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Lecriture de Soi Dans La Litterature de Jeunesse

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L’écriture de soi

dans la littérature de jeunesse :


description et enjeux didactiques

Claude Le Manchec, LIDILEM

Il est possible aujourd’hui de distinguer, dans la littérature de jeunesse, un ensemble hétérogène


d’œuvres de fiction répondant à certaines caractéristiques de l’écriture de soi. Ces romans-journaux,
romans-mémoires, romans-autobiographies ou romans épistolaires forment un genre aux contours
incertains, qui échappe en partie aux codes narratifs du roman traditionnel dans la mesure où la
relation entre les faits rapportés est surtout liée à l’expérience quotidienne d’un « je-origine ». Les
enjeux didactiques de ces œuvres concernent tout d’abord la relation d’appartenance et d’imita-
tion avec ces genres relativement stabilisés que sont les journaux intimes et les autobiographies.
Mais cet ensemble d’œuvres permettrait aussi de développer en classe une réflexion sur l’identité
du personnage qui s’intensifie dans la mise en récit du donné biographique. Cette identité, à la
fois mouvante et singulière, pourrait être interrogée dans sa constitution et son évolution tout
au long du récit. Enfin, ces œuvres de caractère introspectif/rétrospectif se donnent souvent non
seulement comme une reconstruction mais aussi comme une incantation d’un passé difficile et, de
fait, elles appelleraient diverses formes de répliques de la part du lecteur, sous la forme notamment
de l’expression et la construction du souvenir.

Introduction

Les recherches en littérature générale, suivant en cela une offre éditoriale


variée, sont ouvertes depuis toujours à l’ensemble de la création littéraire et ne
se bornent pas aux seules fictions romanesques, du moins celles qui ont hérité
de façon trop étroite des normes issues du roman du XXe siècle. En effet, dans
le domaine littéraire, il est possible de distinguer, à côté de textes qui donnent
clairement à entendre à leur lecteur le caractère imaginaire des objets qu’ils
décrivent et qui fondent un pacte de lecture romanesque avec déploiement
d’un univers fictif et agencement d’une histoire autour d’un réseau de person-
nages, d’autres textes au statut parfois plus ambigu ou plus complexe, qui se
présentent sous le signe d’un autre contrat de lecture. Ces textes en effet sont
de nature autobiographique ou, plus précisément, empruntent à l’écriture de

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Claude Le Manchec

soi certaines de ses caractéristiques 1 en associant sciemment fiction et genres


intimes.
La littérature de jeunesse, constituée aujourd’hui en véritable laboratoire
des pratiques d’écriture, s’inspire, elle aussi, de cette conception élargie de l’es-
pace littéraire où le régime de la littérarité déborde largement les frontières de
la fiction romanesque traditionnelle pour inclure d’autres formes d’inventions
littéraires, comme le journal intime, l’autobiographie, les mémoires, le récit
de voyage, le récit de vie… Ces formes variées rencontrent d’ailleurs un grand
succès chez les jeunes et sont citées parmi les œuvres les plus appréciées dans le
cadre de la lecture privée 2. Quelles que soient les définitions que l’on peut don-
ner de ces formes, il nous apparaît que ce sont avant tout des textes construits
comme littéraires à la fois par choix d’écriture et par choix de lecture, ce qui
permet d’élargir le répertoire des œuvres littéraires à des textes difficilement
classables dans des typologies qui voudraient séparer trop brutalement fiction
et non-fiction.
Sous le nom d’univers autobiographiques 3, nous proposons donc, plus
loin, de ranger un ensemble d’œuvres pour la jeunesse constitué de romans-
journaux, de romans-mémoires, de romans-autobiographies, de romans-récits
de vie ou de romans épistolaires reconstitués à partir de données plus ou moins
authentiques mais qui se donnent clairement pour des fictions, le Je étant
différent de l’auteur. L’écriture de soi sous la forme du journal intime ou de
l’autobiographie en particulier, inspire depuis quelques années des auteurs de
littérature de jeunesse dont les œuvres surprennent tant par l’ampleur des pro-
blèmes d’écriture ainsi ouverts que par les possibilités de mise en réseaux 4 – y
compris avec des œuvres pour adultes – qu’elles suggèrent.

1 Le développement récent de l’autofiction va dans ce sens. Pour Serge Doubrosky (Fils, Galilée,
1977), ce concept désigne avant tout une synthèse de l’autobiographie et de la fiction. Critiquant
l’autobiographie traditionnelle dans la mesure où elle reposerait sur un exhaussement factice de la
vie de l’écrivain à l’aide d’un style très littéraire, Doubrovsky entend, au contraire, s’appuyer sur une
conception plus libre de l’écriture influencée par les théories freudiennes de l’inconscient. Cette liberté
lui permet de créer un personnage-auteur différent – au moins partiellement – de l’auteur. De même,
dans plusieurs fictions du Je, le narrateur se distingue de l’auteur qui met en scène un personnage fictif
ou historique à qui il est conféré une véritable dimension romanesque (cf. par exemple Les Mémoires
d’Hadrien de M. Yourcenar). Dans le journal fictif, l’évolution intérieure, peu sensible mais rapide, du
diariste n’échappe pas à la compréhension du lecteur qui suit la fiction comme un récit tendu vers un
dénouement (cf. Journal d’un fou de N. Gogol).
2 Cf. Christian Baudelot, Marie Cartier & Christine Détrez, Et pourtant ils lisent…, Paris, Le Seuil, 1999.
3 La notion d’univers renvoie mieux, nous semble-t-il, à la diversité des œuvres proposées que celle
de « discours » utilisée par Marie-Françoise Chanfrault-Duchet (2001) in Marie-Hélène Roques (dir.),
L’autobiographie en classe, Paris/Toulouse, CRDP Midi-Pyrénées/Delagrave, qui, par sa référence aux
sciences du langage, nous semble plus restrictive.
4 Dans une mise en réseaux d’ouvrages, il s’agit, avant tout, de proposer aux élèves de mettre en lien
des œuvres entre elles ou d’offrir un éclairage particulier sur une œuvre particulière. Le document
d’application Littérature au cycle 3, édité par le MEN, signale plusieurs possibilités : le réseau intertextuel
(découvrir une œuvre-source), le réseau intra-textuel (des livres d’un même auteur, qui ont des points
communs et peuvent s’éclairer les uns les autres pour repérer une manière de s’exprimer, des thèmes
favoris : par exemple, Anthony Browne, Claude Ponti…), le réseau centré sur des personnages (après
avoir dégagé leur portrait, on compare avec les textes pour savoir si leur rôle et leur comportement sont
en concordance. Exemple de personnages typiques : la sorcière, la fée, l’ogre...), le réseau qui traite
d’un grand sujet (par exemple, la différence, la guerre, les droits de l’enfant, la séparation...), le réseau

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

Les œuvres qui nous intéressent se ressentent de la crise du roman tradi-


tionnel en ce qu’elles fuient un point de vue extérieur, prétendument objectif
et totalisateur sur le personnage pour développer une sorte d’enquête sur le
temps individuel, en donnant au lecteur la possibilité de suivre certains dé-
veloppements de son être intime. Le lecteur est ainsi invité à suivre non plus
la mise à l’épreuve du personnage comme dans le roman traditionnel mais la
mise à l’épreuve de l’identité même du personnage soit sous forme d’un récit
complet comme dans l’autobiographie, soit sous celle de fragments du temps
quotidien comme dans le journal intime. Déterminé par une énonciation à la
première personne, le lecteur peut combler comme il l’entend les lacunes ou
les silences d’un texte volontairement elliptique et ainsi prolonger les effets
de la fiction en imaginant, par exemple, des éléments de l’histoire seulement
suggérés.
Malgré l’ampleur du champ et les difficultés de classement que posent cer-
taines œuvres, notre ambition ici est limitée mais précise : tout d’abord souli-
gner quelques tendances récentes dans le domaine de l’écriture littéraire pour
la jeunesse en proposant quelques repères dans une offre éditoriale abondante
et inégale, ensuite dégager quelques-uns des enjeux didactiques – d’abord en
lecture puis en production écrite – de ces entreprises littéraires récentes où,
de façon moderne, l’indéchiffrable ou, à tout le moins, la complexité de la
conscience individuelle semble s’interpréter à l’infini. Nos propositions ren-
voient donc à une grande diversité d’univers autobiographiques. Elles se
voudraient, ce faisant, en dialogue à la fois avec les instructions officielles ré-
centes 5 qui ne sont pas enfermées dans des conceptions classificatoires trop
étroites, mais aussi avec la critique universitaire, notamment certains travaux
de Philippe Lejeune 6, d’où semble émerger une conception élargie de la fiction
littéraire.

par genre (par exemple, le roman policier et ses variantes, le conte et ses parodies, le roman historique,
le roman épistolaire, le fantastique...), le réseau « architecture littéraire » (la place du narrateur, la
narration en Je ou Il, le point de vue, les jeux de langage...). C’est bien sûr surtout ces deux derniers
types de mise en réseaux qui nous intéressent ici même si des emprunts ponctuels peuvent être réalisés
à d’autres projets de réseaux. Cf. aussi sur ce point l’ouvrage dirigé par Catherine Tauveron, La lecture et
la culture littéraire au cycle des approfondissements, actes de la Desco, MEN, Scérén/CRDP de Versailles,
2004.
5 Le document d’application Littérature au cycle 3, paru d’abord en 2002 puis enrichi en 2004, accorde
une large place aux genres qui nous intéressent ici : pas moins de vingt œuvres citées et recommandées
en effet ressortissent à ces catégories littéraires. Nous les signalerons en note de bas de page. Pour
d’autres développements plus tournés vers des pratiques de classe effectives, on pourra lire Marie-
France Bishop & Pascale Labas (2004), « Écrire, lire, parler d’autobiographies à l’école primaire », in Le
Français aujourd’hui, n° 147, p. 67-48.
6 Dans un article intitulé « Autobiographie, roman et nom propre », Philippe Lejeune a posé le problème
du statut du narrateur dans certains œuvres à caractère autobiographique (in Moi aussi, Paris, Le Seuil,
1986). La question du nom propre lui permet de souligner l’ambiguïté d’œuvres situées entre fiction
et autobiographie.

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Claude Le Manchec

1. Définition du corpus

1.1. Un genre aux contours incertains


Deux grands genres inspirent, on l’a vu, les auteurs : le journal intime et
l’autobiographie. Le premier est habituellement un type de récit sans structure
donnée d’avance, composé au fur et à mesure de sa progression, qui échappe
donc à certains codes narratifs. La relation entre les faits racontés n’est pas une
relation d’enchaînement aussi incoercible que dans un récit de fiction, mais
une relation liée à l’expérience quotidienne d’un « je-origine » 7. Le narrateur
pourtant peut introduire entre les faits rapportés une logique en lieu et place
du hasard et ainsi faire prévaloir l’ordre du sens sur le simple ordre chronologi-
que. L’autobiographie, de son côté, est, plus précisément, un récit de soi dans
lequel la méconnaissance originelle de soi peut être fertilisée et accéder à une
forme objectivable de reconnaissance, au terme d’un processus de construc-
tion et de reconstruction du souvenir. Dans la littérature pour adultes, elle peut
être, ou non, ancrée dans la fiction 8. On peut la définir a minima par les actes
d’énonciation, par le point de vue unique (celui d’un seul personnage) qu’el-
le propose, sans dès lors tracer de frontières trop étanches entre « vraies » et
« fausses » autobiographies. Dans tous les cas, le lecteur prend intérêt, malgré
ce point de vue unique, au changement que le temps imprime à cette voix et
qui est constitutif d’une identité partiellement insaisissable et non-totalisable,
ce que souligne admirablement le texte inachevé qu’est le journal intime.

1.2. Continuité (relative) en littérature de jeunesse


Même si dans les œuvres de littérature de jeunesse retenues ici l’ambiguïté
statutaire du narrateur ne semble pas de mise, les genres que nous allons étu-
dier ont eux aussi à faire avec la question de l’identité et celle du temps à tra-
vers la mise en dialogue passé/présent, ce que nous tenterons plus loin de faire
fructifier dans nos propositions pédagogiques. Dans les fictions qui mimétisent
le journal intime et l’autobiographie, nous verrons en outre que, si certains
codes narratifs sont malmenés, ils ne sont pas pour autant abolis et que les
œuvres proposées possèdent des caractéristiques relevant à la fois de la fiction
et de la non-fiction, notamment en se centrant sur des événements-clés de la
vie du personnage.

7 Nous empruntons cette expression à Käte Hamburger qui, dans Logique des genres littéraires, insiste sur
le fait que la fiction est essentiellement une question de genre littéraire et qu’en tant que telle, elle est
signalée par une forme d’énonciation spécifique. Il y aurait donc des signes textuels du genre fiction
qui nous permettent de l’identifier en dehors de toute information extérieure au texte (informations
portant sur l’auteur et ses intentions, ou informations contenues dans le paratexte – indication du
genre sur la couverture, préface, etc.). Selon l’auteure encore, en art, « l’apparence de la vie n’est pas
produite autrement que par le personnage en tant qu’il vit, pense, sent et parle, en tant qu’il est un Je.
Les figures des personnages et des romans sont des personnages fictifs parce qu’ils sont comme des Je,
comme des sujets fictifs » (p. 72). La fiction est donc étroitement liée à la représentation de paroles, de
pensées et de sentiments qui ne sont pas imputables au locuteur premier (à l’auteur).
8 Dans le premier cas, qui ne sera pas discuté ici, l’œuvre, par son indécision statutaire, fonctionne
finalement selon le principe d’une mise en abyme car le personnage peut à bon droit passer pour une
des figures de l’auteur, saisie crayon en main.

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

1.2.1. Définition du champ


Les œuvres que nous avons rangées 9 dans cette typologie ont pour prin-
cipales particularités d’être centrées sur un Je-origine qui relate des faits mar-
quants de sa vie individuelle, proposant un pacte de lecture qui rappelle celui
des vrais journaux intimes et autobiographies. Pour étayer cette classification,
nous adopterons volontiers la distinction réalisée par D. Escarpit et B. Poulou 10,
à propos des récits d’enfance en littérature, entre, d’une part, des œuvres cen-
trées sur le narrateur, la connaissance de soi, l’intimité, et, d’autre part, des
œuvres de témoignage. Par souci d’homogénéité, nous ne retiendrons ici que
des textes centrés sur des préoccupations individuelles, même si, au fil des pa-
ges, des aspirations collectives, celles d’un groupe social par exemple, peuvent
s’exprimer et, dans ce cas, l’introspection peut voisiner avec l’observation de
réalités sociales. En outre, l’autobiographie fictionnelle en littérature de jeu-
nesse propose au lecteur une reconstruction assez libre des principaux thèmes
traditionnels du genre (vie quotidienne, question de filiation, relations inter-
personnelles, problèmes de vocation…) et de l’évolution du Je-origine. C’est
pourquoi les modes de classement retenus (journaux intimes reconstitués,
autobiographies fictionnelles, œuvres romanesques enchâssant des journaux
intimes) présentent une commodité conceptuelle que nous savons discutable.
Avec Karl Canvat 11, nous admettons que la notion de genre littéraire com-
porte, malgré un certain flou définitionnel, plusieurs intérêts au plan didacti-
que : la connaissance, même partielle et approximative, des genres fonctionne
comme un « code implicite » à travers lequel des œuvres peu ou mal connues
peuvent être reçues et classées par les jeunes lecteurs :
« En codifiant sélectivement les possibles du système littéraire tels que l’état
du champ les fixe à un moment donné, les genres définissent, en effet, des
zones de régularités discursives spécifiques à l’intérieur desquelles les textes
littéraires peuvent s’inscrire, dont ils peuvent jouer (en mélangeant les genres,
en les parodiant, etc) ou dont ils peuvent encore s’écarter en instituant un
pacte singulier. » 12
Des mises en relation de ces œuvres entre elles, au sein de réseaux d’inter-
relations, permettraient à la fois de réduire les difficultés intrinsèques qu’elles
comportent et de donner une prise solide à des recherches en classe sur les mo-
des d’écriture qui les ont inspirées. Nous indiquerons, chemin faisant, certains
thèmes abordés (les relations amoureuses, le deuil, l’isolement de l’adolescent,
par exemple) même si nous avons attribué à un souci formel une vertu de cla-
rification supérieure aux classements thématiques qui restent, selon nous, une
entrée moins forte en littérature de jeunesse.

9 Sans prétention à l’exhaustivité, les titres cités proviennent de recherches empiriques, menées
en bibliothèque et à partir de catalogues d’éditeurs. Nous avons notamment utilisé la sélection
Livres au trésor proposée chaque année par le Centre de documentation sur le livre de jeunesse de
Seine-Saint-Denis.
10 Denise Escarpit et Bernadette Poulou (dir.), Le récit d’enfance, Paris, Le Sorbier, 1993.
11 Karl Canvat, « Genres et enseignement de la littérature », Recherches, n° 8, AFEF, 1993, p. 5 sq.
12 Ibid., p. 7.

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1.2.2. Des œuvres au caractère introspectif


Les œuvres que nous avons retenues sont de deux ordres : soit l’écriture
continue de l’autobiographie 13, soit l’écriture discontinue du journal intime
où il s’agit d’un texte fragmentaire dans lequel le réel ne fait pas l’objet de
descriptions exhaustives mais est donné à reconstruire à partir notamment
d’interstices où peuvent se loger des non-dits, des zones d’ombre, des oublis.
Dans tous les cas, le critère principal est le caractère introspectif de l’écriture
(et pas seulement une simple énonciation en Je), qui « fouille » l’intimité du
Je-origine, reconstruisant une identité temporelle de la personne, dévoilant
au fil des pages certaines de ses facettes, en dissimulant d’autres, dans un jeu
kaléidoscopique parfois vertigineux. Une personnalité émerge, plus ou moins
nettement, toujours, selon nous, en congruence avec des questions d’identité
élargies et complexes, sous l’influence notamment des développements récents
de la psychologie et de la psychanalyse. La pensée contemporaine donne en
effet au sujet une autonomie et une liberté plus grandes qu’autrefois 14, thème
qu’il serait d’ailleurs intéressant d’étudier spécifiquement comme nous le pro-
poserons plus loin.

1.2.3. Quelques œuvres modèles


Les modèles des œuvres citées semblent être ceux de l’autobiographie
d’adolescents ou de jeunes personnes, notamment dans les versions magis-
trales qu’en ont données J. D. Salinger dans L’Attrape-cœurs ou R. Gary dans
Les Promesses de l’aube, écrites dans une langue beaucoup plus libre que celle
du roman traditionnel issu du XIXe siècle. L’écrivain pour la jeunesse 15 semble
recréer à son tour certains aspects de cette langue unique où s’inscrivent à la
fois un point de vue, un âge, une voix spécifiques, à travers une syntaxe, un
vocabulaire, voire une orthographe à part.
Cette langue, endossée par un individu emblématique, peut être aussi por-
teuse des croyances, des convictions et des normes d’une époque. Le cœur du
récit coïncide souvent avec le débat intérieur du personnage avec ces normes
et ces convictions (celles des autres ou celles de soi-même). L’intérêt du récit
provient des variations du pacte d’écriture, des registres, du ton spécifique que
peut proposer l’autobiographie fictionnelle qu’il sera souvent intéressant de
caractériser et d’analyser (on peut opposer, par exemple, Enfance de Nathalie
Sarraute et Métaphysique des tubes d’Amélie Nothomb, drame et humour).

13 Nous sommes conscient que notre propos est ici très général puisqu’il existe, dans la littérature pour
adultes, des œuvres, telles Enfance de Nathalie Sarraute ou Le grand cahier d’Agota Cristof, se présentant
sous une forme fragmentaire.
14 Cf. Jean-Paul Kaufmann (2005), L’invention de soi. Une théorie de l’identité, Paris, Hachette.
15 Il est intéressant de noter que, dès le xixe siècle, des écrivains pour la jeunesse comme Eugénie Foa et la
comtesse de Ségur ont eu recours aux mémoires fictifs avec respectivement Les mémoires de Polichinelle
(1839) et Les mémoires d’un âne (1860).

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

1.2.4. La prégnance de la question de l’écriture


Dans les œuvres qui nous intéressent, la question de l’écriture est dès lors
prégnante. L’écriture d’un texte de type journal intime peut coïncider en effet
avec un moment de crise ou, à tout le moins, de difficultés personnelles, que
l’écriture a justement pour rôle de ressaisir, éventuellement de clarifier et de
dépasser.

2. Les romans-journaux intimes

2.1. Œuvres imitant des journaux intimes d’enfants ou d’adolescents


Le journal intime est une forme privilégiée par quelques écrivains pour la
jeunesse. Les auteurs concernés utilisent ainsi une pratique scripturale de la
mémoire immédiate pour bâtir des œuvres hybrides, empruntant, d’une part,
au diariste le souci d’une méthode génétique (rapporter des faits quotidiens
pour remonter aux origines d’une personnalité) au moyen du langage écrit
qui devient alors le lieu « extra-ordinaire » d’une expérience immédiate du
langage, et, d’autre part, à la fiction la possibilité d’inventer des univers roma-
nesques. Certains de ces journaux reconstruits tissent, par l’acuité des analyses
développées, des liens étroits avec le Journal d’Anne Frank 16. Ce journal intime
d’adolescente a inspiré plusieurs œuvres qui tentent de se situer à la source
même de l’intimité du personnage en laissant entendre sa voix dans la fausse
contingence de la vie quotidienne. Parmi les plus intéressants pour le primaire,
on citera Mon je-me-parle de S. Pernusch 17. Récit d’un moment de crise et de
désidéalisation des adultes au profit d’une vision plus claire de la vie affective.
Le « faux » journal inventé par S. Pernusch est placé tout entier sous le signe
d’une vérité plus haute, celle d’une fiction qui parvient à donner à Chloé, à son
discours et à ses actes une authenticité bien réelle.
Dans une œuvre telle que Je n’oublierai jamais ce moment-là, D. Laufer 18 trai-
te, quant à elle, avec force quelques grands thèmes permettant de circonscrire
la personnalité d’une jeune fille au sortir de l’enfance (les relations interper-
sonnelles, la puberté, la découverte de l’amour, la naissance de sa vocation
d’écrivain, les préoccupations religieuses). Les titres donnés aux différentes pa-
ges détachées de ce journal expriment la complexité et l’acuité des sentiments
de la narratrice : « Le cœur lourd », « La gifle », « La crise », « Le ciel gris », « Le
fou rire »… Dans une langue très précise, faite de phrases brèves, de nature
aphoristique ou poétique, et d’un vocabulaire épuré, D. Laufer recrée un jour-
nal intime qui coïncide avec un moment de désarroi, dont la vraisemblance
n’échappera pas au lecteur. L’œuvre thématise notamment l’évolution de la
personnalité de la jeune fille au plan psycho-affectif.

16 D’autres œuvres récentes entretiennent avec le fameux Journal des liens de parenté : par exemple, celui
de Ma Yan (Le journal de Ma Yan édité par Pierre Haski, Hachette, 2004).
17 Casterman, 1996.
18 Syros Jeunesse, 1996.

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Tout aussi intéressant au plan de la recréation d’une parole entre deux âges,
se présente Avec tout ce qu’on a fait pour toi de M. Brantôme 19 où, sur un mode
plus dramatique que la plupart des livres cités ici, le journal imaginé est tra-
versé par une intense réflexion sur l’absence d’un être cher et la difficulté du
deuil. Plusieurs autres œuvres laissent la fiction côtoyer le journal intime de
façon originale : ainsi, dans C’est la vie, Lili de V. Dayre 20, la chute imprévisible
du récit invite à s’interroger d’abord sur les enjeux de l’écriture d’un journal
intime (est-il destiné à être lu par un tiers ? si oui, qui et à quelle condition ?),
ensuite sur la question de l’authenticité, que Michel Leiris, en ouverture à son
autobiographie L’âge d’homme, constitue en règle absolue. Le journal de Clara
de B. Peskine 21 repose d’ailleurs cette question : « Écrire son journal, ça fait
du bien, mais ça donne le cafard. Penser à soi c’est toujours un peu triste ».
Cependant, écrire peut aussi servir de « béquilles » pour la vie. En imaginant
comment une enfant, pendant les grandes vacances, retrouve chez sa grand-
mère le journal intime qu’elle a rédigé l’année précédente, au moment du di-
vorce de ses parents, B. Peskine insiste davantage sur la lecture et la relecture
que sur l’écriture elle-même du journal intime. Quand on écrit pour soi, il y
a en effet un moment où on relit pour soi. Cet acte favorise alors la mise à
distance des événements, le recul nécessaire à l’acceptation de la vie. Chez l’en-
fant, la relecture lui permet de se rendre compte qu’il ou elle a grandi. Sur ce
point précis, d’autres œuvres se rapprochent des précédentes : Maman les p’tits
bateaux de C. Mazard 22, Meurs la faim d’A. Colmerauer 23 et Sobibor de J. Molla 24
qui thématisent la question respectivement de l’inceste, de la boulimie et de
l’anorexie. Dans les moments de crise, la rédaction d’un journal ne peut être
interprétée seulement comme le signe du repli sur soi mais, au contraire, d’un
appel différé vers autrui. Alors, quand les choses vont mieux, on le délaisse plus
facilement pour aller vers les autres : « Il y a d’autres gens, dehors, écrit l’héroïne
de C. Mazard, qui ne demandent qu’à partager ». En outre, la reconstruction des
émotions chez l’adolescent, notamment, fait de ces trois dernières fictions des
prolongements possibles, à la fin du cycle 3 et au début du collège, du livre de
S. Pernusch présenté plus haut.

2.2. Romans-journaux intimes à valeur de témoignages historiques,


sociaux et culturels
D’autres œuvres s’éloignent du journal intime stricto sensu pour tenter de
recréer, à travers une voix d’enfant ou d’adolescente, un personnage embléma-
tique. C’est le cas par exemple de La maison des petits bonheurs de C. Vivier 25.

19 Le Seuil Jeunesse, 1995.


20 L’école des loisirs, 2002.
21 Hachette, 2004.
22 Casterman, 1999.
23 Gallimard Jeunesse, 1999.
24 Gallimard Jeunesse, 2003.
25 Casterman, 1996 (1re éd. 1939). Cette œuvre est inscrite dans le document d’application Littérature
cycle 3.

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

Par la précision et la justesse de cette voix enfantine, le livre de C. Vivier s’est


rapidement imposé comme un modèle du genre. Il conserve aussi la force d’un
document sur une époque et un lieu passés – Paris dans la France de l’entre-
deux-guerres – que la littérature de jeunesse a peu souvent évoqués.
L’insertion de la vie quotidienne d’adolescents pendant des conflits entre
des peuples ou les préparatifs de guerre a fait l’objet d’un traitement remarqua-
ble dans Un été algérien de J.-P. Nozière 26 et Le Journal d’Adèle de P. du Bouchet 27.
« Jeudi 30 juillet 1914. Aujourd’hui, je commence enfin mon journal », tel est l’in-
cipit du journal de cet adolescente bourguignonne qui voit d’abord partir ses
deux frères en plein milieu des moissons de l’été 1914. Par différence avec celui
d’A. Frank, le livre de P. du Bouchet est une fiction qui vise à recréer l’authen-
ticité d’un vrai journal intime. Pour y parvenir, l’auteure recourt souvent à un
style parlé par où s’exprime la richesse de la vie affective de la jeune femme.
Le contexte historique, la vie rurale décrite par petites touches, la durée de vie
embrassée plus longue permettraient en outre d’établir d’intéressantes compa-
raisons avec ce modèle littéraire.
Le thème de la vie quotidienne, sociale et économique difficile a tenté plu-
sieurs autres écrivains : ainsi dans Le naufrage du Zanzibar, M. Morpurgo 28 re-
late la vie des habitants des îles Scilly, au sud de la Grande-Bretagne au début
du XXe siècle. Il s’agit là d’un thème de prédilection chez M. Morpurgo, qui
souligne ici l’importance des liens entre générations que symbolise le jour-
nal de Laura, son héroïne. Comme la précédente, Vers des terres inconnues de
K. Hesse 29 est une œuvre qui glisse à la fois vers le témoignage historique et vers
le récit d’aventures. Le livre peut se lire indifféremment comme un manuel de
géographie original ou comme une relation de voyage mouvementée. Le récit
de voyage, basé ou non sur des faits authentiques, constitue un genre en soi
dont l’influence sur le lecteur passionné par les terres lointaines ne faiblit pas
malgré la globalisation des échanges. D’autres ouvrages gagneront donc à être
mis en relation avec celui-ci (cf. plus loin l’album La fabuleuse découverte des
îles du Dragon).
Proche du précédent, Sarah la pas belle se marie de P. Mac Lachlan 30 évoque
la vie des pionniers aux États-Unis au XIXe siècle. Dans son journal, Anna note
ses impressions, les événements de la prairie. La narratrice propose également
une réflexion sur l’écriture même du journal intime : « Parfois, ce que les gens
choisissent d’écrire noir sur blanc est beaucoup plus important que ce qu’ils disent de
vive voix… Je tiens mon journal intime tous les soirs et lorsque je relis ce que j’écri-
vais alors, je me vois mieux que si je me regardais dans la glace » (p. 45), ce qui
peut nourrir une réflexion sur les fonctions mêmes de l’écriture de soi. Pour
la narratrice, le journal intime peut être lu à haute voix à ceux qu’on aime et

26 Gallimard Jeunesse, 1990.


27 Gallimard Jeunesse, 1995.
28 Gallimard Jeunesse, 1994.
29 Gallimard Jeunesse, 1999.
30 Gallimard Jeunesse, 1998.

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Claude Le Manchec

leur faire découvrir un point de vue personnel sur des événements vécus en
commun. Il peut être tenu dans la main, comme un objet transitionnel. Un
autre aspect intéressant du roman de P. Mac Lachlan est constitué par les let-
tres entre les parents éloignés et qui nourrissent la narration. Dans Le journal
de Caleb, P. Mac Lachlan 31 propose la suite de l’histoire de Sarah : Anna, qui
dans son journal intime, tenait la chronique de la famille de pionniers au tout
début du XXe siècle dans la grande prairie américaine, est partie à la ville pour
aider son beau-père dans son cabinet de médecin, tandis que tous attendent
le retour de son mari, Justin, qui s’est engagé avec les troupes américaines
débarquées en Europe en 1917. Anna a confié à son jeune frère la mission de
poursuivre la chronique de la famille à travers son journal intime. Un peu
décontenancé par cette nouvelle responsabilité, Caleb est aidé par Sarah qui le
conseille : « Il y a des tas de choses au sujet desquelles on peut écrire. On peut écrire
ses pensées, ses peurs, ses souhaits, ses espoirs, ses rêves. » L’âpreté des conditions
de vie rapproche deux pionniers, John et Jacob. Ce dernier, à la fin du roman,
commence à tenir son propre journal qui servira de base à un autre volume de
l’histoire de Sarah.
Une autre œuvre forte recrée avec brio les conditions de vie des émigrants :
il s’agit du Journal d’une sorcière de C. Rees 32. C’est moins ici l’introspection que
les dons d’observation et la perspicacité de l’héroïne, jugeant ses compagnons
de voyage, qui rend le récit de C. Rees remarquable. Le fanatisme religieux
nourri de l’interprétation souvent délirante de signes naturels, la haine de la
femme libre étayée par l’ignorance et la précarité de la vie des colons, sont
décrits avec un réalisme étonnant. Mais, à l’arrière-plan de ce récit marquant,
on trouve aussi de quoi nourrir la réflexion sur le phénomène si constant de
la brebis galeuse.
Le sort des immigrés est évoqué avec force dans Le chat de Tigali par
D. Daeninckx 33. De leur séjour à Tigali en Kabylie, l’instituteur, auteur du
journal intime qui sert de support à cette fiction, et sa famille ont ramené
le chat Amchiche. Parce qu’il est libre, mâle et en vadrouille, le chat dérange
la population du village provençal où s’est établie la famille. Ce qui dérange
encore plus les gens c’est que ce chat vienne d’Algérie. Ils s’en débarrassent en
l’empoisonnant, au grand désespoir de sa petite maîtresse. Mais la solidarité
enfantine parvient à redonner le moral à la fillette et celle-ci se retrouve avec
cinq chatons de cinq portées différentes que cinq de ses nouveaux camarades
lui offrent. Du reste, ces cinq chatons ont un air de parenté avec Amchiche…
En abordant un thème majeur – la suspicion qui frappe l’étranger – de façon
aussi subtile qu’indirecte, le livre de Daeninckx permet de réfléchir à la rela-
tion entre l’implicite et l’explicite, ce qui peut déboucher sur un riche travail
de conceptualisation et de différenciation entre des notions courantes mais
parfois mal délimitées par les élèves : racisme, inégalité, injustice…

31 Gallimard Jeunesse, 1999.


32 Le Seuil Jeunesse, 2002.
33 Syros, 1990.

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

3. Œuvres se présentant sous la forme d’un roman


ou d’une nouvelle enchâssant des extraits d’un journal intime

Plusieurs œuvres se présentent comme des récits biographiques enchâssant


des extraits d’un journal intime. Nous nous arrêterons notamment sur L’enfant
caché de B. Burko-Falcman 34 et sur Brouillard de neige (in À la vie, à la mort) de
P. du Bouchet 35, qui sont des récits à double focalisation : celle d’un narra-
teur qui relate la vie du personnage principal – respectivement la jeune Esther
Spiwaszewski et Joseph Slitky, tous deux privés très jeunes de leurs parents
déportés – et celle portée par le journal intime. L’enfant caché et Brouillard de
neige sont donc construits à l’image de la fugue en musique, qui fait se succéder
et se répéter en le variant le même sujet dans ses différentes parties. La lecture
du journal intime se trouve enrichie par les éclairages que donne le narrateur
principal, une amie proche dans le cas du livre de B. Burko-Falcman. Il serait
intéressant de comparer ce dispositif à celui utilisé par C. Rees dans Journal
d’une sorcière (cf. supra) ou, par la même auteure, dans le Journal d’Adèle.
D’autres récits bivocaux permettent aux auteurs de diversifier les points de
vue et donnent au lecteur la possibilité d’accéder à l’intimité même du person-
nage. Ainsi, dans Le royaume de Kensuké, M. Morpurgo 36 croise deux genres litté-
raires majeurs, la robinsonnade et le récit autobiographique. Il suggère ainsi au
lecteur d’effectuer de multiples connexions avec des œuvres proches : Vendredi
ou la vie sauvage de M. Tournier ou, plus étroitement peut-être, certains romans
de Jules Verne, Les enfants du Capitaine Grant, Deux ans de vacances ou L’île
mystérieuse. Le caractère de journal intime apparaît peut-être moins clairement
que dans d’autres œuvres tout au long de cette robinsonnade. Néanmoins, le
début de l’histoire apparaît directement inspiré du journal de bord que tient
l’enfant, en particulier au chapitre III, qui découvre la vie d’un vieux naufragé.
En interrogeant la question des liens entre générations, de la protection de la
nature, des différences culturelles, le récit de Morpurgo possède une épaisseur
sémantique qui devrait susciter de riches débats interprétatifs. Dans Les secrets
de Faith Green, J.-F. Chabas 37, tout en créant un hymne à l’histoire récente et à
la géographie américaines et, plus discrètement, au cinéma qui les a souvent
mises en scène, a bâti, lui aussi, son récit sur le principe de l’enchâssement
du journal dans un roman qui est le récit d’une étrange aventurière. Cette
construction reste à apprécier par chacun. La multiplication du point de vue
est ici au service de la découverte d’un « secret de famille » original et surtout
renouvelle, de façon originale, le roman d’aventures.
Pour clore cette section, on peut remarquer que certaines œuvres utilisent
le journal intime sous forme d’extraits insérés dans le fil de la narration et
formant autant de repères dans la construction progressive de l’identité du

34 Le Seuil Jeunesse, 1997.


35 Gallimard Jeunesse, 1999.
36 Gallimard Jeunesse, 2000.
37 Casterman, 1998.

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personnage principal. C’est le cas du Cahier rouge de C. Mazard 38, dans lequel
l’insertion de citations du journal intime de David rend le roman à la première
personne très convaincant dans la traduction des émotions d’Ugo et de sa
famille. Dans une langue très sobre mais où chaque phrase exprime la retenue
des sentiments, l’auteure parvient à entrecroiser les fils de deux histoires, celles
de deux frères à la fois proches et opaques l’un pour l’autre.

4. Œuvres littéraires se présentant sous la forme d’un récit de vie

4.1. Autobiographies
Plus soucieuses de reconstruire l’identité narrative du personnage principal
dans la continuité d’une chronologie, plusieurs œuvres se présentent com-
me des autobiographies qui permettent de donner une forme relativement
conventionnelle à une conscience immergée dans le temps. Dans L’automne
de Chiaki, K. Yumoto 39 bâtit un récit très élaboré où, grâce à la reconstruction
d’un projet personnel de vie, l’ordre du sens le dispute toujours au simple
ordre chronologique. Après une nécessaire étude de la chronologie – relative-
ment complexe – des événements relatés, L’automne de Chiaki peut faire l’objet
d’une analyse approfondie des nombreux fils thématiques qui en font l’origi-
nalité : le deuil au premier rang, mais aussi le partage du chagrin, la volonté
d’autonomie de l’adolescent, le choix d’un métier, l’amitié et la solidarité entre
les générations.
Dans Moi Richard, cireur de chaussures et Les cahiers de Baptistin Étienne,
J. F. Koller 40 et B. Solet 41 jouent eux aussi de l’ambiguïté romanesque en
construisant un récit très documenté, dès lors plus proche du récit de vie que
de la fiction romanesque. Le livre de B. Solet introduit le lecteur dans l’intimité
d’un jeune homme dont le destin est emblématique d’une population amenée
à travailler très tôt et dans des conditions difficiles et ingrates. C’est donc avec
la force d’un témoignage qu’il pourra être reçu en classe, surtout si l’on peut
lui joindre divers éclairages sur une réalité sociale et économique qui n’a pas
totalement disparu. Il en est de même dans Mon ami Frédéric de H. P. Richter 42
auquel la datation des trente chapitres confère l’instance narrative propre au
journal intime et au récit autobiographique. Le narrateur, qui reste anonyme,
raconte son existence en Allemagne auprès de son voisin et ami juif, Frédéric,
depuis leur naissance en 1925 jusqu’au dénouement tragique en 1942.

38 Syros Jeunesse, 2000.


39 Le Seuil Jeunesse, 2004.
40 Hachette Jeunesse, 1996.
41 Hachette Jeunesse, 2003.
42 Hachette Jeunesse, 2002.

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

4.2. Récits épistolaires de caractère autobiographique


Deux textes retiennent ici l’attention par l’originalité et la qualité de l’écriture
de soi qu’ils proposent. Dans La plus grande lettre du monde de N. Schneegans 43
a bâti le récit autobiographique de Nicolas, déguisé en une longue lettre desti-
née à une figure féminine idéale. De même dans Je t’écris, j’écris…, G. Caban 44
propose un roman en deux époques, puisque édité une première fois sous une
forme épistolaire avec le titre Je t’écris, puis dans un deuxième temps une suite
sous une forme de journal intime avec J’écris… Dans la première partie « je »
est une fille qui écrit tous les jours du mois de juillet à son amoureux comme
convenu. Malheureusement le courrier en retour se fait attendre et cela rompt
le contrat entre les deux amoureux. A partir du 4 août, « tout est changé »,
« c’est le début de mon journal ». L’écriture est différente, mais c’est de l’écri-
ture : « Je n’écrirai plus à personne mais j’écrirai quand même ». La rédaction
du journal crée un lien intime entre le père et la fille. Les détails techniques de
l’écriture du journal apparaissent et se règlent de jour en jour 45.

5. Albums dont le texte s’inspire de la forme du journal intime

5.1. Le jeu texte/images, une richesse de l’album


Que peut apporter, à cette problématique de l’écriture de soi fictionnalisée,
l’album qui est né de nouveaux mariages texte/image liés au souci de propo-
ser des récits plus tangibles et séduisants au jeune lecteur ? Plusieurs œuvres
récentes ont montré tout l’intérêt de la combinaison de l’image et du journal
intime, qui est, rappelons-le, un texte fragmentaire formant un récit disconti-
nu. Or l’album propose lui-même généralement un texte dont la cohésion des
différents énoncés est distendue. Ces énoncés sont parfois peu reliés entre eux,
ce qui sert l’écriture de récits de vie quotidienne peu structurés (cf. Un pays loin
d’ici de N. Gray et P. Dupasquier 46). Le texte est alors plutôt un commentaire
de l’image, constitué en énoncés autonomes. Il possède souvent une valeur os-
tensive en annonçant l’image qui va suivre (voir le début de Toutou dit tout de
C. Boujon 47). L’album présente un texte dont le rôle est de délimiter des unités
de lecture : il assure la séparation des images (La plus mignonne des petites souris

43 Hachette Jeunesse, 2001.


44 Gallimard Jeunesse, 1987 et 1995.
45 En voici quelques exemples : « Pour un journal, un cahier c’est mieux » ; « Un journal, c’est personnel » ;
« J’écris quand même un peu parce que c’est un journal, et qu’un journal, c’est tous les jours » ; « Je ne
sais pas si dans un journal un peut parler de “demain”. Peut-être pas. On peut, mon père me l’a dit, et
de l’hier et de l’avant-hier. » ; « Je ne peux plus écrire d’aujourd’hui puisque j’ai écrit long d’hier. Peut-
être que dans un journal, on doit toujours écrire un peu la même longueur. » ; « Si quelqu’un rentre,
vite, je cacherai mon journal. Un journal, c’est secret, ça, je le sais. » ; « Personne ne sait que j’écris mon
journal sauf, bien sûr, mon père, mais je sais qu’il ne l’a dit à personne et en plus il ne me demande
jamais ce que j’écris. Je lui dis des petits bouts. » ; « Pour le “tous les jours” et pour la longueur, on n’est
pas obligé. Mon père me l’a dit. » ; « J’écris dans les vieux cabinets dehors. Là, je suis tranquille. »
46 Gallimard, 1986.
47 L’école des loisirs, 1996.

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d’É. Morel 48). Le texte possède une forte valeur dénotative : il oriente la lecture
de l’image en limitant les possibles interprétatifs. L’album peut aussi présenter
un texte et des images complètement autonomes.
L’album ne prépare donc pas directement à la lecture du texte écrit auto-
nome mais constitue un objet de lecture spécifique. La forme album incite à
regarder l’écrit autrement, à se déplacer librement entre l’écrit et l’image. Il y
a dans tous les cas un va-et-vient constant et étroit entre le texte et l’image.
S’affirme ainsi plus clairement la fonction pédagogique du récit scripto-figural.
L’image relaie le texte ou l’anticipe en racontant parfois la même chose que lui,
ce qui veut dire que le message narratif est constant d’un mode d’expression
à un autre. Il n’y a pas de solution de continuité de l’image aux mots : c’est la
même « histoire » que l’on suit. D’une certaine manière, l’album affirme une
indépendance interne du récit (canevas, ossature) quelles que soient les tech-
niques qui servent à l’exprimer : image, langage s’adaptent à la structure du
récit et non l’inverse. C’est donc la familiarisation avec ce message narratif qui
explique ensuite l’absence de rupture pour le jeune lecteur entre l’album et les
romans présentés plus haut, bien que les codes sémiotiques aient changé.
L’album peut être un support privilégié pour les apprentis-lecteurs de jour-
naux intimes et d’autobiographies et l’image leur fournit une aide précieuse.
Mais l’image de l’album ne se contente pas de représenter les choses ; elle les
montre inscrites dans un contexte. De fait, elle développe souvent des poten-
tialités de sens du texte. Si l’ensemble texte/image fait signe, il y a rarement
simple équivalence entre eux ; l’image recoupe partiellement les informations
données par le texte. Les informations de l’un et de l’autre sont complémentai-
res et non redondantes. L’apprenti-lecteur devra donc être amené à découvrir
devant chaque nouvel album en Je le type de relation entre le texte et l’image.
Derrière les images comme derrière le texte de l’album, il y a toujours une rela-
tion pensée qui doit être comprise par chacun.

5.2. Quelques concrétisations de ces rapports texte/images


Dans Le type, fragments du journal intime de P. B., P. Barbeau 49 place, en vis-à-
vis d’images réalisées par F. Cinquin, un journal intime de structure répétitive.
Les superpositions et le renouvellement constant des images, proches de cel-
les qu’on peut trouver dans un carnet de croquis, servent de contrepoint aux
fulgurances du texte sans que le lien entre les deux systèmes sémiotiques soit
explicite. Seul le travail du lecteur permettra de trouver ces liens. De même,
un jeu entre un texte mouvant, ouvert aux aléas de la vie quotidienne, et
des images plus monumentales est inscrit au cœur du Journal d’un chien de
Y. Murakami 50, qui annonce d’ailleurs l’étonnant Une histoire à quatre voix
d’Anthony Browne 51.

48 Flammarion, 1995.
49 L’atelier du poisson soluble, 1999. Œuvre inscrite dans le document d’application Littérature au cycle 3.
50 Circonflexe, 1995.
51 L’école des loisirs, 1998.

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

Le journal intime peut nourrir un récit d’aventures adapté aux plus jeu-
nes lecteurs. Ainsi, La fabuleuse découverte des îles du dragon, avril-juin 1819,
à bord de l’argonaute : journal de bord de Lord Nathaniel Parker, K. Scarborough
& J. Kelly 52, se présente comme un vrai-faux document. L’intérêt ici est sur-
tout de découvrir comment l’auteur mêle ce qui relève du vraisemblable et ce
qui relève du fabuleux, dans les textes de nature très diverse – journal, textes
informatifs, récits… – comme dans l’iconographie. Cela suppose la confron-
tation avec de vrais documents scientifiques et la connaissance des monstres
et animaux légendaires. Le thème des voyages imaginaires peut être à l’ori-
gine d’une mise en réseau croisant les extraits d’œuvres patrimoniales, comme
L’Odyssée ou Les voyages de Gulliver, et d’ouvrages contemporains, comme ceux
de François Place, Les derniers géants et L’Atlas des géographes d’Orbae 53. Dans
la même veine, Escales, carnet de croquis de Rascal 54 est un récit d’une grande
beauté plastique dont l’intérêt narratif réside surtout à la fois dans les zones
d’ombre laissées entre chaque double-page et que le lecteur va combler dans
l’imaginaire, et dans l’appariement étonnant du texte et de l’image. À l’inverse
de ces diverses tentatives de saisie de fragments du réel, un album comme Le
journal intime de Suzy Lapin queue de cotton de T. Dockay 55 reconstitue un mo-
ment complet de la vie quotidienne de l’héroïne.

5.3. Autobiographie, philosophie et histoire


L’écriture de soi dans l’album croise parfois la forme du récit rétrospectif de
type allégorique et la mise en scène d’une réalité historico-sociale. Ainsi, dans
Le voyage de grand-père d’A. Say 56, Otto, autobiographie d’un ours en peluche de
T. Ungerer 57 ou Le loup rouge de F. K. Waechter 58, certains faits sociaux et histo-
riques (respectivement, l’émigration de Japonais aux États-Unis, la persécution
des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, le front russe durant cette même
guerre) sont évoqués à travers le destin d’un personnage emblématique qui
tente de donner sur sa vie aventureuse un éclairage rétrospectif, porteur de ré-
flexions philosophiques. Texte et images sont liés par une relation de complé-
mentarité puisque le texte ne porte que la voix intérieure du personnage prin-
cipal, tandis que l’image prend en charge les lieux de l’action reconstruits par
une subjectivité. De même, les images stylisées de Nuit d’orage de M. Lemieux 59
soulignent le questionnement existentiel d’une petite fille.

52 Gründ, 1996. Œuvre inscrite dans le document d’application.


53 Casterman, 2001.
54 L’école des loisirs, 1994.
55 Éd. Pêche Pomme Poire, 2002.
56 Gallimard, 1998.
57 L’école des loisirs, 2001. Œuvre inscrite dans le document d’application.
58 L’école des loisirs, 2000. Œuvre inscrite dans le document d’application.
59 Albin Michel, 1997. Œuvre inscrite dans le document d’application.

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6. Quelques axes pour un traitement didactique de ces œuvres

6.1. Favoriser des interactions lecture/écriture pour limiter des difficultés


en lecture littéraire
Les fictions citées précédemment entretiennent toutes, on l’a vu, des rela-
tions de filiation avec d’autres modes de discours littéraires, d’autres formes
d’expression présentes dans la culture et qui répondent à des pratiques sociales
authentiques. Toutefois, en les mimétisant, ces fictions peuvent cultiver pres-
qu’à l’excès certaines de leurs caractéristiques stylistiques au point de freiner
les élèves, par exemple des structures énumératives, des parenthèses ou des
coq-à-l’âne comme dans cet extrait de Je t’écris, j’écris de G. Caban :
« L’eau est froide. On a de la glace aux chevilles.
J’ai ta bague. Je ne l’enlève jamais même pour me baigner. » 60
La structure parataxique de nombreux extraits de journaux intimes risque
de gêner des apprentis-lecteurs. De même, l’absence de progression narrative
ou l’extrême minutie de notations personnelles du narrateur peuvent entraî-
ner une rupture par rapport à des habitudes de lecture et induire des réactions
de lassitude. Pour ces raisons, on aura tout intérêt, en abordant ces fictions en
classe, à renforcer la connaissance des « genres premiers » dont elles s’inspi-
rent, soit par la lecture, soit par des pratiques d’écriture de soi. Autrement dit,
il serait intéressant de mettre au jour les tensions entre la représentation de
pratiques réelles et sa transposition – sa « mise en scène » – dans ces fictions.
Ainsi Le journal de Chloé imaginé par S. Pernusch peut être, tour à tour, un mo-
dèle à imiter ou une référence à méditer, invitant à prendre soi-même la plume
et/ou à réfléchir aux fonctions d’un journal intime. De même, au collège, le
journal imaginé par D. Laufer, Je n’oublierai jamais ces moments-là, appellerait
un effort du lecteur/scripteur pour trouver dans sa propre expérience un res-
senti tout aussi fort, lié à la disparition d’un proche et, le cas échéant, pour
l’écrire. L’invitation à établir des correspondances peut toutefois déboucher
sur d’autres modes d’appropriation du livre : la lecture à haute voix de certains
extraits, par exemple, car le texte est proche d’une forme de prose poétique.
Les œuvres citées ne sont nullement assujetties à ces genres premiers que
sont le journal intime et l’autobiographie mais imitent leur structure et, par
conséquent, font apparaître des caractéristiques différentes de celles présentes
dans les modèles. C’est pourquoi il semble en outre intéressant que le jeune
lecteur connaisse de près les genres mimétisés, voire parodiés pour saisir les
significations du récit de fiction. C’est notamment l’approche que nous préco-
nisons pour l’œuvre de G. Caban, Je t’écris, j’écris… citée plus haut. Elle permet
une confrontation aisée entre deux genres proches, à la fois thématiquement
et formellement, même si les jeux d’énonciation sont différents. L’étude de tel-
les œuvres citées peut donc débuter d’un point de vue génétique et structurel
en soulignant notamment les enjeux de l’écriture de soi.

60 G. Caban, op. cit., p. 13.

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

En effet, le récit rétrospectif/introspectif a pour point d’appui généralement


un débrayage par rapport à la vie ordinaire. Il repose sur une situation d’excep-
tionnalité que la situation d’écriture solennise en faisant surgir des lignes de
force du passé. Celui-ci est présenté comme un milieu provisoirement obscur,
dont l’obscurité va se dissiper grâce, justement, au travail de l’écriture. Pour
cette raison, l’avancée de la fiction à la première personne est comparable à
une lente et progressive mise au point du regard, ou encore, sur un plan plus
cognitif, à une recherche d’interactions fructueuses entre mémoire et souvenir.
En rappelant des expériences passées, en effet, l’écriture narrative les construit
en les éclairant d’un jour nouveau. Mais le tour de force de ces écritures de soi
consiste aussi à intéresser le lecteur au fait que ce passé ne compte pas en tant
que tel mais qu’il devient une connaissance par rapport à un présent qui l’en-
globe et l’illumine rétrospectivement. Dans le journal intime reconstitué, en
l’occurrence, ce présent correspond au moment de sortie de crise du Je-origine,
sortie très progressive, au terme d’un long processus de dévoilement de la vé-
rité de l’être 61. L’expérience passée doit être comprise finalement comme une
expérience donnée dont les conséquences restent actuelles.

6.2. Suivre pas à pas l’évolution d’une écriture


L’écriture de soi suppose donc ici une distance de soi à soi – et non pas une
position narcissique – qui est justifiée par une difficulté provisoire (équivalent
du nœud déclencheur du récit dans le roman ou la nouvelle) et qui permet au
narrateur de se ressaisir d’une réalité complexe. Généralement, comme on l’a
vu dans les œuvres citées, cette réalité passée est une matière fort riche mais
qu’il faut réorganiser et déchiffrer à l’aide de l’écriture, qui est soudain exhaus-
sée en tant que mode de connaissance privilégié. Un événement, appartenant
ou non à l’Histoire, a introduit une discontinuité dans la vie personnelle du
narrateur ; l’écriture de soi va permettre de rétablir une continuité de la vie per-
sonnelle, notamment en en rendant intelligibles certains signes, par exemple
telles ou telles rencontres, telles ou telles conversations. L’écrivain va tenter de
situer l’origine de cette rupture, qui a fait du présent un lieu généralement in-
habitable en l’état, en l’éclairant de causes réelles ou supposées, intérieures ou
extérieures, historiques ou sociales, et en montrant ses conséquences, intimes
ou familiales, momentanées ou durables, ainsi que son évolution et ce que
celles-ci engagent. Le passé n’intéresse le narrateur qu’en tant qu’il implique le
présent comme son prolongement logique. En outre, il ne se donne à lui qu’au
prix de nombreux et coûteux efforts dont l’écriture – située dans ce présent
– porte constamment témoignage.
Le journal est donc proche d’un récit de lutte contre l’oubli, l’erreur, la
tromperie de l’apparence ou encore la lassitude de l’effort de remémoration.
Puisque le récit ainsi créé ne se contente pas de relater de l’extérieur un proces-
sus de transformation mais souligne sans cesse l’importance de l’acte d’écrire,
ces œuvres se ressentent à la fois, comme nous l’annoncions en introduction,

61 Comme le souligne Sébastien Hubier dans Littératures intimes, Paris, A. Colin, 2002, ceci n’est pas vrai
dans les vrais journaux dont l’inachèvement est un point caractéristique.

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de certaines évolutions du roman contemporain, où l’écriture d’une aventure


personnelle coïncide avec l’« aventure d’une écriture » 62 dont il serait intéres-
sant de suivre les transformations, les attentes, les succès comme les difficultés
et les échecs, en les détachant provisoirement des événements rapportés eux-
mêmes. Les finalités ainsi que l’ambiguïté possible 63 de l’écriture de soi pour-
raient être interrogées collectivement.

6.3. Mieux comprendre les enjeux du questionnement identitaire


Comme on l’a vu, dans l’œuvre de fiction mimant l’écriture de soi, il y a
rencontre entre le récit et la question de l’identité. En effet, dans la littérature
de jeunesse, le monde fictionnel permet de mettre en scène des êtres chez qui le
questionnement existentiel a pris une intensité remarquable dans un contexte
de changement et de remise en question de soi, de doute voire de soupçon sur
l’identité. Dans cet esprit, la réflexion sur l’identité s’intensifie dans la mise
en récit du donné biographique. Le récit, qu’il soit verbal ou iconique, semble
être la forme la plus adéquate pour interroger l’identité de la personne dans
la diversité de ses expériences 64. Là où règne constamment l’incertitude sur la
continuité et la consistance de soi, il devient essentiel pour le personnage en
proie à la question de son identité d’ouvrir un dialogue intérieur entre l’ex-
périence vécue, dans sa diversité et sa spécificité, et sa mise en récit. Le récit
soutient ce dialogue ; il lui donne vie 65. En outre, il permet de donner une suite
logique à des épisodes de vie qui, sans lui, resteraient à l’état de bribes illisibles.
Il donne sens et unifie sans gommer la complexité des séquences.
L’insistance sur les questions d’identité découle du choix inaugural de met-
tre en scène des personnages au sortir de l’enfance (ou un être pouvant passer
pour un substitut de l’enfant), vivant pour cette raison un surcroît d’incerti-
tude, voire d’inquiétude et d’angoisse. L’identité du personnage principal est
à la fois mouvante et singulière tout en pouvant passer pour un reflet de ten-
dances plus générales rencontrées dans la société tout entière. Cette identité
ne se réduit pas à sa carte d’identité mais elle se dessine sur un fonds toujours
mouvant d’événements, de faits, de personnes et d’idées dont est tissée l’expé-
rience. L’œuvre se développe dans une tension entre le souci de montrer une
personnalité cohérente, une continuité de l’expérience, et celui de souligner
l’impact des ruptures qui affectent cette personnalité. Le personnage doit rester
cohérent dans un contexte de flottement des repères existentiels. Sa singularité
ne doit pas empêcher une certaine stabilité et permanence de la personne.

62 La formule est de Jean Ricardou dans Problèmes du nouveau roman, Paris, Gallimard, 1965.
63 Cf. la contribution dans ce numéro de Marie-Claude Penloup qui souligne le fait que les jeunes
scripteurs de journaux intimes sont d’emblée confrontés à la complexité des postures énonciatives et
intègrent très progressivement certaines normes du genre.
64 Paul Ricœur a analysé les enjeux philosophiques de cette mise en récit du donné biographique
notamment dans Temps et récit (Paris, Le Seuil, 1983) où il souligne que « le temps devient temps
humain dans la mesure où il est articulé sur un mode narratif, et que le récit atteint sa signification
plénière quand il devient une condition de l’existence temporelle » (Temps et récit, vol. I, p. 105).
65 Pour d’autres développements sur ce point, cf. Claude Le Manchec, L’expérience narrative, Lyon, INRP,
2005.

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

C’est pourquoi l’écrivain procède à des reformulations successives de la per-


sonnalité de son héros tout en maintenant une lisibilité d’ensemble.
L’identité est vue comme quelque chose qui se construit, comme un proces-
sus et non comme un donné ou une substance. Le récit autobiographique pro-
pose au lecteur de réfléchir à la genèse du moi, mieux, de faire de cette genèse
le sujet même de l’œuvre. L’écrivain insiste sur les aspects subjectifs du proces-
sus tout en l’inscrivant dans une dynamique. Temps et identité du personnage
– ou, pourquoi pas, du jeune lecteur, scripteur potentiel d’un journal intime
– sont liés puisque le dialogue entre passé et présent, dans le récit rétrospectif,
est un des principaux points d’appui de la réflexion sur l’identité. La question
de l’identité du personnage a besoin de cette mise en dialogue passé/présent
pour se construire. Se développe une forme d’identité narrative très sensible à
l’inscription du sujet dans le temps, à son épaisseur d’historicité. L’œuvre peut
dès lors donner accès à différents aspects non seulement de l’identité person-
nelle du lecteur/scripteur lui-même mais aux dimensions temporelles de celle-
ci. Ce dialogue entre passé et présent permet de discuter puis d’intérioriser
quelques-unes des règles et normes de la vie sociale.
Dans le récit rétrospectif/introspectif de fiction, le temps devient un al-
lié essentiel du narrateur puisque le récit lui-même devient une condition de
l’existence temporelle et aide à penser l’identité à travers ses développements
temporels. Le temps devient du temps humain dès lors qu’il est pris en charge
par le récit. Le récit rétrospectif/introspectif permet de suivre le pouvoir de réa-
lisation de la personne dans le temps. Le lecteur additionne constamment des
éléments de savoir sur la personne. Il suit l’avènement de l’autre en soi, le nou-
veau à partir de l’ancien, le passage du même à l’autre, certaines transitions de
l’être qui font que le héros est à la fois le même et un autre. Saisir l’insaisissable
intimité de la personne, ce qui fait la saveur de l’expérience passée. D’où la di-
mension d’enquête, d’analyse très fine de l’être dans la succession temporelle
pour savoir ce qui le « qualifie » au sens que donne à ce mot R. Musil.

6.4. Adopter un autre type de héros


Plusieurs œuvres citées montrent l’insertion de la personne et plus encore
celle du temps personnel dans le temps historique et leur confrontation pos-
sible. L’Histoire est ainsi présentée comme le tissu d’une foule d’histoires, plus
ou moins emblématiques et imbriquées. Le récit est alors récit de la façon dont
le narrateur fut engagé dans l’événement et prit ou non du recul par rapport à
lui en lui donnant sens et valeur. Lieux, événements, personnages sont donnés
dans le récit comme autant de repères extérieurs au Je-origine, permettant,
au prix parfois de coûteux efforts, d’assurer à la remémoration une certaine
objectivité. La vie du narrateur, plus proche dès lors de la personne réelle que
du héros romanesque immanent à la fiction, n’est lisible finalement qu’à partir
de toutes ces déterminations. Comme dans L’automne de Chiaki présenté plus
haut, c’est moins son action présente et concrète qui compte pour le lecteur
que l’éclairage que le romancier peut en donner en mettant au jour ce qui
l’attache à un certain passé. L’auteur montre alors comment son personnage a

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Claude Le Manchec

participé au temps historique et rend plus lisible le passage d’une expérience


personnelle à une expérience élargie, collective. Par là, le romancier tente de
retrouver l’unité de la personne réelle, dispersée habituellement et peu lisible,
et donne sa propre lecture du sujet à travers les événements, les circonstances
qui le déterminent, au moins partiellement. À l’instar d’Enfance de N. Sarraute,
il souligne la complexité de la personne due à l’interpénétration en elle de
multiples dimensions temporelles et sociales. Le temps de la personne est lu à
partir du temps historique, ce qui lui confère une intelligibilité nouvelle sup-
plémentaire et une plus grande objectivité. On est bien encore une fois, non
dans le seul ordre chronologique, mais dans l’ordre du sens qui permet de
rendre des événements éloignés solidaires. Le passé est à la fois fort et plein,
enrichi au fil de l’écriture de dimensions nouvelles.

6.5. Le passé, une valeur à discuter


Œuvres littéraires, les journaux intimes et autobiographies présentées ici
sont fondés sur de multiples tensions dues notamment au mode de détour-
nement de l’écriture de soi qui est souvent, essentiellement, une écriture pour
soi. Écrire en mettant en avant un Je et en faisant surgir son passé d’une gan-
gue d’incertitude, c’est donner accès à la vie intérieure du personnage, parfois
de façon discontinue comme dans les fictions qui enchâssent, comme on l’a
vu, des extraits de journaux intimes. Mais c’est aussi passer d’une simple ex-
périence du temps à une représentation du temps qui utilise des conventions
sociales (le calendrier au premier chef), données par une culture et partagées
par les lecteurs. Sans cesse donc, ces voix de l’intime croisent et se soutiennent
de l’expérience des autres. Ce qui vient de moi ne peut exister qu’en tenant
compte de ce qui vient des autres. Interprètes de signes, ces œuvres sont elles-
mêmes des signes tendus à autrui pour qu’il les interprète et confronte sa pro-
pre expérience du passé à celle du narrateur. L’énonciateur appelle constam-
ment la réponse de l’énonciataire. À l’arrière-plan de toutes les œuvres citées,
comme d’ailleurs de la plupart des œuvres de fiction de la littérature de jeunes-
se, reste présente une communication avec l’autre, soit parce que celui-ci est
inscrit directement dans l’œuvre sous la forme par exemple d’un destinataire
(nulle mieux qu’Anne Frank n’a exprimé cet appel à l’autre avec son « Chère
Kitty »), soit, mieux encore, parce qu’il est censé partager avec le narrateur une
connivence qui lui permet de donner sens et valeur aux événements relatés.
Le Je se soutient constamment de l’existence d’un Tu avec qui il communique
sous la forme de références et d’expériences à partager 66. Mais les œuvres de
caractère rétrospectif/introspectif qui nous intéressent ici franchissent un pas
supplémentaire en se donnant souvent non pas seulement comme une re-
construction mais aussi et surtout comme une révélation et une incantation
d’un passé difficile, voire douloureux. Ce qui a été ne peut plus être autrement
et l’irréversibilité du temps vécu n’est pas une donnée négociable. Restent ce-
pendant les conséquences actuelles et la force d’une expérience donnée dont

66 Cf. Walter Benjamin : « L’art de raconter des histoires est l’art d’échanger des expériences », in Œuvres,
t. III, Gallimard, 2001, p. 124.

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

l’écrivain a tenté de déchiffrer l’empreinte. Reconnaissance d’un passé mais


aussi des valeurs attachées à ce passé et partageables avec d’autres aujourd’hui,
l’œuvre se présente alors comme un appel à la jeunesse d’aujourd’hui, une in-
citation au travail de la mémoire, pour qu’elle n’oublie pas certains aspects du
passé et mieux encore se sente elle-même, comme le narrateur, impliquée par
lui, et trouve, le cas échéant, dans sa propre expérience, des points de conver-
gence, d’autres solidarités et continuités. Plusieurs des œuvres citées attendent
donc diverses formes de répliques de la part du lecteur : au moyen de l’écrit
tout d’abord, des récits de vie ou, plus modestement, l’expression et la mise
en forme de souvenirs à la façon des « Je me souviens » de Georges Perec, ou
encore des enquêtes et des mises en récit de témoignages ; au moyen de l’oral,
la construction de jugements à la fois de goût et de valeur.

Conclusion

Nous avons vu que, du côté des écrivains, le passé revêt une pluralité de
sens et peut être remémoré, tandis que le futur oblige à l’attente et suggère la
perplexité. La tâche qu’ils se donnent consiste à reconstruire tout ou partie du
passé d’un personnage à partir de fragments qu’ils exhument et qu’ils mettent
en valeur en cherchant un mode de présentation adéquat de l’expérience per-
sonnelle. Ils proposent donc non seulement une évocation du passé mais une
reconstruction par le langage et dans le langage, permettant une méditation
sur des expériences plus ou moins enfouies, plus ou moins lisibles.
Une littérature de jeunesse audacieuse, qui se pose en mode de création
contestant de plus en plus nettement un point de vue unique, trop explicite,
donné par l’adulte, mais où les jugements de valeur d’un adulte affleurent et
restent à interpréter, ne pouvait pas esquiver la question de l’écriture en Je,
donnant la parole à un narrateur enfant ou adolescent. Le point de vue de
l’adulte, s’il est moins saillant, n’a pas toutefois disparu. Il est devenu plus im-
plicite en se métamorphosant dans la reconstruction forcément subjective du
passé d’un enfant ou d’un adolescent fictifs mais vraisemblables. Toutefois, ces
œuvres peuvent ouvrir en classe sur des connaissances objectives : donner en
effet une réalité à l’être passé, considérer l’acceptation du temps qui passe com-
me condition de l’existence, se représenter l’existence comme un changement
d’états, une succession de formes, exigent de trouver une forme englobante et
suffisamment souple comme le journal intime et l’autobiographie.
Chacune de ces formes peut être laissée à l’appréciation de chacun et son
intérêt peut être discuté en classe. Les liens que nous proposons d’établir entre
ces œuvres ne résident donc pas seulement dans les objets mais aussi et sur-
tout dans les modes de réception et dans les connexions que peut établir entre
elles le lecteur. Leurs modes d’appropriation constituent en eux-mêmes un défi
suffisamment stimulant, au plan de l’enseignement de la littérature, pour lan-
cer la recherche dans leur direction. Il serait certes abusif de prétendre que le
domaine ainsi concerné est homogène et appelle des modes d’appropriation

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Claude Le Manchec

identiques. Mais nous pensons qu’à travers ces genres, d’autres approches de
la littérature sont possibles, reposant justement sur d’autres modalités de ju-
gement des œuvres. Ces modalités de jugement sont elles-mêmes en relation
étroite avec les espaces imaginaires proposés.

Bibliographie

BAUDELOT, C., CARTIER M. & DÉTREZ, C. (1999) : Et pourtant ils lisent…,


Paris, Le Seuil.
BENJAMIN, W. (2001) : Œuvres III, Paris, Gallimard.
BISHOP, M.-F. & LABAS, P. (2004) : « Écrire, lire, parler d’autobiographies à
l’école primaire », Le français aujourd’hui, n° 147, p. 67-78.
CANVAT, K. (1993) : « Genres et enseignement de la littérature », Recherches,
AFEF, n° 18, p. 5-22.
ESCARPIT, D. & POULOU, B. (dir.) (1993) : Le récit d’enfance, Paris, Le Sorbier.
HAMBURGER, K. (1986) : Logique des genres littéraires, Paris, Le Seuil.
HUBIER, S. (2002) : Littératures intimes, Paris, A. Colin.
KAUFMANN, J.-P. (2005) : L’invention de soi. Une théorie de l’identité, Paris,
Hachette.
LEJEUNE, P. (1986) : Moi aussi, Paris, Le Seuil.
LE MANCHEC, C. (2005) : L’expérience narrative, Lyon, INRP.
RICARDOU, J. (1965) : Problèmes du nouveau roman, Paris, Gallimard.
RICŒUR, P. (1983) : Temps et récit, Paris, Le Seuil.
ROQUES, M.-H. (dir.) : L’autobiographie en classe, Paris/Toulouse, CRDP/Delagrave.
TAUVERON, C. (dir.) : La lecture et la culture littéraire au cycle des approfondissements,
actes de la Desco, MEN, Scérén/CRDP de Versailles, 2004.

Rappel et classement des œuvres citées

Albums
Niveau primaire
Le type, pages arrachées au journal intime de Philippe Barbeau, Philippe Barbeau et
Fabienne Cinquin, Atelier du poisson soluble.
La fabuleuse découverte des îles du Dragon, avril-juin 1819, à bord de l’argonaute :
journal de Lord Nathaniel Parker, Kate Scareborough, Gründ.
Escales, carnet de croquis, Rascal et Louis Joos, L’école des loisirs.
Nuit d’orage, Michèle Lemieux, Le Seuil Jeunesse.
Journal d’un chien, Yukuo Murakami, Circonflexe.

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L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse : description et enjeux didactiques

Le journal intime de Suzy Lapin queue de cotton, Tracy Dockay, éd. Pêche, pomme,
poire.
Le loup rouge, Friedrich Karl Waechter, L’école des loisirs.
Un pays loin d’ici, Nigel Gray et Philippe Dupasquier, Gallimard.
Otto, autobiographie d’un ours en peluche, Tomi Ungerer, L’école des loisirs.

Romans
Niveau primaire
Mon je-me-parle, Sandrine Pernusch, Casterman.
Avec tout ce qu’on a fait pour toi, Marie Brantôme, Le Seuil Jeunesse.
J’écris, je t’écris, Geva Caban, Gallimard Jeunesse.
C’est la vie, Lili, Valérie Dayre, L’école des loisirs.
Le journal de Clara, Brigitte Peskine, Hachette.
La maison des petits bonheurs, Colette Vivier, Casterman.
Les secrets de Faith Green, Jean-François Chabas, Casterman.
Sarah la pas belle, Patricia Mac Lahlan, Gallimard.
Le journal de Caleb, Patricia Mac Lahlan, Gallimard.
Le chat de Tigali, Didier Daeninckx, Syros.
La plus grande lettre du monde, Nicole Schneegans, Hachette.

Niveau collège
« Brouillard de neige », in À la vie, à la mort, Paule du Bouchet, Gallimard
Jeunesse.
Le journal d’Adèle, Paule du Bouchet, Gallimard Jeunesse.
Le naufrage du Zanzibar, Michael Morpurgo, Gallimard Jeunesse.
Vers des terres inconnues, Karen Hesse, Gallimard Jeunesse.
Les cahiers de Baptistin Étienne, Bertrand Solet, Hachette.
Le royaume de Kensuké, Michael Morpurgo, Gallimard Jeunesse.
Coup de foudre, Nicole Schneegans, Rageot.
Je ne suis plus une enfant, Hila Colman, L’école des loisirs.
Écoute mon cœur, Janine Teisson, Syros.
Le goût de la mangue, Catherine Missonnier, éd. Thierry Magnier.
Moi, Richard, cireur de chaussures, Jackie French Koller, Hachette.
Maman les p’tits bateaux, Claire Mazard, Syros.
Mon ami Frédéric, Hans Peter Richter, Hachette.

Niveau fin collège/lycée

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Claude Le Manchec

L’automne de Chiaki, Kazumi Yumoto, Le Seuil Jeunesse.


Mathieu pour toujours, Sandrine Pernusch, Rageot.
Meurs la faim, Anne Colmerauer, Gallimard.
Un été algérien, Jean-Paul Nozière, Gallimard.
Avec tout ce qu’on a fait pour toi, Marie Brantôme, Le Seuil Jeunesse.
Journal d’une sorcière, Célia Rees, Le Seuil Jeunesse.
Le cahier rouge, Claire Mazard, Syros Jeunesse.
Le petit soleil jaune, Janine Teisson, Syros Jeunesse.
L’enfant caché, Berthe Burko-Falcman, Le Seuil Jeunesse.
Sobibor, Jean Molla, Gallimard.

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