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La Douleur Chez L'enfant

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Question mise à jour le 11 février 2005

INSTITUT LA CONFÉRENCE H I P P O C R AT E
www.laconferencehippocrate.com

La Collection Hippocrate
Épreuves Classantes Nationales

PÉDIATRIE
PHARMACOLOGIE
La douleur chez l’enfant
I-6-68

Dr Pierre LEBLOND
Chef de Clinique

L’institut la Conférence Hippocrate, grâce au mécénat des Laboratoires SERVIER, contri-


bue à la formation des jeunes médecins depuis 1982. Les résultats obtenus par nos étudiants
depuis plus de 20 années (15 majors du concours, entre 90 % et 95 % de réussite et plus de 50%
des 100 premiers aux Épreuves Classantes Nationales) témoignent du sérieux et de la valeur de
l’enseignement dispensé par les conférenciers à Paris et en Province, dans chaque spécialité
médicale ou chirurgicale.
La collection Hippocrate, élaborée par l’équipe pédagogique de la Conférence Hippocrate,
constitue le support théorique indispensable à la réussite aux Épreuves Classantes Nationales
pour l’accès au 3ème cycle des études médicales.
L’intégralité de cette collection est maintenant disponible gracieusement sur notre site
laconferencehippocrate.com. Nous espérons que cet accès facilité répondra à l’attente des étu-
diants, mais aussi des internes et des praticiens, désireux de parfaire leur expertise médicale.
A tous, bon travail et bonne chance !
Alain COMBES, Secrétaire de rédaction de la Collection Hippocrate

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite.


Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit, microfilm, bande magnétique,
disque ou autre, constitue une contrefaçon passible des peines prévues
par la loi du 11 mars 1957 sur la protection des droits d’auteurs.

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La douleur
chez l’enfant

Objectifs :
– Repérer, prévenir et traiter les manifestations douloureuses
pouvant accompagner les pathologies de l’enfant.
– Préciser les médicaments utilisables chez l’enfant selon l’âge, avec
les modes d’administration, indications et contre-indications.

● La douleur de l’enfant, et en particulier du nouveau-né, a longtemps été ignorée, voire


déniée.
● Actuellement, bien que reconnue, elle reste cependant sous-évaluée, et l’enfant est sous-anal-
gésié par rapport à l’adulte. Son évaluation est plus difficile dans la mesure où la douleur n’est
pas verbalisée par le petit enfant et nécessite des outils d’évaluation particuliers. La meilleu-
re connaissance des antalgiques majeurs (morphiniques) a permis de lever certains mythes
qui, pendant longtemps, ont restreint leur emploi.

DIFFÉRENTS TYPES DE DOULEURS


Une classification fondée sur les mécanismes neurophysiologiques, qui est probablement le
système le plus répandu, utilise les termes suivants : douleur nociceptive, et douleur neuropa-
thique ou neurogène.

1. Une douleur nociceptive est une douleur produite en réponse à un stimu-


lus.
Le terme « nociceptif » dérive du latin « nocere », qui signifie « faire du mal ». Un stimulus
nociceptif signifie que le stimulus est nuisible ou susceptible d’induire une lésion d’un tissu.

2. La douleur neuropathique (ou douleur de désafférentation) utilise les mêmes


voies nociceptives, mais elle se produit en l’absence de stimulus externe. Elle résulte d’une lésion
du système nerveux périphérique et/ou central. La douleur neuropathique peut être ressentie
comme une douleur sourde, une pression comme dans un étau, et peut s’accompagner de dyses-
thésies et de sensations paroxystiques de douleurs fulgurantes (douleurs lancinantes).

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La douleur chez l’enfant 1-6-68

A/ Reconnaître un enfant douloureux et évaluation de la douleur


La réponse comportementale à la douleur aiguë est biphasique. La première phase est mar-
quée par l’expression d’une détresse comportementale (agitation, hypermotricité des membres,
crispation du torse, cris, pleurs), associée à un stress biologique et physiologique (élévation de
la pression artérielle, du pouls, de la fréquence respiratoire, diminution de la SaO2, pâleur,
sueurs). La seconde phase est marquée par l’apparition progressive d’une réduction de l’ac-
tivité (inertie psychomotrice).

L’évaluation de la douleur doit se faire, si possible au calme, et doit être répétée souvent, même
après que le traitement antalgique a été débuté.

L’usage d’un outil d’évaluation répond à plusieurs objectifs :


– la standardisation de l’évaluation permet la comparaison de deux évaluations chez un même
enfant dans le temps et de s’assurer de la qualité de l’analgésie mise en place ;
– les outils d’évaluation sont conçus pour évaluer un vécu subjectif – la douleur – de la façon
la plus objective possible et la plus appropriée au développement de l’enfant. Pour ce faire,
ils doivent répondre à plusieurs critères de validité et posséder des qualités métriques
comme la fiabilité et la sensibilité ;
– l’usage quotidien d’un outil simple d’évaluation de la douleur permet un dépistage de celle-
ci et améliore la qualité de sa prise en charge.
Les outils d’évaluation de la douleur dépendent principalement de l’âge de l’enfant. Lors
du suivi, on utilisera de préférence le même outil que lors de l’évaluation initiale.

1. Chez les enfants âgés de plus de 6 ans


L’outil d’autoévaluation de référence est l’échelle visuelle analogique (EVA). Une réglette est
présentée verticalement à l’enfant, qui cote sa douleur grâce à un curseur sur une échelle de 0
à 10. Certains enfants ne fournissent pas de cotation avec l’EVA ; l’autoévaluation peut alors se
faire à l’aide d’une échelle de 4 jetons (poker chip), chaque jeton représentant un « morceau » de
douleur. On peut également utiliser une échelle de 6 visages (FPS-R). La localisation de la dou-
leur peut être également verbalisée par l’enfant ou indiquée sur un schéma.

2. Chez les enfants de 4 à 6 ans


L’autoévaluation peut être tentée, et plusieurs des outils décrits ci-dessus peuvent être utilisés
conjointement. Si les résultats obtenus sont divergents, on aura recours à l’hétéroévaluation
comme chez les enfants plus jeunes.

3. Chez les enfants de moins de 4 ans ou chez les enfants démunis de moyens
de communication suffisants
On effectuera une hétéroévaluation. La méthode la plus employée est l’échelle DEGR
(Douleur Enfant Gustave-Roussy). Cette échelle repose sur la cotation de 0 à 4 de 10 items
(position antalgique au repos, manque d’expressivité, protection spontanée des zones doulou-
reuses, plaintes somatiques, attitude antalgique dans le mouvement, désintérêt pour le monde
extérieur, évaluation de la mobilisation passive, localisation de zones douloureuses par l’enfant,
réaction à l’examen des zones douloureuses, lenteur et rareté des mouvements). Le seuil d’in-
tervention thérapeutique est fixé à 10/40.

4. Le traitement antalgique doit être proposé de manière simultanée au traitement étio-


logique de toute pathologie douloureuse.

a) L’objectif immédiat du traitement antalgique est de ramener, si possible, l’intensité de la


douleur au-dessous du seuil de 3/10 sur l’EVA et/ou de permettre un retour aux activités de
base de l’enfant. La prescription initiale dépend du niveau de douleur (cf. tableau) :
– douleur légère : antalgique de palier I ;

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– douleur modérée : antalgique de palier I ou II ;


– douleur intense : antalgique de palier II ou III ;
– douleur très intense : antalgique de palier III.

Type de douleur EVA Poker chip Échelle des DEGR Types


(jetons) 6 visages (FPS-R) d’antalgiques
(palier)

Légère 1à3 1 2 I
Modérée 3à5 2 4 I ou II
Intense 5à7 3 6 II ou III
Très intense >7 4 8 ou 10 III

Seuil 3/10 2 4 10/40


d’intervention
thérapeutique

Tableau : Correspondance entre les outils d’autoévaluation et l’intensité de la douleur,


seuil d’intervention thérapeutique et choix du type d’antalgique.

b) Le deuxième objectif est d’adapter rapidement le traitement en fonction du niveau de dou-


leur résiduelle.
Il faut donc réévaluer rapidement l’intensité de la douleur résiduelle afin d’intensifier le trai-
tement si la douleur résiduelle est supérieure à 3/10.

5. Moyens de lutte contre la douleur : ils peuvent être pharmacologiques et non phar-
macologiques.
Les moyens non pharmacologiques à notre disposition sont les suivants :
– distraction ;
– relaxation ;
– attitude rassurante de l’entourage ;
– information de l’enfant (lui expliquer la cause de sa douleur, le prévenir de la réalisation
d’un geste douloureux et lui expliquer l’intérêt de ce geste).
La présence des parents auprès de l’enfant lors de la réalisation de gestes douloureux doit être
possible, à chaque fois que la famille et l’enfant le souhaitent.

B/ Différents antalgiques utilisables


Ils sont classés en trois paliers thérapeutiques (classification OMS) selon leur mode d’action
et/ou leur puissance antalgique :
– palier I : antalgiques non morphiniques (acide acétylsalicylique, paracétamol, AINS) ;
– palier II : antalgiques centraux faibles (codéine, nalbuphine, dextropropoxyphène, trama-
dol, oxycodone, buprénorphine) ;
– palier III : morphiniques ou antalgiques centraux puissants (morphine, fentanyl, péthidine,
hydromorphone).

1. Antalgiques de niveau I

a) Le paracétamol (Doliprane, Dafalgan, Efferalgan, Dolko…)


● Cette molécule est très utilisée en pédiatrie. Ses indications, selon l’AMM, sont les douleurs
d’intensité légère à modérée. La posologie préconisée est de 15 mg/kg/6 heures ou 10
mg/kg/4heures ; l’emploi est possible par voie orale (qui doit être préférée chaque fois que
possible), par voie rectale et par voie intraveineuse (Perfalgan).

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● Les risques liés à l’utilisation du paracétamol doivent être connus. Les intoxications avec
atteinte hépatique grave s’observent dans la plupart des cas suite à l’administration itérative
de fortes doses. Le traitement fait appel à la N-acétylcystéine. La prévention consiste à édu-
quer l’entourage du jeune enfant à ne pas considérer le paracétamol comme un médicament
sans risque.
En pratique courante, les limites d’utilisation du paracétamol concernent les allergies
connues à ce médicament et une atteinte hépatique pré-existante sévère. Il n’existe en
revanche aucun argument objectif pour contre-indiquer ce médicament aux doses usuelles
chez l’insuffisant hépatique chronique.

b) L’acide acétylsalicylique (Aspirine, Aspégic, Catalgine, Juvépirine, Solupsan…)


● Sa prescription à visée antalgique a beaucoup diminué ces dernières années. Les effets secon-
daires gastro-intestinaux (gastrite, ulcérations gastriques et duodénales) et son action d’anti-
agrégant plaquettaire (pouvant faciliter la survenue d’hémorragies mal contrôlables) sont en
partie responsables.
● Dans les pays anglo-saxons, c’est l’association prise d’aspirine et survenue d’un syndrome de
Reye qui a modifié considérablement les habitudes thérapeutiques.
● La dose employée est de 25 à 50 mg/kg/jour en 4 prises per os. La voie parentérale est égale-
ment utilisable à la dose de 10 à 25 mg/kg/jour chez l’enfant de plus de 6 ans.

c) Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)


● Les AINS ayant l’AMM chez l’enfant sont les suivants : l’ibuprofène (Advil, Nureflex), le
naproxène (Naprosyne, Apranax), l’acide tiaprofénique (Surgam), l’acide méfénamique
(Ponstyl), l’acide niflumique (Nifluril), le diclofénac (Voltarène).
● Les posologies diffèrent en fonction de la molécule utilisée, et il n’est pas nécessaire de les
connaître.
● Les indications sont multiples : douleurs au cours des pharyngites et amygdalites (ibuprofè-
ne), pathologie articulaire inflammatoire (naproxène, diclofénac), dysménorrhées primaires
(acide méfénamique), angine (acide niflumique).
● Les effets secondaires des AINS sont digestifs (douleurs abdominales, nausées, vomisse-
ments, gastrites, ulcérations gastro-duodénales), néphrologiques (diminution du débit san-
guin rénal et de la filtration glomérulaire, en cas d’insuffisance rénale préexistante) et, excep-
tionnellement, hématologiques (anémie hémolytique et ibuprofène, aplasie médullaire et
diclofénac). On évite leur emploi chez les patients présentant des troubles de la coagulation.

2. Analgésiques morphiniques

a) La codéine (Codenfan, préparation magistrale de sirop de codéine)


C’est un agoniste mu dérivé de la morphine, utilisé comme analgésique et antitussif. À dose
équipotente, la codéine a les mêmes effets secondaires que la morphine (cf. infra). La bio-
disponibilité per os est de 60 %, l’effet analgésique apparaît après 20 minutes et culmine entre
1 et 2 heures. La demi-vie d’élimination est de 2,5 à 3 heures. 10 % de la dose est déméthylée
en morphine, sauf chez certaines personnes chez qui l’enzyme n’est génétiquement pas pré-
sente.
La codéine peut être utilisée seule (Codenfan) mais l’est le plus souvent en association avec du
paracétamol (Codoliprane, Efferalgan codéiné). Seule la voie orale est autorisée (la voie intra-
veineuse est à proscrire, car dangereuse). La posologie est de 1 à 1,5 mg/kg/4 à 6 heures.

b) Les autres agonistes morphiniques


● Il s’agit de la morphine, du fentanyl, de la péthidine (plus utilisée), de la méthadone et de
l’hydromorphone.
● La morphine (Chlorhydrate de morphine, Actiskenan, Skenan, Sevredol, Moscontin) reste
le médicament le plus utilisé dans cette catégorie d’analgésiques. Elle est métabolisée par le
foie par déméthylation en deux métabolites, le morphine-3-glucuronide (M3G) et le mor-

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phine-6-glucuronide (M6G) ; le M6G est excrété par le rein et possède des propriétés anal-
gésiques et de dépression respiratoire qui peuvent se manifester en cas d’insuffisance rénale.
La demi-vie de ces métabolites est augmentée chez le nouveau-nés et l’intervalle entre les
administrations doit être adapté.
● Le fentanyl est un opioïde de synthèse cent fois plus puissant que la morphine, très liposo-
luble, fortement lié aux protéines plasmatiques et ayant peu d’effet hypnotique ou sédatif. Le
délai d’action est court (1 minute) et la durée d’action est brève. Le fentanyl peut entraîner
une bradycardie et une rigidité thoracique lors d’administration rapide. Il doit être utilisé en
perfusion lente. L’emploi de cette molécule est rare et doit se faire sous surveillance rappro-
chée.
Le Fentanyl peut être utilisé par voie transdermique sous forme de patch, notamment dans les
douleurs chroniques (cancer). Le taux sanguin est relativement constant après 8 heures et est
assuré pour une durée de 72 heures.
● L’hydromorphone (Sophidone) est un dérivé de la morphine. Cet agent est 6 à 7 fois plus
puissant que la morphine. Sa durée d’action est de 4 à 6 heures et la demi-vie de 3 à 4 heures.
Chez certains patients, l’hydromorphone serait moins sédative que la morphine et produirait
moins de prurit, de nausées et de vomissements.

c) Les agonistes-antagonistes de la morphine


● La plupart de ces médicaments sont agonistes sur les récepteurs kappa et sigma et antago-
nistes des récepteurs mu. Leur avantage est de produire une analgésie avec un risque de
dépression respiratoire plus faible. Leur inconvénient est d’avoir un effet plafond.
● La nalbuphine (Nubain) est l’agent agoniste-antagoniste le plus utilisé en pédiatrie. Elle est
environ équipotente à la morphine (coefficient 1 à 1,2). Sa demi-vie est de 5 heures. Ses avan-
tages principaux sont la stabilité hémodynamique, une analgésie suffisante pour le traite-
ment des douleurs modérées (en cas de fortes douleurs, un agoniste mu doit être initialement
préféré), et un effet sédatif souvent désiré chez l’enfant. La nalbuphine peut être utilisée par
voie orale, intraveineuse, sous-cutanée ou rectale. La dose habituelle est 0,2 mg/kg à renou-
veler si besoin toutes les 4 à 6 heures.
● La buprénorphine (Subutex, Temgesic) peut être intéressante par sa durée d’action plus pro-
longée que celle de la morphine et par son administration possible par voie sublinguale.
Cependant, la dépression respiratoire semble aussi importante qu’avec la morphine et, de
plus, est difficilement antagonisable par la naloxone. Cette molécule est peu employée en
pédiatrie.

d) Le tramadol (Contramal, Topalgic)


C’est un analgésique d’action centrale et de faible affinité pour les récepteurs opioïdes. Il s’agit
d’une molécule de synthèse présentant des analogies de structures avec la codéine. Il existe très
peu de données chez l’enfant. Les effets secondaires sont globalement ceux de la morphine.
La dépression respiratoire est réversible par la naloxone.

3. Différents modes d’administration des morphiniques

a) La voie intraveineuse est à préférer dans le traitement de la douleur aiguë.


Tous les morphiniques peuvent être administrés intraveineuse sauf la codéine. Une surveillan-
ce rapprochée s’impose. Le choix existe entre l’administration du médicament à la demande, à
intervalles fixes, par perfusion continue ou par PCA. Le principe de la PCA (patient-controlled
analgesia) est une mise en application de la relation dose-effet des agonistes morphiniques.
Lorsque la concentration plasmatique est trop basse, le niveau de douleur résiduelle augmen-
te, et le patient doit déclencher un dispositif d’injection pour se replacer dans la zone de
concentration efficace. Inversement, lorsque la concentration est trop élevée, le patient est
sédaté et n’est plus capable de déclencher l’administration de nouvelles injections. Les deux
avantages de cette technique sont donc l’individualisation de la posologie et l’ajustement rapi-
de de la quantité d’analgésique délivrée au cours du temps, en fonction des besoins réels du

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patient. La PCA est la modalité d’analgésie qui prend le mieux en compte la variabilité
interindividuelle des besoins antalgiques, puisque c’est le patient qui régule lui-même sa
consommation. Les seules contre-indications formelles de la PCA sont la non-coopération
prévisible du patient et l’impossibilité de surveillance. L’âge limitant serait 6 ou 7 ans.

b) La voie intramusculaire est à proscrire, car elle est douloureuse ! Les taux sanguins sont très
variables : dus à une grande variabilité de l’absorption.

c) La voie sous-cutanée est une alternative intéressante si une voie veineuse n’est pas dispo-
nible.

d) La voie orale possède l’avantage de la simplicité. Le début d’action est différé, et la biodis-
ponibilité est faible et variable. Il existe des morphiniques d’action rapide utilisables per os
(Actiskenan, Sevredol), et d’action retardée (Skenan LP, Moscontin, Sophidone).

e) La voie transdermique est possible grâce aux patchs de fentanyl. Ils sont utilisés chez les
enfants pour qui les voies orale et veineuse sont impossibles, principalement chez les enfants
cancéreux. L’utilisation chez l’enfant de moins de 12 ans est déconseillée.

f) L’emploi d’autres voies d’administration (intranasale, buccale, sublinguale, rectale) est anec-
dotique. Par ailleurs, celui des voies intrathécale et épidurale est rarissime mais très efficace.

4. Effets secondaires des morphiniques et leur traitement

a) La dépression respiratoire
● C’est l’effet secondaire le plus redouté, responsable de la réticence des soignants à l’utilisa-
tion des morphiniques. Il s’observe avec tous les opioïdes administrés à doses équipotentes
et est dose-dépendant. L’âge (nouveau-nés et prématurés), l’existence d’une pathologie systé-
mique sévère (cardio-vasculaire, insuffisances hépatique ou rénale), l’obstruction des voies
aériennes ou un statut mental altéré et/ou l’usage simultané de sédatifs sont des facteurs aug-
mentant le risque de dépression respiratoire secondaire aux opioïdes.
● Chez ces patients, la dose à administrer doit être diminuée de moitié et titrée.
● Le traitement de la dépression respiratoire consiste en une assistance ventilatoire suivie de
l’administration d’un antagoniste pur, la naloxone (Narcan), de préférence par petites doses
répétées (1µg/kg), de façon à tenter d’antagoniser cet effet tout en préservant l’effet antal-
gique.

b) La sédation
C’est un effet souvent désiré chez l’enfant jeune ou chez l’enfant ventilé, mais elle est néfaste
dans le traitement des douleurs chroniques en interférant avec la vie quotidienne. Cependant
une tolérance, se produit généralement après deux ou trois jours.

c) Les nausées et vomissements


Ces effets sont fréquemment observés. Le traitement est symptomatique et fait appel aux anti-
émétiques comme les phénothiazines (prométhazine), les butyrophénones (dropéridol) ou le
métoclopramide. Une autre option intéressante, car quasi dénuée d’effets secondaires, est l’uti-
lisation des antagonistes de la sérotonine 5HT3 (ondansétron, granisétron, tropisétron).
On peut également utiliser de petites doses de nalbuphine ou un faible débit continu de
naloxone. En cas d’échec, on peut tenter de changer d’opioïde, car il existe une sensibilité indi-
viduelle.

d) La constipation, le prurit, la rétention urinaire


La constipation est un effet constant des opioïdes pour lequel il n’existe généralement pas d’ac-
coutumance. Le traitement consiste en l’emploi de laxatifs.

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Le prurit s’observe à tout âge. Le traitement est symptomatique : diphénhydramine. On peut


essayer de petites doses de nalbuphine. En cas d’échec, un changement pour l’hydromorphone
peut résoudre ce problème.
La rétention urinaire est fréquente. On peut percuter doucement un globe vésical, ou installer
une sonde urinaire.

C/ Autres techniques utilisables


1. Mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote (MEOPA)
● Le MEOPA est un médicament antalgique administré par inhalation chez l’enfant et l’adul-
te pendant une durée inférieure à 30 minutes dans les indications suivantes :
– analgésie lors de l’aide médicale d’urgence (traumatologie, brûlés) ;
– préparation des actes douloureux de courte durée chez l’adulte et l’enfant (ponction lombaire,
myélogramme, petite chirurgie superficielle, pansement de brûlé, réduction de fractures simples,
réduction de certaines luxations périphériques et ponction veineuse chez l’enfant).
● Le MEOPA provoque une analgésie de surface et dissocie la sensation de sa composante désa-
gréable. Il entraîne une anxiolyse et une relative euphorie. Les perceptions sensorielles sont
modifiées.
● Les effets indésirables sont rares (< 10 %) : nausées, vomissements, céphalées bénignes,
sensation de malaise, excitation.
● Les contre-indications sont : hypertension intracrânienne, traumatisme crânien non évalué,
pneumothorax, bulles d’emphysème, embolie gazeuse, accident de plongée, distension
gazeuse abdominale, fractures des os de la face.

2. Crème Emla
C’est un mélange équimolaire de deux anesthésiques locaux, la lidocaïne et la prilocaïne. L’effet
est obtenu grâce à une diffusion au travers de la peau pour bloquer la transmission neuronale
et les récepteurs dermiques. Elle s’applique sur peau saine avec un pansement occlusif pendant
une durée de 60 à 90 minutes avant une ponction veineuse, une ponction lombaire ou une
effraction cutanée. L’anesthésie cutanée obtenue est d’une profondeur de 3 à 5 mm. L’AMM est
donnée pour les enfants de 3 mois et plus.

3. Midazolam (Hypnovel)
Il ne s’agit pas d’un antalgique au sens strict du terme. Le midazolam est une benzodiazépine
de demi-vie courte, fréquemment utilisée dans la sédation consciente de l’enfant. Il peut être
administré par voie intraveineuse, orale, sublinguale, intranasale et intrarectale. Il peut être
utilisé pour les gestes douloureux (ponction lombaire, myélogramme, petite chirurgie, panse-
ment de brûlé…), accompagné d’un antalgique. L’antidote est le flumazénil (Anexate).

4. Antispasmodiques
Ils agissent sur la composante spasmodique qui aggrave la douleur.
On peut utiliser le tiémonium (Viscéralgine), musculotrope anticholinergique, dans les
troubles fonctionnels du tube digestif et dans les douleurs des voies urinaires. Il est contre-
indiqué en cas de glaucome.
Le plus utilisé reste le phloroglucinol (Spasfon), qui est un antispasmodique non atropinique.
Il est indiqué dans les douleurs intestinales, coliques néphrétiques, coliques hépatiques, et dys-
ménorrhée. Il peut être administré per os, par voie rectale ou intraveineuse.

5. Tétines et sucre
Chez le nouveau-né, la succion non nutritive d’une tétine ainsi que l’administration de sac-
charose ou de glucose (en pratique, on utilise 2 ml de glucose à 30 % suivi de la succion d’une
tétine) ont montré un effet analgésique lors de gestes mineurs comme les prélèvements san-
guins. L’action antalgique du sucre est probablement dûe à la libération d’opioïdes endogènes,
car l’effet est bloqué par l’administration préalable de naloxone.

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6. Anesthésie locale
Les anesthésiques locaux bloquent de façon réversible la conduction de l’influx le long des
fibres nerveuses centrales ou périphériques. En pratique, on utilise la lidocaïne (Xylocaïne)
que l’on peut associer à l’adrénaline. L’adrénaline, par son effet vasoconstricteur, diminue l’ab-
sorption plasmatique et augmente la fixation neuronale locale. L’adjonction d’adrénaline est
contre-indiquée dans les zones périphériques où la circulation artérielle est de type terminale
(doigts, orteils, zone périorbitaire, pénis). La lidocaïne peut être utilisée en application topique
ou en injection locale.

D/ Cas particulier des douleurs neuropathiques


1. Définition, physiopathologie
● Les douleurs neuropathiques, selon la définition de Tasker, sont des douleurs en rapport avec
une lésion partielle ou totale d’une structure neurologique centrale ou périphérique, plus
rarement en rapport avec une anomalie fonctionnelle. Les douleurs neuropathiques peuvent
se présenter sous forme de paresthésies, de dysesthésies. Des douleurs paroxystiques, inopi-
nées, sans facteur déclenchant et décrites en termes de décharges électriques leur sont sou-
vent associées.
● Une lésion nerveuse entraîne au niveau local une augmentation des récepteurs adréner-

giques, une augmentation des peptides pronociceptifs comme la substance P, et de la cyclo-


oxygénase. Au niveau central, il y a expression de nouvelles molécules excitatrices (glutama-
te), une sensibilisation des récepteurs NMDA, qui entraîne l’excitation de la conduction par
l’ouverture des récepteurs des canaux membranaires voltage-dépendants et des canaux
sodiques. Les modifications qualitative et structurelle des neurones inhibiteurs GABA
pérennisent la sensibilisation en cascade. Les traitements proposés viseront donc à :
– renforcer les phénomènes inhibiteurs par l’augmentation de la libération du GABA et l’in-
hibition indirecte des canaux sodiques, ainsi que l’inhibition irréversible de la GABA-trans-
aminase ;
– diminuer la transmission excessive, en particulier celle dépendant du glutamate, par le blo-
cage des canaux voltage-dépendants et des canaux sodiques.
● Les causes des douleurs neuropathiques sont très variées : neuropathies héréditaires, causes

immunitaires (Guillain-Barré), le VIH, diabète, carentielles (Vitamines B et E), toxiques


(saturnisme, chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie), cancérologiques, traumatiques…

2. Moyens thérapeutiques

a) Les antidépresseurs
On utilise, en première intention, l’amitriptyline (Laroxyl), que l’on peut administrer per os
(0,3 à 1 mg/kg/jour, en dose unique le soir), ou intraveineuse en particulier en cancérologie. Les
effets secondaires sont les suivants : bouche sèche, somnolence, désorientation, rétention
d’urines et constipation. Ces effets imposent la diminution temporaire de la dose et la prise en
charge des symptômes.

b) Les anticonvulsivants
● On aura recours au clonazépam (Rivotril en gouttes) per os à la dose de 0,03 à 0,1 mg/kg/jour.

Le rythme d’administration dépendra des effets secondaires, comme la somnolence, et de la


persistance de fulgurances inconfortables au cours de la journée. Dans ce cas, de petites doses
intermédiaires seront données le matin et le midi.
● On peut également utiliser la carbamazépine (Tegretol), parfois moins bien tolérée.

Ces 2 molécules n’ont pas l’AMM dans cette indication chez l’enfant.

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La douleur chez l’enfant 1-6-68

c) Les traitements d’appoint


Ils sont particulièrement utiles chez l’enfant, car les médicaments utilisables ne sont pas tou-
jours bien tolérés. Ces techniques dites de contre-stimulation doivent être valorisées : bains
chauds ou froids, douchettes, massages profonds, bercements assez amples, vibrations vocales
ou musicales…

d) Les voies d’avenir


De nouveaux médicaments anticonvulsivants sont à l’étude dans le traitement des douleurs
neuropathiques :
– Gabapentine (Neurotin) : agit en augmentant la libération de GABA et par action directe
sur les canaux sodiques ;
– Lamotrigine (Lamictal) : action stabilisante membranaire par blocage des canaux voltage-
dépendants ;
– Vigabatrin (Sabril) : inhibiteur irréversible de la GABA-transaminase au niveau cérébral
évite ainsi la dégradation du GABA au niveau synaptique.
Aucune de ces molécules n’a l’AMM dans cette indication.

E/ Conclusion
La prise en charge de la douleur de l’enfant ne doit pas être négligée. La première difficulté est
de la reconnaître chez un enfant qui, bien souvent, ne verbalise ni sa douleur ni ses angoisses.
Le traitement doit être adapté au type de douleur (par excès de nociception et/ou neuropa-
thique) et mis en place sans délai chez un enfant douloureux. Le recours à la morphine doit
être envisagé sans retard dans les douleurs importantes.
Enfin, il faut savoir rapidement réévaluer la douleur de l’enfant après la mise en route du trai-
tement antalgique, pour pouvoir rapidement l’adapter. ■

POINTS FORTS

La douleur est souvent sous-évaluée chez l’enfant, d’autant plus qu’il ne peut la
verbaliser. Cela a pour conséquence une prise en charge insuffisante.
La douleur doit être évaluée de façon répétée avec une échelle adaptée à l’âge.
L’évaluation initiale guidera la mise en route du traitement (type et intensité de la
douleur).
La douleur doit ensuite être réévaluée régulièrement afin d’adapter le traitement.
Ne pas négliger les moyens non pharmacologiques de lutte contre la douleur.

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