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CÉLIBATAIRESPOURDIEU
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ALAIN DUPRAZ

CÉLIBATAIRES
POURDIEU

récit

nouvelle cité
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Composition: P.A.O. Nouvelle Cité


Couverture: MarcAellen
Photo page 1de couverture: Alain Boudre. Groupe de religieuses
auxJournées Mondiales de laJeunesse, Paris, août 1997.
ISBN 2-85313-316-8
©Nouvelle Cité, 1997
37, avenue de la Marne - 92120 Montrouge
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«C'estl'amourpourDieuqui rendvierge»
CHIARA LUBICH

ÀBénédict, Myriam, Emmanuelet Lucille


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REMERCIEMENTS

Ce livre doit beaucoup à deux communautés, celles


des jésuites et des dominicains de Genève, dont les pré-
cieuses bibliothèques m'ont introduit dans l'histoire du
célibat chrétien et de l'Église. J'y ai trouvé les trésors
méconnus d'auteurs fameux ou anonymes, anciens ou
contemporains. Leurs ouvrages constituent un patrimoine
inestimable que la pérennité de ces familles religieuses
conserve par delà les siècles. Qu'elles en soient chaleu-
reusement remerciées.
Ma gratitude va aussi aux vingt-deux personnes ren-
contrées au cours de ce passionnant reportage, particu-
lièrement celles dont je n'ai pu rapporter le témoignage.
La confiance souvent empreinte d'une chaleureuse ami-
tié, qu'elles m'ont accordée dans une grande transparence,
a permis la réalisation du présent ouvrage, dont je n'ai
été qu'un rouage parmi d'autres.
Ellevaégalement aux nombreuxamis qui m'ont épaulé
dans ce travail, particulièrement mon épouseVéronique,
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lectrice critique, et père Fabio Ciardi, dont les conseils


me furent précieux.
ALAINDUPRAZ
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Introduction
LAVOIE DES CONSEILS

Comment peut-on choisir de ne pas se marier, de


renoncer à une vie sexuelle et observer une rigoureuse
continence?
Parlespuissantsmoyensàsadisposition, laculturede
l'avoirbombardenosruesetnosmaisonsdemessageson
ne peut plus clairs: jouissance, sensualité, tromperies.
Cinéma,télévision,littératurecontemporainesecomplaisent
dansl'étalementd'exemplesdépravants. Lapublicités'en
inspirelargement,saisissanttoutes lesopportunités pour
tenterdeconvaincrequelebonheurdel'hommedépend
desa consommation. Et pourtant, dans cette ambiance
pourlemoinsmatérialiste–quin'estqu'unmiroirdéformant
d'une humanité beaucoupplus richedanssadiversité–,
des femmes et des hommes, renonçant à l'avoir pour
l'être, s'engagent sur les durs chemins du détachement,
dela pauvreté et ducélibat.
J'ai découvert nonloin dechezmoi,sur lamontagne
bleue qui berçait déjàle regard demonenfance, unlieu
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insolite: face au Mont-Blanc, de grandes bâtisses aux


toits sombres s'étendent sous la crête desVoirons, dans
uneclairière parmi les sapins.
Quatre-vingt-dixfemmesquiontrenoncéaumariage
mènentdanscemonastèreuneviedesolitudeetdeprière,
si discrète que peu de gens les connaissent. Restes d'un
couventmoyenâgeuxrejetésurunevoiedegarage?Rejetons
égarésd'une secte auxrites étranges?Loins'en faut!Les
monialesdesVoironssonttrèsjeunes,laplupartontmoins
detrenteans. Ellesappartiennentàunordrereligieuxde
fondation récente, la famille monastique deBethléem1
crééedanslesannéescinquante. Pleinementinséréedans
l'Église, cette congrégation fait preuve d'un étonnant
dynamisme: depuis 1967, un nouveau monastère naît
presquechaqueannéedans le monde.
Leur habit n'a pas été taillé dans une boutique de
prêt-à-porter. Sacouperigoureusetrancheaveccequ'on
voit quotidiennement dans les villes ou sur les plages.
Maissaluminositésemblevouloirmanifesterautrechose,
oùelles regardent.
Elles viennent de toute l'Europe: une vingtaine de
nationalités, de la Lituanie à l'Espagne se croisent aux
Voirons. Ellesyrestent un, deux, trois ansouplus pour
comprendrecommentcheminersurlessentiers escarpés
de la vie monastique: nous sommes en présence d'un
grand noviciat. Initiées audialoguesilencieuxaveccelui
qu'ellesappellent«l'Amouraudelàdetout»,ellesrepartent
dans l'un ou l'autre des vingt-six monastères de la
1Plus précisément, ces religieuses s'appellent «soeurs de
Bethléemet del'Assomption delaViergeMarie».
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congrégation disséminés de l'Extrême-Orient au bout


del'Occident.
Vieuxdedeuxmille ans, leur idéal estvierge comme
leChrist.Àlaconquêtedesbéatitudesévangéliques,elles
ont adopté ce célibat que seul le Royaume explique
Pourleurplusgrandbien,semble-t-il:leursvisagesreflètent
unepaixrare.
AuxVoirons, les moniales vivent en ermitages, sorte
demaisonnettesdisposéesautourducloître,loindescurieux,
sousleseulregarddeCeluiqu'ellescontemplent.Lesilence
deleursjournées est rythmé par les offices liturgiques, à
l'écoute attentive de la Parole. Cette vie impensable se
déroule à quelques encablures d'une cité moderne aux
techniques sophistiquées, où se croisent diplomates et
décideurs de toute la planète. Elle séduit unejeunesse à
la recherche d'un terrain plus sûr que les promesses si
souvent fallacieuses d'une société aux attraits pourtant
non négligeables.
«J'ai coupéradicalementavecmonmodedevieanté-
rieur, expliquecette Parisienneex-analystefinancièrequi
apassépar«Sciences-po»etDroit. QuandDieuappelle,
ilestirrésistible.Jepeuxyrenoncer,maistouteslesbeau-
tés du monden'équivalent enrien àcet amourintérieur
qui dévore le cœur.»
Uneanciennemilitante d'extrême-gaucheàl'anticlé-
ricalismevirulent, aujourd'huivoiléedelatêteauxpieds:
«Jusqu'à son appel, je pensais memarier. Mais ensuite,
j'ai compris queje neserais vraimentheureusequedans

2 Mt 19,12.
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unevie complètement offerte à Dieu. Dieu mevoulait


toute àlui: l'évidence était pour moi totale.
«Mêmesi elle est très différente, la vie consacrée est
comparableaumariage. Lesdeuxreposentsur unelibre
décision,lesdeuxsontunelentecroissancedansl'amour.
Mais dans le mariage, la relation avec Dieu passepar le
conjoint, alors quedanslavie consacrée, le contact avec
lui est direct. »
LesmonialesdesVoironssesont arrachéesnonseule-
mentauxséductions trompeuses, maisaussi auxbeautés
réelles qu'offre la société humaine telles que la fidélité
d'un amourconjugal,unefamillepleined'espérance,des
carrièresprofessionnellesréalisatricesdelapersonne,une
viesocialestimulante, etc. Ellesontrenoncéàlavieordi-
naire pourplonger dans une autre, extraordinaire.
Elles ne sont pas les seules. On évoque souvent la
crise desvocations. Elleest bien réelle et sans doute tri-
butaire d'une conception assezmatérialiste delafamille
oùlaprocréationestplanifiéeetlimitée àunstrict mini-
mum«convenable». Mais elle n'empêche pas de nom-
breux jeunes de s'engager résolument sur les chemins
décriés ducélibat consacré. Etsicertainescongrégations
– souvent créées dans un but spécifique répondant au
besoin précis d'une époque– se posent sérieusement la
questiondeleurdisparitionprochaine,d'autres,anciennes
ourécentes, font preuved'une fortevitalité.
J'auraismêmetendanceàcroirequ'uneaubenouvelle
est en train de se lever silencieusement pour le célibat
consacré.Cettetraditionmajeureduchristianisme,autrefois
repousséeparlesréformateurs–justement dégoûtéspar
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l'hypocrisie de certains abus scandaleux du clergé - se


fraie à nouveau un chemin croissant au sein des églises
protestantes. Au siècle passé a surgi en Allemagne le
mouvement des diaconesses (dont l'une s'explique dans
leprésentouvrage). Cesdernièresannées, plusieurscom-
munautésreligieusessontnéesauseindumonderéformé
(Pomeyrol, Grandchamp...), oùl'on sevoueaucélibat.
Etpuis, onconnaîtbienl'exempledefrèreRogerSchutz,
protestant qui arenoué avecle monachismeen fondant
lacommunautéoecuméniquedeTaizé.
Onpeutrencontrerbeaucoupdejeuneséprisd'authen-
ticité qui trouvent dans lavie religieuse – et les conseils
évangéliquesdepauvreté,d'obéissanceetdechastetéquelle
implique—laréalisation deleursaspirations. Maisil faut
les chercher. Car ils s'engagent sans tambour ni trom-
pette, lapubnelesconnaîtpas,lesmédiasnerelatentpas
leurs exploits.
Ils vivent dans toutes sortes d'endroits, seuls ou en
communautés, en pleine ville ouretirés dans la nature,
dans l'adoration silencieuse ou l'exercice de la parole,
en prière ouen apostolat. J'en ai rencontré quinze, qui
m'ont partagéfranchementleurcheminement. Celivre
rapporte les témoignages de ces huit femmes et sept
hommes, que j'ai choisis jeunes et moins jeunes, pour
connaître aussilepoidsdel'expérience, quandleschoix
de lajeunesse ont déjà été éprouvés par la traversée du
temps.
Cinq de ces personnes s'inscrivent dans la tradition
monastiqueouérémitique;lesdixautresviventaucœur
de ce monde, dont sept au sein de mouvements nou-
veaux,parfoismêmetrès récents. Maislaviedeceux-ci-
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cefut une découverte- contient fréquemment aussi une


forte composante contemplative.
Certains ont réalisé comme adulte un rêve d'enfant,
d'autres n'y avaientjamais pensé avant dechanger brus-
quement de route; les uns n'ont jamais connu l'amour
physique, d'autres ont vécu en concubinage. Tous sont
résolument engagés sur cette «voie des conseils »évan-
géliques, étroit sentier au sommet des crêtes où, vu de
la plaine, la marche peut paraître délicate et les risques
patents.
Chacun dit à sa manière pourquoi il suit le chemin
peu fréquenté du célibat, pourquoi et comment il a
compris de vivre sans attache. Leurs parcours sont ex-
traordinairement divers et leurs convictions étonnam-
ment différentes, malgré l'unicité de leur but. Je me
suis efforcé de respecter le langage de chacun, les mots
variant souvent de l'un à l'autre, pour exprimer une
même réalité.

Avantd'entamerlalecturedecesexpériencescontempo-
raines, il m'a paru utile d'évoquer au moins rapidement
l'origine decette vieille tradition. Elle nous rapporte aux
tout premiers siècles du christianisme...
Admirable archéologie!En 1941, une équipe de cher-
cheurs mettait àjour nonloin duCaire despapyrusvieux
de mille sept cents ans. Sur l'un d'eux on pouvait lire
cette phrase: «Aussi je vous le demande: transformez-
vous!»Ces mots nous viennent directement d'Origène,
un remarquable chrétien d'Égypte, esprit brillant et cou-
rageux, qui passa sa vie à étudier la Bible et à enseigner,
parmi les évidents périls del'époque, le messagedeJésus.
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En202, il adix-sept anslorsquesamèrelui cacheses


habits pour l'empêcher de sortir: il voulait suivre son
pèreLéonidasemmenéàcausedesafoiparlessoldatsdu
gouverneurd'Égypte.Léonidassubitlemartyrelorsd'une
decesvagues depersécution qui ont vérifié sanscontes-
tationpossible(durantdeuxcentcinquanteans!)l'authen-
ticité des convictions chrétiennes.
Àla fin desavie, Origène est ànouveaupris dans la
tourmente. Emprisonné àCésarée, il refuse d'abjurer sa
foi. Finalement libéré, il mourra peuaprès, la santé bri-
sée par ses conditions d'emprisonnement.
Origènefutlepremiergrandintellectuel chrétien. La
richesse de son enseignement était à la mesure de ses
profondesconnaissances. Cefilsdemartyravaitlecarac-
tère bien trempé.Jeune catéchiste, il soutenait sesélèves
enmarcheverslamort. Laïc, il n'hésitait pasàreprocher
àsonévêquedes'éclipser lors desrafles quiemmenaient
sesouailles au martyre.
Il fut aussi l'un des premiers théoriciens du célibat.
Pourlui, leChristavaitchangélecoursdel'histoire, etsa
mortavaitmodifiélaconditionhumaine. D'oùsonexhor-
tation: «Transformez-vous!Vouspouvez changer!»En
mourant sur la croix deux cents ans plutôt, l'homme-
Dieuavait rétabli la concorde entre créateur et création.
Ayantretrouvél'harmonieavecl'éternelleVied'oùvenait
lasienne, l'humanité pouvait désormaisvivre libérée du
souci delamort, enseignait Origène. Ellen'avait plus de
raisond'enfanterpoursurvivre.Hommesetfemmesétaient
désormaisinvités àrejoindre Dieutel qu'il avaitvécusur
terre,détachédesbiensdecemonde.D'oùl'élogequ'Origène
faisait du célibat. Précisons, enoutre, qu'en affirmant sa
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présence e n c h a q u e h o m m e et j u s q u e d a n s les plus p e t i t s


le Christ donnait une importance totalement nouvelle,
révolutionnaire, auxindividus. Enfaisantdechaqueêtre
humain un temple de Dieu, il lui donnait une valeur
inestimable, égaleàn'importe quelle autre viehumaine.
Le message était scandaleux pour les Grecs comme
pour les Juifs, le diffuser déchaînait les passions. Ori-
gène,quifaillitàplusieursreprisesêtreexécuté,enconnais-
sait bien les conséquences.
Les chrétiens n'avaient pas attendu Origène. Avant
lui, de nombreux tenants des idées nouvelles, suivant
l'exempleduChristetlesrecommandationsdesaintPaul,
étaient déjà morts sans avoir nouéles relations sexuelles
pourtant indispensables à la survie de l'espèce Parce
qu'ils avaient rencontré (spirituellement) le Christ qui
annonçait uneVieéternelle où «on neprend ni femme
ni mari ils choisissaient le célibat comme nouveau
style devie.
Renonceraulienhabituelquiunitdanslachairhommes

3Mt25,31-46.
4Ons'accordepourestimerquel'espérancemoyennedevie
dans l'empire romain ne dépassait pas vingt-cinq ans. Sans
mêmeparler des nombreuses occasions de morts violentes, la
maladiefrappaitmortellementetsurtout enbasâge. Lesjeunes
n'avaientdoncpasdetempsàperdre, ni delibrechoix:il fallait
procréer!Lasociété exerçait probablement en cedomaine une
très forte pression sur les individus.
5 M t 22,30.
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et f e m m e s était p o u r t a n t u n e a n o m a l i e s o c i a l e M a i s la
perspective jamais très éloignée d e d e v o i r r e n d r e a u C h r i s t
le t é m o i g n a g e décisif n e laissait guère à ses disciples le
loisir d ' é c h a f a u d e r des théories là-dessus. A u c o n t r a i r e ,
la p r o x i m i t é t o u j o u r s assez p r o b a b l e d u m a r t y r e relativi-
sait la d u r e t é de l e u r choix.
Et puis, ce célibat a d o p t é i n d i v i d u e l l e m e n t a u sein d u
peuple fut une formidable occasion de libération p o u r
les petites gens et p o u r la f e m m e . Asservie à l ' o r d r e m â l e
q u i d o m i n a i t le m o n d e ( l ' h o m m e r o m a i n avait d r o i t d e
vie o u de m o r t sur ses e n f a n t s et ses serviteurs, il p o u v a i t
r o m p r e s o n m a r i a g e q u a n d il le v o u l a i t o u t r o m p e r sa
f e m m e à sa guise), elle t r o u v a d a n s le c h r i s t i a n i s m e u n
f o n d e m e n t c u l t u r e l n o u v e a u q u i l'affranchissait des ser-
v i t u d e s – le m o t était alors p a r t i c u l i è r e m e n t a d é q u a t ! –
d u mariage.
Q u a n t à l ' a d o p t i o n d u c h r i s t i a n i s m e p a r des p e r s o n n e s
mariées insérées d a n s la société, elle i n t r o d u i s a i t e n celle-
ci u n f e r m e n t d e c h a n g e m e n t et lui p e r m e t t a i t d e diffu-
ser les idées nouvelles, s u r t o u t p a r le t é m o i g n a g e visible
d e vies d é s o r m a i s basées sur la fidélité e n a m o u r , la cor-
r e c t i o n en affaires, l ' h o n n ê t e t é d a n s la vie sociale.
M a i s e m b r a s s e r les idées nouvelles e n t r a î n a i t s u r t o u t
u n c h a n g e m e n t d e vie radical a u sein des c o u p l e s , o ù

6Certains philosophes ou artistes restaient célibataires, mais


ce célibat ne peut en aucun cas être comparé à la continence
absolue que de nombreux chrétiens vivaient et prônaient.
Quant au casmieux connu desvestales, il était fort différent.
L'état de ces femmes vierges au service des temples leur était
imposé et n'était que temporaire.
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l'hommeavaitdésormaisdesdevoirs enverssafemmeet
lui devait fidélité. Cette révolution dans l'intimité des
foyers alimenta larévolution sociale queportait le mes-
sage du Christ. D'une génération àl'autre, les commu-
nautés dechrétiens prenaient dupoids danslesvilles. Et
leurs chefs étaient naturellement choisis parmi les chefs
defamillemûrs,sûrsetexpérimentés. C'estpourquoiun
grand nombre d'évêques étaient mariés.
Etpuis, il est important derappeler quelespremiers
chrétiens, ou du moins nombre d'entre eux, étaient
convaincus quela fin des temps était proche. Lavie ici-
bas, et ses inquiétudes quotidiennes, la survie de l'es-
pèce, tout cela avait peu de poids face àl'arrivée immi-
nente du Christ qui allait remettre en ordre le chaos
conflictuel dumonde. Enchoisissantlecélibat, leschré-
tiensnefaisaientqu'anticiperunpeusurceretourproche,
puisque la seigneurie du Christ – là-dessus, les choses
étaient claires – allait instaurer une économie nouvelle
o ù « o n ne p r e n d ni f e m m e , ni m a r i

Lemessaged'Origènefutlargemententendu.Quand,
centcinquanteansaprèslui, GrégoiredeNazianceaffir-
maitàproposduChrist:«Ilachangélesloisdelachair»,
il nefaisaitqu'affirmeruneinterprétationdéjàlargement
répandue sur la haute valeur de la virginité chrétienne.
Révolutionnaire parce que définitif, cet état queJésus a
expliqué «àcauseduRoyaume»était unsignetrès fort
des temps nouveaux inaugurés par le Christ. C'était un
7Mt22,30.
8 M t 19,12.
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signedecontradiction;lasociétéromaineavaittoutavantage
àaccepterdeschrétiensdroits,honnêtesetbonscitoyens,
maiselle nepouvaitsupporter qu'on laremetteencause
enrefusantcequiàsesyeuxétaitindispensable:lemariage.
Cesigneétait l'un deceuxquidistinguaient le mieux
leschrétiens, onenvoyaitaussilerefletchezleschrétiens
mariés. Lavirginité d'hommes et de femmes montrait,
en quelque sorte, la transformation que le Christ avait
apportéedansl'humanité.LesPèresdel'Églises'employèrent
durant quatre siècles àl'exalter, quitte àdénigrer parfois
aupassagelemariage. Danslefourmillementd'interpré-
tations des paroles du Christ qui explosaient de toutes
parts, certains philosophes chrétiens allaient mêmejus-
qu'àremettreencauselalégitimitédesrelationssexuelles!
Cesquestionsdonnèrentlieuàdevivesdiscussionspour
tenter de comprendre réellement ce que voulait dire le
Christ. Lesdisputes théologiques, on le voit, ne datent
pasd'hier.
Unevingtained'annéesaprèslamortenexildumaître
d'Alexandrie, unnouvelÉgyptienhorsducommunsur-
gissait d'unvillageméconnu.Antoineallait s'employerà
mettreenpratiquel'Évangileàsamanière. Il utilisapour
cela unoutil alors impensable: le désert.
Enseretirant audelàdeslimites dumondehabité, il
défiait enquelque sorte la nature. Surtout, il matériali-
sait le désir très répandu de renoncer àcemonde pour
anticiperl'autre, oùnevivrequ'avecDieuseul. Entrele
sable et les étoiles, là où on ne pouvait pas vivre, les
Pèresdu désert (car l'exempled'Antoine rencontra vite
le succès) pouvaient poursuivre leur incroyable ambi-
tion:dépasserleslimites ducoursnormaldelacondition
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humaine, transformer leur corps pour n'aspirer qu'à la


vision spirituelle.
Les persécutions achevées, les ascètes chrétiens pro-
longeaientainsi ledéfiàlamortpardesprivations etdes
conditions devie parfois extrêmes. Peuàpeu, cesexpé-
riencesindividuellesserééquilibrèrentens'organisanten
communautés.
Aufil des siècles et l'expérience aidant, les moines se
dotèrentderèglementsqui, aussisévèresqu'ilspouvaient
être, étaientdéjàplussagesquecertainesextravagances
En occident, Benoît écrivait au VI siècle la règle d'où
naquirent bientôt les bénédictins, cinq cents ans plus
tard lescisterciens et plus tard encoreles trappistes, tan-
dis quesaint Brunofondait les chartreuxauXI siècle.
Cesordresmonastiques,cesabbayesdisséminéesdans
les terres d'Europe connurent grandeur et décadence.
Desfondations ont disparu, d'autres sont vivaces. Mais
l'essentieldelavoieouverteparlespremiersmoinesorientaux
s'est maintenu, avec de multiples adaptations. Le che-
min est encore parcouru de nos jours, dont le présent
ouvrage rapporte quelques pas.
Parallèlement, la vie religieuse s'est diversifiée. De
nouveauxordres sont nésaufil dessiècles, sousl'impul-
sion depersonnages àl'impressionnante détermination.
Françoisd'Assise, Dominique, IgnacedeLoyolaensont
lesexempleslesplusconnus, maisil yenatant d'autres!
Chacunedecesfamillesreligieusesmetenreliefunaspect
9 On connaît bien le cas singulier des moines stylites, qui
passaient leur vie à quinze ou vingt mètres du sol, au sommet
d'une colonne.
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Une cistercienne, un moine bénédictin, une diaconesse


de l'Église réformée, un mariste, une focolarine... Quinze
personnes consacrées à Dieu ont accepté de se laisser
interroger par un journaliste en France, Belgique et
Suisse. Elles expliquent le pourquoi de leur vie tournée
vers Dieu, raison de leur célibat. La plupart ont entre 30
et 40 ans. Elles ont bifurqué après des études qui leur
ouvraient les portes de brillantes carrières, ou ressenti
dès leur plus jeune âge l'attrait de Dieu. Cachées dans
des monastères retirés ou discrètement insérées dans la
société, elles sont le signe visible, scandaleux pour cer-
tains, d'un Règne qui n'est pas de ce monde. L'homme
d'aujourd'hui, aux joies fugaces, si souvent tourmenté
par son lendemain, a beaucoup à apprendre de ces
consacrés, religieux ou laïcs.

Né à Genève en 1947, Alain DUPRAZ


a aiguisé son sens de l'observation en
passant une bonne partie de sa jeu-
nesse à voyager. Après diverses aven-
tures sur les routes d'Europe et
d'Asie, il a vécu en Italie, en
Angleterre et en Belgique. A trente
ans, il se lance dans le journalisme. Il
est aujourd'hui rédacteur à la Tribune
de Genève, le grand quotidien de
cette ville, et depuis trois ans co-res-
ponsable de la rubrique politique, ce
qui ne l'empêche pas de s'intéresser
de près aux questions spirituelles.
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