnérables à cause de leur exposition à une multitude de risques :
inondations dévastatrices, sécheresses récurrentes, glissements de
terrain, érosion, affaissement, apparition de maladies liées aux
dérèglements climatiques comme la grippe aviaire ou porcine, … à cela
s’ajoutent bien sûr le risque sismique qui menace de nombreuses
agglomérations marocaines et qui reste dans une large mesure
imprévisible.
Aujourd’hui, la ville marocaine cumule un grand nombre de sources
d'insécurité et de risques naturels, technologiques et anthropiques.
Plus important encore, le dispositif de planification urbaine (textes
juridiques, acteurs et instruments d’intervention) n’est pas
suffisamment adapté à cette nouvelle donne accentuée par les
changements climatiques. L’inadaptation des réseaux
d’assainissement, voire leur inexistence dans de nombreuses villes et
quartiers, la construction sur des terrains instables et/ou inondables et
le non-respect des normes de sécurité imposés par le génie civile
(normes parasismiques), s’ajoutent à la mauvaise organisation des
secours en cas de catastrophes naturelles ou accidents technologiques
(explosions, incendies, effondrements de constructions menaçants
ruine, accidents de la circulation), pour rendre la vie en ville
extrêmement risquée. Ce qui développe un sentiment de peur chez une
grande partie des habitants des villes.
La gestion des risques territoriaux nécessite tout d’abord une bonne
connaissance scientifique des aléas susceptibles de causer des pertes
humaines et des dégâts matériels. Dans ce sens, la gestion des risques
urbains nécessite connaissance, anticipation, protection et prévention
mais surtout une réglementation rigoureuse mais intelligente de
l’occupation du sol (affectation des sols, autorisations, schémas, plan
d’aménagement, lotissement, …). Ce qui amène à identifier les zones
exposées aux dangers ou susceptibles d’être atteints.
Ce nouveau contexte impose de revoir tout le dispositif de planification
urbaine en faisant de la question environnementale et sécuritaire la
pierre angulaire de tout aménagement. Le grand défi d’aujourd’hui et
demain est comment rendre les villes marocaines sûres durables et
« résiliente » ?

206
2 – QU’EXIGE UNE VERITABLE RÉSILIENCE URBAINE ?

La résilience urbaine est généralement admise comme « la capacité de


la ville à absorber une perturbation, puis à récupérer ses fonctions à la
suite de celle-ci ». Selon cette acception, la ville est bien considérée
comme un système au sens où des composants (habitats, activités,
infrastructures, populations, gouvernance) interagissent pour
constituer le fait urbain.
Cette définition prend appui sur le constat que les services (ou les
fonctions) à assurer par la ville sont exposés à de nombreuses
perturbations et doivent par conséquent être préparés à les affronter et
à s’adapter afin de répondre à ces dysfonctionnements, c’est ce qu’on
appellera la résilience de temps court. Deux leviers permettent alors
d’améliorer cette résilience urbaine de temps court :
1) Une stratégie technique visant à limiter le degré de
perturbation du système, et donc des dégâts humains et
matériels, par une meilleure capacité de résistance et
d’absorption et ce en anticipant et adaptant l’aménagement aux
risques éventuels (construction parasismique, réseau
d’assainissement adéquat, voirie large pour faciliter la
circulation en cas de catastrophe, une meilleure répartition des
bouches d’incendie, …etc.) ;
2) Une stratégie plus organisationnelle visant à accélérer le retour
à la normale par une gestion optimisée des moyens et des
ressources, et une bonne accessibilité. Il s’agit de l’organisation
des secours, mais aussi la remise en état des équipements et
infrastructures, ainsi que l’accompagnement
psychosociologiques des populations victimes directement ou
indirectement de ces catastrophes.
La résilience reflète également la capacité d’un système à s’adapter aux
perturbations et à même d’opérationnaliser le concept de « ville
durable ». Améliorer la résilience augmente les chances d’un
développement durable dans un environnement changeant où le futur
est imprévisible et où la surprise est toujours probable.
Au Maroc la prise de conscience du risque dans l’aménagement et la
planification urbaine a été tardive, malgré le fait que de nombreuses
agglomérations sont exposées à des risques multiples. De par sa
position géographique, son ouverture sur la mer sur près de 3500 km,
sa structure géologique, ainsi que les caractéristiques de son relief et sa
topographie, le Maroc est considéré comme un pays sismique par
excellence et exposé à de nombreuses catastrophes naturelles,
notamment aux aléas climatiques (sécheresse, inondations,
désertification…). Il fallait attendre l’an 2000 pour voir se promulguer

207
le premier texte juridique relatif à la sismicité ; il s’agit du Règlement
Parasismique 2000 (RPS 2000).
Par ailleurs, le Secrétariat d’Etat Chargé de l’Eau, a mené récemment
une étude pour l’élaboration du Plan Directeur National contre les
Inondations. Cette étude a permis d’avoir une vision complète à
l’échelle de l’ensemble du territoire national des risques liés aux
inondations. Dans le cadre de cette étude près de 400 sites vulnérables,
ont été inventoriés ainsi, plusieurs réalisations en matière de
protection contre les inondations ont été effectuées. Les crues de 2002
et 2003 ont été particulièrement destructrices pour plusieurs villes et
centres importants. Les travaux de protection portent sur la réalisation
des barrages, ouvrages de protection, digues, déviations et
rééquilibrages des lits d’oueds, notamment au niveau d’Oued El Maleh
à Mohammedia.
La résilience c’est aussi la mise à niveau et le renforcement du système
de santé en formant les ressources humaines médicales à la médecine
de l’urgence, en construisant des centres médicaux de proximité et en
les équipant en matériel médical adapté. En d’autres termes, c’est la
mise en place d’un système de gestion de crise et d’organisation des
secours qui doit être prêt pour affronter le pire à tout moment et en
toutes circonstances.
Tous les risques peuvent, à un moment ou à un autre, créer le désordre
et perturber le train de vie quotidien des populations. L'ampleur et la
gravité des dégâts potentiels et les obstacles rencontrés lors des
interventions de secours, peuvent être démultipliés par la forte densité
des populations et des activités économiques. La ville « hermétique et
dense» qui manque d’espaces dégagés et ouverts (espaces publics)
prévus pour ce genre de circonstances accroît la complexité des actions
de prévention et rend difficile les actions de sauvetage et les opérations
de secours.
C’est dans ce sens, que l’aménagement et la configuration spatiale de la
ville doivent être repensés de manière à faciliter la gestion de ce genre
de situation. La ségrégation socio-spatiale et les inégalités dans la
répartition des équipements peuvent constituer un facteur
d’aggravation des dégâts. Il a été constaté partout où se produisent des
catastrophes naturelles, technologiques ou anthropiques que c’est dans
les quartiers des plus démunis où l’on enregistre le plus de pertes
humaines et de dégâts matériels.
Les urbanistes et les gestionnaires des territoires sont appelés
aujourd’hui, plus que jamais, à assimiler et intégrer les préoccupations
relatives aux risques de tout genre dans tout acte de planifier le fait
urbain. Dans ce sens, la planification urbaine doit assurer le « bon
vivre ensemble » en offrant les conditions nécessaires à toutes les
fonctions économiques, sociétales, environnementales et surtout
sécuritaires de chaque ville.

208
3 - QUEL PROFIL POUR LA VILLE MAROCAINE DE DEMAIN
POUR QU’ELLE PUISSE S’INSCRIRE DANS UNE VISION DE
DEVELOPPEMENT DURABLE ?

Aujourd’hui, la ville est considérée comme un espace de création de


richesses et un moteur de changement social. De même, la gestion des
villes ne se réduit plus aux seules questions de ramassage des ordures,
d’eau, d’assainissement et de production de logements. C’est aussi un
territoire de projet, un cadre de partenariat et de synergie entre les
différents acteurs en présence.
L’urbanisation qui est une tendance inéluctable, voire souhaitable
nécessite des méthodes de management renouvelées. Les collectivités
territoriales sont de plus en plus appelées à élargir leurs compétences
pour devenir des animateurs économiques, des gestionnaires qui
travaillent en partenariat direct avec le secteur privé, c’est le cas de la
gestion déléguée des services publics. Elles sont amenées à se
prononcer plus fréquemment sur des projets économiques et sociaux
de plus en plus complexes.

3 – 1 La nécessaire réadaptation de la planification urbaine

Aujourd’hui, plus que jamais, le Maroc est appelé à changer de


paradigme et de perspective en matière de planification urbaine en
adoptant un système fondé sur la concertation et la participation des
acteurs de la ville. Cela consiste à passer d’une planification normative
classique vers une planification stratégique et participative. La
planification normative classique est l’œuvre des techniciens
(ingénieurs, architectes, juristes, topographes, …etc.). Elle est fondée
sur une approche techniciste et des prévisions mécaniques sans aucune
vision stratégique et prospective, sans aucune concertation, ni
participation réelle des acteurs concernés. C’est une planification de
correction et de rattrapage et non d’anticipation.
Ce changement de paradigme doit s’appuyer sur les fondements
suivants qui sont en même temps des enjeux et des défis à relever :
1. L’équité sociale : Il s’agit d’œuvrer pour une ville inclusive où
les citoyens jouissent des mêmes droits et soumis aux mêmes
obligations. Une ville où les services publics sont accessibles
pour tous.
2. La justice spatiale : Il s’agit d’une répartition juste et équitable
des équipements sur l’espace urbain, réduisant la ségrégation
et les disparités socio-spatiales.

209
3. La bonne gouvernance : Ce concept est pris dans le sens de la
participation de tous les acteurs à la prise de décision à travers
des mécanismes de concertation et de négociation. La bonne
gouvernance est ainsi la transparence et l’opérationnalisation
du principe de la reddition des comptes.

4. La mobilité et l’accessibilité : Cela signifie rendre la ville


accessible pour tous où il est facile de se déplacer en rendant
l’accès aux édifices publics et privés facile notamment aux
personnes à mobilité réduite, ainsi qu’en utilisant des moyens
de transport non polluants et durable.
5. La durabilité, la sécurité et la résilience : La question de la
sécurité est de plus en plus placée au centre des préoccupations
du développement durable. Sachant que le risque Zéro n’existe
pas. Il s’agit d’assurer à la population une sécurité maximale
contre toute sorte de risque et faire en sorte que la ville soit en
mesure de se reprendre en cas de catastrophe.

210
6. L’attractivité et la compétitivité : Ce sont les concepts clés de
toute stratégie de développement territorial. La ville, pour
assurer des fonctions économiques viables et durables, doit
offrir des conditions et des atouts lui permettant d’attirer des
investisseurs, des élites et des touristes. Elle doit offrir des
conditions idéales pour rentabiliser son capital.

3 – 2 La nécessaire assimilation d’un contexte élargi

Aujourd’hui, il existe un contexte international et national favorable


pour ce changement de paradigme.
- Sur le plan international, on peut citer :
x L’engagement du Maroc dans la réalisation des 17 Objectifs de
Développement Durable (signé en 2015) à l’horizon 2030
initiés par les Nations Unis, notamment :
9 l’objectif 11 « Villes et communautés durables »
9 L’objectif 17 « Partenariats pour la réalisation des
objectifs »
x L’engagement du Maroc en faveur du Nouvel Agenda Urbain de
Quito (signé en 2016) à l’horizon 2030 (2016), dit également le
Nouveau Programme des Villes, notamment :
9 La recommandation n° 5 « En repensant la planification,
l’aménagement, le financement, le développement,
l’administration et la gestion des villes et des
établissements humains, le Nouveau Programme pour les
villes contribuera à ce qui suit. Eliminer la pauvreté et la
faim sous toutes leurs formes et dans toutes leurs
dimensions. Réduire les inégalités. Promouvoir une
croissance économique durable, partagée et viable.
Instaurer l’égalité des sexes et autonomiser toutes les
femmes et toutes les filles afin que la contribution
essentielle qu’elles apportent au développement durable
puisse être pleinement exploitée. Améliorer la santé et le
bien-être des populations. Promouvoir la résilience ; et
protéger l’environnement. »
9 La recommandation 15, notamment le paragraphe (iii) :
« Relancer la planification et l’aménagement urbains et
territoriaux intégrés à long terme, de manière à optimiser
la dimension spatiale de la structure urbaine et à tirer parti
des avantages de l’urbanisation ».
x l’Accord de Paris conclu au titre de la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques signé en 2016 ;
9 Lors de la conférence de Paris sur le climat (COP21) en
décembre 2015, 195 pays ont adopté le tout premier

211
accord universel sur le climat juridiquement
contraignant.
9 L’accord définit un plan d’action international visant à
mettre le monde sur la bonne voie pour éviter un
changement climatique dangereux, en maintenant le
réchauffement planétaire largement en dessous de 2°C
à l’horizon 2100 ;
L'accord reconnaît le rôle des acteurs dans la lutte contre le
changement climatique, notamment les villes, les autorités
locales, la société civile et le secteur privé. Ceux-ci sont invités :
9 à accroître leurs efforts et à soutenir les actions visant
à réduire les émissions ;
9 à renforcer la résilience et à réduire la vulnérabilité aux
conséquences du changement climatique ;
9 à soutenir et promouvoir la coopération régionale et
internationale.
- Sur le plan national, un nouveau référentiel juridique et politique
s’est progressivement mis en place au Maroc dont on peut citer :
I - La constitution de 2011, notamment ses articles : 13 - 31 – 139 – 145
II - Les discours royaux : « ... Nos villes ont connu un essor
démographique et une expansion urbanistique tels qu'il en a résulté un
empiètement de leurs périphéries sur le milieu rural, ainsi qu'un
accroissement des besoins des populations en termes d'infrastructures
et de services de base.
Cet état de choses requiert, donc, l'adoption d'une vision globale,
permettant d'anticiper et de maîtriser les implications de cette
expansion » (Extrait du discours royal du 12/12/2006 à l’occasion de
la Rencontre Nationale des Collectivités Locales d’Agadir).
III - L’opérationnalisation des principes et des recommandations de la
Charte et du SNAT s’effectue à travers l’identification de plusieurs
échelles et de nouveaux instruments de planification :
- 2004 : Naissance de l’approche « Projet de territoire »
- 2007 : Elaboration par la Stratégie de Développement Urbain,
par Citises Alliance ;
- 2008 : Naissance de la Stratégie Nationale de Développement
Urbain ;
- 2012 : Emergence du concept « Politique de la ville » ;
- 2014 : Lancement de l’étude par la Direction d’Urbanisme d’une
étude sur le «Système de Planification Urbaine » ;
IV –L’émergence de nouveaux outils de planification territoriale :
9 Les Schémas Régionaux d’Aménagement du Territoire
(SRAT) ;
9 L’agenda 21 ;
9 Les Plans de Développement des Douars (PDD);

212
9 Plans Communaux de Développement (PCD) devenus
aujourd’hui des Plans d’Action Communaux (PAC);
9 Le SDAU de Casablanca comme première expérience d’un
document de planification stratégique concerté ;
CONCLUSION :
L’aménagement du territoire, le développement territorial, la
territorialisation et la régionalisation de l’action publique et enfin la
politique de la ville constituent aujourd’hui un véritable défi pour le
Maroc, car cela impose une révision complète de la façon de planifier
nos villes, une recherche permanente de cohérence et une adaptation
des supports techniques. Ce qui exige davantage de partage de
responsabilité entre acteurs, de synergie et d’intégration des politiques.
Ceci dit, le chemin demeure long….
La réadaptation du système de planification urbaine passe
nécessairement par l’intégration du développement durable dans
toutes ses dimensions, dans le système de planification urbaine. Cette
intégration qui a pris du temps pour s’imposer comme exigence de
mise à niveau du fait urbain et comme consécration des engagements
internationaux du pays, reste à parfaire. Le pays est juste en cours de
mettre en place les conditions nécessaires à une planification urbaine
soucieuse du développement durable. Toute éventuelle refonte de ce
système doit passer par le nécessaire repositionnement de la durabilité
de la ville.

Bibliographie
o BAILLY A. et L. BOURDEAU-LEPAGE, (2011) Concilier désir de
nature et préservation de l’environnement : Vers une urbanisation
durable en France, Géographie, économie et société, vol. 13, 27-43.
o BAUER G., (1977) Campagnes suburbaines, villes s'éparpillant : Que
connaît-on du phénomène rurbain ? Économie rurale. 117, Aménager
l'espace ? 13-16.
o BAUER G. et ROUX J.-M., (1976) La rurbanisation ou la ville
éparpillée, Paris : Seuil.
o BELLIOT, M. et Fédération nationale des agences d’urbanisme
(France) (eds.) (2006) Habitat formes urbaines : densités comparées
et tendances d’évolution en France. Agence Innova presse. Paris
o BERGER A. et J. ROUZIER, (1977) Ville et campagne. La fin du
dualisme, Economica, Paris
o BERGER M., (2006) Périurbanisation et accentuation des logiques
ségrégatives en Île-de-France, Hérodote, 112, 198-211.
o BOCHET B., GAYJ.B., et PINI G., (2004) La ville dense et durable :
un modèle européen pour la ville, Géoconfluences, Lausanne.

213
o BOURDEAU-LEPAGE L., (2009) Formes urbaines et développement
durable. Quelques pistes de réflexion, Atelier PUCA : « Les stratégies
de localisation des activités économiques et les logiques de
développement durable des territoires », 17 septembre, Grande Arche
de la Défense.
o CUNHA, A. d. (ed) (2005) Enjeux du développement urbain durable :
Transformations urbaines, gestion des ressources et gouvernance.
Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes.
o CHARLOT-VALDIEU, C. and OUTREQUIN, P. (eds.) (2009)
L’urbanisme durable: concevoir UN éco quartier. Paris : Ed. Le
Moniteur.

Abdelaziz ADIDI

214
CHAPITRE 15 :LA PLANIFICATION URBAINE A LA
CROISÉE DE VISIONS DIVERGENTES

Les différentes approches présentées ci-dessus sur la planification


urbaine représentent d’une manière ou d’une autre des visions
différentes en rapport avec la focalisation autour d’aspects pointus.
Cependant, aucune des approches courantes ne peut se soustraire à la
globalité de la réalité où le technique et le théorique, le politique et
l’économique, le social et le culturel, l’artistique et le spirituel… ne
peuvent être dissociés ou visités indépendamment les uns des autres et
dans le cadre de réflexions accordant la place qu’il faut à l’équité
spatiale, au droit de chacun à la ville, à la lutte contre l’exclusion
urbaine, au devenir urbain de l’ensemble de l’humanité…
Ces contributions qui apportent une valeur ajoutée certaine à
l’enrichissement de la réflexion conjuguée de ces différents aspects, ne
ratent pas le fond de leur mission.
En ce sens, si chacun des participants à cet ouvrage a investi à sa
manière la planification urbaine, l’approfondissement de l’aspect
abordé ne peut être incompatible avec le débordement sur le domaine
d’intervention de l’autre. La planification urbaine en tant que domaine
de normes et de règles implique assez souvent de transgresser les
frontières de partage des tâches et le profilage des thématiques. Ce qui
est à même de multiplier les incursions chez les voisins en vue de la
recherche de facteurs explicatifs incontournables.

1 – Y-A-T-IL UNE PLANIFICATION URBAINE A LA MAROCAINE ?

Cette question ne se justifie que par le fait d’être une occasion pour
mettre à nu certains aspects du non-dit de la planification urbaine.
Ainsi, la planification urbaine est typiquement marocaine quand :
- Elle se présente comme une solution à des problèmes politiques.
Si la planification urbaine constitue un peu partout un outil de
gestion urbaine au service du pouvoir politique, au Maroc elle
sert d’outil de gestion des crises urbaines, beaucoup plus qu’un
moyen d’apport d’un plus à la fabrication des villes ;
- Même si la planification urbaine ne cesse de consacrer sa
vocation de moyen du pouvoir pour composer avec les forces en
présence et pour préserver les équilibres en place, elle s’avère par
la même occasion un moyen d’instauration de nouveaux
équilibres à travers des compromis visant à cacher les

215
contradictions au lieu de les résoudre. Comme elle use et abuse
du béton comme moyen d’atténuation des transparences des
territoires. Ce qui ne lui permet pas d’apporter de véritables
solutions aux problèmes urbains. Elle instrumentalise plus de
solutions politiques qu’urbanistiques. Le poids de l’influence
française est très grand, et la contribution de l’architecture est de
taille. Ce qui permet à l’architecture d’effectuer plus d’avancées
que l’urbanisme.
- La planification urbaine au Maroc n’est pas arrivée à favoriser un
urbanisme ouvrant la voie à de grandes interactions
structurelles, fonctionnelles et dynamiques. Elle s’est contentée
de traiter la mixité comme juxtaposition formelle. Autrement
dit, elle n’est pas arrivée à mettre en jeu des ambitions urbaines
et stratégiques à même de donner lieu à des espaces dynamiques
et redynamisant pour leurs environnements. Elle est ainsi sans
grandes ambitions, mis à part le traitement de
dysfonctionnements limités et la reproduction des continuités
urbaines.
- La planification urbaine s’active comme cadre de production
d’espaces urbains très variés et contrastés même et évoluant à
des vitesses différenciées. Elle consacre ainsi son asservissement
au système libéral en reproduisant les différences et les
déséquilibres auxquels il s’adosse. Mais, au Maroc cet
asservissement est devenu un moyen de règlement de comptes
entre acteurs urbains, où les enjeux fonciers sont à la base de
nombreux dysfonctionnements urbains. Ainsi, la planification
urbaine s’adapte de différentes manières aux mêmes enjeux,
puisque chaque acteur acquiert le poids d’une source d’exigences
spécifiques. Ce qui complexifie les logiques et les intérêts guidant
la planification urbaine.
- La planification qui n’est pas spécifiquement urbaine, ni par ses
origines ni par ses pratiques, s’est beaucoup accommodée à la
réalité urbaine marocaine par sa réglementation et ses manières
de produire et de régulariser des espaces urbains où les apports
marocains ne sont pas des moindres.
- Le modèle d’urbanisation en cours de marocanisation soutenue
par une gestion, à la fois uniformisante et divergente des
dysfonctionnements urbains, fait que le pays réadapte
continuellement son héritage colonial et ses nouvelles
inspirations des expériences dites universelles.
- Au Maroc, la diversité des angles d’attaque est quelque part
révélatrice de différences d’appréciation et d’usage de la
planification urbaine, étant donné que cette dernière ne se
présente pas toujours et pour tous de la même manière. La
grande diversité des problématiques qu’elle soulève n’a pas les

216
mêmes effets sur les processus de la fabrication urbaine et se
traduit par une diversité des situations urbaines à traiter. Certes,
il est évident que la diversité des positions permet quelque part
une richesse de la réflexion sur une thématique qui n’a jamais été
objet d’unanimité.
En somme de nombreuses questions restent encore à soulever avant
d’être traitées. Autrement dit, ce travail ne prétend aucunement
épuiser la problématique retenue, mais juste ouvrir un débat qui reste
à poursuivre de différentes autres manières. La question des
fondements théoriques de base, des concepts mobilisés, des modèles
urbains instrumentalisés, du poids de la conjoncture politique, de
l’adhésion des acteurs urbains, de l’autorité effective des documents
d’urbanisme, des procédures d’élaboration des documents
d’urbanisme, des principes directeurs de la planification urbaine, du
rôle de la planification urbaine en matière de développement urbain…
révèlent que la planification urbaine au Maroc n’a pas acquis la posture
d’un objet de pensée et de pratique largement partagés.
Dans ce sens, la diversité et la divergence des concepts usuels
démontrent qu’assez souvent, on ne parle pas, on ne traite pas et on ne
vise pas la même chose à propos d’une réalité bien précise. Les
exemples suivants témoignent de la confusion régnante entre :
- Espace et territoire
- Diagnostic et état des lieux
- Habitat et logement
- Prévision et projection
- Vision et schéma
- Développement urbain et mise à niveau
- Espace périurbain et périphérique
- Structure et morphologie urbaine
- Analyse urbaine et analyse spatiale
- …
Le recours à des terminologies pas toujours concordantes et
compatibles et ayant des assises théoriques divergentes témoignent
d’une marocanisation biaisée de la planification urbaine. L’absence
d’une formation en urbanisme aussi structurée que structurante est
pour beaucoup dans le ratage du Maroc de l’appropriation d’une
planification urbaine performante.

2 – UN SYSTEME DE PLANIFICATION URBAINE MULTIPLIANT


LES SOURCES DE BLOCAGE

La planification urbaine telle qu’elle fonctionne actuellement au Maroc


a été érigée en un système qui ne permet pas des ouvertures
d’amélioration. Les différents rapiéçages dont il a fait l’objet se

217
dressent en obstacles à toute solution globale et efficiente et s’imposent
en sources de crispations sur plus d’un plan.
La répétition des formes et des modèles durant tout un siècle témoigne
d’une stérilité certaine de ce système. Ce qui légitime la question
suivante : ce système est-il devenu peu propice aux solutions efficaces
à la crise urbaine ?
La planification urbaine s’est attelée durant tout un siècle à renforcer
les mécanismes du marché par le biais du logement et à consacrer la
sacralité du marché foncier en verrouillant les accès et en ouvrant la
voie à la spéculation.
Dans le même sens, la planification urbaine a sacralisé un modèle
d’urbanisation qui n’a cessé de montrer ses limites et d’engendrer des
dysfonctionnements à tous les niveaux.
C’est un système qui ne cesse de consacrer sa fidélité à la reproduction
à l’infini d’un même contexte urbain adossé au même parcellaire, les
mêmes paysages, les mêmes vocations spatiales, les mêmes formes de
valorisation…à tel point que la ville marocaine a perdu toutes ses
compétences en matière d’innovations urbaines. Les seules exceptions
sont celles introduites par l’architecture. Ce qui engendre dans
beaucoup de cas une confusion stérilisante entre urbanisme et
architecture.
La planification urbaine a consacré un urbanisme conservateur et
stérilisant qui fait peu de place à de nouveaux mécanismes
d’urbanisation et de développement urbain et stimulants pour une
amélioration consistante du cadre de vie et de la qualité urbaine. C’est
ce qui explique qu’au Maroc, l’urbanisme compte beaucoup plus sur
l’architecture que sur lui-même en matière d’innovations urbaines.
Les innovations en matière d’habitat sont limitées et se réduisent à des
améliorations formelles des modèles existants. Les nouvelles réponses
aux attentes urbaines sont quantitativement et qualitativement
limitées à la demande du très haut standing.
La question de l’habitat est devenue une plateforme d’affrontement
d’intérêts aussi nombreux que diversifiés. L’implication grandissante
du secteur privé n’a fait qu’amplifier cette confrontation qui se dresse
comme un obstacle devant toute recherche d’alternatives non
acceptées de toutes les parties concernées, à tel point qu’on est enclin
de soutenir l’absence d’imagination dans ce domaine.
La grande place dont bénéficie la production de l’habitat au sein de la
planification urbaine, à l’image de ce qui se fait en France, constitue
une expérience très couteuse sur presque tous les plans.
La grande consommation du patrimoine foncier se conjugue à
l’assimilation de la spéculation par presque toutes les couches sociales,
pour acquérir la posture d’une corruption étatique généralisée. En
effet l’Etat qui ferme les yeux sur l’opacité du marché foncier corrompe
presque tous les Marocains pour façonner une paix sociale adossée à

218
l’habitat, et à une gestion urbaine qui joue le rôle de facilitateur de cette
corruption sociale, à tel point qu’il est presque impossible à l’Etat de
s’en passer.
La question de l’habitat qui s’adjuge, par conséquent, une place
prioritaire dans la planification urbaine ne s’accompagne pas par une
utilisation économe et équilibrée des ressources naturelles,
notamment le sol urbanisable. Ce qui n’est pas conforme à l’esprit
même de l’acte de planifier.
La faiblesse des alternatives offertes par le système de planification
urbaine se traduisent également par la réduction des modes de
régulation des processus d’urbanisation.
L’explosion informelle des villes n’a pas fait l’objet de nouveaux
systèmes de maîtrise des dynamiques urbaines. Autrement dit, au
moment où certaines couches développent de nouvelles alternatives au
niveau des processus d’urbanisation et des modes d’habitat, la
planification urbaine ne réagit pas en s’adaptant aux innovations
urbaines produites informellement. Ce qui met en évidence les
faiblesses du néo-urbanisme en matière de régulation de l’urbanisation
et des alternatives aux dysfonctionnements en place.
La faible et lente adaptation de la planification urbaine à l’évolution
quantitative et qualitative de la réalité urbaine, se traduit par un
blocage de l’évolution des besoins de la vie urbaine. Ce qui va à
l’encontre des principes du néo-libéralisme qui s’adosse à une
ouverture accrue de la ville sur le marché, en faisant de l’urbanisation
une importante « niche » du libéralisme.
La planification urbaine qui est censée être, en principe, un moyen de
consolidation de la concertation à travers le recours à des approches
participatives, s’est révélée incapable et inopérante dans ce domaine.
La réduction de la concertation aux acteurs institutionnels s’est avérée,
elle aussi, inadaptée même aux pratiques bureaucratiques. Ainsi, le
système de planification urbaine a démontré son incapacité à
engendrer une large mobilisation autour des documents d’urbanisme
comme supports de visions de l’avenir urbain. Le principe et la
pratique de la concertation, largement clamés en matière de
planification urbaine, se sont montrés d’une grande ambiguïté
conceptuelle et opérationnelle et d’une grande inefficacité en matière
de promotion de l’urbanisme participatif. Ce qui n’a fait qu’éloigner
encore davantage la planification urbaine des besoins des villes et des
préoccupations des habitants.
La planification urbaine a également démontré son incapacité à
introduire des alternatives urbaines plus dynamisantes dans le
traitement des tissus urbains en déclin. Sa faible implication en
matière de renouvellement urbain ne lui permet pas de développer une
expérience suffisante et concluante dans ce domaine.

219
Ainsi, les différents chemins empruntés par le système de planification
urbaine et la plupart des expériences de mise en œuvre d’alternatives
aux pratiques en cours se sont avérées plus réformatrices que créatrices
de véritables processus de changement.
La diversité des expériences des auteurs mobilisés pour la réalisation
de cet ouvrage a permis de multiplier les exemples qui concourent à
soutenir l’évolution divergente et défaillante du système de
planification urbaine.

3– DIVERSITÉ ET STERILITÉ DES ALTERNATIVES A LA


PLANIFICATION URBAINE

La crise actuelle de la planification urbaine est riche en enseignements,


puisqu’elle a donné lieu à des débats qui portent sur presque tous les
aspects et problèmes de l’urbanisme, sans déboucher sur des pistes à
même de permettre au pays de dépasser les dysfonctionnements de la
planification urbaine. Parmi ces pistes il y a :
- La planification stratégique
Il s’agit d’une tentative d’adaptation de la planification
économique à la planification spatiale initiée sous l’effet de
l’entrée en masse des ingénieurs et des économistes dans le
domaine de l’urbanisme, au cours des années 60.
L’objectif qu’elle s’est assignée étant d’optimiser l’action
publique, s’est trouvé confronté au tournant néolibéral des
années 80, pour l’obliger à composer avec la remise en question
de la planification urbaine dans sa globalité.
Depuis lors, elle tente de se réadapter en cherchant à donner un
caractère stratégique à l’acte de planifier la ville, comme si la
planification est démunie par essence du souci stratégique.
Cependant, sa focalisation sur les aspects stratégiques du
devenir urbain remet en évidence le rôle de cadre référentiel
global et de contexte de cristallisation d’une vision du futur plus
équilibrée que doit viser l’acte de planifier.
Ainsi d’un positionnement d’alternatif, la planification
stratégique se retrouve contrainte à chercher à consacrer son
rôle de complément de la planification urbaine classique, à
travers l’approfondissement de la réflexion sur le référentiel du
long terme comme cadre de la vision de l’avenir. Ce qui est de
nature à constituer un mode d’optimisation de l’acte de
planifier et de rationalisation des moyens publics mobilisés. Ce
qui ne rapporte pas grand-chose aux pratiques en cours.
- Les stratégies de régulation
Il s’agit de toutes les formes d’intégration et de normalisation
des faits accomplis et des héritages du passé dans les

220
documents d’urbanisme. Cette façon de faire la ville par le
recyclage de « morceaux urbains » produits dans d’autres
contextes et à d’autres fins, pour répondre aux besoins présents
et futurs de la ville, caractéristique de l’école française
d’urbanisme, est l’expression de la reproduction de la politique
urbaine mise en œuvre au Maroc depuis l’époque du
protectorat. La reconduction de cette politique est devenue un
vecteur de régulation, non seulement du fait urbain, mais une
manière de mener la planification urbaine et de produire la ville
de demain. Autrement dit, la planification urbaine au Maroc n’a
pas vocation à renier l’existant, puisqu’elle en fait même une
composante de la ville de demain, sans exiger de lui une
profonde adaptation aux exigences du futur. Le système
politique marocain qui doit beaucoup au passé qu’il sacralise de
différentes manières, étend cette sacralisation au cadre
construit urbain qui symbolise la nécessité du passé pour le
présent et le futur. Ce qui se traduit par le recours fréquent à
des solutions du passé pour affronter des problèmes du présent.
Cette vision politique qui est introduite en urbanisme a donné
lieu à une planification urbaine qui fait du nouveau avec des
héritages du passé. Autrement dit l’innovation est conditionnée
par l’héritage.
- La SNDU
Elle se veut une façon du développement urbain dans le cadre
d'une politique cohérente de la ville. Sa conception spécifique à
un contexte urbain donné lui donne la posture de la « stratégie
urbaine » telle qu’elle fut développée en France, il y a quelques
décennies.
Engagée pour chaque ville, elle se présente comme un
processus de modernisation de l’action publique, à travers des
démarches stratégiques différentiées sur le plan local et
partagées à l’échelle centrale par un cadre de référence
national. C’est donc une façon de concevoir le développement
urbain par le biais des structures administratives permettant
d’accentuer le rôle des structures bureaucratiques qui se
présentent comme le garant de mobilisation des moyens
nécessaires à ce développement.
La SNDU qui vise avant tout à repositionner la place du pouvoir
administratif comme les PCD et la politique de mise à niveau
urbaine, rentre dans le cadre des tentatives de consolidation du
rôle des structures politiques. Les deux expériences tentées se
sont avérées peu concluantes dans ce sens.
- La politique de la ville
Une autre façon d’approcher le développement urbain au coup
par coup, en dehors de la vision globale qui est celle de la

221
planification urbaine, et en se focalisant sur les zones urbaines
jugées sensibles, dans le cadre d’un contrat de ville.
Cette nouvelle façon de gérer les problèmes urbains s’affiche
comme étant un moyen de lutte contre la déficience urbaine.
Elle se situe ainsi dans la continuité de l’urbanisme de
rattrapage qui tente sans cesse de combler les déficits d’une
urbanisation à la « sauvette ».
Son caractère multidimensionnel et transversal ne lui donne
pas plus d’efficacité que la planification urbaine inscrite par
nature dans la continuité et la globalité urbaines. Elle se
démarque, surtout, par l’urgence des interventions publiques
inhérentes aux effets de la conjoncture. Ce qui tranche avec le
fond de l’urbanisme prévisionnel et réglementaire qui inscrit
toutes les interventions dans une vision globale de
développement urbain. C’est une parfaite expression de
l’urbanisme d’urgence qui tente à imposer l’anticipation en tant
que vision d’avenir.
De ce fait, la politique de la ville à la marocaine s’est avérée une
sorte de négation du caractère stratégique de l’urbanisme que
cristallise la planification urbaine, pour le remplacer par des
interventions limitées et ponctuelles.
L’urbanisme devient ainsi un ensemble de thérapies
développées selon les circonstances sans souci de l’évolution du
phénomène urbain dans sa globalité et dans son devenir de
cadre d’urbanité et de citadinité se nourrissant d’une
capitalisation matérielle et immatérielle réfléchie dans la
continuité. C’est oublier que le développement urbain ne doit
être que global et inscrit dans la durabilité
multidimensionnelle, pour consacrer son caractère stratégique.
- Les Nouvelles Villes
La création de nouvelles entités urbaines sur les marges des
grandes villes qui s’inscrit dans une vision d’aménagement du
territoire, n’a pas donné les résultats escomptés, au Maroc.
Cette autre façon de voir le développement des grandes
agglomérations urbaines a été biaisée à l’origine par les
dysfonctionnements du marché foncier et les dérapages de la
promotion immobilière.
Voulue politiquement comme une offre foncière apportant des
réponses à la rareté fictive du foncier urbain, et comme
occasion d’offrir de nouveaux cadeaux au secteur privé pour
accroître ses performances urbaines, la politique des villes
nouvelles a été mise en œuvre comme une « fausse réponse » à
de « faux problèmes ». Les tentatives de valorisation du foncier
tribal situé à proximité de certaines villes et la mobilisation
d’acteurs privés plus enclins à faire de la spéculation que de la

222
promotion immobilière ont élargi le champ de leur action en
s’adjugeant des terrains à geler pour l’avenir ou à ne produire
rien que pour ne pas céder la place à la concurrence.
Ainsi, une idée pertinente pour produire de nouveaux espaces
urbains dans le cadre d’une vision d’aménagement du territoire
et d’extensions maîtrisées des grandes villes, a été mise en
œuvre dans un contexte de retour en force du libéralisme et de
tentatives de limiter les interventions de l’Etat, pour
démontrer, à un autre niveau, la non pertinence de la
programmation publique en matière de développement urbain.
En tant qu’expression d’une vision stratégique, l’idée des
Nouvelles Villes n’a pas bénéficié des conditions nécessaires à
sa mise en œuvre, ainsi que de toutes les précautions qu’exigeait
l’atténuation des effets de la conjoncture nationale et
internationale. En plus la lourdeur de tels projets nécessitait un
engagement plus consistant et plus lourd de la part de l’Etat.
L’offre foncière s’est avérée insuffisante pour un engagement
privé plus déterminant. Les logiques propres à ce genre de
projets ne sont pas celles de la conjoncture en place. C’est là où
réside le paradoxe de l’expérience marocaine des Villes
Nouvelles, comme une expérience gérée de la même d’un
programme public, dans une conjoncture de consécration de
l’urbanisme libéral. En tant que projet ayant des objectifs
stricts dans le cadre d’échéanciers prédéfinis, et confiés à des
opérateurs privés, la Ville Nouvelle marocaine s’est retrouvée
en contradiction avec l’environnement déterminant sa
réalisation pour assurer plus d’efficacité à ses implications
urbaines.
- Les grands projets à portage spécifique
L’Etat marocain s’est attelé depuis une décennie à multiplier les
grands projets à portage dédié pour des réalisations urbaines
en dehors des circuits gérés dans la cadre de la planification
urbaine et les réseaux habituels de la fabrication urbaine. Cette
expérience qui a concerné des réalisations de prestige (Casa-
Anfa, vallée du BouRegreg, la ville nouvelle de Zenata…) a initié
des conceptions urbaines obéissant aux logiques du secteur
privé, répondant aux exigences de la compétitivité
internationale, et diligentés par la rentabilité financière. Cette
piste constitue un nouveau mode de la conception et de la
fabrication urbaine, qui n’obéit pas toujours à la
réglementation véhiculée par le système de planification
urbaine en vigueur dans l’ensemble du pays. Cependant, cette
voie qui est à même de donner des idées qui ne seront pas sans
effets, reste difficile à généraliser, puisqu’il s’agit de modèles

223
prêt à porter qui ne sont pas faits pour couvrir toutes les
attentes des villes et de leurs populations.
Ces différents exemples développés indépendamment les uns des
autres, ont démontré que les alternatives à la planification urbaine se
sont multipliées sans bénéficier des conditions nécessaires pour
s’imposer comme de véritables alternatives qu’elles ne sont pas faites
pour assurer.
Conclusion
En somme, le Maroc qui a subi un système de planification urbaine
imposé et introduit pour servir les intérêts de l’administration du
protectorat, n’a pas fait ce qu’il faut pour réadapter ce système à ses
propres besoins. La vision de l’urbanisme comme un ensemble de
techniques et de stratégies que les administrateurs marocains ont
assimilé a consacré la reproduction d’un système qui a toujours besoin
d’être réadapté aux spécificités naturelles, sociales, et culturelles du
pays. Ce qui ne veut nullement dire refuser les apports de l’universalité,
mais veut surtout dire réadapter tout emprunt aux exigences du pays.
La persistance à reproduire le même modèle a fait du Maroc un
véritable prisonnier d’une même source d’inspiration qui devient
bloquante en fin de compte, dans la mesure où ce système contribue
largement à l’alimentation de crispations de différentes natures. Ainsi
l’essentiel des dysfonctionnements de la planification urbaine s’origine
dans l’importation de solutions prêts à porter qui ne sont pas toujours
faites pour répondre adéquatement aux attentes du pays.
En effet, les divergences de finalités inhérentes à des solutions
développées sous d’autres cieux pour d’autres situations urbaines, ne
sont pas à bannir si elles sont prises pour de simples sources
d’inspiration pour développer des solutions collant de plus prêt à la
réalité marocaine. Par contre la multiplication des recours
systématiques aux expériences étrangères comme sources de solutions
n’a fait que multiplier les contradictions et les crispations qui bloquent
le développement d’un système de planification équilibré et homogène.

Bibliographie
- ASCHER F ; et GIARD J . (1975) Demain la ville ? Urbanisme et
politique, Editions Sociales, Paris 254 p.
- BAILLY AS. et al : Stratégies spatiales. Comprendre et maîtriser
l’espace, Pub. Reclus, Montpellier, 1995, 216 p.
- CHOUIKI M. (2012) Le Maroc face au défi urbain ; Quelle
politique de la ville ? Ed. Dar Ettaouhidi, Rabat, 2012, 150 p.
- CHOUIKI M. (2017) Un siècle d’urbanisme. Le devenir de la
ville marocaine, Pub. L’Harmattan, Paris, 256 pages
- LACAZE J-P (1979) Introduction à la planification urbaine, Ed. du
Moniteur, Paris
Mustapha CHOUIKI

224
CHAPITRE 16 : LA PLANIFICATION URBAINE AU
MAROC FACE AUX NOUVELLES TENDANCES DE
L’URBANISME

En tant que pays de longue histoire urbaine, le Maroc dispose d’une


armature urbaine traditionnelle assez étoffée et d’un savoir-faire
ancestral qui n’est pas des moindres. Cependant, il se retrouve
actuellement confronté à des problèmes urbains de différents ordres.
Ce qui érige la problématique urbaine au rang de point focal de la
question du développement dans sa globalité.
Ayant pour mission fondamentale la mise en cohérence territoriale des
villes et des interventions sectorielles en milieu urbain, la planification
urbaine moderne s’est attelée depuis l’époque du protectorat à
produire des espaces urbains et à forger des paysages selon des normes
dites universelles. Le système de planification urbaine en place qui
constitue la pierre angulaire de l’urbanisme en vigueur constitue en lui-
même un moyen de prospection du devenir urbain de l’ensemble du
pays, et un support de taille de la vision stratégique qu’il véhicule.
Ainsi, tout le système de planification urbaine est par principe au
service d’une politique se déclinant de manière stratégique. Cette
mission qui n’a pas beaucoup évolué depuis plus d’un siècle, se
retrouve confrontée à de nouvelles exigences urbaines, à des attentes
de plus en plus ramifiées et à des contraintes croissantes.
L’urbanisme qui ne s’occupe pas uniquement de la ville en tant
qu’espace construit, mais également en sa qualité de lieu produit par
des hommes et d’une société inscrite territorialement, est indissociable
des différentes formes de pouvoir qui chapeautent la gestion et
l’évolution de tout espace urbain.
Pour ce, l’examen des tendances de toute production urbaine et de
toute forme de l’urbanisme mise en œuvre, ne peut faire l’impasse des
tenants et des aboutissements des phénomènes urbains en tant que
réalité concrète et comme expression de choix et de visions mobilisés
en rapport avec des intérêts explicites et/ou implicites. Dans ce sens,
l’exploration des tendances de l’évolution de l’urbanisme au Maroc ne
peut être fructueuse en se réduisant aux seuls faits concrets et aux
manifestations matérielles du phénomène urbain. Autrement dit,
l’objet de l’urbanisme et de ses tendances qui ne sont pas uniquement
matériels incitent à scruter la réalité urbaine dans toutes ses
dimensions et ses implications.

225
1 – FORCES ET FAIBLESSES DE LA PLANIFICATION URBAINE
AU MAROC

A l’instar de l’urbanisme français, la version transférée au Maroc s’est


contentée de mettre en exergue les seuls aspects techniques et
matériels de la ville comme éléments de base depuis la conception
jusqu’à l’évaluation si cette dernière est envisagée. Cette façon de
vulgariser l’urbanisme permet toujours de succomber à des évaluations
positives puisqu’il est question d’appréciation de réalisations
techniques où la beauté des apparences l’emportent apparemment sur
les faiblesses de quelle nature soient-elles. De ce fait, l’urbanisme tel
qu’il a été expérimenté jusqu’ici au Maroc, s’est toujours voulu comme
indifférent aux théories, aux intérêts et aux approches spatialistes
modélisatrices qui l’animent, arrive ainsi à mettre en valeur ses seuls
atouts que représentent les apparences urbaines et le fonctionnement
utilitaire de l’espace. En vue de réussir dans sa mission séductrice, cet
urbanisme est cristallisé de manière segmentée, à travers des projets
isolés qui mettent en concurrence les apports de nombreux
concepteurs et fructifient les créations architecturales des apparences.
De ce fait, les atouts de cet urbanisme se réduisent à la morphologie et
aux paysages. Autrement dit, les forces de l’urbanisme tel qu’il a été
hérité du protectorat se ramènent aux apports de l’architecture
beaucoup plus qu’à ceux de l’urbanisme. En conséquence, les avancées
inscrites sur le compte de l’urbanisme sont au fait celles de tout
l’environnement urbain où interfèrent les apports de nombreuses
techniques et acteurs de différents horizons. C’est ce qu’explique la
focalisation des avancées urbaines autour des fonctions urbaines, et le
cadre matériel de la ville qui ne relèvent pas de l’urbanisme seul. Par
contre, la maîtrise de la croissance urbaine où interfèrent les
compétences de l’urbanisme et de la gestion politique des villes
constituent des domaines où se cristallisent et se multiplient les
défaillances de l’urbanisme.
D’autre part, les villes qui ont, depuis toujours, constitué le champ
privilégié de mise en valeur des réalisations des pouvoirs politique,
économique et religieux, se sont érigées durant l’époque moderne au
rang de premier terrain de manifestation de la modernisation de tous
les pays. Ce qui souligne l’implication accrue de l’urbanisme dans les
affaires politiques des Etats modernes et la mainmise soutenue des
gouvernements dans la gestion de l’urbanisme. De ce fait, l’urbanisme
évolue et se renouvelle sous l’influence du pouvoir politique et en
rapport avec la croissance du poids de la sphère économique qui
bénéficie en premier des avancées de l’urbanisme. Par conséquent, la
reproduction des principaux repères urbains comme symboles du
pouvoir est là pour en témoigner. Ainsi, l’urbanisme s’attèle à produire
et reproduire la ville, avant tout, comme un élément d’un système

226
urbain au service d’un pouvoir. L’intérêt croissant des bailleurs de
fonds internationaux aux villes témoignent de la convergence des
intérêts politiques et économiques.
Le rôle des villes dans la régulation des dynamiques sociales et dans la
gestion des dysfonctionnements sociétaux ont amplifié le recours à
l’urbanisme pour contrôler l’évolution sociale et privilégier les
tendances favorables au maintien des équilibres et systèmes en place.
La multiplication des problèmes et des risques sociaux et l’émergence
des incertitudes quant au devenir et aux rôles des villes accroissent le
recours à l’urbanisme comme moyen de gestion urbaine et sociale.
Autrement dit, consacrer l’urbanisme comme laboratoire de nouvelles
politiques urbaines, à travers le façonnement de nouveaux contextes
d’encadrement sociétal.
Ainsi, le système de planification urbaine constitue un important
vecteur d’enrichissement de la politique urbaine par l’apport d’une
valeur ajoutée par le biais des enseignements dégagés par les
différentes études de cas qui sont à même de consolider les acquis et
de les fructifier par le biais de visions réadaptées à des situations
particulières.
Cependant, la planification urbaine n’est pas arrivée au Maroc à
développer une articulation opérationnelle entre les différentes
stratégies de développement global et la stratégie de développement
urbain. Comme elle n’est pas arrivée à alléger le poids du coût social
d’une urbanisation foudroyante et d’un urbanisme déphasé par rapport
aux exigences de la réalité urbaine.
De même que son rôle de vecteur de lutte contre l’insalubrité et la
pauvreté urbaines, conformément aux objectifs du Développement du
Millénaire faisant de 2020 une échéance planétaire ne s’est pas avéré
conséquent.
Au Maroc, la planification urbaine n’a pas pu faire des documents
d’urbanisme une plateforme pour une approche intégrée des différents
dysfonctionnements urbains, érigeant tout projet en une affaire de tous
les partenaires et acteurs urbains, dans la mesure où elle n’a pas pu,
accroître l’opérationnalité et la performance des documents
d’urbanisme, par la mise en place de nouveaux mécanismes et de
nouvelles procédures de mise en œuvre et de suivi. Sa faible
contribution en matière de limitation des effets néfastes et négatifs de
l’urbanisation non réglementaire, et de structuration et de
fonctionnalisation des espaces urbains, s’ajoute à son faible apport en
matière d’urbanité, pour amoindrir son bilan global.
Sa faible contribution en matière d’accroissement des performances de
la politique urbaine se cristallise essentiellement à travers son
incapacité à faire sortir l’intervention publique du cercle vicieux de
l’urbanisme de rattrapage couteux et ne donnant satisfaction à aucun
des acteurs urbains. Ses faiblesses en matière de régulation de la

227
croissance urbaine spontanée compromettante pour le présent, et
porteuse de dysfonctionnements et de déficits difficiles à rattraper et à
juguler l’avenir, ne permettent pas d’optimiser son rôle de cadre
référentiel pour la production de l’espace urbain, et en tant
qu’expression d’une politique urbaine réellement efficace.
Le tout réduit la contribution de la planification urbaine dans l’œuvre
de modernisation du pays ainsi que dans le processus d’ouverture à
l’international.
L’urbanisation n’a cessé de démontrer son caractère de réalité
mouvante difficile non seulement à maîtriser mais avant tout à
saisir. Le Maroc aujourd'hui avec 65% de citadins, (75% en 2030) n’est
pas en mesure de :
- Avoir un tableau de bord permettant d’encadrer chaque
intervention en milieu urbain ;
- Relever le défi de l'urbanisation ;
- Juguler la crise urbaine :
- Maîtriser les mutations urbaines ;
- Rendre la gestion urbaine plus performante ;
- Disposer d’une boite à outils pour la lutte contre les
dysfonctionnements urbains ;
- Renforcer le caractère stratégique de l’urbanisme ;
- …
SYNTHESE DES FORCES ET FAIBLESSES DE LA
PLANIFICATION URBAINE

FORCES

- Institutionnalisation de la réglementation de la fabrication urbaine ;


- Maîtrise plus ou moins effective de la fabrication des villes ;
- Normalisation des logiques et des principes de la gestion urbaine ;
- L’urbanisme devient une affaire de tous et la ville au centre de la vie des
Marocains ;
- Recours aux documents d’urbanisme comme principale référence
urbanistique ;
- Consécration des institutions chargées de la gestion de l’urbanisme ;
- Consécration de la lutte contre l’habitat insalubre comme question
nationale ;
- Consécration de la production de l’habitat comme souci majeur du pays ;
- L’affichage de la rationalité comme premier principe de la fabrication
urbaine ;
- La planification urbaine fait de presque toutes les villes des chantiers en
projet nourrissant les espoirs de lendemains meilleurs ;
- La planification urbaine a renforcé la ville comme une affaire de l’Etat et un
enjeu central en matière de développement socioéconomique du pays ;

228
- La planification urbaine a renforcé sa position de support de taille pour
l’accompagnement des projets de développement et des réformes
lancées ;
- La plus-value la plus précieuse de la planification urbaine est d’avoir
prouvée que la réalité urbaine au Maroc ne cesse de se complexifier et
dont l’avenir présente plus d’incertitudes que de chemins balisés ;
- La planification urbaine a consacré la nécessité des apports de l’Etat à tous
les niveaux du développement urbain ;
- Elle a également démontré que le développement urbain constitue un
chemin incontournable du développement humain.

FAIBLESSES

- Dévalorisation de la politique urbaine ;


- Faible mise en valeur des documents d’urbanisme ;
- Faible impact en matière de maîtrise de l’urbanisation non réglementaire ;
- La crise urbaine reste manifeste et se positionne comme caractéristique
saillante de presque toutes les villes ;
- Les activités informelles font de la résistance et gagnent partout du terrain ;
- Une urbanisation qui reste hors normes sur de nombreux plans ;
- Des mégas projets échappant au système de planification urbaine ;
- Impact socioéconomique limité de la planification urbaine ;
- Un marché foncier évoluant hors de la planification urbaine ;
- Faible portée stratégique de la planification urbaine ;
- Complexité des procédures et des circuits techniques et administratifs ;
- Accroissement de la pression sur les villes et les sols urbains ;
- Le décalage entre la planification et l’exécution des projets reste consistant
- Le système de planification urbaine reste handicapé par les effets de la
bureaucratie et des divergences entre les départements étatiques dont
dépend la réalisation des projets urbains ;
- La planification urbaine n’assure pas totalement les soucis de modernité
qui lui sont confiés :
- La planification urbaine n’a pas atténué la vulnérabilité du système urbain ;

En principe, le système de planification urbaine constitue


théoriquement un cadre de référence stratégique visant à
opérationnaliser la politique urbaine et à la réadapter au processus
d’urbanisation et aux exigences de son redéploiement territorial.
Dans les faits, c’est par le biais de la planification urbaine que le pays
ajuste régulièrement son système urbain, encadre ses dynamiques
urbaines, consolide ses pôles urbains structurants, promeut de
nouvelles polarités urbaines, maîtrise la croissance des agglomérations
urbaines, s’attaque aux dysfonctionnements urbains à toutes les
échelles, maîtrise le renouvellement de ses villes, régule les impacts de
l’évolution du contexte local et national sur le processus
d’urbanisation, développe les mécanismes de concertation sur le

229
devenir urbain du pays… Cependant, ce système ne cesse d’être remis
en cause et mis en difficulté.

2 – VERS LA FIN DE l’ETAT PLANIFICATEUR ?

La montée en puissance des promoteurs privés dans la fabrication


urbaine, y compris dans les villes nouvelles initiées par l’Etat,
constitue – t – elle le signe d’une nouvelle forme de concession
urbaine, accordant au secteur privée un rôle croissant en matière
de conception et de production des territoires urbains ?
2- 1 Est-ce la fin du keynésianisme marocain ?
Si oui, le rôle que joue l’Etat en matière de confection des
mégaprojets urbains, et de configuration future du système urbain,
relève - t - il d’une nouvelle forme de subordination de l’Etat aux
intérêts du capital ?
Cependant, malgré l’accentuation du caractère économique de la
fabrication urbaine, et en dépit des avancées du secteur privé, cette
dernière conserve son caractère politique à travers sa vocation
stratégique et sa portée sécuritaire pour ne pas être concédée
totalement ou en grande partie aux promoteurs privés.
L’évolution en cours se fait sous le signe de l’association entre
secteur public et secteur privé, tout en permettant à l’Etat de
préserver son rôle de maître du jeu.
La tendance à vouloir introduire de plus en plus de souplesse dans la
fabrication urbaine et de raisonner de plus en plus en termes
d’incertitude, convergent vers la réduction du rôle de l’Etat. Ce rôle qui
se focalise autour de l’organisation de la fabrication et de l’extension
des villes et sur la modernisation du pays cherche à faire plus de place
au secteur privé dans ces missions consacrées depuis longtemps
comme relevant de la sphère publique. Il s’agit ainsi de la révision d’un
système fondé sur une certaine prévisibilité du futur.
La modification des attitudes des acteurs privés en rapport avec le
retour en force du néolibéralisme a conduit l’Etat à inscrire
l’urbanisation dans une forte imprévisibilité et un affaiblissement de la
certitude dans la programmation et l’action publique. A défaut de
continuer à répondre aux attentes urbaines, l’Etat prône « la bonne
gouvernance ». La production et l’équipement urbains deviennent
faiblement coercitifs. Une recomposition de l’intervention de l’Etat se
met en place. Dans ce sens l’Etat tente de partager sa vocation de
leadership urbain avec des acteurs privés dont les mobiles sont aussi
nombreux que divergents. Ce qui fait passer la production urbaine
postkeynésienne de la position de vecteur de développement urbain à

230
celui de moyen de renforcement de la symbolique du capital. Ce qui se
traduit par l’aggravation des tensions et contradictions spatiales. La
ville devient essentiellement une affaire immobilière juteuse en
rapport avec l’élargissement de la sphère d’influence privée.
L’impact du virage postkeynésien sur la Maroc a été inauguré par les
schémas directeurs des grandes villes élaborés au cours des années 80.
Dans ce sens, le SDAU de Casablanca de 1985 a réduit les grandes
artères des quartiers périphériques, a revu à la baisse la production des
zones industrielles et a ouvert la voie au transfert de l’industrie vers les
espaces périurbains sans encadrement urbanistique des
délocalisations. La liberté d’urbaniser les couronnes rurales de la
métropole a ouvert la voie à la prolifération des lotissements et des
ensembles résidentiels tout à fait à l’encontre des dispositions du
SDAU.
Cependant, cette brèche ouverte en matière de planification urbaine ne
s’est pas traduite par un désengagement net et complet de l’Etat, dans
la mesure où le pouvoir marocain a conservé certaines de ses
prérogatives pour ne pas perdre son droit de regard sur le processus
d’urbanisation et ses moyens de régulation des dynamiques sociales.
2 – 2 De l’utopie étatique à une utopie partagée
Si l’Etat marocain, à travers ses articulations actuelles et soucis
présents, ne peut entreprendre un désengagement très poussé de la
production et de la gestion du phénomène urbain, il ne peut non plus
continuer à programmer comme par avant ses interventions et ses
implications urbaines. Ce qui revient à dire que s’il n’est pas question
d’abandonner complétement la planification urbaine, il n’est pas non
plus question à continuer à planifier comme au paravent. Autrement
dit, la planification urbaine doit être réadaptée ou même corrigée pour
épouser les logiques du temps et les exigences des nouveaux équilibres
en place.
Si la planification urbaine doit mettre de côté certaines de ses
caractéristiques originelles, elle doit par contre procéder à une
redéfinition plus stratégique de ses objectifs qui doivent se focaliser
dorénavant sur le moyen et le long terme.
Le « néo-urbanisme » qui se donne pour vocation d’appréhender la
ville de manière segmentée et de solutionner les dysfonctionnements
urbains au cas par cas, ne conçoit plus la planification urbaine en tant
que globalité. L’urbanisme ne doit pas non plus oublier de prévoir à
l’avance les situations dans lesquelles va se trouver la ville. C’est une
exigence de toute vision stratégique et de toute gestion urbaine se
voulant pertinente et efficace. Autrement dit, l’Etat ne doit plus cesser
d’être utopique et visionnaire, sinon il se condamne à la stérilité
politique.

231
En vue de réussir dans sa mission de montage de partenariats de plus
en plus nombreux et variés qu’exige la nouvelle conjoncture urbaine
libérale, l’Etat doit renforcer son système de mobilisation des acteurs,
autour de visions et de projets percutants et convaincants de l’avenir.
C’est dire ne pas perdre de son utopie qu’il doit être capable de
partager. Ce qui revient à reproduire l’effort de faire rentrer la réalité
urbaine dans des visons préétablies, négociées et partagées. Ainsi le
néo-urbanisme oblige l’Etat à faire une large place aux compromis.
Autrement dit, l’urbanisme qui a toujours su s’adapter à l’évolutivité
des villes doit également intégrer l’évolution de la conjoncture et des
exigences des acteurs urbains. On ne peut traiter une réalité en
évolution de plus en plus rapide dans le cadre d’approches faites pour
des époques révolues. Le poids croissant des logiques privées impose
également une attention plus ample aux intérêts économiques, sans
oublier les équilibres qu’exigent les rapports entre les différentes
composantes de la vie urbaine.
L’Etat doit changer et dicter à ses partenaires privés de changer aussi.
L’urbanisme comme toutes les disciplines s’attelant à solutionner les
problèmes de la société dans leurs déploiements matériels, incite à plus
de concertation entre des partenaires nombreux et des acteurs n’ayant
pas toujours des objectifs concordants. Cependant cette évolution ne
peut se faire loin de toute vision stratégique, que l’Etat seul est à même
d’avoir et d’entretenir.

3– QUELLE VILLE DE DEMAIN POUR LE MAROC ?

3 – 1 Le Maroc doit-il réinventer dès maintenant sa ville de


demain ?
Les villes sont de plus en plus déstabilisées par une mondialisation
reproduisant l’incertitude à tous les niveaux. Ce qui laisse entrevoir une
ville de demain où rien n’est plus certain. Dans un pareil contexte,
l’utopie prend le dessus en matière de prévision de l’avenir en termes
de modèles clairs et bien définis.
Cette grande ouverture sur l’incertain est voulue comme une chance
pour l’émergence d’une « ville créative » où aucun modèle de
développement urbain n’est retenu comme généralisable, au même
titre que l’utopie sans limites promue par les stratégies du marketing
urbain. Cette tendance « commercialise » une nouvelle vision de la
ville de demain où les réalisations grandeur nature ne correspondent
pas toujours aux projets retenus. Les transformations urbaines
produites dans ce contexte sont valorisées par le marketing urbain et
deviennent même des moyens de vendre la ville dans sa globalité. La
revalorisation spatiale et paysagère devient un objectif en soi, pourvue

232
qu’elle fait la promotion des acteurs de la gestion urbaine et qu’elle
véhicule une vision du futur de la ville différente de la réalité en place.
Dans de nombreux cas, il s’agit plus de tendances perceptibles dans les
discours que de changements concrètement tangibles, mais qui sont
malgré tout transformées en valeur ajoutée pour la ville et sa
population.
L’urbanisme néo-libéral déploie ainsi ses logiques urbaines faisant de
la ville un moyen de valorisation de nouveaux principes de
rentabilisation économique dans le cadre d’un nouvel ordre idéal.
Ainsi, les principes de la ville fonctionnaliste de la Charte d’Athènes,
sont-ils de plus en plus remplacés par d’autres à caractère utopique,
visant à promouvoir des discours beaucoup plus que l’ensemble du
système libéral. La ville devient apparemment une « coquille vide » sur
le plan doctrinal, quoiqu’elle développe certaines inspirations
culturalistes, en devenant beaucoup plus une vision culturelle qu’une
réalité palpable.
Cette évolution que le Maroc n’a pas encore bien assimilé, crée un
nouveau contexte qui semble intéresser de nombreux spécialistes de
l’urbanisme, sans pour autant prendre le dessus sur les pratiques
héritées du passé. Cependant, cette tendance qui donne déjà à réfléchir
peut dans le meilleur des cas se décliner en un processus de réinvention
progressive de la ville marocaine.

3 – 2 Quels principes pour l’urbanisme de demain ?


Un peu partout dans le monde où la ville est de plus en plus
commercialisée en détail, elle n’obéit plus dans sa globalité aux mêmes
principes. Le libéralisme dans ce domaine s’adosse à des principes
aussi variés que les intérêts en présence.
L’Etat marocain est de plus en plus attiré à jouer sur le terrain de
l’urbanisme libéral à travers ses avancées dans la tendance de la
fabrication des villes par des projets et de moins en moins de plans.
Cependant, cette tendance est encore focalisée autour de
« mégaprojets ». L’ouverture de la production du logement social au
secteur privé à travers de grands projets semble pour l’instant plus
dictée par son caractère de solution à une crise que par la vision qui la
sous-tend.
Le principe de la souplesse qui garnie actuellement presque tous les
discours sur la planification urbaine, et qui est pour beaucoup dans
l’ampleur prise par la dérogation, cache mal un autre voulant « moins
d’Etat et plus de privé ». Ce que certains traduisent par « moins de
contrôle et plus de liberté ». Cependant cette ouverture ne semble pas,
pour l’instant mener vers une négation de la législation et de la
réglementation, mais plutôt à des contrats entre acteurs urbains, et à
des compromis qui ne remettent pas en cause le rôle et le poids d’un
Etat omniprésent.

233
Il est certain que la diversité de la vie sociale et la variété des situations
que recèle cette tendance peut être tentante pour l’Etat, mais il est
encore inconcevable de programmer l’avenir du Maroc sans aucune
régulation politique du projet de société marocaine. Il est tout aussi
certain que la ville marocaine sera de plus en plus ouverte à plus de
visions et de tendances, puisque la variété des modes de vie urbains est
à même de favoriser et de façonner l’individualisme, et de conduire
vers la diversité des intérêts.
L’Etat marocain qui a du mal à aller plus loin dans le processus de
décentralisation et de déconcentration est-il prêt à fabriquer des villes
selon le modèle économique qui ne fait plus de place au modèle social ?
Autrement dit, le Maroc qui a pris beaucoup de temps à mettre en
œuvre les nombreuses réformes et projets mis au point, est-il prêt à
céder un champ d’action aussi stratégique que l’urbanisme à l’initiative
privée ?
Ce qui est certain, est que la réalité actuelle qui est celle de l’incertitude
généralisée fait que l’incertitude de la conjoncture, est au fond une
incertitude partielle des principes qui n’est pas faite pour être générale.

4– VERS OU TEND LA PLANIFICATION URBAINE AU MAROC ?

Si l’on doit défendre la planification urbaine en tant qu’exigence d’un


urbanisme cohérent et maîtrisé, ceci ne doit pas conduire à contraindre
l’urbanisme à un quelconque conformisme ou conservatisme,
notamment quand il s’agit d’ouverture sur des nouveautés et des
réaménagements nécessaires pour un avenir urbain meilleur. Ce qui
est de nature à faire du changement un moyen permettant à
l’urbanisme de sortir des solutions standardisées et stérilisantes et
s’ouvrir sur des améliorations continues du cadre de vie en milieu
urbain.

4– 1 Concevoir la planification urbaine en tant que système


complexe
La réflexion en termes de système est de nature à permettre l’ouverture
sur une nouvelle vison où tout est complémentaire et s’articulant
autour des mêmes objectifs. Ce qui est à même d’accompagner les
réformes en cours en hissant l’urbanisme au rang de porteur d’une
contribution significative au développement urbain, à la maitrise de
l’urbanisation et au développement global du pays.
Cette réflexion passe par :
- Plus de complémentarité et de cohérence entre les différentes
composantes de ce système ;
- Plus de transversalité entre les politiques publiques ;

234
- Plus de cohérence entre les interventions en matière d’urbanisme ;
Autrement dit, ce système doit être ouvert et non fermé pour plus
d’adaptabilité et de flexibilité.
Son fonctionnement et son efficacité dépendent de sa capacité à rester
centré autour de fondamentaux solides et de pouvoir intégrer les
innovations nécessaires à pouvoir suivre l’évolution de la réalité.
Ainsi, la maitrise de l’urbanisation doit désormais se faire non pas sous
l’angle, exclusif, de l’urbanisme tel qu’il est pratiqué depuis plus d’un
siècle, mais en termes de développement urbain dans le cadre d’une
nouvelle politique urbaine adossées à des réflexions devant être
conduites sur :
9 Des formes de croissance urbaine plus ou moins conformes aux
engagements internationaux du pays ;
9 Des institutions, des acteurs et des moyens financiers pour une
nouvelle gouvernance urbaine ;
9 L’articulation de l’urbanisme, à la fois, aux politiques publiques
et aux stratégies des acteurs privés ;
9 Des modalités et des moyens institutionnels et juridiques
reproduisant la maitrise de l’urbanisation ;
9 Le financement et la maitrise des ouvrages de l’urbanisation ;

A l’arrière-plan de la future problématique de la planification urbaine


se dresse déjà le profil d’un certain nombre d’idées s’assimilant à des
indications pouvant renseigner sur le profil vers lequel tend le système
en place ;
- L’approche qui se dessine ne semble pas relever d’une simple
réadaptation d’un savoir-faire universel, mais bien plus d’une prise en
compte de l’environnement institutionnel, politique, économique et
socioculturel du pays et de ses engagements internationaux accrus ;
- Mettre en place un système comme un ensemble plus ou moins
cohérent et adapté au contexte marocain, avec un nouveau
repositionnement des acteurs urbains. Ce qui revient à viser une
planification urbaine de compromis.

4 – 2 La refonte de la planification urbaine doit s’inscrire


dans une réforme plus élargie
A la lumière des changements intervenus à l'échelle mondiale, il n’est
plus à démontrer que l’urbanisme doit être appréhendé, avant tout, en
termes de réformes. Et ce, en rapport et conformément aux processus
des changements qui traversent la société et l’ensemble du pays.
Dans ce sens, les compromis territoriaux sont à rechercher en
profondeur entre les villes et leur environnement périurbain, pour
permettre à la planification urbaine d’être multi-territoriale dans le
sens d’une recherche de complémentarité entre chaque ville et ses
marges externes, en vue d’anticiper les extensions urbaines et les

235
dérapages à même de compromettre l’unité des villes et l’homogénéité
de leur fonctionnement. Ce qui conduirait vers des villes de compromis
et vers la recherche de nouvelles stratégies urbaines.
La rapidité accrue du rythme de l’urbanisation et de prolifération des
dysfonctionnements urbains, implique une autre sur le plan de la
réactivité des pouvoirs publics. Aussi, n’est-il plus permis d’attendre
face à des phénomènes qui remettent rapidement en causse tous les
équilibres en place.
Cette nouvelle vision de la planification urbaine qui s’inscrit donc à
l’opposé des pratiques dominantes prône l’efficacité de la gestion
urbaine, l’intégration économique et l’équité sociale, en vue d’un cadre
urbain durable et de qualité.
C’est dire, l’importance de l’intégration du système de planification
urbaine dans le cadre d’une stratégie urbaine globale et cohérente,
puisque même la Fédération Nationale des Promoteurs Immobilier
(FNPI) ne voit plus d’un mauvais œil une planification indicative.
Cette refonte aura ainsi pour ultime objectif de recentrer la politique
urbaine qui se doit d’être une occasion pour la capitalisation des
multiples programmes sectoriels.
Cette nouvelle vision de la planification urbaine se doit d’être axée
autour de principes forts notamment, en matière de concertation, de
contractualisation, de décentralisation, d’évaluation et de suivi des
documents et programmes d’urbanisme. Autrement dit, elle doit se
traduire par une évolution de son référentiel de base.
Depuis trois décennies, le domaine de l’urbanisme a fait l’objet d’un
certain nombre de réformes sectorielles, qui n’ont pas bénéficiées
jusqu’ici de l’effort nécessaire en matière de coordination et
synchronisation, notamment à travers :
x La charte Nationale de l’Aménagement du Territoire : En
faisant de la maîtrise de la croissance urbaine et de l’insertion
dans le processus de la mondialisation, des défis prioritaires du
pays, cette charte donne à la question urbaine son véritable
poids de levier majeur en matière de développement
économique et social.
x Le SNAT qui a fait ressortir un certain nombre de traits
saillants de la crise urbaine, a insisté beaucoup sur l’importance
de la structuration, le fonctionnement et l’optimisation de la
valorisation des ressources nationales.
Le développement économique et social des villes y est même
érigé au rang d’outil pour palier à leurs dysfonctionnements,
afin qu’elles puissent jouer, pleinement, le rôle de véritables
locomotives économiques.
x La SDU fondée sur le « nécessaire changement de perspective
face au pari urbain», a été voulue comme une autre manière
d’aborder la question du développement économique, social et

236
spatial de la ville. Comme complément de la planification
urbaine, elle a été déclinée sous forme d’un plan d’action visant
à améliorer la gouvernance, accroitre l’investissement,
développer l’emploi et les services. . .
x Le projet de Code de l’Urbanisme : qui se veut une loi cadre,
tout en consolidant les acquis historiques, introduit une
redéfinition des dispositions relatives à la gestion de l’acte
d’urbaniser, tout en définissant les relations entre les différents
intervenants dans le domaine de l’urbanisme.
x Le Rapport du Cinquantenaire : Ce bilan de 50 ans
d’indépendance, constitue une source de taille en matière des
réalisations et des rendez-vous ratés.
C’est donc, un bilan d’étape qui doit donner à réfléchir et pris
en compte pour dessiner le profil urbain du Maroc de demain.
x Les textes législatifs de base en vigueur en matière d’urbanisme
et d’habitat notamment :
- La loi n°12-90 relative à l’urbanisme
- La loi n°25-90 relative aux lotissements, groupes
d’habitations et morcellements ;
Les projets en instance
- Projet de loi n°04-04 édictant diverses mesures en matière
d’habitat et d’urbanisme ;
- Projet de loi n°42-00 relatif à l’orientation de l’urbanisation
- Projet de décret portant approbation du règlement général
de construction applicable à l’habitat social.
Toutes ces initiatives à caractère juridique et réglementaire ne sont pas
arrivées à se traduire par une réforme à même de revoir la conception
et la pratique de la planification urbaine. Et ce, au moment où
l’urbanisme libéral ne cesse de démontrer son incapacité à faire face
aux fausses évidences conjoncturelles, à maintenir les équilibres
nécessaires à une urbanisation capable de surmonter les crises et de
répondre à la multiplication des enjeux urbains. Ce qui exige à
s’orienter vers une réforme de la politique et de la planification
urbaines.
Le Maroc qui a opté, au cours des dernières décennies, pour une plus
grande ouverture du secteur de l’habitat à la grande promotion
immobilière, a gagné beaucoup sur le plan de l’offre de logements.
Cependant, ce gain ne s’est pas toujours fait sans dysfonctionnements
structurels et réglementaires. Il importe actuellement de remettre de
l’ordre dans cette situation, avant que les évolutions en cours
n’engendrent des situations irrémédiables. Une rectification du tir
s’impose.
Ces dysfonctionnements qui ont trop perduré pèsent lourdement sur le
fonctionnement et le devenir de nos villes considérées, à juste titre,

237
comme des locomotives de la croissance socioéconomique de
l’ensemble du pays.

4– 3 Vers un renouvellement de la politique urbaine


Une nouvelle politique urbaine, en phase avec l’ampleur des enjeux
urbains tels qu’ils s’expriment actuellement, s’impose, en raison de
l’incapacité du mode de gestion urbaine en vigueur à répondre à la
demande croissante du pays, dans presque tous les domaines.
La réforme de la politique urbaine se doit de se pencher, entre autres
sur d’autres questions comme celle de l’unité de la ville perdue par de
nombreuses agglomérations et qui reste à retrouver. Elle se doit
également de donner lieu à un cadre de référence stratégique
permettant de dessiner la politique urbaine de demain. En plus
l’encadrement des structures en charge de l’urbanisme est à réinventer.
Les différents constats élaborés par les documents référentiels mettent
en évidence une réalité qu’il n’est plus permis de masquer, que reflète
les résultats peu probants des efforts déployés jusqu’ici :
x Multiplication des tentatives de dépassement de la politique de
rattrapage, par des initiatives de régulation urgente de certains
dysfonctionnements et l’anticipation des évolutions en cours ;
x Une attention toute récente à la question du renouvellement
urbain, qui reste encore timide et mérite d’être développée ;
x Une mise à niveau urbaine qui s’est avérée insuffisante dans des
villes très marquée par une déficience urbaine presque
générale ;
x Une planification urbaine à répétition et n’arrivant pas à
s’imposer face au « fait-accompli » qui devient la règle ;
x Une réalisation des équipements partout inférieure aux
prévisions ;
x Une pénurie foncière érigée au rang d’une « psychose » qui
alimente la spéculation ;
x Un marché foncier opaque et évoluant en dehors de toute
intervention publique.
Evaluée à l’aune de ces dysfonctionnements, et tant d’autres, la
politique urbaine a besoin d’être réformée pour ne pas être acculée à
l’échec. Etant donné que les dysfonctionnements en question touchent
presque tous les aspects de la ville, la réforme ne peut se contenter de
quelques remodelages sectoriels.
Cependant, toute réforme à ce niveau doit tendre vers une nouvelle
conception de l’intervention publique urbaine, en prenant compte du
fait que cette intervention ne relève pas d’un seul département
gouvernemental. Son caractère partagé qui est tout à fait logique sur le
plan conceptuel, ne l’est pas dans la réalité, puisque les divergences se
sont tellement amplifiées, et qu’elles s’érigent en obstacles majeurs

238
pour toute planification efficace. Ainsi, toute réforme en matière de
planification urbaine exige de nouvelles structures et de nouveaux
canaux de convergence des informations et des décisions.
La concrétisation de l’engagement de l’ensemble des acteurs locaux
s’est focalisée jusqu’ici sur la seule implication des élus locaux, alors
que cette implication n’est pas totalement assurée au sein des
structures étatiques. Le cloisonnement des services extérieurs, les
difficultés de circulation des informations et les retards dans la
réalisation des prévisions des documents d’urbanisme sont là, pour en
témoigner. La bonne gouvernance tant prônée et recherchée concerne
également cet aspect de la gestion urbaine.
Ce constat dicte une nouvelle approche de la ville, de l’urbanisme et de
la politique urbaine.

Conclusion
En somme, l’évolution de la planification urbaine doit tendre vers une
contribution significative du renouvellement de l’urbanisme. Dans une
conjoncture de multiplication des incertitudes, il est peu certain de
dépasser la crise actuelle en condamnant la planification urbaine à la
disparition. Elle constitue un parechoc contre les risques et un moyen
d’éviter d’urbaniser à l’aveuglette. Ce qui revient à être plus attentif
aux risques de dérapages, et aux conséquences des croyances
conjoncturelles.
Toute déplanification aurait pour corollaire la perte de l’unité du
modèle urbain et des normes d’action urbanistiques. Ce qui est de
nature à condamner la légitimité et la pertinence de toute politique
urbaine, et priver la ville d’un « idéal urbain » qui lui donne vie et
stimule son évolution et sa créativité. L’urbanisme durable comme
concept et comme idéal ne prône-t-il pas d’abord la protection des
acquis et des équilibres en place ? La cohésion urbaine n’a-t-elle
constitué jusqu’ici un puissant vecteur de reproduction de cet idéal et
de ces équilibres et un solide levier de reproduction de la planification
urbaine comme art de faire la ville ?
Les tendances actuelles du néo-urbanisme de courir derrière une
fausse compétition des formes urbaines engendre des pertes énormes
au niveau de la qualité des modes d’urbanisation. Ce qui se traduit
beaucoup plus par des capitalisations au niveau des formes que des
contenus urbains. La réflexion urbanistique y gagne peu, étant donné
que l’urbanisme devient beaucoup plus une question de réflexe que de
réflexion.
La planification urbaine qui est avant tout une façon de penser
harmonieusement la production, la structuration et le fonctionnement
de tout espace urbain, doit être un vecteur de production d’une
urbanité s’inscrivant dans la continuité historique du fait urbain, tout
en répondant adéquatement à l’évolution des besoins des hommes. De

239
même que l’inscription des dynamiques urbaines dans les tendances
universelles ne doit pas se faire aux dépens de l’identité
civilisationnelle propre au territoire en cours d’urbanisation.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ASCHER F., 1995. Métapolis ou l’avenir des villes. Odile Jacob, Paris
BAILLY AS. et al : Stratégies spatiales. Comprendre et maîtriser l’espace,
Pub. Reclus, Montpellier, 1995, 216 p.
CHOAY F., De la ville à l’urbain. Urbanisme, Paris, 1999.
CHOUIKI M La ville marocaine ; Essai de lecture synthétique, Ed. Dar
Attaouhidi, Rabat, 2011
CHOUIKI M. Le Maroc face au défi urbain ; Quelle politique de la ville ? Ed.
Dar Attaouhidi, Rabat, 2012
CHOUIKI M. Un siècle d’urbanisme au Maroc. Le devenir de la ville
marocaine, Ed. L’Harmattan Paris, 2017
CHOUIKI M. (2017) La gouvernance urbaine au prisme de la planification
urbaine, in International Journal of Spaces and Urban Territory, Tunis,
n° 3, 2017, pp. 55-72
DRYEF. M. Urbanisation et droit de l’urbanisme au Maroc, Edition La
porte, et CNRS, Paris, 1993
GAUDIN J-P. (1997), Les nouvelles politiques urbaines, Presses
Universitaires de France, Paris

Mustapha CHOUIKI

240
SYNTHÈSE GÉNÉRALE

Cet ouvrage qui a pour ambition de porter un regard nouveau sur la


planification urbaine, en vue de dévoiler ses faiblesses et de mettre en
évidence ses atouts, a pris la posture d’une analyse de la situation de
l’urbanisme dans sa globalité.
L’interrogation de la planification urbaine, à travers les poids des
uns et des autres des différents acteurs, sur les différentes portées
de la fabrication urbaine et sur les rapports de ses fondements et son
impact sur la réalité urbaine a permis d’éclairer de nombreuses zones
d’ombre d’un domaine où les ambiguïtés constituent la caractéristique
majeure de la réalité urbaine.

1 – La planification urbaine est d’abord un acte global et


intégré

Les différents textes présentés ci-dessus par un grand nombre de


chercheurs et de professionnels concourent à souligner que la
planification ne se ramène pas à une simple question technique. Ses
aspects multidimensionnels et ses implications théoriques et pratiques
qui ne peuvent être séparés des autres aspects de l’évolution de
l’ensemble du pays, mettent en évidence le rôle de l’Etat stratège, en
matière de conception du devenir de la ville dans ses différentes
positions dans la société et l’ensemble du pays.
Le parcours de la planification urbaine que retrace cet ouvrage permet
de soutenir l’existence d’une discordance très nette entre l’évolution de
l’encadrement politique et juridique et le processus d’urbanisation du
pays. Le système de planification urbaine introduit au début du 20ème
siècle pour un pays de moins d’une trentaine de villes et ayant un taux
d’urbanisation ne dépassant guère 10 %, continue à être fonctionnel
sans changements notables, pour un arsenal urbain de près de 400
entités urbaines, et un taux d’urbanisation de plus de 60%. Ce sont là
deux niveaux de l’évolution du pays en flagrante discordance.
Au terme de la mise au point tentée tout au long de cet ouvrage se
voulant aussi complète que cohérente, il importe de reconnaître qu’elle
ne peut prétendre avoir épuisé tous les aspects de la problématique
étudiée.
Le fil directeur de ces différents textes consiste à exiger un projet de
requalification s’inscrivant dans une logique de valorisation et de
revitalisation du système toujours à l’œuvre, pour ouvrir la voie à de
nouvelles pistes de renouvellement et de réadaptation.

241
2 - La planification urbaine se doit d’avoir une valeur ajoutée
certaine

La mission de la planification urbaine ne se réduit pas à la seule


organisation spatiale, mais bien plus, puisqu’elle se doit d’être
porteuse d’une valeur ajoutée pour la société, la ville et l’ensemble
du pays.
Pour ce, tout acte de planifier ne peut s’imposer qu’en étant porteur
d’un projet de cadre de vie de qualité. Et c’est sur ce plan que
repose sa réussite et le plus qu’il doit apporter à l’échelle de la ville,
sur le plan qualitatif et quantitatif, à la fois. Cette valeur ajoutée peut
être schématisée comme suit :

2 – 1 Sur le plan quantitatif


La qualité urbaine en tant que valeur est revendiquée à tous les
niveaux :
- Une requalification généralisée des paysages urbains
La ville marocaine qui se caractérise par une hétérogénéité du cadre
bâti, l'éclatement de ses espaces urbains, et la carence notoire en
équipements publics, toutes catégories confondues, exige une
régulation constante et régulière des espaces et paysages urbains.
- Une intégration à toutes les échelles
Le développement de la ville, en tant que territoire dynamique et
fonctionnant d’une manière plurielle ne peut se faire en dehors d’une
vision intégrée et inscrite dans la durabilité. Vision qui exige une
intégration structurelle, fonctionnelle et urbanistique.
Pour être réussie, l’intégration doit également s’imprégner
globalement de la culture et du patrimoine local, au sein desquels elle
s’inscrit.
En somme, il s’agit de mettre en place les conditions nécessaires à
l’émergence de villes inclusives fonctionnant de manière plurielle et
bénéficiant d’une vision intégrée sur le plan structurel, fonctionnel et
urbanistique.
- Une maîtrise de la consommation des espaces naturels
Cette maîtrise passe, à la fois, par une conquête pondérée des nouvelles
zones à urbaniser, un renouvellement urbain rationnel, et une
promotion de la compacité des formes urbaines. Le processus
d’urbanisation actuel est donc à revoir, et c’est par la planification que
passe toute refonte spatiale à tous les niveaux.

2 – 2 Sur le plan qualitatif


La vie urbaine exige de plus en plus de qualité sur tous les plans :
- Une urbanité plus affirmée : La planification urbaine n’a de sens
qu’en se traduisant par une amélioration urbaine sur presque tous les
plans. Elle se doit de donner à chaque ville une urbanité mieux affirmée

242
et plus soignée, à travers des améliorations qualitatives significatives
du caractère urbain de la ville.
Elle doit ainsi s’atteler à façonner un cadre urbain sain, attractif, adossé
à une conception de qualité valorisante, des paysages de haute facture,
une ambiance sereine et sécurisée, une accessibilité aisée, une mobilité
fluide...
- Une ville globalement plus performante
La qualité urbaine n’est pas une fin en soi. Elle constitue plutôt un
moyen d’accroître les performances des espaces urbains, sur tous
les plans. Comme elle est un tout indissociable. Dans ce sens, les
fonctions économiques de toute ville ne peuvent enregistrer les
performances attendues sans être épaulées par des performances
sociales, et culturelles.
- Un cadre urbain sain
La planification urbaine ne peut apporter les résultats escomptés qu’en
se traduisant par un cadre de vie sain et favorable à la prospérité et à la
promotion socioéconomique. Dans ce sens elle doit se traduire par une
amélioration volontariste de l’ensemble des structures d’accueil qui ont
pour finalité d’offrir à la population le confort nécessaire à une vie
urbaine économiquement performante et socialement décente.
-Un repositionnement stratégique de la ville
Toute ville ne peut se faire prévaloir au sein des territoires
environnants que par son rayonnement, qui lui permet de renforcer ses
positions stratégiques.
Pour ce, elle doit disposer de tous les atouts nécessaires pour mieux se
positionner sur le plan relationnel, commercial, de prestation de
services... Face à la montée en puissance de la concurrence, la
planification urbaine doit doter chaque ville d’une stratégie de
requalification positionnelle bien ciblée.
- Une prise en charge plus vigoureuse de la question
environnementale
Toute ville a d’une manière ou d’une autre tendance à intensifier la
pression humaine sur le milieu naturel qui est sans cesse fragilisé. Ce
qui implique une prise en compte de cette fragilité dans tout le
processus d'urbanisation. La planification urbaine constitue dans ce
sens un passage obligé.

3 - Doit-on repenser la culture et la vision sous-tendant notre


urbanisme ?

Si tout le monde s’accorde à reconnaitre la situation de crise qui est


celle de l’urbanisme au Maroc, rares sont ceux qui poussent la critique
jusqu’à mettre en évidence ses origines culturelles. En effet,
l’urbanisme n’est pas une simple question technique, mais il est au
fond une affaire culturelle, dans la mesure où il est sous-tendu par une

243
culture qui est à la base des modèles concrétisés, alimentés par des
visons qui s’inscrivent dans des références culturelles et constituant un
domaine de mise en œuvre d’une symbolique urbaine cristallisant les
courants de pensée et les pratiques dominantes dans la société.
Dans les pays du Nord qui vivent actuellement au rythme d’un nouveau
virage de l’urbanisme se traduisant par un regain d’intérêt pour le
courant culturaliste, en rapport avec l’accroissement de la place de la
culture dans la fabrication urbaine et dans le fonctionnement des villes,
les villes étoffent leur capital symbolique et amplifient
quantitativement et qualitativement leur potentiel culturel et
évènementiel. Ainsi, au moment où la planification urbaine ne cesse
dans ces pays de consacrer sa vocation d’expression du droit de tous les
citoyens à la ville et à un cadre de vie décent, au Maroc, elle ne cesse de
multiplier les conflits entre la ville et sa population en accentuant les
frustrations et les distorsions socio-spatiales.
Certes, la situation de transition socio-économique qui est celle du
Maroc contemporain, qui se traduit sur le plan culturel par une
hybridation continue des valeurs et des pratiques culturelles, permet
des ouvertures sur des horizons contrastés et développe même des
visons peu concordantes. L’aspect le plus caractéristique du Maroc
dans ce domaine réside dans une réadaptation chimérique des
emprunts urbanistiques au socle sociétal et culturel du pays. Ce qui ne
permet aux villes marocaines ni de reproduire l’image qui reflète
l’appartenance culturelle, ni de s’inscrire harmonieusement dans les
standards universalistes. En plus, le pays a besoin d’humaniser son
urbanisme, puisque l’urbanité est de plus en plus sacrifiée dans la
course derrière le mirage de la modernité. Ainsi, la planification
urbaine telle qu’elle est pratiquée actuellement est en flagrante
contradiction avec l’image que le Maroc cherche à consolider. Elle
s’oppose à l’image d’un pays du « juste milieu », du « rejet des
contradictions et des distorsions », et un pays des règles de droit. Elle
se doit donc de concrétiser les principes fondamentaux de cette image
et les valeurs que ce pays s’approprie officiellement.
Ainsi, l’urbanisme qui n’est ni une chasse gardée des conservateurs ni
celle des innovateurs, constitue un domaine de reconstruction
permanente des équilibres socioculturels qu’exige toute société pour
s’insérer dans le contexte au sein duquel elle évolue. Ce qui implique
une réadaptation permanente de la vision qui le sous-tend. C’est là un
aspect du caractère stratégique de la planification urbaine qu’exigent
les consensus régissant l’équilibre sociétal dans sa globalité. Et c’est
avant tout un domaine focalisant la responsabilité des penseurs et des
experts que doit cristalliser la planification urbaine.

244
4 - Vers une refondation de la planification urbaine

Le système de planification urbaine n’est pas en faillite, mais il fait


plutôt l’objet d’attaques et de tentatives de mise en échec répétées. Le
retour en force du libéralisme a constitué une occasion pour les
défenseurs de la libre entreprise de mettre à nu ses lacunes et de le
présenter comme condamné à disparaitre. Les faibles résultats de la
planification urbaine ne sont pas inhérents à ce système, mais plutôt
au faible intérêt qu’on lui accorde, à la faible mise en œuvre de ses
dispositions et à la multiplication des fausses certitudes et des artifices
urbanistiques. La monté en puissance de « l’urbanisme spéculatif » qui
prolifère à la marge des zones couvertes par les documents
d’urbanisme engendre une concurrence déloyale et des blocages
stérilisants. Notre urbanisme a besoin de la déconstruction d’un
certain nombre de croyances en déphasage avec l’évolution de la réalité
urbaine.
Les innovations en matière de planification urbaine qui se font à
travers des redressements réglementaires isolés et partiels accentuent
les fausses croyances. Les deux tentatives de redressement global que
le Maroc indépendant a connu à travers les projets de Loi Cadre et du
Code de l’Urbanisme, n’ont pas pu aboutir. Ce qui a ouvert la voie au
« bricolage juridique et réglementaire » qui continue à dominer. Ainsi,
tant que le pays n’a pas envisagé de se doter d’un cadre juridique et
réglementaire unique et global, les problèmes comme ceux que connait
la planification urbaine actuellement continueront à handicaper le
fonctionnement de la vie urbaine dans globalité. Ainsi, la planification
urbaine au Maroc qui, depuis le protectorat, n’a pas fait l’objet de
changements structurels profonds, ne cesse de digérer les pratiques
non réglementaires et de s’en sortir toujours avec des solutions
boiteuses sur le plan réglementaire et administratif. A titre indicatif, le
guide des plans verts urbains élaboré tout récemment (2008), rejoint
les normes standards qui ne tiennent nullement compte de la diversité
des milieux naturels et s’inscrit ainsi dans la vision d’homogénéisation
des milieux urbains qui est celle de l’urbanisme hérité de l’époque du
protectorat. Peut-on doter toutes les villes du pays des mêmes plans
verts ? Est-ce possible ?
En somme, l’unité de mesure majeure qui doit être opérationnalisée en
matière de planification urbaine est le développement humain. Si le
développement urbain est très recherché dans ce domaine, il n’a de
valeur que par ses retombées sur les hommes qui constituent l’ultime
objectif et la finalité de toujours de tout développement. La ville est
certes le grand terrain du marché, mais elle est avant et surtout un
enjeu pour toutes les composantes de la société. Ce qui fait de l’acte de
planifier un objet d’enjeux nécessitant une médiation et un arbitrage
stratégiques. Pour ce, la planification urbaine ne doit pas être un

245
simple acte technique guidé par de simples finalités comptables, mais
un acte de sagesse et de démocratie partagées, conciliant l’écoute du
temps à l’écoute des hommes et produisant le bienêtre social. Pour ce,
la planification urbaine doit être en permanente évolution pour
répondre de manière visionnaire et pragmatique aux attentes qui lui
sont associées. Son caractère stratégique y est capital.
Au lieu de systématiquement déplanifier, il serait plus judicieux
d’ériger la planification urbaine en un système permettant à la fois de
continuer à réguler, de manière réfléchie la fabrication urbaine et de
prévoir de manière claire et bien définie des possibilités rapides de
révision des documents d’urbanisme en vue de corriger les éventuels
déphasages par rapport aux exigences de la conjoncture et
d’introduction des innovations nécessaires de manière réglementaire.
Il s’agit ainsi de mettre en place un système complet et homogène où la
régulation coexiste légalement avec une souplesse maîtrisée.
Autrement dit, un système pour une juste régulation urbaine. Ce qui
permet de distinguer clairement entre ce qui est dans et en dehors du
système.
Cet ouvrage qui se veut une contribution à l’ouverture de nouvelles
perspectives en matière de planification urbaine, en lui permettant de
consolider ses acquis et de se réinventer, souligne la nécessité de la
consacrer, non seulement en tant qu’acte technique, mais avant tout en
tant que partie prenante d’une vision stratégique du fait urbain comme
globalité.
Autrement dit, la refondation de la planification urbaine passe avant
tout par la prise de distance vis-à-vis de l’urbanisme normatif qui est
adossé à la logique fonctionnaliste, et qui est derrière tous
dysfonctionnements mis sur le compte de la planification urbaine :
Le gâchis est énorme et frappant, comme, il est à la fois, quantitatif et
qualitatif. Aucune agence urbaine n’a enregistré un taux de
concrétisation des documents d’urbanisme dépassant les 20%, des
prévisions, depuis 2000 jusqu’à maintenant. La dérogation est
présentée comme une autre « réglementation » non réglementaire. La
question de l’habitat de plus en plus intégrée dans le giron du secteur
privée, est en train d’être repensée pour réintégrer le giron de la
planification urbaine qu’avec la mise en œuvre du futur plan local de
l’habitat, alors que jusqu’ici, les documents d’urbanisme se
contentaient de l’affectation des sols urbains.
Au moment où le discours sur le développement durable se généralise,
la question environnementale reste peu ou faiblement posée par les
documents d’urbanisme et le terme même d’environnement est
presque absent des textes régissant les visions et les pratiques
urbanistiques.
La question du patrimoine urbain que l’administration du protectorat
n’a rien fait pour l’intégrer dans le système de planification qu’elle a

246
mis en place, tarde à faire l’objet de la régulation nécessaire par la
planification urbaine.
Si la planification urbaine est particulièrement attentive aux normes
régissant la fabrication des villes, elle se doit de l’être tout autant aux
besoins urbains dans leur globalité et leur complémentarité, afin
d’épargner aux villes d’être exposées aux risques de la déficience
urbaine et de l’exclusion. Comme elle se doit d’être multi territoriale
en vue de lutter contre les faits accomplis irréparables.
La planification urbaine qui a fonctionné lors de son introduction
comme un « laboratoire de l’innovation urbaine » devient un véritable
outil de reproduction du « statuquo » à travers la reconduction d’un
modèle d’urbanisation multipliant les dysfonctionnements et les
carences. Ce qui ouvre la voie aux tentatives de contournement des
dispositions réglementaires. Ainsi la déplanification se pointe comme
un horizon inévitable et généralisable. Cet horizon qui se présente
comme une expression de néo-libéralisation englobe toutes les
dynamiques de rejet des contraintes réglementaires. Ce qui remet en
cause non pas la planification urbaine mais toute disposition
réglementaire.

5 - Pour aller plus loin

Au terme de cette réflexion multidimensionnelle sur la planification


urbaine, il importe de reconnaître que de nombreuses questions
restent toujours posées :
- La planification urbaine en tant qu’expression d’une pensée
moderniste, a-t-elle pu répondre toujours convenablement à des
attentes encore teintées de traditions ?
- Comment la planification urbaine a-t-elle pu fusionner la pensée et
les actions de professionnels n’ayant pas toujours des convictions
idéologiques et culturelles crédibles ?
- La planification urbaine est-elle pour beaucoup dans les mutations
urbaines au Maroc ?
- La planification urbaine dans son déploiement actuel, n’a-t- elle pas
suffisamment démontrée qu’elle devient de plus en plus couteuse sur
le plan humain, social et matériel ?
- Quels impacts concrets de la planification urbaine en matière de
développement économique des villes ?
- Les solutions façonnées par le court terme et par les pressions
conjoncturelles sont-elles arrivées à redresser des tendances
inhérentes à des évolutions aussi lourdes que structurantes ?
- Comment le contenu de la ville marocaine a été influencé par des
solutions partielles et superficielles ?

247
- Les opérations de toilettage des normes menées de temps à autre en
vue de rendre le système plus efficient, ont elles apporté des solutions
de fonds ?
- Ces questions et tant d’autres sont-elles arrivées à mettre en évidence
des pistes de changement dans un domaine subissant de fortes
pesanteurs d’un passé proche qui sert toujours de source d’inspiration
pour un présent plus tourné vers le passé que vers l’avenir ?
- Poser ces questions après plus d’un demi-siècle d’indépendance n’est-
il pas à même d’inciter à repenser le mode de planification urbaine ?
- La grande place faisant prévaloir les solutions façonnées par et pour
le court terme, ne compromet – elle pas la maîtrise du devenir, et
n’incite-t-elle pas à urbaniser au jour le jour ? Autrement dit, consacrer
l’urbanisme de survie urbaine ?
La planification urbaine qui encadre la ville à trois de ses principaux
niveaux, à savoir sa fabrication, son fonctionnement et son
instrumentalisation sociale et politique, se doit d’être appréciée comme
une organisation consciente du devenir urbain, un chemin entre le
présent et l'avenir et un moyen de contrôle social de l'ordre urbain. Ce
qui fait de toute évaluation de ce phénomène un acte
multidimensionnel.
En plus, le déficit de la planification urbaine est-il nouveau ? Il serait
gravement erroné de répondre par l’affirmative. Cette planification
depuis son introduction au Maroc au début du 20ème siècle n’était ni
tout à fait exempte de lacunes ni ayant une vision d’une régulation très
stricte du fait urbain. Elle avait pour principale finalité de mettre de
l’ordre dans une aventure urbaine conduite par et pour des colons
animés par l’esprit aventurier. Ce qui a donné lieu à un mode de
planification urbaine conciliant une certaine recherche d’un minimum
d’ordre urbain et la création d’un contexte favorable à
l’épanouissement de l’initiative privée. Ce qui était favorable à la
multiplication des dérives.
Autrement dit, la planification urbaine telle qu’elle est pratiquée au
Maroc et qui a évolué en étroite dépendance vis-à-vis d’un
encadrement juridique figé, n’était pas aussi rigide qu’on le pense. Elle
est actuellement très critiquée en rapport avec une conjoncture
beaucoup plus libérale et que certains cherchent à mettre à profit pour
aller plus loin en matière de libéralisation de l’urbanisme.
La planification urbaine n’est pas suffisamment interrogée sur son
aptitude à répondre adéquatement aux attentes urbaines du pays. En
matière de logement, par exemple cette interrogation est généralement
adressée à la politique urbaine comme étant l’expression de choix
politiques, alors qu’elle doit être également posée à la planification
urbaine comme mode de traduction de ces choix. Autrement dit, la
planification urbaine est évaluée beaucoup plus sur le pourquoi et non
sur le comment qui constitue le fond de ses préoccupations, dans la

248
mesure où elle constitue un acte technique traduisant des choix
politiques. D’autre part, l’évaluation de la planification urbaine, quand
elle a lieu, se fait de manière sectorielle et non globale.
L’ampleur prise par la production informelle des villes, ne reflète pas
clairement la faillite de la planification urbaine, mais plutôt la montée
en puissance d’une politique de « laisser faire » qui vise directement ou
indirectement à ouvrir des pistes alternatives de fabrication urbaine et
en dehors de la piste réglementaire.

6 – Comment transformer les critiques en solutions ?

La réponse à cette question passe par trois exigences


fondamentales pour repenser la vision urbanistique en vigueur :
x Reconnaitre que la crise de la planification urbaine est celle de
l’urbanisme, dans la mesure où les dysfonctionnements du
système de planification puisent leur origines dans les
marasmes de l’urbanisme en tant que pensée et pratique ;
x Faire le lien entre la crise de l’urbanisme et celle de la ville.
C'est-à-dire reconnaître que le modèle urbain ne répond plus
de manière efficiente aux exigences de l’évolution du mode de
vie urbain ;
x Faire l’effort d’associer théoriquement et concrètement la crise
de la ville à celle du projet de société dans sa globalité. Ce projet
qui continue à être conçu dans les mêmes termes que celui
élaboré au début du 20ème siècle, est grandement dépassé par
l’évolution de la réalité marocaine. Contrairement à certaines
croyances, la société marocaine n’est figée.
Ces exigences se ramènent globalement à un manque de clarté dans la
vision du présent et de l’avenir du pays.
En effet, au Maroc les problèmes du présent se sont tellement
complexifiés qu’ils ne permettent plus aux Marocains, citoyens et
dirigeants confondus, de bien percevoir la réalité en cours et vers où ils
vont. Les blocages du présent inhérents à cette responsabilité
largement partagée, sont devenus des blocages pour l’avenir. Ce
dernier ne constitue plus un souci majeur, puisque le présent met tous
les maux sur le compte du passé. Et c’est vers le passé qu’on se tourne
pour chercher les solutions aux problèmes du présent. Ce qui fait de la
planification urbaine un simple outil de duplication des recettes du
passé. Autrement dit, quelle place peut-on accorder dans ce contexte à
la planification de l’avenir, dans un pays où l’aujourd’hui compte plus
sur l’hier et ne fait plus de place pour le demain.
Ce contexte où les mécanismes de démocratisation sont bloqués par les
poches de résistance au changement, consacre le blocage du projet de
société et réfute tout effort de planification d’un futur clair et maîtrisé.

249
Le retour en force du libéralisme qui n’a jamais été remis en question
au Maroc sert de prétexte pour justifier le laisser-faire qui sert de
couverture pour tout rejet des changements que la planification peut
introduire.
La planification urbaine en tant qu’outil participatif, fait partie du jeu
démocratique, constitue un des mécanismes d’apport de réponses aux
attentes du pays de manière réfléchie et raisonnée, se retrouve
confrontée à un contexte national qui est hostile à ce jeu pour des
raisons internes qu’on cherche à justifier par l’hostilité du contexte
international.
En somme, la crise de la planification qui est l’expression de la crise du
processus de démocratisation du pays, n’est pas une simple question
conjoncturelle, pour un pays qui a des difficultés à se frayer son chemin
démocratique. Autrement dit, le présent n’est pas victime du passé,
puisque c’est le présent qui est responsable du recours au passé pour
gérer ses problèmes et dresser le profil de l’avenir.
Ce qui revient à la nécessité de placer la réhabilitation de la
planification urbaine dans le cadre des réformes qu’attend le pays dans
le domaine de l’instauration des rouages de la gestion démocratique du
pays. Ainsi, toute réforme s’effectuant en dehors de l’amélioration du
système démocratique ne peut donner les résultats escomptés. En
plus, il est fort intéressant de relever le niveau technique de la ville
marocaine de demain, qui doit être humaine avant d’être
technologique, parce qu’elle est avant tout un lieu de vie et un cadre
vivant. C’est à ce niveau que se situent la réforme de planification
souhaitée et la qualité de vie recherchée pour tout être tenant à sa
qualité humaine. Ce qui revient à soutenir qu’il importe, avant tout,
qu’un nouvel esprit souffle sur l’urbanisme au Maroc, pour mettre en
place une politique urbaine alternative. C’est dire, la nécessité de
l’intégration du système de planification urbaine dans le cadre des
réformes que le pays doit mener et pour instaurer une stratégie urbaine
globale efficiente et cohérente. Les différentes réflexions présentées ici
sont à même de favoriser l’enrichissement de ce système et lui
permettre de dépasser sa crise actuelle.

En somme, la situation actuelle qui ne semble plus remettre en


question le système de planification urbaine se caractérise par la
reproduction d’un discours né dans les sphères de l’administration et
qui n’a plus les mêmes échos d’autrefois, et s’assimilant de plus en plus
à un ballon d’essai abandonné par ses propres initiateurs.
Il est de plus en plus urgent de clarifier le sort du système de
planification urbaine, surtout que l’étude commanditée par le
ministère de tutelle, qui avait pour objectif de « recentrer le rôle de
l’Etat sur ses prérogatives de régulation ».(p.12) n’a pas remis en

250
question ce rôle., insiste beaucoup plus sur « sa révision et sa
modernisation » (p. 23)

Mustapha CHOUIKI

251
252
Présentation des auteurs

ADIDI Abdelaziz
Docteur d’Etat en Géographie
Ex-directeur de l’Institut National d’Aménagement et d’urbanisme
Professeur de l’Enseignement Supérieur, INAU, Rabat

BEGDOURI Mohamed-Habib
Architecte-Urbaniste
Ancien Inspecteur Régional de l’Urbanisme
Directeur d’un BET, Rabat

CHOUIKI Mustapha
Docteur d’Etat en Géographie
Ancien Professeur de l’Enseignement Supérieur, Université Hassan II,
Casablanca
Consultant en Urbanisme et Aménagement

EL IDRISSI Abdelwahed
Docteur-Géographe Urbaniste & IGT
Enseignant-Chercheur à l'INAU, Rabat

EL IDRISSI Omar
Architecte-urbaniste
Docteur en Urbanisme et Aménagement
Directeur d’un BET, Témara

GUEZZAR Abdenebi
Juriste, D.E.S en aménagement et en urbanisme
Ancien responsable à la Direction de l’Urbanisme et à la Direction des Affaires
Juridiques au Ministère de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire
Ingénieur-conseil, Conseil-Etudes et formation en aménagement et
urbanisme

LEHZAM Abdellah
Docteur d’Etat, Economiste-Urbaniste
Ancien directeur de l’Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme,
Rabat
Professeur de l’enseignement supérieur, INAU

MEHDAOUI Addelouahed
Docteur en Histoire
Chargé de mission à l’Agence Urbaine de Taza-Taounate.

253
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

SIGLES ET ACRONYMES :

ADEREE : Agence Nationale pour le Développement des Energies


Renouvelables et de l’Efficacité Energétique
A.N.H.I : Agence Nationale de Lutte contre l’Habitat Insalubre, Rabat
B.E.T. Bureau d’Etudes Techniques
BESM : Bulletin Economique et Social du Maroc, Rabat
CNCPRST : Centre National de Coordination et de Planification de la
Recherche Scientifique et Technique, Rabat
CNE : Conseil National de l’Environnement
CNH : Conseil National de l’Habitat
CERED : Centre d’Etudes et de Recherches Démographiques, Rabat
CESE : Conseil Economique, Social et Environnemental
CPA : Cahier des Prescriptions Architecturales
CPS : Cahier de Prescriptions Spéciales
CSAT : Conseil Supérieur de l’Aménagement du Territoire
DAT : Direction de l’aménagement du territoire
DGCL : Direction Générale des Collectivités Locales
DU : Direction de l’Urbanisme
F.E.C : Fonds d’Equipement Communal, Rabat
GERM : Groupement d’Etudes et de Recherches sur la Méditerranée, Rabat
HCP : Haut-Commissariat au Plan, Rabat
INAU : Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme
F.L.S.H : Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
FNPI : Fédération Nationale des Promoteurs Immobilier
MATEUH : Ministère de l’Aménagement du Territoire de l’Environnement
de l’Urbanisme et de l’Habitat
MHUAT : Ministère de l’Habitat de l’Urbanisme et de l’Aménagement du
Territoire
MHUPV : Ministère de l’Habitat de l’Urbanisme et de la Politique de la ville
PA : Plan d’Aménagement
P.C.D : Plan Communal de Développement
PDAR : Plan de Développement des Agglomérations Rurales
PLH : Plan Local de l’Habitat
PNUD :
PRS : Programme de Réajustement Structurel
PSMV : Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur du Patrimoine Historique
PUS : Plans d’Utilisation des Sols
R.G.M : Revue de Géographie du Maroc, Rabat
RGPH : Recensement Général de la Population et de l’Habitat
SDAU : Schéma Directeur d’Aménagement Urbain
S.D .U : Stratégie de Développement Urbain
SMER : Société Marocaine des Editeurs Réunis, Rabat
SNAT : Schéma National d’Aménagement du Territoire
SOFA : Schéma d’organisation fonctionnelle et d’aménagement

254
SRAT : Schéma Régional d’Aménagement du Territoire
SSO : Schémas de Structure et d’Orientation
VSB : Villes sans bidonvilles

REFERENCES GENERALES

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Paris
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255
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- RIVIERE M.P.L (1924) : Traités, codes et lois du Maroc, Tome premier,
Librairie Recueil Sirey, Paris
- RAFFESTIN Cl. (1980) Pour une géographie du pouvoir, Ed. Litec, Paris
- RAWLS J. (1995), Libéralisme politique, Paris, PUF
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REFERENCES SPECIFIQUES AU MAROC

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- CHOUIKI M. (1956) Casablanca Approche socio-spatiale, Pub. Université
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véhicule la ville marocaine ?, Pub. INAU, Rabat
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Communication au colloque : Villes, pouvoir et modes de gouvernement
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Najah El Jadida, Casablanca, 174 p.
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urbaine, in International Journal of Spaces and Urban Territory, Tunis,
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de l’habitat : Grandes orientations, Rabat, 68p
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Edition La porte, et CNRS, 400 p.
- ECOCHARD. M, (1955) Casablanca, le roman d’une ville, édition de Paris.
- ELIDRISSI A : La conception de l’espace urbain au Maroc : cas des plans
d’aménagement de la couronne ouest de Casablanca, thèse de doctorat,
Université Hassan II, FLSH de Mohammedia, 2011.

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perspectives, 2005.
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Direction de l’Urbanisme (2008): Evaluation de la mise en œuvre des
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Rabat
- LEHZAM A (1994) Le logement urbain au Maroc : Les ménages et l’Etat
face à l’accès à la propriété et la location, Ed CCMLA, Rabat, 198 p
- M.A.T.E.E (2004) Le Schéma National d’Aménagement du Territoire,
Synthèse, Rabat
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Développement Durable, Rabat
Ministère de l’Aménagement du Territoire National de l’Urbanisme de
l’Habitat et de la Politique de la Ville (2017) Etude sur le système de la
planification urbaine au Maroc : Rapport analyse diagnostic, BET
CREADH, Rabat, 338 p
- Ministère de l4urbanisme et de l’Aménagement du Territoire, Direction de
l’Urbanisme : Système de planification urbaine au Maroc, Analyse
diagnostic, 338 p. Rabat, Nov 2017
- MEHDAOUI. A, (2011) Guide du patrimoine culturel et naturel au
Maroc, édition Maraya, Tanger
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Europe (1995-2005) Strategic spatial planning.-CERTU, Paris
- SITRI Z. et HANZAZ M (2016) Pouvoirs et contre-pouvoirs en matière de
planification urbaine. Pour une nouvelle régulation des pouvoirs de
décision, in Revue Internationale d’Urbanisme, n° 2, 2016.

257
TABLE DES MATIERES

PRESENTATION GÉNÉRALE................................................................................. 5

PREMIERE PARTIE : LES ASSISES DE LA PLANIFICATION


URBAINE ............................................................................................ 9

CHAPITRE 1 : L’EVOLUTION DU SYSTEME DE PLANIFICATION URBAINE AU


MAROC ....................................................................................................... 11
1 – UN PARCOURS IRREGULIER ..................................................................................... 11
2 – UN PARCOURS OU LA CONTINUITE L’EMPORTE SUR LE CHANGEMENT .................14
3 – DES PERFORMANCES CONTREVERSÉES ..................................................................17

CHAPITRE 2 : LA REGLEMENTATION DE LA PLANIFICATION URBAINE AU


MAROC ....................................................................................................... 23
1- LE DISPOSITIF METHODOLOGIQUE DE LA PLANIFICATION PREVISIONNELLE AU
MAROC .................................................................................................... 23
2 - LES LIMITES DES MOYENS D’ACTION DE LA PLANIFICATION PREVISIONNELLE ...... 27
3 – ACTIONS ENTREPRISES ET/OU A ENTREPRENDRE ET PERSPECTIVES D’AVENIR .... 34

CHAPITRE 3 : LA PLANIFICATION URBAINE DANS LA POLITIQUE GLOBALE


DU MAROC ................................................................................................. 41
1 – UNE QUESTION PRIMORDIALE POUR LE POUVOIR POLITIQUE ...............................41
2 – UNE EVOLUTION TRES MARQUÉE PAR LES TOURNANTS POLITIQUES ................ 43
3 – UN GRAND ROLE DANS LA CRISTALLISATION DES CHOIX POLITIQUES ...................44
4 – DES PRINCIPES GENERAUX A FORTE COLORATION POLITIQUE ...............................46
5 – DES PRATIQUES ACCENTUANT LA VOCATION POLITIQUE DE LA PLANIFICATION
URBAINE ....................................................................................................................... 48

CHAPITRE 4:LA PLANIFICATION URBAINE UNE EXIGENCE STRATEGIQUE 51


1 - UNE DIMENSION SPATIALE STRUCTURANTE ...........................................................51
2 - UNE DIMENSION INSTITUTIONNELLE QUI REPRODUIT SON CARACTERE
STRATEGIQUE ............................................................................................................... 53
3 - UNE PORTEE POLITIQUE TOUJOURS PRÉEMINENTE ................................................55
4 - UNE IMPLICATION ECONOMIQUE MULTIDIMENSIONNELLE ...................................57
5 – DES EXIGENCES SOCIALES QUI NE PEUVENT PLUS CONTINUER A ETRE IGNORÉES 58
6 – DES ASPECTS CULTURELS DE PLUS EN PLUS PESANTS ............................................59
7 – LES EXIGENCES DU TEMPS DES INCERTITUDES ....................................................... 61
8 – DES ENJEUX GLOBAUX DE PLUS EN PLUS PESANTS ................................................62

258
9 – EST-CE LA FIN DE L’ETAT URBANISTE ? ................................................................... 64
10 – VERS UN RENOUVEAU DE LA PLANIFICATION URBAINE ? ....................................65

DEUXIEME PARTIE : OUTILS ET MECANISMES DE LA


PLANIFICATION URBAINE ........................................................... 67

CHAPITRE 5 : PLANIFICATION URBAINE ET REGLEMENTATION DU CADRE


BATI ............................................................................................................ 69
1 - LA RÉGLEMENTATION DÉCOULANT DE LA PLANIFICATION URBAINE.................. 69
2 - LA RÉGLEMENTATION TECHNIQUE DE LA CONSTRUCTION .............................. 75
3- LES LOTISSEMENTS ET LEURS CAHIERS DES CHARGES ..................................... 79

CHAPITRE 6 : DOCUMENTS D’URBANISME PROCEDURES D’ELABORATION


ET DE MISE EN ŒUVRE .............................................................................. 82
1 - UN EFFORT LÉGISLATIF ET ORGANISATIONNEL FACE À DES EXIGENCES EN
PERPÉTUEL CHANGEMENT ........................................................................... 83
2 - MODALITÉS ET PROCÉDURES D’ÉLABORATION DES PLANS D’AMENAGEMENT ET DE
LEUR MISE EN ŒUVRE ................................................................................. 87

CHAPITRE 7 : LES EQUIPEMENTS URBAINS DANS LA PLANIFICATION


URBAINE................................................................................................... 100
1 - LE CADRE NORMATIF ET JURIDIQUE RÉGISSANT LA PLANIFICATION DES
ÉQUIPEMENTS URBAINS ............................................................................ 101
2 - LES MÉTHODES IDÉOLOGIQUES ET CANEVAS DE CONCEPTION DES ÉQUIPEMENTS
URBAINS ................................................................................................ 107
3 - LA PLANIFICATION DES EQUIPEMENTS URBAINS OU COMMENT ASSURER LE DROIT
A LA VILLE ET PENSER UN RENOUVEAU ......................................................... 112
4 - LA PLANIFICATION URBAINE ET LA QUESTION DES EQUIPEMENTS URBAINS OU
QUETE D’UN RENOUVEAU .......................................................................... 115

CHAPITRE 8 : LA DEROGATION NE PEUT ETRE LE DEBUT D’UN PROCESSUS


DE DEPLANIFICATION .............................................................................. 120
1 - DES FINALITES AUSSI NOMBREUSES QUE VARIÉES ....................................... 120
2 - UNE MISE EN ŒUVRE TRES CONTREVERSÉE ............................................... 123
3 – POURQUOI CHERCHE-T-ON A FAIRE DE L’EXCEPTION UNE REGLE ? ................ 127
4 - DES RECTIFICATIONS DE TIR S’IMPOSENT .................................................. 127

259
TROISIEME PARTIE : DES QUESTIONS STRUCTURANTES .. 132

CHAPITRE 9 : ORGANISATION TERRITORIALE ET PLANIFICATION URBAINE


.................................................................................................................. 134
1 – LES RÉFERENTS D’ENCADREMENT ........................................................... 134
2 – LES OUTILS DE RÉGULATION .................................................................. 136
3-LES REFERENCES TERRITORIALES OPERATIONNELLES EN PLANIFICATION URBAINE
............................................................................................................ 140
4 - UNE TERRITORIALITÉ PEU EFFICIENTE ....................................................... 144

CHAPITRE 10 : LA QUESTION DE L’HABITAT DANS LA PLANIFICATION


URBAINE................................................................................................... 150
1. MIXITE ET HABITAT SOCIAL DANS LES DOCUMENTS DE LA PLANIFICATION URBAINE
............................................................................................................ 151
2. LES LOTISSEMENTS PUBLICS D’HABITAT SOCIAL COMME OUTIL DE MISE EN ŒUVRE
DES DOCUMENTS D’URBANISME ................................................................. 153
3. LA DEROGATION AUX DOCUMENTS D’URBANISME COMME MOYEN D’INTENSIFIER
LA PRODUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX .................................................... 154
4. VERS UNE PRISE EN COMPTE EFFICIENTE DE LA PRODUCTION DE L’HABITAT SOCIAL
DANS LA PLANIFICATION URBAINE ............................................................... 156

CHAPITRE 11 : LA QUESTION ENVIRONNEMENTALE DANS LA


PLANIFICATION URBAINE ........................................................................ 160
1– LA GOUVERNANCE URBAINE FACE A LA PROBLEMATIQUE ENVIRONNEMENTALE
............................................................................................................ 160
2 - LE PROBLEMATIQUE DE L’ENVIRONNEMENT DANS LES DOCUMENTS D’URBANISME
............................................................................................................ 164
3 – POUR UNE PLANIFICATION URBAINE STRATEGIQUE ET PARTICIPATIVE............ 166

CHAPITRE 12 : LE PATRIMOINE DANS LA PLANIFICATION URBAINE ........ 173


1 - L’ERE DU PROTECTORAT : PLANIFIER L’EXTRA-MUROS ET MUSEFIER L’INTRA-
MUROS .................................................................................................. 174
2 - SCHEMAS DIRECTEURS : PREMIERE TENTATIVE POUR PLANIFIER LES TISSUS
ANCIENS ................................................................................................. 176
3 - ETUDES ARCHITECTURALES : NOUVELLE APPROCHE POUR REHABILITER LES TISSUS
ANCIENS ................................................................................................. 178
4 - AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : PENSER LE PATRIMOINE A GRANDE ECHELLE 182
5- VOLET JURIDIQUE : FAIBLE ACCOMPAGNEMENT DU PROCESSUS DE REHABILITATION
............................................................................................................ 183

260
QUATRIEME PARTIE : QUEL DEVENIR ? ................................ 187

CHAPITRE 13 : LA PLANIFICATION URBAINE UN SYSTEME QUI SE CHERCHE


.................................................................................................................. 189
1 - DES ORIGINES A PRENDRE COMME REFERENCE .......................................... 190
2 – MULTPLICATION DES EFFORTS D’ADAPTATION .......................................... 193
3- VERS LA RECHERCHE DE NOUVELLES PISTES .............................................. 197

CHAPITRE 14 : QUELLE RÉSILIENCE PROCURE LA PLANIFICATION URBAINE


A LA VILLE MAROCAINE ........................................................................... 203
1 – DANS QUELLE SITUATION ENVIRONNEMENTALE SE TROUVE ACTUELLEMENT LA
VILLE MAROCAINE ?.................................................................................. 203
2 – QU’EXIGE UNE VERITABLE RÉSILIENCE URBAINE ?....................................... 207
3 - QUEL PROFIL POUR LA VILLE MAROCAINE DE DEMAIN POUR QU’ELLE PUISSE
S’INSCRIRE DANS UNE VISION DE DEVELOPPEMENT DURABLE ? ......................... 209

CHAPITRE 15 :LA PLANIFICATION URBAINE A LA CROISÉE DE VISIONS


DIVERGENTES ........................................................................................... 215
1 – Y-A-T-IL UNE PLANIFICATION URBAINE A LA MAROCAINE ? .......................... 215
2 – UN SYSTEME DE PLANIFICATION URBAINE MULTIPLIANT LES SOURCES DE BLOCAGE
............................................................................................................ 217
3– DIVERSITÉ ET STERILITÉ DES ALTERNATIVES A LA PLANIFICATION URBAINE ....... 220

CHAPITRE 16 : LA PLANIFICATION URBAINE AU MAROC FACE AUX


NOUVELLES TENDANCES DE L’URBANISME ............................................ 225
1 – FORCES ET FAIBLESSES DE LA PLANIFICATION URBAINE AU MAROC................ 226
2 – VERS LA FIN DE l’ETAT PLANIFICATEUR ? ................................................... 230
3– QUELLE VILLE DE DEMAIN POUR LE MAROC ?............................................. 232
4– VERS OU TEND LA PLANIFICATION URBAINE AU MAROC ?............................. 234

SYNTHÈSE GÉNÉRALE .................................................................................... 241


BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE ...................................... ͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘͘Ϯϱϰ

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