Article: Insertion D'une Consonne Avant Le Suffixe Dans Les Dérivés Du Français Standard
Article: Insertion D'une Consonne Avant Le Suffixe Dans Les Dérivés Du Français Standard
Article: Insertion D'une Consonne Avant Le Suffixe Dans Les Dérivés Du Français Standard
« Insertion d’une consonne avant le suffixe dans les dérivés du français standard »
Paul Pupier
Cahier de linguistique, n° 1, 1971, p. 117-133.
URI: http://id.erudit.org/iderudit/800005ar
DOI: 10.7202/800005ar
Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir.
Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique
Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à
Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents
(1) in+com+préhens+ibil+ité
Dans (1), les symboles terminaux autres que I-H sont empruntés à
3
l'orthographe française . Pour le cas plus simple de petitesse, la
représentation
ADJ
I I
petit+esse
ou, plus simplement, petitfesse, indique que petitesse est bâti sur
petit par adjonction du suffixe -esse. De mime le féminin petite
est analysé simplement comme la suite petit\e. Contrairement, donc,
aux transcriptions phonologiques taxomiques, les transcriptions
phonologies systématiques ont l'avantage de représenter de la même
façon un morphème, qu'il soit employé isolément (sur) ou qu'il soit
un constituant de mot (surmonter) et qu'il soit infléchi (surmon-
4
tabilité) ou non (surmontable) .
L'arc (w) qui sépare deux mots (comme dans b') indique la liaison
obligatoire ; lorsqu'il est barré (ainsi dans 2b), la liaison est
incorrecte (en français standard).
(4) y - ^ 0 / _ +
La règle (4) est cependant trop générale, car elle mutile des expres-
sions qui, autrement, seraient correctes : ainsi elle engendre *[un
soli etrwat] et *[rîaz] (ou *[r(î)jaz]) pour une solive étroite et
rivage, respectivement. Il est bien entendu possible d'éviter ces
effets fâcheux en précisant que V ne disparaît qu'à la fin des
adjectifs :
(5) v —*0 I _ ] A D J
Mais (5) est une règle ad hoc qui ne résoud que le cas de joli et
qui pose plus de problèmes qu'elle n'en résoud. Certes on pourrait
bloquer son application pour les adjectifs qui ont leur masculin en
-f : il suffirait de dériver le féminin du masculin après application
de (5). Mais si le cas de naïf, juif, maladif, actif, vif, (sain et)
sauf pourrait ainsi être réglé (avec peut-être, d'ailleurs, des consé-
quences fâcheuses pour le reste de la grammaire), rien n'empêcherait
la suppression du [-v] dans hâve, suave, eave, bieave, concave, slave,
Scandinave, brave, grave, batave, chauve, fauve , mauve. La règle (5)
est donc indésirable, et plutôt que de représenter joli comme Izolîvl,
on gardera Izolîl comme représentation sous-jacente. Il nous faudra
alors insérer le V dans enjoliver et ses dérivés. Nous verrons plus
loin comment le faire.
(6) t —•s Ii
(8) t—*^s i r v
+ haut
_-«• antérieur]
(8) explique les paires telles que diplomate - diplomatie, aviateur -
aviation, etc. Dans les cas de dérivation qui nous concernent, elle
expliquerait l'alternance entre eourt(e) [kur(t)] et (r)aecourcir
[ (r)akursi r].
(9)
PRÉFIXE
/ADJ
I ^\ SUFFIXE
I I
I \m
dur \
ae kl er ! s Ir
(r)a kur )
et sont comme lui des verbes factitifs : ils tiennent lieu de "rendre
plus ADJECTIF" (la variable ADJECTIF prenant les valeurs dur, clair,
court). Or, en surface, dur(e) et clair(e) se distinguent de court(e)
par 1'absence du t (auditivement ce contraste se révèle au féminin).
Plutôt donc que d'insérer, après dur et clair et avant le suffixe
verbal, un s, ce qui nous obligerait à ajouter une règle spéciale
pour engendrer les dérivés de deux mots seulement, nous appliquerons
la règle d'assibilation (8) aussi pour endurcir et éclaircir. Ceci
suppose évidemment que nous aurons inséré un t entre la base adjec-
tivale et le suffixe verbal. Cette insertion s'opérera après la
formation du féminin, qui se réalise en ajoutant seulement un e à la
forme sous-jacente du radical.
(11) 0 — • t /V SUFFIXE
(13) V
••-haut
— / /
-milieu
-arrière I
(15) a)
b)
SUFFIXE
]
La règle (15) appelle cependant deux réserves. La première est une
critique de principe. Certains auteurs, tel McCawley, rejettent des
règles de ce type qui, pour eux, ne reviennent qu'à donner une liste
de contextes d'application, et manquent donc de portée générale.
Cependant la règle (15) est plus qu'une abréviation de (7) et (8).
Selon les conventions définies par Chomsky & Halle , les sous-règles
(15a) et (15b) sont ordonnées conjonctivement : c'est-à-dire que
dans une dérivation, (15b) s'applique à la suite engendrée par (15a).
Notre deuxième réserve concernant (15) est donc la suivante : cette
règle a de fortes implications concernant l'ordre des deux règles
d'assibilation : non seulement elle place (7) après (8), mais encore
immédiatement après (8). Rien, à première vue, ne paraît justifier
une hypothèse aussi forte.
15. Noam Chomsky et Morris Halle, Sound Pattern of English* New York,
Harper and Row, 1968.
128 cahiers de linguistique
(19) J0 —*-d / ar + -y V
(20) 0
+antérieur
+coronal
"Kl " 1 ,
Bien entendu, (20) serait une règle mineure. Ceci implique
qu'elle ne s'appliquerait pas dans la majorité des cas. Les mots
auxquels elle devrait s'appliquer devraient être marqués dans le
lexique [+règle (20)]. En outre (20) devrait être suivie d'autres
règles qui précisent quelle consonne dentale on insère. (21a) indique
qu'on insère un s entre élan et le suffixe ; (21b) et (21c) qu'on
insère un d entre ar et an d'une part et le suffixe d'autre part ;
(2Id) qu'on insère un t entre la voyelle finale du radical et le
suffixe :
(21) a) T+strident
L-v-voisé y élan
b) r-strident"! / ( ar
C |_+voisé J/ j an + règle (20)
c)
+antérieur
-strident"] /
d)
+coronal
[-voisé J' V
(22) 0
"'S + -*®*'],
Mais ce qu'on gagnerait en simplicité pour (20) on le perdrait
en étant obligé de remplacer (21) par une règle beaucoup plus com-
pliquée et très artificielle :
(23) a)
b)
c)
d)
e)
cas n'est pas complètement parallèle à celui de loup [lu] et son féminin
louve [luv]. Les dérivés de loup commencent en effet par IIuv] :
louveteau, louvart, louvat, louvet, louvette, louveter, louveterie ;
louvoyer, louvoyage, louvoiement} alors qu'on a bailliage, bailliager
(et non *baillivage, *baillivager ) . Il reste que si les mots en [-v]
constituent des exceptions à la règle de suppression de la consonne
finale (voir plus haut les commentaires apportés à la règle (5)),
mieux vaudrait représenter loup par Nul plutôt que par I IuvI . Dans
le cas de louve comme dans celui de baillive, il faudrait alors
insérer le y. On pourrait le faire entre i ou u et le suffixe :
(24) 0 —• V/ I V I + 4- SUFFIXE
4-haut
ix arrière
-a rond
Comme (24) est une règle mineure nous marquerions dans le lexique
les mots auxquels elle s1appliquerait. Ce serait le cas de loup dont
tous les dérivés commencent par [luv]. Pour bailli il faudrait ajouter
la spécification au féminin.
Paul Pupier
BIBLIOGRAPHIE