Dochead Sous-Dochead: Adresse E-Mail: Jean-Michel - Lecerf@pasteur-Lille - FR (J.-M. Lecerf)
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com/science/article/pii/S1766730520300759
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Dochead conseil
Sous-dochead prévention
Hypertriglycéridémies, démarche clinique et thérapeutique
Jean-Michel Lecerf
Chef du service nutrition et activité physique
Institut Pasteur de Lille, 1 rue du Professeur-Calmette, 59000 Lille, France
Adresse e-mail : jean-michel.lecerf@pasteur-lille.fr (J.-M. Lecerf).
Résumé
Les hypertriglycéridémies sont associées à un risque cardiovasculaire accru et, en cas de
sévérité, à un risque de pancréatite aiguë. À côté des facteurs nutritionnels, il existe des
facteurs génétiques, d’autant plus que l’hypertriglycéridémie est majeure. Un diagnostic
précis doit être établi. Les mesures diététiques sont fondamentales. Dans
l’hypertriglycéridémie du syndrome métabolique, la plus courante, une perte de poids
abdominale suffit le plus souvent pour améliorer le profil lipidique.
© 2020
Mots-clés – dyslipidémie ; pancréatite aiguë ; syndrome métabolique ; triglycéride
Summary
Hypertriglyceridemia is associated to an higher cardiovascular risk and, if severe, to a risk of
acute pancreatitis. Beside the nutritional factors there are genetic factors which are more
important in severe hypertriglyceridemia. A precise diagnosis must be performed. The
dietary advices are fundamental. In hypertriglyceridemia with metabolic syndrome, the most
usual, a abdominal weight loss is often sufficient in order to improve the lipidic profile.
© 2020
Keywords – acute pancreatitis; dyslipidemia; metabolic syndrome; triglyceride
Il est question d’hypertriglycéridémie lorsque les taux des triglycérides plasmatiques sont
supérieurs à 2 g/L à jeun. Les valeurs strictement normales sont cependant inférieures à
1,50 g/L, de sorte qu’entre 1,50 et 2 g/L, il est légitime de demander un contrôle.
L’hypertriglycéridémie correspond à des entités physiopathologiques différentes. De ce fait,
un diagnostic étiologique aussi précis que possible, ainsi qu’une appréciation des risques
© 2020 published by Elsevier. This manuscript is made available under the Elsevier user license
https://www.elsevier.com/open-access/userlicense/1.0/
associés, sont nécessaires. Ils conditionneront les orientations thérapeutiques et diététiques.
Nous proposons une démarche clinique et thérapeutique rationnelle basée sur trente-cinq
ans d’expérience en lipidologie.
T1 Métabolisme
TEG1 Nous ingérons quotidiennement environ 80 g de lipides, dont 98 % sous forme de
triglycérides alimentaires. L’action de la lipase pancréatique conduit à la formation d’acides
gras libres (liés initialement au glycérol en positions 1 et 3) et à un 2-monoglycéride,
incorporés dans des micelles et absorbés au contact des microvillosités intestinales (grêle).
Dans l’entérocyte, les triglycérides sont reconstitués, liés à l’apolipoprotéine (Apo) B-48, puis
exportés avec le cholestérol alimentaire dans les chylomicrons qui sont acheminés, via la
circulation lymphatique, jusqu’à la veine sous-clavière où ils sont déversés dans la circulation
générale. Là, l’hydrolyse des triglycérides circulants présents dans les chylomicrons
commence, grâce à l’action de la lipoprotéine lipase (LPL) présente sur l’endothélium
vasculaire. La LPL est une enzyme insulinosensible dont l’activité est contrôlée par l’Apo CII
T1 Diagnostic
T2 Diagnostic positif
TEG1 L’hypertriglycéridémie doit d’abord être confirmée grâce à un relevé de tous les
bilans antérieurs ou, si cela n’est pas possible, à un nouveau contrôle, le patient devant être
strictement à jeun (douze heures de jeûne). Les dosages du cholestérol et du cholestérol
HDL sont demandés simultanément afin de calculer (si les triglycérides sont inférieurs à
3,5 g/L) le cholestérol LDL par la formule de Friedewald. Le cholestérol LDL peut être mesuré
directement, mais l’intérêt de sa mesure est faible car elle ne reflète pas, dans cette
pathologie, le risque cardiovasculaire.
TEG1 Le dosage des triglycérides en postprandial ne présente pas d’intérêt en clinique.
Toutefois, une élévation est associée à un risque cardiovasculaire accru, tandis qu’une valeur
normale en postprandial témoigne d’un excellent métabolisme, avec une bonne clairance
des triglycérides alimentaires.
T2 Diagnostic différentiel
TEG1 Une élévation des triglycérides est le plus souvent associée à un sérum trouble, dit
opalescent, ou à un sérum lactescent (en cas d’élévation des chylomicrons).
TEG1 Si le sérum est clair, il convient d’éliminer une hyperglycérolémie par déficit en
glycérol kinase, afin d’épargner aux patients des régimes inutiles, car il ne s’agit pas d’une
hypertriglycéridémie.
T2 Diagnostic étiologique
TEG1 Le diagnostic étiologique repose sur un ensemble de données biologiques, cliniques,
diététiques et génétiques. Il doit être suivi d’une estimation des risques associés
(cardiovasculaires et pancréatiques).
TEG1 Sur le plan pratique, il faut distinguer :
• les hypertriglycéridémies isolées (cholestérol < 2 g/L) ;
• les hyperlipidémies mixtes, avec hypertriglycéridémie prédominante inférieure à 5 g/L
(cholestérol le plus souvent entre 2 et 3 g/L) ;
• les hypertriglycéridémies sévères (triglycérides > 5 g/L), dont les hypertriglycéridémies
majeures (triglycérides > 10 g/L, pouvant atteindre et même dépasser 100 g/L).
T1 Explorations
T2 Typage de la dyslipoprotéinémie
TEG1 Le typage de la dyslipoprotéinémie est un examen rarement demandé, à tort, mais il
est également souvent mal interprété. Le lipidogramme est effectué soit par électrophorèse
des lipoprotéines, soit par ultracentrifugation. La recherche de l’aspect du sérum à jeun et
après décantation à 4 °C, durant vingt-quatre heures, y est associée [3].
TEG1 L’hypertriglycéridémie peut s’inscrire dans cinq classes de la classification de
Frederickson :
• le type I, avec présence isolée des chylomicrons, sérum lactescent, puis anneau surnageant
chyleux et sérum clair après décantation ;
• le type IIb, ou hyperlipidémie familiale combinée, avec augmentation des VLDL et des LDL,
sérum clair ou légèrement trouble (opalescent) ;
• le type III, ou dysbêtalipoprotéinémie, avec présence anormale d’IDL (bêtalipoprotéine) et
sérum lactescent ;
• le type IV, ou hypertriglycéridémie endogène, avec augmentation des VLDL et sérum
trouble (cholestérol normal le plus souvent) ;
• le type V, avec augmentation conjointe des chylomicrons et des VLDL, sérum lactescent
restant trouble avec anneau surnageant chyleux après décantation.
T2 Clinique
TEG1 Le poids, la taille et l’indice de masse corporelle doivent être calculés. Il convient aussi
de mesurer le tour de taille, et éventuellement le tour de hanche, ainsi que le rapport
taille/hanche.
TEG1 En cas d’hypertriglycéridémie majeure, il faut rechercher l’existence, actuelle ou
passée, de xanthomes éruptifs fugaces, notamment sur les membres et l’abdomen (figure 3).
Dans certaines dyslipidémies mixtes, des xanthomes tubéreux (type III) ou un arc cornéen
(type IIb) peuvent être retrouvés.
TEG1 Les facteurs de risque doivent être identifiés : tabac, diabète, hypertension artérielle,
sédentarité, antécédents familiaux cardiovasculaires, etc.
TEG1 Les explorations peuvent être complétées, si nécessaire, par une épreuve d’effort,
une écho Doppler carotidienne avec mesure de l’épaisseur intima-média et un scanner
coronarien (mesure du score calcique).
TEG1 Des signes d’insulinorésistance doivent également être recherchés (acanthosis
nigricans et syndrome des ovaires micropolykystiques), mais surtout des antécédents de
pancréatite aiguë ou de douleurs abdominales inexpliquées.
T2 Biologie
TEG1 Outre la réalisation du lipidogramme, il est possible de mesurer l’Apo B, dont
l’élévation importante signe la présence de LDL petites et denses, mais aussi,
éventuellement, la lipoprotéine(a), augmentée de façon indépendante et responsable
d’accidents vasculaires précoces.
TEG1 Le métabolisme glucidique est évalué grâce à la réalisation d’une glycémie à jeun,
voire d’une insulinémie à jeun, afin de calculer l’indice Homeostasis Model Accessment
(Homa) et ainsi estimer l’insulinorésistance. Si le diabète est déséquilibré, il convient de
contrôler le taux d’hémoglobine glyquée.
TEG1 Le bilan hépatique prend en compte les transaminases, la gamma-glutamyl transférase
(γGT) et la ferritinémie. Une hyperferritinémie métabolique est très fréquemment associée à
une stéatose dans le cadre d’une Non Alcoholic Fatty Liver Disease ou d’une Non Alcoholic
Steatosis Hepatitis.
TEG1 Le bilan inflammatoire retrouve une protéine C réactive ultrasensible (CRPus).
TEG1 D’autres examens biologiques peuvent être nécessaires : hémogramme,
homocystéinémie (très souvent élevée), créatinine et le dosage de la thyréostimuline
ultrasensible, qui doit être systématique pour éliminer une hypothyroïdie périphérique.
T2 Échographie
Une échographie hépato-bilio-pancréatique met souvent en évidence une hépatomégalie
avec stéatose hépatique. Dans ce cas, il faut poursuivre les explorations avec un fibroscan et
un fibrotest, à la recherche de signes de fibrose hépatique. Une biopsie hépatique est
rarement nécessaire pour éliminer une cirrhose.
T2 Génétique
TEG1 La recherche d’antécédents d’hypertriglycéridémie au premier degré (parents, frères
et sœurs, enfants) est très importante. Ils peuvent aussi être retrouvés chez les parents au
deuxième degré (grands-parents, oncles et tantes, cousins). Dans les formes majeures, des
antécédents familiaux sont pratiquement toujours présents [4].
TEG1 Les antécédents familiaux de pancréatite aiguë doivent également être recherchés.
T2 Enquête alimentaire
Indispensable, l’enquête alimentaire cherche à repérer les déséquilibres ou les excès
caractérisés : boissons sucrées, alcool, régimes végétariens ou végétaliens, consommation
trop importante de graisses et/ou de calories, de fruits, etc.
T2 Médicaments
Certains médicaments sont susceptibles d’élever les triglycérides : corticoïdes, isotrétinoïne,
progestatifs de synthèse, contraceptifs oraux, interférons et certains immunosuppresseurs,
tels que la L-asparaginase, sans oublier ceux qui sont responsables d’une prise de poids,
comme les neuroleptiques.
T1 Situations pathologiques
TEG1 La cause de l’hypertriglycéridémie peut parfois être suspectée rapidement :
alcoolisation aiguë (syndrome de Zieve), diabète insulinopénique déséquilibré,
consommation très élevée de fructose (boissons sucrées riches en sirop de glucose-fructose,
de jus de fruits ou de fruits), prise de médicaments hypertriglycéridémiants, insuffisance
rénale avec accumulation d’Apo CIII, syndrome néphrotique, hypercorticisme, maladies
auto-immunes, etc. Un test thérapeutique devra néanmoins apporter une confirmation.
TEG1 Si ce n’est pas le cas, plusieurs situations peuvent se rencontrer :
• un syndrome métabolique avec surpoids abdominal, associant trois des cinq critères
suivants : tour de taille élevé (> 88 cm chez la femme et > 102 cm chez l’homme) ;
triglycérides > 1,50 g/L ; pression artérielle > 135/80 mmHg ; cholestérol HDL < 0,50 g/L chez
la femme et < 0,40 g/L chez l’homme ; glycémie à jeun > 1 g/L. Très souvent, les
transaminases, la ferritinémie, l’homocystéinémie, la γGT et la CRPus sont élevés, et une
stéatose hépatique est retrouvée. Il s’agit en général d’une hypertriglycéridémie endogène
(IV) ou mixte (IIb) qui sera traitée par la perte de poids ;
• une dysbétalipoprotéinémie, qui doit conduire à déterminer le phénotype de l’Apo E. Dans
la forme classique, le phénotype est E2E2 avec une homozygotie du génotype Ɛ2 Ɛ2, parfois
Ɛ2 Ɛ3 ou Ɛ2 Ɛ4. Cette dyslipidémie répond bien aux mesures diététiques et, si nécessaire, aux
fibrates ;
• une hypertriglycéridémie sévère (> 5 g/L) à majeure (> 10 g/L), qui implique très
probablement un facteur génétique. Au sein de services spécialisés seront recherchés soit
une mutation sur le gène de la LPL ou sur le gène de l’Apo AⅤ, soit un polymorphisme sur le
gène de la LPL ou de l’Apo AⅤ. L’Apo CII (déficit) ou l’Apo CIII (excès) peuvent également
être dosés. Dans 80 % des cas, des anomalies génétiques isolées ou cumulées sont
observées lorsque les triglycérides dépassent 10 g/L [5] et, dans 20 % des cas environ, des
antécédents de pancréatite aiguë, le plus souvent récidivante. Les patients sont très
sensibles aux facteurs nutritionnels, mais il est en général difficile de normaliser la
triglycéridémie, surtout si les taux sont supérieurs à 10 g/L. Le poids peut être normal ou
élevé ;
• des facteurs nutritionnels plus ou moins associés à un surpoids et à une prédisposition
familiale, mais aussi à des facteurs exogènes (médicaments) ou endogènes (diabète, atteinte
rénale ou hépatique, etc.) ;
• enfin, si le patient est un enfant, une hyperchylomicronémie de type I par déficit en
lipoprotéine lipase ou en Apo CII, situation très rarement rencontrée.
Encadré flottant
À retenir
Dans les formes majeures d’hypertriglycéridémie, l’objectif n’est pas de normaliser les taux
de triglycérides mais de les amener en deçà de 10 g/L, voire en deçà de 5 g/L, pour réduire le
risque de pancréatite aiguë.
T1 Conclusion
L’hypertriglycéridémie correspond à de multiples entités cliniques et physiopathologiques
qu’il convient de bien analyser. Il s’agit d’une pathologie souvent négligée par les patients et
même par les médecins parfois, car méconnue. Elle est associée à un risque cardiovasculaire
accru et à un risque de pancréatite aiguë au-delà de 10 g/L, parfois gravissime.
Sa prise en charge nécessite une exploration clinique et paraclinique minutieuse. La
démarche diététique est très importante. Elle ne repose que très rarement sur la réduction
des graisses.
Références
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triacylglycerol: a puzzlement. Biochim Biophys Acta 2012;1821(5):795-9.
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Sarwar N, Sandhu MS, et al. Triglyceride-mediated pathways and coronary disease:
collaborative analysis of 101 studies. Lancet 2010;375(9726):1634-9.
[3] Fredenrich AAJ. Hyperlipidémies extrêmes : comment les explorer, quels examens génétiques,
quels traitements ? Médecine Clin Endocrinol Diabète 2011;(50).
[4] Couvert P, Gira P, Bonnefont-Rousselot D, Carrié A. Les dyslipidémies héréditaires. Rev Francoph
des Lab 2010;40(425):73-85.
[5] Hegele RA, Berberich AJ, Ban MR, et al. Clinical and biochemical features of different molecular
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[8] Gaudet D, Alexander VJ, Baker BF, et al. Antisense inhibition of apolipoprotein C-III in patients
with hypertriglyceridemia. N Engl J Med 2015;373(5):438-47.
Figure1_Lecerf3
© J.-M. Lecerf/Elsevier Masson SAS
Figure 1. Métabolisme des lipides alimentaires : la voie exogène.
AGCM : acides gras à chaîne moyenne ; Apo : apolipoprotéine ; Chol : cholestérol ; Chylo :
chylomicrons ; HDL : lipoprotéines de haute densité ; LPL : lipoprotéine lipase ; TG :
triglycérides.
Figure2_Lecerf3
Figure3_Lecerf3
Figure4_Lecerf3