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Mahābhārata

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Mahābhārata

Traduit du Sanscrit par le Docteur L. BALLIN

J'ai entrepris de continuer l'œuvre de M. Fauche, le


traducteur du Mahâbhârata. J'en donne aujourd'hui
trois livres : 1° Çalyaparva (Livre de Çalya); 2° Saup-
tikaparva (Livre des événements arrivés pendant le
sommeil des Pândouides); 3° Striparva (Livre des
femmes). Plus heureux que M. Fauche, aurai-je le
temps de terminer mon œuvre ? Ce n'est pas certain,
car je ne suis plus jeune ; mais alors il en viendra un
autre qui terminera ce que j'aurai du laisser inachevé.

Je me suis astreint à rendre, aussi littéralement que


cela m'a été matériellement possible, le sens du texte
du Mahâbhârata, édition de Calcutta. Le génie de la
langue sanscrite est bien différent de celui de la
langue française. Il comprend un nombre extrême de
redites, qu'on ne peut pas toutes éviter en français,
sous peine d'être incomplet ; d'autant plus que les
auteurs sanscrits ont une tendance marquée aux jeux
de mots par à peu près, qu'une traduction ne peut pas
rendre, et qui perdent, en passant d'un idiome dans
l'autre, tout le sel qu'ils peuvent avoir dans l'original.
INTRODUCTION

Sans vouloir entrer dans les détails d'une notice


bibliographique, je ne puis me dispenser de dire que,
depuis l'interruption du travail de M. Fauche, il a
paru une traduction anglaise du Mahâbhârata, par
M. Protap Candra Roy, éditée à Calcutta. EUe m'a été,
sans aucun doute, d'un grand secours ; mais je dois
surtout rendre hommage à la bienveiUante complai-
sance de M. Regnaud, professeur à la Faculté des
Lettres de Lyon, qui a bien voulu m'aider de ses avis,
dans les nombreuses difficultés que j'ai rencontrées
dans mon travail de traducteur.

MAHABHARATA
LIVRE DE CALYA

Après avoir rendu hommage à Nârâyana, et à Nârana, le plus grand


des bommes, ainsi qu'à la déesse Sarasvatî, on peut parler de la Victoire.

CHAPITRE PREMIER

DÉSESPOIR DE DHRITARÂSHTRA

Argument : Vaiçampâyana raconte à Janameyaya les dernières


dispositions et la mort de D'ouryadhana; l'arrivée de Sanyaya qui
en apporte la nouvelle à Hastinapoura. Désespoir des habitants.
Sanyaya chez le vieux roi. Désespoir de celui-ci. Ses évanouisse-
ments ainsi que ceux de sa cour; soins qui lui sont prodigués.

1. Janameyaya dit : brahmane; quand Karna eut été


abattu par l'ambidextre dans la bataille, que fit le petit
nombre des Kourouides qui restaient (encore).

2. Qu'entreprit le Kourouide Souyodhana contre les


Pândouidcs, quand il crut le moment favorable, envoyant
leur armée qui se mettait en mouvement ?

3. Je désire l'apprendre ; fais m'en donc le récit, ô le plus


excellent des brahamanes, car je ne me rassasie pas
d'entendre parler des anciens, ô mouni.

4. Vaiçampa.yana dit : Quand Karna eut été tué Souyo-

2 CHAPITRE PREMIER

clhâna fils de Dhritarâshtra, entièrement découragé, était


plongé dans une mer de chagrin.

5, 6. Soupirant sans cesse : Ah Karna, Ah Karna, cher-


chant à se consoler par des motifs tirés des Castras, il
regagna péniblement sa tente, avec les rois qui avaient
survécu. En songeant à la mort du fils du cocher, il ne
voyait pas de protection dans les rois qui restaient (en-
core près de lui).

7. Songeant à l'inflexibilité du destin, ô prince, décidé


au combat, il sortit pour recommencer la bataille.

8. Ayant institué selon les règles, Çalya généralissime


de l'armée, ce taureau des rois sortit (pour se rendre) au
combat avec les princes survivants, ô roi.

9. Alors, ô le plus grand des bharatides, eut lieu


entre les Kourouides et les Pàndouides un combat tumul-
tueux, semblable à celui des dieux contre les Asouras.

10. Puis, ô grand roi, Çalya, après avoir fait un (grand)


carnage dans les batailles, eut son armée détruite et fut
abattu, au milieu de la journée, par Dharmarâja.

11. (Poussé) par la crainte (que lui inspiraient) les


ennemis, Douryadhana, dont les amis étaient tués, se
retira du champ de bataille et s'engagea dans un étang terrible.
12. Et dans l'après-midi de ce jour, il fut abattu par
Bhîmasena qui l'avait entouré de ses grands guerriers et
l'avait contraint à sortir de l'étang.

13. Quand ce grand archer eut été tué, les maîtres de


chars, restants (de ceux qui avaient été) tués, massa-
crèrent, pendant les nuits, les Pâncalas dans leur colère.

14. Au matin, Safijaya, abattu, plein de tristesse et de


chagrin, sortit du camp et entra dans la ville.

LIVRE DE ÇALYA 3

15. Ce cocher affligé, pleurant et levant les bras (au


ciel), après avoir pénétré dans la ville, entra chez le roi.

16. Il pleurait, ô tigre des hommes. Ah roi! Ah roi !


disait-il dans sa douleur, malheur! malheur! la mort du
magnanime est notre perte.

17. Le destin est bien puissant, et il est difficile de


décider ce qu'il faut faire, quand tous ceux dont la force
était égale à celle d'Indra ont été tués par les Pàndouides.

18-19. A la vue de Sanyaya en proie à la plus vive


affliction, ô roi, chacun éclata en sanglots. De toutes
parts, ô le plus grand des rois, on criait : Ah roi! Ah
roi ! De tous cotés, ô tigre des hommes, cette ville entière,
jusqu'aux enfants,

20. Ayant entendu dire que le roi était tué, poussa un


cri de désespoir, nous vimes les hommes et les femmes
se mettre à courir,

21. Extrêmement affligés, affolés, ayant comme perdu


l'esprit. Alors le cocher troublé, étant entré dans la
demeure royale,
22. Vit le plus grand des rois, le Souverain qui (ne voit
que par) l'œil de la sagesse (ce prince), sans péché, assis,
entouré de tous côtés *

23. Par ses brus, par Gàndhàri, par Vidoura et par


d'autres parents et amis qui se tenaient constamment là,
ô excellent Bhàratide.

24. Et il adressa, en pleurant, la parole au noble roi, qui


réfléchissait sur la mort de Karna, ô Janamejaya.

25. Le cocher dont le cœur était bien loin d'être gai,


dit, d'une voix entrecoupée par les sanglots : Je suis
Sanyaya, ô tigre des hommes, hommage à toi, o excellent
Bhàratide

4 CHAPITRE PREMIER

26. Çalya, roi de Madra, Çakouni le Soubalide, le Kita-


vide Ouloùka, à la grande force, sont tués, ô tigre des
hommes -.

27. Les Kambodjiens, les conjurés, sont tués avec les


Çakas. Les Mleechas (barbares), les Parvatiens (monta-
gnards) sont abattus.

28. grand roi, ceux de l'Orient sont tués ainsi que


ceux du Midi. De toutes parts ceux du Nord et ceux de
l'Occident sont anéantis, ô roi.

29. Les rois, les fils de rois, sont tués de tous côtés, ô
roi. Le roi Douryadhana est tué, ô roi, comme le fils de
Pàndou l'avait annoncé.

30. grand roi, il repose, les cuisses brisées dans la


poussière qui le souille. Dhrishtadyoumma est tué, ô roi,
ainsi que Çikhandin (qui était) invincible.
31. Outtamaujas et Youdbâmanyou (sont) aussi (tués).
Les Prabhadrakas (très beaux ^), les Pàncâlas, lesCedayas
sont détruits, ô tigre des hommes.

32. Tous tes fils et ceux de Draupadî sont tués, ô Bha-


ratide, le très fort Vrishasena, ce héros fils de Karna,
est tué.

33. tigre des hommes, tous les hommes sont tués


ainsi que les éléphants ; les guerriers qui combattaient
sur des chars, et les chevaux, sont tombés dans la
bataille.

34. Le camp (vide), ô roi, est en quelque sorte (tout) ce


qui reste des tiens, des Pandouides et des Kourouides,
qui se sont rencontrés (dans la lutte).

35. Le monde mis en désordre par la mort, est réduit


aux femmes. Il reste sept (héros) du côté des Pandouides,
et trois de celui des Dhritoràshtrides.

LIVRE DE ÇALYA 5

36. Les cinq frères, le Vasoudevide et le Satyakide,


Kripa, Kritavarman et le fils de Drona le plus grand des
victorieux,

37. tigre des hommes, ces (trois derniers) maîtres de


chars sont à toi. maître des hommes, de toutes les
armées (qui avaient été) rassemblées

38-39. Ceux-ci restent, ôroi, tous les autres sont morts,


ô excellent Bharatide. En vérité, le monde entier est
frappé par la mort qui a tué Douryadhana, et certes, ô
Bharatide, l'ennemi (aussi n'a pas été plus épargné que
nous).

40. Vaiçampàyana dit : le roi Dhritaràshtra ayant


entendu ce cruel récit, ô grand roi, s'affaissa à terre sans
connaissance .

41. Lui tombé à terre, ô grand roi, le très glorieux


Vidoura s'affaissa aussi, vaincu par le chagrin et le
malheur.

42. le meilleur des rois, Gàndhàrîet toutes les jeunes


femmes kourouides tombèrent tout à coup à terre, en
entendant ces terribles paroles.

43. Alors la multitude des rois gisait, sans connais-


sance, tombée à terre comme si elle eût été peinte sur
une grande toile (dont les personnages) seraient doués
de la parole, et qui s'écroulerait...

44. Mais alors le roi Dhritaràshtra, maître de la terre,


reprit lentement et péniblement ses esprits, oppressé
(qu'il était) par le malheur de ses fils.

45. Ce roi, très affligé, pleurant, ayant repris connais-


sance et regardé de toutes parts, dit au Kshattar (Vidoura^).

46. Sage et très habile Kshattar, tu es mon refuge. Je


suis de tous côtés sans appui, ô excellent Bharatide.

6 CHAPITRE PREMIER

47. Après avoir ainsi parlé, il tomba, entièrement


privé de connaissance, et, le voyant ainsi, ses parents,
tous tant qu'ils étaient,

48, 49. L'aspergèrent d'eau froide et lui donnèrent de


l'air avec des éventails. Le maître de la terre, ayant
repris connaissance, se tint longtemps silencieux, ô pro-
tecteur de la terre, soufflant comme un serpent tombé
dans un trou, ô maître des hommes.
50. Sanjaya pleurait aussi, en voyant la douleur du roi,
ainsi que toutes les femmes, et la glorieuse Gàndhàrî.

51. le meilleur des hommes, Dhritarâshtra, après


avoir eu l'esprit égaré longtemps et à plusieurs reprises,
dit à Vidoura :

52. Que toutes les femmes s'en aillent, ainsi que la


glorieuse Gândhârî et tous ceux-ci (qui sont) mes amis.
J'ai entièrement perdu l'esprit.

53. En entendant ces paroles, le Kshattar, qui pleurait


continuellement, renvoya doucement les femmes, ô
excellent Bharatide.

54. Alors, ô le plus grand des Bharatides, toutes les


femmes et tous les amis, à la vue de la souffrance du roi,
se retirèrent.

55. Et alors, ô destructeur des ennemis, Sanjaya regar-


dait tristement le roi fortement éprouvé (par le chagrin)
qui pleurait et avait repris connaissance.

56. Le Kshattar, ayant fait l'aiïjali, réconfortait par de


bonnes paroles cet Indras des rois, qui poussait des
soupirs.

CHAPITRE II

LAMENTATIONS DE DURITARÀSHTRA

Argument : Tristes souvenirs de Drhitaràbhtra qui se rappelle le


jeunesse de ses enfants, et le dévouement inutile de ses amis, et
fait un retour sur le passé.
57. Vaiçampâyana dit : 6 grand roi, quand les femmes
furent sorties, Dhritarâshtra, fils d'Ambikà, dont la dou-
leur allait en croissant, parla,

58. Après avoir soufflé comme s'il était rempli de fumée,


tenant continuellement les mains levées (au ciel), après
avoir réfléchi, il dit :

59. Dhritarâshtra dit : Hélas, ô cocher, j'apprends de


toi ce grand malheur, que les fils de Pàndou sont saufs
et (ont été) immuables dans les combats.

60. En vérité, mon cœur serait dur (comme s'il était) fait
de la substance des carreaux de foudre (d'Indra ^), s'il
n'éclatait pas, brisé (de douleur) en mille morceaux à la
nouvelle que mes fils sont tués.

61. Entendant dire aujourd'hui que mes fils ont péri,


mon cœur éprouve un terrible déchirement, en se rappe-
lant leur jeunesse et leurs jeux d'enfants.

62. Si la cécité m'a privé de la vue de leur beauté, j'ai


toujours trouvé mon contentement dans leur amour.

63. homme sans péché, j'étais joyeux d'apprendre

8 CHAPITRE 11

qu'ils avaient dépassé la jeunesse, qu'ils étaient nubiles


et qu'ils étaient arrivés au milieu (de leur) carrière).

64. Affligé, surtout (du malheur) de mes fils, je ne trouve


nulle part la paix de l'âme, en apprenant aujourd'hui
qu'ils sont tués, que leur pouvoir est détruit et que leur
force est anéantie.

65. Viens, viens, ô mon fils. Je suis maintenant sans


appui, ô Indra des rois. Privé de toi, ô guerrier aux
grands bras, que me reste-t-il à faire?

66. Comment se fait-il, ô mon bien-aimé, que tu aies


abandonné les rois qui s'étaient joints (à toi), et que tu
sois tué, couché sur la terre, sans noblesse, comme un
méchant roi?

67. grand roi, après avoir été le soutien de tes


parents et de tes amis, où vas-tu, me laissant derrière
toi, moi vieux et aveugle?

68. Est-ce là la compassion, est-ce la satisfaction, est-ce


le respect que je devais attendre de toi, ô roi? Comment,
toi qui étais invincible dans les combats, as-tu péri sous
les coups des fils de Prithâ?

69. Qui donc, à l'avenir, me répétera à mon lever : père,


père (Qui donc me dira) : ô grand roi, ô protecteur du
monde?

70. Après m'avoir embrassé sur le cou, les yeux


humides d'affection, dis-moi, ô Korouide, cette bonne
parole : « Commande ».

71. Je n'entendrai donc plus tes paroles, ô mon fils?


Cette terre qui m'appartient n'était-elle pas assez grande
pour nous et aussi pour les fils de Prithâ?

72. Bhagadatta, Kripa, Calya, l'Avantien, Jayadratha,


Bhoûriçravas, Cala, Somadutta, Vàhlika.

LIVRE DE ÇALYA 9

73. Açvatthàman , Bhoja, le puissant Magadhien,


Vrihadbala, le roi de Kàçi, le soubalide Çakouni.

74. Les nombreux milliers de Mlecchas, les Çakas, les


Yavanas, le Kambodjien Soudakshina et le roi des
Trigartes,

75. Le grand-oncle Bhîshma, le Bharadvajide, le Gota-


mide Çroutàyou, Acyoutàyou et l'héroïque Çatàyou,

76. Jalasandha, le Rishyaçringin, le rakahasa Alàyou-


dra, Alamboushan aux grands bras, et le grand guerrier
Soubàhou,

77. Tous ceux-là et de nombreux autres rois, ô le plus


grand des rois, s'étaient levés, prêts à sacrifier leur vie
dans l'intérêt de notre (cause).

78. Placé au milieu d'eux dans la bataille et entouré de


tes frères (tu disais) ; Je combattrai les Prithides (les fils
de Prithà) et môme les Pàncàlas, de toutes parts,

79. Les Cedins, ô tigre des hommes, les fils de Drau-


padî, le Satyakide, Kountibhoya et le rakshasa Ghatot-
kaca.

80. Un seul de ces (héros) est capable d'arrêter dans sa


colère les Pandouides accourant au combat.

81. 82. Que (sera-ce) donc (quand ces) braves (seront)


réunis et devenus les ennemis des fils de Pàndou, ou bien
qu'ils combattront avec les suivants du Pândouide et les
tueront? Au reste, Karna seul, avec moi, nous pourrions
tuer les Pandouides.

83. Alors les rois et les héros seront soumis à mon


pouvoir. Certes, leur instigateur, le Vasoudevide à la
grande force

84, 85. Ne se dispose pas à combattre. Il me l'a dit.


Comme il répétait souvent (ces paroles) en ma présence,
10 CHAPITRE II

ô cocher, je considérais fermement les fils de Pàndou


comme tués (à l'avance) dans le combat où mes fils, placés
au milieu d'eux, ont été détruits

86 En combattant. Qu'est-ce, sinon la destinée? Quand


le maître du monde, le magnanime Bhishma est tué

87. Pour avoir rencontré Çikhandin (sur son chemin),


comme un lion (rencontre) un chacal. Quand le brahmane
Drona, qui connaissait toutes les armes et tous les astres,

88. Est tué en combattant contre le fils de Pàndou,


qu'est-ce, sinon la destinée? Quand Bhoùriçravas est
frappé ainsi que Somadatta

89. Et le grand roi Vàhlika, qu'est-ce, sinon la destinée?


Quand Bhagadatta, adroit au combat des éléphants, est
tué

90. Et que Jayadratha est abattu, qu'est-ce, sinon la


destinée? Quand Soudakshina est tué, ainsi que le Pou-
rouide Jalasandha,

91. Avec Çroutàyou et Acyoutàyou, qu'est-ce, sinon la


destinée? Et le très fort Pàndien, le meilleur des porteurs
d'armes,

92. Est tué par les Pàndouides dans le combat. Qu'est-


ce, sinon la destinée? Quand Vrihadbala et le très fort
Magadhien sont tués,

93. Et que Ougrayoudha, l'honneur des archers, est


vaincu, qu'est-ce, sinon la destinée ? Quand les deux
Avantiens sont tués, ainsi que le roi des Trigartes,

94. Et les nombreux conjurés, qu'est-ce, sinon la desti-


née ? Le roi Alambousha, le rakshasa Alâyoûdha
95. Et le fils de Rishyaçringa sont tués. Qu'est-ce,
sinon la destinée? Quand les bouviers Nâràyanas enragés
au combat sont tués,

LIVRE DE ÇALYA 11

96. Ainsi que des milliers de Mleechas, qu'est-ce,


sinon la destinée? Quand le Soubalide Çakouni, le très
fort Kitavide

97. Et le héros Sabala sont tués, qu'est-ce, sinon la


destinée? Quand des héros magnanimes, connaissant
toutes les armes et tous les astras (armes magiques)

98. Et que de nombreux (guerriers) dont la force


égalait celle d'Indra, ô cocher, quand les Kshatriyas
réunis des divers pays, ô Sanjuya,

99. Ont tous péri dans la bataille, qu'est-ce, sinon la


destinée ? Et (quand) mes fils et mes petits-fils (qui
étaient) très forts, sont tous détruits

100. (Ainsi que) mes amis et mes frères, qu'est-ce,


sinon la destinée? Certainement l'homme est conduit par
le destin.

101. L'homme heureux rencontre le bonheur. Quant à


moi, je suis, ici-bas, privé de mon propre bonheur et de
mes fils, ô Sànjaya.

102. Tombé au pouvoir de mes ennemis, comment


vieillirai-je ? Je n'ai pas en vue un autre séjour que celui
des bois.

103. Moi, sans amis, après la ruine complète de mes


parents, j'irai dans les forêts (mener la vie ascétique).
Rien n'est meilleur que de me réfugier dans les forêts,
pour moi
104. Qui en suis arrivé à voir mon parti détruit, Dou-
ryadhana et Çalya tués, ô Sanjaya,

105. (Ainsi que) Dousçâsana, Viçasta et Vikarna, à la


grande force. Car comment entendrais-je le bruit ter-
rible fait par Bhîmasena

106-107. Qui, à lui seul, a tué une centaine de mes fils

12 CHAPITRE II

dans la bataille ? Je ne pourrais pas entendre (sans être)


tourmenté par un chagrin insupportable ses paroles
cruelles, quand il raconterait (en y revenant) à plusieurs
reprises, le meurtre de Douryadhana.

108-110. Vaiçampàyana dit : Voici comment ce prince,


Dhritaràshtra fils d'Ambikà, dont les amis étaient tués,
que le chagrin tourmentait, et dont l'esprit était troublé
et constamment hanté par le souvenir de ses enfants et
de ses autres (amis), après avoir longtemps pleuré, sou-
piré longuement et profondément, et réfléchi à son
malheur, occupé et tourmenté par une grande douleur,
ô excellent Bharatide, interrogea le cocher Gàvalgani
(Sanjaya), pour savoir comment les choses s'étaient
passées.

111. Dhritarâshtra dit : Après que j'ai eu appris la


mort de Bhîshma, de Drona et du fils du cocher (dis-moi)
qui les miens mirent à la tête de l'armée.

112. Quel que soit celui que mes soldats ont fait géné-
ralissime, les Pandouides qui le combattaient, l'ont eu
vite tué.

113. Bhîshma a été tué sous vos yeux à la tête de


l'armée par (Arjouna) Kirîtin (qui porte un diadème). Il
en a été de même de Drona, tué (aussi) en présence de (vous) tous.
114. Karna, le majestueux fils du cocher, a été frappé
de la même manière par Arjouna, en votre (présence),
quand tous les rois étaient assemblés.

115. Jadis le magnanime Vidoura m'avait dit : Ce peuple


périra par la faute de Douryadhana.

116. 117. Il est des insensés qui ne savent pas voir,


même après avoir convenablement regardé. C'est ce qui

LIVRE DE ÇALYA 13

a eu lieu pour cette parole que le sage Vidoura, qui con-


naissait tous les devoirs, me dit à moi qui (alors) étais
fou. Cette parole a eu son accomplissement.

118. Gâvalgani, raconte-moi encore quel fut le résul-


tat de la mauvaise action (que je commis) en ne faisant
pas, naguère (ce qui était convenable parce que) j'avais
l'esprit aveuglé par le destin.

119. Quand Karna fut tué, qui fut le chef de l'armée?


Quel guerrier, sur son char, tint tête au Vasoudevide et
à Arjouna ?

120. Quels étaient ceux qui protégaient la roue droite


et la roue gauche du char du roi de Madra? Quels étaient
ceux qui suivaient le héros animé du désir de com-
battre?

121. Comment le roi de Madra, à la grande force, ainsi


que mon fils furent-ils tués dans la bataille par les Pan-
douides, quand vous étiez réunis?

122. Raconte -moi, tel qu'il se produisit, le grand dé-


sastre des Bharatides et de quelle façon périt mon fils
Douryadhana,
123. Comment furent tués tous les Pàncâlas avec leurs
compagnons, ainsi que Dlirishtadyoumna, Çikhandin et
les cinq fils de Droupadî,

124. Comment les fils de Pàndou furent sauvés ainsi


que les deux Satvatides, Kripa, Kritavarman et le fils de
Bharadhvaja (Açvattaman, fils de Drona),

125. Et le combat, tel qu'il fut, qui eut lieu alors. Je


désire tout entendre, ô Safijaya, car tu es un habile
(conteur) .

CHAPITRE m

DÉFAITE DE L ARMÉE KOUROUIDE

Argument : Panique de l'armée après la mort de Karna. Efforts de


quelques héros. Prouesses des Pandouides. Efforts de Douryo-
dhana. Il harangue l'armée qui reprend courage.

126. Sanjayadit : Écoute avec attention, ô roi, de quelle


façon eut lieu la destruction des hommes, tant Kou-
rouides que Pandouides, qui s'étaient réciproquement
attaqués.

127. Le fils du cocher étant tué par le magnanime fils


de Pândou, et les armées ayant été à plusieurs reprises
dispersées et rassemblées (de nouveau),

128. Les hommes s'étant livré un terrible combat et


les meilleurs des éléphants étant détruits, le fils de
Pândou poussa le même rugissement qu'après avoir tué
Karna.

129-131. Alors la terreur engendrée par ce (rugisse-


ment) envahit (le cœur de) tes fils, ô roi. Karna étant tué,
aucun de tes guerriers ne songeait à réunir les armées
ni à accomplir aucun acte héroïque, troublés comme des
marchands dont le navire est brisé sur la mer profonde,
cherchant une rive sur l'océan sans bords, après la mort
du fils du cocher, ô roi, notre refuge étant détruit par
Arjouna, effrayés et blessés par les armes (de nos
ennemis),

LIVRE DE ÇALYA 15

132. Semblables à des gazelles qui, tourmentées par un


lion, cherchent un protecteur qu'elles ne trouvent pas,
semblables à des taureaux dont les cornes sont brisées
(ou) à des serpents qui ont perdu leurs dents,

133. Nous tournions le dos dans la soirée, mis en fuite


par l'ambidextre, nos plus grands héros étant tués et
taillés en pièces par des flèches tranchantes qui ne lais-
saient aucun repos.

184. Le fils du cocher étant tué, ô roi, tes fils s'en-


fuj-aient de peur, tous, fugitifs, sans épée et sans cui-
rasses, hors d'eux-mêmes,

135-137. Se frappant les uns les autres, interrogeant


l'horizon avec terreur, et pensant ainsi : (Arjouna)
Bîbhatsou s'approche de moi, (Bhîmasenaj Vrikodara
(ventre de loup) me (poursuit), ils tombaient affaiblis, ô
Bharatide. Les grands guerriers, montés, les uns sur
leurs chars, les autres sur leurs chevaux, d'autres sur des
éléphants rapides, abandonnèrent les fantassins. Les
chariots de guerre étaient brisés par les éléphants, et
les cavaliers (écrasés) parles grands chars.

138, 139. La multitude des fantassins (était) rudement


heurtée par les flots de chevaux qui s'enfuyaient. Quand
le fils du cocher fut tué, les tiens étaient comme (s'ils se
fussent trouvés) dans un bois rempli de bêtes féroces,
privés (du secours qu'ils pouvaient attendre) de leur
grand nombre. Les éléphants avaient leurs cavaliers
tués, d'autres avaient les défenses brisées.

140. En se voyant tous, courant, tourmentés par la


crainte de Bhîmasena, les (guerriers) malades do peur
croyaient que le monde entier était au pouvoir des fils de
Pàndou.

16 CHAPITRE III

141. Ensuite, Douryodhana ayant poussé le cri de : Ah!


malheur! dit à son cocher : Le fils de Prithâ ne me sur-
passera pas (tant que je serai) présent, l'arc en main.

142-144. Quand je me trouverai à l'arrière garde,


pousse rapidement les chevaux, car Dhananjaya, fils de
Kountî, ne saurait me dépasser dans la bataille, quand je
combattrai, de même que l'océan (ne peut dépasser) le
rivage. Aujourd'hui, je m'acquiterai de la dette (que j'ai
contractée envers) Karna, en tuant Arjouna et Govinda,
ainsi que ce vantard de Vrikodara, et les autres ennemis-
Ayant entendu ces paroles du roi de Kourou, (qui étaient
celles) d'un héros et d'un (homme) magnanime,

145. Le cocher poussa doucement les chevaux couverts


d'or. Ceux qui étaient privés de (leurs) chars, de (leurs)
chevaux de (leurs) éléphants, les fantassins, ô vénérable,

146. Au nombre de vingt-cinq mille, s'enfuyaient, pour


ainsi dire sans s'arrêter. Bhîmasena irrité, et le Prishatide
Dhrîshtadyoumna les

147. Ayant entourés d'une armée (formée) de quatre


corps, les tuaient avec des flèches. Ils résistaient tous à
Bhîmasena et au Prishatide .

148. D'autres prononcèrent les noms du Prithide et du


Prishatide (en les provoquant) au combat. Bhîma s'irritait
(du grand nombre de ceux qui, l'entouraient dans la bataille.
149. 150. S'étant hâté de descendre de son char, il com-
battait la massue à la main. Vrikodara, fils de Kountî,
attentif â ses devoirs, se fiant sur la force de ses bras, ne
(voulut) pas combattre, étant monté sur son char, ces
(guerriers) qui étaient à terre. Ayant saisi sa grande
massue garnie d'or

LIVRE DE ÇALYA 17

151 . Il tuait tous les tiens (comme le ferait) Antaka (le


dieu de la mort) son bâton à la main. Les fantassins, très
excités, dont les amis étaient tués,

152. Couraient tous vers Bhîmasena comme des insectes


vers la flamme (d'un feu). Irrités, affolés par le combat,
ayant assailli Bhîmasena,

153. Ils périrent immédiatement, comme des troupes


d'êtres qui ont vu Antaka. Bhîma errait çà et là comme
un faucon. Avec son glaive et sa massue

154. Il tua vingt-cinq milliers des tiens. Bhîma, à


l'héroïsme véritable, ayant exterminé cette armée de
héros,

155. Ce (guerier) à la grande force, ayant mis devant


lui Dhrishtadyoumna, s'arrêta. L'héroïque Dhananjaya
suivait l'armée des chars.

156. Les deux fils de Mâdrî et le grand guerrier


Satyakide, joyeux et très forts, coururent rapidement
sur Çakouni qu'ils voulaient tuer,

157. Ayant anéanti avec des flèches aiguës ses nom-


breux cavaliers (montés) sur leurs chevaux, ils se
hâtèrent de se précipiter sur lui. Là, le combat fut
grand .
158. Alors, ô roi, Dhananjaya entra dans l'armée des
chars, bandant l'arc Gândîva, célèbre dans les trois
mondes.

159. Ayant vu s'approcher le char aux chevaux blancs


avec Krishna pour cocher, les tiens aussi entourèrent le
guerrier Arjouna.

160. Les vingt-cinq milliers de fantassins, dépourvus


de chars et de chevaux, couverts (d'un nuage) de flèches,
attaquèrent le fils de Prithâ.

18 CHAPITRE III

161-162. Les grands guerriers Pânçâlas ayant tué cette


armée de héros, le très glorieux grand archer, fils de
leur roi, Dhrishtadyoumna, destructeur des troupes enne-
mies, ne suivait pas de très loin Bhîmasena qui allait en
avant.

163. Les tiens, ayant aperçu dans la bataille Dhrishta-


dyoumna, dont les chevaux étaient couleur de tourte-
relles et dont l'étendard était illustré par (la plante)
Kovidâra (bacchinya variegata), s'enfuyaient devant lui,
(glacés) de terreur.

164. Les deux glorieux fils de Mâdrî, ayant suivi le roi


de Gândhâra, aux flèches rapides, était à peu de distance
avec le Satyakide

165. Cekitâna, Çikhandin, et les fils de Draupadî, ô


vénérable, ayant tué ta nombreuse armée, soufflaient
dans leurs conques.

166. Voyant les tiens courir en tournant le dos, ils les


poursuivaient, comme (le font) des taureaux qui (en
veulent) tuer un autre.
167. Le fils de Pândou, l'ambidextre, à la vue de ce
reste de l'armée de ton fils, qui tenait encore ferme,
entra dans une grande colère, ô roi.

168. Et de suite, ô roi, il couvrit de flèches ce (misérable


débris d'armée). En vérité, la poussière qui s'élevait ne
laissait plus rien voir.

169. Le monde étant (ainsi) devenu aveugle et le sol


de la terre étant couvert de flèches, les tiens, ô grand roi,
s'enfuyaient, eff"rayés, dans toutes les directions.

170. maître des hommes, le roi de Kourou courait de


tous côtés contre ses propres troupes dispersées, et
contre celles des ennemis.

LIVRE DE ÇALYA 19

171. Alors Douryadhana appela au combat tous les


Pandouides, ô excellent Bharatide, comme jadis Bali (le
fit) des dieux.

172. Ceux-ci, irrités, continuellement menaçants, bran-


dissant des armes diverses, attaquaient ensemble ce
(prince) mugissant.

173. Douryadhana aussi, sans se troubler, dispersait


ses ennemis avec des flèches. Nous vimes ton fils (accom-
plir) un exploit héroïque, merveilleux.

174. 175. Tous les Pandouides (réunis) ne purent pas le


repousser. Indra des rois, Douryadhana, ton propre fils,
voyant à peu de distance son armée très endommagée
et songeant à fuir, réfléchit et s'arrêta.

176. (Voulant leur rendre le courage) il dit, comme en


riant, ces paroles aux guerriers : Je ne vois pas sur la
terre ni dans les montagnes un endroit
177. Dans lequel les Pandouides ne vous tueront pas
(quand vous vous y serez enfui). A quoi bon fuir? Leur
force même est peu considérable, et les deux Krishnas
sont gravement blessés.

178. 179. Si nous nous tenons tous (fermes) ici, notre


victoire est certaine. Mais les Pandouides offensés, vous
suivront et vous tueront, (quand) vous serez éparpillés (et
que vous aurez) rompu (vos rangs). Il vaut mieux pour
nous périr en combattant. D'après la loi des Kshatriyas,
la mort dans la bataille est heureuse pour le guerrier.

180. L'homme mort (dans ces conditions) ne connaît


pas le malheur. Dans l'autre monde, il jouit (d'un
bonheur) sans fin. Que tous les Kshatriyas réunis (ici),
écoutent.

181. Vous ne devez pas abandonner la loi établie par

20 CHAPITRE lîl

vos ancêtres, (si vous ne voulez pas) tomber au pouvoir


de Bhîmasena irrité.

182. Il n'y a pas, pour le Kshatriya, d'action pire que la


fuite. Kourouides, il n'y a pas de meilleure voie pour
(atteindre) le Svarga (le ciel) que les mérites des combats.

183, 184. Le guerrier obtient immédiatement les)


mondes (heureux), qu'un temps très long (d'épreuves
pourrait lui mériter. Les grands guerriers Kshatriyas,
ayant reçu avec respect ces paroles de ce roi, se retour-
nèrent contre les Pandouides, en songeant à leur
(propre) force et ne pardonnant pas leur défaite (à leurs
ennemis).

185. Alors recommença, entre les tiens et les ennemis,


un combat épouvantable, semblable à celui des dieux et des Asouras.
186. Et ton fils Douryadhana, ô grand roi, poursuivit
avec toute l'armée, les Pandouides ayant en tête You-
dhishthira.

CHAPITRE IV

KRIPA SOLLICITE DOURYODHANA

Argument : Discours de Kripa. Il propose de faire la paix.

187. Sanjaya dit : Ayant vu abattus les chars et les


caisses des chars des magnanimes, les éléphants et les
bataillons tués dans le combat, ô vénérable,

188. Le champ de bataille (aussi) affreux que le


jardin de Roudra, et la disparition, par centaines de
mille, des rois (qui y étaient) venus,

189. 190. Ton fils s'étant détourné, l'esprit dévoré de


chagrin, les armées étant extrêmement épouvantées à la
vue de la force des Prithides, et réfléchissant à leurs
malheurs, en entendant le cri suprême des troupes
battues, ô Bhàratide,

191 . Ayant vu la mémoire des Indras (rois) des rois ternie


dans le combat (par leur défaite), le vertueux et vieux
Kripa, atteint de compassion, ô roi,

192. Énergique, parlant bien, s'étant approché de


Douryadhana, maître suprême des hommes, lui dis avec
colère :

193. Douryadhana, descendant de Bharata, écoute


ce que je vais te dire. Quand tu l'auras entendu, tu
agiras en conséquence, si cela te convient, ô (mortel)
sans péché.
22 CHAPITRE IV

194. Indra des rois, certes aucune voie ne semble


meilleure que celle des mérites guerriers. Les Kshatriyas
qui s'y sont engagés se livrent aux combats, ô le meilleur
des Kshatriyas.

195. Père, mère, filS; fils de la sœur, oncles maternels,


et même les parents des parents doivent être combattus
par celui qui vit en Kshatriya.

196. Dans la mort (reçue en combattant), réside le


mérite suprême. La fuite est ignominieuse. Aussi, ceux
(de cette caste) qui tiennent à leur vie, ont une existence
terrible.

197. Je vais te dire des paroles qui peuvent être utiles.


Bhîshma, Drona et le grand guerrier Karna étant tués.

198. Ainsi que Jayadratha, tes frères et ton fils Laksha-


mana, ô (mortel) sans péché, que nous reste-t-il à faire?

199. Ces héros, à qui nous songions pour leur confier le


fardeau de la royauté, ont abandonné leurs corps et sont
allés vers le refuge de ceux qui connaissent Brahma.

200. Privés de ces grands guerriers remplis de qualités,


nous passerons notre vie dans l'affliction, ayant causé la
mort de nombreux rois.

201. (Arjouna) Bîbhàtsou n'a pu être vaincu, (même)


quand (eux) tous étaient vivants. Le guerrier aux grands
bras (voyant par) les yeux de Krishna serait invincible,
même pour les dieux.

202. La grande armée a tremblé à la vue du drapeau


(orné) d'un singe, élevé comme l'étendard d'Indra,
semblable en éclat à l'arc et à la foudre du roi des dieux.

203. Nos cœurs frissonnent (en entendant) le rugisse-


ment de Bhîma, le son de la conque de Krishna et le
bruit de Gàndiva.

LIVRE DE ÇALYA. 23

204. Gàndîva paraît comme un grand éclair qui, dans


son mouvement, dérobe la lumière des yeux (éblouis), et
comme un grand tison agité.

205. Mis en mouvement, le grand arc bariolé d'or se


voit dans toutes les directions, comme l'éclair au milieu
des nuages du ciel.

206. Les chevaux attelés au char, sont des chevaux


blancs, aussi éclatants que la lune ou que l'herbe Kâça,
buvant pour ainsi dire l'éther (tant ils sont) rapides,

207. Conduits par Krishnas, comme les nuages le sont


par le vent, ayant le corps couvert d'or, ils portent
Arjouna au combat.

208. roi, Arjouna, le meilleur de ceux qui connaissent


les astras, consume ton armée, comme un feu allumé dans
le camp (consume) une broussaille épaisse.

209. grand roi, quaad il entrait dans les armées, Dha-


nanjaya, ayant un éclat pareil à celui du grand Indra, nous
paraissait (terrible) comme un éléphant à quatre défenses.

210. Nous voyions Dhanailjaya mettant tes troupes en


désordre et faisant trembler les princes, comme un élé-
phant trouble un étang à lotus,

211. Nous le voyions faisant trembler les guerriers


Pandouides mêmes, par le frémissement de son arc.
comme les troupes de gazelles voient un lion (qui les
remplit de terreur).
212. Les deux grands archers, les taureaux des porteurs
d'arc, les deux Krishnas, la cuirasse lassée, brillaient au
milieu du monde (entier).

213. Aujourd'hui, ô Bharatide, il y a dix-sept jours (que


dure) la lutte épouvantable des deux partis qui se sont
rencontrés pour se combattre.

24 CHAPITRE IV

214. Tes armées dispersées de tous côtés, comme les


nuages de l'automne le sont par le vent, disparaissent de
toutes parts.

215. L'ambidextre, ô grand roi, fait trembler ton armée,


comme un vaisseau tourné sens dessus dessous, et en
quelque sorte roulé par le vent dans la mer.

216. Où donc était le fils du cocher, où était Drona


avec ses suivants, où donc étais-je, où était le héros
Hridikien (Kritavarman)?

217. Où donc était ton frère Dousçàsana, avec ses


frères. Après avoir vu Jayadratha atteint par les flèches
(des ennemis),

218. Lui qui avait vaincu ouvertement les parents, les


frères, les compagnons, les oncles maternels, et foulé le
monde aux pieds,

219. Le roi Jayadratha est tué. Que nous reste-t-il donc


à faire? ou bien quel est le héros qui vaincra le fils de
Pàndou ?

220. Car les astras divins de ce magnanime sont brandis,


et le bruit de Gàndîva anéantit nos forces.

221. Cette armée, dont les chefs sont tués, est comme
une nuit sans lune, comme une rivière dont les eaux sont
basses, et dont les arbres (qui ornaient ses rives) ont été
brisés par les éléphants.

222. Le guerrier aux grands bras, aux chevaux blancs,


parcourra à sa volonté cette armée dont les conduc-
teurs sont tués, comme un feu flambant (parcourt) des
broussailles.

223. L'énergie de ces deux (guerriers), le Satyakide et


Bhîmasena, serait capable de briser toutes les montagnes
et de dessécher toutes les mers.

LIVRE DE ÇALYA 25

224. maître des hommes, la parole que Bhîmasena


prononça au milieu de la cour (de ton père) est entière-
ment accomplie, et il fera encore davantage.

225. Quand Karna lui faisait face, l'armée (ennemie)


protégée par les fils de Pàndou, était difficile à aff'ronter,
et grandement secourue par celui qui a pour arc Gàndiva.

226. Vous récoltez les fruits des malhonnêtetés que vous


avez accomplies sans motif contre des hommes vertueux.

227. Le monde entier a été péniblement accaparé par


toi à ton profit, (ta conquête) est douteuse, toi-même aussi,
ô Bharatide (tu es en danger).

228. Protège ta personne même, ô Douryodhana, tout


réside en toi. Quand le vase est brisé, son contenu s'enfuit
dans toutes les directions.

229. La paix doit être cherchée par celui qui est battu
et par celui qui est égal (en force), la guerre, par celui
qui est le plus fort; cette politique est celle de Vrihaspati.
230. roi, nous que voici, nous sommes privés de nos
amis par les fils de Pàndous, et réduits à nos propres
forces ; je pense en conséquence qu'il serait utile de faire
la paix avec les Pandouides.

231. Car celui qui ne connaît pas ce qui lui convient le


mieux et qui méprise ceux qui sont plus forts que lui,
tombe vite (du trône) et ne trouve pas le (sort) le meilleur.

232. Si, en nous inclinant respectueusement devant lui,


nous pouvions obtenir du roi (Youdhishthira), de con-
server nos royaumes, il vaudrait mieux ne pas marcher
follement à la défaite.

233. Youdhishthira est d'un naturel compatissant ; à la


requête, du fils de Vicitravîrya, et sur le conseil de
Govinda, il pourrait te donner un royaume.

26 CHAPITRE IV

234. Certes, tous feront ce que Hrishikeça dira au roi,


à Arjouna et à Bhîmasena victorieux.

235. Krishna ne méprisera pas les paroles de Dhrita-


râbhtra, roi de Kourou, et je crois que le fils de Pândou
ne se refusera pas à (suivre les conseils) de Krishna.

236. Je crois salutaire pour toi de ne pas combattre les


fils de Prithâ. Je ne parle ni par compassion ni pour
protéger ma vie.

237. 238. roi, mon conseil est bon. Sur le point de


mourir tu te rappelleras ce (que je viens de te dire). Le
Çaradvatide Kripa, ayant ainsi parlé, exhala un soupir
long et profond, et s'évanouit.
CHAPITRE V

DISCOURS DE DOURYODHANA

Argument : Réponse de Douryadhana. Son armée reprend courage


et va camper sur un plateau de l'Himalaya.

239. Sanjaya dit : Ayant entendu ces paroles du glo-


rieux fils de Gotama, le roi soupira longuement et forte-
ment et resta silencieux, ô maître des hommes.

240. Puis, ayant réfléchi un moment, le Dhritarâshtride


au grand cœur, dompteur de ses ennemis, dit au Çarad-
vatide Kripa.

241. Tout ce qu'un ami pouvait dire, je viens de l'en-


tendre. Tu as fait en combattant tout (ce que tu pouvais
faire pour moi), en ne comptant ta vie pour rien.

242. Le monde te suivait des yeux, quand tu pénétrais


dans les armées (ennemies) et quand tu combattais avec
les grands et très énergiques Pandouides.

243. Ces paroles, que ton amitié m'a fait entendre, ne


me satisfont pas plus qu'un remède (ne satisfait) celui qui
veut mourir.

244. Cet excellent discours, étayé de raisons et d'ar-


guments (puissants), qui vient d'être prononcé (par toi),
ô guerrier aux grands bras, ne ne me plaît pas, ô le plus
grand des brahmanes

245. Comment celui que nous avons frustré de la

28 CHAPITRE V

royauté, ce roi puissant, vaincu par nous au jeu de dés


aurait-il confiance en nous ?
246. Comment même aurait-il encore foi dans mes
paroles? Et Krishna Hrishikeça, dévoué aux fils de
Prithâ, envoyé (jadis) en ambassade auprès de nous,

247. A été trompé (dans ses espérances), ce qui était


un manque de considération (de notre part). Comment
prêtera-t-il l'oreille à mes discours ?

248. Krishna (Draupadî) pleura quand elle fut amenée


dans l'assemblée, Krishna ne supporte pas (plus patiem-
ment) cet (affront) que le vol de la royauté (de ses amis).

249. Nous voyons arriver ce qu'on nous avait jadis


prédit, (c'est-à-dire que) les deux Krishnas n'ont (à eux
deux), qu'une seule vie, et qu'ils sont liés l'un à l'autre
(par une amitié à toute épreuve).

250. Depuis qu'il a appris la mort du fils de sa sœur,


Keçava a le sommeil pénible. Nous sommes coupables
(de cette mort). Comment s'apaiserait-il pour favoriser
mes intérêts ?

251. La mort d'Abhimauyou empêche Arjouna de goû-


ter aucun plaisir. Comment fera-t-il en ma faveur
l'effort que je lui demanderai?

252. Le second fils de Pândou, le brûlant et très fort


Bhîmasena, ne saurait s'apaiser au moment de réaliser ce
qu'il a promis.

253. Les deux jumeaux, ces deux héros, semblables à


Yama, quand ils ont attaché leurs épées et leurs cuirasses,
sont devenus nos ennemis .

254. Dhrishtadyoumna et Çikhandin sont devenus mes


adversaires, comment feraient-ils un effort eu ma
faveur, ô le meilleur des Brahmanes?
LIVRE DE ÇALYA 29

255, 256. Les fils de Pandou ne sauraient aujourd'hui


être détournés de la guerre. Ces destructeurs de leurs
ennemis se souviennent que Krishna (Draupadîj triste,
(presque) nue, n'ayant qu'un seul vêtement, a été, au mo-
ment critique de son mois, tourmentée par Dousçâsana,
au milieu de l'assemblée du monde entier qui la regardait.

257. Draupadî Krishna, malheureuse, tourmentée, pra-


tique, pour mon malheur, un ascétisme terrible en vue du
plus grand bien des (cinq) frères.

258. Elle repose chaque nuit sur la terre nue (et conti-
nuera ainsi) jusqu'à la fin de la guerre ; foulant aux
pieds l'orgueuil et l'amour propre, la charmante sœur du
Vasoudevide

259. Obéit constamment à Krishna comme (le ferait)


une servante. Ainsi tout (est) déchaîné (contre moi, et cet
orage) ne tend nullement à s'apaiser.

260. Comment ce (Youdhishthira) s'unira-t-il à moi,


après la mort d'Abhimanyou? Et après avoir possédé
cette terre limitée par la mer,

26L Comment jouirais-je d'une royauté due à la faveur


du fils de Pàndou? Après avoir, semblable au soleil,
resplendi bien au-dessus des rois,

262. Comment pourrais-je suivre Youdhishthira à la


façon d'un esclave ? Après avoir goûté des jouissances
qui m'étaient propres et répandu de grandes libéralités,
comment

263.. Traînerais-je, avec des malheureux, une existence


misérable ? Je ne suis pas mécontent de tes paroles. Ce
que tu m'as dit était d'un ami,

264. Mais je ne pense pas que le temps soit venu de


(demander) la paix. destructeur des ennemis, je crois

30 CHAPITRE V

que la sagesse consiste (à se préparer) à un combat


énergique.

265. Ce n'est pas le moment de se conduire en


eunuque, mais (au contraire) de lutter avec vigueur. De
nombreux sacrifices ont été offerts pour moi, des dons
ont été faits aux prêtres,

266. Mes désirs ont été accomplis, j'ai entendu la réci-


tation des védas ; j'ai placé mon pied sur la tête de mes
ennemis ; mes serviteurs ont été bien entretenus, ô mon
ami, et les malheureux ont été relevés (par moi, de leur
misère).

267. Je n'oserais pas parler (comme tu le désires) aux


fils de Pandou. Les royaumes des ennemis, ô le meilleur
des brahmanes, ont été conquis (par moi), et notre
propre royaume a été protégé.

268. Des jouissances de diverses sortes ont été goû-


tées, et l'ensemble des trois choses (plaisir, devoir, uti-
lité), pratiqué par moi. J'ai payé ma dette aux (créanciers
qui sont) mes ancêtres et mes devoirs de Kshatriya.

269. Il n'y a pas un plaisir sûr en ce monde. Qu'est-ce


que la gloire et la royauté? Il faut ici bas acquérir la
renommée (et elle s'obtient) en combattant bien, et pas
autrement.

270. La mort du Kshatriya, qui a lieu dans sa maison,


est blâmée . La mort dans son lit, chez soi, est une ignominie.

271. L'homme qui perd la vie dans les forêts ou dans


les combats, après avoir offert des sacrifices, s'ache-
mine vers les grandeurs.

272. Ce n'est pas lui qui, malade, se lamentant, accablé


de vieillesse, meurt misérablement au milieu de ses
parents en pleurs,

LIVRE DE ÇALYA 31

273. Mais, abandonnant les divers plaisirs (que je puis


encore goûter), je vais maintenant aller, par un combat
courageux, au refuge suprême des morts, de ceux qui
voient Çakra,

274. Des héros à la noble conduite, ne tournant pas le


dos dans la bataille, des Sages, de ceux qui sont véri-
diques et de tous ceux qui offrent des sacrifices.

275. Certes, le séjour dans le monde d'Indra est le par-


tage de ceux qui ont été purifiés par le glaive ou par les
bains (sacrés). Il est certain que les troupes des apsaras
les contemplent joyeusement dans les combats.

276. Assurément, les Pitris (dieux mânes) verront (les


guerriers), honorés dans l'assemblée des dieux, entourés
par les apsaras et se réjouissant dans le monde d'Indra.

277. Suivons donc le chemin foulé par les immortels,


et la voie tracée par ces héros qui n'ont pas fui,

278. Ainsi que par notre vieux, sage et respectable


grand-oncle (Bhishma), par Jayadratha, Karna et Dous-
çàsana.

279. Dans cette (voie), les héros, les rois, frappés et


tués pour moi, blessés de flèches, couverts de sang,
gisent sur la terre.
280. Ces héros, connaissant les astras (formules ma-
giques) suprêmes, offrant des sacrifices d'après les règles
prescrites, après avoir abandonné leurs corps, habitent
les palais d'Indra.

281. Mais, certes, ce chemin préparé par eux devien-


dra difficile à suivre, (encombré) par (le grand nombre de
ceux) qui s'envolent avec une grande vitesse vers ce
refuge salutaire.

282. Me rappelant ce qui a été fait par les héros tués

32 CHAPITRE V

pour déreiidre ma cause, me chargeant de la dette (que


leur mort m'impose), je ne place plus mon espérance
dans la royauté.

283. Si, après avoir fait tuer mes amis, mes frères,
notre grand-oncle, je cherchais à conserver ma vie, le
monde me blâmerait certainement.

284. Quelle serait cette royauté (dont je jouirais), privé


de mes parents, de mes amis, de mes partisans, après
m'être humilié devant les fils de Pandou ?

285. Moi que voici, après avoir ainsi conquis le monde,


j'obtiendrai le Svarga par un combat méritoire, il n'en
sera pas autrement.

286. Après avoir été ainsi harangués par Douryadhana


et avoir honoré ses paroles (par leurs acclamations), tous
les Kshatriyas dirent : bien ! bien !

287. Ne regrettant plus les victoires (remportées par)


les ennemis, songeant à leur propre force, tous étaient
brûlants de courage et bien décidés à se battre.

288. Alors tous les Kourouides, désireux de combattre,


ayant fait souffler leurs chevaux et marché un peu moins
de deux yojanas, s'arrêtèrent

289. Sur un plateau élevé de l'Himalaya, propre (à un


campement), dépourvu d'arbres. Ayant atteint la Saras-
vati Arounienne, ils (y) burent ^

290. 291. Les tiens, possédés de l'ardeur qui animait


ton fils, s'arrêtèrent là, comptant de nouveau les uns sur
les autres. O roi, tous les Kshatriyas, poussés par le
destin, retournaient au combat.

CHAPITRE VI

DISCOURS DE DOURYODHANA (Suite)

Argument : On passe la nuit sur le plateau de l'Himalaya. L'armée


demande un généralissime. Le roi Douryadhana charge le fils de
Drona de le désigner. Celui-ci choisit Çalya, roi de Madra, qui est
accepté, et qui accepte le commandement en témoignant de son
dévouement.

292. Sanjaya dit : Tous les guerriers, enchantés de


combattre, étaient réunis sur le plateau de THimalaya.

293. Çalya, Citrasena, le grand guerrier Çakouni,


Açvatthâman, Kripa, Kritavarman le Çatvatide,

294. Soushena, Arishtasena, l'héroïque Dhritasena, et


Jayatsena. Tous ces rois passèrent la nuit (en cet endroit).

295. Le héros Karna étant tué, tes fils, tremblants de la


peur (que leur inspiraient leurs ennemis) victorieux, ne
trouvaient de sûreté que dans la montagne de l'Himalaya.
296. prince, tous, décidés à se battre, se réunirent
près de Çalya et dirent au roi, après l'avoir honoré selon
la règle :

297. Tu ne dois combattre les ennemis qu'après avoir


établi un chef de l'armée, qui nous protège dans la
bataille (et sous les ordres duquel) nous puissions vaincre
nos adversaires,

298. Alors Douryadhana, se tenant sur son char (se sou-


vint) du meilleur parmi les plus grands guerriers,

34 CHAPITRE VI

habile à tous les combats, pareil à Antaka dans la

bataille :

299. Beau de corps, ayant la tête (bien) couverte (de


cheveux), porteur d'un collier de coquillages, les yeux
semblables à des feuilles de lotus ouverts, ayant la face
(terrible comme celle) d'un tigre, brillant d'or,

300. Semblable à un robuste taureau pour l'épaule,


l'œil, la démarche et la voix, ayant le bras bien nourri,
étendu, libre et grand, avec la poitrine large et ferme,

301. En vitesse et en force, semblable à Arounànouya


(Garouda) et au vent, resplendissant comme le fils
d'Aditi, égal en sagesse à Ouçàna.

302. Pareil à la lune pour ces trois (choses) : le


charme, la beauté, et la fascination du regard, semblable
à un ama d'or et de lotus, ayant les jointures (des mem-
bres) bien attachées,

303. La cuisse et la jambe bien rondes, de beaux pieds,


de beaux doigts, de beaux ongles, créé avec effort par le
créateur qui (dut) se rappeler à plusieurs reprises les
(diverses) qualités, (pour les réunir en ce sens mortel).

304. Qui réunit tous les signes favorables, qui est habile,
qui possède un océan de connaissances, (toujours) victo-
rieux, que la force et l'énergie des ennemis ne saurait
vaincre.

305. Qui connaît dans son essence la science des flèches,


(science) comprenant quatre padas et dix angas (parties),
ainsi que les sangas et les vedas qui sont au nombre de
quatre, et que les Akhyànas (légendes) portent à cinq,

306. Le grand ascète engendré d'une mère qui n'était


pas née d'une matrice de (femme) par Drona (qui lui-
même) n'était pas né d'une matrice (de femme) et qui

LIVRE DE ÇALYA 35

s'était concilié la faveur de Triambaka (Çiva) par rexécii-


tion) pénible de vœux terribles.

307. Ton propre fils s'étant approché, ô dompteur des


ennemis, de cet homme aux œuvres incomparables, sans
égal en beauté sur la terre, possédant un océan de qua-
lités, arrivé à la limite extrême de toutes les sciences, dit
à Açvatthâman : Le fils du Gourou (Drona) est notre refuge
suprême à tous. C'est pourquoi ordonne qui sera le
maître de mon armée, et celui (avec lequel), quand nous
l'aurons mis à notre tête, nous vaincrons les Pandouides.

310. Le Dronide dit : Que Çalya soit notre chef d'armée.


Il est doué de noblesse, d'héroïsme, d'énergie, de gloire,
de respectabilité, de toutes les qualités.

311. Il est venu vers nous par reconnaissance, abandon-


nant les fils de sa sœur; c'est un général (d'armée) aux
grands bras semblable à un autre Mahàsena (Kàrtikeya).
312. Ô les plus grands des rois, ayant mis ce roi à la
tête de l'armée, la victoire peut être obtenue par nous,
comme elle le fut par les dieux (quand ils eurent choisi
pour chef) l'invincible Skanda.

313. Le fils de Drona ayant ainsi parlé, tous les grands


guerriers sans exception entourèrent Çalya et firent
entendre un cri de victoire.

314. 315. Ils pensèrent au combat et s'y résolurent


absolument. Alors Douryodhana ayant mis pied à terre et
fait l'anjali, dit à Çalya qui se tenait sur son char (et qui
était) dans les batailles, l'égal de Drona et de Bhîshma : ô
toi qui aimes tendrement tes amis, le temps est arrivé

316. Dans lequel les hommes sages distinguent leurs


amis de leurs ennemis. Sois donc, à la tête do l'armée, le
héros qui nous conduira (à la victoire).

36 CHAPITRE VI

317. Quand tu iras au combat les Pandouides au cœur


faible, et les Pâncàlas avec ceux qui les conseillent ne
verront pas leurs efforts (couronnés de succès).

318. Çalya dit : O roi, je ferai ce que tu me demandes,


car tout ce qui est à moi, vie, royauté, fortune, est
dévoué à tes intérêts.

319. Douryodhana dit : Je te choisis pour être le chef


de l'armée, toi qui n'as pas d'égal parmi mes oncles '',
maternels. le meilleur des guerriers, protège-nous dans
les combats comme Skanda protège les dieux.

320. Indra des rois, sois arrosé de l'eau sacrée, comme


le fut Pàvaki (Kàrtikeya) par les dieux. héros, triom-
phe des ennemis, comme le grand Indra (vainquit) lesDâ-
navas.
CHAPITRE VII

GÉNÉRALISSIMAT DE ÇALYA

Argument : Çalya lait son éloge; il est sacré. Joie des soldats de
Douryodhana, craintes de Youdhislithira. Discours de Krishna,
Youdliishthira reprend confiance.

321. Sanjaya dit : Le majestueux roi de Madra, ayant


entendu ces paroles du roi, répondit à Douryodhana,
ô prince ;

322. Douryodhana, guerrier aux grands bras, le plus


éloquent (des hommes), écoute : Ces deux Krishnas, que,
placés sur leurs chars, tu considères comme les plus
grands des maîtres des chars,

323. 324. Ne sont, tous les deux, en aucune façon, mes


égaux pour la force des bras. Je puis combattre en face
des (armées en) bataille, les Pandouides, la terre entière
soulevée (contre moi) avec les dieux, les asouras et les
hommes. Je vaincrai donc dans la bataille, les Prithides
avec les Somakas réunis.

325. Je deviendrai, sans aucun doute, le conducteur do


ton armée. Je la rangerai en ordre de bataille, et les
ennemis ne la vaincront pas.

326, 327. Je te dis ainsi la vérité, ô Douryodhana, il n'y


a aucun doute à cela. maître des hommes, après qu'il
eut ainsi parlé, le roi, le poil hérissé (de plaisir) arrosa

38 CHAPITRE VIT

sur-le-champ cVeau consacrée (selon les rites), le maître


suprême de Madra, au milieu de l'armée, ô excellent
Bharatide.
328. Après que le (roi) eût été sacré, on entendit dans
tes armées un bruyant rugissement (des guerriers),
(accompagné du) son des instruments de musique.

329. Et alors les combattants furent joyeux, ainsi que


les grands guerriers de Madra, et ils louaient le roi Çalya,
brillant dans les batailles, (en disant) :

330. Vaincs les rois, aie une longue vie, triomphe des
ennemis réunis. Que les très forts Dhritaràshtrides
obtiennent (le secours) de la force de ton bras.

331. Qu'ayant détruit leurs adversaires, ils comman-


dent à la terre tout entière, car tu es capable de vain-
cre dans les combats, les hommes avec les dieux et les
asouras.

332-334. A plus forte raison les Somakas et les


Srinjayas, qui sont des mortels. Le fort et héroïque roi
des habitants de Madra, étant ainsi loué, ressentit une
joie qu'éprouvent difficilement ceux dont l'esprit n'est
pas purifié, et dit : Aujourd'hui, ô Indra des rois, je
tuerai dans la lutte les Pàncàlas avec les Pandouides, ou
bien, tué (par eux), je monterai au Svarga. Que tous les
mondes me considèrent aujourd'hui, quand je me con-
duirai comme (un homme) sans crainte.

335, 336. Qu'aujourd'hui tous les fils de Pàndou, le


Vasoudevide avec le Satyakide, les Pàncàlas, les Cédins,
les fils de Draupadi, Dhrishtadyoumna, Çikhandin, et tous
les Prabhadrakas, de toutes parts, voient mon énergie et
la grande puissance de mon arc !

337. Que les Prithides, les Siddhas et les Càranas


LIVRE DE ÇALYA 30

(chantres des dieux) voient ma légèreté, l'héroïsme de


mes astras et la force de mes deux bras !

338. Que les grands guerriers des Pandouides, ayant vu


mon héroïsme et de quelle nature est la force de mes
bras, (ainsi que) le succès de mes armes de jet,

339. Fassent pour me résister les divers exploits


(qu'ils voudront), je mettrai (quand même) aujourd'hui
l'armée des Pandouides en fuite dans toutes les direc-
tions.

340. roi des rois, je remplacerai dans la bataille


Bhishma, Drona et le fils du cocher, en combattant pour
tes intérêts, ô Kourouide.

341. Sanjaya dit : dispensateur des honneurs, quand


Çalya eut été sacré, personne, dans l'armée, ne pensa
plus à la perte de Karna, ô le plus grand des Bharatides.

342. Les soldats furent joyeux et satisfaits; ils consi-


dérèrent les Prithides (comme déjà) tués et soumis au
bon plaisir du roi de Madra.

343. Et ton armée, ô excellent Bharatide, devenue gaie,


dormit pendant cette nuit, contente et animée de pen-
sées saines.

344. Le roi Youdhishthira ayant entendu le bruit de


ton armée, dit au Vrishnien (Krishna), en présence de
tous les Kshatriyas :

345. Madhavide, le Dhritarâshtride a fait son généra-


lissime du grand archer Çalya, roi de Madra, honoré
dans toutes les armées.

346. Sachant ce qu'il en est, ô Madhavide, fais ce qui


convient. Tu es notre conducteur et notre protecteur,
fais ce qui est nécessaire.

347. grand roi, le vasoudevide répondit à ce maître

40 CHAPITRE VII

suprême des hommes : O excellent Bharatide, je connais


réellement Arttâyani (Çalya),

348. (Il est) héroïque, possède un grand éclat et est


surtout magnanime ; il est sage, brillant guerrier et très
agile.

349. Semblable à Bhishma, Drona, Karna, dans la


bataille, peut-être même leur est-il supérieur. Voilà com-
mentée considère le roi deMadra.

350. maître suprême des hommes, j'ai beau réfléchir,


je ne vois pas un guerrier qui soit son égal pour com-
battre, ô Bharatide.

351. Sa force dans la bataille, ô Bharatide, surpasse de


beaucoup celle de çikhandin, d'Arjouna, de Bhima, du
Satvatide et de Dhrishthadyoumna.

352. grand prince, le roi de Madra a l'héroïsme du


lion et de l'éléphant. Dépourvu de crainte, il parcourra
(l'armée de) tes soldats, comme la mort cruelle à
l'époque (de la fin du monde).

353. 354. tigre des hommes, je n'entrevois pas, dans


ce monde entier ni dans celui des dieux, celui qui pour-
rait lui être opposé dans la bataille ; si ce n'est toi qui as
une force égale à celle du tigre, ô descendant de Kou-
rou, il n'y a pas un autre (homme) que toi qui puisse
tuer le roi de Madra

355. Combattant, épouvantant chaque jour ton armée.


Triomphe donc de Çalya dans le combat, comme Magha-
vant (vainquit) Çambara.

356. Ce héros honoré par le Dhritarâshtride est invin-


cible. Quand le souverain de Madra aura succombé dans
la lutte, la victoire sera certainement à toi.

357. Lui tué, toute la grande armée de Dhritarâshtra

LIVRE DE ÇALYA 41

sera anéantie. grand roi, maintenant que tu as entendu


les paroles (que) je (viens de t'adresser),

358. Affronte, ô fils de Prithâ, le roi de Madra, ce


grand guerrier, et, ô guerrier aux grands bras, vaincs-le
dans la bataille, comme Indra (vainquit) Namouci.

359. Il ne faut pas avoir de compassion et dire : C'est


mon oncle maternel... Envisage (ton) devoir de Ksha-
triya et triomphe du maître de Madra.

360. Après avoir traversé l'océan de Bhishma et de


Drona, et l'enfer de Karna, attaque Çalya et ne te noie
pas avec tes troupes dans (ce qui est une flaque d'eau
grande comme) l'empreinte du pied d'un bœuf.

361. Pendant le combat, songe à l'héroïsme de ton


ascétisme et à ce qu'est ta force de Kshatriya, et vaincs
ce grand guerrier.

362. Après avoir ainsi parlé, Keçava, tueur des enne-


mis, se retira, le soir, dans la tente, honoré par les
Pandouides.

363. Et quand Keçava fut parti, Youdhishthira Dhar-


marâja, ayant congédié tous ses frères ainsi que les
Pâncâlas et les Somakas,
364. Dormit toute la nuit, comme un éléphant délivré
des traits (qui l'avaient atteint). Et tous les grands
archers Pàncàlas et Pandouides,

365. 366. Joyeux de la mort de Karna, dormirent


(tranquillement pendant) cette nuit. Délivrée de la fièvre
(qui la tourmentait dans la personne du fils du cocher),
l'armée des Pandouides, remplie de grands archers et de
grands guerriers, ayant atteint le port (où elle espérait
trouver le salut), fut joyeuse pendant (cette) nuit, entre-
voyant la victoire (pour elle) dans la mortdu fils du cocher.

CHAPITRE VllI

DISPOSITION DE L'ARMEE

Argument : Préparatifs de l'armée Kourouide. Conjuration. Dhrita-


râshtra demande au cocher de lui montrer la chute de Çalya.
Prouesses du roi de Madra et des Pandouides. Dénombrement des
forces qui restaient de chaque part.

367. Sanjaya dit : La nuit étant passée, le roi Doiirya-


dhana dit à tous les siens : Que les grands guerriers se
préparent !

368. Et cette armée, connaissant les intentions du roi,


se prépara (au combat)... On se hâta d'atteler les chars et
on courut contre l'ennemi.

369. On mettait en bon ordre les éléphants, les fantas-


sins se préparaient, d'autres, par milliers, garnissaient
les chars de tapis.
370. maître des hommes, on entendait le son des
instruments de musique destinés à exciter au combat les
armées et les soldats.

371. Alors, ô Bharatide, toutes les forces qui restaient


des armées parurent réunies, et ayant chassé l'image de
la mort,

372. Les grands guerriers qui avaient élu le roi de


Madra, Çalya, se séparèrent, pour distribuer toutes les
forces dans les (diverses) parties de l'armée.

LIVRE DE ÇALYA 43

373. Ayant rencontré ton fils, tous les soldats, Kripa


Kritavarman, le fils de Drona, le Soubalide, Çalya,

374. Et les autres princes qui restaient, firent une con-


vention d'après laquelle il ne fallait qu'en aucun cas un
(guerrier) seul combattit les fils de Pandou.

375. Certes (dirent-ils), celui qui (étant) seul, combat-


trait les fils de Pandou, ou qui abandonnerait (un autre
guerrier) les combattant, serait coupable des cinq crimes
et des fautes moins graves.

376. Nos camarades doivent combattre en se protégeant


réciproquement. Tous ces grands guerriers ayant fait
ainsi cette convention

377. Et ayant mis le roi de Madra à leur tète, se


hâtèrent de courir sur les ennemis. De même, tous les
Pandouides, ayant rangé leur armée en bataille pour le
grand combat,

378. 379. S'avancèrent contre les Kourouides, ô roi,


pour se battre de toutes parts. prince, cette armée
puissante en chars et en éléphants, (était) comme un
océan bouleversé.

380. Dhritaràshtra dit : J'ai entendu (le récit de la


mort) de Bhîshma, de Drona, de (Karna) fils de Ràdhà. Ra-
conte-moi en détail la chute de Çalya et celle de mon fils.

381. Comment Çalya fut tué dans la bataille par Dhar-


maràja, et comment mon fils Douryadhana (tomba sous
les coups) du fort Bhimasena.

382. Sanjaya dit : roi, écoute-moi avec fermeté,


raconter les combats, la destruction des hommes et la
perte complète des éléphants et des chevaux.

383. roi, Drona et Bhîshma étant tués, et le fils du


cocher abattu, la grande espérance de ton fils était que

44 CHAPITRE VIII

384. Çalya, eu combattant, tuerait tous les fils de


Prithà, ô vénérable. Ayant conçu cette espérance dans
son cœur, ô Bharatide, et ayant pris courage,

385. Ton fils se considérait comme ayant un protecteur,


quand il eut eu recours au grand guerrier, le roi de
Madra, (pour diriger) l'armée,

386. roi, quand, après la mort de Karna, les fils de


Prithà poussèrent des rugissements, une grande crainte
s'empara des Dhritarâshtrides ;

387. Et le majestueux roi de Madra, les ayant encou-


ragés et ayant, ô grand roi, rangé l'armée en un ordre
de bataille, heureux et d'une imposante manière,

388. Alla à la rencontre des fils de Prithà, en agitant


Bhàraghna, son arc brillant et très rapide.
389. Le grand guerrier, étant monté sur son excellent
char (attelé de chevaux) du Sindhou, son cocher, ô grand
roi, faisait briller ce char (sur lequel il était) placé.

390. Ce héros (dont la vue) effraie ses ennemis, était


couvert par le char, ô grand roi et il s'y tenait ferme,
éloignant la peur (du cœur) de tes fils.

391 . Dans la marche en avant, le roi de Madra, revêtu


de son armure, accompagné des héros de Madra et des
fils de Karna, difficiles à vaincre, se tint sur le front de
l'armée rangée en ligne de bataille.

392. Douryodhana était au milieu, protégé par les


héros de Kourou (forts comme des) taureaux. A gauche,
était Kritavarman entouré par les Trigartes;

393. Le Gotamide sur le côté droit, avec les Çakas et


Yavanas. Açvatthàman, entouré par les Kambodgiens, se
tenait par derrière.

394. Le grand guerrier Soubalide, entouré d'une

LIVRE DE ÇALYA 45

grande armée de chevaux, avec le grand guerrier Kita-


vien(Oulôuka), s avançait, accompagnés de toute l'armée.

395. Et les grands archers Pandouides, dompteurs de


leurs ennemis, ayant rangé leur armée en trois corps,
couraient contre la tienne.

396. Dhrishtadyoumna, Çikhandin et le grand guerrier


Satyakide, accouraient rapidement pour combattre
l'armée de Çalya.

397. Alors, ô excellent Bharatide, le roi Youdhishthira,


entouré de sa puissante armée, courut vers Çalya lui-
môme, avec l'intention de le tuer.

398. Le rapide Arjouna, destructeur de multitudes


d'ennemis, attaqua le grand archer Hridikien et les
troupes des conjurés.

399. Bhîmasena et les grands guerriers Somakas,


désireux de tuer leurs ennemis dans la bataille, assail-
lirent le Gotamide.

400. Les deux fils de Màdrî, accompagnés de leur


armée et de leurs soldats, s'approchèrent pour combattre
Çakouni et le grand guerrier Ouloîika,

401. Et tes grands guerriers, irrités, porteurs de


diverses armes, se retournèrent, par dixaines de mille,
pour combattre les Pandouides.

402. 403. Dhritaràshtra dit : O Sanjaya, après la mort


de Bhîshma, du grand archer Drona, et du grand guer-
rier Karna, les Kourouides, (ainsi que) les Pandouides
étaient restés en petit nombre, (survivants) à la bataille.
Les fils de Prithà, enragés, exerçant leur force (contre
les miens), que restait-il tant de mon armée que de celle
des ennemis?

404. Sanjaya dit : roi, apprends de moi ce qui était

46 CHAPITRE VIII

resté des armées, (après) les combats (précédents), com-


ment les ennemis et nous étions préparés au combat.

405. excellent Bharatide, onze milliers de chars, dix


mille sept cents éléphants,

406. Deux centaines de mille chevaux en entier, et trois


dixaines de millions d'hommes : telle était ton armée,
ô excellent Bharatide ;

407. Six milliers de chars, six milliers d'éléphants, dix


milliers de chevaux et une dixaine de millions de fan-
tassins, ô Bharatide,

408. Voilà ce qui restait de l'armée des Pandouides (à


mettre) en bataille. Ceux-là seulement se réunirent pour
le combat, ô excellent Bharatide.

409. Indra des rois, excités (par la colère), désirant


la victoire, soumis fermement aux désirs du roi de
Madra, nous nous levâmes pour rencontrer les Pan-
douides.

410. De même, les héros Pandouides, victorieux dans


les combats (précédents), s'approchèrent (de nous) avec
les tigres des hommes, les glorieux Pàncàlas.

411. Ainsi, ô grand roi, ces tigres des hommes, dési-


reux de se tuer réciproquement, s'approchèrent (les uns
des autres) au point du jour.

412. Alors commença entre les tiens et les ennemis,


qui se tuaient les uns les autres, un combat terrible,
épouvantable.

CHAPITRE IX

COMBAT GÉNÉRAL

Argument: Le combat général est terrible. L'armée Kourouide est


mise en désordre. Exploits de Bhimasena, d'Arjouna, de Dhrishta-
dyoumna, de Çikhandin. Fuite de l'armée Kourouide.
413. Sanjaya dit : Alors, ô Indra des rois, commença
entre les Kourouides et les Srinjayas, un combat terrible,
effrayant, semblable à celui des dieux contre les Asouras.

414. Les hommes, les chars, les chevaux, les troupes


d'éléphants se rencontrèrent en montrant leur héroïsme.

415. On entendait le grand et terrible bruit des élé-


phants courant, semblable (au bruit que font) dans le
ciel les nuages produisant les pluies (d'orage).

416. Quelques chefs de chars, avec leurs chars, tom-


baient frappés par les éléphants. Poursuivis par ces
animaux irrités, les héros couraient çà et là dans la
bataille.

417. Les habiles guerriers, combattant sur leurs chars,


envoyaient dans l'autre monde, avec leurs flèches, des
multitudes de chevaux, et les gardiens à pied des élé-
phants, ô Bharatide.

418. D'adroits cavaliers, rôdant dans la bataille, entou-


raient les grands guerriers et les frappaient avec des
javelots, des lances et des épées.

48 CHAPITRE IX

419. Quelques archers, ayant environné de grands


guerriers, et se mettant plusieurs pour en attaquer un
seul, l'expédièrent au séjour d'Yama.

420. Et d'autres guerriers d'élite, montés sur leurs chars,


entourant à une certaine distance un éléphant, tuèrent
le grand guerrier qui courait (monté sur cet animal).

421. De même, des éléphants entouraient et tuaient sur


son char un guerrier irrité qui lançait de nombreuses
flèches, ô grand roi.

422. L'éléphant se précipitant contre l'éléphant, le


guerrier sur son char, contre le guerrier sur son char,
on se tuait là avec des lances, des javelots et des nàràcas,
ô Bharatide.

423. Les chars, les éléphants et les chevaux, écrasant


les fantassins, produisaient une grande confusion au
milieu de la bataille,

424. Et les chevaux parés de queues de bœuf grognant,


couraient çà et là sur le sol, pareils à des cygnes se
désaltérant sur le plateau de l'Himalaya.

425. maître des hommes, la terre, labourée par les


sabots de ces animaux, semblait une femme couverte des
égratignures (que son amant lui a faites dans l'ardeur de
sa passion amoureuse).

426. Le bruit des pieds des chevaux, celui des roues


des chars, celui des fantassins et la voix des éléphants,

427. Le bruit des instruments de musique et celui des


conques, faisaient résonner la terre (comme l'eussent
fait] des tourbillons de vent, ô Bharatide.

428. Le scintillement des cuirasses, le bourdonnement


des arcs, les lueurs des épées brillantes, empêchaient de
rien discerner (en rendant tout confus).

LIVRE DE ÇALYA 49

429. De nombreux membres coupés, ayant l'apparence


de bras de rois et de trompes d'éléphants, se roulant et
se déroulant avec une grande rapidité, (se voient çà
et là).
430. grand roi, on entend aussi le bruit des têtes
tombant sur la terre, (bruit) semblable à celui que feraient
des fruits abattus par le vent.

431. La terre brille, (couverte) de têtes humides de sang,


tombées, souillées et comme dorées dans la mort, ô
Bharatide.

432. roi, ces (têtes) couvertes de blessures, privées


de vie et dont les yeux sont tournés en haut, font briller
la terre comme (le feraient) des lotus.

433. Les bras enduits d'huile de santal et portant les


bracelets précieux (avec lesquels ils) sont tombés, font
briller la terre, comme le feraient les étendards d'Indra.

434. Le champ de bataille est couvert des cuisses des


Indras des hommes coupées pendant le grand combat et
par d'autres (débris)ayant l'aspect de trompes d'éléphants.

435. L'emplacement où se tient l'armée, rempli de


milliers de corps sans têtes, de parasols et de queues de
bœufs grognant, en resplendit comme un bois couvert de
fleurs.

436. On y voyait, ô grand roi, les guerriers courant


dans toutes les directions, comme des gens sans crainte,
le corps enduit de sang, semblables à des kimcoukas en
fleur.

437. On y voyait aussi les éléphants couverts de flèches


et de javelots, tombant çà et là au milieu du combat,
comme des nuages dispersés.

438. O grand roi, l'armée des éléphants, tuée par les

50 CHAPITRE IX
magnanimes (guerriers), était dispersée dans toutes les
directions, semblable à des nuages éparpillés par le vent.

439. homme puissant, ces éléphants, pareils à des


démons, tombaient de tous côtés sur la terre, comme les
montagnes brisées par la foudre à la fin du Youga (âge
du monde) .

440. On voyait çà et là des amas, gros comme des mon-


tagnes, des chevaux tombés à terre avec leurs cavaliers.

441. On apercevait sur le champ de bataille une rivière


qui conduit dans l'autre monde. Elle roule du sang eu
guise d'eau, des chars simulent ses vagues, des éten-
dards sont les arbres (qui ornent) ses rives, des os sont
ses cailloux;

442. Des mains en sont les crocodiles, des arcs figurent


son courant, des éléphants sont ses montagnes, des
chevaux remplacent les pierres. Elle est rendue maréca-
geuse par la moelle des os et par celle des chairs; (on y
rencontre) des parasols en guise de flamants et des
massues en guise de radeaux,

44.3. Des cuirasses et des turbans, des étendards en


guise de beaux arbres. Des roues de chars l'ornent comme
le feraient des troupes de cakravâkas. Elle est couverte
de débris de chars et de manches de bannières.

444. Cette rivière formidable, remplissant de joie les


héros et augmentant la terreur des gens apeurés, se
remplit de Kourouides et de Srinjayas.

445. Ces héros, dont les bras sont des barres de fer,
traversèrent sur leurs véhicules, en guise de bateaux,
cette formidable rivière qui conduit au monde des mânes.

446. Et, ô maître des hommes, dans ce combat terrible


sans pitié, semblable à celui qui eut lieu jadis entre les
LIVRE DE ÇALYA 51

dieux et les Asouras, (combat) dans lequel avait lieu la


destruction des quatre espèces de forces de l'armée (les
chars, les éléphants, les chevaux, les hommes),

447. tourmenteur des ennemis, les uns appelaient


leurs parents, les autres, effrayés (d'entendre) leurs
parents les appeler, se mettaient en déroute.

448. Dans cet épouvantable combat sans fin, Bhîma et


Arjouna mirent le trouble parmi leurs ennemis.

449. Ta grande armée, ô maître des hommes, se (voyant)


détruite, perdait l'esprit, comme une belle femme sous
l'influence de la passion.

450. Bhîmasena et Arjouna, ayant mis le trouble dans


cette armée, soufflèrent dans leurs conques et poussèrent
des cris terribles.

451. Dhrishtadyoumna et Çikhandin, ayant entendu ce


grand bruit et mis Dharmarâja à leur tête, coururent sur
le roi de Madra.

452. Nous vîmes là, ô maître des hommes, un prodige


terrible : c'est que les héros réunis combattaient chacun
de leur côté contre Çalya.

453. Les deux impétueux fils de Mâdri, exercés à l'usage


des armes, frénétiques dans les combats, s'approchèrent
avec rapidité de ton armée, qu'ils désiraient vaincre.

454. excellent Bharatide, elle était alors chassée par


les flèches des Pandouides victorieux.

455. Or, ô grand roi, sous les yeux de tes fils, cette
armée, que l'on tuait, se dispersa dans toutes les direc-
tions, chassée par des pluies de flèches.
456. 457. excellent Bharatide, on entendit tes guer-
riers pousser de grands cris de : Hà ! Hâ. (Le cri de) arrête i
arrête! était aussi (entendu) dans (ce combat), des ma-

52 CHAPITRE IX

gnanimes Pàndouides (et) des Kshatriyas (de ton armée),


désirant se vaincre les uns les autres. Tes soldats, mis
en déroute par les Pàndouides, fuyaient devant eux.

458. Abandonnant dans la bataille, les amis, les fils, les


frères, les grands-pères, les oncles maternels, les fils de
leurs sœurs, les parents et les alliés.

459. Les tiens, ô excellent Bharatide, s'enfuirent de


toutes parts, hâtant (la course) des chevaux et des
éléphants, et faisant tous leurs efforts pour se mettre à
l'abri eux mêmes.

CHAPITRE X

SUITE DU PRECEDENT

Argu7nent : Çalya se dirige contre Youdhishthiraet arrête l'élan de


l'armée Pandouide. Nakoula combat et tue Citrasena, Satyasena
etSoushena. Effroi des Kourouides. Çalya les rallie. Combat ter-
rible qui met le désordre dans les deux armées.

460. Sanjaya dit : Le majestueux roi de Madra ayant


vu cette armée en déroute, dit à son cocher : Pousse tes
chevaux rapides comme la pensée.
461. Le roi Youdishthira, fils dePàndou, se tient (ferme),
avec le parasol brillant et jaune-pâle qu'on porte (au-
dessus de sa tête).

462. Conduis-moi vite là, ô cocher. Vois ma force.


Certes, les fils de Prithà ne sont pas capables de tenir
aujourd'hui devant moi dans la bataille.

463. Alors le cocher du roi de Madra, ainsi commandé,


se dirigea là où était le roi Youdliishthira Dharmaràja,
fidèle à ses vœux.

464. Et, arrivant subitement, Çalya soutint dans le


combat (le choc de) la grande armée des Pàndouides,
semblable à un océan soulevé par la marée.

465. Or, ô vénérable, les vagues de l'armée Pandouide


ayant rencontré Çalya, s'arrêtèrent dans la bataille
comme une rivière (brise) son élan, quand elle a rencon-
tré une montagne .

54 CHAPITRE X

466. Mais, ayant vu le roi de Madra arrêté pour com-


battre, les Kourouides revinrent sur leurs pas, oublieux
de (rimminence de) la mort.

467. Les grandes armées étant retournées au combat


dans l'ordre de leurs dispositions naturelles, il s'engagea
une bataille formidable, oii le sang coula comme de l'eau.

468. Nakoula, enragé au combat, rencontra Citrasena.


Ces deux brillants archers, s'étant attaqués récipro-
quement,

469. Semblables à deux nuages pluvieux qui s'élèvent


au midi et au nord, s'arrosèrent réciproquement de (pluies
de) flèches, en guise d'eau,
470. Je ne vois pas de différence entre ce fils de Pân-
dou et son adversaire. Tous les deux sont forts, exercés
à l'usage des armes et habiles dans le maniement du char,

471. Résolus à se tuer l'un l'autre, attentifs seulement


à surveiller les fautes (de l'adversaire). Cependant, Citra-
sena, d'une flèche bhalla aiguë, qui a bu (l'huile oii elle
avait été trempée),

472. 473. Coupa l'arc de Nakoula à l'endroit de la poi-


gnée, ô grand roi, puis, sans se troubler, ficha dans le
front de (son ennemi, dont) l'arc était brisé, trois flèches
aiguisées sur une pierre, et dont la partie postérieure
était dorée, et, avec des traits aigus, envoya ses che-
vaux à la mort.

474, 475. Il fit aussi tomber l'étendard et le cocher par


trois flèches pour chacun. Avec les trois flèches, que la
main de son ennemi lui avait enfoncées dans le front, (Na-
koula) brillait comme une montagne qui a trois sommets,
ô roi. Privé de son char, son arc étant brisé, ayant pris
son épée.

LIVRE DE ÇALYA 55

476. Le héros descendit de son char, comme un lion


(descend) d'une montagne. Au moment où il tombait sur
ses deux pieds, (Citrasena) répandait sur lui une pluie do
flèches,

477. Que Nakoula, à la démarche rapide, recevait sur


son bouclier. Le brillant guerrier, inaccessible à la
fatigue, ayant atteint le char de Citrasena,

478. 479. Ce héros aux grands bras, (en présence) de


toute l'armée qui le regardait, monta sur ce char. Le fils
de Pàndou, enleva de sur le corps de Citrasena, la tète
(ornée) d'un beau nez, de grands yeux, de boucles
d'oreilles, d'un diadème. Ce (Kourouide) dont l'éclat était
semblable à celui du soleil, tomba sur le siège de devant
du char.

480. Les grands guerriers, en voyant Citrasena tué


poussèrent de nombreux rugissements et des cris d'ap-
probation, en disant : Bien, bien !

481. Les deux grands héros Soushena et Satyasena, fils


de Karna, voyant leur frère tué, lancèrent des flèches de
plusieurs sortes.

482. Ces deux excellents maîtres de chars se hâtèrent


alors de courir contre le fils de Pàndou, désireux de le
tuer, comme, dans la grande forêt, deux tigres (courent)
sur un éléphant, ô roi.

483. Ils accablaient ce grand guerrier de (traits) aigus,


en lançant des flots de flèches, comme deux nuages ora-
geux (versent) de l'eau.

484. Blessé de tous côtés par les traits, l'héroïque fils de


Pàndou, en quelque sorte joyeux, ayant pris un autre arc,
monta sur un (autre) char.

485-487. Le héros se tenait dans le combat, pareil à

56 CHAPITRE X

Antaka irrité. roi, les deux frères entreprirent de


mettre le char en pièces, avec des flèches barbalées,
ô maître des hommes. Alors Nakoula se mit à rire, et
avec quatre flèches aiguës, tua les quatre chevaux de
Satyasena, puis, ayant placé sur son arc une flèche nârâca
aiguisée sur une pierre,

488. Indra des rois, le fils de Pàndou coupa l'arc de


Satyasena; mais, étant monté sur un autre char et ayant
pris un autre arc,

489. Satyasena courut avec Soushena contre le fils de


Pàndou. Le majestueux fils de Màdrî, sans se troubler,
atteignit ces deux (guerriers)

490. 491. De deux flèches (chacun), à la tête de l'armée,


ô grand roi. Mais alors le grand guerrier Soushena irrité
brisa avec une flèche kshourapra (à tête de rasoir), le
grand arc du fils de Pàndou. Nakoula, rempli de colère,
ayant pris un autre arc,

492, 493. Atteignit 'Soushena de cinq (flèches), coupa


son étendard d'une seule, et, ô vénérable, brisa rapide-
ment la garde de main de l'arc de Satyasena. Alors les
hommes (qui virent cela) poussèrent des cris. Mais
(Satyasena) ayant pris un autre arc destructeur des enne-
mis, source de prospérité pour les Bharatides,

494. Couvrit de tous côtés de flèches le fils de Pàndou.


Cependant Nakoula tueur des héros ennemis, ayant rendu
ces traits vains,

495. Atteignit Satyasena et Soushena, chacun de deux


flèches. Ces deux guerriers en lançaient chacun de leur
côté contre lui.

496. 497. Indra des rois, ils frappèrent de traits aigus


le cocher de Nakoula.

LIVRE DE ÇALYA 57

L'adroit et majestueux Satyasena coupa, pour sa part,


avec deux flèches aiguës, le timon du char et Tare de
Nakoula. Ce grand guerrier, se tenant sur son char, saisit
la hampe de l'étendard,

498. Consistant en un bâton doré, à extrémité aiguë en-


duite d'huile, absolument sans tache, semblable à une jeune
serpente ayant beaucoup de venin et dardant sa langue,

499. Et l'ayant levée, il la lança dans le combat contre


Satyasena, ô roi. Cette hampe lui brisa le cœur en cent
morceaux.

500. Presque insensible, sa vie s'en allant, il tomba de


son char, à terre. Soushena, plein de colère à la vue de
son frère tué,

50L Faisait tomber sur le fils de Pàndou, (qu'il allait


réduire à l'état de) fantassin, une rapide pluie de traits.
Ayant percé de quatre flèches les quatre chevaux et
coupé l'étendard de cinq,

502. Ayant tué le cocher avec trois, le fils de Karna


poussa un cri. A la vue de Nakoula privé de son char, le
grand guerrier fils de Draupadî,

503. Soutasoma, accourut pour protéger son père dans


la bataille. Alors, Nakoula, étant monté sur le char de
Soutasoma,

504. L'excellent Bharatide brilla comme un lion qui se


tient sur une montagne, et, ayant pris un autre arc,
résista à Soushena.

505. Ces deux excellents guerriers s'étant réciproque-


ment attaqués, s'efforcèrent de se tuer l'un l'autre.

506. Soushena irrité atteignit le fils de Pàndou de trois


flèches, et Soutasoma de vingt, dans les bras et dans la
poitrine.

58 CHAPITRE X

507. Alors, ô grand roi, Nakoula, tueur des héros ennemis,


l'enveloppa rapidement de flèches, qui lui dérobèrent
la vue de l'horizon.

508. Puis ayant pris une flèche en demi lune, très


éclatante, à pointe tranchante, il la lança rapidement
contre le fils de Karna.

509. le plus grand des rois, avec cette flèche, il


lui sépara la tête du corps. Cela fut considéré comme
un prodige par toutes les armées qui virent (cet ex-
ploit).

510. Ce (héros), tué par Nakoula, tomba en avant, comme


un grand arbre né sur la rive, déraciné par la rapidité (du
courant) de la rivière.

511. A la vue du meurtre du fils de Karna et de l'acte


héroïque de Nakoula, ton armée s'enfuit de peur, ô le
plus grand des Bharatides.

512. Mais, ô grand roi, le majestuex roi de Madra, le


héros dompteur des ennemis, le maître de l'armée, la
protégea dans (cette) bataille.

513. 11 ne s'effraya pas, ô grand roi, et ayant disposé


ses troupes et poussé un fort rugissement, il fit avec son
arc un bruit terrible.

514. Les tiens, ô roi, protégés dans le combat par ce


porteur d'un arc solide, oubliant leurs craintes, s'avan
cèrent de toutes parts à la rencontre des ennemis.

515. Entourant le roi de Madra, (ils étaient) tous fermes,


magnanimes, désireux de combattre.

516. LeSatyakide, Bhimasena, et les deux Pàndouides


fils de Mâdrî, ayant mis à leur tête Youdhishthira, domp-
teur des ennemis,
517. L'entourèrent dans la bataille en poussant des

LIVRE DE ÇALYA 59

rugissements et des cris de carnage, et produisant avec


leurs flèches des bruits divers et répétés.

518. De même, tous les tiens, exaspérés, ayant entoure


le roi de Madra, voulaient, tout d'un coup, retourner au
combat.

519, 520. Alors, ô roi, entre les tiens et les ennemis, (les
uns et les autres) ayant mis de côté la crainte et la
pensée que la mort (put les atteindre), eut lieu un com-
bat qui enrichit le royaume d'Yamaet qui fut semblable à
celui qui se produisit jadis entre les dieux et lesAsouras.

521. Puis, ô roi, le fils de Pàndou, qui a pour étendard


un singe (Arjouna), ayant tué les conjurés, courut sur
cette armée Kourouide.

522. Et, de même, tous les Pàndouides, conduits par


Dhrishtadyoumna attaquèrent cette armée, en lançant des
traits aigus.

523. Les troupes, dispersées par les fils de Pàndou,


avaient l'esprit égaré et ne discernaient plus les points
cardinaux ni les espaces intermédiaires.

524. Couverte de flèches aiguës lancées par les Pàn-


douides, ayant ses meilleurs héros tués, détruite, dis-
persée de toutes parts,

525. 526. L'armée Kourouide était anéantie par les


grands guerriers fils de Pàndou, et de même, ô roi, des
centaines et des milliers (de soldats) de l'armée Pàn-
douide étaient tués de toutes parts par les flèches de tes
fils. Ces deux armées, très effrayées, tuées l'une par l'autre,
527. Etaient troublées commedeuxrivièresaprèslapluic.
Alors une grande et violente terreur s'empara des tiens

528. Et des Pàndouides, ô Indra des rois, le combat


étant devenu tel (que je viens de le raconter).

CHAPITRE XI

SUITE DU PRÉCÉDENT

Argument .-Prouesses de Çalya. 11 lutte contre les Pândouides et


contre Youdhishthira qui est secouru par ses frères. Kripa et
d'autres Kourouides viennent au secours de Çalya. Douryodhana
combat Arjouna et Krishna. Combat de Bhima et de Bhoja.
Bhima, attaqué par Çalya, tue le cocher de celui-ci.

529. Sanjaya dit : Alors que ces armées en désordre se


tuaient réciproquement, les guerriers et les éléphants
criant et courant,

530. Un grand combat (ayant lieu) entre les fantassins


qui bourdonnaient et poussaient des cris, les chevaux
courant dans toutes les directions de diverses manières,
ô grand roi,

531. La totalité des êtres vivants subissant une destruc-


tion complète, les diverses armes se rencontrant, les
éléphants et les chars étant entremêlés ;

532. Les guerriers, désireux de se tuer les uns les


autres, s'abandonnaient à (une fureur) qui faisait la joie
de ceux que le combat enivre, et la terreur des gens
timides.

533. Dans (ce) combat épouvantable accroissant l'em-


pire d'Yama, (combat pareil) à une partie de dés terrible
et mortelle,
534. Les Pândouides dispersaient ton armée avec des

LIVRE DE ÇALYA 61

flèches aiguës, et, de leur côté, tes guerriers tuaient les


soldats des fils de Pàndou.

535. Ce combat effrayant pour les hommes timides


ayant lieu ainsi, le matin, au lever du soleil,

536. roi, les ennemis qui devaient obtenir la victoire,


protégés par (leur) magnanime (roi), combattaient ton
armée sans songer à la mort.

537. Les grands guerriers Pàndouides qui allaient rem-


porter la victoire, (rendaient par leur vaillance) l'armée
Kourouide sans espérance, comme une daine affolée par
le feu.

538. En voyant cette armée affaiblie, abattue, semblable


à une vache (plongée) dans la boue (de la forêt qu'elle
habite), Çalya, le roi de Madra, désireux de la tirer
d'embarras, alla à la rencontre de l'armée des Pàndouides.

539. Le roi de Madra, irrité, ayant saisi (son) excellent


arc, courut dans la bataille contre les Pàndouides qui
l'attaquaient.

540. grand roi, ceux-ci, jaloux de la victoire, assail-


lirent aussi le roi de Madra, en l'attaquant avec des
flèches aiguës.

54L Alors le grand guerrier roi de Madra tourmenta,


avec des centaines de traits affilés, l'armée de Dharma-
râja qui le voyait (faire).

542. roi, des présages manifestement mauvais se


produisirent à plusieurs reprises. La terre gronda et
trembla avec les montagnes;

543. Des météores figurant des piques à la pointe


enflammée, avec leurs manches, éclatant de toutes
parts, tombèrent du ciel sur la terre, après avoir choqué
le soleil.

62 CHAPITRE XI

544. maître des hommes, des gazelles, des buffles,


des oiseaux, passèrent à plusieurs reprises, de la gauche
à la droite do Tarmée, ô roi.

545. Les planètes Mars et Vénus, accompagnées de la


planète Mercure (se firent voir) derrière les fils de
Pàndou, en avant des maîtres de la terre entière.

546. Il y avait sur les extrémités des épées des


flammes qui éblouissaient les yeux. Des corneilles et des
hiboux se posèrent sur les étendards.

547. Alors les guerriers marchant en troupes se


livrèrent un combat terrible, ô maître suprême des
hommes. Toutes les armées s'étaient rencontrées.

548. Les Kourouides, ô roi, s'approchèrent de l'armée


des Pàndouides. Le courageux Çalya lançant une pluie de
flèches, comme (Indra) aux mille yeux (verse des pluies
d'eau),

549. Arrosait, sans se laisser abattre, de traits aiguisés


sur une pierre, à l'extrémité postérieure dorée, Youdhish-
thira, fils de Kountî et Bhîmasena,

550. Ainsi que les fils de Draupadî, les deux Pàndouides


fils de Madrî, Dhrishtadyoumna, le Çinien et Çikhandin.

551. Ce (héros) à la grande force les atteignit, l'un


après l'autre, de dix flèches. Il versa une pluie de traits,
comme, à la fin de la saison chaude, (Indra) Maghavat
(verse des pluies d'eau).

552. Alors, ô roi, les Prabhadrakas et les Somakas


abattus et renversés furent détruits par milliers par les
flèches de Çalj^a.

553. Les traits de Çalya tombaient comme des essaims


d'abeilles, comme des nuées de sauterelles, comme les
éclairs (partis) des nuages.

LIVRE DE ÇALYA 63

554. Les éléphants, les chevaux, les fantassins, les


maîtres de chars, atteints par les flèches de Çalya, cou-
raient çà et là, tombaient et poussaient de grands cris.

555, 556. Irrité, l'héroïque et très fort roi de Madra


faisait, en criant, un bruit semblable à (celui) d'un nuage
orageux ; pareil à Antaka dont le temps met en activité
(la fureur homicide), il couvrait les ennemis de traits
dans la bataille. Cette armée des Pàndouides, était tuée
par Çalya.

557. Il courait vers le fils de Kountî, Youdhishthira


Ajàtaçatrou (qui n'a pas d'ennemis nés). Puis le (guerrier
Çalya) aux mains agiles, ayant tourmenté cette (armée)
avec ses flèches aiguës,

558, 559. Écrasait Youdhishthira d'une grande pluie de


traits. Furieux, le roi Youdhishthira arrêtait avec ses
flèches aiguës, ce (guerrier) qui arrivait sur lui, avec ses
fantassins et les chevaux, comme un éléphant en rut (est
arrêté) par des aiguillons à éléphants. Çalya lui décocha
une flèche terrible, semblable à un serpent,
560. Qui, ayant rapidement percé le magnanime, tomba
sur le sol. Mais Vrikodara (Bhîmasena, ventre de loup),
irrité, atteignit Çalya de sept (flèches).

561 , 562. Sahadeva l'atteignit de cinq traits, et Nakoula


de dix. Comme les nuages versent de la pluie sur une
montagne, les fils de Draupadi versèrent une pluie de
flèches sur le héros (Çalya) Artàyani, très rapide (à la
course), tueur des ennemis. En voyant Çalya frappé de
toutes parts par les fils de Prithà,

563. Kritavarman et Kripa, pleins de colère, accou-


rurent, ainsi que Ouloûka au grand héroïsme et Çakouui
le Soubalidc,

64 CHAPITRE XI

564. Qui s'étaient réunis successivement au très fort


Açvatthàman et à tes fils pour protéger entièrement
Çalya dans la bataille.

565. Kritavarman, ayant atteint Bhîmasena de trois


flèches, arrêta par une grande pluie de traits ce (guer-
rier) à l'aspect irrité.

566. Puis, plein de courroux, écrasa Dhrishtadyoumna


d'une multitude de flèches. Çakouni alla contre les fils de
Draupadî, et le fils de Drona contre les deux jumeaux.

567. Douryodhana, le meilleur des guerriers, doué


d'une énergie terrible, rencontra dans le combat Keçava
et Arjouna, et les frappa de ses flèches.

568. maître des hommes, des centaines de brillants


et terribles engagements se produisirent ainsi entre les
tiens et les ennemis
569. Bhoja tua, dans le combat, les chevaux couleur
d'ours de Bhîmasena. Le fils de Pàndou, ayant ses
chevaux tués, descendu du siège de devant de son char,

570. La massue à la main, combattit, semblable à la


mort qui a levé son bâton. Le roi de Madra tua les
chevaux des Sahadeva, sous ses yeux.

571-573. Sahadeva frappa de son épée le fils de Çalya.


Le Gotamide, l'instituteur, s'efforçait de combattre de son
côté, sans se troubler, Dhrishtadyoumna, qui ne se trou-
blait pas (non plus), et qui faisait les plus grands efl"orts.
Le fils du précepteur, médiocrement irrité, souriant en
quelque sorte, atteignit un à un de dix flèches les fils de
Draupadî et tua de nouveau dans le combat les chevaux
de Bhîmasena *

574. Ce très fort fils de Pândou, plein de colère, ayant


ses chevaux tués, descendit rapidement de son char, et.

LIVRE DE ÇALYA 65

ayant levé sa massue, pareil à la mort qui a levé son


bâton

575. Écrasa les chevaux et le char de Kritavarman, en


suite de quoi celui-ci se retira après avoir sauté à bas de
son char.

576. De son côté, Çalya irrité, ô roi, tuait les Somakas


et les Pândouides et couvrait Youdhishthira de flèches
affilées.

577. Plein de colère, serrant les lèvre, l'héroïque


Bhîma visant à le détruire, saisit sa massue

578. Pareille au bâton d'Yama, très mortelle pour les


éléphants, les chevaux et les hommes, capable, pour
ainsi dire, d'amener la nuit de la fin du monde,

579. Faite de fer, damasquinée, couverte de bandes


d'or, semblable à un tison embrasé, aussi terrible qu'un
serpent, ou que la foudre,

580. Enduite de pâte de Santal et d'alëos, comme une


belle femme dont on désire obtenir (les faveurs), couverte
de moelle et de graisse comme la langue de Vivasvant,
(le feu du sacrifice)

581. Rendant le son de centaines de clochettes


bruyantes, semblable à un serpent qui vient de changer
de peau, comme enduite de la liqueur des bosses frontales
de l'éléphant en rut.

582. Effrayante pour les armées ennemies, faisant la


joie (des soldats) de la propre armée (de son maître),
célèbre dans le monde des hommes, (capable de) briser
les sommets des montagnes.

583. Comme, dans le séjour (divin) de Kailàsa le fort


fils de Kountî vainquit Kouvera furieux, ami de (Çiva) le
grand souverain.

66 CHAPITRE XI

584-586. Comme, dans Gandhamàdana, le guerrier à la


grande force, désirant être agréable à Draupadi, tua dans
sa colère, pour (obtenir les fleurs de l'arbrej Mandara,
beaucoup d'arrogants Gouhyakas, alors même que de
nombreux (adversaires essayaient de) l'arrêter ; le guer-
rier aux puissant bras, ayant levé cette massue huit fois,
enrichie de diamants, de joyaux, de perles, ayant l'éclat
de la foudre, courait, avec cette (arme) au bruit terrible,
contre Çalya habile aux combats.

587, 588. Il broya les quatre chevaux, rapides comme


la pensée, de Çalya. Celui-ci enfonça alors un javelot
dans sa large poitrine, en poussant un (grand cri). Cette
(arme) pénétra en perçant la cuirasse. Mais Vrikodara,
sans se troubler, venant d'arracher ce javelot,

589. Perça le cœur du cocher du roi de Madra ; celui-ci,


ayant les parties vitales atteintes, et l'esprit épouvanté,
vomissant le sang,

590. Tomba avec douleur, la face en avant. Çalya le


roi de Madra, étonné à la vue de la manière dont (Bhîma-
sena) résistait à ses attaques, mit pied à terre,

591. 592. Ayant recours à sa massue, il regarda son


ennemi. Alors les très courageux fils de Prithà, en voyant
cette action terrible (de leur frère) à l'énergie inépui-
sable, honorèrent Bhîmasena (en lui offrant leurs félici-
tations).

CHAPITRE XII

SUITE DU PRÉCÉDENT

Argument : Suite du combat entre Çalya et Bhima. Intrépidité des


deux héros; ils tombent étourdis. Kripa enlève Çalya. Bliima se
retire et menace Çalya. Mort de Cekitâna. La poussière obscurcit
le jour, et est abattue par l'abondance du sang répandu. Retour de
Çalya avec d'autres guerriers. Il attaque Dharmarâja. Le Dronide
attaque Arjouna avec les chars. Çalya couvre Youdliishthira de
traits.

593. Sanjayadit: ô roi, Çalya aj^ant vu son cocher tombé,


prit sa massue toute de fer, et se tint immobile comme
une montagne.

594, 595. Bhîma ayant saisi sa grande massue attaqua


rapidement ce (héros qui était) semblable au feu brûlant
de la fin du monde, à Antaka sa corde à la main, à Kailâsa
avec les sommets de ses collines, à Indra armé de la
foudre, à un lion (blessé par) une flèche, à un éléphant
affolé dans le bois.

596. On entendit alors par milliers, les sons des instru-


ments de musique et des conques, des rugissements
semblables à ceux du lion, (bruits qui accroissent la joie
des héros.

597. Certes, de toutes parts les soldats et aussi les


ennemis, considéraient ces (deux hommes, semblables à
deux) éléphants de combat, et les honoraient en disant :
Bien! bien.

68 CHAPITRE XII

598. Car nul autre que le roi de Madra, ou Râma des-


cendant d'Yadou, n'était capable de supporter le choc de
Bhîma dans la bataille,

599. Et de même, il n'y avait pas un guerrier autre que


Vrikodara, capable de tenir tête dans le combat, la
massue à la main, au maître suprême de Madra.

600. Ces deux (guerriers), le roi de Madra et Vrikodara,


la massue à la main, semblables à deux taureaux mugis-
sants, allaient de côté et d'autre, sautant, et (décrivant)
des cercles.

601. Les deux massues décrivaient des cercles en tourbil-


lonnant. Le combat de ces deux hommes (semblables à des
lions n'indiquait aucun avantage (ni d'un côté ni de
l'autre).

602. La massue de Çalya accroissait la terreur (des


spectateurs). Elle était recourbée, couverte de plaques
d'or fin, presque aussi brillantes que le feu.
603. De même, celle du magnanime Bhîmasena, qui
tournoyait en rond, lançait des éclairs comme le nuage
qui porte la foudre.

604. La massue de Bhîma, frappée par celle du roi de


Madra, répandit dans le ciel des rayons de feu, comme si
elle eût été embrasée, ô roi.

605. De même, la massue de Çalya heurtée par celle de


Bhîma répandit comme une pluie de charbons (ardents).
C'était pour ainsi dire un prodige.

606. Ils se frappèrent alors l'un l'autre avec l'extrémité


de leurs massues, comme avec des aiguillons, semblables
à deux grands éléphants (se frappant) de leurs défenses,
à deux grands taureaux (s'attaquant) avec leurs cornes.

607. Ces deux (héros), instantanément couverts

LIVRE DE ÇALYA 69

du sang (répandu) par leurs membres frappés par les


massues, semblables à deux kimcoukas fleuris, étaient
admirables à voir.

608. Frappé à gauche et à droite par la massue du roi


de Madra, Bhîmasena aux puissants bras n'en fut pas
troublé, et resta (inébranlable) comme une montagne.

609. De même, Çalya, atteint à plusieurs reprises par


les coups de la massue de Bhîma, ne chancela pas plus
qu'une grande montagne (heurtée) par un éléphant.

610. Le son clair de la chute des massues de ces deux


lions humains s'entendait dans toutes les directions,
semblable au bruit de deux tonnerres.

611. Ces deux (guerriers) héroïques, les massues


levées, décrivaient des cercles, en se tenant écartés l'un
de l'autre.

612. Puis, s'étant rappprochés de huit pas, ces deux


(hommes) aux œuvres surhumaines, se touchaient par
leurs deux massues (qu'ils avaient) levées.

613. Alors, ces deux habiles (combattants) se défiant


réciproquement, décrivirent des cercles, et firent voir à
ce moment, ce que leur manière de combattre avait de
particulier .

614. Et ayant levé leurs deux massues terribles, sem-


blables à deux montagnes avec leurs sommets, ils se
frappèrent l'un lautre, comme deux collines (se
heurtent), dans un tremblement de terre.

615. Ces deux héros, que la colère avait portés à se


blesser grièvement avec leurs massues, tombèrent
simultanément comme deux étendards royaux.

616. Alors, dans les deux armées, les héros poussèrent


des cris de ha! ha! Les deux combattants, frappés dans

70 CHAPITRE XII

de nombreuses parties vitales, étaient fortement


troublés,

617. Le fort Kripa, ayant fait monter sur son char le


taureau des habitants de Madra, fit rapidement sortir
Çalya du champ de bataille.

618. Comme ivre par suite de l'agitation de son esprit,


Bhîmasena se releva en un clin d'œil, et défia le roi de
Madra.

619. Mais alors les héros armés d'armes diverses,


combattaient l'armée des Pàndouides, (au son) des instru-
ments de musique.

620. grand roi, conduit par Douryodhana, ils accou-


raient avec un grand bruit, les mains et les épées levées.

621. Alors les fils de Pàndou, en apercevant cette


armée, allèrent, en poussant des rugissements, à la ren-
contre de ceux qui avaient Douryodhana pour con-
ducteur.

622. le meilleur des Bharatides, comme ils arrivaient


rapidement, ton fils atteignit Cekitàna d'un javelot dans
le cœur.

623. Celui-ci, frappé par ton fils, tomba sur le siège de


devant du char, trempé de sang et ayant pénétré dans la
grande obscurité (de la mort) .

624. Les grands guerriers des Pàndouides, à la vue de


Cekitàna tué, répandirent incessamment des pluies de
flèches.

625. Les Pàndouides, désireux de vaincre, admirables à


voir, erraient de toutes parts dans tes armées, ô grand roi.

626. Kripa, Kritavarman et le Soubalide à la grande


force, ayant mis à leur tête le roi de Madra, combattaient
Dharmaràja,

LIVRE DE ÇALYA 71

627. grand roi, Douryodhana combattait Dhrishta-


dyoumna, auteur de nombreux actes héroïques, meurtrier
du Bharadvajide (Drona).

628. Trois milliers de chars, expédiés par ton fils,


ayant le fils de Drona à leur tête, combattaient Vijaya (Arjouna);
629. Résolus à vaincre et ayant fait le sacrifice de leurs
vies, les tiens entraient dans la bataille, comme des
flamants dans un grand étang,

630. Alors, entre ces (hommes) décidés à se tuer les


uns les autres, il y eut un combat terrible, augmentant la
joie (réciproque des combattants) et où plusieurs d'entre
eux perdirent la vie, tant d'un côté que de l'autre.

631. Pendant qu'était engagé ce combat où les meil-


leurs des héros étaient détruits, ô roi, il s'éleva de la
terre une poussière terrible, soulevée par le vent.

632. Nous reconnûmes, en entendant proclamer les


noms des Pàndouides, que (les deux partis) combattaient
à la manière des gens sans crainte.

633. tigre des hommes, cette poussière fut abattue


par le sang, et, l'obscurité ayant disparue, l'horizon
redevint sans tache,

634. Et dans ce combat terrible, formidable, épouvan-


table, personne parmi les tiens ni parmi les ennemis, ne
tourna le dos.

635. Les hommes se montrèrent courageux, désireux


d'obtenir la victoire, d'acquérir (la possession) des mon-
des de Brahma et d'aller au Svarga, en se battant bien.

636. Décidés à faire les affaires de leurs maîtres qui


leur donnaient la nourriture, les guerriers combattaient,
en ayant l'esprit dirigé vers le Svarga.

72 CHAPITRE XII

637. Les grands guerriers, brandissant des armes


diverses, s'attaquaient et se défiaient réciproquement.
638. « Tirez, percez, prenez, attaquez, coupez, » tels
étaient les cris qu'on entendait dans ton armée et dans
celle des ennemis.

639. Alors, ô grand roi, Çalya désireux de tuer ce grand


guerrier, attaquait Dharmaraja avec des flèches aiguës.

640. Le fils de Prithâ, connaissant les parties faibles


(de son ennemi) enfonça quatorze nàràcas dans ses
organes vitaux, ô grand roi.

64L Le très glorieux (Çalya) irrité, ayant couvert de


traits le fils de Pândou qu'il voulait tuer, le perça de
nombreuses flèches empennées.

642. Et, ô grand roi, (devant) toute l'armée qui le


voyait, il atteignit encore Youdhishthira avec une flèche
barbelée.

643. Le très glorieux Dharmaraja, plein de colère,


atteignit aussi le roi de Madra avec des flèches aiguës,
garnies de plumes de paon et de héron.

644. Le grand guerrier frappa Candrasena de soixante


dix flèches, le cocher de neuf, et Droumasena de
soixante-quatre.

645. Le gardien des roues étant tué par le magnanime


fils de Pândou, Çalya tua ensuite vingt-cinq Cedins, ô roi.

646. Il atteignit dans la bataille le Satyakide, de vingt-


cinq flèches aiguës, Bhîmasena de sept, et les deux Pân-
douides, fils de Màdrî, de cent.

647. O le plus grand des rois, le fils de Prithâ envoyait


à (Çalya), qui rôdait dans la bataille, des traits affilés,
semblables à des serpents.

648. Au moyen d'une (flèche) bhalla, Youdhishthira,


LIVRE DE ÇALYA. 73

fils do Kountî, enleva du char de ce (héros) qui se tenait


en face de lui dans le combat, l'extrémité de son
étendard.

649. Certes, son étendard fut coupé dans la grande


bataille par le fils de Pàndou. Nous le vîmes, frappé,
s'écroûlant comme le sommet d'une montagne,

650. A la vue de sa bannière abattue et du fils de


Pàndou immobile, le roi de Madra s'irrita et lança une
pluie de flèches.

651. Semblable à un nuage orageux, Çalya à l'âme


incommensurable, le meilleur des Kshatriyas, versa une
pluie de traits, dont il arrosa les Kshatriyas.

652. Ayant atteint de cinq flèches chacun, le Satyakide


Bhîmasena et les deuxPàndouides, fils de Mâdrî, il pressa
Youdhishthira,

653. Je voyais alors, étendu sur la poitrine du fils de


Pàndou une série de flèches semblable à une multitude
de nuages, ô grand roi.

654. Le grand guerrier Çalya irrité, lui couvrit de


traits aux nœuds recourbés, les points cardinaux et les
espaces intermédiaires.

655. Alors le roi Youdhishthira, écrasé par la multitude


des flèches, eut sa valeur annihilée, comme Jambha
(terrassé) par Indra.

CHAPITRE XIII

COMBAT DE ÇALYA
Argument : Combat de Çalya. Espérances de Douryodhona. Suite
du combat de Çalya. La multitude de ses flèches couvre et obs-
curcit l'horizon.

). Sanjaya dit : vénérable, Dharmarâja étant


pressé par le roi de Madra, le Satyakide, Bhimasena et
les deux Pàndouides fils de Màdrî

657. Entourèrent Çalya avec leurs chars et l'atta-


quèrent. En le voyant seul, attaqué par de nombreux

grands guerriers,

658. Le cri de : « très bien », fut poussé. Les Siddhas


(sages) étaient très joyeux, et les mounis assemblés
disaient : « c'est merveilleux. »

659. Bhimasena ayant, dans le combat, percé d'un trait


Çalya, dans son héroïsme transformé en çalyas (pointes
de flèches), l'atteignit encore de sept.

660. Le Satyakide, voulant garantir Dharmarâja, cou-


vrit le roi de Madra de cent (traits) et poussa un rugis-
sement.

661. Nakoula, l'ayant percé de cinq et Sahadeva de


sept, (celui-ci) l'atteignit encore de cinq.

662. Mais ce héros vigilant, écrasé dans ce combat par


ces grands guerriers, tira son terrible et puissant arc qui
lançait rapidement la mort.

LIVRE DE ÇALYA 75

663. vénérable, Cayla atteignit le Satyakide de vingt-


cinq (flèches), Bhimasena de soixante-treize et Nakoula de sept.
664. Puis, aj^ant coupé avec une bhalla l'arc et le trait
de Farcher Sahadeva, il l'atteignit (lui-même) soixante-
treize fois dans la bataille.

665. Sahadeva prit un autre arc, y mit une corde et, à


plusieurs reprises, frappa son oncle maternel, à la grande
splendeur, de cinq

666. 667. Flèches semblables à des serpents, pareilles


à un feu brûlant, et, très irrité, il perça son cocher d'un
trait aux nœuds recourbés et l'atteignit (lui-même)
de nouveau de trois autres. Bhimasena (le perça) de
soixante-dix, et le Salyakide de neuf flèches.

668. EtDharmapoutra (Youdhishthira)en ficha soixante


dans le corps de Çalya qui, blessé par ces grands guer-
riers, ô grand roi,

669-671. Laissa couler du sang de ses membres comme


une montagne (produit) de la craie rouge. Mais, ô
roi, il atteignit rapidement ces grands archers de cinq
flèches chacun. C'était comme un prodige. Alors, ô véné-
rable, ce grand guerrier coupa, avec une bhalla de qua-
lité supérieure, l'arc de Dharmapoutra avec sa corde.
Mais le grand guerrier Dharmapoutra ayant pris un
autre arc,

672. Couvrit de traits Çalya, ses chevaux, son cocher


et son char. Celui-ci, enveloppé des flèches que Dhar-
mapoutra (lui lançait) en combattant,

973. Atteignit ensuite Youdhishthira de dix traits


aigus. Cependant Dharmapoutra étant tourmenté par ces
flèches, le Satyakide, en colère.

76 CHAPITRE XIII

674. Couvrit d'une multitude de traits le héros, roi


des habitants de Madra, qui, avec une flèche kshourapra
(à tête en rasoir) coupa le grand arc du Satyakide

675, 676. Et frappa chacun de trois flèches, ceux qui


avaient à leur tête Bhîmasena. Irrité, le Satyakide lui
envoya un très précieux javelot au manche doré, et
Bhîsmasena une nàràca pareille à un serpent brûlant.

677. Nakoula lui envoya une lance, Sahadeva une


massue brillante, et Dharmaràja, qui voulait tuer Çalya,
(lui lança) une çataghnî.

678. Le roi de Madra arrêta cette multitude d'armes,


lancées par ces cinq (héros), au moment même où elles
tombaient (sur lui) .

679. Il coupa avec des bhallas le javelot envoyé par le


Satyakide et la flèche garnie d'or lancée par Bhîma-
sena.

680. Adroit et majestueux, il coupa la terrible lance


au manche doré, poussée par Nakoula,

681. Et arrêta par une multitude de traits la massue


envoyée par Sahadeva ; puis, ô Bharatide, il coupa avec
deux flèches la çataghnî du roi (Youdhishthira),

682. Et poussa un rugissement à la face des fils de


Pàndou. Le Çinien ne supporta pas (avec patience) que
l'ennemi (remportât) la victoire dans le combat.

683. Le Satyakide rempli de colère, ayant pris un arc,


atteignit le maître de Madra de deux flèches et son
cocher de trois

684. Alors Çalj^a irrité, ô grand roi, les atteignit tous


très grièvement de dix flèches, comme de grands élé-
phants (qu'on frappe) avec des aiguillons.

685. Ces grands guerriers, destructeurs de leurs enne-


LIVRE DE ÇALYA 77

mis, arrêtés dans la lutte par le roi de Madra, ne purent


tenir en face de lui.

686. Alors le roi Douryodhana, à la vue de l'héroïsme


de Çalya, considéra comme (déjà) tués les Pàndouides,
les Pàncàlas et les Srinyayas.

687. A ce moment, ô roi, le majestueux Bhimasena


aux grands bras, faisant le sacrifice de sa vie, combat-
tait le roi de Madra.

688. Nakoula, Sahadeva et le Satyaldde à la grande


force, ayant entouré Çalya, le couvraient de flèches de
tous côtés.

689. Le roi majestueux de Madra, entouré par ces


quatre grands guerriers, (qui étaient) de grands archers
les combattit.

690. roi, Dharmasouta(Youdhishthira), fils de Prithà,


tua rapidement, avec une flèche kshourapra, le gardien
des roues (du char) du roi de Madra.

69L Ce grand guerrier, le héros gardien des roues


étant tué, le très fort roi de Madra couvrait les soldats
de flèches.

692. Mais alors, ô roi, Youdhishthira Dharmaràja


voyant ses guerriers couverts (de traits) dans la bataille,
réfléchissait (ainsi) :

693. « Comment donc cette grande parole du Madhavide


(Vishnou-Krishna) serait-elle vraie ? Certes, il ne pour-
rait dans sa colère détruire mon armée dans le combat,
ô roi. »

694. Alors, ô frère aine de Pàndou, les Pàndouides,


pressant de tous côtés le souverain de Madra, l'atta-
quèrent avec leurs chars, leurs éléphants et leurs
chevaux.

78 CHAPITRE XIII

(305. De même que le vent disperse les grands nuages,


le roi dispersait la pluie de traits versée (contre sou
armée, et) où abondaient les armes de diverses sortes.

696. Alors nous vîmes dans le ciel, semblable à une


nuée de sauterelles, lancées par Çayla, une multitude de
flèches dont la pointe et la partie postérieure étaient
dorées.

697. Ces flèches, lancées par le roi de Madra en tête


de la bataille, semblaient voler ensemble comme des
bandes d'oiseaux.

698. maitre suprême des hommes, le ciel parut pour


ainsi dire complètement rempli par les flèches ornées
d'or décochées par le roi de Madra.

699. 700. On ne voyait plus aucun des Pàndouides ni


aucun des nôtres, la rapidité des flèches du fort roi de
Madra produisant en cet endroit une grande obscurité .
Et, à la vue de larmée des fils de Pândou (semblable à)
un océan troublé,

701. Les dieux, les gandharvas et les dànavas entrèrent


dans un étonnement extrême. (Çalya), ô vénérable, ayant,
de toutes parts, écrasé les (ennemis) de ses flèches,

702. En ayant à plusieurs reprises couvert Dharma-


ràja, criait comme un lion. Les grands guerriers des
Pàndouides, qu'il avait enveloppés (de traits) en com-
battant,

703. 704. Ne furent pas capables détenir tête au grand


guerrier dans le combat. Les chars, ayant Bhîmasena
comme front de bataille, et conduits parDharmaràja, ne
s'éloignaient pas dans le combat du héros Çalya brillant
dans les batailles.

CHAPITRE XIV

COMBAT GENERAL

Argument : Combat d'Arjouna contre les Trigartes et le fils de


Drona qui tue Souratha, venu au secours d'Arjouna.

705, 706. Sanjaya dit : Arjouna Dhanafijaya, blessé,


dans le combat de plusieurs (armes) en fer, par le fils
de Drona et les héros qui le suivaient, les grands guer-
riers Trigartes, atteignit le Dronide précisément de trois
flèches çilimoukhas et chacun des autres grands archers
de deux,

707. Et il continuait de les couvrir de pluies de flèches.


Mais, ô excellent Bharatide, les tiens, hérissés de traits
(comme des fagots) d'épines,

708. Conduits par le fils de Drona, avec la multitude


des chars, s'étant approchés du Prithide, (quoique) frap-
pés de flèches aiguës, ne lâchèrent pas Arjouna.

709. Les grands guerriers l'ayant enveloppé, le com-


battaient, ô roi; les flèches ornées d'or décochées par eux

710. 711. Remplirent immédiatement le devant du


char d'Arjouna. (Les Kourouides) enragés au combat,
ayant vu les deux grands archers Krisnas, les héros de
tous les porteurs d'arc, avoir leurs deux corps blessés
par les flèches, (étaient) joyeux. puissant, le timon,
les roues, les liens qui unissent le joug au timon,

80 CHAPITRE XIV

712. Et même l'attelage et le corps du char, devinrent


un amas de traits, ô roi. Jamais, auparavant, on n'avait,
ni vu, ni entendu rien de pareil

713. A ce que les tiens firent en cette circonstance


contre le fils de Prithà qui, avec son char, resplendissait
de toutes parts (de l'éclat) des flèches aiguës à l'extrémité
postérieure dorée,

714. Comme un char céleste (placé) sur la surface de


la terre, (et) brillant de centaines de météores. Alors,
ô grand roi, Arjouna, avec des flèches aux nœuds
recourbés,

715. Arrosait cette armée, comme un nuage (arrose)


une montagne avec de la pluie. (Les soldats de) cette
(armée), frappés de flèches marquées au nom du fils de
Prithà,

716. Pensaient, dans la situation (où ils se trouvaient,


qu'un nuage orageux) était devenu le fils de Prithà, que
la flamme (de la foudre) de sa colère était (figurée par)
ses flèches, et le vent par le bruit de son arc.

717-721. Le feu (représenté par) le fils de Prithà con-


suma rapidement le combustible figuré par ton armée.
Bharatide, sur le chemin du char du Prithide, on vit
rapidement tomber sur le sol de la terre, des files d'atte-
lages, des carquois, des bannières, des étendards avec
leurs chars, des timons, des corps de chars, des trive-
nous (chars à trois drapeaux), des portions de chars, ô
Bharatide, des essieux, des liens de joug, des aiguillons,
de tous côtés ; des têtes portant des turbans et des
boucles d'oreilles, des mains, des épaules, ô homme
heureux, tombaient de toutes parts, (ainsi que) des
parasols, des éventails, des diadèmes. Alors, ô maître

LIVRE DE ÇALYA 81

des hommes, sur la route du char du fils de Prithâ


irrité.

722: La terre devint inabordable, couverte d'une boue


de chair et de sang, ô excellent Bharatide, semblable au
jardin de Roudra,

723. Remplissant de crainte les gens timides et accrois-


sant la joie des héros. Or, le fils de Prithà, tourmen-
teur de ses ennemis, ayant détruit dans le combat deux
milliers

724. De chars avec leurs balustrades protectrices,


resplendissait comme un feu sans fumée. De même que
l'adorable Agni, quand il dévore le monde animé et le
monde inanimé,

725. Paraît dépourvu de fumée, tel (et aussi brillant)


était Dhananjaya, fils de Prithâ. Mais le fils de Drona,
ayant vu les hauts faits du fils de Pàndou dans la bataille,

726. Lui tint tête avec un char bien orné de bannières.


Ces deux tigres des hommes, (qui étaient) les meilleurs
d'entre les archers,

727. Se rencontrèrent alors, animés du désir de se


tuer l'un l'autre. grand roi, ces deux (héros) versèrent
une terrible pluie de flèches,
728. Pareille à la pluie répandue par deux nuages
orageux à la fin de la saison chaude, ô excellent Bhara-
tide. A l'envi l'un de l'autre, avec des flèches aux nœuds
recourbés,

729. Ils se blessèrent réciproquement, comme deux


taureaux avec leurs cornes. Mais, ô grand roi, le combat
eut lieu pendant longtemps à peu près avec égal (succès)
entre eux deux.

730-731. Le choc des armes y fut terrible. (Le fils de

82 CHAPITRE XIV

Drona) atteignit Arjouna de douze flèches très brillantes,


à Textrémité postérieure dorée, et le Vasoudevide de
dix, ô excellent Bharatide. Alors Bîbhatsou déchargea
l'arc Gândîva.

732. L'ambidextre, tourmenteur de ses ennemis, après


avoir honoré un instant le fils du gourou, dans la bataille,
priva son char de son cocher et de ses chevaux.

733. Et à chaque instant il le frappait, (mais) mollement


(d'abord). Le fils de Drona, souriant, se tenant sur son
char dont les chevaux étaient tués,

734-735. Lança au fils de Pàndou un bâton ferré, pareil


à une barre de fer destinée à fermer les portes. Immédia-
tement le héros, fils de Prithà, destructeur de ses enne-
mis, coupa en sept morceaux ce (bâton) orné de plaques
d'or, qui arrivait sur lui. Irrité au plus haut degré en
voyant son bâton ferré mis en pièces, le fils de Drona,
adroit dans les combats, prit une barre de fer terrible,
semblable au sommet de (l'Himalaya), roi des montagnes,
et la lança au fils de Prithâ.

737. Arjouna, fils de Pândou, aj^ant aperçu cette barre


pareille à Antaka irrité, se hâta de la frapper de cinq de
ses meilleures flèches.

738. Coupée en morceaux par les traits du fils de


Prithâ, elle tomba sur le sol, consternant les esprits
des Indras de la terre, ô Bharatide.

739. Alors, le Pândouide atteignit le fils de Drona de


trois autres bhallas. G-ravement blessé par le fort et
magnanime fils de Prithâ,

740. 741. Soutenu par son héroïsme, le Dronide, ce


grand guerrier Bharadvajide, ne s'abandonna pas (à sa
mauvaise fortune et) couvrit Souratha d'une nuée de

LIVRE DE ÇALYA 83

flèches, en présence de tous les Kshatriyas. Cependant


ce grand guerrier des Pàncâlas

742. Accourait vers le fils de Drona, sur un char qui


faisait un bruit (semblable à celui) du tonnerre, en tirant
son fort et excellent arc, très puissant contre tous,

743. Il le couvrait de traits semblables à des serpents


de feu. En voj^ant arriver vers lui le grand guerrier Sou-
ratha irrité,

744. Le Dronide entra en fureur au milieu de la bataille,


comme un serpent frappé d'un bâton. Ayant froncé ses
sourcils en forme de trident et léchant les coins de sa
bouche,

745. Ayant regardé Souratha et frotté de colère la


corde de son arc, il lança une nâràca aiguë ayant l'appa-
rence et l'éclat du bâton d'Yama.

746. Elle entra rapidement et brisa le cœur (de Soura-tha),


comme le coup de foudre lancé par Indra, déchire
la surface de la terre.

747. Frappé par la nàràca, il tomba sur le sol, comme


le sommet d'une montagne se fendant (par suite d'un
coup) de foudre.

748. Quand ce héros fut tué, le majestueux fils de


Drona, le meilleur des maîtres de chars, se hâta de mon-
ter sur ce char même.

749. Puis, ô grand roi, le Dronide enragé au combat,


pourvu (d'un nouveau char), entouré des conjurés dans
la bataille, combattit Arjouna.

750. Quand le soleil fut au milieu du ciel, il y eut là un


grand combat, enrichissant le royaume d'Yama, entre
Arjouna et ses ennemis.

751. Alors, en contemplant leurs exploits, nous vîmes

84 CHAPITRE XIV

une chose prodigieuse. Arjouna, (à lui) seul, résistait si-


multanément (à tous ces) héros.

752. Il se livrait une lutte terrible entre lui seul et


plusieurs (de ses) adversaires, comme celle qui (eut lieu)
jadis entre Çatakratou (Indra) et la grande armée des
daityas.
CHAPITRE XV
SUITE DU PRECEDENT

Argimient : Combat de Douryodhana et de Dlirishtadyourana.


Prouesses de Çalya, qui est combattu par Nakoula, et ensuite par
les autres fils de Pândou et le Satyakide. Combat g'énéral.

753. Sanjaya dit : grand roi, Douryodhana et le Pris-


hatide Dhrishtadj^oumna se livrèrent un très grand com-
bat, à grand renfort de flèches et de lances .

754. grand roi, ces deux (héros) versèrent par mil-


liers des pluies de traits, comme, dans la saison chaude,
les nuages orageux (répandent) des gouttes d'eau de
toutes parts.

755. Le roi, ayant percé le Prishatide de cinq traits ra-


pides, atteignit encore de sept le meurtrier de Drona,
armé de flèches terribles.

756. Mais Dhrishtadyoumna, fort dans les combats, fer-


mement héroïque, écrasa Douryodhana de soixante-dix
flèches.

757. excellent Bharatide, ayant vu le roi dans l'em-


barras, ses frères entourèrent le Prishatide avec une
grande armée .

758. roi, ce héros vivement entouré de tous côtés


par les grands guerriers, allait çà et là dans la bataille,
faisant admirer la rapidité de ses projectiles.
86 CHAPITRE XV

759. Çikhandin combattit les deux archers Kritavarman


et le Gotamide, joints aux Prabhadrakas .

760. Là aussi, ô maître des hommes, il s'engagea un


très grand combat entre les (guerriers) qui faisaient le
sacrifice de leur vie dans une lutte (semblable à) une
partie de dés où l'enjeu serait l'existence.

761. Çalya, lançant de tous côtés dans l'espace des


pluies de flèches, attaqua lesPàndouides, le Satyakide et
Vrikodara.

762. Grâce à la force de ses projectiles, il combattit,


avec un même héroïsme, les deux jumeaux, dont la force
dans les combats égalait celle d'Yama, ô Indra des rois.

763. Aucun des guerriers Pândouides pourchassés par


les flèches de Çalya, ne trouvait de protecteur dans la
bataille.

764. Mais alors, comme Dharmarâja était vivement


pressé (par ses ennemis), le héros fils de Màdrî, Nakoula,
courut avec rapidité contre son oncle maternel .

765. Ce tueur des héros ennemis l'ayant couvert (de


flèches), l'atteignit en dedans du mamelon du sein, de dix

766. Flèches de fer, polies par le forgeron, aiguisées


sur une pierre, ayant l'extrémité postérieure dorée, lan-
cées par son arc.

767. Cependant Çalya, atteint par ce magnanime fils de


sa sœur, frappa Nakoula de traits aux nœuds recourbés,

768. Alors Youdhishthira, Bhîmasena, le Satyakide et


Sahadeva, fils de Màdrî, coururent contre le roi de Madra.

769. 770. Le maître de l'armée, vainqueur des ennemis,


assaillit (tous) ceux-ci, au moment où ils fondaient sur
lui, remplissant du bruit de leurs chars les points cardi-
naux et les espaces intermédiaires, et faisant trembler

LIVRE DE ÇALYA 87

la terre. Ayant atteint Youdhishthira de trois (traits) et


Bhîmasena de cinq,

771-772. Le Satyakide de cent, et Sahadeva de trois, le


maître de Madra coupa avec une kshourapra, ô véné-
rable, l'arc, avec sa flèche, du magnanime Nakoula. Cet
arc, arraché (de ses mains) par le trait do Çalya, fut
brisé.

773. Mais le grand guerrier flls de Màdri, ayant pris un


autre arc, remplit rapidement de flèches le char du roi
de Madra.

774. vénérable, Youdhishthira et Sahadeva atteigni-


rent le maître de Madra, chacun de dix traits dans la
poitrine .

775. Bhîmasena et le Satyakide, l'ayant attaqué, le


frappèrent, (le premier) de soixante et, (le second) de dix
flèches empennées de plumes de héron.

776. Alors le roi de Madra, irrité, perça le Satyakide


de neuf traits et, en outre, de soixante-dix flèches aux
nœuds recourbés.

777. Puis, ô vénérable, il lui coupa, à la poignée, l'arc


avec la flèche (prête à partir) et donna, dans le combat,
la mort à ses quatre chevaux.

778. Le grand guerrier roi de Madra, voyant le Satya-


kide hors (d'état de se servir de son) char, le frappa de
toutes parts d'une centaine de flèches.
779. Le Kourouide atteignit de dix traits les deux fils
de Màdrî exaspérés, Bhîmasena, fils de Pàndou, et You-
dhishthira.

780. Nous vîmes là cet exploit merveilleux du roi de


Madra, (dont le résultat fut) que les fils de Prithà réunis
(ne purent pas) l'approcher dans le combat.

88 CHAPITRE XV

781-784. Mais le fort Satyakide, à l'héroïsme vrai, étant


monté sur un autre char et voyant les fils de Pândou
opprimés par le roi de Madra et tombés (pour ainsi dire)
en son pouvoir, courut rapidement contre lui. Çalya,
splendide dans les batailles, alla, avec son char seule-
ment, à la rencontre de celui du (Satyakide) qui arrivait
sur lui, comme un éléphant en rut (court contre un
autre) éléphant en rut. La mêlée et le combat du Satya-
kide et du héros, roi de Madra, fut une chose merveil-
leuse à voir, (autant) en vérité que le (combat) qui eut
lieu entre Çambara et le roi des immortels.

785. Voyant le roi de Madra qui se tenait ferme dans la


bataille, le Satyakide le perça de dix traits, et lui cria :
Arrête-toi, arrête-toi !

786. Mais le roi de Madra, gravement atteint par ce


magnanime, le blessa avec des flèches aiguës, à l'extré-
mité postérieure brillante.

787. Alors les grands guerriers fils de Prithâ, avec


leurs chars, assaillirent rapidement, animés du désir de
le tuer, le roi, leur oncle maternel, attaqué par le Sa-
tyakide \

788. Puis il y eut entre les héros, combattant comme


des lions rugissants, un combat où (chacun) détruisait
ses ennemis et où le sang coulait comme de l'eau.
789. grand roi, ils se menaçaient en combattant,
comme des lions (qui) rugissent en désirant (s'emparer
d'une) proie convoitée.

790. La terre était couverte des milliers de leurs


flèches, et l'atmosphère parut, tout d'un coup, comme
faite de leurs traits.

791. Les flèches (par leur grand nombre) obscurcissant

LIVRE DE ÇALYA 89

le (ciel) dans plusieurs directions, les traits lancés par


ces magnanimes formaient, à ce qu'il semblait, un nuage
(opaque).

792. roi, les quatre points cardinaux resplendissaient


des flèches à l'extrémité postérieure dorée, brillantes
comme des serpents qui ont fait peau neuve, (et qui
étaient) lancées (dans la bataille).

793. En cet endroit, Çalya, destructeur des ennemis,


exécuta cet exploit des plus merveilleux, de combattre
à lui seul de nombreux (adversaires).

794. La terre était couverte par les flèches terribles,


ornées de plumes de héron et de paon, qui tombaient,
décochées par la main du roi de Madra.

795. roi, nous y vîmes le char de Çalya allant de côté


et d'autre dans la grande bataille, comme celui de Çakra,
quand il repoussait les asouras.
CHAPITRE XVI

COMBAT DE CALYA ET DE YOUDHISIITHIRA

Argument : Combat général. L'armée Pândouide est mise en fuite.


Youdhishthira harangue ses frères et combat Çalya. Combat de
Bhlma et de Douryodhana. Évanouissement de Douryodhana ;
son cocher est tué et il est emporté par ses chevaux. Çalya, mis en
grand danger par Youdhishthira, est emmené par Açvatthâman.Il
s'arrête et remonte sur un autre char.

796. Sanjaya dit : Alors, ô puissant, tes armées ayant


mis à leur tête le roi de Madra, coururent de nouveau
rapidement au combat contre les fils de Prithà.

797. Et tous les tiens, quoique blessés, enivrés par


l'attrait du combat, courant en avant, mirent immédiate-
ment, par leur grand nombre, le trouble (dans l'armée)
des Prithides.

798. Et, (quoique) retenus par Bhîma, sous les yeux de


Krishna et du fils de Prithà, les Pândouides, frappés par
les Kourouïdes, ne (purent) pas tenir ferme.

799. 800. Alors Dhananjaya irrité, et Sahadeva, cou-


vraient d'une multitude de flèches, (le premier) Kripa et
ses suivants, ainsi que Kritavarman, (le second) Çakouni
avec son armée. Nakoula, placé de côté, observait le roi
de Madra .

801. Les fils de Draupadi repoussaient de nombreux


rois, et le Pàncàla Cikhandin résistait au fils de Drona.
LIVRE DE ÇALYA 91

802. Bhimasena, la massue à la main, arrêtait (dans sa


marche) le roi Douryodhana, et Youdliishthira, fils de
Kounti, (résistait à) Çalya accompagné de (son) armée.

803. Alors le combat était engagé en cet endroit entre


les tiens et les ennemis, qui, (ni les uns ni les autres), ne
tournaient le dos dans la bataille.

804. Je vis alors là une grande prouesse de Çalya.


A lui seul, il combattait toutes les armées des Pàn-
douides.

805. Çalya, dans le voisinage de Youdliishthira, appa-


raissait comme la planète Saturne auprès de la lune.

806. Ayant écrasé le roi de flèches semblables à des


serpents, il courait de nouveau contre Bhima et le cou-
vrait d'une pluie de traits.

807. En voyant son agilité et son habileté à lancer des


armes de jet, les armées des ennemis et les tiennes l'ho-
norèrent (de leurs acclamations).

808. Les Pàndouides, broyés par Çalya, s'enfuyaient,


écharpés, du combat, pendant que Youdhishthira (leur)
criait (de s'arrêter).

809. Ses armées étant tuées par le roi de Madra, le fils


de Pàndou, Youdhishthira Dharmaràya, ayant pris sa ré-
solution avec colère,

810. Se décida à un acte héroïque et frappa le roi de


Madra. La victoire ou la mort ! (se disait) le grand guer-
rier, (fidèle) à remplir ses devoirs.

811. Ayant convoqué tous ses frères et le Madhavide


(Krishna- Vishnou), il leur dit : Bhishma, Drona, Karna et
les autres princes
812. Qui avaient réuni leurs forces dans l'intérêt des
Kourouides, sont morts dans la bataille. Dans la mesure

92 CHAPITRE XVI

de votre bonheur et de vos forces, vous avez accompli


des actes héroïques.

813. La seule part (de gloire qui me soit) laissée, est (la
victoire sur) le grand guerrier Çalya. Je veux mainte-
nant triompher du roi de Madra.

814. Je vous dis ici toute ma pensée. Les deux héros


fils de Màdravatî (Màdrî, princesse de Madra) seront les
gardiens de mes roues.

815. 816. Que ces deux (guerriers), tenus pour des héros
invincibles dans les combats, même pour Vâsava, que
ces deux (hommes) excellents attachés aux devoirs des
Kshatriyas, aux promessses (toujours) suivies d'effet et
dignes du respect (de tous), luttent contre notre oncle
maternel dans la bataille. Çalya me tuera en combattant,
ou je le tuerai. Que cela vous soit agréable,

817. Héros du monde, écoutez cette parole vraie : ô


princes, je vais maintenant combattre l'oncle maternel,
selon la règle des Kshatriyas,

818. Résolu à (remporter) la victoire, ou (à subir le


destin) contraire, (qui est la mort). Mon épée et toutes
mes autres armes sont supérieures (aux siennes).

819. Que les servants soient rapidement réunis sur le


char selon la règle : le Çinien à la roue droite, Dhrish-
tadyoumna à la gauche *".

820. Que Dhananjaya, fils de Prithà, protège mes der^


rières et que Bhîma , le plus éminent des hommes
d'armes, marche maintenant devant moi.

821. De cette façon, je serai bien supérieur à Çalya


dans la grande lutte (qui va s'engager) . Alors (ces guer-
riers), ainsi commandés, voulant exécuter ce qui était
agréable au roi, firent (ce qu'il leur avait dit).

LIVRE DE ÇALYA 93

822. Ces (préparatifs) remplirent d'une nouvelle joie


les armées (Pàndouides), principalement les Pàiicàlas,
les Somakas et les Matsyas.

823-826. Puis, le roi, ayant pris cet engagement, se


dirigea contre le maître de Madra. Les Pâncâlas firent
alors résonner les conques, les timbales et les tambours
poushkalas, par centaines, et poussèrent leur cri de
guerre ; exaspérés, faisant résonner la terre du grand
bruit des instruments de musique, des grelots des élé-
phants, du son des conques et de leurs cris de joie, ils atta-
quaient l'énergique roi de Madra et les taureaux des Pou-
rouides ". Tonfils et l'héroïque roi de Madra les recevaient
827-829. Comme les deux montagnes où le soleil et la
lune se lèvent et se couchent (arrêtent) de gros et nom-
breux nuages. Çalya, avide de combats, arrosa de flèches
Dharmarâja, dompteur des ennemis , comme ( Indra )
Maghavant verse la pluie. Le magnanime roi de Kourou,
ayant saisi son arc brillant et faisant montre des leçons
de diverses sortes (qu'il avait reçues) de Drona, répandit
avec éclat, légèreté et adresse, un déluge de traits (sur
l'ennemi).

830. Et personne ne put apercevoir un point faible


dans sa manière de combattre. Ces deux (guerriers,
Çalya et Youdhishthira) se blessèrent réciproquement
avec des flèches de diverses espèces,

83L Comme deux tigres, désireux (de saisir) une proie


convoitée, mesurent leurs forces dans le combat. Bhîma
rencontra ton fils que la bataille enivrait.

832. Le Pàncâlien, le Satyakide et les deux Pàndouides,


fils de Madri, attaquèrent de toutes parts les héros qui
avaient Çakouni à leur tête.

94 CHAPITRE XVI

833. O roi, parce que tu avais suivi un conseil qui n'était


pas sage, il s'engagea alors un nouveau combat tumul-
tueux entre les tiens et les ennemis.

834. Douryodhana visa et coupa dans la bataille, avec


une flèche auxnœuds recourbés, l'étendard doré de Bhima.

835. Cet étendard brillant, agréable à voir, orné d'une


multitude de clochettes, tomba sur (le champ du) combat,
sous les yeux de Bhîma.

836. Puis, avec une flèche en rasoir, armée d'un tran-


chant, le roi mit en pièces son arc brillant, semblable
(pour la grosseur) à la trompe d'un éléphant.

837. Cet énergique (fils dePândou), ayant son arc brisé,


attaqua ton fils et lui perça la poitrine avec la hampe du
drapeau. (Douryodhana) tomba sur le siège de devant de
son char.

838. Ton fils ayant perdu connaissance, Vrikodara


sépara en outre, avec une Kshourapra, la tête du cocher
de son corps.

839. Bharatide, les chevaux, dont le cocher était tué,


emportèrent le char en courant çà et là dans toutes
les directions. On entendit alors, ô roi, des cris de :
Ah ! Ah !
840. Le grand guerrier fils de Drona, Kripa, et Krita-
varman, désireux de protéger ton fils, accoururent vers
lui pour le secourir.

841. Dans cette armée tremblante, ses suivants étaient


effrayés . L'archer porteur de Gàndîva, ayant bandé cet
arc, les tuait avec ses traits.

842. Mais Youdhishthira irrité, excitant lui-même ses


chevaux couleur d'ivoire, rapides comme la pensée,
attaquait le maître de Madra.

LIVRE DE ÇALYA 95

843. Nous remarquions là, avec stupeur, que le fils de


Kouiiti, Youdhishthira, jadis doux et ayant (ses sens)
domptés, était (devenu) terrible.

844. Roulant les yeux et tremblant de colère, le fils de


Kounti, avec des flèches bhallas aiguës, détruisait les
guerriers par centaines de mille.

845. L'aîné des fils de Pàndou ruinait avec ses traits la


(partie) de l'armée, quelle qu'elle fut (contre laquelle) il
se dirigeait, telles des montagnes que frappent les (coups)
suprêmes de la foudre.

846. Le fort (Dharmaràja), abattant de nombreux guer-


riers avec leurs chars, leurs étendards, leurs cochers et
leurs chevaux, s'en jouait, comme le vent des nuages.

847. Il broyait dans la bataille les chevaux avec leurs


cavaliers, et les fantassins, comme Roudra irrité (le fait)
des bestiaux.

848. Ayant, avec la pluie de ses flèches, rendu de


toutes parts le champ de bataille vide (de combattants),
il courait après le roi de Madra en lui criant : Arrête, arrête, ô Çalya.
849. En voyant combattre ainsi ce (héros) aux exploits
terribles, tous les tiens tremblèrent ; mais Çalja alla à
sa rencontre.

850. Ces deux (guerriers) très irrités, ayant soufflé


dans leurs conques et s'étant réciproquement défiés, se
rencontrèrent alors.

851. Çalya écrasa le Pàndouide sous une pluie de


flèches, mais le fils de Kounti couvrit, (de son côté), le
roi de Madra de nuages de traits.

852. Alors, ô roi, on vit ces deux héros, Youdhishthira


et le roi de Madra, couverts de flèches, blessés et sanglants;

96 CHAPITRE XVI

853. Magnanimes, enflammés (de colère), rendus fous


par une partie dont l'enjeu était la vie, ils brillaient en
vérité comme deux kimcoukas fleuris.

854. Toutes les armées, en les voyant, ne prévoyaient


pas qui des deux obtiendrait la victoire. Le fils de Prithà
sera-t-il le roi de la terre après avoir tué le maître
suprême de Madra,

855. Ou bien, en tuant le fils de Pândou, Çalya confé-


rera-t-il r(empire du) monde à Douryodhana? Telles
étaient les paroles des combattants, ne sachant pas au
juste (ce qui allait arriver), ô Bharatide.

856. Tout était favorable à Dharmarâja combattant.


Mais alors Çalya lança à Youdhishthira une centaine de
traits
857. 858. Et coupa son arc avec une flèche en rasoir à
l'extrémité aiguë. Celui-ci, ayant pris un autre arc,
atteignit Çalya de trois centaines de traits et coupa
(aussi) son arc avec une flèche en rasoir, puis il tua ses
quatre chevaux avec des flèches aux nœuds recourbés.

859, 860. Ensuite, avec deux (traits) à la pointe aiguë,


(il tua) les conducteurs des deux chevaux de côtés de
l'attelage, et, avec une bhalla brillante, dorée et aiguë,
il enleva son étendard, devant lui. Alors cette armée
de Douryodhana fut mise en déroute, ô dompteur des
ennemis.

861. A ce moment, le fils de Drona accourut vers le roi


de Madra réduit à cette (extrémité) et, l'ayant fait monter
sur son char, se hâta de l'emmener.

862. Ces deux guerriers marchèrent un instant, pen-


dant que Youdhishthira poussait des cris (à leur adresse),
puis le roi de Madra s'arrêta et monta sur un autre char.

LIVRE DE ÇALYA 97

863. Brillant, équipé selon les règles, fourni de toutes


les armes et de tous les ustensiles (nécessaires), produi-
sant le bruit d'un grand nuage (orageux), et faisant (de
terreur) hérisser les poils (des ennemis).

CHAPITRE XVII

MORT DE ÇALYA

Argument : Suite du combat de Çalya contre Youdhishtliira et les


autres Pândouides. Péripéties de ce combat. Réflexions de You-
dhishtliira qui finit par tuer Çalya. Mort du frère puiné de Çalya.
Combat du Hridikien contre le Satyakide. Kripa vient au secours du Hridikien.
864. Sanjaya dit : Ayant pris un autre arc très puis-
sant et percé Youdhishtliira (de ses traits), le robuste
maître de Madra rugissait comme un lion.

865. Et cet excellent Kshatriya, à l'àme incommensu-


rable, arrosait les Kshatriyas (d'une pluie de flèches),
comme un nuage orageux (les eût arrosés d'eau).

866. Ayant atteint le Satyakide de dix traits, Bhîma-


sena de trois et Sahadeva de trois, il en accablait You-
dhishthira.

867. De même (qu'on tourmente) les éléphants avec des


tisons (brûlants), il tourmentait avec ses flèches les meil-
leurs des maîtres de chars, tuait les chevaux avec leurs
cavaliers et les éléphants avec ceux qui les montaient.

868. Le meilleur des maîtres de chars tua les chevaux,


ceux qui étaient montés sur les chevaux, les éléphants,
ceux qui étaient montés sur les éléphants, et (détruisit)
les chars avec ceux qui étaient montés sur les chars,

869. Il trancha rapidement les bras, avec les armes

LIVRE DE ÇALYA 99

(qu'ils soutenaient), ainsi que les étendards. En vérité, il


couvrit la terre de (cadavres de) guerriers, comme l'autel
(est couvert) des herbes du sacrifice.

870. Les Pàndouides, les Pàncàlas et les Somakas, ir-


rités, entourèrent ce fort (guerrier) qui détruisait les
armées de ses ennemis, comme (s'il eût été) Antaka, (le
dieu de) la mort.

871. Bhîmasena, le petit fils de Çini, et les deux fils de


Mâdrî, héros parmi les héros, (attaquèrent) ce (guerrier)
que le roi (Youdliishthira) avait rencontré dans la bataille; et (les combattants) se
provoquèrent mutuellement.

872. roi, (ces) héros, ayant atteint dans le combat, le


souverain des hommes, le plus grand des guerriers, le
frappèrent, de flèches empennées, à la rapidité terrible,
en l'en couvrant dans le combat,

873. Protégé par Bhîmasena, par les deux fils de Mâdrî


et par le Madhavide, le roi Dharmasouta frappa le roi de
Madra en dedans des seins, avec des flèches rapides et
terribles.

874. Alors, les meilleurs de tes guerriers, bien armés,


(qui montaient) la multitude de tes chars, ayant vu le roi
de Madra accablé par les flèches (de ses ennemis), l'en-
tourèrent avec l'autorisation préalable de Douryodhana.

875. Il se produisit une chose merveilleuse. Le roi de


Madra atteignit de sept flèches, dans la mêlée, Youdhish-
thira qui le frappa lui-même de neuf.

870. Le roi de Madra et Youdliishthira étaient cachés


l'un à l'autre par les flèches brillantes d'huile, que les
grands guerriers tiraient dans la bataille, en bandant
l'arc jusqu'à amener la corde à toucher l'oreille.

877. A ce moment, ces deux héros, les meilleurs d'entre

100 CHAPITRE XVII

les rois, possédant une grande force, invincibles à leurs


ennemis, cherchant rapidement dans la lutte le joint
l'un de l'autre, furent grièvement blessés par les flèches
(qu'ils se lançaient).

878. Ces deux magnanimes, le roi de Madra et le fils


de Pàndou, se lançant mutuellement une multitude de
flèches, faisaient, avec la paume delà main, sur la corde
de leurs arcs, un bruit terrible, semblable à celui de la
foudre du grand Indra.

879. Semblables à deux jeunes tigres, se comportant


comme deux (de ces animaux) avides d'une proie con-
voitée, dans les grands bois, enflammés de l'orgueil du
combat, ils se blessaient comme (le feraient) deux élé-
phants d'élite, armés de longues défenses.

880. Alors le roi de Madra s'attaqua au très fort You-


dhishthira et atteignit rapidement ce héros au cœur, avec
une flèche dont l'éclat était pareil à celui du feu et du
soleil.

881. Mais ensuite, ô roi, Youdhishthira, quoique griève-


ment blessé, frappa le roi de Madra d'une flèche bien
envoyée, et le magnanime taureau de la race de Kourou
en conçut une (grande) joie.

882. Puis (Çalya), l'Indra des princes, n'ayant repris ses


esprits qu'au bout d'un instant, l'œil rouge de colère et
dont la majesté était comparable à celle (du dieu) qui a
mille yeux, se hâta de frapper le fils de Prithà de cent
(traits) .

883. Mais le magnanime Dharmasouta, sous l'empire


de la colère, s'empressa de percer la poitrine de Çalya de
neuf flèches et son armure brillante de six autres.

884. Cependant, le roi de Madra, ayant joyeusement

LIVRE DE ÇALYA 101

bandé son arc, lança des flèches, par deux desquelles il


coupa l'arc du roi, héros de la race de Kourou *^

885. Alors, le magnanime roi saisit un autre arc neuf,


terrible, et atteignit Çalya de toutes parts avec ses flèches
à l'extrémité aiguë, comme le grand Indra (atteignit)
Namouci.

886. Mais le magnanime Çalya, ayant brisé de neuf


flèches les armures sonores et dorées de Bhîma et de
Youdhishthira, leur déchira le bras ;

887. Puis, avec un autre trait en rasoir, à l'éclat aussi


brillant que celui du soleil, il coupa l'arc du roi, et Kripa
tua avec six flèches, son cocher qui tomba en avant

888. Le roi de Madra tua aussi avec quatre flèches les


chevaux de Youdhishthira, et après les avoir tués, le
magnanime fit un (grand) carnage des soldats du roi fils
de Dharma.

889. Le roi étant réduit à cette (extrémité), le magna-


nime Bhimasena se hâta de couper, avec une flèche ra-
pide, l'arc du roi de Madra et atteignit grièvement de deux
(autres, cet) Indra des hommes.

890. Et avec une nouvelle (flèche), il sépara la tète de


son cocher de son corps, dont la partie moyenne resta
debout; puis, plein de colère, il tua très rapidement ses
quatre chevaux.

891. Le premier de tous les archers, Bhîma, avec Saha-


deva, fils de Mâdrî, couvrit d'une centaine (de traits) le
roi de Madra, qui était réduit à ses propres forces dans le
combat.

892. 893. Bhîma, voyant Çalya l'esprit égaré par cette


(grêle do) traits, coupa son armure avec ses flèches.
Le roi de Madra, ayant son armure brisée par Bhîmasena,
102 CHAPITRE XVII

saisit son glaive et un bouclier orné de mille étoiles,


sauta à bas de son char et attaqua le fils de Kountî. Doué
d'une force terrible, ayant coupé le timon du char de
Nakoula, il assaillit Youdhishthira.

894. Dhrishtadyoumna, les fils de Draupadî, Çikhandin


et le petit fils de Çini, entourèrent ce roi, bondissant en
l'air, et arrivant à l'improviste, comme Antaka irrité,

895. Le magnanime Bhima, coupa de neuf flèches son


incomparable bouclier, et criant joyeusement au milieu
de ton armée, il coupa, avec des bhallas, le glaive (de
son adversaire), à la poignée.

896. A la vue de cet exploit de Bhîma, la multitude des


guerriers montés sur leurs chars, les plus excellents des
Pàndouides, poussèrent en souriant de grands cris de joie
et soufflèrent dans leurs conques (brillantes) comme la lune.

897. L'armée protégée (par Çalya) et (jusqu'alors) in-


vincible, (terrifiée) par ce bruit effrayant, abattue, défail-
lit, comme (un homme qui) perd connaissance, et dont
les membres sont inondés de sang.

898. Ce roi de Madra, soudainement couvert par ceux


conduits par Bhîmasena, et qui étaient les premiers des
guerriers Pàndouides, se dirigea rapidement vers You-
dhishthira, comme un lion (qui désire saisir) une gazelle.

899. Celui-ci, Dharmaràja, plein de colère, brillant


comme le feu, ses chevaux et son cocher étant tués, à la
vue du roi de Madra, courut avec impétuosité contre cet
ennemi.

900. Ayant rapidement réfléchi à la parole de Govinda,


Dharmaràja, sur son char dont les chevaux et le cocher
étaient tués, appliqua sa pensée à la destruction de Çalya
et songea à prendre une lance.
LIVRE DE ÇALYA 103

901. Ayant réfléchi à cet exploit qui lui était laissé


(comme son lot, et qui consistait à triompher du) noble
Çalya, le magnanime (Youdhishthira) appliqua sa pensée
à (préparer la) mort de ce héros, ainsi que cela lui avait
été dit par (Krishna) le jeune frère d'Indra.

902. Dharmaràja saisit une lance ayant l'éclat de l'or,


au manche doré et orné de pierreries, et, roulant les
yeux avec colère, regarda le roi de Madra.

903. Que celui-ci, (ainsi) regardé par le roi des rois dont
l'àme était purifiée et dont les fautes étaient effacées,
n'ait pas été réduit en cendres, cela, ô roi, me semble un
prodige.

904. Puis le plus excellent des descendants de Kourou,


le magnanime (Youdhishthira), lança avec une très forte
impulsion cette lance flamboyante, étincelant de l'éclat
des plus excellents joyaux, au manche brillant et terrible.

905. Tous les Kourouides réunis , regardaient cette


(arme) qui brillait ainsi, jetant des étincelles de feu par
suite de la grande force ("avec laquelle elle était lancée),
et qui tombait subitement comme, à la fin du Youga,
un grand météore (tombe) du ciel.

906. Dharmaràya fit un eâ"ort, (et) lança ce (javelot qui


était) semblable, (par l'effroi qu'il inspirait), à la nuit
dans laquelle le monde est détruit à la fin du Youga,
pareil à la nourrice d'Yama son lien à la main, terrible
de forme, infaillible, comparable au bâton de Brahma.

907. Honoré avec soin par les fils de Pàndou, au moyen


de parfums, de guirlandes, d'une place d'honneur, (dobla-
tions), de boissons et] d'aliments, brillant, semblable au
feu Samvartaka (qui détruit tout à la fin du monde), puis-
sant comme les incantations de l'Atharveda d'Angiras.
104 CHAPITRE XVII

908. Préparé par Tvashtar (l'ouvrier universel) pour le


compte d'Içana (Çiva), dévorant le corps et la vie des
ennemis, capable de tuer, après les avoir atteints, les
êtres habitant la terre, l'eau, le ciel, etc.,

909. Ayant un manche doré garni de grelots, une ban-


nière, des joj^aux et des diamants, bariolé de lapis lazuli,
préparé avec grand soin par Tvashtar dans une cérémo-
nie religieuse, terrible, mortel aux ennemis de Brahma,

910. A qui l'effort (fait en le lançant) a donné une


rapidité croissante. Après l'avoir charmé par des incan-
tations redoutables, il le lança avec un (grand) élan, par
la voie la plus convenable, pour la mort du roi de Madra.

911. Tu es tué, dit Dharmaràja rugissant de colère,


après avoir étendu son bras très fort et sa belle main,
dansant en quelque sorte de joie, de même que Roudra
lança la flèche qui causa la mort d'Andhaka.

912. Quand il la reçut, Çalya poussa un rugissement à


l'adresse de cette lance douée d'une puissance héroïque,
qu'on ne saurait esquiver, envoyée avec toute sa force
par Youdhishthira, de même que le feu (crépite) sur la
goutte de beurre àjya convenablement offerte en sacri-
fice.

913. Ayant déchiré les parties vitales et la large et


brillante poitrine (de Çalya), ce (javelot) entra dans la
terre comme dans de l'eau où il n'adhérerait pas, empor-
tant (avec elle) la grande gloire du roi (vaincu),

914. Qui avait le corps arrosé du sang sorti du nez, des


yeux, des oreilles et de la bouche, et qui coulait aussi
de la blessure. Il était semblable à la grande montagne
Kraunca frappé par Skanda.

915. Le magnanime (Çalya), pareil à Indravâha (l'élé-


LIVRE DE ÇALYA 105

pliant d'Indra), ayant son armure brisée par le descendant


de Kourou, étendit les bras et tomba de son char à terre,
comme le sommet d'une montagne frappée par la foudre.

916. Le roi de Madra ayant étendu les bras en face de


Dharmaràja, tomba à terre comme l'étendard d'Indra,
(jadis) dressé (et maintenant abattu) '^

917, 918. Ce taureau des hommes, ayant les membres


brisés, inondé de sang, est accueilli sur la terre avec
amour, comme un amant l'est par sa bien-aimée, sur le
sein de laquelle il se laisse tomber. Ce roi, ayant joui
longtemps de la terre comme d'une chère amante,

919. Et l'ayant embrassée de tous ses membres, sem-


blait endormi, (quoique) tué dans un combat régulier,
par le magnanime Youdhishthira, fils de Dharma,

920, 921. Comme, dans un sacrifice le feu à qui on a


offert une oblation, est en quelque sorte apaisé par
l'offrande qu'on a faite. La beauté n'abandonna pas le
roi de Madra, même quand il fut mort, le cœur percé par
la lance (de Youdhishthira) et que ses armes et sa ban-
nière eurent été détruites. Alors Dharmaràja, ayant saisi
son arc pareil à celui d'Indra,

922. Dispersa les ennemis dans la bataille, comme le


roi des oiseaux (disperse) les serpents, et détruisit les
corps des ennemis avec des bhallas très aiguës.

923. En ce moment, tes soldats couverts de la multi-


tude des flèches du fils de Prithà, extrêmement tourmen-
tés, fermaient les yeux (de terreur) et se blessaient les
uns les autres.

924. Laissant couler le sang de leur corps, (ils étaient)


sans épées, sans armes et sans vie. Quand Çalya fut tué
le jeune frère puîné du roi de Madra,
106 CHAPITRE XVII

925. Monté sur son char, attaqua le fils de Pàndou avec


toutes les qualités de son frère (défunt), et cet homme
éminent atteignit précipitamment (Youdhishthira) de
nombreuses nàrâcas.

926. Dans sa rage de combattre, et de venger son frère.


Dharmaràja se hâta de le percer de six flèches rapides.

927. 928. Avec deux flèches en rasoir il coupa son arc


et son étendard. Puis, avec une bhalla brillante, très
forte et très aiguë, il lui enleva la tête, comme il se
trouvait en face de lui. On vit alors tomber du char cette
tète avec ses boucles d'oreilles,

929. Comme un mort arrivé à l'expiration de ses


mérites, tombe du Svarga, et le corps, dont la tête était
séparée, tomba aussi du char.

930. Ce frère puîné, à l'armure brillante, du roi de


Madra étant tué, l'armée, à la vue de son corps baigné
dans son sang, se débanda (et)

931. Les Kourouides se dispersèrent en poussant des


cris de : Ah ! Ah ! A la vue du frère puîné de Çalya tué, les
tiens ayant fait le sacrifice de leurs vies,

932-934. ;Tout couverts de poussière, tremblèrent par


l'efl'et de la terreur (que leur inspiraient) les fils de Pàn-
dou. excellent Bharatide, le Satyakide, le petit-fils de
Çini, attaquait, en les couvrant de ses flèches, ces Kou-
rouides mis en déroute. roi, le Hridikien se hâta d'assail-
lir avec intrépidité, (au moment où) il s'approchait, ce
grand et invincible archer, terrible à rencontrer. Ces
deux magnanimes Vrishniens aux prises (l'un avec l'autre),

935. Le Hridikien et le Satyakide, pareils à deux très


forts lions, se couvrirent réciproquement de flèches dont
la couleur était brillante,
LIVRE DE ÇALYA 107

936, 937. Et qui avaient pour ainsi dire (réclat) des


rayons du soleil. (Ces deux héros) avaient une splendeur
semblable à celle de l'astre du jour. Nous voyions les traits
lancés avec la force que leur communiquait l'impulsion
des arcs de ces deux taureaux (de la race) de Vrishni,
traverser l'air comme des oiseaux au vol rapide. Ayant
atteint le Satyakide de dix flèclies, et ses chevaux de trois,

938. Le Hridikien lui coupa son arc avec un seul trait


aux nœuds recourbés. Le taureau de Çini, ayant jeté cet
excellent arc qui était brisé,

939. S'empressa de prendre une autre arme très


rapide. Alors, le plus grand de tous les porteurs d'arcs,
en ayant pris un excellent,

940. Blessa de dix flèches le Hridikien entre les seins,


puis ayant coupé le char et le timon au moyen de bhallas
bien dirigées,

941. 942. Il tua rapidement les chevaux et leurs deux


conducteurs de côté. Alors, ô roi, l'héroïque Çaradvatide
Kripa, voyant (ce guerrier) privé de son char, se hâta de
le faire monter sur le sien propre et de l'emmener.
roi, le roi de Madra étant mort et Kritavarman privé de
son char,

943. Toute l'armée de Douryodhana tourna de nouveau


le dos, (mais) comme elle était entourée (d'un nuage) de
poussière, les ennemis ne s'en aperçurent pas.

944. Et alors (le reste de) cette armée, dont la plus


grande partie était tuée, tourna le dos. Au bout d'un
instant on vit la poussière élevée de la terre

945. Arrosée par plusieurs ruisseaux de sang, o homme


excellent. Alors Douryodhana voyant près de lui l'armée
rompue,
108 CHAPITRE XVII

946. Arriva avec rapidité et, à lui seul, arrêta tous les
Prithides. Ayant vu sur leurs chars les fils de Pândou et
le Prishatide Dhrishtadyoumna,

947. Ainsi que l'Anartien (le Satyakide) terrible à atta-


quer, il les arrêta avec ses traits aigus. Ses ennemis ne
l'approchèrent pas plus que les mortels (n'approchent
de) la mort qui se présente (devant eux).

948. Mais le Hridikien aussi, monté sur un autre char,


se retournait (contre les ennemis). Alors le roi Youdhish-
thira, le grand guerrier, se hâta

949. De tuer de quatre flèches les chevaux de Krita-


varman, et atteignit aussi le Grotamide de six bhallas très
éclatantes.

950. Et Açvathâman, avec son propre char, conduisit


(loin) de Youdhishthira, le Hridikien qui était privé du
sien, ses chevaux étant tués.

951. Puis le Çaradvatide blessa Youdhishthira de six


traits et perça ses chevaux de huit çilîmoukhâs aiguës.

952. roi, descendant de Bharata, ce combat était la


conséquence des mauvais conseils, que (vous aviez suivis)
toi, et ton fils,

953. Le meilleur des grands archers étant sacrifié dans


le combat par le taureau des descendants de Kourou, les
fils de Prithâ, réunis et très joyeux, soufflèrent dans leur
conque, à la vue de Çalya tué,

954. Et glorifièrent Youdhishthira sur le champ de ba-


taille, comme jadis Indra, à l'occasion du meurtre de
Vriha, (fut applaudi). Ils poussèrent des cris de diverses
sortes, emplissant de bruit, la terre, de toutes parts.
CHAPITRE XVIII

COMBAT GENERAL

Argument : Suite du combat. Les autres Pàndouides viennent au


secours de Youdhishthira et mettent le désordre dans Tarmée
Kourouide. Discours de Çakourni et de Douryodhana. L'armée
revient au combat. Les suivants de Çalya sont vaincus. Descrip-
tion du champ de bataille. Retour offensif des Pàndouides.

955. Sanjaya dit : Puis, Çalya étant tué, les héros qui
suivaient ses traces et qui possédaient sept centaines de
chars, se séparèrent du gros de Tarmée.

956. Mais, monté sur un éléphant à deux défenses, pa-


reil à une montagne, Douryodhana, ayant un parasol
(porté devant lui), éventé avec des queues de bœufs
grognants,

957. Arrêta ceux de Madra (en leur disant) : Il ne faut


pas partir, il ne faut pas partir. Ces héros (quoique)
arrêtés par Douryodhana,

958. Désireux de tuer Youdhishthira, pénétraient dans


l'armée des fils dePàndou. Or, ô grand roi, ces hommes,
songeant au combat,

959-960. Faisant un grand bruit avec leurs arcs, com-


battaient contre les Pàndouides. Ayant appris que Çalya
était tué, et que le fils de Dharma était écrasé par les
grands guerriers qui s'étaient joints au roi de Madra
110 CHAPITRE XVIII

pour lui être agréable, alors le fils de Prithâ arriva, fai-


sant résonner la corde de Gàndîva '*.

961. Et, remplissant du bruit de son char tous les points


cardinaux, le grand guerrier Arjouna, Bhîma, les deux
Pàndouides, fils de Mâdrî,

962. Le tigre des hommes, le Satyakide, les fils de Drau-


padî, Dhrishtadyoumna, Çikhandin, les Pâncâias et les
Soraakas, de toutes parts,

963. Entourèrent complètement Youdhishthira pour le


protéger. Ces Pàndouides, les plus excellents des héros,
entourés de toutes parts,

964. Mirent le trouble dans cette armée (Kourouide),


comme des monstres marins (le mettent dans) la mer. Ils
firent, en vérité, trembler les tiens, comme un grand
vent, les arbres (des forêts).

965. De même que la grande rivière Gangà (le Gange)


est agitée par les vents d'Est, alors, ô roi, l'armée Pân-
douide fut de nouveau agitée.

966. Les magnanimes grands guerriers (de Madra),


ayant assailli (cette) grande armée, de nombreuses (voix)
crièrent : Où est le roi Youdhishthira ?

967. Où (sont) ses frères ? On ne voit nulle part ici


aucun de ces héros, ni Dhrishtadyoumna, ni le Çinien, ni
les fils de Draupadi,

968-971, Ni les Pàncâlas au grand héroïsme, ni le grand


guerrier Çikhandin . Les grands guerriers, fils de Drau-
padi, attaquaient ces héros qui parlaient ainsi, et Youyou-
dhàna (attaquait) les compagnons du roi de Madra. On
voyait les tiens tués par les ennemis dans la bataille, les
uns détruits par les roues des chars, les autres (écrasés)
par les grands étendards coupés (et tombant sur eux).

LIVRE DE ÇALYA 111

roi, en voyant les guerriers Pàndouides qui les combat-


taient de tous côtés, ils marchèrent avec élan (contre
eux), en étant (cependant) empêchés par ton fils, 6 Bha-
ratide. Douryodhana arrêta ces héros, en leur parlant
doucement.

972-975. Et quelques-uns des grands guerriers n'obéi-


rent pas à ses ordres. Alors, ô grand roi, l'éloquent Ça-
kouni, fils du roi de Gàndhàra, dit à Douryodhana :
Pourquoi, regardons-nous tuer l'armée (des guerriers) de
Madra? Bharatide, cela n'est pas convenable, tant que
tu (présideras) au combat. « Il faut combattre réunis. »
Telle fut la convention faite. Pourquoi, ô homme sans
péché, supporte-t-on que les ennemis (nous) tuent à leur
aise?

976. Douryodhana dit : Ceux-ci, naguère, n'ont pas obéi


aux ordres (que je leur ai donnés), de sarrêter. Ceux qui
ont été tués se sont précipités sur l'armée des Pàndouides.

977. Çakouni dit : Les héros impatients n'exécutent pas


(toujours) les ordres du maître pendant le combat. Assez
(de reproches). Il ne faut pas être en colère contre eux.
Ce n'est pas le temps de réfléchir.

978. Réunissons-nous tous, et allons avec les chevaux,


les chars, et les éléphants au secours des grands ar-
chers qui suivaient le roi de Madra.

979. roi, faisons (les plus) grands efforts pour nous


protéger réciproquement. Sur cette réflexion, tous s'avan-
cèrent là où (étaient) les soldats (de Çalya) .

980. Alors le roi, ayant entendu ces paroles, marcha


en avant, entouré de sa grande armée, en faisant, pour
ainsi dire, trembler la terre par ses rugissements.

981. « Tuez, percez, prenez, frappons, qu'ils tranchent. »

112 CHAPITRE XVIII

Tels étaient les cris tumultueux de ton armée, ô Bha-


ratide.

982. Mais les Pàndouides, ayant vu les suivants du roi


deMadra, réunis dans la bataille, et qui s'étaient disposés
en goulmas moyennes, (corps de troupes de 9 éléphants,
9 chars, 21 chevaux, 45 fantassins), les attaquaient.

983. maître des hommes, on vit en un instant, im-


molés dans la mêlée, ces guerriers qui avaient suivi le
roi de Madra au combat.

984. Alors, pendant que nous nous avancions ensemble,


tous les ennemis, joyeux, ayant rapidement tué les gens
de Madra, poussèrent, de joie, le cri de Kilàkila.

985. On voyait s'élever de toutes parts des corps sans


tête, et un grand météore venant du disque du soleil
tomba par le milieu (de l'armée).

986. La terre était couverte de chars brisés, de jougs,


d'essieux, de grands guerriers tués et de chevaux abat-
tus sur le sol.

987. grand roi, on voyait çà et là, sur le champ de


bataille, des guerriers, avec des chevaux (encore) atta-
chés au joug et s'éloignant avec la rapidité du vent,

988. Des chevaux emportaient dans la bataille des chars


aux roues brisées. Quelques-uns, ayant accroché une moi-
tié de char, erraient, (en l'emportant), dans les dix direc-
tions.

989. Çà et là on voyait des chevaux attachés aux cour-


roies qui relient le joug au timon, et des maîtres de
chars qui tombaient, ô le plus grand des hommes,

990. Pareils à des saints tombant du ciel à l'expiration


de leurs mérites. Les héros de la suite du roi de Madra
étant tués,

LIVRE DE ÇALYA 113

991. Les fils de Prithà, grands guerriers avides de la


victoire, nous voyant fondre sur eux, se hâtaient d'at-
taquer,

992. En poussant des cris et faisant' avec les flèches


un bruit mêlé au son des conques. Ces guerriers adroits,
nous ayant atteint de nouveau,

^993. Poussaient des rugissements en secouant leurs


arcs. A la vue de la grande armée du roi de Madra tuée

994. Et de ce héros abattu dans la bataille, toute Tar-


mée de Douryodhana avait de nouveau tourné le dos.

995. Et, tuée par les Pàndouides victorieux, elle s'en-


fuyait, remplie de crainte et mise en déroute, dans
(toutes) les directions, par (ces) puissants archers, ô grand
roi.
CHAPITRE XIX

COMBAT GENERAL

Argument : P'uite de Tarmée Kourouide. Efforts do Douryodliana


qui rallie ses troupes. Combat de Bhiraa. Prouesses et discours de
Douryodliana. Dhananjaya lui résiste.

996. Sanjaya dit : Le grand guerrier roi de Madra, dif-


ficile à affronter, étant abattu, les tiens et tes fils tour-
nèrent le dos pour la plupart.

997, 998. Comme des marchands, dans un navire brisé,


dépourvus de radeaux, désirant (aborder) la rive, sur la
mer sans fond et sans limites, après la mort du magna-
nime héros, roi de Madra, (effrayés), blessés par les
flèches, ils cherchaient un protecteur qu'ils ne trouvaient
pas. De même que des gazelles tourmentées par un lion,

999. Comme des taureaux dont les cornes sont brisées,


comme des éléphants dont les défenses sont rompues,
nous nous enfuyions au milieu du jour, vaincus par (You-
dhishthira) Ajàtaçatrou.

1000. roi, Çalya étant tué, nul ne songeait à réunir


les armées ni à faire des actes héroïques (en vue de la
victoire).

1001. Bharatide, Bhîshma et Drona étant tués, ainsi


que le fils du cocher, ce qui était (une cause de) chagrin
pour toi et de crainte pour les guerriers, ô maître des
hommes,

LIVRE DE ÇALYA 115

1002. Ce chagrin et cette crainte étaient devenus plus


grands pour nous, après la mort du puissant guerrier
Çalya. Et, n'espérant plus la victoire,

1003. Détruits et taillés en pièces par des flèches ai-


guës, ayant leurs plus grands guerriers tués, après que
le roi de Madra eût été abattu, les soldats s'enfuyaient de
peur.

1004. Montés, qui sur des chevaux, qui sur des élé-
phants, qui sur des chars, les grands guerriers couraient
avec rapidité, ainsi que les fantassins.

1005. Après que Çalya eût été tué, les éléphants de com-
bat, pareils à des montagnes, au nombre de deux mille,
excités de l'aiguillon et du gros orteil, couraient (droit)
devant eux,

1006. excellent Bharatide, les tiens s'enfuyaient du


combat dans toutes les directions, et nous voyions les
fuyards haletants, frappés par les flèches.

1007. Les voyant en déroute, leur orgueil abattu, leur


cause perdue, les Pàncàlas et les Pàndouides, avides de
la victoire, les attaquaient.

1008. liCS cris, le bruit des flèches, les nombreux rugis-


sements et le son des conques des héros, étaient terribles.

1009. A la vue de l'armée Kourouide, tremblante de


crainte et mise en fuite, les Pàncàlas et les Pàndouides
se disaient les uns aux autres :

1010. Aujourd'hui le roi Youdhishthira, ferme dans la


vérité, a tué ses ennemis. Aujourd'hui, Douryodhana a
vu diminuer sa brillante fortune royale.

1011. Aujourd'hui, le souverain des hommes, Dhrita-


ràshha, entendant dire que son fils est tué, tombera, af-
fligé sur la terre. (Il faut ([uei les fautes s'expient.
116 CHAPITRE XIX

1012. Qu'il sache maintenant que le fils de Kountî sur-


passe tous les archers. Aujourd'hui, le triste auteur du
mal se blâmera lui-même.

1013, 1014. Que, maintenant, le maître de la terre re-


connaisse que les paroles du Kshattar (Vidoura) étaient
vraies! Qu'à partir d'aujourd'hui le roi, en servant le
fils de Prithà, devenu (jadis) son serviteur, apprécie
(l'étendue) du malheur qui avait atteint les fils de Pàn-
dou ! Que ce roi reconnaisse la force de Krishna !

1015. Qu'il connaisse aujourd'hui le bruit terrible (que


fait) dans le combat l'arc d'Arjouna, ainsi que la force de
ses astras et celle de ses deux bras dans la bataille.

1016. Aujourd'hui, il fera connaissance avec la force


terrible du magnanime Bhîma, (en voyant) Douryodhana
tué.

1017. Ce que Bhîmasena a fait, en tuant Dousçâsana,


nul, en ce monde, sauf le très fort Bhîma, n'eût pu l'ac-
complir.

1018. Que l'on connaisse maintenant l'héroïsme du fils


aîné de Pàndou, en apprenant qu'il a tué le roi de Madra,
(qui était) invincible, même pour les dieux.

1019. Après la mort du héros Soubalide et de tous les


Gàndhâriens, (Dhritaràshtra) saura aujourd'hui que les
deux fils de Madrî sont très dangereux à rencontrer dans
la bataille.

1020. Comment la victoire ne serait-elle pas à ceux


parmi lesquels combattent Dhananjaya, le Satyakide,
Bhîmasena et le Prishatide Dhrishtadyoumna,

1021. Les cinq fils de Draupâdi, les deux Pàndouides,


fils de Màdrî, le grand archer Çikhandin, ainsi que le roi Youdhishthira ?
LIYRE DE ÇALYA 117

1022. Comment ceux-là ne seraient-ils pas victorieux,


qui ont le devoir pour refuge, et pour protecteur Krishna
Janàrdana (le tourmenteur des hommes), le défenseur du
monde ?

1023, 1024. Quel autre que Youdhishthira, fils de Pri-


thà, protégé par Hrishikeça (Krishna), qui est toujours le
réceptacle de la gloire et de la vérité, eût pu vaincre
Bhîshma, Drona Karna, le roi de Madra et des centaines
et des milliers d'autres rois et héros ?

1025. Gais, animés d'une grande joie, ils suivirent par


derrière, en parlant ainsi, tes soldats en déroute.

1026. L'héroïque Dhananjaya attaquait l'armée des


chars. Les deux fils de Màdri, et le grand guerrier Satya-
kide (s'en prenaient à) Çakouni.

1027. En voj^ant tous ces (guerriers), qui s'enfuyaient,


tourmentés par la peur (que leur inspirait) Bhîmasena,
Douryodhana dit, comme avec étonnement, à son cocher :

1028. Le fils de Prithà, qui se tient l'arc à la main, a


l'avantage sur moi. Conduis mes chevaux à l'arrière-
garde de toutes les armées,

1029. Car Dhananjaya, fils de Kounti, ne saurait me


vaincre quand je combattrai à l'arrière-garde, de même
que l'océan (ne peut triompher de) la plage.

1030. Vois, ô cocher, la grande armée attaquée par les


fils de Pàndou. Contemple cette poussière qu'elle a
soulevée de toutes parts.

1031. Entends ces rugissements répétés et terribles,


inspirant un eff'roi extrême. Va donc doucement, ô co-
cher, pour protéger les derrières (de l'armée).
1032. Quand je me trouverai (au milieu) du combat,
et que les Pàndouides seront arrêtés, mon armée se

118 CHAPITRE XIX

retournera de nouveau avec (une grande) force, (contre


eux).

1033. Ayant entendu ton fils (prononcer) ces paroles,


qui étaient telles (qu'il convenait à) un noble héros, le
cocher poussa les chevaux couverts d'or.

1034. Les fantassins, au nombre de vmgt-un mille, dé-


pourvus d'éléphants, de chevaux et de guerriers montés
sur des chars, firent le sacrifice de leurs vies et s'arrê-
tèrent pour combattre.

1035. Alors les guerriers, tirant leur origine de con-


trées différentes, habitant diverses villes, se tinrent
fermes, désireux d'acquérir une grande gloire.

1036. Un grand, terrible et formidable combat fut livré


par ceux qui se rencontraient en cet endroit et qui
étaient remplis de joie.

1037. roi, Bhîmasena et le Prishatide Dhrish -


tadyoumna arrêtèrent ces gens de divers pays, avec une
armée formée de quatre corps (de troupes) ;

1038. Mais d'autres fantassins gais, grognant et cla-


quant des mains, désireux d'aller dans le monde des
héros, attaquaient Bhîma.

1039. Les Dhritarashtrides irrités, enragés au combat,


poussaient des cris et n'articulaient rien autre, en atta-
quant Bhîmasena *^

1040. Ayant entouré Bhîma, ils le frappaient de toutes


parts. Celui-ci, entouré et frappé dans le combat par la
multitude des fantassins,

1041. Ne bougea pas plus de sa place, que la montagne


Mainaka. Mais, ô grand roi, les grands guerriers des
Pàndouides, irrités,

1042. S'approchèrent pour repousser les autres corn-

LIVRE DE ÇALYA 119

battants, et les arrêtèrent. Alors Bhîma, furieux contre


les (ennemis) qui l'environnaient dans la bataille,

1043. Étant rapidement descendu de son char, devenu


fantassin, ayant pris sa grande massue ornée d'or,

1044. Tuait tes guerriers, semblable à Antaka, sou


bâton à la main; le plus excellent des héros tuait ces
gens dépourvus de chars et de chevaux.

1045. Il écrasa vingt-un mille fantassins. Bhîma, à l'hé-


roïsme vrai, ayant tué cette armée de héros,

1046. Ayant mis Dhrishtadyoumna devant lui, on vit


en peu de temps ces fantassins tués. Ils étaient couchés
à terre couverts de sang,

1047. Semblables à des karnikàras ( pterospermum


acerifolium) bien fleuris, brisés par le vent. Munis
d'armes diverses, portant des boucles d'oreilles de di-
verses sortes,

1048. Appartenant à des tribus diverses, venus de


différents pays, (ils gisaient) là, tués. La grande armée
des fantassins, pourvue de bannières et d'étendards,

1049. Formidable, terrible, dont l'aspect inspirait la


crainte, parut anéantie. Les grands guerriers ayant
pour chef Youdhishthira, accompagnés de leur armée,

1050. Attaquaient ton magnanime fils Douryodhana.


Ayant vu que tes grands guerriers avaient tourné le dos,
à eux tous,

1051. Ils ne (purent) pas vaincre ton fils, (qui les arrêta)
comme la plage (arrête la (mer), demeure des monstres
marins. Nous vîmes ce merveilleux exploit de ton fils,

1052. 1053. Que les fils de Prithà réunis ne purent pas


triompher de lui (qui était) seul. Douryodhana dit à son
armée fortement éprouvée, qui songeai! à fuir, (maïs)

120 CHAPITRE XIX

qui n'avait pas reculé bien loin : Je ne vois ni sur la


terre ni dans les montagnes, un pays

1054. Où les Pàndouicles ne vous tueront pas, (quand


vous y serez) allé. A quoi vous sert de fuir? Leur armée
est petite et les deux Krishnas sont grièvement blessés.

1055, 1056. Si nous nous tenons fermes ici, assurément


la victoire sera à nous. Mais les Pàndouides, devenus
vos ennemis, vous suivant, nous tueront isolément (quand
vous serez débandés). Il vaut mieux, pour nous, mourir
en combattant. Que tous les Kshatriyas qui sont ici, écou-
tent.

1057. Puisqu'Antaka fait mourir, et le héros et l'homme


timide, quel est donc celui qui, réellement Kshatriya,
aurait la folie de ne pas combattre ?

1058. Il vaut mieux pour nous résister à Bhîmasena


furieux. La mort dans le combat est heureuse. Il faut
donc combattre d'après la règle des Kshatriyas.
1059. Il faut certainement que le mortel meure une
fois, fût-ce dans son lit. La mort a toujours lieu dans les
combats, pour celui qui suit la règle des Kshatrij^as.

1060. Vainqueur, il est heureux ici-bas, tué, il en retire


un grand fruit dans l'autre monde. Certes, ô Kourouides,
aucune voie ne mène mieux au Svarga, que le mérite
acquis dans les batailles.

1061. Celui qui succombe dans les combats acquiert


en peu de temps la jouissance des mondes (supérieurs).
Les princes, ayant entendu ces paroles de ton fils et
l'aj^ant applaudi,

1062. 1063. Retournèrent attaquer les Pàndouides.


Alors, formant de grandes armées, les guerriers Pri-
thides, avides de la victoire, se hâtèrent d'aller à leur

LIVRE DE ÇALYA 121

rencontre, au moment où ils arrivaient. L'héroïque Dha-


naùjaya retourna au combat avec son char,

1064, 1065. Déchargeant (l'arc) Gândîva, célèbre dans


les trois mondes. Les deux fils de Màdri et le très fort
Satyakide, pleins de joie, tombèrent rapidement sur
Çakouni et ensuite sur ton armée.

CHAPITRE XX

MORT DU ÇALVIEN

Argument : Prouesses du roi de Çalva et de son éléphant. Drisli-


tadjouama marche contre eux.. Il descend de son char, que l'élé-
phant brise contre terre, avec les chevaux et le cocher. Bhima,
Çikhandin et le Çinien viennent à son secours. Effroi de l'armée
Pàndouide, Drishtadyoumna poursuit et tue avec sa massue,
l'éléphant du roi de Calva, qui est lui-même tué par le Çinien.

1066. Sanjayadit : Cependant la multitude des hommes


étant retournée (au combat), le roi des troupes bar-
bares, le Çalvien, irrité, attaquait la grande armée des
Pândouides,

1067. Monté sur un très grand éléphant en rut, fa-


rouche, pareil à une montagne, broyant les troupes
ennemies, semblable à Airàvata (l'éléphant dlndra).

1068. Cet (éléphant), issu d'une noble race, constam-


ment honoré par les Dhritaràshtrides, bien préparé par
les gens au courant des décisions et des préceptes (en
cette matière), dut toujours être employé (quand il fut
question de) guerres, ô roi.

1069. Le meilleur des rois l'ayant monté, ressembla


au soleil à la fin de la nuit, quand il se tient au-dessus
des montagnes de l'est. Avec cet excellent éléphant, ô
roi, il marcha contre les fils de Pàndou réunis.

1070. Il déchira (les ennemis), avec des flèches aiguës.

LIVRE DE ÇALYA 123

terribles, rapides comme la foudre du grand Indra. Et


pendant qu'il répandait, dans la grande armée, des traits
qui envoyaient les guerriers au séjour d'Yama, ô roi,

1071. Ni les tiens ni les ennemis ne virent aucun côté


faible (dans sa manière de combattre), comme (il arriva)
autrefois pour les daityas, à l'égard du porteur de la
foudre. De même que jadis, dans leur guerre avec (Indra)
Vàsava, monté sur (son éléphant) Airâvana, les armées
des daityas,
1072. (Voyaient) près d'elles l'éléphant du grand Indra,
les Pàndouides, les Somakas et les Srinjayas, ne virent
que lui seul sur cet éléphant unique, s'agitant de mille
façons.

1073. On vit l'armée des ennemis, défaite, mise en fuite


de tous côtés. Elle ne tint pas ferme dans le combat, mais
fut mise en déroute par la terreur, (que les soldats se
communiquaient) réciproquement.

1074. Alors, cette grande armée Pàndouide, tout d'un


coup rompue par ce roi, n'ofl'rant pas de résistance à cet
(animal) qui avait l'élan du roi des éléphants, (fut) en un
instant (mise) en fuite aux quatre points cardinaux.

1075. Or, tous les chefs de tes guerriers, dans la ba-


taille, voyant cette (armée) rapide (dans sa fuite), hono-
rèrent ce roi et soufflèrent dans leurs conques qui avaient
l'éclat de la lune.

1076. Mais, ayant entendu les cris de joie des Kou-


rouides ainsi que le son de leurs conques, le généralis-
sime des Pàndouides et des Srinjayas, le fils du roi des
Pàncàlas ne supporta pas patiemment ce qu'ils disaient.

1077. Le magnanime se hâta d'aller à la rencontre de


cet éléphant, pour le vaincre, comme Jambha, à l'ap-

124 CHAPITRE XX

proche de Çakra (alla à la rencontre du) roi des éléphants,


Airàvana monture d'Indra.

1078. Mais (le Çalvien), ce lion des rois, voyant le fils


du roi des Pàncàlas volant tout d'un coup au combat,
poussa rapidement (son) éléphant, pour tuer le fils de
Droupada, ô roi.
1079. Celui-ci atteignit de flèches semblables au feu, le
roi des éléphants qui arrivait (sur lui. Il le perça) de trois
de ses meilleures nàràcas aiguës, brillantes, polies par le
forgeron, et animées d'une vitesse terrible.

1080. Puis le magnanime lança sur ses bosses frontales


cinq autres excellentes nârâcas (très) aiguës. Alors cet
éléphant de choix, percé de ces (traits) dans la lutte,
tourna le dos, et s'enfuit rapidement.

1081. Le Çalvien fit retourner cet éléphant, subitement


effarouché et s'enfuyant de divers côtés, et, avec le cro-
chet et les aiguillons, il l'envoya contre le fils du roi des
Pàncàlas, en le lui indiquant,

1082. Mais, voyant l'éléphant arriver rapidement (sur


lui), Dhrishtadyoumna se hâta de sauter de son char.
Ayant promptement saisi sa massue, le héros arriva à
terre, tremblant du danger (qu'il avait couru).

1083. Ce grand éléphant, ayant poussé un cri, avec sa


trompe, brisa à l'instant le char aux parties ornées d'or,
avec les chevaux et le cocher, et l'écrasa sur le sol.

1084. Alors, en voyant le fils du roi des Pàncàlas tour-


menté par cet excellent éléphant, Bhima, Çikhandin et
le petit-fils de Çini se hâtèrent de se précipiter vers lui
(pour le secourir).

1085. Avec leurs flèches, ils arrêtèrent l'éléphant qui


arrivait près de lui. Cet animal atteint par les guerriers

LIVRE DE ÇALYA 125

(montés sur leurs) chars, et arrêté par eux, chancela


dans le combat.

1086. Alors le roi fit pleuvoir de toutes parts (ses)


flèches, comme le soleil (répand) le flot de ses rayons. La
multitude des (guerriers) à chars, tuée par ces flèches, se
dispersa entièrement de côté et d'autre.

1087. A la vue de cette prouesse du Çalvien, ô roi, tous


les Pàncàlas, les Matsyas et les Sriiljayas poussèrent des
cris de : Ah! Ah! Tous les chefs de guerriers assiégèrent
l'éléphant de toutes parts.

1088. Et le héros, fils du roi des Pàncàlas, tueur des


ennemis des Bharatides, ayant saisi sa massue semblable
au sommet d'une montagne, se hâta de poursuivre avec
rapidité l'éléphant effrayé.

1089. L'énergique fils du roi des Pàncàlas poussa en avant


sa massue et frappa fortement l'éléphant, (qui était)
pareil à celui qui porte le monde, et qui laissait écouler
le mada (liquide qui suinte des bosses frontales de l'élé-
phant en rut), comme un nuage (laisse écouler de l'eau).

1090. Cet éléphant, semblable à celui qui porte la terre,


ayant les bosses frontales ouvertes, poussa subitement
un cri, et tomba comme une montagne renversée par un
tremblement de terre, en laissant écouler le sang qui lui
jaillissait de la bouche.

1091. Alors (cet) Indra des éléphants étant abattu, et


l'armée de ton fils ayant poussé des cris de Ah ! Ah ! le
grand héros de Çini enleva la tète du roi do Çalva avec
une flèche bhalla aiguë.

1092. Ayant la tète coupée par le Satvatide, il tomba à


terre avec le roi des éléphants, comme l'énorme sommet
d'une montagne arraché par la foudre du roi des dieux.
CHAPITRE XXI

FUITE DE L'ARMÉE KOUROUIDE

Argument : Kritavarman résiste à l'armée Pândouide qui le couvre


de traits. Le Satyakide l'attaque. Leur combat. Le Satyakide tue
les chevaux et le cocher, et abat l'étendard de Kritavarman qu'il
blesse grièvement, mais Kripa le prend sur son char et le retire de
la mêlée. Fuite de l'armée Kourouide. Héroïsme de Douryodhana.

1093. Sailjaya dit : Ce héros Çalvien, brillant dans les


combats, étant tué, ton armée fut rompue comme un grand
arbre (l'est) par la violence du vent.

1094. En voyant cette armée rompue, le grand guerrier


Kritavarman, (qui était un) héros doué d'une grande force,
résista dans la bataille à l'armée des ennemis.

1095. En voyant le Satvatide se tenir ferme comme une


montagne, (quoique) couvert de traits, les héros retour-
nèrent (au combat] ^^

1096. La bataille recommença entre les Pàndouides et


les Kourouides revenus (sur leurs pas, les combattants)
ayant banni de leur esprit la pensée de la mort, ô grand roi.

1097. Le combat (qui eut lieu) là entre le Satvatide et


les ennemis fut merveilleux en ce que, à lui seul, il ré-
sista à l'armée, difficile à aflronter, des Pàndouides.

1098. L'exploit difficile (de ces guerriers) amis les uns


des autres, étant accompli, ils poussèrent dans leur joie
un rugissement qui monta jusqu'au ciel.
LIVRE DE ÇALYA 127

1099. excellent Bharatide, les Pâncâlas furent ef-


frayés de ces cris. Le Satyakide, guerrier aux puissants
bras, petit-fils de Çini, arrivait.

1100. Ayant attaqué le très fort roi Kshemakirti, il l'en-


voya, de sept flèches aiguës, au séjour d'Yama.

1101. L'intelligent (Kritavarman), fils de Hridika, cou-


rut avec rapidité contre le héros de Çini, guerrier aux
puissants bras, qui approchait en décochant des traits
aigus.

1102. Ces deux Satvatides au grand héroïsme, les deux


meilleurs des maîtres de chars, pourvus des meilleures
d'entre les armes, s'attaquèrent réciproquement.

1103. Les guerriers Pândouides, avec les Pâncâlas,


ainsi que les autres rois les plus distingués, étaient spec-
tateurs de la rencontre de ces deux héros.

1104. Les deux guerriers de Vrishni-Andhaka se frap-


pèrent l'un l'autre avec des nârâcas et des vatsadantas
(flèches en forme de dents de veau), comme deux élé-
phants hérissés (de colère).

1105. En suivant des tactiques diverses, le fils de Hri-


dika et le héros de Çini, se couvrirent réciproquement et
à plusieurs reprises, de pluies de flèches.

1106. Nous apercevions en l'air, pareils à des oiseaux


au vol rapide, les traits élevés par la force et ressort des
arcs de ces deux lions de Vrishni.

1107. Le fils de Hridika, ayant attaqué le (Çinien) aux


œuvres vraies, perça ses chevaux de quatre flèches
aiguës.
1108. Ce (guerrier) aux longs bras, irrité comme un
éléphant tourmenté par l'aiguillon, atteignit Kritavar-
man de huit excellentes flèches.

128 CHAPITRE XXI

1109. Alors celui-ci, ayant frappé le Satyakide de trois


traits aiguisés sur la pierre et lancés avec l'arc complè-
tement bandé, coupa son arc avec une seule (autre
flèche).

1110. Le héros de Çini, ayant mis de côté cet excellent


arc brisé, se hâta d'en prendre un autre'garni de sa flèche.

1111. Le plus excellent de tous les porteurs d'arc, très


héroïque, très sage, très fort, ayant pris cet excellent
arc et l'ayant bandé,

1112. Ce grand archer attaqua alors Kritavarman, ô


roi, ne pouvant pas supporter qu'il eût brisé son arc.

1113. Puis le héros de Çini frappa de dix flèches aiguës


le cocher, les chevaux et l'étendard de Kritavarman.

1114. Ensuite de quoi, ô roi, le grand archer et grand


guerrier Kritavarman, ayant considéré son char orné
d'or, dont le cocher et les chevaux étaient tués,

1115. Atteint d'une grande colère, leva une pique, ô


vénérable, et, désireux de tuer le héros de Çini, la (lui)
lança avec (tout) l'élan (que) sa main (put lui donner).

1116. Le Satvatide (Youyoudhàna) brisa cette pique


avec des traits aigus, et la fit tomber pulvérisée sur
le champ de bataille, stupéfiant en quelque sorte le
Madhavide ".
1117. 1118. Puis il le frappa au cœur avec une autre
bhalla. Kritavarman, dont les chevaux et le cocher
(venaient d'être) tués dans la bataille par Youyoudhàna,
habile à l'usage des armes, tomba à terre. Ce héros étant
privé de son char par le Satyakide dans ce duel (entre
guerriers montés sur) leurs chars,

1119. Toutes les armées ressentirent une grande crainte


et le désespoir s'empara complètement de ton fils,

LIVRE DE ÇALYA 129

1120, 1121. Quand Kritavarman eut ses chevaux et son


cocher tués et fut (ainsi) privé (du secours) de son char.
Le voyant avec ses chevaux et son cocher tués, Kripa
accourut, désireux de tuer le héros de Çini, ô roi. Ayant
fait monter (Kritavarman) sur son char, à la vue de tous
les archers,

1122. Il emmena (ce) guerrier aux grands bras hors du


champ de bataille. roi, quand Kritavarman, privé de
son char, eut été vaincu par le Çinien,

1123. Toute l'armée de Douryodhana tourna de nou-


veau le dos. Les ennemis, enveloppés par la poussière
(soulevée) par l'armée, ne s'en aperçurent pas.

1124. Les tiens s'enfuirent, à l'exception du roi Douryo-


dhana qui, ayant vu près de lui son armée rompue,

1125. Accourait rapidement, et à lui seul arrêta tous


(les ennemis). Plein de colère (il attaqua) tous les fils de
Pàndou, le Prishatide Dhrishtadyoumna,

1126. Çikhandin, les fils de Draupadî, la multitude des


Pàncàlas, les Kekayas, les Somakas et les Srinjayas, ô
vénérable.
1127. Sans crainte, dangereux à affronter, il les arrê-
tait avec des flèches aiguës. Ton fils, doué d'une grande
force, se tenait attentif dans le combat.

1128. Le roi Douryodhana était (présent) partout dans


la bataille, semblable à un grand feu brûlant, purifié par
les incantations.

1129. Les ennemis ne l'approchaient pas dans le com-


bat, pas plus que les mortels (ne s'approchent volontai-
rement de) la mort. Mais le fils de Hridika étant monté
sur un autre char se porta en avant.

CHAPITRE XXII

COMBAT GENERAL

Argument : Exploits de Douryodhana, qui résiste aux efforts des


fils de Pândou et du Satyakide. Intervention du flls de Drona, de
Çakouni etd'Ouloûka. Généralisation du combat.

1130. Sanjaya dit : grand roi, ton fils, le meilleur des


maîtres de chars, à qui il était difficile de résister, monté
sur son char, resplendit dans le combat comme le majes-
tueux Roudra.

1131. La terre était couverte de milliers de ses flèches,


et il en arrosait les ennemis comme les montagnes (sont
arrosées) par la pluie.

1132. Et dans l'océan de l'armée des Pàndouides, il n'y


eut pas un homme, pas un cheval, pas un éléphant, pas
un char, qui ne fût offensé par ses traits,

1133. maître des hommes, quel que fût le guerrier


que nous regardions dans la bataille, il était couvert des
flèches de ton fils, ô Bharatide.

1134. On voyait l'armée couverte par les flèches du


magnanime comme parla poussière qu'elle avait élevée.

1135. maître de la terre, nous voyons la terre n'être


plus que flèches, mise (dans cet état) par l'archer Douryo-
dhana à la main rapide.

1136. Parmi ces milliers de guerriers, tant des tiens

LIVRE DE ÇALYA 131

que des ennemis, il n'y avait qu'un homme, ton fils


Douryodhana. Voilà mon opinion.

1137. Nous considérions la force merveilleuse de ton


fils, (qui était telle) que les fils de Prithâ réunis ne (pou-
vaient pas) l'approcher, ô Bharatide.

1138. excellent Bharatide, il atteignit en combattant


Youdhishthira de cent (traits), Bhîmasena de soixante-
dix, Sahadeva de sept,

1139. Nakoula de soixante-quatre, Dhrishtadyoumna de


sept, les fils de Draupadi de sept, et il perça le Satyakide
de trois.

1140. vénérable, il coupa avec une bhalla l'arc de


Sahadeva. Le magnanime fils de Màdrî ayant déposé cette
arme brisée,

1141. Et saisi un autre grand arc, courut sur le roi. Il


atteignit ensuite Douryodhana de dix flèches, dans la
bataille.

1142. Puis le héros Nakoula perça le roi de neuf traits


d'aspect terrible, aux grandes emprennures, et poussa
un cri.

1143. Le Satyakide atteignit aussi le roi avec une flèche


aux nœuds recourbés. Les fils de Draupadî (le percèrent)
de soixante-treize (traits), et Dharmaràja de cinq,

1144. Bhimasena le tourmenta aussi avec quatre-vingts


flèches. Mais, couvert de toutes parts par les traits
(lancés) par les magnanimes,

1145-1147. Il no bougea pas, ô grand roi, toute l'armée


voyant (sa fermeté dans le combat). Tous les hommes
connurent que la légèreté, l'excellence et l'héroïsme du
magnanime (Douryodhana) surpassaient (les qualités de)
tous les êtres. Les guerriers Dhritarâshtrides, (bien)

132 CHAPITRE XXII

armés ne voyant pas (entre lui et eux) un intervalle


(même) très petit, entouraient le roi. Leur arrivée pro-
duisit un tumulte terrible,

1148, 1149. Semblable, en vérité, au bruit de la mer


agitée, pendant la saison des pluies. Ces grands archers
s'étant approchés dans la bataille, du roi invincible, allè-
rent à la rencontre des Pàndouides, en les attaquant. Le
fils de Drona arrêta, dans le combat, Bhimasena irrité.

1150. grand roi, les diverses flèches lancées dans l'es-


pace, empêchaient (par leur nombre) , les héros de dis-
tinguer les points cardinaux et les espaces intermédiaires.

1151. Bharatide, ces deux (guerriers), aux exploits


terribles, tous les deux difficiles à aff'ronter, désireux d'at-
taquer et de rendre les coups qui leur étaient portés,
combattirent d'une manière aff'reuse.

1152. Faisant trembler tous les points de l'horizon,


ayant la peau durcie par le frottement de la corde de
leurs arcs. Cependant Çakouni, héros dans les combats,
pressait Youdhishthira.

1153. Le fort fils de Soubala, ayant tué ses quatre che-


vaux, eflraya toutes les armées en poussant un grand cri.

1154. A ce moment, le majestueux Sahadeva entraîna


sur son char, hors du champ de bataille, l'invincible héros
royal (Youdhishthira).

1155. Et Youdhishthira Dharmapoutra, étant monté sur


un autre char, ayant atteint Cakouui de neuf (traits), le
perça encore de cinq (autres) .

1156. Puis le plus excellent de tous les archers poussa


un grand cri. Ce combat, ô vénérable, était étrange, et
d'aspect terrible,

1157-1161. Remplissant les spectateurs de satisfaction,

LIVRE DE ÇALYA 133

honoré par les Siddhas (saints) et les Càranas (panégy-


ristes des dieux). Mais, Ouloûka attaquait de toutes parts
avec des pluies de flèches, le grand archer Nakoula, en-
ragé au combat, et le héros Nakoula couvrait de tous
côtés, dans la bataille, le fils de Soubala, d'un grand
nuage de flèches. On vit là ces deux héros des batailles,
grands guerriers de noble race, combattant (l'un contre
l'autre), désirant attaquer, et rendre les coups qui leur
étaient portés. Le Çinien, tourmenteur de ses ennemis,
luttant contre Kritavarman, ô roi, brilla dans (ce) com-
bat, comme Indra (combattant) Bali. Douryodhana, ayant,
dans la bataille, coupé l'arc de Dhrishtadyoumna,

1162. Atteignit ensuite de flèches aiguës, ce (guerrier)


dont l'arc était brisé. Mais Dhrishtadyoumna ayant saisi
une excellente arme,

1163. Combattit le roi sous les yeux de tous les archers.


excellent Bharatide, la lutte de ces deux (héros) dans
la bataille fut grande,

1164-1165. Pareille à celle qui a lieu entre deux élé-


phants des bois, en rut, les bosses frontales ouvertes. Le
héros Gotamide, plein de colère, atteignit dans le com-
bat, les fils de Draupadi, (qui étaient) doués d'une grande
force, avec de nombreuses flèches aux nœuds recourbes.
Le combat qu'il leur livra fut (aussi terrible) que (celui
que) l'homme (livre) à ses sens.

1166. Ce (combat) fut terrible, sans pitié, impossible à


faire cesser, et ces (guerriers) tourmentèrent (le Gota-
mide) comme les sens (tourmentent) un jeune homme.

1167, 1168. Le (Gotamide) leur résista avec fureur


dans la bataille. Le combat qu'il leur livra présenta (des
aspects) divers, ô Bharatide, comme celui qu'un homme

134 CHAPITRE XXII

livre à ses sens. Les hommes (se battaient) contre les


hommes, les éléphants contre les éléphants,

1169. Les chevaux contre les chevaux, les maîtres de


chars contre les maîtres de chars, et, ô maître des hom-
mes, la mêlée prit de nouveau un aspect épouvantable.

1170. grand roi les combats étaient terribles et


nombreux, (et on pouvait dire) : cette (lutte offre des
formes) variées, elle est épouvantable, elle est eflFrayante.
1171. Ces dompteurs de leurs ennemis s'approchèrent
les uns des autres dans la bataille, s'attaquèrent et se
frappèrent dans le grand combat (qu'ils se livraient).

1172. roi, la poussière que leurs armes élevait était


épaisse, et poussée en avant par le vent, par les chevaux
et par les cavaliers courants.

1173. La poussière soulevée par les roues des chars et


l'haleine des éléphants, dense comme un nuage du cré-
puscule, monta vers le soleil,

1174. Qui, obscurci par cette poussière, devint sans


éclat. La terre, et ces grands guerriers héroïques, étaient
cachés (par elle).

1175. 1176. Bharatide, en un instant, pour ainsi dire,


cette obscurité profonde et terrible à voir, disparut de
toutes parts avec la poussière (qui la constituait), sur le
sol arrosé du sang des héros, et quand elle eut ainsi cessé,
je vis mieux les engagements deux à deux,

1177. (En appréciant) la force et la supériorité réci-


proques (des combattants). Au milieu du jour les armures
(lançaient) d'une manière terrible des éclats brillants.

1178. Et les flèches volant dans la bataille, faisaient un


bruit tumultueux, pareil à celui d'un bois de roseaux
brûlant dans la montagne.

CHAPITRE XXIII

COMBAT GÉNÉRAL

Argument : Douryodhana rallie ses soldats. Grande bataille. Ex-


ploits de Dharmarâja. Douryodhana envoie sept cents chars contre
lui. Çikhandin secourt Youdhishthira. Présages funestes. Combat.
Fuite des Kourouides. Çakouni les rallie et attaque Tarrière-garde
Pândouide. Youdhishthira envoie Sahadeva contre lui. Combat de
Sahadeva et de ses troupes contre Çakouni et les siens qui sont
battus.

1179. Sanjaya dit : Un combat terrible, formidable,


ayant lieu ainsi, l'armée de ton fils y fut taillée en pièces
par les Pândouides :

1180. Cependant, ton fils, au moyen d'efforts éner-


giques, ayant arrêté (la fuite des) grands guerriers, com-
battit l'armée des fils de Pàndou.

1181. Les soldats retournèrent précipitamment au com-


bat, désireux (de voir) ton fils (remporter) la victoire.
Dès qu'ils se furent retournés, le combat fut très violent,

1182. Entre les tiens et les ennemis, et semblable à


celui des dieux contre les asouras. Ni dans ton armée,
ni parmi les ennemis, personne ne tourna le dos.

1183. (Les guerriers des deux partis) combattaient les


uns contre les autres, (en se reconnaissant) d'après les
conclusions (qu'ils tiraient des diverses circonstances), et
d'après (renonciation) des noms (qu'ils entendaient pro-

136 CHAPITRE XXIII

noncer). Il se fit une grande destruction de ces (soldats),


qui se combattaient mutuellement.

1184. Alors le roi Youdhishthira, animé d'une grande


colère, désirant vaincre dans le combat les Dhritarâsh-
trides avec leur roi,
1185. Après avoir atteint leÇaratvatide de trois (flèches)
aiguisées sur la pierre et à l'extrémité postérieure dorée,
tua de quatre nâràcas les chevaux de Kritavarman.

1186. Mais Açvatthâmam emmena le glorieux fils de


Hridikâ, et le Çaratvatide blessa Youdhishthira de huit
traits .

1187. Alors le roi Douryodhana envoya sept cents chars


à (l'endroit du) combat, où (se trouvait) le roi Youdhish-
thira Dharmap outra.

1188. Rapides comme le vent ou la pensée, les chars


munis de leurs guerriers accoururent au combat contre
le char du fils de Kountî.

1189. Ayant environné de toutes parts Youdhishthira,


ils rendirent par (la multitude de) leurs flèches, le soleil
invisible, comme (si) des nuages (l'eussent caché).

1190. Les chars (des ennemis) ayant Çikhandin à leur


tête, exaspérés à la vue de Dharmaràja réduit à cette
(extrémité) par les Kourouides, ne supportèrent pas (pa-
tiemment ce spectacle).

1191. (Les guerriers) pourvus de chars (attelés) d'excel-


lents chevaux, couverts de multitudes de clochettes,
vinrent protéger Youdhishthira, fils de Kountî.

1192. Alors, entre les Kourouides et les Pàndouides,


eut lieu un combat formidable, où le sang coula comme
de l'eau, et qui enrichit l'empire d'Yama.

1193. Ayant détruit les sept cents chars Kourouides

LIVRE DE ÇALYA 137

qui attaquaient (leur roi), les Pàndouides avec les Pàn-


càlas assaillirent de nouveau (ton armée).

1194. 11 se livra en ce lieu un grand combat entre ton


fils et les Pàndouides; nous n'en avions jamais vu ni en-
tendu raconter un pareil.

1195. Une grande et impitoyable bataille ayant lieu de


toutes parts, les guerriers, (tant] les tiens que les autres
étant tués,

1196. Les combattants poussant des cris, les excel-


lentes conques étant remplies (de vent), des rugissements
étant poussés, accompagnant le grondement des archers,

1197. Le combat étant devenu très acharné, et les par-


ties vitales (des guerriers) étant tranchées, les combat-
tants courant, avides de la victoire, ô vénérable,

1198. La destruction, origine des chagrins, s'étendant


de toutes parts sur la terre, (destruction) qui s'accom-
pagne (de la possibilité) d'enlever par les cheveux beau-
coup de femmes (veuves), des plus distinguées, (parce
qu'elles n'ont plus de maris pour les protéger),

1199. Alors, le combat étant devenu terrible et impi-


toyable, des présages épouvantables apparurent dans le
ciel et sur la terre.

1200. 1201. La terre avec ses montagnes et ses forêts


fut remplie de bruit et trembla. Des météores, avec des
manches, et des tisons éparpillés de toutes parts tom-
bèrent du ciel sur la terre, après avoir choqué le disque
du soleil. On vit des tourbillons de vent, au dessous (des-
quels tombait) une pluie de pierres.

1202. Les éléphants versaient dos larmes et étaient


agités d'un fort tremblement. N'ayant aucun égard à ces
terribles et horribles présages,
138 CHAPITRE XXIII

1203. Les Kshatriyas, désireux d'aller au Svarga, s'étant


de nouveau concertés en vue du combat, libres de tout
souci, se tinrent fermes à Kouroukshhetra (le champ de
Kourou), (poste) bon et charmant.

1204. Alors, Çakouni, fils du roi de Gândhâra, dit aux


guerriers : combattez en avant, moi, je vais tuer lesPân-
douides par derrière.

1205. Puis (pendant que) nous allions ensemble en


avant, les énergiques guerriers de Madra, pleins de joie,
poussèrent le cri de Kilâkila; (nos) adversaires (le pous-
saient) aussi.

1206. Mais les adroits (Pândouides), à l'attaque desquels


il est difficile de résister, (nous) assaillirent de nouveau
en (nous) couvrant d'une pluie de flèches.

1207. Et l'armée de Douryodhana, ayant vu celle du roi


de Madra tuée par les ennemis, tourna encore le dos.

1208. Mais alors, le fort roi de Gândhâra dit de nou-


veau : « Retournez. Vous ne connaissez pas vos devoirs.
Combattez. A quoi vous sert de fuir ? »

1209. excellent Bharatide l'armée du roi de Gândhâra


était de dix mille cavaliers combattant avec de grands
javelots.

1210. L'armée Pândouide était attaquée par cette ar-


mée qui, l'ayant assaillie par derrière, tuait ses guerriers
avec ses flèches aiguës.

1211. Cette immense armée des Pândouides était divi-


sée (en tronçons), comme (l'est) un nuage poussé par le
vent dans toutes les directions.
1212. Alors l'énergique Youdhishthira, voyant (près de
lui) son armée rompue, excita le très fort Sahadeva (en
lui disant) :

LIVRE DE ÇALYA 139

1213. Ce très puissant fils de Soubala, revêtu de ses


armes, après avoir broyé notre arrière-garde, tue nos
armées. fils de Pcàndou, vois sa méchanceté *^

1214. Va, et avec les fils de Draupadî, vaincs Çakouni,


fils de Soubala, (pendant que) moi, accompagné des Pàn-
càlas, je détruirai larmée des chars, ô homme sans péché.

1215. Que tous les éléphants et les chevaux, ainsi que


trois mille fantassins t'accompagnent. Entouré de ces
(forces), triomphe de Çakouni.

1216. Alors sept cents éléphants couverts (d'hommes)


Tare à la main, cinq milliers de chevaux, et Théroique
Sahadeva,

1217. Trois mille fantassins et les fils de Draupadi, atta-


quèrent de tous côtés Çakouni, enragé au combat.

1218. Alors le majestueux fils de Pàndou, avide de la


victoire, ayant vaincu le fils de Soubala, tua son armée
par derrière.

1219. Les énergiques cavaliers Pàndouides irrités, après


avoir vaincu la division des chars, pénétrèrent dans l'ar-
mée du Soubalide.

1220. Ces héros se tinrent là, au milieu du combat,


montés sur leurs chevaux, et couvrirent d'un nuage de
flèches la grande armée du fils de Soubala.

1221. roi, ce grand combat livré parles héros armés


de javelots et de massues levées, était causé par ton
imprudence.

1222. Le bruit des cordes des arcs cessait (de se faire


entendre). Les maîtres de chars devenaient spectateurs
(de la lutte) ; on ne pouvait en vérité distinguer la diffé-
rence (qui pouvait exister entre la valeur) des tiens et
(celle) des ennemis.

140 CHAPITRE XXIII

1223. excellent Bliaratide, les Kourouides et les Pân-


douides voyaient, semblable à une pluie d'étoiles, la chute
des piques lancées par les bras des guerriers.

1224. maître des hommes, çà et là le ciel resplendis-


sait, rempli des lances brillantes, volant ensemble.

1225. roi le plus grand des Bharatides, les javelots


volants dans l'atmosphère, avaient l'aspect de (nuées de)
sauterelles.

1226. Les chevaux, frappés par les flèches, tombaient


par centaines et par milliers, tous les membres baignés
de sang.

1227. Se frappant mutuellement en s'approchant les


uns des autres, on les voyait, blessés, vomissant le sang
par la bouche,

1228. 1229. Le ciel, rempli de la poussière (élevée par)


l'armée, présentait une obscurité terrible ; ô dompteur
des ennemis, je vis ces chevaux et ces hommes s'éloi-
gnant de ce lieu, et d'autres, vomissant beaucoup de
sang, abattus sur la terre couverte de poussière.

1230. Les hommes, serrés tête contre tête, ne pou-


vaient se mouvoir. Les très forts (guerriers) s'arrachaient
les uns les autres du dos de leurs chevaux ;

1231. Se tuant réciproquement, comme des lutteurs qui


se sont empoignés. Là, de nombreux (combattants) que la
vie avait abandonnés, étaient emportés par leurs chevaux.

1232. Et on voyait, tombés à terre, beaucoup d'autres


hommes à l'àme héroïque, jadis désireux de la victoire,

1233. On apercevait la terre couverte de centaines et


de milliers (de corps) souillés de sang, ayant les mains
coupées et les cheveux arrachés.

1234. Il n'était possible à aucun cheval d'aller loin sur

LIVRE DE ÇALYA 141

le sol de la terre, couvert de coursiers tués, avec leurs


cavaliers,

1235. De (guerriers) revêtus de leurs armures arrosées


de sang, de (soldats) terribles, porteurs d'armes de di-
verses sortes, ayant saisi leurs épées, tenant leurs armes
levées, et désireux de la victoire.

1236, 1237. O maître des hommes, Çakouni, fils de Sou-


bala, après avoir combattu un instant avec ces guerriers
qui étaient très proches (de lui) et dont la plus grande
partie était tuée, s'approcha (du gros de notre armée,
en s'éloignant) de là, avec six mille chevaux qui (lui)
restaient.
CHAPITRE XXIV

COMBAT GÉNÉRAL

Argument : Los fils de Draupadî rejoignent Dhrishtadyoumna.


Sahadeva rejoint Youdhishthira. Çakouni attaque de nouveau
Dhrishtadyoumna. Combat terrible.

1238. Safijaya dit : De même, l'armée Pândouide, cou-


verte de sang, ayant ses équipages fatigués, s'approchait
avec six mille chevaux (qui lui) restaient.

1239. Arrosés de sang, les cavaliers Pàndouides (déci-


dés à faire) le sacrifice de leur vie dans la grande lutte
qui était très proche, disaient :

1240. Ici, on ne peut pas combattre avec des chars,


comment (le pourrait-on) avec des éléphants? Que les
chars aillent contre les chars, et les éléphants contre
les éléphants.

1241. Certes, Çakouni s'est retiré vers son armée et


s'y tient. Le fils de Soubala, ô roi, ne reviendra pas au
combat.

1242. Alors les fils de Draupadî et les grands éléphants


furieux se dirigèrent vers le lieu (où se trouvait) le
grand guerrier Dhrishtadyoumna.

1243. Sahadevva aussi, ô Kourouide, quand le nuage


de poussière eut disparu, alla seul, là où était le roi
Youdhishthira.

LIVRE DE ÇALYA 143

1244. Puis, après que ceux-ci furent partis, le Souba-


lide Çakouni, irrité, attaqua de nouveau Tarmée de
Dhrishtadoumna, sur les côtés.
1245. Le combat s'engagea alors de nouveau entre les
tiens et les ennemis, les (combattants) ayant fait le
sacrifice de leurs vies, et désirant se tuer les uns les
autres.

1246. Dans ce conflit de héros, ô roi, ces guerriers se


regardaient réciproquement (et) se précipitaient par
centaines et par milliers (les uns sur les autres).

1247. On entendait, dans cette destruction du monde,


un grand bruit de têtes coupées par les épées (et tom-
bant sur le sol), pareil (au bruit que ferait) la chute de
noix de palmier.

1248-1250. Un bruit et un fracas tumultueux, faisant


hérisser le poil (de terreur), était (produit) par la chute
à terre des corps ayant perdu le souffle vital, des bras
avec leurs armes, des cuisses détachées (du reste du
corps), ô maître des hommes. Les guerriers tuant avec
des armes aiguës leurs frères, leurs fils, leurs pères,
volaient, comme des oiseaux à la recherche de leur
proie. Enragés les uns contre les autres, ils s'attaquaient
mutuellement,

1251-1253. Se frappaient des milliers de fois en disant :


« à moi d'abord, à moi d'abord (de porter le premier coup). »
Les chevaux s'enfuyaient, leurs cavaliers tués étant tom-
bés de leurs selles en se heurtant (les uns contre les
autres). maître des hommes, il se produisait un bruit
tumultueux de lances, d'épées, de lions, do chevaux
luttant ot se froissant (réciproquement) dans leur course
rapide, et d'hommos munis de leurs armures ot criant,

10
144 CHAPITRE XXIV

1254. Détruisant les parties vitales de leurs ennemis,


dans (cette lutte qui était le résultat des) mauvais con-
seils (que tu avais suivis). Brisés par la fatigue, enragés,
ayant leurs chevaux fatigués, mourants de soif,

1255. Et blessés par des armes aiguës, les tiens atta-


quaient (cependant leurs adversaires). En ce lieu, de
nombreux guerriers éperdus, grisés par l'odeur du sang,

1256. 1257. Tuaient leurs ennemis, et aussi leurs


(camarades), qu'ils atteignaient (de leurs armes), en arri-
vant (auprès d'eux). De nombreux Kshatriyas avides de
la victoire, tombaient morts à terre, tués par des pluies
de flèches. Dans ce jour, réjouissant pour les loups, les
chacals et les vautours,

1258. La destruction de l'armée, (qui avait lieu) sous


les yeux de ton fils, fut terrible. maître des hommes,
la terre était jonchée des corps des hommes et des
chevaux,

1259. Arrosée de sang en guise à'eau, elle accroissait


reâ"roi des gens craintifs; se blessant incessamment avec
les épées, les patticas et les piques,

1260. Bharatide, les tiens et les Pàndouides ne recu-


laient pas ; frappant selon leur pouvoir tant qu'il leur
restait un souffle de vie,

1261. Les guerriers tombaient, répandant du sang par


leurs plaies. On voyait, (par ci par là), un corps sans tête
qui tenait une tête par les cheveux,

1262. Et brandissait un glaive tranchant, humide de


sang. roi, de nombreux corps sans tête étant (ainsi)
dressés,

1263. 1264. Des guerriers s'évanouirent à l'odeur du


sang. Ensuite, le bruit s'étant affaibli, le Soubalide, avec

LIVRE DE ÇALYA 145

le peu de chevaux qui lui restaient, attaqua l'armée des


Pàudouides qui, avides de la victoire, se hâtèrent de
courir contre lui.

1265. Les fantassins, les éléphants et les cavaliers,


l'ayant environné et entouré de toutes parts, avec leurs
armes levées,

1266. Désireux de terminer la guerre, le frappèrent


avec des armes de diverses sortes. Mais, en voyant les
tiens attaqués de tous côtés,

1267. 1268. Les chars, les cavaliers, les fantassins et


les éléphants coururent sur les Pàndouides. Quelques
héroïques fantassins, ayant épuisé leurs armes, se tuaient
réciproquement à coups de pieds et à coups de poing.
Les maîtres de chars (tombaient) de leurs chars, ceux
montés sur des éléphants (tombaient) de leurs éléphants,

1269. Comme les saints tombent du ciel à l'expiration


de leurs mérites. Ainsi, les guerriers, en s'approchant
les uns des autres dans la grande bataille, tuèrent

1270, 1271. Leurs pères, leurs amis, leurs frères, et


aussi leurs fils, de sorte que le combat était sans pitié, ô
le plus grand des Bharatidcs, la confusion des javelots,
des épécs et des flèches étant devenue très effrayante.
CHAPITRE XXV

COMBAT GENERAL

Argument : Çakouni ramène au combat les sept cents chevaux qui


lui restent, et rejoint Douryodhana, ce qui enflamme le courage de
l'armée. Discours d'Arjouna à Krishna. Prouesses d'Arjouna qui
détruit l'armée Kourouide.

1272. Sanjaya dit : Ce bruit ayant diminué, l'armée


étant tuée par les Pandouides, le Soubalide retourna (au
combat) avec sept cents chevaux qui (lui) restaient.

1273. S'étant hâté d'aller au combat, il s'empressa de


dire à l'armée : « Combattez, ô dompteurs des ennemis ;
soyez toujours joyeux. »

1274. Le grand guerrier demanda aux Kshatriyas qui


étaient présents : « où donc est le roi? » Ceux-ci, ayant
entendu cette parole de Çakouni, ô excellent Bharatide,
lui répondirent :

1275. Ce grand guerrier Kourouide se tient au milieu


du combat, là où est le grand parasol dont l'éclat est pa-
reil à celui de la pleine lune,

1276. Là où se tiennent ces chars équipés, garnis de


belles armures, là où (on entend) un bruit tumultueux,
semblable à celui d'un nuage orageux.

1277. Vas-y immédiatement, ô roi et tu verras le Kou-


rouide. Alors, ainsi renseigné par les guerriers, Çakouni,
fils de Soubala,
LIVRE DE ÇALYA 147

1278. S'avança, ô roi, là où était ton fils, entouré de


tous côtés dans la bataille par les héros qui combattaient
brillamment.

1279. Alors ayant vu Douryodhana qui se tenait ferme


avec l'armée des chars, Çakouni réjouit (par son arrivée)
tous les tiens (montés) sur leurs chars ;

1280. maître des hommes, jugeant que lui-même


avait fait ce qu'il devait faire, il dit d'un air joyeux ces
paroles au roi Douryodhana :

1281. « roi, vaincs l'armée des chars. Toute la cava-


lerie a été vaincue par moi. On ne saurait triompher
d'Youdhishthira, qu'en lui étant la vie dans la bataille.

1282. Quand cette armée de chars, protégée par les fils


de Pàudou aura été détruite, je tuerai les éléphants, les
fantassins et les autres (ennemis). »

1283. Après avoir entendu ses paroles, les tiens, avides


de la victoire, tombèrent joyeusement avec leurs chars
sur l'armée des fils de Pàndou.

1284. Tous, ayant assujetti leurs carquois et saisi leurs


arcs qu'ils agitaient, poussèrent des rugissements.

1285. Alors, ô maître des hommes, le bruit de la paume


de la main contre la corde des arcs, se fit de nouveau
entendre, ainsi que le sifflement des flèches bien lan-
cées.

1286. En les voyant s'approcher rapidement de lui,


l'arc levé, Dhananjaya, fils de Kountî, dit au fils de De-
vakà (Krishna) :

1287. Pousse sans crainte les chevaux, pénètre dans


l'océan de cette armée. Je tuerai aujourd'hui les ennemis
avec des flèches aiguës.

1288. O tourmentcur des honimos, il y a aujourd'hui

148 CHAPITRE XXV

dix-huit jours que dure ce grand combat, dans lequel on


s'attaque réciproquement.

1289. L'armée de ces magnanimes, dont le dénombre-


ment était presque impossible, a trouvé sa ruine dans la
bataille. Vois ce que c'est que la destinée.

1290. Madhavide, l'armée du fils de Dhritarâshtra,


qui était immense comme la mer, après nous avoir atta-
qués, est devenue semblable à la flaque d'eau qui se forme
dans le pas d'un bœuf, ô Acyouta (impérissable) ;

1291. Après la mort de Bhishma, on eût pu faire un


compromis et le bonheur eût régné ici-bas. Le fou et niais
Dhritaràshtride n'y a pas consenti.

1292. meurtrier de Madhou, il avait été dit par


Bhishma une parole salutaire, et qui semblait convenable.
Cependant ce Souj^odhana Douryodhana), dépourvu de
sagesse, n"a pas fait (ce que Bhishma avait conseillé).

1293. Bhîshma, étant, dans cette guerre, abattu sur le


sol de la terre, je ne connais pas la raison pour laquelle
la lutte continua.

1294. Je considère de toutes façons comme très insen-


sés, les fous Dhritaràshtrides, qui recommencèrent le
combat après que le fils de Çàntanou fut tombé,

1295. Et après que Drona, le meilleur des philosophes,


fut tué ainsi que Ràdheya (Karna) et Vikarna, ce carnage
ne cessa pas encore.
1296. Quand cette armée fut réduite à un petit nombre
(de combattants), quand le fils du cocher fut tué avec les
tigres des hommes, ses fils, le carnage ne cessa pas encore.

1297. Le héros Çroutàyou étant tué, ainsi que le Pou-


rouide Jalasamdha, et le roi Çroutàyoudha, le carnage ne
cessa pas encore.

LIVRE DE ÇALYA 149

1298. Bhoûriçravas, Çalya, le Çalvien, étant tués, ô


tourmenteur des hommes, ainsi que les héros d'Avanti,
le massacre ne cessa pas encore.

1299. Jayadratha étant tué, ainsi que le rakshasa


Alàyoudha, le Vahlikien et Somadatia, le combat ne cessa
pas encore.

1300. Le héros Bhagadatta étant tué ainsi que le Kam-


bojien Soudakshina, et Dousçàsana, le combat ne cessa
pas encore.

1301. Et, après qu'on eût vu, tués séparément, les rois,
les héros, les gouverneurs de province, et ceux qui
étaient forts dans les combats, le carnage ne cessa pas
encore, ô Krishna.

1302. Que ce fi^it une suite de sa cupidité ou de sa


folie, après avoir vu les chefs de toute l'armée abattus
par Bhîmasena, (Douryodhana ne fit) pas encore cesser le
carnage.

1303. Si ce n'est Souyodhana, quel roi né d'une noble race,


surtout un Kourouide, continuerait une guerre inutile ?

1304. Quel est donc celui qui, n'étant pas fou, (mais)
étant sage et connaissant le bien et le mal, continuerait
à combattre, après avoir reconnu que (son ennemi) lui
est supérieur en qualités, en force et en héroïsme?

1305. Certes, si son esprit n'a pas voulu s'arrêter à la


bonne parole qui lui fut dite par toi, comment écouterait-
il (celle) d'un autre (lui conseillant de faire) la paix avec
les fils de Pàndou?

1306. Quel remède (pourrait-il donc y avoir) pour (la


folie de) celui par qui le héros fils de Çàntanou, Drona et
même Vidoura ont été désavoués, quand ils conseillaient
l'apaisement?

150 CHAPITRE XXV

1307, 1308. Lui qui, ô tourmenteur des hommes, mé-


prisa, dans sa folie, les (conseils) de son vieux père et
(ceux) de sa mère, qui voulaient le bien (de tous) ; lui
qui n'a pas fait ce qu'il convenait de faire, de quelle part
entendrait-il une parole qui pût lui plaire ? Krishna,
tourmenteur des ennemis, cet (homme) est manifeste-
ment né pour causer la fin de sa race.

1309. maître des hommes, c'est ce qu'indiquent ses


actes et sa politique. Mon avis est qu'il ne (consentira)
pas, même (maintenant), à nous rendre notre royaume,
ô impérissable.

1310. Mon ami, le magnanime Vidoura m'a dit plusieurs


fois : honorable, le fils de Dhritarâshtra ne vous ren-
dra pas vivant, ce qui vous revient.

1311. Aussi longtemps que l'insensé Dhritaràshtride


vivra, aussi longtemps, le mal (qu'il vous fera), vous
poursuivra, ô vous qui êtes sans péché.

1312. Il ne peut être vaincu que par un combat, ô meur-


trier de Madhou. Certes, Vidoura, qui voyait juste, me
l'a toujours dit.
1313. Je vois maintenant que tous les projets du mé-
chant (Douryodhana étaient conformes) à ce qui m'avait
été dit par le magnanime Vidoura.

1314. Certes, celui qui, après avoir entendu les paroles


justes et convenables du Jamadagnide, (était assez)
insensé pour les mépriser, (était menacé d'une) ruine
certaine et prochaine.

1315. Il a été dit à plusieurs reprises par les Siddhas


(saints), lorsque Souyodhana venait de naître : « En s'aug-
mentant de ce méchant, la caste des Kshatriyas s'ache-
mine vers sa ruine. »

LIVRE DE ÇALYA 151

1316. tourmenteiir des hommes, leur prédiction est


certes remplie, car une grande destruction de rois a eu
lieu, dans Tintérèt de Douryodhana.

1317. Maintenant, ô meurtrier de Madhou, je vais tuer


tous les guerriers, en combattant. Quand les Kshatrij^as
auront été rapidement frappés et que le camp sera vide,

1318. Il se décidera à combattre contre nous, et ce


sera sa mort. On peut conclure que ce sera la fin de la
guerre, ô Madliavide.

1319. Vrishnien, je vois (les choses) ainsi, en réflé-


chissant aux paroles de Vidoura, d'après mes propres
connaissances et la conduite du méchant.

1320. C'est pourquoi, ô héros, va vers l'armée afin


qu'avec mes flèches aiguës, je la tue dans le combat,
ainsi que Douryodhana, ô guerriers aux puissants bras.

1321. meurtrier de Madhou, je préparerai aujour-


d'hui la paix pour Dharmaràja, en tuant cette faible
armée sous les yeux du Dhritaràshtride.

1322. 1323. Sanjaya dit : sur ces paroles de l'ambi-


dextre, le Daçarhien, les rênes en main, pénétra de
force et sans crainte dans les flots de cette armée enne-
mie, que les massues, les glaives et les flèches (rendaient)
terrible, (qui était pareille à une forêt) remplie de lances
en guise d'épines, offrant un chemin pavé de massues et
de pilons, des éléphants et des chars en guise de grands
arbres ;

1324. Remplie de chevaux et de fantassins en guise de


lianes . Le très glorieux Govinda étant entré (dans cette
armée), la parcourait avec le char bien orné de ban-
nières.

1325. roi, on voyait, conduits par le Daçarhien, les

152 CHAPITRE XXV

chevaux blancs qui portaient Arjouna au combat dans


toutes les directions.

1326. Alors l'ambidextre tourmenteur des ennemis,


entra dans la bataille avec son char, en versant des
centaines de flèches, comme un nuage (verse) des gouttes
d'eau.

1327. On entendit un grand bruit de flèches aux nœuds


recourbes, couvertes dans le combat par les traits (lan-
cés) par l'ambidextre, (et qui heurtaient ceux de ses
ennemis).

1328. La multitude des flèches tombait à terre, sans


adhérer aux armures (qu'elles traversaient de part en
part). Le choc des traits lancés par Gàndîva était pareil
à celui des coups de la foudre d'Indra.
1329. Pareilles à des oiseaux bruj^ants, les flèches, ô
maître des hommes, volaient dans le combat, tuant les
hommes, les éléphants et les chevaux.

1330. Tout était couvert par les flèches décochés par


Gândiva. On ne distinguait dans la bataille, ni les points
cardinaux, ni les espaces intermédiaires.

1331. Le monde entier était rempli des traits à l'extré-


mité postérieure brillante, enduits d'huile, polis par le
forgeron, et portant la marque du flls de Prithà,

1332. Ces terribles (Kourouides), frappés de flèches


aiguës, consumés par le fils de Prithà, comme des élé-
phants (le sont) par le feu (d'un incendie), ne lâchaient
(cependant) pas le Prithide (pour s'enfuir).

1333. Avec l'arc et les flèches qu'il portait, le fils de


Prithà, semblable à un soleil flamboyant, consuma les
guerriers dans le combat, comme le feu brûle des brous-
sailles.

LIVRE DE ÇALYA 153

1334. Comme, à la limite d'un bois, un feu abandonné


par des gens voyageant dans la forêt, rallumé (fortuite-
ment), éclatant avec un grand bruit, brûlerait des brous-
sailles au milieu desquelles il se trouverait beaucoup
d'arbres, et de nombreuses lianes sèches.

1335. De même, le (héros) à l'énergie indomptable,


possédant une splendeur brûlante et variée dont les
rayons étaient ses flèches, tourmentant ses ennemis avec
la multitude de ses nàràcas, consuma toute l'armée de
ton fils.

1330. Bien lancées, ses flèches mortelles, à l'extrémité


postérieure brillante, ne se fixaient pas aux armures,
(mais les traversaient et tombaient ensuite cà terre). Il
(n'avait pas besoin de) décocher un second trait sur un
homme, sur un cheval ou sur le plus grand des élé-
phants, (le premier étant toujours suffisant pour donner
la mort).

1337. Ayant pénétré dans l'armée des grands guer-


riers de ton fils, fArjouna) la détruisit à lui tout seul, avec
des flèches de diverses formes, comme (Indra), la foudre
à la main, (tua jadis) les daityas.

CHAPITRE XXVI

FUITE DE DOURYODHANA

Argument : Fuite de l'armée Kourouide. Tentatives pour la rallier.


Combats de Dlirishtadyoumna, Çikhandin et Çatânika contre
Douryodhana. Trois mille éléphants entourent les fils de Pàndou.
Prouesses d'Arjouna et de Bhimasena. Terreur des Kourouides.
Prouesses des trois autres Pàndouides et de Dlirishtadyoumna.
On cherche Douryodhana qui a fui. Açvatthâman, Kripaet Krita-
varman vont le chercher près de Çakouni. Saiijaya se mêle au
combat et est fait prisonnier.

1338. Sanjaya dit : A Taide de Gândîva, Dhananjaya


rendait vain le désir des héros qui, en lançant (leurs
traits), faisaient des efforts (pour lui résister) et ne
s'enfuyaient pas.

1339. On le voyait, pareil à un nuage pluvieux qui laisse


tomber des gouttes d'eau, répandre (une pluie de) flèches
douées d'une grande force, impossibles à supporter, et
dont le choc était comparable à celui de la foudre d'Indra.

1340. le plus grand des Bharatides, cette armée se


voyant tuée par (Arjouna) qui porte un diadème, s'enfuit
du combat sous les yeux de ton fils.

1341. Les uns abandonnèrent leurs pères, les autres


leurs frères, d'autres leurs amis. Quelques-uns avaient
leurs attelages ou leurs cochers tués.

1342. maître des hommes, quelques-uns avaient leurs

LIVRE DE ÇALYA 155

essieux, leurs attelages, leurs roues, leurs timons brisés.


D'autres avaient épuisé leurs traits, d'autres (encore)
étaient écrasés par les flèches (d'Arjouna).

1343. Quelques-uns, non blessés, s'enfuyaient ensemble,


tourmentés par la peur ; quelques autres, la plupart de
leurs parents étant tués, (s'enfuyaient) en emmenant leurs
fils.

1344, 1345. D'autres appelaient leurs pères, d'autres


encore leurs compagnons. O tigre des hommes, quelques-
uns s'enfuirent, après avoir abandonné de côté et d'autre
leurs frères, leurs consanguins, ô maitre des hommes.
Il y avait là quantité de grands guerriers grièvement
blessés et frappés d'égarement.

1346. On voyait, haletants, ceux qui étaient atteints


par les flèches du Prithide. D'autres les calmaient en
un instant, après les avoir fait monter sur leurs (propres)
chars ;

1347, 1348. Reposés et restaurés, ils retournaient au


combat. Quelques-uns, négligeant les blessés, avides de
se battre, dans leur ardeur pour la lutte, revenaient à la
bataille, exécutant (ainsi) les ordres de ton flls. D'autres
(faisaient de même), après avoir étanché leur soif, et fait
reposer leurs chevaux.

1349. Les uns après avoir mis leurs armures, ô Bhara-


tide, les autres après avoir encouragé leurs frères et les
avoir établis dans leurs tentes.

1350. D'autres, (par leurs exhortations), rendaient de


nouveau le combat agréable, qui à leurs fils, qui à leurs
pères. Quelques-uns, ô maître des hommes, ayant fait
préparer leurs chars selon leur rang,

1351. S'étant jetés dans l'armée Pândouide, se décide-

156 CHAPITRE XXVI

rent de nouveau à combattre. Ces héros, ornés de multi-


tudes de clochettes brillantes,

1352. Étaient semblables à des asouras et à des daityas


unis dans (l'espoir de remporter) la victoire sur les trois
mondes. Quelques-uns, arrivés subitement avec des chars
garnis d'or,

1353. Dans l'armée Pàndouide, combattirent Dhrishta-


dyoumna. Le grand guerrier Pàncàla, Dhrishtadyoumna,
Çikhandin,

1354. Et Çatânika, fils de Nakoula, combattirent l'ar-


mée des chars. Alors le Pàncàla irrité, entouré d'une
grande armée,

1355-1358. Disposé à tuer, courut avec fureur contre


les tiens. Mais alors le roi, ton fils, envoya une grêle de
flèches à ce (héros); qui fondait sur (ton armée). roi, le
grand guerrier Dhrishtadyoumna, gravement blessé par
l'archer ton fils, au moj^en de nàràcas, de demi nârâcas,
de flèches en dents de veau, et de traits polis par le for-
geron, (lancés) adroitement et en grand nombre, ayant
tué les quatre chevaux, l'atteignit (lui-même) dans les
deux bras et dans la poitrine. (Furieux) comme un élé-
phant tourmenté par l'aiguillon, ce grand archer,

1359. Envoya à la mort, avec ses traits, les quatre che-


vaux (de ton fils) et, avec une autre (flèche), fit sauter la
tête du cocher de sur son corps.

1360. Alors le dompteur des ennemis, le roi Douryo-


dhana, dont le char était mis hors de service, monta sur
le dos d'un cheval et s'en alla, (mais) pas très loin.

1361. Ton très fort fils, voyant l'énergie de son armée


détruite, se dirigea vers l'endroit où se trouvait le fils de
Soubala, ô grand roi.

LIVRE DE ÇALYA 157

1362. Puis, quand les chars (de tes guerriersi eurent été
brisés, trois milliers d'éléphants entourèrent les cinq fils
de Pàndou montés sur leurs chars.

1363. Bharatide, ces cinq (frères), environnés dans


la bataille par l'armée des éléphants, brillaient comme
les cinq planètes entourées de nuages.

1364. Alors, ô grand roi, Arjouna aux grands bras et


aux blancs chevaux, habile à atteindre le but (qu'il pro-
posait à ses flèches), sortit avec son char, seul, avec
Krishna pour cocher,

1365. Entouré de toutes parts d'éléphants pareils à des


montagnes, il écrasait l'armée de ces animaux, de nàràcas
aiguës de diverses sortes.

1366. Nous apercevions là, les grands éléphants tués


d'une seule flèche, tombés (ou) tombant, détruits par
l'ambidextre.

1367. 1368. Cependant, le fort Bhîmasena, aussi (ter-


rible) qu'un éléphant en rut, ayant vu ces éléphants, prit
sa grande massue, sauta rapidement de son char, et, pa-
reil à Antaka sou bâton à la main, attaqua (ces animaux).
A la vue du grand guerrier, fils de Pàndou, la massue
levée,

1369. Tes soldats tremblèrent (de peur), répandirent


leurs excréments et lâchèrent leurs urines. Toute l'armée
fut consternée, quand VrikodaraJ eut mis la massue à la
main.

1370. Nous vîmes les éléphants semblables à des mon-


tagnes, courir (çà et là), couverts de poussière, les bosses
frontales ouvertes par la massue de Bhîmasena.

1371. Ces éléphants s'enfuyaient, mais, frappés parla


massue de Bhîmasena, ils tombaient en poussant des cris

158 CHAPITRE XXVI

de douleurs, comme des montagnes dont les flancs sont


coupés.

1372. Tes soldats tremblèrent en voyant ces très nom-


breux (animaux) courir cà et là et tomber, les bosses
frontales crevées.

1373. Youdhisthira aussi, avec les deux Pàndouides, fils


de Màdrî, pleins de colère, les conduisirent au séjour
d'Yama, avec des flèches aiguës, garnies de plumes de
vautour.

1374-1376. Quand le grand guerrier, fils du roi des Pân-


càlas, Dhrishtadyoumna, eut vaincu le roi, ton fils, qui
était parti, monté sur un cheval, voyant tous les fils de
Pàndou entourés par les éléphants, il se hâta d'aller atta-
quer ces animaux, avec le désir de les tuer. Mais, ne
voj^ant pas dans l'armée des chars, Douryodhana domp-
teur des ennemis, ô grand roi,

1377. Açvatthàman, Kripa et le Satvatide Kritavarman,


demandaient aux Kshatriyas : Où est le roi Douryo-
dhana 13?

1378. Ces grands guerriers, ne voyant pas le roi au mi-


lieu du massacre qui se faisait en cet endroit, pensaient
que ton fils avait été tué.

1379. Ils demandaient ton fils, avec des visages sans


couleur. Quelques-uns dirent : « Le cocher étant tué, il
est allé là où se trouve le Soubalide. »

1380. Mais d'autres Kshatryas, grièvement blessés, di-


saient : « Qu'avons-nous (à faire) avec Douryodhana?
Voyez s'il vit (encore; .

1381. 1382. Combattez réunis tous (ensemble). Que fera


ce roi pour vous ? » Cependant les Kshatriyas, qui avaient
les membres blessés, et la plupart de leurs montures

LIVRE DE ÇALYA 159

tuées, écrasés par les flèches, disaient, d'une voix rau-


que : « Nous (devons) tuer toute cette armée, qui nous
entoure.

1383. Tous ces Pàndouides s'approchent, après avoir


tué les éléphants ». Mais le très fort Açvatthàman, ayant
entendu leurs paroles.

1384. Alla, avec Kripa et Kritavarman, là où était le


Soubalide, après avoir tué la terrible armée du roi des Pàncàlas.
1385-1387. Quand ces très grands archers eurent aban-
donné l'armée des chars, et se furent dirigés (vers le but
qu'ils s'étaient proposé), ô roi, les Pàndouides, ayant à
leur tète Dhrishtadyoumna, s'avancèrent, tuant les tiens.
En voyant ces grands guerriers qui accouraient joyeux
(pour les détruire), et les héros (de leur propre parti) qui
les quittaient, (les hommes qui composaient) ton armée
pâlirent, ne conservant plus l'espoir de vivre.

1388, 1389. Les voyant entourés, avec leurs armes


épuisées, je fis le sacrifice de ma (propre vie) vie; je
m'établis dans le lieu où était le Çaradvatide, et, avec
une armée à deux corps (de troupes) je combattis, moi
cinquième, contre l'armée des Pàncàlas.

1390. Nous cinq, écrasés parles flèches (d'Arjouna) qui


porte un diadème, (nous fûmes) mis en fuite. Il s'engagea
là un grand combat entre nous et le très formidable
Dhrishtadyoumna.

1391. Vaincus par lui, nous nous éloignâmes du combat,


et je vis le grand guerrier Satyakide s'approcher (de
nous).

1392. 1393. Le grand héros courait sur moi avec quatre


cents chars. Délivré de Dhrishtadyoumna, dont l'attelage

11

160 CHAPITRE XXVI

était un peu fatigué, je tombai dans l'armée du Madha-


vide, comme un pécheur (tombe) dans l'enfer. Alors il
s'engagea en ce lieu un combat violent et terrible.

1394. Le Satyakide aux grands bras, ayant détruit mon


cortège, me fit prisonnier, moi (encore) vivant, (mais)
gisant évanoui à terre.
1395. Alors cette armée d'éléphants fut tuée en un ins-
tant, par Bhîmasena avec sa massue, et par Arjouna avec
ses nàràcas.

1396. Ces très vieux et grands éléphants, semblables


à des montagnes (étant tués) de toutes parts, la marche
des Pândouides (en) devint, en quelque sorte, un peu
irrégulière.

1397. Et le très fort Bhîmasena éloignait les éléphants,


pour ouvrir une route (praticable) aux chars des Pân-
douides.

1398. Açvatthàman, Kripa, et le Satvatide Kritavarman,


ne voyant pas, dans l'armée des chars, Douryodhana
dompteur des ennemis,

1399. Allèrent à la recherche du grand guerrier ton


royal fils, et, abandonnant les Pàncâlas, s'avancèrent
vers l'endroit où se trouvait le Soubalide,

1400. Craignant beaucoup de rencontrer le (corps du)


roi parmi (ceux des) hommes qui avaient été massacrés.

CHAPITRE XXVII

COMBAT GÉNÉRAL

Argument : CoDibat de Bhîmasena contre les frères de Douryodhana.


Mort de Dourmarshana, Çroutânta, Satyasena, Jaitra, Bhoùribala,
Ravi, Dourvimocana, Douslipradharsha, Soujàta, Dourvisaha. L'ar-
mée Kourouide attaque Bhimasena qui en fait un grand carnage.

1401. Sanjaya dit : Bharatide, la troupe des éléphants


étant tuée par le fils de Pàndou, et l'armée même étant
détruite par Bhîmasena dans la bataille,

1402. En voj^ant Bhimasena dompteur des ennemis, se


comporter comme Antaka qui, dans sa colère, ravit la
vie, son bâton à la main,

1403. 1404. Ceux de tes fils qui survivaient, tandis que


les autres avaient été tués, les frères du Kourouide
Douryodhana ton fils (aîné), qui ne paraissait pas, s'étant
réunis pour combattre, assaillirent Bhîmasena; (c'étaient)
Dourmarshana, Çroutânta, Jaitrà Bhoùribala, Ravi,

1405. Jaj^atsena, Soujàta, Dourvisaha tueur des enne-


mis, celui qui avait nom Dourvimocana, et aussi Doush-
pradharsha.

1406. Puis Çroutarvan aux grands bras, tous réputés


adroits au combat. Ceux-ci, tes fils, s'étant réunis de
toutes parts, et

1407. Ayant couru sur Bhîmasena, lui barrèrent le

162 CHAPITRE XXVII

passage de tous côtés. Alors, ô grand roi, Bhîma,


remonté sur son char,

1408. Lança des flèches aiguës contre les armures de


tes fils qui, couverts de flèches par ce héros dans le
grand combat (qu'ils lui livraient),

1409, 1410. Se portèrent contre lui, comme (ils eussent


attaqué) un éléphant, (pour le tuer), hors d'un bosquet.
Alors, Bhîma furieux, ayant, en combattant, tranché avec
une flèche kshourapra la tête de Dourmarshana, le fit
tomber à terre. Puis, avec une autre flèche bhalla brisant
toutes les armures,
1411. Bhîma tua le grand guerrier Çroutànta, ton fils.
De même, ayant, comme en se jouant, atteint Jayatsena
d'une nârâca,

1412. Le dompteur de ses ennemis fit tomber le Kou-


rouide sur le siège de devant du char. Il tomba de son
char à terre et mourut rapidement.

1413. Mais alors, ô vénérable, Çroutarvan, irrité, attei-


gnit Bhîma de cent flèches aux nœuds recourbés, gar-
nies de plumes de vautour.

1414. Puis Bhîma, furieux, blessa, en les combattant,


ces trois (guerriers) : Jaitra, Bhoûribala et Ravi, (en les
atteignant) de trois traits comparables au poison et au
feu.

1415. Ces grands guerriers tués, tombèrent de leurs


chars de guerre à terre, comme des kimcoukas (butea
frondosa) aux fleurs multicolores, coupés et abattus au
printemps,

1416. Ensuite, le tourmenteur de ses ennemis, ayant


frappé Dourvimocana d'une autre bhalla aiguë, l'envoya
à la mort.

LIVRE DE ÇALYA 163

1417. Tué, cet excellent maître de char, tomba de son


char à terre comme l'arbre koutaja, brisé par le vent,
(tombe) de la montagne.

1418. Et (Bhîmasena) tua dans le combat, l'un après


l'autre, chacun avec deux flèches, à la tète de l'armée,
tes fils Doushpradharsha et Soujâta.

1419. 1420. Ces deux excellents maîtres de chars tom-


bèrent, le corps percé de (flèches) çilîmoukhas. Alors
Bhîma abattit dans la bataille, avec une bhalla, ton fils
Dourvisaha, qu'il voyait accourir au combat. Ce (prince)
tomba de son char à la vue de toute l'armée.

1421. Cependant Çroutarvan, furieux, voyant plusieurs


de ses frères tués par un seul (combattant), s'approcha
de Bhîma

1422. En déchargeant un très grand arc doré, et faisant


pleuvoir de nombreuses flèches, terribles comme le feu
ou le poison.

1423. roi, ayant coupé l'arc du fils de Pàndou, il le


couvrit de vingt flèches, après lui avoir brisé son arc
dans la bataille.

1424. Alors, ayant pris un autre arc, le très fort Bhîma-


sena écrasait ton fils (de traits), en lui criant « : arrête,
arrête ! »

1425. Le combat de ces deux (héros) fut grand, eff'rayant,


présentant des aspects variés, pareil à celui qui se fit
admirer jadis entre Jambha et (Indra) Vàsava.

1426. La terre, ainsi que le ciel, aux (quatre) points


cardinaux et dans les espaces intermédiaires, fut cou-
verte par les flèches aiguës, pareilles au bâton d'Yama,
lancées par ces deux (guerriers).

1427. Alors Çroutarvan furieux, ayant pris un arc,

164 CHAPITRE XXYII

enfonçait, en combattant, des flèches dans les deux


bras et dans la poitrine de Bhimasena, ô roi.

1428. En conséquence, celui-ci, grièvement blesse par


l'archer ton fils, devint agité, comme l'océan, le jour de
la conjonction de la lune,

1429. Et, plein de colère, envoya, avec ses traits, au


séjour d'Yama, le cocher et les quatre chevaux de ton
fils, ô vénérable.

1430. En le voyant.privé (du secours) de son char, (Bhima)


à la grandeur d'âme incommensurable, fit voir la légèreté
de sa main, en le couvrant de flèches empennées.

1431-1433. Oroi, Çroutarvan, n'ayant plus de char, prit


son glaive et son bouclier. Mais, au moyen d'une kshou-
rapra, le fils de Pàndou fit tomber sa tête, au moment
où il prenait son épée et son (bouclier) brillant, orné de
cent lunes. Le corps de ce (prince), qui avait la tête cou-
pée au moyen de (cette) kshourapra, par le magnanime
(Bhîma), tomba de son char, en faisant résonner la terre.
Ce héros étant tombé, les tiens, affolés par la peur,

1434, 1435. Coururent sur Bhimasena, avec le désir de


le tuer dans le combat. Le majestueux Bhimasena reçut
leur choc, (au moment où) ils accouraient avec vitesse,
de l'océan (qui avait été) l'armée, dont le reste était tué ;
et, l'ayant attaqué, ils l'entourèrent de toutes parts,

1436. Mais Bhima, environné par les tiens, les écrasa


tous de ses flèches aiguës, comme (Indra) aux mille
yeux), (écrasa) les asouras.

1437. Alors, ayant tué cinq cents grands guerriers


revêtus de leurs armures, il combattit et anéantit encore
dans la bataille l'armée des éléphants, qui était de sept
cents.

LIVRE DE CALYA 165

1438. Le fils de Pàndou, ayant tué cent mille Cantassins


et huit cents chevaux, au moyen de flèches excellentes,
brilla (d'un éclat glorieux) .

1439. Bhîmasena fils de Kounti, ayant tué tes fils dans


la lutte, pensa, ô roi, qu'il avait atteint son but, et que
sa vie (avait été) utile (à son parti).

1440. maître suprême des hommes, tes soldats


n'osaient certes pas le regarder, quand il combattait
ainsi et tuait tes (troupes).

1441. Quand il eut mis en fuite les Kourouides, et tous


leurs suivants, il fit du bruit, en effrayant les grands
éléphants avec ses deux bras.

1442. Ton armée, ô maître des hommes, était misé-


rable, réduite en quelque sorte à un faible reste, ayant
la plupart de ses guerriers tués, ô grand roi.

CHAPITRE XXVIII

MORT DE SOUÇARMAN

Argument: Colloque de Khrislina et d'Arjouna. Combat de Douryo-


dhana contre Sahadeva, de Soudarçana contre Bhîma, de Souçar-
man et Çakouni contre Arjouna. Mort de Satyakarraan, de Sou-
çarman et de Soudarçana.

1443. Sanjaya dit : Tes fils Douryodhana et Dour-


dharsha, les autres étant tués, s'étaient retirés au milieu
des chevaux, ô grand roi.

1444. Alors, en voyant Douryodhana retiré au milieu


des chevaux, (Krishna] fils de Devakî, dit à Dhananjaya,
fils de Kountî :

1445. Nos ennemis, (qui sont nos) parents, tués pour la


plupart, sont enveloppés, et le taureau de Çini est re-
venu, aj'ant fait Sanjaya prisonnier.
1446. Bharatide, Nakoula et Sahadeva sont épuisés
(de fatigue), pour avoir combattu dans la bataille les
guerriers Dhritarâshtrid es avec leurs suivants.

1447. Kripa, Kritavarman et même le grand guerrier


fils de Drona sont partis, abandonnant Douryodhana là oii
(il est).

1448. Le Pàncàla, au comble de la félicité, ayant tué


l'armée de Douryodhana, tient ferme avec tous les Pra-
bhadrakas ^".

LIVRE DE ÇALYA 167

1449. O fils de Prithà, ce Douryodhana se tient au mi-


lieu de ses chevaux, avec le parasol porté (sur sa tête),
regardant incessamment (de tous côtés),

1450. Ayant rangé (en ordre) toute l'armée, (et) se te-


nant au milieu du combat. Tu auras fait ce qu'il conve-
nait de faire, quand tu l'auras tué avec des flèches aio-uës.

1451. Triomphe de Souyodhana, tant que ces (Kouroui-


des) ne s'enfuiront pas à la vue de la destruction de l'ar-
mée des éléphants, et de l'arrivée d'un dompteur des
ennemis (tel que) toi.

1452. Mais que quelqu'un aille vers le Pàncàla en lui


disant de venir vite, afin que le méchant (Douryodhana)
ne soit pas sauvé .

1453. Ayant tué ton armée dans la bataille, pensant les


fils de Pàndou vaincus, le Dhritaràshtride est dans une
haute situation,

1454. (Mais), à la vue de sa propre armée écrasée et


tuée par lesPàndouides, il est certain qu'il ira au combat
pour se faire tuer lui-même.
1455. Or, Phàlgouna, ainsi exhorté par Krishna, lui ré-
pondit : Madhavide, tous les fils de Dhritarâshtra (ont
été) tués par Bhima

1456. Ces deux qui sont (encore) là, n'y seront plus au-
jourd'hui. Bhishma est tué, Drona est tué, Karna, fils du
soleil, aussi.

1457. Çalya, roi de Madra, est tué, ô Krishna, Jayadratha


est tué. Les chevaux qui restent au Soubalide Çakouni
sont (au nombre de) cinq cents.

1458. Deux cents chars seulement, une centaine entière


d'éléphants et trois mille fantassins sont restés, ô tour-
menteur des hommes,

168 CHAPITRE XXVIII

1459. Ainsi qu'Açvatthàman, Kripa, le roi des Trigarfes,


Ouloûka, Çakouni, et le Satvatide Kritavarman.

1460. Cette armée est ce qui reste au Dhritaràshtride,


ô meurtrier de Madhou, mais nul, sur la terre, n'échappe
à la mort.

1461. Vois, Dourj^odhaua est resté (vivant), alors que


son armée est détruite. Aujourd'hui même, le grand roi
(Youdhishthira contemplera tous) ses ennemis tués.

1462. Car je crois qu'aucun des ennemis ne m'échap-


pera. Krishna; ceux qui, (encore) maintenant, sont
furieux, n'abandonneront pas le combat,

1463-1465. Aujourd'hui, je les tuerai tous, quand bien


même ce ne seraient pas des hommes, (mais des êtres
supérieurs). Dans mon ardeur à combattre, je ferai
cesser la longue insomnie de (notre roi). Après avoir tué
le Gàndhàrien avec des flèches aiguës, certes je porterai
de nouveau les joyaux dont le Soubalide difficile à vain-
cre s'ornait, (après nous les avoir ravis par] sa malhon-
nêteté au jeu de dés, dans l'assemblée. Maintenant aussi
toutes les femmes de la ville (qui tire son nom) des élé-
phants, se lamenteront,

1466. En apprenant que leurs époux et leurs fils ont


été tués dans la bataille par les Pàndouides. Certaine-
ment, ô Krishna, notre œuvre sera accomplie aujourd'hui.

1467. Aujourd'hui, Douryodhana abandonnera, avec la


vie, sa brillante fortune, à moins qu'il ne s'éloigne du
combat par peur de moi.

1468. 1469. Apprends, ô Vrishnien, que le très sot fils


de Dhritaràshtra sera tué, car le bruit seul que fait la
corde de mon arc contre la paume de ma main, est ca-
pable de vaincre cette multitude de cavaliers, ô domp-

LIVRE DE ÇALY^V 169

teur des ennemis; avance pour que je les tue. A ces


mots du glorieux (ils de Pàndou, le Daçarhien

1470. Poussa les chevaux contre l'armée de Douryo-


dhana, ô roi. Ayant examiné cette armée, les trois grands
guerriers munis de leurs armes,

1471. Bliimasena, Arjouna et Sahadeva, ô vénérable,


s'avancèrent en rugissant, animés du désir de tuer Dou-
ryodhana.

1472. Les voyant tous réunis l'arc levé, le Soubalide


courut combattre les Pàndouides qui attaquaient.

1473. Soudarçana, ton fils, s'avança contre Bhîmasena,


Souçarman et Çakouni combattirent contre (Arjouna) qui
porte un diadème.
1474. 1475. Ton fils (Douryodhana), monté sur un che-
val, alla contre Sahadeva, qu'il atteignit rapidement et
avec force d'un javelot dans la tête, ô maitre suprême
des hommes. Celui-ci, frappé par ton fils, s'afïaissa sur
le siège de devant du char,

1476. Tout le corps baigné de sang et ayant la respira-


tion sifflante comme celle d'un serpent. Puis, ô maître des
hommes, Sahadeva ayant repris ses esprits,

1477. Enflammé de colère, couvrit Douryodhana de


flèches aiguës. Le Prithide Dhananjaya, fils de Kountî,
déployant son héroïsme dans le combat,

1478. Coupait les têtes des héros montes sur leurs che-
vaux, et dispersait cette armée avec des flèches nom-
breuses.

1479. Après avoir abattu toute la cavalerie, il alla


contre les chars des Trigartes. Alors, les grands guer-
riers de cette nation, s'étant réunis,

1480. 1481. Couvrirent Arjouna et le Vasoudevide de

170 CHAPITRE XXVIII

pluies de traits. Le très glorieux fils de Pàndou, ayant


atteint Satyakarman d'une (flèche) kshourapra, coupa
le timon de son char, et, ô puissant, avec une (autre)
kshourapra aiguisée sur une pierre,

1482. Lui trancha la tète, ornée de sept anneaux


(d'or) ^^ roi, (le fils de Pàndou) se précipita dans la
bataille, (d'une manière qui faisait) ouvrir (de grands)
yeux à tous tes guerriers.

1483-1487. Semblable à un lion qui, dans les bois, désire


dévorer une gazelle, le Prithide, après avoir tué Satya-
karman et atteint Souçarman de trois flèches, détruisit
tous les chars ornés d'or. Le fils de Prithà se hâta de
s'avancer contre le roi de Phrasthala (Souçarman), en
exhalant le poison brûlant de sa colère, (qu'il avait tenu)
longtemps caché. Arjouna l'ayant couvert de cent traits,
frappa les chevaux de cet archer, ô excellent Bharatide.
Puis, disposant (sur son arc) une flèche pareille au bâton
d'Yama, il la décocha, comme en se jouant, à Souçar-
man. Ce trait, lancé par cet archer brûlant de colère,

1488. Ayant atteint Souçarman, lui perça le cœur, ô


grand roi. Ce (guerrier) ayant perdu la vie, tomba à terre,

1489, 1490. Réjouissant ainsi tous les Pândouides et fai-


sant, (en même temps), trembler les tiens. Après avoir tué
Souçarman dans la bataille, (le fils de Pàndou) envoya à
la mort, avec ses flèches, les quarante-cinq grands guer-
riers, ses fils. Ensuite, ayant tué tous ses suivants à l'aide

' de ses traits aigus,

1491, 1492. Le grand guerrier (Arjouna) marcha contre


ce qui restait de l'armée Bharatide dont (la plus grande,
partie) avait été tuée. Or, Bhima furieux, ô maître su-
prême des hommes, à l'aide de ses flèches, rendit, comme

LIVRE DE ÇALYA 171

en se jouant, ton fils Soudarçana invisible dans le com-


bat, et, plein de colère, lui enleva la tête du corps.

1493-1495. Tué par une kshourapra aiguë, il tomba en


avant, à terre. Ce héros étant mort, ses suivants entou-
rèrent Bhîma, en lançant des flèches de diverses sortes.
Mais alors Vrikodara couvrit ton armée, de tous côtés,
autour de lui, (d'une grêle) de traits aigus, dont le choc
était comparable à celui de la foudre dlndra, de sorte
qu'il la détruisit en un instant, ô excellent Bharatide.
1496. Cependant, quand ceux-là furent détruits, ô Bha-
ratide, les grands guerriers surintendants de l'armée,
assaillirent Bhîmasena et le combattirent.

1497-1500. Ce fils de Pàndou les couvrait tous de


flèches terribles. Et les tiens même, ô roi, environnaient
de toutes parts les grands guerriers Pândouides d'un
épais nuage de traits. Alors, tout fut confondu, les Pân-
douides désirant combattre contre leurs ennemis, et les
tiens (voulant résister aux) Pândouides dans la bataille.
En ce lieu, des guerriers, tués les uns par les autres, pleu-
rant ensemble leurs parents, tombèrent (morts) dans les
deux armées, ô roi.

CHAPITRE XXIX

MORT D'OULOÛKA ET DE ÇAKOUNI

Argument : Combat de Bhîma et de Sahadeva contre Çakouni et


Ouloûka. Description du champ de bataille. Fuite des soldats de
Çakouni. Douryodhana les rallie. Le combat se généralise. Mort
d'Ouloùka. Discours de Sahadeva. Mort de Çakouni. Fuite des
Kourouides. Joie des Pândouides.

1501. Sanjaya dit : Pendant qu'avait lieu le combat,


dans lequel les éléphants, les chevaux et les hommes
étaient détruits, Çakouni, fils de Soubala, se dirigea vers
Sahadeva, ô roi.

1502. Alors le majestueux Sahadeva envoya rapide-


ment à ce (guerrier), qui se précipitait (sur lui), une
multitude de flèches, comparable à des oiseaux au vol
rapide.

1503. Ouloûka atteignit, dans la bataille, Bhîma de dix


traits et Sahadeva de quatre-vingt-dix.

1504. roi, ces héros, s'étant attaqués réciproquement,


s'atteignirent de flèches aiguës, garnies de plumes de
paon et de vautour,

1505. A l'extrémité postérieure dorée, aiguisées sur


une pierre, lancées (en bandant l'arc de manière à ame-
ner la corde) contre l'oreille, ô maître des hommes. La
pluie des traits (envoyés) par leurs arcs et leurs mains

1506. 1507. Couvrait toutes les directions de l'horizon,

LIVRE DE ÇALYA 173

comme (reusseiit fait) les gouttes d'eau d'un nuage. Alors,


6 Bharatide, les deux très forts (héros) Bhîma et Saha-
deva, remplis de rage dans la lutte, parcoururent (le
champ de) bataille, en y détruisant tes soldats. Ils cou-
vrirent cette armée de centaines de flèches.

1508, 1509. L'air en était comme obscurci par places. La


voie était obstruée, çà et là, par les chevaux couverts de
traits, traînant de nombreux (guerriers) tués et aussi par
des cavaliers dont les chevaux avaient péri, ô maître
des hommes.

1510, 1511. vénérable, la terre, couverte de boucliers


brisés, de javelots coupés, de lances, de piques, d'épées,
de dards et de haches, parut comme bigarrée par des
fleurs, ô grand roi, les guerriers s'étant attaqués les uns
les autres en cet endroit,

1512-1514. Avec des yeux saillants de colère et des


bouches dont le creux des lèvres était serré. Couverte
de bras coupés ornés d'anneaux pareils à des filaments
de lotus, (bras) semblables à la trompe du roi des élé-
phants, garnis d'angadas (bracelets) (couverte aussi) de
corps sans tête dressés, revêtus de leurs armures, (tenant
encore) leurs épées, leurs javelots et leurs haches, et
d'autres (corps) en pièces, dansant, la terre, qui se rem-
plit d'une multitude d'animaux carnassiers, devint terri-
ble à voir, ô maître de la terre.

1515. Cependant, l'armée étant réduite à un petit


nombre (de tes soldats encore vivants), les Pândouides
eurent la joie d'expédier lesKourouides au séjour d'Yama.

1516. Pendant ce temps, le majestueux héros, fils de.


Soubala, frappa fortement, d'un javelot, à la tête, Saha-
deva

174 CHAPITRE XXIX

1517. (Qui), troublé, s'assit sur le siège de devant de


son char, et Bhîmasena, ayant vu Sahadeva (dans cet
état),

1518. Arrêta dans sa colère toutes les armées et, avec


ses nârâcas, détruisit (tes guerriers) par centaines et par
milliers, ô Bharatide,

1519. 1520. Et les ayant transpercés, le dompteur des


ennemis poussa un rugissement. Tous les suivants de
Çakouni, effrayés et rendus tremblants par ce cri, s'en-
fuirent avec leurs chevaux et leurs armes. Mais le roi
Douryodhana, les ayant vus en déroute, dit :

1521. Retournez-vous. Vous ne connaissez pas votre


devoir. A quoi bon fuir ? Établissez votre gloire ici-bas
et obtenez, après cette vie, les mondes (supérieurs).

1522. Celui qui meurt en combattant, en ne montrant


pas le dos, est un héros. Les suivants du Soubalide, ainsi
exhortés par le roi,

1523. 1524. Ne songeant plus à la mort (qui les mena-


çait), attaquaient les Pàndouides, ô Indra des rois. Ceux
qui prenaient part (à ce combat) faisaient un grand bruit,
semblable à celui de la mer agitée de toutes parts. Alors,
ayant devant (eux) les suivants du fils de Soubala,

1525. grand roi, les Pàndouides, prêts pour la vic-


toire, allèrent à leur rencontre, et, ô maître des hommes,
Sahadeva ayant repris ses sens,

1526. Ayant atteint Çakouni de dix traits et ses che-


vaux de trois, coupa, comme en se jouant, l'arc du Sou-
balide avec ses flèches.

1527. Mais Çakouni, enragé au combat, ayant pris un


autre arc, atteignit Nakoula de soixante (traits) et Bhî-
masena de sept.

LIVRE DE ÇALYA 175

1528. Ouloûka aussi, ô grand roi, atteignit Bhinia de


sept flèches, et, pour protéger son père dans le combat,
frappa Sahadeva de soixante-dix autres.

1529. Bhimasena l'atteignit de neuf flèches, (ainsi que)


Çakouni de soixante-quatre et ceux qui se tenaient sur
les côtés, chacun de trois.

1530. Frappés par Bhîmasena de flèches imbibées


d'huile, ceux-là. pleins de colère, couvraient, dans la
bataille, Sahadeva d'une pluie de flèches,

1531. 1532. Comme des nuages accompagnés d'éclairs


couvrent une montagne de gouttes d'eau. Alors le majes-
tueux Sahadeva enleva, avec une bhalla, la tête d'Ouloûka
qui arrivait (sur lui). Abattu par Sahadeva, il tomba de
son char à terre,

1533. Tout le corps baigné de sang, remplissant de joie


les Pândouides, dans la bataille. Mais alors, à la vue de
son fils tué, Çakouni,
1534. La voix pleine de sanglots, soupira, se rappelant
les paroles du kshattar (Vidoura). Ayant réfléchi un
instant, les yeux pleins de larmes,

1535. 1536. Il attaqua Sahadeva et l'atteignit de trois


flèches. Ayant, avec des flots de traits, écarté les flèches
(qui lui étaient) lancées, le majestueux Sahadeva coupa
l'arc (de son adversaire), ô Indra des rois. Alors Çakouni,
fils de Soubala, son arc étant brisé,

1537, 1538. Prit un glaive terrible et en frappa Saha-


deva, qui, ô maître des hommes, au moment où il arrivait
sur lui avec une force épouvantable, coupa en deux,
comme en se jouant, ce glaive à l'aspect terrible du Sou-
balide. A la vue de son épée coupée ainsi, (Çakouni),
ayant pris une grande massue,

12

176 CHAPITRE XXIX

1539-1541. La lança à Sahadeva, (mais) elle tomba à


terre, inutile. Alors, le fils de Soubala, irrité, brandit et
envoya contre le fils de Pàndou, une lance aussi terrible
que la nuit de la destruction du monde. Avec ses flèches
ornées d'or, Sahadeva, comme en se jouant, coupa en
trois morceaux cette (lance) dorée, qui volait rapidement
(vers lui), et qui, coupée en trois morceaux, tomba à
terre,

1542. Brillante comme un éclair (parti) du ciel. A la


vue de cette lance brisée et du Soubalide tourmenté par
la crainte,

1543. Tous les tiens, avec le fils de Soubala, s'enfuirent


pleins d'effroi. Les Pàndouides, fiers de leur victoire,
poussèrent de grands cris.
1544. Presque tous les Dhritarâshtrides avaient pris la
fuite. Les voyant sans cœur, le majestueux fils de Màdrî

1545. 1546. Les arrêta au moyen de plusieurs milliers


de flèches et attaqua, dans la bataille, le Soubalide qui
(avait l'habitude) d'aller à la victoire, protégé par les
Gândhàras et conduit par des chevaux (bien) nourris. Se
rappelant que (la victoire sur) Çakouni était la part (de
gloire qui lui était réservée),

1547. Sahadeva, sur son char aux parties d'or, s'appro-


cha (de lui). Ayant mis une corde à son grand arc,

1548. Il attaqua le fils de Soubala avec des flèches gar-


nies de plume de vautour et aiguisées sur une pierre.
Dans sa colère, il le frappa violemment, comme (on
frappe) un grand éléphant avec des aiguillons.

1549. L'ayant saisi, l'intelligent (fils de Pàndou) lui dit,


comme pour lui rafi'raîchir la mémoire : Sois ferme dans
le devoir des Kshatriyas, combats, sois un homme.

LIVRE DE ÇALYA 177

1550. insensé, contemple maintenant le fruit que


cette action (a porté). fou, tu t'es réjoui quand tu jouais
aux dés dans l'assemblée des rois.

1551. Ces méchants sont tués, qui jadis riaient de nous.


Douryodhana, le tison (brûlant) de sa race, est (seul) resté
(vivant) avec toi, son oncle maternel.

1552. Aujourd'hui, je te couperai la tête, que j'abattrai


avec mon sabre, comme un fruit qu'un bâton lancé fait
tomber d'un arbre.

1553. Après avoir ainsi parlé, ô grand roi, le très fort


Sahadeva, furieux comme un tigre dans la bataille, le
frappa rapidement.

1554. Le maître des guerriers, le très redoutable Saha-


deva, étincelant en quelque sorte de courroux, s'étant
approché, ayant déchargé son puissant arc,

1555. Ayant atteint Çakouni de dix (traits) et ses che-


vaux de quatre, et ayant coupé son parasol, son arc et
son étendard, rugit comme lion.

1556. Le Soubalide, dont l'arc, le parasol et l'étendard


avaient été coupés par Sahadeva, était très grièvement
blessé, dans toutes les parties vitales, par de nombreuses
flèches.

1557. Alors, ô grand roi, le majestueux Sahadeva


envoya encore à Çakouni une épouvantable pluie de
flèches.

1558. Mais alors le fils de Soubala, irrité, (essaya) de


broyer Sahadeva, fils de Màdrî, avec un javelot orné d'or.
Il se précipita à lui tout seul, (sur lui) en vue de le
tuer.

1559. Le fils de Màdrî coupa en même temps, avec trois


bhallas, ce javelot et les deux mains bien faites (qui

178 CHAPITRE XXIX

l'avaient) brandi, et poussa au milieu du champ de bataille


des cris rapides et retentissants.

1560. En outre, il enleva rapidement la tête du corps de


son adversaire, avec une bhalla bien disposée, à l'extré-
mité postérieure dorée, fortement ferrée et capable de
traverser tous les abris protecteurs.

1561. Le fils de Soubala tomba à terre, la tête coupée


par le fils de Pândou, au moyen de (cette) flèche bien
envoyée, garnie d'ornements d'or et brillante comme le
soleil.

1562. Ce fils de Pândou coupa, avec une flèche rapide,


à l'extrémité postérieure dorée, aiguisée sur une pierre,
la tète de l'auteur de la faute des Kourouides.

1563. A la vue de Çakouni gisant à terre, la tête cou-


pée, le corps baigné de sang, tes soldats, ayant l'esprit
égaré par la peur, s'enfuirent, leurs armes à la main,
dans toutes les directions,

1564. Dispersés, ayant la bouche sèche, inconscients,


tourmentés par la crainte, ayant leurs chars brisés, pour-
suivis par le bruit de Gândîva; les éléphants et les fan-
tassins (s'enfuirent) avec les Dhritaràshtrides.

1565. Alors, après avoir abattu Çakouni de son char, les


fils de Pândou, gais, très joyeux, soufflèrent dans leurs
conques, remplissant de joie leurs soldats ainsi que
Keçava.

1566. Et tous cinq, joyeux, saluèrent Sahadeva avec


respect, en lui disant : Grâce au ciel, le méchant (Ça-
kouni) et son fils ont été tués par toi dans la bataille.

NOTES RELATIVES AU LIVRE DE CALYA

1. Çloka 23. Le traducteur anglais, Protap Candra Roj', numérote


les Çlokas, dans chaque chapitre, mais son numérotage ne répond
que très imparfaitement à celui du texte. Nous en avons un exemple
ici, et le chapitre premier ne renferme, chez lui, que 54 çlokas, au
lieu de 56, que contient le texte de l'édition de Calcutta.

2. Çl. 26. Kaitava, que j'ai rendu par Kitavide (fils du joueur, du
trompeur, du fourbe), est le nom patronymique d'Ouloùka, fils de
Çakouni.

3. Çl. 31. Nous rencontrons pour la première fois le mot pr-abha-


draka, qui reviendra assez souvent. Bôhtlingk ne donne pour ce
mot que le sens de : très beau. Il semble désigner quelque chose de
déterminé, soit un grade militaire, soit un nom de peuple. C'était
l'opinion de M. Fauche, qui ne l'avait pas trouvé dans les diction-
naires dont il disposait. A son exemple, et comme l'a fait le traduc-
teur anglais, je le rendrai par le mot sanscrit même.

4. Çl. 45. Kshattar, homme de caste mêlée. Vidoura était, par le


sang, fils de Vyàsa, et par la loi, fils de Vicitravîrya ; mais sa mère
était une esclave.

5. Çl. 60. Le mot vajra veut dire : la foudre, les traits, les car-
reaux de la foudre d'Indra, c'est-à-dire quelque chose de très dur,
de très puissant. Par extension, on lui a fait désigner le diamant.
J'ai cru devoir conserver l'image qu'implique le mot sanscrit vraja.

6. Çl. 289. J'ai rendu l'épithète de àrunâm, donnée à la Sarasvati,


par l'adjectif Arounienne, parce que nous verrons plus loin que
cette rivière se réunit à l'Arounâ dans une circonstance déterminée.

7. Çl. 319. Çalya était l'oncle maternel des fils de Pândou, ou,
plus exactement, c'était le frère de la mère des deux jumeaux, Saha-
deva et Nakoula.

180 NOTES RELATIVES AU TITRE DE ÇALYA

8. Çl. 573. Au çloka 569, Bhoja a déjà tué les chevaux de Bhîma-
sena, et on ne voit nulle part que, depuis lors, Bhima ait pris d'au-
tres chevaux ou soit monté sur un autre char.

9. Çl. 787. Le texte porte : sâtvatâbhisrtam, attaqué par le Satva-


tide. Le mot sanscrit sâtvata est un terme générique, qui désigne
une chose, ou un homme appartenant à Krishna, ou un prince du
pays de Satvata, ou encore un membre de la race d'Yadou. Ici, ce
mot désigne le Satyakide Youyoudhâna, comme le traducteur an-
glais l'a parfaitement compris. Nous le verrons, au çloka 1102, dési-
gner aussi Kritavarman, qui était de la tribu d'Yadou.

10. Çl. 819. Au çloka 814, Youdhishthira avait désigné ses deux
frères, Sahadeva et Nakoula, pour être les gardiens des roues de
son char. Voici que, maintenant, il commet deux autres guerriers
pour remplir cette charge.

11. Çl. 825. Le traducteur anglais dit que le nominatif kurupum-


gavâs est une faute et qu'il faut un accusatif. J'ai adopté sa maniore
de voir; mais, au lieu de supposer un accusatif singulier en accord
avec mâdrarâjam, j'ai préféré un accusatif pluriel. Le texte contient
de nombreuses fautes d'impression, et il eut été trop long de les
signaler toutes. Mais cependant il est bon, je crois, de tenir compte
des probabilités. Le texte suppose la présence d'un â long, après le g,
et kurupurngavarn n'eut pas eu de signe de voyelle, après cette con-
sonne. En revanche, je ne vois pas la raison suffisante pour changer
tarasvinam en tarasvinas. Si, dans un autre texte, ce changement
existe, il donne un autre sens, voilà tout; mais l'épithète peut aussi
bien s'appliquer à Çalya qu'aux autres Kourouides.

12. Çl. 884. Youdhishthira, de même que son adversaire Douryo-


dhana, était un descendant de Kourou. Cependant, jusqu'ici, l'au-
teur a désigné par Kourouides, les partisans de Douryodhana, et par
Pàndouides, ceux des fils de Pândou.

Ici, il ne saurait y avoir de doute. Cette épithète désigne bien


Youdhishthira, et c'est à signaler. Il y en aura d'autres exemples,
quand, par sa victoire sur son ennemi, le fils aîné de Pândou sera
devenu le seul roi de la race de Kourou.

13. Çl. 916. Je ne vois pas bien ce que vient faire ici l'étendard
d"Indra dressé (indradhvaja ucchritas).

14. Çl, 959, Le texte porte : Çrutvâ ca nihatani Çalyam çalyapu-


tranca pîditarn. Ayant entendu dire que Çalya était tué et que le
fils de Çalya était écrasé. Le traducteur anglais a rendu çalyaputram
par Youdhishthira, Il a eu évidemment raison, car c'est de ce roi
LIVRE DE ÇALYA 181

qu'il s'agit, mais comme il n'était pas le fils de Çalya, qu'il n'était
même son neveu que parce que Mâdrî, seconde femme de Pàndou,
qui n'était pas la mère de Youdhishthira, était la sœur du roi de
Madra, je me demande s'il ne conviendrait pas de remplacer, dans
le texte, Çalyaputram par dharmaputram, le fils de Dharma, ce qui
ne change rien au mètre.

15. Çl. 10.39. Le texte porte : nânyâmakathayat kathâm. Je pense


qu'il faut lire akathayan, au lieu de : akathayat, et que l'auteur
veut dire que ces gens poussaient des cris, sans prononcer aucune
parole.

16. Çl. 1095. Nous avons vu, à la note 9, que le mot sâtvata était
un terme générique, ([ui désignait plusieurs guerriers. Ici il s'ap-
plique à Kritavarman. Au çloka 1102, nous verrons deux Satvatides,
qui sont : le même Kritavarman et Youyoudhâna.

17. Çl. 1116. Le mot mâdhava, Madhavide, désigne souvent


Krishna, soit parce qu'il avait tué le démon Madhou, soit parce
qu'il était de la tribu d'Yadou, dont un Madhou, autre que le
démon, fut un des successeurs. Ici, il désigne l'Yadouide Krita-
varman.

18. Çl. 1213. Le texte renferme un mot, pidya, qui ne me semble


pas pouvoir être autre chose qu'un gérondif en ya, sans préfixe.
Nous en trouverons encore deux ou trois autres exemples, dans le
livre de Çalya.

19. Çl. 1377. Le second demi çloka porte : aprcchan ksatriyâstatra


kva nu duryodhanah gatah. Comme le fils de Drona n'était pas un
Kshatriya, mais un brahmane, j'ai pensé qu'il fallait lire ksatriyâms
au lieu de ksatriyâs.

20. Çl. 1448. Le sens de ce çloka n'est pas bien clair. J'ai admis,
avec le traducteur anglais, que le Pancâla se tient ferme, avec les
Prabhadrakas ; mais on aurait aussi bien pu dire qu'il avait tué
l'armée de Douryodhanaet les Prabhadrakas.
21. Çl. 1465. Le itexte porte vetsanti, mais une note du traducteur
anglais dit que la vraie leçon est rotsyanti. Je m'y suis conformé.

22. Çl. 1482. Le traducteur anglais semble avoir eu entre les


mains un texte différent du mien, qui ne fait pas allusion à la mort
de Satyeshou, rapportée par Protap Candra Roy.

2.3. Çl. 1497. Le texte porte tâvakân. Cela doit être une faute
d'impression, et je pense qu'il faut lire tâvakà ; d'abord parce qu'il
est rationnel qu'en même temps qu'on tire sur eux, les soldats de
Dhritaràshtra rendent coup pour coup, et ensuite, parce qu'il faut

182 NOTES RELATIVES AU LIVRE DE ÇALYA

que le verbe paryavârayan ait un sujet au nominatif pluriel,


quoiqu'on puisse, à la rigueur, supposer un sujet sous-entendu, ils
pour on. Au reste, le traducteur anglais parait avoir eu la même
idée que moi.

MAHABHARATA
LIVRE DE ÇALYA

SECTION II, DE L'ENTRÉE DANS L'ÉTANG

CHAPITRE XXX

ARRIVÉE DE YOUYOUTSOU

Argument : Combat de Bhîmasena et d'Arjouna contre l'armée des


Gàndhàriens. Ruine de l'armée Kourouide. Douryodhana s'enfuit
à pied et sans suite. Captivité et délivrance de Sanjaya. Il rencontre
Douryodhana. Leur colloque. Douryodhana entre dans l'étang.
Arrivée de Kripa, de Kritavarman et du Dronide. On emmène les
princesses à la ville. Leurs lamentations. Youyoutsou, avec l'agré-
ment d'Youdhishthira, les accompagne. Son arrivée à la ville. Son
colloque avec Vidoura. Aspect désolé de Hastinapoura.

1567. Sanjaya dit : Alors, ô grand roi, les suivants du


fils de Soubala, pleins de colère, ayant fait le sacrifice de
leurs vies, entourèrent les fils de Pàndou (en poussant) de
grands cris.

1568. Arjouna, qui songeait à compléter la victoire de

184 CHAPITRE XXX

Sahadeva, et l'énergique Bhîmasena, semblable à un ser-


pent irrité, les attaquaient.

1569. A l'aide de Gàndîva, Dhananajya rendait vain le


désir de ceux qui, des lances, des épées, des javelots à
la main, voulaient tuer Sahadeva.

1570. Bîbhatsou coupa, avec des bhallas, les bras qui


venaient de saisir leurs armes, des guerriers qui accou-
raient; il (coupa) aussi leurs têtes et (tua) leurs chevaux.

1571. Tués, ils tombaient à terre, ayant perdu la vie


sous les coups de l'ambidextre, le héros du monde, (qui
les avait) frappés.

1572. 1573. Alors le roi, flls de Dhritarâsthra, irrité à


la vue de la destruction de son armée, ayant rassemblé
de tous côtés la multitude des chars, les éléphants, les
chevaux et les fantassins qui restaient, les autres ayant
été tués, dit ces paroles à tous ceux (qu'il avait) réunis :

1574. Revenez rapidement, après avoir attaqué tous


les fils de Pàndou avec les troupes qui forment leur
armée. Tuez aussi le Pâncàla avec son armée.
1575. Ces (hommes) enragés au combat, ayant reçu ses
paroles avec une inclination de tête, se jetèrent sur les
fils de Prithà, d'après les ordres de ton fils.

1576. Les fils de Pàndou couvraient de flèches sem-


blables à des serpents, ces restes (de ton armée dont les
autres combattants) avaient été tués, qui les attaquaient
sans tarder.

1577. excellent Bharatide, cette armée fut détruite


en un instant par les magnanimes (Pàndouides). Quand
elle fut entrée dans la bataille, elle ne trouva pas de
protecteur.

1578. 1579. En se présentant (au combat), la crainte

LIVRE DE CAL Y A 185

l'empêcha de se tenir ferme et groupée. On ne distinguait


plus (sur le champ) de bataille les points cardinaux ni
les espaces intermédiaires, les chevaux courant de tous
côtés, entourés de poussière par (les mouvements de)
Farmée. Cependant, de nombreux guerriers, s'étant glis-
sés hors de l'armée Pàndouide,

1580. Attaquaient presque aussitôt les tiens, ô Bhara-


tide. Alors, ô descendant de Bharata, ton armée fut com-
plètement détruite.

1581. Bharatide, ces onze armées complètes, rassem-


blées dans l'intérêt de ton fils, furent détruites dans (leur)
combat (contre) les Pândouides et les Srinjayas, ô roi.

1582. Parmi ces milliers de rois tués, (qui étaient) tes


(partisans), le seul Douryodhana, grièvement blessé, était
vu (encore vivant).

1583. 1584. Ayant inspecté tout l'horizon, ayant vu la


terre dégarnie (de soldats), ayant contemplé les fils de
Pàndou joyeux et réussissant dans (leurs) combats, de
tous côtés, ayant même entendu les cris et le bruit des
flèches de ces magnanimes, privé de tous ses soldats,

1585. Dépourvu d'armée et de moyens de transport,


Douryodhana, ô grand roi, envahi par la peur, songea
à fuir.

1586. Dhritarâshtra dit : Mon armée étant complète-


ment exterminée et le camp entièrement détruit, que
restait-il de l'armée des fils de Pàndou?

1587, 1588. Je te le demande, ô Sanjaya. Dis-le moi, car


tu es habile ; (dis-moi aussi) ce que fit, dans sa folie, mon
fils Douryodhana, quand ce roi fut seul et qu'il eut vu la
destruction de l'armée.

1589, 1590. Sanjaya dit : roi, la grande armée des fils

186 CHAPITRE XXX

de Pândou était réduite à deux milliers de chars, sept


centaines d'éléphants, cinq mille chevaux et cent cen-
taines de fantassins. Dhrishtadyoumna, ferme dans le
combat, l'avait réunie autour de lui.

1591. le plus grand des Bharatides, le roi Douryo-


dhana (était) alors seul ; le meilleur des maîtres de char
ne se voyait pas un seul compagnon, sur (le champ de)
bataille.

1592. Le maître de la terre, (resté) seul, ayant vu la


destruction de son armée et ses ennemis rugissants,
ayant même vu, ô grand roi,

1593. 1594. Son propre cheval tué, l'abandonna, tourna


le dos et s'enfuit (droit) devant toi. L'énergique roi Dou-
ryodhana, maître de onze armées complètes, (réduit à
l'état de) fantassin, alla vers l'étang, après avoir pris sa
massue. Alors, ô maître des hommes, ne s'étant pas éloi-
gné beaucoup.

1595. Il se rappela les paroles du sage kshattar (Vi-


doura) habitué (à remplir ses) devoirs. (Il pensa) : Le
grand sage Vidoura avait assurément prévu ce (qui est
arrivé).

1596. Dans la bataille, il se fera un grand massacre des


nôtres et des Kshatriyas (me dit-il). En réfléchissant ainsi,
le roi se préparait à entrer dans l'étang,

1597. Le cœur brûlé de chagrin à la vue de la destruc-


tion de l'armée, ô roi. Mais les Pàndouides, ayant Dhrish-
tadyoumna à leur tête, ô grand roi,

1598, 1599. Pleins de colère, couraient contre ton armée.


Au moyen de Gândîva, Dhananjaya rendait vains les
désirs que tes troupes rugissantes, armées de lances,
d'épées et d'épieux, (pouvaient conserver de remporter

LIVRE DE ÇALYA 187

la victoire). Les ayant tuées avec des flèches aiguës,


ainsi que leurs parents et leurs amis,

1600. Arjouna, se tenant sur son char attelé de che-


vaux blancs, brillait d'un grand éclat. Le fils de Soubala
étant tué, avec les chevaux, les chars et les éléphants,

1601. Ton armée était comme un grand bois (que l'on


a) coupé. Dans l'armée de Douryodhana, contenant (jadis)
plusieurs centaines de mille (hommes),

1602. On ne voyait vivant aucun autre grand guerrier


que le héros fils de Drona, Kritavarman,
1603. Le Gotamide Kripa et le prince ton fils, ô roi. En
me voyant avec le Satyakide, Dhrishtadyoumna dit :

1604. Pourquoi avoir fait celui-ci prisonnier? Il n'y a aucun


avantage à (le laisser) vivant. Le grand guerrier petit-fils
de Çini, entendant ces paroles de Dhrishtadyoumna,

1605. Leva un glaive tranchant et se prépara à me


tuer. Le grand sage Krishnadvaipâyana s'approcha de
lui en disant :

1606. Que Safijaya vive et soit délivré. Il ne faut en


aucune façon le tuer. Le petit-fils de Çini ayant entendu
ces paroles de Dvaipâyan et fait l'ànjali,

1607-1609. Me lâcha, (en exécution) de cet (ordre), et


(me) dit : C'est bien, va-t-en, ô Safijaya. Pour moi, sans
armes, ayant déposé mon armure et pris congé de lui,
(le corps) baigné de sang, je me dirigeai, (quand) le soir
(fut venu), vers la ville, (en vertu) de cette permission.
roi, je vis le roi Douryodhana grièvement blessé, se
tenant seul, la massue à la main, éloigné de la distance
d'un kroça. (Quant à) lui, les yeux pleins de larmes, il ne
pouvait pas me voir.

1610. Quand il m'aperçut me tenant ainsi (immobile)

188 CHAPITRE XXX

avec tristesse, il me regarda. Moi aussi je le voyais, pleu-


rant et seul, sur le champ de bataille.

1611. Pendant un instant, il ne put pas me parler, à


moi qui (de mon côté étais) dévoré de chagrin. Alors, je
lui racontai tout ce qui concernait ma captivité,

1612. Ma délivrance, et comment la vie m'avait été


accordée, grâce àDvaipàyana. Après avoir réfléchi un
instant et repris conscience (de lui-même),

1613. 11 m'interrogea sur ses frères et sur toutes les


armées . Je lui racontai tout (ce qui était arrivé, et dont
j'avais été) témoin oculaire :

1614. Tous tes frères sont tués, l'armée est détruite.


Trois de tes chars existent encore, ô maître suprême des
hommes (lui dis-je).

1615. Voilà ce que me dit Krishnadvaipàyana au mo-


ment de mon départ. Ayant longtemps soupiré et m'ayant
regardé à plusieurs reprises,

1616. Ce (prince), ton fils, me toucha de la main et me


dit : Nul autre que toi ne survit au combat, ô Sanjaya.

1617. Je n'en vois pas un second ici-bas, (de mon côté),


et les fils de Pândou sont réunis à leurs compagnons.
Sanjaya, tu peux dire au roi, au maître aveugle :

1618-1620. Douryodhana ton fils, entré dans l'étang,


(parla) ainsi : Quel est donc celui qui, placé dans ma po-
sition, pourrait vivre, privé de tels amis, de ses fils, de
ses frères, et la royauté venant de lui être enlevée par
les fils de Pândou? Tu peux lui dire tout cela et (lui ap-
prendre) que, échappé vivant, (mais) grièvement blessé
dans la grande bataille, (je me suis) caché dans un étang.
Puis, ayant ainsi parlé, il entra dans ce grand étang, ô
puissant.

LIVRE DE ÇALYA 189

1621-1623. Le roi solidifia l'eau par un charme magique.


Quand il fut entré et (que je fus) resté seul, je vis les
trois chars du héros Çaratvatide Kripa, du fils de Drona,
le meilleur des maitres de chars, et de Boja Kritavar-
man, qui, réunis, blessés de flèches, leurs chevaux fatigués,
s'approchaient de ce côté. M'ayant aperçu, ils pous-
sèrent rapidement leurs chevaux.

1624. Ils me dirent, quand ils se furent approchés de


moi : Grâce au ciel, tu es vivant, ô Sanjaya. Puis tous
m'interrogèrent sur le roi ton fils.

1625. Peut-être, ô Sanjaya, (me dirent-ils), Douryodhana,


notre roi, vit-il (encore). Je leur appris que le roi était sauf.

1626. Je leur rapportai tout ce que Douryodhana m'avait


dit et je leur indiquai même l'étang où il était entré.

1627. Açvatthàman, ô roi, ayant entendu le récit que


je venais de faire et vu le grand étang, exhala ses plaintes.

1628. Hélas, (dit-il), ce roi ne sait pas que nous vivons,


car, réunis à lui, nous sommes (encore) capables de com-
battre les ennemis.

1629. Ces trois grands guerriers, excellents maitres de


chars, après s'être lamentés longtemps en ce lieu, ayant
aperçu les fils de Pândou sur (le champ) de bataille,

1630. Me firent monter sur le char bien orné de Kripa.


Et les trois chars, seuls restes de ce qui avait été détruit,
se dirigèrent vers le campement de l'armée.

1631. Le soleil était couché. Les troupes épouvantées


pleuraient, parce qu'elles avaient appris que tes fils
étaient tués,

1632. Alors, ô grand roi, des hommes vieillis dans


(l'occupation de) protéger les femmes, prirent les épouses
du roi et s'avancèrent vers la ville.
190 CHAPITRE XXX

1633. On entendit en ce lieu un grand bruit, (causé) par


ces femmes qui pleuraient et se lamentaient, en appre-
nant la ruine de l'armée.

1634. Alors, ces jeunes femmes, ne cessant de pleurer,


pareilles à des orfraies femelles, faisant résonner de
leurs cris le sol de la terre,

1635. Ou bien se frappaient la tête, ou bien, pleurant,


de tous côtés, s'arrachant les cheveux, avec les mains et
les ongles,

1636. Elles poussaient des cris de : Ah! Ah! et, affligées,


se frappant la poitrine, pleuraient et se lamentaient, ô
maître des hommes.

1637. Alors, les gens de la maison de Douryodhana,


malades de terreur, ayant des larmes dans la voix,
s'avancèrent vers la ville, emmenant les épouses du roi.

1638. 1639. Les portiers, leur baguette professionnelle


à la main, ayant pris des lits brillants, (ornés) de couver-
tures précieuses, s'en retournèrent rapidement à la ville
protectrice des hommes, ô maître des hommes. D'autres
aussi, montés sur des chariots de guerre attelés de mules,

1640, 1641. Ayant pris leurs propres épouses, s'avan-


cèrent vers la ville. O grand roi, les hommes qui y
allaient virent ces belles femmes que, naguère, le soleil
même ne voyait pas dans leurs demeures, ô excellent
Bharatide.

1642-1644. Elles s'en allèrent rapidement à la ville,


ayant leurs maris et leurs parents tués. Les hommes,
jusqu'aux bergers, (qui s'enfuyaient loin) de leurs trou-
peaux, (laissés ainsi) sans gardiens, coururent (aussi)
vers la ville, se regardant les uns les autres, tourmentés
par la terreur (que leur inspirait) Bhimasena, et ayant

LIVRE DE ÇALYA 191

aussi une crainte violente et terrible des (autres) fils de


Pritlià. Pendant que cette pénible fuite avait lieu,

1645. Youyoutsou, l'esprit égaré par le chagrin, réflé-


chissait aux circonstances présentes, (en disant) : Dou-
ryodhana est vaincu dans les combats par les fils de
Pàndou à l'héroïsme terrible.

1646. Le maitre des onze armées complètes et ses


frères ont été tués dans la bataille, ainsi que les Kou-
rouides qui avaient Bhîshma et Drona pour conducteurs.

1647. Mais moi seul, j'ai échappé par hasard, et grâce


au destin. Tous les (soldats qui étaient dans les) camps,
éparpillés de toutes parts,

1648. S'enfuient çà et là, ayant leurs chefs tués et


leur gloire anéantie, par un malheur qu'ils n'ont pas su
prévoir, et les yeux troublés par la crainte,

1649. Scrutant les dix directions de l'horizon comme


des gazelles effarées. Les quelques compagnons de Dou-
ryodhana qui survivent,

1650. Ayant pris avec eux les épouses du roi, se sont


avancés vers la ville. Je crois, ô roi, que le moment est
venu d'y aller aussi.

1651. Ayant imploré Youdhishthira et Bhîmasena, le


grand guerrier leur fit part de ce dessein à tous les deux.

1652. Le roi, toujours compatissant, y donne son appro-


bation. Le guerrier aux grands bras congédia le fils de
la Vaiçyà après l'avoir embrassé.
1653. Alors celui-ci, étant monté sur son char, poussa
rapidement les chevaux et fit conduire les épouses du
roi vers la ville,

1654. Et, ayant des larmes dans les yeux et dans la


voix, accompagné de ceux (qui conduisaient les épouses

13

192 CHAPITRE XXX

du roi), se hâta d'entrer dans Hastinapoura, au moment


du coucher du soleil.

1655. Il vit le très sage Vidoura qui, les yeux pleins de


larmes, Tesprit dévoré de chagrin, s'était éloigné du voi-
sinage du roi.

1656. (Vidoura) véritablement ferme lui dit, comme il


se plaçait devant lui et le saluait : Grâces au ciel, tu es
vivant, ô mon fils, après avoir assisté à cette ruine de
Kourou.

1657. Comment es-tu venu ici sans que le roi revienne


avec toi? Fais m'en connaître en détail tous les motifs.

1658. Youyoutsou dit : Çakouni ayant été tué avec ses


amis, son fils et ses parents, le roi Douryodhana, dont le
reste de la suite avait péri,

1659. A abandonné son cheval, a tourné le dos et s'est


enfui de peur. Quand le roi a été parti du quartier général,

1660. 1661. Tout (le monde), que la terreur bouleversait,


courait vers la ville. Les surintendants du harem, ayant
fait monter sur des voitures les épouses du roi et de ses
parents, se sont enfuis de peur. Ayant demandé congé au
roi (Youdhishthira, qui était) avec Keçava,

1662. Je suis rentré dans Hastinapoura pour protéger


les fuyards. En entendant ces paroles prononcées par le
fils de la Vaiçyà,

1663. Vidoura, à l'âme incomparable, connaissant tous


les devoirs, prêta considération à tout ce qui était arrivé
et dit ces mots à Youyoutsou :

1664. Dans cette destruction des Bharatides, tout ce


qui est arrivé est en ta faveur. La compassion que tu as
(montrée), a satisfait aux devoirs (que tu avais envers ta)
famille.

LIVRE DE ÇALYA 193

1665. Grâce au ciel (nous), les sages, nous t'avons con-


sidéré comme (notre) soleil (quand tu es) arrivé à la ville,
(en venant) de ce combat qui effraie les héros.

1666. Tu es le bâton (de vieillesse) du roi aveugle,


(vieillard) cupide, manquant de prévoyance, souvent
averti et dont l'esprit, qu'un destin (jaloux) avait égaré,
(n'a pas su écouter les conseils qui pouvaient le sauver).

1667. Toi seul, ô mon fils, tu survis au malheur qui l'a


atteint de toutes parts. (Après t'être) reposé ici, tu visi-
teras demain le roi Youdhishthira.

1668-1671. Après cette rencontre avec Youyoutsou,


(dans laquelle), les yeux pleins de larmes, il avait ainsi
parlé, Vidoura entra dans la demeure du roi, où les cita-
dins et les villageois criaient à tue tète : Ah ! Ah ! malheur !
(palais) sans joie, dont le bonheur était parti, pareille à
un séjour dont les jardins sont anéantis ; paraissant vide
et déchue de sa puissance. Vidoura, qui connaissait tous
les devoirs, l'esprit égaré, plus malheureux que le malheur
même, ô roi, entra dans la ville en soupirant sans bruit.
Youyoutsou (y entra) aussi et habita pendant cette nuit
dans son appartement.

1672. Très affligé, réfléchissant que les Bharatides


avaient mutuellement causé leur ruine complète, il ne
consentit pas à recevoir les salutations des siens.

CHAPITRE XXXI

RECHERCHE DE DOURYODHANA

Argument : Les vainqueurs cherchent Douryodhana pour le tuer.


Les trois Kourouides le cherchent aussi, le rencontrent, et l'excitent
à combattre de suite ; mais il s'y refuse. Il est découvert par les
chasseurs de Bhîmasena qui reviennent en donner la nouvelle au
camp. L'armée Pàndouide se dirige vers l'étang. Les trois Kou-
rouides prennent congé de Douryodhana.

1673. Dhritarâshtra dit ; Sanjaya, quand tous les sol-


dats eurent été tués sur le champ de bataille par les fils
de Pàndou, que firent les restes de mon armée,

1674. (Que firent) Kritavarman, Kripa et l'héroïque fils


de Drona? que fit alors Douryodhana, ce roi à l'âme fai-
ble?

1675. Safijaya dit : Après la fuite des épouses des ma-


gnanimes Kshatriyas, le camp étant vide et (ses occupants)
dispersés, les trois (maîtres de) chars, extrêmement
efifrayés,

1676-1679. Entendant la voix des fils de Pàndou, qui


(certainement), alors, (étaient) victorieux, voyant le camp
détruit, ne s'y établirent pas ; mais le soir étant venu,
(poussés par) le désir de voir le roi, ils se dirigèrent vers
l'étang. Le vertueux Youdhishthira aussi, désireux de
tuer Douryodhana, allait de côté et d'autre, accompagné
au combat par ses frères. Irrités, désirant la victoire.

LIVRE DE ÇALYA 195

cherchant ton fils, ils ne (purent) pas apercevoir le roi,


(malgré) le soin (qu'ils apportèrent) à leurs recherches,
parce que celui-ci s'éloignait avec une grande vitesse, la
massue à la main,

1680. Et entrait dans cet étang dont il solidifiait les


eaux par un charme magique. Mais, quand tous les Pàn-
douides, dont les chevaux étaient bien fatigués,

1681. S'arrêtèrent, après avoir atteint leur camp avec


leurs soldats, alors, Kripa, le fils de Drona, et le Satvatide
Kritavarman

1682. Allèrent doucement vers cet étang, après que les


fils de Prithà se furent arrêtés. S'étant approchés de cet
étang où le roi reposait,

1683. Ils dirent à (ce) roi, à l'abord terrible et qui se


tenait dans l'eau : roi, lève-toi, combats avec nous
Youdhishthira,

1684. Ou bien sois victorieux et possède la terre, ou


bien si tu es tué, monte au Svarga. Toute leur armée
aussi a été détruite par toi, ô Douryodhana,

1685. 1686. Et, blessés pour la plupart, les soldats qui


se trouvent (encore) ici, ne sont pas capables de suppor-
ter ton impétuosité, ô maître des hommes, lorsque tu
seras protégé par nous. Lève-toi donc, ô Bharatide.

1687. Douryodhana dit : Grâce au ciel je vous vois,


vous, les plus excellents des hommes, échappés à une
telle destruction de héros, (sortis) vivants de la guerre
entre les Pàndouides et les Kourouides.
1688. Quand nous serons tous reposés, et que notre
fatigue sera dissipée, nous serons victorieux, (mais) nous
sommes (maintenant) grièvement blessés et (très) fatigués,

1689. (Tandis que) leur armée est excitée par sa (vie-

196 CHAPITRE XXXI

toire). C'est pourquoi je ne me décide pas pour le combat.


Cependant votre grand courage ne me surprend pas .

1690, 1691 .Votre zèle pour nous est extrême, mais ce n'est
pas le moment de (montrer de) l'héroïsme. Quand j'aurai
consacré une nuit au repos, accompagné par vous au com-
bat, je combattrai les ennemis, je n'en fais aucun doute.

1692. Sanjaya dit : Quand il eut entendu ces paroles,


le Dronide dit au roi enragé au combat : Lève-toi, s'il te
plaît, nous vaincrons les ennemis.

1693. roi, je jure par mes droits aux récompenser


célestes, par les dons (que j'ai faits), par la vérité et par
la victoire , que je vaincrai aujourd'hui les Somakas *.

1694. Certes, que je ne ressente pas la satisfaction que


les combats procurent aux gens valeureux, si, pendant
cette nuit, je ne tue pas les ennemis dans la bataille.

1695. Je ne déposerai pas ma cuirasse sans avoir tué


tous les Pàncâlas, ô puissant. C'est une vérité que je dis,
entends-la de ma bouche.

1696. Pendant qu'ils conversaient ainsi, des chasseurs,


fatigués du poids de leur gibier, se dirigèrent, par hasard,
vers cet endroit, pour boire (dans l'étang) .

1697. grand roi, ces chasseurs apportaient continuel-


lement, et avec le plus grand zèle, le produit de leur
chasse à Bhîmasena, ô puissant.

1698, 1699. Se trouvant là, ils entendirent toute la con-


versation secrète de ces (guerriers), ainsi que les
réponses de Douryodhana. Ces grands archers, réunis,
insistaieat très vivement auprès du Kourouide pour le
décider à un combat qu'ils désiraient, et dont, lui, ne
voulait pas (entendre parler).
1700. Ayant ensuite considéré ces grands guerriers.

LIVRE DE ÇALYA 197

ainsi que le roi qui se trouvait dans l'eau et qui n'avait


pas le cœur au combat,

1701. Et ayant entendu leur conversation avec le roi


plongé dans l'étang, les chasseurs reconnurent Douryo-
dhana qui se tenait sous les eaux.

1702. Avant de s'approcher accidentellement de ton


fils, ils avaient été interrogés par le fils de Pândou qui
cherchait le roi.

1703. Alors, ô roi, se rappelant les paroles du fils de


Pândou, les chasseurs de gazelles se dirent à voix basse
les uns aux autres :

1704. Le Pândouide nous enrichira quand nous lui


montrerons Douryodhana, car nous voyons ce roi dans
l'étang, sans être remarqués (de lui).

1705. Aussi, nous allons tous aller là où se trouve le roi


Youdhishthira, lui raconter que l'impatient Douryodhana
est caché dans l'étang.

1706. Nous dirons tous à ce sage archer Bhîmasena,


que le fils de Dhritaràshtra repose dans l'eau.
1707. Il sera très content, et nous donnera de grandes
richesses. Qu'avons-nous besoin de ce gibier, (obtenu)
sans profit, au prix de fatigues qui nous dessèchent !

1708. Ayant ainsi parlé, ces chasseurs, très satisfaits,


avides des richesses (qu'ils espéraient recevoir), re-
prirent leurs charges de viande et revinrent au camp.

1709. grand roi, les guerriers Pàndouides, habiles à


atteindre leur but, ne voyant pas Douryodhana sur le
(champ de) bataille,

1710. Désireux d'en finir avec les fourberies de ce


méchant, envoyèrent des espions de tous côtés sur le
champ de bataille.

198 CHAPITRE XXXI

1711. Mais tous ces soldats de Dharmarâja, (ainsi


envoyés), étant revenus, firent connaître que Douryo-
dhana avait disparu,

1712. En entendant ce rapport des espions, ô le meil-


leur des Bharatides, le prince éprouva un souci violent et
soupira.

1713-1715. Mais, ô puissant, pendant que les Pân-


douides étaient tristes, (d'être sans nouvelles de leur
ennemi), les chasseurs, partis de cet (étang), vinrent en
toute hâte au camp, joyeux d'avoir vu le roi Douryo-
dhana. Etant entrés dans le camp sous les yeux de Bhima-
sena, (quoiqu'on voulût les en) empêcher, ils s'appro-
chèrent de ce très fort fils de Pândou et lui dirent tout
ce qui était arrivé, et où ils l'avaient appris.

1716. Alors, ô roi, Vrikodara, le tourmenteur des


ennemis, leur fit de riches dons et raconta tout ce qu'ils
lui avaient appris à Dharmarâja,
1717. roi, (dit-il), ce Douryodhana, au sujet duquel tu
es tourmenté, a été reconnu par mes chasseurs. Il
repose dans de l'eau qu'il a solidifiée.

1718. maître des hommes, en apprenant cette


agréable nouvelle de (la bouche de) Bhîmasena, Ajàtaça-
trou, fils de Kountî, se réjouit avec ses frères.

1719. Ayant appris que ce grand archer, (ton fils), était


entré dans l'eau, il se hâta de se diriger vers l'étang,
précédé de (Krishna) Janârdana (le tourmenteur des hom-
mes).

1720. Alors, ô roi, les Pândouides et les Pâncâlas,


remplis de joie, entonnaient de tous côtés le cri (de
guerre) de Kilâkila.

1721. Ils poussèrent alors des rugissements et des cris

LIVRE DE ÇALYA 199

de carnage, ô excellent Bharatide. Les Kshatriyas se


hâtèrent d'aller à l'étang Dvaipâyana.

1722. Pleins de joie, les Somakas criaient à haute


voix, et à plusieurs reprises, sur (le champ de) bataille :
« Le méchant Dhritarâshtride a été vu et reconnu. »

1723. Le bruit de ces chars rapides, qui se dirigeaient


vers ce lieu avec vitesse, devint tumultueux et monta
jusqu'au ciel, ô maître de la terre.

1724-1727. Quoique leurs équipages fussent fatigués,


Arjouna, Bhîmasena, les deux Pàndouides fils de Mâdrî,
Dhrishtadyoumna le Pàncâla invaincu, Çikhandin, You-
dhamanyou, Outtamaujas, le grand guerrier Satyakide,
ce qui restait des Pàncàlas, et les fils de Draupadî, ô
Bharatide, ainsi que tous les chevaux, les éléphants et
les fantassins par centaines, se hâtèrent de suivre You-
dhishthira, cherchant Douryodhana de cotés et d'autres,
ô roi. Puis, ô grand roi, le majestueux Dharmaràja arriva

1728. Au terrible étang Dvaipâyana, à l'eau froide et


limpide, beau comme une seconde mer, dans lequel se
tenait Douryodhana,

1729. Là où, ayant solidifié l'eau par la magie, ton fils


s'était placé d'une manière merveilleuse, d'après les
décrets du destin, ô Bharatide.

1730. Puissant, le roi, qu'il est difficile à tout homme


d'affronter, y repose, la massue à la main, plongé à l'inté-
rieur de l'eau, ô Indra des hommes.

1731. Alors le roi Douryodhana, demeurant enfoncé


sous les eaux, entendit le bruit tumultueux, pareil à
celui d'un nuage orageux, (que faisaient les ennemis qui
arrivaient pour le combattre).

1732. Or, ô Indra des rois, désireux de tuer ton fils,

200 CHAPITRE XXXI

Youdhishthira, accompagné de ses frères, vint à cet


étang, ô grand roi,

1733. Avec un grand bruit, (produit) par le son des


conques et les roues des chars, soulevant une poussière
épaisse et faisant trembler la terre.

1734. En entendant le bruit de l'armée de Youdhish-


thira, les grands guerriers Kritavarman, Kripa et le fils
de Drona, dirent au roi :

1735. Bharatide, qu'il nous soit permis de nous en


aller, car les Pândouides, joyeux, fiers de leur victoire,
s'approchent (d'ici).

1736. Douryodhana, entendant ce que lui disaient ces


(hommes) énergiques et ayant répondu : « soit ! » soli-
difia cet étang par un charme magique, ô roi.

1737. Cependant, ayant obtenu la permission du roi,


ces guerriers à chars, Kripa en tête, s'éloignèrent, (le
cœur) rempli de chagrin, ô grand roi.

1738. Quand ils eurent parcouru une longue route, ô


vénérable, ils virent un figuier indien (au pied duquel)
ils se couchèrent, très fatigués, et songeant au roi, (ils
faisaient les réflexions suivantes) :

1739. Le très fort Dhritarâshtride (s'est) endormi


après avoir solidifié l'eau, et les Pândouides (sont) arrivés
en ce endroit pour combattre.

1740. Comment le combat aura-t-il lieu? Qu'adviendra-


t-il du roi ? Comment les fils de Pândou arriveront-ils à
rencontrer le Kourouide ?

1741. Cependant ces guerriers, Kripa en tête, s'arrê-


tèrent en ce lieu, en réfléchissant ainsi, après avoir
détaché les chevaux des chars.

CHAPITRE XXXII

MENACES ADRESSÉES A DOURYODHANA

Argument : Les Pàndouides, arrivés à l'étang, constatent la ruse de


Douryodhana. Conversation de Dharmaràja et de Krishna. Con-
versation de Dharmaràja et de Douryodhana.

1742. Sanjaya dit : Après que ces trois chars furent


partis, les Pàndouides arrivèrent à cet étang, où se trou-
vait Douryodhana.
1743. Et, ô le meilleur des Kourouides, s'étant appro-
chés de l'étang Dvaipàyana et ayant vu cet asile humide
solidifié par le Dhritarâshtride,

1744. Le descendant de Kourou dit ces paroles au Va-


soudevide : Vois cet enchantement appliqué aux eaux
par le fils de Dhritarâshtra.

1745. Il n'a rien à craindre de la part des hommes, car


il repose au sein de ces eaux où il s'est plongé et qu'il a
solidifiées. Il a fait cet enchantement

1746. Par fourberie. Je ne laisserai pas aller vivant ce


maître trompeur, quand bien même le porteur de la
foudre l'assisterait dans le combat.

1747. Et ainsi le monde le verra tué, ô Madhavide.

1748. Le Vasoudcvide dit : Bharatide, triomphe par


la magie de cet enchantement du trompeur (Douryo-
dhana). Le fourbe doit être tué par ruse. Voilà la vérité,
ô Youdhishthira.

202 CHAPITRE XXXII

1749. le plus grand des Bharatides, triomphe de


Douryodhona à l'âme artificieuse, en employant la magie,
dans les eaux, par des moyens artificieux.

1750. Les daityas et le dânavas furent tués par Indra


par des moyens artificieux. Bali fut tué par le magna-
nime (Çakra) par de nombreux procédés artificieux.

1751. Le grand asoura Hiranyâksha ainsi qu'Hiranya-


kaçipou furent détruits par magie à l'aide de nombreux
procédés artificieux.

1752. Il n'est pas douteux que Vritra fut tué par des
moyens magiques, ainsi que le rakshasa appelé Râvana,
descendant de Poulastya,

1753. Mis à mort par Râma avec sa postérité et ses sui-


vants. Toi aussi, sois victorieux par les moyens artifi-
cieux de la magie.

1754. Le grand daitya Tàraka et l'héroïque Vipraciti


furent jadis tués par moi par des procédés artificieux, ô
roi.

1755. (L'oiseau) Vàtâpa, Ilala, Triciras (quia trois têtes),


ô puissant, les deux asouras Sounda et Oupasounda,
furent détruits à l'aide seulement d'artifices.

1756. puissant, les procédés artificieux sont efficaces ;


il n'y a rien au-dessus d'eux, ô Youdhishthira, c'est à eux
qu'Indra doit de posséder le troisième ciel.

1757. Les daityas, les dânavas, les rakshasas et les


princes, ont été détruits par des procédés artificieux. Em-
ploie donc des moyens artificieux.

1758. 1759. Sanjaya dit : Après avoir entendu ces pa-


roles du Vasoudevide, le Pândouide, fils de Koûnti, ferme
dans ses promesses, ô grand roi, s'adressa en souriant,
ô Bharâtide, à ton très fort fils qui se tenait dans l'eau

LIVRE DE ÇALYA 203

(et lui dit) : Souyodhona, quel est le but de ce que tu


as accompli dans (ces) eaux?

1760. Après avoir fait tuer toute la caste des Ksha-


triyas et ta propre race, ô maître des hommes, te voilà
maintenant réfugié dans un asile humide, pour sauver ta
propre vie.
1761. Lève-toi, ô roi, combats contre nous, ô Souyo-
dhana; que sont devenus ton orgueil et ton arrogance, ô
le meilleur des hommes,

1762. Toi qui te tiens, effrayé, dans une pièce d'eau que
tu as solidifiée? Tous les hommes disaient à ta cour :
« tu es un héros. »

1763. Je crois que c'était là tout ton héroïsme, à toi qui


te réfugies (maintenant) dans l'eau. Lève-toi, ô roi, et
combats; tu es un Kshatriya, issu de (noble) race;

1764. Tu es surtout un Kourouide. Souviens-toi de ton


origine et de ta naissance- Comment, toi qui te glorifies
d'être né du lignage de Kourou,

1765. Te tiens-tu au sein des eaux, inactif, sans fermeté


et craignant les combats? Tel n'est pas le devoir éternel
(des Kshatriyas).

1766. La fuite dans la bataille n'est pas honorable, et


ne conduit pas au Svarga. Comment donc, ô roi désires-
tu vivre, sans avoir complètement terminé la lutte ?

1767-1769. Après avoir vu tomber fils, frères, pères,


après avoir fait tuer tes adhérents et tes parents, ô mon
cher, comment restes-tu maintenant (paresseusement)
dans cet étang? Bharatide, tu es un pseudo-héros, non
un héros (véritable). fou, tu dis faussement, en présence
du monde entier qui t'entend : « Je suis un héros. » Les
héros ne s'enfuient jamais à la vue de l'ennemi.

204 CHAPITRE XXXII

1770. Ou bien, dis-nous de quelle nature est la fermeté


qui te fait abandonner la lutte. Lève-toi, bannis la crainte
(que tu éprouves pour) ta (propre vie), et combats.
1771. Après avoir fait tuer toute l'armée ainsi que tes
frères, ô Souyodhana, le désir de faire son devoir, doit
maintenant empêcher de songer à vivre

1772. Un homme de ta sorte, voué aux devoirs des


Kshatriyas, ô Souyodhana. De ce que tu (as pu) avoir
recours à Karna et au Soubalide Çakouni,

1773. Ta folie t'a fait te leurrer sur toi-même, et te


considérer comme un immortel. Cette faute est un très
grand malheur. Combats (maintenant), 6 Bharatide,

1774. Car, comment un homme comme toi pourrait-il


être assez fou pour se décider à fuir? Qu'est devenu ton
honneur, qu'est devenu ton héroïsme, ô Souyodhana?

1775. Où est (ta) grande force? Où sont (tes) puissants


rugissements? Qu'est devenue ton adresse aux armes? Et
pourquoi reposes-tu dans ce refuge aquatique?

1776. Lève-toi, ô Bharatide, et combats selon la loi des


Kshatriyas. Ou bien, après nous avoir vaincus, tu gouver-
neras le monde,

1777. Ou bien, (si tu es) tué par nous, tu dormiras sur la


terre. Voilà la loi suprême, créée pour toi, par le magna-
nime ordonnateur du monde.

1778. Suis-là comme il convient, ô grand guerrier, sois


un roi.

1779. Safljaya dit : grand roi, après avoir entendu


ces paroles du sage Dharmapoutra, ton fils, qui se tenait
dans l'eau, répondit ces mots :

1780. Douryodhana dit : O grand roi, il n'est pas étrange


que la peur entre (dans le cœur de l'homme) vivant. Et
LIVRE DE ÇALYA 205

(cependant), ce n'est pas par crainte du danger (que cou-


rait) ma vie, que je suis parti, ô Bharatide.

1781, 1782. Privé de char, sans carquois, mes cochers


de côté tués, j'étais seul à survivre et dépourvu d'armée.
maître des hommes, ce n'est ni le souci de ma vie, ni
les craintes, ni le désespoir, qui ont déterminé mon choix,
mais c'est, poussé par la fatigue, que je suis entré dans
cette eau.

1783. Toi, ô fils de Kountî, repose-toi, ainsi que ceux


qui sont venus à ta suite. Moi, quand je me serai levé,
je combattrai contre vous tous.

1784. Youdhishthira dit : Nous avons tous repris


haleine; nous t'avons longtemps donné la chasse. Lève-
toi donc maintenant, et combats ici, ô Souyodhana.

1785. Ou bien, quand tu auras tué les fils de Prithà


dans la bataille, tu jouiras d'une royauté (dont la grandeur
sera) accrue; ou bien, si tu succombes (sous nos coups) en
combattant, tu atteindras le monde des héros.

1786. Douryodhana dit : maître des hommes, tous


mes frères ont été tués, parce que je voulais la royauté
des Kourouides, ô descendant de Kourou.

1787. Je ne supporte pas (l'idée de) jouir d'une terre


dont les joyaux sont détruits, dont les plus grands Ksha-
triyas sont tués, (qui est) comme une belle femme (deve-
nue) veuve.

1788. Cependant je désire te vaincre maintenant, ô


Youdhishthira, et briser l'orgueil des Pàncâlas et des Pân-
douides, 6 taureau des Bharatides.

1789. Mais je ne pense pas du tout en ce moment au


combat, Drona et Karna étant morts, et le grand oncle (Bhîshma) tué,
206 CHAPITRE XXXII

1790. Que cette terre, (restée) toute seule, soit à toi


maintenant. Car, quel prince désirerait conserver la
royauté, (quand il n'a) plus de compagnons? ô roi,

1791. Après avoir causé la mort d'amis comme mes


frères, mes fils, mes pères; après que mon pouvoir royal
a été anéanti par vous, quel est donc (l'homme), dans ma
condition, qui (songerait à) vivre ?

1792. Quant à moi, vêtu de peaux d'animaux, j'irai


dans les bois (vivre en ascète), car le bonheur n'est plus
dans la royauté, pour celui dont le parti est détruit, ô
Bharatide.

1793. Cette terre, (sur laquelle) la plupart de mes adhé-


rents, ainsi que leurs chevaux et leurs éléphants ont été
tués, est à toi. roi, jouis en donc paisiblement.

1794. J'irai dans les bois, en me couvrant de peaux de


gazelles, ô puissant. Dépourvu de sujets, je ne désire plus
vivre.

1795. Va, ô Indra des rois, jouis à ta volonté de la terre,


dont les maîtres et les guerriers sont tués et dont les
champs sont épuisés.

1796. Sanjaya dit : Quand il eut entendu ton malheu-


reux fils Douryodhana, qui se tenait dans l'eau, le très
glorieux Youdhishthira répondit ces paroles.

1797. Youdhishthira dit : mon cher, toi qui te tiens


(au milieu) de l'eau, ne fais pas entendre ces lamenta-

■tions de désespoir. Elles n'émeuvent pas mon esprit


comme celui de Çakouni, ô roi.

1798. Quand bien même tu serais capable d'être libéral,


ô Souyodhona, je ne voudrais pas gouverner une terre
que tu m'aurais donnée.

1799. Je n'accepterais pas, sans l'avoir gagnée, cette

LIVRE DE ÇALYA 207

terre donnée par toi, car il n'est pas considéré comme du


devoir des Kshatriyas (de recevoir) des faveurs.

1800. Je ne voudrais pas de la terre entière donnée


par toi, mais j'en serai le maître quand je t'aurai vaincu
dans la lutte.

1801. Et comment veux-tu donner la terre, toi qui n'en


es plus le maitre ? Pourquoi ne me fut-elle pas accordée
par toi, jadis,

1802. En vue de l'apaisement et (du bonheur) de la


famille, comme le méritaient ceux qui la réclamaient?
Après avoir refusé le Vrishnien, qui possède une grande
puissance,

1803. Pourquoi la cèdes-tu maintenant? Quelle est ta


folie? Quel roi consentirait à abandonner la terre, (quand
il est) attaqué (par ses ennemis).

1804. descendant de Kourou, tu n'es plus aujour-


d'hui le maître de donner la terre, ou de la ravir par
force. Comment veux-tu (donc) la donner?

1805. 1806. Mais, après m'avoir vaincu au combat, sois


en le roi. Si jadis tu n'abandonnais pas ce qui peut tenir
de terre sur la pointe d'une aiguille, ô Bharatide, com-
ment (oses-tu) donc (me) l'offrir (tout entière), ô maître
des hommes.

1807. Jadis, tu n'abandonnais point la pointe d'une


aiguille I Comment cèdes-tu maintenant (toute) la terre ?
Après t'être emparé de la souveraineté et avoir gou-
verné le monde,

1808. Quel est le fou qui consentirait à céder ses états


à ses ennemis? Mais toi, dont la folie a égaré l'esprit, tu
ne t'aperçois pas (de ton propre égarement).

1809-1811. Il faut que tu meures, quand bien même

208 CHAPITRE XXXII

tu consentirais à céder l'empire du monde. Ou bien,


après nous avoir vaincus, gouverne l'univers, ou bien,
(si tu es) tué par nous, (atteinds) les mondes supérieurs
de Brahma. roi, tant que toi et moi nous serons tous
les deux vivants, tous les êtres douteront (de quel côté
est) la victoire. Ta vie, ô imprudent, est maintenant en
mon pouvoir.

1812. Je pourrais te la laisser, si c'était mon bon plai-


sir, mais il n'est pas avantageux que tu vives, car, entre
autres (méfaits), tu t'es efforcé de (nous) faire brûler.

1813. Nous avons été poursuivis par toi, au moyen de


serpents et de poisons. Tu as essayé de nous noyer et
tu nous as ravi notre royaume, ô roi.

1814. (Nous avons été tourmentés) par les paroles


(injurieuses) de nos ennemis, et par les outrages faits à
Draupadî. C'est pourquoi, ô méchant, il n'y a plus de vie
pour toi.

1815. 1816. Lève-toi, lève-toi, viens au combat, cela


vaudra mieux. Ces héros victorieux prononcèrent en-
core, de part et d'autre, divers discours, ô maître des
hommes.
MAHABHARATA
LIVRE DE ÇALYA

SECTION m, DU COMBAT A LA MASSUE

CHAPITRE XXXIII

CONVERSATION DE DOURYODHANA AVEC YOUDHISHTHIRA

Argument : Dhritaràshtra interroge Sanjaj-a, qui lui raconte ce qu'a


fait Douryodhana. Réponse de Douryodhana à Dharmaràja. Il de-
mande à ne combattre à la fois que contre un seul adversaire.
Réponse de Youdhishthira qui consent à ce qu'il combatte un seul
adversaire. Douryodhana choisit la massue comme arme et se pré-
pare au combat. Reproches que lui fait Youdhishthira. Menaces
de Douryodhana.

1817. Dhritaràshtra dit : Mais, que fit mon fils, ce héros


tourmenteur des ennemis, naturellement enclin à la co-
lère, quand (il se vit) ainsi humilié?

1818. Car il n'avait jamais entendu aucune espèce d'in-


jure, le rang royal le rendant digne des respects du
monde entier.

210 CHAPITRE XXXIII

1819. Comment put, dans son orgueil, endurer des pa-


roles affligeantes, celui dont l'éclat, comme celui du so-
leil, (exigeait) l'ombre d'un parasol,

1820. Et par la faveur duquel, ô Sanjaya, tu as vu toute


cette terre, avec les barbares et les habitants des bois,
puissamment soutenue?
1821. 1822. Raconte-moi, ô Sanjaya, ce qu'il dit à ces
fils de Pândou, spécialement (en se voyant) menacé par
eux, étant privé des siens et tout à fait seul, et en enten-
dant incessamment des paroles mordantes et inspirées
par la victoire (de ses ennemis).

1823, 1824. Sanjaya dit : roi, le maître des hommes,


ton fils, plongé dans l'eau, menacé par Youdhishthira en
compagnie de ses frères, ô Indra des rois, se trouvait dans
une triste situation, et se tenait toujours sous les eaux.
Ayant entendu (ces) paroles irritantes, et soupiré longue-
ment et profondément,

1825. Le roi Douryodhana émergea de l'eau, en agitant


les deux bras à plusieurs reprises, songea à combattre
et dit au roi (Youdhishthira) :

1826. Vous, ô fils de Prithâ, (vous êtes) tous (les cinq


réunis), avec vos armes, vos chars et vos attelages. Moi,
je suis tout seul, dans le malheur, dépourvu de char, et
mes chevaux sont tués.

1827. Enveloppé de nombreux (adversaires), qui se sont


approchés de moi, après avoir pris leurs armes, com-
ment oserai-je engager le combat, tout seul, à pied, et
ayant déposé mon épée.

1828. Mais, ô Youdhishthira, faites que je puisse vous


combattre un à un, car il n'est pas juste de vouloir qu'un
seul (homme) livre bataille à plusieurs.

LIVRE DE ÇALYA 211

1829. Surtout (s'il est) sans cuirasse, fatigué, en fâcheuse


position, grièvement blessé dans (tous) ses membres, et
si son attelage et ses soldats sont tués.
1830. Je ne crains cependant, ni toi, ni le fils de Prithâ
Vrikodara, ni Phâlgouna, ni le Vasoudevide, ni même les
Pâncàlas,

1831. Ni les deux jumeaux, ni Youyoudhâna, ni tes


autres soldats. Moi seul, irrité, je les arrêterai tous en
combattant.

1832. maitre suprême des hommes, la gloire des


gens de bien a son origine dans le devoir. (Voici ce que) je
propose, pour mettre à couvert le devoir et la renommée.

1833. Je vais me lever; je tiendrai tête à vous tous, en


vous rencontrant (successivement) dans le combat, comme
l'année (le fait) pour les saisons.

1834. 1835. fils de Pândou, tenez-vous bien; sans


armes, sans char, avec ma (seule) énergie, je vous ferai
disparaître vous qui avez des chars et des chevaux,
comme (disparaissent) les constellations à la fin de la
nuit. Aujourd'hui, je m'acquitterai de la dette (que j'ai
contractée) envers les glorieux Kshatriyas.

1836-1838. En te tuant avec tes frères, je m'acquitterai


envers Vàhlika, Drona, Bhîshma, le magnanime Karna,
les deux héros Jayadratha et Bhagadatta, Çalya, roi de
Madra, Bhoûriçravas, mes fils, le Soubalide Çakouni, mes
amis, mes partisans et mes parents, ô excellent Bhara-
tide.

1839. Le roi se tut après avoir dit ces paroles.

1840. Youdhishthira dit : Grâce au ciel, toi aussi, ô


Souyodhana, tu connais le devoir des Kshatriyas; grâce
au ciel tu songes au combat, ô guerrier aux grands bras.
212 CHAPITRE XXXIII

■ 1841. Grâce au ciel, tu es un héros, ô descendant de


Kourou; grâce au ciel tu connais la guerre, car, (à toi)
seul, tu veux nous combattre tous.

1842. Étant seul, aie (donc) affaire à un adversaire uni-


que, et combats-le avec l'arme qui te plaira. Quant à nous,
(nous serons) les spectateurs (du combat).

1843. héros, moi que voici, je t'accorde plus que tu


ne désirais. Tu seras roi après avoir tué un seul (d'entre
nous), ou bien, (si tu es) tué, tu monteras au Svarga.

1844. Douryodhana dit : Si un seul héros pousse son


cri de guerre pour me combattre et si tu y consens, que
cette massue me soit accordée comme l'arme de mon
choix,

1845. Que celui de vous qui se croit capable, à lui seul,


de me tuer, dans un combat singulier, vienne, à pied,
combattre contre moi à la massue.

1846. Les combats de chars offrent (des aspects) variés,


selon l'endroit où ils se livrent ; que cet unique combat
à la massue soit tout à fait merveilleux.

1847. Les hommes aiment à changer d'armes. Permets


donc que nous changions le (mode du) combat.

1848. guerrier aux grands bras, je vous vaincrai à la


massue, toi, tes frères puînés, les Pâncâlas, les Srinjayas
et tes autres soldats.

1849. Car, ô Youdhisthira, Çakra lui-même ne m'inspire


pas la moindre crainte.

1850. 1851. Youdishthira dit : « Lève-toi, lève-toi, fils de


Gândhâri. Combats contre moi. Tu es fort. En te rencon-
trant, seul, avec un seul (adversaire) dans le combat à la
massue, (toi qui es) fort, sois un homme. fils de Gân-
dhàrî, apporte toute ton attention au combat. Il n'y a plus

LIVRE DE ÇALYA '213

maintenant de vie pour toi, Indra (lui-même) te proté-


geàt-il. »

1852. Sanjaya dit : Le tigre des hommes, ton fils, n'en-


dura pas (patiemment) ces (menaces). Placé au milieu de
l'eau, soufflant comme un grand serpent dans une caverne,

1853. Constamment aiguillonné ainsi, par des paroles


(acerbes), il ne supporta pas plus ce discours, qu'un
excellent cheval (ne supporte) le fouet.

. 1854, 1855. L'héroïque prince, ayant pris la lourde


massue de fer garnie d'ornements d'or, soufflant comme
le roi des serpents, se leva à l'intérieur de l'eau, dont
son élan troubla (la pureté). Ayant percé l'eau solidifiée,
et mis la massue de fer sur son épaule,

1856-1858. Ton fils se leva, brûlant comme le soleil.


Alors l'intelligent et très fort Dhritarâshtride saisit sa
lourde massue de fer, damasquinée, ornée d'or. Le Bha-
ratide avec sa massue, parut, aux hommes qui le virent
tenant cette arme à la main, pareil à une montagne avec
ses sommets, semblable à Roudra irrité, la lance en
main ; il brilla comme le soleil lançant ses rayons.

1859. Tous les Pàncâlas virent le roi ton fils, et se


réjouirent de toutes parts, en le voyant levé ^

1860. Tous les Pàncâlas et les Pàndouides se frappèrent


réciproquement dans la main. Mais ton fils Douryodhana,
considérant ces gestes comme une raillerie,

1861. 1862. Levant les yeux avec colère, comme s'il


voulait consumer les Pàndouides (avec le feu de son
regard), fronçant les sourcils où se marquèrent trois
rides, recouvrant (de ses lèvres) ses dents serrées, adressa
alors (ces paroles) aux fils de Pàndou accompagnes de
Keçava,

214 CHAPITRE XXXIII

1863. Douryodhana dit : Vous avez ri, ô Pândouides,


vous en recevrez la récompense. Vous irez, immédiate-
ment, tués (par moi), au séjour d'Yama.

1864. Sanjaya dit : Ton fils Douryodhana, émergeant de


cette eau, se tenait, baigné de sang, la massue à la main,

1865. Le corps baigné d'eau de ce (héros) couvert de


sang, brillait alors comme une montagne ruisselante.

1866. A ce moment, les Pândouides considérèrent ce


héros la massue à la main, semblable à Vaivasvant irrité,
ayant à la main la massue Kinkara.

1867. Ce (prince) héroïque, rugissant comme un tau-


reau, joyeux, et faisant un bruit pareil à celui d'un nuage
orageux, défia les fils de Prithâ au combat à la massue.

1868. Douryodhana dit : Youdhishthira, et vous autres


aussi, approchez-vous de moi un à un, car la loi ne per-
met pas de faire combattre un homme seul contre plu-
sieurs ;

1869. Surtout s'il a déposé son armure, s'il est fatigué


et enfoncé dans les eaux, s'il a les membres grièvement
blessés, et si ses soldats et ses chevaux sont tués.

1870. ^ Certes, tous doivent (à leur tour) combattre


contre moi; mais tu sais ce qui, en toutes choses, est con-
venable ou ne l'est pas.
1871. Youdhishthira dit : Tu n'avais pas (jadis) cette
sagesse, ô Souyodhana. Où était-elle, quand de nom-
breux grands guerriers combattirent (à plusieurs) Abhi-
manyouet le tuèrent?

1872. La loi des Kshatriyas est cruelle, sans égards (pour


personne), sans aucune compassion. Autrement, com-
ment aurait-on pu tuer Abhymanyou dans ces conditions?

1873. Vous connaissez tous la loi. Tous, vous êtes des

LIVRE DE ÇALYA 215

héros qui avez fait le sacrifice de votre vie. L'accès du


monde d'Indra a jadis été promis à ceux qui combattront
conformément à la loi.

1874. Mais si c'est la loi même qu'un seul ne doive pas


être tué par plusieurs, comment alors plusieurs (guerriers
réunis), pénétrés de cette (opinion), purent-ils se résoudre
à tuer Abhimanyou?

1875. Toute personne qui se trouve dans la peine, pèse


(scrupuleusement) la connaissance (qu'elle a) de la loi.
Celui qui (est hors de danger et solide) sur ses pieds, voit
fermée la porte de l'autre monde.

1876. Mets ta cuirasse, ô héros, lie tes chevaux et


munis-toi de toute autre chose dont tu puisses avoir
besoin, ô Bharatide.

1877. 1878. Je t'accorde de nouveau, ô héros, ton


unique souhait. Quand tu auras tué un seul des cinq fils
de Pândou, avec lesquels tu désires combattre, certes, tu
seras roi, ou, (si tu es tué), tu atteindras le Svarga. Et,
sauf (de t'accorder) la vie dans le combat, que pouvons-
nous faire qui te soit agréable, ô mon cher?
1879. Sanjaya dit : Alors, ô roi, ton fils prit son armure
dorée, et son casque bariolé et orné d'or.

1880. Ce (prince), ton fils, ô roi, ayant attaché son


casque et revêtu une armure étincelante et dorée, brilla
comme le roi doré des montagnes.

1881. Douryodhana ton fils, armé de sa massue, couvert


de son armure, dit, avant de commencer le combat, à
tous les fils de Pândou :

1882. Qu'un seul des illustres frères se mesure avec


moi à la massue. Je vais combattre, soit Sahadeva, soit
Bhîma, soitNakoula,

216 CHAPITRE XXXIII

1883. Soit Phàlgouna, soit toi, ô excellent Bharatide.


Je vais combattre, et quand j'aurai engagé la lutte, je
triompherai sur le champ de bataille.

1884. Aujourd'hui, ô tigre des hommes, avec ma mas-


sue ornée de plaques d'or, je finirai cette guerre, difficile
à terminer.

1885. Je crois que personne ne m'est comparable dans


le combat à la massue. Avec cette arme, je vous tuerai
tous, même (si vous êtes) réunis.

1886. (Vous) tous, (vous n'êtes) pas capables de me


combattre régulièrement. (Mais) il ne me convient plus
de prononcer des paroles gonflées d'orgueil.

1887. 1888. Seulement, ces (paroles) vont porter leur


fruit devant vous. Dans un instant, elles seront vraies ou
fausses. Que maintenant celui qui doit combattre avec
moi prenne sa massue.
CHAPITRE XXXIV

DIALOGUE ENTRE BHÎMASENA ET DOURYODHANA

Argiiment : Krishna reproche à Dharmarâja d'avoir permis à Dou-


ryodhana, qui est très adroit à la massue, de combattre un seul
adversaire avec cette arme. Bhîma rassure Krishna sur le succès
du combat. Conseils de Krishna à Bhîma. Discours de Bhîma à
Youdhishthira et à Douryodhana; fermeté et réponse de ce dernier.

1889. Sanjaya dit : roi, tandis que Douryodhana ne


cessait de vociférer ainsi, le Vasoudevide, irrité, adressa
ces paroles à Youdhishthira :

1890, 1891. Pourquoi donc, ô Youdhishthira, as-tu eu la


témérité de lui dire : Quand tu auras tué un seul (d'entre
nous), soit roi sur les Kourouides, s'il peut choisir pour
adversaire, toi, Arjouna, Sahadeva ou Nakoula?

1892, 1893. Je ne pense pas que vous soyez capables


de le combattre, la massue à la main, car il s'est, pen-
dant treize ans, exercé contre (la statue d'un) homme de
fer, ô roi, dans l'intention de tuer Bhîmasena. Que pour-
rions-nous donc faire, ô excellent Bharatide?

1894. Cependant, ô le plus grand des rois, tu t'es confié


au hasard, et, à part Vrikodara, il n'aura pas à se donner
beaucoup de peine (pour nous vaincre).

1895, C'est un nouveau coup de dés inégal, comme


(celui) joué jadis par toi, contre Çakouni, ô maître des
hommes.

218 CHAPITRE XXXIV

1896. Bhîma est fort, Souyodhana est adroit. (Quand)


le fort (combat) contre l'adroit, dit-on, c'est l'adroit qui
triomphe.
1897. roi, celui-ci, (qui est) notre ennemi, a été mis
par toi dans (une bonne) voie. Tu te trouves toi-même
dans une situation difficile, et nous sommes mis en danger.

1898. Qui donc, après avoir vaincu tous ses ennemis,


pourrait (consentir à) se laisser ravir, par un seul adver-
saire tombé dans le malheur, la royauté acquise (avec
tant de peines)?

1899. Je ne vois, en vérité pas, dans le monde entier,


celui qui, fût-ce un immortel, serait aujourd'hui capable
de triompher, dans un combat contre Douryodhana, la
massue à la main.

1900. Ni toi, ni Bhîma, ni Sahadeva, ni Nakoula, ni


Phâlgouna, n'êtes capables (de le) vaincre (dans un com-
bat) régulier. Certes, le roi Douryodhana est adroit.

1901. Comment as-tu (pu) dire : « Combats (tes) enne-


mis à la massue et sois roi quand tu auras tué un seul
d'entre nous ? »

1902. Car, (même) s'il a affaire à Vrikodara, notre vic-


toire est douteuse, si nous combattons régulièrement; ce
(prince), fort, est, en effet, adroit (en même temps).

1903. Mais tu as dis : Tu seras roi si tu tues un seul


d'entre nous. Certes, cette lignée de Pàndou et de Kountî
ne possédera pas la royauté.

1904. (Elle est) vouée à la mendicité ou au séjour per-


pétuel dans les bois.

1905. Bhîmasena dit : Ne te désespère pas, ô meur-


trier de Madhou. Je finirai aujourd'hui cette guerre si
diflOicile à terminer.
LIVRE DE ÇALYA 219

1906. Je tuerai sans aucun doute Souyodhana dans le


combat. La victoire de Dharmaràja (me) parait certaine.

1907. Ma massue, que voici, est une fois et demie plus


lourde que celle du fils de Dhritarâshtra. Ne t'alarmes
pas, ô Madhavide,

1908. Certes, j'ose lutter contre lui dans un combat à


la massue. tourmenteurs des hommes, soyez tous mes
témoins.

1909. Je pourrais livrer bataille aux trois mondes, y


compris les immortels apportant dans le combat des
armes divines, à plus forte raison à Souyodhana.

1910. Sanjaya dit : Le Vasoudévide joyeux salua res-


pectueusement Vriliodara qui venait de parler ainsi, et
lui répondit en ces mots :

1911. guerrier aux grands bras, il n'est nullement


douteux qu'en ayant recours à toi, Dharmaràja You-
dhishthira n'obtienne la mort de son ennemi et un bril-
lant succès.

1912. Par toi, dans la grande bataille, tous les Dhrita-


râshtrides (ont été) tués, les rois, les fils de rois et les élé-
phants (ont été) abattus.

1913. Les Kâlingas, les Màgadhâs, les Pràcyas (habi-


tants de l'Est), les Gàndhâras, les Kourouides, ont péri
après t' avoir attaqué dans la grande bataille, ô fils de
Pândou.

1914. Quand tu auras aussi tué Douryodhana, offre la


terre avec les mers à Dharmaràja, fils de Kountî, comme
Vishnou (en usa) pour (Indra), époux de Sàcî.

1915. En se rencontrant avec toi au combat, le méchant


fils de Dhritarâshtra périra. Tu rempliras ta promesse en
lui brisant les deux cuisses.

220 CHAPITRE XXXIV

1916. Mais, ô fils de Prithâ, le fils de Dhritarâshtra doit


constamment être combattu avec précaution. Il est adroit
et fort, et le combat l'enivre toujours.

1917. Alors, ô roi, le Satyakide s'inclina devant le fils


de Pândou. Les Pâncâlas et les Pândouides, Dharmarâja
en tète,

1918. Approuvèrent tous ces paroles de Bhîmasena,


et ensuite Bhîma, à la force terrible, dit à Youdhishthira

1919. Qui, brillant comme le soleil, se trouvait avec les


Srinjayas : J'ose rencontrer cet homme dans le combat
et lutter contre lui.

1920. 1921. Car ce (prince), le plus vil des hommes,


n'est pas capable de triompher de moi dans la bataille.
Je vais aujourd'hui déchaîner contre le Dhritarâshtride
Souyodhana, la colère (qui était) profondément cachée
dans mon cœur, comme Arjouna (déchaina) le feu dans
(la forêt de) Khândava. Je vais maintenant arracher
l'épine enfoncée dans ton cœur, ô fils de Pàndou,

1922. En tuant le méchant à l'aide de ma massue. Main-


tenant, ô roi, sois heureux, je vais te rendre une cou-
ronne glorieuse..

1923. En ta faveur je vais aujourd'hui délivrer Souyo-


dhana (du fardeau) de la vie, de la fortune et de la
royauté *. Et le roi Dhritarâshtra, en apprenant que son
fils a été tué par moi,

1924. Se souviendra de l'action mauvaise qui résulta


des réflexions de Çakouni. Après avoir ainsi parlé, l'excel-
lent et héroïque descendant de Bharata, la massue haute,

1925. Semblable à Çakra provoquant Vritra, se leva


pour combattre. Ton héroïque fils, ne supportant pas
(patiemment) cette provocation,

LIVRE DE ÇALYA 221

1926, 1927. Se hâta de se placer en face de lui, comme


im éléphant en rut (se place devant un autre) éléphant
en rut. Tous les Pândouides vn^ent ton fils qui s'était
approché pour combattre, la massue en main, pareil à
(la montagne) Kailàsa. S'étant approchés de ce Dhrita-
râshtride très fort, (mais qui était) seul,

1928-1931. Semblable à un éléphant séparé de son trou-


peau, les Pândouides étaient joyeux. Douryodhana, de
son côté, n'éprouvait, ni confusion, ni crainte, ni lassi-
tude, ni douleur, et se présentait au combat comme un
lion. Alors, ô roi, Bhîmasena dit à Douryodhana en le
voyant la massue à la main, pareil au mont Kailâsa :
Souviens-toi de tes mauvais procédés et de ceux du roi
Dhritarâshtra à notre égard, et de ce qui s'est passé à
Vâranâvata ; (rappelle-toi) que Droupadî, au moment
critique de son mois, a été maltraitée au milieu de l'as-
semblée,

1932-1934. Que le roi a été vaincu aux dés, par suite


des idées de Çakouni. (homme) à l'âme souillée, tu as
fait ces (offenses), et d'autres (aussi) graves aux inno-
cents fils de Prithâ. Les résultats en ont été terribles.
C'est à cause de toi que notre grand oncle à tous, le très
glorieux fils de la Gangâ, le plus grand des Bharatides,
(a été) tué et repose sur un lit de flèches. Drona est tué,
Karna aussi, ainsi que le majestueux Çalya.

1935. Et Çakouni, le premier auteur de la guerre, a suc-


combé dans le combat. Les héros, tes frères, tes fils et
tes soldats sont tués.

1936. Les héroïques rois qui ne tournaient pas le dos


dans les combats, sont tués. Ceux-là et d'autres excel-
lents Kshatriyas en grand nombre ont péri.

222 CHAPITRE XXXIV

1937. Le méchant serviteur qui tourmentait Droupadî


est tué aussi. Seul tu es resté (vivant), ô homme très vil,
destructeur de ta race.

1938, 1939. Aujourd'hui, je te tuerai aussi avec ma mas-


sue, cela ne fait aucun doute. Aujourd'hui, je détruirai,
dans (notre) combat, ton orgueil et la grande espérance
(que tu nourrissais) de la royauté, et (je vengerai) les
iniquités (commises) contre les fils de Pândou .

1940. Douryodhana dit : Assez de paroles. Combats


maintenant avec moi. Je vais aujourd'hui, ô Vrikodara,
te guérir de ta confiance dans (l'issue du) combat.

1941. méchant, comment ne vois-tu pas que j'ai saisi


ma grande masse, semblable au sommet de l'Himalaya, et
que je suis en place pour le combat à la massue?

1942. Qui donc, ô scélérat, fût-ce même Pourandara


(Indra) parmi les dieux, serait capable de me tuer dans un
combat régulier, (quand je suis armé) de ma massue ^?

1943. Ne rugis pas inutilement, ô fils de Kountî, comme


im nuage d'automne dépourvu d'eau. Déploie dans le
combat toutes les forces que tu possèdes.

1944. Après l'avoir entendu parler ainsi, tous les Pân-


douides et les Srinjayas, désireux de vaincre, applau-
dirent ses paroles.
1945. Ils réjouirent (avec leurs acclamations) le roi
Douryodhaua, comme des hommes encouragent un élé-
phant furieux en battant des mains.

1946. Dans cette circonstance, les éléphants rugirent,


les chevaux hennirent à plusieurs reprises. Les fils de
Pândou, qui désiraient la victoire, firent étinceler leurs
épées.

CHAPITRE XXXV

ARRIVEE DE BALADEVA

Argument : Arrivée de Baladeva, frère de Krishna. Il salue les Pân-


douides et est reçu par eux avec respect et affection. Il dit qu'il
vient pour assister au combat à la massue et prend place parmi
les spectateurs de ce combat.

1947. Sanjaya dit : Puis, ô grand roi, (au moment où) ce


très cruel combat commençait, après que ces magna-
nimes Pàndouides s'étaient assis,

1948. Râma Tâladhvaja (qui a un palmier pour éten-


dard), Halàyoudha (qui a pour arme une charrue), arriva.
roi, il avait appris ce qui se passait entre ses deux
disciples.

1949. Les fils de Pàndou et Keçava, très satisfaits de le


voir, allèrent à sa rencontre, le saluèrent et lui rendirent
les honneurs prescrits par les rites.
1950. Puis, ô prince, après lui avoir témoigné leurs res-
pects, ils lui dirent : Râma, vois l'adresse au combat de
tes deux disciples.

1951. Et alors Râma, voyant Krishna avec les Pàndouides,


et le Kourouide Douryodhana, la massue à la main, dit :

1952. Voilà aujourd'hui quarante-deux jours que je suis


parti. Je me suis mis en route dans (le mois de) Poushya,
et je rentre au moment de (la pleine lune du mois de)
Çravana.

15

224 CHAPITRE XXXV

1953, 1954. Je désire, ô Madhavide, voir le combat à


la massue de mes deux disciples. Alors les deux héros
Douryodhana et Vrikodara resplendissaient sur le champ
de bataille, (où ils étaient) placés. Le roi Youdhishthira,
ayant serré Halâyoudha dans ses bras,

1955, 1956. Lui demanda des nouvelles de sa santé et de


ses affaires, selon l'usage. Les deux Krishnas, ces deux
grands archers glorieux, embrassèrent aussi, après
ravoir salué, Halâyoudha qu'ils aimaient. Les deux héros
fils de Madrî et les cinq fils de Draupadî,

1957, 1958. Se tenaient debout, après avoir respectueu-


sement salué le très fort (Ràma) fils de Rohinî. Et de
même Bhîmasena et ton robuste fils, ô maître suprême des
hommes, tenant leurs deux massues levées, saluèrent
respectueusement Bala. Après lui avoir témoigné de pro-
fonds respects, en lui demandant des nouvelles de sa
santé,

1959. Voici comment les maîtres suprêmes des hommes


parlèrent au magjianime Rohinien : Vois le combat, ô
guerrier aux grands bras, dirent-ils à Râma.

1960. Alors Râma, à l'énergie incommensurable, ayant


serré dans ses bras les Pândouides et les Srinjayas,
demanda à tous les princes des nouvelles de leur santé.

1961. Et eux, s'étant approchés, lui demandèrent com-


ment il se portait. Halin (Ràma), ayant rendu leur salut à
tous les magnanimes Kshatriyas,

1962. Et leur ayant adressé les questions (ordinaires)


sur l'état de leur santé, en commençant par les plus
âgés, embrassa affectueusement le Satyakide, et Krishna
tourmenteur des hommes.

1963. 1964. Quand il les eût baisés sur la tête, il leur

LIVRE DE ÇALYA 225

demanda des nouvelles de leur santé ; eux deux, pleins


de joie, rendirent, selon la règle, à ce gourou, les hom-
mages (qu'ils lui devaient), de même qu'Indra et Oupen-
dra (Vishnou) honorent Brahma (maître des dieux). Alors
Dharmasouta dit au Rohinien dompteur des ennemis :

1965-1968. Vois, ô Râma, ce grand combat entre deux


frères. Bharatide, le guerrier aux grands bras, le
fameux frère aîné de Keçava, très satisfait, (d'être) honoré
(ainsi) par les grands guerriers, prit place au milieu
d'eux. Vêtu de bleu, le blanc "^ (Ràma), placé au milieu
des rois, brilla comme, dans le ciel, l'astre de la nuit,
entouré de la multitude des étoiles. Alors, ô roi, entre
ces deux (princes) tes fils ", il se produisit une rencontre
terrible, qui faisait dresser les cheveux (de terreur) et
préparait la fin de la guerre.
CHAPITRE XXXVI

LÉGENDE DE LA MALÉDICTION DE SOMA

Argument : Janamejaya demande des détails rétrospectifs sur le


voyage de Râma. Vaiçampâyana les lui donne. Départ de Râma
pour son voyage aux tîrthas, ses préparatifs et sa générosité. Il
arrive à Prabhâsa. Janamejaya demande des détails sur les tîr-
thas. Le brahmane lui raconte d'abord l'histoire de Prabhâsa. Soma,
gendre de Daksha, ayant négligé ses autres épouses au profit de
l'une d'elles, est maudit par son beau-père et perd son éclat. Les
dieux demandent sa grâce. Daksha retire sa malédiction à condi-
tion que son gendre aura une conduite plus régulière et se baignera
à Prabhâsa suivant les rites. Soma s'y soumet et reprend son éclat.
Suite du voyage de Râma.

1969. Janamejaya ^ dit : Lorsque, cette guerre étant


imminente, le roi Râma partit jadis avec les Vrishniens,
(il dit) en s'adressant à Keçava :

1970. Keçava, je ne secourerai ni le fils de Dhrita-


ràshtra, ni les fils de Pândou, (mais) je suivrai mon
chemin,

1971. Après avoir ainsi parlé, Râma, destructeur des


Kshatriyas, s'en alla. Tu dois encore, ô brahmane, me
raconter son arrivée .

1972. Explique-moi, dans (tous ses) détails, l'arrivée de


Râma (auprès des Pândouides), (et dis-moi) comment il
vit le combat (de Douryodhana et de Bhima), car tu es
habile, ô très grand (brahmane).

LIVRE DE ÇALYA 227

1973. Vaiçampàyana dit : Pendant que les magnanimes


fils de Pàndou se trouvaient à Oupaplavya, le meurtrier
de Madhou fut envoyé vers Dhitarâshtra,
1974. guerrier aux grands bras, pour (traiter de) la
paix, en vue du (plus grand) bien de toutes les créatures.
Étant allé à Hastinàpoura, et ayant rencontré Dhrita-
ràshtra,

1975. Il lui tint des discours sincères et surtout profi-


tables, (mais) le roi n'agit pas jadis, comme il le lui avait
conseillé.

1976. Et Krishna, le guerrier aux grands bras, le plus


excellent des êtres, n'ayant pu parvenir à apaiser la
querelle, revint à Oupaplavya, ô roi des hommes.

1977. Alors, congédié sans succès par les Dhritaràsh-


trides, ô tigre des hommes, Krishna, revenu vers les fils
de Pàndou, leur parla ainsi :

1978. Les Kourouides, poussés par le destin, ne suivent


pas mes conseils, ô fils de Pàndou. Accompagnés par moi,
entreprenez (la guerre) dans (le mois de) Poushya.

1979. Alors, quand les armées furent distribuées (dans


leurs campements), le plus excellent d'entre les (hommes)
forts, le Rohinien aux grands bras, dit à son frère Krishna :

1980. guerrier aux grands bras, secourons-les aussi.


Krishna ne suivit pas alors ce conseil (de son frère).

1981. 1982. Alors, le très glorieux Halâyoudha, des-


cendant d'Yadou, l'àme remplie de colère, entreprit,
avec tous les Yadouides, au moment de la conjonction lu-
naire de Maitra, un pèlerinage aux tirthas '•• de la Saras-
vati. Le dompteur des ennemis, Bhoja, suivit Douryodhana^

1983. Mais le Vasoudevide, accompagné par Youyou-


dhâna, suivit les fils de Pàndou. Le héros Rohinien
228 CHAPITRE XXXVI

étant parti dans le mois de Poushya, le meurtrier de


Madhou,

1984. Ayant mis en avant les Pàndouides, se dirigea


contre les Kourouides, et Râma, en s'en allant, dit en
chemin à ses serviteurs :

1985. Faites tous les préparatifs pour le voyage aux


tirthas. Apportez à Dvàrakà toutes les choses néces-
saires, les feux (du sacrifice, en particulier, et amenez)
les sacrificateurs.

1986. (Apportez) Tor, l'argent, les vêtements, (amenez)


les vaches, les éléphants, les chars, les chevaux et les
bêtes de somme (telles que) les ânes et les chameaux.

1987. Que tout le matériel utile (pour le voyage aux)


tîrthas soit rapidement apporté, et hàtez-vous de vous
diriger vers la Sarasvatî.

1988. Amenez les ritvijs ^^ et les plus excellents brah-


manes par centaines. Après avoir donné ses ordres à ses
serviteurs, le très puissant Baladeva

1989. Entreprit, ô roi, le pèlerinage aux tîrthas, au-


moment oii (s'effectua) la destruction des Kourouides. Il
remonta partout la Sarasvatî contre le courant,

1990. 1991. Entouré des ritvijs, de ses amis et des


autres excellents brahmanes, des chars, des éléphants,
des chevaux et de ses serviteurs, ô excellent Bharatide,
et de nombreux véhicules attelés d'ànes et de chameaux
pour les gens ayant (déjà parcouru) une longue vie, pour
les enfants, pour ceux qui sont épuisés et pour ceux
dont les membres sont fatigués.

1992. On avait aussi préparé des dons abondants, des-


tinés à être délivrés aux besoigneux, ou offerts comme
(marque de) respect.

LIVRE DE ÇALYA 229

1993. roi, on donnait à un brahmane, quel qu'il fût,


sa nourriture, en quelque lieu qu'il lui plût de la manger,

1994. Par l'ordre du Rohinien, (des gens) placés de


distance en distance dans ce but, font, de tous côtés, des
amas de comestibles et de boissons, ù roi.

1995. Des vêtements précieux, des lits de repos et des


couches, y sont disposés, dans le but d'honorer les brah-
manes qui désirent (se livrer aux) plaisirs.

1996. Là où il y a un brahmane, ou un Kshatriya, qui


prend son repas, ô Bharatide, tout y parait disposé pour
lui-même.

1997. Chacun marche ou s'arrête, comme il lui plaît.


(Il y a) des véhicules pour ceux qui désirent continuer
leur route, des boissons pour ceux qui ont soif,

1998. Des aliments agréables au goût, pour ceux qui


sont affamés. Les hommes (de service) apportent en ces
lieux des vêtements et des ornements.

1999. Cette route, qui offre le plaisir à tous, paraît, aux


hommes qui la suivent, pareille au Svarga, ô roi.

2000. 2001. Il y règne une gaîté continuelle, on y jouit


d'une nourriture agréable, on y (trouve) réunies (toutes
sortes de) félicités. Elle est entourée de centaines de
marchands avec leurs marchandises, d'arbres et de
lianes diverses, et (on y rencontre) diverses sortes de
joyaux.

2002. Alors, le grand héros d'Yadou, le fidèle et magna-


nime Halabhrit (Baladeva, Ràma), qui appliquait son es-
prit à observer les règles de l'ascétisme, ô roi, donna
aux brahmanes, dans les tîrthas salutaires (qu'il visita),
des trésors (considérables), en outre du salaire (qui leur
était dû) pour les sacrifices.

230 CHAPITRE XXXA'I

2003. Des vaches laitières, des génisses bien parées,


aux cornes garnies d'or, par milliers, des chevaux nés
dans divers pays, des chars et de beaux esclaves (furent
offerts) aux brahmanes

2004. Ainsi que des joyaux, des perles, des diamants et


du corail, de l'or et de l'argent bien purifiés. Râma donna,
aux plus élevés (en dignité) d'entre eux, un vase de fer
et un vase de cuivre.

2005. C'est ainsi que le magnanime (Râma), répandit


des dons abondants dans les meilleurs tîrthas de la Sa-
rasvati, après quoi, cet (homme) à la force incomparable,
devenu parfait, arriva graduellement à Kouroukshetra.

2006. 2007. Janamejaya dit : O le plus excellent des


(hommes qui marchent sur) deux pieds, explique-moi, ô
adorable, successivement et en suivant l'ordre régulier,
les qualités des tîrthas de la Sarasvatî, le fruit qu'on
en retire, et la description des œuvres (qu'il faut prati-
quer pour en obtenir ce fruit), ô le plus grand des brah-
manes qui connaissent la science sacrée.

2008. Vaiçampâyana dit : roi, écoute en détail, l'ori-


gine et les qualités des tîrthas. C'est une chose pieuse,
que je vais t'expliquer en entier, ô Indra des rois,

2009. D'abord, ô grand roi, l'illustre héros de Yadou,


avec la troupe des ritvijs, des amis et des prêtres, s'ap-
procha du salutaire (tîrtha) Prabhàsa, dans lequel le roi
des étoiles, qui était rongé par la consomption,

2010. Fut délivré de la malédiction (qui pesait sur lui),


(et) reprit son éclat pour illuminer le monde entier, ô
Indra des hommes. Or, de ce que ce (dieu y acquit le
privilège) d'éclairer (l'univers), ce tîrtha, le meilleur (qui
soit) sur la terre (fut appelé) Prabhàsa.

LIVRE DE ÇALYA 231

2011. Janamejaya dit : Comment l'adorable Soma (la


lune) fut-il atteint de consomption, et comment se baigna-
t-il dans cet excellent tîrtha?

2012. Comment, après s'y être baignée, la lune recou-


vra-t-elle sa plénitude? grand mouni (sage), expose-
moi tout cela en détail.

2013. Vaiçampàyana dit : maître des hommes,


Daksha *' avait vingt-sept filles vivantes. 11 les donna (en
mariage) à Soma.

2014. Ces épouses de Soma aux œuvres brillantes, se


plaisaient dans les conjonctions de la lune avec les mai-
sons lunaires, qu'elles servaient à classer.

2015. Toutes avaient de grands yeux et une beauté sans


pareille sur la terre. Mais parmi elles, Rohinî l'emportait
par la beauté des formes.

2016. C'est pourquoi cet adorable auteur de la nuit fit


l'amour avec elle. Elle en fut vivement aimée, ce qui fit
qu'il ne cessa de cohabiter avec elle.

2017. Car, ô Indra des rois, Soma habitait longtemps avec


Rohinî (seule). Cela irrita toutes ces magnanimes dont
le nom est Nakshatra (constellations, maisons lunaires).
2018. Elles allèrent trouver leur père et s'empressèrent
de dire à Prajàpati : Soma ne demeure pas avec nous ; il
va toujours vers Rohinî.

2019. Nous que voici, nous habiterons toutes réunies, près


de toi, n'ayant qu'une nourriture restreinte et entière-
ment soumises à la mortification ascétique, ô maître des
créatures.

2020. Mais Daksha, après les avoir entendues parler


ainsi, dit à Soma : Va également chez tes épouses. Qu'un
grave péché ne te souille pas,

•232 CHAPITRE XXXVI

2021. Cependant Daksha leur dit à toutes : « Approchez-


vous de la lune. Pour obéir à mes ordres, (cet astre) bril-
lant habitera avec (vous) toutes . »

2022, 2023. Et alors, congédiées (par leur père), elles


allèrent à la demeure de Çitàmçou (l'astre aux rayons
froids). Cependant, ô maître de la terre, l'adorable Soma
ne cessa, même alors, d'habiter seulement avec Rohiuî,
étant continuellement sous l'empire de ses charmes.
Alors, toutes ces (autres épouses) se réunirent pour dire
de nouveau à leur père :

2024. Nous resterons près de toi, soumises à ton obéis-


sance. Soma n'habite pas avec nous. Il n'exécute pas tes
ordres.

2025. Après les avoir entendues parler ainsi, Daksha dit


à Soma : Habite également avec toutes tes épouses, pour
que je ne te maudisse pas, ô brillant.

2026. Or, sans égard pour cette parole de Daksha,


l'adorable lune restait avec Rohinî. Mais les (autres
épouses), irritées de cet (abandon),
2027. Allèrent vers leur père, le saluèrent (en incli-
nant) la tête, et lui dirent : « Sois notre protecteur. Soma
ne demeure pas avec nous.

2028. L'adorable lune habite toujours exclusivement


chez Rohinî. Elle n'a pas égard à tes ordres et ne
recherche pas notre amour.

2029. 2030. Protège-nous et fais que Soma s'approche de


nous. » Ayant entendu ces (plaintes), Bhagavant irrité, ô
maître des hommes, envoya, dans sa colère à Soma, la
consomption qui s'empara du maître des étoiles. La lune,
minée par la phtisie, dépérissait de jour en jour.

2031. L'astre de la nuit, ô roi, faisait tous ses efforts

LIVRE DE ÇALYA 233

pour échapper à cette consomption. Ayant offert des


sacrifices de plusieurs sortes, ô grand roi,

2032. Il n'était pas délivré de la malédiction (qui pesait


sur lui), et s'acheminait même vers sa destruction (totale).
Alors, Soma s'épuisant, les plantes (dont il est le nour-
ricier) cessèrent de pousser,

2033. Toutes avaient perdu leurs forces. De toutes


parts, leurs sucs étaient sans saveur. La ruine des
plantes étant produite, celle des êtres vivants (en fut la
conséquence).

2034. Toutes les créatures étaient faibles, parce que


l'astre de la nuit était épuisé. Alors, ô maître de la terre,
les dieux s'approchèrent de Soma et lui dirent :

2040. Qu'est-ce que cette forme que tu prends? Pour-


quoi ne brille-t-elle pas ? Explique-nous toutes les causes
(qui te mettent dans) ce grand danger '-.

2041. Quand nous aurons entendu tes explications, nous


agirons en conséquence. La lune (celle qui a un lièvre
pour emblème), ainsi interrogée, leur répondit à tous,

2042. (En leur apprenant) la cause de la malédiction


(qui l'avait frappée), et la consomption (qu'elle éprou-
vait). Les dieux allèrent trouver Daksha et lui dirent :

2043. adorable, apaise ta colère contre Soma. Que


cette malédiction soit retirée, car la lune est épuisée, et
on n'en voit plus à peine qu'une toute petite partie.

2044. Son dépérissement, ô maître des dieux, mène les


créatures à leur perte, ainsi que les plantes, les herbes
et les diverses semences.

2045. Dans leur ruine est notre propre ruine, et sans


nous que devient le monde? En reconnaissant qu'il en
est ainsi, ô gourou du monde, tu dois t'apaiser.

234 CHAPITRE XXXVI

2046. Ainsi interpellé, Prajàpati (le maître des créa-


tures) répondit aux dieux : « Cette parole que j'ai pronon-
cée ne saurait être annulée autrement

2047. Que par un certain moyen, qui fera cesser (son


effet), ô bienheureux. Que la lune se tienne constamment,
d'une manière égale, avec toutes ses épouses.

2048. La lune, en se plongeant dans l'excellent tîrtha


de la Sarasvatî, se remettra à croître. dieux, la parole
que je (prononce) est vraie.

2049. Perpétuellement Soma ira en décroissant pendant


la moitié d'un mois, mais toujours (aussi il ira) en croissant
pendant (une autre) moitié de mois. Cette parole (que) je
(prononce) est vraie.

2050. Qu'il aille vers la mer occidentale, au lieu où la


Sarasvatî se réunit à l'Océan, qu'il rende hommage au
maître des dieux, et il retrouvera son brillant éclat. »

2051. Alors, sur l'ordre du rishi divin, Soma se dirigea


vers la Sarasvatî. Il alla à Prabhâsa, le premier des tîr-
thas de cette rivière.

2052. En s'y baignant dans la nuit de la nouvelle lune,


le très glorieux (acquit) un grand éclat. Il illumina le
monde et obtint la propriété d'avoir des rayons froids.

2053. Tous les dieux, ô Indra des rois, étant allés à


l'excellent (tîrtha) Prabhâsa, se présentèrent avec Soma
devant Daksha.

2054. Et alors Prajàpati congédia toutes les divinités.


L'adorable, satisfait, adressa encore ces paroles à Soma:

2055. Ne méprise jamais, ô mon fils, ni les femmes, ni


les brahmanes. Va, et sois toujours attentif à suivre mes
ordres.

2056. Celui-ci, congédié, ô grand roi, retourna à sa

LIVRE DE ÇALYA 235

demeure. Les créatures se réjouirent et redevinrent


comme (elles étaient) jadis.

2057. Je t'ai ainsi raconté tout au long, comment l'astre


des nuits fut maudit, et comment le tîrtha Prabhàsa devint
le plus excellent des tîrthas,

2058. Parce que l'illustre (dieu) qui a un lièvre pour


emblème, s' étant baigné dans cet excellent tîrtha Pra-
bhàsa, pendant la nuit de la nouvelle lune, s'accroît con-
tinuellement.

2059. Et c'est pour cela qu'on le connaît sous le nom de


Prabhàsa, ô protecteur de la terre, car après s'y être
baignée, la lune acquit un grand éclat.

2060. Or, de là, l'inébranlable Bali (Balarâma) alla à la


source de Camasa (la coupe), que les hommes appellent
Camasodbheda.

2061. Et Halàyoudha y ayant distribué des présents


distingués et s'y étant baigné selon la règle, après avoir
fait pénitence pendant une nuit,

2062. 2063. (Ce) frère aîné de Keçava se hâta d'aller à


la fontaine où les Siddhas obtinrent une grande récom-
pense (de leur ascétisme), et un grand bonheur, et où,
grâce à la vigueur des plantes et à la fertilité du sol, ils
reconnurent la Sarasvatî quoiqu'elle fût cachée *^

CHAPITRE XXXVII

HISTOIRE DES TIRTIIAS

Argument : Halàyoudha va à la source de l'ascète Trita. Histoire de


Trita et de ses deux frères. Leur jalousie. Trita tombe dans un
puits sans eau. Ses frères, Ekata et Dvita, l'abandonnent. Trita offre
mentalement un sacrifice. Les dieux viennent en recevoir leur part
que Trita leur délivre. A la prière de Trita la Saravastî pénètre dans
le puits et en retire l'ascète qui rentre chez lui. Il rencontre ses
deux frères et les maudit. Leur punition.

2064. Vaiçampâyana dit : Halàyoudha alla donc ensuite


à la fontaine du glorieux Trita, qui vient de la rivière,
ô grand roi.
2065. Y ayant distribué de grandes richesses et ho-
noré les brahmanes, y ayant touché l'eau et fait ses
ablutions, celui qui a pour arme un pilon fut joyeux ;

2066. Car ce Trita, dont Tascétisme était très grand, y


avait atteint la limite extrême des mérites, et y avait bu
le soma dans le puits.

2067. Ses deux frères, après l'y avoir abandonné, s'en


retournèrent, mais alors Trita, le plus grand des brah-
manes, les maudit tous les deux.

2068. Janamejaya dit : Brahmane, comment cet


homme au très grand ascétisme tomba-t-il dans la fon-
taine? Pourquoi ses deux frères rabandonnèrent-ils, ô le
plus grand des brahmanes?

LIVRE DE ÇALYA 237

2069. Comment, après l'avoir fait tomber dans le puits,


les deux frères retournèrent-ils chez eux, et comment
but-il le soma?

2070. Raconte-moi cela, ô brahmane si tu penses que


je doive l'entendre.

2071. Vaiçampàyana dit : Dans le temps passé, ô roi, il


y avait trois frères mounis, Ekata, Dvita et Trita, sem-
blables au fils d'Aditi.

2072. Tous pareils à Prajàpati, tous aj'ant des enfants,


tous connaissant la science sacrée, et ayant conquis le
monde de Brahma par leur ascétisme.

2073. Leur père Gautama, toujours ami du devoir, était


constamment satisfait de leur ascétisme, de leurs austé-
rités et de la manière dont ils domptaient leurs sens.
2074. Cependant, après avoir longtemps joui de la
satisfaction (qu'ils lui donnaient), le vénérable (père) alla,
(en mourant), au séjour qui convenait (à ses mérites).

2075. Quand il fut monté au Svarga, tous les rois pour


le compte desquels le magnanime offrait des sacrifices,
honorèrent ses fils.

2076. Mais, ô roi, ce fut Trita qui, d'eux (trois), par ses
mérites et par la récitation des Védas, obtint la meil-
leure partie des dons (de ces hommes), au même titre
que son père même.

2077. De même, tous les heureux et pieux mounis res-


pectaient cet homme fortuné, comme (ils avaient jadis
respecté) son père,

2078. Certes, parfois, ô roi, les deux frères Ekata et


Dvita, songeaient (à oflFrir) les sacrifices, et à (s'approprier)
les richesses.

2079. tourmenteur des ennemis, ces deux (méchants

238 CHAPITRE XXXVII

pensaient) ainsi : « Saisissons Trita et nous recevrons tous


ceux pour qui on offre des sacrifices. Après avoir pris
les bestiaux,

2080. Après avoir atteint un but élevé qui nous réjouira,


nous offrirons le soma. » Les trois frères agirent, ô roi
comme (il va être dit).

2081. Étant allés pour (en recevoir) les bestiaux, vers


ceux qui offrent les sacrifices, leur ayant fait apporter
leurs offrandes et ayant obtenu d'eux de très nombreux
animaux,
2082. Qu'ils avaient reçus, selon la règle, pour cette
œuvre sacrificatoire, ces magnanimes grands rishis se
dirigèrent vers la région orientale.

2083. grand roi, Trita allait, joyeux, en avant. Ekata


et Dvita le suivaient, poussant les bestiaux.

2084. En voyant (ce) grand nombre d'animaux, (cette)


pensée leur vint en commun : « Comment ces vaches
pourraient-elles être à nous deux (seuls). Certes, si Trita
n'était pas là ! »

2085. Comprends, ô maître des hommes, ce que ces


deux méchants, Ekata et Dvita, se dirent mutuellement,
en se communiquant (leurs pensées) :

2086. « Trita est habile dans les sacrifices. Il connaît


bien les védas. Il obtiendra de nombreuses vaches, mais
autres que celles ci.

2087. Alors, nous deux, nous associant, allons en avant,


en faisant avancer les vaches. Certes, que Trita aille sans
nous à sa fantaisie, lui aussi. »

2088. Comme ils avançaient dans la nuit en se tenant sur


le chemin, un loup survint. Il y avait en ce lieu, à une cer-
taine distance, un grand puits, sur la berge de laSarasvatî.

LIVRE DE ÇALYA 239

2089. Et Trita ayant vu le loup qui se tenait en avant


sur le chemin, s'écartant par peur de cet (animal), tomba
dans le puits,

2090. Terrible, très profond, inspirant la terreur à tous


les êtres. Alors, ô grand roi, Trita se trouvant dans ce
puits,
2091. Poussa, à cause de cet (accident), un cri de déses-
poir. Les deux mounis l'entendirent. Les deux frères
Ekata etDvita comprirent qu'il était tombé dans le puits,

2092. Cet homme au grand ascétisme fut abandonné


par les deux frères, animés du désir violent (de s'appro-
prier) les bestiaux, et qui donnèrent libre cours à la cupi-
dité et à la crainte que le loup (leur inspirait).

2093. 2094. Alors, ô roi, se voyant plongé dans ce puits


sans eau, couvert de poussière, caché par les plantes et
les herbes, ô excellent Bharatide, comme un criminel
(enfoncé) dans l'enfer, ce sage Trita, craignant la mort,
comme il n'avait pas bu le soma, réfléchissait :

2095. « Mais comment (donc), placé ici, pourrais-je y


faire arriver le soma ? » Cet homme au grand ascétisme
ayant bien afifermi sa détermination, dans le trou (oii il se
trouvait),

2096. Vit une plante qui pendait dans le puits envahi


par la poussière. Alors, le mouni, ayant produit de l'eau'
par la force de son imagination,

2097. 2098. Créa mentalement les feux et se plaça lui-


même en esprit dans l'oblation. Le mouni au grand ascé-
tisme, ayant imaginé que cette plante était le soma»
récita mentalement les textes desVédas, les Yayous et les
Sàmans. Ayant fait, des pierres (qui étaient là), les
pierres pour le pressurage du soma, il fit le pressurage.

16

240 CHAPITRE XXXVII

2099. Il fit, de l'eau (qu'il avait imaginée), le beurre


àjya, ainsi que les parts des habitants des trois cieux.
Après avoir fait le pressurage, il fit, du bruit (de la pierre
et du coulage), le crépitement (de l'oblation sur le feu).

2100. Mais, ô roi, ce bruit (produit) par Trita arriva


jusqu'au ciel. Il avait réalisé son sacrifice, selon les pres-
criptions de ceux qui connaissent les Védas.

2101. Pendant que le puissant sacrifice de Trita avait


lieu, tout le troisième ciel fut ébranlé, sans que la cause
en fût connue.

2102. Et, par suite, Brihaspati entendit un bruit tumul-


tueux, et, l'ayant entendu, le chapelain des dieux leur dit
à tous :

2103. Trita offre un sacrifice. Allons-y, ô dieux, car ce


grand ascète pourrait créer, même d'autres divinités.

2104. Après l'avoir entendu ainsi parler, tous les dieux


réunis s'approchèrent du lieu oii se faisait le sacrifice de
Trita.

2105. Quand ils furent arrivés là où se trouvait le brah-


mane, ils virent le puits, et le magnanime (ascète) occupé
aux œuvres qui se rapportent au sacrifice.

2106. A la vue de cet (homme) magnanime, doué d'un


pouvoir suprême, ils dirent à cet heureux (rishi, nous
sommes venus) chercher notre part (de ton sacrifice).

2107. Mais le rishi dit aux dieux : Habitants du ciel,


voyez-moi plongé, dans cet horrible puits, et affolé (de
peur).

2108. Puis, ô grand roi, Trita leur délivra, selon les


règles, leurs parts, accompagnées des incantations (vou-
lues), et ils furent satisfaits.

2109. En suite de quoi, les habitants du ciel, contents


LIVRE DE ÇALYA 241

d'avoir reçu leurs justes parts selon la règle, lui accor-


dèrent (raccomplissement) des souhaits qu'il formait
dans son cœur.

2110. Il choisit ses souhaits et (dit) aux dieux : « Vous


devez me protéger (et m'aider à sortir) d'ici. Que celui
qui se baignerait dans ce puits, obtienne le même fruit
que celui qui boit le soma. »

2111. Et, ô roi, la Barasvatî roula ses vagues et s'élança


dans le trou. Soulevé par elle, il en sortit en honorant
les dieux.

2112. Et, après avoir dit : « Qu'il en soit ainsi », les


dieux s'en retournèrent comme ils étaient venus. Alors
Trita, satisfait, se dirigea vers sa propre demeure .

2113. Mais, ayant rencontré ses deux frères, le grand


ascète, irrité, prononça des paroles cruelles et les maudit.

2114. 2115. Parce que, vous deux, dans votre cupidité


pour les bestiaux, vous vous êtes enfui en m' abandon-
nant, vous serez maudits de moi pour cette méchante
action, vous rôderez de tous côtés sous la forme de deux
cruels loups armés de défenses. Votre descendance
même appartiendra (à la race) des singes golangoulas et
rikshas.

2116. Or, à peine eut-il parlé ainsi que, dans l'instant


même, on les vit devenus tels (que l'avait prescrit) l'ordre
de (cet homme) aux paroles vraies.

2117, 2118. S'étant, là aussi, arrosé le corps avec l'eau,


ayant considéré et loué à plusieurs reprises cette fon-
taine, ayant fait des oblations de diverses sortes, et
honoré les brahmanes, le très courageux Halâyoudha, à
l'héroïsme incomparable, arriva là où la rivière disparait.
CHAPITRE XXXVIII

LÉGENDES SARAS VATIENNES

Argument : Halâyoudha va à Vinâçana et à Soubhoûmika; descrip-


tion de ce beau lieu. Il va au tîrtha des Gàndharvas et à Gargas-
rotas. Description. Il va à Nâgavatmant, et ensuite à l'endroit où
laSarasvati change de direction. Vaiçampâyana raconte la légende
du grand sacrifice Naimishien à Samantapaiîcaka et comment la
Sarasvati change de direction. Halâyoudha va ensuite à Saptasâ-
rasvata.

2119. Vaiçampâyana dit : Et alors Halâyoudha alla à


Vinâçana, où la Sarasvati disparaît par horreur pour les
Coudras et les Abhiras.

2120. C'est pourquoi les rishis ont toujours appelé (ce


lieu) Vinâçana (disparition). Le très fort Bala s'y étant
aussi baigné dans la Sarasvati,

2121. Alla à Soubhoûmika, sur l'excellente rive de


cette rivière. Là, sans se lasser jamais, des apsaras
brillantes,

2122. Avec des visages sans tache, jouent, à des jeux,


purs. Là, ô maître des hommes, chaque mois, les dieux
et les Gàndharvas,

2123. S'approchent de ce tîrtha salutaire, honoré par


les Brahmanes. On y voyait des Gàndharvas et des
troupes d'apsaras,

2124. roi, se réunir régulièrement et aller ensemble

LIVRE DE ÇALYA 243


à leur bon plaisir. Là aussi, les dieux et les pitris (pères)
se réjouissaient au milieu des herbes,

2125. Toujours entièrement couverts de fleurs salu-


taires et divines. roi, cette splendide place de récréa-
tion de ces apsaras,

2126. Sur l'excellente rive de la Sarasvatî, est appelée


Soubhoûmikà (qui a un bel emplacement). Le Madhavide,
s'y étant baigné et ayant donné de l'or au prêtre,

2127. Entendit ces chants divins et le bruit des instru-


ments, et vit les grandes ombres des dieux, des Gândhar-
vas et des Rakshasas.

2128. Le fils de Rohinî alla alors au tirtha des Gândharvas,


où les ascétiques Gândharvas, ayant à leurtête Viçvavâsou,

2129. Dansent, chantent et jouent des instruments de


musique d'une manière charmante . Halàyoudha y ayant
offert aux prêtres des trésors de diverses sortes,

2130. Des chèvres, des moutons, des bœufs, des ânes


et des chameaux, de l'or et de l'argent, ayant fait man-
ger aux brahmanes des mets qui leurs plaisaient et
les ayant satisfaits par des (dons) précieux,

2131. Ce Madhavide aux grands bras, dompteur des


ennemis, loué et accompagné par les prêtres, s'en alla
de ce tîrtha des Gândharvas.

2132-2134. L'Ekakandoulin (qui n'a qu'une boucle


d'oreille) alla au grand tîrtha Gargasrotas. Dans ce pur
tirtha de la Sarasvatî, le vieux et magnanime Garga,
dont l'esprit était purifié par l'ascétisme, acquit la con-
naissance des temps (futurs), des mouvements extraor-
dinaires des astres et des présages funestes ou heureux,
ô Janamejaya, et, de son nom, ce Tîrtha est appelé
Gargasrotas (étang de Garga).
244 CHAPITRE XXXVIIl

2135. Là, ô roi, les rishis qui remplissent leurs devoirs


se sont continuellement approchés de Garga, en vue
(d'obtenir) la connaissance de la destinée, ô puissant.

2136, 2137. Le très glorieux Bala Çvetânoulepana (en-


duit d'onguents blancs), y ayant distribué des richesses
aux mounis à l'esprit purifié, et donné aux prêtres des
aliments variés, se dirigea, vêtu d'un habillement bleu,
vers Çankhatirtha.

2138-2142. Le robuste Tàladhvaja y voyait, aussi haut


que le grand (mont) Mérou, semblable à Çvetaparvata(la
montagne blanche), l'arbre Mahâçankha né sur la rive de
la Sarasvatî, entouré d'une multitude de rishis, et auprès
duquel les Yakshas, les Vidhyâdharas, les Rakshasas, dont
la force est immense, les Piçâcas à l'énergie démesurée,
et les Siddhas (saints), se tiennent par milliers. Tous,
ayant renoncé à leur nourriture habituelle, mangent les
fruits de cet arbre. Se livrant à leur aise, chacun sépa-
rément, aux austérités qu'ils ont entreprises, et aux vœux
(auxquels ils se sont astreints), quels qu'ils soient, ils
errent sans être vus par les descendants de Manou, ô le
plus grand des hommes. Cet arbre est connu ainsi dans le
(monde entier), ô tigre des hommes.

2143. Ce qui est cause que ce tirtha, qui efface les


souillures, est célébré dans tout l'univers. Le tigre d'Ya-
dou, y ayant distribué des vaches bonnes laitières,

2144. Des vases de cuivre et de fer, des vêtements de


diverses sortes, et ayant honoré les brahmanes, fut traité
avec honneur par les ascètes.

2145. Halâyoudha alla au bois salutaire de Dvaitavana.


Arrivé là, ayant vu les mounis couverts de vêtements
divers.

LIVRE DE ÇALYA 245

2146. Et s'étant aussi baigné dans l'eau, il honora les


brahmanes, et donna aux prêtres de très riches moyens
de subsistance.

2147. De là, ô roi, Bala s'avança, en suivant la Sarasvatî


sur la droite, (et n'alla) pas très loin. Le très glorieux
(héros) aux puissants bras,

2148. Vertueux, inébranlable, alla au tîrtha Nàgavat-


mant, où est la demeure de Vàsouki, roi des serpents,

2149. Qui possède un grand éclat, ô grand roi, et est


entouré de nombreux serpents. Il y a continuellement en
ce lieu quatorze mille rishis.

2150. C'est là que tous les dieux s'étant rassemblés,


consacrèrent selon les règles Vàsouki, le plus grand des
serpents, comme roi de ces animaux.

2151. En ce lieu, ô Pourouide, le danger des serpents


n'est pas connu. Ayant aussi donné dans cet endroit des
masses de joyaux aux prêtres,

2152. Il se dirigea vers l'Orient. Là aussi (il rencontra)


à chaque pas de nombreux tirthas, portant des centaines
et des milliers de noms.

2153. Après s'être baigné dans ces tirthas, comme cela


lui avait été indiqué par les rishis, après y avoir fait la
cérémonie religieuse de l'apavàsa et distribué des libé-
ralités de toutes parts,

2154. Après avoir salué respectueusement ceux qui


habitaient en ces lieux, (et qui lui) enseignèrent la route
(qu'il devait suivre), il se dirigea vers l'endroit où, brus-
quement, la Sarasvati

2155. Se retourna vers l'est, comme la pluie fouettée


par le vent, par égard pour les magnanimes rishis Nai-
mishiens.

246 CHAPITRE XXXVIII

2156. Le Lângalin (qui porte une charrue), Bala Çvetâ-


noulepana, fut étonné, ô roi, en voyant la meilleure des
rivières, dont Textrémité retournait en arrière.

2157. Janamejaya dit : brahmane, pourquoi la Saras-


vatî se tourna-t-elle vers l'est? Je désire que tu m'expliques
tout cela, ô le plus grand de ceux qui sont versés dans la
connaissance du Yayourvéda.

2158. Pourquoi le descendant d'Yadou fut-il étonné ?


Comment et pour quelle raison la meilleure des rivières
se retourna-t-elle ?

2159. Vaiçampàyana dit : Jadis, ô roi, à l'époque Krita-


youga (dans l'âge d'or), un très grand sacrifice qui dura
douze ans fut offert en ce lieu. Des ascètes Naimishiens,

2160. De nombreux rishis, ô roi, se dirigèrent vers


(l'endroit où se faisait) ce sacrifice, et ces (hommes) heu-
reux y habitèrent en se conformant aux règles.

2161. Quand ce sacrifice Naimishiende douze ans fut fini,


de nombreux rishis vinrent en ce lieu, à cause des tîrthas.

2162. Or, par suite de la grande affluence des rishis, ô


maître des hommes, les tîrthas prirent l'apparence d'une
ville, sur la rive droite de la Sarasvatî.

2163. De sorte que l'avidité pour les tîrthas attira les


plus grands brahmanes sur la rive de la rivière, à Saman-
tapaiîcaka.

2164. (Toutes) les directions de l'espace furent remplies


(du bruit fait) par la récitation incessante des prières de
ces mounis à l'esprit purifié, qui offraient des sacrifices
en ce lieu.

2165. La meilleure des rivières était alors embellie par


les sacrifices que ces magnanimes (offraient), et qui brû-
laient de toutes parts.

LIVRE DE ÇALYA 247

2166-2168. Les moimis qui se trouvaient là, dans le


voisinage de la Sarasvatî, étaient les ascètes Bàlikhiliens ^\
ô grand roi, ceux qui broyaient leur grain entre deux
pierres (Açmakuttas), les Dantoloûkhalinas (qui mangent
leur grain non moulu), les Prasamkhyânas (qui ne
récoltent des vivres que pour le besoin présent), les
ascètes se nourrissant d'air, d'eau ou de feuilles, ceux
qui se livraient à des mortifications diverses, et ceux qui
se couchaient sur la terre (nue). Ils faisaient briller la
Sarasvatî d'un'éclat semblable à celui que, (dans le ciel),
les dieux donnent à la Gangâ (le Gange).

2169. Des rishis (dont l'emploi est) d'offrir des sacri-


fices, arrivèrent par centaines. Ces (hommes) soumis à
de grands vœux ne virent aucune place (où s'établir, qui
leur fût offerte par les rives) de la Sarasvatî.

2170. En vue de la pureté, ils arrosèrent ce tîrtha de


libations, et (ornés) de leurs cordons sacrificiaux, accom-
plirent diverses œuvres pieuses et offrirent des agnihotras.

2171. 2172. Alors, la Sarasvatî vit la multitude déses-


pérée et pleine de soucis de ces rishis. Remplie de com-
passion pour leur pieux ascétisme, la meilleure des
rivières se retourna dans leur intérêt, en creusant (des
canaux limitant) de nombreux bosquets.

2173. Puis, ô Indra des rois, la Sarasvatî, la meilleure


des rivières, après s'être retournée en leur faveur,
s'écoula en se dirigeant de nouveau vers l'ouest.

2174. Je poursuis mon cours après avoir fait en sorte


que leur arrivée (ici) ne soit pas vaine, dit-elle. La grande
rivière accomplit dans cette circonstance un grand pro-
dige, ô roi.

2175. C'est ainsi, ô roi, que ce bosquet fut appelé (le

248 CHAPITRE XXXVIII

bois) de Naimisha. le plus grand des Kourouides, offre


un grand sacrifice à Kouroukshetra.

2176. Et voilà ce qui causait l'étonnement du magna-


nime Ràma, qui voyait là de grands bosquets, et la Sa-
rasvatî (qui s'était) détournée.

2177-2185. Or, Bala Halâyoudha, descendant d'Yadou,


s'étant baigné là aussi, selon la règle, ayant donné aux
brahmanes des vases et des présents de diverses sortes,
leur ayant aussi donné des aliments à manger, ô roi,
ayant reçu les hommages de ces (hommes) à la double
naissance, continua son pèlerinage. Il se dirigea vers le
tîrtha Saptasârasvata, le meilleur de ceux de la Saras-
vatî, habité par diverses troupes de brahmanes, orné de
jujubiers de Terminalias Catalpas, de gmelias arboreas,
de ficus infectorias, de ficus religiosas, et de terminalias
belericas, de cubebes, de feuilles de butea frondosa, de
Capparis aphyllas, de careyas arboreas et d'arbres de
diverses sortes croissant sur les rives de la Sarasvatî,
orné aussi des plus beaux Karoushaka, de Vilvas (œgle
marmelos), d'araràtakas, d'erithrina, indicas et de premna
spinosa, formé pour la plus grande partie d'un bois de
Kadalî (musa sapientum), (lieu) charmant, agréable à
voir, entouré de nombreux mounis mangeurs de vent,
d'eau, de fruits, de feuilles, de grain non moulu, de ceux
aussi qui se nourrissent de grain broyé entre des pierres,
de Vâneyas (qui vont dans les bois), (lieu) retentissant
du bruit de la récitation des prières, troublé par cent
troupeaux de gazelles, extrêmement honoré par les
hommes doux et vertueux à l'excès, et dans lequel le
grand et parfait mouni Mankanaka pratiqua l'ascétisme.

CHAPITRE XXXIX

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Les sept Sarasvatîs. Origine de leurs noms. Sacrifice de


Pitâmaha. Le tirtha Saptasârasvata. Légende de Mankanaka. Causes
de sa danse. Indignation des dieux. Colloque de Mahâdeva et de
Mankanaka, fils de Soukanyâ et du vent.

2186. Janamejaya dit : Pourquoi (dit-on) Saptasâras-


vata? Qu'est-ce que le mouni Mankanaka? Pourquoi ce
vénérable est-il saint, et quel était son ascétisme ?

2187. De quelle famille était-il et qu'a-t-il étudié, ô le


meilleur des brahmanes ? Je désire l'entendre raconter
dans les règles, ô le plus grand des (hommes) à la double
naissance.

2188. Vaiçampâyana dit : 11 y a sept Sarasvatîs (ri-


vières) par lesquelles le monde est parcouru. Car la
Sarasvatî fut appelée en différents lieux par les puis-
sants, (et vint à leur appel). Ces sept Sarasvatîs sont :

2189. La Souprabhà (au bel éclat), la Kàncanâkshî (aux


yeux d'or), la Viçàlà (grande), la Manoramà (charmante);
la Sarasvatî est (encore) l'Oghavatî (qui a des flots), le
Sourenou (qui a un beau sable), la Vimalodakâ (aux eaux
sans tache).

2190. Le grand Pitâmaha (ancêtre du monde, Brahma)


offrait un grand sacrifice, dont l'emplacement était étendu.
11 y avait là d'excellent brahmanes.

250 CHAPITRE XXXIX

2191 . Les souhaits de bonheur et les chants purs des


Védas (rendaient) les dieux eux-mêmes attentifs aux
règles du sacrifice

2192, 2193. Et même, ô Indra des rois, Brahma, l'arrière


grand-père du monde, s'étant péparé, pendant qu'il offrait
le sacrifice (capable de) combler tous les désirs (de l'uni-
vers), les objets auxquels songeait l'esprit des brah-
manes, s'approchaient (à l'instant) de ces hommes ex-
perts en ce qui concerne les règles (sacrifîcatoires).

2194. Les Gandharvas chantèrent et les Apsaras dan-


sèrent, faisant tout d'un coup résonner de divins ins-
truments de musique.

2195. Les divinités mêmes furent satisfaites de labon-


dance du sacrifice, et les êtres nés d'une matrice humaine
éprouvèrent un étonnement suprême.

2196. Pendant que le sacrifice avait lieu, Pitàmaha


(l'ancêtre Brahma) se tenant à Poushkara, les rishis di-
saient : ce sacrifice n'a pas une grande valeur,

2197. Puisqu'on n'y voit pas la Sarasvatî, la meilleure


des rivières. En entendant cela, Bhagavant, avec satis-
faction, se souvint de la Sarasvatî.

2198. La Sarasvatî fut convoquée, sous le nom de laSou-


prabhâ, par Pitàmaha qui sacrifiait à Poushkara,
2199. Les mounis, qui avaient hâté (sa venue), furent
heureux de voir la Sarasvatî rendre hommage à Pità-
maha, et pensèrent que le sacrifice était de haute impor-
tance.

2200. C'est ainsi que la Sarasvatî, la meilleure des ri-


vières, vint à Poushkara, en vue (d'obéir aux ordres de)
Pitàmaha et pour la satisfaction de ces rishis.

2201. roi, des mounis se réunirent à Naimisha. De

LIVRE DE ÇALYA 251

merveilleux récits védiques étaient faits (par eux), 6


Janamejaya.

2202. Dans ce lieu, où ces mounis qui s'étaient réunis,


faisaient divers récits sacrés, ils pensèrent à la Sarasvatî.

2203, 2204. Or, cette heureuse et salutaire Sarasvatî,


à laquelle pensaient ces rishis, qui offraient un sacrifice,
désireuse de (jouir de) la présence de ces magnanimes,
ô Indra des rois, apparut là à ces Mounis, pendant qu'ils
sacrifiaient. C'est la Kànkshanàksî.

2205. Arrivée là, la meilleure des rivières fut honorée


(par ces rishis), ô Bharatide. Gaya offrant un grand sacri-
fice chez les Gayas même *%

2206. La Sarasvatî, la meilleure des rivières, fut con-


voquée au sacrifice de Gaya. Les rishis, aux vœux par-
faits, la nommèrent la Viçàlà (grande) de Gaya.

2207. 2208. Cette rivière, au cours rapide, découle des


flancs de l'Himalaya. De même, quand le magnanime
Auddàlaki (Çvetaketou) offrit son sacrifice, ô Bharatide,
un grand cercle de mounis étant rassemblé de toutes
parts dans la partie nord du pays de Kouçala,
2209. La Sarasvatî, la meilleure des rivières, jadis
convoquée par Auddàlaki offrant un sacrifice, vint dans
leur pays, à cause du rishi.

2210. Honorée par la troupe des Mounis revêtus de


peaux et de vêtements d'écorce, elle fut nommée la
Manoramâ (charmante). Car elle avait, dans leur esprit,
reçu cette qualification,

2211. C'est le Sourenou, dans l'île Rishabha habitée par


les râjarshis (rois sages comme les rishis) ^^ Quand le
magnanime Kourou offrit un sacrifice à Kouroukshetra,

2212-2215. L'heureuse Sarasvatî, la meilleure des ri-

252 CHAPITRE XXXIX

vières, aux eaux divines, convoquée à Kouroukshetra


par le magnanime Vasishtha, ô Indra des rois, vint (à
son appel sous le nom de) l'Oghavatî. La Sarasvatî, qui
s'avance avec un courant rapide, fut appelée Sourenou
par Daksha, qui offrait un sacrifice sur les bords de la
Gangâ. La vénérable, convoquée encore (sous le nom de)
Vimalodâ (qui a des eaux sans taches) par Brahma qui
offrait un sacrifice sur le mont sacré de l'Himalaya, vint
en ce lieu. Puis (ces sept rivières) se sont réunies en-
semble dans ce tirtha.

2216. C'est pourquoi ce tîrtha, dont le nom s'étend par


toute la terre fut appelé Saptasârasvata (provenant des
sept Sarasvatî). Je t'ai ainsi indiqué par leurs noms les
sept Sarasvatî,

2217-2219. Je t'ai aussi fait connaître le salutaire tîr-


tha Saptasârasvata. Ecoute maintenant, ô roi, la grande
joie de Mankanaka qui pratiquait une chasteté perpé-
tuelle. Se baignant dans la rivière, il vit dans l'eau une
femme nue comme la main, au corps sans défaut, à
l'âpanga (commissure externe des yeux) brillant, qui s'y
baignait (aussi) à sa fantaisie, ô Bharatide. (A cette vue),
ô grand roi, la semence virile lui jaillit dans l'eau de la
Sarasvatî.

2220. Mais cet homme au grand ascétisme, reçut cette


semence dans une aiguière, et ce qui se trouva dans ce
vase se divisa en sept parties,

2221, 2222. D'où naquirent les sept rishis Vâyouvega


(qui a la rapidité du vent), Vâyoubala (qui a la force du
vent), Vâyouhan (qui tue le vent), Vâyoumandala (tour-
billon de vent), Vâyoujvala (qui a le vent pour flamme),
Vàyouretas (semence du vent) et l'héroïque Vâyoucakra

LIVRE DE ÇALYA 253

(qui a l'empire du vent). Ces (sept) procréateurs des


vents furent engendrés ainsi.

2223. roi, écoute attentivement le prodige le plus


merveilleux, (qui ait été produit) sur la terre, (prodige)
célébré dans les trois mondes, tel qu'il fut accompli par
le grand rishi.

2224. On raconte que jadis Mankanaka, qui avait


acquis la perfection, se blessa à la main avec la pointe
d'un brin de kouça, ô roi. Une sève végétale en coula
(au lieu de sang).

2225-2227. A la vue de cette sève, il fut rempli de joie


et se mit à danser. Alors, comme il dansait, tout ce qui
était mobile et tout ce qui était immobile (autour de lui),
n'hésita pas à se mettre à danser (aussi, entraîné et comme)
rendu fou par son énergie, ô héros. Mahàdeva fut prié par
les dieux, Brahma en tête, ô roi, et par les rishis voués à
l'ascétisme, (de mettre ordre) à ce que faisait ce rishi.
(Ils lui dirent) : « Tu dois, ô dieu, l'empêcher de danser. »

2228. Le dieu Mahàdeva, voyant le mouni extrêmement


joyeux, lui dit, pour être agréable aux (autres) divinités :

2229, 2230. Oh ! oh ! brahmane qui connaît les devoirs,


pourquoi danses-tu? De quelle espèce est la cause de la
joie excessive qui t'anime, toi qui suis la voie de l'ascé-
tisme, ô le plus grand des brahmanes?

2231. Le rishi répondit : Vois donc, ô Brahma, la sève


coulant de ma main. A sa vue, saisi d'une grande joie,
je me suis mis à danser.

2232. Le dieu se mit à rire et dit au mouni égaré


par la passion, je ne m'étonne pas (de ta joie), regarde-
moi.

2233. Indra des rois, le pouce (de Mankanaka) fut

254 CHAPITRE XXXIX

frappé du bout du doigt par le sage Mahàdeva, qui venait


de parler ainsi au plus excellent des hommes.

2234. Alors, ô roi, il sortit de la blessure, de la cendre


semblable à de la neige. roi, ce mouni, envoyant cela,
fut rempli de honte et (tomba) aux pieds (du dieu).

2235. Il pensa que c'était le dieu Mahàdeva et dit, dans


son étonnement : « Je ne crois pas qu'il y ait un autre
grand qui soit supérieur au dieu Roudra.

2236. porteur de la lance, tu es la voie du monde, y


compris les dieux et les Asouras. Les sages disent qu'il a,
tout entier, été créé par toi.

2237. Tout rentre dans toi, à la fin du monde. Tu ne


peux pas être connu par les dieux, comment (donc le
serais-tu) par les hommes?

2238. On voit en toi tous les êtres qui sont dans l'uni-
vers. Tous les dieux, Brahma en tête, s'approchent (avec
respect) de toi, ô Varada (qui comble les désirs) sans
péché.

2239. Tu es tout. C'est toi qui as créé et qui fais agir


les dieux. Grâce à toi, toutes les divinités (n'ayant à
craindre) de dangers d'aucune part, se livrent à la joie. »

2240. Ce rishi, après avoir loué Mahàdeva, s'était incliné :


« dieu, dit-il, cette agitation à laquelle je me suis livré
a été causée par l'étonnement (que j'ai éprouvé) ^\

2241. Je te demande donc que mes mérites ascétiques


n'en soient pas diminués. » Le dieu, dont l'esprit était
satisfait, répondit au rishi :

2242. Que tes mérites ascétiques, ô brahmane, s'accrois-


sent mille fois de mes faveurs. Je m'entretiendrai tou-
jours avec toi, ici, dans cet ermitage.

2243. Rien ne sera difficile à obtenir ici-bas, ni dans

LIVRE DE ÇALYA 255

l'autre monde, pour l'homme qui m'honorera dans ce


(tîrtha) Saptasârasvata.

2244, 2245. Il ira (après sa mort) au monde Sarasvatien.


Cela ne fait aucun doute. Voilà ce que fit le très éner-
gique Mankanaka, fils de Soukanyâ et du Vent.

CHAPITRE XL
LEGENDES SARASVATIENNES

Argument : Halàyoudha va à Auçanasa. Légende de ce tîrtha ; acci-


dent arrivé à Maliodara qui ciiercliait à se délivrer de la tête de
Rakshasa fixée à sa jambe. Il en est délivré à Auçanasa auquel les
rishis donnent à cause de cela le nom de Kapalamocana. Halà-
youdha va à l'ermitage de Roushangou.

2246. Vaiçampâyana dit : Râma Halàyoudha, ayant


séjourné en cet endroit et honoré les habitants de
l'ermitage, montra une dévotion éclatante, à l'égard de
Mankanaka.

2247. Après avoir fait des dons aux brahmanes, et avoir


passé la nuit en ce lieu, le Lângalin, honoré par les
mounis, se leva quand le matin (fut arrivé).

2248. Après avoir imploré (la bienveillance de) tous


les mounis et avoir touché l'eau, ô Bharatide, Râma
s'empressa de continuer son voyage aux tîrthas.

2249. 2250. De là, Halàyoudha alla au tîrtha appelé


Auçanasa (d'Ouçanas) Kapalamocana (qui délivre de la
tête), là où le grand mouni Mahodara (qui a un gros
ventre), dont la jambe avait été saisie, ô roi, par la
grosse tête du Rakshasa frappé jadis par Râma, (fils de
Daçaratha), ô grand roi, fut délivré (de cette calamité).

2251. En ce lieu, toutes les pratiques ascétiques furent

LIVRE DE ÇALYA 257


accomplies par le très magnanime Kàvya (Ouçanas). La
prudence entière de ce grand sage y prit naissance.

2252. C'est là qu'il médita sur la guerre (des dieux)


contre les daityas et les dànavas. Bala, ô roi, ayant
atteint cet excellent et sublime tîrtha,

2253. Fit des libéralités, selon les règles, aux magna-


nimes brahmanes.

2254, Janamejaya dit : brahmane, pourquoi (appelle-


t-on) Kapalamocana (le lieu) oii le grand mouni fut déli-
vré ? Comment et pour quel motif la tête (du rakshasa)
s'attacha-t-elle à lui ?

2255, 2256. Vaiçampâyana dit : Jadis, ô tigre des


hommes, la tête d'un cruel rakshasa fut coupée, à l'aide
d'un glaive tranchant, ô Janasthàna, par le magnanime
Raghouide (Ràmabhadra) qui demeurait dans (la forêt de)
Dandakâranya, et qui était destiné à détruire les raksha-
sas. Cette (tête) tomba dans les grands bois.

2257. roi, elle s'attacha d'elle-même à la jambe de


Mahodara qui errait dans la forêt, et, ayant brisé l'os,
elle se mit à s'agiter.

2258. Ce brahmane à la grande sagesse fut (alors)


empêché, par cette (tête qui s'était) attachée (à lui), de
s'approcher destîrthas et des temples.

2259. Ce grand mouni, atteint de douleurs qui s'accom-


pagnaient d'écoulement de pus, visita (ensuite) '^ à ce
que nous avons entendu dire, tous les tîrthas de la terre.

2260. Ce grand ascète alla vers toutes les rivières et


vers les mers, et raconta aux rishis à l'esprit purifié,
tout ce (qui lui était arrivé),

226L Et, (que s'étant) baigné dans tous les tîrthas, il


n'avait pas obtenu d'être délivré. Cet Indra des brah-

258 CHAPITRE XL

mânes reçut (alors) un avis important des mounis, (qui


lui dirent que)

2262. Le plus excellent des tîrthas de la Sarasvati,


appelé alors Auçanasa calmait tous les maux, (que c'était)
le lieu (qui favorisait) l'accomplissement (des désirs des
ascètes), et que rien (ne lui était) supérieur.

226.3, 2264. Le brahmane alla au tîrtha Auçanasa. Pen-


dant qu'il y faisait son ablution, cette tête abandonna son
pied et tomba dans l'eau. Il fut très heureux d'en être
délivré.

2265. Et cette tête elle-même disparut à l'intérieur de


l'eau. Alors, ô roi, débarrassé de cette tête, l'àme purifiée,
délivré de ce qui le souillait,

2266. Mahodara, satisfait, ayant atteint son but, alla à


(son) ermitage; y étant entré après sa délivrance, ô
grand roi,

2267-2270. Il raconta tout ce qui lui était arrivé aux


rishis à l'esprit purifié. Ceux-ci, ô homme inspirant le
respect, s'étant assemblés pour entendre son récit, don-
nèrent à ce tirtha le nom de Kapalamocana (qui délivre
de la tête). Le mouni, étant revenu au plus excellent des
tîrthas, et ayant bu beaucoup d'eau, s'achemina vers la
perfection. Le Madhavide, le plus excellent de ceux de
Vrishni, après avoir fait en cet endroit de grandes offran-
des, et avoir honoré les brahmanes, se dirigea vers l'er-
mitage de Roushangou, où le Rishtishenien pratiqua un
ascétisme excessif, ô Bharatide,

2271. Où le grand mouni Viçvàmitra obtint la qualité


de brahmane. Le grand ermitage, où les désirs sont (tou-
jours) accomplis,

2272. Fut constamment habité par les mounis et même

LIVRE DE ÇALYA 259

par les brahmanes, ô puissant. Alors le fameux Ha-


làyoudha, entouré par les brahmanes,

2273. Alla, ô Indra des rois, là où Roushangou renonça


à la \ie. Le brahmane Roushangou, vieilli dans la pra-
tique de l'ascétisme, o Bharatide,

2274, 2275. Après avoir beaucoup réfléchi, avait habi-


tué son esprit à l'idée d'abandonner son corps. Roushan-
gou, (l'homme) au grand ascétisme, rassembla tous ses
enfants et leur dit : « Conduisez-moi à Prithoûdhaka (oii
l'eau est abondante). » Ces ascètes, constatant que Rou-
shangou avait (atteint) un grand âge,

2276, 2277. L'amenèrent au tirtha de la Sarasvati.


Alors ce sage et très grand ascète, conduit par ses fils à
la Sarasvati, (rivière) salutaire, possédant des centaines
de tîrthas, (dont les rives sont) habitées par une multi-
tude de prêtres, s'y baigna selon les règles.

2278. Le plus grand des rishis, très satisfait, après avoir


reconnu les qualités du tîrtha, dit à ses fils qui s'étaient
assis près de lui, ô tigre des hommes :

2279. Celui qui, occupé à murmurer des prières, à Pri-


thoûdaka, sur la rive supérieure de la Sarasvati, aban-
donnera volontairement la vie, ne sera pas dorénavant
soumis à la mort.

2280-2284. Ce sage Halàyoudha, le fort et majestueux


Balabhadra, ayant touché l'eau (de ce tîrtha) et s'y étant
baigné, et, dans son amour pour les brahmanes, ayant
fait de grandes libéralités aux prêtres, arriva à l'endroit
011 l'adorable ancêtre du monde créa l'univers, là où, ô
Kourouide, le Rishtishenien, le plus grand des rishis,
aux vœux parfaits, obtint, au prix d'un grand ascétisme,
la qualité do brahmane, ainsi que Sindhoudvipa et le rà-

260 CHAPITRE XL

jarshi Devàpa, là où, aussi, l'adorable moimi Viçvàmittra,


le grand ascète à l'énergie terrible, après avoir accom-
pli de grandes austérités, obtint la même qualité.

CHAPITRE XLT

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Légende du Rislitishenien et du tîrtha près duquel il de-


meure. Mort du roi Gàdhi. Viçvàmittra lui succède. Il se met en
route avec son armée et arrive près de Termitage de Vaçishtha.
Colère de ce dernier, Viçvàmittra se fait ascète et obtient la dignité
de brahmane. Halâyoudha se dirige vers l'ermitage de Vaka

2285. Janamejaya dit : Comment l'adorable Rishtishe-


nien pratiqua-t-il un grand ascétisme, et comment Sin-
dhoudvîpa obtint-il la qualité de brahmane,

2286. Ainsi que Devâpi et Viçvàmitra, ô le plus grand


des brahmanes? adorable, explique-moi cela, car ma
curiosité est extrême.

2287. Vaiçampàyana dit : roi, jadis, dans l'âge Krita


(lage d'or), le Rishtishenien, (qui était) un très grand
brahmane, habitait constamment dans la famille de son
gourou (maître spirituel), se plaisant continuellement à
l'étude.
2288. roi, tandis qu'il habitait chez son gourou, ni sa
science, ni sa connaissance des textes sacrés n'attei-
gnaient leur perfection, ô maître des hommes.

2289. Alors, ô roi, ce grand ascète, ennuyé (de son peu


de succès), se livra à un grand ascétisme et, par ce
moyen, acquit les connaissances sacrées les plus étendues.

2290. Ce savant rishi, le plus grand de tous, instruit

262 CHAPITRE XLI

dans les védas, livré à un très grand ascétisme (qui avait


été couronné de) succès, accorda à ce tîrtha les trois
faveurs (suivantes) :

2291. A partir d'aujourd'hui, l'homme (qui se sera) bai-


gné dans ce tîrtha de la grande rivière, en retirera le
fruit salutaire (que procure) le sacrifice d'un cheval.

2292. A partir d'aujourd'hui, la crainte même des bêtes


sauvages n'existera plus ici, et en peu de temps on y ob-
tiendra d'excellents résultats.

2293. Après avoir ainsi parlé, le mouni au grand éclat


s'en alla au Tridiva. Ainsi cet adorable et majestueux
Rishtishenien (vit ses efforts couronnés de) succès.

2294. Dans ce même tîrtha, le majestueux Sindhoud-


vîpa, et Devâpi, ô grand roi, obtinrent l'éminente dignité
de brahmanes.

2295. Et de même, ô mon cher ami, le Koucikien, qui


pratiqua constamment l'ascétisme et dompta ses sens, (y)
obtint la même faveur, par des austérités bien entendues.

2296. Il y avait un grand Kshatriya, appelé Gàdhi, dont


la renommée s'étendait sur la terre (entière). Le majes-
tueux Viçvâmitra était son fils, ô roi.

2297. mon cher, ce roi descendant de Kouçika était


un grand ascète. Ce grand ascète, après avoir sacré (roi)
son fils Viçvâmittra,

2298. Songea à abandonner la vie, et ses sujets, inclinés


(devant lui), dirent : « grand sage, il ne faut pas nous
quitter. Protège-nous contre les grands dangers (qui nous
menacent). »

2299. Alors Gâdhi, ainsi supplié, répondit à ses sujets :


« Mon fils sera le protecteur du monde entier. »

2300. Après avoir ainsi parlé, Gàdhi mit Viçvâmitra à

LIVRE DE ÇALYA 263

sa place et monta au ciel, ô roi. Viçvâmitra était roi


(protecteur des hommes),

2301. Et, malgré ses efforts, il ne pouvait pas protéger


la terre. Alors ce [roi apprit que le monde était menacé
d'un grand danger de la part des rakshasas.

2302. Il partit de sa ville (capitale), accompagné d'une


armée formée de quatre corps de bataille, et, après avoir
parcouru un long chemin, approcha de l'ermitage de
Vaçishtha.

2303. Ses soldats, ô roi, construisirent dans ce lieu de


nombreuses demeures. Alors le vénérable prêtre Vaçish-
tha, fils de brahmane,

2304. Vit par là qu'on s'était emparé de toute la grande


forêt. grand roi, Vaçishtha, le plus excellent des mou-
nis, irrité de cette (intrusion),
2305. Dit à sa vache : « Produis de terribles Çavaras. »
Ayant entendu cet (ordre), cette vache produisit des
hommes terribles à voir,

2306. Qui attaquèrent cette armée et la rompirent de


toutes parts. Viçvâmitra, fils de Gàdhi, ayant appris
qu'elle avait été mise en fuite,

2307. Pensant que l'ascétisme était ce qu'il y avait de


mieux, songea à se faire ascète. roi, il se fixa dans cet
excellent tîrtha de la Sarasvati,

2308. Tourmentant son corps par les austérités et par


le jeûne. Il vivait d'eau, il vivait d'air, il vivait de feuilles.

2309. Il couchait sur la terre et (se livrait) aussi à


d'autres pratiques ascétiques isolées (et spéciales). Mais
les dieux mirent, à plusieurs reprises, obstacle à ses
œuvres pieuses, (craignant de lui voir acquérir des
mérites tels, qu'il vînt à prendre leur place dans le ciel).

264 CHAPITRE XLI

2310. Et la pensée de ce magnanime ne se détourna


pas, (un seul instant), de l'ascétisme (qu'il s'était tracé).
Alors, après avoir pratiqué, avec des fatigues extrêmes,
des austérités de diverses sortes,

3311,2312. Le fils de G-àdhi devint semblable en éclat


au soleil. Pitàmaha, à la grande splendeur, songea à Viçvà-
mitra, (qui était) pourvu de pareils (mérites) ascétiques,
et lui accorda (l'accomplissement) d'un souhait (qu'il for-
merait). Or celui-ci, ô roi, forma ce vœu : « Que je sois
brahmane! »

2313. Et Brahma, l'ancêtre du monde entier dit :


« Soit. » Cet (homme) très glorieux, aj^ant acquis la qua-
lilé de brahmane, par un ascétisme terrible,

2314-2316. Erra sur la terre entière, ayant ses désirs


satisfaits, et sembable aux dieux. Ràma distribua dans
cet excellent tîrtha des trésors de diverses sortes. Plein
de joie, il donna des vaches bonnes laitières, ô roi, des
moyens de transport, des lits, des vêtements, des bijoux,
des aliments et des boissons, (le tout) splendide. Après
avoir honoré les principaux brahmanes, il se dirigea vers
l'ermitage de Vaka, (situé) dans le voisinage,

2317. Là où le bruit court que le Dalbhien Vaka prati-


qua un ascétisme rigoureux.

CHAPITRE XLTI

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Vaka demande des bœufs à Dhritaràshtra qui lui en


donne de morts. Colère dumouni, qui offre le royaume en sacrifice
sous les espèces des chairs de ces cadavres. Le royaume dépérit.
Le roi fait amende honorable et Vaka retire sa malédiction. Sacri-
fice de Brihaspati. Bala va au tirtha de Yàyàti et y fait des lar-
gesses. Il va à Vaçishthâpavàha.

2318. Vaiçampàyana dit : Le descendant d'Yadou alla


à cet (ermitage) qui retentissait de chants pieux, où le
grand ascète Vaka, qui y demeurait,

2319. Offrit en sacrifice le royaume de Dhritaràshtra, fils


de Vicitravîrya, et tourmenta son propre corps par un
ascétisme cruel.

2320-2322. Certes, le majestueux sage fut atteint d'une


grande colère. Car jadis, quand eut lieu le sacrifice de
douze ans de Naimisha, à la fin (de la cérémonie appelée)
Viçvajit (qui triomphe de tout), les sages rishis allèrent
vers les Pâncâlas demander au maître, pour rétribution
des sacrifices, vingt et un jeunes bœufs, forts et sans
défauts. Le Dalbhien Vaka leur dit, en distribuant les
bestiaux :

2323-2325. Je vous abandonne ces animaux. Quant à


moi, je vais aller solliciter le plus grand des rois. Puis, ô
roi, après avoir ainsi parlé à tous les rishis, le majes-

266 CHAPITRE XLII

tueux (mouni), le plus excellent de tous les brahmanes,


alla à la demeure de Dhritarâshtra. Le Dalbhien, s'étant
approché du roi, lui demanda des bestiaux. Dhritarâsh-
tra, le plus grand des rois, plein de colère, lui dit, en
voyant des vaches mortes accidentellement :

2326. Canaille de prêtre, emmène vite ces (bêtes) si


cela te fait plaisir. Le rishi, qui connaissait les devoirs,
en entendant ces paroles, se dit en lui-même :

2327. « Ah malheur ! Certes il m'a été dit à la cour du


roi une parole funeste. » Dévoré de colère, le plus grand
des brahmanes, ayant réfléchi un instant,

2328. Songea à perdre le roi Dhritarâshtra. Cet excel-


lent mouni, ayant enlevé les chairs des (bêtes) mortes,

2329. Offrit jadis un sacrifice (dont) le royaume du roi


Dhritarâshtra (constituait la victime). Ayant allumé le
feu et y ayant versé (l'eau) du tîrtha de la Sarasvatî (en
guise de libation),

2330. Le grand ascète Vaka, le Dalbhien, livré aux plus


grandes austérités, sacrifia le royaume de ce (roi), sous
les espèces de ces chairs même.

2331. Or, quand ce sacrifice terrible eut été pratiqué


selon la règle, ô prince, le royaume de Dhritarâshtra
alla en périclitant.

2332. Alors, ô roi, le royaume de ce (prince), qui se


détruisait comme une grande forêt coupée par la cognée,

2333. 2334. Tomba dans le malheur, et cet acte sans


raison porta ses fruits. roi, ce maître suprême des
enfants des hommes s'affligea en voyant le royaume
ébranlé ainsi, et réfléchit. Il fit d'abord, avec l'aide des
brahmanes, des eff'orts pour être délivré (des malheurs
qui fondaient sur lui).

LIVRE DE ÇALYA 267

2335. Mais les choses n'en allaient pas mieux, et le


royaume courait à sa ruine. Comme, ô mortel sans péché,
ce roi et les brahmanes étaient désespérés,

2336. Et qu'il ne pouvait pas protéger le royaume, ô


roi, alors, ô Janamejaya, il interrogea les gens propres à
résoudre les questions difficiles,

2337. Qui lui dirent : « Le bétail a été offensé par toi. Le


Mouni Vaka a offert ton royaume en sacrifice, sous les
espèces des chairs (mortes que tu lui as données).

2338. C'est pourquoi une grande ruine attend ton


royaume oâ"ert en sacrifice. C'est l'œuvre de l'ascétisme
de ce (mouni), qui cause ta perte.

2339.0 prince, va l'implorer dans le bosquet des eaux de la


Sarasvatî. » Alors, le roi, étant allé à la Sarasvati, dit àVaka,

2340. Après avoir incliné la tête et faitl'anjali, ô excel-


lent Bharatide : « Je t'implore, ô adorable, pardonne-moi
l'offense

2341. Que (je t'ai faite, j'étais) triste, avare, et mon


esprit était frappé de folie. Tu es ma ressource et mon
protecteur, tu dois me faire grâce. »

2342. 2343. En voyant (le roi) pleurer, l'âme ainsi dé-


vorée par le chagrin, le rishi fut gracieux pour lui; il
renonça à sa colère, la compassion le saisit, et il délivra
le royaume, en faisant dans ce but de nouveaux sacrifices,
et en offrant de nouvelles oblations.

2344. Puis, après avoir délivré le royaume et reçu de


nombreux bestiaux, il retourna, l'esprit satisfait, au bois
de Naimisha.

2345. De son côté, le sage roi Dhritarâshtra, au grand


cœur, ayant l'âme pure, retourna dans sa ville (capitale),
apportant (avec lui) une grande bénédiction.

268 CHAPITRE XLTI

2346, 2347. Dans ce même tîrtha, Brihaspati à la grande


intelligence, offrit, avec des chairs, un sacrifice en vue
de la destruction des asouras, et de la conservation des
habitants du ciel. Alors, les asouras furent affaiblis, et
écrasés dans les combats par les dieux victorieux.

2348, 2349. Le très glorieux guerrier aux grands bras,


(Halàyoudha), ayant donné, là aussi, aux brahmanes,
selon la règle, des chevaux, des éléphants, des chars
attelés de chevaux et de mulets, des joyaux précieux,
des richesses et des grains excellents, alla au tîrtha de
Yàyâti, ô maître de la terre.

2350. grand roi, en ce lieu, la Saravastî fi.t, dans


le sacrifice de Yàyâti, couler, (avec ses eaux), du
beurre clarifié et du lait, pour (ce) magnanime fils de
Nahousha

2351. Le tigre des hommes, le roi Yâyàti, après y avoir


offert son sacrifice, eut le bonheur de s'élever aux mondes
supérieurs, qu'il obtint.

2352-2354. Or, comme le puissant roi Yàyâti offrait son


sacrifice en déployant une générosité suprême, et offrant
une adoration continuelle à l'âme universelle, la meil-
leure des rivières combla les désirs, quels qu'ils fussent,
que les brahmanes formaient dans leurs cœurs. Partout
où se trouvait, convoqué pour le sacrifice, un brahmane
quel qu'il fût, (elle lui donna) en cet endroit même, des
habitations, des couches, des aliments (agréables par) les
six saveurs, et des présents de diverses sortes, etc.

2355. Ces heureux (mounis), considérant cette grande


libéralité comme provenant du roi, l'en glorifièrent et le
couvrirent de grandes bénédictions.

2356. Les dieux et les Gândharvas furent satisfaits et

LIVRE DE ÇALYA 269

les hommes furent étonnés en voyant l'heureux résultat


du sacrifice (qui avait été offert) en ce lieu.

2357. Alors Tàlaketou, magnanime prince d'une grande


vertu, toujours très libéral, ayant l'esprit purifié, honoré
(par les mounis) et persévérant (dans le bien), s'approcha
(du tirtha) Vaçishthâpavàha au terrible courant.

CHAPITRE XLIII

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Rivalité d'ascétisme entre Vaçishtha et Viçvâmitra, qui


songe à tuer son concurrent et charge la Sarasvati de le lui ame-
ner. Terreurs de cette dernière. Viçvâmitra insiste. Elle raconte
tout à Vaçishtha qui lui conseille d'obéir. Réflexions de la Saras-
vati. Son stratagème pour sauver Vaçishtha. Fureur de Viçvâmi-
tra qui maudit la Sarasvati. Au bout d'un an, elle est relevée de
cette malédiction.

2358. Janamejaya dit : Comment (s'est effectué) l'enlè-


vement de Vaçishtha, (entraîné par) un courant terrible,
et pourquoi la meilleure des rivières Temporta-t-elle ?

2359. Comment, et pourquoi, ô maître, lui devint-on


hostile ? grand sage, interrogé par moi, réponds à mes
questions, car (ce que tu m'as dit jusqu'à présent) n'a pas
satisfait (ma curiosité).

2360. Vaiçampâyana dit : Bharatide, la rivalité en


matière d'ascétisme engendra une grande et forte inimitié
entre Viçvâmitra et le viprarshi Vaçishtha.

2361. Le grand ermitage de Vaçishtha était situé à Sthâ-


noutîrtha (le tîrtha de Sthânou) ; à l'est et sur (l'autre)
rive (de la Sarasvati était celui) du sage Viçvâmitra.

2362. Le lieu, ô grand roi, où Sthânou pratiqua un ascé-


tisme excessif, où les sages racontent de lui ces œuvres
terribles.

LIVRE DE ÇALYA 271

2363. Où l'adorable Sthànou, ayant ofl'ert un sacrifice et


honoré la Sarasvatî, établit ce tirtha, (est appelé) Sthà-
noutîrtlia (tîrtha de Sthânou), ô roi.

2364. maître suprême des hommes, c'est dans ce tîr-


tha que les dieux sacrèrent, comme commandant en chef
de leur grande armée, Skanda qui écrase leurs ennemis,

2365. Dans ce tîrtha de la Sarasvatî, le grand mouni


Viçvàmitra obtint, par un ascétisme terrible, que Va-
çishtha fût apporté. Écoute cela,

2366. Bliaratide, chaque jour les deux ascètes, Viçvà-


mitra etVaçishtha, rivalisaient furieusement d'ascétisme.

2367. Ce qui fit que le grand mouni Viçvàmitra devint


tout à fait soucieux, et (fut très) affligé en voyant l'éclat
de Vaçishtha.

2368. 2369. Bharatide, cet homme, (quoique) conti-


nuellement appliqué à son devoir, forma cette pensée : La
Sarasvatî apportera rapidement près de moi l'ascète
Vaçishtha, le plus grand de ceux qui marmottent des
prières. Je tuerai sans aucun doute ce très grand brahmane.

2370. Après avoir ainsi réfléchi, l'adorable grand mouni


Viçvàmitra, les yeux rouges de colère, songea à la
Sarasvatî.

237L Cette belle (rivière), considérée par le mouni, fut


troublée et comprit qu'il avait une grande puissance, et
(aussi) une grande colère.

2372. Tremblante, sans couleurs, ayant fait l'anjali, la


Sarasvatî s'approcha alors de Viçvàmitra, le plus grand
des mounis.

2373. Elle était très affligée, pareille à une femme dont


le mari est tué. Elle dit au plus grand des mounis : « Com-
mande. Que dois-je faire? »

18

272 CHAPITRE XLIII

2374. Le mouni irrité, lui dit : « Amène vite (ici) Vaçish-


ha, que je le tue. » La rivière, épouvantée en entendant
cet (ordre),
2375. Ayant cependant fait l'anjali, avec des yeux sem-
blables à des lotus, trembla d'effroi, comme une liane
agitée par le vent.

2376. Le mouni la voyant dans cet état, dit à la grande


rivière : « Amène moi Vaçishtha sans (d'aussi) longues
considérations. »

2377. En entendant ces paroles, elle comprit ses cruel-


les intentions. Sachant que la puissance de Viçvàmitra
était incomparable sur la terre,

2378. La meilleure des rivières alla trouver Vaçishtha,


et lui exposa l'affaire dont l'avait entretenue le sage
Viçvàmitra ;

2379. Craignant la malédiction de tous les deux, elle


tremblait continuellement. Elle avait, (aussi), grand peur
des rishis, en songeant aux puissantes imprécations (qu'ils
pouvaient prononcer contre elle).

2380. En la voyant abattue, sans couleur, soucieuse, ô


roi, le sage Vaçishtha, le premier des hommes, lui dit :

2381. Vaçishtha dit : « la meilleure des rivières, au


courant rapide, emporte-moi vite, car Viçvàmitra te
maudirait. N'hésite pas, protège-toi toi-même. »

2382. Après avoir entendu ces paroles de cet homme


au cœur compatissant, la rivière, ô Kourouide, réfléchit
sur la manière de s'y prendre pour agir convenablement.

2383. Cette pensée naquit en elle : « Certes Vaçishtha


a eu grand pitié de moi. Je dois toujours faire ce qui lui
est profitable. »

2384. Et, ô roi, ayant vu sur la rive le plus grand des


LIVRE DE ÇALYA 273

rishis, le descendant de Kouçika, marmottant des prières,


et offrant un sacrifice, la Sarasvatî pensa :

2385. « Voilà précisément l'occasion. » Ainsi dit alors la


meilleure des rivières. Elle se mit à emporter ses rives
dans son élan.

2386. Maitrâvarouni fut atteint par ce débordement, et


quand il eut été atteint, il loua la Sarasvatî, ô roi :

2387. « Sarasvatî, tu proviens des eaux de Pitâmaha


et tes flots immenses remplissent le monde entier.

2388. Toi-même, ô déesse, traversant l'éther, tu verses


l'eau dans les nuages et nous pensons que toutes les eaux
(proviennent) de toi.

2389. Tu es la prospérité, la splendeur, la renommée,


la perfection, (la déesse) Oumâ (elle-même), aussi. Tu es
la parole, le cri de Svàhâ (bénédiction). Ce monde (entier)
dépend de toi.

2390. Tu résides dans tous les êtres, de quatre façons. »


La Sarasvatî, ô roi, louée ainsi par le grand rishi,

2391. Apporta ce prêtre près de l'ermitage de Viçvà-


mitra, à qui elle fit voir à plusieurs reprises le mouni.

2392. Plein de colère, (Viçvâmitra) chercha une arme


pour tuer Vaçishtha, que lui amenait la Sarasvatî,

2393. Mais en le voyant enflammé de courroux, la ri-


vière se hâta de remporter Vaçishtha vers la région orien-
tale, de peur d'être complice du meurtre d'un brahmane,

2394. Accomplissant les commandements de tous les


dieux et trompant (la rage) du fils de Gàdhi. Alors, en
voyant remporter Vaçishtha, le plus grand des rishis,

2395. Viçvâmitra, chagrin et irrité, dit avec impatience :


« la meilleure des rivières, puisque tu es repartie, en
me trompant.

274 CHAPITRE XLIII

239(3. Roule (avec tes eaux), ô belle, du sang destiné au


chef des Rakshasas. » Puis la Sarasvati, maudite par le
sage Viçvâmitra,

2397. Roula alors, pendant un an, de Teau mélangée de


sang. Mais les rishis, les dieux, les Gandharvas et les
Apsaras

2398, 2399. Furent très affligés de voir la Sarasvati


dans cet état. C'est ainsi, ô maître suprême des hommes,
que ce tîrtha est appelé dans le monde Vaçishthâpavàha
(l'enlèvement de Vaçishtha), et la meilleure des rivières
suivit (ensuite) son cours (dans son état naturel).

CHAPITRE XLIV

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argicmetit : Les mounis purifient la Sarasvatî. Plaintes des Rakslia-


sas; réponse des mounis. La Sarasvatî devient TArounâ. Les mou-
nis ont pitié des Rakshasas et les sauvent. Crime de Çakra qui en
obtient la rémission en se baignant dans le tirtlia de TArounà.
Description du tirtha de Soma.

2400. Viçampàyana dit : Celle-ci, maudite par le sage


Viçvàmitra dans sa colère, apporta du sang avec ses
(eaux) dans l'heureux et excellent tîrtha.
2401. Et alors, ô roi descendant de Bharata, les Rak-
shasas'y vinrent; tous burent ce sang et furent joyeux,

2402. Bien repus, heureux, dansant et riant, leurs cha-


grins s'étant évanouis, comme s'ils eussent gagné le
Svarga.

2403. Mais, ô maître de la terre, au bout d'un certain


temps, des rishis au grand ascétisme, vinrent, réunis, en
pèlerinage, aux tîrthas de la Sarasvatî.

2404. Or, ces héroïques et sages mounis, avides (d'ac-


quérir de nouveaux mérites) ascétiques, s'étant baignés
dans tous les tirthas et en ayant retiré une satisfaction
extrême,

2405. S'avancèrent ensuite vers le tîrtha sanglant.


Alors ces (hommes) heureux, arrivés à ce tîrtha ter-
rible.

276 CHAPITRE XLIV

2406. Virent Teau de la Sarasvatî mêlée de sang et bue


par de nombreux Rakshasas, ô le plus grand des rois.

2407. Les mounis aux vœux parfaits, ô roi, à la vue des


Rakshasas, firent des efforts extrêmes pour protéger la
Sarasvatî.

2408. Ces hommes heureux, aux grands vœux, s'étant


tous réunis et ayant appelé auprès d'eux la meilleure des
rivières, lui dirent :

2409. VI belle, dis-nous la cause pour laquelle la masse


de tes eaux est ainsi troublée. Quand nous aurons entendu
(ta réponse), nous saurons (ce qu'il y aura à faire). »

2410. Alors, elle leur raconta en tremblant, comment


tout s'était passé. Puis, ces ascètes ayant vu qu'elle était
malheureuse, dirent :

2411. « (rivière) sans péché, nous connaissons (main-


tenant) la cause (de tes maux), et la malédiction (lancée
contre toi). Nous ferons tous nos efforts (pour t'en dé-
livrer). »

2412. Après avoir ainsi parlé à la meilleure des rivières,


ils se dirent entre eux : « A (nous) tous, nous délivrerons
la Sarasvatî de la malédiction (de Viçvâmitra). »

2413. 2414. roi, tous ces brahmanes ayant, par di-


verses sortes de pratiques ascétiques, d'austérités, de
jeûnes, de pénitences, de vœux contraires à la nature,
rendu favorable Mahâdeva, protecteur du bétail, maître
du monde, délivrèrent la divine Sarasvatî, la meilleure
des rivières.

2415. La Sarasvatî (rendue) à son état naturel par leur


pouvoir, se remit à rouler les eaux claires qu'elle avait
jadis.

2416. Et la meilleure des rivières, délivrée (de ses

LIVRE DE ÇALYA 277

maux), reprit son ancien éclat. En voyant l'eau de la


Sarasvatî purifiée ainsi par ces mounis,

2417. Les Rakshasas, que cela affamait, allèrent vers


eux pour implorer leur protection. Après avoir fait
l'anjali, ô roi, les Rakshasas, tourmentés par la faim,

2418. Dirent à ces Mounis toujours compatissants :


« Nous sommes affamés et privés des règles perpétuelles
du devoir.
2419. Ce n'est pas de notre plein gré que nous faisons
le mal. C'est par suite des grâces dont vous jouissez, et
par la conséquence (fatale) des mauvaises actions,

2420. Que nos crimes s'accroissent, de sorte que nous


sommes les Rakshasas de Brahma. C'est aussi par les
fautes et l'inconduite des jeunes femmes ^^.

2421. Car ceux qui, ainsi, parmi les Vaiçyas, les Cou-
dras et les Kshatriyas, persécutent les brahmanes, devien-
nent des Rakshasas, (dans leurs existences suivantes),

2422. Les vivants qui offensent un guide sacré, un


ritvij, un gourou, un vieillard, deviennent aussi des
Rakshasas.

2423. les plus grands des brahmanes, sauvéz-nous


ici. Vous êtes (assez) puissants pour sauver tous les mon-
des. »

2424. Cependant les mounis, après les avoir entendus,


louèrent la grande rivière. Ces hommes aux sens domptés
répondirent au sujet de la protection (demandée) par les
Rakshasas :

2425. « Ce sur quoi on a éternué, ce qui est couvert de


vers, les rogatons, ce qui est couvert de cheveux, ce qui
est rejeté, ce qui est souillé par les larmes,

2426. Une nourriture composée de ces choses, est la

278 CHAPITRE XLR

part des Rakshasas ici-bas. Aussi, en reconnaissant ces


choses, le sage les évitera toujours avec soin.

2427. Car, celui qui se nourrit de tels objets, mange une


nourriture de Rakshasa. » Puis, après avoir purifié ce tîr-
tha, les rishis (au grand) ascétisme,

2428. Se tournèrent vers la rivière, dans le but (de la


prier) de venir en aide aux Rakshasas. La meilleure des
rivières, ayant compris la pensée des grands rishis,

2429. Se porta vers l'Arounâ, ô le meilleur des hommes,


Ces Rakhasas s'y étant baignés et ayant abandonné la vie,
allèrent au ciel.

2430. 2431. Car (quand elle est jointe à) l'Arounâ, elle


purifie, (même) du meurtre d'un brahmane. Çatakratou,
roi des dieux, ayant connaissance de cette propriété, fut
délivré de son mal après s'être baigné dans cet excellent
tîrtlia.

2432. Janamejaya dit : Comment l'adorable Çakra com-


mit-il un brahmicide, et comment fut-il purifié de sa
souillure, en se baignant dans ce tîrtha?

2433. Vaiçampâyana dit : maître des hommes, écoute


ce récit, (qui relate) comment cela s'est passé. Jadis
Vâsava rompit l'accord (qu'il avait fait) avec Namouci.

2434. (L'Asoura) Namouci, effrayé par Indra, se réfugia


dans un rayon de soleil. Indra lia amitié avec lui et pro-
nonça (ces paroles, à titre de) convention :

2435. « Je jure par la vérité, ô mon ami, le plus grand


des Asouras, que je ne te frapperai ni par le sec, ni par
l'humide, ni pendant le jour, ni pendant la nuit. »

2436. Après avoir fait cet accord, le roi Vàsava ayant


vu (que l'univers était couvert) d'un brouillard, coupa la
tête (de Namouci) au moyen de l'écume des eaux, ô roi.

LIVRE DE ÇALYA 279


2437. Cette tête coupée de Namouci, suivait de près
Çakra par derrière, en lui disant : « méchant, qui tue
tes amis. »

2438. Constamment excité et tourmenté par cette tête,


(Çakra) fit connaître cette affaire à Pitàmaha.

2439. Le gourou du monde lui dit : « Indra des dieux,


offre un sacrifice selon la règle et baigne -toi dans
l'Arounâ, dans le tirtha qui délivre de la crainte (des
conséquences) du péché.

2440. Çakra, cette eau salutaire a été créée par les


mounis mêmes. Jadis elle n'était pas connue ici-bas.

2441. Alors, la Sarasvatî, s'étant approché de la divine


Arounâ, l'arrosa de ses eaux, et ce grand confluent de
(cette rivière) avec TArounà est salutaire.

2442. Indra des dieux, ofï're des sacrifices, des dons


et des offrandes, et quand tu t'y seras baigné, tu seras
purifié du grave péché que tu as commis. »

2443. Janamejaya, ce (dieu), Indra Balabhid, ayant


entendu ces paroles et sacrifié selon la règle dans le
bosquet de la Sarasvatî, se baigna dans l'Arounâ.

2444. Le maître des trois mondes, délivré de son mal


et du brahmicide, retourna joyeux au troisième ciel.

2445. Et cette tête s'étant aussi baignée, obtint les mon-


des impérissables qui comblent les désirs, ô le plus grand
des rois.

2446. Vaiçampâyana dit : Le magnanime Bala s'y étant


baigné aussi, ayant fait des dons de diverses sortes, et
s'étant livré à des exercices pieux, en vue du but suprême,
alla au grand et excellent tîrtha de Soma,

2447. Oii Soma offrit jadis selon les règles, pour les
fêtes de son sacre, un sacrifice dans lequel, ô Indra des

280 CHAPITRE XLIV

princes, le magnanime Atri fut le hotar à la tête des


prêtres.

2448. A la fin de ce (sacrifice) il y eut un très grand


combat des Danavas et des Rakshasas contre les dieux,
(combat) terrible portant le nom de Tàraka, dans lequel
Skanda tua celui qui a pour nom Tàraka.

2449. Mahâsena y devint le généralissime de l'armée


des dieux, (charge) dans laquelle il tua les Daityas.
L'enfant Kârtikeyay demeura toujours. Ce lieu est Plak-
sharàja -".

CHAPITRE XLV

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Naissance de Kàrtikeya. Il a les Pléiades pour nour-


rices. Sa puissance, son berceau. Les dieux l'^^ntourent. Leur
description. Il prend quatre formes, Brahma l'institue souverain
de tous les êtres. Les dieux se disposent à le sacrer.

2450. Janamejaya dit : le plus grand des hommes à


la double naissance, tu m'as expliqué le pouvoir de la
Sarasvatî, mais il faut que tu me racontes le sacre de
Koumàra, ô brahmane ;

2451. Dans quel lieu, dans quel temps et de quelle


manière (il s'est fait), et par qui et d'après quelles règles
l'adorable maître fut sacré ;

2452. Comment Skanda fit un grand massacre des Dai-


tyas. Apprends-moi donc toutes ces choses, car ma curio-
sité est extrême.

2453. Vaiçampàyana dit : La curiosité que tu éprouves


sied à un descendant de Kourou. Mes paroles mêmes, ô
Janamejaya, vont te satisfaire.

2454. maître suprême des hommes, je vais te racon-


ter, à toi qui m'écoutes, l'inauguration du pouvoir du
magnanime Koumàra.

2455. Le fluide séminal du grand maître (Çiva) tomba


jadis dans le feu. L'adorable (Agni), qui dévore tout, ne
put consumer ce (fluide) impérissable.

282 CHAPITRE XLV

2456. Le brillant porteur des offrandes acquit alors un


très grand éclat, mais ne conserva pas (ce) fœtus éclatant.

2457. Par Tordre de Brahraa, il s'unit jadis à la Gangà,


et déposa (en elle) un germe divin, d'un éclat comparable
à celui du soleil.

2458. Mais la Gangà n'ayant pas la patience de porter


cet embryon (dans ses flancs), l'abandonna sur le char-
mant Himalaj^a, honoré des immortels.

2459. Ce fils du Feu y grandit, remplissant les mondes.


Les (six) Krittikàs (Pléiades) virent ce fœtus (brillant)
comme le feu,

2460. Magnanime, né du Feu, roi dans Çarastamba.


Comme elles désireraient toutes un fils, (chacune d'elles)
cria : « il est pour moi. »

2461. L'adorable maître, aj^ant vu cet amour de ces


mères, (les tétant toutes à la fois), buvait par six bouches
le lait qu'elles laissaient écouler (de leurs seins).

2462. A la vue du pouvoir de cet enfant, les Pléiades,


déesses douées d'une beauté divine, furent extrêmement
étonnées.

2463. Le sommet de la montagne où cet adorable (en-


fant) fut abandonné par la Gangà, parut tout doré, ô le
plus grand des Kourouides.

2464. La terre s'illumina au fur et à mesure que cet


enfant grandissait, et toutes les montagnes en devinrent
semblables à des mines d'or.

2465. Le très héroïque enfant fut nommé Kàrtikeya


(enfant des Krittikàs ou Pléiades) ; (il avait) d'abord (été
appelé) Gàngeya (fils de la Gangà), et était doué d'une
grande force et de grandes facultés,

2466. D'ascétisme, d'héroïsme et d'autorité sur ses sens

LIVRE DE ÇALYA 283

ô Indra des rois. (Il était) beau à voir, comme la lune et


il grandit excessivement.

2467. D'une beauté éclatante, il reposait sur ce doré et


divin (sommet] de Çarastamba, loué par les mounis et les
Gandharvas.

2468. Par milliers, de charmantes et divines jeunes


filles, habiles dans la danse et dans Tart de jouer de divins
instruments de musique, dansaient près de lui en le glo-
rifiant.

2469. La rivière Gangà, le meilleur des fleuves, se tient


près du dieu, et la terre qui le supporte a une beauté
suprême.
2470. Brihaspati fit en cette occasion les cérémonies,
en commençant par celles relatives à la naissance d'un
enfant, et le Véda, qui a quatre formes, ayant fait l'aii-
jali, s'approcha de lui.

2471 . Le Dhanourveda (la science de l'arc) , qui a quatre


divisions, le Çastragrâma (réunion des armes), avec le
Sangraha (l'enseignement de la manière de ramener les
flèches), et le roseau (des traits) seul, se tenaient près de
lui '' .

2472. Le très héroïque (dieu) vit le dieu des dieux,


époux d'Ouraâ, avec (cette) fille des montagnes, entouré
de plusieurs centaines d'êtres.

2473. Des groupes, très merveilleux à voir, d'êtres


déformés, avec des corps déformés, ayant des orne-
ments et des étendards déformés,

2474. Les uns avec des faces de tigre, de lions et


d'ours, (les autres) des bouches de monstres marins et dé
vidàlas (chats), (d'autres) des faces de chais (vrisha-
damsa), d'éléphants et de chameaux.

284 CHAPITRE XLV

2475. Quelques-uns avec des visages de hibou, (ou bien


étaient) semblables à des vautours, ou à des chacals. Quel-
ques-uns ressemblaient aux courlis, à l'antilope rankou.

2476. D'autres avaient le corps pareil à celui du çvà-


vidh, du çalyaka (deux sortes de porc épie), et du lézard
godha, du bélier, de la chèvre, du bœuf.

2477. Quelques-uns ressemblaient à des montagnes et


à des nuages, (ou avaient) pour armes des disques et des
massues levées. Quelques-uns avaient l'éclat d'épais col-
lyres ; quelques-uns avaient la splendeur de montagnes
blanches.

2478. maître des hommes, sept troupes de Mères


s'assemblèrent aussi, puis les Viçvedevas, les Sâdhyas,
tous les Marouts, les Vasous et les Pères (Pitris).

2479. Les Roudras et les Adityas, les Siddhas, les Ser-


pents, les Dânavas, les Oiseaux, l'adorable Brahma
Svayambhou (qui existe par lui-même), avec ses fils et
avec Vishnou,

2480. Çakra aussi, s'approchèrent pour voir Acyouta,


le meilleur des enfants. Et les plus grands des dieux et
des G-andharvas, ayant Nârada à leur tête,

2481. Les Devarshis, les Siddhas (saints) ayant Brihas-


pati pour conducteur, les Pères du monde, les brah-
manes, les dieux des dieux,

2482. Les Yamas et les Dhàmas aussi, (tous) ceux-là se


réunirent de toutes parts . Mais le fort enfant, doué d'un
grand pouvoir et d'une grande force,

2483. 2484. S'approcha du maître des dieux, qui avait


la pique à la main, et portait (l'arc) Pinàka. En le
voyant s'approcher, Çiva, Çailapoutrî, la Gangâ, et Pàvaka
(le feu), eurent simultanément cette pensée : « Duquel

LIVRE DE ÇALYA 285

(d'entre nous), cet enfant s'approchera-t-il d'abord, en


tenant compte de la dignité (hiérarchique). »

2485. Tous pensaient : « ce sera vers moi. » (Mais) lui,


ayant connu cette pensée, (qu'ils avaient tous) quatre,

2486. Recourut à son pouvoir magique, et prit en


même temps des corps divers, de sorte qu'en un instant,
l'adorable maître offrit quatre formes :

2487. La sienne, et par derrière Çàkha, Viçàkha et Nai-


gameya. L'adorable maître s'étant donc fait quadruple,

2488. Skanda, merveilleux à voir, alla où était Roudra ;


puis Viçàkha alla là où était la fille de la meilleure des
montagnes,

2489. Et l'adorable Çàkha, qui avait la forme du dieu


du vent, alla vers le feu. L'enfant ayant l'éclat du feu
(devenu) Naigameya, alla vers la Gangà.

2490. Ces quatre (personnifications), ayant des corps


brillants et des formes semblables, s'approchèrent de ces
divinités. C'était comme un prodige.

249L A la vue de ce grand miracle qui faisait hérisser


le poil de (stupeur), les dieux, les Dànavas et les Raksha-
sas poussèrent un grand cri de : Ah ! Ah !

2492. Alors Roudra, la déesse (Çailapoutrî) et le Feu,


avec la Gangà, s'inclinèrent tous devant Pîtàmaha, maître
du monde,

2493. Puis, ô taureau des rois, après s'être inclinés


suivant la règle, ils prononcèrent ces paroles, dans le but
d'être agréables à Kàrtikeya, ô roi :

2494. « adorable maître du monde, tu dois, pour nous


être agréable, donner à cet enfant, une souveraineté
telle qu'il la désire. »

2495. Alors, cet adorable et sage maître du monde en-

286 CHAPITRE XLV


tier, examina dans son esprit ce qu'on lui demandait et
dit : « Que (peut-il) obtenir? »

2496, 2497. Jadis, il avait donné aux diverses classes


des magnanimes, toutes les souverainetés des dieux, des
Gandharvas, des Rakshasas, des Esprits, des Yakshas, des
Oiseaux et des Serpents. Dans sa sagesse, il le jugea
digne de la souveraineté (sur eux tous).

2498. Alors, celui qui fait le bonheur de (tous les) dieux,


ayant réfléchi un instant, lui confia le poste de généra-
lissime de tous les Êtres, ô Bharatide.

2499. L'ancêtre de tous les êtres lui soumit tous ceux


qui sont connus (pour être les) rois de toutes les troupes
des dieux.

2500. Puis les dieux, Brahma en tête, réunis dans ce


but, ayant pris (avec eux) Koumâra, allèrent, pour le
sacrer, vers (l'Himalaya), l'Indra des montagnes,

2501. A Samantapaficaka, vers la salutaire et divine


Sarasvatî, la meilleure des rivières, qui descend de
l'Himalaya et qui est célébrée dans les trois mondes.

2502. Tous les dieux et les Gandharvas, l'esprit satis-


fait, s'assirent là sur la rive, salutaire et douée de toutes
les qualités, de la Sarasvatî.

CHAPITRE XLVI

LEGENDES SARASVATIENNES

Argument : Sacre do Kârtikeya. Énumération des dieux présents


et des suivants que cliacun d'eux lui cède. Description de ces
suivants et de leur manière de combattre.

2503. Vaiçampàyana dit : Alors, ayant rassemblé selon


les préceptes tous les divers objets nécessaires au sacre,
le feu étant allumé, Brihaspati sacrifia selon la règle à
Agni,

2504. Placé sur un siège élevé, favorable, orné des plus


excellents joyaux, rempli de bijoux divins, fourni par
l'Himalaya.

2505. Après avoir récité les raantras (incantations)


régulières et pris les matières destinées au sacre, ainsi
que tous les objets propitiatoires, les troupes des dieux,

2506. Indra et Vishnou très héroïques, le soleil et Can-


dramas (la lune), le créateur et l'ordonnateur du monde,
ainsi que le Vent et le Feu,

2507. Poushan, Bhaya et Aryaman, Amça, Yivasvant,


le sage Roudra, accompagné de Mitra et de Yarouna,

2508. Prabhou (le maître), entouré des Roudras, des


Vasous, des fils d'Aditi, des dieux Açvins, des Viçvedevas,
des Marouts, des Sàdyas et des Pitris.

2500. Des Gandharvas, des Apsaras, des Yakshas, des

19

288 CHAPITRE XLVI

Rakshasas at des Paimagas (serpents), des innombrables


Devarshis et des Brahmarshis,
2510. Des Vaikhànasas, des Vàlakhilyas, des Marîcipas
(qui se nourrissent de la lumière), des Vàyvàhàras (qui
se nourrissent du vent), des Bhrigous, des Angiras et
des magnanimes Yatis.

2511 . Entouré par les Sarpas (rampants), les pieux Vidyà-


dharas (porteurs de lumière), par les Yogasiddhas (qui
ont acquis la perfection par l'ascétisme), Pitàmaha, Pou-
lastya et Poulaha au grand ascétisme.

2512. Angiras, Kaçyapa, Atri, Marîci et Bhrigou, Kra-


tou, Hara, Pracetas, et aussi Manou et Daksha,

2513. Les saisons, les planètes, les étoiles, ô maître


des hommes, les rivières, ayant pris un corps, les Védas
éternels,

2514. Les Mers, les Étangs, les diverses sortes de Tir-


thas, la Terre, le Ciel même, les Points cardinaux et les
Arbres, ô maître suprême des hommes,

2515. Aditi, la mère des dieux, Hri (la pudeur), Çrî (la
fortune), Svâhâ (épouse du feu), Sarasvatî, Oumà, Çacî
(la lune), Sinîbalî, Anoumita (la lune un jour avant son
plein), Kouhou (la nouvelle lune),

2516. Ràkà (le génie du jour de la pleine lune), Dhi-


shanâ et les autres épouses des habitants du ciel, l'Hima-
laya, (le mont) Vindhya, le Mérou qui a plusieurs sommets,

2517. Airàvata (éléphant d'Indra), avec ses compagnons.


(Les espaces de temps appelés) Kalà, Kàshthâ, le mois
et le demi mois, les saisons, la nuit et le jour, ô roi

2518. Ouccaisçravan le plus excellent des chevaux,


Vàsouki, roi des serpents, Arouna, Garouda, les arbres et
les plantes,
LIVRE DE ÇALYA 289

2519. L'adorable dieu Dhariua (le devoir), se rencon-


trèrent réunis en ce lieu, ainsi que Kàla (le destin), la
Mort, Yama et les suivants de Yama,

2520. Et des troupes de divinités de plusieurs sortes


que leur grand nombre empêche d'indiquer. Ils s'assem-
blèrent de tous les entés pour le sacre de Koumàra.

2521. Alors, ô roi, tous ces dieux saisirent de toutes


parts le vase contenant l'eau de l'ablution et les objets
proj)itiatoires.

2522. roi, au moyen d'aiguières d'or, des eaux salu-


taires et divines de la Sarasvati et des autres objets
divins requis pour la cérémonie,

2523. Les dieux, joyeux, sacrèrent les (quatre formes


de) Koumàra, (en qualité de magnanime généralissime,
remplissant les Asouras de terreur.

2524-2526. Comme (il avait été fait) jadis (pour) Varouna


(en qualité de) maître des eaux, Brahma ancêtre du
monde, ô grand roi, ainsi que le très éclatant Kaçyapa,
et les autres (dieux) célèbres dans le monde, le consa-
crèrent par l'aspersion. Le maître Brahma, joyeux, lui
donna (pour compagnons) quatre forts Siddhas (saints),
rapides comme le vent, doués d'une énergie qu'ils pou-
vaient accroître à volonté, suivis d'un grand cortège.
(C'étaient) Nandisena (qui réjouit l'armée), Lohitàksha
(qui a les yeux rouges) et Ghantâkarna (qui a des grelots
pour oreilles).

2527, 2528. Son quatrième suivant était appelé Kou-


moudamàlina (couronné de lotus). Ensuite, le maître Sthà-
nou au grand éclat donna à Skanda, Kâma, accompagné
d'une suite nombreuse, possesseur de cent pouvoirs ma-
giques, doué de force et d'héroïsme pouvant s'accroître
290 CHAPITRE XLYI

à sa volonté, destructeur des ennemis des dieux, ô Indra


des rois.

2529. Dans le combat des dieux contre les Asouras,


celui-ci, furieux, tua, avec ses deux bras, quatorze mil-
lions de daityas aux œuvres terribles.

2530. Les dieux lui donnèrent aussi l'armée entière des


Nirritis, invincibles, destructeurs des ennemis des im-
mortels, ayant les caractères distinctifs de Vishnou.

2531. Et tous les dieux, avec Vàsava, ainsi que les Gan-
dharvas, les Yakshas, les Rakshasas, les Mounis et les
Pères, poussèrent le cri de la victoire.

2532. Yama (lui) donna ensuite deux suivants Ounmà-


tha (carnage) et Pramâtha (destruction), tous les deux
très héroïques, très éclatants et semblables à Kàla (le
temps).

2533. Soubhràja (très brillant) et Bhàsvara (brillant)


étaient deux suivants du soleil. Le majestueux Soleil les
donna avec plaisir à Kàrtikeya.

2534. Soma offrit aussi deux serviteurs : Mani (joyau)


et Sou mani (beau joyau), parés de fleurs et (enduits)
d'onguents blancs, semblables, (en éclat), au sommet de
Kailàsa.

2535. De même, le (Feu) qui se nourrit des offrandes,


donna à son fils deux compagnons, héros consumant les
armées ennemies, Jvàlàjihva (qui a une langue de
flamme) et Jyotis (éclat) ^^

2536-2538. Amça donna aussi au sage Skanda cinq ser-


viteurs : Parigha (bâton ferré), Vata, Bhima (terrible), à
la grande force, les deux violents et héroïques Dahati
et Dahana (brûlant). Vàsava, tueur des héros ennemis,
donna au fils du feu, Outkroça (aigle de mer) et Pancaka

LIVRE DE ÇALYA 291

(le nombre cinq), tous les deux armés de bâtons qui étaient
des tonnerres. Certes ces deux (serviteurs) tuèrent (jadis),
dans les combats de nombreux ennemis du grand Indra.

2539. Le très glorieux Vishnou donna à Skanda ces


trois suivants : Cakra (disque), Yikramaka (errant) et
Samkrama (congrès, réunion), à la grande force.

2540. Satisfaits, les A.çvins, les deux meilleurs des mé-


decins, donnèrent à Skanda : Vardhana (accroissant) et
Nandana (réjouissant), habiles dans toutes les sciences.

2541. Le très glorieux Dhàtar (créateur) donna au ma-


gnanime : Kounda (jasmin), Kousouma (fleur), Koumouda
(fleur de lotus nocturne), Dambara (tumulte) et Adambara
(fracas).

2542. Tvashtar (Tartisan universel) donna à Skanda :


Cakra (disque) et Anoucakra, deux forts serviteurs, maî-
tres de troupes de démons doués d'un grand pouvoir ma-
gique.

2543-2555. Le roi Mitra donna au noble Koumàra les


deux magnanimes et savants ascètes, Souvrata (qui a
de beaux vœux), et Satyasandha (vérace), agréables à
voir, comblant les désirs et renommés dans les trois
mondes. Yidhàtar (l'ordonnateur du monde) donna à Kàr-
tikeya, les magnanimes Souprabha ^^ (très éclatant) et
Çoubhakarman (qui a des œuvres pures). Poushan, ô
Bharatide, lui donna deux très grands magiciens, célé-
brés dans les trois mondes : Pànîtaka et Pànika. le plus
grand des Bharatidcs, le Vent offrit à Kùrtikeya deux
compagnons à la grande bouche et à la grande force :
Bala (fort) et Atibala (très fort). Varouna Satyasangara
(qui tient ses promesses) donna à Kùrtikeya les deux très
forts Yama et Atiyama, ayant des bouches de (poisson)

292 CHAPITRE XLVI

timi. L'Himalaya, ôroi, donna au fils du feu les magna-


nimes Souvarcas (très éclaiant) et Ativarcas (très écla-
tant). Bharatide, Merou donna au fils d'Agni, Kàncana
(doré) et Meghamàlin (qui a une couronne de nuages),
Merou donna (encore) au fils du feu deux autres sui-
vants : Sthira (ferme) et Atisthira (très ferme). Le magna-
nime Vindhj^a lui donna deux autres suivants très forts,
très héroïques, combattant avec de grosses pierres, Ouc-
chringa et Atiçringa.

L'Océan donna aussi au fils du feu deux serviteurs ar-


més de massues, Sangraha (union) et Vigraha (sépara-
tion). La belle Parvatî lui donna Ounmàda (folie), Poush-
padanta (dont les dents sont des fleurs) et Çankoukarna
(aux oreilles pointues). Vâsouki, maître des serpents, ô
tigre des hommes, donna au fils du feu deux serpents,
Jaya (victoire) et Atijaya (très victorieux).

De même, les Sâdhyas, les Roudras, les Vasous et les


Pères,

2556. Les mers, les rivières et les montagnes, qui sont


douées de grande force, lui donnèrent des surveillants de
troupes d'armées, pourvus de piques et de lances,

2557. Ayant diverses manières de combattre et parés


d'ornements divers. Ecoute maintenant les noms des
autres soldats de Skanda,

2558. Porteurs de diverses armes et couverts d'orne-


ments brillants : Çankoukarna (qui a les oreilles poin-
tues), Nikoumbha (Croton polyandrum), Padma (lotus) et
Koumouda (lotus blanc),

2559. Ananta (sans fin), Dvâdaçabhouja (qui a douze


bras), Krishna (noir), Oupakrishnaka (noirâtre), Ghràna-
çravas, Pratiskandha (épaule contre épaule), Kânca-

LIVRE DE ÇALYA 293

nàksha (qui a des yeux d'or) et Jalandhama (qui souffle de


l'eau).

2560. Aksha (œil), Santarjana (menaçant), ô roi, Kouna-


dîka (petit cours d'eau), Tamontakrit (qui met fin aux
ténèbres), Ekàkslia (qui n'a qu'un œil), Dvàdaçàksha (qui
a douze yeux), et le roi Ekajata (qui n'a qu'une tresse),

2561. Sahasrabàhou (qui a mille bras), Vikata (étrange


d'aspect), Vyàghrâksha (qui a des yeux de tigre), Kshiti-
kampana (qui fait trembler la terre), Pounyanâman (qui
a un nom salutaire), Sounàman (qui a un beau nom),
Soucakra (qui a un beau disque) agréable à voir.

2562. Pariçrouta (loué), Kokanada (qui a le cri du loup),


Priyamàlyànoulepana (qui a des guirlandes et des col-
lyres agréables), Gajodara (ventre d'éléphant), Gajaciras
(qui a une tête d'éléphant), Skandhàksha (qui a des yeux
aux épaules), Çatalocana (qui a cent yeux).

2563. Jvàlàjihva (qui a une langue de flamme), Karâlà-


ksha (qui a des yeux qui avancent), çitikeca (qui a les
cheveux noirs), Jatin (qui a des tresses), Hari (fauve),
Pariçrouta (loué), Kokanada (qui a le cri du loup), Kris-
hnakeça (qui a les cheveux noirs), Jatâdhara (qui porte
des nattes),

2564. Catourdarashtra (qui a quatre défenses), Oush-


trajihva (qui a une langue de chameau), Meghanàda (qui
a une voix de tonnerre), Prithouçravas (honoré au loin),
Vidyoutàksha (qui a les yeux comme la foudre), Dha-
nourvaktra(dont la face est un arc), Maroutàçana(qui se
nourrit du vent), Jâthara (ventre).

2565. Oudarâksha (qui a des yeux au ventre), Rathâksha


(essieu de char), Vajranàbha (qui a un nombril de dia-
mant), Vasouprada (donneur de trésors), Samoudravoga

294 CHAPITRE XLVI

(qui a rélan de la mer), Cailakampin (ébranleur de mon-


tagnes), ô Indra des rois.

2566. Vrisha (taureau), Meshapravâha (flle de béliers),


Nanda (amusement), Oupanandaka, Dhoûmra (fumeux),
Çveta (blanc), Kalinda, Siddhàrta (qui a atteint son but,
Varada (qui comble les désirs).

2567. Priyaka (gazelle à la peau toute blanche), Nanda


(plaisir), Gonanda (plaisir des bœufs), Pratàpavant (ma-
(jestueux), Ânanda (bonheur), Pramoda (grande joie).
Svastika (en forme de croix), Dhrouvaka (poteau).

2568. Kshemavâha(qui apporte la paix), Souvâha (léger


à porter), Siddhapâtra (vase de sainteté), ô Bharatide,
Govraja (qui a un troupeau de bœufs), Kanakàpida (qui
a une guirlande d'or), chef de beaucoup de suivants.

2569. Gàyana (chanteur), Hasana (rieur), Vâna (trait),


l'héroïque Khadga (glaive), Vaitàlin, Gatitàlin, Kathaka
(conteur), Vàtika (venteux).

2570. Hamsaja (né d'un flamant), Pankadigdhànga


(dont le corps est souillé de boue), Samoudronmàdana
(brûlant d'amour pour la mer), Ranotkata (enragé au
combat), Prahàsa (le rire), Çvetasiddha, Nandaka (qui
réjouit).
2571. Kâlakantha (le paon), Prabhàsa, Koumbhândaka
en est un autre, Kàlakàksha (qui a des yeux noirs), Sita
(blanc), et aussi Bhoûtaloumathana (l'anéantisseur des
êtres.)

2572. Yajnavâha (qui porte le sacrifice), Pravàha (cours


d'eau), Devayâjin (qui sacrifie aux dieux), Somapa (qui
boit le soma), Majjala qui a un grand éclat, Kratha (qui
tue), Kràtha (meurtre).

2573. Touhara et Touhàra, l'héroïque Citradeva (dieu

LIVRE DE ÇALYA 295

brillant), Madhoura (doux), Souprasàda (facile à apaiser),


et le très fort Kiritin (qui porte un diadème).

2574. Vatsala (tendre), Madhouvarna (couleur de miel),


Kalasodara (dont le ventre est une aiguière), Dharmada
(qui donne la vertu), Manmathakara, et l'héroïque Soùcî-
vaktra (dont la bouche est une aiguille).

2575. Çvetavaktra (qui a la face blanche), Souvaktra


(qui a une belle face), Càrouvaktra (qui a une face char-
mante), Pàndoura (blême), Dandabàhou (dont les bras
sont des bâtons), Soubàhou (qui a de beaux bras). Raja
et Kokilaka (coucou).

2576. Acala (immobile), Kanakàksha (qui a des yeux


d'or), Celui qui est le maître des enfants, Sancàraka (con-
ducteur), Kokanada, Gridhrapatra (qui a des ailes de
vautour), Jambouka (chacal).

2577. Lohàjavaktra (qui a une face de chèvre rouge),


Javana (rapide), Koumbhavaktra (qui a la face comme
une cruche), Koumbhaka (cruche), Svarnagrîva (qui a le
cou doré), Krishnaujas (qui a un éclat noir), Hamsavaktra
(qui a une face de flamant), Candrabha (brillant comme
la lune).

2578. Pànikoùrcan, Çamboûka (coquillage), Cikshaka


(instituteur), Pancavaktra (qui a cinq faces], Çàshavaktra
(qui a une face de canne à sucre), Jambouka (chacal),
Çàkavaktra (qui a une face de légume), Kounjala.

2579. 2580. De nobles suivants, doués d'ascétisme, tou-


jours agréables aux brahmanes, magnanimes, provenant
de Pitàmaha, appartenant aux grands cortèges, (qu'ils
fussent) adolescents, enfants ou vieillards, ô Janamejaya,
se tenaient par milliers près de Koumàra.

2581. Janamejaya, écoute (la description de) ceux

296 CHAPITRE XLVI

qui avaient des visages de diverses sortes. (Il y en avait


qui présentaient) des faces de tortue, de coq, de lièvre et
de hibou.

2582. D'autres, avec des visages d'âne, de chameau, des


têtes de sanglier, des faces avec des dents de chat; d'au-
tres avec de longues faces, ô Bharatide,

2583. Des faces d'ichneumon et de hibou ; d'autres avec


des faces de corneille, de souris, d'ichneumon babhrouka,
des visages de paon.

2584. D'autres, avec des visages de poissons, de béliers,


de chèvres, de buffles, d'ours, de tigres, de lions, de léo-
pards.

2585. De terribles, avec des visages d'éléphant, des


bouches de crocodile. (Il yen avait dont) le visage était
semblable à celui de Garouda (ou qui avaient des faces)
de kankou (héron), de loup ou de corbeau.
2586. D'autres, avec des faces de bœuf, d'àne et de
chameau, avec des bouches de chat, avec de gros ven-
tres, de grands pieds, de grands corps, avec des yeux
(qui ressemblent à) des étoiles, ô Bharatide.

2587. D'autres, avec des becs de tourterelle et d'autres


avec des faces de taureau. D'autres, avec des becs de
kokilas (coucous), ou des visages de faucon et de perdrix
francolin.

2588. D'autres, avec des faces de lézards, de serpents,


(ou) porteurs de vêtements sans tache, de visages en
forme de flèche, de beaux visages, de faces déplaisantes.

2589. Des serpents, des (êtres) vêtus d'habits d'écorce,


ou ayant des visages qui étaient des muffles de vache,
(d'autres) ayant le ventre gros, (d'autres) avec des corps
minces, des ventres minces, de gros corps.

LIVRE DE ÇALYA 297

2590. Des (êtres) ayant le cou court, (ou) de grandes


oreilles, (quelques-uns) portant, pour ornement, divers
serpents, couverts de peaux d'éléphant ou d'antilope
noire,

2591. Des (êtres) ayant la bouche sur l'épaule, ô grand


roi, (ou bien) sur le ventre, dans le dos, à la joue, à la
jambe.

2592. Beaucoup avaient la bouche sur le côté ou en di-


vers endroits (du corps). (Il y avait) aussi des chefs de
troupes, porteurs de bouches d'insectes ou de becs d'oi-
seaux.

2593. D'autres ayant la bouche comme diverses bêtes


fauves (ou divers serpents), de nombreux bras, plusieurs
têtes, plusieurs ventres; quelques-uns ayant pour bras
différents arbres, d'autres avec la tête sur la hanche.

2594. Des visages avec des anneaux de serpents. Ceux


qui habitent divers buissons, ceux qui ont le corps en-
touré de guenilles, des (êtres) revêtus de divers habits
dorés.

2595. Des porteurs d'ornements divers, de couronnes


variées et de diverses sortes de parfums, d'habits divers,
de vêtements de peaux.

2596. Ceux qui ont sur la tête un bandeau, un turban,


ceux qui ont un beau cou, ceux qui ont beaucoup d'éclat,
les porteurs d'un diadème, de cinq tresses de cheveux,
de cheveux dorés.

2597. Des porteurs de trois, de deux, de sept tresses de


cheveux, de toupets, de diadèmes, ceux qui ont la tête
rasée, ceux qui ont les cheveux entrelacés.

2598. Quelques-uns porteurs de couronnes brillantes,


quelques-uns ayant le visage velu. Des (êtres) n'ayant

298 CHAPITRE XL VI

d'autre plaisir que le combat, incapables d'être vaincus,


(même) par les plus grands des dieux.

2599. Des noirs, (d'autres) dont le visage est décharné,


ceux qui offrent un gros dos, un ventre mince, un dos
large, un dos court, (ou bien) le ventre et le pénis pen-
dants,

2600. De grands bras, des bras courts, (il y avait) des


nains avec des membres courts, des jambes courtes, des
bossus, des êtres dont la tête est munie d'oreilles d'élé-
phant,
2601. De nez d'éléphant, de tortue ou de loup. Ceux
dont la respiration est longue, qui ont de longues jambes ;
d'horribles, dont la tête est baissée.

2602. Des porteurs de longues défenses, de courtes


défenses, d'autres avec quatre défenses, et d'autres, ô
roi. par milliers, semblables au roi des éléphants.

2603. Des (êtres) ayant le corps très régulier, de très


resplendissants, de bien parés, ayant les yeux jaunâtres,
des oreilles (semblables à des) dents, le nez rouge, ô
Bharatide.

2604. Des porteurs de larges défenses, de grandes dé-


fenses, de grosses lèvres, de cheveux fauves, de pieds,
de lèvres et de défenses de diverses sortes, de mains et
de têtes diverses.

2605. Bharatide, couverts de peaux de diverses sor-


tes, les maitres, ayant des langages divers, habiles dans
les idiomes des différents pays, bavardant entre eux,

2606. Joyeux, appartenant aux grands cortèges, cou-


rent çà et là. (Quelques-uns ont) de longs cous, des on-
gles longs, de longs pieds, de longues têtes et de longs
bras.

LIVRE DE ÇALYA 299

2607. Des yeux jaunes, un cou bleu, des oreilles pen-


dantes, ô Bharatide. Quelques-uns sont semblables aux
Vrikodaras (êtres fantastiques à la suite de Çiva), (ou)
ont l'apparence d'amas de collyres.

2608. D'autres ont les yeux blancs, le cou rouge, les


yeux rougeâtres ; beaucoup, ô roi, sont tachés de noir,
ou ont des couleurs bariolées, ô Bharatide,
2609. Sont semblables par leurs guirlandes à des
queues de bœuf grognant. (Il y en a qui présentent) des li-
gnes blanchâtres ou rouges, diverses couleurs, une même
couleur, un éclat semblable à celui du paon.

2610. Ecoute encore (ce que) je vais te raconter de


leurs armes, (et de la manière dont elles sont) saisies par
les compagnons restant (à décrire).

2611. Quelques-uns ont les mains élevées, avec des


cordes, la bouche ouverte, des visages d'ânes, des yeux
dans le dos, le cou bleu, des bras pareils à des barres de
fer.

2612. (Il y en a) qui portent à la main le çataghni, le


disque ou le pilon, l'épée, la massue ou le bâton, ô Bha-
ratide,

2613-2615. Des massues, le bhouçoundi ou des javelots.


Porteurs d'armes terribles de diverses espèces, les ma-
gnanimes et très forts suivants du grand cortège, doués
d'une grande vélocité et d'un élan irrésistible, aimant les
combats, nyani un grand éclat, le corps orné d'une mul-
titude de grelots, dansèrent envoyant le sacre de Kou-
mâra. roi, ceux-ci et d'autres nombreux suivants du
grand cortège,

2616-2618. S'approchèrent du magnanime et glorieux


Kàrtikeya, et (ces) héros, (les uns) divins, (les autres

300 CHAPITRE XLVI

atmosphériques, (d'autres) terrestres, désignés par les


dieux, étaient les serviteurs de Skanda. Des milliers, des
millions et des dizaines de millions de tels (êtres), s'ap-
prochèrent du magnanime que l'on venait de consacrer)
par l'aspersion de l'eau, et l'entourèrent.
CHAPITRE XLVIT

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Enurnération et description des Mères à la suite de


Skanda. Dons faits à Sltanda par les dieux. 11 combat les enne-
mis des dieux, les poursuit à la montagne Krauiica qu'il fend
avec sa lance. Les Daityas sont défaits. Joie des dieux. Sainteté du
tirtha Taijasa. "Varouna y a été sacré. Balaie visite.

2619. Vaiçampàyana dit : « O roi, écoute la mention


que je vais te faire, ô héros, de la multitude des Mères,
suivantes de Koumâra, destructrices des troupes des
adversaires.

2620. Bharatide, entends le nom des glorieuses et


excellentes Mères, entre lesquelles les trois mondes
sont en partage.

2621. Prabhàvatî (brillante), Viçàlâkshî (qui a de grands


yeux), Pàlità (grise), Gostani (qui a des mamelles de
vache), Çrimati (magnifique), Bahoulà (nombreuse), Ba-
houpoutrikà (qui a beaucoup d'enfants),

2622. Apsoujâtà (née dans les eaux), Gopàli (protectrice


des bœufs), Vrihadambalikà, Jayàvati (victorieuse), Màla-
tikà (fleur de jasmin), Dhrouvaratnà (qui a des joyaux
solides), Bhayankarâ (effrayante).

2623. Vasoudàmà (dont la guirlande est un trésor), Sou-


dâmà (qui a une belle guirlande), Viçokâ (sans chagrin),
Nandini (joyeuse), Ekacoudà (qui n'a qu'une mèche de

302 CHAPITRE XLVII


cheveux), Mahâcoudà (qui a de grandes mèches), Cakra-
nemi (jante de roue), ô Bharatide.

2624. Outtejanî (qui alhime), Jayatsenà (dont Tarmée


est victorieuse), Kamalàkshî (qui a des yeux de lotus),
Çobhanà (belle), Çatrunjayà (victorieuse des ennemis),
Krodhanâ (irritée), Çalabhi (sauterelle), Kharî (ànesse).

2625. Màdhavî (printannière), Çoubhavaktrâ (qui a un


beau visage), Tirthaseni (qui a pour corps un tîrtha), ô
Bharatide, Gîtapriyà (aimable par ses chants), Kalyânî
(excellente), Roudraromâ (qui a le poil effrayant), Ami-
tàçanà (qui mange sans mesure).

2626. Meghasvanà (quia la voix du tonnerre), Bhoga-


vatî (qui a des anneaux de serpent), Soubhroû (aux beaux
sourcils), Kanakâvatî (dorée), Alàtàkshi (dont les yeux
sont des tisons), Viryavatî (héroïque), Vidyoutjihvà (dont
la langue est la foudre), ô Bharatide.

2627. Padmàvatî (hibiscus mutabilis), Sounakshatrà


(née sous une bonne étoile), Kandarà (caverne), Bahouyo-
janà (qui suit de nombreux chemins), Santànikà (flûte),
Kamalà (fleur de lotus), Mahàbalà(très forte).

2628. Soudàmà (qui a une belle guirlande), Bahoudàmà


(quia de nombreuses guirlandes), Souprabhà (très écla-
tante), Yaçasvini (glorieuse), Nrityapriyâ (qui aime la
danse), ô Indra des rois, Çatoloûkhalamekhalà (qui a cent
mortiers pour ceinture).

2629. Çataghantà (qui a cent grelots), Çatànandà (qui a


cent plaisirs), Bhaganandà (dont le plaisir est le bonheur),
Bhàvinî (belle femme), Vapusmati (belle), Candraçilâ
(aimable comme la lune), Bhadrakàlî (qui a un heureux
destin), ô Bharatide.

2630. Rikshà (ourse), Ambikâ (petite mère), Nishkou-


LIVRE DE ÇALYA 303

tikà (qui habite dans les bosquets), Vâmà (gauche), Cat-


varavàsini (qui habite dans les carrefours), Soumangalà
(très propice), Svastimatî (heureuse), Bouddhikàmà (qui
a l'amour de la sagesse), Jayapriyà (amie de la victoire).

2631. Dhanadâ (qui donne la richesse), Souprasàdâ (très


favorable) et Bhavadà (qui donne l'être), ô maître des
hommes, Edî, Bhedî, Samedi et Vetàlajananî (mère de

Vetâla).

2632. Kandoûti (démangeaiser), Kâlîkâ (la noire), Deva-


mitrà (amie des dieux), ô Bharatide, Vasouçri (dont la
beauté est un trésor), Kotirà (coccinelle), Citrasenà (qui
a une armée brillante) et Acalà (immobile), ô Bharatide.

2633. Kukkutikà (poule faisanne), Çankhalikà, Çakou-


nikà (oiseau femelle), ô roi, Koundârilvà, Kaukoulikà,
Koumbhikà (cruche) et Çatodarî (qui a cent ventres).

2634. Outkràthinî, Jalelà (qui fait des libations d'eau),


Mahàvegà (très rapide), Kankanà (qui a la forme d'une
bague), Mahàjavâ (très rapide), Kantakinî (épineuse),
Praghàsà (gloutonne) et Pôutanà (spectre).

2635. Keçayantî (chevelue), celle qu'on nomme Trouti


(atome), Kroçanà (qui crie), Taditprabhà (qui a l'éclat de
l'éclair), Mandodarî (dont le ventre est flasque), Moundi
(qui a la tète rasée), Kotarà (ipomœa turpenthum) et
Meshavàhinî (qui porte un bélier).

2636. Soubhagâ (heureuse), Lambinî (suspendue),


Lambâ (pendante), Tamracoûdà (qui a un chignon rouge),
Vikâçinî (ouverte), Oùrddhvavenîdharà (qui porte des
tresses de cheveux liées en haut), Pingàkshî (qui a les
yeux jaunes rougeàtres), Lohamekhalà (qui a une cein-
ture de fer).
2637. Prithouvaktrà (qui a une large bouche), Madhou-

20

304 CHAPITRE XLYII

likà (moutarde noire), Madhoukoumbhà (qui a une cruche


de miel), Pakshàlikà, Matkounikà, Jaràyou, Jarjarànanâ
(qui a la face percée).

2638. Celles qu on appelle Dahadahâ, Dhamadhamâ, ô


roi, Khandakhandà, ô Indra des rois, Poûshanà, Mani-
kouttikà.

2639. Amoghà (qui ne se trompe pas), ô Kourouide,


Lambapayodharà(qui a les mamelles pendantes), Venou-
vînadhai'à. Pingàkshî (qui a les yeux rougeàtres), Loha-
mekhalâ (qui a une ceinture de fer).

2640. Çaçoloûkamoukhî (qui a la face d'un lièvre ou


d'un hibou), Krishna (noire), Kharajanghà (qui a des
jambes d'âne), Mahâjavà (très rapide), Çiçoumàramoukhî
(qui a la face d'un dauphin du Gange), Çvetà (blanche),
Lohitàkshî (qui a les yeux rouges), Vibhîshanà (ef-
frayante).

2641. Jatàlikà (qui a des tresses de cheveux), Kàmacarî


(qui se meut librement), Dîrghajihvà (qui a la langue
longue), Balotkatà (douée de force), Kàlehikà, Vàmanikâ
et Moukoutà (diadème); ô Bharatide.

2642. Lohitàkshî (qui a des yeux rouges), Mahâkàyà


(qui a un grand corps), Haripindâ, ô roi, Ekatvacà (qui
n'a qu'une peau), Soukousoumâ (bien fleurie), Krishna-
varnâ (qui a la couleur noire); ô Bharatide.

2643. Kshourakarnî (dont les oreilles sont des rasoirs),


Catoushkarnî (qui a quatre oreilles), Karnapràvaranà
(qui se sert de ses oreilles comme d'un manteau), Ca-
toushpathaniketà (dont la demeure est dans les carre-
fours), Gokarni (qui a des oreilles de bœuf), Mahishànanà
(qui a un visage de buffle).

2644. Kharakarnî (qui a des oreilles d'âne), Mahàkarnî

LIVRE DE ÇALYA. 305

(qui a de grandes oreilles), Bherisvanamahàsvanà, Çankha-


koumbhaçravas et la très forte Bhagadâ (qui donne le
bonheur).

2645. Ganà (troupe), Souganâ(qui a de belles troupes),


et aussi Bhîni, Kâmadà (qui donne ce qu'on désire),
Catoushpatharatà(qui se plaît dans les carrefours), Bhoû-
titîrthà(dont les tîrthas sont la prospérité), Anyagocarà
(qui a d'autres domaines),

2646. Paçoudà (qui donne des bestiaux), Vittadà (qui


donne des richesses), Soukhadà (qui donne le bonheur),
Mahàyaças (très glorieuse), Payodà (qui donne du lait),
Gomahishadà (qui donne des bœufs et des buffles), et
Souviçàlà (très grande), ô Bharatide.

2647. Pratishthà (qui se tient ferme), Soupratishthà


(qui se tient très ferme), Rocamànà (brillante), Sourocanà
(très claire), Naukarnî (dont les oreilles sont des navires),
Çivakarnî (qui a des oreilles pures), Vasoudâ (qui donne
des trésors), etManthinî (qui ébranle).

2648. El^avaktrà (qui a un seul visage), Megharavà (qui


a la voix du tonnerre), Meghamàlâ (qui a une couronne
de nuages), Virocanâ (éclairante).

excellent Bharatide, celles-là et d'autres nombreuses


Mères,
2649. Par milliers, étaient les suivantes de Kàrtikeyu.
Elles affectaient des formes diverses. Elles avaient, (selon
les cas), des ongles longs, de longues dents, de longs
museaux, ô Bharatide.

2650. Elles étaient puissantes, douces, nubiles, bien


parées, magnanimes, et prenaient les formes qui leur
plaisaient.

2651. (Elles avaient) des membres décharnés (ou bien

306 CHAPITRE XLVII

étaient) blanches, (ou) semblables à l'or, d'autres res-


semblaient à un nuage noir et étaient couleur de fumée,
ô excellent Bharatide.

2652. (Quelques-unes avaient) l'éclat du soleil, étaient


heureuses, avaient les cheveux longs, des vêtements
blancs, (ou bien) portaient des tresses nouées en haut,
avaient des yeux jaunes, des ceintures pendantes,

2653. Le ventre, les oreilles, les mamelles pendantes,


les yeux rouges cuivré, le teint rouge cuivré, (ou) avaient
les yeux verdâtres.

2654. Comblant les vœux, allant oii bon leur semble,


elles sont toujours réjouies et ont une grande force.
Elles sont de la nature de Yama, de Roudra, de Soma
(ou) de Kouvera,

2655. De Varouna, de Mahendra, du Feu, ô tourmenteur


des ennemis, (ou bien) du Vent, de Koumàra, de Brahma,
ô excellent Bharatide,

2656. De Vishnou, du Soleil, de Varâha (Vishnou san-


glier). Elles ont une grande force. Leur beauté égale
celle des Apsaras, elles ravissent le cœur.

2657. Elles ont la voix (aussi mélodieuse que) Para-


poushtà (femelle du coucou indien). Leur prospérité
égale celle de (Kouvera) Dhanada (donneur desrichesses).
Elles égalent Çakra en héroïsme dans les combats et
sont brillantes comme le feu.

2658. Elles inspirent constamment la crainte aux en-


nemis, dans les combats, prennent les formes qu'il leur
plaît et possèdent la rapidité du vent.

2659. Douées d'une force, d'un héroïsme et d'une va-


leur incroyable elles habitent le creux des arbres et les
carrefours,

LIVRE DE ÇALYA 307

2660. Les cavernes, les cimetières, les rochers et les


sources. (Elles sont) chargées de divers ornements, parées
de diverses guirlandes, vêtues de divers habillements,

266L Portent des habits de diverses couleurs, parlent


des langages divers. Celles-ci et d'autres nombreuses
troupes destructrices des ennemis,

2662. Suivirent le magnanime (Kàrtil^eya), sur l'ordre


du maitre du Tridaça. Alors l'adorable (Indra) Pàkaçâsana
(qui punit Pâka), donna l'astraqui est la lance, (une lance
magique)

2663, 2664. A Gouha (Skanda\ pour la destruction des


ennemis des dieux, (avec) une bannière très bruyante,
ornée de nombreux grelots, ayant une splendeur brillante
et la couleur rouge du fils d'Aditi, ô excellent Bharatide
Paçoupati (Rendra seigneur de toutes les créatures) lui
donna la grande armée de tous les êtres, ô tigre des rois
2665. Terrible, ayant diverses manières de combattre
douée d'ascétisme, d'héroïsme et de force, invincible
ayant de grandes qualités, appelée l'armée Dhananjayà

2666. Formée de trois dizaines de mille combattants


d'une force égale à celle de Roudra, (cette armée) ne
connut jamais (ce que c'était que) s'enfuir du combat.

2667. Vishnou donna la couronne Vaijayantî (de la


victoire) qui accroît la force (des héros). Oumà donna deux
vêtements purs, brillants comme le soleil.

2668. La Gangà, une divine cruche d'ermite, excellente


source de nectar, et Vrihaspati offrit en présent un bâton
à Koumàra.

2669. Garouda (donna) à son fils bien-aimé un paon à la


queue bariolée, et Arouna, un coq combattant avec ses
pieds.

308 CHAPITRE XL VII

2670. Le roi Varoima (donna) un fort et héroïque élé-


phant. Puis, le maître Brahma ofirit une peau d'antilope
noire à (Skanda) dévoué aux brahmanes.

2671. Et celui qui protège les mondes lui donna la vic-


toire dans les combats. Ayant obtenu le généralissimat
de l'armée des dieux, Skanda

2672. Resplendit comme un feu brillant, allumé, et,


accompagné des suivants et des Mères,

2673. Il partit pour détruire les Daityas, remplissant de


joie les héros des dieux. Cette terrible armée des Nirritis
(voirÇl. 2530), avec ses bannières levées et garnies de
grelots,
2674. Avec ses timbales, ses tambours, ses conques,
ses armes et ses porte-étendards, resplendit comme le
ciel étoile de l'automne.

2675. Alors, ces multitudes divines et ces troupes


d'êtres divers, sans se troubler, firent retentir les tim-
bales, les excellentes conques,

2676. Les tambours, les (instruments appelés) jharjha-


ras, krakacas, gomoukhas, les (trompettes) govishâni-
kas, àdambaras, dindimas et les (tambours) mahàsvanas
(au grand bruit).

2677. Tous les dieux, accompagnés de Vàsava, louèrent


Koumàra. Les dieux et les Gandharvas chantèrent et les
troupes d'Apsaras dansèrent (en son honneur).

2678. Alors Skanda Mahàsena, satisfait, accorda aux


dieux (l'accomplissement de) leurs désirs. « Je tuerai, (dit-
il), en les combattant, les ennemis qui veulent nous
anéantir. »

2679. En recevant la faveur que leur faisait celui-ci, le


plus grand des immortels, les magnanimes dieux, l'es-

LIVRE DE ÇALYA 309

prit satisfait, considérèrent leurs ennemis comme tués.

2680. Quand cette promesse favorable eut été faite par


le magnanime (Skanda), un cri de joie, poussé par tous
les êtres, remplit les trois mondes.

2681. Et Mahàsena, entouré de sa grande armée, s'en


alla combattre et tuer les Daityas, pour protéger les ha-
bitants du ciel.

2682. Vyavasàya (la décision), Jaya (la victoire),


Dharma (le devoir), Siddhi (la perfection), Lakshmî (la
prospérité), Smriti (la tradition sainte), se mirent à la tête
des armées de Mahàsena, ô maître suprême des hommes.

2683. 2684. Le dieu Gouha, la pique et la massue à la


main, s'avança, en criant, avec cette terrible (armée),
portant à la main des tisons enflammés, des massues, des
pilons, des nâràcas, des lances et des javelots, couverte
de vêtements et d'armures brillantes, et rugissant à la
manière des lions sauvages.

2685. En le voyant, tous les fils de Diti, les Rakshasas


et les Dànavas, tremblant de peur de toutes parts, s'en-
fuirent dans toutes les directions.

2686, 2687. Les dieux ayant à la main diverses armes


les attaquèrent; l'adorable, resplendissant et fort Skanda,
irrité, les voyant fuir), lança sans interruption le terrible
astra-lance 2^ (sa pique magique), et développa sa propre
ardeur, comme (le fait) le feu enflammé par les libations.

2688. grand roi, l'astra-lance étant déchargé par


Skanda à l'énergie démesurée, un météore enflammé
tomba sur le sol de la terre,

2689. Et des orages très bruyants, aussi terribles qu'ils


le seraient à l'occasion de la fin du monde, s'abattirent
sur le sol,ô roi.

310 CHAPITRE XL VII

2690. Car, quand cette seule terrible pique eut été lan-
cée par le fils du Feu, des dizaines de millions de lances
tombèrent, ô excellent Bharatide.

2691. Alors l'adorable roi Mahâsena, joyeux, tua l'Indra


des Daityas appelé Târaka, qui avait une grande force et
un grand courage,
2692. Entouré de dix dixaines de mille Daityas, (tous)
héros puissants, ô roi, et il abattit dans le combat Ma-
hisha environné de huit padmas (trillions) (d'Asouras).

2693-2695. Il tua Tripàda environné de dix centaines


de dizaines de mille (suivants). Le maître, avec ses ser-
viteurs portant diverses armes à la main, tua Hrado-
dara(dont le ventre est un étang), entouré de dix Ni-
kharvas (10") (de soldats). Les ennemis étant tués, les
suivants de Koumàra firent un grand bruit. Pleins de
joie, remplissant (de leurs cris) les dix directions de
l'espace, ils dansèrent, bondirent et rirent, ô roi.

2696. Cependant, ô Indra des rois, l'ensemble des trois


mondes fut alors épouvanté par les rayons de lumière
que répandait de toutes parts l'astra-lance.

2697. Les Daityas furent brûlés par milliers et quel-


ques autres ennemis des dieux, dispersés par les cris de
Skanda et par sa bannière, furent tués.

2698. Quelques-uns, eff'rayés par le bruit des grelots,


tombèrent sur le sol de la terre. Quelques-uns tombèrent
la tête la première, couverts de leurs armures, la vie les
ayant abandonnés.

2699. Ainsi le fort héros Kârtikeya, à la tête de sa


grande armée, tua dans le combat, de nombreux ennemis
des dieux, qui l'attaquaient.

2700. Mais le Daitya appelé Vâna, le très fort fils de

LIVRE DE ÇALYA 311

Bali, étant allé à la montagne Kraunca, incommoda la


multitude des dieux,
2701. Le très intelligent Mahâsena s'approcha de cet
ennemi des dieux, qui était allé chercher un refuge à
Kraunca, par peur de Kârtikeya.

2702. L'adorable Kârtikeya, animé d'une grande co-


lère, fendit avec la lance qui lui avait été donnée par
Agni ^" (le mont) Kraunca retentissant du cri des cour-
lis,

2703. Bigarré de troncs de Çàla (vatica robusta). Les


éléphants et les singes (qui le peuplaient) étaient effrayés,
les oiseaux s'envolaient, les serpents s'enfuyaient

2704. Il résonnait (du bruit que font en courant), les


troupes de (singes) golangoulas et d'ours, (d'autre part),
il retentissait du bruit de la course des antilopes,

2705. Des Çarabhas qui s'enfuyaient, des lions qui pre-


naient soudainement la fuite. Cette montagne, réduite à
un état déplorable, brillait cependant (d'une grande
beauté).

2706. Les Vidhyàdharas (génies porteurs de la science)


qui habitaient ses sommets, s'envolèrent, et les Kinnaras
(musiciens célestes, à corps d'homme et tête de cheval),
effrayés, s'élevèrent en l'air au bruit de la chute de la
lance.

2707. Alors les Daityas, aux guirlandes et aux ornements


bariolés, s'enfuirent, par centaines et par milliers, de
l'excellente montagne devenue brûlante.

2708. 2709. Les suivants de Koumàra les vainquirent et


les tuèrent dans le combat. Plein de colère, cet adorable
(Skanda) se hâta de tuer (Vàna), fils de (Bali), roi des Dai-
tyas, avec son (frère) puiné, comme le maître des dieux

312 CHAPITRE XLVII


(tua) Vritra, et Pàvaki (Skanda, fils du feu, tueur des
héros ennemis) fendit Kraunca avec sa lance.

2710. Le très fort (dieu, tantôt) se séparait en plusieurs


(des formes qui lui appartiennent), (tantôt) se présentait
sous une forme unique. La pique qu'il lançait dans la
bataille lui revenait incessamment dans la main.

2711. A partir de cette époque, et ensuite, Pàvaki pos-


séda ce pouvoir. Par l'accroissement de son héroïsme,
par son énergie, sa gloire et son bonheur,

2712. Kraunca fut fendu par lui,' et les Daityas furent


tués par centaines. Puis cet adorable dieu, ayant détruit
les ennemis des dieux,

2713. Honoré par les divinités, arriva au comble de la


joie. Alors, ô roi, les tambours et les trompettes réson-
nèrent, ô Bharatide.

2714. Par centaines et par milliers, les épouses des


dieux lancèrent une abondante pluie de fleurs sur le dieu
maître des Yogins.

2715. Un vent salutaire, qui possédait un parfum divin,


souffla. Les Gandharvas et les Maharshis réjouirent ce
dieu par leurs sacrifices.

2716. Quelques-uns pensèrent que ce roi était fils de


Pitàmaha (et crurent) que Sanatkoumàra (l'antique Kou-
màra) avait eu Brahma pour matrice, et était l'aîné de
tous (les êtres),

2717. Ou bien quelques-uns le dirent fils du grand roi


(Indra), quelques-uns, fils du dieu du feu, d'Oumà, des
Pléiades, de la Gangâ.

2718. Des centaines et des milliers dirent que ce très


puissant dieu, qui a une, deux ou quatre formes, était
roi des Yoffins.

LIVRE DE ÇALYA 313

2719. roi, tout ce sacre de Kàrtikeya t'a été raconté.


Ecoute aussi (l'explication de) la grande sainteté du
meilleur des tîrthas de la Sarasvatî.

2720. Les ennemis des dieux étant tués, Koumâra rendit


l'excellent tîrtha, pour ainsi dire, un autre monde d'Indra,
ô roi.

2721. Le maître, fils du Feu, qui s'y tenait, distribua les


souverainetés et donna l'ensemble des trois mondes à
ceux dont le premier est celui à qui il donna le comman-
dement des Nairritas (Kouvera).

2722. Ainsi cet adorable, (qui fut) l'Antaka (destructeur)


de la race des Daityas, fut sacré, dans ce tirtha, géné-
ralissime de l'armée des dieux, ô grand roi,

2723. Le tîrtha dans lequel Varouna fut sacré roi des


eaux par la multitude des dieux, est appelé Taijasa, ô
excellent Bharatide.

2724. S'étant baigné dans cet excellent tîrtha et ayant


adoré Skanda, le Làngalin donna aux brahmanes de
l'or, des vêtements et des ornements.

2725-2727. Le Làngalin Madhavide, le plus grand de


ceux de la tribu de Yadou, tueur des héros ennemis,
ayant passé la nuit en cet endroit, honoré cet excellent
tîrtha et touché l'eau, fut joyeux et eut l'esprit satisfait.

Je t'ai raconté tout ce que tu m'as demandé, et de


quelle manière l'adorable Skanda fut sacré par les dieux
assemblés ^^
CHAPITRE XLVIII

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Sacre de Varouna. Légendes d'Agnitîrtha, de Brah-


mayoni et du tirthade Kouvera.

2728. Janamejaya dit : brahmane, j'ai entendu, avec


les détails conformes à la vérité, (le récit de) cet admi-
rable sacre de Koumâra, (fait) selon les règles .

2729. L'ayant entendu, je me sens purifié, ô ascète;


mes poils se hérissent (de joie) et mon esprit est calmé,

2730. Après avoir entendu (raconter) le sacre de Kou-


mâra et l'anéantissement des Daityas, ma satisfaction est
extrême. (Mais), certes, ma curiosité va plus loin.

2731. Comment le maître des eaux fut-il jadis sacré


dans ce tirtha par les dieux ? grand sage, dis-moi cela,
car tu es le plus apte (à le faire).

2732. Vaiçampâyana dit : Écoute, ô roi, comment cette


chose merveilleuse s'est passée jadis. Au commencement,
ô roi, quand Tàge Krita (l'âge d'or) suivait son cours or-
dinaire,

2733. Toutes les divinités, s'étant assemblées, dirent à


Varouna : « De même que Çakra, le roi des dieux, nous
protège en toute occasion contre les dangers,

2734. De même, toi aussi, sois le maître de toutes les


LIVRE DE ÇALYA 315

rivières. Ta demeure, ô dieu, est toujours dans la mer,


séjour des monstres marins.

2735. Cette mer, maîtresse des rivières, sera en ton


pouvoir. (Ta puissance) croîtra et décroîtra en même
temps que Soma. »

2736. Varouna répondit aux dieux : « Qu'il en soit


ainsi ». Alors tous les dieux, s'étant approchés de Va-
rouna qui a sa demeure dans la mer,

2737. Le sacrèrent roi des eaux, avec les cérémonies


prescrites parla loi. Puis les dieux, après avoir consacré
par l'aspersion Varouna, comme maître des êtres aqua-
tiques,

2738. Et honoré le roi des eaux, regagnèrent leurs


propres demeures. Et alors le très glorieux Varouna,
sacré par les dieux,

2739. Protégea selon la loi les rivières, les mers, les


fleuves et les étangs, comme (Indra) Çatakratou (aux cent
sacrifices), protège les dieux.

2740. Puis, après s'être baigné en ce lieu et (y) avoir


distribué des richesses de diverses sortes, le grand sage
(Baladeva) Pralambahan (tueur du daitya Pralamba) alla
à Agnitîrtha (le tîrtha d'Agni).

2741-2743. Là où Houtàçana (Agni qui se nourrit des


offrandes) s'éclipsa, (en pénétrant) dans un figuier reli-
gieux, et se (rendit) invisible. Et alors (l'adorable Feu),
sans péché, ayant (par son absence) causé, d'une manière
manifeste, la destruction de la lumière du monde, les
dieux s'approchèrent de l'ancêtre de l'univers entier (et
lui dirent) : « L'adorable Agni est disparu et nous n'en
connaissons pas la cause. puissant, produis le P'eu, de
peur que tous les êtres ne soient détruits. »

316 CHAPITRE XL VIII

2744. Janamejayadit : Pourquoi l'adorable Agni, créa-


teur des mondes, disparut-il et comment fut-il retrouvé
par les dieux? Raconte-moi cela conformément à la vé-
rité.

2745. Vaiçampàyana dit : Le majestueux et adorable


Jàtavedas (Agni), très effrayé de la malédiction de Bhri-
gou, s'étant approché d'un figuier religieux, disparut (en
y pénétrant).

2746. Mais quand le Feu eut disparu, tous les dieux, y


compris Vâsava, extrêmement affligés, cherchèrent le
(dieu) brillant, devenu invisible.

2747. S'étant alors approchés d'Agnitîrtha, ils virent


Agni qui s'y trouvait, et qui se tenait précisément dans
le figuier religieux.

2748. tigre des hommes, tous les dieux, y compris


Vàsava, Vrihaspati en tête, s'étant approchés du Feu,
furent contents .

2749. Ils s'en retournèrent comme ils étaient venus. Et


(Agni), ô maitre de la terre, se mit à tout dévorer par
suite de la malédiction que Bhrigou, savant dans les
sciences sacrées, avait prononcée (jadis contre lui).

2750. Alors le sage (Bala) s'étant baigné là aussi, alla à


Brahmayoni, oii l'adorable ancêtre du monde créa (l'uni-
vers).

2751. Le maître Brahma, s'étant jadis baigné avec les


dieux en cet endroit, y créa, selon les règles, les tîrthas
pour les divinités.

2752. S'étant baigné en ce lieu, ayant distribué des tré-


sors de diverses sortes et pratiqué un grand ascétisme,
(Baladeva) alla au tirtha de Kouvera.

2753. 2754. roi, le maître Ailiavala (Kouvera) (y) ob-

LIVRE DE ÇALYA 317

tint l'empire des richesses. Les richesses et les trésors,


ô roi, environnèrent (le dieu) qui se tenait en cet endroit,
ô le plus grand des hommes.

Le Lângalin, étant allé à ce tîrtha et s'y étant baigné


selon les règles, fit de riches présents aux brahmanes.

2755. Il vit, dans le meilleur des bosquets de ce dieu,


la place où jadis un grand ascétisme fut pratiqué par le
très magnanime

2756, 2757. Kouvera, roi des Yakshas, qui y obtint des


dons excellents, là où, ô guerrier aux grands bras, le roi
des trésors obtint soudainement l'empire des richesses,
l'amitié de Roudra à l'éclat incomparable, la qualité de
dieu, le titre (d'un des huit) protecteurs du monde, et un
fils, Nalakoûvara,

2758-2761. En ce lieu même, il fut sacré par les troupes


des Marouts (vents), qui s'y étaient réunis. Il obtint son
char aussi rapide que le vent, attelé de flamants. Le divin
char Poushpaka lui fut donné, ainsi que la souveraineté
sur les Nirritis.

Bala, ô roi, (aussi nommé) Râma Çvetânoulepana (qui


a des onguents blancs), s'étant baigné en ce lieu, et ayant
offert des oblations salutaires, se hâta d'aller au grand
tirtha appelé Vadarapàcana (cuisson des jujubes), fré-
quenté par tous les êtres et garni de fleurs et de fruits en
toute saison.

CHAPITRE XLIX

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Légendes du tirtha Vadarapâcana, de Çroutavati et


d'Aroundhatî.

2762. Vaiçampâyana dit : Alors Râma alla à l'excellent


tîrtha Vadarapâcana, fréquenté par les ascètes et par les
Siddhas (saints), où une jeune fille aux vœux fermes,

2763. Appelée Çroutavati, fille du Bharadvàja, d'une


beauté incomparable, n'ayant pas son égale sur la terre,
ô puissant, vouée à l'étude des sciences sacrées dès son
enfance,

2764. Livrée à de nombreuses austérités, pratiqua un


ascétisme terrible. Cette belle, s'étant arrêtée à cette
pensée, « Que le roi des dieux soit mon époux »,

2765. Passa, ô continuateur de la race de Kourou, cent


années à pratiquer diverses austérités douloureuses,
difficiles à exécuter pour les femmes.

2766. maître des hommes, l'adorable Pàkaçâsana,


(Indra, punisseur de Pàka), fut satisfait des austérités
auxquelles elle se livrait et de sa dévotion suprême (à
son égard).

2767. Le roi, maître suprême du Tridaça, ayant pris la


forme du magnanime viprarshi Vaçishtha, alla à son
ermitage.

LIVRE DE ÇALYA 319

2768. En voyant Vaçishtha, dont l'ascétisme était rigou-


reux, et qui était le plus grand de ceux qui se livrent
aux austérités, elle lui rendit ses hommages, selon les
usages et les préceptes sacrés enseignés par les mounis.

2769. La belle, dont les paroles étaient agréables et qui


connaissait (les règles de) l'ascétisme, dit : « Adorable
maître, tigre des mounis, que me commandes- tu?

2770. homme aux vœux excellents, je te donnerai


tout ce que je pourrai, mais je ne te donnerai pas la
main, par dévotion envers Çakra.

2771. ascète, il est nécessaire que Çakra, roi des


trois mondes, soit satisfait par mes vœux, mes austérités
et mon ascétisme. »

2772. Ayant entendu ces paroles, ô Bharatide, l'adora-


ble dieu, qui connaissait ses austérités, la regarda en
souriant et lui dit doucement :

2773. 2774. « Certes, tu pratiques un ascétisme rigou-


reux. Je te connais, ô femme aux beaux vœux, et je sais
pourquoi ton esprit a entrepris (de telles austérités), ô
bénie.

Tout se passera selon tes désirs, ô femme à la belle


bouche. Tout s'obtient par l'ascétisme. II en sera ce qui
doit être.

2775. femme à la belle bouche, les séjours divins des


immortels doivent être obtenus par l'ascétisme ; l'ascé-
tisme est la source d'un grand bonheur.
2776. Après avoir pratiqué un ascétisme rigoureux, les
hommes, en abandonnant leur corps, deviennent des
dieux, 6 bénie. Écoute ces seules paroles que je vais
t'adresser :

2777. 2778. heureuse femme, aux vœux purs, fais

320 CHAPITRE XLIX

cuire ces cinq jujubes. « Ayant ainsi parlé, l'adorable


meurtrier de Bala, après avoir salué cette belle et mur-
muré en ce lieu une prière à voix basse, gagna de là
l'excellent tîrtha (situé) à proximité de l'ermitage.

2779. On l'appelle Indratîrtha (tîrtha d'Indra), ô homme


qui donne des honneurs (aux autres hommes). Il est
célèbre dans les trois mondes. Pour le faire connaître,
Pâkaçàsana,

2780, 2781. Roi des dieux, rendit les jujubes réfractai-


res à la cuisson. Alors, ô grand roi, la femme pure, aux
grands vœux, ne songeant qu'à (accomplir les désirs du
mouni), mit les jujubes sur le feu. Ensuite (des ordres
secrets d'Indra), cette (femme) perdait ses peines et s'en
tourmentait, (mais) se taisait, ô roi.

2782. O le plus grand des hommes, un temps très long


se passa pendant qu'elle les faisait cuire. Cependant,
elles n'étaient pas cuites, et le jour approchait de sa fin.

2783. Son amas de combustible était consumé. Voyant


le feu manquer de bois, elle brûla son propre corps.

2784. Cette (femme) sans péché, agréable à voir, ayant


commencé par mettre ses pieds dans le feu, les laissa
brûler de plus en plus, les approchant (progressivement
du foyer incandescent).
2785. L'irréprochable, désireuse d'être agréable au
maharshi, accomplissait cette œuvre difficile, en ne son-
geant nullement à ses deux pieds qui se consumaient.

2786. Elle n'éprouvait ni découragement, ni crispation


du visage. En brûlant son corps dans le feu, elle fris-
sonnait (comme si elle eût été) au milieu de l'eau, (de
peur de ne pas remplir la tâche qui lui avait été donnée).

2787. Et cette pensée était continuellement présente à

LIVRE DE ÇALYA 321

son esprit : « Il faut avant tout que les jujubes soient


cuites. » Ainsi (pensait) cette femme, ô Bharatide.

2788. Cette belle, se remémorant les paroles du mahar-


shi, faisait cuire les jujubes ; mais elles n'étaient pas
encore cuites, ô Bharatide.

2789. Cependant l'adorable feu lui-même lui consuma


les deux pieds, sans que son esprit en conçût la moindre
douleur.

2790. Et le maître des trois mondes, satisfait de voir


l'œuvre qu'elle accomplissait, se montra à la jeune fille
sous sa forme naturelle.

2791 . Le plus grand des dieux dit à cette femme aux


vœux très fermes : « Ô belle, je suis content de ta dévo-
tion, de tes austérités et de ton ascétisme.

2792. C'est pourquoi tes désirs seront accomplis. Quand


tu auras abandonné ton corps, ô bienheureuse, tu demeu-
reras avec moi dans le troisième ciel.

2793-2795. Et, ô femme aux beaux sourcils, cet ex-


cellent tîrtha sera appelé Vadarapâcana (qui cuit les
jujubes). Il purifiera de toutes les souillures et sera loué
dans les trois mondes par les brahmarshis. femme
pure, heureuse et sans péché, sept rishis se dirigèrent
vers l'Himalaya près d'Aroundhatî qui s'était retirée dans
cet excellent tîrtha. Alors ces hommes fortunés, aux
vœux parfaits, y étant venus,

2796. Allèrent chercher des fruits et des racines pour


leur nourriture. Pendant qu'ils demeuraient dans les bois
de l'Himalaya, y cherchant des aliments,

2797. Il y eut une sécheresse de douze années, et ces


ascètes habitèrent en ce lieu, oîi ils avaient construit un
ermitage.

322 CHAPITRE XLIX

2798. Aroundhatî pratiquait aussi, (au lieu où ils Tavaient


laissée), un ascétisme ininterrompu. Ayant vu Aroundhatî
continuellement adonnée aux austérités,

2799, 2800. Varada (Çiva, qui comble les vœux) aux trois
yeux vint (vers elle). Le très glorieux dieu Mahàdeva,
très satisfait, s'étant approché d'elle après avoir pris la
forme d'un brahmane, lui dit : « belle, je désire une au-
mône. » Alors cette femme charmante à voir, répondit
au brahmane :

2801. « prêtre, mon amas de grain est épuisé ; mange


des jujubes. » Mahàdeva lui répondit : « Fais cuire celles-
ci, ô femme aux beaux vœux. »

2802. Après qu'il lui eut ainsi parlé, désireuse d'être


agréable au brahmane, elle les fit cuire. La glorieuse,
ayant mis les jujubes sur un feu allumé,

2803. Écouta des récits divins, charmants, salutaires


(que lui faisait le brahmane). Cependant cette terrible
sécheresse de douze ans prit fin.

2804. Ce temps se passa très durement pour elle, qui


ne mangeait pas et (se contentait) d'entendre), en faisant
cuire (les jujubes), des récits aussi beaux que le jour.

2805. Alors ces mounis ramassèrent des fruits dans la


montagne et revinrent. Puis l'adorable (Mahàdeva), sa-
tisfait (de sa persévérance), dit à Aroundhatî :

2806. « femme qui connais les devoirs, approche-toi


de ces rishis comme jadis. Je suis content de ton ascé-
tisme et de tes austérités, ô femme qui connais les de-
voirs. »

2807. Alors l'adorable Hara (Çiva), satisfait, se montra


sous sa propre forme, leur raconta la grande action
qu'elle avait accomplie, (et leur dit) :

LIVRE DE ÇALYA 323

2808. « Je ne considère pas l'ascétisme que vous avez


pratiqué sur le plateau de l'Himalaya comme égal à celui
de cette (femme).

2809. Car cette ascète s'est soumise à une pénitence


très dure, en restant douze années sans manger (occu-
pée) à faire cuire (ses jujubes). »

2810. Puis l'adorable dit encore à Aroundhatî elle-


même : « bénie, choisis le souhait que ton cœur pré-
fère. »

2811. Elle, dont les yeux étaient larges et rouges, dit


dans l'assemblée des sept rishis : « Si l'adorable (Mahâ-
deva) est content de moi, que ce (lieu) soit un tîrtha
merveilleux,
2812. Aimé des Siddhas, des dieux et des rishis, appelé
Vadarapàcana (cuisson des jujubes), et que celui qui,
étant pur, y aura habité trois nuits, ô (Çiva), maître des
dieux des dieux,

2813. Obtienne, par le jeûne, le fruit de douze années


(de pénitence). » Le dieu répondit à cette ascète : « Qu'il
en soit ainsi ».

2814. 2815. Puis, glorifié par les sept rishis, il s'éleva


vers la voûte céleste. Les rishis furent étonnés en le
voyant, (et en s'apercevant que malgré) la faim et la soif
qu'elle avait souffert, Aroundhatî n'était ni affaiblie ni
décolorée. C'est ainsi qu'une perfection extrême fut at-
teinte par la pure Aroundhatî.

2816. Comme par toi, ô bienheureuse (Çroutavatî), aux


vœux parfaits (formés) à mon intention. Certes tu as
apporté une différence dans (l'exécution de) tes vœux
heureux.

2817. Et (comme je suis) très satisfait de ton ascétisme

324 CHAPITRE XLIX

je t'accorde ceci : « bénie, j'accomplis pour toi un sou-


hait différent, w

2818, 2819. Le souhait formé par Aroundhati a été ac-


compli par le magnanime (Çiva). Et moi, ô bénie, par
l'effet de son pouvoir et de ton énergie j'accorderai un
don plus excellent encore : « Celui qui, selon les règles,
ayant bien appliqué son esprit (à la méditation), habitera
pendant une nuit dans ce tirtha

2820. Et s'y baignera, obtiendra, après avoir abandonné


son corps, les mondes (supérieurs), dont l'obtention est
très difficile. » L'adorable dieu qui a mille yeux ayant
ainsi parlé

2821. A Çroutavatî, alors purifiée, retourna au Tridiva.


Quand le porteur de la foudre fut parti, il tomba en ce
lieu, ô roi, une pluie

2822. (De fleurs) parfumées, salutaires, divines, et les


très retentissantes trompettes des dieux y résonnèrent,
ô le plus grand des Bharatides.

2823. 2824. Il s'éleva un vent propice, au parfum pur,


ô maître des hommes. La belle abandonna son corps et
devint l'épouse de ce (dieu). Ayant obtenu cet (époux
divin) par un ascétisme terrible, elle fut heureuse avec
lui, ô inébranlable.

2825. Janamejaya dit : adorable, quelle fut la mère


de cette (Çroutavatî), et où la brillante passa-t-elle sa jeu-
nesse? Je désire l'apprendre, ô prêtre, car ma curiosité
est extrême .

2826. Vaiçampâyana dit : La liqueur séminale du ma-


gnanime viprarshi Bharadvàja fut éjaculée à la vue de
l'Apsaras Ghritàcî, aux grands yeux, qui passait.

2827. Mais lui, le meilleur des diseurs de prières, reçut

LIVRE DE ÇALYA 325

ce liquide dans sa main. Il fut déposé dans un cornet de


feuilles. C'est là que (Çroutavatî) prît naissance.

2828. L'ascète fît, pour elle, le cérémonial de la nati-


vité et tout ce qui s'en suit. Le grand mouni Bharadvâja
lui donna le nom de

2829. Çroutavatî dans l'assemblée des dieux et des


rishis. Et l'ayant déposée dans son ermitage, cet homme
attaché à ses devoirs alla dans les bois de l'Himalaya.

2830. Alors (Balaràma), le meilleur de ceux de Vrihsni,


doué de beaucoup de grandeur d'âme, ayant son esprit
bien appliqué (à la méditation), se baigna là, aussi, et
après avoir fait de riches dons aux brahmanes, alla au
tîrtha de Çakra.

CHAPITRE L

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Bala va à Indratîrtha, à Râmatîrtha, à Yamounâtîrtha


et à Âdityatîrtha. Légendes de ces tîrthas.

2831. Vaiçampâyana dit : Alors Bala, le plus excellent


des descendants d'Yadou, étant allé à Indratîrtha et s'y
étant baigné selon les règles, donna aux prêtres des
richesses et des joyaux.

2832. En ce lieu, le roi des immortels, le maître des


dieux, offrit (jadis) des centaines de sacrifices et donna
de grandes richesses à Brihaspati.

2833. Il accomplit ces sacrifices selon les règles. C'est


de là qu'on l'a nommé Çatakratou (aux cent sacrifices),
et de son nom, ce tîrtha pur, salutaire, éternel ^\

2834. Est appelle Indratîrtha (tîrtha d'Indra). Il délivre


de tous les maux. Moushalâyoudha (Bala, qui a pour
arme un pilon), y ayant aussi touché l'eau selon les
règles,

2835. Et ayant honoré les brahmanes, (en leur donnant)


de bons vêtements et de bons aliments, se dirigea, de là,
vers l'excellent Râmatîrtha (tîrtha de Râma),

2836. Où l'heureux Ràma, descendant de Bhrigou, doué


d'un grand ascétisme, après avoir à plusieurs reprises
conquis la terre et tué les plus héroïques des kshatriyas.

LIVRE DE ÇALYA 327

2837. Offrit un vàjimedha et des centaines d'açvame-


dhas, dirigé (dans ces sacrifices) par son instituteur
Kaçyapa, le plus grand des mounis ^^

2838. (A qui) il donna, comme salaire des sacrifices, la


terre avec les mers ; après lui avoir aussi offert des pré-
sents de diverses sortes, avec différents joyaux,

2839-2841. Des bœufs, des éléphants, des captives, des


chèvres et des moutons, il se retira dans les bois. (Bala-
deva) lui aussi, ayant honoré les mounis dans cet excellent
et salutaire tîrtha, fréquenté par les dieux et les brahmar-
shis, alla à Yamounàtirtha (le tirtha d'Yamounà), où,
après avoir vaincu les hommes ainsi que les divinités,
l'heureux Varouna, le très éclatant fils d'Aditi, fit célébrer
le rajâsouya (cérémonie religieuse du sacre), ô roi.

2842. Varouna, tueur des héros ennemis, (y) accomplit


un sacrifice excellent. Pendant que cet excellent sacrifice
avait lieu, il se produisit un combat

2843. Effrayant les trois mondes, entre les dieux et les


dânavas. Quand le rajâsouya, le meilleur des sacrifices,
fut terminé, ô Janamejaya,

2844. 2845. Un combat très grand et terrible eut lieu


entre les kshatriyas. — Là aussi, le roi Làngalin, qui
accomplit les désirs (des solliciteurs), ayant comblé de
respect les rishis et fait des dons aux pauvres, (ce prince),
qui porte des guirlandes de fleurs des bois, loué par les
maharshis,

2846. L'homme aux yeux de lotus, alla de là à Âditj^a-


tîrtha (le tirtha du soleil), où l'astre adorable, père des
lumières, le plus grand des rois, ayant offert un sacri-
fice,

2847. Obtint le pouvoir et la souveraineté sur les

328 CHAPITRE L

étoiles; sur la rive de cette rivière, tous les dieux avec


Vàsava,

2848. Les Viçvedevas, les Marouts, les Gandharvas, les


Apsaras ainsi que Çouka (Vyâsa) Dvaipàyana (insulaire),
et Krishna, meurtrier de Madhou,

2849. Les Yakshas, les Rakshasas, les Piçâcas, ô maître


des hommes, et les autres (êtres) très nombreux appelés
Yogasiddhas, par milliers,

2850. 2851. Vishnou (lui-même), après qu'il eut tué les


deux asouras Madhou et Kaitabha, s'étant baignés dans
cet excellent tîrtha de la Sarasvatî, ainsi que ce vertueux
Dvaipàyana, ô Bharatide,

2852, 2853. Ayant obtenu le yoga suprême (union de


l'àme individuelle à l'àme de l'univers), ont atteint le
but final. De même, le grand ascète Dévala Asita, s'étant
appliqué au yoga suprême, ce rishi, après s'être baigné
dans ce même tîrtha, obtint le résultat (qu'il désirait).
CHAPITRE Lï

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Légende de Dévala Asita. Jaighishavya vient habiter


chez lui sans lui adresser la parole. Étonnement de Dévala. Il va
se baigner dans la mer et trouve son hôte qui l'avait précédé. Il
rentre chez lui et trouve encore son hôte. Réflexions de Dévala.
Il traverse les airs et voit Jaighishavya dans les divers mondes.
Les Siddhas lui disent que ce mouni, qu'il a perdu de vue, est au
séjour de Brahma, où, lui, ne saurait parvenir. Rentré chez lui il
retrouve son hôte et le prie de lui enseigner la voie de la déli-
vrance finale. Ses hésitations. Sa décision définitive. Louanges
données par les dieux à Jaighishavya. Bala se baigne dans ce
tirtha puis se dirige vers celui de Sonia.

2854. Vaiçampàyana dit : Dans ce tîrtha même, Dévala


Asita, l'ascète à Fàme vertueuse, s'astreignant aux de-
voirs de maître de maison, demeura jadis.

2855. Pur, (ayant ses sens) domptés, paisible, doué d'un


grand ascétisme, ayant constamment ses devoirs devant
les yeux, agissant, parlant et pensant de la môme ma-
nière à l'égard de toutes les créatures,

2856. Ne s'abandonnant pas à la colère, ô grand roi,


indifférent au blâme et à la louange, ne faisant pas
attention (à ce qui pouvait lui être) agréable ou désa-
gréable, regardant tout d'un œil égal, comme Yama,

2857. Doué d'un grand ascétisme, ayant la même con-


sidération pour (les objets) d'or et pour ceux d'argile, il

330 CHAPITRE LI

honorait continuellement les dieux, les hôtes et les brah-


manes.
2858,2859. (Il était) constamment adonné à la science
divine et avait toujours le devoir pour but principal.
(homme) heureux, un mendiant adonné au yoga, le mouni
Jaighishavya, au grand éclat, ayant fixé ses vues sur ce
tîrtha, s'en approcha et vint habiter dans l'ermitage de
Dévala.

2860, 2861. grand roi, ce grand ascète, continuelle-


ment appliqué au yoga, obtint l'accomplissement (de ses
vœux ascétiques). Dévala considérait ce grand mouni
Jaighishavya qui habitait là, (chez lui), et ne le congédiait
pas, (par respect pour) les devoirs (de l'hospitalité). Ils
passèrent ainsi un long temps tous les deux, ô grand
roi.

2862. Puis, (un jour). Dévala ne vit plus Jaighishavya.


Au moment du repas, ô Janamejaya, ce grand ascète er-
rant,

2863. Connaisseur des devoirs, s'approcha (de nou-


veau) de Dévala, pour mendier. En voj^ant le grand mouni
revenu sous la forme d'un mendiant,

2864-2866. Dévala, uniquement préoccupé (d'observer)


la règle enseignée par les rishis, lui témoigna, pendant
de nombreuses années, un grand respect et une grande
affabilité et le traita le mieux qu'il put. Parfois, ô roi, un
grand souci se produisait dans l'esprit du magnanime
Dévala, à la vue du grand et resplendissant mouni. J'ai
passé, (pensait-il), de nombreuses années à l'honorer,

2867, 2868. Et ce mendiant ne se fatigue pas de ne pas


m'adresser la parole. En réfléchissant ainsi, le sage
Dévala se dirigea, à travers les airs, vers l'océan. En

LIVRE DE ÇALYA 331


allant vers la mer, maîtresse des rivières, cet homme
vertueux

2869. Vit Jaighishavya qui l'avait précédé. Et alors cet


homme à Fimmense éclat, pensa avec étonnement :

2870. « Comment ce mendiant est-il venu à la mer et s'y


est-il baigné ? » Ainsi réfléchit le grand rishi Asita.

2871. Après avoir fait ses ablutions selon la règle,


avoir récité les mantras à voix basse et fait la prière du
jour, l'heureux (Dévala) retourna chez lui,

2872. Ayant pris sa cruche pleine d'eau. Au moment où


il rentrait dans son ermitage, le mouni

2873-2875. Vit Jaighishavya qui y était revenu. Jai-


ghishavya ne lui adressa pas la parole, (mais) se tint
dans l'ermitage, immobile comme un morceau de bois.
Et après avoir vu cet (homme), pareil à l'océan, (par la
profondeur de ses austérités) plongé dans la mer, il le
vit encore revenu le premier à l'ermitage; ô roi, le sage
Asita Dévala,

2876. Cet excellent mouni, à la vue de la force de l'as-


cétisme de Jaighishavya, (force) provenant du yoga,
réfléchit :

2877, 2878. « Comment ai-je pu le revoir, (presqu'en


môme temps), dans mon ermitage? » Le mouni Dévala, qui
avait atteint la limite extrême (de la connaissance) des
mantras (textes sacrés), désira vivement connaitre (qui
était) le mendiant Jaighishavya. 11 s'envola (à travers les
airs), hors de son ermitage, ô maître des hommes.

2879. Il vit tous les habitants de l'air réunis et Jaighi-


shavya honoré par ces Siddhas (êtres parfaits, saints).

2880. Alors ce Dévala Asita, aux vœux fermes, aperçut


avec un grand étonnement Jaighishavya qui allait plus loin.
332 CHAPITRE LI

2881. Il le vit, parcourant, hors de ce monde, celui des


pitris (pères, dieux mânes), et allant en dehors du monde
des pitris à celui d'Yama.

2882. Il vit le grand mouni Jaighishavya, qui s'était


envolé de ce (monde d'Yama), vers celui de Soma

2883. Et qui allait vers les mondes purs de ceux qui font
des sacrifices dans les lieux écartés. Puis il s'envola vers
le monde de ceux qui offrent des Agnihotras (sacrifices
au feu).

2884. Il y a des ascètes qui sacrifient le jour de la nou-


velle lune (darça) et le jour de la pleine lune (paurna-
mâsa). Ce sage le vit hors de ces mondes de ceux qui
sacrifient des bestiaux.

2885. Il le vit parcourant le monde sans souillure, ho-


noré par les dieux. Il y a des ascètes qui offrent des sacri-
fices Catourmàsyas (de quatre mois) de diverses sortes.

2886. Il le vit aller à leur région et à celle de ceux qui


offrent le sacrifice Agnishthoma (sorte de sacrifice). Il y a
des ascètes qui offrent l'Agnishthoubha (sorte de sacri-
fice).

2887. 2888. Dévala vit qu'il avait atteint leur séjour.


On dit qu'un excellent sacrifice est le Vâjapeya (offrande
de Soma en l'honneur du roi), ainsi que le Bahousouvar-
naka (dont l'oblation consiste en beaucoup d'or)-. Le grand
sage le vit dans le monde (de ceux qui offrent ces sacri-
fices). Il y a ceux qui offrent le Râjasoûya et le Pounda-
rîka (sorte de sacrifice).

2889, 2890. Dévala vit Jaighishavya dans leur monde.


Les plus grands des hommes offrent l'Açvamedha (sacri-
fice d'un cheval), qui est un sacrifice d'élite et le Nara-
medha (sacrifice humain). Il le vit dans leur monde. Il y

LIVRE DE ÇALYA 333

en a qui offrent le difficile Sarvamedha (offrande de Soma


tous les dix jours) et le Sautramani (sacrifice à Indra)

2891. Dévala vit Jaighishavya dans leur monde. Il y a


ceux, ô roi, qui offrent les sacrifices Dvàdaçàhas (de
douze jours),

2892, 2893. Dévala vit Jaighishavya dans leur monde.


Asita le vit atteindre les mondes de ceux qui appar-
tiennent à Mitra et à Varouna, et des fils d'Aditi, et y
habiter, ainsi que les mondes des Roudras, des Vasous
et le séjour de Brihaspati.

2894, 2895. Alors Asita considérait toutes les demeures


parcourues (par cet ascète). Il était monté vers le Goloka
(monde des vaches). Puis il vit le brahmane Jaighishavya
qui, abandonnant les mondes inférieurs, s'élevait, par
son énergie, vers le séjour de ceux qui sacrifient à
Brahma.

2896-2898. Il le vit parcourant le monde des femmes


fidèles à leurs époux. Ensuite Asita ne vit plus en aucun
monde, Jaighishavya, le meilleur des mounis. (Il avait)
disparu. Cet heureux Dévala réfléchit à la puissance, à la
perfection des vœux et à l'accomplissement du yoga, de
Jaighishavya. Ensuite il interrogea les Siddhas les plus
grands dans les différents mondes.

2899. Ferme (dans ses vœux), ayant fait l'anjali, il


demanda avec soumission à ces sacrificateurs de Brahma :
« Je n'aperçois plus Jaighishavya. Indiquez-moi (ce qu'est
devenu) cet homme à la grande force .
2900. Je désire l'apprendre, car ma curiosité est ex-
trême. » — « Dévala aux vœux fermes, (répondirent-ils),
apprends le vérité, de (notre bouche à) nous qui glorifions
(cet homme).

334 CHAPITRE LI

2901. Certes, ce Jaighishavya est allé au monde éter-


nel de Brahma. »

2902. Vaiçampâyana dit : Dévala Asita, ayant entendu


cette parole des Siddhas sacrificateurs de Brahma, s'en-
vola avec rapidité (vers le ciel, mais) retomba.

2903. 2904. Alors les Siddhas lui dirent : « Dévala, il


n'y a pas de voie pour toi, ô ascète, qui conduise à ce
séjour de Brahma, que Jaighishavya a atteint, ô brah-
mane. »

2905. Vaiçampâyana dit : Après avoir entendu cette


nouvelle parole des Siddhas, Dévala descendit à tra-
vers tous ces mondes, en suivant l'ordre régulier.

2906. Il arriva à son ermitage salutaire, (en volant)


comme un oiseau, et, au moment où il y entrait, il y vit
Jaighishavya.

2907. A la vue de la puissance que le yoga donnait à


l'ascétisme de Jaighishavya, Dévala réfléchit avec intel-
ligence et sagesse.

2908. Incliné avec modestie, il s'approcha du grand


mouni, ô roi, et dit au magnanime Jaighishavya :

2909. « adorable, je désire accomplir les devoirs (qui


conduisent à) la délivrance finale. » Celui-ci, ayant entendu
sa requête lui enseigna (ce qu'il désirait savoir).
2910. La règle suprême du yoga (méditation qui unit
l'âme individuelle à l'âme de runi\'ers), et (celle qui
enseigne), selon les préceptes, ce qui doit être fait et ce
qui ne doit pas être fait. Puis (cet homme) au grand
ascétisme, voyant qu'il avait soumis son intelligence au
renoncement (aux objets des sens),

2911. 2912. Fit toutes les œuvres indiquées par les


préceptes (pour arriver) à ce (résultat). Alors les Etres,

LIVRE DE ÇALYA 335

avec les pitris (pères), voyant qu'il avait appliqué son


esprit au renoncement, pleurèrent (en disant) : « Qui nous
distribuera la nourriture? » Or Dévala, ayant entendu
cette triste parole des Êtres

2913. Qui se plaignaient dans les dix directions de


l'espace, songea à ['renoncer à la délivrance finale. Mais
alors, ô iBharatide, les fruits, les racines et les herbes
pour les sacrifices,

2914. Les fleurs et les plantes, poussèrent par milliers


de grands cris (en disant) : « Assurément le vil et méchant
Dévala nous coupera encore,

2915. Il ne s'aperçoit pas qu'il avait délivré tous les


Êtres de la crainte. » Alors le plus grand des mounis ré-
fléchit de nouveau :

2916. « Que vaut-il donc mieux que je pratique, (de la


préparation à) la délivrance finale, ou des devoirs de
maître de maison? » le plus grand des rois, Dévala
ayant pris sa résolution,

2917. Abandonna les devoirs de maître de maison, leur


préférant ceux (qui conduisent à) la délivrance finale.
Dévala ayant adopté ce parti,

2918. Atteignit le résultat suprême (qu'il se proposait),


et obtint un yoga très grand. Alors tous les dieux, con-
duits par Brishapati, s'étant assemblés,

2919. Les ascètes glorifièrent Jaighishavya et ses aus-


térités. Mais Gâlava, le plus grand des rishis, parla ainsi
aux dieux :

2920. « Il n'y a pas (assez) d'ascétisme chez Jaighisha-


vya, pour remplir d'ôtonnement, (même) une femme. »
Les dieux répondirent à ce sage qui parlait ainsi :

2921. 2922. « Ne (parle) pas de cette manière. » Ainsi

22

336 CHAPITRE LI

(dirent) les dieux en louant le grand mouni Jaighishavya.


« Rien n'est supérieur, (ni même) égal, au resplendissant
éclat de l'ascétisme et du yoga de ce magnanime. Telle
est la puissance du vertueux Jaighishavya ainsi que
d'Asita. »

2923. Et ce (lieu), le meilleur des séjours, est le tîrtha


de ces deux magnanimes.

2924. S'étant baigné aussi en cet endroit, y ayant fait


des cadeaux aux brahmanes et obtenu de (grands) mé-
rites, la magnanime Bala, qui porte une charrue et dont
les œuvres sont vertueuses, alla au grand et bon tîrtha
de Soma.

CHAPITRE LU
LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Bala se baigne dans ce tîrtha. Il va au tîrtha du mouni


Sàrasvata. Légende de Dadhîka, père de Sàrasvata, et naissance
de ce dernier. La Sarasvati, sa mère l'apporte à Dadhîka, qui l'en
remercie et lui en marque sa reconnaissance. Dadhika donne à
Indra ses os, pour en faire des armes divines avec lesquelles il tuera
les ennemis des dieux. Il arrive une grande sécheresse pendant
laquelle la Sarasvatî nourrit son fils qui continue à réciter les
Nédas. Soixante mille rishis qui, pendant que la faim les forçait à
pourvoir à leur nourriture, ont oublié les Védas, se font ses disci-
ples pour qu'il les leur enseigne de nouveau. Bala fait ses dévo-
tions au tîrtha de Sàrasvata et va à celui de la vieille fille.

2925. Vaiçampâyana dit : Bharatide, il y eut un


grand combat à cause de Târakâ (épouse de Vrihaspati,
enlevée par Soma), dans ce tîrtha où le maître des
étoiles avait offert le sacrifice râjasoûya.

2926. Après s'y être baigné et y avoir fait des lar-


gesses, le vertueux Bala, qui avait dompté ses sens, alla
au tîrtha du mouni Sàrasvata.

2927. En ce lieu, pendant une sécheresse de douze ans,


le mouni Sàrasvata enseigna les Védas aux plus grands
des brahmanes.

2928. Janamejaya dit: ascète, comment le mouni


Sàrasvata enseigna-t-il (les Védas) aux (autres) mounis,
pendant une sécheresse de douze ans?

338 CHAPITRE LU

2929. Vaiçampâyana dit : grand roi, il y avait jadis


un sage mouni, au grand ascétisme, pratiquant la science
sacrée, ayant vaincu ses sens, appelé Dadhîka,

2930. Son ascétisme extrême faisait continuellement


trembler le roi (des dieux), Çakra. Les fruits (quels qu'ils
fussent), ne pouvaient l'allécher, (et lui faire violer ses
vœux).

2931. Pâkaçàsana (Indra) envoya, pour le séduire, la


bonne, charmante et divine apsaras Alambo.ushâ.

2932. grand roi, pendant que ce magnanime rassasiait


les dieux (par ses sacrifices), sur (les rives de) la Saras-
vatî, cette belle s'approcha de lui .

2933. A la vue de cette (apsaras) à la beauté divine, le


sperme du rishi à l'esprit purifié sauta dans la Sarasvatî
qui, alors, s'enfonçant(dans son lit), le reçut

2934. Et eut l'imprudence de le mettre dans son ventre,


ô le meilleur des hommes, et cette grande rivière porta
ce fœtus, destiné à lui donner un fils.

2935. Quand le temps fut venu, cette excellente rivière


enfanta un fils, et, ô roi, ayant pris l'enfant, elle alla
(trouver) le rishi.

2936. Cette rivière, ayant vu le rishi, le plus grand des


mounis, dans l'assemblée (de ses confrères), ô Indra des
rois, lui dit, en lui donnant (son) fils :

2937. « brahmarshi, voici ton enfant que j'ai porté


pour l'amour de toi, après avoir vu ton sperme éjaculé
devant l'apsaras Alamboushâ.

2938. Certes, ô brahmarshi, par égard pour toi, je l'ai


porté dans mon sein, ne voulant pas que cette (semence)
qui est ton énergie (vitale), fût perdue.

2939. 2940. Reçois le fils sans défaut, que je te donne. >>


LIVRE DE ÇALYA 339

Quand elle eut ainsi parlé, le plus grand des brahmanes


en fut extrêmement content. Flairant avec affection la
tête de son fils, après l'avoir longtemps embrassé, ô le
plus grand des Bharatides,

2941. Le grand mouni, satisfait, accorda un don à la


Sarasvati : « Les Viçvedevas, (dit-il), les Pitris, les Gàn-
dharvas et les troupes des Apsaras,

2942, 2943. Se rassasieront avec plaisir (des oblations)


de tes eaux. » Ecoute, ô prince, en quels termes, après
avoir ainsi parlé, content et l'àme satisfaite, il loua (en-
core) la grande rivière : « Tu coulas jadis de l'étang de
Brahma, ô heureuse.

2944. la meilleure des rivières, les mounis aux vœux


parfaits, te connaissent (bien). toujours belle, tu as
fait une chose qui m'est agréable.

5945. C'est pourquoi ton fils Sàrasvata sera grand. (Capa-


ble de) créer le monde, il prendra son nom de toi.

2946-2948. Il aura un grand ascétisme et sera appelé


Sàrasvata. Pendant une sécheresse de douze années, il
enseignera les Védas aux plus excellents des brahmanes.
Et toi, ô belle et heureuse Sarasvati, par ma faveur, tu
seras toujours la meilleure des rivières salutaires. »
Cette grande rivière, ainsi louée par lui, après en avoir
obtenu un don,

2949. Prit son enfant et s'en alla, ô excellent Bhara-


tide. Dans ce môme temps, (à l'occasion de) la guerre
entre les dieux et les dânavas,

2950. Çakra parcourut les trois mondes pour chercher


des armes (convenables à ses desseins), et alors l'ado-
rable Çakra ne trouva pas les armes (qu'il désirait),

2951. 2952. Et qui eussent été propres à tuer les enne-

340 CHAPITRE LU

mis des dieux. Et Çakra dit aux divinités : « Les grands


asouras ennemis du Tridaça ne peuvent pas être tués par
moi, si je n'ai pas les os de Dadhika. Implorez donc le
meilleur des rishis, ô les plus grands des dieux, (en lui
disant) :

2953. « Dadhîka, donne (nous) tes os. Avec eux nous


tuerons (nos) ennemis. » Et alors le plus grand des rishis
à qui ils demandaient ses os avec insistance,

2954. Fit sans hésiter le sacrifice de sa vie, ô le plus


grand des Kourouides. Ce (mouni), ayant fait ce qui était
agréable aux dieux, obtint les mondes impérissables.

2955. Et alors Çakra, l'esprit joyeux, fit faire avec ses


os, diverses armes divines,

2956-2958. Des foudres, des disques, des massues, des


bâtons lourds et excellents. Car ce créateur des mondes
(Dadhika), avait été engendré par le suprême rishi Bhri-
gou, fils de Prajàpati. Il (était) énergique, (avait) un grand
corps, (il avait), dans les sacrifices, été établi (comme la
substance du monde. (Ce) maître, renommé par sa taille
élevée, était grand comme une montagne et Pàkasàna
trembla toujours devant son énergie.

2959. Bharatide, l'adorable (Indra) lança bruyam-


ment cette foudre accompagnée de mantras (incanta-
tions), et qui possédait l'énergie de Brahma.

2960. Il tua quatre-vingt-dix-neuf ^^ des héros des dai-


tyas et des dànavas. Quand un temps effrayant par sa
longueur se fut écoulé,

2961. Une sécheresse de douze années, ô roi, arriva.


Pendant cette sécheresse de douze années, les grands
rishis

2962. Souffrant de la faim, couraient dans toutes les

LIVRE DE ÇALYA 341

directions pour trouver des vivres. Le mouni Sàrasvata,


les voyant courir (ainsi) vers les divers points cardinaux,
2963, 2964. Bharatide, songea à aller (avec eux). La
Sarasvatî lui dit : « mon fils, il ne faut pas t'en aller
d'ici. Je te donnerai toujours de la nourriture, (et te four-
nirai) les meilleurs poissons. Reste ici. » Après avoir
entendu cette promesse, (il resta et continua à) rassasier
(par les sacrifices) les pitris et les divinités.

2965. Il (y) trouva constamment de la nourriture et


conserva sa vie et les védas. La sécheresse étant passée,
les grand risliis

2966. Se demandèrent les uns aux autres de réciter les


védas. Les védas s'étaient effacés de leur esprit pendant,
qu'en proie à la faim, ils couraient à la recherche de
secours (à leurs misères).

2967. Aucun d'eux tous ne se les rappelait, ô Indra des


rois. Mais un d'eux s'étant approché de Sàrasvata,

2968. Le plus grand des rishis, à l'esprit cultivé, pen-


dant qu'il récitait les védas, alla (vers les autres mounis)
et leur parla de Sàrasvata au grand éclat,

2969. Semblable aux immortels, et qui récitait les védas


dans le bois solitaire. Alors tous les grands rishis vinrent
en cet endroit, ô roi.
2970. S'étant réunis, ils dirent à Sàrasvata : « Enseigne-
nous (les textes sacrés). » Le mouni leur dit alors :

2971. « Devenez mes disciples selon la règle. » La troupe


des mounis lui répondit : « O mon fils, tu es un enfant. »

2972. Il leur répliqua : « Il ne faut pas que mes méri-


tes périssent. Celui qui enseigne sans (avoir de) mérites
et celui qui, (également) sans vertu, recueille (les paroles
d'un tel maître).

342 CHAPITRE LU

2973. (Sont) deux (hommes) dont il faut se garer, car


ils deviendraient facilement (des) ennemis. Ce n'est ni
par les années, ni par les cheveux gris, ni par les riches-
ses, ni par leurs parents,

2974, 2975. Que les rishis acquièrent leurs mérites. Celui


qui est instruit est grand parmi nous. » Ayant entendu
cette parole à eux adressée, ces mounis apprirent de lui
les védas, en observant les règles, et pratiquèrent de
nouveau la loi. Soixante mille mounis devinrent (ainsi)
les disciples

2976, 2977. Du viprarshi Sàrasvata, pour apprendre les


védas. Chacun d'eux tous, placés sous les ordres de ce
viprarshi, (quoiqu'il ne fût qu'un) enfant, lui offrait une
poignée d'herbe kouça pour lui servir de siège.

2978. Le très fort fils de Rohinî, frère aîné de Keçava,


ayant distribué des richesses en ce lieu même, alla avec
joie, et en suivant l'ordre régulier, à un grand tîrtha
(rendu) célèbre (parce qu'il avait jadis été la demeure
d'une vieille fille).
CHAPITRE LUI

LÉGENDES SARASVATIENNES

Argument : Ascétisme de la fille de Garga le manchot. Elle reste


fille. Elle veut mourir et aller au Svarga, mais Nàrada lui dit qu'elle
ne le peut pas, n'ayant pas été mariée. Elle offre la moitié de ses
mérites à celui qui voudra l'épouser. Pràkçringavant accepte à con-
dition de ne passer qu'une nuit avec elle. Elle l'épouse et meurt.
Son mari la regrette et trépasse à son tour. Halâyoudha apprend
le désastre des Kourouides.

2979. Janamejaya dit : adorable, comment, jadis


exista-t-il une fille ascète? Pourquoi pratiqua-t-elle
l'ascétisme, et en quoi consistèrent ses austérités ?

2980. J'ai (commencé) d'entendre de toi (le récit de) ses


austérités que rien ne saurait dépasser. Raconte-moi tout
ce qu'il en est, et comment elle a pratiqué l'ascétisme.

2981. 2982, Vaiçampâyana dit : Il y avait, ô roi, un rishi


très glorieux, au grand ascétime, appelé Garga le man-
chot. Après avoir pratiqué de grandes austérités, ce
maître engendra, par la pensée (seule), une fille aux
beaux sourcils. Le très glorieux mouni Garga le manchot,
l'ayant vue, (en fut) très satisfait,

2983. (Et) alla au Tridiva en laissant son corps ici-bas,


ô roi. Cette charmante femme aux beaux sourcils, aux
yeux semblables à des fleurs do lotus,

2984. Irréprochable, étant entrée dans la vie ascétique


344 CHAPITRE LUI

par de grandes et terribles austérités, honorait jadis les


pitris et les dieux par le jeûne.

2985. Or, ô roi, elle passa un long temps dans un


ascétisme rigoureux. Cette femme irréprochable, quoique
accordée par son père, ne voulait pas se marier.

2986. Elle ne voyait pas, (dans le monde entier), un


mari digne d'elle. Ayant fatigué son corps par de ter-
ribles austérités,

2987. Elle se plut à adorer les pitris et les dieux, dans


le bois solitaire. Se considérant comme ayant atteint son
but, fatiguée,

2988. Affaiblie par la vieillesse et par l'ascétisme au


point de ne pouvoir mettre un pied devant l'autre,

2989. Elle songea à passer dans l'autre monde. Mais


Nârada, la voyant désirer la délivrance (finale), lui dit :

2990. « femme sans péché, comment les mondes


supérieurs t'échoiraient-ils, à toi, qui (es restée) fille et ne
t'es pas mariée ? Voilà ce que nous avons entendu dire
dans le monde des dieux, ô femme aux grands vœux.

2991. Tu as pratiqué un grand ascétisme, mais tu n'as


pas conquis les mondes (supérieurs). » Après avoir en-
tendu cette parole de Nârada, elle dit dans l'assemblée
des rishis :

2992. 2993. « J'offre la moitié de mon ascétisme à un


époux (qui voudra me donner la main), ô excellents. »
Quand elle eut ainsi parlé, le rishi Pràkçringavant, fils
de Gàlava, lui prit la main et lui fit cette proposition : «
pure, je consentirai à toucher aujourd'hui ta main,

2994. Si je dois passer avec toi une seule nuit. » ~


« Soit », répondit-elle, après avoir entendu (ce qu'il lui avait
dit), puis elle lui donna la main.

LIVRE DE ÇALYA 345

2995. Et après avoir sacrifié au feu selon les régies


prescrites, le fils de Gâlava fit le pàuigraha (cérémonie
de lui prendre la main en signe de mariage), et l'épousa.

2996. roi, celle-ci, pendant la nuit, lui prodigua sa


tendresse et prit la forme d'une belle femme parée d'or-
nements et de vêtements divins, d'onguents et de parfums
célestes.

2997. Le fils de Gâlava fut heureux en la voyant bril-


lante de beauté. Il passa une seule nuit (avec elle). Au
point du jour elle lui dit :

2998. « brahmane, le meilleur de ceux qui pratiquent


l'ascétisme, selon la convention que tu avais faite (avec
moi), j'ai passé une heureuse nuit avec toi. Que le bonheur
t'accompagne, moi, je m'en vais. »

2999. 8000. En partant elle dit encore : « Celui qui, ayant


rassasié les dieux (par ses sacrifices) et fixé son esprit
sur cet objet, demeurera dans ce tîrtha une seule nuit,
obtiendra les mérites de celui qui, pendant cinquante-huit
ans, aura pratiqué la chasteté- »

3001. Après avoir ainsi parlé, l'heureuse (femme) aban-


donna son corps ici-bas et monta au ciel. De son côté, le
rishi était triste, en se rappelant sa beauté.

3002. Il eut du regret à accepter, selon la convention


(qu'il avait faite avec elle), la moitié (des mérites de ses)
austérités. Puis, s'étant préparé lui-même pour le ciel, il
suivit la voie qu'elle (lui avait tracée, et mourut),
3003. Fort triste (en se rappelant) la beauté de cette
(femme). excellent Bharatide, je t'ai raconté les grandes
actions de la vieille fille,

3004. Ainsi que sa chasteté et son heureux départ pour


le Svarga.

346 CHAPITRE LUI

Pendant qu'Halâyoudha était là, il entendit dire que


Çalya était tué.

3005. Le tourmenteur des ennemis ayant, là aussi, fait


des dons aux brahmanes, apprit que Çalya avait été tué
dans la bataille, par les fils de Pândou.

3006. Le Madhavide, étant alors sorti de Samanta-


pancaka, demanda à la troupe des rishis quel avait été le
fruit de Kouroukshetra (quel était le résultat de la bataille
qui s'y était livrée).

3007. puissant, ces magnanimes, interrogés à ce


sujet par le lion de Yadou, lui racontèrent tout ce qu'il
en était.

CHAPITRE LIV

VOYAGE DE BALADEVA AUX TÎRTHAS

Argument : Étymologie du nom de Kouroukshetra. Bénédictions


accordées à ce lieu par Indra et les autres dieux. Chant d'Indra
sur Kouroukshetra.

3008. Les rishis dirent : Râma, Samantapancaka est


appelé l'autel éternel de Prajâpati, au septentrion. Jadis
les habitants du ciel, qui (nous) comblent de dons, y
offrirent un excellent sacrifice.

3009. Jadis, ce (lieu) fut, pendant de nombreuses


années, labouré avec une énergie démesurée, par le sage
et magnanime Kourou, le meilleur des râjarshis, ce qui
a fait donner à cet endroit le nom de Kouroukshetra
(champ de Kourou).

3010. Râma dit : Pourquoi le magnanime Kourou la-


boura- t-il ce champ, ô ascètes? Je désire l'entendre racon-
ter (par vous).

3011. Les rishis dirent : Jadis, ô Râma, Çâkra (descen-


dit) du Tridiva, et, s'étant approché de Kourou, qui était
continuellement occupé à labourer (ce lieu), lui demanda
les motifs (qui l'engageaient à se donner cette peine).

3012. Indra dit : « roi, pourquoi ces fatigues extrêmes ?


râjarshi, quel est ton but en labourant cette terre ? »

3013. Kourou dit : « Çatakratou, les hommes qui

348 CHAPITRE LIV

mourront ici, iront aux mondes heureux (destinés à


ceux qui sont) exempts de péché. »

3014 . Alors Çakra retourna au Tridiva en se moquant


de lui. Le râjarshi, sans se dégoûter (de son travail), con-
tinua à labourer la terre.

3015. Çatakratou (Indra aux cent sacrifices) revint plu-


sieurs fois vers lui. Il interrogea cet (homme) qui ne se
lassait pas (de sa tâche), et s'en alla en se moquant de
lui (à chaque fois).

3016. Mais comme le roi (continuait de) labourer la


terre, (en se donnant) une peine terrible, Çakra (Indra)
dit aux dieux ce que le râjarshi voulait faire.

3017. Après avoir entendu ce récit, les dieux dirent à


(Indra) qui a mille yeux : « Çakra, il faut, si c'est pos-
sible, contenter le râjarshi par un don.

3018. Car si les hommes morts en ce lieu vont au


svarga, sans (avoir eu besoin de) nous offrir des sacri-
fices, les parts (des offrandes auxquelles nous sommes
habitués), nous feront défaut. »

3019. Alors Çakra vint vers le râjarshi et lui dit :


« Assez de fatigues. Fais ce que je t'ordonne.

3020. Ceux qui, après avoir jeûné sans se lasser, aban-


donneront leur corps (ici), ceux qui (y) mourront en com-
battant, de même que les quadrupèdes,

3021 . Ceux-là, ô Indra des rois, posséderont le svarga,


ô homme aux grandes pensées. » — « Qu'il en soit ainsi »,
répondit alors le roi Kourou à Çakra.

3022. Puis, ayant pris congé de lui, (Indra) destructeur


de Bala, l'esprit satisfait, se hâta de retourner au Tri-
diva.

3023. Et c'est ainsi que, ô le meilleur des descendants

LIVRE DE ÇAI.YA 349

d'Yadou, que ce (champ) a été labouré par le râjarshi, et


(qu'un don) a été accordé par Çakra et par les dieux,
Brahma en tête,

3024. D'après lequel il n'y a pas sur la terre un lieu


plus salutaire. Les hommes, quels qu'ils soient, qui y pra-
tiqueront un ascétisme suprême,
3025. Iront tous au séjour de Brahma, après avoir aban-
donné leurs corps ici-bas. En outre, ceux qui, possédant
des mérites (ascétiques), y feront des libéralités,

3026. Ces (libéralités) seront rapidement multipliées


(en leur faveur, et il leur sera rendu) mille pour un.

Les enfants de Manou, désirant le bonheur (d'une vie


future), qui habiteront constamment ici,

3027. N'iront jamais dans le royaume d'Yama. Et les (rois)


maîtres des hommes, qui (y) offriront de grands sacrifices,

3028. Habiteront le monde d'Indra, aussi longtemps


que la terre supportera (les êtres vivants). C'est là aussi
que Çakra, roi des dieux, chanta (ce qui suit),

3029. Au sujet du Kouroukshatra. Halâyoudha,


écoute ce (chant) : « La seule poussière que le vent élève
du Kouroukshetra,

3030. Conduit les coupables, eux-mêmes, au séjour


suprême.

3031. Les chefs des dieux, les plus excellents des brah-
manes, les premiers des rois, Nriga en tête, (y) ayant
offert de très grands sacrifices, ô lion des hommes, sont
allés au séjour de bonheur.

3032. Ce qui se trouve entre Tarantouka et Arantouka,


les étangs de Ràma et xMaçakraka, est appelé Kourouks-
hetrasamantapuficaka (Samantapancaka dans le Kourouks-
hetra). C'est l'autel septentrional de Prajùpati.

350 CHAPITRE LIV

3033. (Ce lieu est) pur, très salutaire, très honoré des
habitants du ciel, doué de toutes les qualités, et, de là,
tous les rois tués dans les combats iront toujours vers
le refuge propice et impérissable. »

3034. Ainsi parla Çakra lui-même, et tout cela fut ap-


prouvé par Brahma, Vishnou, Maheçvara (le grand maî-
tre, Çiva) et aussi par (tous les autres dieux) dont Brahma
est le premier.

CHAPITRE LX

LAMENTATIONS DE YOUDHISHTHIRA

Argument : Bhima insulte Douryodhana. Paroles qu'il adresse aux


Pàndouides. Chagrin de l'armée. Réponse de Youdhishthira, qui
cherche ensuite à calmer la colère de Douryodhana.

3309. Sanjaya dit : En le voyant abattu, tous les Pàn-


douides le contemplèrent, comme (ils eussent regardé)
un grand Çàla(vàtica robusta) arraché, (et furent) joyeux.

3310. Et tous les Somakas, le poil hérissé (de joie), le


virent, pareil à un éléphant terrassé par un lion.

3311. Puis le majestueux Bhîmasena, après avoir


frappé Douryodhana, s'approcha de cet Indra des Kou-
rouides et dit :

3312. Vache, vache. » Ainsi (disais-tu) jadis, ô homme


vil, à Draupadî qui n'était couverte que d'un seul vête-
ment. Insensé, (voilà) ce que tu as dis dans l'assem-
blée, en te moquant de nous.

3313. Aujourd'hui, reçois le fruit de cette raillerie.


Ayant ainsi parlé, il lui toucha la tête du pied gauche.
3314. Rouge de colère, Bhîma, tourmenteur des enne-
mis, fit ainsi, avec le pied, mouvoir la tête du lion des
rois.

3315. 3316. Écoute, ô maître des hommes, les paroles


qu'il dit (encore) : « Nous nous moquons (maintenant)

25

384 CHAPITRE LX

des fous qui raillaient jadis en disant : « Vache, vache »,


et nous leur disons (à notre tour) : « Vache, vache ». Chez
nous, pas d'appétits déshonnètes, pas de jeu de dés, pas
de tromperie.

3317. Nous tuons nos ennemis en n'en appelant qu'à la


force de nos bras. »

3318. Vrikodara, qui venait de terminer la guerre, dit


doucement en riant à Youdhishthira, à Keçava, aux Srin-
jayas, à Dhanjaya et aux deux fils de Màdravatî :

3319. Voyez, tués dans les combats par les Pàndouides,


grâce à l'ascétisme de la Yajnasënienne (Draupadî), ces
Dhritaràshtrides qui, alors qu'elle était au moment cri-
tique de son mois, la traînaient et la déshabillaient dans
l'assemblée.

3320. Nous avons tué, en même temps que leurs troupes


et leurs partisans, ces cruels Dhritaràshtrides qui nous
appelaient jadis : « Canaille inutile ». Nous allons volon-
tiers (ainsi) soit au Svarga, soit à l'enfer. »

3321. (Bhîma) ayant foulé aux pieds la massue placée


sur l'épaule du roi tombé, ayant touché du pied gauche
la tête (de ce prince), répéta au perfide Douryodhana (ce
qu'il venait de lui dire).

3322. Les vertueux chefs des Somakas ne furent pas


satisfaits de voir Bhimasena, à l'àme mauvaise, se plaire
à mettre le pied sur la tête du plus grand des Kourouides.

3323. Pendant que Vrikodara, qui avait tué ton fils,


dansait (de joie), en ne cessant de se vanter, Dharmaràja
lui dit :

3324. Tu as payé (à Douryodhana) l'hostilité (qu'il nous


a témoignée). Tu as accompli ta promesse, au moyen
d'une action bonne ou mauvaise. Maintenant, arrête-toi.

LIVRE DE ÇALYA 385

3325. N'écrase pas sa tête du pied. Que ta vertu ne


disparaisse pas complètement. Ce que (tu veux faire)
n'est pas convenable, ô homme sans péché.

3326. Bhîma, ne touche pas du pied un roi et un


parent, maître de onze armées, et (surtout) le roi des
Kourouides,

3327. Dont les parents sont tués, dont les ministres


sont tués, dont l'armée est détruite, et qui, (lui-même),
a succombé dans le combat. Il est digne de pitié à tous
égards. Ce roi ne se dresse plus (devant nous) dans la
bataille.

3328. Il est tombé, ses ministres, ses frères et ses


sujets sont tués ; son armée est anéantie. C'était notre
frère. Le traitement (que tu veux lui faire subir) n'est
pas convenable.

3329. On disait jadis : « Bhîmasena est un homme de


bien. » Comment, toi (qui avais) ces (qualités), (oses-tu) te
placer au-dessus d'un roi?
3330. Ayant ainsi parlé à Bhîmasena, Youdhisthira,
triste, ayant des larmes dans la voix, s'approcha de Dou-
rj^odhana, dompteur des ennemis, et lui dit :

3331. mon ami, tu ne dois pas t'abandonner à la colère,


ni te plaindre de ton sort. Certes, ce que tu as fais jadis
a eu des résultats terribles.

3332. Sans doute, c'est la volonté du créateur du


monde, qui a donné (à tes actes) cette étrange et im-
pure conséquence, que nous avons voulu te tuer et que
tu voulais nous détruire. le plus grand des Kourouides,

3333. Certainement, c'est par ta propre faute que tu


es tombé dans cette grande adversité, (qui a été causée)
par ta cupidité, ton orgueil et ta sottise, ô Bharatide,

386 CHAPITRE LX

3334. Après avoir fait tuer amis, frères, parents, fils,


petits-fils et beaucoup d'autres, tu as enfin trouvé la mort.

3335. Par ta faute, tes frères (ont été) abattus et tes


parents (ont été) tués par nous. (Les décrets du) destin
me paraissent insondables.

3336. Ta personne ne doit pas être pleurée. Ta mort


ne doit pas inspirer de regrets. Nous seulement, ô Kou-
rouide, (serons) dignes de compassion dans toutes les
situations (oii nous nous trouverons).

3337. Privés de ces chers parents, nous inspirerons la


pitié, et (nous serons) tourmentés (par le chagrin) de la
perte de (nos) frères et des brahmanes (qui ne sont plus).

3338. Que dire à (vos) épouses (devenues] veuves, plon-


gées dans la douleur? Toi seul, tu es parti (pour le ciel).
Ton séjour dans le svarga est assuré.

3339. 3340. Nous, considérés comme voués à l'enfer,


nous subirons un malheur cruel. Les brus et les femmes
des petits-fils de Dhritaràshtra, (ces) veuves éplorées,
dévorées par le chagrin, nous maudiront assurément. »

334L Sanjaya dit : Après avoir ainsi parlé, ce prince


affligé, Youdhishthira Dharmapoutra (fils de Dharma),
soupira et se lamenta pendant longtemps.

CHAPITRE LXÏ

REPROCHES DE BALADEVA

Argument : Baladeva est rempli d'horreur et fait honte à Bhîma de


sa conduite. Il veut se jeter sur lui. Keçava cherche à l'apaiser et
à justifier Bhîma; mais Baladeva ne se laisse pas convaincre. Leur
entretien. Baladeva s'en va, après avoir fait de nouveaux repro-
ches à Bhima et glorifié Douryodhana. Entretien de Krishna avec
Youdhishthira. Entretien de Bhîma avec Youdhishthira.

3342. Dhritarâshtra dit : Que pensa de cette question le


très fort Baladeva, le plus grand des Madhavides, quand
il eut vu le roi, tué dans le combat d'une façon irrégu-
lière, ô cocher?

3343. Raconte-moi, ô Sanjaya, ce que fit le Rohinien


habile aux combats à la massue, en connaissant les parti-
cularités de ce combat.

3344. Sanjaya répondit : En voyant la tète de ton fils


frappée par Bhîmasena, le fort Râma, le meilleur des
guerriers, poussa un grand cri ^'.

3345. Alors, au milieu des Indras des hommes, Halâyou-


dha leva les bras au ciel et poussa un cri de désespoir
en disant : « Fi ! Fi 1 ô Bhîma,
3346. Honte aux coups portés au-dessous du nombril,
dans un combat régulier. Ce que Vrikodara a fait, ne
s'était pas encore vu dans un combat à la massue.

3347. Le livre des préceptes établit qu'on ne doit pas

388 CHAPITRE LXI

frapper au-dessous du ventre, mais ce fou, ignorant des


régies, a frappé à sa propre fantaisie. »

3348. Comme il parlait ainsi, sa colère devint extrême.


Le fort (Râma), ayant levé la charrue (qu'il portait en
guise d'armes), se précipita sur Bhîma.

3349. L'éclat de ce magnanime, les bras levés, était


pareil à (celui) d'une grande montagne blanche, émaillée
de nombreux minéraux.

3350. Le fort et sage Keçava s'efforça de l'embrasser


fortement avec ses deux bras puissants, au moment où il
se précipitait (sur Vrikodara).

3351. Alors (Râma) le blanc, et(Khrishna) le noir, res-


plendirent d'un plus grand (éclat), comme la lune et le
soleil à la fin du jour.

3352-3354. Keçava dit à (son frère) irrité, et comme


pour l'apaiser : « La manière d'augmenter ce qui est à
nous est de six sortes : l'accroissement de notre pro-
pre individu; celui de nos amis et le bonheur des amis de
nos amis. (Il faut ajouter) le contraire en ce qui concerne
les ennemis : (la ruine de l'ennemi, celle de l'ami de
l'ennemi, et celle de l'ami de l'ami de l'ennemi). Mais si,
au contraire, (le malheur atteint), soit notre propre indi-
vidu, soit nos amis, il faut nous hâter d'y apporter
remède, en combattant notre propre inertie. Les fils de
Pândou ont accompli des actes héroïques dans les com-
bats.

3355. Eux, les propres fils de la sœur de notre père,


ont été profondément humiliés par leurs ennemis. Nous
savons (d'ailleurs) que l'accomplissement d'une promesse,
est un devoir pour les kshatriyas.

3356. Bhima, avait, (au milieu de) l'assemblée, fait cette

LIVRE DE ÇALYA 389

promesse : « Dans un grand combat, je briserai avec ma


massue, les deux cuisses de Souyodhana. »

3357. Jadis le grand rishi Maitrej'a, maudit (Douryo-


dhana) en lui disant, ô tourmenteur de l'ennemi : « Bhîma
te brisera les deux cuisses. »

3358. «Je ne vois pas de faute (commise dans ce qui s'est


passé). Ne sois donc pas irrité, ô meurtrier (du daitya)
Pralambha. Nous sommes attachés aux Pàndouides par
les liens de famille aussi bien que par ceux de l'affection.

3359. Notre (fortune) s'accroîtra des progrès de la


leur. Ne sois donc pas irrité, ô taureau des hommes. »
Après avoir entendu cette parole du Vasoudevide, (Bala-
ràma) qui porte une charrue (pour arme), connaisseur des
devoirs, lui répondit :

3360. La vertu est pratiquée dans sa perfection par


les gens de bien. Elle est observée en tenant compte de
deux choses, de l'utile, pour celui qui est attaché à ses
intérêts, et de l'agréable, pour celui qui s'adonne (à ses
plaisirs).

336L Celui qui, sans porter atteinte à la vertu et à


l'utile, ni à la vertu et à l'agréable, ni à l'utile et à
l'agréable, pratique la vertu et obtient l'utile et l'agréable,
jouit d'un bonheur complet.

3362. Quoi que tu me dises, ô Govinda, cet (ensemble)


dont (je viens de parler) a été troublé parce queBhîma-
sena a négligé le devoir.

3363. Le vénérable Krishna dit : Tu es connu dans le


monde pour avoir l'âme vertueuse, ne pas t'abandonner
à la colère et être fidèle au devoir. Apaise-toi donc et ne
sois pas irrité.

3364. Reconnais que l'âge Kali (de fer) est arrivé et

390 CHAPITRE LXI

(souviens-toi) de la promesse du fils de Pândou. (Laisse-


le donc) accomplir cette promesse et payer l'hostilité
(qu'on lui a témoignée).

3365. Sanjaya dit : maître des hommes, en entendant


Keçava (vanter) la violation même du devoir, Râma ne fut
pas satisfait et prononça ces paroles dans l'assemblée :

3366. Pour avoir frappé Souyodhana d'une manière irré-


gulière, le fils de Pândou ira à la postérité, avec le renom
d'un guerrier déloyal,

3367. Tandis que le vertueux Douryodhana obtiendra


une félicité éternelle, (car) le roi fils de Dritarâshtra,
combattait loyalement quand il a été tué .

3368. Il s'est livré à l'œuvre pieuse des combats, sur le


champ de bataille, il a disposé son combat comme un
sacrifice, il s'est sacrifié sur le feu, (représenté par) son
ennemi et s'est plongé dans le| bain purifiant de la gloire.

3369. Après avoir ainsi parlé, le magnanime fils de


Rohinî, pareil à un nuage blanc, monta sur son char et
se dirigea vers Dvârakà.

3370. maître des hommes, quand Râma fut parti


pour Dvârakâ, les Pâncâlas, les Vrishniens et les Pàn-
douides étaient loin de se réjouir.

3371. Alors le Vasoudevide adressa ces paroles à You-


dhishthira qui, l'esprit abattu par le chagrin, avait la tête
baissée et était triste et pensif.

3372. 3373. Le Vasoudevide dit : Dharmarâja, pour-


quoi as-tu permis une chose inconvenante, en regardant,
(sans t'y opposer), Bhîmasena écraser du pied la tête de
Douryodhana, cet insensé tombé (à terre), et dont les pa-
rents sont tués? Est-ce ainsi, ô roi, que tu entends les
devoirs des gens de bien?

LIVRE DE ÇALYA 391

3374. Youdhishthira dit : Krishna, il ne m'a pas été


agréable que Vrikodara ait, dans sa colère, touché du pied
la tête du roi, et je ne me réjouis pas de l'extermination
de (ma) famille.

3375. (Mais nous avons) toujours été injustement humi-


liés par les fils de Dhritarâshtra. (Nous avons été) bannis
dans les bois, où nous avons éprouvé bien des soufifrances.

3376. Cela a été excessivement pénible au cœur de


Bhîmasena, ô Vrishnien; en y réfléchissant, je n'ai pas
compris (ce que l'acte de mon frère avait de répréhen-
sible).

3377. Aussi, après avoir tué (cet) homme avide, (qui


poursuivait avec) prudence (l'accomplissement) de ses
désirs et de sa volonté, permets aux fils de Pàndou de faire
ce qu'ils souhaitent, que ce soit, ou non, convenable.
3378. Sanjaya dit : Ayant entendu ces paroles de
Dharmarâja, le Vasoudévide continuateur de la race
d'Yadou, dit, non sans peine : « Soit. »

3379. Après que le Vasoudévide, qui désirait tout ce qui


était utile et agréable à Bhîma, eut ainsi parlé, (Dhar-
marâja) se réjouit de tout ce qui avait été fait par son
frère, dans le combat.

3380. 3381. maître des hommes, l'impatient et très


énergique Bhîmasena, joyeux, les yeux épanouis de
plaisir, fier de sa victoire après avoir tué ton fils dans le
combat, se plaça devant Dharmarâja, le salua, et lui dit,
après avoir fait l'anjali :

3382. roi, maintenant la terre est à toi. Elle n'offre


plus aucun danger et elle a perdu ses épines. Jouis en, ô
grand roi, observe ta propre loi.

3383. L'auteur de cette injuste hostilité, à qui l'iniquité

392 CHAPITRE LXI

était chère, gît privé de vie sur le sol, ô maître de la


terre.

3384. Et tous ces (hommes) qui nous injuriaient, à


commencer par Dousçàsana, (ainsi que) Karnaet Çakouni,
sont tués.

3385. Cette terre remplie de joyaux, avec ses bois et


ses montagnes, rentre aujourd'hui en ta (possession), ô
grand roi, dont les adversaires sont anéantis.

3386. 3387. Youdhisthira dit : La mort du roi Souyo-


dhana a terminé la guerre. (Nous avons) conquis cette
terre en suivant les avis de Krishna. Grâce au ciel, tu as
payé la dette que tu avais contractée envers ta mère,
envers ta colère. Grâce au ciel, tu as triomphé d'un homme
difficile à vaincre. Grâce au ciel, l'ennemi est abattu.

CHAPITRE LXIl

COLLOQUE DE KRISHNA ET DES FILS DE PÂNDOU

Argument: Joie des Pândouides en constatant la mort de Douryo-


dhana, Louanges données à Bhima. Discours de Krishna. Douryo-
dhana fait un effort pour se relever et répond à Krishna, qu'il
accuse de tous ses maux. Réponse de Krishna. Nouveau discours
de Douryodhana. Il se produit des prodiges qui humilient et
effraient l'armée Pândouide. Discours de Krishna pour rassurer
cette armée. Les Pândouides rentrent dans leurs tentes pour se
reposer.

3388. Dhritarâshtra dit : Sanjaya, que firent les


Pândouides et les Srinjayas, quand ils eurent vu Douryo-
dhana frappé dans la bataille par Bhimasena?

3389. Sanjaya dit : Quand ils virent Douryodhana frappé


dans le combat par Bhîmasena, comme un éléphant sau-
vage est tué par un lion, ô grand roi,

3390. Les Pândouides, avec Krishna, furent remplis de


joie. Quand le descendant de Kourou eut été tué, les
Pâncâlas et les Srinjayas

3391. Lancèrent leurs vêtements en l'air et poussèrent


des rugissements. La terre (semblait à peine) pouvoir les
porter, (tant leur joie débordait).

3392. Les uns déchargeaient leurs arcs, les autres en


faisaient vibrer la corde, d'autres soufflaient dans leurs
grandes conques, d'autres (encore) battaient des tam-
bours doundoubhis.
394 CHAPITRE LXII

3393. D'autres aussi, de tes ennemis, raillaient et


riaient. Les héros adressèrent, à plusieurs reprises, ces
paroles à Bhîmasena :

3394. Tu as accompli aujourd'hui, dans le combat,


un exploit très difficile, en tuant avec ta massue l'In-
dra des Kourouides, très expert dans les exercices mili-
taires.

3395. Car tous les hommes considéraient la mort de


ton ennemi, comme aussi difficile à donner que celle que,
dans un combat suprême, Indra donna à Vritra.

8396. Quel autre que Vrikodara eût pu tuer Douryo-


dhana, se livrant à toutes sortes d'évolutions, (dans
lesquelles il décrivait) des cercles (d'escrime).

3397. Tu es venu à bout de cette hostilité, qu'un autre


eût très difficilement pu terminer ; nul autre que toi n'eût
pu accomplir un tel exploit.

3398. Grâce au ciel, ô héros, tu as écrasé du pied, sur


le champ de bataille, la tête de Douryodhana, comme (eût
pu le faire) un éléphant furieux.

3399. Grâce au ciel, ô homme sans péché, après un


combat merveilleux, semblable à celui d'un buffle contre
un lion, tu as bu le sang de Dousçâsana.

3400. Par tes exploits, tu as foulé aux pieds la tête de


ceux qui firent injure au vertueux Youdhishthira.

3401. Par suite de ta supériorité sur les ennemis, et du


meurtre de Douryodhana, ô Bhîma, grâce au ciel, ta
gloire s'est répandue sur la terre.
3402. De même que les poètes louent Çakra d'avoir
tué Vritra, de même, ô Bharatide, nous te félicitons
d'avoir tué ton ennemi.

3403. Sache, ô Bharatide, que nos poils, (que la joie de

LIVRE DE ÇALYA 395

voir) Douryodhana tué, avait hérissés, n'ont pas (encore)


repris leur position naturelle.

3404-3406. Telles étaient les louanges adressées à Bhî-


masena. En entendant parler (ainsi), les Pàflcâlas et les
Pàndouides, ces tigres des hommes, le meurtrier de
Madhou leur tint un autre langage. « maîtres suprêmes
des hommes, (leur dit-il), il n'est pas convenable de con-
tinuer de tourmenter, par des paroles cruelles, un homme
abattu. Ce sot est tué. Il a péri, ce méchant, rempli d'im-
pudence,

3407, 3408. Avare, ami infidèle, foulant aux pieds les


contrats écrits. (Quoi qu'il en fût) souvent requis par
Vidoura, Kripa, Drona, le fils de la Gangà et par les Srin-
jayas, il ne (voulut jamais consentir à) rendre leur héri-
tage paternel aux fils de Pàndou. Maintenant ce (prince),
le plus vil des hommes, n'est plus capable (d'être consi-
déré comme) un ami ou un ennemi ^^

3409. A quoi bon, invectiver cet (homme devenu) sem-


blable à un morceau de bois entièrement brisé? rois de
la terre, hâtez-vous de monter sur vos chars. Nous nous
en allons.

3410. Grâce au ciel, ce (roi) à l'âme mauvaise est tué,


avec ses ministres, ses parents et ses partisans. Mais, en
entendant ces outrages (qui lui étaient adressés par)
Krishna, le roi Douryodhana,
3411. Saisi d'une impatiente colère, ô maître des
hommes, (essaya de) se lever, reposant sur ses fesses et
s'appuyant sur ses deux bras.

3412. Fronçant les sourcils, il lança au Vasoudevide un


regard (terrible). Le roi, cà demi dressé, ressemblait ainsi
à un

396 CHAPITRE LXII

3413. Serpent qui a la queue coupée, ô Bharatide ; sans


songer à l'agonie terrible qui abrégeait sa vie,

3414. Douryodhana piqua le Vasoudevide par de cruel-


les paroles. « ironique esclave de Kamsa, dit-il, tu es
sans pudeur.

3415. Si j'ai été irrégulièrement abattu dans le combat


à la massue, (c'est) toi (qui en as été) la cause), en rappe-
lant les souvenirs de Bhimasena et en lui disant : « Brise-
lui les deux cuisses. »

3416. 3417. Pourquoi n'ai-je pas entendu ce que tu as


dit à Arjouna? Après que, par divers moyens déloyaux,
tu as fait tuer des milliers de rois qui combattaient loya-
lement, tu ne manifestes aucune honte, (pas plus que)
tu ne montres de compasssion, après avoir causé la des-
truction d'un grand nombre de héros.

3418. Notre grand-oncle Bhîshma a péri sous tes coups.


(Il est vrai que) tu avais mis en avant Çikhandin (pour
le tuer). Après que tu as eu tué l'éléphant qui avait le
même nom qu'Açvatthâman,

3419-3421. Le précepteur (Drona) a déposé les armes.


Pourquoi ne m'en suis-je pas aperçu? Tu as vu cet homme
héroïque, quand il était abattu par le méchant Dhrishta-
dyoumna, et tu ne l'as pas secouru ! Qui a fait plus de
mal que toi, qui as fait tomber sur Ghatolkaca (fils de
Bhîma et d'une rakshasà), la lance même (que Karna avait
demandée à Indra), pour tuer le fils de Pàndou (Arjouna)?
Le fort Bhoûriçravas, presque mort, ayant les mains
coupées,

3422. A été tué par toi, par (l'intermédiaire) du magna-


nime petit-fils de Çini. Karna avait accompli de grands
exploits, (poussé) par le désir de vaincre le fils de Prithà.

LIVRE DE ÇALYA 397

3423. Mais, aussi malheureux qu Açvasena, fils du roi


des serpents, il a été vaincu, quand sa roue est tombée
(dans rornière).

3424-3426. Karna, qui ne songeait qu'à remettre sa roue


(en état), ce (héros), le premier des hommes, a été abattu
dans la bataille ^^ Si tu avais loyalement combattu Karna,
Bhîshma et Drona, (tandis qu'ils) se tenaient sur leurs
gardes, certainement tu ne les aurais pas vaincus. Mais,
nous et d'autres princes, qui obéissions à nos devoirs,
nous nous sommes fait tuer par toi, par trahison et sans
noblesse.

3427. Le Vasoudevide dit : fils de Gàndhàrî, tu as


été tué avec tes frères, tes fils, tes partisans, tes troupes
et tes amis, parce que vous aviez suivi une mauvaise
voie.

3428. Ce sont tes mauvaises actions qui ont fait abattre


les deux héros Bhishma et Drona, et Karna a péri dans
la bataille pour avoir imité ta méchante conduite.

3429. fou, (quand tu as été) imploré par moi, ta cupi-


dité, encouragée par Çakouni, (t'a empêché) de rendre
aux fils de Pàndou la part de royauté (qui leur venait
de) leur père.
3430. C'est toi qui as fait donner du poison à Bhîma-
sena. Tu as fait incendier tous les fils de Pàndou avec
leur mère, dans la maison de laque, ô insensé.

3431. (A l'occasion du) jeu de dés, la Yajnasenienne


(Draupadî), qui se trouvait au moment critique de son
mois, a été tourmentée (par tes ordres). impudent à
l'âme souillée, tu devais être tué.

3432. Tu as été tué dans le combat parce que, (guidé) par


le Soubalide qui connaissait les dés, tu as vaincu celui qui

398 CHAPITRE LXII

n'était pas au fait de ce jeu, (mais) qui connaissait les


devoirs.

3433. Parce que Krishna (Draupadî) a été tourmentée


dans le bois par le méchant Jayadratha, près de l'ermi-
tage de Trinavindou, alors que (ses époux) étaient à la
chasse;

3434. Et parce que le jeune Abhimanyou, qui était seul,


a été tué dans le combat par plusieurs (guerriers), à ton
instigation, ô méchant, (à ton tour) tu as été tué dans la
bataille .

3435. Par manque complet de vertu, tu as commis les


actes dont tu prétends que nous aurions dû nous abs-
tenir.

3436. Tu n'as pas écouté les leçons d'Ouçanas et de


Vrihaspati. Tu n'as pas suivi les conseils des vieillards ;
une bonne parole n'a jamais été écoutée par toi.

3437. Tu as toujours obéi à ta volonté, (guidé par) ta


cupidité et ta grande avarice. Tu as fait ce qui n'était
pas à faire : les fruits pervers ont mûri. Supportes-en les
conséquences.

3438. Douryodhana dit : J'ai étudié (les Védas); j'ai


offert des dons suivant les règles; j'ai gouverné la terre
avec les mers; je me suis placé au-dessus de mes enne-
mis. Qui donc a été plus heureux que moi?

3439. Si (la mort dans le combat), cette fin que les


Kshatriyas fidèles à leurs devoirs souhaitent, a été obte-
nue par moi, qui donc me surpasse en bonheur?

3440. J'ai goûté des jouissances humaines, que les rois


obtiennent difficilement. J'ai exercé la suprême souve-
raineté. Qui donc a été plus heureux que moi?

3441. impérissable, j'irai au Svarga, avec mes amis et

LIVRE DE ÇALYA 357

3174. Les éléphants barrirent, les chevaux hennirent


a plusieurs reprises, et les épées des Pàndouides qui
désiraient la victoire, lancèrent des étincelles.

24

CHAPITRE LVIII

COMBAT A LA MASSUE
Argument : Commencement du combat qui est terrible. Les deux
cliampions sont obligés de s'arrêter au bout d'un moment. Reprise
de la lutte. Ses alternatives, tantôt dans un sens, tantôt dans
l'autre.

3175. Sanjaya dit : Alors Douryodhana, dont l'esprit


n'était pas abattu, ayant vu Bhimasena qui venait ainsi
(contre lui), se hâta d'aller à sa rencontre en criant.

3176. Ils tombèrent l'un sur l'autre, comme deux tau-


reaux armés de leurs cornes. Les coups (qu'ils se por-
tèrent), produisirent un bruit (pareil) à celui d'un grand
ouragan.

3177. Ces deux héros, qui désiraient triompher l'un de


l'autre dans la lutte, se livrèrent un combat tumultueux,
qui faisait hérisser (de terreur), le poil (des spectateurs).
(Ce combat était) pareil à celui d'Indra et de Prahràda.

3178. Les deux prudents et magnanimes (princes), la


massue à la main, ayant tout le corps arrrosé de sang,
ressemblaient à deux kimcoukas fleuris :

3179. Pendant que cette grande et terrible bataille


avait lieu, le ciel brillait, comme embelli par une multi-
tude de vers luisants (elater noctulicus),

3180. Et quand ce très violent combat eut duré (un cer-

LIVRE DE ÇALYA 369

tain temps), ces deux dompteurs de leurs ennemis furent


fatigués après avoir combattu (si longtemps).

3181. Ces deux tourmenteurs de leurs ennemis, ayant


repris haleine un instant, ressaisirent leurs excellentes
massues et s'attaquèrent de nouveau Tun l'autre.

3182, 3183. A la vue de ces deux (guerriers), les plus


grands des hommes, doués d'un héroïsme extrême et
d'une force égale, qui, après avoir repris haleine, saisis-
saient de nouveau leurs massues, pareils à deux forts
éléphants que la passion amoureuse rend furieux à la
vue d'une femelle en rut, les dieux, les gandharvas et
les hommes furent remplis d'une extrême stupeur.

3184. En voyant Douryodhana et Vrikodara qui avaient


repris leurs massues, tous les êtres furent dans le doute
sur (le point de savoir à qui serait) la victoire.

3185. Alors les deux frères, les meilleurs des hommes


forts, s'étant attaqués de nouveau, désireux de surprendre
le point faible l'un de l'autre, cherchèrent l'occasion
(de vaincre).

3186. roi, les spectateurs voyaient levée la lourde et


formidable massue, semblable au bâton d'Yama, pareille
à la foudre d'Indra.

3187. La massue que Bhîmasena brandissait en la fai-


sant tournoyer dans le combat, produisait un bruit tumul-
tueux et terrible.

3188. En voyant le fils de Pândou, (son) ennemi), bran-


dir sa massue, dont l'extrémité était animée d'une vitesse
sans égale, le Dhritaràshtride fut rempli d'étonnement.

3189. Le héros Vrikodara, ô Bharatide, brillait encore


davantage, en parcourant des cercles et (faisant) des
passes de diverses sortes.

370 CHAPITRE LVIII

3190. Ces deux (guerriers), s'attaquant réciproquement,


attentifs à se garantir l'un de l'autre, se blessèrent à
plusieurs reprises, comme deux chats (se battant pour)
leur nourriture.

3191. Bhîmasena se livrait à des évolutions de diverses


sortes, (parcourant) des cercles variés, (tantôt) en s'avan-
çant, (tantôt) se reculant.

3192-3194. (Adoptant) diverses manières de tenir son


arme, des positions différentes, envoyant des coups, évi-
tant (ceux de son adversaire), se tenant en garde, s'élan-
çant, s'éloignant, s'arrêtant, se séparant (de son ennemi),
se retournant, se renversant, sautant (sur son adver-
saire), se jetant à terre, s'accolant(à son ennemi), s'en
écartant. Ces deux habiles (combattants), la massue à la
main, se livrant ainsi à diverses évolutions, se frappèrent
l'un l'autre.

3195. Ces deux (hommes) très forts, les plus grands des
Kourouides, traçaient, de côté et d'autre, des circuits
pour se tromper (mutuellement, comme s'ils se fussent)
joués (l'un de l'autre).

3196. Déployant, de toutes parts, dans le combat, leur


(adresse au) jeu des armes, ces deux dompteurs des en-
nemis se frappèrent réciproquement de leurs deux mas-
sues.

3197. Arrosés de sang, ils brillaient, ô grand roi,


comme deux éléphants, qui se sont mutuellement frappés
de leurs défenses.

3198. Tel était, vers la fin du jour, ce terrible combat


(qui avait lieu) en public, aussi cruel que celui de Vritra
et de Vâsava.

3199. Alors, ces deux (guerriers), la massue à la main,


LIVRE DE ÇALYA 371

ô roi, décrivaient des cercles. Le fort Dhritarâshtride


évoluait vers la droite.

3200, 320L Tandis que Bhîmasena évoluait vers la gau-


che. Pendant que Bhîma manœuvrait ainsi en tète du
combat, Douryodhana l'atteignit dans le flanc. Alors, ô
Bharatide, Bhîmasena, frappé par ton fils,

3202, 3203. Fit tournoyer sa lourde massue. Il songeait


à (lui rendre) un coup (équivalent). Les spectatenrs
virent levée, ô grand roi, cette massue de Bhîmasena,
semblable à la foudre d'Indra, pareille au bâton d'Yama.
Ayant vu Bhîma qui faisait tournoyer sa massue, ton fils,

3204, 3205. Ce tourmenteur de ses ennemis, leva sa


massue terrible et la lança (de nouveau contre son adver-
saire). La rapidité avec laquelle (descendait) la massue
de ton fils, ô Bharatide, ébranla (tellement) l'air, qu'elle
produisit un son tumultueux accompagné d'un éclat étin-
celant. Se livrant à diverses évolutions, en décrivant des
cercles,

3206. L'énergique Souyodhana paraissait plus brillant


que Bhîma. Lancée à toute vitesse par Bhîma, la grande
massue

3207. Produisit un grand et terrible bruit et un feu


accompagné de flamme et de fumée. En voyant la mas-
sue lancée par Bhîmasena, Souyodhana,

3208. Ayant lancé sa lourde (arme) de fer, brilla d'une


grande (splendeur). A la vue de la violence de l'ébranle-
ment de l'air produit par cette massue,

3209. Tous les Pàndouides et les Somakas furent rem-


plis do terreur. Déployant de toutes parts leur adresse
au combat,
3210. Ces deux dompteurs des ennemis s'attaquèrent

372 CHAPITRE LVIII

réciproquement, et se frappèrent l'un l'autre de leurs


massues, comme deux éléphants (se frappent) de leurs
défenses.

3211. Arrosés de sang, ô grand roi, ils resplendissaient.


Tel était ce combat terrible (qui avait lieu) en public

3212. A la fin du jour, (et qui était) pareil à celui de Vri-


tra et de Vâsava. Ton très fort fils, voyant Bhîma qui
se tenait ferme (devant lui),

3213-3215. Courut sur le fils de Kountî, en se livrant à


des évolutions très brillantes. Mais Bhîma, plein de cour-
roux, frappa la massue garnie d'or et animée d'une
vitesse terrible de ton fils furieux. On entendit le bruit,
pareil à celui de deux coups de foudre, produit par le
choc de ces deux armes. Cette (massue) rapide, lancée
par Bhîmasena,

3216. Fit, en tombant, trembler la terre, ô grand roi.


Le Kourouide ne supporta pas (avec patience), que l'arme
(qu'il avait lancée) dans le combat fût repoussée.

3217. Semblable à un éléphant rendu furieux par la


vue d'un éléphant rival, le roi, ayant pris sa décision et
tracé, en sautant, un cercle à gauche,

3218. Frappa la tête du fils de Kountî, d'un coup de sa


massue, animée d'un élan terrible. Mais Bhîma, fils de
Pândou, frappé de cette (arme) par ton fils,

3219. Ne chancela pas, ô grand roi. C'était comme un


prodige, et toutes les armées applaudirent ce miracle,
3220-3222. Que Bhîma (ainsi) frappé ne chancelât pas
(et n'éloignât pas) un (de ses) pieds de son autre pied.
Alors Bhîma, à la valeur terrible, lança à Douryodhana
sa très lourde et brillante massue ornée d'or. Le très
fort Douryodhana para ce coup sans se troubler, ce qui

LIVRE DE ÇALYA 373

remplit (les spectateurs) d'un grand étonnement. Mais, ô


roi, en tombant, cette massue brandie par Bhîma et dont
(le coup) était rendu vain,

3223. Produisit un grand bruit et fit trembler la terre.


(Douryodhana), ayant recours à l'évolution kouçika (kouçi-
kienne), bondissait incessamment.

3224-3226. Ayant reconnu que la massue était tombée


sans effet, et remarqnant que (l'effort fait pour la lan-
cer), avait fait chanceler Bhîma, le plus grand des Kou-
rouides, irrité, doué d'une grande force, frappa son
adversaire de sa massue, dans la région de la poitrine.
Atteint dans le grand combat par la massue de ton fils,
Bhîma se troubla et (pendant un instant) ne sut plus (dis-
cerner) ce qu'il devait faire. Dans cette occurrence, les
Somakas et les Pândouides

3227. Ne manifestaient pas de joie et voyaient (l'objet


de) leurs désirs gravement compromis. Mais, irrité par
ce coup, comme (l'eût été) un éléphant,

3228, 3229. Bhîma, courut contre ton fils, comme un


éléphant (se précipite sur un autre) éléphant. Ce héros
attaqua alors ton fils avec force et énergie, à l'aide de
sa massue, comme un lion attaque un éléphant sauvage.
Habile à lancer la massue, il s'approcha du roi,

3230. Et brandit son arme contre ton fils. Bhîmasena


frappa alors Douryodhana dans le flanc, ô roi,
3231. Celui-ci, terrassé par le coup, tomba à terre sur
les genoux. Cet excellent Kourouide étant tombé à terre
sur les genoux,

3232. Les Srinjayas poussèrent un cri (de joie), ô


maître du monde. Ayant entendu ce cri des Srinjaj'as, ô
chef des hommes,

374 CHAPITRE LVIII

3233. Ton fils, ô le plus excellent des Bharatides, fut


enflammé de colère. S'étant relevé, le guerrier aux grands
bras, soufflant comme un serpent puissant,

3234-3236. Regarda Bhîmasena comme s'il eût voulu le


brûler avec son regard. Puis, le meilleur des Bharatides,
la massue à la main, attaqua Bhîmasena comme s'il eût
voulu lui couper la tête dans le combat. Ce magnanime,
à l'héroïsme terrible, frappa à la tempe le valeureux
Bhîma. Le fils de Prithâ, atteint par la massue, ne chan-
cela pas plus qu'une montagne, et (n'en) brilla que d'un
plus grand éclat.

3237. roi, il laissait s'écouler son sang, comme un


éléphant, dont les bosses frontales sont ouvertes, (laisse
sourdre la liqueur qui en découle).

3238. Ayant saisi la massue de fer, avec laquelle il


tuait les héros, et qui produisait un bruit pareil à celui
de la foudre, le frère aîné de Dhananjaya, ce tourmen-
teur de ses ennemis, attaqua et frappa avec force son
adversaire.

3239. Frappé par Bhîmasena, ton fils, dont les muscles


du corps palpitaient, tomba comme un (arbre) Çâla (sho-
rea robusta), bien fleuri, renversé par la force du vent et
abattu dans la forêt.
3240. Alors, en voyant ton fils abattu à terre, les Pân-
douides furent joyeux et poussèrent des cris. Mais ton
fils ayant repris ses sens, se releva, comme un éléphant
(qui sort) d'un étang.

3241. Ce prince, ce grand guerrier, toujours impatient,


évoluant de côté et d'autre avec adresse, frappa le fils de
Pândou qui était devant lui, et qui s'affaissa à terre, le
corps privé de vigueur.

LIVRE DE ÇALYA 375

3242. Ce Kourouide, ayant, par la force (du coup), abattu


Bhîma, poussa un rugissement. La massue, même, en
tombant avec une énergie égale à celle de la foudre
d'Indra, brisa l'armure (du fils de Pàndou).

3242. Il se fit alors dans l'atmosphère un grand bruit,


produit par les habitants du ciel et les apsaras, qui lan-
cèrent une abondante et excellente pluie de fleurs
variées.

3244. Une crainte extrême pénétra dans le cœur des


ennemis, en voyant que le descendant de Kourou n'avait
pas perdu sa force, (et) en contemplant le plus grand des
hommes abattu à terre avec son armure brisée.

3245. Puis, au bout d'un instant Vrikodara, le fils du


Vent, ayant repris ses sens, recouvra ses forces, agita les
yeux, s'essuya la bouche et reprit sa place dans le com-
bat, soutenu par Bala (qui l'avait aidé à se relever).

CHAPITRE LIX

MORT DE DOURYODIIANA
Argument : Arjouna demande à Krishna ce qu'il augure de l'issue
du combat. Krishna répond que, dans un combat régulier, Bhima
ne peut pas triompher, mais qu'il pourrait y arriver en employant
un moyen frauduleux. Il est d'avis que Bhima accomplisse le vœu
qu'il a fait, do briser les deux cuisses de Douryodhana. Arjouna
fait dans ce sens un signe à Bhima qui le comprend. Ruses de
Bhima pour préparer son coup. Le combat devient terrible. Bhima,
d'un coup de massue, brise les deux cuisses de Douryodhana qui
tombe; horreur des assistants, à la vue de ce coup déloyal. Pro-
diges qui ont lieu à cette occasion.

3246. Sanjaya dit : Arjouna, voyant le combat engagé


entre les deux plus grands des Kourouides, dit au glo-
rieux Vasoudevide :

3247. tourmenteur des hommes, dis moi lequel de ces


deux héros, tu juges le plus fort dans le combat, ou quel
est celui dont tu considères les qualités comme supé-
rieures.

3248. Le Vasoudevide dit : La science est la même


pour tous les deux ; mais, si Bhima est le plus fort,
le fils de Dhritarâshtra est adroit, et a plus de persévé-
rance (dans la pratique), que Vrikodara.

3249. Bhîmasena n'obtiendra pas la victoire en combat-


tant selon les règles ; mais il pourrait tuer Souyodhana, en
combattant d'une manière irrégulière.

LIVRE DE ÇALYA 377

3250. Nous avons entendu dire que les asouras ont été
vaincus par les dieux, grâce à la fraude. Certes, c'est en
employant la fraude, que Çakra a vaincu Virocana.

3251. C'est par fraude, que le meurtrier de Bala détrui-


sit l'énergie de Vritra. Que Bhimasena ait donc recours à
la fraude!

3252. Dhanaùjaya, au moment du jeu de dés, Bhîma


a adressé cette menace à Souyodhana : « Je briserai dans
le combat tes deux cuisses avec ma massue. »

3253. Que le tourmenteur des ennemis, accomplisse


cette menace. Qu'il abatte, par un moyen frauduleux le
roi trompeur.

3254. Si, se fiant en sa force, il se conduit d'une manière


régulière, le roi Youdhishthira se trouvera dans une situa-
tion difficile.

3255. Entends, ô fils de Pândou ce que je vais te répéter;


c'est par la faute de Dharmaràja que le danger nous
menace de nouveau.

3256. Car, après avoir accompli de grands exploits,


après avoir tué les Kourouides, Bhîshma en tète, nous
avions remporté la victoire, obtenu la gloire la plus
grande, et l'hostilité (que les Kourouides nous avaient
montrée) était punie.

3257. Puis la victoire qu'on avait ainsi obtenue, a été


remise en doute, ô fils de Pàndou. Voilà la folie de
Dharmaràja.

3258. (C'est qu'il) a fait dépendre le résultat d'une telle


lutte, de la victoire d'un seul (guerrier). Souyodhana
est un héros accompli, ne songeant qu'à une seule
chose.

3259. Écoute cet ancien chant d'Ouçanas, que nous avons

378 CHAPITRE LIX

entendu (jadis), et dont je vais te rappeler les termes.


Il a tous les caractères de la vérité :

3260. Il faut se défier de (tous) les vaincus, sans distinc-


tion, qui désirent vivre et qui retournent (au combat),
car ils n'ont qu'une chose en vue.

3261. Çakra lui-même, ô Dhananjaya, ne saurait tenir


tête à ceux que la violence opprime, et qui n'ont plus
l'espoir de conserver la vie.

3262. 3263. Quel est donc l'homme sage, qui aurait


provoqué au combat ce Souyodhana vaincu, dont l'armée
est tuée, dont la cause est perdue, qui s'est réfugié dans
un étang et qui, désespérant de conserver la couronne,
songe à se (retirer dans les) bois? Comment, (dans ce cas),
Souyodhana ne nous ravirait-il pas (encore) la royauté
(que nous avons) conquise?

3264. Lui qui, bien décidé à combattre à la massue,


passa treize années (à s'exercer au maniement de cette
arme, pour être sûr de) frapper Bhîmasena sur (la tête)
et de côté.

3265. Si donc ce guerrier aux grands bras n'est pas tué


d'une manière irrégulière, le Kourouide, fils de Dhrita-
râshtra, sera votre roi. »

3266. Dhananjaya, ayant entendu ces paroles du magna-


nime Keçava, se frappa la cuisse gauche, sous les yeux
de Bhîmasena,

3267. Alors Bhîma, ayant saisi la signification (de ce


signe), traça, en combattant, des cercles variés et com-
pliqués.

3268. Le fils de Pândou décrivait çà et là, des cercles à


droite et à gauche ; il évoluait aussi selon (la figure appe-
lée) gomoutra (urine de bœuf,) pour affoler l'ennemi, ô roi.
LIVRE DE ÇALYA 379

3269. Ton fils aussi, habile à l'escrime à la massue,


évoluait, avec une admirable légèreté, de côté et d'autre,
animé du désir de tuer Bhîmasena.

3270. Agitant leurs terribles massues enduites de pâte


de santal et d'aloës, désirant par (leur) combat terminer
la guerre, irrités comme deux Antakas,

3271. Ces deux grands héros, les plus excellents des


hommes, décidés à se tuer l'un l'autre, combattirent
comme deux Garoudas, qui voudraient faire leur proie
d'un serpent.

3272. 3273. roi, pendant que ces deux héros, le roi


(Douryodhana) et Bhîma, forts dans les combats, pareils
à des océans agités par la tempête, s'atteignaient avec
une égale (fureur), en traçant des cercles variés, on vit
leurs deux massues produire des éclairs de feu.

3274. On entendait le bruit retentissant causé par les


coups, (que se portaient l'une à l'autre), les massues
tournoyantes, de ces deux (guerriers) pareils à deux
éléphants en rut, et s'attaquant (avec une même éner-
gie).

3275. Alors, ces deux dompteurs des ennemis, qui se


livraient ce cruel et émouvant combat, (vinrent à) se
fatiguer.

3276. Ces deux tourmenteurs des ennemis, ayant repris


haleine, s'attaquèrent de nouveau avec force, après avoir
resaisi leurs grandes massues.

3277. Un combat terrible, acquérant tout le dévelop-


pement dont il était susceptible, eut lieu entre ces deux
(hommes), qui se blessaient réciproquement, en se frap-
pant de leurs massues .
3278. Ces deux forts héros, aux yeux de taureau, se

380 CHAPITRE LIX

précipitant l'un contre lautre, se frappèrent comme deux


buffles enfoncés dans la boue.

3279. Arrosés de sang, ayant tout le corps mis en pièces,


ils ressemblaient à deux kimçoukas fleuris, sur l'Himalaya.

3280. Le Prithide laissant voir un joint, Douryodhana


s y précipita, en souriant légèrement.

3281. Le fort Vrikodara, habile au combat, le voyant


s'approcher de lui, lança sa massue avec un grand élan.

3282. Mais, ô maître des hommes, ton fils l'ayant vu


lancer sa massue, se recula, (de sorte que) cette (arme)
tomba inutile, à terre.

3283. Et ton fils, ayant, par sa grande précipitation (à


se retirer), évité le coup, frappa Bhimasena de sa mas-
sue, ô le plus grand des Kourouides.

3284. Le sang que la violence de ce coup fit couler,


produisit une sorte de pâmoison chez ce (fils de Pàudou),
à la force démesurée.

3285. Douryodhana ne s'aperçut pas que le Pàndouide


eût été (aussi gravement) atteint dans le combat. Bhima,
(ainsi) frappé, ne se laissa pas défaillir.

3286. Ton fils pensait qu'il allait l'attaquer (pour lui


rendre ce coup) et, à cause de cela, ne le frappa pas de
nouveau.

3287. Puis, après avoir repris haleine un instant, le


majestueux Bhimasena se précipita avec violence sur
Douryodhana qui était près de lui.

3288. 3289. excellent Bharatide, en voyant cet


(homme) furieux à la force démesurée, se précipiter sur
lui, ton fils au grand cœur, désirant rendre vain le coup
(qui allait lui être porté), songea à se tenir ferme, et
chercha à faire un saut, pour tromper Vrikodara.

LIVRE DE ÇALYA 381

3290. S'apercevant de ce que le roi voulait faire, et


courant sur lui en rugissant, comme un lion, Bhîmasena,

3291. Fils de Pàndou, lui lança, avec un élan (terrible),


sa massue contre les deux cuisses, au moment où il sau-
tait pour éviter la mort, ô roi.

3292. Ce (coup), aussi terrible qu'un coup de foudre,


porté (parBhîma), qui accomplissait un exploit efirayant,
brisa les deux belles cuisses de Douryodhana.

3293. Ce tigre des hommes, ton fils, ayant les deux


cuisses brisées, tomba en faisant résonner (la terre),

3294-3300. Ce héros, maitre de tous les princes de la


terre, étant abattu, des vents et des ouragans soufflèrent,
une pluie de poussière tomba, et la large (terre) trembla,
avec les arbres, les bois et les montagnes. Un grand, très
bruyant et effrayant météore, accompagné de tourbillons
de vent, s'abattit en flamboyant, quand le maître de la
terre fut tombé. Maghavant (Indra) répandit une pluie de
sang et de poussière, après la chute de ton fils, ô Bhara-
tide. On entendit un grand bruit produit dans l'atmos-
phère, par les yakshas, les rakshasas et les piçâcas, ô
excellent Bharatide. Ce bruit terrible (fut suivi d'un)
autre, engendré (par les cris poussés) de toutes parts
dans l'espace, par des animaux et des oiseaux nombreux.
Quand ton fils fut abattu, les chevaux, les éléphants et
les hommes qui restaient, poussèrent un grand cri à
l'endroit (où ils se trouvaient). On entendit aussi un grand
bruit produit par les timbales, les conques et les tam-
bours mridaugas.

3301, 3302. roi, ton fils étant abattu, les régions de


l'espace furent remplies par (des êtres) venus de l'inté-
rieur de la terre, ayant de nombreux bras, ayant de nom-

382 CHAPITRE LIX

breux pieds, ayant des corps sans tête, qui dansaient d'une
manière effrayante. Les porteurs d'étendards, les por-
teurs d'armes de trait, et les porteurs d'épées

3303. Tremblèrent, ô roi, quand ton fils fut tombé. Les


étangs et les puits vomirent du sang, ô le plus grand
des rois,

3304. Les fleuves au cours rapide coulèrent à contre


courant. Les femmes prirent la nature masculine et les
hommes la nature féminine,

3305. Quand Douryodhana fut tombé, ô roi. A la vue


de ces merveilles et de ces prodiges, les Pàncâlas et les
Pândouides

3306. Furent tous terrifiés, ô excellent Bharatide. Les


dieux, les gandharvas et les apsaras, se dispersèrent à
leur fantaisie,

3307. 3308. Racontant le merveilleux combat de tes


deux fils, ô Bharatide, et les Siddhas, ainsi que les Câra-
nas s'en allèrent comme ils étaient venus, glorifiant ces
deux lions (d'entre les) hommes.
CHAPITRE LX

LAMENTATIONS DE YOUDHISHTHIRA

Argument : Bhîma insulte Douryodhana. Paroles qu'il adresse aux


Pândouides. Chagrin de l'armée. Réponse de Youdhishthira, qui
cherche ensuite à calmer la colère de Douryodhana.

3309. Safijaya dit : En le voyant abattu, tous les Pân-


douides le contemplèrent, comme (ils eussent regardé)
un grand Çâla(vâticarobusta) arraché, (et furent) joyeux.

3310. Et tous les Somakas, le poil hérissé (de joie), le


virent, pareil à un éléphant terrassé par un lion.

3311. Puis le majestueux Bhîmasena, après avoir


frappé Douryodhana, s'approcha de cet Indra des Kou-
rouides et dit :

3312. Vache, vache. « Ainsi (disais-tu) jadis, ô homme


vil, à Draupadî qui n'était couverte que d'un seul vête-
ment. Insensé, (voilà) ce que tu as dis dans l'assem-
blée, en te moquant de nous.

3313. Aujourd'hui, reçois le fruit de cette raillerie.


Ayant ainsi parlé, il lui toucha la tête du pied gauche.

3314. Rouge de colère, Bhîma, tourmenteur des enne-


mis, fit ainsi, avec le pied, mouvoir la tête du lion des
rois.

3315. 3316. Écoute, ô maître des hommes, les paroles


qu'il dit (encore) : « Nous nous moquons (maintenant)
25

384 CHAPITRE LX

des fous qui raillaient jadis en disant : « Vache, vache »,


et nous leur disons (à notre tour) : « Vache, vache ». Chez
nous, pas d'appétits déshonnètes, pas de jeu de dés, pas
de tromperie.

3317. Nous tuons nos ennemis en n'en appelant qu'à la


force de nos bras. »

3318. Vrikodara, qui venait de terminer la guerre, dit


doucement en riant à Youdhishthira, à Keçava, aux Srin-
jayas, à Dhanjaya et aux deux fils de Mâdravati :

3319. Voyez, tués dans les combats par les Pândouides,


grâce à l'ascétisme de la Yajnasènienne (Draupadî), ces
Dhritarâshtrides qui, alors qu'elle était au moment cri-
tique de son mois, la traînaient et la déshabillaient dans
l'assemblée.

3320. Nous avons tué, en même temps que leurs troupes


et leurs partisans, ces cruels Dhritarâshtrides qui nous
appelaient jadis : « Canaille inutile ». Nous allons volon-
tiers (ainsi) soit au Svarga, soit à l'enfer. »

3321. (Bhîma) ayant foulé aux pieds la massue placée


sur l'épaule du roi tombé, ayant touché du pied gauche
la tête (de ce prince), répéta au perfide Douryodhana (ce
qu'il venait de lui dire).

3322. Les vertueux chefs des Somakas ne furent pas


satisfaits de voir Bhimasena, à l'âme mauvaise, se plaire
à mettre le pied sur la tête du plus grand des Kourouides.

3323. Pendant que Vrikodara, qui avait tué ton fils,


dansait (de joie), en ne cessant de se vanter, Dharmaràja
lui dit :

3324. Tu as payé (à Douryodhana) l'hostilité (qu'il nous


a témoignée). Tu as accompli ta promesse, au moyen
d'une action bonne ou mauvaise. Maintenant, arrête-toi.

LIVRE DE ÇALYA 385

3325. N'écrase pas sa tête du pied. Que ta vertu ne


disparaisse pas complètement. Ce que (tu veux faire)
n'est pas convenable, ô homme sans péché.

3326. Bhîma, ne touche pas du pied un roi et un


parent, maître de onze armées, et (surtout) le roi des
Kourouides,

3327. Dont les parents sont tués, dont les ministres


sont tués, dont l'armée est détruite, et qui, (lui-même),
a succombé dans le combat. Il est digne de pitié à tous
égards. Ce roi ne se dresse plus (devant nous) dans la
bataille.

3328. Il est tombé, ses ministres, ses frères et ses


sujets sont tués ; son armée est anéantie. C'était notre
frère. Le traitement (que tu veux lui faire subir) n'est
pas convenable.

3329. On disait jadis : « Bhîmasena est un homme de


bien. » Comment, toi (qui avais) ces (qualités), (oses-tu) te
placer au-dessus d'un roi?

3330. Ayant ainsi parlé à Bhîmasena, Youdhisthira,


triste, ayant des larmes dans la voix, s'approcha de Dou-
ryodhana, dompteur des ennemis, et lui dit :

3331. mon ami, tu ne dois pas t'abandonner à la colère,


ni te plaindre de ton sort. Certes, ce que tu as fais jadis
a eu des résultats terribles.

3332. Sans doute, c'est la volonté du créateur du


monde, qui a donné (à tes actes) cette étrange et im-
pure conséquence, que nous avons voulu te tuer et que
tu voulais nous détruire. le plus grand des Kourouides,

3333. Certainement, c'est par ta propre faute que tu


es tombé dans cette grande adversité, (qui a été causée)
par ta cupidité, ton orgueil et ta sottise, ô Bharatide,

386 CHAPITRE LX

3334. Après avoir fait tuer amis, frères, parents, fils,


petits-fils et beaucoup d'autres, tu as enfin trouvé la mort.

3335. Par ta faute, tes frères (ont été) abattus et tes


parents (ont été) tués par nous. (Les décrets du) destin
me paraissent insondables.

3336. Ta personne ne doit pas être pleurée. Ta mort


ne doit pas inspirer de regrets. Nous seulement, ô Kou-
rouide, (serons) dignes de compassion dans toutes les
situations (oii nous nous trouverons).

3337. Privés de ces chers parents, nous inspirerons la


pitié, et (nous serons) tourmentés (par le chagrin) de la
perte de (nos) frères et des brahmanes (qui ne sont plus).

3338. Que dire à (vos) épouses (devenues) veuves, plon-


gées dans la douleur? Toi seul, tu es parti (pour le ciel).
Ton séjour dans le svarga est assuré.

3339. 3340. Nous, considérés comme voués à l'enfer,


nous subirons un malheur cruel. Les brus et les femmes
des petits-fils de Dhritaràshtra, (ces) veuves éplorées,
dévorées par le chagrin, nous maudiront assurément. »
334L Sanjaya dit : Après avoir ainsi parlé, ce prince
affligé, Youdhishthira Dharmapoutra (fils de Dharma),
soupira et se lamenta pendant longtemps.

CHAPITRE LXT

REPROCHES DE RALADEVA

Argument : Baladeva est rempli d'horreur et fait honte à Bhîma de


sa conduite. Il veut se jeter sur lui. Keçava cherche à l'apaiser et
à justifier Bhîma; mais Baladeva ne se laisse pas convaincre. Leur
entretien. Baladeva s'en va, après avoir fait de nouveaux repro-
ches à Bhima et glorifié Douryodhana. Entretien de Krishna avec
Youdhishthira. Entretien de Bhima avec Youdhishthira.

3342. Dhritaràshtra dit : Que pensa de cette question le


très fort Baladeva, le plus grand des Madhavides, quand
il eut vu le roi, tué dans le combat d'une façon irrégu-
lière, ô cocher?

3343. Raconte-moi, ô Sanjaya, ce que fit le Rohinien


habile aux combats à la massue, en connaissant les parti-
cularités de ce combat.

3344. Sanjaya répondit : En voyant la tête de ton fils


frappée par Bhîmasena, le fort Ràma, le meilleur des
guerriers, poussa un grand cri ^'.

3345. Alors, au milieu des Indras des hommes, Halâyou-


dha leva les bras au ciel et poussa un cri de désespoir
en disant : « Fi ! Fi 1 ô Bhima,

3346. Honte aux coups portés au-dessous du nombril,


dans un combat régulier. Ce que Vrikodara a fait, ne
s'était pas encore vu dans un combat à la massue.

3347. Le livre des préceptes établit qu'on ne doit pas

388 CHAPITRE LXI

frapper au-dessous du ventre, mais ce fou, ignorant des


régies, a frappé à sa propre fantaisie. >>

3348. Comme il parlait ainsi, sa colère devint extrême.


Le fort (Ràma), ayant levé la charrue (qu'il portait en
guise d'armes), se précipita sur Bhîma.

3349. L'éclat de ce magnanime, les bras levés, était


pareil à (celui) d'une grande montagne blanche, émaillée
de nombreux minéraux.

3350. Le fort et sage Keçava s'efforça de l'embrasser


fortement avec ses deux bras puissants, au moment où il
se précipitait (sur Vrikodara).

3351. Alors (Ràma) le blanc, et (Klirishna) le noir, res-


plendirent d'un plus grand (éclat), comme la lune et le
soleil à la fin du jour.

3352-3354. Keçava dit à (son frère) irrité, et comme


pour l'apaiser : « La manière d'augmenter ce qui est à
nous est de six sortes : l'accroissement de notre pro-
pre individu; celui de nos amis et le bonheur des amis de
nos amis. (Il faut ajouter) le contraire en ce qui concerne
les ennemis : (la ruine de l'ennemi, celle de l'ami de
l'ennemi, et celle de l'ami de l'ami de l'ennemi). Mais si,
au contraire, (le malheur atteint], soit notre propre indi-
vidu, soit nos amis, il faut nous hâter d'y apporter
remède, en combattant notre propre inertie. Les fils de
Pândou ont accompli des actes héroïques dans les com-
bats.
3355. Eux, les propres fils de la sœur de notre père,
ont été profondément humiliés par leurs ennemis. Nous
savons (d'ailleurs) que l'accomplissement d'une promesse,
est un devoir pour les kshatriyas.

3356. Bhîma, avait, (au milieu de) l'assemblée, fait cette

LIVRE DE ÇALYA 389

promesse : « Dans un grand combat, je briserai avec ma


massue, les deux cuisses de Souyodhana. »

3357. Jadis le grand rishi Maitreya, maudit (Douryo-


dhana) en lui disant, ô tourmenteur de Tennemi : « Bhîma
te brisera les deux cuisses. »

3358. «Je ne vois pas de faute (commise dans ce qui s'est


passé). Ne sois donc pas irrité, ô meurtrier (du daitya)
Pralarabha. Nous sommes attachés aux Pândouides par
les liens de famille aussi bien que par ceux de l'affection.

3359. Notre (fortune) s'accroîtra des progrès de la


leur. Ne sois donc pas irrité, ô taureau des hommes. »
Après avoir entendu cette parole du Vasoudevide, (Bala-
râma) qui porte une charrue (pour arme), connaisseur des
devoirs, lui répondit :

3360. La vertu est pratiquée dans sa perfection par


les gens de bien. Elle est observée en tenant compte de
deux choses, de l'utile, pour celui qui est attaché à ses
intérêts, et de l'agréable, pour celui qui s'adonne (à ses
plaisirs).

3361. Celui qui, sans porter atteinte à la vertu et à


l'utile, ni à la vertu et à l'agréable, ni à l'utile et à
l'agréable, pratique la vertu et obtient l'utile et l'agréable,
jouit d'un bonheur complet.
3362. Quoi que tu me dises, ô Govinda, cet (ensemble)
dont (je viens de parler) a été troublé parce queBhîma-
sena a négligé le devoir.

3363. Le vénérable Krishna dit : Tu es connu dans le


monde pour avoir l'âme vertueuse, ne pas t'abandonner
à la colère et être fidèle au devoir. Apaise-toi donc et ne
sois pas irrité.

3364. Reconnais que l'âge Kali (de fer) est arrivé et

390 CHAPITRE LXI

(souviens-toi) de la promesse du fils de Pândou. (Laisse-


le donc) accomplir cette promesse et payer l'hostilité
(qu'on lui a témoignée).

3365. Sanjaya dit : maître des hommes, en entendant


Keçava (vanter) la violation même du devoir, Râma ne fut
pas satisfait et prononça ces paroles dans l'assemblée :

3366. Pour avoir frappé Souyodhana d'une manière irré-


gulière, le fils de Pândou ira à la postérité, avec le renom
d'un guerrier déloyal,

3367. Tandis que le vertueux Douryodhana obtiendra


une félicité éternelle, (car) le roi fils de Dritarâshtra,
combattait loyalement quand il a été tué .

3368. Il s'est livré à l'œuvre pieuse des combats, sur le


champ de bataille, il a disposé son combat comme un
sacrifice, il s'est sacrifié sur le feu, (représenté par) son
ennemi et s'est plongé dans lej bain purifiant de la gloire.

3369. Après avoir ainsi parlé, le magnanime fils de


Rohinî, pareil à un nuage blanc, monta sur son char et
se dirigea vers Dvârakà.
3370. maître des hommes, quand Râma fut parti
pour Dvârakà, les Pâiïcâlas, les Vrishniens et les Pàn-
douides étaient loin de se réjouir.

3371. Alors le Vasoudevide adressa ces paroles à You-


dhishthira qui, l'esprit abattu par le chagrin, avait la tête
baissée et était triste et pensif.

3372. 3373. Le Vasoudevide dit : Dharmarâja, pour-


quoi as-tu permis une chose inconvenante, en regardant,
(sans t'y opposer), Bhîmasena écraser du pied la tête de
Douryodhana, cet insensé tombé (à terre), et dont les pa-
rents sont tués? Est-ce ainsi, ô roi, que tu entends les
devoirs des gens de bien?

LIVRE DE ÇALYA 391

3374. Youdhishthira dit : Krishna, il ne m'a pas été


agréable que Vrikodara ait, dans sa colère, touché du pied
la tête du roi, et je ne me réjouis pas de l'extermination
de (ma) famille.

3375. (Mais nous avons) toujours été injustement humi-


liés par les fils de Dhritarâshtra. (Nous avons été) bannis
dans les bois, où nous avons éprouvé bien des souifrances.

3376. Cela a été excessivement pénible au cœur de


Bhîmasena, ô Vrishnien; en y réfléchissant, je n'ai pas
compris (ce que l'acte de mon frère avait de répréhen-
sible).

3377. Aussi, après avoir tué (cet) homme avide, (qui


poursuivait avec) prudence (l'accomplissement) de ses
désirs et de sa volonté, permets aux fils de Pàndou de faire
ce qu'ils souhaitent, que ce soit, ou non, convenable.

3378. Sanjaya dit : Ayant entendu ces paroles de


Dharmarâja, le Vasoudévide continuateur de la race
d'Yadou, dit, non sans peine : « Soit. »

3379. Après que le Vasoudévide, qui désirait tout ce qui


était utile et agréable à Bhîma, eut ainsi parlé, (Dhar-
marâja) se réjouit de tout ce qui avait été fait par son
frère, dans le combat.

3380. 3381. maître des hommes, l'impatient et très


énergique Bhîmasena, joyeux, les yeux épanouis de
plaisir, fier de sa victoire après avoir tué ton fils dans le
combat, se plaça devant Dharmarâja, le salua, et lui dit,
après avoir fait l'anjali :

3382. roi, maintenant la terre est à toi. Elle n'offre


plus aucun danger et elle a perdu ses épines. Jouis en, ô
grand roi, observe ta propre loi.

3383. L'auteur de cette injuste hostilité, à qui l'iniquité

392 CHAPITRE LXI

était chère, gît privé de vie sur le sol, ô maître de la


terre.

3384. Et tous ces (hommes) qui nous injuriaient, à


commencer par Dousçàsana, (ainsi que) Karnaet Çakouni,
sont tués.

3385. Cette terre remplie de joyaux, avec ses bois et


ses montagnes, rentre aujourd'hui en ta (possession), ô
grand roi, dont les adversaires sont anéantis.

3386. 3387. Youdhisthira dit : La mort du roi Souyo-


dhana a terminé la guerre. (Nous avons) conquis cette
terre en suivant les avis de Krishna. Grâce au ciel, tu as
payé la dette que tu avais contractée envers ta mère,
envers ta colère. Grâce au ciel, tu as triomphé d'un homme
difficile à vaincre. Grâce au ciel, l'ennemi est abattu.
CHAPITRE LXU

COLLOQUE DE KRISHNA ET DES FILS DE PÂNDOU

Argument : Joie des Pândouides en constatant la mort de Douryo-


dhana, Louanges données à Bhîraa. Discours de Krishna. Douryo-
dhana fait un effort pour se relever et répond à Krishna, qu'il
accuse de tous ses maux. Réponse de Krishna. Nouveau discours
de Douryodhana. Il se produit des prodiges qui humilient et
effraient l'armée Pàndouide. Discours de Krishna pour rassurer
cette armée. Les Pândouides rentrent dans leurs tentes pour se
reposer.

3388. Dhritarâshtra dit : Sanjaya, que firent les


Pândouides et les Srinjayas, quand ils eurent vu Douryo-
dhana frappé dans la bataille par Bhîmasena?

3389. Sanjaya dit : Quand ils virent Douryodhana frappé


dans le combat par Bhîmasena, comme un éléphant sau-
vage est tué par un lion, ô grand roi,

3390. Les Pândouides, avec Krishna, furent remplis de


joie. Quand le descendant de Kourou eut été tué, les
Pâncâlas et les Srinjayas

3391. Lancèrent leurs vêtements en l'air et poussèrent


des rugissements. La terre (semblait à peine) pouvoir les
porter, (tant leur joie débordait).

3392. Les uns déchargeaient leurs arcs, les autres en


faisaient vibrer la corde, d'autres soufflaient dans leurs
grandes conques, d'autres (encore) battaient des tam-
bours doundoubhis.

394 CHAPITRE LXII


3393. D'autres aussi, de tes ennemis, raillaient et
riaient. Les héros adressèrent, à plusieurs reprises, ces
paroles à Bhîmasena :

3394. Tu as accompli aujourd'hui, dans le combat,


un exploit très difficile, en tuant avec ta massue l'In-
dra des Kourouides, très expert dans les exercices mili-
taires.

3395. Car tous les hommes considéraient la mort de


ton ennemi, comme aussi difficile à donner que celle que,
dans un combat suprême, Indra donna à Vritra.

8396. Quel autre que Vrikodara eût pu tuer Douryo-


dhana, se livrant à toutes sortes d'évolutions, (dans
lesquelles il décrivait) des cercles (d'escrime).

3397. Tu es venu à bout de cette hostilité, qu'un autre


eût très difficilement pu terminer ; nul autre que toi n'eût
pu accomplir un tel exploit.

3398. Grâce au ciel, ô héros, tu as écrasé du pied, sur


le champ de bataille, la tête de Douryodhana, comme (eût
pu le faire) un éléphant furieux.

3399. Grâce au ciel, ô homme sans péché, après un


combat merveilleux, semblable à celui d'un buffle contre
un lion, tu as bu le sang* de Dousçâsana.

3400. Par tes exploits, tu as foulé aux pieds la tête de


ceux qui firent injure au vertueux Youdhishthira.

3401. Par suite de ta supériorité sur les ennemis, et du


meurtre de Douryodhana, ô Bhîma, grâce au ciel, ta
gloire s'est répandue sur la terre.

3402. De même que les poètes louent Çakra d'avoir


tué Vritra, de même, ô Bharatide, nous te félicitons
d'avoir tué ton ennemi.
3403. Sache, ô Bharatide, que nos poils, (que la joie de

LIVRE DE ÇALYA 395

voir) Douryodhana tué, avait hérissés, n'ont pas (encore)


repris leur position naturelle.

3404-3406. Telles étaient les louanges adressées à Bhî-


masena. En entendant parler (ainsi), les Pâncâlas et les
Pàndouides, ces tigres des hommes, le meurtrier de
Madhou leur tint un autre langage. « maîtres suprêmes
des hommes, (leur dit-il), il n'est pas convenable de con-
tinuer de tourmenter, par des paroles cruelles, un homme
abattu. Ce sot est tué. Il a péri, ce méchant, rempli d'im-
pudence,

3407, 3408. Avare, ami infidèle, foulant aux pieds les


contrats écrits. (Quoi qu'il en fût) souvent requis par
Vidoura, Kripa, Drona, le fils de la Gangà et par les Srin-
jayas, il ne (voulut jamais consentir à) rendre leur héri-
tage paternel aux fils de Pândou. Maintenant ce (prince),
le plus vil des hommes, n'est plus capable (d'être consi-
déré comme) un ami ou un ennemi ^^

3409. A quoi bon, invectiver cet (homme devenu) sem-


blable à un morceau de bois entièrement brisé? rois de
la terre, hàtez-vous de monter sur vos chars. Nous nous
en allons.

3410. Grâce au ciel, ce (roi) à l'âme mauvaise est tué,


avec ses ministres, ses parents et ses partisans. Mais, en
entendant ces outrages (qui lui étaient adressés par)
Krishna, le roi Douryodhana,

3411. Saisi d'une impatiente colère, ô maître des


hommes, (essaya de) se lever, reposant sur ses fesses et
s'appuyant sur ses deux bras.
3412. Fronçant les sourcils, il lança au Vasoudevide un
regard (terrible). Le roi, à demi dressé, ressemblait ainsi
à un

396 CHAPITRE LXII

3413. Serpent qui a la queue coupée, ô Bharatide ; sans


songer à l'agonie terrible qui abrégeait sa vie,

3414. Douryodhana piqua le Vasoudevide par de cruel-


les paroles. « ironique esclave de Kamsa, dit-il, tu es
sans pudeur.

3415. Si j'ai été irrégulièrement abattu dans le combat


à la massue, (c'est) toi (qui en as été) la cause), en rappe-
lant les souvenirs de Bhimasena et en lui disant : « Brise-
lui les deux cuisses. »

3416. 3417. Pourquoi n'ai-je pas entendu ce que tu as


dit à Arjouna? Après que, par divers moyens déloyaux,
tu as fait tuer des milliers de rois qui combattaient loya-
lement, tu ne manifestes aucune honte, (pas plus que)
tu ne montres de compasssion, après avoir causé la des-
truction d'un grand nombre de héros.

3418. Notre grand-oncle Bhîshma a péri sous tes coups.


(Il est vrai que) tu avais mis en avant Çikhandin (pour
le tuer). Après que tu as eu tué l'éléphant qui avait le
même nom qu'Açvatthâman,

3419-3421. Le précepteur (Drona) a déposé les armes.


Pourquoi ne m'en suis-je pas aperçu? Tu as vu cet homme
héroïque, quand il était abattu par le méchant Dhrishta-
dyoumna, et tu ne l'as pas secouru ! Qui a fait plus de
mal que toi, qui as fait tomber sur Ghatolkaca (fils de
Bhîma et d'une rakshasâ), la lance même (que Karna avait
demandée à Indra), pour tuer le fils de Pândou (Arjouna)?
Le fort Bhoûriçravas, presque mort, ayant les mains
coupées,

3422. A été tué par toi, par (l'intermédiaire) du magna-


nime petit-fils de Çini. Karna avait accompli de grands
exploits, (poussé) par le désir de vaincre le fils de Prithâ.

LIVRE DE ÇALYA 397

3423. Mais, aussi malheureux qu'Açvasena, fils du roi


des serpents, il a été vaincu, quand sa roue est tombée
(dans l'ornière).

3424-3426. Karna, qui ne songeait qu'à remettre sa roue


(en état), ce (héros), le premier des hommes, a été abattu
dans la bataille ^^ Si tu avais loyalement combattu Karna,
Bhîshma et Drona, (tandis qu'ils) se tenaient sur leurs
gardes, certainement tu ne les aurais pas vaincus. Mais,
nous et d'autres princes, qui obéissions à nos devoirs,
nous nous sommes fait tuer par toi, par trahison et sans
noblesse.

3427. Le Vasoudevide dit : fils de Gàndhàri, tu as


été tué avec tes frères, tes fils, tes partisans, tes troupes
et tes amis, parce que vous aviez suivi une mauvaise
voie.

3428. Ce sont tes mauvaises actions qui ont fait abattre


les deux héros Bhîshma et Drona, et Karna a péri dans
la bataille pour avoir imité ta méchante conduite.

3429. fou, (quand tu as été) imploré par moi, ta cupi-


dité, encouragée par Çakouni, (t'a empêché) de rendre
aux fils de Pàndou la part de royauté (qui leur venait
de) leur père.

3430. C'est toi qui as fait donner du poison à Bhîma-


sena. Tu as fait incendier tous les fils de Pàndou avec
leur mère, dans la maison de laque, ô insensé.

343L (A l'occasion du) jeu de dés, la Yajnasenienne


(Draupadî), qui se trouvait au moment critique de son
mois, a été tourmentée (par tes ordres). impudent à
l'àme souillée, tu devais être tué.

3432. Tu as été tué dans le combat parce que, (guidé) par


le Soubalide qui connaissait les dés, tu as vaincu celui qui

398 CHAPITRE LXII

n'était pas au fait de ce jeu, (mais) qui connaissait les


devoirs.

3433. Parce que Krishna (Draupadî) a été tourmentée


dans le bois par le méchant Jayadratha, près de l'ermi-
tage de Trinavindou, alors que (ses époux) étaient à la
chasse ;

3434. Et parce que le jeune Abhimanyou, qui était seul,


a été tué dans le combat par plusieurs (guerriers), à ton
instigation, ô méchant, (à ton tour) tu as été tué dans la
bataille .

3435. Par manque complet de vertu, tu as commis les


actes dont tu prétends que nous aurions dû nous abs-
tenir.

3436. Tu n'as pas écouté les leçons d'Ouçanas et de


Vrihaspati. Tu n'as pas suivi les conseils des vieillards ;
une bonne parole n'a jamais été écoutée par toi.

3437. Tu as toujours obéi à ta volonté, (guidé par) ta


cupidité et ta grande avarice. Tu as fait ce qui n'était
pas à faire : les fruits pervers ont mûri. Supportes-en les
conséquences.
3438. Douryodhana dit : J'ai étudié (les Védas); j'ai
offert des dons suivant les règles; j'ai gouverné la terre
avec les mers; je me suis placé au-dessus de mes enne-
mis. Qui donc a été plus heureux que moi?

3439. Si (la mort dans le combat), cette fin que les


Kshatriyas fidèles à leurs devoirs souhaitent, a été obte-
nue par moi, qui donc me surpasse en bonheur?

3440. J'ai goûté des jouissances humaines, que les rois


obtiennent difficilement. J'ai exercé la suprême souve-
raineté. Qui donc a été plus heureux que moi?

3441. impérissable, j'irai au Svarga, avec mes amis et

LIVRE DE ÇALYA 399

mes frère puînés, tandis que vous pleurerez de voir vos


désirs non accomplis.

3442. Sanjaya dit : A la fin de ce discours du sage roi


de Kourou, il tomba une très abondante pluie de fleurs
qui répandaient un agréable parfum.

3443. Les Gandharvas firent entendre le son d'admi-


rables instruments de musique, et les Apsaras chantèrent
tout ce qui faisait l'objet de la gloire du roi.

3444. Les Siddhas, ô Bharatide, prononcèrent ces pa-


roles : « Bien! bien! » et un vent parfumé, doux, agréable,
à l'excellente odeur, se mit à souffler.

3445. Toutes les régions de l'horizon resplendirent, et


le ciel devint (aussi bleu) que le lapis lazuli. Ceux que
conduisait le Vasoudevide, en contemplant ces prodiges,

3446. Et envoyant les honneurs rendus à Douryodhana,


rougirent de honte. Remplis de douleur, ils pleurèrent
en entendant dire que c'était d'une manière déloyale
qu'avaient été tués

3447. Bhîshma, Drona, Karna et Bhoûriçravas. Mais, en


voyant les Pàndouides pensifs et l'esprit abattu,

3448. 3449, Krishna leur dit d'une voix retentissante


comme le tonnerre ou le bruit du tambour : « Ce roi, qui
possédait des astras très puissants, et tous ces grands
guerriers, n'auraient pas pu être tués dans un combat
régulier. Ce prince ne pouvait, en aucune façon, succom-
ber dans une lutte loyale,

3450, 345L (Pas plus que) tous ces grands guerriers,


(qui étaient) de grands archers. Désirant votre bien, je
les ai tous fait périr dans la bataille, en ayant, à plusieurs
reprises, recours à des moyens magiques. Si je ne me
fusse pas conduit ainsi dans le combaf,

26

400 CHAPITRE LXII

3452. Comment eussiez-vous obtenu la victoire, et à


plus forte raison la royauté et la fortune? Car ces quatre
(héros) étaient les plus grands guerriers (qui aient jamais
paru) sur la terre.

3453. Ils ne pouvaient pas être tués d'une manière


régulière, même par les protecteurs du monde. Et ce
fils de Dhritarâshtra, dont la fatigue était dissipée, et
qui avait sa massue à la main,

3454. Ne pouvait pas périr (dans une lutte) régulière


ici bas, fût-ce (sous les coups dej la mort armée de son
bâton. Il ne doit donc pas vous tenir au cœur qu'on ait
fait tuer cet ennemi.
3455. (Quand) les adversaires (sont) nombreux et supé-
rieurs (à nous), ils doivent être détruits par des moyens
irréguliers, et en ayant recours à la ruse. Cette voie a été
suivie par les dieux, les premiers, pour tuer les asouras.

3456. Le chemin parcouru par les bons doit l'être par


tous. Nous avons fait, certes, ce qu'il fallait faire. Le soir
(est venu). Nous allons prendre plaisir (à nous reposer)
dans nos demeures.

3457-3459. Nous tous, les rois des hommes, allons


prendre du repos, avec nos chevaux, nos éléphants et
nos chars. » Après avoir entendu les paroles du Vasoude-
vide, les Pâficâlas et les Pàndouides rugirent comme
une multitude de lions. A la vue de Douryodhana tué, ils
soufflèrent de joie dans leurs conques, et le Madhavide
(souffla aussi dans sa conque) Pâncajanya, ô taureau des
hommes.

CHAPITRE LXIII

DISCOURS DU VASOUDÉVIDE

Argument : Les fils de Pàndou prennent possession de la tente de


Douryodhana. Le char d'Arjouna brûle spontanément. L'explica-
tion de ce prodige est donnée par Krishna. Sa conversation avec
Youdhishthira qui l'envoie pour apaiser Gândhâri.

3460. Sanjaya dit : Alors, tous ces princes, dont les


bras étaient pareils à des barres de fer, rentrèrent dans
leurs demeures, en soufflant dans leurs conques.

3461. Youyoutsou et le grand archer Satyakide sui-


virent les fils de Pàndou qui se rendaient à notre camp,
ô maître des hommes.

3462. Dhrishtadyoumna, Çikhandin, les fils de Draupadî


et tous les autres grands guerriers, rentrèrent de toutes
parts dans leurs tentes.

3463. Les Prithides entrèrent alors dans la tente de


Douryodhana, dont la splendeur était détruite, dont le
maître était tué, qui ressemblait à une scène (de théâtre)
dont les spectateurs seraient sortis,

3464. Pareille à une ville privée de fêtes, à un étang


dont sont éloignés les éléphants (qui se jouaient sur ses
bords), occupée par de vieux ministres et surtout par des
femmes et des eunuques.

3465. Les suivants de Douryodhana, revêtus de vête-


ments jaunâtres, les attendaient en faisant l'anjali.

402 CHAPITRE LXIII

3466. Les fils de Pàndou, les plus grands des guerriers,


ayant atteint la tente du roi de Kourou, descendirent de
leurs chars, ô grand roi.

3467. Alors, ô excellent Bharatide, Keçava, toujours


porté à être agréable (aux Pàndouides), se leva et dit à
l'archer porteur de Gàndîva :

3468. « Descends (du char l'arc) Gândiva et les deux


grands carquois inépuisables. Je descendrai ensuite moi-
même, ô le plus grand des Bharatides.

3469. Descends aussi. C'est pour ton bien, ô homme


sans péché. » Le héros Dhananjaya, fils de Pàndou, fit ce
que (Keçava lui avait prescrit).

3470. Pais, le prudent Krishna, abandonnant les rênes


des chevaux, descendit du char de l'archer de Gândiva.

347L Quand (Keçava), le très magnanime maitre de


tous les êtres, en fut descendu, le singe divin, étendard
de l'archer (porteur) de Gàndîva, disparut.

3472. Ainsi que ce grand char, resplendissant d'un feu


que nul (homme) n'avait allumé; (il était brûlé) par les
astres divins (lancés jadis) par Drona et p^ar Karna.

3473. Ce char de l'archer de Gàndîva, avec les carquois,


les rênes, les chevaux et le joug, tomba à terre, réduit
en cendres.

3474. En le voyant ainsi consumé, ô roi, les fils de Pàn-


dou furent remplis d'étonnement, et Arjouna dit,

3475. En saluant Krishna et après s'être jeté affectueu-


sement à ses pieds en faisant l'anjali : « adorable
Govinda, pourquoi ce char est-il dévoré par le feu?

3476. Pourquoi ce grand prodige, ô descendant d'Ya-


dou? guerrier aux grands bras, dis-le moi, si tu penses
que je doive l'entendre. »

LIVRE DE ÇALYA 403

3477. Le Vasoudevide dit : Arjoima, il a jadis été


incendié par des astres de diverses sortes. tourmenteur
des ennemis, s'il n'a pas, (alors), été anéanti, c'est que je
me trouvais dessus dans la bataille.

3478. Maintenant que ta tâche est remplie et que je l'ai


quitté, il disparaît, brûlé par l'ardeur (des armes) de
Brahma.

3479. Et, souriant, l'adorable Keçava, tueur des enne-


mis, dit à Youdhishthira, en l'embrassant :

3480. Grâce au ciel tu triomphes, ô fils de Kountî. Grâce


au ciel les ennemis sont tués, grâce au ciel l'archer por-
teur de Gândîva, Bhîmasena fils de Pândou,
3481. Les deux Pàndouides fils de Màdrî, et toi, vous
avez échappé à ce combat qui fut la ruine des héros, et
vos ennemis sont détruits.

3482-3484. Bharatide, fais vite ce que tu vas avoir à


faire. Quand j'ai paru à Oupaplavya, en me présentant,
avec l'archer porteur de Gândîva, le madhouparka (mé-
lange de miel offert aux hôtes), tu m'as dit : « Krishna,
Dhananjaya que voici, est ton frère et ton ami. guer-
rier aux grands bras, tu dois le garantir de toutes les
calamités. » Je t'ai répondu : « Qu'il en soit ainsi. »

3485. « maître des hommes, cet ambidextre victorieux,


à la vraie valeur, protégé (par moi) ainsi que ses frères,
à cause de toi,

3486, 3487. Est sorti vivant de cette guerre destructive


des héros et qui faisait hérisser le poil (de terreur). »
Ayant entendu ces paroles de Krishna, Dharniaràja You-
dhishthira, le poil hérissé, répondit à Janârdana :

3488. Youdhishthira dit : Quai aufro que toi, ô broyeur


des ennemis, fût-ce Pourandara le porteur de la foudre.

404 CHAPITRE LXIIl

eût pu endurer Tastra de Brahma, lancé par Drona et


par Karna ?

3489. C'est grâce à toi que les conjurés ont été vain-
cus et que le fils de Prithà n a pas été mis en fuite,
(quand il a pris part) à la grande bataille.

3490, 3491. guerrier aux grands bras, il en a été de


même pour moi à plusieurs reprises. Le maharshî Dvai-
pâyana m'a dit quel serait le résultat de (tes) œuvres, et
le développement de l'éclat de ton énergie. « Là où est la
vertu, là est Krishna. Là où est Krishna, là est la victoire, »

3492. Ainsi me dit-il. Après cette conversation, ces


héros, qui étaient entrés dans ton camp, se dirigèrent
vers les amas de trésors, de joyaux et de richesses.

3493. L'or, l'argent, les pierres précieuses, les orne-


ments principaux, les couvertures de laine et les four-
rures,

3494. Les chevaux et les innombrables captives, ainsi


que les insignes de la royauté. Mis en possession de tes
inépuisables richesses, ô excellent Bharatide,

3495. 3496. Les Indras des hommes, heureux d'avoir


tué leurs ennemis, poussèrent des cris (de joie). Tous ces
héros Pândouides, avec le Satyakide, ayant dételé leurs
chars, restèrent un instant en ce lieu pour se reposer.
Puis, ô grand roi, le très glorieux Vasoudevide leur dit :

3497. « Il nous faut, pour notre salut, sortir du camp. »


Quand il eut ainsi parlé, tous les fils de Pàndou et le
Satyakide

3498. Sortirent (du camp) avec le Vasoudevide, en vue


de leur conservation. S'étant approchés de la salutaire
rivière Oghavatî (la Sarasvati, celle qui a des flots), ô roi,

3499. Les fils de Pàndou, dont les ennemis étaient

LIVRE DE ÇALYA 405

tués, (y) passèrent la nuit. Puis ils renvoyèrent TYa-


douide à la ville qui tire son nom des éléphants.

3500. Le majestueux Vasoudevide, ayant fait monter


(son cocher) Dàrouka sur son char, se hâta d'aller là où
se trouvait le roi fils d'Ambikà.
350L Au moment où il allait mettre en mouvement le
char attelé de (ses chevaux) Çaibya et Sougrîva, ils lui
dirent : « Console la glorieuse Gàndhârî dont les fils sont
tués. »

3502. Ce (prince), le plus grand des Sattvatides, à qui


les fils de Pàndou avaient ainsi parlé, se dirigea vers la
ville et se hâta de joindre Gândhàrî, à qui la mort avait
ravi ses fils.

CHAPITRE LXIV

RENSEIGNEMENTS DONNÉS A DHRITARÂSHTRA ET A GÂNDHÂRÎ

Argument : Janamejaya demande des détails sur le voyage de


Krishna. Vaiçainpâyana les lui donne. Youdhishthira craint la
colère de Gàndhâri, et envoie Krishna pour consoler cette reine.
Départ de Krishna et son arrivée à Hastinapoura. Il est reçu par
Dvaipàyana et introduit en présence du roi et de la reine. Il
parle à Dhritaràshtra, lui expose que les torts viennent de lui et
l'exhorte à pardonner aux fils de Pàndou. Il parle aussi à Gàn-
dhâri, lui rappelle ce qui s'est passé et la supplie de calmer
sa colère. Krishna demande qu'on empêche le mal que Kripa,
Kritavarman et Açvatthâman, projettent de faire aux Pândouides.

3503. Janamejaya dit : Pourquoi, ô tigre des brahmanes,


Dharmarâja Youdhishthira envoya-t-il vers Gândhàrî
le Vasoudevide tourmenteur des ennemis?

3504. Jadis Krishna était allé vers les Kourouides pour


conclure la paix et, comme il n'avait pas réussi dans sa
tentative, le combat s'était engagé.

3505. Mais quand tous les guerriers furent tués, ainsi


que Douryodhana, quand les fils de Pàndou n'eurent plus
sur la terre d'adversaires pour les combattre,
3506. Et qu'ils eurent obtenu une glorie suprême, quand
le camp fut vide (des soldats qui avaient été) mis en fuite,
quel fut donc, ô brahmane, le motif pour lequel Krishna
retourna (vers Dhritaràshtra)?

3507. brahmane, je ne crois pas que cette cause fiÀt

LIVRE DE ÇALYA. 407

légère, puisque c'était Janàrdana lui-même, à la gran-


deur d'âme démesurée, qui allait (remplir cette mission).

3508. le plus grand des prêtres versés dans le Yayour-


veda, raconte-moi tout, (comment les choses se sont)
véritablement (passées) et la cause qui fit décider ce
voyage,

3509. Vaiçampàya dit : La question que tu me poses,


ô prince, est digne de toi. Je vais te raconter comment
(tout) se passa, ô excellent Bharatide.

■ 3510, 3511. En voyant Douryodhana, le très fort fils de


Dhritaràshtra, abattu dans un combat à la massue, d'une
manière déloyale, et tué parBhîmasenaqui ne s'était pas
conformé aux règles établies, ô roi, une grande crainte
envahit Youdhishthira,

3512. En pensant aux austérités auxquelles se livrait la


bienheureuse Gàndhârî, qui, grâce à l'ascétisme terrible
(qu'elle pratiquait), était capable de consumer l'ensemble
entier des trois mondes.

3513. Et, en réfléchissant (à ce danger), il eut cette pen-


sée : « 11 faut d'abord apaiser la colère dont Gàndhârî est
enflammée,

3514. Car, en apprenant que nous avons ainsi tué son


fils, elle pourrait nous réduire en cendres, par le feu de
sa pensée.

3515. Comment Gàndhârî supportera-t-elle ce terrible


chagrin, quand elle apprendra que son fils, qui combat-
tait loyalement, a été tué par un moyen frauduleux ? »

3516. Après avoir, à plusieurs reprises, réfléchi ainsi,


Dharmarâja, rempli de crainte et de chagrin, dit ces
mots au Vasoudevide :

3517. Grâce à ta faveur, 6 Govinda, les épines (qui

408 CHAPITRE LXIV

hérissaient) ma couronne ont disparu. homme sans


péché, nous avons obtenu (un résultat), auquel nous ne
pouvions pas même songer.

3518. guerrier aux grands bras, tu as, sous mes yeux,


soutenu des combats qui faisaient hérisser le poil (de ter-
reur), ô descendant d'Yadou.

3519. Comme, jadis, tu as prêté ton aide dans la bataille


entre les dieux et les asouras, pour tuer les ennemis des
immortels, qui, (en effet), ont succombé,

3520. De même nous avons été secourus par toi, ô


impérissable, car tu as soutenu (nos forces, en consen-
tant) à être le cocher d'Arjouna, ô Vrishnien aux grands
bras.

3521. Si tu n'avais pas protégé Phâlgouna dans cette


grande bataille, comment cette armée, pareille à un
océan, eût-elle pu être vaincue?

3522. 3523. Tu as supporté pour nous des coups de mas-


sue, de pilons, de piques, de (lances) bhindipâlas, de
javelots et de haches, ainsi que la chute des épées, (aussi
terrible) que la foudre. Tu as eu à entendre des paroles
dures.

3524. La mort de Douryodhana a rendu ces (souffrances)


avantageuses, ô impérissable. Mais, ô Krishna, fais que le
résultat de toutes ces (fatigues) ne soit pas compromis.

3525. Nous avons obtenu la victoire, et (cependant)


notre esprit est en proie au doute. Car, ô Madhavide aux
grands bras, tu connais la colère de Gândhârî.

3526. Quand cette (femme) bienheureuse, qui pratique


un ascétisme terrible, apprendra la mort de ses fils et de
ses petits-fils, elle nous réduira certainement en cendres.

3527. 3528. héros, je crois que le moment est venu

LIVRE DE ÇALYA 409

de l'apaiser. Et quel autre que toi, ô le plus grand des


hommes, est capable de regarder (en face) cette (reine),
aux yeux rougis par la colère, et tourmentée par le mal-
heur de ses enfants? Il m'est agréable que tu ailles faire
une visite à(Hastinapoura) en mon nom,

3539. Pour calmer Gàndhàrî brûlante de colère, ô


dompteur des ennemis. Tu es l'auteur et le transforma-
teur des mondes, le plus grand des dieux (qui tirent de
toi) leur origine,

3530. guerrier aux grands bras, tu te hâteras d'apai-


ser Gàndhàrî, en employant, selon les circonstances, des
discours appuyés de raisonnements et de preuves.

3531, 3532. Notre ancêtre, l'adorable Krishna Dvai-


pàyana sera présent ; ô homme aux puissants bras, bien-
veillant envers les fils de Pàndou, tu dois, par tous les
moyens (possibles), calmer la colère de Gàndhàrî. Le con-
tinuateur de la race d'Yadou, ayant entendu ces paroles
de Dharmaràja,

3533. Dit, en s'adressant à (son cocher) Dàrouka :


« Qu'on prépare mon char. » Dàrouka, ayant entendu les
paroles de Keçava, se hâta (d'exécuter son ordre)

3534. Et fit connaître au magnanime Keçava que le char


(était) prêt. Le meilleur des Yadouides, tourmenteur des
ennemis, étant monté sur son char,

3535. 3536. Le puissant Keçava, se hâta d'aller à Has-


tinapoura. Alors, l'adorable maître de char, l'héroïque
Madhavide, se mit en route, ô grand roi, et s'étant appro-
ché de la ville qui tire son nom des éléphants, (y) entra.
Le héros, (une fois) entré, fît résonner (les rues de) la
ville, du bruit de son char.

3537. (Krishna), reconnu (ainsi) par Dhritaràshtra, sans

410 CHAPITRE LXIV

laisser abattre son esprit, s'approcha du palais du roi, et


descendit de son char.

3538-3540. Il vit d'abord le plus grand des rishis venir


(à sa rencontre). Keçava Janàrdana, qui n'avait en vue
(que la mission dont il était chargé), ayant embrassé
les pieds de Krishna (Dvaipàyana) et du roi, salua res-
pectueusement Gàndhàrî. Le meilleur des Yadouides,
Adhohkshaja (Vishnou, né sous l'aisselle), prit la main de
Dhritarâshtra et poussa un grand cri. Au bout d'un
instant, il put faire sortir des paroles que lui dictait le
chagrin.

3541. Après avoir essuyé ses yeux et fait l'ablution


selon la règle, le dompteur des ennemis adressa ces
mots à Dhritarâshtra :
3542, 3543. « Aucune chose passée ou à -venir ne t'est
cachée. Tu sais ce qui a eu lieu entre toi et les Pàndouides
qui, pensaient comme toi (qu'il fallait) éviter la ruine de
la famille et de la caste des Kshatriyas, et qui en cher-
chaient les moyens.

3544. Dharmaràja (Youdhishthira, fils de Dharma),


vaincu frauduleusement au jeu de dés, a fait une con-
vention, et à patiemment habité dans les bois avec ses
frères .

3545. Sous le couvert de déguisements, il s'est assujetti


à vivre inconnu. (Les Pàndouides ont toujours souffert)
des tourments nombreux comme (s'ils eussent été) des
hommes sans puissance.

3546. Quand le combat a été imminent, je suis venu (en


leur nom) te demander, en présence de tout le monde,
cinq villages (pour tes neveux).

3547. Poussé par le destin et (guidé) par la cupidité, tu

LIVRE DE ÇALYA 411

les as frustrés (de leurs droits). Ta faute, ô roi, a entraîné


la ruine de toute la caste des Kshatriyas '*.

3548, 3549. La paix ta été continuellement conseillée


par Bhîshma, Somadatta, le Bàhlikien, Kripa, Drona, et
le fils de ce (dernier), ainsi que par le sage Vidoura. Tu
n'as pas voulu suivre les conseils qu'on te donnait, ô
Bharatide, parce que ceux qui sont aux ordres du destin,
sont frappés de folie,

3550. Comme tu l'as été jadis dans cette circonstance.


Quelle autre issue se présente-t-elle que la destinée ?
3551. Et n'impute pas la faute aux fils de Pàndou, ô
grand roi, car ils n'en ont commis aucune, pas même une
très petite,

3552. Ni contre la loi, ni contre le devoir, ni même


contre l'affection, ô tourmenteur des ennemis. Mais,
réfléchissant que tout provient de ta propre faute,

3553. Tu ne dois pas imputer ton désespoir aux fils de


Pàndou. La famille, la race, les gâteaux funéraires et ce
qu'ont à attendre d'un fils,

3554. Gàndhàri et toi-même, reposent maintenant sur


les fils de Pàndou. Et même, ô tigre des hommes, toi et
la glorieuse Gàndharî,

3555. Ne vous considérez pas comme offensés par vos


neveux. tigre des hommes, après avoir réfléchi à tous
les malheurs que tu éprouves (par ta faute),

3556. 3557. Protège vertueusement les fils de Pàndou, ô


taureau des Bharatides. Tu connais, ô guerrier aux grands
bras, le respect que Dharmaràja a pour toi, sa bienveil-
lance à ton égard et l'affection qu'il t'a spontanément
vouée, ô tigre des hommes. Après avoir fait de ses enne-
mis ce massacre qui est pénible à son cœur.

412 CHAPITRE LXIV

3558, 3559. Il est, nuit et jour, brûlé (de chagrin) et


n'est pas heureux. tigre des hommes, il pleure sur toi
et sur la glorieuse Gàndhârî, et ne peut trouver la paix
de Fâme. En proie à une crainte extrême, il n'ose venir
vers toi,

3560, Qui es dévoré par le chagrin (causé par la mort)


de tes fils, et dont de (tristes) pensées troublent les sens. »
Le plus grand des Yadouides, ô grand roi, ayant ainsi
parlé à Dhritaràshtra,

3561, Adressa ces excellentes paroles à Gàndhârî


abattue par le chagrin : « fille de Soubala, écoute, toi
(aussi), et prête l'oreille à ce que je vais te dire :

3562, 3563. belle (reine), il n'existe pas en ce moment


dans le monde une femme pareille à toi. Tu sais que tu
as adressé devant moi au roi de bonnes et vertueuses
paroles, utiles aux deux partis, (mais que), ô belle femme,
(ces paroles ne furent pas) prises en considération par
tes enfants.

3564. Tu tins àDouryodhana, qui convoitait la victoire,


ce discours sévère : « Ecoute, ô fou, ce que je vais te
dire : Là où est la vertu, là est la victoire. »

3565. Cette parole que tu (adressais) à ton propre fils,


s'est réalisée. En apprenant (qu'il en est) ainsi, ô belle
femme, ne t'abandonne pas au chagrin.

3566. 3567. Ne songe en aucune façon à détruire les


fils de Pàndou, car, ô bienheureuse, par suite de ton
ascétisme, ton œil enflammé de colère pourrait consu-
mer la terre, avec ce qui, (sur elle), est mobile et immo-
bile. )) Après avoir entendu ces paroles du Vasoudevide,
Gàndhâri répondit :

3568. guerrier aux grands bras, il en est ainsi que

LIVRE DE ÇALYA 413

tu Tas dit, ô Keçava. Mon esprit, brûlé par les soucis, et


agité,

3569, 3570. S'est raffermi en entendant tes paroles, ô


Janàrdana. Keçava, tu es, avec les fils de Pàndou,
devenu le refuge du vieux roi aveugle, dont les fils sont
tués, ô le meilleur des hommes. Après avoir ainsi parlé
et s'être couvert le visage avec son vêtement,

3571, 3572. Gândhàrî, dévorée de chagrina cause de ses


fils, fondit en larmes. Alors, au moyen de discours accom-
pagnés de raisonnements et de preuves, le très fort
Keçava (s'efforça de) consoler cette femme affligée. Après
avoir consolé Gândhàrî et Dhritarâshtra, le Madhavide

3573. Keçava pressentit le dessein formé par le fils de


Drona. Se levant en hâte et inclinant la tête devant les
deux pieds

3574. De Dvaipâyana, ô Indra des rois, il dit au roi des


Kourouides : « Je t'en prie, ô le meilleur des descendants
de Kourou, ne livre pas ton cœur au chagrin.

3575. L'intention du fils de Drona est mauvaise. Il songe


à tuer les fils de Pàndou pendant la nuit. C'est pour cela
que je me suis relevé subitement. »

3576. En entendant ces mots, Dhritarâshtra et Gândhàrî


dirent à Keçava, meurtrier de Keçi :

3577. Va vite, ô guerrier aux grands bras, protéger les


fils de Pàndou. Nous nous reverrons bientôt, ô Janàrdana.

3578. 3579. Alors Acyouta (l'impérissable Krishna) se


hâta de s'en aller avec Dàrouka. Quand le Vasoudevide
fut parti, ô roi, Vyâsa, à l'âme incommensurable, honoré
du monde entier, prodigua les encouragements au maître
du monde, Dhritarâshtra. Le vertueux Vasoudevide, ayant
fait ce qu'il avait à faire, alla

414 CHAPITRE LXIV

3580, 3581. De Hastinapoura au camp, avec le désir de


voir les fils de Pândou, ô roi. Quand il fut arrivé au camp,
(au milieu de) la nuit, il alla vers eux et, les ayant ren-
contrés, il leur raconta (ce qui s'était passé).

CHAPITRE LXV

LAMENTATIONS DE DOURYODHANA

Argument : Dhritarâshtra demande à Sanjaya ce qu'a fait son fils.


Sanjaya lui raconte de quelle manière il a manifesté son déses-
poir et célébré sa propre valeur. Les panégyristes vont apprendre
au fils de Drona ce qui est arrivé à Douryodhana, et ce qu'il les
a chargés de lui dire.

3582. Dhritaràshtra prit la parole en ces termes :


Sanjaya, que dit mon orgueilleux fils quand, tombé à
terre, ayant les cuisses brisées, (il vit) sa tète placée sous
le pied (de son ennemi) ?

3583. Que dit le roi, très enclin à la colère, dont l'ani-


mosité contre les fils de Pàndou était (vivement) enra-
cinée, quand il eut atteint le comble du malheur dans le
combat suprême?

3584. Sanjaya dit : roi, maître suprême des hommes,


écoute-moi. Je vais te raconter ce qui s'est passé et ce
que dit le roi vaincu, tombé dans l'adversité.

3585. roi, le roi (Douryodhana), les cuisses brisées,


couvert de poussière, lia ses cheveux et inspecta les dix
directions (de l'horizon).

3586. Ayant assujetti avec difficulté sa chevelure,


soufflant comme un serpent, m'ayant regardé avec des
yeux remplis de larmes de colère,
3587. Meurtrissant à plusieurs reprises ses bras contre

27

416 CHAPITRE LXV

la terre, comme un éléphant enragé de fureur, secouant


ses cheveux (encore à moitié) éparpillés, grinçant des
dents,

3588. Blâmant Faîne des fils de Pândou, il me dit après


avoir repris haleine : « Moi qui ai eu pour protecteurs
Bhîshma, fils de Çântanou, Karna, le plus grand des
guerriers,

3589. Le Gotamide, Çakouni, Drona le plus excellent


de ceux qui ont porté les armes, Açvatthàman, Çalya et
le héros Kritavarman,

3590. Je suis tombé dans ce (pitoyable) état. Certes, le


destin m'a réservé de (cruels) malheurs. Moi (jadis)
maître de onze armées, j'en suis arrivé à cette extrémité!

3591. homme aux grands bras, nul ne peut triompher


de la destinée. Il faut raconter à (ceux) des miens qui
ont survécu à cette guerre,

3592. Comment j'ai été frappé par Bhîmasena, en vio-


lation des règles du combat. Certes, les fils de Pândou
se sont rendus à différentes fois coupables de nombreux
actes très répréhensibles,

3593. A l'égard de Bhoûriçravas, de Karna, de Bhîshma


et du fameux Drona. Cette action infâme a été commise
(contre moi) par ces scélérats, les fils de Pândou.

3594. J'estime qu'ils deviendront en conséquence, un


objet de dégoût pour les gens de bien. Quelle satisfaction
un homme loyal peut-il éprouver à remporter la victoire
au prix d'une déloyauté ?

3595. Ou bien, quel (homme) sage honorera celui qui


manque aux conventions ? Quel (homme) vertueux se
réjouira d'avoir obtenu frauduleusement la victoire,

3596-3598. Comme se réjouit le méchant Vrikodara, fils

LIVRE DE ÇALYA 417

de Pàndou? N'est-il pas odieux, qu'ayant les cuisses


brisées, j'aie maintenant la tête écrasée par le pied de
Bhîmasena en furie ? Celui qui agirait ainsi envers un
homme brillant de gloire, prospère, entouré de ses
parents, serait-il honoré ? Mon père et ma mère savent
que je me conformais aux lois de la guerre.

3599. Sanjaya, rapporte mes paroles à ces deux


malheureux : « J'ai offert des sacrifices, mes serviteurs
ont été convenablement entretenus, j'ai gouverné la terre
et les mers.

3600. J'ai dominé mes ennemis vivants, ô Sanjaya. J'ai


fait des libéralités selon mon pouvoir. Je (me suis efforcé
d'être) agréable à mes amis.

3601. J'ai vaincu tous mes ennemis. Qui donc a été plus
heureux que moi? J'ai honoré tous mes parents, ainsi
que l'homme bien disposé (à mon égard).

3602. Je me suis appliqué aux trois (buts de l'homme,


le devoir, l'intérêt, le plaisir). Qui donc a été plus heu-
reux que moi ? J'ai commandé aux plus grands rois et
j'ai obtenu des honneurs très difficiles à acquérir,

3603. Je me suis fait porter par de nobles chevaux.


Qui donc a été plus heureux que moi? J'ai conquis les
royaumes ennemis et traité (leurs) rois comme des escla-
ves.

3604. J'ai fait du bien à mes amis. Qui donc a été plus
heureux que moi? J'ai étudié (la science sacrée), j'ai fait
des dons selon les règles, j'ai vécu en bonne santé.

3605. En pratiquant mes devoirs, j'ai conquis les


mondes (supérieurs). Qui donc a été plus heureux que
moi? Grâce au ciel je n'ai pas été vaincu, ni (forcé) de
servir d'esclave à mes ennemis.

418 CHAPITRE LXV

3606, 3607. Grâce au ciel, ma grande prospérité ne m'a


abandonné qu'au moment de mourir. La mort qui m'at-
teint est celle que, suivant les devoirs de leur (caste),
les Kshatriyas (doivent) désirer. Qui donc a été plus heu-
reux que moi ?

Grâce au ciel, je ne me suis pas détourné de l'héroïsme


et n'ai pas été vaincu à la manière (d'un homme) du
commun.

3608-3611. Grâce au ciel, (quoique) n'ayant commis


aucnne bassesse, moi qui ne me tenais pas sur mes
gardes, j'ai été tué par un (homme) qui a violé les règles
et négligé les conventions (généralement acceptées),
comme on tuerait un homme ivre ou endormi, ou bien
(à qui on aurait fait prendre) du poison. Il faudra dire à
l'heureux Açvatthàman, au sattvatide Kritavarman et au
Çaratvatide Kripa que je leur défends de donner leur foi
aux fils de Pândou qui, plusieurs fois, se sont conduits
d'une manière contraire aux devoirs. » Le roi ton fils, à
l'héroïsme vrai, dit à (ses) panégyristes :

3612-3618. « Comme j'ai été frappé à mort dans un com-


bat par Bhimasena, contrairement aux règles établies,
semblable à un voyageur abandonné par sa caravane, je
viendrai derrière Drona, qui est déjà monté au Svarga,
ainsi que Karna, Çalya, le très héroïque Vrishasena, le
Soubalide Çakouni, Jalasandha au grand héroïsme, le
prince Bhagadatta, le grand archer Jayadratha roi du
Sindhou, mes frères, Dousçâsana en tête, (qui étaient)
mes égaux (en valeur), le Dousçâsanide, Vikrânta et
Lakshmana mes deux fils, et d'autres par milliers. Que
deviendra ma sœur Dousçàlâ, en apprenant que ses frères
et son mari sont tués ? Elle se lamentera et sera dévorée

LIVRE DE ÇALYA 419

par le chagrin. Que fera le roi, mon vieux père, avec


ses brus et les femmes de ses petits-fils? Assurément,
ayant son fils et son mari tués, la mère de Lakshmana,

3619. La belle aux grands yeux, ne tardera pas de


mourir. Si l'habile Càrvàka, qui se nourrit en mendiant,
apprend ce (qui m'est arrivé),

3620, 3621 . guerrier aux grands bras, il me rendra


certainement honneur. Comme j'approche de ma fin à
Samantpancaka, (dans ce lieu) salutaire glorifié dans les
trois mondes, j'obtiendrai les mondes éternels. » Alors, ô
vénérable, des milliers d'hommes, (les yeux) pleins de
larmes,

3622, 3623. Ayant entendu les lamentations du roi, (se


mirent à) courir dans toutes les directions. La terre avec
les forêts et les mers trembla d'une manière terrible et
bruyante, ainsi que (tout) ce qui est mobile et (tout) ce
qui est immobile. Tous les points de l'horizon devinrent
obscurs. Ces (hommes) s'approchèrent du fils de Drona
et lui firent connaître ce qui s'était passé.

3624. Tous, ô Bharatide, ayant rapporté au fils de


Drona) les détails du combat à la massue, et (la manière
dont avait eu lieu) la chute du prince,

3625. S'en retournèrent tristement comme ils étaient


venus, après avoir longuement réfléchi.

CHAPITRE LXVÏ

SACRE D'AGVATTHÀMAN

Argument : Açvatthâman, Kripa et Kritavarman viennent vers


Douryodhana. Situation dans laquelle ils le trouvent. Discours
d'Açvatthâman. Réponse de Douryodhana. Açvatthâman pro-
met de tuer tous les Pàficàlas. Douryodhana l'institue généra-
lissime de son armée. Les trois maîtres de chars quittent Douryo-
dhana.

3626, 3627. Sanjaya dit : O roi, les trois grands guer-


riers Kourouides, Açvatthâman, Kripa et le Sattvatide
Kritavarman, blessés par des flèches algues, par des jave-
lots et par des lances, (seuls) survivants parmi tant de
morts, ayant appris des panégyristes que Douryodhana
était à terre,

3628. Se hâtèrent de se diriger, avec leurs rapides


chevaux, vers le champ de bataille. Ils virent le magna-
nime Douryodhana,

3629. Baigné de sang, s'agitant convulsivement sur le


sol, pareil à un çâla (vatica robusta) renversé dans les
bois par la force du vent,

3630. Semblable à un grand éléphant, abattu dans la


forêt par un chasseur, se roulant (dans son agonie) et
arrosé de flots de sang.

3631. (Ils virent le roi) tombé à terre, semblable au


disque du soleil (quand il se couche), pareil à la mer
LIVRE DE ÇALYA 421

desséchée (et fouettée) par un grand vent qui s'élève (tout


à coup),

3632. Semblable à la pleine lune, dont le disque est


entouré d'un cercle de brouillard dans le ciel ; possédant
une force égale à celle d'un éléphant, armé de puissants
bras, et tombé (cependant) dans la poussière,

3633. Le plus grand des rois était entouré d'une mul-


titude de terribles carnassiers, comme un trésor (est
entouré) de mortels, qui désirent s'en saisir.

3634. Il fronçait les sourcils et roulait les yeux de


colère. Ce tigre parmi les hommes (était) furieux, comme
un tigre abattu.

3635. Ces grands archers, Kripa, et les autres maîtres


des chars, en le voyant gisant sur le sol de la terre, en
devinrent (comme) affolés.

3636. Ils descendirent de leurs chars, et coururent près


du roi. A la vue de Douryodhana, ils s'assirent tous à
terre.

3637. Alors, ô grand roi, le Dronide, les yeux pleins de


larmes, soufflant (comme un serpent), dit au meilleur des
Bharatides, maître des maîtres du monde :

3638. Assurément, rien de ce qui concerne les hommes


ne (peut) paraître assuré, puisque, ô tigre des hommes, tu
gis (ici), souillé de poussière.

3639. Après avoir jadis été roi et avoir commandé la


terre, comment, ô Indra des hommes, te trouves-tu (seul)
dans (ce) bois solitaire.
3640. Je ne vois ni Dousçâsana, ni le grand guerrier
Karna, ni tous ces amis (qui t'entouraient). Pourquoi cela,
ô taureau des Bharatides ?

3641. Certes, il est difficile de connaître l'issue du Kri-

422 CHAPITRE LXVI

tânta (du sort), du moment que toi, le seigneur des peu-


ples, tu gis (ici), souillé de poussière.

3642. Ce tourmenteur des ennemis, qui (jadis) marchait


en tête de ceux que l'aspersion sur la tête (avait sacrés
rois), dévore (maintenant) la poussière ! Quel change-
ment le temps n'apporte-t-il pas ?

3643. Où est ton parasol sans tache, où est ton éventail,


ô prince? Où est ta grande armée, ô le plus grand des
princes ?

3644. Assurément, il est difficile de connaître à fond,


les causes (qui dirigent) la marche des affaires, puisque,
après avoir été le précepteur du monde, tu en es arrivé
à une (aussi lamentable) situation.

3645. En vérité, la prospérité de tous les mortels parait


bien instable, quand on a vu l'adversité qui t'a (atteint),
toi qui, (jadis), rivalisas (de bonheur) avec Çakra (lui-
même).

3646. 3647. Ayant entendu les paroles de ce (brahmane)


dévoré de chagrin, ton fils, ô maître suprême des
hommes, passa la main sur ses yeux pour les essuyer, et,
versant de (nouvelles) larmes, que le chagrin lui arra-
chait, tint à tous ces héros, Kripa et les autres un dis-
cours approprié (aux circonstances).
3648. La destruction de tous les êtres, (dit-il), arrive
quand le moment en est venu. C'est une loi que l'on dit
imposée aux mortels par le créateur.

3649. Elle m'a manifestement atteint. Je suis arrivé à


cette catastrophe, après avoir (jadis) protégé la terre.

3650. Grâce au ciel, je n'ai pas tourné le dos dans les


combats, quoiqu'il arrivât. Grâce au ciel, c'est principale-
ment par fraude que les méchants m'ont frappé à mort.

LIVRE DE ÇALYA 423

3651. Grâce au ciel, j'ai (toujours) fait tous mes efforts


(pour bien) combattre. Grâce au ciel, je péris en com-
battant, après avoir vu tuer mes parents et mes amis.

3652. Grâce au ciel, j'ai la consolation suprême de vous


voir, échappés sains et saufs à cette destruction des
hommes.

3653. Que votre amitié ne vous porte pas à pleurer ma


mort. Si les Védas sont une règle (certaine) pour vous,
j'ai conquis les mondes impérissables.

3654. En pensant à la force de Krishna, à l'énergie


démesurée, (je suis heureux de constater) qu'il ne m'a
pas fait me départir de l'observation exacte des devoirs
des Kshatriyas.

3655. Ces devoirs ont été observés par moi. Il ne faut


pas me pleurer. Vous avez (aussi) fait (tout) ce qui conve-
nait en ma faveur.

3656. Vous vous êtes eflforcés de triompher, mais le


destin est difficile à vaincre. Après avoir prononcé ces
mots, les yeux troublés par les larmes,
3657. Le roi se tut (et fut), sur le champ de bataille,
fortement agité (par les douleurs qui le torturaient), ô
Indra des rois. En voyant le roi pleurer ainsi de dou-
leur,

3658. Le fils de Drona flamboya de colère comme le feu


qui détruit le monde fà la fin du youga). Ayant serré les
mains de fureur,

3659. La voix entrecoupée par les larmes, il dit au roi :


« Mon père a été tué très méchamment, par ces (hommes)
vils.

3660. La peine que j'en ressens, n'est (cependant) pas


égale à celle que me cause aujourd'hui ton (malheur), ô

424 CHAPITRE LXVI

roi. puissant, entends ce que je vais te dire, (en jurant)


par la vérité,

3661, 3662. Par les présents (que j'ai faits), par mes
sacrifices et par mes actions pieuses, par la vertu et par
mes bonnes œuvres. Aujourd'hui, sous les yeux du
Vasoudevide, j'enverrai, par tous les moj-ens (que je
pourrai trouver), tous les Pàficâlas à la demeure du roi
des morts. Mais, ô grand roi, tu dois m'en donner la per-
mission. »

3663. Le Kourouide, ayant entendu cette parole du fils


de Drona, qui remplissait (son cœur) de satisfaction, dit
à Kripa :

3664. « précepteur, apporte-moi vite une cruche


remplie d'eau. » Celui-ci, le plus grand des brahmanes,
ayant reçu cet ordre du roi,

3665. Prit une cruche remplie d'eau et l'apporta au


roi. grand roi, maître des hommes, ton fils lui dit :

3666. le plus grand des brahmanes, si tu y consens


et si tu veux (faire) ce qui m'est agréable, j'ordonne que
le fils de Drona soit consacré par l'aspersion, (en qualité
de) généralissime de l'armée.

3667. Les gens instruits des devoirs ont dit qu'en vertu
de l'ordre du roi, les brahmanes doivent combattre, sur-
tout s'ils ont (précédemment pratiqué) la loi des ksha-
triyas.

3668. Le Çaratvatide Kripa, ayant entendu les paroles


du roi, aspergea, selon ses ordres, le Dronide, (pour Tins-
tituer) dans la fonction de maître de l'armée.

3669. grand roi, celui-ci (sacré) par l'aspersion, em-


brassa le plus grand des rois et s'en alla en faisant reten-
tir de ses cris toutes les directions de l'horizon.

LIVRE DE ÇALYa 425

3670. Indra des rois, Douryodhana, baigné de sang,


acheva de passer, (en ce lieu), cette nuit qui apportait la
terreur à tous les êtres.

3671. Ces (trois héros) se hâtèrent de quitter le champ


de bataille, ô roi. Ils emportaient de tristes souvenirs et
leur esprit était ébranlé par le chagrin.

Fin du livre de Calya.

NOTES RELATIVES AUX SECTIONS


DE L'ENTRÉE MM L'ÉTMG ET DU COMBAT A LA MASSUE
1. Çl. 1693. Le texte que j'ai sous les yeux, porte : Jayena.... Cape.
Je jure par la victoire. C'est un serment que l'on ne comprend pas
bien. Le traducteur anglais dit : Par mes méditations silencieuses.
Je me demande s'il n'a pas eu un autre texte que le mien entre
les mains, ou, s'il n'a pas lu : Japena, au lieu de : Jayena; mais, dans
tous les cas, sa version semble plus satisfaisante que celle que j'ai
cru devoir adopter par respect pour le texte.

2. Çl. 1859. Il y a, dans la traduction anglaise, toute une phrase,


formant les versets 39-41 du chapitre 32 de cette traduction dont je
ne trouve pas trace dans le texte que j'ai sous les yeux. Voici cette
phrase : « En le voyant armé de sa massue, ressemblant aune mon-
tagne avec ses sommets ou a Roudra lui-même porteur de la
lance, jetant des regards de colère sur les êtres vivants, ils virent
le chef des Bharatides répandre autour de lui un éclat pareil à celui
du brûlant soleil dans le ciel. Tous les êtres jugèrent que ce tour-
menteur des ennemis, porteur de grands bras, lorsqu'il se tint, la
massue sur l'épaule en s'élevant hors de l'eau, ressemblait au dieu
de la mort lui-même, armé de son bâton. Tous les Pàficàlas pen-
sèrent que ton fils ressemblait à Çakra, porteur de la foudre, ou à
Hara, porteur de son trident. »

3. Çl. 1870. Encore une phrase formant le verset 53 du chapitre 32


de la traduction anglaise, dont je ne trouve pas trace dans mon
texte : « Que les dieux, dans le ciel, me voient combattre, <à moi
seul, dépourvu d'équipement et même d'armure, et sans armes ».

428 NOTES RELATIVES AUX SECTIONS

4. Çl. 1923. Voici le premier demi çloka : Prànân Çriyanca rà-


jyanca mohsije te'dya stiyodhanam. Le sens de moksye prànàn ne
peut guère être que : « Je délivrerai du fardeau de la vie ». Dès
lors, cette phrase ne peut pas s'adresser à Youdhislithira dont Bhi-
masena est le frère et le partisan. Je n'ai pas trouvé le verbe inicc
construit avec deux accusatifs ; maigre cela j'ai supposé, ou qu'il en
était ainsi, ou qu'il y avait dans le texte un anusvara de trop, suyo-
dhanam au lieu de suyodhana. J'ai adopté la première hypothèse.

5. Çl. 1942-1943. Entre ces deux çlokas il y a, dans la traduction


anglaise, toute une tirade formant les versets 54-57 du chapitre 33,
qui ne figure pas dans le texte que j'ai sous les yeux. Le traducteur
anglais a dû avoir à sa disposition un texte différent du mien.
Remarquons en passant, qu'ayant réuni deux chapitres en un seul,
le chapitre 33 de la traduction anglaise répond au chapitre .34 du
texte. Voici la traduction de ce passage ainsi interpolé :

54. « Tu n'as le droit de me faire aucun reproche pour les mauvais


procédés de ma part, auxquels tu as fait allusion.

55. C'est dans l'exercice de mon droit que je vous ai fait habiter
dans les bois, servir dans la demeure d'autrui, vous cacher sous
des déguisements.

56. Vos amis aussi ont été tués. Nos pertes sont égales. Si ma
chute doit avoir lieu dans ce combat, cela sera très honorable, ou
bien, peut-être, le temps en sera la cause.

57. Avant ce jour, je n'ai jamais été vaincu sur le champ de


bataille, en combat régulier. Si tu triomphes de moi par fraude, ton
infamie durera éternellement. Cet acte, que tu auras commis, sera,
sans aucun doute, injuste et honteux. »

6. Çl. 1966. Dans ce çloka, on trouve, pour désigner Râma, l'épi-


thète sitaprahhas, celui qui a un éclat blanc. J'ai pensé que l'auteur
faisait allusion à la légende, d'après laquelle Ràma et son frère
Krishna avaient être produits d'un cheveu blanc et d'un cheveu
noir du dieu Vishnou, ce qui avait fait donner son nom à Krishna
'•noir).

7. Çl. 1968. L'auteur dit que le combat a lieu entre les deux fils
de Dhritaràshtra. Douryodhana était bien le fils de ce roi, mais
Bhîmasena n'était que son neveu.

8. Çl. 1969. Depuis le commencement du livre de Çalya, le dialo-


gue avait lieu entre le roi Dhritaràshtra et son cocher Saiïjaya,
qui lui racontait la destruction de son armée et la mort de son fils.
Ici les interlocuteurs changent. Le brahmane Vaiçampâyana raconte

LIVRE DE ÇALYA 429

au roi Janamejaya tout le Maliàbbàrata, pour le purifier du meurtre


d'un brahmane, dont il s'était involontairement souillé, et il reprend
ici la parole. Cette sorte d'interpolation va durer près d'un millier
de Çlokas, et contiendra le récit de plusieurs légendes de la rivière
sacrée la Sarasvati.

9. Çl. 1981. Le mot tîrtha veut dire : « bain sacré ». Comme cette
expression va revenir à chaque pas pendant plusieurs centaines de
Çlokas, nous emploierons dorénavant dans ce sens, le met sanscrit
lui-même.

10. Çl. 1988. Le mot. rtïuîj désigne une classe particulière de


prêtres, nécessaires dans les sacrifices.

11. Çl. 2013. Daksha, flis de Bralima, un des Prajâpatis ou créa-


teurs .

12. Çl. 2040. Le texte est mal numéroté. De 20.31 on saute à 2010,
sans qu'il y ait de lacune apparente.

13. Çl. 2062, 2063. Le mot udapâna veut dire : fontaine. Le dic-
tionnaire de Saint-Pétersbourg le donne comme le nom d'un vil-
lage, mais non d'un tîrtha.

14. Çl. 2166. Je n'ai pas trouvé dans le dictionnaire de Saint-Péters-


bourg, le mot bâhlikhihja. Au mot vnlikhilya on renvoie à vùlahhilya,
où l'on trouve enfin que c'étaient certains petits rishis, de la hauteur
du pouce.

15. Çl. 2205. Il y a lieu de distinguer ici, Gaya, roi de la ville de


Gayâ, et les Gayas, habitants de cette ville.

16. Çl. 2211. Le traducteur anglais ne rend pas le premier demi


çloka 2211. 11 explique, dans une note, que ce demi çloka est cer-
tainement une interpolation.

17. Çl. 2240. Je n'ai pas adopté pour Smayâdikam, le sens donné
par le dictionnaire de Bôhtlingk, qui, cependant, fait allusion à ce
passage même du Mahâbliàrata. La signification indiquée par le
dictionnaire, impliquerait que le rishi entend justifier pleinement
son action, puisqu'il dirait au dieu, que ce qu'il a fait était conforme
à sa dignité. Comme au çloka suivant, il demande à Mahàdeva,
que ses mérites ascétiques n'en soient pas diminués, il me semble
plutôt qu'il reconnaît avoir eu tort, et qu'il plaide les circonstances
atténuantes. J'ai donc fait de smayâdikam, un mot composé : ayant
pour premier l'étonnement, causé par l'étonnement.

18. Çl. 2259. Au çloka précédent, il y avait que la gène que la


tète du rakshasa causait au rishi, l'empêchait d'aller aux tirthas.
Nous voyons ici qu'il les visite tous. 11 y a donc, entre les deux

430 NOTES RELATIVES AUX SECTIONS

çlokas 2258, 2259, une contradiction manifeste. Pour la lever, trois


opinions sont admissibles : 1" une faute d'impression à 2258, et, au
lieu de dvijatirna çaçàka ha, lire : dvijatiçca çaçcïka ha; 2° supposer
que, dans le çloka 2258, l'impossibilité ne fût que relative, et dire :
ne put pas (facilement)... C'est le parti qu'a adopté le traducteur
anglais ; 3" voir deux temps distincts, le premier, pendant lequel
il est empêché d'aller aux tîrthas, et ensuite un autre temps pen-
dant lequel cela lui est possible. La présence de tadâ (alors), dans
le çloka 2258, semble plaider en faveur de cette dernière hypothèse,
que j'ai adoptée, mais non sans reconnaître tout ce qu'elle a de
hasardé.

19. Çl. 2420. Le sens que j'ai donné se rapproche de celui du


traducteur anglais. Ce qui m'a engagé à adopter cette interpré-
tation, c'est que, dans le dictionnaire de Saint-Pétersbourg, on
trouve en un seul mot le mot yonidosa avec cette signification ; mais
j'avoue qu'il m'eût semblé au moins aussi satisfaisant d'y voir une
allusion au malheur que les rakshasas avaient d'être nés d'une mère
rakshasa.

20. Çl. 2449. Le traducteur anglais ajoute ici une phrase qui ne
se trouve pas dans le texte de Calcutta. Voici cette phrase :
« Dans ce tirtha, il y a un gigantesque arbre Açvattha. »

21. Çl. 2471. Ce çloka est extrêmement obscur, il s'agit de sciences


relatives à la guerre qui sont personnifiées, le Dhanourveda, la
science de l'arc qui renferme quatre padas (divisions), le Sangrâma,
(la réunion des armes), avec le Sarigraha ; le sens de ce mot est
difficile à spécifier, étant donné qu'il s'agit d'êtres mytliologiques.
J'ai traduit par : l'enseignement de la manière de ramener les traits.
On trouve ensuite le mot vâni. J'ai traduit par : « le roseau dont
étaient faites les flèches. » C'est bien hasardé, mais j'avoue que j'ai
été influencé par le sens fort concis, peut-être même un peu trop
concis que le traducteur anglais a donné de ce çloka. Si je n'eusse
pas adopté ce sens il eût fallu traduire ce mot par la déesse Saras-
vatî, et on ne voit pas trop ce qu'elle viendrait faire dans ce pas-
sage.

22. Çl. 2535. Le texte porte Jvâlajihvdm. Ce doit être une faute
d'impression pour Jvàlàjihvam; cependant, je dois dire que Bôht-
lingk donne Jvdlajihvd comme un compagnon de Çiva, mais non de
Skanda. Jyotis n'est pas non plus, dans ce dictionnaire, désigné
comme un compagnon de Skanda.

23. Çl. 2543. Le texte porte Souvrata parmi les suivants donnés

LIVRE DE ÇALYA 431

par Vidhàtar. Ce serviteur avait déjà été donné par Mithra. Le


traducteur anglais change ce nom en celui de Souprabha. J'ai
suivi son exemple.

24. Çl. 2687. Nous retrouvons ici, et nous verrons encore plusieurs
fois, le mot çaktyastra. Ce mot désigne une arme magique qui,
au çloka 2662, avait été donnée à Kârtikeya par Indra. J'ai traduit
ce mot par celui de l'astra-lance : c'est une lance, puisque Kârti-
keya la darde, mais c'est quelque chose de plus, puisque, quand elle
est lancée, le tonnerre gronde et des milliers de piques tombent à
sa suite.

25. Çl. 2702. L'auteur dit que la lance lui avait été donnée par
Agni. Au çloka 2663, il avait dit qu'elle lui avait été donnée par
Indra.

26. Çl. 2727. J'ai attendu la fin du chapitre, pour mettre cette
note, qui concerne également le chapitre précédent. Dans les deux
chapitres 46 et 47, l'auteur donne l'énumération des compagnons et
des Mères à la suite de Skanda. Comme les noms propres, en sans-
crit, ont, en général, une signification, je me suis efforcé de tra-
duire ces noms, pour ceux des lecteurs qui pourraient se rencontrer
n'ayant aucune notion de cette langue. Lorsque je me suis trouvé
en présence de noms dont la signification ne me paraissait pas évi-
dente, j'ai préféré m'abstenir ; mais, dans tous les cas, il est bien
entendu que je ne donne que sous toutes réserves les traductions
que j'ai indiquées et qui ne s'adressent, en aucune façon, aux lec-
teurs connaissant le sanscrit.

En outre, parmi les compagnons et les Mères à la suite de Kou-


màra, il y en a un certain nombre qui ne sont pas indiqués avec
cette qualité, dans le dictionnaire de Bôhtlingk. Faire de chacun
d'eux l'objet d'une note particulière, eût été multiplier inutilement
ces notes. J'ai préféré les signaler en une seule fois; les voici :

Suivants de Skanda : Koumoudamâlina , Jvàlajîhva, Jyotis,


Bhîma, Outkroça, Anoucakra, Ativarcas, Oucchringa, Atiçringa,
Ounmâda, Ànanta, Aksha, Samoudravega, Meshapravâha, Ànanda,
Vâna, Çamboùka.

On ne trouve pas Sankramaka, mais on trouve Sankrama.

Au çloka 2543, nous avons, comme le traducteur anglais, substitué


Souprabha au second Souvrata. On trouve bien Souprabha comme
une Mère, à la suite de Skanda, mais non Souprabha, comme un
suivant de ce dieu et seulement comme un dànava. De môme, on
ne trouve Bhoiitalonmathana, que comme le nom d'un dànava.
432 NOTES RELATIVES AUX SECTIONS

Mères : Ekacoudâ, Outtejanî, Santânikâ, Pratishthâ.

27. Çl. 2833. Il y a là, dans la traduction anglaise, un passage que


je ne trouve pas dans le texte. Voici ce passage : « Ces sacrifices
furent tels, que tout y était d'une (abondance) excessive. On y amena
des coursiers de toutes sortes. Les dons aux brahmanes furent
abondants. »

28. Çl. 2837. Je ne vois pas la différence que l'auteur fait entre
le Vâjimedha et l'Açvamedha.

29. Çl. 2960. Le texte porte navatirnava. Conformément aux indi-


cations de la grammaire de Whitney, j'ai, comme le traducteur
anglais, rendu cette expression par : quatre-vingt-dix-neuf. Cela
désigne un nombre grand, mais indéterminé. Dans son dictionnaire
de mythologie indoue, Dowson dit qu'avec les os de Dadhika, Indra
tua quatre-vingt-dix fois neuf Vritras. Il dit aussi qu'avec ces os, ce
dieu déjoua les neuf fois quatre-vingt-dix stratagèmes des asouras.

Peut-être, par analogie, aurait-on pu traduire navatirnava par :


neuf fois quatre-vingt-dix, étant toujours bien entendu que cela
désigne un nombre indéterminé, mais grand.

30. Çl. 3094. Le texte de l'édition de Calcutta porte : tasmin deçe


tvarighrne. Je n'ai pas trouvé, dans le dictionnaire de Saint-Péters-
bourg, le mot tvarighrna ni les mots : arighrna, righrna, ni aucun
mot qui y ressemble, en supposant une simple faute d'impression.
On n'arrive pas à un meilleur résultat en essayant de le décompo-
ser. Je me suis donc vu obligé de ne pas le rendre. Le traducteur
anglais, qui dit avoir eu entre les mains un texte différent, le tra-
duit par : non sablonneux.

31. Çl. 3344. Le texte porte : çirasyabhihatam, frappé sur la tête


En réalité, dans tout ce qui va suivre, Ràma ne fait pas allusion
aux coups de pied, que Bhiraasena donne sur la tète de son ennemi
abattu et semble avoir seulement en vue la déloyauté qu'il y a eu
à le frapper aux jambes avec la massue. Le traducteur anglais s'est
bien aperçu de la chose, et il dit : « En voyant ton fils frappé aux

cuisses » Cependant, comme le texte ne me parait prêter à

aucune obscurité, j'ai préféré le traduire tel qu'il est.

32. Çl. 3407. Le texte porte viduradronakrpagàhgeyasrnjayais,


par Vidoura, Drona, Kripa, le fils de la Gangas et les Srinjayas.
Le traducteur anglais, au lieu de : les Srinjayas, dit : Saûjaya et
j'ai adopté sa version, qui est conforme aux récits précédents, pen-
sant qu'il y avait là une des nombreuses fautes d'impression, dont le
texte fourmille.

LIVRE DE ÇALYA 433

33. Çl. 3418, 3421, 3423, 3424. Il est t'ait allusion à des événements
racontés dans les livres précédents. Drona, ayant entendu dire
qu'Açvatthàman avait été tué, croyant qu'il s'agissait de son fils,
tandis qu'il s'agissait d'un éléphant portant le même nom, déposa
les armes et périt.

Açvasena avait perdu toute sa famille, dans l'incendie d'une


forêt allumé par Arjouna. Il s'introduisit sous la forme d'une flèche,
dans le carquois de Karna, et fut lancé contre Arjouna, mais il n'at-
teignit pas son but et fut tué parle fils de Pândou.

Une des roues du char de Karna s'était enfoncée dans la terre, et


c'est en essayant de la remettre en état, qu'il fut tué.

Karna avait obtenu d'Indra, en échange de l'armure céleste qu'il


portait en naissant, une lance infaillible, qu'il destinait à tuer
Arjouna; mais, pressé par Ghatotkaca, il se servit de cette arme
qui ne pouvait être employée qu'une fois. Ghatotkaca fut tué et
Arjouna évita ainsi une mort certaine.

34. Çl. 3547. Le texte porte : ndpi varjitàh. Je pense qu'il faut lire :
câpi, au lieu de : nàpi ; le sens exige impérieusement cette correc-
tion.

Je ne me suis pas astreint à signaler les nombreuses fautes d'im-


pression que j'ai rencontrées, parce qu'il eût fallu, pour cela, donner
à ces notes presque autant de développement qu'au corps même de
l'ouvrage, mais je crois que, quand, comme cela arrive pour le cas
présent, une faute d'impression change, du blanc au noir, le sens
d'un passage, il est utile de la mentionner.

TABLES DES MATIERES

DU LIVRE DE CALYA

Pages.

Introduction i

CHAPITRE PREMIER. — Désespoir de Dhritaràshtra. —


Vaiçampâyana raconte à Janamejaya les dernières dispo-
sitions et la mort de Douryodhana : l'arrivée de Sanjaya
qui en apporte la nouvelle à Hastinapoura. Désespoir des
habitants. Sanjaya chez le vieux roi. Désespoir de celui-ci.
Ses évanouissements ainsi que les soins qui lui sont pro-
digués 1

CHAPITRE II. —Lamentations de Dhritaràshtra. —Tristes


souvenirs de Dhritaràshtra qui se rappelle la jeunesse de
ses enfants et le dévouement inutile de ses amis, et fait un
retour sur le passé *

CHAPITRE III. — Défaite de l'armée Kourouide. — Panique


de l'armée après la mort de Karna. Efforts de quelques
héros. Prouesses des Pàndouides. Efforts de Douryodhana. Il
harang-ue l'armée qui reprend courage 1 1

CHAPITRE IV. — Kripa sollicite Douryodhana. — Discours


de Kripa. Il propose de faire la paix 21

CHAPITRE V. — Discours de Douryodhana. —Réponse de


Douryodhana. Son armée reprend courage et va camper
sur un plateau de l'Himalaya 27

436 TABLES DES MATIERES

Pages.

CHAPITRE VI. — Discours de Douryodhana {suite). — On


passe la nuit sur le plateau de l'Himalaya. L'armée demande
un généralissime. Le roi Douryodhana charge le fils de Drona
de le désigner. Celui-ci choisit Çalya, roi de Madra, qui est
accepté, et qui accepte le commandement, en témoignant de
son dévouement 33

CHAPITRE VII. — GÉNÉRALissiMAT DE Çalya. — Çalva fait


son éloge. Il est sacré. Joie des soldats de Douryodhana,
craintes de Youdhishthira. Discours de Krishna. Youdhish-
thira reprend confiance 37

CHAPITRE VIII. — Disposition de l'armée. — Préparatifs de


l'armée Kourouide. Conjuration. Dhritaràshtra demande au
cocher de lui montrer la chute de Çalya. Prouesses du roi de
Madra et des Pàndouides. Dénombrement des forces qui res-
taient de chaque part 42

CHAPITRE IX. — Combat général. — Le combat général est


terrible. L'armée Kourouide est mise en désordre. Exploits
de Bhimasena, d'Arjouna, de Dhrishtadyoumna et de Çikhan-
din. Fuite de l'armée Kourouide 47

CHAPITRE X. — Suite du précédent. — Çalya se dirige con-


tre Youdhishthira et arrête l'élan de l'armée Pàndouide.
Nakoula combat et tue Citrasena, Satyasena et Soushena.
Effroi des Kourouides. Çalya les rallie. Combat terrible, qui
met le désordre dans les deux armées 53
CHAPITRE XI. — Suite du précédent. — Prouesses de Ça-
lya. II lutte contre les Pàndouides et contre Youdhishthira
qui est secouru par ses frères. Kripa et d'autres Kourouides
viennent au secours de Çalya. Douryodhana combat Arjouna
et Krishna. Combat de Bhima et de Bhoja. Bhîma, attaqué
par Çalya tue le cocher de celui-ci 60

CHAPITRE XII. — Suite du précédent. — Suite du combat


entre Çalya et Bhîma. Intrépidité des deux héros; ils tom-
bent étourdis. Kripa enlève Çalya. Bhima se retire et me-
nace Çalya. Mort de Cekitâna. La poussière obscurcit le jour
et est abattue par l'abondance du sang répandu. Retour de
Çalya avec d'autres guerriers. Il attaque Dharmarâja. Le
Dronide attaque Arjouna avec les chars. Çalya couvre You-
dhishthira de traits 67

DU LIVRE DE CAL Y A 437

Pages.

CHAPITRE XIII. — Combat de Çalya. — Combat de Çalya.


Espérances de Douryodliana. Suite du combat de Çalya. La
multitude de ses flèches obscurcit l'horizon 74

CHAPITRE XIV. — Combat général. — Combat d'Arjouna


contre les Trigartes et le fils de Drona, qui tue Souratba,
venu au secours d'Arjouna 79

CHAPITRE XV. —Suite du précédent. — Combat de Douryo-


dhana et de Dhrishtadyoumna. Prouesses de Çalya, qui est
combattu par Nakoula, et ensuite par les autres fils de Pàndou
et le Satyakide. Combat général 85

CHAPITRE XVI. — Combat de Çalya et de Youdhishthira.


— Combat général. L'armée Pàndouide est mise en fuite.
Youdhishthira harangue ses frères et combat Çalya. Com-
bat de Bhima et de Douryodhana. Évanouissement de Douryo-
dhana; son cocher est tué, et il est emporté par ses chevaux.
Çalya, mis en grand danger par Youdhishthira, est emmené
par Açvatthàman. Il s'arrête et remonte sur un autre char. 90

CHAPITRE XVII. — Mort de Çalya. — Suite du combat de


Çalya contre Youdhishthira et les autres Pàndouides. Péri-
péties de ce combat. Réflexions de Youdhishthira qui finit
par tuer Çalya. Mort du frère puiné de Çalya. Combat du Hri-
dikien contre le Satyakide. Kripa vient au secours du Hri-

dikien ^^

CHAPITRE XVIII. — Combat général. — Suite du combat.


Les autres Pàndouides viennent au secours de Youdhish-
thira et mettent le désordre dans l'armée Kourouide. Dis-
cours de Çakouni et de Douryodhana. L'armée revient au
combat. Les suivants de Çalya sont vaincus. Description du
champ de bataille. Retour offensif des Pàndouides 109

CHAPITRE XIX. — Combat général. — Fuite de l'armée


Kourouide. Efforts de Douryodhana qui rallie ses troupes.
Combat de Bhima. Prouesses et discours de Douryodhana.
Dhananjaya lui résiste ^^'^

CHAPITRE XX. — Mort du Çalvien. — Prouesses du roi de


Çalva et de son éléphant. Drishtadyoumna marche contre
lui. Il descend de son char que l'éléphant brise contre terre,
avec les chevaux et le cocher. Bhîma, Çikhandin et le Ci-
nien viennent à son secours. Effroi de l'armée Pàndouide.

438 TABLES DES MATIERES

Pages.
Dhrishtadyoumna poursuit et tue avec sa massue l'éléphant
du roi de Çalva, qui est lui-même tué par le Çinien 122

CHAPITRE XXI. — Fuite de l'armée Kourouide. — Krita-


varman résiste à l'armée Pàndouide qui le couvre de traits.
Le Satyakide l'attaque. Leur combat. Le Satyakide tue les
chevaux et le cocher, et abat l'étendard de Kritavarman
qu'il blesse grièvement, mais Kripa le prend sur son char,
et le retire de la mêlée. Fuite de l'armée Kourouide. Héroïsme
de Douryodhana 126

CHAPITRE XXII. — Combat général. — Exploits de Douryo-


dhana, qui résiste aux efforts des fils de Pândou et du Satya-
kide. Intervention du fils de Drona, de Çakouni et d'Ou-
loûka. Généralisation du combat 130

CHAPITRE XXIII. — Combat GÉNÉRAL. — Douryodhana rallie


ses soldats. Grande bataille. Exploits de Dharmarâja.
Douryodhana envoie sept cents chars contre lui. Cikhandin
secourt Youdhishthira. Présages funestes. Combat. Fuite des
Kourouides. Çakouni les rallie et attaque l'arrière-garde
Pàndouide. Youdhishthira envoie Sahadeva contre lui. Com-
bat de Sahadeva et de ses troupes contre Çakouni et les
siens, qui sont battus 135

CHAPITRE XXIV. — Combat général. — Les fils de Drau-


padî rejoignent Dhrishtadyoumna. Sahadeva rejoint You-
dhishthira. Çakouni attaque de nouveau Dhrishtadyoumna.
Combat terrible 142

CHAPITRE XXV. — Combat général. — Çakouni ramène au


Combat les sept cents chevaux qui lui restent, et rejoint
Douryodhana, ce qui enflamme le courage de l'armée. Dis-
cours d'Arjouna à Krishna. Prouesses d'Arjouna, qui détruit
l'armée Kourouide 146

CHAPITRE XXVI. — Fuite de Douryodhana. — Fuite de


l'armée Kourouide. Tentatives pour la rallier. Combats de
Dhrishtadyoumna, Cikhandin et Çatànika contre Douryo-
dliana. Trois mille éléphants entourent les fils de Pândou.
Prouesses d'Arjouna et de Bhimasena. Terreur des Kou-
rouides. Prouesses des trois autres Pàndouides et de
Dhrishtadyoumna. On cherche Douryodhana qui a fui.
Açvatthâman, Kripa et Kritavarman vont le chercher près
de Çakouni. Sahjaya se mêle au combat et est fait prisonnier. 154
DU LIVRE DE ÇALYA 439

Pages.

CHAPITRE XXVII. — Combat général. — Combat de Bhî-


masena contre les frères de Douryodhana. Mort de Dhour-
marshana, Çroutànta, Satyasena, Jaitra, Bhoûribala, Ravi,
Dourvimocana, Doushpradharsha, Soujàta, Dourvisaha.
L'armée Kourouide attaque Bhîmasena qui en fait un grand
carnage 161

CHAPITRE XXVIII. — Mort de Souçarman. — Colloque de


Krishna et d'Arjouna. Combat de Douryodhana contre Saha-
deva, de Soudarçana contre Bhîma, de Souçarman et de
Çakouni contre Arjouna. Mort de Satyakarman, de Souçar-
man et de Soudarçana 166

CHAPITRE XXIX. — Mort d'Ouloûka et de Çakouni. —


Combat de Bhîma et de Sahadeva contre Çakouni et Ouloùka.
Description du champ de bataille. Fuite des soldats de
Çakouni. Douryodhana les rallie. Le combat se généralise.
Mort d'Ouloûka. Discours de Sahadeva. Mort de Çakouni.
Fuite des Kourouides. Joie des Pândouides 172

Notes relatives au livre de Çalya 179

SECTION II. — DE L'ENTRÉE DANS LÉTANG.

CHAPITRE XXX. — Arrivée de Youyoutsou. — Combat de


Blûmasena et d'Arjouna contre l'armée des Gândhâriens.
Ruine de l'armée Kourouide. Douryodhana s'enfuit à pied
et sans suite. Captivité et délivrance de Saiijaya. Il ren-
contre Douryodhana. Leur colloque. Douryodhana entre
dans l'étang. Arrivée de Kripa, de Kritavarman et du Dro-
nide. On emmène les princesses à la ville. Leurs lamenta-
talions. Youyoutsou, avec l'agrément d'Youdhislitliira, les
accompagne. Son arrivée à la ville. Son colloque avec Vi-
doura. Aspect désolé de Hastinapoura 183

CHAPITRE XXXI. — Recherche de Douryodhana. — Les


vainqueurs cherchent Douryodhana pour le tuer. Les trois
Kourouides le cherchent aussi, le rencontrent et l'oxcitont
à combattre de suite; mais il s'y refuse. Il est découvert par
les chasseurs de Bhîmasena, qui reviennent en donner la
nouvelle au camp. L'armée Pàndouide se dirige vers l'étang.
Les trois Kourouides prennent congé de Douryodhanu 191

440 TABLES DES MATIERES

Pages.

CHAPITRE XXII. — Menaces adressées a Douryodhana. —


Les Pàndouides, arrivés à l'étang, constatent la ruse de
Douryodhana. Conversation de Dharmarâja et de Krishna.
Conversation de Dharmarâja et de Douryodhana 201

SECTION III . — DU COMBAT A LA MASSUE.

CHAPITRE XXIII. — Conversation de Douryodhana avec


YouDHiSHTHiRA. — Dhiitaràshtra interroge Sanjaya, qui lui
raconte ce qu'a fait Douryodhana. Réponse de Douryodhana
à Dharmarâja. Il demande à ne combattre à la fois que contre
un seul adversaire. Réponse de Youdhishthira, qui consent
à ce qu'il combatte un seul adversaire. Douryodhana choisit
la massue comme armé et se prépare au combat. Reproches
que lui fait Youdhishthira. Menaces de Douryodhana 209

CHAPITRE XXXIV. — Dialogue entre Bhîmasena et Douryo-


DH.\NA. — Krishna reproche à Dharmarâja d'avoir permis à
Douryodhana, qui est très adroit à la massue, de combattre
un seul adversaire avec cette arme. Bhîma rassure Krishna
sur le succès du combat. Conseils de Krishna à Bhîma.
Discours de Bhîma à Youdhishthira et à Douryodhana. Fer-
meté et réponse de ce dernier 217

CHAPITRE XXXV. — Arrivée de Baladeva. — Arrivée de


Baladeva, frère de Krishna. Il salue les Pàndouides et est
reçu par eux avec respect et affection. Il dit qu'il vient pour
assister au combat à la massue, et prend place parmi les
spectateurs de ce combat 223

CHAPITRE XXXVI. — Légende de la malédiction de Soma.—


Janamejaya demande des détails rétrospectifs sur le voyage
de Ràma. Vaiçampâyana les lui donne. Départ de Ràma
pour son voyage aux tirthas, ses préparatifs et sa généro-
sité. Il arrive à Prabhâsa. Janamejaya demande des détails
sur les tirthas. Le brahmane lui raconte d'abord l'histoire
de Prabhâsa. Soma, gendre de Daksha, ayant négligé ses
autres épouses au profit de l'une d'elles, est maudit par son
beau-père et perd son éclat. Les dieux demandent sa grâce.
Daksha retire sa malédiction â condition que son gendre

DU LIVRE DE ÇALYA 441

Pages.

aura une conduite plus régulière et se baignera à Prabhâsa


suivant les rites. Soma se soumet et reprend son éclat. Suite
du voyage de Rânia 226

CHAPITRE XXXVII. — Histoire des tîrthas. — Halàyoudha


va à la source de l'ascète Trita. Histoire de Trita et de ses
deux frères. Leur jalousie. Trita tombe dans un puits sans
eau. Ses frères, Ekata et Dvita, l'abandonnent. Trita offre
mentalement un sacrifice. Les dieux viennent en recevoir
leur part, que Trita leur délivre. A la prière de Trita la Sa-
rasvati pénètre dans le puits et en retire l'ascète, qui rentre
chez lui. Il rencontre ses deux frères et les maudit. Leur
punition 236
CHAPITRE XXXVIII. — Légendes sarasvatiennes. — Ha-
làyoudha va à Vinâçana et à Soubhoùmika. Description de
ce beau lieu. Il va au tirtha des Gandharvas et à Gargasrota.
II va à Nàgavatmant, et ensuite à l'endroit où la Sarasvatî
change de direction. Vaiçampâyana raconte la légende du
grand sacrifice Naimishien à Samantapancaka, et comment
la Sarasvatî changea de direction. Halàyoudha va ensuite à
Saptasàras vata 242

CHAPITRE XXXIX. — Légendes sarasvatiennes. — Les


sept Sarasvatis. Origine de leurs noms. Sacrifice de Pità-
maha. Le tirtha Saptasàrasvata. Légende de Mankanaka.
Causes de sa danse. Indignation des dieux. Colloque de
Mahàdeva et de Mankanaka, fils de Soukanyà et du Vent. . 249

CHAPITRE XL. — Légendes sarasvatiennes. — Halàyoudha


va à Auçanasa. Légende de ce tirtha; accident arrivé à
Mahodara, qui cherchait à se délivrer de la tète du rakshasa
fixée à sa jambe. Il en est délivré à Auçanasa, auquel les
rishis donnent, à cause de cela, le nom de Kapalamocana.
Halàyoudha va à l'ermitage de Roushangou 256

CHAPITRE XLI. — Légendes sarasvatiennes. — Légende


du Rishtisenien et du tirtha près duquel il demeure. Mort
de Gàdhi. Viçvâmitra lui succède. Il se met en route avec
son armée et arrive près de l'ermitage de Vaçishtha. Colère
de ce dernier. Viçvâmitra se fait ascète et obtient la dignité
de brahmane. Halàyoudha se dirige vers l'ermitage de Vaka. 261

CHAPITRE XLII. — Légendes sarasvatiennes. — Vaka


demande des bœufs à Dhritaràshtra, qui lui en donne de

442 TABLES DES MATIERES

Pages.

morts. Colère du mouni, qui offre le royaume en sacrifice,


sous les espèces des chairs de ces cadavres. Le royaume
dépérit. Le roi fait amende honorable et Vaka retire sa
malédiction. Sacrifice de Brihaspati. Bala va au tirtha de
Yâyâti et fait des largesses. Il va à Vaçishthàpavâha 265

CHAPITRE XLIII. — Légendes sarasvatiennes. — Rivalité


d'ascétisme entre Vaçishtha et Viçvâmitra, qui songe à tuer
son concurrent et charge la Sarasvatî de le lui amener.
Terreurs de cette dernière. Viçvâmitra insiste. Elle raconte
tout à Vaçishtha, qui lui conseille d'obéir. Réflexions de la
Sarasvati, son stratagème pour sauver Vaçishtha. Fureur
de Viçvâmitra qui maudit la Sarasvatî. Au bout d'un an elle
est relevée de cette malédiction 270

CHAPITRE XLIV. — Légendes sarasvatiennes. — Les mou-


nis purifient la Sarasvati. Plaintes des rakshasas; réponse
desmounis. La Sarasvati devient l'Arounâ. Les mounis ont
pitié des rakshasas et les sauvent. Crime de Çakra, qui en
obtient la rémission en se baignant dans le tirtha de
l'Arounâ. Description du tirtha de Soma 275

CHAPITRE XLV. — Légendes sarasvatiennes. — Naissance


de Kârtikeya. Il a les Pléiades pour nourrices. Sa puis-
sance, son berceau. Les dieux l'entourent. Leur descrip-
tion. Il prend quatre formes. Brahma l'institue souverain
de tous les êtres. Les dieux se disposent à le sacrer 281

CHAPITRE XLVI. — Légendes sarasvatiennes. — Sacre de


Kârtikeya. Énumération des dieux présents et des suivants
que chacun d'eux lui cède. Description de ces suivants et
de leurs manières de combattre 287

CHAPITRE XLVII. — Légendes sarasvatiennes. — Énumé-


ration et description des Mères à la suite de Skanda. Dons
faits à Skanda pour les dieux. Il combat les ennemis des
dieux, les poursuit à la montagne Krauiica qu'il fend avec
sa lance. Les Daityas sont défaits. Joie des dieux. Sainteté
du tirtha Taijasa. Varouna y a été sacré. Bala le visite 301

CHAPITRE XLVIII. — Légendes sarasvatiennes. — Sacre


de Varouna. Légendes d'Agnitirtha, de Brahmayoni et du
tirtha de Kouvera 314

CHAPITRE XLIX. — Légendes sarasvatiennes. — Légende


du tirtha de Vadarapâcana, de Çroutavati et d'Aroundhati. 318

DU LIVRE DE ÇALYA 443

Pages.
CHAPITRE L. — LÉGENDES sarasvatiennes. — Bala va à In-
dratîrtha, à Ràmatîrtha, à Yamounàtîrtha et à Âdityatîrtha.
Légendes de ces tîrthas 326

CHAPITRE LI. — LÉGENDES sarasvatiennes. — Légende de


Dévala Asita. Jaighishavya vient habiter chez lui sans lui
adresser la parole. Étonnement de Dévala. Il va se baigner
dans la mer et trouve son hôte qui l'avait précédé. II rentre
chez lui et trouve encore son hôte. Réflexions de Dévala. Il
traverse les airs et voit Jaighishavya dans les divers
mondes. Les Siddhas lui disent que ce mouni, qu'il a perdu
de vue, est au séjour de Brahma, où, lui, ne saurait parve-
nir. Rentré chez lui, il retrouve son hôte et le prie de lui
enseigner la voie de la délivrance finale. Ses hésitations. Sa
décision définitive. Louanges données par les dieux à Jai-
ghishavya. Bala se baigne dans ce tîrtha, puis se dirige
vers celui de Soma 329

CHAPITRE LU. — Légendes sarasvatiennes. — Bala se


baigne dans ce tirtha. Il va au tirtha du mouni Sârasvata.
Légende de Dadhika et de Sârasvata, et naissance de ce
dernier. La Sarasvatî, sa mère, l'apporte à Dadhika, qui l'en
remercie et lui en marque sa reconnaissance. Dadhika donne
à Indra ses os, pour en faire des armes divines avec les-
quelles il tuera les ennemis des dieux. Il arrive une grande
sécheresse, pendant laquelle la Sarasvatî nourrit son fils,
qui continue à réciter les Védas. Soixante mille rishis qui,
pendant que la faim les forçait à pourvoir à leur nourriture,
ont oublié les Védas, se font ses disciples, pour qu'il les
leur enseigne de nouveau. Bala fait ses dévotions au tîrtha
de Sârasvata et va à celui de la vieille fille 337

CHAPITRE LUI. — LÉGENDES sarasvatiennes. — Ascétisme


de la fille de Garga le manchot. Elle reste fille. Elle veut
mourir et aller au Svarga, mais Nârada lui dit qu'elle ne le
peut pas, n'ayant pas été mariée. Elle offre la moitié de ses
mérites à celui qui voudra l'épouser. Pràkçringavant accepte
à condition de ne passer qu'une nuit avec elle. Elle l'épouse
et meurt. Son mari la regrette et trépasse â son tour. Halâyu-
dha apprend le désastre des Kourouides 313

CHAPITRE LIV. Voyage de Halàyoudha aux tîrthas. —


Étymologie du nom de Kouroukshetra. Bénédictions accor-

444 TABLES DES MATIERES

Pages,
dées à ce lieu par Indra et les autres dieux. Chant d'Indra
sur Kouroukshetra , 347

CHAPITRE LV. — Légendes sarasvatiennes. — Halàyoudha


va à l'ermitage de la fille de Çândilya à Plakshaprasravana,
à Kârapavana, puis au tirtha de Mitra et de Varouna. Arri-
vée du rishi Nârada, qui raconte à Balarâma, ce qui s'est
passé entre les Kourouides et les Pàndouides. Balarâma
congédie ses compagnons, et se dirige vers l'endroit où le
combat à la massue doit avoir lieu, après avoir chanté les
louanges de la Sarasvatî 351

CHAPITRE LVl. — Combat a la massue. — L'arrivée de Bala-


râma remplit de joie les Pàndouides et Douryodhana, qui
lui rendent les honneurs qu'ils lui doivent. Discours de
Râma. On va à Samantapahcaka. Commencement du combat.
Éloge des deux combattants. Douryodhana invite les assis-
tants à s'asseoir pour être témoins du combat 356

CHAPITRE LVII. — Combat a la massue. - Altercation


entre Bhlmasena et Douryodhana. Présages effrayants.
Discours de Bhima à Dharmaràja et à Douryodhana.
Réponse de ce dernier, qui est applaudi par les assistants.. 362

CHAPITRE LVIII. — Combat a la massue. — Commence-


ment du combat qui est terrible. Les deux champions sont
obligés de s'arrêter au bout d'un moment. Reprise de la lutte.
Ses alternatives, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. 368

CHAPITRE LIX. — Mort de Douryodhana. — Arjouna


demande à Krishna ce qu'il augure de l'issue du combat;
Krishna répond que, dans un combat régulier, Bhîma ne peut
pas triompher, mais qu'il pourrait y arriver en employant
un moyen frauduleux. Il est d'avis que Bhima accomplisse
le vœu qu'il a fait de briser les deux cuisses de Douryo-
dhana. Arjouna, fait dans ce sens, un signe à Bhîma qui le
comprend. Ruses de Bhîma pour préparer son coup. Le
combat devient terrible. Bhîma, d'un coup de massue brise
les deux cuisses de Douryodhana qui tombe; horreur des
assistants à la vue de ce coup déloyal. Prodiges qui ont
lieu à cette occasion 376

CHAPITRE LX. — Lamentations de Youdhishthira. —


Bhîma insulte Douryodhana. Paroles qu'il adresse aux Pàn-

DU LIVRE DE ÇALYA 445

Pages.

douides. Chagrin de l'armée. Réponse de Youdhishtliira, qui


cherche ensuite à calmer la colère de Douryodhana .383

CHAPITRE LXI. — Reproches de Baladeva. — Baladeva est


rempli d'horreur et fait honte à Bhîma de sa conduite. Il
veut se jeter sur lui. Keçava cherche à l'apaiser et à justifier
Bhîma; mais Baladeva ne se laisse pas convaincre. Leur
entretien. Baladeva s'en va, après avoir fait de nouveaux
reproches à Bhima et avoir glorifié Douryodhana. Entretien
de Krishna avec Youdhishthira. Entretien de Bhîma avec
Youdhishthira 387

CHAPITRE LXII. — Colloque de Krishna et des fils de


Pàndou. — Joie des Pândouides, en constatant la mort de
Douryodhana. Louanges données à Bhima. Discours de
Krishna. Douryodiiana fait un effort pour se relever et
répond à Krishna, qu'il accuse de tous ses maux. Réponse
de Krishna. Nouveau discours de Douryodhana. Il se pro-
duit des prodiges qui humilient et effraient l'armée Pàn-
douide. Discours de Krishna pour rassurer cette armée. Les
Pândouides rentrent dans leurs tentes pour se reposer 393

CHAPITRE LXIll. — Discours du Vasoudevide. — Les fils


de Pàndou prennent possession de la tente de Douryodhana.
Le char d'Arjouna brûle spontanément. L'explication de ce
prodige est donnée par Krishna. Sa conversation avec
Youdhishthira qui l'envoie pour apaiser Gândhàri 401

CHAPITRE LXIV. — Renseignements donnés a Dhritaràsh-


tra et a Gàndhàrî. — Janamejaya demande des détails sur
le voyage de Krishna. Vaiçampâyana les lui donne. You-
dhishthira craint la colère de Gândhàri et envoie Krishna
pour consoler cette reine. Départ de Krishna et son arrivée
à Hastinapoura. Il est reçu par Dvaipàyana et introduit en
présence du roi et de la reine. Il parle à Dhritarâshtra, lui
expose que les torts viennent de lui et l'exhorte à pardon-
ner aux fils de Pàndou. Il parle aussi à Gândhàri, lui rap-
pelle ce qui s'est passé et la supplie de calmer sa colère.
Krishna demande qu'on empêche le mal que Kripa, Krita-
varman et Açvatthâman projettent de faire aux Pândouides. 406

CHAPITRE LXV. — Lamentations de Douryodhana. — Dhri-


tarâshtra demande à Sanjaya ce qu'a fait son fils. Sanjaya
lui raconte do quelle manière il a manifesté son désespoir

446 TABLES DES MATIERES


et célébré sa propre valeur. Les panégyristes vont apprendre
au flls de Drona ce qui est arrrivé à Douryodliana, et ce qu'il
les a chargés de lui dire 415

CHAPITRE LXVI. — Sacre d'Açvatthâman. — Açvatthâ-


man, Kripa et Kritavarman viennent vers Douryodhana.
Situation dans laquelle ils le trouvent. Discours d'Açatthâ-
man. Réponse de Douryodhana. Açvatthàman promet de tuer
tous les Pâncâlas. Douryodhana l'institue généralissime de
son armée. Les trois maîtres de chars quittent Douryodhana. 420

Notes relatives aux sections de l'entrée dans l'étang et du


combat à la massue 427

ERRATA

Çloka 1. Atc lien de Souyodhàna, lisez Souyodhana.

— 13. An lieu de Pàncalas, lisez Pàncàlas.

— 18-19, ligne 15. Atc lieu de , lisez ; .

— 79. Au lieu de Kountibhoya, lisez Kountibhoja.

— 94. Au, lieu de Alâyoûdha, lisez Alâyoudha.

— 98. Au lieu de Sanyuya, lisez Sanyaya.

— 104, et toutes les fois que la même faute se représentera,


au lieu de Douryadhana, lisez Douryodhana.

— 156, 616, 652, 742, 2020, 2076, 2722, à la fin des çlokas, au lieu,

de , lisez .

— 161. Au lieu de Pânçâlas, lisez Pâncâlas.

— 171 et toutes les fois que la même faute se représentera. Au

lieu de Pandouides, lisez Pàndouides.

— 201. Au lieu de Bibhàtsa, lisez Bîbhatsou.

— 203. Au lieu de Krishna, lisez Krishna.

— 235. Au lieu de Dhritarâbhtra, lisez Dhritarâshtra.

— 263. Au lieu de trainerais-je, lisez traînerai-je.

— 267, et toutes les fois que la même faute se représentera. Au

lieu de Pandou, lisez Pàndou.

— 301. Au lieu de Arounânouya, lisez Arounànouja.

— 301. Au lieu de Ouçâna, lisez Ouçanas.


Çlokas, 540, 1019, 1956. Au lieu deMadrî, lisez Màdri.

— 580. Au lieu de Santal, lisez santal.

— 583, 721, 2816 (à la fin). Au lieu de . lisez ,.

— 596. Au lieu de bruits, lisez (bruits).

— 601. Au lieu de (semblables, lisez (semblables).

— 620. Au lieu de conduit. Lisez conduits.

09
448 ERRATA

Çloka 633. Ato lieu de disparue, lisez disparu.

— 667. Au lieu de Saliakide, lisez Satiakide.

— 838. Au lieu de Kshourapra, lisez kshourapra.

— 865, et toute? les fois que la même faute se représentera. Au

lieu de Kshatriyas, lisez kshatriyas.


Çloka 906. Au lieu de Dharmarâya, lisez Dharmaràja.

— 913. Au lieu de (avec elle), lisez (avec lui).

— 961, ligne 3. Au lieu de du bruit de son char, lisez du bruit

de leurs chars.

— 1011. Au lieu de Dhritarâsha, lisez Dhritarâshtra.

— 1.355-1358. Au lieu de (héros) ; qui fondent, lisez (héros) qui

fondent.
Note 13, cl. 916. A supprimer; c'est le restant, oublié par erreur,

d'une note qu'on a cru pouvoir supprimer.


Çloka 1593, ligne 13. Au lieu de toi, lisez lui.

— 1668-1671, ligne 15. Au lieu de pareille, lisez (demeure) pa-

reille.

— 1759. Au lieu de Koùntî, lisez Kounti.

— 1970. Au lieu de secourerai, lisez secourrai.


— 1974. Au lieu de Hastinâpoùra, lisez Hastinapoura.

— 2111. Au lieu de Barasvati, lisez Sarasvati.

— 2120. Au lieu de Sarasvati, lisez Sarasvati.

Çloka 2122, et toutes les fois que la même faute se représentera.

Au lieu de Gàndharvas, lisez Gandharvas.


Çlokas 2122, 2123, 2127,2128, 2131. Au lieu de Mounis, iîtsexr mounis.
Çloka 2421. Au lieu de les Vaicyas, les Coudras, lisez les vaiç.yas,

les coudras.

— 2492. Au lieu de Pitâmaha, lisez Pitàmaha.

— 2508. Au lieu de Bhaya, lisez Bhaga.

— 2565. Au lieu de Gailakampin, lisez Çailakampin.

— 2705. Au lieu de Çarabhas, lisez çarabhas.

— 2753. Au lieu de Ailiavala, lisez Ailavila.

— .3011. Au lieu de Çàkra, lisez Çakra.

— 3032. Au lieu de Kouroukshetaesamantaputieaka, lisez Kou-

roukshetrasamantapancaka.

— 3104. Au lieu de étaient, lisez sont.

— 3158. Au lieu de Droupadî, lisez Draupadî.

— 3158. Au lieu de maltraitée, lisez fut maltraitée.

— 3506. Ati lieu de glorie, lisez gloire.

— 3539. Au lieu de Adhohkshaja, /i^e^ Adhokshaja.


ERRATA 449

Çloka3563. ligne 15. Au lieu de au roi, lise: , au roi.


— 3635, ligne 15. Ati lieu de maîtres des chars, lisez cnaitres de
chars.
Note 2, ligne 14. Au lieu de a lisez à.

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