MANTHE 2018 Archivage
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ii
Un grand merci !
À qui pense-t-on lorsque l’on corrige les dernières coquilles de son travail de doctorat ? Je
ne vois qu’une réponse : à ceux qui ont contribué à le commencer et surtout à ceux qui ont
aidé à le finir.
La place des Professeurs Fabrice Hervé et Marc Filser est toute particulière puisque sans
eux je n’aurais ni commencé ni terminé cette recherche de longue haleine. Ils m’ont secondée,
encouragée, fait mûrir et, plus important encore, cru en moi. J’ai apprécié chacun de nos
échanges et j’espère que vous saurez lire toute ma gratitude en si peu de mots.
Je remercie également les Professeurs Bertrand Belvaux, Véronique Bessière, Éric
Lamarque et Jean-François Lemoine qui me font l’honneur d’évaluer ce travail. J’espère qu’il
sera à la hauteur de vos attentes.
Permettez-moi maintenant de me tourner vers ceux qui ont donné la première impulsion à
ce doctorat.
Ces quelques lignes me donnent l’occasion de remercier avec tendresse Stéphanie Savel,
présidente de WiSEED pour son enthousiasme, ses grandes interrogations sur le monde et
pour m’avoir appris à cesser de poser des questions fermées pour m’ouvrir à la richesse des
réponses que l’on me ferait.
Merci également à Nicolas Sérès et Thierry Merquiol, les cofondateurs de WiSEED pour
m’avoir fait confiance lorsque je me suis présentée avec un projet de thèse sous le bras.
Une pensée va à mes collègues qui sont devenus de plus en plus nombreux au fil des mois
et des recrutements, et tout particulièrement à Diane, Céline, Louise, Virginie et Jérémy pour
leur bonne humeur communicative.
Cette thèse n’aurait pas non plus vu le jour si Michel Vacher, président d’Alumni
Business Angels et tous les membres de ce club d’investissement ne m’avaient pas proposé de
consacrer mon mémoire de master à ce phénomène nouveau et obscur qu’était alors le
crowdfunding. Merci de m’avoir offert sans le savoir un sujet qui m’a passionnée trois ans
durant.
Et que dire à tous ceux qui m’ont soutenue dans la dernière ligne droite de ce marathon
intellectuel ? Un grand merci !
v
Merci à mes amies, Coline, Aude et Lylia qui sont loin et qui me manquent, mais qui sont
toujours présentes.
Merci à mes parents et à mon frère pour leur soutien sans faille quel que soit le projet
dans lequel je me lance (et ils savent qu’il y en a eu beaucoup !), leur amour et pour tous les
moments précieux que l’on passe ensemble.
Mon dernier merci (je n’ose pas employer davantage ce mot de peur de lui enlever sa
puissance) est pour celui pour qui j’ai sauté dans un avion pour la Grande Île. Cette thèse a été
terminée à Madagascar, pays aussi éblouissant qu’absurde. Il fallait au moins un homme aussi
merveilleux que celui qui deviendra bientôt mon mari pour surmonter les intoxications
alimentaires, l’épidémie de peste pulmonaire, les cyclones, les inondations, les coupures de
courant et j’en passe. De petites attentions en grandes déclarations il m’a soutenue jusqu’au
point final…
Pour finir, je remercie les investisseurs interrogés en direct ou par questionnaire d’avoir
patiemment répondu à mes (nombreuses) questions ainsi que vous, lecteur, de vous lancer
dans la lecture de cette thèse.
vi
TABLE DES MATIÈRES
vii
2.3.5 Les facteurs influençant la décision d’investissement du crowdinvestor .............. 73
2.4 Les limites de la littérature sur la compréhension du comportement des
crowdinvestors .......................................................................................................................................... 86
2.4.1 Les limites dans la compréhension des raisons d’investissement et de non-
investissement en ECF........................................................................................................................................ 87
2.4.2 Les limites dans la compréhension de l’influence de la dimension participative
et communautaire de l’ECF sur le comportement d’investissement .............................................. 88
2.5 Conclusion du chapitre ........................................................................................................ 92
viii
4.4.1 Terrain d’étude : la plateforme WiSEED .......................................................................... 163
4.4.2 Méthode de collecte de données ......................................................................................... 170
4.5 Conclusion du chapitre ......................................................................................................181
ix
6.4 Les voies de recherche ouvertes ....................................................................................236
6.4.1 Amélioration du modèle théorique proposé .................................................................. 236
6.4.2 Exploration des modalités de la formation de l’expertise ....................................... 237
6.4.3 Étude de l’effet de l’expertise subjective du consommateur sur les dimensions
de la valeur perçue ............................................................................................................................................ 237
6.4.4 Étude de l’effet de l’expérience de participation communautaire sur la décision
d’achat et la valeur perçue dans d’autres contextes d’études ......................................................... 238
x
INDEX DES TABLEAUX
2.
Tableau 1 - Récapitulatif des définitions du crowdfunding .................................................... 16
Tableau 2 - Type de crowdfunding en fonction du niveau de complexité et de la proposition
de valeur de la plateforme ................................................................................................ 20
Tableau 3 - Montants moyens investis par les crowdfunders selon le type de crowdfunding . 20
Tableau 4 - Types d'investisseurs en capital ............................................................................ 40
Tableau 5 - Travaux de recherche identifiés dans la revue de littérature sur le profil des
crowdinvestors ................................................................................................................. 48
Tableau 6 - Travaux de recherche identifiés dans la revue de littérature sur les motivations à
investir en ECF ................................................................................................................. 54
Tableau 7 - Travaux de recherche identifiés au cours de la revue de littérature sur les signaux
de qualité reçus par les crowdinvestors ............................................................................ 74
Tableau 8 - Travaux de recherche identifiés dans notre revue de littérature sur l’influence des
pairs sur la décision d’investissement des crowdinvestors .............................................. 80
3.
Tableau 9 - Présentation des répondants à l’enquête exploratoire ......................................... 100
Tableau 10 - Éléments caractéristiques de l’individu influençant son expérience
d’investissement en ECF ................................................................................................ 102
Tableau 11 - Caractéristiques de l’interaction entre le crowdinvestor et le projet
entrepreneurial identifiées dans les verbatims ............................................................... 104
Tableau 12 - Caractéristiques de l’interaction entre le crowdinvestor et la plateforme d’ECF
identifiées dans les verbatims. ........................................................................................ 105
Tableau 13 - Éléments liés à la situation d’achat influençant l’expérience d’investissement en
d’ECF ............................................................................................................................. 107
Tableau 14 - Typologie synthétique de la valeur ................................................................. 111
Tableau 15 - Dimensions du risque perçu lors de l’achat de produits financiers sur une
plateforme d’ECF ........................................................................................................... 122
Tableau 16 - Types de décision d’investissement des crowdinvestors .................................. 127
Tableau 17 - Comparaison de verbatims pour illustrer la différence dans la relation à la
plateforme entre deux individus ayant une expertise subjective faible/forte ................. 132
xi
Tableau 18 - Comparaison de verbatims pour illustrer la différence dans l'importance
attribuée à l'avis des pairs entre deux individus ayant une expertise subjective faible/forte
........................................................................................................................................ 133
Tableau 19 - Comparaison de verbatims pour illustrer la différence de risque perçu entre deux
individus ayant une expertise subjective faible/forte ..................................................... 133
Tableau 20 - Comparaison de verbatims pour illustrer la différence d’engagement dans la
communauté entre deux individus ayant une expertise subjective faible/forte .............. 133
4.
Tableau 21 - Synthèse et comparaison des approches développées autour de la valeur ........ 144
Tableau 22 - La typologie de la valeur d’Holbrook (1994) ................................................... 149
Tableau 23 - Typologie de la valeur d’Holbrook (1994) appliquée à la valeur perçue de
l’expérience de participation en ECF ............................................................................. 152
Tableau 24 - Typologie synthétique des composantes de la valeur ....................................... 152
Tableau 25 - Principaux types de risques liés à l’achat d’un produit ..................................... 159
Tableau 26 - Récapitulatif des hypothèses testées ................................................................. 162
Tableau 27 - Adaptation de la formulation des items de l’échelle de valeur globale d’Aurier et
al. (2004) ........................................................................................................................ 173
Tableau 28 - Adaptation de la formulation des items de l’échelle de satisfaction cumulée
d’Aurier et al. (2004) ...................................................................................................... 173
Tableau 29 - Traduction et adaptation de la formulation des items de l’échelle de mesure du
risque perçu de Jacoby et Kaplan (1972) ....................................................................... 175
Tableau 30 - Récapitulatif de l’opérationnalisation des variables et choix des échelles de
mesures ........................................................................................................................... 175
Tableau 31 - Opérationnalisation de la décision effective d’investissement ......................... 177
Tableau 32 - Récapitulatif de l’opérationnalisation des variables de contrôle de l’étude
empirique ........................................................................................................................ 177
Tableau 33 - Récapitulatif de la fiabilité des construits après prétest (n=52) ........................ 179
5.
Tableau 34 - Composition de l’échantillon de l’étude empirique .......................................... 184
Tableau 35 - Statistiques descriptives des individus de l’échantillon et de leur activité sur la
plateforme....................................................................................................................... 185
Tableau 36 - Partition de l’échantillon en fonction des montants investis et test des différences
de moyennes ................................................................................................................... 187
xii
Tableau 37 - Alpha de Cronbach et Rho de Joreskog des échelles mobilisées dans notre
modèle ............................................................................................................................ 190
Tableau 38 - Matrice des corrélations principales, après rotation varimax ........................... 191
Tableau 39 - Matrice des corrélations entre chaque item et les variables latentes de notre
modèle ............................................................................................................................ 192
Tableau 40 - Récapitulatif des résultats des tests de validité convergente des échelles
associées au modèle théorique ....................................................................................... 193
Tableau 41 - Matrice Fornell-Larcker pour vérification de la validité discriminante des
mesures ........................................................................................................................... 194
Tableau 42 - Indices d’ajustement du modèle de données ..................................................... 195
Tableau 43 - Test de la significativité des coefficients de régression entre les variables du
modèle théorique ............................................................................................................ 195
Tableau 44 - Récapitulatif des hypothèses du modèle théorique enrichi ............................... 199
Tableau 45 - Indices d’ajustement du modèle de données ..................................................... 199
Tableau 46 - Coefficient de régression entre les variables VPVOTE et VALGLOB ............ 201
Tableau 47 - Coefficient de régression entre les variables VALGLOB et SATISF .............. 201
Tableau 48 - Coefficients de régression entre la variable EXPINV et les variables liées (mise
en évidence de la variable VPVOTE) ............................................................................ 202
Tableau 49 - Coefficients de régression entre la variable EXPINV et les variables liées (mise
en évidence de la variable ENGAGEMENT) ................................................................ 203
Tableau 50 - Coefficients de régression entre la variable EXPINV et les variables liées (mise
en évidence de la variable nb_invest et invest_moyen) ................................................. 203
Tableau 51 - Résultats de l’analyse multi-groupes en fonction du risque perçu de
l’investissement .............................................................................................................. 204
Tableau 52 - Résultats de l’analyse multi-groupes en fonction de la sophistication subjective
de l’investisseur .............................................................................................................. 206
Tableau 53 - Résultats des tests d’hypothèses........................................................................ 208
Tableau 54 - Résultats de l’analyse multi-groupes pour test de la variable ÂGE .................. 210
Tableau 55 - Résultats de l’analyse multi-groupes pour test de la variable GENRE ............. 210
Tableau 56 - Comparaisons entre les individus avec une sophistication faible et forte en
fonction de leur degré d’expertise .................................................................................. 211
Tableau 57 - Comparaisons entre les individus avec un risque faible et fort en fonction de leur
degré d’expertise ............................................................................................................ 212
xiii
INDEX DES FIGURES
1.
Figure 1 - Couverture d’ouvrages sur l’ECF .............................................................................. 2
Figure 2 - Évolution des montants levés globaux en CF et en ECF en France .......................... 4
Figure 3 - Capture d’écran de la page « statistique » de WiSEED montrant l’évolution de la
composition de sa communauté ......................................................................................... 5
2.
Figure 4 - Évolution des fonds investis en reward-based CF en France entre 2016 et 2017... 22
Figure 5 - Évolution des fonds investis en lending CF en France entre 2016 et 2017 ............. 23
Figure 6 - Évolution des fonds investis en ECF en France entre 2016 et 2017 ....................... 25
Figure 7 - Modèle d'intermédiation financière ......................................................................... 32
Figure 8 - Modèle d’intermédiation financière en ECF ........................................................... 34
Figure 9 – Le process d’ECF.................................................................................................... 38
Figure 10 - Types d'investisseurs intervenant au cours de la vie de l'entreprise et mise en
évidence du rôle de l'ECF................................................................................................. 42
3.
Figure 11 - Modèle fonctionnel de la valeur selon Aurier et al. (2004) ................................. 111
4.
Figure 12 - Dimensions de la valeur perçue de l’expérience de participation en ECF .......... 154
Figure 13 - Modèle théorique de l’étude empirique ............................................................... 161
Figure 14 - Capture d’écran de la fenêtre pop-in de vote sur WiSEED.com ......................... 167
Figure 15 - Capture d’écran du résultat d’un vote visible par le membre après avoir voté ... 169
5.
Figure 16 - Répartition des répondants par secteur d’activité professionnelle ...................... 186
Figure 17 - Proposition d’enrichissement du modèle théorique ............................................ 198
Figure 18 - Résultats des tests menés sur le modèle théorique enrichi .................................. 207
Figure 19 - Histogramme des scores pour la mesure du risque perçu de l’investissement en
ECF................................................................................................................................. 217
6.
Figure 20 - Proposition de segmentation et d'actions selon les profils des membres des
plateformes d'ECF .................................................................................................................. 231
xiv
INDEX DES ENCADRÉS
1.
Encadré 1 - Question de recherche QR1 .................................................................................... 7
Encadré 2 - Question de recherche QR2 .................................................................................... 8
Encadré 3 - Question de recherche QR3 .................................................................................... 9
2.
Encadré 4 - Synthèse de la section 2.1.1 .................................................................................. 15
Encadré 5 – Synthèse de la section 2.1.2 ................................................................................. 27
Encadré 6 - Synthèse de la section 2.1.3 .................................................................................. 31
Encadré 7 - Synthèse de la section 2.2.1 .................................................................................. 38
Encadré 8 - Synthèse de la section 2.2.2 .................................................................................. 46
Encadré 9 - Synthèse de la section 2.3.1 .................................................................................. 53
Encadré 10 - Synthèse de la section 2.3.2 ................................................................................ 59
Encadré 11 - Synthèse de la section 2.3.3 ................................................................................ 65
Encadré 12 - Synthèse de la section 2.3.4 ................................................................................ 71
Encadré 13 - Synthèse de la section 2.3.5 ................................................................................ 86
3.
Encadré 14 - Synthèse de la section 3.2.1 .............................................................................. 109
Encadré 15 - Synthèse de la section 3.2.2 .............................................................................. 124
Encadré 16 - Synthèse de la section 3.2.3 .............................................................................. 131
4.
Encadré 17 - Synthèse de la section 4.2 ................................................................................. 146
Encadré 18 - Synthèse de la section 4.3 ................................................................................. 162
Encadré 19 - Synthèse de la section 4.4 ................................................................................. 181
5.
Encadré 20 - Synthèse de la section 5.2 ................................................................................. 197
Encadré 21 - Synthèse de la section 5.2 ................................................................................. 200
Encadré 22 - Synthèse de la section 5.3 ................................................................................. 212
xv
LISTES DES ACRONYMES
L’utilisation d’un acronyme sera systématiquement rappelée dans le corps du texte. Nous
listons cependant ceux qui seront utilisés fréquemment :
CF Crowdfunding
xvi
1. Introduction générale
L’ECF est à la fois une source alternative de financement pour les entreprises et un
nouveau mode d’investissement pour les particuliers.
D’un côté, les entreprises en quête de fonds pour financer les différentes étapes de leur
développement trouvent dans l’ECF une nouvelle source de financement qui leur permet de
s’affranchir partiellement du système bancaire ou des investisseurs en capital-risque
traditionnels (BAs et capitaux-risqueurs, les venture capitalists, selon le terme anglo-saxon3)
(Estrin, Gozman, et Khavul, 2018). L’ECF leur offre la possibilité de collecter des fonds
auprès du grand public, de transformer leurs investisseurs en futurs clients ou en
1
Dans la suite de ce travail doctoral nous désignons le crowdfunding sous l’acronyme CF.
2
Dans la suite de ce travail doctoral nous désignons l’equity crowdfunding sous l’acronyme ECF.
3
Dans la suite de ce travail doctoral, nous désignons les business angels sour l’acronyme BA (BAs au pluriel) et
les venture capitalists sous l’acronyme VC (VCs au pluriel).
1
définition, l’ECF s’adresse à la « foule » (crowd) et que ce mode d’investissement s’inscrit
dans le mouvement plus global de démocratisation de la finance qui « promet que tous les
ménages peuvent gagner de l’argent et/ou gérer le risque en achetant les produits financiers
appropriés » (Erturk et al., 2007).
De nombreux bénéfices sont donc associés à l’ECF, que ce soit pour les entrepreneurs ou
pour les investisseurs5. Pourtant ce marché récent montre déjà des signes de maturité, voire
d’essoufflement.
Après une émergence timide (2,7 milliards de dollars levés en 2012 au niveau mondial),
les sommes investies en CF ont cru de façon exponentielle jusqu’à atteindre 34,4 milliards de
dollars levés en 2015, soit des taux de croissance annuelle du marché à trois chiffres. La
banque mondiale estimait en 2013 que le marché du CF pourrait atteindre un volume de 96
milliards de dollars annuels d’ici à 2025 (World Bank, 2013)6. Cette approche globale du
marché cache l’hétérogénéité des différents marchés nationaux, difficilement comparables,
tant en matière de régulation que de comportement d’investissement des particuliers.
Si les pays asiatiques s’imposent comme les nouveaux centres névralgiques du
phénomène et commencent à contribuer significativement la croissance mondiale de l’ECF (le
marché chinois à lui seul possède un potentiel estimé à 48 milliards de dollars7), certains des
premiers pays à être entrés sur le marché voient pour la première fois leur taux de croissance
baisser ou stagner8.
En premier lieu, les États-Unis se sont dotés de la réglementation JOBS Act en 2012 afin
de favoriser le développement de cette source alternative de financement pour les PME
américaines tout en garantissant la protection des investisseurs (Hornuf et Schwienbacher,
2017). Cette réglementation s’est déclinée en trois temps9, avec une ouverture progressive de
l’accès à ce type d’investissement aux investisseurs dit « non accrédité »10 (Titres III et IV du
JOBS Act). Pourtant, le marché de l’ECF américain ne se développe pas sous l’effet de
5
De multiples risques sont également associés à cette forme d’investissement, nous les abordons page 56.
6
Ces données sont à mettre en perspective avec les 30 milliards d’investissements annuels réalisés par les
capital-risqueurs et les 20 milliards de dollars par an levés auprès de BAs (World Bank, 2013).
7
SAGE, 2017, p.144.
8
Une présentation détaillée des évolutions du marché de l’ECF est proposée en Annexe 1.
9
Le JOBS act (Title III) 2012 est entré en vigueur en septembre 2013 avec le Title II of JOBS Act. Les Titre III
et IV autorisant l’accès à l’ECF à des investisseurs « non-accrédités » sont entrés en vigueur en mai 2016.
10
Un investisseur non-accrédité ne remplit pas les critères d’un investisseur accrédités, tels qu’ils sont définis
par la Securities et Exchange Commission, c’est-à-dire que son revenu annuel est inférieur à 200 k$ et que la
valeur de son patrimoine est inférieure à un million de dollars.
3
l’investissement des investisseurs particuliers non accrédités et reste modeste avec 30 millions
de dollars collectés entre mai 2016 et mai 201711.
L’Italie, premier pays européen à s’être doté d’une régulation spécifique pour l’ECF12,
reste également en marge du marché européen avec un volume de collecte de 4,4 millions
d’euros en 2016 (Boyer et al., 2016), bien qu’une évolution à la hausse soit attendue13 sous
l’effet de la réglementation Decreto Correttivo (décret correctif)14.
Enfin, concernant le marché français, la croissance exponentielle des premières années est
remplacée par une croissance plus mesurée depuis 2015 (cf. Figure 2)15.
400
336
350
296,8
300
233,8
250
200
152
150
100 78,3 68,6
50,3 58
50 27 25,5
7,9
0,95 3,1 10,3
0
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Montants levés en CF (en millions d'€) Montants levés en ECF (en millions d'€)
4
informative : sur 111 600 membres, 31 400 sont des votants (c’est-à-dire qu’ils ont participé
au moins une fois à la sélection des projets à financer), mais seuls 12 200 sont des
investisseurs20.
Ainsi, une faible partie de la communauté contribue activement au financement des
projets entrepreneuriaux (11 %), tandis que 28 % des membres participent sur la plateforme
sans jamais investir et que 61 % sont inactifs.
20
Source : WiSEED [en ligne], www.wiseed.com/fr/statistiques, consulté le 16/06/2018.
6
déjà actifs est une nécessité pour que l’ECF demeure une alternative de financement viable et
pérenne pour les entreprises.
En nous appuyant sur le cadre théorique de la valeur tel qu’il est proposé par Aurier,
Evrard et N’Goala (2004), nous étudierons si les dimensions de la valorisation de l’expérience
de participation constituent des antécédents de la valeur globale de l’investissement en ECF et
de la décision d’investissement. De cette approche découlent trois questions de recherche que
nous présentons ci-après.
Notre première question de recherche (QR1) porte sur les bénéfices attendus et les
sacrifices perçus que les investisseurs en ECF associent à l’expérience d’investissement en
ECF (Encadré 1). Ces investisseurs en ECF sont également appelés des crowdinvestors. Cette
terminologie est adoptée dans la suite du document et elle est définie page 46.
QR1 : Quels sont les bénéfices attendus et les sacrifices perçus que les crowdinvestors
associent à l’expérience d’investissement en ECF ?
Des travaux récents en finance entrepreneuriale ont étudié les motivations sous-tendant ce
mode d’investissement (Bretschneider et Leimeister, 2017 ; Cholakova et Clarysse, 2015 ;
Estrin et al., 2018 ; Schwienbacher et Larralde, 2010), mais leurs résultats varient et aucun
n’envisage l’investissement comme une expérience de consommation de produits financiers
(l’article de recherche de Moysidou et Spaeth, 2016 fait exception), c’est-à-dire comme un
ensemble d’interactions entre une Personne, un Objet et une Situation (paradigme PxOxS) qui
provoque des réactions et produit du sens pour celui qui les vit (Anteblian et al., 2013).
7
Afin de compléter ces travaux et d’aller plus loin dans la compréhension des sources de
valorisation de l’investissement en ECF, nous nous appuyons sur une revue de littérature en
finance entrepreneuriale afin :
- De définir les caractéristiques des trois entités dont les interactions sous-tendent
l’expérience d’investissement en ECF : la plateforme, l’entrepreneur et
l’investisseur.
- De déterminer les différents profils de crowdinvestors et leurs comportements
d’investissement.
Dans un second temps, la réalisation d’une enquête exploratoire (n=13) auprès de
membres de la plateforme française d’ECF WiSEED permettra d’identifier les sources de
valeurs et les sacrifices perçus associés à l’investissement en ECF. Ces deux éléments étant
des déterminants de la valeur globale de l’investissement selon le modèle fonctionnel de la
valeur d’Aurier et al. (2004).
Afin de répondre à cette question de recherche, nous devons appréhender le rôle que la
communauté joue sur la décision d’investissement en ECF.
Notre revue de littérature en finance entrepreneuriale nous permettra d’identifier les
éléments qui influencent la décision d’investissement des crowdinvestors et de déterminer si
la dimension participative de l’ECF en fait partie (au travers de l’interaction entre les
membres et du comportement de la « foule »).
L’étude exploratoire, présentée précédemment, aidera à déterminer quels en sont les
effets sur le comportement d’investissement des crowdinvestors.
Sur la base de notre enquête exploratoire, deux sources de valorisation sont identifiées :
l’expérience de participation et l’expérience d’investissement, qui peuvent être dissociées.
8
Ce résultat fait écho au constat fait page 3 : certains membres participent, d’autres investissent
et ce ne sont pas nécessairement les mêmes individus.
9
Les apports théoriques à la littérature en comportement du consommateur que nous
attendons de ce travail doctoral sont les suivants :
Vérification de la validité externe du concept de valeur perçue dans le champ de la
consommation de produits financiers ;
Contribution à l’étude du comportement du consommateur de produits financiers
Modélisation de la relation entre la valeur perçue de l’expérience de participation
à une communauté et la valeur globale de l’achat de produits financiers ;
Test empirique de ce modèle théorique ;
Analyse de l’effet de la valeur perçue d’une expérience sur des comportements
réels. Cet apport répond à une voie de recherche suggérée par Leclercq, Hammedi
et Poncin (2016) ;
Enrichissement de la compréhension de l’influence de l’expertise des
consommateurs sur leur comportement d’achat.
10
Comprendre dans quelle mesure la valorisation de l’expérience de participation à
une communauté en ligne influence la valeur globale de l’investissement ;
Déterminer si la valeur perçue de l’expérience de participation a une influence sur
l’investissement effectif ;
Déterminer des critères de segmentation des communautés de plateformes d’ECF.
Le présent travail doctoral s’articule autour de quatre chapitres qui suivent le déroulé de
notre recherche en vue de répondre aux trois questions évoquées précédemment.
Le premier chapitre (noté 2.) synthétise les travaux en finance entrepreneuriale
identifiés dans notre revue de littérature concernant l’ECF et les crowdinvestors. Nous partons
d’éléments de cadrage de ce phénomène, puis nous abordons les bénéfices et les risques de
l’ECF pour les deux entités avec lesquelles le crowdinvestor est en interaction lors de son
expérience d’investissement, pour arriver progressivement à l’étude approfondie du profil, des
motivations, des risques, du comportement d’investissement et des facteurs d’influence de la
décision d’investissement des crowdinvestors.
Le deuxième chapitre (noté 3.) présente la démarche exploratoire qui a été adoptée
pour :
- Déterminer le type d’interactions existantes entre la personne (le crowdinvestor) et
l’objet « plateforme » ainsi que l’objet « projet entrepreneurial », en utilisant comme
prisme d’analyse le paradigme PxOxS (Personne x Objet x Situation) dont
l’expérience résulte (Filser, 2002) ;
- Identifier les bénéfices attendus et les sacrifices perçus déterminant la valeur globale
de l’investissement en ECF.
Ce chapitre présente et discute l’ensemble des résultats de l’analyse de contenu menée sur
la base de 13 entretiens semi-directifs réalisés auprès de membres de la plateforme WiSEED.
Sur cette base, le troisième chapitre (noté 4.) de cette thèse présente une modélisation de
la relation entre la valeur perçue de l’expérience de participation, la valeur globale de
l’investissement et l’investissement effectif, ainsi que les hypothèses qui s’y réfèrent. Nous y
détaillons également l’opérationnalisation des construits, le mode de recueil des données (par
questionnaire, n=436) et la méthode d’analyse des données (équations structurelles par
l’approche PLS).
11
Le quatrième chapitre (noté 5.) présente tout d’abord les différentes analyses
préliminaires effectuées sur l’échantillon de données. Des analyses descriptives et un test du
chi-deux permettront d’affiner les caractéristiques des crowdinvestors en fonction des
montants qu’ils ont investis. Puis, le modèle de mesure est évalué, tant sur la fiabilité des
mesures que sur leur validité, avant de tester son ajustement empirique. L’hypothèse selon
laquelle la valeur perçue de l’expérience de participation a une influence sur l’investissement
étant rejetée (H1a et H1b), un enrichissement du modèle est proposé et justifié. Les résultats
de l’étude empirique, qui portent sur ce modèle enrichi, sont ensuite présentés puis discutés.
Enfin, la conclusion générale (notée 6.) synthétise les réponses apportées aux questions
de recherche de ce travail doctoral, les apports théoriques, managériaux et réglementaires de
la recherche ainsi que ses limites et les voies de recherche qu’elle ouvre.
12
2. Revue de littérature sur le crowdfunding et le
comportement d’investissement des crowdinvestors
Le CF, traduit littéralement en français par le « financement par la foule », a fait l’objet
d’une couverture médiatique intense ces dernières années. Le sujet est intrigant et fait écho
aux démarches politiques entreprises, notamment en France, dans le but de créer une startup
Nation,21 fleuron de la modernité technologique, agile et innovante.
En 2013, Agrawal, Catalini, et Goldfarb, citaient des hommes d’affaires et des revues de
premier ordre pour démontrer le potentiel du CF pour améliorer le financement de
l’innovation, l’émergence de bonnes idées, la création d’emplois et l’agilité des entreprises.
Pourtant, derrière ce terme anglo-saxon à la mode, se cachent une source de financement
ancestrale et des réalités de fonctionnement très diverses (2.1.1).
Nous allons nous atteler à distinguer ces différentes réalités en nous appuyant sur la
littérature émergente autour du CF (2.1.2).
De plus, la notion de « foule » reste à manier avec précaution et nous oblige à nous
interroger sur sa pertinence. Ne devrions-nous pas privilégier le terme de « communauté » ?
Ou celui « d’agrégat d’individus » ? Les définitions de ces termes nous aideront à répondre à
cette interrogation (2.1.3).
Dans une deuxième section (2.2), nous nous intéressons aux deux entités avec lesquelles
le crowdinvestor est en interaction : la plateforme d’ECF et les entrepreneurs.
Ce détour dans la littérature nous semble important. En effet, les plateformes d’ECF, bien
qu’elles prônent la désintermédiation de la finance, constituent les intermédiaires principaux
entre les investisseurs et les porteurs de projets et se sont imposées comme des outils de
finance de marché adapté au non-côté (Cieply et Nadant, 2016). Leurs choix quant à leur
modèle d’intervention et leur politique d’investissement ont une incidence sur le financement
des projets et, de fait, sur le profil des investisseurs qu’elles attirent (2.2.1).
Nous étudions également les bénéfices et les risques à faire appel à l’ECF pour les
entrepreneurs (2.2.2).
Enfin, nous présentons une revue de littérature complète sur les profils, les motivations,
les risques et le comportement d’investissement des crowdinvestors, sujets de notre étude
(2.3).
21
L’ouvrage Israël, the startup-nation de Dan Senor et Saul Singer est paru en 2009.
13
Sur la base de cette large revue de littérature, nous en identifions les manques (2.4). Ils
concernent principalement l’identification des bénéfices et des sacrifices associés à ce type
d’investissement et la compréhension de l’influence de la communauté sur le comportement
des investisseurs particuliers.
Dans cette première section, nous revenons sur les définitions du CF apportées par la
recherche et proposons un succinct rappel de l’émergence du phénomène (2.1.1). Nous
présentons également les différentes formes de CF que ce terme générique recouvre et nous
évoquons les autres formes émergentes apparaissant dans la pratique (2.1.2).
Enfin, nous nous interrogeons sur la notion de foule qui sous-tend ce type de financement
et sur les conditions d’émergence d’une forme de sagesse collective (2.1.3).
Cette section a pour vocation de présenter toutes les formes de CF pour mieux identifier
les éléments distinctifs de l’ECF, unique dans la théorie, mais multiforme dans la pratique..
En effet, bien qu’il soit nécessaire de comprendre le contexte général, c’est l’ECF qui fera
l’objet de nos développements ultérieurs.
14
des fonds et l’occasion pour les porteurs de projet de tester leurs idées, de récolter des
suggestions, d’apprendre à connaître leur clientèle cible et de gagner en notoriété.
Ainsi, Lambert et Schwienbacher (2010) se sont appuyés sur la définition du
crowdsourcing de Kleemann, Voss et Rieder (2008), pour proposer une définition
conceptuelle du CF qui prend en compte sa dimension numérique. Ils le décrivent comme un
appel au public, via internet, pour l’obtention de ressources financières sous forme de dons,
d’échanges contre récompense et/ou d’achat de droits de vote dans le but de soutenir des
initiatives.
Brabham (2010) fait également de l’utilisation d’internet un élément incontournable du
développement du CF en cela qu’il permet d’accéder à la « foule ». Ce sont les outils
numériques ainsi que le développement de plateformes de mise en relation qui ont favorisé
l’interaction entre des inconnus, investisseurs pour certains, porteurs de projets pour d’autres.
Schwienbacher et Larralde (2010) ont quant à eux mis en lumière, dans une étude empirique
menée entre 2009 et 2010, le rôle prépondérant de la communication et du réseautage autour
du projet en recherche de financements.
En s’appuyant sur les recherches précédentes, Belleflamme et al. (2010) proposent une
seconde définition du CF : « Le crowdfunding implique un appel ouvert, principalement par
le biais d’internet, pour la recherche de ressources financières, qu’elles soient sous forme de
don, en échange d’une forme de récompense quelconque et/ou de droits de vote dans le but de
soutenir des actions dédiées 22».
Cette définition ne rend cependant pas compte d’un aspect essentiel du CF qui repose sur
une multitude d’individus et de fait sur une multitude d’investissements.
Nous adopterons donc la définition d’Hornuf et Schwienbacher (2015) selon laquelle le
CF consiste en la collecte de petites sommes d’argent de la part d’un grand nombre de
bailleurs de fonds qui financent un projet, via internet, sans intermédiaires
traditionnels, de manière coopérative.
22
La traduction en français a été faite par la doctorante. La citation originale est la suivante : « an open call,
essentially through the Internet, for the provision of financial resources either in form of donation or in exchange
for some form of reward and/or voting rights in order to support initiatives for specific purposes ».
15
Encadré 4 - Synthèse de la section 2.1.1
En résumé
Plusieurs chercheurs ont proposé des définitions conceptuelles du CF. Un des éléments
caractéristiques de ce mode de financement est son développement dans un environnement
virtuel grâce à des outils numériques. Nous adoptons donc la définition d’Hornuf et
Schwienbacher (2015).
Auteurs Définition
Belleflamme et al., Crowdfunding involves an open call, essentially through the internet,
2010, p. 5 for the provision of financial resources either in form of donation in
exchange for some form of reward and/or voting rights.
Fiedler et Horsch, Crowdfunding comprises forms of capital supply, with which capital
2014, p.98 seeking companies publicly present themselves on specific internet
based platforms to a big group of potential capital providers based
on their innovative business idea an offer this group the opportunity
to engage themselvers with the allocation of funding.
Hemer et al., 2010, Crowdfunding is a form of project and innovation funding with
p.4 micropayments.
Lambert et An open call, essentially through the internet, for the provision of
Schwiembacher, financial resources either in form of donation or in exchange for
2010, p.4 some form of reward and/or voting rights in order to support
initiatives for specific purposes.
Tomczak et Brem, The act of taking a loan/funding traditionally performed by a
2013, p.338 designated agent and outsourcing it to an undefined, generally large
group of people in the form of an open call.
Wenzlaff et al., 2012 Crowdfunding is a type of fundraising for creative projects, but also
for companies. Most important aspect is that crowdfunding is open,
uses the methods of web 2.0 for communication and has usually a
type of material or immaterial rewarding.
Source : Bouncken et al., 2015
Jusqu’à présent, nous avons évoqué le CF comme un phénomène unique. Si le même principe
de base nourrit toutes les plateformes intermédiaires, différentes formes de CF se sont
développées, répondant à des besoins variés de la part des entrepreneurs et à des intérêts
multiples de la part des contributeurs (Lin et al., 2014).
16
En effet, le CF permet à des porteurs de projets d’obtenir des ressources financières sous
forme de dons, d’échanges contre récompense et/ou d’achat d’actions ou d’obligation, or ce
ne sont pas les mêmes plateformes qui accueilleront leurs projets.
Il convient d’en distinguer les formes principales (2.1.2.1) avant d’en présenter les
différentes propositions de valeur (2.1.2.2) et les modèles adoptés par les plateformes de CF
(2.1.2.3).
Afin de classifier les formes de CF, nous avons identifié une typologie, celle de
Schwienbacher et Larralde (2010), un modèle, celui de Belleflamme et al. (2014) et une
taxonomie, celle de Haas, Blohm, et Leimeister (2014). Nous les présentons ici avant de
proposer une catégorisation qui repose sur les offres des plateformes intermédiaires.
Cette proposition se veut pragmatique afin d’assurer une bonne compréhension des
différentes catégories de CF, devenues des métiers bien distincts pour les plateformes (bien
que certaines les cumulent).
17
2.1.2.1.2 Modèle de Belleflamme et al. (2014)
Haas, Blohm et Leimeister (2014, p.3) reprochent aux classifications existantes d’être
« conceptuelles par nature, non ancrées dans la théorie ni validées empiriquement ». Les
auteurs proposent de répondre à ce manque d’ancrage concret par une taxonomie empirique.
Ils identifient 3 types d’intermédiaires en CF en fonction de leur modèle d’affaires :
- Altruiste : les membres des plateformes de la catégorie « altruiste » soutiennent des
projets, principalement à vocation sociale ou écologique, en réalisant des dons et ne
reçoivent aucune compensation financière ou matérielle. Les fonds levés par projet
sont inférieurs à 5 000 euros.
18
- Hédonique : les contributeurs des plateformes « hédoniques » financent des projets
innovants ou créatifs sans attendre de compensation financière. Les projets présentés
sur ce type de plateformes tentent de susciter l’intérêt, le désir ou la joie des
contributeurs. La proposition de valeur de ces intermédiaires est de contribuer à créer
une forme d’hédonisme en sélectionnant des projets enthousiasmants. Les plateformes
de cette catégorie sont caractérisées par une grande quantité de petits projets.
- Recherche de profit : les plateformes de ce type offrent des retours financiers en
échange du financement des entreprises qu’elles présentent. Le retour peut porter sur
de futurs profits (si l’investissement se fait en échange de parts sociales) ou prendre la
forme d’intérêts (dans le cas d’un prêt). Ces plateformes sont caractérisées par un
faible nombre d’entreprises en financement présentées simultanément, mais des
montants collectés plus importants.
23
Ce terme anglosxon a été adopté tel quel en français.
19
Tableau 2 - Type de crowdfunding en fonction du niveau de complexité et de la
proposition de valeur de la plateforme
Proposition de valeur
Niveau de complexité Type de crowdfunding
principale (d’après Haas et
(d’après Hemer, 2011) (Bradford, 2012)
al., 2014)
Altruiste Dons
Les montants levés par les entrepreneurs oscillent entre mille et un million de dollars en
fonction du modèle de financement choisi (World Bank, 2013). Côté investisseurs, certaines
plateformes proposent d’investir à partir de 5 euros, mais les tickets d’entrée peuvent atteindre
plusieurs milliers d’euros (Wallmeroth, Wirtz, et Groh, 2018) (cf. Tableau 3).
24
La catégorie reward-based englobe le don contre récompense et la précommande selon la nuance apportée par
Wallmeroth, Wirtz et Groh (2018).
20
2.1.2.2 Le crowdfunding recouvre différentes propositions de
valeur
Après avoir proposé un choix de classement des formes de CF, leurs principales
caractéristiques sont présentées ci-après en fonction de leur proposition de valeur et selon la
taxonomie de Haas et al. (2014) : proposition de valeur altruiste (2.1.2.2.1), proposition de
valeur hédonique (2.1.2.2.2), proposition de valeur pour le profit (2.1.2.2.3).
Les projets présentés en CF sont pour la majorité des projets philanthropiques pour
lesquels les individus font des dons, sans espérer en tirer une compensation matérielle
(Hornuf et Schwienbacher, 2015), si ce n’est des remerciements publics (Leimeister et Zogaj,
2013). Cette forme de financement offre l’occasion aux contributeurs de soutenir des projets
qui leur tiennent à cœur, qu’ils portent sur la construction d’une école par une ONG ou sur la
sauvegarde d’une librairie de quartier (McKinley, 2012). Les organisations en demande de
fonds utilisent alors la propension à donner des particuliers pour financer des coûts de
fonctionnement, des projets ponctuels ou pour financer des activités créatives et artistiques
(Rossi, 2014).
Notons une particularité française : dans l’hexagone, les fonds versés par un particulier à
un organisme sans but lucratif ou à une association peuvent lui permettre de bénéficier d’une
défiscalisation et d’une réduction de son impôt sur le revenu ou de son impôt sur la fortune.25
Les organisations font appel au reward-based CF pour financer des projets artistiques ou
pour financer la production d’une pré-série (Rossi, 2014). Cette forme de CF promet un retour
à la fois matériel et immatériel au contributeur (Bouncken, Komorek, et Kraus, 2015). La
compensation matérielle peut prendre la forme d’une récompense, telle qu’un t-shirt avec le
logo du projet (Hornuf et Schwienbacher, 2015) ou la réception en avant-première du produit
proposé par le porteur de projet (Hemer, 2011).
Dans ce cas, on parle indistinctement de précommande ou de prévente. Le contributeur
est avant tout un consommateur qui achète un produit ou un service avant sa mise en
25
Code général des impôts. Réduction d’impôt accordée au titre des dons : article 200.
21
production ou sa mise sur le marché, manifestant ainsi sa volonté de le consommer (Hornuf et
Schwienbacher, 2015).
L’évolution des fonds levés en France en dons et en précommande est présentée dans la
figure suivante.
Figure 4 - Évolution des fonds investis en reward-based CF en France entre 2016 et 2017
Deux formes de prêt participatif peuvent être distinguées (Bouncken et al., 2015). Soit, le
contrat de prêt est établi entre des investisseurs privés qui financent une personne physique,
on parle dans ce cas de « peer-to-peer lending », ou P2P lending (Hemer, 2011 ; Kortleben et
Vollmar, 2012). Soit, il est établi entre des investisseurs, personnes physiques, et une
entreprise (Barasinska et Schäfer, 2010). Cette forme de CF s’adresse à des entrepreneurs qui
souhaitent financer leurs activités, telles que du recrutement, de l’achat de matériel, des
22
extensions de locaux 26 , sans faire entrer d’actionnaires à leur capital (Rossi, 2014). Ils
accèdent ainsi rapidement à des prêts qui sont pour certains sans garantie. La plateforme
française Unilend annonce, par exemple, des financements réalisés en moyenne en 3 jours27.
Pour les prêteurs de ce deuxième type de prêts, le risque principal est le risque de défaut
de l’entreprise créditée. Les plateformes de prêt participatif tentent de le réduire en
sélectionnant des entreprises ayant un historique qui crédibilise leur capacité future de
remboursement et leur solvabilité.
Parfois confondus, le prêt participatif et la microfinance se distinguent par leurs cibles et
leurs objectifs. La microfinance s’adresse exclusivement à des personnes pauvres ou à faibles
revenus en leur allouant des crédits de faibles montants (World Bank, 2013).
La figure suivante montre l’évolution des fonds investis via ce type de prêts en France.
Figure 5 - Évolution des fonds investis en lending CF en France entre 2016 et 2017
26
Source : Unilend.fr [en ligne] rubrique « Emprunter ». Consulté le 07/06/2018.
27
Source : Unilend.fr [en ligne] rubrique « Statistiques ». Consulté le 07/06/2018.
23
2.1.2.2.3.2 Le crowdfunding immobilier (real estate CF)
Le CF avec apport de capital, ou ECF est l’une des formes les plus récentes de CF et une
nouvelle classe d’actifs disponibles sur les marchés du capital-risque (World Bank, 2013).
L’ECF est une sous-catégorie du CF dans laquelle les entreprises en recherche de
financement émettent des titres financiers afin de satisfaire leurs besoins en capitaux et de
financer leur développement global, sans que ces fonds soient fléchés vers un produit ou un
service en particulier (Hemer, 2011).
Il s’agit d’une forme de financement dans laquelle des parts de capital de l’entreprise
financée sont obtenues comme « récompense » de l’investissement (Ahlers et al., 2015 ;
Cholakova et Clarysse, 2015 ; Martínez-Climent et al., 2018). En faisant l’acquisition de parts
de capital de l’entreprise, les investisseurs espèrent en partager les profits et détiennent parfois
des droits de vote (Hornuf et Schwienbacher, 2015).
Hagedorn et Pinkwart (2013) définissent l’ECF comme : « une méthode de financement
pour de jeunes entreprises qui permet l’acquisition de capital en coordonnant la vente de
différents types d’actions à un groupe indéfini d’investisseurs potentiels via des communautés
sociales virtuelles »28.
Le degré de complexité de l’ECF tient dans la manipulation de ces titres financiers. En
effet, avant la campagne en ligne, l’entrepreneur et la plateforme doivent se mettre d’accord
sur la valorisation de l’entreprise afin de déterminer la part globale de capital qui sera cédée
aux investisseurs particuliers. Un contrat financier est ensuite conclu entre la plateforme et
l’entreprise (Hornuf et Schwienbacher, 2015). L’investisseur ne mène pas de négociation en
28
Cette traduction et les suivantes sont celles de la doctorante.
24
direct avec l’entrepreneur. L’investisseur en ECF, que nous appellerons crowdinvestor dans la
suite de notre travail29, a ainsi accès à un produit financier déjà négocié.
À titre indicatif, l’évolution des fonds investis en ECF en France est présentée dans la
figure suivante.
Figure 6 - Évolution des fonds investis en ECF en France entre 2016 et 2017
29
La notion de crowdinvestor est définie dans la section 2.3.
30
AMF [en ligne] www.amf-france.org, Colloque du Conseil scientifique de l'AMF sur les ICO et crypto-actifs.
Publié le 20/06/2018.
25
Pour finir, l’investissement rétribué par des royalties est une forme de CF qu’il convient
également de mentionner. Selon ce type de CF, l’investisseur est considéré comme « co-
créateur » d’une production culturelle, intellectuelle, artistique, etc., aux côtés du créateur. Il
reçoit à ce titre une part de profit au prorata de son investissement et en fonction de
l’exploitation commerciale de la propriété intellectuelle qu’il a contribué à financer (World
Bank, 2013).
Nous venons de décrire les différents types de CF auxquels les porteurs de projets
peuvent faire appel et auxquels les crowdfunders peuvent contribuer.
Il existe également une distinction à opérer concernant les modèles de collecte en vigueur
sur les plateformes.
De manière générale, lorsqu’ils présentent leur projet sur une plateforme de CF, les
porteurs de projets (entreprises ou particuliers) fixent, seuls ou avec la plateforme, un montant
objectif de financement et une durée de collecte.
Deux modèles de collecte identifiés par Cumming, Leboeuf, et Schwienbacher (2014)
s’appliquent alors : le modèle « keep-it-all » (2.1.2.3.1) et le modèle « all-or-nothing »
(2.1.2.3.2).
Les auteurs étudient la plateforme américaine Indigogo afin de mesurer les conséquences
du choix de l’un ou de l’autre de ces modèles sur le succès des collectes de fonds. Ces
modèles ont également des conséquences pour les investisseurs. Nous les présentons
rapidement ci-après.
2.1.2.3.1 Keep-it-all
Selon le modèle Keep -it-all (que nous abrégerons par la suite KIA) le porteur de projet
garde la totalité de la somme collectée, quelle que soit l’issue de la collecte de fonds et même
si le montant obtenu à l’issue de la période de collecte est inférieur à l’objectif fixé
préalablement.
Les entrepreneurs qui sélectionnent le modèle KIA doivent être en mesure de séquencer
leurs projets de développement en fonction du montant des fonds obtenus et de les financer
par « tranches ».
Côté investisseurs, le modèle KIA implique que les fonds seront versés au projet, quand
bien même il serait sous-financé. Les contributeurs doivent alors se contenter de perspectives
moins ambitieuses de développement pour le projet qu’ils ont soutenu.
26
2.1.2.3.2 All-or-nothing
En résumé
Les plateformes de CF font évoluer leurs offres rapidement à la fois pour répondre aux
besoins de financement des entrepreneurs et aux attentes des investisseurs, tout en s’adaptant
aux évolutions de la réglementation. Ainsi, les formes de CF se multiplient et les façons de les
catégoriser également. Nous proposons dans ce travail doctoral de les catégoriser en fonction
de leur proposition de valeur (conformément à Haas, Blohm, et Leimeister, 2014) et en
fonction de la complexité des outils financiers manipulés.
En 1852, Charles Mackay alertait sur la folie des foules (madness of crowds) et 150 ans
plus tard, James Surowiecki (2004) en prône la sagesse (wisdom of crowds).
La foule a des propriétés comportementales particulières qui ont fait l’objet de l’étude de
Gustave Lebon en 1905. Il écrit dans Psychologie des foules qu’il « serait superflu d’ajouter
que l’impuissance des foules à raisonner juste les empêche de n’avoir aucune trace d’esprit
critique, c’est-à-dire, d’être aptes à discerner la vérité de l’erreur, à porter un jugement
précis sur quoi que ce soit. Les jugements que les foules acceptent ne sont que des jugements
imposés et jamais des jugements discutés. »
27
Avec l’expansion du CF, les foules ont désormais la possibilité et la responsabilité de
faire des estimations d’évolution de titres boursiers, comme sur le site Estimize.com qui a fait
l’objet d’une étude de la part de Da et Huang (2015) ; ou bien de prendre des décisions
d’investissements qui étaient jusqu’à lors réservées à des investisseurs dits « professionnels »
et donc considérés comme experts (Mollick et Nanda, 2014).
Selon l’historique réalisé par Larick, Mannes, et Soll (2016), un glissement de la
représentation des foules s’est opéré dans les études de psychologie sociale depuis les
années 1920.
La foule, d’abord décrite comme violente et moutonnière (Lebon, 1905), a été peu à peu
envisagée comme une source potentielle d’idées et d’intelligence. Les chercheurs ont alors
étudié le pouvoir du groupe par rapport à l’individu et ont compris qu’il provenait d’un
principe « simple et élégant » selon Larick, Mannes, et Soll (2016) qui est que la combinaison
des jugements des membres d’un groupe atténue les imperfections individuelles et les avis
extrêmes, permettant ainsi d’isoler la « vision collective de la vérité ».
C’est l’auteur James Surowiecki qui a récemment démocratisé le concept de « wisdom of
crowds », la sagesse des foules, dans son ouvrage du même nom. L’auteur en expose le
principe et démontre sa pertinence : l’agrégation statistique ou mathématique des évaluations
d’un groupe d’individus est plus précise et plus juste que celle d’un individu moyen (Budescu
et Chen, 2015). Certains chercheurs utilisent également la notion d’intelligence collective
comme synonyme (Kiesler et Kittur, 2009).
Dans cette section, nous étudions comment s’exprime l’éventuelle expertise de la foule
(2.1.3.1) et nous nous interrogeons sur la pertinence de l’utilisation de la notion de « foule »
dans le contexte de l’ECF (2.1.3.2).
Le principe de l’intelligence collective repose sur le fait que l’agrégation des opinions
individuelles d’un groupe d’individus est plus efficace que la récolte d’avis d’experts.
L’un des exemples les plus cités afin d’illustrer la puissance de l’intelligence collective
est l’encyclopédie en ligne Wikipédia (Nofer, 2015). Les auteurs bénévoles et amateurs s’y
révèlent aussi précis que des auteurs professionnels, y compris concernant des articles sur des
sujets scientifiques et médicaux (Giles, 2005).
28
L’industrie financière pourrait également bénéficier de cet effet collectif. L’avis de la
foule aurait en effet un caractère prédictif plus robuste que celui des experts, analystes
financiers ou gestionnaires de fonds (Nofer, 2015).
Par exemple, l’étude de la communauté de prédiction boursière en ligne Motley Fool
CAPS a montré que les membres de cette communauté obtenaient de meilleures performances
financières que le S&P 50031 (Hill et Ready-Campbell, 2011).
Nofer (2015) confirme ces conclusions en se basant sur l’analyse de 10 146
recommandations effectuées par les membres d’une communauté d’analyse boursière en
ligne. Ses résultats révèlent que sur une base annuelle, les recommandations réalisées
permettaient d’obtenir un retour sur investissement (ROI 32 ) supérieur de 0,59 point aux
investissements réalisés par des professionnels.
Avery et al. (2015) trouvent également que les évolutions des titres sur le marché boursier
sont anticipées par les particuliers du site de prévisions boursières qu’ils étudient. De même,
les opinions communiquées au travers d’articles postés sur les réseaux sociaux et des
commentaires en réponse à ces articles prédisent les futurs rendements boursiers du marché
(Chen et al., 2014).
Bien que la supériorité des décisions agrégées sur les décisions individuelles ait été
prouvée de manière générale (Budescu et Chen, 2014 ; Larick, Mannes, et Soll, 2016) et dans
le contexte financier, les conclusions ne peuvent être transposées telles quelles au contexte du
CF. En effet, le CF ne permet pas d’établir un critère clair pour définir ce qui est « prédit »
(succès des collectes, pérennité des entreprises financées, capacités futures de financement,
etc.) (Mollick et Nanda, 2014). Selon ces auteurs, les différences de fonctionnement entre la
foule et les experts sont d’ailleurs particulièrement frappantes dans ce contexte. Le
financement participatif est démocratique, les échanges sont ouverts, voire publics, et les
crowdfunders sont peu, si ce n’est pas, organisés, contrairement aux experts (Wenger et
Snyder, 2000).
Afin d’identifier une éventuelle expertise de la foule, Mollick et Nanda (2014) ont étudié
les investissements réalisés par des particuliers, dans des projets théâtraux, sur la plateforme
américaine Kickstarter.
Les auteurs ont présenté les mêmes projets théâtraux à un panel d’experts pour comparer
leurs décisions d’investissement à celles prises par les investisseurs particuliers. Il résulte de
31
Le S&P 500 est un indice boursier qui repose sur 500 entreprises cotées aux bourses NASDAC et au NYSE et
qui est gérée par l’agence de notation américaine Standard & Poors.
32
Dans la suite de ce travail doctoral nous désignons le « retour sur investissement » sous l’acronyme ROI.
29
cette expérience qu’il existe une forte similitude entre les décisions d’investissements des
deux groupes.
La foule n’est donc pas « folle » et elle aurait même du « nez ». En effet, elle a contribué à
financer des projets que les experts avaient rejetés, mais qui ont pourtant connu des succès
commerciaux et reçu des critiques positives (Mollick et Nanda, 2014).
L’émergence d’une intelligence collective est toutefois conditionnée à l’indépendance des
membres et leur diversité au sein de la « foule » (Larick, Mannes, et Soll, 2016).
Mollick et Nanda (2014) confirment que ce que l’on perçoit comme le « jugement de la
foule » des crowdfunders est bien un ensemble agrégé d’actions émanant d’une multitude
d’individus qui ont fait de petites contributions à un projet global. Ils ne se coordonnent pas
entre eux et ne sont pas coordonnés par un agent extérieur.
Les conditions d’émergence d’une intelligence collective semblent donc réunies
(multitude, indépendance, hétérogénéité), mais il reste à statuer sur la pertinence du terme
de « foule » dans le contexte du CF.
Selon Poetz et Schreier (2012), la foule « est une population potentiellement grande et
inconnue » (p.246). Dans le contexte du CF, Gerber et Hui, (2013) lui préfère plutôt la notion
de « communauté » de crowdfunders. Selon eux, le CF créé des interactions sociales qui
encouragent les individus à participer au financement de projet, générant un « sentiment de
connexion dans une communauté d’intérêts et d’idéaux ». De même, d’après Bessière et
Stéphany (2014), « la foule peut s’analyser sous l’angle communautaire. Par définition, une
communauté est un groupe d’individus qui partagent des objectifs et des valeurs communes ».
Cette approche rejoint la définition que Barnett (1998) donne d’une « communauté
virtuelle » qu’il décrit comme « n’importe quel groupe d’individus qui partagent un intérêt
commun et qui ne dépendent pas d’interactions physiques ou d’un lieu géographique commun
pour maintenir leurs affinités au sein du groupe ».
Ceci est cohérent avec le fait que le CF dans son acception moderne est indissociable
d’un environnement virtuel. Dans le cas présent, nous ne serions donc pas en présence d’une
« foule » de crowdfunders, mais d’une multitude de « communautés » hébergées sur des
plateformes de CF, dont les membres se ressemblent par leur intérêt pour l’investissement
participatif, mais se distinguent par leurs choix d’investissement. Certains privilégient
30
l’investissement en dons, d’autres l’achat de parts sociales ; certains choisissent de soutenir
des projets artistiques, d’autres des entreprises de biotechnologies.
Mollick et Nanda (2014) vont même plus loin en affirmant que la foule dans le CF
« consiste principalement en un groupe d’amateurs non coordonnés » dont les profils sont
très variés. Ces groupes informels rassemblent des entrepreneurs, des consommateurs
potentiels, des spécialistes en finance, des BAs, etc. (Vismara, 2016).
Pour conclure, la notion de foule n’est pas la plus appropriée. Plutôt que de voir les
communautés des plateformes comme une foule désincarnée, il convient, selon Salomon
(2018), de la présenter comme « un maillage social d’individus ancrés dans un
environnement (extra) local qui les aide à dégager du sens de leurs activités
d’investissement ».
En résumé
La notion de foule cache la richesse des comportements des individus qui la composent.
Certes, les conditions d’émergence d’une intelligence collective pour la sélection de projets
sont réunies (multitude, indépendance et hétérogénéité des individus qui composent le
groupe). Cependant, la variété des profils des crowdfunders et de leurs motivations incite à les
appréhender comme les membres de communautés en ligne voire comme des individus en
réseaux.
Quelle que soit la forme de CF étudiée, trois parties prenantes centrales entrent
systématiquement en interaction (Tomczak et Brem, 2013) : le porteur de projet en recherche
de financement, l’investisseur ou le donateur et la plateforme qui facilite, si ce n’est permet
leur rencontre (Belleflamme, Lambert, et Schwienbacher, 2010) (cf. Figure 7).
Boyer et al. (2016, p.17) évoquent aussi ce triptyque en précisant que « le crowdfunding
est la rencontre de trois acteurs : un entrepreneur/émetteur, une plateforme/opérateur, un
épargnant/investisseur ».
Moritz et Block (2014) ont d’ailleurs fait le choix d’une structuration de leur revue de
littérature en fonction de ces trois acteurs principaux du processus de l’ECF : les demandeurs
de capital (entrepreneurs), les offreurs de capital (investisseurs) et les intermédiaires
(plateformes de CF). Nous adoptons la même approche dans cette section afin de présenter les
31
Il est vrai que plusieurs campagnes de CF en dons ou en précommande ont été réalisées
sans intermédiaire, notamment celle de BrewDog, une société anglaise productrice de bière33.
Cette brasserie indépendante, connue pour ses campagnes de CF rythmées et ses « Punks de
l’equity », nom donné à ses investisseurs particuliers, a levé en 2018 plus de 11,4 millions de
livres sterling en 90 jours auprès de 24 000 contributeurs34.
Le développement d’internet permet la gestion d’une telle quantité de contributeurs, car il
permet de réduire les coûts de communication, de recherche et de traitement de l’information
(Agrawal, Catalini, et Goldfarb, 2013). Cependant, la complexité de mise en œuvre juridique
et réglementaire de l’ECF implique d’associer à l’outil numérique des expertises juridiques et
réglementaires. BrewDog a les moyens de mettre en place un tel service juridique et financier,
mais ce n’est pas le cas de toutes les entreprises, a fortiori celles en recherche de fonds. Les
plateformes se sont ainsi imposées comme des éléments incontournables du processus d’ECF.
En outre, les dernières évolutions réglementaires (cf. 1.1.2) tendent à responsabiliser les
plateformes qui ne peuvent désormais plus se contenter de jouer le rôle d’intermédiaire
« transparent ». Au contraire, leur rôle s’est étendu et, bien que leur étude ne soit pas l’objet
de notre travail de recherche, il convient de comprendre leur rôle dans le processus de l’ECF.
Nous présentons ci-après les rôles et fonctions des plateformes d’ECF (2.2.1.1), ainsi que
leurs modalités d’intervention (2.2.1.2).
Les plateformes d’ECF peuvent être étudiées selon deux points de vue.
Le premier consiste à les considérer comme des places de marchés du financement
(Koning et Model, 2013). Elles agrègent et utilisent des technologies développées grâce à
internet telles que les moteurs de recherche, les forums et les systèmes de vérification par des
tiers (Koning et Model, 2013). Leur fonction principale est alors de réduire drastiquement les
coûts de transaction d’agrégation de petites sommes qui seraient autrement prohibitifs.
La seconde approche consiste à étudier les plateformes en tant qu’intermédiaires
financiers. Elles offrent des services dans un marché imparfait qui est caractérisé par des
coûts de transaction et des asymétries d’informations. Elles sont, au même titre que des
intermédiaires financiers traditionnels, des facilitatrices de consommation et des fournisseuses
de liquidités (Haas et al., 2014). Nous nous inscrivons dans cette approche qui considère
33
Source : Telegraphe.co.uk. « BrewDog keep the taps open aftern hitting 10M crowdfunding mark » by Bradley
Gerrad, 15 january 2018.
34
Ibid.
33
matérialisent un espace unique de communication, d’information et d’exécution (Bouncken et
al., 2015). Par exemple, la plateforme française d’ECF WiSEED régule les demandes en
mettant en place de files d’attente électroniques pour assurer le bon fonctionnement du
système au moment de la souscription35.
En adoptant ces pratiques, les plateformes d’ECF permettent de réunir une multitude
d’investisseurs particuliers et de changer d’échelle de levée de fonds.
Les plateformes ont pour rôle de gérer, si ce n’est de minimiser, l’incertitude et le risque
pour les deux parties qui se rencontrent (Allen et Santomero, 2001). Pour ce faire, elles
présélectionnent des opportunités d’investissement qu’elles présentent aux investisseurs en
jouant le rôle de tiers de confiance, neutre, objectif et intègre (Bakos, 1998). Elles réalisent
également une due diligence (un audit approfondi) afin d’assurer que l’entrepreneur est
crédible (Hornuf et Schwienbacher, 2014), sur la base d’éléments qui tendent à
s’homogénéiser : le business plan, le type de produits financiers offert, le pourcentage de
capital cédé ou encore le montant de la levée de fonds qui est déjà sécurisée (World Bank,
2013).
Côté investisseurs, la plupart des plateformes obligent leurs membres à s’inscrire et à se
connecter pour accéder aux informations détaillées concernant les projets. Les investisseurs
potentiels peuvent interagir avec les entrepreneurs qui communiquent des actualités tout au
long de la campagne de levée de fonds, contribuant ainsi à réduire les asymétries
d’informations. Elles permettent en outre aux participants de développer un sentiment de
confiance (Burtch, Ghose, et Wattal, 2013) notamment grâce aux relations entre agents
qu’elles favorisent (Lin, Boh et Goh, 2014).
Enfin, les plateformes sont responsables du respect des réglementations contre la
criminalité financière, dont le blanchiment d’argent (World Bank, 2013).
35
Cette affirmation est tirée de l’observation faite du terrain d’étude. À notre connaissance, aucun article de
recherche ne documente cette pratique.
36
Un projet early-stage est un projet peu mature dans son développement.
35
volonté de donner des conseils ou de faire des suggestions à l’entrepreneur. Toutes ces actions
peuvent désormais se faire en ligne, au travers de l’interface de la plateforme qui diffuse
l’information sur les opportunités d’investissements (Ahlers et al. 2013; Mitra et Gilbert,
2014). Tous les projets sont présentés selon les mêmes standards, ce qui facilite la recherche
d’information pour l’investisseur (Agrawal, Catalini, et Goldfarb, 2015).
Nous venons de montrer l’importance du rôle des plateformes dans la gestion du marché
biface de l’ECF. Si leurs rôles sont relativement homogènes, leurs modalités d’intervention
peuvent varier en ce qui concerne l’organisation de la prise de participation des investisseurs
au capital d’une entreprise (2.2.1.2.1) et leurs modes de facturation (2.2.1.2.2). En revanche,
le processus d’ECF depuis la sélection des cibles d’investissement jusqu’au suivi de
participation semble être générique (2.2.1.2.1).
36
2.2.1.2.1.1 Modèle de « holding »
Les particularités des plateformes concernent tout aussi bien leurs pratiques que leurs
modalités financières (Wallmeroth, Wirtz, et Groh, 2018). Belleflamme et al. (2015)
identifient 3 sources de revenus potentiels pour les plateformes : un pourcentage perçu sur
37
Voir Anaxago [en ligne],www.anaxago.com, (consulté le 16/09/2018).
37
Encadré 7 - Synthèse de la section 2.2.1
En résumé
Les plateformes d’ECF peuvent être envisagées à la fois comme des places de marché du
financement et comme des intermédiaires financiers basés sur des technologies numériques.
Les diverses réglementations nationales tendent à les orienter vers l’intermédiation financière
qui leur confère plusieurs rôles : la standardisation des processus d’investissement, la
réduction des risques pour les investisseurs en assurant des contrôles des cibles
d’investissement, la production et la diffusion d’informations à toutes les parties prenantes
(entrepreneurs, investisseurs et tierces parties). Enfin, elles ont un rôle d’outil de
communication pour les entrepreneurs et les investisseurs.
Chaque plateforme présente des spécificités de fonctionnement. Cependant, il est possible
de les distinguer en fonction de leur choix de syndiquer les investisseurs dans des holdings ou
non. De plus, chaque plateforme a un modèle économique qui lui est propre, mais qui repose
en général sur un pourcentage de la collecte, des services supplémentaires facturés à
l’entrepreneur et/ou des frais prélevés sur l’investissement. Enfin, le processus d’ECF est
somme toute standard, avec 7 étapes qui se déroulent séquentiellement hors ligne puis en
ligne.
Estrin, Gozman, et Khavul (2018) ont réalisé une recherche qualitative longitudinale pour
recenser, entre autres, les raisons qui poussent les entrepreneurs à se financer en ECF. Les
huit motivations avancées par les entrepreneurs pour recourir au ECF sont : (1) accéder
rapidement à une large communauté d’investisseurs (2) mobiliser une base de clients loyaux
(3) modifier les modalités de contrôle de la firme en accroissant le nombre d’actionnaires (4)
accéder rapidement à des montants conséquents de capitaux (5) faire connaître l’entreprise/le
produit/le service (6) accéder aux réseaux des investisseurs (7) digitaliser le processus
d’investissement. Cela permet aux entrepreneurs de s’affranchir des rencontres physiques et
39
de communiquer via des vidéos et des visioconférences et (8) créer éventuellement un
« buzz » autour de la levée de fonds.
Nous retenons trois bénéfices majeurs attendus par les entrepreneurs : obtenir une source
de financement alternative (2.2.2.1.1), tester des concepts (2.2.2.1.2) et favoriser le
développement commercial de l’entreprise (2.2.2.1.3).
Devant la difficulté d’accéder au capital pour les jeunes entreprises (2.2.2.1.1.1), l’ECF se
positionne comme un mode de financement alternatif, voire complémentaire, aux
investisseurs traditionnels (2.2.2.1.1.2).
40
Tableau 4 - Types d’investisseurs en capital
Investisseur Description
Entrepreneur et L’entrepreneur investit son argent personnel dans la
membres de l’équipe société, ou l’argent obtenu par un prêt personnel.
La famille et les amis de l’entrepreneur investissent
Familles et amis
dans la société.
Business angels (BAs) Individus fortunés prêts à investir dans de petits projets
Equity
Malgré ces diverses sources de financement, de nombreuses jeunes sociétés restent sous-
capitalisées (Belleflamme, Lambert, et Schwienbacher, 2014), les conduisant au dépôt de
bilan, et ce, par manque de succès auprès d’investisseurs traditionnels comme les VCs et les
BAs (Chen, Chen, et Wei, 2009 ; Kirsch, Goldfarb, et Gera, 2009).
Ce manque dans la chaîne de financement, matérialisé sur la Figure 10, est appelé un
« equity gap ». Il est défini par Mason et Harrison (1996) comme « l’absence de petits
montants de capital-risque émanant des sources institutionnelles pour les entreprises en
phase d’amorçage, de lancement et de développement. Ce manque est dû à des coûts fixes
41
Des difficultés de financement généralisées apparaissent dans les premières années d’activité
des entreprises. La question se pose de savoir si l’ECF est un mode de financement alternatif
ou bien complémentaire aux acteurs traditionnels.
Des entreprises qui avaient des difficultés à attirer du capital ont accès, avec l’ECF, à
toutes personnes désireuses d’investir (Bradford, 2012), indépendamment de considérations
géographiques (Agrawal, Catalini, et Goldfarb, 2013), ce qui rend plus aisée l’obtention de
capital auprès d’un groupe qui génère des externalités positives en sélectionnant, a priori, les
projets ayant le potentiel le plus élevé (Rossi, 2014).
L’ECF permet de collecter de l’argent pour des projets de niche hyperspécialisés qui
n’auraient pas trouvé de fonds auprès de sources de financement traditionnelles (Haas,
Blohm, et Leimeister, 2014). Ce mode de financement contribue également à diminuer les
coûts transactionnels et les asymétries d’information, du fait de l’utilisation d’internet et
d’outils numériques (Agrawal, Catalini, et Goldfarb, 2011). Les plateformes peuvent se
permettre de financer des projets ayant des besoins de financement restreints, contrairement
aux VCs qui ont des tickets d’investissement minimum conséquents (Agrawal, Catalini, et
Goldfarb, 2011).
Enfin, l’ECF peut constituer une source complémentaire de financement. Les résultats de
Walthoff-Borm, Schwienbacher et Vanacker (2018) indiquent que l’utilisation de l’ECF par
les entrepreneurs se fait en dernier recours, faute de trouver d’autres investisseurs plus
traditionnels. L’ECF peut alors « s’insérer dans un processus de financement séquentiel où le
BA intervient ensuite » (Bessière et Stéphany, 2014). En effet, d’après les auteurs, une
campagne en ECF peut fournir des informations aux futurs investisseurs sur la réception du
produit ou du service par le public des investisseurs. L’ECF permet alors de diminuer les
incertitudes des BAs et de favoriser leur investissement.
Notons que l’ECF peut également compléter d’autres sources de financement dès la
première collecte. De nombreuses levées de fonds se clôturent désormais en associant des
crowdinvestors et des BAs, voire même des VCs qui viennent compléter les tours de table.
Ces nouvelles pratiques sont facilitées, si ce n’est permis, par l’utilisation de holding pour
43
réunir l’ensemble des actionnaires particuliers qui sont représentés par une unique personne
morale, aux côtés des BAs ou des VCs.
La mise sur le marché est une étape importante du développement de l’entreprise, surtout
pour des sociétés innovantes qui conçoivent des produits ou services pour des marchés
naissants. L’ECF peut, là encore, permettre de franchir ce cap en fédérant une communauté
d’investisseurs qui peuvent devenir de potentiels clients de l’entreprise (Bouncken, Komorek,
et Kraus, 2015) ou tout du moins des aficionados de la société (Rossi, 2014). De même,
l’entrepreneur peut se servir d’une base de clients déjà existante dans le but de les transformer
en investisseurs (Estrin, Gozman, et Khavul, 2018). Le potentiel de marché peut alors être
exploité plus efficacement (Belleflamme, Lambert, et Schwienbacher, 2014).
Là où le CF par précommande peut permettre de mesurer l’appétence d’un marché pour
un produit spécifique, la participation d’investisseurs en capital peut permettre de tester un
sentiment général vis-à-vis d’un marché. En effet, tous les investisseurs ne deviendront pas
des clients, mais ils fourniront à l’entrepreneur des informations pour choisir une cible de
marché optimale (Moser, Garaus, et Lettl, 2017 ; Schwienbacher et Larralde, 2010).
44
À présent que les bénéfices de l’ECF pour les entrepreneurs ont été évoqués, il convient
d’en rappeler les risques.
Les risques liés à ce mode de financement pour les entrepreneurs sont le risque d’échec
(2.2.2.2.1), le risque de perte de temps (2.2.2.2.2) et le risque de plagiat (2.2.2.2.3).
Nous avons évoqué dans les motivations à faire appel à l’ECF, la volonté de la part
des entrepreneurs d’obtenir des fonds rapidement et facilement. Pourtant, d’après Estrin,
Gozman, et Khavul (2018), contrairement à la perception générale, lever des fonds via une
plateforme d’ECF peut s’avérer fastidieux et long d’un point de vue administratif. En effet,
les audits réalisés par les plateformes sont décrits dans les témoignages que les auteurs ont
récoltés comme très approfondis et les contraintes réglementaires comme lourdes. Valančienė
et Jegelevičiūtė (2013) évoquent eux aussi le « challenge administratif et comptable » que
représente l’ECF.
45
leur entreprise et dévoiler leurs idées, tout en communiquant à une audience plus large qu’en
finance traditionnelle (Belleflamme, Lambert, et Schwienbacher, 2014). Les risques de plagiat
et d’espionnage industriel de la part de concurrents en sont accentués (Valančienė et
Jegelevičiūtė, 2013).
Or, pour une activité en lancement qui repose sur des innovations technologiques, la
protection de la propriété intellectuelle est décisive, mais les entrepreneurs peuvent manquer
de connaissances pour protéger leurs idées et leur business plan (Valančienė et Jegelevičiūtė,
2013).
En conséquence, les entrepreneurs semblent d’autant plus réticents à dévoiler des
informations que les investisseurs en ECF sont nombreux et qu’ils manquent de
professionnalisme (Schwienbacher et Larralde, 2010).
En résumé
L’ECF offre plusieurs bénéfices aux entrepreneurs en recherche de financements.
Premièrement, l’ECF vient compléter d’autres sources de financement traditionnelles et
permet de réduire l’equity gap rencontré au début de la vie de l’entreprise. Au-delà de l’apport
de fonds, l’ECF permet à l’entrepreneur(e) de tester son idée, de convaincre des investisseurs
early-adopters qui seront pour certains des ambassadeurs du projet, des sources de réseau et
de business. La contrepartie de l’accès à des dizaines d’investisseurs en ligne est le risque de
plagiat, le risque de perte de temps et le risque d’échec public de la levée de fonds.
46
les facteurs l’influençant feront quant à eux l’objet d’une revue de littérature approfondie dans
les sous-sections 0 et 2.3.5.
47
Tableau 5 - Travaux de recherche identifiés dans la revue de littérature sur le profil
des crowdinvestors
Les crowdinvestors sont des individus éduqués (2.3.1.1.1), principalement des hommes
(2.3.1.1.2), qui investissent moins que les BAs (2.3.1.1.3), sans critère géographique
particulier (2.3.1.1.4).
Les BAs sont décrits par Feeney, Haines Jr, et Riding (1999) comme des individus
éduqués, fortunés et possédant une expérience entrepreneuriale qu’ils souhaitent mettre au
service de jeunes entreprises (Morrissette, 2007).
Dans le mécanisme de l’ECF, les opportunités d’investissement sont accessibles à toute
personne majeure inscrite sur une plateforme d’ECF donnée (Joo, 2017).
On pourrait s’attendre à ce que les crowdinvestors manquent de connaissance et
d’expérience (Ahlers et al., 2015). Pourtant, Scheder et Kaegaard (2014), s’appuyant sur 20
48
entretiens semi-dirigés, montrent qu’il existe des profils similaires chez les BAs et chez les
crowdinvestors. Les investisseurs interviewés savent qu’ils réalisent un investissement très
risqué, présentent un haut niveau d’études supérieures et possèdent des expériences en bourse
ou en investissement.
Une surreprésentation des hommes est observée parmi les BAs puisqu’ils représentent
95 % des effectifs en Europe et 90 % aux États-Unis (Harrison et Mason, 2007).
Dans le contexte de l’ECF, Cholakova et Clarysse (2015) trouvent un pourcentage plus
élevé de femme (23 %) dans leur échantillon (155 questionnaires complets renseignés par des
crowdinvestors). Cependant, Hervé et al. (2016), en étudiant les investissements réalisés par
10 142 particuliers sur la plateforme française WiSEED, trouvent des ratios très similaires à
ceux relevés chez les BAs, à savoir que 93 % des investissements ont été faits par des
hommes, ce qui corrobore les résultats de Wallmeroth (2017) et de Cumming et al. (2017).
Les investisseurs en ECF sont considérés comme « petits », c’est-à-dire qu’ils investissent
de petits montants et qu’ils reçoivent en échange de petites portions de capital (Ahlers et al.,
2015).
En France, le montant moyen investi par un crowdinvestor en ECF est de 7 745 €38 ce qui
est à mettre en perspective avec les 12 600 €39 investis en moyenne par un BA.
Cette différence significative se traduit naturellement par une différence tout aussi
importante dans la part de capital que l’investisseur reçoit en échange de sa contribution. Sur
la plateforme américaine Crowdcube, les entreprises cèdent en moyenne 13,8 % de capital et
réunissent environ 152 investisseurs. Cela signifie que chaque crowdinvestor obtient moins de
0,1 % du capital de l’entreprise (Signori et Vismara, 2016). Ces moyennes ne mettent
cependant pas en évidence les cas exceptionnels où des investisseurs professionnels injectent
de fortes sommes au travers d’une plateforme. Signori et Vismara (2016) citent l’exemple de
Sugru, un projet britannique produisant une glu modulable financé à hauteur d’un million de
livres par un seul contributeur.
38
Source : Baromètre du crowdfunding (2017)
39
Source : Statistiques France Angels (2017)
49
2.3.1.1.4 Les crowdinvestors investissent indifféremment de la
localisation géographique de l’entreprise
50
comme « out-crowd » (hors communauté), a contrario des individus « in-crowd » (intra-
communauté).
Nous présentons, en fonction de ces trois caractéristiques, les trois types d’investisseurs
présents sur les plateformes d’ECF qui se distinguent du profil type dessiné précédemment :
les investisseurs institutionnels (2.3.1.2.1), les investisseurs sophistiqués (2.3.1.2.2) et les
proches de l’entrepreneur (2.3.1.2.3).
Depuis quelques années, des investisseurs institutionnels placent des fonds sur les
plateformes de CF aux côtés des particuliers. Ce sont des banques, des fonds mutualisés, des
fonds de pension, des compagnies d’assurances, etc., qui investissent pour le compte de leurs
membres. Ces organisations sont caractérisées par leur expertise de l’investissement, leur
capacité financière et leur capacité à sélectionner des placements générant des retours élevés
(Zheng, 1999).
LendingClub et Prosper.com, deux plateformes de P2P lending, ont proposé des
programmes d’investissement à ces acteurs institutionnels dès 2012 (Lin, Boh, et Goh, 2017).
Les fonds institutionnels représentent désormais plus de deux tiers du volume collecté sur
LendingClub (Lin, Boh, et Goh, 2017).
En ECF, l’investissement est également accessible à ce type d’acteurs. Crowdcube,
plateforme leader du marché britannique, confirme que les tours de table qui impliquent des
investisseurs institutionnels ont quadruplé entre 2014 et 2017. Les investisseurs institutionnels
auraient financé 14 % des startups présentées sur les plateformes d’ECF en 201640.
40
Financial Times [en ligne] : https://www.ft.com/content/235b5198-08ce-11e7-ac5a-903b21361b43 (consulté
le 09/08/2018).
41
La SEC (Securities and Exchange Commission) distingue, dans la Rule 506(b), les investisseurs accrédités des
investisseurs non-accrédités mais sophistiqués, qui peuvent avoir accès, à certaines conditions à des appels de
fonds privés. Les premiers sont des investisseurs qui peuvent justifier d’un patrimoine personnel de plus d’1
million de dollars, hors de leur résidence principale et avoir un niveau de revenu annuel de plus de 200K$. Les
investisseurs sophistiqués sont définis quant à eux comme es investisseurs ayant une connaissance et une
expérience suffisante en finance et en business pour leur permettre d’évaluer les risques et les avantages de
l’investissement envisagé. Nous remarquons le caractère subjectif de cette définition.
51
devenir éligibles à l’achat de produits financiers particulièrement risqués. Enfin, ils doivent en
théorie pouvoir assumer une perte totale de leur investissement sans mettre à risque leur
patrimoine personnel.
Dans le contexte de l’ECF, le degré de sophistication des crowdinvestors les plus actifs
est encore débattu (Wallmeroth, 2017 ; Ahlers et al., 2015 ; Vismara, 2016). Les chercheurs
s’accordent toutefois à dire que les crowdinvestors qui engagent le plus de fonds ont un degré
de sophistication plus important que les autres et jouent un rôle central en tant que sous-
groupe (Wallmeroth, 2017).
Ceux-ci sont également plus enclins à dévoiler leur identité (Vismara, 2016), se
caractérisent par un niveau d’étude plus élevé, une expérience sectorielle plus élevée et un
historique d’investissement plus grand qu’un crowdinvestor au profil classique (Vismara,
2016).
Scheder et Kaegaard (2014) argumentent pour ne pas considérer la famille et les amis
(friends & family) comme des crowdinvestors, car leurs motivations et leurs processus
décisionnels sont très différents de la définition d’un crowdinvestor telle que donnée dans
l’introduction de cette sous-section. En effet, ces investisseurs d’un jour réalisent un
placement ponctuel. Leur engagement dans l’ECF n’est que le résultat d’un appel lancé par
une personne de leur entourage. Ils ne sont pas motivés par le fait de soutenir l’entrepreneuriat
en général, mais seulement par le fait de soutenir un proche.
Ils présentent plusieurs spécificités, établies par Agrawal, Catalini et Goldfarb (2011) :
- Ils investissent dans une entreprise en particulier, avant d’éventuellement investir
dans d’autres.
- Ils rejoignent une plateforme d’ECF à l’occasion de la campagne de collecte de
fonds pour laquelle ils sont sollicités par un proche.
- L’investissement dans l’entreprise en question est le plus important qu’ils font en
ECF.
Dans nos développements futurs, nous nous intéresserons au comportement des
crowdinvestors in-crowd (Polzin, Toxopeus, et Stam, 2018). Cependant, nous n’exclurons pas
les amis et la famille (out-crowd) de notre étude, car ils ont un rôle au sein de la communauté
d’investissement. Ces individus investissent particulièrement tôt pendant la collecte (Agrawal,
Catalini, et Goldfarb, 2013) ce qui contribue à envoyer un signal positif aux autres
52
investisseurs et à réduire les asymétries d’informations qui sont marquées au début de la
campagne de levée de fonds (Agrawal, Catalini et Goldfarb, 2011).
En résumé
Les crowdinvestors partagent des caractéristiques communes avec les BAs : ce sont
principalement des hommes expérimentés qui investissent leur argent personnel dans des
entreprises non cotées en bourse. Il n’en demeure pas moins que des différences structurelles
les distinguent, notamment la taille mesurée de leurs investissements et l’absence de biais
géographiques dans leur décision d’investissement.
Plusieurs types de crowdinvestors coexistent sur les plateformes et présentent des niveaux
d’expertise et de capacité financière très variables. Les investisseurs institutionnels sont des
personnes morales ayant une forte capacité d’investissement. Les investisseurs sophistiqués
sont des personnes physiques, fortunées et expérimentées. Enfin, les « friends and family »
(amis et famille de l’entrepreneur) ont pour caractéristiques une éducation financière très
faible et une faible capacité d’investissement.
Des études exploratoires ont été menées afin de comprendre les motivations des
crowdfunders à donner (Agrawal, Catalini, et Goldfarb, 2015 ; Gerber et Hui, 2013), et à
prêter (Herzenstein, Sonenshein, et Dholakia, 2011). Les motivations mises en évidence sont
la volonté de faire partie d’une communauté, le désir de soutenir des causes, de recevoir une
récompense et une forme de reconnaissance (Gerber et Hui, 2013 ; Ryu et Kim, 2014).
Cependant, il convient de s’interroger sur la pertinence de ces résultats dans le contexte
spécifique de l’ECF.
Le retour sur investissement est la principale motivation des BAs selon Metrick et
Yasuda (2010).
Nous pouvons présumer que les crowdinvestors, à la fois membres de plateformes en
ligne et investisseurs en capital, partagent des motivations communes à la fois avec les autres
types de crowdfunders et avec les BAs. Nous ne pouvons que le supposer, car la littérature sur
les motivations des individus à investir en capital dans de jeunes entreprises est encore
balbutiante et ne grandit que depuis peu (Estrin et al., 2018 ; Bretschneider, 2017 ; Moysidou
et Spaeth, 2016).
53
Les chercheurs s’appuient, pour l’enrichir, sur la littérature concernant les motivations à
participer en crowdsourcing (Bretschneider, Knaub, et Wieck, 2014), sur la littérature
concernant l’investissement des particuliers (telle que le propose Joo, 2017 dans sa thèse) ou
encore sur les motivations de BAs (choix assumé par Scheder et Kaegaard, 2014, dans leur
thèse). L’étude empirique de Bretschneider et Leimeister (2017) contribue à combler ce
manque dans la littérature en montrant que des motivations pro-sociales côtoient les
motivations égoïstes des crowdinvestors.
La théorie d’auto-détermination (self-determination) de Ryan et Deci (2000) s’intéresse
aux facteurs qui poussent un individu à agir d’une certaine façon. D’après cette théorie, il
convient de distinguer deux types de motivations : les motivations extrinsèques (2.3.2.1) et les
motivations intrinsèques (2.3.2.2).
Nous les présentons ci-après en nous appuyant sur les travaux exploratoires concernant le
comportement des crowdfunders et sur la littérature qui explore le comportement des BAs.
54
Auteurs Terrain Méthode Titre de l’article
The New Ways to Raise Capital:
Revue de
Rossi (2014) - An Exploratory Study of
littérature
Crowdfunding
Modèle Not just an ego-trip- Exploring
Bretschneider et
Innovestment d’équations backers’ motivation for funding
Leimester (2017)
structurelles in incentive-based crowdfunding
Schwienbacher et Projet Media No Crowdfunding of small
Étude de cas
Larralde (2010) Mad (ECF) entrepreneurial ventures
Hervé, Manthé,
Sannajust, Analyses Investor Motivations in
WiSEED (ECF)
Schwienbacher économétriques Investment-Based Crowdfunding
(2016)
Si un individu réalise une action dans le but d’obtenir une gratification, de l’argent ou de
la reconnaissance, il est mené par des motivations extrinsèques (Ryan et Deci, 2000). Celles-
ci ne sont pas liées à l’action de l’individu en elle-même, mais à son environnement.
Les crowdinvestors semblent être principalement motivés à investir en ECF par la
perspective d’obtenir un ROI (2.3.2.1.1), d’accéder à de nouvelles opportunités de placement
(2.3.2.1.2) et de répondre à des besoins fonctionnels personnels (2.3.2.1.3).
L’une des motivations les plus évidentes à investir en capital dans une entreprise est la
perspective d’obtenir un ROI et, plus généralement, la perspective d’obtenir une récompense
(Bretschneider et Leimeister, 2017).
Cette motivation est également l’une des principales observées chez les BAs, même si
elle est associée à de nombreuses autres, non financières. Les BAs investissent en capital dans
des entreprises en démarrage et prévoient de détenir leurs titres pendant 4 à 7 ans. Ils espèrent
réaliser une plus-value de 20 à 40 % au moment du rachat de l’entreprise ou de l’entrée au
capital d’un nouvel investisseur qui rachèterait leurs titres (Feeney, Haines Jr, et Riding,
1999).
La démarche des crowdinvestors est identique. Ils reçoivent de petites parts de capital en
échange de leur investissement et sont menés par des motivations extrinsèques d’ordre
financier (Collins et Pierrakis, 2012). Cholakova et Clarysse (2015) mettent en évidence au
55
sein de leur échantillon que seules les motivations liées à l’obtention d’un retour financier
prédisent l’investissement en ECF.
Cela est conforme avec l’étude d’Estrin et al. (2018) qui identifient 11 raisons pour
participer financièrement à un projet en ECF. Elles ne seront pas toutes énumérées dans cette
sous-section, mais trois d’entre elles sont liées à des motivations d’ordre financier : (a) attente
d’un fort ROI (b) perspective d’un retour à moyen terme et (c) réduction d’impôts liés à
l’investissement.
Les potentielles réductions d’impôts et taxes favorisées par certains pays pour les
investisseurs en ECF sont également identifiées par Scheder et Kaegaard (2014) comme
faisant partie des motivations financières.
Selon les montages financiers et les plateformes, le ROI peut se faire sous la forme d’un
versement de dividendes ou lors de la sortie du capital de l’entreprise. À noter que la
perspective d’une sortie du capital de l’entreprise est généralement la solution la plus rentable
et la plus attendue par les investisseurs en termes de bénéfices. Il s’agit pourtant de l’option la
moins probable.
En effet, l’éventualité d’un rachat de l’entreprise est impossible à prédire. Signori et al.
(2016) ont estimé le ROI moyen annuel hypothétique pour les crowdinvestors à 8,8 %.
L’attrait pour un tel rendement est d’autant plus fort que les crowdinvestors se déclarent déçus
par les faibles profits générés par des investissements plus classiques (Estrin et al., 2018).
Les crowdfunders sont considérés par la littérature sur le CF comme des individus
rationnels qui cherchent à maximiser leur utilité et qui développent des besoins personnels en
42
Source : Invesdor [en ligne], www.invesdor.com (consulté le 16/09/2018)
43
Sources : Seedrs [en ligne], www.seedrs.com (consulté le 16/09/2018)
44
Source : WiSEED [en ligne], www.wiseed.com (consulté le 16/09/2018)
45
Source : Anaxago [en ligne], www.anaxago.com (consulté le 16/09/2018)
56
fonction des projets qu’ils découvrent, si tant est que le produit et le projet correspondent à
leurs valeurs et à leurs buts (Ordanini et al., 2011).
Par son investissement, le crowdinvestor fait ainsi du « lobbying », c’est-à-dire qu’il
augmente les chances de réalisation du projet dans le but de combler ses besoins personnels.
Bretschneider et Leimeister (2017) indiquent que cette motivation a effectivement un impact
sur la décision d’investissement.
Le crowdinvestor est également motivé par des motivations intrinsèques, présentées dans
la section suivante.
Parmi les éléments provoquant la motivation intrinsèque se trouvent, aux côtés du plaisir
et de l’amusement, l’intérêt et la curiosité (Ryan et Deci, 2000). Le crowdinvestor semble
motivé par le plaisir et l’amusement (2.3.2.2.1), le sentiment d’être utile à un proche
(2.3.2.2.2), la possibilité d’apprendre et de satisfaire sa curiosité (2.3.2.2.3), et de faire partie
d’une communauté (2.3.2.2.4).
L’amusement (fun) est l’une des raisons principales évoquées par les BAs pour expliquer
leurs activités (Cadenhead et al., 2000). Cette notion est associée dans le contexte de
l’investissement à « la satisfaction de jouer un rôle actif dans une petite entreprise »
(Landström, 1992) et à la sensation de vivre l’aventure entrepreneuriale aux côtés de
l’entrepreneur. C’est d’ailleurs l’une des 11 motivations relevées par Estrin et al. (2018) pour
expliquer la participation des particuliers en ECF.
Scheder et Kaegaard (2014) identifient également l’amusement comme une motivation
importante des crowdinvestors. Le plaisir réside, selon les auteurs, dans des éléments variés
tels que la possibilité d’entrer en relation directe avec l’entrepreneur, le sentiment de réaliser
le rêve d’un inconnu, la possibilité d’observer l’évolution de son investissement et
l’impression de réaliser un pari. Ces résultats sont conformes avec Hemer (2011) qui identifie
l’amusement et l’affirmation de soi comme fortement corrélés à l’investissement en CF et
avec Schulz et al. (2015) qui mettent en exergue les motivations hédoniques et altruistes des
crowdinvestors.
57
2.3.2.2.2 L’investissement en ECF pour soutenir un ami ou un proche
58
Encadré 10 - Synthèse de la section 2.3.2
En résumé
L’étude des motivations à investir en ECF s’est appuyée sur la littérature sur les BAs et
sur la littérature sur le CF en don ou reward-based.
Récemment, les études d’Estrin et al. (2018) et de Bretschneider et al. (2017) ont permis
d’affiner la compréhension de ces motivations en fonction du type de CF étudié. Ces premiers
résultats montrent que des motivations extrinsèques (recherche de ROI, faire du lobbying
pour un projet, gagner une reconnaissance) et intrinsèques (altruisme, prendre du plaisir,
participer à une communauté) animent les crowdinvestors. Toutefois, les résultats varient
d’une étude à l’autre.
Les recherches se sont pour le moment concentrées sur les motivations à investir des
crowdfunders (Moritz et Block, 2014). Cependant, des articles récents accentuent
l’importance de comprendre aussi les freins à l’investissement et les risques liés à l’ECF
(Estrin et al., 2018 ; Signori et Vismara, 2016).
Les attentes des individus, notamment en matière de rendements financiers, sont parfois
éloignées de la réalité. L’investissement en ECF implique de nombreux risques. Certains sont
spécifiques à ce mode d’investissement, d’autres sont inhérents à l’activité de capital-risque et
au faible degré de maturité des entreprises financées.
Traditionnellement, les investisseurs potentiels en capital-amorçage46 étaient présentaient
une expérience significative d’investissement, une expertise sectorielle et une formation
financière solide (Bieri, 2015). Or, les crowdinvestors manquent de sophistication et de
nombreux risques restent cachés (Salomon, 2018).
De plus, l’ECF vient combler les étapes amont du cycle de financement de l’entreprise, au
moment de l’étape de validation de son modèle économique. Cette étape est « hautement
consommatrice de ressources et caractérisée par un haut niveau de risque, une asymétrie
d’information, une forte probabilité d’échec, et des difficultés dans la liquidité des
investissements engagés » (Bessière et Stephany, 2014).
Sont présentés dans cette section les risques liés à l’activité de capital-risque (2.3.3.1) et
les risques spécifiques à l’investissement en ECF (2.3.3.2).
46
Le capital-amorçage est le premier apport de fond à une entreprise.
59
2.3.3.1 Les risques liés à l’activité de capital-risque
L’acquisition d’actions dans une entreprise peu mature induit d’importants risques qui
sont récompensés par un fort ROI potentiel. Ces jeunes entreprises prometteuses, que l’on
nomme communément des startups, présentent un taux d’échec bien supérieur à des
entreprises plus traditionnelles (Sigar, 2012) et la plupart des faillites interviennent lors de
leurs cinq premières années d’existence (Valančienė et Jegelevičiūtė, 2013).
En analysant le développement post-financement en ECF de 212 entreprises, Signori et
Vismara (2016) calculent un taux de faillite de 10,4 %. C’est un faible pourcentage par
rapport aux taux observés en capital-risque qui se rapprochent de 56 % (Nesta, 2009).
Cependant, peu de plateformes ont atteint une maturité de portefeuille suffisante pour
avoir du recul sur les ROI réels obtenus par les crowdinvestors. En effet, la détention planifiée
des titres est généralement de 4 à 7 ans afin de permettre à l’entreprise de se créer et de se
développer. Les premières plateformes de CF se sont lancées en 2006 (Belleflamme, Lambert,
60
et Schwienbacher, 2010), mais l’ECF s’est développé plus tardivement et les réglementations
encadrant ce marché ne sont entrées en vigueur qu’en 2013 aux États-Unis et en 2014 en
France. Cela conduit Sullivan et Ma (2012) à présager les premières faillites d’entreprise et à
anticiper une forte déception des crowdinvestors,
Au-delà des risques liés au capital-risque, des risques inhérents à l’investissement en ECF
ont été identifiés. Nous les présentons ci-après.
Agrawal, Catalini, et Goldfarb (2013) interpellent sur le fait « qu’en l’absence d’une
gouvernance stricte, de reporting, de suivi comptable et d’autres exigences communes dans
les marchés boursiers, les crowdinvestors sont sujets à un degré de risque inhabituellement
élevé ».
Quatre risques spécifiques au contexte de l’ECF ont été recensés : le risque de marché
(2.3.3.2.1), le risque de défaut de la plateforme (2.3.3.2.2), le risque de fraude (2.3.3.2.3) et le
risque d’évaluation (2.3.3.2.4), particulièrement marqué dans ce contexte de forte asymétrie
d’information.
47
Crowdfund Insider [en ligne] « Seedr secondary market is now open to all investors »,18/02/2018 ;
https://www.crowdfundinsider.com
48
Bolero crowdfunding [en ligne] https://bolero-crowdfunding.be (consulté le 09/09/2018).
61
2.3.3.2.1 Le risque de marché
49
Source : Option Finance [en ligne] : http://www.optionfinance.fr, « La plateforme Alternativa dépose le
bilan », 16/02/2017.
62
Enfin, pour les sociétés d’ECF dont les salariés assurent le suivi post-investissement et
négocient les modalités de sortie de capital pour le compte des investisseurs membres de leurs
plateformes, une faillite impliquerait que les investisseurs, même novices, se coordonnent et
réalisent le suivi eux-mêmes ou bien qu’un mandataire soit désigné pour suivre les
opérations50.
Le recours au CF est un évènement ponctuel ou très peu fréquent pour une entreprise qui
fera probablement appel à d’autres sources de financement au fur et à mesure de son
développement. Il n’existe donc aucun incitatif pour l’entreprise à agir correctement et à tenir
ses engagements (Signori et Vismara, 2016), d’autant plus que la plupart des contributeurs ne
connaissent pas personnellement le porteur de projet (Onnée et Renault, 2013).
Dans le contexte du CF, la fraude consiste principalement à ne pas délivrer les
récompenses promises, à mentir par désinformation ou omission sur l’avancement du projet
ou encore à ne pas utiliser les fonds pour les dépenses annoncées 51. Un cas médiatisé en
reward-based CF est le projet Kobe Red. Une équipe réalisant un documentaire sur la
plateforme Kickstater qui l’accueillait en 2013 a détecté ce faux projet qui s’apprêtait à
encaisser 120 000 $ récoltés auprès de 3 252 contributeurs.
En ECF, le seul type de fraude envisagé par la Banque Mondiale serait la constitution
d’une fausse entreprise pour attirer des fonds (World Bank, 2013). Si le risque existe, il reste
cependant extrêmement faible et concerne moins de 0,01 % des projets soumis par an, contre
14 % des sociétés cotées en bourse aux États-Unis (Cumming et al., 2017). L’explication
tiendrait principalement, selon les auteurs, à la transparence d’un environnement en ligne qui
facilite la détection des fraudeurs, au travers des médias sociaux et de l’exposition publique
des entrepreneurs.
Le risque d’asymétries d’information n’est pas spécifique à l’ECF, tous les marchés en
souffrent (Koutun, 2016). Elles apparaissent dans une situation ou un agent possède
davantage d’informations sur la qualité et le potentiel d’un objet qu’un autre agent (Akerlof,
1970).
50
Source : Hello Crowdfunding [en ligne] www.hellocrowdfunding.com (consulté le 16/09/2017).
51
Source : Digital Trend [en ligne] : https://www.digitaltrends.com, « The 5 biggest crowdfunding failures of all
time », par Nicole Carpenter, le 09/07/2017.
63
Les chercheurs s’accordent à dire que ces inefficacités de marché sont plus présentes dans
le contexte de la finance entrepreneuriale que dans la finance de marché traditionnelle (Denis,
2004). Les entreprises peu matures présentent par nature un risque élevé d’incertitude et
d’asymétrie d’information entre les investisseurs et l’entrepreneur (Gilson, 2003), en raison
de leur historique limité (Stuart, Hoang, et Hybels, 1999). De plus, les entrepreneurs sont
réputés pour être trop optimistes quant aux perspectives de développement de leur société
(Bessière et Stéphany, 2014 ; Signori et Vismara, 2016), voire incités à l’être pour attirer
l’attention des investisseurs sur la valeur potentielle de l’entreprise (Busenitz et Barney,
1997).
En ECF, les mêmes biais sont en jeux. Les entrepreneurs doivent, lors de la constitution
de leur présentation en ligne, fournir des informations financières sur leurs perspectives de
développement. Or, ces prévisions financières se révèlent systématiquement trop optimistes
(Signori et Vismara, 2016).
De plus, l’asymétrie d’information est accentuée par la dimension virtuelle de
l’environnement (Gefen, 2000), la catégorie de produits financiers (Beckett, Hewer, et
Howcroft, 2000), et l’absence de contact personnel avec l’entrepreneur, ce qui rend d’autant
plus difficile l’évaluation du produit par le consommateur (Ba, 2001). Schwienbacher et
Larralde (2010) affirment que les problèmes d’asymétrie d’information sont plus marqués en
ECF à cause du faible niveau de connaissances financières que possèdent les crowdinvestors
(Koutun, 2016) et de la réticence des entrepreneurs à dévoiler des informations sensibles à des
investisseurs non professionnels, anonymes et en ligne.
Par ailleurs, si en CF, les asymétries d’informations concernent la capacité du porteur de
projet à délivrer les récompenses promises en temps et en heure, en ECF, l’incertitude
concerne en outre la capacité globale de l’entrepreneur à générer de la valeur et à développer
une entreprise. Le financement en ECF implique ainsi pour les crowdinvestors d’évaluer trois
types de risques : technologique, de marché et managérial (Bessière et Stéphany, 2014).
Cette vision est nuancée par Agrawal, Catalini et Goldfarb (2013) qui argumentent que le
CF permet au contraire la diffusion de l’information, simplifie la recherche d’information et le
suivi des progrès de l’entrepreneur.
64
Encadré 11 - Synthèse de la section 2.3.3
En résumé
L’activité d’investissement dans de jeunes entreprises est intrinsèquement risquée (risque
financier, risque de performance). Le fait que cette activité soit rendue accessible, au travers
de l’ECF, à des investisseurs particuliers dont la sophistication et l’expertise sont encore
débattues (Onnée et Renault, 2013), dans un environnement en ligne, accentue les risques.
Ceux-ci concernent tout aussi bien la plateforme d’ECF en elle-même que le risque de fraude,
le risque d’effondrement du marché et le risque d’évaluation, particulièrement marqué compte
tenu des fortes asymétries d’information qui sont engendrées par le contexte d’investissement
en ECF.
Nous avons exposé les motivations à adopter l’ECF comme mode d’investissement, ainsi
que les risques qui y sont associés. Nous allons à présent passer en revue la littérature
concernant le comportement d’investissement des crowdinvestors.
65
En ce sens, il pourrait être décrit de la même façon : l’investisseur est un consommateur
de produits financiers qui (1) reconnaît l’existence de son besoin - la volonté de prendre en
main son épargne et de choisir lui-même ses placements financiers (2) recherche des solutions
répondant à ce besoin (bourse, ECF, placements immobiliers, etc.) (3) procède à la prise
d’informations sur l’investissement en se reposant sur des attributs objectifs (risque de défaut,
ticket d’entrée, horizon de liquidité) au regard de sa valeur fonctionnelle (maximisation du
retour sur investissement) (4) arrête son choix définitif sur la base de ces éléments, d’avis de
tiers, des risques identifiés et (5) mesure sa satisfaction suite à son investissement (satisfaction
hédonique et financière).
Les différentes étapes du processus d’investissement des crowdinvestors sont présentées
ci-après. Elles consistent à identifier des opportunités d’investissement (2.3.4.1), à rechercher
des informations pré-investissement ainsi qu’à évaluer le projet entrepreneurial (2.3.4.2),
avant d'investir (2.3.4.3) et d’assurer le suivi post-investissement (2.3.4.4).
L’étape 1 de reconnaissance du besoin n’est pas traitée puisqu’elle est préalable au choix
d’adopter l’ECF comme mode d’investissement.
66
Le crowdinvestor choisit ensuite les offres d’investissement qu’il souhaite approfondir en
fonction de préférences personnelles en termes de secteurs d’activité ou de types d’entreprises
(Scheder et Kaegaard, 2014). Ce filtrage se fait rapidement sur la base des informations
succinctes récoltées en amont par la plateforme et selon un système de décision propre à
chaque individu. Par exemple, certains investisseurs s’orientent uniquement vers « des
cleantech, des projets autour de l’écologie et des idées folles » (Scheder et Kaegaard, 2014).
La plateforme d’ECF réalise les audits des projets et la structuration des transactions
financières en interne ou en faisant appel à des conseils externes (Wallmeroth, Wirtz, et Groh,
2018). Elle permet ainsi aux investisseurs particuliers de s’affranchir d’une analyse longue et
fastidieuse (Estrin et al., 2018) pour laquelle ils ne possèdent pas systématiquement les
compétences (Ahlers et al., 2015), ni un accès satisfaisant aux données confidentielles de
l’entreprise, ni un contact direct avec l’entrepreneur (Ahlers et al., 2015 ; Hoegen, Steininger,
et Veit, 2017).
Sur la base des éléments fournis par la plateforme, les crowdinvestors doivent toutefois
tenter de qualifier et de quantifier le risque de la transaction financière proposée (Van
Osnabrugge et Robinson, 2000) et d’évaluer la capacité du ou des porteurs de projets à mettre
en œuvre le business plan présenté.
Le temps consacré à cette étape est variable (2.3.4.2.1) et repose sur l’évaluation des
différents attributs du projet entrepreneurial (2.3.4.2.2).
Estrin et al. (2018) relèvent des variations significatives dans la durée consacrée à
l’évaluation et à la décision d’investissement des crowdinvestors. Les auteurs corrèlent
positivement le temps passé au montant investi. Plus le crowdinvestor investit des montants
conséquents et plus son comportement et son processus de décision semblent se rapprocher de
celui des BAs (Estrin, Gozman, et Khavul, 2018). Les investisseurs les plus novices, au
contraire, se concentrent sur le produit ou l’entrepreneur, mais n’adoptent pas une approche
globale du projet entrepreneurial (Estrin, Gozman, et Khavul, 2018).
Lei et al. (2018) trouvent que si le projet est compliqué, les contributeurs supposent par
défaut que le porteur de projet possède l’expertise nécessaire pour le mettre en œuvre. Voilà
67
une différence notable, de nouveau, entre les crowdinvestors experts et les novices. Selon les
auteurs, ceux qui sont les plus familiers avec le produit commercialisé par l’entreprise ne sont
pas intimidés par sa complexité et sont plus vigilants quant aux compétences du porteur de
projet.
Les crowdinvestors déclarent pour la plupart visionner la vidéo de présentation, lire le
business plan et regarder les détails financiers afin de s’assurer du réalisme du plan de
développement annoncé (Scheder et Kaegaard, 2014). Ils ne mesurent toutefois pas les
opportunités ou les menaces liées au marché (Scheder et Kaegaard, 2014).
Afin de réduire l’incertitude, les crowdinvestors semblent regarder, selon leur degré
d’expertise, tout ou partie des caractéristiques du projet suivante : l’idée (2.3.4.2.2.1), l’équipe
(2.3.4.2.2.2), les caractéristiques financières (2.3.4.2.2.3) et pour finir ses caractéristiques
hédoniques et sociales (2.3.4.2.2.4).
L’idée animant le projet est la première information à laquelle auront accès les potentiels
investisseurs. Ces derniers ont tendance à privilégier l’investissement dans des entreprises
dont ils comprennent rapidement les enjeux, le caractère unique de la proposition de valeur et
le potentiel de marché (Bessière et Stéphany, 2014). La dimension innovante de l’idée et du
projet en général pèse également dans la décision d’investissement et, de fait, dans le succès
des levées de fonds pour les entrepreneurs (Chan et Parhankangas, 2017).
52
Les rencontres entres crowdinvestors et entrepreneurs sont rares mais existent, à l’initiative des plateformes.
Leur fréquence et leur lieu dépendent de la politique de la plateforme.
68
et al. (2015) trouvent de plus que la possession d’un diplôme universitaire reconnu, type
MBA, par l’entrepreneur augmente les chances de succès de la levée de fonds.
Les crowdinvestors, au même titre que les BAs, sont sensibles à la traction financière
supposée du projet. Afin de s’assurer des perspectives de développement de l’entreprise, ils
sont attentifs à son historique et à la rentabilité du modèle économique. Ils s’informent
également sur l’usage prévu des fonds collectés et se détournent des projets qui prévoient
d’utiliser les fonds pour rembourser des dettes (Scheder et Kaegaard, 2014).
La valorisation de l’entreprise est aussi un critère de sélection bien qu’elle ne soit pas
négociée par les crowdinvestors (cf. 2.2.1.1.2, p.24). Elle semble entrer en compte dans le
calcul risque-récompense de l’investisseur en ECF qui s’assure que la part de capital cédée
par l’entrepreneur est suffisante au regard de la somme levée auprès des investisseurs
(Scheder et Kaegaard, 2014).
La question de la sortie de capital est d’autant plus cruciale pour les investisseurs que
l’illiquidité ou la perte du capital investi en sont les risques majeurs (cf. 2.3.3). Pourtant,
Ahlers et al. (2015) ne trouvent pas de liens empiriques entre la présence d’une stratégie de
sortie mentionnée par l’entrepreneur et son succès à lever des fonds. Les auteurs expliquent
que la sortie de capital est trop hypothétique et trop lointaine dans le temps pour que les
potentiels investisseurs la considèrent comme autre chose que des discussions « de comptoir »
(cheap talk).
Les crowdinvestors semblent plus sensibles à des critères sociaux et émotionnels pour
juger les projets qu’à des critères financiers (Lukkarinen et al., 2016). Ils sont
particulièrement attirés par la présence d’éléments hédoniques dans un projet (Schulz et al.,
2015) ce qui va dans le sens des résultats d’Allen et McGoun (2002) sur la nature hédonique
de l’investissement.
D’après Bessière et Stéphany (2014), l’affect joue effectivement un « rôle essentiel » dans
le jugement d’un projet par un crowdinvestor. « L’affect conduit à filtrer l’information en
surpondérant les données marquantes, les faits saillants mêmes s’ils n’ont qu’une faible
pertinence par rapport à l’objet évalué. L’affect est un processus à la fois holistique et
rapide, les jugements se forment sous l’impact d’une impression globale immédiatement
69
disponible » (Bessière et Stéphany, 2014, p.156-157). L’individu ne juge pas seulement le
projet en fonction de ce qu’il pense, mais également en fonction de ce qu’il ressent (Slovic et
al., 2004).
Cette impression générale permet de déterminer si une situation est perçue comme bonne
ou mauvaise sans passer par un processus analytique. Or, si le ressenti de l’individu est
positif, il a tendance à juger le risque plus faible et les bénéfices plus élevés (Slovic et al.,
2004).
L’étape d’investissement par les BAs se déroule en plusieurs temps : négociation des
conditions d’entrées au capital de l’entreprise cible, contractualisation puis versement des
fonds (Mason, 2008). Cette étape peut-être encore considérée comme une phase de sélection
puisqu’une transaction sur deux ne se concrétise pas (Riding et al., 1993), notamment à cause
de l’impossibilité de trouver un accord entre l’entrepreneur et les BAs (Mason et Harrison,
2008).
Dans le contexte de l’ECF, ces négociations sont effectuées par la plateforme
intermédiaire (cf. page 38). La phase d’investissement pour les crowdinvestors consiste donc
principalement à régler des formalités contractuelles et surtout à définir le montant de leur
investissement. Le choix du montant semble dépendre de la perception individuelle de la
qualité de l’opportunité d’investissement et des liquidités disponibles pour l’investissement
(Scheder et Kaegaard, 2014).
Un BA interrogé par Mason et Harrison (1996) utilise le terme de « play money » (argent
à jouer) pour qualifier l’argent utilisé pour investir dans de jeunes entreprises. Les
crowdinvestors étudiés par Scheder et Kaegaard (2014) semblent, à l’instar des BAs,
conscients des risques de l’investissement et ne « jouent » que les sommes qu’ils sont prêts à
perdre sans impacter leur niveau de vie.
70
2.3.4.4 Étape de suivi post-investissement
71
Encadré 12 - Synthèse de la section 2.3.4
En résumé
Notre revue de littérature sur le processus d’investissement et les critères d’évaluations des
entreprises par les crowdinvestors met en évidence plusieurs éléments :
– Le comportement des crowdinvestors présente des similitudes avec celui des BAs.
Ils partagent également les mêmes critères d’investissement (équipe, marché, produit,
transaction financière), mais ne leur attribuent pas la même pondération (la valorisation et
le marché sont des points clefs pour les BAs, alors les crowdinvestors sont plus sensibles à
l’idée en elle-même et à l’originalité de la proposition de valeur).
Une différence notable est que les crowdinvestors « externalisent » à la plateforme
d’ECF la réalisation des audits, de la négociation, de la contractualisation et de la
gestion des procédures.
– La décision d’investissement des crowdinvestors est parfois décrite comme
affective et reposant sur une perception plutôt que sur une analyse détaillée (Bessière et
Stéphany, 2014). Pourtant certains investisseurs passent plusieurs heures à consulter le
business plan du projet et à entrer en contact avec l’entrepreneur. Il semblerait que deux
groupes d’investisseurs se côtoient sur les plateformes d’ECF : les experts et les
novices. Les experts investissent de plus grands montants que la moyenne et possèdent une
expérience d’investissement antérieure contrairement aux novices.
– Les crowdinvestors n’ont souvent pas les ressources techniques, intellectuelles,
financières et temporelles pour mener un audit approfondi du projet entrepreneurial. Le
forum de la plateforme et le support vidéo fournis par l’entrepreneur permettent
toutefois de recréer un espace virtuel d’échanges et de générer des relations de
confiance.
– Le rôle de la communauté dans le processus décisionnel est rarement
mentionné dans la littérature en ECF. Elle semble n’être qu’une source d’informations
ou une source de biais cognitifs pour l’investisseur.
– Enfin, le processus d’investissement des crowdinvestors présente de fortes
similitudes avec le processus d’achat étudié en comportement du consommateur. Ils
sont des consommateurs de produits financiers, sensibles aux attributs sociaux, hédoniques
et émotionnels des projets qu’ils envisagent de financer (Bessière et Stéphany, 2014 ;
Lukkarinen et al., 2016 ; Schulz et al., 2015 ; Slovic et al., 2004).
72
2.3.5 Les facteurs influençant la décision d’investissement du
crowdinvestor
L’acquisition de produits financiers est une tâche ardue, car leur complexité implique un
processus décisionnel élaboré (Berger et Messerschmidt, 2009).
Nous l’avons déjà évoqué, dans le contexte de l’ECF, les investisseurs doivent composer
avec un manque d’accès aux données des cibles d’investissement, un accès extrêmement
réduit à l’entrepreneur et, souvent, un manque d’expérience dans ce type de produits
financiers (Hoegen, Steininger, et Veit, 2017). Associés aux incertitudes concernant la
performance future de l’entreprise, la technologie et le marché, ces éléments contribuent à
créer de fortes asymétries d’informations (Moritz, Block, et Lutz, 2015 ; Schwienbacher et
Larralde, 2010). Cet effet est accentué par le fait que les entrepreneurs peuvent être réticents à
diffuser et communiquer des informations à des investisseurs amateurs qui pourraient mal
interpréter ou voler ces informations (Koutun, 2016). Les asymétries d’informations sont
donc plus marquées en ECF que dans le financement traditionnel de startups qui met en jeu
des mécanismes de réduction des risques, notamment l’existence de relations
interpersonnelles fréquentes entre l’entrepreneur et les investisseurs ainsi que des audits
poussés (Moritz, Block, et Lutz, 2015 ; Signori et Vismara, 2016).
Or, la difficulté des investisseurs potentiels à évaluer les entreprises et les incertitudes
qu’ils perçoivent peuvent les conduire à ne pas investir et pénaliser l’entrepreneur dans sa
recherche de financement (Vismara, 2018). Pour les investisseurs, cette situation de forte
incertitude peut conduire à des erreurs de jugement et à des problématiques de sélection
adverses (Akerlof, 1970).
Afin de réduire ces asymétries d’information, l’investisseur adopte un comportement de
recherche d’information (Peterson et Merino, 2003) dans le but de réduire les incertitudes
liées à son futur achat (DeSarbo et Choi, 1998).
Les crowdinvestors utilisent des sources d’informations plus variées que les investisseurs
en capital-risque traditionnels (Hoegen, Steininger, et Veit, 2017) : des signaux émis par les
entrepreneurs, des éléments intangibles liés à l’entrepreneur et à l’entreprise (Dorfleitner et
al., 2016) et l’observation du comportement de leurs pairs (Burtch, Ghose, et Wattal, 2013 ;
Colombo, Franzoni, et Rossi-Lamastra, 2015).
Faute d’éléments concrets et de données fiables, les crowdinvestors utilisent parfois des
signaux a priori mineurs pour alimenter leur recherche d’informations (Hoegen, Steininger, et
Veit, 2017). Dans certains cas, ces sources d’informations peuvent prendre le pas sur des
73
sources plus objectives dans la décision d’investissement (Herzenstein, Sonenshein, et
Dholakia, 2011).
Afin d’étudier les marchés dans lesquels l’information est imparfaite et distribuée de
façon asymétrique, comme c’est le cas en ECF, la théorie des signaux est une approche
largement utilisée (Ahlers et al., 2015 ; Vismara, 2018). Cette théorie expose que les agents
les plus informés du marché (en l’occurrence l’entrepreneur et éventuellement la plateforme
d’ECF), peuvent émettre des signaux pour communiquer leurs informations privilégiées à des
investisseurs ou des acheteurs potentiels (Spence, 1973). Des tiers peuvent également
contribuer à émettre des signaux sur la qualité d’un produit ou d’une entreprise.
Nous présentons ci-après l’influence des signaux émis par l’entreprise (2.3.5.1), des
signaux émis par les pairs (2.3.5.2) et des caractéristiques individuelles ou des caractéristiques
de la plateforme d’ECF (2.3.5.3) sur la décision d’investissement du crowdinvestor.
74
Auteurs Terrain Méthode Titre
Tell me a good story and I may
Herzenstein,
Prosper.com Analyses lend you money: the role of
Sonenshein et
(P2P lending) économétriques narratives in peer-to-peer
Dholakia (2011)
lending decisions
How Different are
Kickstarter
Lin, Boh et Goh Crowdfunders? Examining
(reward- Typologie
(2017) Archetypes of Crowdfunders
based)
and Their Choice of Projects
Seedmatch et Dynamics of Investor
Dorfleitner, Hornu et Analyses multi-
Companisto Communication in Equity
Weber (2017) variées
(ECF) Crowdfunding
Seedmatch et Which updates during an equity
Block, Hornuf et
Companisto Modélisation crowdfunding campaign increase
Moritz (2018)
(ECF) crowd participation?
Signaling to Overcome
Vismara (2016) - Taxonomie Inefficiencies in Crowdfunding
Markets
CrowdFundE The Independant and Combined
Bapna (2015) Modélisation
quity (ECF) Effects of External Endorsement
Piva et Rossi- 284 Human capital signals and
Étude
Lamastra (2017) campagnes entrepreneurs’ success in equity
empirique
d’ECF crowdfunding
53
La doctorante remercie M. Fabrice Hervé pour cette suggestion de classement des signaux liés à l’entreprise.
75
prévisions financières, la présentation du projet et la communication pendant la
collecte ;
- de ceux qui sont liés à l’entrepreneur et à la qualité intrinsèque du
projet (2.3.5.1.2) : expérience de l’entrepreneur, réseaux de l’entrepreneur, actifs
intangibles de l’entreprise.
Les signaux de qualités induit par la collecte de fonds sur la plateforme peuvent tout aussi
bien être l’objectif de levée de fonds, le seuil minimum de collecte, la durée de la collecte, la
présence de prévisions financières, la présentation du projet et, pour finir, l’activité de
l’entrepreneur durant la période de collecte.
Un objectif de levée de fonds élevé peut être perçu comme rassurant pour un
crowdinvestor. Cela suggère que le projet a des ambitions de développement et qu’il cherche
à créer de la valeur (Lukkarinen et al., 2016 ; Belleflamme et al., 2010). Ceci est d’autant plus
vrai si la collecte suit le principe de all-or-nothing puisque les investisseurs auront la garantie
d’être remboursés si le projet n’atteint pas un montant minimum en deçà duquel il serait sous-
capitalisé.
Les résultats d’Ahlers et al. (2015) ne mettent pas en évidence de lien statistique entre le
seuil minimum de collecte et le succès de la collecte. Lukkarinen et al. (2016) trouvent en
revanche une forte corrélation négative. Ils expliquent que les investisseurs peuvent être
découragés à investir si le minimum de fonds attendus est trop haut, car cela suggère qu’en
deçà, le développement de l’entreprise ne serait pas assuré.
Plus la durée de la campagne est longue et moins le projet est perçu comme qualitatif.
Cumming et al. (2014) et Mollick (2014) trouvent une relation négative entre la durée de
collecte et le succès de la campagne en reward-based CF.
Une campagne poussive et longue peut être perçue par les investisseurs comme la preuve
d’un manque de confiance ou d’engouement des autres investisseurs dans le projet (Mollick,
2014). De plus, si la campagne s’étire dans la longueur, l’investisseur peut repousser sa
décision, voire finir par négliger l’investissement (Härkönen, 2014).
76
Lukkarinen et al. (2016) trouvent des résultats similaires en ECF même si la durée de la
campagne semble négativement corrélée avec le nombre d’investisseurs, mais non corrélée
avec le montant levé.
Le simple fait que l’entrepreneur fournisse des prévisions financières est un signal de
qualité pour les investisseurs, peu importe la teneur de ces prévisions (Lukkarinen et al.,
2016). Ahlers et al. (2013) trouvent que l’absence de ces éléments diminue le montant levé au
cours de la collecte en ECF et Mollick (2013) conclut aux mêmes résultats en reward-based
CF. Bien que Lukkarinen et al. (2016) ne trouvent pas de relation significative entre la
présence de prévisions financières et le montant collecté (le lien n’est significatif qu’avec le
nombre d’investisseurs), les auteurs suggèrent que l’absence de données financières est
considérée comme douteuse ou non-professionnel par les investisseurs, conformément à
Ahlers et al. (2015).
Toutefois, plus les investisseurs sont proches de l’entrepreneur et moins les informations
financières sont importantes (Polzin et al., 2018).
77
Dans la même lignée, Herzenstein, Sonenshein et Dholakia (2011) trouvent que les
présentations de projets en recherche de prêt mettant en avant la performance et la crédibilité
du porteur de projet sont associées avec une augmentation du financement reçu.
Ironiquement, ces éléments de discours prédisent le moins la performance long-terme du
prêt et la capacité de remboursement de l’emprunteur (contrairement à ceux qui évoquent la
moralité et le labeur de l’entrepreneur). Le story-telling de l’entreprise influence donc les
investisseurs au-delà des informations objectives qu’ils peuvent contenir (Herzenstein,
Sonenshein, et Dholakia, 2011).
Block, Hornuf et Moritz (2018) trouvent que si l’entrepreneur fournit des nouvelles
régulièrement sur la plateforme à propos des nouveaux développements de la startup
(confirmation de l’entrée au capital d’un co-investisseur, projets de coopération,
développement stratégique), cela augmente le nombre et les montants des investissements.
Enfin, les crowdinvestors sont sensibles à la réactivité et la pertinence de l’entrepreneur
dans les réponses apportées aux membres sur le forum de la plateforme. Ce serait un moyen
détourné pour les membres de la plateforme de juger dans un environnement en ligne des
attributs intangibles tels que la fiabilité ou l’honnêteté de l’entrepreneur (Scheder et
Kaegaard, 2014).
Au-delà des signaux liés à la collecte de fonds, les signaux concernant l’entrepreneur et
l’entreprise en recherche de fonds peuvent influencer la décision d’investissement des
crowdinvestors.
L’étude empirique de Piva et Rossi-Lamastra (2017) porte sur 284 entrepreneurs ayant
mené une campagne de collecte en ECF. Leurs résultats suggèrent que les investisseurs sont
sensibles à l’expérience professionnelle de l’entrepreneur et à son parcours d’études. Un
diplôme en gestion et une expérience entrepreneuriale sont deux signaux de capital humain
78
qui contribuent au succès d’une levée de fonds en ECF. Le pourcentage de membres de
l’équipe fondatrice détenant un MBA est lié à l’augmentation du nombre d’investisseurs dans
le projet et du montant total investi par les crowdinvestors.
79
Nous venons de balayer les signaux liés à l’entreprise, qu’ils soient générés par la collecte
de fonds ou intrinsèques au projet, qui peuvent influencer la décision d’investissement des
crowdinvestors. La sous-section suivante s’arrête sur l’influence des signaux émis par les
pairs des investisseurs particuliers.
Dans la littérature économique, l’information sur les comportements passés des pairs est
reconnue comme un facteur d’influence du comportement d’un individu (Banerjee, 1992 ;
Vismara, 2016). L’influence des pairs, ou herding, est définie comme « n’importe quel
processus social au cours duquel le comportement d’un groupe influence celui d’un
individu » (Ward et Ramachandran, 2010).
Dans leur revue de littérature, Moritz et Block (2014) identifient plusieurs recherches
montrant que le réseautage social (ou mise en réseau) est l’une des motivations à participer en
CF et un moyen de réduire les asymétries d’informations (Lin, Prabhala et Viswanathan,
2013 ; Liu, Lu et Chen, 2013 ; Zvilichovsky, Inbar et Barzilay, 2013).
Il n’est donc pas anodin que l’influence des pairs soit l’un des sujets les plus traités par la
littérature en ECF s’intéressant aux investisseurs (Burtch, 2011 ; Burtch, Ghose, et Wattal,
2013 ; Herzenstein, Sonenshein, et Dholakia, 2011 ; Lin, Boh, et Goh, 2014 ; Mollick et
Kuppuswamy, 2014).
80
Auteurs Terrain Méthode Titre de l’article
The Experts in the Crowd:
The Role of Reputable
Kim (2014) Appbakr Hazard model
Investors in a Crowdfunding
Market
Modèle de
Quality signals in equity-
Koutun (2016) Fundedbyme régressions
based crowdfunding. (Thèse)
logistiques
Investor communication in
Moritz, Block, Étude exploratoire
n. c equity-based crowdfunding: a
Lutz (2015) (23 entretiens)
qualitative-empirical study
Hornuf et Modèle de
4 plateformes Funding Dynamics in
Schwienbacher régression de
allemandes Crowdinvesting
(2015) Poisson
Wallmeroth,
Investor Behavior in Equity
Wirtz, Groh - Revue de littérature
Crowdfunding
(2018)
Information Cascades Among
Vismara (2015) Crowdcube Régressions Investors inEquity
Crowdfunding
Social In fl uence
Koning et Model Mechanisms in Crowdfunding
Donorschoose Expérimentation
(2013) Cascades : When Nothing is
Better than Something
Nous présentons ci-après le principe de herding (2.3.5.2.1), la nature des signaux des
pairs en jeu dans le contexte de l’ECF (2.3.5.2.2) et le rôle particulier des experts
(2.3.5.2.2.3).
Le principe de herding est illustré dans le modèle de Banerjee (1992) qui décrit un
scénario dans lequel les individus doivent choisir entre deux restaurants de façon séquentielle
tout en pouvant observer le choix fait par les autres (qui se traduit par leur choix de faire la
queue dans la file d’attente 1 ou 2) sans connaître les informations privées sur lesquelles ils
ont appuyé leur décision. Banerjee (1992) démontre que l’information retirée en observant les
décisions passées des autres individus finit par supplanter les informations que détient
personnellement l’individu qui doit faire un choix. Tous les individus finissent par tendre à
une décision identique.
81
Peu performants à l’échelle du groupe, ces effets peuvent éloigner l’individu d’une
décision conforme avec ses préférences (Mollick, 2014).
Certaines conditions de marché rendent plus propice l’apparition de cette influence sur
l’individu lors de sa prise de décision. L’ECF les réunit toutes : incertitudes de
l’environnement, existence d’asymétries d’information et possibilité d’observer le
comportement des autres (Moritz, Block, et Lutz, 2015). Les plateformes fournissent de
nombreuses informations (nombre d’investisseurs, montant total récolté, identités des autres
investisseurs), accessibles d’un simple « clic » (Vismara, 2015), ce qui facilite l’observation
du comportement des autres et une éventuelle influence des pairs sur la décision
d’investissement. Le fait que les opportunités d’investissement soient présentées dans un
environnement en ligne accentue les comportements grégaires puisque les signaux émis par
les pairs seront relayés rapidement et facilement à un grand nombre de personnes (Astebro et
al., 2017).
Les membres des communautés peuvent partager leurs remarques et interrogations sur les
forums dédiés des plateformes dévoilant ainsi une partie de leur information privée à leurs
pairs. En agissant ainsi, les investisseurs contribuent à dessiner l’intérêt porté par la
communauté de la plateforme à un projet, ce qui constitue une indication supplémentaire de
son potentiel (Belleflamme, Lambert, et Schwienbacher, 2014). Cet intérêt est mesuré par
l’investisseur en observant le comportement d’investissement des autres membres et la
dynamique de collecte du projet. La communauté fournit donc un certain nombre
d’informations que le crowdinvestor peut utiliser pour réduire les asymétries d’informations
et prendre sa décision.
Dans une certaine mesure, le fait de suivre le comportement de ses pairs peut être
rationnel a fortiori dans une situation de forte asymétrie d’information (Banerjee, 1992 ;
Festinger, 1954). Dans le cas d’une prise de décision financière, le fait de suivre les autres
dans leurs décisions permet notamment de réduire les coûts d’information pour l’individu et
de gagner du temps (Hirshleifer et Teoh, 2003 ; Moritz et al., 2015). On parle alors de herding
rationnel (Devenow et Welch, 1996).
Cependant, le comportement même du groupe peut influencer sa prise de décision finale,
au-delà de l’information rationnelle qu’il génère, ce qui conduit à l’apparition d’un
phénomène de « peer effect » (influence des pairs).
82
Un excès d’imitation peut conduire les individus à ignorer l’information privée qu’ils
détiennent et les faire converger vers des choix irrationnaux et ayant des externalités
négatives pour le groupe et les membres qui le composent, notamment dans le contexte de
choix de placements boursiers (Da et Huang, 2015). Dans cette situation, des cascades
informationnelles apparaissent (Banerjee, 1992 ; Bikhchandani, Hirshleifer, et Welch, 1992)
et peuvent conduire à des comportements de mimétismes.
Ces effets de herding reposent sur la prise en compte de signaux émis par des pairs que
nous détaillons ci-après.
Les signaux des pairs influençant la décision d’investissement des crowdinvestors sont de
deux types : leurs décisions d’investissement effectif (2.3.5.2.2.1) et leurs avis personnels
diffusés au travers de commentaires (2.3.5.2.2.2).
83
lorsqu’ils ont l’impression que l’objectif de levée de fonds va être atteint (Kuppuswamy et
Bayus, 2013). Burtch, Ghose et Wattal (2013) observent ce phénomène qu’ils attribuent au
fait que le contributeur voit son utilité marginale d’investir décliner si cela devient moins
important pour le projet qui collecte des fonds.
Afin de déterminer si ces effets de herding génèrent des externalités, Astebro et al. (2017)
ont développé un modèle de herding rationnel dans le contexte de l’ECF sur le même principe
que Banerjee (1992). Ils montrent que des comportements grégaires d’investissement
apparaissent effectivement, puisque les investissements passés influencent les investissements
futurs dans un même projet. Cependant, leurs résultats indiquent qu’aucune cascade
informationnelle n’apparaît, c’est-à-dire qu’un investissement élevé est une source
d’information objective de la qualité du projet.
Au contraire, Burtch (2011) démontre de façon empirique que le phénomène de herding
constitue une externalité négative puisque l’augmentation du nombre de contributeurs induit
l’augmentation du nombre de décideurs novices qui vont appuyer leur décision sur un
comportement mimétique, sans apporter d’informations privées supplémentaires à la
communauté.
84
Kim et Viswanathan (2013) montrent que le processus décisionnel des crowdinvestors est
fortement influencé par les décisions des experts qui font partie de la communauté
d’investissement. Leur expertise peut être sectorielle ou bien généraliste (expérience
antérieure d’investissement). Dans les deux cas, les investisseurs, même novices, semblent
être capables d’identifier et d’exploiter les nuances que contient l’information retirée de
l’observation des investissements réalisés par ces différents experts (Kim et Viswanathan,
2013).
Pour finir sur la présentation des facteurs d’influence de sa décision d’investissement des
crowdinvestors, il convient de mentionner l’effet des caractéristiques individuelles des
investisseurs (2.3.5.3.1) et celui des caractéristiques de la plateforme d’ECF (2.3.5.3.2).
Peu d’études ont analysé l’influence des caractéristiques individuelles sur la décision
d’investissement dans le contexte de l’ECF.
Mohammadi et al. (2015) montrent que les préférences en termes de risque diffèrent entre
les crowdinvestors hommes et femmes. Ces dernières sont plus averses au risque et
investissent moins dans des entreprises jeunes, high-tech et qui cèdent beaucoup de parts de
capital aux investisseurs (car cela signifie que l’entreprise a une valorisation faible pour un
besoin de fonds élevé). Hervé et al. (2016) confirment que les femmes investissent dans des
actifs moins risqués, et montrent que les crowdinvestors vivant dans des lieux à forte
interaction sociale (selon le critère de sociabilité fourni par l’INSEE) investissent plus que les
autres. C’est le principe de la « force des liens faibles » (Granovetter, 1973).
Hoegen et al. (2017) rappellent que les interactions entre entrepreneur et investisseurs
potentiels se font au travers d’un système d’information fourni par la plateforme d’ECF. C’est
la plateforme qui définit les règles d’interaction entre les deux parties dans un contexte digital
dont elle a le contrôle. De plus, l’interface de la plateforme guide le processus décisionnel de
l’investisseur. En cela, le contexte d’investissement de l’ECF influence la prise de décision de
l’individu. Wash et Solomon (2014) ont mené une expérimentation avec 168 participants en
CF et en ont déduit l’influence que la plateforme peut exercer sur eux. Le modèle du « all-or-
85
nothing » qui garantit que les sommes investies seront remboursées en cas d’échec de la levée
de fond augmente la propension d’un individu à investir. Le nombre et la diversité de projets
« superstars » ont aussi tendance à stimuler les investissements sur la plateforme en attirant
des investisseurs (Doshi, 2014).
En résumé
La recherche en ECF est naissante et les facteurs d’influence du comportement
d’investissement ne sont pas encore connus de façon exhaustive.
Les investissements antérieurs des pairs ont un potentiel informationnel pour le
crowdinvestor. Le nombre d’investisseurs, les montants investis, les dynamiques de collecte
et les décisions d’investissement des membres les plus experts sont tout autant de nuances qui
enrichissent l’information retirée de l’observation des pairs.
Des phénomènes de herding ont été mis en évidence dans le contexte de l’ECF, mais
aucune recherche à date n’a démontré qu’ils conduisaient à des comportements irrationnels.
Seul Burtch (2011) considère qu’ils engendrent des externalités négatives, mais sa recherche
porte sur le reward-based CF. Au contraire, le herding observé empiriquement semble être
généré par des comportements rationnels d’apprentissage par observation.
Enfin, la littérature en finance nous permet de comprendre l’importance des préférences
personnelles des crowdinvestors dans leur prise de décision. Le contexte d’investissement en
ligne au travers d’une plateforme digitale est en revanche un facteur d’influence spécifique au
CF. Il semble que l’architecture de la plateforme, son ergonomie, ses fonctionnalités et ses
choix quant à son modèle économique sont tout autant d’éléments qui conduisent à considérer
la plateforme comme « l’architecte des choix » des crowdinvestors (Thaler et Sunstein, 2008).
Moritz et Block (2016) ont proposé une vaste revue de littérature sur le CF en général
(reward-based CF, lending-based CF et ECF). Il apparaît que les recherches portant sur les
crowdfunders se focalisent principalement sur le reward-based CF et le lending-based
(respectivement 14 et 38 des 49 articles cités) et portent sur :
- les motivations et les freins des individus (Hemer, 2011 ; Lin et al., 2014 ;
Ordanini et al., 2011 ; Allison et al., 2015 ; Gerber et al., 2012) ;
86
- l’importance des réseaux sociaux (Everett, 2015 ; Kuppuswamy et Bayus, 2018 ;
Lin et al., 2013 ; Liu et al., 2015 ; Zvilichovsky et al., 2015) ;
- et les signaux influençant la prise de décision (Ahlers et al., 2015 ; Ahlers et al.,
2013 ; Burtch et al., 2013 ; Koning et Model, 2013 ; Mollick, 2013).
La difficulté d’accès aux données concernant les investisseurs particuliers et la récence de
l’émergence de l’ECF expliquent en partie ce déséquilibre des recherches entre reward-based
CF, lending-based CF et ECF (Schwienbacher et Larralde, 2010).
Notre revue de littérature permet d’identifier plus particulièrement deux limites de la
recherche en ECF, liées à la compréhension des raisons d’investissement en ECF (2.4.1) et à
l’effet de la dimension communautaire de l’ECF sur le comportement d’investissement des
crowdinvestors (2.4.2).
87
participation en ECF, relevées au cours d’entretiens avec des crowdinvestors. Elles relèvent
presque toutes de la déception des investisseurs, ce qui implique que les personnes interrogées
ont déjà investi.
Dans la pratique, l’enjeu pour les plateformes est d’élargir leur base de clients
investisseurs pour pouvoir financer les demandes de financement de leurs clients
entrepreneurs, dans une logique de marché biface. La compréhension des freins à
l’investissement aurait un impact managérial conséquent.
88
2.4.2.1 La dimension participative et communautaire de l’ECF
dans la socialisation du comportement d’investissement
89
littérature en finance qui reconnaît que l’individu tire bénéfice des aspects expérientiels et
émotionnels de son investissement (Allen et McGoun, 2002 ; Ozen et Kodaz, 2012) et que
l’activité d’investissement, comme celle de consommation, peut être désirable en soi.
Filser (2002) invite ainsi à considérer que « toute consommation est une expérience et
l’analyse de l’expérience ne doit donc pas être réservée à des sphères restreintes de la
consommation comme la culture ou les loisirs ».
En ce sens, l’ECF offre un territoire non exploré en recherche sur l’expérience du
consommateur. Comprendre quels sont les éléments qui font de l’expérience d’investissement
d’un individu une expérience positive a des implications importantes pour le marché de
l’ECF.
Comme nous l’avons évoqué dans l’introduction générale, le marché de l’ECF est jeune,
mais il arrive à un niveau de maturité suffisant pour observer les ROI obtenus par les
crowdinvestors. Les premiers retours d’expérience négatifs ont eu lieu 54 et les sorties
positives sont rares (Signori et Vismara, 2018). Le risque de déception des contributeurs,
pointé par Sullivan et Ma dès 2012, n’est pas écarté et le risque d’essoufflement des
investisseurs n’est pas invraisemblable 55 . Les résultats d’Estrin et al. (2018) appuient ce
propos et relèvent la frustration des investisseurs vis-à-vis du manque de feedback, leur
déception quant aux faibles ROI obtenus et à la mauvaise estimation de l’horizon de sortie
annoncé au moment de leur investissement.
Pour que l’ECF reste une source de finance entrepreneuriale pérenne, il convient de
comprendre ce que les membres des plateformes retirent de leur expérience d’investissement
et dans quelle mesure la participation à une communauté d’investissement améliore leur
expérience, les motive à participer en ECF et constitue un antécédent à leur investissement.
Nous avons vu que les motivations des crowdinvestors sont multiples et que différents
profils d’investisseurs se côtoient sur les plateformes. Or, la littérature en CF ne distingue que
depuis récemment les experts des novices (2.4.2.3.1) et ne mentionne pas l’existence des
membres inactifs des plateformes d’ECF (2.4.2.3.2).
54
Source : Les Echos [en ligne], https://patrimoine.lesechos.fr, Anne-Sophie Vion, « Crowdfunding, un
placement sous surveillance, le 22/02/2018.
55
Source : Le Monde [en ligne], https://www.lemonde.fr, Véronique Chocron « Le financement participatif
suscite moins d’engouement », le 21/02/2017.
90
Pour ces deux groupes, la dimension participative et communautaire de l’ECF pourrait
constituer une source d’apprentissage importante et un antécédent à leur investissement.
91
seulement 21 % des crowdinvestors d’un projet participent à la présélection du projet en
votant pour lui. Un grand nombre ne deviennent actifs qu’au moment du lancement effectif de
la collecte. Cela suggère que certains membres de cette communauté n’interviennent que pour
voter pour un projet, sans investir, et que d’autres ne participent pas à la communauté en ligne
hébergée sur la plateforme d’ECF.
Ainsi, analyser l’effet de la dimension communautaire et participative de l’ECF pour ces
trois types de membres (investisseurs, actifs et inactifs) semble pertinent.
Dans ce premier chapitre, une revue de la littérature en CF a été réalisée. La plupart des
recherches menées dans ce domaine ont été faites au travers du prisme de la finance
entrepreneuriale ou des systèmes d’information.
Nous avons distingué les différentes formes de CF qui existent et nous avons limité et
concentré notre recherche à l’ECF, qui consiste à rassembler des investisseurs particuliers
pour financer le capital de jeunes entreprises, au travers de l’émission de titres financiers.
Cela a permis d’acquérir une meilleure connaissance des acteurs de ce marché biface :
plateformes intermédiaires, entrepreneurs et investisseurs.
Les crowdinvestors, sujets de cette recherche, ont fait l’objet d’une revue de littérature
approfondie.
Ils présentent des profils variés (ils sont investisseurs institutionnels, investisseurs
sophistiqués, ou des proches de l’entrepreneur).
Leur comportement d’investissement varie en fonction de leur profil, mais un
comportement général en 4 étapes peut être dessiné (identification du projet, recherche
d’information et évaluation de sa qualité, décision d’investissement, suivi post-
investissement) et celui-ci s’apparente fortement au comportement d’achat traditionnellement
étudié en comportement du consommateur.
Le comportement des crowdinvestors est influencé par plusieurs signaux à différentes
étapes de son processus d’investissement. Les signaux de qualité de l’entreprise et les signaux
induits par le comportement des pairs de l’investisseur (au sein de la communauté en ligne)
sont pris en compte lors de sa décision.
La littérature en finance envisage la dimension communautaire de l’ECF comme une
source d’informations utilisée de façon rationnelle par l’investisseur lors de son processus
d’investissement. La littérature en finance comportementale introduit le fait que la dimension
92
communautaire peut être source de biais cognitifs (herding) et donc contribuer à dévier
l’individu d’un comportement mû par une logique économique et rationnelle.
La compréhension de l’effet de la dimension communautaire de l’ECF reste parcellaire et
conduit à de nombreuses zones d’ombres dans la littérature : pourquoi des individus
participent-ils à la communauté sans pour autant investir ? Dans quelle mesure ce mode
d’investissement accentue-t-il la dimension hédonique de l’investissement ? Les investisseurs
novices et experts vivent-ils la même expérience d’investissement ? La communauté joue-t-
elle un rôle dans l’apprentissage des crowdinvestors ?
Nous proposons d’adopter une approche par le comportement du consommateur et
plus spécifiquement par la valeur de consommation afin d’étudier le comportement des
crowdinvestors, l’effet de la dimension communautaire de l’ECF sur celui-ci et la nature
de l’expérience d’ECF vécue par l’investisseur.
Ce positionnement est à notre sens prometteur pour combler certains manques dans
la littérature disponible sur le CF, pour enrichir les études sur le marketing de produits
financiers et pour apporter des éléments de réflexions pour les plateformes d’ECF et les
régulateurs financiers.
93
3. Expérience de crowdfunding : valorisation de
l’investissement en ECF et effets de la dimension
participative de l’ECF sur le comportement
d’investissement
94
plusieurs dimensions de l’expérience (approche par la valeur de consommation, initiée par
Holbrook 1994) (Rivière et Mencarelli, 2012). Dans les deux cas, la valeur perçue est une
conception subjective de la valeur.
D’après Aurier et al. (2004), « la valeur de consommation ne se substitue pas à
l’approche de la valeur globale, définie comme un ratio coûts-bénéfices, mais la complète en
permettant d’identifier ses antécédents ».
Comprendre quels sont les antécédents de la valeur perçue de l’investissement en ECF
par les individus – et déterminer si la dimension participative de l’expérience
d’investissement en est une, contribuerait à expliquer pourquoi les crowdinvestors choisissent
ce mode d’investissement, à mieux appréhender la nature de leur expérience d’investissement
et à apprécier son éventuelle influence sur leur comportement d’investissement.
L’objectif de cette étude exploratoire consiste à identifier les composantes de la
valeur perçue de l’investissement en ECF, et de comprendre l’impact éventuel de la
composante participative de l’expérience d’investissement sur le comportement
d’investissement des crowdinvestors.
Nous présentons dans le présent chapitre la méthodologie adoptée (3.1) dans cette étude
exploratoire et les principaux résultats obtenus (3.2).
95
3.1.2 La présentation du terrain
Nous avons mené cette étude exploratoire auprès de membres de la plateforme française
WiSEED. Cette plateforme constituant également le terrain de l’étude empirique présentée
dans le chapitre suivant (Chapitre 4), pour laquelle il sera nécessaire de décrire plus
précisément certains fonctionnements de WiSEED, la description du terrain faite ici reste
succincte. Des précisions et des détails seront apportés dans la section présentant le terrain de
l’étude empirique (point 4.4.1, page 163).
La plateforme WiSEED a été fondée en 2008 en France, ce qui la positionne comme
pionnière du marché français de l’ECF. Elle enregistre 126 millions d’euros levés auprès de
111 600 membres au profit de 322 entreprises56. Parmi sa communauté, 31 400 membres ont
voté au moins une fois pour un projet, 12 200 sont des investisseurs et les autres sont
inactifs57.
Cette plateforme présente plusieurs caractéristiques intéressantes pour notre étude
exploratoire. Elle permet l’investissement selon diverses modalités : en actions dans les
startups (depuis 2008) ; en obligations à moyen terme (12-18 mois) dans des projets
immobiliers (depuis 2012) ; en titres participatifs dans des projets coopératifs (depuis 2016) ;
en obligations à long terme (5-7 ans) dans des projets de parcs éoliens ou autres entreprises
des énergies naturelles renouvelables (depuis 2017).
Bien que la plateforme s’oriente de plus en plus vers le financement de nouveaux sous-
jacents, tels que les projets immobiliers, son cœur de métier reste le financement de startups
qui sont sélectionnées pour leur potentiel de développement, mais également pour leur impact
social, sociétal ou environnemental.
La sélection de ces entreprises se fait en trois étapes : 1) un comité de sélection constitué
de membres de l’équipe de WiSEED passe en revue les différents dossiers reçus de façon
hebdomadaire ; 2) les projets présélectionnés sont présentés sur la plateforme pour une phase
de vote qui fait intervenir les membres de la communauté ; 3) les projets ayant suscité un
engouement suffisant (plus de 100 votants et plus de 100 000 € d’intentions d’investissement,
dont au moins 25 000 € doivent émaner de membres actifs de la plateforme) sont audités en
interne.
La phase d’e-vote (phase 2) permet aux membres de se familiariser avec un projet,
présenté succinctement et accompagné d’une vidéo. Ils peuvent a) noter le projet de façon
56
Source : WiSEED [en ligne] www.wiseed.com/fr/statistiques, consulté le 16/09/2018.
57
Ibid.
96
globale (de 1 à 5 étoiles) ; b) évaluer le projet (-1, 0 ou 1) sur 11 critères (dont la concurrence,
le modèle économique, la cohérence de l’équipe, etc.) ; et c) émettre une intention
d’investissement (entre 0 € et 10 000 €) qui n’est pas engageante. Un membre peut donc voter
sans investir et inversement (Cumming et al. 2017).
Cette phase marque l’ouverture d’un forum dédié au projet sur lequel les investisseurs
potentiels peuvent interagir librement, entre eux et avec l’entrepreneur qui recherche des
fonds. Les commentaires peuvent tout aussi bien permettre d’interpeller l’entrepreneur sur des
lacunes dans sa présentation, le questionner sur des points techniques, ou bien l’encourager.
Les commentaires sont faiblement modérés par les équipes de WiSEED. Ils sont accessibles à
n’importe quel membre de la plateforme (l’adhésion se fait par simple inscription par mail).
L’entrepreneur contrôle le niveau d’information qu’il souhaite diffuser et la granularité des
précisions qu’il apporte. Pour des raisons réglementaires, les questions de la valorisation et de
la part de capital à céder ne peuvent pas être évoquées sur ces forums.
Le ticket d’investissement minimum par investisseur est de 100 €, quel que soit le projet.
Tous les investisseurs d’un même projet sont systématiquement réunis au sein d’un véhicule
d’investissement (holding de droit privé sous forme de SAS). Ils ne détiennent donc pas de
parts en direct au capital des entreprises financées.
97
La durée moyenne des entretiens fut de 30 minutes. Les échanges se sont déroulés en
visioconférence. L’outil Zoom a été utilisé, car il permettait d’enregistrer les échanges en
direct et offrait la possibilité au répondant de se connecter soit en visioconférence, soit par
téléphone.
Un guide d’entretien (cf. Annexe 3) établi au préalable supportait la conduite des
entretiens. Conformément aux recommandations de Yin (2003), le protocole a été établi afin
de couvrir les thématiques principales liées à notre question de recherche, mais nous nous
sommes assurés de laisser la place à la discussion afin de creuser des sujets qui n’auraient pas
été anticipés. Ce protocole est divisé en sept parties. Dans la première section, nous avons
demandé aux répondants de se présenter et d’expliquer comment ils avaient connu le CF en
général et WiSEED en particulier. Les thèmes 2 et 3 concernent la navigation sur la
plateforme, l’utilisation du contenu fourni et le rôle de la plateforme. Le thème 4 explore le
rôle de la communauté dans la prise de décision. Le thème 5 touche à l’implication du
répondant dans la communauté et le thème 6 à son expertise personnelle. Enfin, le thème 7,
rajouté après le premier entretien, questionne sur le plaisir ressenti par les répondants à
investir en ECF.
Chaque entretien a débuté par une courte présentation du déroulé de l’échange et par
l’explication de notre rôle de doctorant au sein de WiSEED. L’autorisation d’enregistrer les
échanges a été demandée, tout en assurant qu’en aucun cas les données récoltées ne
serviraient à des fins commerciales.
Nous avons retranscrit les entretiens systématiquement le jour de leur réalisation afin de
garantir l’exactitude de la transcription. Les hésitations et les tics de langage ont été
conservés.
Conformément à la méthodologie suggérée par Spiggle (1994) pour la conduite
d’enquêtes qualitatives, les données qualitatives ont d’abord été analysées puis, dans un
second temps seulement, elles ont été interprétées.
L’analyse des données s’est déroulée en plusieurs étapes. Toutes les transcriptions ont été
lues et codées méticuleusement afin d’isoler les verbatims contenant une information
particulière, dans le but de rendre les données manipulables (Corbin et Strauss, 2008). Le
98
codage n’a été réalisé que par un seul chercheur ce qui représente une limite dont nous avons
conscience, puisque cela introduit un potentiel biais de subjectivité.
Nous avons ensuite réalisé une analyse de contenu thématique sur la base des verbatims
recueillis. Ce type d’analyse consiste à « classifier les éléments du document analysé en
catégories, afin d’en extraire les caractéristiques et d’en comprendre le sens » (L’Écuyer,
1987).
Pour ce faire, l’ensemble des transcriptions ont été relues dans le but d’identifier des
thèmes communs (étape de catégorisation selon Spiggle, 1994). Ces catégories ont ensuite été
reliées à des construits généraux induits par le guide d’entretien : expérience d’investissement
(relation à la plateforme, profil de l’individu, situation d’investissement), bénéfices perçus de
l’investissement en ECF et rôle de la communauté au cours du processus d’investissement.
Pour finir, ces construits ont été utilisés comme base de notre grille d’analyse. Ensuite, un
travail itératif a conduit à modifier cette grille au fur et à mesure de l’analyse thématique,
dans une posture interprétativiste. Chaque transcription a été relue plusieurs fois, une à une,
en faisant des allers-retours entre chaque interview et la grille d’analyse globale (cette
procédure est appelée « inference based on entire data set » par Spiggle, 1994).
Ces itérations nous ont permis d’identifier des sous-catégories et d’en découvrir de
nouvelles. Les catégories qui sont apparues au cours de notre analyse de contenu sont les
suivantes : risque perçu de l’investissement, expertise subjective individuelle (et manque
d’expertise), importance de l’avis des pairs, bénéfices éthiques de l’investissement.
Nous avons ensuite appliqué un codage sélectif pour identifier les relations entre les
construits identifiés.
La section suivante présente les principaux résultats de l’analyse de contenu menée.
99
comportement d’investissement (3.2.3) et le rôle modérateur de l’expertise du capital-risque
(3.2.4).
3.2.1.1 Personne
La première partie prenante du paradigme PxOxS est la personne, l’individu qui vit
l’expérience. Dans le cas présent, il s’agit du crowdinvestor. Sont présentés ci-après le profil
des crowdinvestors (3.2.1.1.1) et leurs caractéristiques individuelles (3.2.1.1.2).
Dans la sous-section 2.3.1, les différents profils des crowdinvestors tels que nous les
avons identifiés de manière éparse dans la littérature ont été décrits. Pour rappel, les
investisseurs institutionnels côtoient sur les plateformes les investisseurs sophistiqués, les
investisseurs novices et les proches des entrepreneurs. La question se pose de savoir si les
mêmes profils sont présents dans notre échantillon, aussi réduit soit-il. Tous les répondants
sont ici des personnes physiques, ce qui exclut les investisseurs institutionnels (cf. Tableau 9).
L’échantillon est assez représentatif de la communauté globale de la plateforme, avec
seulement une femme, ce qui est comparable au taux de 92 % d’hommes relevé par
(Cumming et al. 2017).
100
Tableau 9 - Présentation des répondants à l’enquête exploratoire
Nombre de Nombre de
A déjà
Individus Code Genre Âge Profession souscriptions votes (au
investi ?
(au 26/10/16) 26/10/16)
Retraité de l’industrie de
1 AA H - pointe
0 1 non
Directeur MBA création
2 JM H - d’entreprise
0 1 non
Chef de projet dans
3 FR H - l’industrie ferroviaire
0 1 non
4 BB H 25 Responsable web TPE 0 1 non
Consultant-chef de projet
5 SC H 38 chez un éditeur de logiciel
1 0 oui
Expert-comptable
6 AK H 30 mémorialiste
2 1 oui
Conseiller en
7 PC H 50 investissement financier
3 3 oui
Ingénieure en systèmes
8 EC F 41 électroniques
4 0 oui
Vacataire à l’Université
9 EB H 35 en Biologie
5 2 oui
10 RP H 28 n. c 6 31 oui
Gestionnaire de
11 CL H 33 patrimoine
6 16 oui
Contrôleur de gestion
12 CM H 52 dans le secteur des médias
13 24 oui
13 MW H 45 Kinésithérapeute 16 15 oui
58
Source : WiSEED [en ligne] www.wiseed.com/fr/statistiques, consulté le 16/09/2018.
101
Les répondants présentent les caractéristiques des crowdfunders tels que les décrivent
Ordanini et al. (2011). Ils sont engagés dans un « comportement innovant » (p.22) et « ils
aiment l’idée d’utiliser des outils interactifs ». (« Je m’intéressais beaucoup aux produits
innovants » AA).
Nous avons identifié deux caractéristiques propres aux individus qui influencent leur
expérience d’investissement : leur préférence en termes de risque et leur surface financière
(Tableau 10).
Nos résultats nous permettent d’identifier des similitudes entre les crowdinvestors
concernant leur portefeuille d’investissement en général et des différences quant à leurs choix
d’investissements en ECF.
Les investissements en ECF constituent les plus risqués que les crowdinvestors réalisent
et ils n’y consacrent qu’une part mineure de leur épargne. (« Après les investissements que je
fais sur la plateforme, c’est les plus risqués que je fais avec mon épargne. J’ai d’autres
placements un peu plus sécurisés, ou un peu plus classiques, on va dire » EC.) Ils définissent
un pourcentage de 5 à 10 % de leur épargne qu’ils sont prêts à placer sur ce type de produits
très risqués. (« Je me suis fixé des pourcentages vis-à-vis de mon investissement total. Je vais
me limiter à un maximum de 10 % de mon portefeuille » MW).
Certains répondants ne recherchent pas la prise de risque (« si je regarde mes décisions de
placements en réalité je prends [des risques], mais de façon modérée en termes de volumes »
CL), contrairement à d’autres qui sont riscophiles face à la perspective d’un ROI important
(« Après c’est des petites sommes, on va se permettre plus facilement de pouvoir perdre une
petite somme comme on aura gagné sur un gros projet. » SC).
102
Les préférences en termes de risques peuvent varier également en fonction du genre
(Charness et Gneezy 2012 ; Dwyer, Gilkeson, et List 2002 ; Byrnes, Miller, et Schafer 1999).
Dans le contexte de l’ECF, Hervé et al. (2016) montrent que les femmes investissent dans les
produits financiers de WiSEED les moins risqués (c’est-à-dire en immobilier), en accord avec
leurs préférences personnelles. L’unique femme de notre échantillon ne suit pas le même
comportement puisqu’elle investit uniquement dans les startups, produit financier le plus
risqué sur WiSEED.
Le cas de SC est intéressant, car il illustre le fait que le comportement riscophile n’est pas
corrélé à la surface financière : « ça ne me dérange pas d’investir, d’aller risquer un peu plus
d’argent parce que j’ai les moyens de me permettre de risquer un peu d’argent […] Je suis à
2 500 € net par mois » SC.
En revanche, la surface financière des crowdinvestors influence le montant qu’ils sont
prêts à investir et donc à perdre.
Les répondants ayant une surface financière modérée sont prêts à perdre quelques
centaines d’euros (« C’est sûr que si j’investis 100 € et que je les perds ça ne va pas changer
ma vie » SC), contre quelques milliers pour les autres qui considèrent que ce sont de petites
sommes (« J’ai investi trois fois mille euros, donc c’est vraiment des tout petits montants. »
PC ; « À chaque fois, c’est des petites sommes, hein. Oh bah quelques milliers d’euros, c’est
tout » CL).
3.2.1.2 Objet
L’objet, dans le paradigme PxOxS, peut tout aussi bien être le produit qui fait l’objet de
la consommation, que l’environnement physique (un magasin) ou le personnel de vente
(Ouvry et Ladwein, 2006).
Nos résultats montrent que « l’objet » avec lequel les crowdinvestors interagissent est soit
l’objet de l’investissement, c’est-à-dire un projet entrepreneurial (3.2.1.2.1), soit la plateforme
en elle-même (3.2.1.2.2).
La relation entre la personne et l’objet « projet entrepreneurial » est caractérisée par des
éléments hédoniques et affectifs (Tableau 11). Les composantes de la relation crowdinvestor-
103
projet sont de nature expérientielle (stimulation expérientielle) et non expérientielle (soutien
amical) (Aurier et al. 1996).
L’individu entre en relation avec cet objet pour soutenir un ami ou une connaissance
(3.2.1.2.1.1) et pour « vivre le projet par procuration » (3.2.1.2.1.2) (nous verrons que ce
deuxième élément est aussi lié à la valeur hédonique de l’investissement en ECF).
Vivre le projet
Stimulation expérientielle 7 6 54 %
par procuration
TOTAL 13 8 100 %
Les investisseurs ayant un lien fort avec le porteur d’un projet (qui sont in-crowd selon le
vocable de Polzin, Toxopeus et Stam, 2018) utilisent l’investissement en ECF comme un
moyen d’aider et de soutenir une connaissance. Leur investissement est un geste de soutien
amical envers une connaissance qui fait un appel de fonds (« J’ai soutenu parce que c’était un
ami, je n’ai jamais voulu le décourager » FR). Ils ont d’ailleurs connu le CF par ce biais
(« J’ai répondu à ses sollicitations et c’est comme ça que j’ai découvert WiSEED » AA) et
n’ont pas réalisé d’autres investissements par la suite (« Donc à part aider une personne que
je connais pour investir à titre amical, je ne ressens pas le besoin » FR). Ce type de
crowdinvestors correspond tout à fait à la définition des « friends et family » que nous avons
évoquée dans la section 2.3.1.2.3 (page 52).
104
SunwaterLife où le gars il pompe de l’eau pourrie, il appuie sur un bouton, il en sort de l’eau
propre et il la boit ! »). Ils s’intéressent au projet financé, à son développement, à l’évolution
de sa levée de fonds, au point de vivre l’aventure entrepreneuriale par procuration (« On est
dans l’attente des résultats, des succès, des échecs et donc de l’information qui remonte de la
société pour voir comment ça avance ») et de ressentir des émotions en voyant les succès du
porteur de projet (« Ça m’a fait plaisir qu’elle ait pu lever les fonds » ; « Ce projet j’y crois et
donc j’étais content, content pour elle » MC.)
Compte tenu d’un fort risque perçu, d’un manque de temps chronique et d’un manque
d’expertise sectorielle, les crowdinvestors se reposent sur la plateforme pour la sélection des
projets. La relation à la plateforme est principalement basée sur des composantes non
expérientielles (utilitaire et recherche d’information). Les crowdinvestors lui font confiance,
mais elle est avant tout le support de leur activité d’investissement.
La relation à la plateforme est avant tout utilitaire (3.2.1.2.2.1) et activée dans le contexte
de la recherche d’information pré-investissement (3.2.1.2.2.2) (Tableau 12).
105
3.2.1.2.2.1 Interactions pour des raisons utilitaires
Afin de limiter le risque pris, les crowdinvestors sélectionnent une plateforme qui dégage
une impression de sérieux et de simplicité d’utilisation. Dans le cas de WiSEED, les
personnes interrogées témoignent d’un fort niveau de confiance dans la plateforme qu’ils
perçoivent comme sérieuse et alignée sur leurs intérêts. (« Si demain on vous envoie vingt
dossiers et que vous en mettez vingt en ligne et qu’il y en a douze qui capotent, WiSEED dans
trois ans ça n’existe plus. Donc voilà, on est obligé de faire confiance » PC).
Ils attribuent à la plateforme le rôle de présélection et d’audit des dossiers présentés à
l’investissement ainsi que le suivi post-investissement et l’animation de la communauté.
Nos résultats mettent en évidence une différence entre crowdinvestors novices et
crowdinvestors experts.
Les premiers se reposent totalement sur la plateforme pour réaliser l’audit du projet qui
les intéresse. (« Je regarde ce qui est dit autour de WiSEED en dehors du site, mais en
général je fais beaucoup confiance à WiSEED » RP ; « Je vous59 fais confiance dans le choix
des dossiers » EC).
Les seconds apprécient le travail d’audit fait par la plateforme, mais ne s’en contentent
pas. Ils ont conscience que les analystes de la plateforme ne sont pas experts de tous les
domaines. Ils complètent le travail de la plateforme par un audit personnel (« C’est toujours
un gage de garantie, après il faut se faire sa propre idée sur la société, si on pense que ça
peut valoir la peine ou pas » MW) en lisant les commentaires laissés par les autres membres,
en consultant le profil Linkedin des dirigeants et en cherchant des informations ailleurs sur
internet. Notons que cette recherche est réalisée dans un environnement qui reste en ligne.
59
Le vouvoiement inclusif montre que les répondants associent le chercheur à la plateforme.
106
Ces résultats vont dans le sens de Doney et Canon (1997) qui exposent que les
consommateurs ont une prédisposition à créer une relation de confiance et de loyauté avec
une entité lorsqu’il leur semble difficile de faire un choix rationnel en se basant sur les
informations qu’ils ont à leur disposition.
107
L’investissement se fait donc au fil de l’eau en fonction des liquidités disponibles de
chaque individu. Un manque de liquidités temporaire peut contrarier la décision
d’investissement du crowdinvestor. (« Il y a des trucs qui m’ont intéressé, mais à un moment
où je n’avais pas d’argent à mettre là-dedans » PC ; « J’ai l’intention de réinvestir, mais
après je suis limité par mes revenus » AK).
Ce facteur explique d’ailleurs la non-participation des répondants n’ayant jamais investi
dans notre échantillon. (« Pour l’instant, je finance surtout mes fils. […]D’ici un an ou deux,
je vais dégager quelques disponibilités » AA ; « J’ai investi dans la société dans laquelle je
suis, donc effectivement, là, je n’ai plus trop d’argent à mettre ailleurs » BB).
Le temps apparaît comme une ressource rare chez les répondants. (« Ce qui me manque,
c’est du temps. Avant j’avais le temps, maintenant j’ai l’argent » EB). Ce manque de temps
constitue un des freins, si ce n’est le frein majeur, à l’investissement des crowdfunders. La
dimension temps est en effet mentionnée systématiquement par tous les répondants. Elle se
manifeste sous deux formes — la pression temporelle et le temps perçu — et à deux moments
- avant d’adopter l’ECF comme solution de placement et avant d’investir dans un projet
spécifique. Les individus de notre échantillon sont des « chrono-victimes », c’est-à-dire qu’ils
sont actifs (qu’ils soient en activité ou non) et cumulent les objets d’intérêt et les activités en
gérant leur « budget temps » (Lallement 2010). (« Je n’ai pas vraiment le temps de faire
trente-six trucs » JM).
La pression temporelle est ici entendue comme un manque de temps généralisé dans la
vie du répondant. Elle se manifeste très tôt dans le parcours client et constitue un frein dans
l’adoption de cette forme d’investissement. (« Aujourd’hui on est sollicité tellement sur plein
de sujets et on a sa vie professionnelle et privée… on ne peut pas être sur tout » FR). Mais
elle représente un frein plus important encore lorsqu’il s’agit, pour l’individu, de prendre sa
décision d’investissement pour un projet spécifique.
Lallement (2010) expose que la pression temporelle conduit à (1) une accélération de la
vitesse de traitement de l’information (2) une sélectivité dans les informations retenues et (3)
« un changement de la stratégie décisionnelle pour s’adapter à la contrainte temporelle ».
Dans le contexte d’une décision d’investissement en ECF, nos résultats corroborent ces
observations, mais uniquement pour les individus ayant une surface financière conséquente et
une faible aversion au risque. (« J’ai regardé tous les projets qu’il y avait, j’ai fait ça une fois,
deux fois. J’en ai sélectionné trois et j’ai fait ça très vite » PC).
108
Comme le rappelle Schary (1971), le temps influe sur le comportement du consommateur
qui en investit beaucoup dans sa recherche d’information et à chaque utilisation du produit
(dans le cas d’un produit financier, il s’agira du temps de suivi de portefeuille). Selon lui, la
perception de ce temps par le consommateur influencera à la fois son choix de produit et
l’utilisation qu’il en fera.
Les individus les moins familiers avec ce mode de financement pensent qu’investir en
ECF prend beaucoup de temps. Ceci est d’autant plus vrai lorsque le risque perçu est élevé, dû
à une expertise spécifique considérée comme lacunaire ou à une surface financière faible. Le
temps perçu pour s’informer est alors estimé comme très long. (« Mais c’est sûr qu’il y a des
trucs que je sais que j’ai laissé passer, qui me convenaient, parce que je n’ai pas eu le temps
de finaliser. Parce que l’air de rien, quand on décide d’investir, même des petites sommes
comme je fais moi, ça ne se fait pas en un clic, ça prennent un peu de temps » CM). Une
forme de procrastination est ainsi observée chez les membres qui, selon Greenleaf et
Lehmann (1995), perçoivent un manque de temps pour se décider, un risque perçu important
ou ont besoin d’un avis de tiers qu’ils ne peuvent avoir tout de suite.
Ce n’est pas la dimension temporelle du risque perçu qui entre ici en jeu. En effet, les
individus ne semblent pas craindre de perdre leur temps, mais bien de ne pas avoir le temps de
comprendre les enjeux. (« Ça m’a pris un peu plus de temps pour me décider parce que je
voulais mieux en connaître les tenants et les aboutissants » EC).
Finalement, cette pression temporelle, associée avec un temps perçu long, contribue à
l’adoption d’une posture « délégatrice » de la part des investisseurs de notre échantillon. Le
manque de temps conduit également à attribuer à la plateforme un rôle de tiers de confiance,
nous l’avons vu précédemment. (« Le rôle de la plateforme c’est de détecter comme je
disais… de faire une pré-étude parce que nous, évidemment, on n’a pas le temps » CL).
109
Encadré 14 - Synthèse de la section 3.2.1
En résumé
Les crowdinvestors interrogés correspondent au profil dessiné par Ordanini et al. (2001).
Ce sont des personnes tournées vers l’innovation et ils aiment utiliser des « produits
interactifs ». Ce sont majoritairement des hommes, présentant un niveau d’étude élevé et
ayant en moyenne quarante ans. Ils n’ont pas nécessairement une surface financière très
étendue (les répondants de notre échantillon ont investi entre 100 € et plusieurs milliers
d’euros). Leur surface financière n’est pas liée à leurs préférences en termes de risques. Les
plus fortunés ne sont pas les plus riscophiles. L’investissement en ECF reste tout de même
l’investissement le plus risqué parmi les placements financiers qu’ils ont réalisé par ailleurs.
Un élément marquant ressort de notre analyse concernant les interactions entre la
personne et le projet ou la plateforme. Les interactions entre l’individu et la plateforme sont
principalement utilitaires et dans une logique de recherche d’informations. La plateforme joue
le rôle de tiers de confiance aux yeux des crowdinvestors qui la perçoivent comme garante de
leurs intérêts. Cependant, les répondants n’entrent pas en relation avec elle pour jouer ou pour
le plaisir. Au contraire de la relation à l’objet de leur investissement (le projet entrepreneurial)
qui est composée d’une dimension affective et d’une dimension hédonique.
Ainsi, la plateforme doit être considérée principalement comme le lieu rendant possible
l’interaction entre la personne et l’objet de son investissement (Ouvry et Ladwein, 2006). Elle
constitue le siège de l’expérience, le lieu qui fournit le cadre de l’action (Pulh et Mencarelli
2005).
Nous l’avons évoqué en introduction de ce chapitre, la valeur perçue peut être étudiée
selon une approche globale et unidimensionnelle (valeur d’achat) ou selon une approche
intégrative multidimensionnelle (valeur de consommation). Dans le cas de la première
approche, la valeur est évaluée rationnellement selon un ratio bénéfices-sacrifices qui est
souvent réduit à un ratio qualité-prix (Rivière et Mencarelli, 2012). Dans le cas de la seconde
approche, la valeur dépend de différentes composantes, principalement affectives,
expérientielles et symboliques (Rivière et Mencarelli, 2012).
110
Tableau 14 - Typologie synthétique de la valeur
Extrinsèque Intrinsèque
Valeur instrumentale
Orienté vers soi (dimension utilitaire et Valeur hédonique
connaissance)
Communication (lien social Valeur spirituelle, pratique
Orienté vers les autres
et expression de soi) sociale
La valeur utilitaire perçue par les crowdinvestors se décline sous 3 formes : obtenir un
ROI (3.2.2.1.1.1.1), diversifier ses placements (3.2.2.1.1.1.2) et accéder à l’investissement en
capital-risque avec des petites sommes (3.2.2.1.1.1.3).
3.2.2.1.1.1.1 Obtenir un retour sur investissement
L’obtention d’un ROI est un bénéfice attendu par 45 % des répondants (« J’attends à
terme un gain financier » AA) et 31 % des verbatims codés s’y réfèrent. Elle représente l’un
des bénéfices principaux attendus de l’investissement en ECF.
L’investissement dans les startups est perçu comme extrêmement risqué et la perspective
d’un ROI comme peu probable. Les répondants en ont conscience et recherchent la « pépite »
qui leur permettra de réaliser un multiple conséquent afin de compenser les pertes probables
essuyées dans d’autres investissements. (« Disons que le retour sur investissement prévu m’a
toujours intéressé, mais surtout l’idée de dégoter une pépite » EB.)
112
Le gain financier le plus probable est associé à l’investissement dans des projets
immobiliers60 plutôt qu’à l’investissement dans des startups. L’investissement en immobilier
est en effet perçu comme moins risqué et plus rentable (« J’ai investi un peu dans
l’immobilier parce que c’est un placement, entre guillemets, un peu plus sûr avec des
rendements un peu plus certains » MW). L’investissement dans ce type de projets est
particulièrement motivé par le retour financier, aucun répondant ne cite de motivations non
utilitaires à investir dans ces produits d’investissement.
Le ROI est attendu à un horizon temporel variable selon les produits financiers, soit 5 à 8
ans pour un investissement dans une startup et 1 à 2 ans pour un investissement en
immobilier. Ces durées correspondent à celles qui sont annoncées par la plateforme elle-
même. Cependant, certains répondants ont conscience que ces délais varient dans la réalité.
(« On sait que c’est un placement à dix-huit mois, on sait qu’on va être payé au bout de vingt-
quatre parce que ça va être décalé. Mais ce n’est pas très grave. J’attends le retour » SC.)
3.2.2.1.1.1.2 Diversifier ses placements
60
WiSEED annonce un rendement de 8 à 12% annuels sur une période de 12 à 36 mois pour les investissements
« en immobilier ». Le principe de cette offre d’investissement est de financer en obligations un promoteur
immobilier qui utilisera ces fonds pour augmenter ses fonds propres dans le but de faire un effet de levier en
dette auprès d’un établissement bancaire. L’activité financée est bien immobilière, mais, en réalité les
investisseurs n’y participent pas directement. L’opération proposée est purement financière et non immobilière.
61
Les fonds de capital investissement permettent d'investir dans des sociétés non cotées en bourse. Il est possible
d’investir dans des sociétés non cotées grâce à trois types de fonds de capital investissement : FCPR (fonds
communs de placement à risques) ; FCPI (fonds communs de placement dans l’innovation) ; FIP (fonds
d’investissement de proximité). Source : Autorité des Marchés Financiers [en ligne] www.amf-france.org.
Consulté le 12/09/18.
113
Les répondants ont connaissance de la possibilité offerte par la plateforme d’investir dans
des projets immobiliers. Certains la mentionnent, car ils ont eux-mêmes diversifié leurs
placements entre le financement de l’immobilier et des startups. Les autres connaissent
l’existence de ces produits financiers, mais n’y adhèrent pas (« L’immobilier ne m’intéresse
pas plus que ça. Il n’y a que le retour sur investissement que je trouve intéressant » EB).
Notons qu’aucun n’a évoqué d’autres produits proposés sur la plateforme62 hormis l’unique
femme de l’échantillon, qui a investi une fois dans une coopérative pour des raisons éthiques
et non dans le but de réaliser un ROI.
3.2.2.1.1.1.3 Investir de petites sommes en capital-risque
Les sommes investies en ECF sont considérées par les investisseurs comme faibles, au
regard de leurs autres placements. Ils investissent entre quelques centaines et quelques
milliers d’euros par projet (« A chaque fois c’est des petites sommes hein, quelques milliers
d’euros, c’est tout. » CL).
Quatre répondants mentionnent et apprécient le fait de pouvoir accéder à ce type
d’investissement en capital-risque en tant que particuliers, alors qu’ils étaient inaccessibles
sans l’ECF, notamment à cause d’un ticket d’entrée trop élevé. (« J’apprécie de pouvoir
investir sans avoir à investir des sommes importantes, contrairement aux FCPI avec des
tickets d’entrée beaucoup plus forts, à cinq ou dix mille euros » PC.)
Ces faibles montants requis permettent aux investisseurs de découvrir l’ECF et d’attendre
de voir « ce que ça donne » que ce soit à titre personnel (« J’ai investi mille euros ou deux
mille euros on va dire pour voir un petit peu comment ça fonctionnait, comment ça se passe
ensuite derrière » SC) ou à titre professionnel, notamment en tant que conseiller en
patrimoine (« J’ai mis trois fois mille euros chez WiSEED pour essayer, voir un peu ce que ça
donnait, par curiosité professionnelle » PC). En fonction du retour obtenu, ils envisagent
d’investir plus largement.
D’après Aurier et al. (2004, p.7), « la valeur de connaissance est liée au sentiment de
maîtriser la catégorie de produits et de s’y sentir compétent ». Elle se matérialise par un
comportement actif de recherche d’information, source de stimulation pour l’individu
(Steenkamp et Baumgartner, 1992, cités par Aurier et al., 2004).
62
Investissement dans des coopératives, des projets d’énergie naturelle renouvelable, des projets d’agroforesterie
et des PME traditionnelles.
114
La valeur de connaissance se décline sous deux formes pour les crowdinvestors de notre
échantillon : expérimenter l’ECF (3.2.2.1.1.2.1) et découvrir de nouveaux projets
(3.2.2.1.1.2.2).
3.2.2.1.1.2.1 Expérimenter l’ECF
115
L’investissement est alors l’occasion de creuser la compréhension du projet et de son
innovation, de soutenir sa réalisation, voire de « payer » pour vivre par procuration
l’excitation liée à cette aventure entrepreneuriale. (« J’avais envie de voir ce que c’était, mais
de l’intérieur » EC).
Cette troisième forme de valeur fait l’objet du point suivant.
La valeur hédonique retirée d’une activité de consommation est de type « orienté vers
soi » et intrinsèque (Holbrook, 1994). En ce sens, l’individu tire de la valeur du plaisir que
l’activité en elle-même lui procure, sans qu’il ne poursuive aucun autre but (Filser et Plichon,
2004). Les bénéfices hédoniques représentent 25 % des citations liés aux bénéfices de notre
échantillon.
Cette observation va dans le sens d’Allen et McGoun (2002) qui développent une
approche selon laquelle l’investissement peut être une activité désirable en soi, sans
considération des retours financiers attendus.
Nos résultats permettent d’établir que les crowdinvestors associent comme bénéfices à
leur investissement en ECF l’idée de vivre une expérience d’investissement originale et de
prendre du plaisir à découvrir de nouveaux projets. Enfin, de manière plus marginale, la
volonté de vivre une aventure entrepreneuriale par procuration est aussi un bénéfice associé et
au fait d’investir dans un projet via l’ECF.
« Faire partie de l’aventure » est entendu comme la possibilité pour l’investisseur d’entrer
en contact avec le porteur de projet et de suivre l’évolution de l’entreprise financée.
(« J’investis peut-être 100 balles ou n’importe quoi dans un projet du coin et je me dis que je
peux aller y faire un tour et rencontrer la personne, discuter, échanger » BB).
Nous trouvons que le bénéfice perçu de l’investissement en ECF lié au fait de pouvoir
participer à l’aventure entrepreneuriale ne se manifeste que chez certains investisseurs, dont le
profil se rapproche le plus de celui des BAs (tel que nous l’avons décrit dans la section 2.3.1).
Au même titre que les BAs sont impliqués dans les sociétés dans lesquelles ils investissent et
suivent les entrepreneurs au jour le jour (Benjamin et Margulis, 2000), certains
crowdinvestors tirent plaisir du fait de voir évoluer la société financée et de voir les coulisses
du projet. (« On est dans l’attente des résultats, des succès, des échecs et donc de
l’information qui remonte de la société pour voir comment ça avance » CM).
116
3.2.2.1.2.2 Jouer de l’argent
La littérature sur les BAs avance que ces investisseurs considèrent l’argent qu’ils
investissent dans un projet comme de « l’argent de casino », ou autrement dit, de l’argent à
parier (Mason et Harrison, 1996). L’analyse de l’un des premiers entretiens nous a également
incités à explorer cette piste (« Au départ j’ai investi 200 € comme je les aurais mis au PMU »
EB).
Nous avons fait évoluer le guide d’entretien afin de questionner les répondants sur leur
sentiment de jouer de l’argent et sur la dimension ludique de l’investissement en ECF.
Nos résultats ne font pas apparaître une vision homogène chez tous les répondants. RP ne
« voit pas l’aspect ludique », tandis que PC affirme qu’« il y a un aspect ludique c’est clair ».
Les répondants n’ont pas l’impression de jouer ou de parier de l’argent (« Le premier
critère c’est le sérieux du projet et la cohérence avec mes critères de sélection, ce n’est pas
vraiment l’aspect jeu » CL ; ou encore « moi ce n’est pas pour jouer » RP).
Il a été montré que les parieurs jouent pour le plaisir de jouer plus que pour tenter de
gagner et le retour monétaire n’est que l’occasion d’étendre la durée du jeu (Anselme et
Robinson 2013). Au contraire, nos résultats ne permettent pas de considérer la possibilité
de jouer de l’argent comme un bénéfice perçu de l’investissement en ECF, bien que
l’argent investi soit considéré par les crowdinvestors comme de l’argent qu’ils sont prêts
à perdre (« C’est sûr que si j’investis 100 € et que je les perds ça ne va pas changer ma vie »
SC).
La famille de valeur de type « orienté vers les autres » et « intrinsèque » regroupe chez
Aurier et al. (2004), la valeur de spiritualité et la valeur de pratique sociale. Cette dernière
correspond à la valeur éthique dans la typologie d’Holbrook (1994). Ce type de valeur
apparaît lorsque la consommation d’un produit permet de procurer un bénéfice à autrui.
La valeur de spiritualité quant à elle apparaît lorsque « l’individu accède à une expérience
par laquelle il se transforme lui-même » (Filser et Plichon, 2004).
La valeur éthique est la valeur la plus citée dans notre échantillon avec 44 % de fréquence
d’apparition dans les verbatims. Elle apparaît sous deux formes : soutenir l’entrepreneuriat
(3.2.2.1.3.1) et investir de façon responsable (3.2.2.1.3.2).
Nous n’avons pas trouvé d’éléments se rattachant à la dimension spiritualité de la valeur.
117
3.2.2.1.3.1 Soutenir l’entrepreneuriat
Dans le contexte de l’ECF, l’opportunité offerte de supporter les autres est perçue comme
un bénéfice de ce mode d’investissement. Ce support est dirigé vers le porteur de projet (qui
peut être une connaissance ou un inconnu) et vers la société (ou un sous-groupe spécifique tel
que les entrepreneurs) (Harms, 2007).
Le comportement d’aide est défini comme un comportement dirigé vers un autre que soi
qui augmente le bien-être d’une personne ayant besoin d’aide (Bendapudi et al., 1996 cités
par Harms 2007). Ce comportement d’aide peut constituer une motivation à investir forte.
C’est notamment le cas des donateurs dans les œuvres de charité qui sont motivés par
l’argument « je me sens bien si je donne » (Walker, 2004).
Nous retrouvons cet argument dans l’analyse des verbatims avec la volonté d’aider les
entrepreneurs en général.
Les crowdinvestors vivent leur investissement comme un acte de soutien à
l’entrepreneuriat, aux entrepreneurs qui le font vivre et à l’innovation qu’ils génèrent. Ils sont
conscients de la difficulté que représentent le lancement et le développement d’une affaire et
souhaitent soutenir ceux qui essayent de développer de nouvelles idées (« Je sais à quel point
c’est difficile de trouver de l’argent et que ça me ferait plaisir demain de donner ne serait-ce
que 200, 500 ou 1000 ou même 20 euros » BB).
Ils veulent soutenir le financement de projets d’avenir afin de voir émerger des projets
(« Par ailleurs, j’avais pu voir quand même la frilosité des banques pour tout un tas de
projets et donc je me disais qu’il fallait trouver des solutions pour voir émerger des projets
loin de la lourdeur des financements qui peuvent être accordés par des banques » EC.) Leur
rapport au système de financement traditionnel, notamment bancaire, est méfiant (« Je n’ai
rien contre les banques, mais aujourd’hui elles détiennent un peu le système, beaucoup trop
en tout cas, à mon goût [...] Et elles peuvent, d’un claquement de doigts, quasiment tuer une
entreprise » BB).
L’évocation de la volonté de contourner le « système » fait écho à la quête d’autonomie et
« l’anti-universalisme » des figures du nouveau consommateur étudiées par le courant de la
post-modernité63 (Cova et Cova, 2009).
Les crowdinvestors sont motivés par l’idée de combler les lacunes des institutions établies
et par le fait de participer à l’économie réelle (« Cette démarche m’intéressait parce que
63
La doctorante remercie le Professeur Marc Filser pour cette mise en perspective.
118
c’était concret et c’était une démarche citoyenne de soutenir des entreprises françaises qui
veulent se développer » AK).
Ces résultats confirment ceux d’Ordanini et al. (2011) selon lesquels une part importante
de crowdfunders s’identifient fortement au porteur de projet financé. Ces auteurs citent à ce
propos un manager de Sellaband dont l’affirmation résume les verbatims présentés dans cette
sous-section : « L’idée de rendre les choses possibles, d’en faire partie en ayant une
connexion avec le projet, c’est cela qui compte » (p.23).
La recherche d’un investissement responsable est très marquée chez tous les répondants.
Cette seule dimension représente 29 % des citations concernant les bénéfices attendus. Les
personnes interrogées déclinent l’investissement responsable en trois types de
comportements : avoir un impact positif sur la société et/ou l’environnement (3.2.2.1.3.2.1),
pouvoir investir de façon transparente (3.2.2.1.3.2.2) et participer au progrès (3.2.2.1.3.2.3).
L’un d’entre eux, CL, associe d’ailleurs la responsabilité et le fait d’être dans l’air du
temps : « La plateforme convenait tout à fait à l’image que je me faisais d’un investissement
responsable entre guillemets. Moderne quoi, tout simplement ».
Les crowdinvestors de notre échantillon associent une dimension éthique à leurs choix
d’investissement. Ils sont des consom’acteurs64 de produits financiers. Exigeants et avertis, ils
sont engagés et sensibles à la dimension responsable et éthique de leurs choix (« Mes attentes
c’est le respect de l’environnement, avoir une activité socialement responsable et le soutien
de l’agriculture au sens large. Ça me semble être des secteurs incontournables » CL).
En investissant en ECF ils ont l’impression de faire quelque chose de bien et de participer
modestement à faire évoluer la société et l’environnement dans un sens positif (« Il faut aller
dans le sens du vent. On ne pourra pas s’affranchir du développement durable ou des
64
La consom’action est un néologisme employé dans les années 2000 par Michel Bogé, militant écologiste.
119
innovations dans la santé » EB), parfois au travers de petits gestes qui ont trait à des
thématiques d’actualité (« J’ai financé des choses plus simples comme un Toit pour les
Abeilles » AA). L’environnement et la santé sont des thématiques qui tiennent à cœur aux
répondants (gardons en tête le biais existant lié à la plateforme) (« Je vais plus être intéressé
par, je sais pas moi, une molécule contre le cancer » PC). Le fait de pouvoir contribuer aux
développements de solutions en santé et pour l’environnement est à la fois un bénéfice
attendu de l’investissement et un critère de choix du projet (« Je regarde l’impact
environnemental surtout » RP).
3.2.2.1.3.2.2 Investir en transparence
65
Dans le cas de WiSEED, l’investissement se fait via un holding d’investissement et non en direct, sauf pour
des investissement de plus de 50K€ et après acceptation du porteur de projet.
120
3.2.2.1.3.2.3 Participer au progrès
121
Un crowdinvestor prend le risque de perte ou d’illiquidité de tout ou partie de son capital
investi. Exception faite de la possibilité, offerte dans certains cas, de défiscaliser une partie de
son investissement, le rendement et l’horizon de sortie sont par nature incertains.
Nos résultats montrent qu’il y a une distinction à opérer quant à l’objet du risque perçu. Il
prend trois formes : vis-à-vis du crowdfunding, vis-à-vis de la plateforme, vis-à-vis du projet à
financer.
Le fait d’investir dans des projets inconnus via une plateforme internet a contribué à
l’impression de certains répondants d’avoir affaire à une « arnaque » (Cunningham et al.
2005) (« Tant que je n’avais pas compris ça je croyais que c’était un attrape-nigaud » EB).
Bien que les avis des individus concordent sur le fait que la plateforme dégage une impression
de sérieux, ils ont eu du mal à faire confiance dans les premiers temps. « Je me méfie des trucs
comme ça, surtout que ça m’était tombé dessus par une pub. J’avais même pris ça pour un
spam » (EB).
Enfin, la nature même des projets présentés par la plateforme contribue à augmenter le
risque perçu, notamment dans sa dimension financière (Jacoby and Kaplan, 1972). « Je n’ai
aucune idée de ce que ça peut donner avec du recul dans 4-5 ans en retour d’investissement »
(RP).
Notons que le risque perçu n’est pas lié au fait que l’achat de produits financiers se réalise
dans un environnement en ligne, contrairement à ce que nous aurions pu supposer (Aldàs-
Manzano et al., 2009 ; Littler et Melanthiou, 2006).
Concernant spécifiquement le risque associé à l’investissement en ECF à proprement
parler, trois dimensions du risque perçu ressortent de l’analyse des verbatims : le risque
financier (3.2.2.2.1.1), le risque de performance (3.2.2.2.1.2) et le risque d’évaluation
(3.2.2.2.1.3) (Tableau 15).
122
3.2.2.2.1.1 Le risque financier
Le risque financier est cité par plus de la moitié des répondants. Il concerne la perte,
partielle ou totale, des sommes investies.
Ce sont les répondants qui ont investi avec la plus grande fréquence (CM, CL, MW et
PC) qui ont le plus conscience du risque financier. (« On sait que dans plus de 50 % des
startups elles vont malheureusement disparaitre donc on sait que l’argent sera perdu, ma
foi… c’est un risque qu’on court sciemment. » MW). Chez ces investisseurs avertis, le risque
est intégré, ils acceptent de « tout perdre ». (« On sait bien que quand on investit dans une
entreprise on peut gagner beaucoup, mais on peut tout perdre » PC). Pour autant, nous
pouvons supposer que la perte est acceptée principalement parce qu’elle est lointaine et
hypothétique. Aucun des répondants n’a effectivement perdu de l’argent. La littérature en
économie expérimentale documente cette perception asymétrique des perspectives de gains et
de pertes.66 D’après Odean (1998), notamment, les investisseurs en bourse sont moins enclins
à réaliser leurs pertes que leurs gains.
Chez les membres ayant investi, le risque financier est mentionné, mais minimisé
(« Comme le projet est déjà bien monté normalement on va dire que c’est quasiment du
100 % sûr » SC). La littérature indique que le risque est subjectif et qu’en dessous d’un
certain seuil considéré comme acceptable par l’individu, il n’est plus pris en compte lors de la
décision d’achat/d’investissement (Greatorex et Mitchell 1993). Nous faisons la proposition
que c’est ce mécanisme qui est en jeu ici.
66
La doctorante remercie le Professeur Marc Filser pour cette suggestion.
123
3.2.2.2.1.3 Le risque d’évaluation
Le risque d’évaluation est d’autant plus marqué en ECF que les asymétries d’informations
sont importantes (Schwienbacher et Larralde, 2010) et que les crowdinvestors sont des
individus non-experts (Agrawal et al., 2013).
Le risque d’évaluation est dû, dans le cas présent, à un manque d’expertise concernant le
projet à financer, plutôt qu’à un manque d’expertise concernant la finance d’entreprise en
général.
Les crowdinvestors rejoignent une plateforme d’ECF pour placer leur épargne, acte pour
lequel ils présentent des compétences ou une expérience. En revanche, lorsqu’il s’agit
d’évaluer un dossier en particulier, leur manque d’expertise sectorielle ou technologique les
freine dans leur investissement et augmente le risque perçu. (« Sur la partie sectorielle, non,
je n’ai absolument pas la compétence qu’il me faudrait pour réussir à apprécier les
investissements » CM.)
Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’investir dans une startup évoluant sur un
secteur d’activité non maîtrisé ou développant une technologie complexe. (« Il faudrait un
avis d’expert pour juger de la validité du projet... il manque un apport d’expertise quand on
ne peut pas faire son opinion tout seul ».)
En résumé
L’approche par la valeur globale adoptée permet de mettre en évidence les sources de
valorisation de l’investissement en ECF, ainsi que les sacrifices perçus associés.
Contrairement aux travaux de Cholakova et Clarysse (2015), nos résultats indiquent que la
dimension utilitaire est certes valorisée par les crowdinvestors, mais pas plus que les
dimensions de connaissance (expérimenter l’ECF et découvrir de nouveaux projets),
hédonique (participer à l’aventure entrepreneuriale) et éthique (soutenir l’entrepreneuriat et
investir de façon responsable). Un biais lié au positionnement de la plateforme est toutefois
identifié et indique l’existence possible d’une surreprésentation de la dimension éthique dans
notre échantillon. Nous identifions un sacrifice lié à l’investissement en ECF qui est le risque
perçu (financier, de performance et d’évaluation). D’autres sacrifices sont probablement en
jeu dans la valorisation de l’investissement en ECF, mais ils n’apparaissent pas dans l’analyse
de contenu menée.
124
3.2.3 Incidence de la dimension participative de l’ECF sur le
comportement d’investissement des crowdinvestors
Comme l’indique Vézina (1999, p.62), « ce que ce que l’on nomme l’expérience de
consommation ne se limite plus à quelques activités pré-achat (éveil du besoin, recherche
d’informations, évaluation, etc.), ni même quelques activités post-achat comme l’évaluation et
la satisfaction, mais englobe une série d’autres activités qui influenceront les décisions et
actions futures du consommateur ». D’après Charfi et Volle (2011), des éléments
expérientiels peuvent donc conduire à des changements comportementaux.
L’expérience de consommation de produits financiers en ECF englobe l’acte
d’investissement en lui-même, mais également une dimension participative importante
puisque le crowdinvestor peut interagir avec les entrepreneurs et les autres membres,
sélectionner les projets dans lesquels il souhaite investir, donner son avis, etc. Cette
participation est matérialisée dans le cas de WiSEED par une étape de pré-sélection, appelée
« e-vote », que nous avons décrite dans la présentation du terrain.
L’analyse de contenu suggère que l’expérience d’investissement et l’expérience de
participation peuvent être dissociées. L’expérience de participation, une fois isolée, semble
avoir une incidence sur le comportement d’investissement des crowdinvestors que nous avons
interrogés : elle est source d’information en phase de recherche d’information (3.2.3.1), elle
peut influencer la décision d’investissement dans certains cas (3.2.3.2) et elle influence
positivement l’engagement et la fidélité des crowdinvestors (3.2.3.3).
125
trouvons que la communauté en ligne joue un rôle important dans l’émission et la diffusion
d’informations entre les utilisateurs d’internet (cités par Berger et Messerschmidt, 2009).
La recherche d’informations est particulièrement marquée chez les répondants qui
perçoivent un risque élevé dans le fait d’investir au capital d’un projet. Ils évoquent
également un manque d’expertise sectorielle ou financière qui rend plus ardue la
compréhension des enjeux. Ils se reposent alors sur les autres membres pour les aider à
prendre une décision.
Bien que certains répondants regrettent de ne pas avoir plus d’informations sur l’identité
des autres membres (ils ne voient que le prénom, la première lettre du nom de famille et
éventuellement une photo de profil), ils prennent tous connaissance des commentaires
lorsqu’ils s’intéressent à un projet. Les membres utilisent ces forums de façon utilitariste : soit
ils ont besoin de poser une question au dirigeant pour mieux comprendre le projet, soit ils
lisent les commentaires pour récupérer de l’information. (« Si je vois des projets intéressants
sur lesquels j’ai envie de me positionner, je vais faire attention. Je vais aller lire les projets,
les commentaires » SC).
Les répondants éprouvent du plaisir à interagir avec les autres. Ceux qui ne le font pas,
principalement par manque de temps, reconnaissent l’existence de cette communauté dont ils
s’enrichissent, notamment en lisant les commentaires.
« [La phase de vote] contribue à rapprocher les membres de la plateforme, je pense. Ça
les implique… [c’est] un gage d’ouverture à l’opinion de ces souscripteurs potentiels. » (CL).
La lecture des forums leur permet d’apprendre et de s’enrichir des questionnements des
autres. Cette observation est conforme avec les conclusions de Beauvisage et al. (2013) qui
évoquent la figure de « l’utilisateur-consommateur » qui se fie à l’avis des autres, qu’ils soient
anonymes ou non, afin de faciliter son choix. Selon les auteurs, si le contenu est important, le
nombre d’avis l’est également puisqu’il constitue une « métrique d’audience ». La confiance
accordée dans l’avis des autres est d’autant plus cruciale que les forums ou les communautés
en ligne sont composés de membres anonymes et dispersés géographiquement, ce qui est le
cas dans le contexte de l’ECF.
« La communauté ne me sert que quand il faut lire les commentaires sur les domaines où
je n’y connais pas grand-chose » (EB).
« [Je lis les commentaires] on va dire surtout quand je trouve l’idée très bonne de base et
puis d’un coup je me dis bon, est-ce que l’idée est vraiment très bonne ou il n’y a que moi qui
ai l’impression qu’elle est très bonne » (RP).
126
Les investisseurs aguerris émettent, quant à eux, quelques réserves sur la pertinence des
commentaires. (« Après les commentaires ça reste toujours un avis qui est posté donc il faut
toujours [peser] le pour et le contre des commentaires » MW).
Nous n’avons pas demandé aux répondants d’expliquer la façon dont ils prennent leur
décision finale d’investissement. Cependant, notre analyse de contenu nous a permis
d’identifier trois modus operandi mobilisés par les crowdinvestors pour prendre leur décision
d’investir, ou non, dans un projet (cf. Tableau 16). La typologie proposée ici n’est
qu’exploratoire et nécessiterait des recherches complémentaires pour espérer être
généralisable. Cette typologie a toutefois le mérite de mettre en évidence que la décision
d’investissement peut-être influencée par la dimension participative de l’investissement en
ECF (décision « socialisée ») et que le type de décision dépend en partie de l’expertise de
l’investisseur (ce point est traité p.131).
Nous avons intitulé les différents types de manière simple et évocatrice (décision
« socialisée », décision « affective », décision « rationnelle ») tout en sachant que chacun de
ces termes renvoie à des concepts largement documentés, voire débattus, dans la littérature
(notamment la rationalité de l’individu). Notre propos ici n’est pas d’explorer cette littérature,
mais bien de donner un cadre simple d’analyse et une base de réflexion.
Type de décision
Caractéristiques Extraits de verbatim
d’investissement
Découle de la
participation de
l’investisseur dans la « Je regarde ce que mettent les autres gens, ce
communauté qui se fait. Soit ça confirme, soit ça ne confirme
Influencée par le
pas [ma décision] ».
Décision
« socialisée » comportement des « Une fois que j’ai bien compris, si lui a investi
autres membres
Adoptée lorsque
et que moi je trouve aussi que c’est pas mal
alors j’y vais ».
l’investisseur pense
manquer d’expertise
127
Type de décision
Caractéristiques Extraits de verbatim
d’investissement
Investissement au « Je me positionne sur un ressenti assez…
« coup de cœur »
Peu fréquente
parfois assez subjectif, sans prendre le temps de
Liée à un projet
détailler toutes les pièces comptables que vous
joignez dans les dossiers. »
donné
Adoptée
Décision
« Je n’investis que des sommes limitées sur
« affective » chacun des dossiers. Je préfère en avoir
ponctuellement, quel
que soit le niveau beaucoup… enfin plusieurs dans l’année avec
des montants très limités plutôt que d’investir
d’expertise de
fortement sur un. Sauf encore une fois coup de
l’investissement. cœur, ce que j’ai fait à deux reprises. »
128
Plus le secteur d’activité du projet est complexe ou technique, et donc plus le risque perçu
est grand, plus les commentaires sont considérés comme nécessaires dans la décision d’achat,
conformément aux travaux de Belk (1981). (« La communauté ne me sert que quand il faut
lire les commentaires sur les domaines où je n’y connais pas grand-chose » EB.)
Si des avis négatifs sont émis ou que l’entrepreneur répond de manière non satisfaisante à
des questions posées par d’autres membres, l’individu est parfois amené à revoir son
jugement, que ce soit sur le montant à investir ou sur la décision même d’investir. (« Je
regarde ce que mettent les autres gens, ce qui se fait. Soit ça confirme [mon avis] soit ça ne
confirme pas » RP).
Ce type de décision « socialisée » nous semble lié à la figure de « l’utilisateur-
consommateur » décrit par Beuscart et Deerbaye (2006) qui est « un individu qui se fie aux
opinions des autres pour orienter son choix » (Beauvisage et al., 2013).
Les deux types de décision suivants ne sont pas induits par la dimension participative de
l’ECF, mais ils contribuent à enrichir la typologie des décisions d’investissement que nous
tentons de dresser ici.
La décision que nous avons qualifiée d’« affective » est une décision qui repose sur un
ressenti subjectif de l’investisseur. Elle correspond à un investissement au « coup de cœur » et
elle n’est adoptée que ponctuellement par les crowdinvestors, quel que soit leur niveau
d’expertise. La décision est alors prise sur la base de l’affect, qui « conduit à filtrer
l’information en surpondérant les données marquantes, les faits saillants mêmes s’ils n’ont
qu’une faible pertinence par rapport à l’objet évalué » (Bessière et Stéphany, 2014 p.156-
157).
Un des verbatims isolés dans la transcription de l’entretien de CL illustre les
caractéristiques de ce type de décision : « Je me positionne sur un ressenti assez… parfois
assez subjectif, sans prendre le temps de détailler toutes les pièces comptables que vous
joignez dans les dossiers ».
Si nous pensons que ce type de décision n’est adoptée que ponctuellement, certains
investisseurs cherchent toutefois le coup de cœur systématiquement, quitte à ne pas investir
tant qu’ils ne l’ont pas trouvé (CM explique pourquoi il n’a pas investi sur d’autres
plateformes d’ECF que WiSEED : « Chez SmartAngels je n’ai pas encore trouvé le coup de
cœur »).
129
3.2.3.2.3 Décision d’investissement « rationnelle »
D’un côté, les non-investisseurs apprécient et sont attirés par l’impression qu’il existe une
communauté, cependant ils ne prennent pas le temps de s’y investir. (« C’est quelque chose
qui pourrait m’intéresser, mais je n’ai pas pris le temps » EC). De l’autre, les investisseurs
ont l’impression de faire partie d’une communauté d’intérêts, mais regrettent que les liens
entre eux ne soient pas plus forts et mieux organisés par la plateforme. (« Avez-vous le
sentiment qu’il y a une communauté WiSEED ? Absolument ! On ne se répond pas forcément,
mais en tout cas il y a une communauté d’intérêts. […] Mais bon par contre il n’y a pas
beaucoup de contacts entre nous » CL).
Cependant, les crowdinvestors qui trouvent de l’intérêt à participer à la sélection des
projets et à interagir avec les autres membres semblent avoir tendance à plus s’engager dans
la communauté et à renouveler leur participation au cours du temps. (« L’étape du vote est
importante bien sûr. Elle contribue à rapprocher les membres de la plateforme, je pense. Ça
les implique… un gage d’ouverture à l’opinion de ces souscripteurs potentiels. […] Bien
souvent on sent qu’il y a visiblement des spécialistes qui sont présents et donc c’est d’autant
plus utile de lire les commentaires de ces gens » CL).
La dimension participative de l’ECF (dans le cas de WiSEED, cette dimension est
matérialisée par la phase de vote) est l’occasion pour les membres des plateformes de soutenir
des projets qui leur tiennent à cœur et de marquer une approbation à un projet qui apporte une
solution à une problématique qui les touche, sans forcément avoir l’intention d’y investir.
130
(« Donc c’est plus le côté écologique qui m’intéresse. À la fois le côté citoyen — encourager
les startups françaises — et le côté écologique » AK).
En résumé
L’expérience de participation dans la communauté se distingue de l’expérience
d’investissement en elle-même et peut être isolée. Cette expérience peut générer des effets sur
le comportement d’investissement. Nous en avons identifié trois.
Le premier effet est lié à l’étape de recherche d’information. L’expérience de
participation permet de réduire les asymétries d’information subies par les crowdinvestors.
Le second effet est lié à la décision d’investissement en elle-même. Nous avons proposé
une typologie pour distinguer la décision « socialisée », des décisions « affective » et
« rationnelle ». L’expérience de participation influence la décision d’achat lorsque
l’investisseur fait un choix en fonction de l’avis de ses pairs et du comportement des membres
de la plateforme.
Enfin, le troisième effet est lié à l’évaluation réalisée post-investissement. L’expérience
de participation semble avoir une influence positive sur l’engagement dans la communauté et
la fidélité : plus l’investisseur participe et plus il est enclin à le faire à l’avenir et à maintenir
une relation dans le temps avec la plateforme.
L’une des étapes de l’analyse des données est la « dimensionalisation des construits
identifiés lors de l’étape de catégorisation » (Spiggle, 1994). Selon Spiggle (1994), l’analyste
doit explorer les attributs du construit ou ses caractéristiques le long d’un continuum de
dimensions (p.494).
Le construit « expertise subjective » que nous avons identifié au cours de l’analyse se
décline sur deux continuums : complète/incomplète et sectorielle/généraliste.
Autrement dit, les crowdinvestors peuvent penser avoir une expertise complète ou
lacunaire et cette expertise peut porter sur un secteur d’activité en particulier ou sur
l’investissement et le capital-risque en général. Le manque d’expertise financière est rarement
mentionné par les répondants qui, pour certains, montrent un niveau de confiance élevé dans
leurs choix d’investissement.
131
Le manque d’expertise technologique ou entrepreneuriale est en revanche assumée, y
compris par des investisseurs habitués de la plateforme et à l’aise en finance. (« Sur certains
projets très techno… il faut une expertise » FG ; « Moi je ne viens pas des sciences de gestion,
je n’y connais rien en entreprise » EB). Ce manque d’expertise spécifique est comblé grâce à
une logique d’apprentissage qui s’exprime soit dans une forme attentiste (« Et non, je ne suis
pas un expert de l’investissement, mais euh après je pense que ça viendra au fur et à mesure »
RP), soit dans une forme plus proactive (« Quand je ne connais pas le secteur, ce qui arrive
assez souvent, j’essaye de me renseigner un petit peu, de voir les concurrents tout ça. Même
si ça reste très superficiel probablement. » CL).
Nous l’avons évoqué ponctuellement dans les résultats précédents, mais il convient de
récapituler l’influence que joue l’expertise sur la relation avec la plateforme, la perception de
la valeur de l’investissement en ECF et sur le comportement d’investissement :
L’expertise subjective influence l’importance attribuée à l’avis des pairs (Tableau 18)
Les crowdinvestors qui considèrent avoir une expertise lacunaire sont plus influencés par
les commentaires positifs ou négatifs des autres membres de la plateforme que les
investisseurs ayant une expertise subjective plus élevée
132
Tableau 18 - Comparaison de verbatims pour illustrer la différence dans l’importance
attribuée à l’avis des pairs entre deux individus ayant une expertise subjective
faible/forte
« Sur la partie sectorielle, non je n’ai « Je me suis dit : ça, c’est obligé que ça
absolument pas la compétence qu’il me décolle. J’ai une expérience, je ne fais pas
faudrait pour réussir à apprécier les n’importe quoi, j’ai très confiance en moi »
investissements » CL EB
133
3.3 Conclusion du chapitre
Pour rappel, notre étude avait trois objectifs : appréhender la nature de l’expérience
d’investissement en ECF ; comprendre les bénéfices et sacrifices qui déterminent la valeur
que les crowdinvestors en retirent ; et explorer l’effet de la dimension participative de cette
expérience d’investissement sur le comportement des crowdinvestors.
Pour répondre à ces objectifs, nous avons mené une étude exploratoire sous la forme
d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de 13 membres de la plateforme d’ECF WiSEED.
Nos résultats montrent que l’investissement en ECF peut être effectivement étudié
comme une expérience de consommation de produits financiers, c’est-à-dire comme
l’interaction entre une personne, un objet et une situation (paradigme P*O*S) (Hirschman et
Holbrook 1982), mais que la dimension participative de l’expérience d’investissement peut
être isolée et étudiée comme une expérience de participation, appréciée en elle-même.
Les crowdinvestors de notre échantillon sont principalement des hommes, ayant un
niveau d’études supérieures, d’environ 40 ans. Ils sont orientés vers l’innovation (Ordanini et
al 2011), ont peu de temps disponible (ce sont des « chrono-victimes » selon le terme de
Bergadaà, 1988) et une surface financière et des profils de risque variés. Ils investissent au fil
de l’eau, en fonction de leurs liquidités disponibles. L’investissement en ECF est la catégorie
de produits la plus risquée de leur portefeuille financier. Ils investissent en ECF pour maîtriser
leur épargne et contourner le « système » et les institutions en place, bancaires notamment. En
cela, ils nous rappellent la figure de l’utilisateur-consommateur de Beuscart et Deerbaye
(2006).
Il est apparu que la relation à l’objet « projet entrepreneurial » était caractérisée par des
dimensions sociales et hédoniques fortes, là où la relation à l’objet « plateforme » est
fondamentalement non expérientielle, utilitaire et dans une logique de recherche
d’information. Les aspects expérientiels et émotionnels que le crowdinvestor tire de son
investissement (Ozen et Kodaz, 2012) découlent donc de sa relation au projet financé. C’est le
projet et non la plateforme qui confère à cette typologie de placements financiers un potentiel
d’excitation fort.
La mention de l’importance de la phase de vote, reflet de l’expérience de participation en ECF
en général, et des commentaires des autres membres fut systématique pour tous les
répondants. Cette expérience de participation, caractérisée par l’interaction entre les membres
et entre le crowdinvestor et l’entrepreneur, influence son comportement d’investissement en
cela qu’elle :
134
- permet d’obtenir des informations et favorise une logique d’apprentissage social
(Bandura 1977). La dimension participative et interactive de cette forme
d’investissement permet donc de réduire les asymétries d’informations aux yeux
des crowdinvestors ;
- influence parfois la décision finale d’investissement, notamment pour les
investisseurs ayant une expertise subjective de l’investissement ou sectorielle
faible. Ce type de décision « socialisée » se distingue de deux autres types de
décision que nous avons identifiés que sont la décision « affective » et la décision
« rationnelle » ;
- influence l’engagement dans la communauté et la participation future du membre
de la plateforme.
Enfin, nous avons mis en évidence l’influence marquée de l’expertise subjective des
individus, liée au capital-risque ou à un secteur d’activité spécifique (dont la connaissance
peut apparaître comme nécessaire à certains investisseurs pour évaluer un projet en
particulier), sur le comportement de l’investisseur en ECF.
Les investisseurs qui considèrent avoir une expertise lacunaire (nous les appellerons
« novices ») se reposent davantage sur les informations émises par la plateforme et sur l’avis
des autres membres que sur leur information privée. Ils perçoivent également un risque
d’évaluation du projet plus marqué que les investisseurs « experts ». Enfin, ils sont moins
enclins à participer au sein de la communauté puisqu’ils considèrent ne pas avoir l’expertise
pour justifier une prise de parole.
Contributions théoriques
La littérature en CF s’est intéressée aux motivations des individus à donner, prêter ou
investir en capital. De premiers résultats spécifiques à l’ECF laissent à penser que les
motivations sont principalement extrinsèques et financières (Cholakova et Clarysse, 2015) et
que les bénéfices associés à ce mode d’investissement sont financiers et informationnels
(Moysidou et Spaeth, 2016).
En adoptant une approche par la valeur globale de l’investissement nous contribuons à
mieux comprendre quels bénéfices sont attendus et quels sacrifices sont perçus par les
crowdinvestors. Nos résultats montrent ainsi que les dimensions hédoniques et éthiques de
l’investissement en ECF sont particulièrement fortes et semblent peser davantage dans
le calcul de la valeur que la dimension utilitaire (une nuance est apportée quant au poids de
135
la dimension éthique, surreprésentée dans notre échantillon). Nos résultats corroborent ceux
d’Estrin et al. (2018) qui ont employé la même méthodologie. L’apport de notre recherche est
de montrer la validité externe de leurs résultats puisque ces auteurs ont choisi la Grande-
Bretagne comme contexte empirique. Nous confirmons que le profil des crowdinvestors
français est sensiblement identique.
Toujours dans la littérature en ECF, la distinction entre les crowdinvestors experts et
novices est très récente (Kim, 2014 ; Riar et al., 2017 Wallmeroth et al., 2018). Nous
contribuons à la compréhension des différences de profils et de comportement des
crowdinvestors en fonction de leur degré d’expertise subjective. Le fait d’étudier
l’expertise subjective, auto-attribuée par l’investisseur (Flynn et Goldsmith, 1999), nous
semble d’ailleurs plus riche que d’étudier l’expertise objective (ce que le consommateur sait),
car elle permet d’appréhender aussi les biais auxquels l’individu peut être sujet, notamment la
surconfiance.
Par ailleurs, la littérature relative aux expériences de consommation s’est développée
autour de l’étude d’expériences culturelles (Passebois-Ducros et Aurier, 2004). Une
contribution théorique de notre recherche est de confirmer la validité externe du concept
d’expérience et de valeur perçue en l’appliquant dans le contexte de la consommation de
produits financiers.
Pour finir, nous contribuons également à dessiner le profil du crowdinvestor qui apparaît
dans nos résultats comme un consommateur que nous pourrions qualifier de « postmoderne »
(Cova et Cova, 2009), alerte et à la recherche d’un nouveau mode d’investissement, plus
respectueux de ses valeurs. Ce type de recherche s’inscrit dans un contexte de défiance des
acteurs institutionnels du système capitaliste traditionnel, de crise économique, mais aussi
d’éthique environnementale (Gold, 2004).
Contributions managériales
Les contributions managériales de cette étude exploratoire concernent à la fois les
managers des plateformes d’ECF et les instances régulatrices du financement participatif.
Les gestionnaires de plateformes (et leurs services marketing) sont concernés par les
résultats concernant la nature de la relation entre la personne et le projet entrepreneurial.
Notre étude montre que la relation entre les deux est principalement hédonique et affective,
contrairement à la relation à la plateforme. Ainsi, les managers des plateformes auraient
intérêt à affecter des ressources à la création d’un environnement propice à la création d’une
136
relation entre l’investisseur et les projets à financer, plutôt qu’à la création d’une relation forte
entre l’investisseur et la marque.
L’ajout d’éléments hédoniques aux projets proposés à l’investissement pourrait d’ailleurs
contribuer à augmenter la confiance que les investisseurs ont dans leurs capacités à prendre de
bonnes décisions (Schulz et al, 2015). En effet, plus le projet présente une valeur hédonique
forte, plus les investisseurs s’appuient sur leur auto-efficacité (self-efficacy) (Schulz et al,
2015), c’est-à-dire la croyance qu’ils ont en leur capacité à réaliser une tâche (Bandura 1977).
Cela contribuerait à réduire le risque perçu d’évaluation, dont la mise en évidence est
le second apport managérial de notre enquête.
En effet, le risque perçu joue une influence directe et négative sur l’apparition de la
valeur. La plateforme d’ECF a donc un intérêt managérial à mettre en place des réducteurs de
risques dans son environnement. Augmenter l’interactivité de la plateforme peut en constituer
un (Weinberg, 2003), au même titre que l’offre de formations sectorielles pour contribuer à
améliorer l’expertise subjective des crowdinvestors et limiter le risque perçu lié à une erreur
d’évaluation.
Les instances régulatrices de l’ECF seront sensibles aux résultats de notre enquête
concernant l’expertise subjective des crowdinvestors. Un des apports est la mise en évidence
de comportement délégateur des investisseurs novices envers la plateforme à qui ils
témoignent une confiance absolue quant à la sélection des projets. Mettre en avant la nature
imparfaite d’un audit d’entreprise en démarrage (n’ayant pas ou peu d’historique d’activité)
pourrait apparaître comme une nécessité.
Limites de la recherche
Malgré toutes nos précautions, la présente étude exploratoire n’est pas exempte de
limites, il convient de les mentionner.
Premièrement, d’un point de vue méthodologique, le codage des données n’a pas été
réalisé par plusieurs chercheurs afin de garantir l’intersubjectivité. Il existe donc
potentiellement un biais de subjectivité introduit lors de la première étape du traitement des
données.
Secondement, les membres interrogés n’appartiennent qu’à une seule plateforme ce qui
peut fausser certains résultats. Nous avons d’ailleurs identifié une surreprésentation de la
valeur éthique de l’investissement dans les verbatims, ce que nous pouvons attribuer au
positionnement de la plateforme WiSEED, orientée sur le financement de projets à impacts
sociaux, sociétaux et environnementaux.
137
Voies de recherche
Nous nous sommes intéressés au cours de cette étude à la valeur de l’investissement
découlant d’un ratio bénéfices/sacrifices réalisé par les crowdinvestors. Nous avons
également trouvé que la dimension participative de cette expérience constitue une expérience
de participation à part entière et qu’elle pouvait avoir une influence sur le comportement
d’investissement (en termes de recherche d’information, sur la décision d’investissement et
sur la volonté de maintenir la relation avec la plateforme et continuer à participer au sein de la
communauté).
Une étude empirique est nécessaire pour déterminer si la valeur retirée de l’expérience de
participation a un effet sur la valeur perçue de l’investissement et sur la décision
d’investissement.
138
4. Modélisation et étude empirique : effet de la
valorisation de l’expérience de participation pré-achat
sur la valeur globale de l’investissement et la décision
d’investissement
Ce chapitre présente les objectifs de la présente étude empirique (4.1), le cadre conceptuel
retenu (4.2) et la construction d’un modèle théorique (4.3) qui ont pour vocation de
déterminer dans quelle mesure la valorisation d’une expérience de participation a un effet sur
la décision d’achat pour la catégorie de produits particulière que sont les produits financiers.
La démarche méthodologique et la récolte des données sont présentées dans un second
temps (4.4).
La présentation et les discussions des résultats feront quant à eux l’objet du
chapitre suivant.
139
Des implications managériales directes découlent de cette interrogation. Si les sources
de valorisation de l’expérience de participation en ECF sont liées à l’obtention d’informations
et à la réduction du risque perçu et que cela a un effet sur la décision effective d’achat de
produits financiers, cela confirmera que la dimension communautaire du CF est un facteur de
différenciation pour les plateformes d’ECF et un moyen d’inciter les consommateurs à acheter
des produits financiers en ligne, ce qui contribuerait à assurer la pérennité de ce mode
d’investissement.
En revanche, si cette expérience de participation n’a pas d’effet sur la décision effective
d’investissement, les plateformes d’ECF devront peut-être repenser le rôle de cette expérience
qui ne serait pas une étape du parcours client, mais bien une expérience à part entière.
D’un point de vue théorique, le rôle de cette expérience de participation sur le
comportement d’achat de produits financiers n’a pas, à notre connaissance, été étudié.
Nous espérons, grâce à cette recherche, produire les apports suivants :
. contribuer à l’étude empirique de l’effet de la valeur perçue d’une expérience sur les
comportements réels, et ainsi mettre en œuvre une partie de l’agenda de recherche de
Leclercq, Hammedi, et Poncin (2016).
. Améliorer la compréhension de l’influence de l’expertise des consommateurs sur leur
comportement d’achat.
. Et contribuer à l’enrichissement de la littérature liée à la valeur de consommation en
l’appliquant au contexte de la consommation de produits financiers.
Pour répondre à nos questionnements, cette étude empirique se donne plusieurs objectifs.
Le premier est d’identifier les sources de valorisation de l’expérience de participation. Le
deuxième est l’étude de l’effet de la valeur perçue de l’expérience de participation sur la
décision effective d’achat de produits financiers (montant moyen et nombre
d’investissements) et sur la valeur globale de l’investissement. Le troisième est de déterminer
si le sentiment de maitriser cette catégorie de produit (mesuré au travers de l’expertise
subjective du capital-risque) est un antécédent de la valeur perçue de l’expérience.
140
Ces deux courants mobilisent le concept de la valeur perçue par l’individu dans le produit
ou le service. Cette notion — Cova et Rémy (2001) suggèrent de préférer le terme de notion à
celui de concept au regard de la diversité des définitions existantes — permet selon Filser
(2007, p.6) de « réunir les deux sphères cognitive et affective traditionnellement disjointes par
la recherche en comportement du consommateur ».
Nous présentons ci-après les apports et limites respectives de l’approche par la valeur
d’échange (4.2.1) et de l’approche par la valeur de consommation (4.2.2) avant d’argumenter
le choix du cadre conceptuel retenu (4.2.3).
Issue de la valeur utilité en économie (4.2.1.1), l’approche par la valeur d’échange s’est
développée en marketing (4.2.1.2).
La décision d’investissement est, par essence, un pari sur l’avenir : elle engage
durablement l’individu et elle est prise dans un contexte d’incertitude qui peut générer de la
crainte (Bourdieu et al., 1997).
La théorie financière classique s’est justement attachée depuis les années cinquante à
appréhender la décision d’investissement prise par un individu dans une situation de risque ou
d’incertitude.
La théorie de la décision apporte une réponse mathématique à cette problématique et
modélise le comportement d’un individu face à des situations de choix. Dans le contexte
d’environnements risqués, la théorie la plus communément mobilisée pour expliquer les
décisions des agents est celle de l’utilité espérée de Von Neumann et Morgenstern (1947).
Développée initialement pour prédire le comportement d’agents dans des jeux non
coopératifs, elle repose sur l’hypothèse fondamentale selon laquelle l’agent fait un choix entre
plusieurs possibilités sur la base d’une maximisation de l’utilité attendue des résultats, dont la
pondération se fait par leur probabilité d’occurrence (Volle, 1995).
Cette théorie a depuis lors fait l’objet de nombreuses remises en question, tant la rigidité
de ses axiomes sous-jacents la rend peu adaptée à l’étude des individus réels, mais elle a tout
de même pour intérêt d’introduire la notion d’utilité.
141
4.2.1.2 Valeur d’échange
67
« Value is what I get for what I give » (Zeithaml, 1988)
142
4.2.2 Approche par la valeur de consommation
Une approche est venue compléter l’orientation cognitiviste des modèles classiques de la
prise de décision d’achat (Filser, 2007) en cherchant à dépasser la vision utilitariste des
produits ou services consommés (Cottet et al., 2005) : le courant de la valeur de
consommation.
Selon ce courant, la valeur perçue s’apparente à la valeur d’usage en économie et elle
peut être définie comme « une préférence relative (elle est comparative entre des objets,
personnelle et situationnelle), caractérisant l’expérience d’un sujet en interaction avec un
objet » Holbrook (1994). Autrement dit, la valeur se forme ex-post (Rivière et Mencarelli,
2012) et ne résulte pas d’un calcul bénéfices/coût, mais d’une relation non linéaire entre une
personne et un objet dans une situation particulière (paradigme P*O*S). Selon Hirschman et
Holbrook (1982), l’expérience vécue par le consommateur dans ses activités d’achat et de
consommation est elle-même source de gratifications hédoniques, symboliques et esthétiques
(Cottet et al., 2005). Loin de se limiter à la satisfaction des buts et à la maximisation de
l’utilité, les activités de consommation peuvent donc être désirables en soi.
La valeur est alors le produit d’une « expérience préférentielle interactive et relative »
(Holbrook, 1999) ou plus simplement « l’ensemble des conséquences positives et négatives
que le consommateur retire de l’usage d’un bien ou d’un service » (Filser, 2002). Selon les
travaux fondateurs de cet auteur, la valeur ne peut exister que si l’individu interagit avec le
produit ou le service ; elle est relative, c’est-à-dire qu’elle varie selon les individus et en
fonction des situations et, enfin, elle a une source expérientielle puisque la valeur « ne réside
pas dans le produit acheté, ni dans la marque choisie, ni dans l’objet possédé, mais au
contraire dans l’expérience de consommation qui en résulte » (Holbrook, 1999, p.8, cité par
Filser et Plichon, 2004).
L’expérience de consommation est devenue l’objet de l’attention des chercheurs qui ont
tenté d’évaluer l’expérience ressentie par le participant. Les chercheurs s’intéressent alors à la
valeur de l’expérience vécue, appelée également valeur expérientielle (Prahalad et
Ramaswamy, 2004). Ce type de valeur permet de prendre en compte des émotions et des
sentiments variés (Holbrook et Hirschman, 1982) ce qui permet d’enrichir les modèles
classiques de décision d’achat (Filser, 2002).
L’opérationnalisation de la valeur perçue est encore l’objet de recherches et de points de
vue divergents. Cependant, l’intérêt managérial de sa compréhension est fondamental, tant
d’un point de vue stratégique - elle permet d’améliorer la segmentation (Slater, 1997) et le
143
positionnement d’une marque (Aurier et al., 2004) - qu’opérationnel. En effet, les
conséquences de la valeur perçue ont des impacts managériaux considérables. La première
conséquence porte la satisfaction client (Cronin Jr. et al., 2000). La seconde est la fidélité,
entendue comme une intention d’achat ou un achat répété (dans une perspective
transactionnelle) (Rivière and Mencarelli, 2012) ou bien comme un engagement ou un
attachement du consommateur à la marque (dans une approche relationnelle) (Lichtlé and
Plichon, 2008).
Sweeney et Soutar (2011) soulignent d’ailleurs le fait que l’approche par la valeur perçue
conduira les entreprises à se doter de stratégies de positionnement plus fines, leur conférant
un avantage concurrentiel durable.
Pour rappel, notre étude a pour objectif de déterminer si, dans le contexte de l’achat de
produits financiers en ligne, la valeur retirée de l’expérience de participation est un antécédent
à l’achat et à la valorisation globale de l’investissement. Le Tableau 21 synthétise et compare
les différences entre la valeur d’échange et la valeur d’usage (Rivière et Mencarelli, 2012).
144
L’approche économique classique de la prise de décision suggère que la décision
d’investissement (ou d’achat) ne dépendra que d’un calcul coûts/bénéfices de l’individu
(Zeithaml, 1988). L’utilisation de ce cadre conceptuel est cohérente avec la vision classique
en finance selon laquelle l’individu cherche à maximiser ses rendements tout en maintenant le
risque perçu à un niveau acceptable pour lui (Mitchell et Greatorex, 1989). Il présente donc
un caractère explicatif intéressant dans le contexte de notre étude et permet d’intégrer le rôle
modérateur du risque perçu qui était particulièrement saillant dans les résultats de l’enquête
exploratoire.
Cependant, il n’est pas exempt de limites. Nous avons vu lors de notre enquête
exploratoire que les répondants associent des bénéfices hédoniques à leur activité sur la
plateforme, aux côtés de bénéfices utilitaires (Ozen et Kodaz, 2012). Nous avons également
vu que l’investissement en ECF présente un potentiel d’excitation fort et que la participation à
l’activité de CF (regarder les projets, découvrir des innovations, consulter la plateforme,
participer à l’activité de la communauté) est une expérience positive qui présente une valeur
hédonique forte (Kim, 2006), mais qui ne conduit cependant pas nécessairement à un
investissement.
De plus, nous avons mis en lumière les nombreuses interactions existantes entre
l’individu et la plateforme, le projet, et les autres membres de la plateforme.
Or, l’approche transactionnelle n’envisage qu’une relation linéaire et non réflective entre
la personne et l’objet (le projet entrepreneurial).
145
différents moments : l’expérience d’anticipation (liée à la planification et au fantasme de
l’expérience), l’expérience d’achat, l’expérience de consommation du produit et l’expérience
du souvenir.
En résumé
Pour cette étude empirique, nous adoptons la valeur de consommation comme cadre
conceptuel.
En effet, cette approche permet :
- de contourner les limites théoriques de l’approche par la valeur d’utilité et des théories
classiques de la décision,
- d’envisager que le consommateur (ou le crowdinvestor) n’est pas « un acteur passif qui
réagit à des stimuli, mais un acteur et un producteur de ses propres expériences de
consommation » (Filser, 2002),
- de prendre en compte le fait que « la valeur perçue ne dépend pas seulement du produit
consommé, mais de la manière dont l’expérience s’est déroulée dans sa globalité » (Minvielle
et Mars, 2010 ; Volle et Charfi, 2011) et donc de considérer que l’expérience de participation
peut jouer un rôle dans la valorisation globale de l’investissement,
- de proposer une explication de l’influence des expériences passées du consommateur sur
ses choix de consommation ultérieurs, dans une orientation relationnelle (Sheth et al., 1991).
146
intégrant la valeur perçue d’une expérience de visite d’un site web dans un modèle explicatif
du comportement du consommateur.
Nous présentons ci-après les définitions des concepts mobilisés, sur la base de la
littérature académique et de notre recherche exploratoire, et les hypothèses de recherche
afférentes (4.3.1). Le modèle théorique à tester est présenté dans le point 4.3.2.
Plusieurs construits ont été mobilisés pour construire le modèle théorique testé au cours
de la présente étude empirique. Une définition de chacun des construits est systématiquement
proposée avant la formulation de l’hypothèse de sa relation avec les autres construits du
modèle.
Les construits retenus sont la valeur perçue de l’expérience de participation (4.3.1.1), la
valeur globale de l’investissement (4.3.1.2.2), la satisfaction (4.3.1.2.3), l’engagement dans la
communauté (4.3.1.2.4), l’expertise subjective du capital-amorçage (4.3.1.1), le risque perçu
(4.3.1.2) et la sophistication subjective (4.3.1.1).
Pour définir la valeur perçue de l’expérience de participation, nous allons préciser ce que
nous entendons par « expérience de participation » (4.3.1.1.1) avant d’évoquer les différentes
dimensions de la valeur qui en est retirée (4.3.1.1.2), en nous basant sur la littérature et
l’enquête exploratoire présentée précédemment.
147
d’une plateforme et un projet donné, la communauté, les salariés de la plateforme
d’ECF, dans l’environnement de cette même plateforme.
148
Mobiliser le concept de valeur perçue nous permet d’appréhender l’expérience dans ses
multiples dimensions (Mencarelli, 2008), car elle en est « le reflet » (Filser, 2007).
L’approche conceptuelle d’Holbrook (1994,1999) est un cadre général de l’étude de la
valeur des expériences de consommation qui est un support précieux pour identifier les
sources de valorisation de l’expérience. Toutefois, il doit être décliné dans le contexte
spécifique d’une expérience donnée (Passebois-Ducros et Aurier, 2004).
Nous le présentons de façon générale (4.3.1.1.2.1) avant de l’appliquer à notre contexte
d’étude (4.3.1.1.2.2).
Holbrook (1994) établit trois critères dichotomiques pour distinguer l’origine de la valeur
perçue par le consommateur.
Le premier est ontologique et oppose la valeur extrinsèque à la valeur intrinsèque. Dans
le premier cas, la valeur est générée par l’utilisation d’un produit ou d’un service dans le but
d’atteindre un objectif personnel (Leclercq et al., 2016). Dans le second, l’expérience associée
au produit est une fin en soi (Aurier et al., 2004).
Le second critère est social et concerne les préférences de l’individu. La valeur peut-être
crée pour un bénéfice personnel, elle est alors orientée vers soi ou bien elle est orientée vers
les autres (familles, amis, collègues, sociétés…) (Aurier, al.2004).
Enfin, le dernier critère est praxéologique et oppose la valeur créée par le consommateur
lorsqu’il est actif (il manipule directement le produit ou le service) à la valeur créée lorsqu’il
est passif dans la consommation.
Ces trois critères dichotomiques permettent à Holbrook (1994) d’identifier huit facettes
de la valeur (Tableau 22).
Extrinsèque Intrinsèque
149
L’efficience (forme de valeur individuelle, extrinsèque, active) reflète la conception
utilitaire de la consommation (Filser et Plichon, 2004).
L’excellence (orientée vers soi, extrinsèque et réactive) est liée à la qualité unique d’un
produit, au-delà de tout bénéfice utilitaire.
La facette ludique (individuelle, intrinsèque, active) reflète le fait que l’activité tire sa
valeur du plaisir qu’elle procure en elle-même à la personne qui la vit (Filser et Plichon,
2004).
Le type de valeur esthétique (orienté vers soi, intrinsèque et réactive) correspond à
l’expérience de la beauté d’un objet.
La facette statut (valeur sociale, extrinsèque, active) correspond la consommation d’un
produit ou d’un service (ou l’expérience de participation dans le cas présent) qui permet à
l’individu de construire une position sociale et d’enrichir son estime de soi (Filser et Plichon,
2004).
Le type de valeur estime (sociale, intrinsèque et active) est une valeur résultant de la
possession de biens (Filser et Plichon, 2004).
Enfin, l’éthique (valeur sociale, intrinsèque, active) correspond à la consommation d’un
produit ou service dans le but de procurer des bénéfices à d’autres que soi (Filser et Plichon,
2004). Dans le cas présent, il s’agit de la volonté des crowdinvestors à participer en ECF pour
valoriser des projets en particulier qui sont de nature à aider la société, la communauté et de
« contribuer au progrès » selon l’un des participants à l’enquête exploratoire.
La spiritualité en est le pendant réactif et correspond à une expérience de transformation,
d’élévation de l’individu au travers de l’acte de consommation.
La participation en ECF peut être source d’une valeur extrinsèque ou intrinsèque (critère
ontologique).
Le membre de la plateforme peut être mû par la recherche d’informations et par un
enrichissement financier ou symbolique (extrinsèque). Il peut également créer de la valeur par
150
sa recherche de stimulation, de découvertes et apprécier le fait de participer pour l’expérience
en elle-même (intrinsèque).
4.3.1.1.2.2.2 Critère social
La participation en ECF peut être orientée vers les autres (critère social).
La participation en ECF se déroule au sein d’une communauté virtuelle qui offre la
possibilité d’interagir avec d’autres membres, ce qui relève donc de la dimension sociale de
l’expérience. Elle permet au membre d’exprimer son avis, de créer du lien social et de
soutenir des projets en particulier.
4.3.1.1.2.2.3 Critère praxéologique
Enfin, la participation en ECF est caractérisée par le rôle actif du membre qui
participe. Les membres contribuent activement à créer de la valeur en participant à la
sélection les futurs produits financiers (c’est-à-dire les actions ou obligations de l’entreprise
financée), et ce de deux façons :
(a) en votant si la plateforme fait appel à ses membres pour présélectionner les projets qui
feront l’objet d’une collecte de fonds ;
(b) en investissant, si la plateforme a adopté le principe de l’all-or-nothing (Cumming et
al., 2014) et que la création des produits financiers est conditionnée à l’atteinte d’un seuil
minimum d’investissement. Dans ce cas de figure, si le projet ne reçoit pas suffisamment de
fonds (ou d’intentions d’investissement), la collecte est annulée. Ainsi, par leur décision
d’investissement, les crowdinvestors déterminent la création des produits financiers qu’ils
achètent. En d’autres termes, si l’achat d’actions ou d’obligations ne peut aboutir faute
d’engouement collectif pour un projet, le produit financier en lui-même « disparaît »
puisqu’aucune action ni obligation n’est créée.
Nous ne conservons donc pas les dimensions de la typologie d’Holbrook (1994)
correspondant à un rôle réactif du participant dans les sources de valorisation de l’expérience
de participation en ECF.
Nous avons appliqué la typologie d’Holbrook 1994 à notre objet d’étude. Le Tableau 23
fait apparaître les facettes de la valeur pertinentes pour appréhender la valeur perçue de
l’expérience de participation en ECF.
151
Tableau 23 - Typologie de la valeur d’Holbrook (1994) appliquée à la valeur perçue
de l’expérience de participation en ECF
Extrinsèque Intrinsèque
Aurier et al. (2004) ont proposé une typologie synthétique des composantes de la valeur
en intégrant les travaux d’Evrard et Aurier (1996), Holt (1995), Lai (1995) et Richins (1997).
Cette typologie s’affranchit du critère praxéologique (actif/passif) de la typologie d’Holbrook
(1994) (cf. Tableau 24).
Extrinsèque Intrinsèque
Communication
Orienté vers les autres Valeur spirituelle, pratique
(lien social et expression de
sociale
soi)
Source : adapté d’Aurier, Evrard et N’Goala (2004)
Dans cette typologie, Aurier et al. (2004) enrichissent la proposition d’Holbrook (1994) et
distinguent des formes de valeurs qui nous semblent pertinentes à mobiliser dans notre
contexte d’étude.
Au sein de la valeur instrumentale, les auteurs distinguent la valeur utilitaire de la
valeur de connaissance qui correspond au désir de connaissance et se traduit par « un
comportement de recherche permanente d’information » (Steenkamp et Baumgartner, 1992).
Cette distinction nous semble particulièrement riche dans le contexte de notre étude, car les
152
résultats de l’enquête exploratoire indiquent une volonté forte de découvrir de nouvelles idées
pendant cette expérience de participation.
La valeur hédonique regroupe la dimension plaisir-amusement et la dimension
stimulation expérientielle. Cette dernière correspond à « la capacité de l’expérience à stimuler
les sens de l’individu, à l’absorber au point de l’amener à oublier son environnement
physique direct et ressentir une sensation de bien-être » (Aurier et al. 2004 ; Evrard et Aurier,
1996). Cette dimension ne nous semble pas recouvrir une réalité de l’expérience de
participation en ECF, aucun élément de notre enquête exploratoire ne laisse penser qu’une
telle immersion dans l’expérience de participation existe.
La valeur de communication englobe la dimension expression des valeurs (de « signe »
selon Laurent et Kapferer, 1986) et la dimension de lien social. L’expression des valeurs
appréhende la capacité d’un produit ou service à communiquer la personnalité de celui qui le
consomme (Aurier et al. 2004). Le lien social reflète le rôle du produit (ou de l’expérience
participation en ECF) dans l’interaction sociale, notamment sous forme de conversations
(Aurier et al. 2004).
La dernière famille de valeur, spiritualité-pratique sociale, inclut la spiritualité définie
par Holbrook (1994) comme la valeur liée à une expérience de transformation de l’individu,
grâce à la consommation d’un produit et la pratique sociale (Evrard et Aurier, 1996) qui se
rapproche de la dimension ludique d’Holbrook (1994).
153
moins ils subissent des asymétries d’information pour un projet donné et plus ils investissent
(Hervé et al., 2016).
Notre enquête exploratoire a montré que la consultation de l’avis des pairs, la possibilité
de poser des questions à l’entrepreneur et l’interaction avec les autres membres de la
plateforme étaient des éléments pris en compte dans la décision d’investissement des
crowdinvestors.
Or, la littérature suggère (Bridges et Florsheim, 2008) que l’augmentation de
l’interactivité (due à la dimension communautaire de la plateforme) et l’augmentation de la
quantité et des sources d’informations disponibles (grâce aux remarques des autres
internautes) permettraient d’accroitre le sentiment que la plateforme est plus utile et
distrayante (Huang, 2003) et génèrerait un sentiment de contrôle et de stimulation des
crowdinvestors (Berger et al. 2003). Le sentiment de contrôle et d’amusement pendant
l’utilisation d’Internet a été étudié par Dabholkar (1996) qui a montré qu’il était corrélé à
l’intention d’achats. De même, le fait d’accentuer le sens de contrôle et la simulation
augmente la probabilité d’achat (Korzaan, 2003).
Ainsi, nous émettons l’hypothèse suivante :
H1 : la valeur perçue de l’expérience de participation influence positivement la décision
d’investissement.
H1a : La valeur perçue de l’expérience de participation influence positivement le
montant moyen investi.
H1b : La valeur perçue de l’expérience de participation influence positivement le
nombre d’investissements.
La valeur globale est définie comme un ratio entre les bénéfices reçus et les sacrifices
consentis (Aurier et al. 2004). Elle découle de la valeur de consommation dans une relation
causale. Pour citer Aurier et al. 2004 : « les composantes de la valeur de consommation
contribuent à déterminer une utilité globale vue comme une somme de bénéfices reçus (ou à
recevoir) qui, mise en balance avec la somme des sacrifices consentis (ou à consentir),
aboutirait à un jugement de valeur global ».
Dans notre contexte d’étude, les dimensions de la valeur perçue de l’expérience de
participation pourraient constituer des antécédents à la valeur globale de l’investissement.
Nous devrons également tester l’éventuel effet médiateur de la valeur globale de
155
l’investissement dans la relation entre la valeur perçue de l’expérience de participation et la
décision d’achat. Nous proposons les hypothèses suivantes :
H2 : La valeur perçue de l’expérience de participation a une influence positive sur la
valeur globale de l’investissement.
H3 : La valeur globale de l’investissement a une influence sur la décision d’achat.
L’engagement relationnel a été identifié par Moorman et al. (1993) comme étant « le
désir de continuer la relation avec le partenaire ». Cet engagement est supposé refléter un
attachement ou une proximité avec une marque ou un élément marketing, en dehors des
interactions transactionnelles.
Ses liens forts avec la fidélité du client envers la marque ont été montrés (Dholakia,
1997 ; Fullerton, 2005 ; Raïes et Gavard-Perret, 2011) et l’engagement client est recherché par
les marques qui parlent volontiers d’engagement marketing. Il existe donc un intérêt
managérial à déterminer si une expérience de participation peut générer une forme
d’engagement.
L’expérience de participation dans une communauté pourrait être de nature à renforcer
l’engagement d’un membre envers cette dernière pour plusieurs raisons : elle est l’occasion de
tisser des liens affectifs et sociaux avec d’autres membres ; elle permet de répondre à des
considérations utilitaires comme ses besoins informationnels ; elle permet de générer un
sentiment d’utilité chez le membre (Raïes et Gavard-Perret, 2011).
156
Nous proposons de mesurer l’effet de la valeur perçue d’une expérience de participation
sur l’engagement des membres dans la communauté.
H5 : La valeur perçue de l’expérience de participation a une influence positive sur
l’engagement envers la communauté.
157
(2004, p.12) « plus le niveau d’expertise croît, plus l’expérience est gratifiante, sous ses
différentes facettes. Ceci est aussi vrai pour l’indicateur global de satisfaction : plus les
visiteurs sont experts, plus ils sont satisfaits de leurs expériences ».
Dans notre contexte d’étude, si une personne décide de participer à la sélection de projets
entrepreneuriaux, nous pouvons raisonnablement supposer qu’elle y perçoit de l’intérêt, parce
qu’elle contribue ainsi à créer les produits financiers dont elle fera l’acquisition ou parce que
la thématique du financement d’entreprise l’intéresse. Les résultats de notre enquête
exploratoire confortent cette perspective.
Or, la thématique du financement d’entreprise et du capital-amorçage (sous-catégorie du
capital-risque qui consiste au financement de jeunes entreprises en démarrage d’activité) est
très spécifique. Sauf dans le cas des individus participant à la sélection d’un projet pour des
raisons amicales (ce qui est le cas de la famille et des amis des entrepreneurs), l’expertise
subjective du capital-amorçage pourrait être un élément important de la décision de
participation à l’activité de la communauté (Mills et Margulies, 1980) et, dès lors, être un
antécédent à la valorisation de cette expérience.
Nous proposons donc de tester l’hypothèse suivante :
H6 : L’expertise subjective du capital-amorçage influence positivement la valeur perçue
de l’expérience de participation.
Notre enquête exploratoire a mis en évidence que les répondants percevaient une forte
incertitude quant à la date de l’obtention d’un ROI et au montant de celui-ci (ou, à l’inverse,
au montant de la perte). Ce risque est d’autant plus marqué si les crowdinvestors manquent de
temps et d’expertise.
Ces deux éléments, incertitude et perte, sont considérés comme deux dimensions du
risque perçu (Cox, 1967 d). La perte correspond à « la situation où un individu obtient un
résultat inférieur à un point de référence » (Kahneman et Tversky, 1979). Le point de
référence est variable et apparaît en fonction d’une référence sociale, d’une expérience
personnelle ou d’un objectif à atteindre (Yates et Stone, 1992 cités par Volle, 1995). La
composante d’incertitude est, quant à elle, liée à l’évaluation des pertes attachées aux
différentes possibilités de choix (Yates et Stone, 1992).
Toutefois, la décomposition du risque perçu en deux variables est avant tout heuristique
selon Volle (1995) puisque plusieurs composantes du risque ont été mises en évidence par les
158
travaux successifs de Cunningham (1967), Jacoby et Kaplan (1972) et Roselius (1971) (cf.
Tableau 25).
159
La dimension participative de l’ECF, que nous étudions ici au travers du prisme d’une
expérience de participation, peut jouer le rôle de réducteur du risque perçu de l’achat de
produits financiers particulièrement risqués. Au cours de cette expérience, les crowdinvestors
peuvent échanger avec d’autres membres, avec la plateforme, avec les entrepreneurs. Ils
peuvent poser des questions, retirer de l’information, se documenter, observer le
comportement de leurs pairs et percevoir des signaux de qualité pour un projet.
Compte tenu du rôle majeur joué par le risque perçu entre la phase d’information et la
phase d’achat (Bezes, 2011), nous faisons l’hypothèse suivante :
H7 : Pour les individus percevant un risque élevé, l’influence positive de la valeur
perçue de l’expérience de participation sur le montant et le nombre d’investissements est
plus forte que pour les individus percevant un risque faible.
68
SEC (Securities and Exchange Commission), Rule 506(b).
160
Tableau 26 - Récapitulatif des hypothèses testées
Hypothèse Formulation
En résumé
En nous appuyant sur la théorie de la valeur de consommation, un modèle théorique a été
construit, faisant notamment le lien entre la valeur perçue de l’expérience de participation, la
valeur globale de l’investissement et la décision effective d’investissement. Deux modérateurs
du modèle sont envisagés : le risque perçu et la sophistication subjective.
162
4.4 Méthodologie de la recherche
Plusieurs étapes ont été nécessaires pour atteindre notre objectif de recherche :
1. Les construits mobilisés dans le modèle théorique ont été opérationnalisés et nous
avons sélectionné les échelles de mesure sur la base de travaux existants : Aurier
et al. (2004) pour mesurer la valeur perçue, la valeur globale et la satisfaction ;
Flynn et Goldsmith (1999) pour mesurer l’expertise subjective ; et Jacoby et
Kaplan (1982) pour mesurer le risque perçu. Nous avons également utilisé un
proxy pour l’engagement (nombre d’interactions avec la communauté).
2. La fiabilité des construits a été testée. La validité faciale a été vérifiée auprès de 5
experts (2 académiques et 3 professionnels de l’ECF). Nous avons ensuite
administré un prétest à un échantillon de membres de la plateforme WiSEED
(n=52) puis une épuration des échelles a été effectuée afin d’en assurer une bonne
fiabilité interne.
3. Les hypothèses du modèle théorique ont été testées sur un échantillon de 436
membres de la plateforme WiSEED en utilisant la méthode des partial least
square (PLS) sous SmartPLS.
Les étapes 1 et 2 sont présentées dans le présent chapitre. L’étape 3 fait quant à elle
l’objet du chapitre suivant. Nous présentons ci-après le terrain d’étude (plateforme WiSEED)
(4.4.1) et la méthode de collecte des données (4.4.2).
Le choix du terrain d’étude est d’abord justifié (4.4.1.1) avant de présenter la plateforme
retenue (4.4.1.2).
163
fonctionnement professionnel, un site Internet stable, une certification d’un organisme
étatique affiché sur la page d’accueil (Statut de Prestataire de Services d’Investissement) et un
service de paiement en ligne sécurisé via un prestataire régulé. Dans ces conditions, le risque
perçu par les individus est bien un risque inhérent à la nature du produit (achats d’actions dans
le non coté) et non un risque induit par l’activité d’investissement en ligne sur le site de
WiSEED (Bezes, 2011).
Deuxièmement, avec une communauté de plus de 100 000 membres inscrits sur la
plateforme, une réelle dynamique existe et les échanges sur les forums sont nourris.
L’expérience de participation en est enrichie.
Troisièmement, WiSEED a la spécificité de dissocier la phase de sélection de la phase
d’investissement. Les membres de la plateforme votent pour sélectionner des projets qui
seront, après analyses de WiSEED, proposés à l’investissement ou non (nous y reviendrons en
détail). Plusieurs semaines voire plusieurs mois séparent ces deux évènements. La plateforme
permet ainsi d’observer et de distinguer le moment où l’individu cherche de l’information,
évalue le projet, interagit avec les autres membres ou le porteur de projet, et le moment où il
décide ou non d’investir. (Nous décrivons le processus de façon linéaire et schématique pour
simplifier, néanmoins, lorsque le projet est ouvert à l’investissement, de nouveaux documents
sont disponibles et la personne peut continuer à poser des questions et chercher de
l’information). Ainsi, seulement 21 % des investisseurs pour un projet ont participé
préalablement au vote pour ce même projet (Cumming et al., 2017) et beaucoup de membres
préfèrent ne devenir actifs qu’au moment du lancement de la campagne de collecte de fonds.
En d’autres termes, le choix de WiSEED nous permet d’isoler l’expérience de
participation à la communauté de l’acte d’achat en lui-même. De plus, cette expérience n’est
pas contraignante puisque la personne peut y participer sans jamais devenir investisseur in
fine (Bessière et Stéphany, 2014).
Nous avons déjà présenté de manière générale la plateforme WiSEED qui est également
le terrain d’étude de notre enquête exploratoire (cf. p.96). Nous revenons ici sur certains de
ses fonctionnements et sur les particularités qu’elle présente, notamment sur son
positionnement (4.4.1.2.1) et sur la nature de l’expérience de participation qu’elle propose à
ses membres (4.4.1.2.2).
164
4.4.1.2.1 Positionnement de la plateforme
Le positionnement de la plateforme dépend à la fois des montants moyens levés par projet
qu’elle propose à l’investissement (qui en définissent sa capacité de financement) (4.4.1.2.1.1)
et le choix de son modèle de collecte, entre all-or-nothing et keep -it-all (4.4.1.2.1.2).
Concernant l’objectif de collecte, il existe deux approches qui ont des implications
différentes pour les entrepreneurs (Cumming et al., 2014) (cf. page 26). L’une est le modèle
de « keep-it-all » (quel que soit le montant collecté par le projet, l’entrepreneur garde la
totalité de la somme, même si son objectif n’est pas atteint) et l’autre, le modèle « all-or-
69
Source : Autorité des Marchés Financiers [en ligne], www.amf-France.fr, « Plateformes de financement
participatif : entrée en vigueur du dispositif réglementaire le 1er octobre 2014 », publié le 18/09/2014.
70
Source : WiSEED [en ligne], www.wiseed.com/fr/statistiques , consulté le 16/09/2018.
165
nothing » (si le montant objectif de collecte n’est pas atteint, les fonds retournent aux
investisseurs et la collecte est annulée)71.
La plateforme WiSEED applique un modèle de collecte hybride entre les deux modèles.
Un minimum de collecte est fixé par les analystes de WiSEED, en fonction des prévisions
financières du projet, afin d’éviter le risque de sous-capitalisation. Il est de 100 k€ au
minimum. En deçà de ce seuil, les fonds récoltés sont remboursés aux investisseurs ; au-delà,
le modèle de keep -it-all s’applique. La part de capital cédée aux investisseurs est alors
déterminée en fonction de la valorisation définie et du montant des fonds collectés.
L’étape d’e-vote consiste à présenter aux membres de la plateforme des projets pré-
sélectionnés, pendant un mois, afin de conserver les projets qui suscitent le plus
d’engouement et d’intentions d’investissement. L’idée sous-jacente de cette expérience de
vote est d’éclairer un même projet d’une multitude de visions différentes afin de faire émerger
un avis à 360 degrés. De plus, le montant des intentions d’investissement émises permet à la
plateforme d’estimer le montant de collecte espérée.
Si un projet n’est pas plébiscité par les membres pendant la phase de vote, le processus
s’arrête à cette étape et le projet ne sera ni audité (étape 3) ni proposé à l’investissement
(étape 4). Les seuils attendus pour qu’un projet soit audité sont : plus de 100 votants, plus de
100 k€ d’intentions d’investissements, dont au moins 25 k€ d’intentions dites qualifiées –
71
Cf . point 2.1.2.3 page 26 pour le détail de ces deux modèles.
166
4.4.1.2.2.2 Particularités de l’e-vote
La phase d’e-vote a été pensée comme une expérience collaborative en ligne afin de faire
émerger une « intelligence collective ». La plateforme tente de proposer une expérience
d’investissement en empruntant aux codes du e-commerce. La présence d’un « panier »
d’investissement, de témoignages d’investisseurs ou encore la présentation des
caractéristiques de l’investissement (type d’investissement, rentabilité attendue, durée de
détention des titres) en témoignent.
La décision du vote « j’aime », « je n’aime pas » ne se fonde pas nécessairement sur des
perspectives de plus-values potentielles, mais plutôt sur la portée commerciale et
opérationnelle du projet telles qu’elles sont perçues par les membres de la foule (Bessière et
Stéphany, 2014). Ce système de note et d’avis s’apparente selon Beauvisage et al., 2013) à
« l’expression libre de l’évaluation de la qualité des biens par les consommateurs, combinant
une dimension arithmétique (l’agrégation des notes) et une dimension expressive (la
rédaction libre d’un avis) ».
Les membres restent anonymes, seuls le prénom et la première lettre du nom de famille
sont visibles. En naviguant sur la photo d’un membre, il est possible de voir quel est son
historique sur la plateforme (nombre de votes, nombre d’investissements, montants investis).
Les membres indiquent à cette étape une intention d’investissement (multiple de 100 €) qui
n’a aucun caractère engageant. Au moment de la mise en collecte du projet, ils devront
réaliser une souscription, totalement indépendante de l’intention qu’ils avaient indiquée. Il est
d’ailleurs mentionné lors du vote que « ce vote ne vous engage à rien. Vous recevrez toutes
les actualités du projet et pourrez choisir d’investir ou non » (voir Figure 14).
Lors de leur vote, les membres ne voient pas les notes ni le montant des intentions émises.
Ils votent « à l’aveugle » en toute indépendance et peuvent consulter les résultats agrégés
après avoir voté (Figure 15).
En revanche, ils peuvent consulter à tout moment la page de commentaires (que nous
appellerons ici le forum). Le forum est très peu modéré par WiSEED et les commentaires se
poursuivent pendant la phase d’audit et pendant la phase de collecte.
168
les membres qui se trouvent à proximité géographiques des projets présentés sur la
plateforme.
- Le blog : depuis la plateforme WiSEED, il est possible pour n’importe quel
visiteur du site de rejoindre le blog WiTHINK72. Les articles sont principalement
écrits par des salariés de la plateforme, mais plusieurs tribunes ont été rédigées par
certains des membres les plus actifs.
La collecte des données utilisées dans cette étude empirique s’est déroulée en deux temps.
Les données primaires ont été recueillies en mettant en place un questionnaire administré
auprès de membres de la plateforme WiSEED, qu’ils soient déjà investisseurs ou non. Les
données secondaires concernant les montants investis, le nombre de commentaires et le
nombre de votes effectués par les répondants depuis leur inscription sur WiSEED ont ensuite
été fournies par la plateforme.
Le questionnaire a été élaboré en français étant donné que la plateforme est francophone.
Plusieurs variables principales ont été mesurées (4.4.2.2.1), ainsi que des variables de
contrôle qui sont venues compléter le questionnaire (variables démographiques et d’activité
sur la plateforme) (4.4.2.2.2).
Nous présentons dans cette sous-section les différentes mesures retenues pour chacune
des huit variables principales du modèle théorique : la valeur perçue de l’expérience de
participation (4.4.2.2.1.1), la valeur globale de l’investissement (4.4.2.2.1.2), la satisfaction
cumulée (4.4.2.2.1.3), l’expertise subjective du capital-amorçage (4.4.2.2.1.4), l’engagement
72
WiTHINK [en ligne] : https://blog.wiseed.com (actif au 16/09/2018).
170
dans la communauté (4.4.2.2.1.5), le risque perçu de l’investissement en ECF (4.4.2.2.1.6), la
sophistication subjective de l’investisseur (4.4.2.2.1.7) et, pour finir, la décision
d’investissement (4.4.2.2.1.8).
171
Nous avons fait le choix d’adopter l’échelle d’Aurier, Evrard, et N’Goala (2004), car elle
a été testée sur un objet par nature expérientiel (le cinéma). De plus, cette échelle adopte une
analyse à l’échelle d’une catégorie d’objets, conformément à la vision d’Holbrook (1994), ce
qui correspond à notre besoin : nous nous intéressons de façon générique aux produits
financiers en ECF et non pas à un projet en particulier. Enfin, les qualités psychométriques de
cette échelle sont bonnes (coefficients de fiabilité des dimensions compris entre 0,67 et 0,90).
Pour ces différentes raisons, le choix de cette échelle nous semble pertinent. Cependant,
plusieurs éléments nous incitent à l’adapter.
Le développement de l’échelle dans le contexte de la consommation de cinéma en salle
rend délicate la transposition des items en l’état au champ de l’expérience de participation
dans un contexte de consommation de produits financiers.
De plus, la dimension utilitaire a dû être adaptée spécifiquement au contexte de la
consommation de cinéma, car dans le cas d’un produit ou service expérientiel elle ne peut être
dissociée du produit étudié (Aurier et al., 2000).
Concernant les dimensions de la valeur, notre enquête exploratoire n’a pas révélé que
l’expression de soi pouvait être une dimension de la valeur de l’expérience de participation.
De même, la dimension stimulation expérientielle de l’échelle (quand je regarde un film au
cinéma, j’oublie tout ce qui m’entoure/j’éprouve une sensation de bien-être) ne nous semble
pas pertinente dans le contexte de notre étude.
Nous avons donc fait un travail d’adaptation de l’échelle à notre contexte d’étude et aux
dimensions de la valeur perçue de l’expérience de participation que nous avons identifiées
dans la sous-section 4.3.1.1.2. Nous avons reformulé les items sur la base des verbatims issus
de notre enquête exploratoire (cf. Annexe 5).
Nous avons retenu 3 items pour la dimension utilitaire, 4 pour la dimension de
connaissance, 4 pour la dimension hédonique, 4 pour la dimension pratique sociale (éthique
dans la typologie d’Holbrook, 1994) et 4 pour la dimension lien social. Nous n’avons pas
utilisé la dimension expression de soi.
La valeur globale de l’investissement en ECF a été mesurée en adaptant les items utilisés
dans les travaux d’Aurier et al. (2000) (Tableau 27). Elle comprend 3 items, formulés
simplement et qui prennent en comptes la dimension sacrificielle de la valeur globale.
172
Tableau 27 - Adaptation de la formulation des items de l’échelle de valeur globale
d’Aurier et al. (2004)
173
(Passebois et Aurier, 2011) et Flynn et Goldsmith (1999) montrent que l’expertise subjective
a une meilleure validité nomologique que l’expertise objective.
Notons que nous avions envisagé d’utiliser l’échelle développée par Bloch, Ridgway, et
Sherrell (1989), mais ses deux items ne nous permettaient pas d’appréhender la complexité de
l’expertise autoattribuée par des individus dans un domaine aussi vaste que le capital-risque.
Afin de mesurer l’engagement dans la communauté, nous avons utilisé des indicateurs
proxies que sont le nombre de commentaires postés et le nombre de votes réalisés par un
individu entre la date de son inscription (que nous ignorons) et le 19/01/2018.
L’utilisation d’un « proxy du web », selon l’expression de Belvaux et Flores (2010), nous
semble pertinente, car « les technologies liées au réseau Internet s’intégrant de plus en plus
dans la vie quotidienne des individus, il semble relativement intuitif de penser que les
activités réalisées sur le web peuvent devenir de véritables proxies des phénomènes
d’attention ou d’intérêt portés par les individus » (Belvaux et Flores, 2010).
Pour chaque individu, nous avons affecté un score d’engagement qui est la somme du
nombre de votes et du nombre de commentaires postés, c’est-à-dire la totalité des interactions
enregistrées entre l’individu et la communauté, au sein de la plateforme.
Afin de mesurer le risque perçu de l’achat de produits financiers en ECF, nous avons
adopté l’échelle de Jacoby et Kaplan (1992) dont les 5 dimensions du risque sont inspirées
des travaux de Bauer (1960). L’échelle finale est une échelle de Likert en 9 points qui
comprend quatre items permettant d’appréhender le risque financier, le risque de
performance, le risque psychologique et le risque social. Un cinquième item mesure le risque
perçu global. Chacun est mesuré par une échelle allant de 1 - très improbable, à 9 - très
probable.
Les items de ces échelles permettent de mesurer le risque perçu dans l’utilisation d’une
marque non familière de produits de consommation et ont été testés par ses créateurs sur 12
catégories de produits. Aucune cependant ne concerne l’achat de produits financiers. Nous
avons donc adapté l’échelle à ce contexte spécifique (cf. Tableau 29) et avons retiré la
dimension risque physique qui n’est pas pertinente dans le cas présent.
174
Tableau 29 - Traduction et adaptation de la formulation des items de l’échelle de
mesure du risque perçu de Jacoby et Kaplan (1972)
175
Tableau 30 - Récapitulatif de l’opérationnalisation des variables et choix des échelles
de mesures
Nombre
d’items
Code Concept mesuré Source Format
(nombre de
dimensions)
Valeur perçue de Échelle de
19
VPVOTE l’expérience de Questionnaire Likert en 7
(5)
participation au vote points
176
(RFM), segmentation qui permet de classer les clients en types de profil (bon client, client
sceptique, futur non-client, etc.).
Nous gardons donc ces deux éléments de la décision d’achat dissociés (Tableau 31).
Étant donné que les répondants devaient communiquer leur email pour pouvoir être
identifiés dans la base de données de WiSEED, il y a un risque de perte d’information (faux
mail, mail différent de celui enregistré sur la plateforme, champ non renseigné). Nous avons
donc introduit deux questions fermées portant sur le montant montant investi et le nombre
d’investissements :
Combien de fois avez-vous investi dans des projets sur la plateforme ? 0/1 fois/entre 2 et
5 fois/entre 5 et 10 fois/entre 10 et 20 fois/plus de 20 fois.
Quelle somme avez-vous investie dans des projets sur la plateforme ? 100 €/entre 200 € et
1 000 €/1 100 € et 5 000 €/entre 5 100 € et 10 000 €/entre 11 000 € et 50 000 €/plus de
50 000 €.
Cette mesure déclarative nous a permis de compléter les données secondaires fournies par
la plateforme dans le cas où les données primaires étaient manquantes.
Des variables de contrôle liées aux répondants ont été introduites et mesurées dans le
questionnaire. Nous avons mesuré les variables démographiques âge et genre, une variable
secteur d’activité professionnelle.
Dans le but d’éviter d’introduire des biais de réponses, et comme la littérature le suggère
Kaye et Johnson (1999), nous avons placé ces items en fin de questionnaire. Les variables
socio-démographiques utilisées sont récapitulées dans le Tableau 32.
177
Tableau 32 - Récapitulatif de l’opérationnalisation des variables de contrôle de
l’étude empirique
178
rapproche d’un seuil acceptable pour une approche exploratoire (>0,6) selon Hair et al. (1998)
et Nunnally et Bernstein (1994) et qu’elle est associée à d’autres dimensions qui, combinées,
permettent d’obtenir une fiabilité du construit VPVOTE acceptable (0,648).
Le questionnaire final (cf. Annexe 8) a été administré aux membres de la plateforme WiSEED
du 14 février 2017 au 31 mars 2017 (2 réponses ont été enregistrées ultérieurement, le
02/04/17 et 19/05/17) en utilisant une fenêtre pop-in qui s’ouvrait après 5 secondes d’activité
sur le site et un bandeau en bas de la page cliquable à n’importe quel moment au cours de la
navigation pour les personnes inscrites et connectées à leur compte (cf. Annexe 7 – Message
d’accompagnement du questionnaire en ligne). Le clic reconduisait au questionnaire hébergé
sur le site Google form, personnalisé aux couleurs de la plateforme.
179
Un message de présentation introduisait le questionnaire et précisait que seulement 5
minutes étaient nécessaires pour y répondre. Une vidéo-interview de la doctorante
accompagnait et présentait le questionnaire.
La réponse à chaque question était nécessaire pour passer à la suivante.
Bien qu’anonyme, le questionnaire contenait un dernier champ non obligatoire
demandant l’adresse email du répondant. Parmi les 440 répondants, 392 ont communiqué une
adresse email ce qui a permis de vérifier leur inscription effective sur la plateforme.
Ainsi la communication s’est faite exclusivement auprès des membres inscrits de la
plateforme (aucune communication sur les réseaux sociaux), mais il n’était pas impossible à
un non-membre de remplir le questionnaire s’il avait connaissance du lien. Dans notre
échantillon de répondants, aucune personne n’a ni voté ni investi. Tous les répondants sont
donc des membres de la plateforme.
Une proportion importante de nos données sont les données primaires récoltées en
réponse à notre questionnaire en ligne et donc au travers d’une seule méthode. Nous avons
conscience qu’il est possible que cela génère un biais de méthode commune (common method
bias). En présence de ce biais, les variances générées peuvent être provoquées par la méthode
de collecte et non pas par les phénomènes étudiés (Podsakoff, et al., 2003).
Nous considérons avoir limité l’existence de ce biais en introduisant dans notre base
de données des données secondaires issues d’autres sources que le questionnaire en ligne (à
savoir la base de données de WiSEED). De plus, nous avons fait varier le nombre de points
dans les échelles de Likert pour la mesure du risque perçu.
Étant donné que le questionnaire a été géré via Google Form, hors de l’environnement de
la plateforme, le lien entre les répondants au questionnaire et la base de données WiSEED a
été créé a posteriori en utilisant le mail des répondants.
Pour chacun des répondants, WiSEED a fourni le nombre d’investissements réalisés, le
nombre de votes et le nombre de commentaires réalisés par chaque personne depuis la date de
son inscription.
180
Encadré 19 - Synthèse de la section 4.4
En résumé
Les construits mobilisés dans le modèle théorique ont été opérationnalisés. Les échelles
de mesure retenues s’appuient sur des échelles existantes, mais ont été adaptées à notre
contexte d’étude. VPVOTE, SATISF, VALGLOB se basent sur Aurier et al. (2000) ;
EXPINV se base sur Flynn et Goldsmith (1999), RISQ s’appuie sur Jacoby et Kaplan (1972).
Un prétest du questionnaire a été réalisé (n=52) afin de vérifier la fiabilité et la validité
faciale des échelles. Des données secondaires issues de la base de données de WiSEED sont
venues enrichir les données primaires.
181
Pour finir, nous avons expliqué comment a été menée l’opérationnalisation des variables
mobilisées et nous avons justifié le choix des échelles de mesures. Nous avons prétesté le
questionnaire pour nous assurer de la validité faciale et de la fiabilité interne des construits.
Concernant la récolte des données. Le choix a été fait de diffuser un questionnaire en
ligne sur la plateforme française d’ECF WiSEED auprès de ses membres inscrits pour tester
les hypothèses et vérifier l’adéquation entre le modèle théorique et l’échantillon de données.
Des données secondaires ont été extraites de la base de données de la plateforme.
Le chapitre suivant présente l’analyse des données recueillies, les différents tests menés
afin de vérifier la validité des construits et la cohérence de notre modèle. Nous présenterons
ensuite les résultats des tests d’hypothèses et les discuterons.
182
5. Analyses et principaux résultats de l’étude empirique
Nous avons précédemment présenté le modèle théorique construit, les outils de mesure
mobilisés et la façon dont le questionnaire a été diffusé, permettant la récolte des données
nécessaires au test des hypothèses proposées.
Nous exposons dans le présent chapitre les analyses préliminaires menées sur les données
(5.1). L’ajustement du modèle théorique est ensuite testé et un enrichissement de celui-ci est
proposé et justifié, ce qui constitue l’un des apports majeurs du présent chapitre à notre travail
doctoral (5.2). Nous présentons les raisons de ce choix et les résultats des tests du modèle
d’équations structurelles menés avec la méthode PLS (partial least square) (0). Nous
interprétons ces résultats statistiques (5.4) avant de conclure.
Nous présentons dans cette section les données récoltées et les premières constatations
que nous pouvons en tirer quant au profil des crowdinvestors de notre échantillon (5.1.1). La
méthodologie adaptée est présentée (5.1.2), ainsi que les analyses nécessaires afin de vérifier
la pertinence des échelles de mesure employées et la validité et de la fiabilité des mesures des
construits de notre modèle théorique (5.1.3).
Cette section présente succinctement les résultats de la collecte de données (5.1.1.1) avant
de décrire l’échantillon de données (5.1.1.2).
183
5.1.1.2 Statistiques descriptives de l’échantillon de données
Notre échantillon est composé de trois types de membres de la plateforme WiSEED (cf.
Tableau 34) : ceux qui ont déjà voté, mais jamais investi (11,7 %), ceux qui ont investi, mais
jamais voté (18,6 %) et ceux qui ont déjà voté et déjà investi (68,7 %).
Profil Caractéristiques N %
L’âge médian des individus est de 48 ans et la majorité des répondants sont des hommes
(à 90,6 %), ce qui est conforme aux résultats de Cumming et al. (2017) à partir de la totalité
de la base de données de la plateforme WiSEED. Cela permet de penser que la structure de
notre échantillon est représentative de la structure de la base WiSEED.
Les données liées à la participation sur la plateforme (nombre de votes, nombre
d’investissements, montants investis, en moyenne ou en totalité, à l’échelle d’un individu)
sont très dispersées (cf. Tableau 35). Certains répondants n’ont jamais investi alors que l’un
d’entre eux a investi 940 k€ à lui seul (ce qui est le montant maximum investi dans
l’échantillon). Les médianes nous donnent des informations plus facilement interprétables. Le
nombre d’investissements médian est de 8 (contre 16,6 en moyenne), le montant total investi
médian est de 5 300 € et le montant investi par individu médian est de 541 € (1 433 € en
moyenne).
Les 386 investisseurs de l’échantillon représentent un montant total d’investissement de
10 040 947 € ce qui correspond à 7,72 % du montant total de fonds collecté sur WiSEED
184
depuis sa création (130 millions d’euros) 73 . Ils présentent de fortes disparités de profils
puisque les 10 investisseurs les plus actifs ont investi à eux seuls 29,7 % de ce montant.
Le Tableau 35 présente l’ensemble des statistiques descriptives des données concernant
les membres de la plateforme.
Échantillon (n=436)
Âge
Moyenne 48,3
Médiane 48
min/max 21/84
73
À la date du 02/09/2018.
185
5.1.1.2.3 Profil des membres en fonction du montant investi
Pour compléter ces analyses préliminaires, nous avons entrepris de mieux comprendre
quels sont les différents profils de crowdinvestors présents dans l’échantillon. Nous avons
évoqué l’existence de profils variés dans le chapitre 1 (2.3.1). Afin de vérifier s’ils sont
identifiables dans l’échantillon de données, nous l’avons partitionné en trois groupes
d’individus, selon le montant d’investissement sur la plateforme.
Pour ce faire, les données ont été classées sur des groupes de centiles puis nous avons
affecté les observations en dessous du 33e centile au groupe « small investors » (n=146),
celles comprises entre le 33e et le 66e centile au groupe « medium investors » (n=140) et celles
au-dessus du 66e centile au groupe « large-amount investors » (n=149). La notion de « large-
amount investors » et ses déclinaisons sont empruntées à Wallmeroth (2017).
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Ec-type
Ec-type
Ec-type
Ec-type
Ec-type
Profil N
Small
148 578 652 236 350 2,8 3,9 7,95 15,8 3,4 7,7
investors
Medium
140 6 310 3 387 793 1034 14,4 12,1 24,3 42,5 12,3 50,3
investors
Large-
amount 149 61298 94261 3236 4459 32,4 25,7 42,5 65 27 52
investors
Nous avons effectué des tests de moyennes entre chaque groupe deux par deux
(procédure TTEST sous SAS). Les différences de moyennes entre chacun des groupes et pour
chaque mesure sont significatives à p<0,005 (cf. Annexe 9).
Nous observons une nette différence entre les montants moyens investis (au total depuis
l’inscription de la personne ou par investissement) entre ces trois groupes (cf. Tableau 36). Un
des résultats particulièrement intéressants de cette partition est la mise en évidence d’une
participation à la communauté (votes et commentaires) beaucoup plus intense chez les
crowdinvestors qui investissent le plus.
187
Afin de caractériser chacun de ces trois groupes, nous avons réalisé des tests de Chi-deux
entre chacun d’entre eux et des variables socio-démographiques (genre, âge, secteur d’activité
professionnelle). Les résultats de ces tests (cf. Annexe 9 pour le détail) indiquent que les
« large-amount investors » sont en grande majorité des hommes et plutôt des individus ayant
une grande expertise de l’investissement. En revanche, ils n’appartiennent pas à une tranche
d’âge en particulier ni n’exercent une activité professionnelle particulière (notamment en
finance, comme nous aurions pu le penser).
De manière symétrique, la majorité des femmes de notre échantillon appartiennent au
groupe des « small investors ». Ces derniers sont, hommes et femmes, plutôt novices en
capital-risque.
188
3. Évaluation de la validité convergente
4. Évaluation de la validité discriminante
5. Évaluation du modèle structurel
Notre modèle propose des relations de cause à effet entre des variables latentes qui ne
sont pas directement mesurables. Nous avons vérifié a priori la validité de contenu des
échelles de mesure de notre modèle en les soumettant à 5 experts (2 académiques et 3
professionnels de l’ECF).
Nous devons procéder à la validation a posteriori des qualités psychométriques du
modèle de données. Nous avons d’abord testé de la cohérence interne des mesures (5.1.3.1)
puis nous avons vérifié l’unidimensionnalité des mesures (5.1.3.2), ainsi que la validité de
trait (5.1.3.3), elle-même appréciée en évaluant la validité convergente et la validité
discriminante des mesures. Une fois ces analyses menées, l’ajustement du modèle théorique
est testé (5.1.3.4).
189
Tableau 37 - Alpha de Cronbach et Rho de Joreskog des échelles mobilisées dans
notre modèle
Nous voyons que les mesures présentent une bonne fiabilité interne, hormis la variable
VPVOTE qui présente un alpha de Cronbach légèrement inférieur à 0,7, seuil attendu pour
une étude confirmatoire. Nous considérons tout de même que la fiabilité de cette variable
reste acceptable étant donné le caractère exploratoire de notre démarche.
Rappelons que les variables satisfaction, sophistication subjective et engagement dans la
communauté ne contiennent qu’une mesure chacune. Leurs coefficients alpha de Cronbach et
rho de Joreskog sont donc sans objet.
Nous avons mené une analyse en composantes principales avec rotation varimax afin de
vérifier que les variables manifestes sont davantage corrélées avec la variable latente qu’elles
sont supposées mesurer (Mourre, 2013).
D’après le tableau 38, l’unidimensionnalité est bien assurée pour l’ensemble des échelles,
sauf pour la dimension éthique de la VPVOTE (0,197).
Nous poursuivons les tests en la conservant, mais il est fort probable que la qualité
psychométrique de la variable VPVOTE ne sera pas satisfaisante si cette dimension est
conservée.
190
Tableau 38 - Matrice des corrélations principales, après rotation varimax
Composantes
Expertise subjective Valeur globale Valeur perçue
EXPINV1 0,849 0,085 0,070
EXPINV2 0,797 0,096 0,074
EXPINV3 0,832 0,084 0,176
EXPINV4 0,905 0,124 0,093
EXPINV5 0,801 0,126 0,129
VALGLOB1 0,137 0,855 0,182
VALGLOB2 0,130 0,786 0,212
VALGLOB3 0,136 0,865 0,196
Valeur_éthique -0.101 0,099 0,197
Valeur_utilitaire 0,066 0,140 0,650
Valeur_lien_social 0,222 0,094 0,575
Valeur_connaissance 0,079 0,134 0,644
Valeur_hédonique 0,237 0,103 0,669
La validité de trait consiste à vérifier si les indicateurs construits sont une représentation
adéquate du phénomène étudié (Evrard, et al. 2009). Elle se décline sous deux modalités : la
validité convergente (5.1.3.3.1) et la validité discriminante (5.1.3.3.2).
La validité convergente des mesures consiste à vérifier la corrélation des indicateurs qui
sont censés mesurer le même phénomène (Evrard et al., 2009). Pour cela, il convient
d’examiner les corrélations (appelées loading factors) des items avec la variable latente à
laquelle ils sont rattachés. Un loading supérieur à 0,7 est attendu.
Le Tableau 39 présente les corrélations existantes entre chaque item et sa variable
associée pour notre modèle de données.
Dans l’ensemble, tous les loadings sont bien supérieurs à 0,7 et il existe une bonne
validité convergente des trois échelles mobilisées.
191
La seule dimension qui pose problème est valeur_éthique. Avec un loading de 0,183, elle
n’est que très peu corrélée avec la variable VPVOTE. Nous devons donc l’exclure de la
variable, car elle ne mesure pas le même phénomène que les autres.
La fiabilité de la dimension éthique de la valeur perçue de l’expérience de participation
est bonne, mais elle ne converge pas avec les autres dimensions ce qui signifie qu’elle mesure
bien un phénomène, mais qui n’est pas lié à la valeur perçue de l’expérience de participation.
Une explication possible pour ce constat est que la plateforme WiSEED présente à
l’investissement des projets ayant une dimension éthique particulièrement importante
(développement durable, transition écologique, recherche médicale indépendante, inclusion
sociale, etc.). Nous suggérons que les membres de cette plateforme ont une sensibilité
marquée vis-à-vis de ces problématiques et que le fait de voter pour des projets ne confère pas
plus de valeur éthique que le reste de l’activité sur la plateforme. Ainsi, la dimension éthique
de la valeur perçue de l’expérience de participation ne « ressort » pas et ne converge pas avec
les autres dimensions qui la composent.
Tableau 39 - Matrice des corrélations entre chaque item et les variables latentes de
notre modèle
Variables
Dimensions VPVOTE VALGLOB EXPINV
Valeur_liensocial 0,748
Valeur_hedonique 0.833
Valeur_connaissance 0,741
Valeur_utilitaire 0,719
Valeur_éthique 0,183
Valeurglobale1 0,927
Valeurglobale2 0,902
Valeurglobale3 00.942
Expertise_invest1 0,876
Expertise_invest2 0,836
Expertise_invest3 0,892
Expertise_invest4 0,932
Expertise_invest5 0,860
192
La seconde condition qui confirme la validité convergente des construits est une variance
moyenne expliquée (AVE) supérieure ou égale à 0,5 (Chin et Newsted, 1999). C’est le cas
pour toutes les variables de notre modèle (cf. Tableau 40).
Seul le construit VPVOTE présente un indice AVE inférieur à ce seuil (0,471). Nous
décidons de retirer la dimension valeur_éthique dont le loading est problématique et fait
baisser les qualités psychométriques de la variable à laquelle elle est supposée se rattacher.
Suite à cette opération, l’AVE du construit VPVOTE est acceptable (0,580).
Tableau 40 - Récapitulatif des résultats des tests de validité convergente des échelles
associées au modèle théorique
Alpha de
Construits AVE loadings
Cronbach
Valeur perçue de 0,791 0,580
l’expérience de participation (VPVOTE)
Valeur_liensocial 0,743
Valeur_hedonique 0,829
Valeur_connaissance 0,743
Valeur_utilitaire 0,726
Valeurglobale2 0,902
Valeurglobale2 0,942
Expertise subjective de 0,927 0,717
l’investissement (EXPINV)
Expertise_invest1 0,876
Expertise_invest2 0,836
Expertise_invest3 0,892
Expertise_invest4 0,932
Expertise_invest5 0,860
Si plusieurs indicateurs sont censés mesurer des phénomènes différents, ils doivent être
faiblement corrélés entre eux afin de pouvoir discriminer les phénomènes entre eux (Evrard et
al., 2009). Les indicateurs doivent partager plus de variance avec le construit latent qu’avec
193
un autre construit (Fornell et Larcker, 1981). Le tableau suivant présente les corrélations entre
les 3 variables latentes de notre modèle et montre que la validité discriminante est vérifiée.
VPVOTE 0,762
Nous venons de vérifier la fiabilité des construits de notre modèle théorique ainsi que leur
validité convergente et discriminante des échelles de mesures. Selon la méthode suggérée par
Vinzi, Trinchera, et Amato (2010), nous pouvons désormais nous atteler à l’évaluation du
modèle structurel.
Nos analyses ont été réalisées avec l’outil SmartPLS. Ce logiciel propose deux indices
d’ajustements principaux :
- L’indice SRMR (Standardized Root Mean Squatre Residual) est une mesure de la
moyenne de la valeur absolue des résidus de la covariance. Une valeur inférieure à
0,10 ou à 0,08 dans une approche conservative est considérée comme la preuve
d’un bon ajustement du modèle de données (Hu et Bentler, 1999).
- L’indice NFI (Normed Fit Index) est défini comme 1 retranché de la valeur du
Chi2. Les résultats du NFI varient donc de 0 à 1 et les valeurs au-dessus de 0,9
représentent un ajustement acceptable (Lohmöller, 1989).
D’autres indices sont proposés par le logiciel (d_ULS et d_G), mais la littérature n’est pas
harmonisée ni sur les seuils acceptables ni sur leurs conditions d’utilisation. Nous les laissons
donc de côté pour cette recherche et nous utiliserons uniquement les deux indices présentés
plus haut pour juger de l’ajustement des données avec le modèle théorique.
194
Tableau 42 - Indices d’ajustement du modèle de données
Selon les indices d’ajustement présentés dans le Tableau 42, ce modèle n’est pas
convenablement ajusté. L’indice SRMR est au-delà du seuil recommandé, y compris dans une
approche non conservatrice à 0,1 et l’indice NFI (0,832) n’est pas non plus acceptable (bien
inférieur à 0,9).
Cela signifie que ce modèle théorique ne constitue pas une bonne représentation de la
« réalité » des données récoltées.
Avant de proposer des solutions d’amélioration du modèle, qui passeront par une
proposition d’enrichissement du modèle initialement construit, nous avons réalisé les tests de
significativité des coefficients de régression.
La significativité des coefficients de régression des liens entre les variables est à
interpréter avec prudence puisque l’ensemble des données n’est pas correctement ajusté avec
le modèle théorique.
Cependant, les résultats des régressions sont instructifs quant aux possibilités
d’améliorations à notre disposition (Tableau 43).
Coefficient de Significativité
Variable 1 Variable 2
régression (P-value)
EXPINV VPVOTE 0,239 0,000
195
Le coefficient de régression entre la variable EXPINV et VPVOTE est de 0,239 et il est
significatif. Cela signifie que lorsque la variable expertise subjective du capital-amorçage
augmente d’une unité, la variable valeur perçue de l’expérience de participation augmente de
0,239 unité, ce qui vient conforter notre hypothèse H6 selon laquelle cette première variable
est l’antécédente de la seconde.
De même, la variable valeur perçue de l’expérience de participation a bien une influence
positive sur la valeur globale de l’investissement avec un coefficient de régression de 0,314
(p<0,001). La relation entre la variable valeur perçue et l’engagement dans la communauté,
bien qu’existante est faible avec un coefficient de régression de 0,095 (p<0,005). Ces résultats
auraient tendance à supporter l’hypothèse H2 et l’hypothèse H5, sous réserve d’un meilleur
ajustement des données au modèle.
La valeur globale de l’investissement a également une influence positive, forte et
significative sur la satisfaction cumulée (0,549 avec un p<0,001). L’hypothèse H4 semble
être validée.
En revanche, les hypothèses centrales de notre modèle sont rejetées.
L’hypothèse 1 proposait que la valeur perçue de l’expérience de participation ait une
influence positive sur le nombre d’investissements (H1a) et le montant moyen investi (H1b).
Ce n’est pas le cas. Non seulement les coefficients de régression sont négatifs, ce qui signifie
que si la valeur perçue de l’expérience de participation augmente d’une unité,
l’investissement moyen et le nombre d’investissements baisseraient respectivement de 0,022
et 0,053 unité, mais surtout ces relations ne sont pas significatives (p-value = 0,467 et 0,420).
L’hypothèse 3 proposait parallèlement que la valeur globale de l’investissement avait une
influence positive sur le nombre d’investissements (H3a) et le montant moyen investi (H3b).
À l’instar des résultats précédents, ces relations ne sont pas significatives à p<0,05 (p-value =
0,069 et 0,494).
Afin d’améliorer l’ajustement du modèle théorique, un enrichissement est proposé dans la
section suivante.
196
Encadré 20 - Synthèse de la section 5.2
En résumé
Les statistiques descriptives de l’échantillon de données montrent que l’âge médian est de
48 ans et que le secteur d’activité professionnelle le plus représenté est le secteur financier.
Les 386 répondants ayant déjà investi sur WiSEED représentent à eux seuls 7,7 % des 130
millions d’euros collectés sur la plateforme. Les crowdinvestors ayant investi le plus (en
termes de nombre et de montants) sont aussi ceux qui participent le plus (nombre de votes et
de commentaires).
L’évaluation du modèle de mesure indique une bonne validité et fiabilité des échelles de
mesures. La dimension valeur_éthique de la variable VPVOTE a toutefois dû être retirée.
Le test de la significativité des coefficients de régression montre que les deux hypothèses
liant la VPVOTE à l’investissement et la VALGLOB à l’investissement ne sont pas
significatives à p<0,05.
L’ajustement empirique des données au modèle théorique se révèle également mauvais.
Nous proposons dans la section suivante des solutions d’amélioration de l’ajustement.
197
Le Tableau 44 récapitule l’évolution des hypothèses de recherche, guidée par la recherche
d’un meilleur ajustement des données au modèle théorique.
Statut dans
Hypothèse Formulation modèle
enrichi
La valeur perçue de l’expérience de participation influence
H1 Retirée
positivement la décision d’investissement
La valeur perçue de l’expérience de participation a une
H2 Conservée
influence positive sur la valeur globale de l’investissement
La valeur globale de l’investissement a un effet positif sur la
H3 Retirée
décision d’achat
La valeur globale de l’investissement a un effet positif sur la
H4 Conservée
satisfaction cumulée
La valeur perçue de l’expérience de participation a une
H5 Retirée
influence positive sur l’engagement envers la communauté
L’expertise subjective du capital-amorçage influence
H6 Conservée
positivement la valeur perçue de l’expérience de participation
Le degré de risque perçu influence positivement la relation de
H7 la valeur perçue de l’expérience de participation sur la décision Retirée
d’investissement
Le degré de sophistication subjective de l’investisseur
H8 influence négativement la relation entre l’expérience subjective Conservée
du capital-amorçage et la valeur perçue de l’expérience
L’expertise subjective du capital-amorçage a une influence
H9 Ajoutée
positive sur l’engagement dans la communauté
L’expertise subjective du capital-amorçage a une influence
H10 Ajoutée
positive sur la décision d’investissement
Le degré de risque perçu influence la relation de l’expertise
H11 Ajoutée
subjective sur la décision d’investissement
Étant donné que nous n’introduisons aucune nouvelle variable dans ce modèle, la validité
convergente et la validité discriminante des échelles ne sont pas modifiées. Nous avons
toutefois retesté l’ajustement des données au nouveau modèle (Tableau 45).
199
Tableau 45 - Indices d’ajustement du modèle de données
Le modèle théorique enrichi est mieux ajusté que le premier proposé. Bien que l’indice
NFI soit un peu juste (0,892), il est tout de même proche du seuil attendu (0,9), d’autant plus
si nous prenons en compte le caractère exploratoire de cette recherche. L’indice SRMR est
quant à lui tout à fait convenable (0,070) et en dessous du seuil conservateur de 0,08 (Hu et
Bentler, 1999).
En résumé
La recherche de l’amélioration de l’ajustement des données au modèle théorique passe
par une proposition d’enrichissement dans laquelle l’expertise subjective de l’investisseur est
placée comme antécédent de la valeur perçue de l’expérience de participation (comme dans le
modèle initial), mais également de la décision d’investissement et de l’engagement dans la
communauté.
Nous nous sommes assuré de la validité et de la fiabilité des mesures des construits
mobilisés dans notre modèle théorique puis nous avons proposé un modèle théorique enrichi
afin d’assurer un meilleur ajustement de l’échantillon de données. Nous présentons dans cette
section les résultats des tests de significativité des coefficients de ce second modèle (5.3.1),
l’analyse du rôle modérateur du risque perçu et de la sophistication subjective (5.3.2) et le test
des variables de contrôle du modèle (5.3.4). L’ensemble de ces analyses permettront de mettre
les hypothèses de recherche à l’épreuve et de mieux comprendre la nature et la force des liens
directs supposés entre les variables du modèle.
Une synthèse des résultats est ensuite proposée (5.3.3), avant de les discuter (5.4).
200
5.3.1 Le modèle global
L’analyse des coefficients de régression des liens entre les variables du modèle global
permet de mieux comprendre les conséquences de la valeur perçue de l’expérience de
participation (5.3.1.1), de mettre en évidence le rôle central de l’expertise subjective des
investisseurs (5.3.1.2), en particulier sur la décision d’investissement (5.3.1.3).
Significativité
Variable 1 Variable 2 Coefficient
(P-value)
VPVOTE VALGLOB 0,372 00.000
L’hypothèse H4 était inspirée des travaux d’Aurier et al. 2004 et postulait l’existence
d’une relation positive entre la valeur globale de l’investissement et la satisfaction globale
retirée des expériences d’investissements antérieures d’un individu. Conformément aux
résultats d’Aurier et al. (2004), le coefficient qui lie ces deux variables est important (0,573)
et significatif (p=0,000) (Tableau 47). L’hypothèse est validée.
Significativité
Variable 1 Variable 2 Coefficient
(P-value)
201
VALGLOB SATISFACTION 0,573 0,000
L’hypothèse 6, déjà présente dans le modèle théorique initial, postulait que plus
l’expertise subjective du capital-amorçage augmentait et plus l’individu retirait une valeur
perçue forte de l’expérience de participation. Cette hypothèse est validée, car les résultats
montrent effectivement une relation forte (0,333) et significative (p=0,000) (Tableau 48).
Significativité
Variable 1 Variable 2 Coefficient
(P-value)
202
La relation est positive et significative avec un coefficient de 0,277 (p<0,000)
(Tableau 49). Nous validons donc l’hypothèse 9, introduite a posteriori, et nous pouvons
conclure qu’il existe une relation plus forte entre l’expertise subjective du capital-amorçage et
l’engagement, qu’entre ce dernier et la valeur perçue de l’expérience de participation.
Significativité
Variable 1 Variable 2 Coefficient
(P-value)
203
Tableau 50 - Coefficients de régression entre la variable EXPINV et les variables
liées (mise en évidence de la variable nb_invest et invest_moyen)
Significativité
Variable 1 Variable 2 Coefficient
(P-value)
Deux modérateurs ont été introduits dans le modèle théorique. Deux analyses multi-
groupes ont été menées afin de déterminer l’existence d’une modération par le risque perçu
(5.3.2.1) et par la sophistication subjective (5.3.2.2).
Afin de déterminer si le risque perçu joue un rôle modérateur dans la relation entre
l’expertise subjective et la décision d’investissement (H11), nous avons réalisé une analyse
multi-groupes.
Le Tableau 51 montre les résultats de l’analyse multi-groupes pour l’ensemble des
relations entre les variables du modèle théorique enrichi et met en évidence la différence entre
le groupe « risque perçu fort » et le groupe « risque perçu faible » pour la relation entre
l’expertise subjective et la décision d’investissement.
Les individus ont été affectés à chacun de ces deux groupes en fonction de la moyenne
des scores sur 9 indiqués pour chaque item de l’échelle de mesure du risque perçu. Le groupe
« risque perçu faible » regroupe les individus dont la moyenne des scores est inférieure à 4,5.
Aucune des différences entre les deux groupes n’est significative. L’hypothèse 11 est
rejetée : le risque perçu n’a pas d’influence significative sur la relation entre l’expertise
subjective et le nombre d’investissements ou le montant moyen investi.
204
Tableau 51 - Résultats de l’analyse multi-groupes en fonction du risque perçu de
l’investissement
Le deuxième modérateur que nous avons envisagé dans notre modèle théorique est la
sophistication subjective de l’investisseur. Nous avons proposé que cette variable pouvait
avoir une influence négative sur la perception de la valeur de l’expérience de participation et
la valeur globale de l’investissement (H8). Autrement dit, nous avons fait l’hypothèse que
plus l’individu considère qu’il a les moyens de perdre de l’argent (proxy de la sophistication
subjective) et moins la valeur tirée du fait de participer à la communauté influence la valeur
globale de ses investissements en ECF.
Le Tableau 52 détaille les résultats de l’analyse multi-groupes réalisée pour tester cette
hypothèse.
Nous observons que pour les personnes considérant avoir un patrimoine suffisant pour se
permettre de perdre de l’argent, l’effet de la valeur perçue de l’expérience de participation
sur la valeur globale de l’investissement est moins élevé que pour l’autre groupe (différence
de 0,175). La significativité est en dessous du seuil indicatif de 0,05, communément accepté
en sciences humaines (p=0,046). Nous considérons que l’hypothèse est validée.
Les résultats de cette analyse multi-groupes montrent deux autres éléments intéressants.
Le degré de sophistication subjective de l’investisseur a une influence négative sur la relation
entre l’expertise subjective et l’engagement dans la communauté. Pour le groupe
« sophistication faible », le coefficient de régression est de 0,411 contre seulement 0,215 pour
le groupe « sophistication forte » (p<0,05). Plus les individus considèrent ne pas pouvoir se
205
permettre de perdre de l’argent et plus ils s’impliquent dans la communauté à mesure que leur
expertise subjective augmente.
Sophistication Sophistication
subjective de subjective de
l’investisseur l’investisseur
faible forte
N 113 323
Paths Paths
Difference p-value
coefficient coefficient
EXPINVVPVOTE 0,348 0,291 0,058 0,268
EXPINVnb_invest 0,059 0,121 0,062 0,713
EXPINVinvest_moyen 0,045 0,109 0,064 0,704
EXPINVENGAGEMENT 0,411 0,215 0,197 0,032
VPVOTEVALGLOB 0,455 0,280 0,175 0,046
VALGLOBSATISF 0,671 0,507 0,164 0,023
Nous n’avons pas de données concernant le patrimoine réel des individus de l’échantillon
de données. Nous ne pouvons donc malheureusement pas vérifier si les individus qui se
perçoivent comme les moins sophistiqués sont aussi les moins fortunés.
Pour terminer l’interprétation des résultats de cette analyse multi-groupes, moins les
individus considèrent qu’ils peuvent se permettre de perdre de l’argent et plus la valeur
globale de leur investissement est corrélée à leur niveau de satisfaction cumulée (coefficient
de 0,671 pour le groupe « sophistication faible » contre 0,507 pour le groupe « sophistication
forte »). La différence entre les deux groupes est de 0,174 et elle est significative (p<0,05).
206
Tableau 53 - Résultats des tests d’hypothèses
Rejetée
La valeur perçue de l’expérience de participation (lien non significatif
H1
influence positivement la décision d’investissement dans le modèle
théorique initial)
La valeur perçue de l’expérience de participation a une
H2 influence positive sur la valeur globale de Validée
l’investissement
Rejetée
La valeur globale de l’investissement a un effet positif (lien non significatif
H3
sur la décision d’achat dans le modèle
théorique initial)
Rejetée
La valeur perçue de l’expérience de participation a une
H5 influence positive sur l’engagement au sein de la (lien non significatif
communauté dans le modèle
théorique enrichi)
L’expertise subjective du capital-amorçage influence
H6 positivement la valeur perçue de l’expérience de Validée
participation
Rejetée
Le degré de risque perçu influence positivement la
H7 relation de la valeur perçue de l’expérience de (lien non significatif
participation sur la décision d’investissement dans le modèle
théorique initial)
Le degré de sophistication subjective influence
H8 négativement la relation entre la valeur perçue de Validée
l’expérience et la valeur globale de l’investissement
Rejetée
Le degré de risque perçu influence la relation de (lien non significatif
H11
l’expertise subjective sur la décision d’investissement dans le modèle
théorique enrichi)
208
5.3.4 Analyses complémentaires
Des analyses complémentaires ont été menées dans le but de tester la robustesse du
modèle théorique (5.3.4.1) et pour vérifier si les individus les plus experts sont aussi les plus
sophistiqués et les moins averses au risque (5.3.4.2).
Avant de discuter les résultats principaux issus du test du modèle théorique, nous avons
voulu nous assurer de leur robustesse en nous assurant que les variables de contrôle
n’influencent pas les effets constatés. Les variables de contrôle permettent d’éviter les biais
dans l’estimation des paramètres (Gregor, 2006), c’est-à-dire qu’elles permettent de contrôler
si une explication alternative aux effets étudiés existe.
Les variables de contrôle envisagées sont le genre et l’âge de l’individu. Ces deux
variables pourraient éventuellement constituer des alternatives pour expliquer les relations
entre les variables du modèle théorique, et principalement l’effet de l’expertise subjective vis-
à-vis de la décision d’investissement. En effet, les femmes sont réputées être moins
riscophiles que les hommes (Charness et Gneezy 2012 ; Dwyer, Gilkeson, et List 2002 ;
Byrnes, Miller, et Schafer 1999), et les individus plus âgés sont plus enclins à faire de
mauvais choix financiers que les investisseurs d’âge moyen (Agarwal et al., 2009).
Notre hypothèse H10 proposait que l’expertise subjective du capital-risque a une
influence positive et significative sur l’investissement (nombre et montant moyen). Cette
hypothèse est validée, mais nous pouvons raisonnablement nous demander si l’âge ou le genre
des répondants ne pourraient pas modifier ces résultats. En effet, les « small investors » sont
plutôt des individus de moins de 40 ans et des hommes, mais les femmes sont plus
représentées dans ce groupe que parmi les « medium » et « large-amount investors ».
Pour contrôler l’âge des répondants, nous avons partitionné notre échantillon en deux
groupes autour de l’âge médian (48 ans) et avons réalisé une analyse multi-groupes sous
smartPLS. Nous trouvons qu’il n’existe pas de différence significative entre le groupe des
moins de 48 ans (n=170) et le groupe des plus de 48 ans (n=178) pour la relation entre
l’expertise subjective et l’investissement, que ce soit en termes de montant moyen (différence
209
de coefficients de 0,012 ; p=0,437) ou de nombre d’investissements (différence de
coefficients de 0,083 ; p = 0,791).
Afin de compléter ces analyses et pour s’assurer qu’une différence n’apparaîtrait pas en
comparant les plus jeunes des répondants aux plus vieux, nous avons fait une seconde analyse
multi-groupes en partitionnant notre échantillon en 5 classes d’âge (groupe 1 (n=64) [20-
35]/groupe 2 (n=89)] 35-45]/groupe 3 (n=92)] 45-55]/groupe 4 (n=66)] 65-75]/groupe 5
(n=38)] 75+]) et en comparant les groupes 1, 3 et 5, soit les répondants les plus jeunes, ceux
ayant l’âge médian et les plus vieux de notre échantillon. Comme précédemment, les
différences de coefficients entre les groupes existent, mais elles ne sont pas significatives (cf.
Tableau 54).
Pour contrôler le genre des répondants, nous avons partitionné logiquement notre
échantillon en deux groupes (n=41 pour les femmes, n=395 pour les hommes). Il existe des
différences de coefficients entre les deux groupes pour la relation entre l’expertise subjective
et le nombre d’investissements (différence de 0,214), et pour la relation entre l’expertise
subjective et l’investissement moyen (différences de 0,160). Cependant, ces différences ne
sont pas significatives (respectivement p=0,126 et p=0,221) (cf. Tableau 55).
210
5.3.4.2 Sophistication subjective et expertise subjective
Nous nous sommes posé la question de savoir si les individus se considérant comme les
plus experts étaient aussi ceux qui se considéraient comme les plus sophistiqués.
Un niveau d’expertise subjective a été calculé pour chaque individu en fonction du score
d’expertise mesurée préalablement puis ils ont été répartis en trois groupes correspondant aux
33e, 66e et dernier centile des données : novices (n=150), connaisseurs (n=150) et experts
(n=136).
Nous avons ensuite généré un tableau de fréquence associé à une mesure de chi-deux
entre le niveau de sophistication et le niveau d’expertise.
Tableau 56 - Comparaisons entre les individus avec une sophistication faible et forte
en fonction de leur degré d’expertise
Fréquence
Khi- <0,05 =
Indicateur Groupes N EXPINV ddl p-value
deux *
faible
SOPHISTIC 113 47
EXPINV faible
5,611 2 0,061 *
(=faible) SOPHISTIC 323 103
forte
L’analyse des données de l’analyse multi-groupes indique que les individus ayant une
sophistication subjective forte sont 47 à appartenir au groupe « expertise faible » contre 103
individus ayant une sophistication subjective forte. Toutefois, la différence entre les deux
groupes n’est pas significative à p<0,05 (Tableau 56, cf. Annexe 11 pour le détail des tests).
Nous pouvons donc conclure que la sophistication n’influence pas le degré d’expertise
subjective.
211
Pour tester cette proposition, un tableau de fréquence a été généré, associé à une mesure
de chi-deux (Tableau 57, cf. Annexe 11 pour le détail des tests).
Fréquence Fréquence
Khi-
Indicateur Groupes N RISQUEP RISQUEP ddl p-value
deux
faible fort
EXPINV 150 46 46
faible
RISQP EXPINV 150 44 43 10,846 4 0,028
(=faible) modérée
EXPINV 136 31 62
forte
L’analyse des données de l’analyse multi-groupes indique que les individus ayant une
expertise subjective de l’investissement en capital-amorçage perçoivent un risque plus
fort que les novices et que cette différence est significative (p<0,05).
En résumé
L’ensemble des résultats permet de valider 6 des 11 hypothèses formulées au cours de
cette étude empirique. La proposition d’enrichissement du modèle théorique est pertinente et
met en évidence l’influence centrale de l’expertise subjective du capital-amorçage sur la
décision d’investissement, sur l’engagement dans la communauté et sur la valorisation de
l’expérience de participation. Cette dernière a par ailleurs un effet important et significatif sur
la valorisation globale de l’investissement en ECF, bien que cette influence soit modérée
négativement par le degré de sophistication subjective des crowdinvestors.
Notre question de recherche QR3 portait sur les sources de valorisation de l’expérience de
participation et ses effets, tant sur la valorisation globale de l’investissement en ECF que sur
son comportement d’investissement, notamment sa décision d’investissement.
Ci-après, nous discutons les résultats relatifs aux liens entre la valeur de l’expérience de
participation, la valeur globale de l’investissement et la satisfaction (5.4.1) avant de nous
intéresser aux résultats concernant les liens entre l’expertise subjective du capital-amorçage,
212
l’engagement, la valeur perçue de l’expérience de participation et la décision d’investissement
(5.4.2).
Nous discutons dans cette section les résultats concernant les liens entre les variables
VPVOTE, VALGLOB et SATISF (5.4.1.1) avant d’analyser plus spécifiquement le rôle
modérateur de la variable SOPHISTIC pour cette relation (5.4.1.2).
Aurier et al. (2004) ont testé et validé l’hypothèse selon laquelle les composantes de la
valeur avaient une influence sur le jugement global de la valeur, dans le contexte de la
consommation cinématographique. De même, Merle (2007) trouve une relation significative
entre la valeur perçue de l’expérience de customisation de masse et la valeur globale perçue
de celle-ci.
Dans le contexte de la consommation de produits financiers, les récents travaux de
Moysidou et Spaeth (2016) s’appuient également sur la théorie de la valeur de consommation
pour distinguer les sources de valorisation de l’investissement entre les différentes formes de
CF (précommande, prêt et capital).
Cependant, à notre connaissance, aucune étude ne s’est intéressée à l’existence et à la
valorisation d’une expérience de participation en ECF, qui, nous l’avons vu dans les résultats
de l’enquête exploratoire, se distingue de l’expérience d’investissement à proprement parler.
De manière totalement exploratoire, nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle la
valeur perçue de l’expérience de participation avait une influence positive sur le jugement
global de l’investissement en ECF défini en termes d’arbitrage bénéfices/sacrifices (Aurier et
al., 2004). Le test d’un modèle d’équations structurelles par la procédure PLS a montré la
force du lien (0,372) et sa significativité (p=0,000).
Conformément à nos attentes, la valeur perçue de l’expérience de participation à
une influence forte, positive et significative sur la valorisation globale de l’investissement
en ECF.
Ce résultat nous semble être une avancée théorique importante dans le cadre de la
recherche sur le CF et la consommation de produits financiers. À notre connaissance, c’est la
213
première fois que cette relation est testée. Nous contribuons donc à répondre à l’appel de
Leclercq et al. (2016, p.22) qui encourageaient la poursuite d’études sur des plateformes
d’engagement afin « d’évaluer efficacement les dimensions expérientielles [de la
consommation] et leurs impacts sur les comportements des participants ».
Nous discutons dans cette section les résultats concernant les liens entre les variables
EXPINV et VPVOTE (5.4.2.1), entre EXPINV et ENGAGEMENT (5.4.2.2), entre EXPINV
214
et INVEST (5.4.2.3) avant d’analyser le rôle modérateur de la variable RISQUEP (5.4.2.4) et
l’absence d’influence significative de VPVOTE et VALGLOB sur INVEST (5.4.2.5).
Nos résultats indiquent qu’il existe une influence significative et positive entre l’expertise
subjective du capital-amorçage et la participation dans la communauté de crowdinvestors
hébergée par la plateforme d’ECF.
Nous nous sommes tournés vers la littérature sur le crowdsourcing afin d’identifier des
articles de recherche éclairant ce résultat. Visiblement, les recherches mentionnant l’expertise
dans le contexte du crowdsourcing l’abordent comme une raison pour laquelle les entreprises
y font appel (Lobre et Lebraty, 2010 ; Thuan, Antunes, Johnstone, 2016) ou cherchent à
mesurer le degré d’expertise des participants (Hosna et al, 2017).
Du côté des participants en crowdsourcing, le fait d’être reconnu pour son expertise est
l’une des motivations à participer (Hars et Ou, 2002 ; Nardi et al., 2004).
215
Cependant, nous n’avons pas réussi à identifier des travaux s’intéressant à l’éventuel rôle
de l’expertise des participants sur la décision de participation à des activités de
crowdsourcing, ni sur leur engagement au sein de communautés virtuelles.
Ce résultat incite donc, a priori, à envisager l’expertise de l’individu comme l’un des
antécédents à sa participation au sein d’une communauté en ligne et à l’intensité de cette
participation.
216
Nous concluons donc à l’absence d’effet modérateur du risque perçu sur la relation
entre l’expertise subjective du capital-amorçage et l’investissement (montants et
nombre) et rejetons l’hypothèse H11.
Cette absence d’effet peut être expliquée par le fait que le risque perçu est élevé pour la
plupart des répondants (le score médian pour la mesure du risque perçu est de 6 sur une
échelle allant jusqu’à 9 ; cf. Figure 19 - Histogramme des scores pour la mesure du risque
perçu de l’investissement en ECF).
Alors que d’après Bessière et Stéphany (2014) et Wang (2001), les individus les plus
experts d’une certaine catégorie de produits financiers sont ceux qui perçoivent le moins de
risque, nous trouvons des résultats opposés. Nous montrons que la perception d’un risque
élevé est plutôt le signe d’un degré élevé d’expertise du capital-amorçage (cf. 5.3.4.3).
217
les comportements réels, comme la volonté des acteurs d’acheter à nouveau ou d’intensifier
leur engagement sur les plateformes inhérentes ».
Le test des relations entre ces variables et l’investissement réel montre qu’il n’existe par
de lien significatif entre la valeur perçue de l’expérience, la valeur globale de l’investissement
et la décision d’achat de produits financiers.
Ce résultat tend à démontrer que l’expérience de participation est valorisée pour elle-même.
La valeur perçue de cette expérience peut contribuer à augmenter la valeur retirée
globalement de l’investissement en ECF et augmenter la satisfaction cumulée des
investisseurs, mais uniquement lorsqu’ils ont déjà pris leur décision d’investissement
par ailleurs. Ce n’est pas parce que les membres valorisent leur expérience de
participation que cela a un effet sur leur décision d’achat de produits financiers.
Afin de tester le modèle théorique construit dans le chapitre précédent, des données
primaires ont été récoltées en diffusant un questionnaire en ligne auprès de membres de la
plateforme WiSEED. Nous avons collecté 436 questionnaires complets sur la base desquels
nous avons mené différentes analyses dans le but de décrire les données, de vérifier les
qualités psychométriques des échelles de mesure employées et de tester les relations entre les
variables du modèle théorique.
Des analyses préliminaires ont permis de mieux appréhender le profil des répondants. Ce
sont principalement des hommes (90,6 %), âgés en moyenne de 48 ans, dont un peu plus d’un
quart (27 %) exercent une activité professionnelle dans le secteur de la finance.
L’investissement moyen est de 1 433 €. Nous avons partitionné l’échantillon en trois groupes
en fonction du montant d’investissement réalisé sur la plateforme. Cela nous a permis
d’affiner les profils des « small investors », des « medium investors » et des « large-amount
investors », notamment quant à leur niveau d’expertise moyen.
Nous avons ensuite appliqué la procédure recommandée par Vinzi, Trinchera, et Amato
(2010) pour tester un modèle d’équations structurelles selon la méthode PLS. Nous avons
donc d’abord vérifié la qualité psychométrique des échelles de mesure avant de procéder aux
tests des hypothèses en elles-mêmes. Nous avons vérifié la fiabilité interne des construits
(alpha de Cronbach), l’indépendance des construits vis-à-vis des autres (via une analyse ACP
avec rotation varimax), et la validité convergente (vérifiée avec le test de la variance moyenne
expliquée) et discriminante (vérifiée avec le test de partage de variance). Dans l’ensemble, les
218
construits présentaient une bonne fiabilité et une bonne validité. Seule la dimension éthique
de la variable valeur perçue de l’expérience de participation n’était pas assez corrélée avec
les autres dimensions et a été retirée de la mesure.
Nous avons ensuite testé le modèle en lui-même. Les données se sont révélées
relativement mal ajustées au modèle théorique. De plus, les hypothèses centrales qui
proposaient que la valeur perçue de l’expérience de participation et la valeur globale de
l’investissement pussent être des antécédents de la décision d’investissement ont été rejetées.
Nous avons donc proposé d’enrichir ce premier modèle en attribuant un rôle central à
l’expertise subjective du capital-amorçage de l’investisseur. Ce modèle enrichi n’introduit
pas de nouvelle variable, mais reformule les liens entre elles.
Les résultats sont les suivants :
- la valeur perçue de l’expérience de participation a une influence positive sur la
valeur globale perçue de l’investissement qui, elle-même, a une influence positive
sur la satisfaction. Ainsi, la valeur retirée de l’expérience de participation joue un
rôle dans l’évaluation globale de l’investissement par les crowdinvestors et in fine
sur leur satisfaction. Cette valeur perçue est, trivialement, un « bonus » à
l’expérience générale d’investissement, sans qu’elle explique la décision
d’investissement. La valeur perçue de l’expérience n’a pas d’effet sur la décision
d’investissement.
- L’expertise subjective de l’investisseur est un antécédent de la valeur perçue de
l’expérience, de l’engagement dans la communauté, mais également, et là réside
l’apport de ce modèle enrichi, un antécédent de la décision d’investissement
(nombre et montant d’investissements), contrairement à la valeur perçue de
l’expérience. C’est donc l’expérience préalablement acquise, du capital-risque
(puisque le capital-amorçage n’en est qu’une sous-catégorie), par l’investisseur
qui explique sa décision d’investissement effectif.
- Le risque perçu de l’investissement ne modère pas la relation entre l’expertise
subjective et la décision d’investissement.
- La sophistication subjective de l’investisseur joue en revanche un rôle de
modérateur dans la relation entre l’expertise subjective et l’engagement dans la
communauté ainsi que dans la relation entre la valeur globale de l’investissement
et la satisfaction (influence négative et significative dans les deux cas).
219
Nous discutons plus en détail ces résultats et les mettons en perspective avec la revue de
littérature et les résultats de l’enquête exploratoire dans la partie suivante, qui tiendra lieu de
conclusion générale. Cette partie nous permettra également d’aborder les limites de ce travail
doctoral et d’envisager des voies de recherche futures pour approfondir la compréhension du
comportement des crowdinvestors.
220
6. Conclusion générale
Pour conclure ce travail doctoral, nous répondons aux questions de recherches émises en
introduction (6.1). Les apports théoriques à la littérature sur le crowdfunding et sur le
comportement du consommateur sont ensuite exposés (6.2.1) ainsi que les apports
managériaux destinés aux marketeurs et aux managers des plateformes d’ECF (6.2.2) et,
enfin, les apports aux réflexions du régulateur du marché du CF (6.2.3). Une discussion des
limites de ce travail doctoral est proposée (6.3) avant de discuter les voies de recherche
futures (6.4).
Nous avons présenté en introduction les questions de recherche qui guidaient le présent travail
doctoral :
QR1 : Quels sont les bénéfices attendus et les sacrifices perçus que les crowdinvestors
associent à l’investissement en ECF ?
QR2 : Comment et dans quelle mesure la dimension participative de l’expérience
d’investissement en ECF influence-t-elle la décision d’investissement ?
QR3 : Comment le crowdinvestor valorise-t-il son expérience de participation et quels en
sont les effets sur son comportement d’investissement ?
Pour tenter de répondre à ces interrogations, nous avons d’abord mené une étude
exploratoire (n=13) puis une étude empirique (n=436) auprès de membres de la plateforme
d’ECF française WiSEED.
Nous présentons ci-après les réponses apportées à ces questions de recherche.
QR1 : Quels sont les bénéfices attendus et les sacrifices perçus que les crowdinvestors
associent à l’investissement en ECF ?
221
qui poussent un individu à investir en ECF. En outre, elles n’apportent pas non plus de pistes
concernant les freins à l’investissement ; seuls Estrin et al. (2018) font des suggestions sur la
base d’une étude exploratoire.
Ce manque dans la littérature nous a conduits à mener une enquête exploratoire (13
répondants) en nous appuyant sur le concept de valeur globale de l’investissement perçue par
les crowdinvestors. Nous avons ainsi pu identifier les différents bénéfices attendus par les
investisseurs, sources de valeur, lorsqu’ils utilisent ce mode d’investissement. Ceux-ci sont de
différentes natures :
- Utilitaire (obtenir un retour sur investissement ; diversifier ses placements ; investir
de petites sommes en capital-risque).
- Connaissance et découverte (expérimenter un nouveau mode d’investissement ;
découvrir de nouveaux projets).
- Hédonique (participer à une aventure entrepreneuriale).
- Éthique (soutenir l’entrepreneuriat, investir de façon responsable).
La mobilisation du concept de valeur globale nous a également permis d’aborder la
question des sacrifices perçus ou consentis des crowdinvestors et de répondre à la deuxième
partie de cette question de recherche.
Le risque perçu est le sacrifice identifié de façon la plus marquée chez les crowdinvestors.
Ce concept est omniprésent lors de l’analyse de contenu. L’investissement en ECF est perçu
comme très risqué, le risque de perte financière et le risque de performance de
l’investissement étant identifiés et acceptés par les investisseurs. Le risque d’évaluation est la
troisième dimension du risque perçu de l’investissement en ECF et il est fortement lié au
degré d’expertise sectorielle que les crowdinvestors pensent détenir.
Pour répondre à cette question, nous avons entrepris d’explorer la littérature sur le CF.
Nous avons trouvé que la dimension participative du financement « participatif » était
appréhendée selon peu d’angles différents, a fortiori concernant l’ECF. Dans les études
identifiées, la dimension participative de l’investissement est abordée principalement sous
222
l’angle communautaire. Ces recherches traitent de l’influence de la communauté sur la
décision d’investissement du crowdinvestor. Elles montrent que la communauté, par
l’interaction de l’investisseur avec celle-ci, permet de réduire les asymétries d’information
(Hornuf et Schwienbacher, 2015 ; Wallmeroth, 2017), mais peut également engendrer des
biais cognitifs lors de la décision d’investissement de l’individu, jusqu’à provoquer des
phénomènes moutonniers à l’échelle de la « foule » (herding) (Vismara, 2015).
Ces résultats permettent de répondre partiellement à la question de recherche QR2.
Afin d’enrichir ces résultats, nous avons étudié l’investissement en ECF comme une
expérience d’investissement, induite par l’interaction entre un crowdinvestor, un projet
entrepreneurial et une plateforme d’ECF, dans un contexte situationnel spécifique. Cette
approche adoptée lors de l’enquête exploratoire a permis d’identifier la nature de ces
interactions (hédoniques et affectives entre la personne et le projet entrepreneurial ; utilitaires
et informationnelles entre la personne et la plateforme d’ECF).
Nous avons ensuite exploré l’effet de la dimension participative de cette expérience sur le
comportement d’investissement des crowdinvestors. L’analyse de contenu réalisée montre
que cette dimension participative constitue en réalité une expérience à part entière dont
l’influence se matérialise premièrement pendant la recherche d’information pré-achat des
individus en cela qu’ils attribuent une importance élevée à l’avis des autres membres.
Ce résultat est conforme avec les travaux fondateurs de Roselius (1971) sur les stratégies
de réductions des risques adoptées par les consommateurs.
Le deuxième effet de l’expérience de participation touche à la décision d’investissement
en elle-même, que certains investisseurs prennent en fonction des décisions des autres
membres. Comme précédemment, ce résultat va dans le sens des travaux en finance
entrepreneuriale à cela près que nous y apportons une nuance importante. Ce type de décision
« socialisée » semble n’être prise que par les investisseurs les plus novices.
Enfin, l’expérience de participation semble avoir un effet sur l’engagement futur de la
personne dans la communauté et, nous ne faisons que le supposer, pourrait avoir un rôle sur sa
fidélité envers la plateforme sur laquelle il participe.
223
Pour répondre à notre troisième et dernière question de recherche, nous n’avons trouvé
aucun élément dans notre revue de littérature en ECF. Les travaux récents de Moysidou et
Spaeth (2016) s’intéressent aux dimensions de la valeur perçue de l’investissement en ECF,
mais ne distinguent pas l’expérience de participation préachat et l’expérience
d’investissement.
Nous nous sommes donc appuyés sur la littérature développée autour de la valeur de
consommation pour identifier les dimensions de la valeur que l’individu peut retirer de son
expérience de participation. La typologie d’Holbrook (1994) a servi de grille d’analyse et sur
la base de l’enquête qualitative, nous avons établi que la valeur retirée de l’expérience de
participation peut être orientée vers soi et vers les autres, intrinsèque et extrinsèque, mais
toujours du fait d’un rôle actif de l’individu.
Sur cette base, nous avons proposé une modélisation des relations entre cette variable, les
variables de comportement identifiées lors de l’enquête exploratoire (engagement dans la
communauté, décision d’investissement) et la valeur globale de l’investissement. Afin de
tester cette modélisation, une étude quantitative par questionnaires a été réalisée auprès de
436 membres de la plateforme d’ECF WiSEED.
Les dimensions de la valeur perçue de l’expérience de participation que nous avons
retenues sont les dimensions hédonique, de lien social, de connaissance et utilitaire.
Autrement dit, les membres de la plateforme d’ECF apprécient et tirent de la valeur de leur
expérience de participation parce qu’elle leur permet de découvrir de nouveaux projets et se
familiariser avec des projets (valeur de connaissance), d’augmenter la probabilité qu’ils
puissent investir dans un projet qui les intéresse (utilitaire), de s’amuser et de prendre plaisir à
échanger avec les autres investisseurs (hédonique), et, enfin, de soutenir une connaissance ou
un proche (lien social).
Concernant la deuxième partie de notre troisième question de recherche, l’influence
directe et positive de la valeur perçue de l’expérience de participation (pré-achat) sur la valeur
globale d’investissement (post-achat) est très marquée dans notre modèle (coefficient de
0,372, significatif au seuil de 1 %). La valeur globale de l’investissement ayant elle-même
une influence directe et positive sur la satisfaction cumulée de l’investisseur.
Deux nuances sont à apporter à ces relations. L’expertise subjective du capital-risque du
crowdinvestor est un antécédent de la valeur perçue de l’expérience. Plus son expertise
augmente et plus il tire de la valeur de son expérience. Par ailleurs, moins il se considère
224
comme sophistiqué et plus la valeur perçue de son expérience exerce une influence forte sur
la valeur globale qu’il tire de son investissement.
En revanche, les relations que nous avions envisagées sur la base de notre enquête
exploratoire entre la valeur perçue de l’expérience et l’engagement dans la communauté et la
décision d’investissement ne sont pas significatives. La valeur perçue de l’expérience de
participation en ECF (pré-achat) n’exerce pas une influence significative sur la décision
d’investissement effectif.
Nous avons proposé un modèle enrichi afin d’identifier un antécédent de la décision
d’investissement, variable à expliquer de notre modèle théorique. Il s’avère que l’expertise
subjective du capital-amorçage en est un et que cette variable joue un rôle central dans notre
modèle. Plus l’expertise subjective du crowdinvestor s’accroît et plus son engagement
dans la communauté, la valeur qu’il tire de l’expérience de participation, le montant
moyen qu’il investit et le nombre d’investissements augmentent.
225
de décision d’investissement en ECF en prenant en compte l’expérience d’investissement
dans sa globalité (pré-achat et au moment de l’achat). L’investisseur particulier ne se focalise
pas uniquement sur la recherche d’information et la maximisation de son utilité comme le
suggère la tradition micro-économique (Carù et Cova, 2006). La perspective expérientielle
introduit la vision d’un investisseur qui « cherche moins à maximiser un profit qu’à
revendiquer une gratification hédoniste dans un contexte social » (Carù et Cova, 2006).
D’une part, en adoptant une approche par la valeur de consommation, nous avons
complété la littérature en finance entrepreneuriale sur la compréhension des sources de
valorisation et des sacrifices associés à l’investissement en ECF et donc sur la valeur
globale retirée de ce type d’investissement.
D’autre part, notre recherche montre que le crowdinvestor tire des bénéfices
hédoniques, de lien social de connaissance, lors de son expérience de participation pré-
achat (prendre plaisir à voter, échanger avec les autres membres et découvrir de nouveaux
projets).
Cette expérience de participation peut être appréciée en elle-même par les membres des
plateformes, sans que cela influence leur décision d’investissement.
Les divergences concernant la nature des motivations à investir en ECF (Bretschneider et
al., 2014 ; Cholakova et Clarysse, 2015 ; Estrin et al., 2018) ne sont donc pas contradictoires,
les chercheurs ne se réfèrent peut-être tout simplement pas au même moment de l’expérience
d’ECF. Ce résultat suggère qu’il serait pertinent d’adopter le processus de décision comme
cadre, plutôt que de traiter la décision d’investissement comme ponctuelle et décorrélée de
l’expérience globale d’investissement74.
74
La doctorante remercie le Professeur Marc Filser pour cette suggestion.
226
foule (Kim, 2014). Nous pensons qu’il est primordial pour les futures recherches sur le
comportement de crowdinvestors de distinguer systématiquement les experts des novices.
Pour finir, notre étude exploratoire a permis de confirmer le rôle des pairs dans la
décision d’investissement. De plus, elle contribue à mieux comprendre quels signaux sont
interprétés par les investisseurs. Nous trouvons que l’avis des pairs à une influence forte sur le
crowdinvestor, particulièrement sur les investisseurs ayant une expertise sectorielle faible.
Plus que les notes ou les intentions d’investissement des autres (qui n’ont pas d’influence
significative sur l’investissement individuel d’après Cumming et al., 2016), ce sont leurs
commentaires qui semblent être une source d’informations.
227
Les recherches en comportement du consommateur ont montré l’influence de l’expertise
subjective, caractéristique individuelle de l’individu, sur toutes les phases du processus
décisionnel, notamment sur la recherche d’information (Flynn et Goldsmith, 1999), sur le
traitement des messages publicitaires, sur l’acceptation des prix et sur l’évaluation des
produits. Cependant, son impact sur la valeur perçue durant l’expérience reste principalement
étudié dans le contexte d’expériences culturelles (Passebois-Ducros et Aurier, 2004).
Notre travail doctoral montre que l’expertise subjective est un antécédent de la valeur
perçue de participation à une communauté en ligne et contribue ainsi à enrichir la théorie
sur la compréhension du rôle de l’expertise dans le processus de valorisation d’une
expérience.
228
6.2.2.1 Justifier la création d’une expérience de co-production de
produits financiers
229
manière plus hypothétique, profiter de l’expérience de co-production de produits financiers
pour introduire des éléments pédagogiques en vue d’améliorer l’expertise du capital-risque
des membres ce qui aurait pour effet d’augmenter la probabilité qu’ils investissent.
230
pas à cette pratique et présentons ci-dessous les résultats de notre travail doctoral qui nous
permettent de préconiser aux instances régulatrices d’améliorer l’éducation financière des
crowdinvestors.
75
Réglementation PS14/4 2014 mentionnée par Hornuf et Schwienbacher (2017).
76
JOBS act (Title III) 2012 : « Funding portal or broker-dealer needs to provide disclosures, including
disclosures related to risks and other investor education materials. », ibid.
77
Ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 ; Décret d’application n°2014-1053 du 16 septembre 2014.
232
décision. S’assurer de la compréhension du capital-risque et de l’expertise des
investisseurs sur ce sujet garantirait une meilleure protection de ces derniers.
Friesz (2015) milite d’ailleurs pour le développement, aux États-Unis, d’un programme
qui « autonomiserait les investisseurs pour identifier les risques, prendre des décisions
intelligentes et détecter des offres frauduleuses ».
L’approche par l’expertise (subjective) et non par le profil de risque de l’investisseur
permettrait, pour finir, d’assurer les intérêts des entrepreneurs en recherche de fonds tout en
protégeant les investisseurs. En effet, nos résultats montrent que l’augmentation de l’expertise
subjective conduit à une augmentation du nombre et des montants investis (et donc une
augmentation des fonds alloués à des projets entrepreneuriaux). Des individus bien (in)
formés assureraient un meilleur financement aux projets en recherche de fonds tout en étant
relativement équipés pour détecter des fraudes éventuelles. Pour compléter ce cercle vertueux
que nous suggérons, cette approche permettrait de conserver les principes démocratiques
prônés par les plateformes et l’essence même du financement participatif, en ne limitant pas
l’investissement aux individus aux surfaces financières les plus élevées, mais en l’ouvrant aux
experts. Or, l’expertise, dans une certaine mesure, s’acquiert.
Selon nous, et pour conclure, la démocratisation de l’investissement, le « futur de la
finance » (Terry et al., 2015) et la « socialisation de la finance entrepreneuriale » (Estrin et
Khavul, 2016) passeront avant tout par la vulgarisation de la finance et la formation financière
des particuliers (Fanto, 1998).
Malgré nos précautions, cette recherche doctorale n’est pas exempte de limites. Nous les
avons mentionnées au fur et à mesure, nous les récapitulons dans cette section. Elles ont trait
à la méthodologie (6.3.1), à la validité interne (6.3.2) et à la validité externe (6.3.3) de nos
résultats.
233
Cronbach. Ainsi, chaque dimension de la valeur perçue de l’expérience ne présente que deux
items ce qui est faible pour espérer mesurer toutes les facettes de chaque dimension. Nous
avons donc mesuré le construit de manière globale, sans pouvoir vérifier les liens entre
chaque dimension et les autres variables du modèle. Nous avons également dû retirer la
dimension éthique de la mesure de cette variable, car elle posait un problème de validité
convergente.
La seconde limite méthodologique a trait à la proximité du chercheur avec le terrain. En
tant que salariée de la plateforme WiSEED, la doctorante a fait de réels efforts pour se
détacher du terrain et prendre du recul. Toutefois, nous reconnaissons qu’il est possible que
cela ait introduit un biais de subjectivité dans notre méthodologie. Cette proximité constitue
une limite, mais également une force de ce travail puisqu’elle a permis d’acquérir une vaste
connaissance opérationnelle de la plateforme et du comportement de ses membres, ce qui
nous a permis de comprendre certains résultats qui auraient pu sembler obscurs à qui ne
connaissait pas la plateforme de l’intérieur.
Au cours de ce travail doctoral, nous nous sommes attachés à respecter les préconisations
de Drucker-Godard et al. (2003, p.273) selon qui « le chercheur doit se demander dans quelle
mesure son inférence est exacte et s’il n’existe pas d’explications rivales », c’est-à-dire dans
quelle mesure la validité interne des résultats est assurée. Nous avons introduit des variables
de contrôle (âge et expertise sectorielle) et réalisé des analyses multi-groupes afin de montrer
la stabilité de nos résultats.
Néanmoins, des limites en termes de validité interne existent. Nous n’avons pas mesuré
l’attachement à la marque pour vérifier si cette variable pouvait avoir une incidence sur la
valeur perçue induite de l’expérience de participation sur une plateforme donnée.
La mesure de la valeur perçue de l’expérience de participation telle que nous l’avons
construite est associée au vote pour un projet (« voter pour un projet est stimulant », par
exemple), et ne permet pas d’isoler la valeur perçue de l’expérience associée à la plateforme
(« voter sur la plateforme X est stimulant »). Ce choix constitue une limite de validité interne
de notre travail.
234
Une recherche présente une validité externe lorsque le chercheur en a examiné « les
possibilités et les conditions de généralisation et de réappropriation » (Drucker-Godard et
al., 2003 p.280). L’échantillon retenu pour notre étude empirique est représentatif de la
communauté de la plateforme WiSEED et le profil des investisseurs interrogés dans notre
enquête exploratoire est conforme au profil du crowdfunder que dressent Ordanini et al
(2011). Il existe cependant des limites à la validité externe de nos résultats concernant le type
de plateforme (6.3.3.1.1), le type de produits financiers (6.3.3.1.2) et le type d’expérience de
participation (6.3.3.1.3).
Pour des raisons pragmatiques et pratiques que nous avons exposées en introduction, nous
avons mené notre enquête exploratoire et notre étude empirique sur une unique plateforme
d’ECF (WiSEED). Ce choix nous a permis d’isoler l’expérience de participation en ECF sous
la forme d’une phase de vote proposée par cette plateforme, ce qui était primordial pour la
conduite de notre étude. Toutefois, le fait de ne pas avoir testé notre modèle avec un
échantillon plus diversifié constitue la limite principale à la validité externe de notre
recherche.
De plus, la plateforme WiSEED possède des caractéristiques particulières qui peuvent
influencer nos résultats. Tout d’abord, elle présente une bonne réputation et elle fournit des
éléments rassurants pour l’investisseur (immatriculation auprès des autorités de régulation
françaises, paiement en ligne sécurisé via un prestataire de service de paiement indépendant,
etc.). Ces éléments peuvent expliquer pourquoi nous n’avons pas identifié un risque perçu par
les répondants lié à l’achat de produits financiers en ligne ou à un risque de défaut de la
plateforme. Par ailleurs, WiSEED affiche un positionnement marqué quant à la nature des
projets qu’elle propose à l’investissement (qui sont prioritairement des projets ayant un
impact social, sociétal ou environnemental positif). La dimension éthique de l’investissement
est apparue comme particulièrement marquée dans notre enquête exploratoire alors qu’elle
s’est avérée faiblement corrélée aux dimensions de la valeur perçue de l’expérience de
participation dans notre étude empirique. Nous pensons que cette dimension est
surreprésentée dans notre échantillon, ce qui limite la validité externe de nos résultats.
Les résultats de notre enquête exploratoire laissent entendre que les bénéfices attendus et
les sacrifices consentis par les investisseurs en startup (actions) et les investisseurs en
235
immobilier (obligations) ne sont pas les mêmes. Le poids des dimensions de la valeur perçue
de l’investissement et la valorisation de l’expérience de participation peuvent également
différer. Notre enquête empirique en revanche s’intéresse spécifiquement à la participation
pour la sélection des startups (phase de vote) et ne permet donc pas de généraliser nos
résultats à toutes les catégories de produits financiers.
Nous n’avons étudié qu’un type d’expérience de participation en ECF, représenté par la
phase de vote sur WiSEED, qui a pour caractéristiques sa facilité d’accès pour les individus
(il suffit de s’inscrire par mail sur la plateforme), sa rapidité de réalisation (quelques clics et
quelques minutes suffisent pour émettre son avis et poser une question sur le forum), et sa
faible complexité (quiconque peut participer et donner son avis sur la base d’éléments
vulgarisés. La complexité tient à la profondeur des questions posées par les membres aux
entrepreneurs et aux réponses apportées, parfois très pointues).
Nos résultats ne peuvent pas être généralisés à des expériences plus subtiles de co-
production de produits financiers, telles que nous les envisagions dans le point 6.2.2.1, ni à
des expériences plus implicantes sur des plateformes qui fonctionnent comme des clubs
d’investissement fermés.
Notre travail doctoral ouvre plusieurs voies de recherche, à la fois dans la continuité de
notre étude et sur des questionnements plus précis que nous avons soulevés au fil de l’eau.
Ces voies de recherche concernent l’amélioration du modèle théorique proposé (6.4.1),
l’identification des sources de l’expertise des crowdinvestors (6.4.2), la réalisation d’une
étude similaire en distinguant les différentes dimensions de la valeur perçue de l’expérience
de participation (6.4.3) et l’ouverture de cette recherche à d’autres types de communautés et
de décisions (6.4.4).
Notre modèle théorique, bien qu’enrichi, n’envisage qu’un seul antécédent à la décision
d’investissement. Une piste de recherche ouverte est l’amélioration du modèle théorique que
nous avons proposé afin de tester l’effet d’autres variables sur la décision, comme
236
l’implication de l’investisseur, l’expertise objective de l’investissement et des variables
attitudinales (vis-à-vis de la marque ou vis-à-vis d’un projet spécifique).
Introduire une autre mesure de la variable sophistication subjective pourrait également
être intéressant78.
Nous avons mis en évidence le rôle central de l’expertise subjective des investisseurs et
nous avons expliqué de quelle manière les managers et marketeurs des plateformes d’ECF,
ainsi que les régulateurs, peuvent s’enrichir de cet apport.
Une voie de recherche induite par ces résultats est l’exploration des modalités de la
formation de l’expertise des investisseurs particuliers. Farrel (2018) pose la question : « les
BAs apprennent-ils ou sont-ils nés ainsi ? »
Nous posons la question de façon similaire : comment apprendre à des internautes à
investir en capital-risque pour transformer les cyber-visiteurs en cyber-acheteurs (Bezes,
2011) ?
Les pistes à explorer sont multiples. Nous avons mentionné précédemment la théorie de
l’apprentissage par l’expérience et le principe de gamification dans la section concernant les
apports managériaux. L’apprentissage social des crowdinvestors (Bandura, 1971) serait
également une piste pertinente compte tenu du rôle important des commentaires et de l’avis
des pairs dans la décision d’investissement (ces résultats sont exploratoires).
78
En prenant, par exemple, les critères établis par la réglementation américaine pour définir un investisseur
« accrédité », comme mesure objective de la sophistication.
237
Nos résultats suggèrent que l’expertise subjective influence positivement la valeur perçue
de l’expérience de participation en ECF, mais nous n’avons pas isolé chaque dimension de la
valeur. Il serait intéressant d’étudier la relation entre l’expertise subjective et objective des
crowdinvestors sur chacune des dimensions de la valeur pour déterminer quelles sont les
sources de valeur les plus appréciées par les novices et par les experts.
Le contexte de l’ECF a fait l’objet de notre attention durant ce travail doctoral, mais une
voie de recherche ouverte est la poursuite de la présente étude sur dans d’autres contextes.
En effet, l’effet de la valeur perçue de l’expérience de participation à une communauté sur
la décision d’achat pourrait se décliner à différents types de communautés (communauté de
marque, communauté de citoyens, communauté scientifiques, communauté virtuelle, etc.) et
différents types de décision (décision d’adoption d’un service ou d’une pratique, décision de
prise de risque, décision d’achat de produits non-impliquants, etc.).
238
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Zvilichovsky, D., Inbar, Y., & Barzilay, O. (2015). Playing both sides of the market: Success and
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262
ANNEXES
263
Annexe 1 - Evolutions du marché de l'ECF
Après une émergence timide (2,7 milliards de dollars levés en 2012 au niveau mondial),
les sommes levées ont cru de façon exponentielle jusqu’à atteindre 34,4 milliards de dollars
levés en 2015, soit des taux de croissance annuels du marché à trois chiffres.
La banque mondiale estime que le marché du crowdfunding pourrait atteindre une taille
potentielle de 96 milliards de dolars par an d’ici à 2025 (World Bank, 2013). Ces données
sont à mettre en perspective avec les 30 milliards d’investissements annuels réalisés par les
capital-risqueurs et les 20 milliards de dollars par an levés auprès de business angels (World
Bank, 2013)
Les centres névralgiques du phénomène se déplacent au fur et à mesure de son
développement. L’Europe qui fut d’abord pionnière avec 600 plateformes recensées contre
344 aux États-Unis, s’est retrouvée rapidement distancée par ces derniers qui représentaient,
en 2015, 70 % des fonds récoltés sur la marché mondial.
Le marché asiatique, fort de 169 plateformes et de 3,4 milliards de dollars levés en 2015 a
légèrement dépassé le marché européen donc les levées enregistrées s’élèvent à 3,26 milliards
de dollars. Le marché asiatique a surfé sur une croissance à 320 % entre 2014-2015, lui
faisant atteindre dès 2015 la seconde place derrière le marché américain (Massolution, 2015).
La Chine a le plus grand potentiel de marché mondial à l’horizon 2025 avec une perspective
de 48 milliards de dollars (Researcher, 2017).
Notons que le marché africain reste balbutiant, quand bien même les pratiques financières
traditionnelles pourraient s’apparenter à du crowdfunding79. Cette faiblesse de marché est en
partie due à un vide juridique autour de ce nouveau mode de financement (Boyer et al., 2016).
79
Nous pensons notamment aux tontines, définies par Zygmunt Bouman ainsi : « Les tontines sont des
associations regroupant des membres d’un clan, d’une famille, des voisins ou des particuliers, qui décident de
mettre en commun des biens ou des services au bénéfice de tout un chacun, et cela à tour de rôle ».
264
Le nombre de lancements n’est cependant pas équivalent au nombre de survies. De
nombreux acteurs n’ont pas atteint leur seuil de rentabilité et ont déposé le bilan ou cessé
l’activité de leur site web faute de générer une activité suffisante. Ils sont matérialisés dans
l’encart noir de la figure 21.
D’après Boyer et al. (2016), le nombre de plateformes entrant sur le marché français
conduit à la création d’une concurrence soutenue et entraine des disparités et des
265
déséquilibres entre des plateformes qui se positionnent comme leaders et d’autres qui
disparaissent rapidement. Les auteurs citent Les Échos et leur analyse (17 février 2014) selon
laquelle une plateforme sur deux disparaîtrait en moins de trois ans.
Nous pouvons également observer un début de concentration du marché avec les premiers
rachats d’entreprises. Entre autres, KissKissBankBank a été rachetée par La Banque Postale
en juin 2017 et le géant américain RocketHub l’a été pour 15 millions de dollars par Efactor
en avril 2017.
Des rapprochements s’opèrent également entre les acteurs traditionnels de la banque ou
de la finance avec les plateformes de crowdfunding. Par exemple, le Crédit coopératif a
annoncé en 2015 sa prise de participation minoritaire au capital d’un des pionniers français
WiSEED. De même, le Crédit Mutuel a injecté la même année 10 millions d’euros au capital
de la plateforme Prêt D’Union (Boyer et al., 2016). Certains établissements bancaires font le
choix de lancer eux-mêmes une plateforme de crowdfunding. C’est le cas de la Banque
populaire Atlantique et de sa plateforme Proximea dédiée aux entrepreneurs de Loire-
Atlantique.
266
Afin de faciliter l’accès au financement pour les jeunes entreprises, l’administration
Obama a fait voter le JOBS Act le 5 avril 2012. Ce n’est qu’en octobre 2015 que le SEC
(Securities Exchange Commission) a approuvé le Titre III du JOBS Act concernant l’ECF
(Lukkarinen et al., 2016), ouvrant la possibilité à des investisseurs non qualifiés d’investir
dans des startups.
Quelques limitations sont à noter :
- l’investissement autorisé dépend des revenus du crowdinvestor (il est par exemple de
2 000 $ maximum pour un individu dont le salaire annuel est inférieur à
100 000 dollars),
- les levées de fonds pour les startups sont limitées à 1 million de dollars et doivent se
faire au travers de plateformes enregistrées par les autorités financières. Celles-ci
doivent par ailleurs respecter plusieurs critères : organiser des espaces de discussions
en ligne, informer les investisseurs sur les risques et fournir de la documentation
relative à l’ECF.
En Europe, l’ECF s’est développé en profitant d’une exemption réglementaire à
l’obligation d’émission d’un prospectus lors d’un appel public à l’épargne (Hornuf &
Schwienbacher, 2014) inférieur à 100 000 euros (De Buysere et al., 2012). Cependant, chaque
réglementation nationale présente des spécificités, souvent liées à l’évolution de son marché.
L’Italie, Le Royaume-Uni, la France et l’Espagne sont les pays européens les plus actifs sur le
marché du crowdfunding et se sont dotés d’un cadre réglementaire spécifique.
L’Italie est le premier pays européen à s’être dotée d’une réglementation dès 2013
(Martínez-Climent et al., 2018) ouvrant la voie à ses cousins européens. L’Espagne
impose, depuis 2014, l’obligation aux investisseurs de faire une déclaration sur l’honneur de
la part des investisseurs qui doivent déclarer prendre la mesure des risques liés à cette forme
d’investissement. Un montant maximal de 3 000 € par investisseur est également fixé. Le
Royaume-Uni s’est doté d’une réglementation en 2014 sous l’impulsion de la FCA
(Fianancial Conduct Authority).
La France s’est doté la même année de deux statuts réglementés qui assurent aux
investisseurs particuliers la qualité des process des plateformes labellisées :
- Le statut d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP) pour les plateformes
de prêt participatif.
- Le statut de Conseiller en Investissement Participatif (CIP) pour les plateformes
d’ECF.
267
Cette réglementation, contrôlée par l’Autorité des Marchés Financiers, impose aux
plateformes en exercice de s’enregistrer auprès de l’ORIAS (Organisme pour le registre
unique des intermédiaires en assurance, banque et finance). Elle permet aux plateformes de
lever jusqu’à 1 million d’euros par projet (seuil relevé à 2,5 millions d’euros au 31 octobre
2016), sans restriction de nombre d’investisseurs (auparavant limités à 149) ni de limite de
montant par investisseur. L’accent est mis sur la qualité de l’information fournie aux
investisseurs par la plateforme qui doit être « équilibrée, claire, exacte et non trompeuse »80.
Dans l’ensemble, les réglementations développées depuis 2013 ont eu pour but de protéger les
investisseurs particuliers et de prévenir de trop grosses pertes financières. Selon (Hornuf &
Schwienbacher, 2017), il convient cependant de s’interroger sur la pertinence d’une
réglementation trop stricte. Selon eux, une protection trop forte des investisseurs finirait par
pénaliser la capacité des jeunes entreprises à trouver des investisseurs en crowdfunding et à
lever des fonds.
Enfin, certains chercheurs considèrent qu’une réglementation unique pour tous les pays
européens sera incontournable à long terme (Lenz, 2016).
80
Selon la position-recommandation de l’AMF (DOC-2018-02).
268
3/ Due dilligence & deal structuring : un audit approfondi est réalisé par la plateforme
sur les projets ayant reçu des intentions d’investissement suffisantes au regard de leur besoin
de financement (Onnée et Renault, 2013). La structuration du deal financier consiste à fixer la
valorisation de l’entreprise, le montant minimum et le montant maximum de lever de fonds
(cela revient à déterminer la fourchette de capital qui sera cédée par l’entrepreneur). La
méthode de valorisation dépend des plateformes qui se reposent sur des méthodes de capital-
risqueurs ou sur des mécanismes d’enchères entre crowdinvestors (Löher, 2016 ; Hornuf et
Neuenkirch, 2017).
5/Campagne de collecte : le projet, s’il a été retenu, entre alors dans la phase de collecte de
fonds qui dure en moyenne trois mois, au cours de laquelle les investisseurs souscrivent de
manière définitive. La plateforme utilise de multiples canaux pour informer le grand public de
la levée de fonds (newsletters, réseaux sociaux, communiqués de presse). Les contributions
s’accumulent et sont effectuées par paiement en ligne ou par chèque (Onnée et Renault,
2013). Elles sont recueillies sur un compte bloqué, crée ad hoc, détenu par la plateforme.
Dans le cas du modèle « all-or-nothing » (tout ou rien), si la collecte n’est pas menée à son
terme ou si le seuil minimum défini au préalable n’est pas atteint, l’argent sera redistribué aux
contributeurs.
6/ Closing : lorsque la collecte est finalisée, le montant récolté est versé sur le compte
d’augmentation de capital de l’entreprise, retranché du montant de la commission de la
plateforme (Onnée et Renault, 2013). La phase de closing consiste à finaliser le pacte
270
d’actionnaires, signer les documents juridiques, procéder au versement des fonds et à la prise
de participation de capital.
7/suivi et sortie de capital : cette phase peut durer plusieurs années (en moyenne entre 4
et 8 ans). Les salariés de la plateforme ou des membres désignés de la communauté sont en
charge de suivre l’évolution du projet, son développement et ses difficultés. Certains siègent à
un organe de surveillance de l’entreprise financée, notamment pour identifier des opportunités
de sortie de capital pour les crowdinvestors (lors d’une proposition de rachat de l’entreprise
par un industriel, une entrée au capital d’un autre investisseur, etc.).
271
Annexe 3 - Guide d'entretien de l'étude qualitative
272
Thème 2. Navigation sur la plateforme
2.1 Quelle a été votre première impression de la plateforme WiSEED ?
- Ce premier avis s’est-il confirmé ? Infirmé ?
2.2 Comment naviguez-vous sur la plateforme ?
- Trouvez-vous la navigation simple ?
- Est-ce compliqué de trouver l’information que vous cherchez ?
- Y allez-vous souvent ?
2.3 Comment utilisez-vous le contenu pédagogique disponible sur la plateforme ?
- Le lisez-vous ?
- En avez-vous besoin ?
- Est-il pertinent pour vous ?
Thème 5. Implication
5.1 Avez-vous déjà voté ? et/ou émit une intention d’investissement
- combien de fois ?
- Est-ce important selon vous ?
273
5.2 En général, investissez-vous sur les projets pour lesquels vous avez émis une
intention d’investissement ?
- pourquoi ?
5.3 Avez-vous déjà commenté ?
- combien de fois ?
- Est-ce important selon vous ?
5.4 Avez-vous déjà investi ?
- combien de fois ?
- Est-ce important selon vous ?
- Si oui, sur quel(s) type(s) de produits d’investissement ?
TABLE 1.
Thème 6. Expertise
6.1 Pouvez-vous me parler de votre connaissance de l’investissement ?
- quel est votre parcours professionnel ?
- En quoi le financement d’entreprise vous attire-t-il ?
- Vous semble-t-il important de « s’y connaitre » pour investir dans des projets ?
6.2 Vous servez-vous de votre expérience professionnelle ou personnelle lorsque vous
votez/investissez ?
- dans quelle mesure ?
- De quelle façon ?
6.3 Quel est votre ressenti sur le fait d’investir sur des projets que vous ne
connaissez pas ?
- trouvez-vous cela trop risqué ou au contraire stimulant ?
- Considérez-vous que vous avez assez d’informations lorsque vous votez/investissez ?
6.4 Lisez-vous les documents fournis par le projet ?
- Systématiquement ?
- Trouvez-vous cela trop long ? Trop complexe ?
274
Annexe 4 - Verbatims issus de l'enquête qualitative
275
Verbatims relatifs à l’interaction entre le crowdinvestor et le projet
entrepreneurial
Relation au projet
déclinaison Extraits de verbatim
(PP)
"Il y a une certaine dimension de jeu et le
côté coup de cœur en me disant tiens c’est un
joli projet"
"J’ai vu des trucs quand même qui étaient
Dimension
incroyables."
émotionnelle "J’ai investis dans SunwaterLife où le gars il
pompe de l’eau pourrie, il appuie sur un
bouton, il en sort de l’eau propre et il la boit
!"
"J’avais l’intention d’investir. Enfin à titre
amical"
"J’ai soutenu parce que c’était un ami mais
Dimension affective soutien amical je n’ai jamais voulu le décourager"
"À part aider une personne que je connais
pour investir à titre amical, je ne ressens pas
le besoin d'investir "
"Ça m’a fait plaisir qu’elle ait pu lever les
fonds "
"Ce projet j’y crois et donc j’étais content,
Dimension vivre le projet par content pour elle"
expérientielle procuration "On est dans l’attente des résultats, des
succès, des échecs et donc de l’information
qui remonte de la société pour voir comment
ça avance"
276
Verbatims relatifs au risque perçu de l’achat de produits financiers sur une
plateforme d’ECF
RISQUE PERÇU Déclinaison Extraits de verbatim
"Il y a quand même de gros gros risques"
"C’était à fonds perdus quasiment"
"On sait que dans plus de 50 % des startups
Perte totale ou partielle
elles vont malheureusement disparaitre donc
Risque financier on sait que l’argent sera perdu, ma foi…c’est
un risque qu’on court sciemment."
Absence de visibilité sur "Je me suis fixé un espèce de budget
maximum réparti en plusieurs projets et puis
le ROI je verrai ce que ça donne à long terme"
"Je pense que je ne retirerais jamais les
bénéfices, ou alors pas avant longtemps"
"Je suis assez pragmatique, on verra si les
projets arrivent à leur terme ou pas"
Risque de "Je ne pense pas qu’il faut investir dans ce
performance type d’investissement dans le but de se faire
de l’argent en tout cas"
"Après mes investissements sont assez récents
donc en termes de rentabilité je ne sais pas
encore"
"Après je ne dis pas que je comprends tout
tout tout à fond, il y a des choses qui sont un
peu plus techniques qui me dépassent
j’avoue"
"Sur la partie sectorielle, non je n’ai
absolument pas la compétence qu’il me
faudrait pour réussir à apprécier les
Manque d'expertise
investissement"
concernant le projet à "Je ne me considère pas comme assez
financer connaisseur encore et avec du recul pour
donner des avis, des choses comme ça"
Risque d'évaluation "Quand je connais pas le secteur, ce qui
arrive assez souvent, j’essaye de me
renseigner un petit peu, de voir les
concurrents tout ça. Même si ça reste très
superficiel probablement "
"Moi je ne viens pas des sciences de gestion,
manque d'expertise j’y connais rien en entreprise"
"Je suis pas du tout experte en gestion
concernant la finance
d’entreprise, ça c’est vrai"
d'entreprise "Ce terme crowdfunding je ne sais pas trop ce
que ça regroupe"
277
Verbatims relatifs aux sources de valorisation de l’investissement en ECF
SOURCES DE
VALORISATION DE
Déclinaison Extraits de verbatim
L’INVESTISSEMENT EN
ECF
UTILITAIRES
"L’immobilier ne m’intéresse pas plus que
Obtenir un retour sur ça. Il n’y a que le retour sur investissement
investissement que je trouve intéressant"
"j’attends à terme un gain financier"
"Par contre on peut booster du rendement,
on peut diversifier, décorréler les
placements. Ça peut être vraiment
Diversifier ses placements intéressant"
"Je me suis dit tiens je pourrais me fixer
une enveloppe et puis répartir en plusieurs
projets"
"Pouvoir investir sans avoir à investir des
sommes importantes"
Accédez à l'investicssement
"Je n’investis que des sommes limitées sur
à coût modéré chacun des dossiers. Je préfère en avoir
beaucoup"
HEDONISTES
"J’ai trouvé ça magique"
"Moi ça me plaît beaucoup d’être dans le
capital de petits trucs, de petites pépites
intéressantes, intelligentes et qui font des
trucs incroyables"
Plaisir de découvrir
"J’avais envie de voir ce que c’était mais
de nouveaux projets de l’intérieur, de participer à des projets"
"J’ai vu des trucs quand même qui étaient
Découverte/Expérimentation incroyables"
"On prend des risques mais il y a aussi un
côté sympa"
"Il y avait aussi de ma part un côté un petit
Plaisir d'expérimenter peu expérimental"
"C’était avant tout de la curiosité et ça me
d'autres modes semblait être un moyen tout à fait
d'investissement intéressant à explorer pour le financement"
"Il y a une certaine dimension de jeu"
"Moi si demain j’investis peut-être 100
balles ou n’importe quoi dans un projet du
coin je me dis peut-être y aller faire un tour
et rencontrer la personne, discuter,
Vivre l'aventure Être en contact avec
échanger"
entrepreneuriale le porteur de projet "On est dans l’attente des résultats, des
succès, des échecs et donc de l’information
qui remonte de la société pour voir
comment ça avance ».
278
SOCIALES
"je sais à quel point c’est difficile de
trouver de l’argent et que ça me ferait
Aider les entrepreneur
plaisir demain de donner ne serait-ce que
200, 500 ou 1000 ou même 20 euros"
"Il y a quand même une dimension assez
forte de choix éthiques dans mes
investissements"
"C’est plus le côté écologique qui
Avoir un impact m’intéresse. A la fois le côté citoyen –
encourager les startups françaises – et le
positif sur la société
côté écologique"
et/ou l'environnement "Dans certains projets qui nous tiennent
peut-être plus à cœur, où on espère que ça
Investir de façon
peut aider entre guillemet, le futur de la
responsable société…on peut se dire qu’on a mis un
petit grain de sable dans l’édifice"
"(en parlant des investissement via banque)
Avoir une rémunération qui arrive sans
trop savoir ce qui a été fait avec l’argent,
Investir de manière
ça me gêne un petit peu quand même"
transparente "C’était aussi pour soutenir – il y avait un
peu une démarche citoyenne- c’est-à-dire
soutenir des entreprises directement."
"Ça me parait être l’avenir"
"Le crowdfunding c’est le sens des choses,
Participer au progrès c’est le sens de la vie"
"Dans dix ans il n’y aura plus que ça"
279
Annexe 5 - Echelle de mesure de l'expertise subjective du capital-
amorçage (avant-après épuration des items)
Les items retirés de l’échelle de mesure après le pré-test (n=52) figurent en gris.
280
Annexe 6 - Echelle de mesure de la valeur perçue de l'expérience de
participation (avant/après épuration des items)
Les items retirés de l’échelle de mesure après le pré-test (n=52) figurent en gris.
Dimension Utilitaire
Le vote me permet de savoir ce que les autres membres de WiSEED pensent d'un Valeur_uti1
projet
En votant pour un projet j'augmente la probabilité qu'il soit sélectionné et que je Valeur_uti2
puisse y investir
L'intention d'investissement que je mets lors du vote est toujours cohérente avec ce Valeur_uti3
que je veux vraiment faire
Dimension Hédonique
Je vote systématiquement pour les nouveaux projets présentés Valeur_hed1
Je ne vote que si j'ai un coup de cœur pour un projet Valeur_hed2
Il y a une dimension ludique à choisir les projets qui seront proposés à Valeur_hed3
l'investissement
Le fait de pouvoir aider à la sélection des projets est stimulant Valeur_hed4
J'apprécie de pouvoir échanger avec les autres membres pendant la phase de vote Valeur_hed5
Dimension Ethique
Je ne vote que pour des projets ayant un impact positif Valeur_ethique1
Il y a une dimension éthique importante dans les projets que je soutiens Valeur_ethique2
Je sélectionne des projets qui sont près de chez moi Valeur_ethique3
Je sélectionne les projets dont la thématique me concerne Valeur_ethique4
Dimension de Lien social
Je ne vote que lorsque je dois soutenir le projet d’une connaissance Valeur_lienso1
Voter me permet d'affirmer mon avis en tant qu'investisseur Valeur_lienso2
Je crois que le fait de voter pour un projet est important Valeur_lienso3
Voter pour les projets me permet de m'impliquer dans la communauté WiSEED Valeur_lienso4
Dimension de Connaissance
Grâce à la phase de vote je découvre des projets innovants et des innovations de Valeur_connais1
rupture
J'ai déjà voté pour des projets par curiosité Valeur_connais2
Voter me permet de me familiariser avec des projets que je ne connais pas Valeur_connais3
Voter me permet d'apprendre des choses sur certains secteurs d'activité Valeur_connais4
Je vote car cela me permet de recevoir des informations sur le projet par la suite Valeur_connais4
281
Annexe 7 - Message d'accompagnement du questionnaire en ligne
282
Annexe 8 - Questionnaire final
-------------------------------------
La phase de vote
Le vote me permet de savoir ce que les autres membres de WiSEED pensent d'un projet
283
Voter me permet de me familiariser avec des projets que je ne connais pas
-------------------------------------
284
-------------------------------------
Selon vous :
Quelles sont les chances que vous perdiez de l'argent en investissant dans un projet via une
platefo e d’e uity crowdfunding ?
Quelle est la probabilité que le développement du projet financé via une plateforme
d’e uity crowdfunding ne se passe pas bien ?
Quelle est la probabilité que le fait d'i vesti su u e platefo e d’e uity crowdfunding
affecte négativement la façon dont vous vous percevez ? (baisse d'estime de soi)
Globalement, en considérant tous ces facteurs, à quel point considérez-vous que c'est
risqué d'investir dans u p ojet via u e platefo e d’e uity crowdfunding ?
-------------------------------------
Vos investissements dans des startups
285
Globalement, je considère qu'investir dans un projet en equity crowdfunding, ça vaut bien
le temps et l'argent que je dépense
-------------------------------------
Votre activité sur la plateforme
Quelle somme avez-vous investi dans des projet sur la plateforme WiSEED ?
o 100 €
o entre 200 € et €
o entre 1100 € et 000 €
o entre 5100 € et 000 €
o entre 11 000 € et 000 €
o plus de 50 000 €
286
-------------------------------------
Merci de renseigner l'adresse mail avec laquelle vous êtes inscrit sur WiSEED
Réponse libre.
-------------------------------------
Merci !
Merci d'avoir pris le temps de répondre à ce questionnaire !
Les résultats de cette recherche feront l'objet d'une publication scientifique, mais également
d'un billet de blog sur WiTHINK, le blog de WiSEED.
N'hésitez pas si vous avez la moindre question,
287
Annexe 9 - Résultats des tests de moyennes en fonction du profil
d'investissement
288
Test de moyenne entre le profil d’investissement et le montant investi total
289
Test de moyenne entre le profil d’investissement et le nombre d’investissement
290
Test de moyenne entre le profil d’investissement et le nombre de votes
291
Test de moyenne entre le profil d’investissement et le nombre de commentaires
292
Annexe 10 - Résultats des tests de moyennes et chi-deux en fonction du
profil d’investissement
293
Tableau de fréquence et chi-deux entre le genre et le profil d’investissement
groupeinves1 = « small amount investor »
groupeinves2 = « medium amount investors »
groupeinves3 = « large-amount investors »
294
Annexe 11 - Tests de chi-deux entre l'expertise subjective, le risque
perçu et le niveau de sophistication subjective
295
Tableau de fréquence et chi-deux entre le niveau d’expertise subjective et le
niveau de risque perçu
profil_risque1 = risque perçu faible
profil_risque2 = risque perçu modéré
profil_risque3 = risque perçu fort
296
TABLE DES MATIÈRES DÉTAILLÉE
297
2.1.2.2.2 Proposition de valeur « hédonique » : le don contre récompense (reward-
based CF) 21
2.1.2.2.3 Proposition de valeur « pour le profit » ......................................................................22
2.1.2.2.3.1 Le prêt participatif (lending-based CF) ....................................................................... 22
2.1.2.2.3.2 Le crowdfunding immobilier (real estate CF)........................................................... 24
2.1.2.2.3.3 Le CF avec apport de capital (ECF) ................................................................................ 24
2.1.2.2.3.4 Les formes émergentes de CF .......................................................................................... 25
2.1.2.3 Le crowdfunding se décline sous différents modèles ............................................. 26
2.1.2.3.1 Keep-it-all.................................................................................................................................26
2.1.2.3.2 All-or-nothing.........................................................................................................................27
2.1.3 Le crowdfunding s’adresse à une « foule » ........................................................... 27
2.1.3.1 Le crowdfunding repose sur l’expertise supposée de la foule ............................ 28
2.1.3.2 La nature de la « foule » de l’ECF : une communauté virtuelle ou un agrégat
d’individus ? 30
2.2 Les parties prenantes en ECF ............................................................................... 31
2.2.1 Les plateformes intermédiaires............................................................................... 32
2.2.1.1 Les rôles et fonctions des plateformes intermédiaires ......................................... 33
2.2.1.1.1 Changement d’échelle.........................................................................................................34
2.2.1.1.2 Transformation du risque ................................................................................................35
2.2.1.1.3 Transformation de l’information ..................................................................................35
2.2.1.1.4 Outil de communication ....................................................................................................36
2.2.1.2 Modalités d’intervention des plateformes intermédiaires .................................. 36
2.2.1.2.1 Organisation de la prise de participation des investisseurs au capital d’une
entreprise 36
2.2.1.2.1.1 Modèle de « holding » ........................................................................................................... 37
2.2.1.2.1.2 Modèle de « club d’investissement » ............................................................................. 37
2.2.1.2.2 Les sources de revenus des plateformes intermédiaires.....................................37
2.2.1.2.1 Le process d’ECF ....................................................................................................................38
2.2.2 Les entrepreneurs ......................................................................................................... 39
2.2.2.1 Les bénéfices de l’ECF pour les entrepreneurs......................................................... 39
2.2.2.1.1 L’ECF est une source alternative de financement pour les entrepreneurs 40
2.2.2.1.1.1 La difficulté d’accès au capital pour les entreprises innovantes ou en
démarrage 40
2.2.2.1.1.1.1 Le financement traditionnel des entreprises .................................. 40
2.2.2.1.1.1.2 L’existence d’un manque dans la chaîne de financement........... 41
2.2.2.1.1.2 Un mode alternatif et complémentaire de financement ...................................... 43
298
2.2.2.1.2 L’ECF permet de tester des concepts et de générer des idées...........................44
2.2.2.1.3 L’ECF favorise le développement commercial de l’entreprise .........................44
2.2.2.2 Les risques de l’ECF pour les entrepreneurs ............................................................. 45
2.2.2.2.1 Le risque d’échec ...................................................................................................................45
2.2.2.2.2 Le risque de perte de temps .............................................................................................45
2.2.2.2.3 Le risque de plagiat .............................................................................................................45
2.3 Revue de littérature sur les crowdinvestors ................................................... 46
2.3.1 Le profil des crowdinvestors ...................................................................................... 47
2.3.1.1 Les crowdinvestors partagent des caractéristiques communes......................... 48
2.3.1.1.1 Les crowdinvestors sont des individus éduqués et expérimentés ...................48
2.3.1.1.2 Les crowdinvestors sont principalement des hommes ........................................49
2.3.1.1.3 Les crowdinvestors investissent des sommes modérées .....................................49
2.3.1.1.4 Les crowdinvestors investissent indifféremment de la localisation
géographique de l’entreprise ....................................................................................................................50
2.3.1.2 Les crowdinvestors présentent des profils variés .................................................... 50
2.3.1.2.1 Les investisseurs institutionnels ....................................................................................51
2.3.1.2.2 Les investisseurs sophistiqués .........................................................................................51
2.3.1.2.3 Les amis et la famille des entrepreneurs ...................................................................52
2.3.2 Les motivations à participer en ECF des crowdinvestors ............................... 53
2.3.2.1 Les motivations extrinsèques des crowdinvestors .................................................. 55
2.3.2.1.1 L’investissement en ECF pour générer un retour sur investissement...........55
2.3.2.1.2 L’investissement en ECF pour bénéficier de nouvelles opportunités ............56
2.3.2.1.3 L’investissement ECF pour répondre à ses besoins personnels .......................56
2.3.2.2 Les motivations intrinsèques des crowdinvestors ................................................... 57
2.3.2.2.1 L’investissement en ECF pour s’amuser et prendre du plaisir .........................57
2.3.2.2.2 L’investissement en ECF pour soutenir un ami ou un proche ..........................58
2.3.2.2.3 L’investissement en ECF pour apprendre et satisfaire sa curiosité ...............58
2.3.2.2.4 L’investissement en ECF pour faire partie d’une communauté.......................58
2.3.3 Les risques liés à l’investissement en ECF ........................................................... 59
2.3.3.1 Les risques liés à l’activité de capital-risque ............................................................. 60
2.3.3.1.1 Le risque de perte de capital ...........................................................................................60
2.3.3.1.2 Le risque d’illiquidité des fonds ......................................................................................61
2.3.3.2 Les risques spécifiques liés à l’activité d’ECF ............................................................ 61
2.3.3.2.1 Le risque de marché ............................................................................................................62
2.3.3.2.2 Les risques liés à la plateforme ......................................................................................62
2.3.3.2.3 Le risque de fraude ..............................................................................................................63
299
2.3.3.2.4 Le risque d’évaluation dû aux asymétries d’informations .................................63
2.3.4 Le comportement d’investissement des crowdinvestors ............................... 65
2.3.4.1.1 Étape d’identification des opportunités d’investissement .................................66
2.3.4.1.2 Étape de recherche d’information et d’évaluation de la cible .........................67
2.3.4.1.2.1 Temps consacré à la phase d’évaluation ..................................................................... 67
2.3.4.1.2.1 Attributs du projet et critères d’investissement ...................................................... 68
2.3.4.1.2.1.1 L’idée du projet ............................................................................................ 68
2.3.4.1.2.1.2 L’équipe du projet ....................................................................................... 68
2.3.4.1.2.1.3 Les caractéristiques financières du proje ......................................... 69
2.3.4.1.2.1.4 Les caractéristiques hédoniques et sociales du projet ................ 69
2.3.4.1.3 Étape d’investissement.......................................................................................................70
2.3.4.1.4 Étape de suivi post-investissement ...............................................................................71
2.3.5 Les facteurs influençant la décision d’investissement du crowdinvestor 73
2.3.5.1 L’influence des signaux liés à l’entreprise .................................................................. 74
2.3.5.1.1 Les signaux liés à la collecte de fonds sur une plateforme ................................76
2.3.5.1.1.1 L’objectif de levée de fonds ............................................................................................... 76
2.3.5.1.1.2 Le seuil minimum de collecte ........................................................................................... 76
2.3.5.1.1.3 La durée de la campagne .................................................................................................... 76
2.3.5.1.1.4 La présence de prévisions financières ......................................................................... 77
2.3.5.1.1.5 La présentation du projet « pitch » ............................................................................. 77
2.3.5.1.1.6 Activité durant la collecte .................................................................................................. 78
2.3.5.1.2 Les signaux liés à l’entrepreneur et à l’entreprise.................................................78
2.3.5.1.2.1 L’expérience de l’entrepreneur ....................................................................................... 78
2.3.5.1.2.2 Le réseau de l’entrepreneur .............................................................................................. 79
2.3.5.1.2.3 Les actifs intangibles de l’entreprise ............................................................................ 79
2.3.5.2 L’influence des signaux émis par les pairs ................................................................. 80
2.3.5.2.1 Le principe de herding........................................................................................................81
2.3.5.2.1.1 Principe général ..................................................................................................................... 81
2.3.5.2.1.2 Herding dans le contexte de l’ECF .................................................................................. 82
2.3.5.2.2 Les signaux des pairs ..........................................................................................................83
2.3.5.2.2.1 Décisions d’investissement des autres membres de la communauté ............ 83
2.3.5.2.2.2 Avis des pairs ........................................................................................................................... 84
2.3.5.2.2.3 Le rôle des experts ................................................................................................................ 84
2.3.5.3 Autres facteurs d’influence du comportement d’investissement ..................... 85
2.3.5.3.1 Les caractéristiques individuelles .................................................................................85
2.3.5.3.2 Les caractéristiques de la plateforme .........................................................................85
300
2.4 Les limites de la littérature sur la compréhension du comportement
des crowdinvestors.................................................................................................................... 86
2.4.1 Les limites dans la compréhension des raisons d’investissement et de
non-investissement en ECF ............................................................................................................. 87
2.4.2 Les limites dans la compréhension de l’influence de la dimension
participative et communautaire de l’ECF sur le comportement d’investissement ... 88
2.4.2.1 La dimension participative et communautaire de l’ECF dans la socialisation
du comportement d’investissement ........................................................................................................ 89
2.4.2.2 La dimension participative et communautaire de l’ECF au cœur de
l’expérience d’investissement .................................................................................................................... 89
2.4.2.3 La dimension participative et communautaire de l’ECF comme source
d’apprentissage ................................................................................................................................................ 90
2.4.2.3.1 Distinguer les experts et les novices .............................................................................91
2.4.2.3.2 Distinguer les membres actifs et inactifs des plateformes d’ECF ...................91
2.5 Conclusion du chapitre .......................................................................................... 92
301
3.2.1.2.2 La plateforme d’ECF ......................................................................................................... 105
3.2.1.2.2.1 Interactions pour des raisons utilitaires .................................................................. 106
3.2.1.2.2.2 )nteractions pour des raisons de recherche d’information ............................. 106
3.2.1.3 Éléments liés à la situation d’investissement......................................................... 107
3.2.1.3.1 Liquidités disponibles ...................................................................................................... 107
3.2.1.3.2 Temps disponible ............................................................................................................... 108
3.2.2 Valeur globale de l’investissement en ECF ....................................................... 110
3.2.2.1 Les bénéfices attendus ..................................................................................................... 111
3.2.2.1.1 Valeur instrumentale ....................................................................................................... 112
3.2.2.1.1.1 Valeur utilitaire ................................................................................................................... 112
3.2.2.1.1.1.1 Obtenir un retour sur investissement ............................................. 112
3.2.2.1.1.1.2 Diversifier ses placements ................................................................... 113
3.2.2.1.1.1.3 Investir de petites sommes en capital-risque .............................. 114
3.2.2.1.1.2 Valeur de connaissance .................................................................................................... 114
3.2.2.1.1.2.1 Expérimenter l’ECF ................................................................................. 115
3.2.2.1.1.2.2 Découvrir de nouveaux projets .......................................................... 115
3.2.2.1.2 Valeur hédonique............................................................................................................... 116
3.2.2.1.2.1 Participer à l’aventure entrepreneuriale plaisir ............................................... 116
3.2.2.1.2.2 Jouer de l’argent .................................................................................................................. 117
3.2.2.1.3 Valeur de pratique sociale (éthique) ........................................................................ 117
3.2.2.1.3.1 Soutenir l’entrepreneuriat.............................................................................................. 118
3.2.2.1.3.2 Investir de façon responsable ....................................................................................... 119
3.2.2.1.3.2.1 Avoir un impact positif sur la société et/ou l’environnement
119
3.2.2.1.3.2.2 Investir en transparence ....................................................................... 120
3.2.2.1.3.2.3 Participer au progrès .............................................................................. 121
3.2.2.2 Les sacrifices consentis ................................................................................................... 121
3.2.2.2.1 Risque perçu ......................................................................................................................... 121
3.2.2.2.1.1 Le risque financier ............................................................................................................. 123
3.2.2.2.1.2 Le risque de performance ............................................................................................... 123
3.2.2.2.1.3 Le risque d’évaluation ...................................................................................................... 124
3.2.3 Incidence de la dimension participative de l’ECF sur le comportement
d’investissement des crowdinvestors ....................................................................................... 125
3.2.3.1 La dimension participative de l’ECF contribue à réduire les asymétries
d’information et influence la recherche d’informations .............................................................. 125
3.2.3.2 La dimension participative de l’ECF influence un certain type de décision
d’investissement ........................................................................................................................................... 127
302
3.2.3.2.1 Décision d’investissement « socialisée » .................................................................. 128
3.2.3.2.2 Décision d’investissement « affective »..................................................................... 129
3.2.3.2.3 Décision d’investissement « rationnelle » ............................................................... 130
3.2.3.3 La dimension participative de l’ECF incite les crowdinvestors à s’engager
dans la communauté ................................................................................................................................. 130
3.2.4 L’influence de l’expertise subjective sur le comportement
d’investissement............................................................................................................................... 131
3.3 Conclusion du chapitre ....................................................................................... 134
303
4.3.1.2.4 L’engagement dans la communauté......................................................................... 156
4.3.1.1 L’expertise subjective comme antécédent de la valeur perçue de
l’expérience ................................................................................................................................................... 157
4.3.1.2 Le rôle modérateur du risque perçu .......................................................................... 158
4.3.1.1 Le rôle modérateur de la sophistication subjective de l’investisseur .......... 160
4.3.2 Modèle théorique retenu ......................................................................................... 161
4.4 Méthodologie de la recherche .......................................................................... 163
4.4.1 Terrain d’étude : la plateforme WiSEED ........................................................... 163
4.4.1.1 Choix du terrain d’étude ................................................................................................. 163
4.4.1.2 Présentation du terrain d’étude................................................................................... 164
4.4.1.2.1 Positionnement de la plateforme ............................................................................... 165
4.4.1.2.1.1 Montants moyens levés et montants moyens investis....................................... 165
4.4.1.2.1.2 Modèle hybride entre all-or-nothing et keep-it-all.............................................. 165
4.4.1.2.2 Nature de l’expérience de participation proposée sur la plateforme........ 166
4.4.1.2.2.1 Principe de l’e-vote ............................................................................................................ 166
4.4.1.2.2.2 Particularités de l’e-vote ................................................................................................. 168
4.4.1.2.2.3 Autres modes d’animation de la communauté ...................................................... 169
4.4.2 Méthode de collecte de données .......................................................................... 170
4.4.2.1 Design de recherche ......................................................................................................... 170
4.4.2.2 Les mesures utilisées........................................................................................................ 170
4.4.2.2.1 Opérationnalisation des variables principales .................................................... 170
4.4.2.2.1.1 La mesure de la valeur perçue de l’expérience de participation ................... 171
4.4.2.2.1.1.1 Utilisation de l’expérience d’e-vote comme proxy ..................... 171
4.4.2.2.1.1.2 Opérationnalisation de la variable valeur perçue de
l’expérience ......................................................................................................................... 171
4.4.2.2.1.2 La mesure de la valeur globale de l’investissement en ECF VALGLOB ... 172
4.4.2.2.1.3 La mesure de la satisfaction cumulée (SATISF) .................................................... 173
4.4.2.2.1.4 La mesure de l’expertise subjective du capital-amorçage (EXPINV)........... 173
4.4.2.2.1.5 La mesure de l’engagement dans la communauté ENGAGEMENT ........... 174
4.4.2.2.1.6 La mesure du risque perçu (RISQ) .............................................................................. 174
4.4.2.2.1.7 La mesurer la sophistication subjective (SOPHISTIC) ....................................... 175
4.4.2.2.1.8 La mesure de la décision d’achat )NVEST ............................................................ 176
4.4.2.2.2 Opérationnalisation des variables de contrôle .................................................... 177
4.4.2.3 Prétests et ajustements ................................................................................................... 178
4.4.2.4 Mode d’administration du questionnaire final ...................................................... 179
4.4.2.5 Collecte de données secondaires auprès de WiSEED ......................................... 180
4.5 Conclusion du chapitre ....................................................................................... 181
304
5. Analyses et principaux résultats de l’étude empirique ............. 183
5.1 Analyses préliminaires ....................................................................................... 183
5.1.1 Présentation des données ....................................................................................... 183
5.1.1.1 Résultat de la collecte des données par questionnaire ...................................... 183
5.1.1.2 Statistiques descriptives de l’échantillon de données ........................................ 184
5.1.1.2.1 Descriptions des caractéristiques socio-démographiques ............................. 184
5.1.1.2.2 Secteur d’activité professionnelle .............................................................................. 186
5.1.1.2.3 Profil des membres en fonction du montant investi .......................................... 187
5.1.2 Méthodologie employée .......................................................................................... 188
5.1.3 Évaluation du modèle de mesure ......................................................................... 189
5.1.3.1 Évaluation de la fiabilité des mesures ....................................................................... 189
5.1.3.2 Vérification de l’unidimensionnalité des mesures ............................................... 190
5.1.3.3 Évaluation de la validité de trait .................................................................................. 191
5.1.3.3.1 Vérification de la validité convergente des mesures ......................................... 191
5.1.3.3.2 Vérification de la validité discriminante des mesures...................................... 193
5.1.3.4 L’ajustement empirique du modèle théorique ...................................................... 194
5.1.3.4.1 Évaluation du modèle structurel ................................................................................ 194
5.1.3.4.2 Test de la significativité des coefficients de régression ................................... 195
5.2 Proposition d’enrichissement du modèle théorique ............................... 197
5.2.1 Modèle enrichi ............................................................................................................. 197
5.2.2 Ajustement du modèle théorique enrichi ......................................................... 199
5.3 Résultats de l’étude empirique ........................................................................ 200
5.3.1 Le modèle global ......................................................................................................... 201
5.3.1.1 Les conséquences de la valeur perçue de l’expérience de participation .... 201
5.3.1.1.1 Valeur perçue de l’expérience de participation et valeur globale (H2) ... 201
5.3.1.1.2 Valeur globale et satisfaction (H4) ........................................................................... 201
5.3.1.2 La mise en évidence du rôle central de l’expertise subjective ........................ 202
5.3.1.2.1 L’expertise subjective du capital-amorçage est un antécédent de la valeur
perçue de l’expérience de participation (H6) ..................................................................................... 202
5.3.1.2.2 L’expertise subjective du capital-amorçage est un antécédent de
l’engagement dans la communauté (H9) ............................................................................................. 202
5.3.1.3 Expertise subjective et décision d’investissement H10) ................................. 203
5.3.2 Le rôle modérateur du risque perçu et de la sophistication subjective 204
5.3.2.1 Effet modérateur du risque perçu de l’investissement en ECF H11) ......... 204
5.3.2.2 Effet modérateur de la sophistication subjective de l’investisseur H8) ... 205
305
5.3.3 Synthèse des relations du modèle théorique .................................................. 206
5.3.4 Analyses complémentaires ..................................................................................... 209
5.3.4.1 Contrôle de l’âge et du genre des crowdinvestors sur la relation entre
l’expertise subjective et l’investissement ........................................................................................... 209
5.3.4.1.1 Contrôle de l’âge des répondants ............................................................................... 209
5.3.4.1.2 Contrôle du genre des répondants............................................................................. 210
5.3.4.2 Sophistication subjective et expertise subjective ................................................. 211
5.3.4.3 Expertise subjective et risque perçu .......................................................................... 211
5.4 Discussions des résultats de l’étude empirique ......................................... 212
5.4.1 )nfluence de la valeur de l’expérience de participation sur la valeur
globale de l’investissement et la satisfaction cumulée ...................................................... 213
5.4.1.1 )nfluence directe de la valeur perçue de l’expérience de participation sur la
valeur globale de l’investissement ........................................................................................................ 213
5.4.1.2 Le rôle modérateur de la sophistication subjective de l’investisseur sur les
relations entre la valeur perçue de l’expérience de participation, la valeur globale de
l’investissement et la satisfaction ................................................................................................... 214
5.4.2 )nfluence de l’expertise subjective sur le comportement d’investissement
et la valorisation de l’expérience de participation .............................................................. 214
5.4.2.1 L’expertise subjective comme antécédent de la valeur perçue de
l’expérience .................................................................................................................................................. 215
5.4.2.2 )nfluence de l’expertise subjective sur l’engagement ......................................... 215
5.4.2.3 L’expertise subjective comme antécédent de l’investissement ...................... 216
5.4.2.4 Rôle modérateur du risque perçu sur la relation entre l’expertise subjective
et la décision d’investissement ............................................................................................................... 216
5.4.2.5 Absence d’influence de la valeur perçue de l’expérience de participation et
de la valeur globale sur l’investissement ........................................................................................... 217
5.5 Conclusion du chapitre ....................................................................................... 218
306
6.2.1.1 Apports à la recherche en finance entrepreneuriale sur l’ECF ....................... 225
6.2.1.2 Apports à la recherche en comportement du consommateur......................... 227
6.2.2 Les contributions managériales de la recherche ........................................... 228
6.2.2.1 Justifier la création d’une expérience de co-production de produits
financiers .................................................................................................................................................. 229
6.2.2.2 Adapter l’offre de service et l’interface de la plateforme pour encourager la
formation de l’expertise de ses membres .......................................................................................... 230
6.2.2.3 Segmenter les communautés des plateformes ...................................................... 231
6.2.3 Les contributions réglementaires de la recherche ........................................ 231
6.2.3.1 Améliorer l’éducation financière des crowdinvestors ......................................... 232
6.3 Les limites de la recherche ................................................................................ 233
6.3.1 Les limites méthodologiques ................................................................................. 233
6.3.2 Les limites en termes de validité interne .......................................................... 234
6.3.3 Les limites en termes de validité externe ......................................................... 234
6.3.3.1.1 Type de plateforme ........................................................................................................... 235
6.3.3.1.2 Type de produits................................................................................................................. 235
6.3.3.1.3 Type d’expérience de participation ........................................................................... 236
6.4 Les voies de recherche ouvertes ...................................................................... 236
6.4.1 Amélioration du modèle théorique proposé ................................................... 236
6.4.2 Exploration des modalités de la formation de l’expertise .......................... 237
6.4.3 Étude de l’effet de l’expertise subjective du consommateur sur les
dimensions de la valeur perçue .................................................................................................. 237
6.4.4 Étude de l’effet de l’expérience de participation communautaire sur la
décision d’achat et la valeur perçue dans d’autres contextes d’études ...................... 238
307