Le document présente une introduction à un ouvrage sur l'économie mondiale en 2024. Il résume les principales reconfigurations en cours au niveau de la mondialisation, du système énergétique, des politiques industrielles et commerciales, du système monétaire international, et des actions face au changement climatique.
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Le document présente une introduction à un ouvrage sur l'économie mondiale en 2024. Il résume les principales reconfigurations en cours au niveau de la mondialisation, du système énergétique, des politiques industrielles et commerciales, du système monétaire international, et des actions face au changement climatique.
Le document présente une introduction à un ouvrage sur l'économie mondiale en 2024. Il résume les principales reconfigurations en cours au niveau de la mondialisation, du système énergétique, des politiques industrielles et commerciales, du système monétaire international, et des actions face au changement climatique.
Le document présente une introduction à un ouvrage sur l'économie mondiale en 2024. Il résume les principales reconfigurations en cours au niveau de la mondialisation, du système énergétique, des politiques industrielles et commerciales, du système monétaire international, et des actions face au changement climatique.
Introduction Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran*
Dans un contexte des plus difficile, à la fois de crise
énergétique, de guerre sur le sol européen, d’inflation généralisée, de resserrement des politiques monétaires, de turbulences financières, l’économie mondiale n’aura pas si mal résisté en 2022-2023. Il n’est toutefois pas certain à ce stade que l’inflation reflue au niveau souhaité par les autorités monétaires, que le risque de crise financière soit écarté et que le resserrement opéré par ces dernières n’ait pas mis un frein aux investissements dont les économies du monde entier ont pourtant grand besoin pour se transformer face au changement climatique. L’économie mondiale reste donc sur un point de bascule. Des signes de reconfiguration donnent à espérer qu’elle pourrait pencher du bon côté. C’est sans doute le grand fil conducteur de cette édition : l’économie mondiale est en phase de reconfigurations, au pluriel. D’abord celle de la mondialisation, non pas qu’une démondialisation soit à l’œuvre, mais un changement de paradigme s’observe. La croyance dans les vertus et les avantages de la mondialisation d’hier n’a plus cours, très clairement en tout cas aux États-Unis. La volonté de réduire les dépendances induites par les chaînes de valeur globales sur les produits stratégiques, la recherche de sécurité économique dans un monde où les
* Isabelle Bensidoun est adjointe au directeur du CEPII et responsable des publications ;
Jézabel Couppey-Soubeyran est maîtresse de conférences à l’université Paris 1 Panthéon- Sorbonne et conseillère scientifique à l’institut Veblen. 4 L’économie mondiale 2024
tensions géopolitiques sont au plus haut et la nécessité de passer
à un modèle de croissance qui favorise davantage l’innovation via l’industrie verte, plutôt que les bulles immobilières, viennent façonner un nouveau cadre : l’ordre international est en train de se recomposer. Le monde énergétique participe de cette recomposition. La guerre en Ukraine a scindé le marché de l’énergie entre un « marché russe », formé par les pays qui acceptent de commercer avec la Russie, et un « marché non russe », qui rassemble les autres, avec entre les deux des passerelles (comme l’Inde qui raffine du brut russe, en partie réacheminé vers l’Europe). Les relations commerciales se reconfigurent entre partenaires de confiance. Dans le chapitre ii, Anna Creti et Patrice Geoffron esquissent la nouvelle géographie des échanges d’énergies fossiles qui en résultent, avec leurs règles émergentes, et interrogent les incidences de ces bouleversements sur la lutte contre le changement climatique. La recomposition gagnera-t-elle les industries des pays avancés, particulièrement là où elles ont été largement défaites au cours des dernières décennies, à mesure que se sont fragmentées les chaînes de valeur mondiales ? Les politiques industrielles reviennent sur le devant de la scène. Nécessaires à la transition écologique, elles exposent à des dilemmes en économie ouverte. Réindustrialiser est particulièrement difficile dans les pays où le moteur de la croissance reste la consommation intérieure. En économie ouverte, les politiques de relance menées pour soutenir la demande tendent en effet à réduire la part du secteur manufacturier, tandis que les politiques de réindustrialisation cherchent à modifier la structure de production dans l’autre direction. Comment donc réindustrialiser en économie ouverte dans un contexte de transition écologique ? se demandent Thomas Grjebine et Jérôme Héricourt dans le chapitre iii. Se posent inévitablement la question des protections à mettre en place pour mener à bien la réindustrialisation, ainsi que celle en filigrane des écueils de nos modèles de croissance. Quoi qu’il en soit, l’Europe accuse un retard dans ses investissements de réindustrialisation, comparée à la Chine et aux États-Unis, et doit trouver des leviers qui n’accentuent pas le risque de fragmentation en son sein. Dans le chapitre iv, Charlotte Emlinger, Houssein Guimbard et Kevin Lefebvre analysent le tournant pour les politiques commer- ciales que constituent la lutte contre le réchauffement climatique, I. Bensidoun, J. Couppey-Soubeyran Introduction 5
la sécurité nationale ou encore la sécurisation des approvisionne-
ments. Ces nouveaux objectifs sont en train de supplanter ceux d’hier, quand les politiques commerciales recherchaient avant tout l’efficacité économique et réduisaient autant que faire se peut les protections aux secteurs les plus sensibles, comme l’agricul- ture. Ce faisant, les politiques commerciales vont de plus en plus se trouver étroitement imbriquées avec les politiques industrielles nationales. À cela s’ajoutent l’augmentation des obstacles au commerce, liés à la militarisation des politiques commerciales, et la rivalité sino-américaine. Tout cela laisse penser que les périodes de libéralisation du commerce international sont derrière nous. Le risque, cependant, dans ce monde qui se polarise, est de voir les impératifs géoéconomiques de court terme l’emporter sur les défis environnementaux conditionnant le long terme de l’humanité. Pour éviter qu’il en soit ainsi, il va falloir trouver comment restau- rer un minimum de multilatéralisme. Le chapitre v, rédigé par Éric Monnet, s’intéresse à d’autres mutations, celles qui s’opèrent au sein du système monétaire international. La liberté des flux de capitaux et la flexibilité des taux de change ont fait long feu. Certes, la mondialisation financière n’a pas disparu, mais la tournure qu’elle a prise au fil des crises et de la montée des tensions géopolitiques est très éloignée de l’illusion libérale qui en a été le berceau. Les banques centrales prennent de plus en plus de mesures qui influencent les flux de capitaux, avec des implications géopolitiques. Elles interviennent sur les marchés des changes, s’accordent des prêts entre elles, échappant ce faisant au multilatéralisme hérité de la fin des années 1940, qui reposait sur des grandes institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international. Que va-t-il advenir du dollar dans ce nouveau système monétaire international et comment légitimer le rôle croissant des banques centrales dans la politique financière ? Pour Éric Monnet, un monde plus multipolaire se dessine où, sans du tout faire disparaître le dollar, des monnaies différentes seront utilisées et thésaurisées en fonction des liens commerciaux financiers directs et géopolitiques. La numérisation des paiements ajoute une incertitude et modifiera vraisemblablement le rôle des banques et des autres intermédiaires financiers, mais n’échappera sans doute pas aux contrôles des capitaux et à leurs enjeux géopolitiques. Dans le chapitre vi, Michel Aglietta et Étienne Espagne rappellent le désastre du capitalocène, cette ère dans laquelle 6 L’économie mondiale 2024
non seulement l’activité humaine mais aussi le système
d’accumulation où elle se déploie ont bouleversé les cycles biogéochimiques de la planète et les conditions de viabilité de l’espèce. Ce chapitre nourrit toutefois des raisons d’espérer, avec les nouvelles formes d’action publiques qui se font jour à travers le monde pour faire face aux catastrophes environnementales : même si ces actions manquent encore d’ambition et de coordination, elles commencent à se structurer autour d’un Green New Deal aux États-Unis (transformé très partiellement dans la loi IRA – Inflation Reduction Act), du Green Deal européen, de la promotion d’une « civilisation écologique » en Chine, ou des premiers jalons de planification écologique en France. Les auteurs y voient une planification écologique embryonnaire et analysent la situation géopolitique nouvelle qui en émerge. Reste que la transformation écologique se heurte encore à une insuffisance d’investissements. Les évaluations sont désormais nombreuses. Aussi diverses soient-elles, car fondées sur des périmètres sectoriels et des scénarios de transition contrastés, toutes font état d’un manque d’investissement dans la transition. Et pourtant, il existe une masse énorme d’actifs financiers. Suffirait-il donc de mieux les orienter, vers le financement de la transition ? Pour Jézabel Couppey-Soubeyran et Wojtek Kalinowski dans le chapitre vii, le financement de la transition ne se réduit pas à un problème de réorientation des flux. D’abord, il ne faut pas surestimer la fluidité de cette réorientation : les investissements verts ne remplacent pas nécessairement les investissements bruns et, pour un temps au moins, ne font que s’y ajouter, ce qui élève les besoins financiers. Le secteur agricole ou celui des transports fournissent des illustrations utiles. Ensuite, si tout doit bien sûr être mis en œuvre pour permettre la réorientation des financements privés, il ne faut pas sous-estimer le besoin de fonds publics car, même bien réorientés, les fonds privés n’iront que vers des investissements suffisamment rentables ; or ceux nécessaires à une transformation écologique juste ne le sont pas tous. La part non rentable réclame des financements adaptés, eux-mêmes donc sans exigence de retour financier. Ne faut-il pas de nouvelles formes de financement public ? Celles-ci se heurtent à plus ou moins d’obstacles, notamment institutionnels, mais, là aussi, le chemin existe !