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Etre Un Leader Createur Inconnu - e

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Être

UN LEADER CRÉATEUR
PASCALE DUFRESNE

Être
UN LEADER CRÉATEUR

Réconciliez performance humanité


Dirigez dans la complexité
avec conscience et sérénité
Conception de la couverture et mise en pages :
Christian Campana – www.christiancampana.com
Illustrations et graphiques : Anne-Marie Jacques
Aide à la révision : Julie Therrien

Tous droits réservés


© 2023, BÉLIVEAU Éditeur

Dépôt légal : 1er trimestre 2023


Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada

ISBN : 978-2-89793-264-0
ISBN Epub : 978-2-89793-265-7

567, rue de Bienville


Boucherville (Québec) Canada J4B 2Z5
450 679-1933
www.beliveauediteur.com
admin@beliveauediteur.com

Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion


SODEC – www.sodec.gouv.qc.ca.
Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada.
Reproduire une partie quelconque de ce livre sans l’autorisation de la maison d’édition est
illégal. Toute reproduction, utilisation d’un extrait du Epub ou du PDF, par quelque procédé
que ce soit autre qu’autorisé par l’éditeur sera considérée illégale et une violation du
copyright passible de poursuites pénales ou civiles. Tous droits de traduction et
d’adaptation réservés.
À vous, leaders,
qui osez accepter l’appel à vous transformer
afin de mettre tout ce que vous ÊTES
au service de votre mission personnelle
et ainsi laisser le monde
mieux que vous ne l’avez trouvé.

Leaders créateurs de possibles,


j’ai écrit ce livre pour vous.
Qu’il vous accompagne
et vous soutienne sur votre route.
INTRODUCTION
À PROPOS DE CE LIVRE

Je pose souvent cette question dans des conférences et des parcours de


développement : « Parlez-moi des leaders qui vous ont marqué et inspiré.
Quelles sont leurs caractéristiques ? »
Chaque fois, je reçois les mêmes réponses. On ne me parle pas de leurs
qualités de gestion comme leur habileté à planifier et à organiser, ni de leurs
compétences techniques, de leurs diplômes et de leur savoir. On ne me
décrit pas non plus des leaders qui ont réponses à tout ou qui sont forts et
tout puissants. Jamais. Ce que j’entends plutôt, c’est comment ces
personnes ont été marquées par les qualités humaines de ces leaders
inspirants : l’écoute, l’empathie, la sensibilité, l’authenticité et l’humilité.
Des qualités d’être.
Diriger des équipes en 2022 n’est pas la même chose qu’il y a 30 ans
lorsque j’ai fait mon entrée sur le marché du travail et que j’ai obtenu,
quelques années plus tard, mon premier poste de gestionnaire.
Aujourd’hui, nous savons que le leadership n’englobe pas uniquement
l’intelligence, les connaissances, la compétence et l’autorité. Que le
leadership n’est pas non plus un rôle. Il est possible d’être gestionnaire sans
être leader. Et vice versa. Alors si le leadership n’est pas un rôle, qu’est-ce
que c’est ? C’est une posture, une manifestation à l’extérieur de ce que
l’individu porte à l’intérieur, car on ne se proclame pas leader. Ce sont les
autres qui choisissent de nous suivre.
Lors d’une conférence que je donnais à l’Université Bishop, des étudiants
m’ont demandé si je savais, à mes débuts dans le monde corporatif, que je
me dévouerais un jour à cette mission : la mise en place de cultures de
leadership plus humaines. Eh bien non, pas du tout. La mission
professionnelle, je dirais même la mission de vie, qui est maintenant si
solidement ancrée en moi, a émergé petit à petit à partir de mes propres
expériences de gestionnaire et ensuite de ma propre évolution comme
personne et comme leader.
Je me rappellerai toujours mon premier poste de gestionnaire. C’était en
1992. J’avais 23 ans et je devenais alors la supérieure hiérarchique… de
mes anciens collègues. Nous vivions une restructuration majeure et je
devais effectuer plusieurs mises à pied.
Avais-je les habiletés émotionnelles et relationnelles pour faire face à la
souffrance humaine occasionnée par ces pertes d’emploi ? Pas du tout.
J’étais une jeune femme avec des choses à prouver (surtout à elle-même). Je
devais notamment démontrer que j’avais assez de vigueur pour diriger une
équipe malgré mon jeune âge et mon manque d’expérience.
On m’avait expliqué la procédure à suivre, rapide et protocolaire, que j’ai
appliquée telle une automate. Mais chaque soir, je revenais à la maison
complètement bouleversée et indignée par le manque d’humanité dans
certains de nos processus en organisation. Et cette indignation s’est
transformée en carburant. Sans le savoir… j’avais trouvé ce que serait ma
mission professionnelle.
Près de 30 ans plus tard, les mots bienveillance, conscience et empathie ont
fait leur chemin dans nos organisations. Même l’amour a maintenant sa
place dans le vocabulaire du monde du travail. Mais est-ce que les actions
ont réellement changé ? Car il semble y avoir un décalage entre ce que nous
souhaitons et ce qui se passe vraiment sur le terrain.
Ce que j’observe comme grand courant en ce moment concerne le
leadership humaniste. De plus en plus, on discute de qualités qu’on
n’associait pas aux leaders d’avant : don de soi, humilité, écoute profonde,
authenticité (bien sûr), sensibilité, vulnérabilité, conscience…
Sur les réseaux sociaux, les gens célèbrent les publications qui portent sur la
reconnaissance, sur la nécessité pour un leader de prendre soin de lui, de
favoriser le bien-être de ses équipes et de contribuer à l’épanouissement de
ses membres…
On lit de plus en plus sur les effets néfastes de la performance et de la quête
du succès à tout prix. On nous suggère de garder notre ego sous
surveillance, de lâcher le contrôle et de faire davantage confiance.
Évidemment, je célèbre ces changements et cette ouverture ! Mais que
s’est-il donc passé pour qu’on en arrive là ? Pour bien le comprendre, il est
important de faire un petit retour en arrière et de se rappeler d’où on vient.
Quand j’ai obtenu mon diplôme du HEC1 Montréal il y a 29 ans, nous
parlions de gestion, du PODC (les 4 fonctions du management : Planifier –
Organiser – Diriger – Contrôler), mais encore très peu de leadership.
L’intelligence émotionnelle, principe popularisé et vulgarisé en 1995 par
Daniel Goleman dans son livre Intelligence émotionnelle, est devenue un
thème de plus en plus vu dans les programmes de développement des
leaders. Ensuite, il y a eu l’avènement des « soft skills » ainsi que quelques
balbutiements à propos d’un leadership plus humain…
J’ai fait mes débuts dans le domaine du leadership humaniste il y a 12 ans.
Et mes mentors, les pionniers dans cette branche, me disaient tous la même
chose… Ils affirmaient (tout bas) qu’on contribuait au développement du
leadership authentique et humaniste. Que nous étions des marginaux et que,
pour réussir, il nous faudrait être de très bons vendeurs.
Aujourd’hui, en 2022, on se rend compte qu’on a un besoin criant de
leadership humaniste. Du mal-être, de l’insécurité psychologique, de la
souffrance organisationnelle, il y en a encore. Trop. Malgré tout, je crois
sincèrement que l’humain est bon. Et que c’est souvent bien
inconsciemment que nous créons de la souffrance autour de nous. Sans le
savoir, nous nourrissons la souffrance en entrant dans le moule du système
déjà en place.
Comme intervenante auprès des leaders et des équipes, je fais souvent face
à cette souffrance et à cette fragilité humaine. Des cas de détresse
psychologique, d’épuisement, de violence et de mauvais traitements, j’en
vois toutes les semaines. Et ça doit changer.
Une étude faite par McKinsey & Company pendant la pandémie de la
COVID-19 révèle qu’un climat d’équipe positif, dans lequel les membres
apprécient leurs apports respectifs, se soucient du bien-être des autres et
contribuent à la manière dont ils effectuent ensemble leur travail, est le
moteur le plus important de leur sécurité psychologique. Malheureusement,
cette étude a aussi mis en lumière le fait que seulement 43 % de tous les
répondants ont signalé qu’il y avait un climat positif au sein de leur équipe.
On ne peut plus garder les yeux fermés. La compétition, la performance, la
pression, la croissance, la perfection et la sur-exigence ont un prix. Comme
leader, il est de notre devoir de nous poser la question : « Est-ce qu’on
considère l’humain comme un humain ou comme une ressource qu’on
utilise et épuise ? »
Le Leadership Circle, une organisation engagée à élever la conscience des
leaders et reconnue mondialement dans l’évaluation de l’efficacité des
leaders, a fait une étude auprès de 237 compagnies et de 29 industries
réparties dans 6 pays. Voici ce qu’elle nous apprend sur nos cultures de
travail actuelles :
Une entreprise sur deux (50 %) utilise encore l’autorité, le contrôle
et le pouvoir (on s’attend à ce que les gens se conforment) pour
obtenir des résultats. La conséquence ? Une approche à court terme
de la performance qui crée du désengagement, de l’épuisement et de
la souffrance organisationnelle.
Alors, oui, on crée de la performance. Mais cette performance a souvent un
prix.
Malgré ce qu’on peut penser, je suis une fille de performance. En fait, je
crois profondément en cette potentialité, car l’atteinte de résultats augmente
l’engagement. Mais je ne crois pas dans n’importe quelle sorte de
performance. Pas celle qui passe avant l’humain, la santé, les liens, la
planète… Je crois dans une performance durable.
C’est une évidence, nos vieux modèles basés sur l’autorité, la performance
à tout prix, la compétition et le contrôle ne fonctionnent plus. Mais devant
les changements qui s’opèrent, les leaders ont souvent l’impression d’être
pris entre deux options. Comme si c’était l’une ou l’autre, soit la
performance, soit l’humanité. Ce n’est pourtant pas le cas. Il est tout à fait
possible de développer nos qualités humaines tout en étant performants.

« Dans le passé, les emplois demandaient du muscle,


ils demandent maintenant de l’intellect, mais à
l’avenir, ils demanderont du cœur. »
Minouche Shafik, Directrice du LSE
(The London School of Economics and Political
Science)

En effet, il y a beaucoup de tête et d’action dans nos organisations. Il est


maintenant temps d’y ajouter du cœur.
On entend de plus en plus parler de leadership authentique, conscient,
humaniste, mais que sont vraiment toutes ces approches ?
Dans les dernières décennies, nous avons tenté de décortiquer ce qu’était un
« bon » leadership et de modéliser ce qu’était un leader efficace. Pourtant,
malgré les nombreuses études effectuées à ce sujet, il demeure extrêmement
difficile de définir précisément ce qu’est un bon leader. Et ceux qui tentent
d’imiter des modèles préfaits rencontrent forcément des limites à un
moment ou à un autre.
Nous constatons, entre autres, que certains leaders brillent dans un contexte
particulier et performent plus ou moins bien dans un autre. Nous nous
rendons compte aussi que certaines personnes, bien qu’utilisant des formes
de leadership vraiment différentes, réussissent. Ou bien que des leaders
obtenant des évaluations de compétences peu reluisantes (selon les
standards mis en place dans leurs organisations) sont extrêmement
appréciés et considérés comme efficaces par leurs équipes. Parce que, oui,
le leadership est contextuel. Un excellent leader peut très bien performer
dans une situation, mais pas nécessairement dans une autre.
Plantez une fleur dans le mauvais terreau et elle ne fleurira pas.

Pourquoi ce livre ?
De plus en plus les gens désirent que leur vie professionnelle ait un sens et
que les relations humaines soient authentiques. Ils souhaitent créer un
impact positif dans leur milieu et dans le monde. En fait, ils veulent traiter
les autres et être eux-mêmes traités comme des humains, tout simplement.
La crise de la COVID-19 et le remaniement du monde du travail qu’elle a
occasionné nous a donné une leçon : les compétences humaines font toute
la différence dans la capacité du leader à faire face à une crise, à un
contexte incertain et à la fragilité humaine… On a besoin de leaders
capables d’être humains… envers les humains.
Depuis le début de l’année, je vois passer de nombreux textes qui vantent
les qualités du leader de demain : conscient, authentique, éternel apprenant,
bienveillant et au service de son équipe, pour n’en nommer que quelques-
unes. Mais peut-on s’entendre pour dire que des phrases comme celles-ci ne
tiennent plus la route ? Que le leader de « demain » devrait être humain ?
Que les compétences du « futur » sont l’empathie et la bienveillance ?
Le leader « d’aujourd’hui » (même celui d’hier) doit démontrer ces qualités
humaines d’empathie et de bienveillance. D’ailleurs, beaucoup de leaders le
font déjà. Plusieurs leaders SONT humains, emphatiques et bienveillants ou
portent l’intention d’être ce leader.
Mais on a choisi pendant longtemps, trop longtemps, de faire passer la
performance en premier. D’extraire le jus des personnes pour créer des
résultats (au lieu de nourrir les personnes avec du sens pour les inspirer à
l’action). Et nous réalisons maintenant que cela a un prix. Un prix énorme.
Et tout humain, soumis à de la pression et qui ne se sent pas en sécurité
psychologique, trouve plus difficile, voire impossible de demeurer sur son
chemin de compassion et d’humanité.
La nécessité d’être performant et de créer des résultats ne quittera pas nos
organisations. Le vrai et réel défi d’aujourd’hui pour un leader est
d’apprendre à naviguer avec toute son humanité dans des cultures
imparfaites et un contexte en turbulence, tout en créant de la performance.
Le vrai et réel défi d’aujourd’hui pour nos organisations est de
RÉCONCILIER la PERFORMANCE et l’HUMANITÉ. De créer une
performance durable : une saine performance, consciente et respectueuse
des humains et de notre planète.
Notre réalité de leader, aujourd’hui, c’est le monde VICA (Volatile,
Incertain, Complexe et Ambigu). C’est la nouvelle normalité dans ce
monde hyperconnecté qu’est le nôtre. Il n’y a dorénavant qu’une seule
chose que nous savons avec certitude, c’est que d’autres bouleversements
sont à venir, car dans un univers complètement interconnecté, un rien peut
créer une onde de choc dans le monde entier.
Malheureusement, les bouleversements créent la peur. Et comme les gens
ont soif de sécurité, les dirigeants ont le réflexe de se tourner vers ce qui
leur est familier : un leadership de force, d’autorité et de contrôle. Mais cela
ne fonctionnera pas. Ne fonctionnera plus. Nous devons aujourd’hui revoir
complètement le modèle de leader dont nous avons besoin.
Les leaders dont le monde a dorénavant besoin sont ceux qui ont la capacité
de conjuguer performance et humanité, de naviguer avec sérénité dans un
environnement incertain et rempli de paradoxes. Ceux qui demeurent des
acteurs positifs dans leur milieu, même quand ça brasse ou que c’est le
chaos.
C’est d’un état d’esprit neuf et d’une nouvelle posture dont doivent se doter
les leaders. Créer de la performance durable, ça demande des changements
importants. Il faut remplacer la performance à tout prix, la compétition, la
sur-exigence et le contrôle par la confiance, la conscience et la durabilité.
Sortir des dualités pour embrasser l’art de la nuance.
Comme le dit Javier Pladevall, ancien directeur d’Audi Volkswagen en
Espagne : « Le leadership d’aujourd’hui consiste à désapprendre la gestion
et à réapprendre l’humain. »

Mes intentions dans ce projet d’écriture


Inspirer les leaders à développer la posture et l’état d’esprit nécessaires
pour :
adopter un style de leadership humain, authentique et conscient ;
déployer leur potentiel de leadership au maximum en s’engageant
en continu dans leur développement ;
mieux comprendre qui ils sont afin de maximiser leur impact positif
auprès de leurs équipes et dans le monde en général ;
développer la posture de curiosité et d’apprenant ;
traverser les adversités et évoluer en leur donnant un sens, au nom
de leur évolution ;
diriger et vivre plus sereinement, plus libres, plus épanouis et avec
durabilité en demeurant alignés avec leur mission de vie ;
être un leader d’impact et inspirant ;
encourager une culture de performance saine et durable qui ne nuit
pas à l’humain ;
faire face à la nouvelle réalité des leaders qui est de diriger dans ce
monde VICA (volatile, incertain, complexe et ambigu).

Ainsi, ils pourront inspirer les autres grâce à qui ils sont et mettre tout leur
être au service de leur mission : créer un impact positif dans leurs
organisations et le monde.
En fait, la majorité des leaders savent quoi faire. Ils ont beaucoup lu, se sont
formés, mais ils réalisent que « savoir » ne suffit pas. Un réel changement
de « mindset » et de paradigmes est nécessaire pour qu’ils puissent incarner
ce qu’ils souhaitent être. Un peu comme une mise à jour de leur système
d’exploitation interne.
Quelles sont donc les compétences du futur – et d’aujourd’hui –
dans ce monde VICA auquel nous devons nous adapter ?
Comment diriger et être au service d’une mission sans se laisser
tomber soi-même ?
Que doit mettre de l’avant un leader pour y arriver ?

C’est ce à quoi je réponds dans ce livre.

LE LEADERSHIP D’AUJOURD’HUI
En tant que leaders, on nous apprend quoi faire, mais ensuite nous devons
apprendre à ÊTRE des leaders.

Modèle référentiel et leadership réactif


J’ai réalisé plus de 100 évaluations des compétences de leadership avec le
modèle reconnu mondialement, Leadership Circle, entre 2018 et 2021, la
majorité pendant la crise COVID-19. J’ai eu des conversations avec chacun
de ces leaders, exécutifs et cadres intermédiaires. J’ai décortiqué, analysé,
interprété leur profil. J’ai plongé dans leurs histoires de vie. Certains de ces
leaders issus de domaines d’affaires différents (bancaire, investissement,
minier, pâtes et papier, construction, service, éducation, alimentation)
tiraient très bien leur épingle du jeu en gestion de crise. Je leur disais, en
riant, que la crise COVID-19 était le monde VICA… sur stéroïdes ! Et que
s’ils réussissaient en ce contexte d’adversité et de fragilité humaine, ils
avaient ce qu’il fallait pour leader dans un monde VICA.
Cela fait plus de 40 ans que nos processus et méthodes de développement
des personnes et des leaders ont commencé à être utilisés mais nous
n’avions pas de moyens de mesurer quantitativement l’impact de nos
parcours de développement. Maintenant, grâce au Leadership Circle, c’est
possible. Nous pouvons évaluer où en est le leader dans ses stades de
développement de conscience, s’il est considéré comme efficace, inspirant
dans son organisation, quelles qualités il met de l’avant pour arriver et,
finalement, quels sont les comportements qui le limitent.
Selon les évaluations des leaders qui passent par nos parcours de
développement individuel et en groupe, ils font partie des top 25 % des
leaders les plus performants mondialement. C’est lorsque j’ai pris
conscience de cette donnée que je me suis penchée plus sérieusement sur le
pourquoi. Je devais modéliser de façon formelle afin de rendre accessible la
révélation que je venais d’avoir. Qu’avaient en commun ces leaders ? Ils ont
tous des diplômes, expériences et éducations différentes, issus de milieux
très différents, voire de régions du monde différentes (pays industrialisés et
pays en développement, milieu ruraux et urbains), ont eu des parcours de
vie parsemés de divers niveaux d’adversité.
Il y a trois dynamiques de leadership qui sont en bas de la performance
attendue de l’organisation :
1. la dynamique du leader pacificateur ;
2. la dynamique du leader expert ;
3. la dynamique du leader performant.

Ces trois dynamiques (qu’on appelle aussi jeux intérieurs) sont celles des
leaders qui se retrouvent au stade de conscience réactif. Vous en apprendrez
davantage à ce sujet dans les deux premiers chapitres du livre ; 65 % de
tous les leaders opèrent à ce stade.
Ce leadership réactif, quoiqu’il crée de la performance, celle-ci a souvent
un prix. Quand l’environnement est stable, que les règles du jeu sont claires,
tout va bien. Mais quand le contexte devient volatile, incertain, complexe et
ambigu, quand la pression monte, c’est là que les leaders tombent dans leur
piège : trop de contrôle, d’exigence, de protection, de conformité, de
complaisance. Et c’est là aussi qu’ils créent de l’insécurité, du
désengagement, des frustrations. Ils créent même, sans le vouloir, de la
souffrance. Et quand les personnes souffrent et ne suivent plus, tout dérape.
Un individu souffrant crée plus de souffrance. Une culture souffrante crée
des individus souffrants. On est dans un cercle vicieux.
Les leaders sont pris dans ce paradoxe Performance – Humanité, de façon
différente, à partir de leur propre dynamique.

Le leader créateur
Malgré toutes nos bonnes intentions pour plus de bienveillance et
d’authenticité, nos cultures organisationnelles sont loin d’être parfaites. Les
leaders qui démontrent un niveau de performance supérieur à celui attendu
dans leurs organisations sont ceux qui possèdent la capacité de naviguer
dans ce contexte de culture organisationnelle humainement imparfait, et ce,
tout en demeurant un acteur positif. Simple, me direz-vous. Simple et si
complexe à la fois.
Ces leaders sont, en fait, des leaders créateurs.
Au cours de mon travail et de mes analyses, j’ai repéré les compétences
d’être qui soutiennent les leaders dans leur capacité à diriger dans un monde
complexe et en turbulence et qui sont représentées par chacun des chapitres
de cet ouvrage. Ce sont également elles qui leur permettent de « marcher la
route » du développement et ainsi passer d’un leadership réactif à un
leadership créateur.
Ce livre est composé de quatre étapes, qui représentent la démarche ÊTRE
un leader en quatre étapes. C’est la démarche de développement proposée
qui permet aux leaders de solidifier leurs compétences verticales
(compétences d’être), celles qui sont nécessaires pour diriger dans cette
nouvelle réalité d’aujourd’hui qui est haute en complexité.

Étape 1 : L’éveil
Chapitre 1 : Leader conscient
Chapitre 2 : Comprendre son jeu intérieur
Étape 2 : La transformation
Chapitre 3 : Leader créateur : Élever son jeu intérieur
Chapitre 4 : Diriger à partir de sa boussole intérieure
Chapitre 5 : Adopter la mentalité paradoxale : l’état d’esprit des « ET »
Étape 3 : La réconciliation
Chapitre 6 : Diriger avec performance ET humanité
Étape 4 : L’enracinement
Chapitre 7 : Leadership de pleine conscience : savoir naviguer avec sérénité
dans la turbulence
Chapitre 8 : Être un éternel apprenant

Soyez ce leader
J’aurais pu faire référence dans ce livre à une appellation populaire comme
leadership « humaniste », « conscient » ou « authentique ». Mais j’ai un
rêve. Celui qu’un jour, on appelle un leader… un leader. Qu’un leader, par
définition, soit tout ça : conscient, authentique, bienveillant, humain. Qu’il
soit un leader. Point.
C’est un fait, les grands leaders inspirent davantage par ce qu’ils sont que
par ce qu’ils font et ce qu’ils connaissent. Ils dirigent et vivent avec
humanité, sérénité et durabilité. Ainsi, ils peuvent mettre tout ce qu’ils sont
au service de leur mission afin de créer un impact positif dans leurs
organisations et le monde.
Il est important de noter que j’utilise le terme « leader » au sens large. Car
nul besoin d’occuper un rôle « formel » de gestionnaire pour en être un. Je
crois que tout le monde a la capacité d’être un leader inspirant s’il s’engage
sérieusement dans son processus d’évolution. Mais pour ça, il n’y a pas de
recette magique ou de trucs et astuces. Un bon leadership part de soi et
repose sur notre capacité à être authentique.
Le nombre de qualités et d’habiletés inhérentes au leadership qui sont
présentées dans ce livre ainsi que la profondeur de la transformation
peuvent paraître intimidantes. Soyez rassuré, notre développement humain,
c’est l’histoire d’une vie ! L’objectif est plutôt que vous sachiez où vous en
êtes, quels sont vos « possibles », et que vous puissiez reconnaître vos
forces afin de vous appuyer sur ces leviers pour créer votre propre carte
routière de développement.
Victor Hugo a dit : « L’utopie d’aujourd’hui est la réalité de demain. »
Permettons-nous donc de rêver à un monde meilleur et à des organisations
où règnent la bienveillance et la compassion, où on crée une saine
performance.
Et si c’est ce que vous souhaitez, soyez ce leader. Le monde et nos
organisations ont besoin de vous.
PRÉAMBULE
L’AVENTURE QUI ALLAIT INSPIRER
MON LEADERSHIP

6 SEPTEMBRE 1998. J’avais 30 ans. Je mettais les pieds pour la première


fois sur le continent africain, plus précisément au Mali, pays enclavé de
l’Afrique de l’Ouest, un des endroits les plus pauvres au monde. Six mois
auparavant, j’avais vécu ce que je nomme maintenant ma « première grande
quête de sens » et m’étais enrôlée dans un programme de coopération
volontaire. Après avoir démissionné de mon emploi comme consultante
dans une grande firme, entreposé et vendu mes effets personnels, j’ai troqué
les tailleurs gris et les talons hauts pour des jupes paysannes et une paire de
Birkenstock. Je me suis retrouvée dans un programme de formation de
plusieurs mois où j’ai acquis de nombreuses connaissances sur le travail
humanitaire, la gestion de projets internationaux, le fonctionnement des
projets d’aide au développement international, l’histoire de l’Afrique et le
processus du choc culturel et de l’intégration.
J’avais un objectif en tête : faire ma part pour sauver le monde. Objectif
honorable, me direz-vous, quoiqu’un peu vague et irréaliste. Ma première
grande quête de sens, j’aurais aussi pu l’appeler « ma grande fuite », parce
que j’avais effectivement l’habitude de fuir. C’était la stratégie que j’avais
inconsciemment développée pour ne pas affronter les moments où les
choses n’allaient pas comme je le souhaitais. J’avais quitté la maison à 17
ans et avais par la suite aligné de nombreuses fuites. À force de me sauver
des situations émotionnellement « challengeantes », des relations que je
jugeais non satisfaisantes, de mes propres émotions et de moi-même, je
m’étais perdue. Et je croyais qu’en partant changer le monde, j’obtiendrais
la réponse ultime à mes questions existentielles et, donc, que j’allais me
retrouver.
J’ai toujours considéré le voyage comme étant un outil puissant de
découverte de soi (et des autres aussi). Les Maliens me disaient souvent :
« L’étranger a de gros yeux. » En effet, lorsque nous sommes en visite à
l’étranger, nous prenons davantage le temps de nous intéresser à l’autre, de
le considérer et de voir le monde à travers ses lunettes. Nous sentons un
élan différent de celui qui nous anime dans notre vie quotidienne. En
voyage, tout ou presque tout est différent. C’est comme si nous vivions plus
intensément et que nous portions plus attention à ce qui nous entoure. Nous
sommes dans un état plus grand d’ouverture et d’adaptation. La différence
chez l’Autre attise notre désir de connaître sa langue, sa culture, sa façon de
penser et de vivre. Être ailleurs et confronté à l’Autre provoque en nous des
questionnements sur notre propre vie, sur notre identité. En quoi suis-je
semblable ou différent de l’Autre ? Comment puis-je être moi-même, même
si je suis différent ? En réalité, nous avons besoin de l’Autre et de sa
différence pour prendre conscience de notre existence. Et si nous pouvions
avoir ce regard curieux et ouvert du voyageur dans notre quotidien ?
J’étais assoiffée de découvertes et imprégnée d’une envie dévorante : celle
d’être une porteuse de changements. Mon arrivée dans ce pays en
développement ne s’est pas faite, malgré tout, sans heurt ; j’ai vécu un
certain choc. Même si on nous avait encouragés, pendant notre formation, à
demeurer ouverts et à tenter de ne pas juger ce qui pouvait nous sembler
incompréhensible ou inacceptable, il reste que faire face à la pauvreté, au
manque ainsi qu’aux opportunistes donne fortement envie de s’indigner.
Un ami malien m’avait dit un jour en constatant ma fougue : « Prends le
temps… et tu verras la beauté du monde ici… » Il avait raison. J’ai su voir
le beau à travers le moins beau. J’ai fait des rencontres profondément
humaines : Maimouna, Arramata, Moussa, Hamidou et tant d’autres qui
m’ont enseigné leur culture, ont ri gentiment de mes bévues, sont devenus
des amis et des complices. J’ai vécu des aventures d’une grande richesse et
pris conscience que joie et souffrance peuvent se côtoyer.
De mes comparses maliens, j’ai appris l’humilité, la générosité, le courage,
le respect des sages, l’importance des liens et de la lenteur ainsi que la
richesse du dialogue. Tant d’heures à prendre le thé, faire le tour des
villages, rencontrer des chefs pleins de sagesse, manger avec les familles,
travailler avec les bébés de mes amies, collés à mon ventre, pour les alléger
un peu et être parfois émerveillée, parfois choquée.
Pourquoi je vous raconte cela ? Parce que c’est là que j’ai fait mes premiers
apprentissages de leadership et que m’est venue l’inspiration pour ce livre
qui devait éventuellement voir le jour.
L’agriculture est le socle de l’économie au Mali : 80 % des Maliens
cultivent. Je travaillais donc à un projet de commercialisation des céréales
qui visait à aider les petits entrepreneurs de divers villages qui cultivaient le
mil, le sorgho, le maïs et le riz à optimiser, pérenniser et commercialiser
leurs activités. J’ai eu, par le fait même, la chance de travailler avec
plusieurs chefs de village.
J’étais fascinée par le respect qu’on accordait aux paroles de ces chefs de
villages et leaders que je trouvais si inspirants par leur sagesse, leurs façons
de dialoguer et d’être en relation. Au début de mon séjour, j’avais prévu une
rencontre avec un chef qui venait de Mopti, à moitié chemin à peu près
entre Ségou (la ville où j’habitais) et Tombouctou.
Il est important de comprendre que la culture en Afrique de l’Ouest en est
une de relations. Les salutations sont donc très importantes au quotidien.
Autant dire qu’on passe beaucoup, beaucoup de temps à se saluer. Tout
d’abord, on s’arrête et on prend le temps de vraiment se regarder. Pas à la
va-vite ou par habitude, comme on le fait parfois ici. Non. Profondément,
dans les yeux et avec un grand sourire. Et c’est là que commence ce qu’on
pourrait appeler le protocole des salutations. Un protocole vivant, rempli
d’expressivité et de joie. Il n’est pas rare alors de voir les Maliens rire, voire
s’esclaffer en se tapant sur les cuisses selon leur humeur du moment.
Bref, j’avais deux heures de réservées avec cet important chef. Après au
moins trois quarts d’heure de salutations avec moi et les autres membres de
l’équipe (ce qui reste dans la mesure du raisonnable là-bas), nous prenions
enfin place sous un gros arbre et buvions le thé. Mais voilà que ça
recommençait… « Alors Pascale… ça va ? Bonne matinée ? », « Ah, c’est
bien ! Et la vie au Canada ? », « Et alors chez vous, ça va ? »
La fille d’action que j’étais devenait de plus en plus nerveuse. Je craignais
de ne pas pouvoir faire le tour des points que je désirais aborder avec lui.
Ce que, évidemment, cet homme si sage ne manqua pas de remarquer… Il
me regardait avec un air taquin.
Je voulais réellement comprendre comment fonctionnaient les dynamiques
dans leurs équipes de travail et j’étais impatiente d’apprendre quels étaient
les secrets de ces chefs de villages, si respectés. Mon stress augmentait au
rythme du temps qui filait. Le vieux chef a alors levé les yeux et m’a dit :
« Regarde, Pascale, le baobab qui nous protège du soleil… Il ne dit rien, il
regarde et, surtout, il écoute. Il veille. Il est le témoin de tous nos secrets.
Par sa simple présence, il nous enseigne. C’est l’arbre de vie. On l’associe
au lien entre le ciel et la terre, et plus encore. La force du baobab est dans
ses racines. »
Ce n’est que bien des années plus tard que j’ai compris les grandes leçons
de leadership de cet homme et que ce baobab est devenu pour moi un
symbole fort de notre évolution humaine.
Comme le baobab, ralentis, écoute.
Comme le baobab, trouve tes racines, au nom de quoi tu souhaites
agir.
À partir de ces racines, développe-toi.
Et élève-toi en demeurant alignée avec tes valeurs.
Chaque personne est comme un arbre. Chacun a la possibilité de s’élever
lorsqu’il prend racine dans un terreau fertile et qu’on lui prodigue les soins
nécessaires. Tel un arbre, il importe que nous nous tenions fièrement debout
et solidement ancrés. Et qu’afin de faire face à ce qui se présente à nous,
nous démontrions de la fluidité et de la souplesse. Voilà la posture d’un
grand leader. Il s’appuie sur le passé, il est bien ancré dans la réalité du
présent et il voit grand et loin.
C’est d’ailleurs à la suite de cette aventure que j’ai compris que le voyage le
plus important que j’aurais à faire était mon propre voyage intérieur. J’en ai
même fait ma mission professionnelle : accompagner les leaders dans leur
voyage de découverte de soi. Car une fois que nous avons effectué nous-
mêmes ce magnifique périple, nous ne pouvons que souhaiter que tous
puissent l’entreprendre à leur tour.

« On peut voyager non pour se fuir, chose impossible,


mais pour se trouver. »
Jean Grenier

Il y a quelque chose d’universel au leadership. Il transcende les frontières,


la culture et les genres. Car chaque leader est d’abord et avant tout… un
humain. Et tout humain, qui est accueilli, vu et entendu dans ce qu’il est,
son histoire et son humanité, et qui se sent en sécurité psychologique, ose
s’ouvrir en vulnérabilité. Il accepte le défi d’examiner sa dynamique et de
se développer. Il ose désapprendre ses vieux réflexes pour expérimenter un
leadership sans armure. Un humain reste un humain. Unique et semblable à
la fois ! Et c’est cette humanité que nous apportons dans notre leadership.
Je porte donc espoir que les enseignements partagés dans ce livre, qui vont
au-delà des cultures et des générations, aient les mêmes impacts sur vous
qu’ils ont eus sur moi.
Étape 1
L’ÉVEIL

« Ce que tu sèmes portera du fruit. »


CHAPITRE 1
LEADER CONSCIENT

« Hier j’étais intelligent, je voulais sauver le monde,


aujourd’hui je suis sage, je me change moi-même. »
Rumi

LE JEU INTÉRIEUR DÉTERMINE LE JEU


EXTÉRIEUR

Grandir de l’intérieur
Si vous êtes comme la majorité des leaders que je connais, dont moi, vous
avez atteint la limite de ce que vous pouvez offrir… Nos équipes
grandissent et nous vivons dans un monde interconnecté, qui évolue
rapidement, où la pression est grande et où on nous demande de toujours en
donner plus.
La seule option que nous avons donc, afin d’exercer un leadership durable,
est de grandir de l’intérieur. De nous transformer. De devenir meilleurs pour
naviguer dans des environnements de plus en plus complexes et de plus en
plus stressants. De devenir plus efficaces en usant de nos ressources
internes.
Nous devons transcender notre niveau actuel de leadership. Et pour faire
cela, il est primordial pour nous d’évoluer, en conscience, de nous rendre
compte que sa fondation, c’est notre humanité. Car il n’y a pas de doute,
devenir un meilleur humain fait de nous de meilleurs leaders. Les deux sont
inséparables.
Pour ce faire, il faut travailler à devenir la meilleure version de nous-
mêmes. Pas seulement intellectuellement, mais aussi émotionnellement et
spirituellement. C’est ce que j’appelle le « jeu intérieur ».

Les deux jeux du leader


Évidemment, la compétence est nécessaire pour être efficace dans des
postes de direction, mais à elle seule elle est insuffisante. Un bon leadership
transcende les aptitudes, les capacités et la compétence. Il comprend
l’humilité, la cohérence, la passion, la vision, la prise de risque, la
compassion, le courage, l’authenticité, la collaboration, l’autonomie, la
conscience, l’altruisme, l’endurance, l’intégrité, la sagesse et toutes les
qualités « d’être » que nous abordons dans ce livre. Ce sont les qualités du
jeu intérieur.
En tant que leader nous jouons toujours deux jeux :
1. le jeu extérieur - nous utilisons toutes nos connaissances, compétences
et expériences pour obtenir des résultats.
2. le jeu intérieur - le système interne complexe par lequel nous nous
rapportons au monde :
le lien à toutes les dimensions de notre personne : le physique,
le mental, le monde émotionnel, le spirituel ;
nos besoins et ce qui nous motive ;
nos intentions ;
comment nous nous définissons, ce qui est important pour
nous et ce en quoi nous croyons ;
nos qualités d’être ;
notre système de création de sens (ce que nous utilisons pour
donner un sens au monde) ;
notre système de prise de décision (comment nous analysons,
décidons et agissons ;
nos valeurs et croyances spirituelles ;
notre niveau de conscience de nous et notre intelligence
émotionnelle ;
les modèles mentaux que nous utilisons pour comprendre la
réalité, penser, agir et créer ;
les croyances et hypothèses internes constituant notre identité
personnelle (le système que nous utilisons pour savoir qui
nous sommes, pour nous définir et nous déployer.

Ces éléments représentent le jeu intérieur.


C’est le jeu intérieur qui détermine le jeu extérieur, car c’est la conscience
qui crée la réalité. Tout ce qui émerge de nos rôles prend d’abord vie dans
nos pensées.
Tel l’arbre qui se déploie à partir du sol, votre jeu intérieur, ce sont vos
racines. Votre jeu extérieur, ce sont vos branches. Les racines doivent
pouvoir se mouvoir, prendre de l’expansion et évoluer pour que les
branches atteignent des niveaux plus élevés.

Tout part de soi : agrandir le vase


Le problème pour la plupart des leaders n’est pas qu’ils ne savent pas quoi
ou comment faire. C’est que leur vase de connaissances en leadership est
déjà plein. Ils ont déjà entendu, lu ou reçu des formations sur la majorité
des sujets touchant la science et les processus de leadership et de gestion.
Ils ont les connaissances, mais ils ont du mal à les appliquer. Ils savent,
mais ils ont du mal à ÊTRE ce qu’ils savent qu’ils devraient être.
Du point de vue du développement, ce qui empêche réellement les gens
d’accéder à un niveau d’efficacité plus élevé en matière de leadership, ce
n’est pas leur manque de compétences, mais bien leur degré de maturité ou
de conscience. En fait, le levier le moins compris et certainement le plus
puissant pour augmenter l’efficacité du leadership est d’amener les leaders à
se pencher sur leur développement personnel. De les encourager à acquérir
une plus grande conscience d’eux-mêmes et des autres. Rappelez-vous, le
premier outil du leader, c’est lui-même. Pour élever notre leadership et
l’amener à un niveau supérieur, il faut nous-mêmes nous élever et nous
amener à un niveau supérieur. Nous devons nous libérer des habitudes
d’être nous-mêmes.
Nous éveiller signifie nous désidentifier de ce à quoi nous avons l’habitude
de nous identifier, de nos modèles mentaux, (je suis ceci, je suis cela) et
désapprendre nos vieux schémas. Nous éveiller signifie que nous sommes
capables de voir objectivement, avec de la hauteur, notre jeu intérieur, au
lieu de simplement nous servir de ce jeu.
Le monde VICA (volatile, incertain, complexe et ambigu) demande aux
leaders non pas d’accumuler plus de savoir ou de connaissances, mais un
réel changement de « mindset » et de paradigme.

« Quand nous trouvons le monde ‘trop complexe’, ce


n’est pas tant la complexité du monde que nous
percevons, mais le décalage avec notre propre
complexité à ce moment précis. Pour corriger ce
décalage de manière logique, il faut réduire la
complexité du monde, ou accroître la nôtre. »
Robert Kegan et Lisa Lahey (Traduction libre)

Si le vase est plein. Il faut augmenter la taille du vase lui-même : l’état


d’esprit, l’identité et les modèles mentaux du leader. Par exemple, prenez
un sujet sur lequel nous avons tous reçu au moins une, voire plusieurs
formations : la gestion de temps. Il nous est possible de trouver en ligne des
tonnes de ressources, de trucs et astuces pouvant nous aider à mieux
concilier notre vie personnelle et professionnelle. Pourtant, presque tout le
monde dit manquer de temps : pour faire de l’exercice physique, les
responsabilités familiales, se divertir, se reposer ou voir des amis.
Est-ce que la cause de ce manque de temps est un manque de
connaissance ? Non. La question est reliée à notre propre dynamique :
qu’est-ce qui nous empêche de nous respecter dans nos besoins, nos limites
et notre désir de contribution ?
Pour répondre à cette question, il importe d’explorer nos enjeux de
perfection, de performance, d’attachement aux résultats, de difficulté à faire
confiance et à déléguer, notre besoin de plaire, notre peur de décevoir, nos
difficultés à honorer nos frontières… Vous serez d’accord avec moi, aucun
outil, truc ou astuce ne peut nous amener à travailler réellement ces enjeux
de fond. Mais ils nécessitent un plongeon dans nos profondeurs internes.
Agrandir le vase, c’est agrandir notre esprit. C’est changer notre façon de
penser et d’agir. Et cela demande inévitablement d’être plus conscients.
Compétences de gestion ou compétences de
leadership
J’aime utiliser le terme leadership au sens large. Il y a des leaders qui ne
sont pas des patrons. Il y a des leaders qui inspirent par qui ils sont dans
leur milieu scolaire, dans leur famille et leur communauté. Il y a ceux que
j’appelle les « leaders de tous les jours ». Ils émergent et apparaissent, sans
nécessairement avoir été mandatés pour un rôle particulier. Nous avons
envie de les suivre et de les écouter.
Dans un monde idéal, tous les gestionnaires seraient aussi de bons leaders.
Mais, nous le voyons au quotidien, un gestionnaire n’est pas nécessairement
un leader. Encore trop d’entre eux s’appuient sur leur rôle et leur autorité
formelle pour arriver aux résultats attendus. Ils imposent au lieu d’engager,
de mobiliser et d’inspirer.
Si le rôle de gestionnaire vient avec une autorité formelle de supervision et
implique que ce dernier porte une imputabilité des résultats à travers la
structure de l’organisation pour laquelle il travaille, le leader, quant à lui,
existe si d’autres choisissent de le suivre. Il n’a d’autre choix que d’utiliser
son influence et sa personne pour encourager et inspirer à l’atteinte de
résultats. Un leader inspire davantage par ce qu’il EST que par ce qu’il sait
ou fait.
Je dirais qu’en général, on « gère » des choses (résultats, objectifs, plans,
etc.), mais on « leade » des humains. Vous comprendrez donc qu’il est
primordial de faire la distinction entre les compétences du gestionnaire et
celles du leader.
Prenons un exemple classique : la communication. D’un point de vue
général, nous pourrions dire que bien savoir communiquer est essentiel à la
fois pour le gestionnaire et pour le leader. Formuler clairement des
messages et donner des rétroactions sont des compétences qui s’apprennent.
Il y a des méthodes et des outils pour nous y aider. Mais même en ayant
toutes les connaissances requises et en communiquant clairement et
efficacement avec nos équipes, nous ne sommes pas nécessairement des
leaders inspirants. Rapporter des données, des faits, raconter les détails
d’une histoire est moyennement risqué. Parler de soi, de son expérience et
de son ressenti rend cependant le leader beaucoup plus vulnérable. Et c’est
là qu’est son réel impact : dans sa capacité à « se dire » au lieu de raconter,
de toucher le cœur et pas seulement la tête.
Alors, pour le leader, le réel enjeu est d’avoir les réponses à ces questions :
Comment suis-je capable d’appliquer les outils, les concepts, les
connaissances de communication que j’ai appris, et que c’est plutôt
facile ?
Par sa réponse, il découvre ses forces, ses atouts et ses leviers sur
lesquels s’appuyer.
Mais quand est-ce difficile de les appliquer, même si j’ai une
intention claire à créer un impact positif autour de moi par ma façon
de communiquer ? (Quand je suis stressé, quand la pression est
forte, quand je sens que je ne suis pas en contrôle, quand je crains
de décevoir, quand j’ai peur de perdre la face… sont quelques-unes
des réponses possibles.)
Par sa réponse, il met le doigt sur son défi à travailler.
Est-ce que je cultive les qualités d’être qui créent des
communications vraies et sincères ? L’empathie, la compassion,
l’intelligence émotionnelle, l’authenticité, le courage d’avoir des
conversations vraies…

Le leader comprend que les compétences techniques sont insuffisantes et


que le développement vertical est important. Il sait qu’il doit apprendre à se
leader lui-même avant de leader d’autres personnes. Qu’il doit s’observer
dans sa capacité ou sa difficulté à mettre de l’avant ses connaissances et
compétences.

Est-ce que le leadership s’apprend ?


Cette question est une de celles qui m’est posées le plus souvent. Et à en
croire un article paru dans le Forbes en 2021, Can Leadership Be Taught ?,
c’est en général une des questions les plus généralement discutées.
Toutefois, les questions Est-que le leadership s’apprend ? ou Naît-on
leader ? n’ont pas de sens au départ. Elles sont polarisantes. À questions
polarisantes, on obtient des réponses polarisées et des débats sans fin. Est-
ce que le leadership s’apprend ? Oui ou non ? C’est un peu plus complexe
que cela… Pourtant, tout le monde a une réponse à cette question à partir de
son expérience, de son intuition ou de sa propre définition de ce qu’est le
leadership. Et avouons qu’en 2022, ce n’est pas le nombre de définitions
qui manque !
Voici un extrait de cet article que je me permets de partager avec vous, car il
reflète exactement mon opinion à ce sujet.

« (…) il existe également des preuves scientifiques convaincantes de la


prévisibilité du leadership, de sorte que les traits, les valeurs et les
comportements qui rendent certaines personnes plus susceptibles de
devenir des leaders, et certaines personnes clairement plus efficaces
que d’autres en matière de leadership, n’émergent pas chez l’individu
adulte à l’improviste. Au contraire, ils peuvent être attribués à des
indicateurs antérieurs, qui sont en effet mesurables dès le plus jeune
âge. (…)
C’est comme pour la taille : nous sommes tous plus grands à l’âge
adulte que dans l’enfance, mais si vous classez les enfants par ordre de
taille, vous pourrez prédire, bien que pas parfaitement, leur taille à
l’âge adulte. L’héritabilité du leadership est bien inférieure à
l’héritabilité de la taille, mais la même logique s’applique toujours :
toutes les qualités psychologiques clés qui rendent les leaders plus
efficaces (par exemple l’intelligence, la motivation, l’empathie,
l’intelligence émotionnelle, la curiosité, l’humilité, l’intégrité) peuvent
être mesurées de manière fiable chez les enfants, et si vous classez un
groupe de 100 enfants sur chacun de ces traits à, disons, 15 ans, et que
vous les testez de nouveau à 45 ans, des changements majeurs dans
l’ordre de classement seront plus proches à l’exception qu’à la norme.
Ou considérez le talent musical, qui est plus proche du talent de
leadership en termes de base génétique ou d’héritabilité : on peut
s’attendre à ce que 2 enfants hypothétiques recevant le même nombre
de leçons de violon et de temps de pratique diffèrent considérablement
dans leurs compétences en violon, car le potentiel n’est pas
uniformément réparti au départ ; de même, si vous avez plus de
potentiel pour la musique, vous devrez pratiquer moins pour surpasser
quelqu’un avec moins de potentiel qui pratique beaucoup, et ainsi de
suite.
Alors oui, bien sûr, le leadership peut être enseigné et appris, mais
certaines personnes sont plus susceptibles d’apprendre ou d’acquérir le
talent de leadership que d’autres, car la prédisposition à diriger est
considérablement amplifiée par certaines qualités qui se manifestent
déjà tôt dans la vie.2 »

La bonne question à se poser et qui est au cœur de cet ouvrage, c’est : Que
pouvons-nous faire pour améliorer les performances de ceux qui occupent
des rôles de leadership ? Je suis d’avis qu’il y existe la science ainsi que
l’art du leadership et que les deux importent.
La science du leadership doit être apprise. Un leader doit renforcer ses
connaissances et son expertise. Elles sont toutefois plus faciles à développer
que les habitudes, les comportements ou les changements émotionnels (l’art
du leadership). Certaines personnes développeront cet art plus aisément que
d’autres. Nous savons que des qualités comme l’humilité, la curiosité,
l’intelligence émotionnelle et l’empathie augmentent le potentiel des
individus dans leur leadership, nous pouvons conclure que les interventions
de développement du leadership sont essentielles. Il y a toutefois un
paradoxe ici. Car ce que nous pouvons constater, c’est que
malheureusement les démarches de développement et de coaching sont plus
efficaces auprès de ceux qui en ont le moins besoin… ceux qui démontrent
déjà des qualités comme l’humilité, la curiosité, l’intelligence émotionnelle
et l’empathie. C’est, à mon avis, de cela dont nous sommes témoins
aujourd’hui face à l’importance sans équivoque des qualités humaines des
leaders. Ce constat qui n’a fait qu’être renforcé, car les programmes conçus
pour améliorer l’efficacité des leaders ont créé un fossé entre ceux qui ont
plus de potentiel de leadership et ceux qui en ont moins…
Et si nous reprenons l’exemple du violon cité plus haut… J’ai débuté des
cours de violon à l’âge de trois ans. À l’adolescence, bien que j’aie reçu le
même nombre d’heures de cours que tous les autres enfants du groupe, que
j’aie été disciplinée dans mes pratiques et que j’aie appris ma théorie et mon
solfège de façon assidue, je ne suis jamais devenue une virtuose…
Concernant l’art, personne ne part du même lieu…
Alors est-ce que le leadership s’apprend ? Il se développe, assurément. Et
j’en suis une croyante fervente, comme plusieurs autres d’ailleurs qui
œuvrent aussi dans le domaine du développement du leadership. Sinon,
nous ne ferions pas le métier que nous exerçons…

Formation versus transformation


L’erreur que font souvent les entreprises est de promouvoir des employés à
des postes de gestionnaires parce qu’ils se sont démarqués par leurs
compétences techniques. On attend ensuite d’eux qu’ils obtiennent de bons
résultats, qu’ils mobilisent leurs équipes et deviennent des leaders, et ce,
sans même leur avoir fourni davantage de ressources de développement.
C’est une grave erreur.
Un gestionnaire de premier niveau doit développer ses compétences de
gestion. Il doit apprendre les rudiments du métier et connaître les outils qui
lui permettront de passer de collègue à patron.
Si, pour un gestionnaire de premier niveau, les compétences techniques et
de gestion comptent pour 80 % de son impact positif de leader et pour 20 %
de sa capacité à inspirer par sa posture de leader, plus on gravit les
échelons, plus cette tendance s’inverse. Pour un gestionnaire de plus haut
niveau, c’est 80 % de son impact qui sera relié à sa posture de leader et à sa
capacité à inspirer par ses qualités d’être. Ses compétences techniques et de
gestion n’auront presque plus d’importance sur sa crédibilité et son
influence.
Donc, oui, le développement des compétences et la formation sont
importants, mais ce n’est pas tout. Il faut mettre aussi l’accent sur le
développement intérieur du leader : sa transformation. En effet, si nous
souhaitons développer le premier outil du leader – lui-même – nous devons
viser en premier lieu une transformation de l’intérieur. Passons donc moins
de temps sur le partage d’information et de contenu, et davantage sur le
développement de la personne elle-même.
Il est essentiel pour le leader de s’engager dans des parcours d’une assez
longue durée pour favoriser l’expérimentation et l’intégration des nouveaux
comportements, des rituels et de l’ancrage du « mindset ». À cette ère que
j’appelle « micro-onde », où nous souhaitons des résultats toujours de plus
en plus rapides, où nous voyons apparaître des solutions expresses pour
faire de nous des leaders extraordinaires, c’est un réel défi.
Mais le développement de la personne prend du temps. C’est un voyage à
l’intérieur de soi : on connaît le point de départ, mais pas toujours la
destination…

À RETENIR À PROPOS DU PROCESSUS DE


TRANSFORMATION
Il est à la fois : réflexion et expérience.
La patience est de mise.
Il est important de ralentir ce processus afin d’aller explorer l’arrière/les dessous de
votre jeu intérieur.
Pour ce faire, des moments en intimité avec vous-même, pour aller à votre rencontre,
sont essentiels.
Osez vous rencontrer !

LEADER CONSCIENT

Qu’est-ce que la conscience ?


On parle de plus en plus de conscience, de stades de conscience,
d’évolution en conscience, de leadership conscient… Mais qu’est-ce que la
conscience ?
Même si c’est, encore aujourd’hui, un concept qui demeure mystérieux
(demandez à 100 psychologues, neuroscientifiques, philosophes, et vous
aurez 100 définitions différentes), on pourrait dire, de façon simplifiée, que
la conscience c’est : comprendre comment je fonctionne, comment
fonctionne le monde qui m’entoure et comment, moi, je fonctionne dans ce
monde.
Je ne prendrai pas le crédit pour cette définition. Elle me vient de ma fille
de 19 ans. Pas mal du tout, non ?
Selon le site psychologie.com, la conscience se définit comme suit : « C’est
la capacité de se décrire, se définir et se choisir. La conscience est la
capacité de se percevoir, de s’identifier, de penser et de se comporter de
manière adaptée. Elle est ce que l’on sent et ce que l’on sait de soi, d’autrui
et du monde. En ce sens, elle englobe l’appréhension subjective de nos
expériences et la perception objective de la réalité. Par elle, enfin, nous est
donnée la capacité d’agir sur nous-mêmes pour nous transformer3. »
En fait, la conscience nous permet de sortir du pilote automatique, de nos
vieux réflexes et d’aller vers l’autre pour s’ouvrir à lui sans condition, sans
que l’ego embarque pour protéger notre valeur.
Lorsque nous sommes conscients, nous sommes au cœur de nous-mêmes.
Nous sommes pleinement en mesure de percevoir notre expérience à travers
toutes les dimensions de notre personne : nous sentons par notre dimension
physique, nous ressentons par notre dimension émotionnelle et nous traitons
l’information par notre dimension mentale. Nous sommes à même de
percevoir aussi si l’expérience que nous sommes en train de vivre est
alignée ou pas sur notre monde intérieur, nos valeurs, un sens qui nous est
cher.
Alors, qu’est-ce que le leadership
conscient ?
En bref, c’est le processus par lequel un leader devient responsable,
conscient de lui-même et de ses comportements et qu’il contribue à la
création d’une culture du « nous » plutôt que d’une culture du « je ».
L’objectif d’un leader conscient est donc de reconnaître comment il pourrait
réellement réagir, penser, diriger à partir de ses réflexes, conditionnements
et peurs. Pour ensuite prendre des mesures actives pour changer sa vision et
que son style de leadership devienne créateur, c’est-à-dire qu’il parte de sa
boussole intérieure (valeurs, besoins, intentions, sens).

« Les résultats de la recherche indiquent clairement que la formation


des dirigeants de demain est autant une question de conscience que de
compétences… l’élément le plus important à développer pour permettre
au leader d’exercer un leadership qui se démarque est son système
d’exploitation interne. Il ne s’agit pas simplement de développer des
aptitudes, mais de développer la conscience nécessaire pour déployer
habilement le pouvoir d’influence d’une personne de telle sorte qu’il
soit toujours adapté à la complexité des défis organisationnels. Bref, un
excellent pouvoir d’influence requiert une conscience d’un niveau
supérieur. » Bob Anderson, fondateur du Leadership Circle (Traduction
libre)

Comment traduire de façon concrète, à partir de comportements


observables, ce qu’est le leadership conscient ?
Voici ce que The Conscious Leadership Group nous propose : (Traduction
libre)
Les 15 engagements du leader conscient4
J’assume l’entière responsabilité des circonstances auxquelles je
suis confronté.
J’apprends par la curiosité.
J’accepte de ressentir toutes mes émotions.
Je parle avec franchise.
J’élimine les commérages.
Je pratique l’intégrité.
J’offre de l’appréciation.
J’excelle dans ma zone de génie.
Le jeu et le repos font partie de ma vie.
J’explore les contraires.
Je nourris mes besoins d’approbation, de contrôle et de sécurité de
l’intérieur de moi.
J’accepte ce qui est : j’ai assez de tout.
Je vois le monde comme un allié.
Je crée des solutions gagnantes pour tous.
Je « suis » la résolution.

Les leaders conscients s’engagent à incarner ces comportements ainsi qu’à


contribuer à créer des cultures où ces comportements peuvent être vécus de
façon saine et sécuritaire.

« Assumer la responsabilité de sa vie (physiquement,


émotionnellement, mentalement et spirituellement) est
à la base d’une véritable émancipation et d’un
leadership efficace. »
The 15 Commitments of Conscious Leadership,
Jim Dethmer, Diana Chapman et Kaley Klemp
Toute une liste, vous me direz. C’est un voyage qui dure une vie que
d’évoluer en conscience. Et la récolte de ce travail n’est pas que dans notre
sphère professionnelle. Un leader conscient transforme sa vision du monde,
de ses relations personnelles en plus de celle de sa culture d’entreprise.
Alors, en plus d’évoluer dans un contexte professionnel, les leaders
conscients s’épanouissent également davantage dans leur vie personnelle.
Par leur présence, ils permettent aux gens de leur entourage d’évoluer eux
aussi. Les leaders conscients attirent, inspirent et engagent.
La conscience est le point de départ de tout : notre authenticité de personne
et de leader, notre capacité à créer des environnements de travail sains,
sécuritaires psychologiquement et inclusifs… Car offrir la sécurité à
d’autres nécessite de nous offrir notre propre sécurité intérieure. Et pour
cela, ça prend la conscience…
Et comme l’a dit Carl Jung : « La conscience est une condition d’être. »
Alors comment ÊTRE… sans conscience ?

L’importance de la conscience de soi

SAVIEZ-VOUS QUE… 95 % des gens pensent qu’ils sont conscients


d’eux-mêmes, alors que seulement 10 à 15 % le sont vraiment5 ?

Cette statistique vous surprend ? Elle est tirée des recherches de la Dre
Tasha Eurich. Dans son livre Insight, elle aborde ce sujet que beaucoup
d’entre nous pensent maîtriser, mais pas autant qu’on ne le croit : la
conscience de soi.

Pour bien se connaître, il faut faire le deuil de croire


qu’on se connaît déjà.
Il faut accepter de partir à l’aventure, sans connaître la destination et
accepter de se dé-couvrir. Se départir de nos croyances et conditionnements
qui ne nous servent plus… C’est avoir l’humilité de reconnaître que bien
des parties de nous demeurent encore inexplorées… C’est aller à la
découverte d’une terre inconnue.

Mais qu’est-ce que la conscience de soi au


juste ?
Elle consiste à avoir conscience de son propre fonctionnement et à se
comprendre soi-même. Cela signifie qu’il faut développer une très bonne
compréhension de ses émotions, de ses forces, de ses limites, de ses
attitudes, de ses valeurs et de ses motivations. C’est être capable de
s’autoévaluer clairement et objectivement.
En identifiant adéquatement les émotions et les sentiments qui motivent vos
comportements, vous serez à même de comprendre ceux des autres. Et en
tant que leader, comme vous ne travaillez pas avec des machines mais avec
des gens, il est primordial que vous sachiez reconnaître les émotions qui
animent les membres de votre équipe.
Établir des relations saines avec les employés est l’objectif le plus important
du leader. En fait, il a été démontré que les dirigeants qui sont conscients de
qui ils sont ont tendance à avoir une meilleure relation avec leurs équipes, à
se sentir plus satisfaits de leur travail et à les considérer comme plus
efficaces, en général. On le répète souvent et cela peut sembler cliché, mais
tout part de soi !
La conscience de soi est non seulement associée à une plus grande
satisfaction au travail et dans les relations interpersonnelles, mais il
semblerait qu’elle est aussi en corrélation avec la performance financière
globale d’une entreprise.
Dans une analyse réalisée en 2013 par le Korn Ferry Institute, il a
effectivement été révélé que les entreprises avec le plus grand pourcentage
d’employés conscients d’eux-mêmes ont constamment surpassé les attentes
financières de celles avec un pourcentage plus faible. Autre fait intéressant,
il a aussi été démontré que plus un leader détient du pouvoir, plus il est
susceptible de surestimer ses compétences et ses capacités. Cela porte à
réfléchir, n’est-ce pas ?
Et comme l’a déjà dit Robert Kegan : « La maturité de pensée d’une
personne n’est pas une question d’intelligence. C’est une question de
conscience avec laquelle elle exerce son intelligence… ou son manque
d’intelligence. » (Traduction libre)

Quoi faire pour être plus conscient de soi ?


Selon la Dre Eurich (autrice du livre Insight), il y a deux types de
conscience de soi :
1. La conscience de soi interne : la clarté sur le plan de nos valeurs, nos
passions, nos aspirations, nos pensées, nos sentiments, nos
comportements, nos forces et nos faiblesses, notre impact sur les
autres et notre capacité à nous adapter à notre environnement.
2. La conscience de soi externe : la clarté sur la façon dont les autres
nous voient.
Afin de devenir plus conscient de soi-même, voici ce que nous recommande
la Dre Eurich :
Ne tombez pas dans le piège de valoriser la conscience de soi
interne par rapport à la conscience de soi externe ou l’inverse.
L’introspection est importante, mais vous devez travailler
activement sur les deux types de conscience, interne et externe :
vous voir clairement et obtenir des commentaires pour comprendre
comment les autres vous voient. La rétroaction est importante pour
découvrir vos angles morts (nous avons tous des caractéristiques,
soit que nous ne les voyons pas ou que nous nous efforçons tant de
les cacher… Et qui sont si visibles pour d’autres !) Elle est aussi
importante pour mesurer votre impact (est-ce que ce que je portais
comme intention, c’est effectivement ce que j’ai créé comme
impact ?) Nous avons besoin des autres et de leurs rétroactions dans
notre développement.
À l’inverse, mettre l’accent seulement sur la conscience de soi
externe peut vous amener dans un désir de plaire excessif. Et à faire
des choix qui ne nourrissent pas votre épanouissement personnel et
ne vous amènent pas à vous réaliser pleinement.
Remplacez le « pourquoi » par le « quoi ». Les recherches de la Dre
Eurich ont révélé que les personnes très conscientes d’elles-mêmes
se demandaient davantage « pourquoi » que « quoi ». Par exemple,
plutôt que de vous demander pourquoi votre employé vous a fait un
commentaire négatif, demandez-vous quelles sont les étapes que
vous devriez suivre à l’avenir pour faire différemment. Les
questions « quoi » nous aident à rester objectifs, tournés vers
l’avenir et habiletés à agir en fonction de nos nouvelles idées (tandis
que le « pourquoi » appelle surtout notre critique intérieur à
répondre à notre questionnement…).

En bref, pour devenir un meilleur leader conscient, suivez les trois règles
suivantes :
Concentrez-vous sur la conscience interne et externe de vous-
même.
Demandez des rétroactions honnêtes sur votre travail.
Utilisez le « quoi » plutôt que le « pourquoi » pour répondre à vos
questions intérieures.

Faites de la rétroaction un cadeau précieux nécessaire à votre


développement. Demeurez curieux de ce qui se passe en vous. Ce voyage
de découverte de soi est si beau et riche !
Vous l’aurez compris, la conscience de soi est un incontournable ! Vos
comportements observables ne représentent qu’un petit pourcentage de ce
qui se passe réellement. Tout comme un iceberg, si vous regardez sous la
surface, vous trouverez une image beaucoup plus grande de qui vous êtes :
vos pensées, vos émotions, vos valeurs, vos croyances et vos besoins
fondamentaux constituent les 90 % sous la surface, et tous ces éléments se
combinent pour conduire les comportements qu’on peut observer de votre
dynamique. La conscience de soi signifie plonger sous la ligne de flottaison
et est inévitable si vous voulez vous attaquer (et surmonter) aux causes
profondes et réelles de vos défis de leader !

COMPRENDRE ET ÉLEVER SON JEU


INTÉRIEUR : L’ITINÉRAIRE
Cette section du chapitre sera consacrée à expliquer le processus de
développement en conscience d’une personne et d’un leader. Cela vous
permettra de comprendre où vous en êtes dans votre voyage d’évolution et
comment élever votre jeu intérieur dans votre leadership.
Richard Barrett, fondateur de Barrett Values Centre®, a écrit : « Lorsque
vous comprenez où vous en êtes dans votre développement et quelle est la
prochaine étape, vous pouvez faire des choix qui anticipent les défis futurs
et accélèrent ainsi le rythme de votre développement. »

Vous engager dans une démarche de développement comme celle-ci vous permet de
comprendre :
1. ce qui se passe : Quel impact est-ce que je crée pour moi, pour les autres ?
2. pourquoi cela se passe : Qu’est-ce qui, dans mon jeu intérieur, motive mes
actions de cette façon ?
3. les opportunités de changement : Qu’ai-je envie de faire différemment, avec
conscience ?

De l’inconscience à la conscience
Nous passons souvent une bonne partie de notre vie endormis et engourdis.
Nous tentons d’enfouir les expériences inconfortables que nous vivons et
nous nous engourdissons émotionnellement afin de moins ressentir.
Nous mettons aussi de côté, pour pouvoir nous adapter à notre contexte de
vie, des parties de nous qui dorment. Nous avons tous des angles morts, des
caractéristiques que d’autres voient mais dont nous ne sommes pas
conscients.
Le processus d’évolution en conscience nous permet de nous éveiller. De
passer de la peur à l’amour, de se détacher du regard d’autrui et de vivre
notre authenticité. Être conscients nous permet de nous épanouir et nous
réaliser, de porter un regard lucide sur notre dynamique et sur le monde, de
nous responsabiliser dans notre vie et notre développement. Être conscients
nous permet d’être acteurs de notre propre vie.

Les crises : des moments de révélation


La vie adulte est parsemée de toutes sortes d’aventures, de défis et
d’adversités. Bien évidemment, nous ne sommes pas les mêmes
physiquement d’une décennie à l’autre, mais nous voyons aussi survenir des
changements dans nos valeurs, nos croyances et notre façon de voir la vie.
Nous avons des moments de révélation à chacune des étapes de notre vie :
des malaises, de profondes remises en question, des chocs et des prises de
conscience… C’est inévitable, nous nous posons de nombreuses questions.
À 30 ans, nous nous enracinons, nous fondons une famille, nous stabilisons
notre sécurité financière. Nous y mettons toute notre énergie (et c’est l’âge
où nous en avons à revendre !). Les responsabilités s’accumulent, la
pression s’accentue. Nous tentons de tout concilier, au risque de nous
essouffler.
Et nous voilà à 40 ans. Et nous nous posons la question qui tue : « Est-ce ça,
la vie ? Ce qui, je le pensais, me comblerait de bonheur à 20 ou 30 ans ne
me fait plus ni chaud ni froid. » Ce qui nous convenait ou ce à quoi nous
nous résignions jusque-là commence à nous déranger : notre train-train,
notre besoin de sécurité, notre sur-exigence, notre tentative de tout
contrôler, notre incapacité à dire non, cette manie de vouloir plaire à tout le
monde. Notre grand désir de réussir dans la vie et d’avoir une belle carrière
se transforme en passion soudaine, en un élan de partir à l’aventure ou
d’assouvir notre rêve de jeunesse et de devenir artiste ! De nouveaux
besoins font surface : quête de sens, épanouissement, évolution, aventure,
découverte, liberté !
C’est ce que j’ai appelé l’étape de « la crise » de nos processus d’évolution
dans mes deux livres précédents. Et parfois, cette crise, elle est existentielle.

« Pendant les 35 ou 40 premières années de notre vie,


nous nous sommes efforcés d’escalader une longue
échelle en vue d’atteindre enfin le sommet d’un
édifice ; une fois parvenus sur le toit, nous nous
apercevons que nous nous sommes trompés
d’édifice. »
Joseph Campbell

L’appel
Et puis un jour, de façon subtile ou de façon brutale, nous recevons un
« wake-up call ».
Cet appel, je l’ai reçu il y a près de 20 ans. Je n’avais pas le bon boulot pour
moi, je n’y trouvais plus de sens, j’étais prisonnière de mes masques, de
mes images, de l’identité que je m’étais construite et de la personne que je
croyais devoir être.

« Cet appel qui provient de l’intérieur de nous, ce n’est pas une


invitation à changer. C’est une invitation à retourner à notre vraie
nature, à notre authenticité. Être authentiques permet d’agir de façon
responsable envers qui nous sommes, dans le respect de nos besoins et
de nos valeurs, et d’avoir confiance en notre vision personnelle et en
nos capacités. L’authenticité nous permet de nous exprimer à partir de
notre vérité profonde. Ce wake-up call, c’est un temps de renaissance.
La renaissance à soi. Car… le pire n’est pas de mourir, c’est de n’être
jamais né. » Extrait de Oser être vrai dans un monde « faux » Pascale
Dufresne

La crise du milieu de vie : un appel à devenir


qui on est
Diane, 41 ans, mère de deux charmants enfants, est une femme
professionnelle, bien entourée, dynamique et engagée. Un jour, rien
ne va plus. Elle a la sensation d’étouffer et de ne plus se réaliser.
Elle remet en question son couple, sa carrière, sa vie.
Michel, 52 ans, est cadre dans une grande entreprise. Il a dédié sa
vie à sa carrière. Pendant 30 ans, il a été un exemple de
performance. Pourtant, il sent maintenant que son job, qui prenait
toute la place dans sa vie, n’a plus la même importance. Il rêve
d’aventures et de liberté. Des photos d’expéditions au Kilimandjaro
le font rêver.

› Ces situations vous semblent familières ?


La majorité d’entre nous avons choisi nos emplois avec notre tête et bien
peu avec notre cœur : Dans quoi suis-je compétent ? Où sont les meilleures
perspectives d’emploi ? Où aurai-je une bonne sécurité financière et les
meilleures conditions ?
Nous avons été encouragés à aller vers une vie qui correspond à des
standards et à viser la sécurité. Ce qui fait que nous nous réveillons un
matin, de mauvais poil, en nous disant que nous connectons de moins en
moins avec notre conjoint qui nous énerve ou qui semble ne plus nous
comprendre, que notre boulot ne nous fait plus vibrer, que nous nous
sentons soudainement moins utiles, que nous avons le sentiment d’être
passés à côté de quelque chose ou d’être prisonniers de notre propre vie.
Nous nous convainquons que ce n’est qu’une mauvaise journée. Mais le
lendemain, nous nous sentons pris dans ce qui ressemble au jour de la
marmotte et le questionnement continue. Pire, notre inconfort s’intensifie,
les questions déferlent et deviennent de plus en plus existentielles. Nous
nous rendons compte que rien n’est plus comme avant. Ou, au contraire,
que quelque chose doit absolument changer.

› Une crise essentielle à notre survie


Loin d’être un mythe, ces crises de vie sont bien réelles. Elles ont été
étudiées par des scientifiques auprès de centaines de milliers d’individus.
La crise qu’on appelle « du milieu de vie » est la plus importante (elle
touche 80 % des gens !) et survient généralement entre 37 et 48 ans.
D’ailleurs, on constate qu’elle peut apparaître de plus en plus tôt ou de plus
en plus tard dans la vie des gens.
Un événement joyeux ou pénible peut être un prétexte ou un élément
déclencheur qui nous fait réaliser que la jeunesse n’est pas éternelle et
qu’un jour, nous ne serons simplement plus de ce monde ! C’est un appel,
un signal à écouter. Insatisfaction, colère, anxiété et peur peuvent alors être
des sentiments qui nous habitent.

› Quand vient l’heure des bilans


C’est là que les questionnements et les réflexions s’enchaînent : C’est
maintenant ou jamais. C’est encore le temps pendant que je suis en forme et
en santé ! Est-ce que mon corps continuera de plaire ? Où est mon plaisir
dans tout cela ? Il est temps que je pense à moi ! Qui suis-je, moi, au fond ?
À quoi aurai-je servi et qu’est-ce que je vais léguer ? Suis-je heureux ? Ai-
je réalisé tous mes rêves, nourri mes passions ? Ai-je atteint les objectifs
que je m’étais fixés ?
C’est l’heure du bilan, d’une profonde remise en question. Celle-ci peut
même être brutale et mener à de grosses décisions : réorientation de
carrière, séparation, divorce.

› Quand l’appel survient, il faut tendre l’oreille


Il arrive un moment dans notre vie où nous sommes de plus en plus
interpellés par notre intériorité. Alors lorsque cet appel survient, quelque
chose nous dit d’écouter cette voix intérieure. Nous sommes davantage
réceptifs à cet appel à découvrir qui nous sommes… vraiment.
Depuis le début des temps, l’homme se pose ces questions : Que suis-je
venu faire ici ? Quel est le sens de ma présence sur cette terre ? Que nous y
croyons ou non, que nous ayons ou pas la croyance que notre passage dans
le monde des humains répond à un plan de match qui dépasse notre
entendement, donner un sens à notre existence procure une motivation et un
carburant hors du commun.
› Trouver qui on est et l’offrir aux autres
L’être humain est en constante évolution. Il passe à travers monts et vallées
afin de se définir et de se découvrir. Si vous êtes à la recherche de la clé du
bonheur et d’une vie épanouie, la voici : trouver qui on est et l’offrir aux
autres.
Attention ! Ce processus ne se force pas. Après tout, on ne peut tirer sur une
fleur pour qu’elle pousse !
Renaître à soi, devenir qui on est prend du temps, et le changement doit
émerger à travers cet amour que nous nous portons. On doit se déshabiller
de tout ce qui recouvre notre vrai moi et qu’on a accumulé depuis notre
naissance. Ces couches superflues qui représentent nos peurs, nos
croyances, nos pensées, nos émotions négatives et nos jugements.

› Changer ou plutôt s’accepter…


Doit-on changer ou plutôt s’accepter ? Eh bien… les deux ! Les
psychothérapies du changement s’appuient sur cette idée : le changement
repose d’abord sur l’acceptation. C’est ainsi qu’à travers cette découverte et
acceptation de qui on est, petit à petit, sans forcer, mais avec patience, notre
vie se transforme. Et doucement, nous laissons s’exprimer différemment
cette nouvelle personne que nous devenons.
Les organisations et le monde des affaires sont remplis de gens qui sont à
côté de leurs bottines. Je n’ai pas fait exception. Je me suis retrouvée, moi
aussi, complètement déconnectée, juste avant la quarantaine. C’est ainsi que
j’ai découvert ma raison d’être, mon pourquoi, qui était de faire en sorte que
les organisations, le monde du travail, soient des endroits bienveillants et
des lieux de confiance où on peut être soi-même. Voilà donc au nom de
quoi je me lève chaque matin pour mettre qui je suis au service des autres.
Cette période de crise dans notre vie peut en être une de grand
chambardement. Mais pourquoi ne pas en saisir toutes les opportunités ? Le
voyage peut être tellement enrichissant ! Comme le disait si bien
Confucius : « On a deux vies. La deuxième commence le jour où on réalise
qu’on n’en a juste une. »

LES STADES DE DÉVELOPPEMENT


PSYCHOLOGIQUE
Qu’est-ce qui cause ces crises qui, loin d’être un mythe, viennent bousculer
notre existence ?
Avant que des experts n’effectuent des recherches sur le développement
chez les adultes, on croyait que ces derniers atteignaient tous le même
niveau de maturité. Mais ce n’est pas le cas. En réalité, les recherches
qu’ont effectuées plusieurs chercheurs, dont Kegan, Joiner et Wilber, sur
qui tous mes modèles et processus de développement du leadership se
basent, indiquent clairement qu’il existe différents stades de maturité et de
conscience.
En effet, la conscience passe par plusieurs stades de développement au fur
et à mesure que nous évoluons en tant qu’adultes. Nous sommes dans un
processus continu de croissance et de transformation tout au long de notre
vie : nos priorités, nos besoins et nos valeurs évoluent. Et chacun de nous
avance à son propre rythme.
Richard Barrett, qui a effectué un travail de fond pour définir les niveaux de
conscience, a relevé sept stades de développement psychologique et sept
niveaux de conscience.
Chaque stade de développement psychologique de l’individu est assez
standard en ce qui concerne l’âge que nous avons à chacun de ces stades. Et
chaque niveau de conscience, quant à lui, est le niveau dans lequel nous
fonctionnons, nous opérons : si tout se passe bien, nous évoluons par paliers
et nous agissons en phase avec le stade de développement psychologique
que nous avons atteint.
Plusieurs chercheurs ont parlé de ces changements de niveaux de
conscience qui correspondent aux « crises » de la vie adulte. Certains
psychanalystes comme Carl Jung, Erik Erikson ou Daniel Levinson ont
même découpé la vie adulte en tranches de cinq ou de dix ans.

Quels sont ces stades de développement


psychologique ?
Le modèle des sept stades du développement psychologique diffère de la
plupart des autres modèles sur un point important. Il examine le
développement individuel à travers le prisme de la dynamique ego-âme : la
croissance et le développement de l’ego, l’alignement de l’ego avec l’âme
et l’activation de l’âme.
Les trois premiers stades du développement impliquent l’établissement de
l’ego en tant qu’entité viable et indépendante dans son cadre d’existence
physique, social et culturel. Le quatrième stade du développement consiste
à aligner les motivations de votre ego avec les motivations de votre âme et
les trois derniers impliquent l’activation de votre âme.
Source : Barrett Academy https://www.barrettacademy.com/stages-of-
psychological-development

La croissance et le développement de l’ego


Entre le moment où nous naissons et celui où nous atteignons la maturité
physique et mentale, vers 20-25 ans, nous traversons trois stades de
développement psychologique : survie, conformité et différenciation.
Ce que nous apprenons au cours de ces stades de développement
psychologique, c’est comment satisfaire nos besoins de survie, de sécurité
physique et de sécurité psychologique dans le cadre physique, social et
culturel de notre existence. Si, pour une raison quelconque, nous ne
parvenons pas à satisfaire ces besoins, nous nous sentons anxieux et
craintifs.
Notre capacité à nourrir nos besoins dépendra, dans une large mesure, de la
programmation parentale et du conditionnement culturel que nous avons
vécus pendant notre enfance et notre adolescence. Si vous avez grandi dans
un environnement sécurisant et dans un environnement social et culturel
aimant et respectueux, sans vivre d’expériences traumatisantes, vous
trouverez qu’il est relativement facile de nourrir vos besoins. À l’inverse, si
vous avez grandi dans un environnement physique, social et culturel
difficile où vous avez dû lutter (et souvent échouer) pour satisfaire vos
besoins, vous aurez du mal à les nourrir plus tard.
1. LA SURVIE. C’est le stade que nous traversons jusqu’à l’âge de 2 ans.
L’objectif est de rester en vie, de satisfaire nos besoins
physiologiques : dormir, manger, boire, maintenir la température du
corps.
2. LA CONFORMITÉ (peut aussi être appelé l’adaptation). Elle intervient
entre 3 et 7 ans. Nous avons besoin de nous sentir en sécurité
(affective). Nous faisons tout ce qu’il faut pour être vus, aimés,
appréciés.
3. LA DIFFÉRENCIATION. De 8 à 24 ans. Nous avons besoin de
reconnaissance pour nourrir notre estime de nous-mêmes. Nous
agissons pour faire partie d’un groupe. Cela nous aide à forger notre
identité, à être respectés et à nous établir dans une communauté que
nous valorisons.

À ces stades, nous sommes socialisés. Nous agissons en fonction des autres.
L’alignement de l’ego avec l’âme
Le processus d’alignement ego-âme, comme l’appelle Barrett, débute au
stade 4 d’individuation du développement psychologique. Contrairement
aux stades du développement psychologique de l’ego, le stade
d’individuation ne vous est pas imposé par les exigences biologiques et
sociétales de la croissance : il est conduit par l’impulsion évolutive de votre
âme qui cherche à s’exprimer dans votre vie.
La phase d’individuation peut être assez difficile pour un certain nombre de
raisons.
Premièrement, il s’agit d’affronter et de surmonter vos peurs.
Deuxièmement, cela implique que vous deveniez responsable de tous les
aspects de votre vie. Troisièmement, vous devez embrasser la nature de
votre âme et ses valeurs. Cela peut signifier, entre autres, de vous éloigner
de votre famille d’origine, de votre héritage culturel ou de votre
appartenance religieuse.
« On ne peut pas s’individualiser tant qu’on joue un rôle à soi-même. Nous
sommes comme des oignons avec beaucoup de couches, et nous devons
nous éplucher encore et encore pour atteindre le vrai noyau », disait Carl
Jung en parlant du persona, le masque social (ce que nous-mêmes et les
autres personnes pensent que nous sommes).
Pour diverses raisons, dont certaines sont hors de leur contrôle, la plupart
des gens ont du mal à s’individualiser parce que les conditions physiques,
sociales ou culturelles dans lesquelles ils vivent les découragent activement
d’embrasser leur vraie nature, de trouver leur voix et de s’exprimer.
4. L’INDIVIDUATION. De 25 à 39 ans. L’objectif est de prendre la
responsabilité de sa vie. Nous construisons une famille, un lieu de vie,
une carrière… pour voler de nos propres ailes. Nous avons besoin
d’autonomie et de liberté. Nous cherchons à découvrir notre identité
propre, notre authenticité en lâchant prise sur nos peurs et notre
dépendance aux autres. C’est le stade où on se demande : Qui suis-
je ?, Qu’est-ce qui est important pour moi ?
Ce niveau est crucial puisque c’est le stade où il faut lâcher prise sur
certaines choses qui nous procurent de la sécurité pour nous épanouir. Par
exemple, laisser de côté une carrière ou un job qui nous a offert cette
sécurité. C’est là où se joue une de nos principales tensions comme
humain : ce qui m’offre de la Sécurité ou ce qui nourrit du Sens pour moi.
À mon humble avis, c’est là que « ça passe ou ça casse ». En fait, les
recherches nous démontrent que c’est dans ce mode de fonctionnement (que
j’appelle réactif) que 65 % ( ! ! !) des gens et des leaders restent coincés…
Et attention ! Peu importe le stade où nous nous trouvons, si nous sommes
confrontés à une situation difficile qui a un impact négatif dans notre vie ou
qui dérange notre équilibre… nous pouvons redescendre aux trois premiers
stades !
De la même façon, une expérience « négative » ou un trauma vécu pendant
l’enfance ou l’adolescence affecte notre capacité à opérer à un niveau de
conscience supérieur. Car nos besoins de sécurité, de survie, de se sentir
apprécié, accepté et respecté ne sont pas nourris.

L’activation de l’âme
Les trois derniers stades du développement psychologique représentent
différentes étapes de l’activation de l’âme. Si vous avez relativement réussi
à maîtriser le stade de développement de l’individuation, vous
commencerez à ressentir l’attraction du stade de développement
« Actualisation de soi » au début de la quarantaine.
5. L’ACTUALISATION DE SOI. Le renouveau. Survient entre 40 et 49 ans.
C’est l’âge où nous faisons de multiples prises de conscience. Nous
ajustons certaines choses dans notre vie. Nous nous rendons compte
que tout ce que nous faisons n’est pas en phase avec qui nous
sommes. L’objectif est de devenir pleinement soi, d’exprimer qui nous
sommes vraiment. Nous avons besoin de sens, de direction, d’une
raison d’être. Nous cherchons à exprimer notre vraie nature par
embrasser complètement les valeurs de notre âme. Nous nous
demandons qui on est, oui, mais aussi : Pourquoi suis-je dans ce
corps ?, Comment puis-je m’exprimer entièrement à partir de qui je
suis ?
6. L’INTÉGRATION. De 50 à 59 ans. Le mot clé ici, c’est connecter. Nous
cherchons un moyen d’entrer en relation sincère et authentique avec
les autres, d’avoir des relations emphatiques, de faire l’expérience
d’un amour inconditionnel… Nous avons besoin de faire une
différence positive autour de nous, de connecter avec l’autre de façon
aimante et inconditionnelle. À ce stade, le gros travail consistant à
comprendre qui nous sommes et à embrasser tout ce que nous sommes
est derrière nous. Le défi est maintenant d’établir cette connexion sans
condition avec l’autre afin de faire une différence qui peut nous
permettre ou pas de remplir notre vie de sens.
7. LE SERVICE. 60 ans et plus. Le mot clé à ce stade est contribution.
Nous sommes dans le don de soi, mobilisés par le désir de servir le
bien commun, de partager, de rendre autour de nous ce que la vie nous
a offert. Nous cherchons à contribuer au bien-être des générations
futures, de l’humanité, de notre planète. À cette étape, nous désirons
servir le bien commun et, pour ce faire, nous devons développer notre
compassion, les aspects les plus profonds de notre spiritualité
(intelligence de notre âme) et la sagesse de vouloir aider ceux qui
souffrent de façon désintéressée.

Dynamique de l’ego et de l’âme


Voici comment Richard Barrett la décrit :

« L’ego
Votre ego est un champ de conscience consciente qui s’identifie à votre
corps physique. Parce que l’ego croit qu’il habite un corps et vit dans
un monde matériel, il pense qu’il peut mourir. Parce qu’il pense qu’il
peut mourir, il pense qu’il a des besoins et parce qu’il pense qu’il a des
besoins, il développe des craintes de ne pas pouvoir les satisfaire.
Chaque fois que vous êtes bouleversé, impatient, anxieux ou craintif,
c’est parce que vous pensez avoir un besoin non satisfait. Les
principaux besoins de l’ego sont la survie, la sûreté et la sécurité.
Il est important de comprendre que l’ego n’est pas qui vous êtes ; c’est
qui vous pensez être. C’est le masque de personnalité que vous portez
pour répondre à vos besoins dans le cadre culturel de votre existence.

L’âme
Votre âme – et l’âme de tout autre être humain – est un aspect
individualisé du champ d’énergie universel à partir duquel tout dans
notre univers physique provient. Parce que l’âme s’identifie à votre
champ d’énergie et non à votre corps physique, elle sait qu’elle ne peut
pas mourir : par conséquent, elle n’a aucune peur. Non seulement
l’âme n’a pas de peurs, mais elle n’a pas non plus de besoins. La
raison est simple : elle crée tout ce qu’elle désire à travers ses pensées.
À ce niveau d’existence, donner devient la même chose que recevoir :
lorsque vous donnez aux autres, vous donnez à un autre aspect de vous-
même.

Dynamique âme-ego
Même si l’âme n’a pas de besoins comme l’ego, elle a des désirs. Ils
sont triples : exprimer pleinement ses dons et talents uniques (trouver
un sens et un but à votre vie), connecter avec les autres dans des
relations d’amour inconditionnel (afin que vous puissiez faire une
différence), et contribuer au bien-être de l’humanité et de la planète
(être au service).
La seule chose qui vous empêche de satisfaire les désirs de votre âme,
ce sont les peurs que vous avez apprises lorsque vous étiez jeune pour
répondre à vos besoins de survie, de sûreté et de sécurité. Lorsque les
peurs de l’ego empêchent l’âme de réaliser ses désirs, vous ressentez de
la tristesse. Si la situation persiste, vous devenez déprimé.
Si vous voulez ressentir un sentiment de bien-être et trouver un
épanouissement dans votre vie, vous devez apprendre à maîtriser ou à
libérer les peurs de votre ego. Cela peut exiger beaucoup de
courage6. »

Je vous lance donc cette invitation à vous demander : Quelles peurs


m’empêchent d’exprimer ma vraie nature et d’embrasser toutes les valeurs
que mon âme me murmure à l’oreille… afin de pouvoir servir ma mission
de vie et ÊTRE le leader que je souhaite être ?

COMPRENDRE D’OÙ ON VIENT POUR


SAVOIR OÙ ON VA

« Celui qui ne sait pas d’où il vient


ne peut savoir où il va car il ne sait pas où il est.
En ce sens, le passé est la rampe de lancement vers
l’avenir. »
Otto Von Bismarck

Mon approche d’intervention et de développement de la personne n’est pas


de la thérapie, car je ne suis pas psychologue, mais elle implique que nous
revisitions notre histoire et nos racines, d’obtenir de la clarté sur notre
dynamique humaine afin de comprendre : Qu’est-ce qui se passe pour moi,
comme personne et comme leader ? Pourquoi ça se passe ainsi ?
Le but ultime n’est pas la guérison. Mais il arrive que de se revisiter et de
s’accorder ce temps en compassion avec soi-même la provoque. Sans
obligatoirement en faire un exercice thérapeutique, comment peut-on
revisiter notre histoire avec de nouvelles lunettes ? En voyant dans notre
histoire ce qui nous a forgés, d’où on a tiré nos ressources, les stratégies
qu’on a créées pour faire face à notre environnement. Nous ne pouvons
changer notre histoire, mais la revisiter et comprendre ce que nous en avons
transféré à l’âge adulte peut nous aider à créer des changements plus
durables et profonds. Comme lorsqu’on visite un pays pour une seconde
fois, mais en l’explorant différemment.

Connaître mes racines


Je devais savoir d’où je venais. Il y avait un trou béant en moi qui jamais ne
se remplissait. J’avais rencontré ma mère biologique. J’avais eu des
réponses sur 50 % de mes racines, mais il me restait à découvrir l’autre 50
% qui était bien plus mystérieux. Je savais, aux dires de ma mère, que mon
père biologique était d’origine africaine-américaine. C’était à peu près tout
ce dont elle se rappelait. Il était grand, de peau noire, habitait aux États-
Unis et avait passé l’été 1968 à La Pocatière, peut-être pour étudier. C’était
bien mince comme piste…
À la fin de l’été 1998, je me dirigeais vers Montréal, après avoir terminé la
partie théorique de mon programme de coopération volontaire à Rivière-du-
Loup. À ce moment de ma vie, mon besoin de connaître mes racines était
très fort. Sans que je sache trop pourquoi, ma petite voix intérieure m’a
soufflé de faire un arrêt à La Pocatière. Je me suis donc retrouvée au Cégep
de La Pocatière qui était désert puisque c’était l’été. Je me suis dirigée vers
la bibliothèque où se trouvait un monsieur d’une soixantaine d’années. Je
lui ai parlé de ma quête, lui ai raconté ce que je savais de mon père
biologique. Il m’a répondu : « Eh bien ! Aujourd’hui est votre jour de
chance, mademoiselle ! Je travaillais ici il y a 30 ans. Ce n’était pas le
cégep à l’époque, mais le collège de La Pocatière. Je me rappelle très bien
que, pendant quelques années, le collège recevait à l’été des Américains qui
faisaient partie du programme Peace Corps de coopérants volontaires. Ils
venaient ici pour être formés et apprendre le français avant de partir en
mission humanitaire en Afrique de l’Ouest. Votre père faisait assurément
partie d’un de ces groupes, soit comme étudiant ou comme professeur. »
Je lui apprends alors que je serai moi-même bientôt en route pour une
mission humanitaire en Afrique de l’Ouest, au Mali. Nous nous regardons
quelques instants en silence. J’avais suivi exactement les mêmes traces que
mon père, à 30 ans d’intervalle. Incroyable ! Ce moment était d’une telle
puissance, il n’y avait rien de plus à dire. Parfois le silence parle plus fort
que les mots. Je sentais le vieil homme touché par sa propre révélation et
par sa contribution au remplissage de quelques trous de mon histoire.
Même si j’ai été déracinée de mon terreau et plantée dans un autre, dans
lequel j’ai tenté de fleurir du mieux que j’ai pu (quelques pétales, bourgeons
et quelques épines aussi !), je ne m’étais pas éloignée de mes racines !
Peut-on fleurir dans un autre terreau que celui dans lequel on est né ? C’est
la question qui a émergé en moi… Et dans tous les cas, je portais une partie
de mon histoire totalement inconnue mais bien actuelle en moi
intuitivement.

Retour aux sources


Il y a quelques mois, j’ai fait un test d’ADN afin de connaître mes origines
génétiques. Et aussi incroyable que cela puisse paraître… je suis à demi
Malienne ! J’avais visité, sans le savoir lors de ma mission humanitaire, la
terre de mes ancêtres.
Une coutume au Mali est de baptiser les amis étrangers d’un nom malien.
C’est une façon symbolique de les accueillir dans leur grande famille. Le
mien est : Kadidia Kanté.
Or, un test d’ADN a confirmé que j’en faisais réellement partie, avant
même qu’on m’offre ce privilège. Moi, petite fille moitié québécoise et
moitié d’origine inconnue, j’avais enfin retrouvé ma source. J’avais
l’impression d’être entière et d’avoir un lieu d’appartenance.
Comme quoi la vie a le don de nous mettre face à nous-mêmes de la façon
la plus inattendue qui soit… J’étais, lors de mon voyage, dans une aventure
qui m’avait amenée à ma propre rencontre, mais d’une façon tout à fait
autre que celle que je croyais à l’époque.

Les empreintes émotionnelles

« Chacun d’entre nous est une biographie, une


histoire, un récit singulier, qui s’élabore en
permanence, de manière inconsciente, par, à travers et
en nous […]. Biologiquement, physiologiquement,
nous ne sommes pas tellement différents les uns des
autres ; historiquement, en tant que récit, chacun
d’entre nous est unique. »
Oliver Sacks

Dans mon livre Oser être vrai, j’ai exploré le thème des empreintes
émotionnelles et de l’impact de nos histoires sur nos comportements et
conditionnements. Ce que j’appelle, dans mon jargon, nos « stratégies
réactives », c’est-à-dire les stratégies que nous avons mises en place depuis
notre enfance afin de composer avec notre contexte et de nourrir nos
besoins de sécurité, d’être aimés et valorisés.
Ces empreintes ne sont pas quelque chose que nos parents ou éducateurs
nous ont fait ou que nous faisons à quelqu’un lorsque nous devenons
parents. C’est une expérience dans laquelle nous entrons ensemble.
Cette histoire dans laquelle nous entrons avec nos parents, nos éducateurs et
les autres personnes significatives laisse en nous des empreintes, des traces
qui sont à la source de la structure émotionnelle de notre vie. Elles prennent
la forme de valeurs, de mentalités ou de systèmes de croyances et, comme
un tatouage, elles ne peuvent pas être effacées. Souvent, nous ignorons
même qu’elles existent.
La base de nos empreintes émotionnelles est formée par les premières
graines émotionnelles qui, la plupart du temps, ont été gravées dans nos
mémoires émotionnelles avant même que notre conscience ne pénètre le
plan mental. Si elles ne sont pas consciemment intégrées, ces premières
graines émotionnelles grandissent en inconfort. Et ces inconforts
engendrent des états réactifs cachés dans nos zones d’ombre. Ce qui veut
dire que, lorsque nous sommes émotionnellement déstabilisés par une
situation, nous sommes en réalité en train d’activer le souvenir de quelque
chose qui est demeuré inconsciemment caché jusque-là.
Quel est le lien avec le leadership ? Pensez-y. Comme je le répète souvent,
nous apportons notre humanité dans notre leadership. Et même si ces
empreintes sont inconscientes, nous agissons à partir de celles-ci. Surtout
lorsque notre sécurité est menacée.
Plus un leader est conscient de ses empreintes émotionnelles, plus il est
conscient de ses ressentis et de ses réactions et plus il se donne la possibilité
de faire de vrais choix pour prioriser ce qu’il veut vraiment.
D’ailleurs, elles peuvent expliquer certains de vos traits de leaders. Les
comportements du leadership réactif, par exemple : sur-adaptation,
passivité, distance émotionnelle, difficulté à faire confiance ou à créer des
liens sécurisants, vouloir trop contrôler, sur-exigence, autoritarisme,
perfectionnisme. Elles justifient aussi vos atouts et leviers, car ces
empreintes ne sont ni négatives ni positives. Ce sont les traces laissées par
votre histoire de vie.
L’histoire de Claudine
Il y a quelques années, j’ai accompagné Claudine, une femme distinguée
d’environ 50 ans, une leader qui avait atteint un rôle d’exécutif après avoir
consacré toute sa vie à sa carrière en montant graduellement les échelons
dans un milieu principalement masculin. Tout ça en plus d’élever deux
enfants, maintenant devenus adultes, d’incarner le rôle de présidente de
plusieurs conseils d’administration et d’être le pilier de sa famille. Elle
faisait partie d’un programme de développement du leadership corporatif
offert par son entreprise auquel j’apportais ma contribution et s’était prêtée
à l’exercice avec ouverture et curiosité. Il faut dire que Claudine avait déjà
beaucoup travaillé sur elle, comme personne et comme leader. Son
leadership exemplaire lui avait d’ailleurs valu beaucoup de reconnaissance
et de nombreuses promotions. Elle demeurait, malgré tout, intriguée par ce
qu’elle pourrait découvrir grâce à cette démarche.
Lorsque j’ai commencé la séance de coaching avec elle et que je lui ai parlé
de ses – excellents – rapports d’évaluation, j’ai remarqué que derrière sa
posture maîtrisée se cachait une certaine fragilité. Je lui ai alors demandé :
« S’il y avait un mot pour décrire ton histoire, quel serait-il ? » Elle m’a
répondu, d’une voix un peu éteinte : « Responsabilité ».
Voilà.
Claudine, enfant, devait faire face à ses responsabilités pour être en
sécurité, aimée et valorisée, c’était une question de survie. Claudine pour
qui la perfection était le minimum acceptable pour faire honneur à sa
famille, particulièrement à son père, pour qui l’échec n’était pas une option
possible. Claudine s’était donc moulée à ce qu’on attendait d’elle : qu’elle
soit responsable. Elle adoptait cette posture, peu importe la situation. Voilà
ce qui expliquait son profil.
Son empreinte était la suivante : Lorsque je suis responsable, je suis aimée
et en sécurité, les personnes significatives de ma vie sont fières de moi et je
sens que je suis ok.
Et c’est cette femme responsable, performante, exigeante mais toujours au
top que Claudine a transportée jusque dans sa façon d’être une leader. Cela
lui a valu tous ses succès, mais aussi beaucoup de lourdeur. Cette
responsabilité à tout prix lui avait servi, mais avait aussi été son plus grand
piège. Et maintenant, elle souhaitait autre chose. Elle m’a regardée et m’a
dit en souriant : « J’ai l’impression d’avoir fait trois ans de thérapie en deux
heures ! »
Récupérer cette portion de son histoire lui a permis de retrouver son
pouvoir personnel. Des possibles se sont ouverts à elle, en conscience. Un
chemin de liberté intérieure était maintenant possible.

Donner un sens à son histoire


Encore une fois, le but n’est pas tant de changer vos empreintes, mais d’en
prendre conscience. Ces traces ne disparaissent jamais, mais la
représentation qu’on en a, elle, peut changer.
Depuis l’écriture de Oser être vrai dans un monde « faux » j’ai continué
mon exploration à partir de ma propre histoire. C’est un voyage de vie,
n’est-ce pas ? Je me suis intéressée aux traumas et j’ai expérimenté
certaines techniques telles que l’hypnose qui peut nous aider à faire la paix
avec nos expériences passées.
Voici ce qui m’est apparu : il y a deux avenues principales pour accueillir
notre histoire, lui donner un sens et vivre davantage dans le présent.
1. De l’intérieur vers l’extérieur : reconnaître, expérimenter et accueillir
notre réalité et nos expériences de vie. Partager notre histoire et
approfondir la compréhension de notre dynamique à travers la
connexion avec l’autre et soi-même.
2. De l’extérieur vers l’intérieur : en créant de nouvelles empreintes,
c’est-à-dire en osant de nouveaux comportements qui permettent à
notre corps d’enregistrer des empreintes contraires à celles qui
existent déjà.
Comme les rayures du tronc de l’arbre, notre corps garde en mémoire notre
histoire, nos empreintes. Nous ne sommes pas notre histoire, mais
apprenons de celle-ci comment elle a fait de nous la personne et le leader
que nous sommes aujourd’hui. Et comme l’a dit Maya Angelou d’une façon
si touchante : « Je peux être changée par ce qui m’arrive. Mais je refuse
d’en être réduite. »

Apprendre à désapprendre
Être un leader inspirant n’exige pas d’accumuler toujours plus de
connaissances et de savoir. Ça demande plutôt de se départir de ses vieux
réflexes de gestion, du désir de contrôler, de ses croyances et stratégies
limitantes, des couches qui recouvrent son véritable soi ainsi que de toutes
les stratégies inconscientes mises en place pour se protéger.

« Nous passons la première moitié de notre vie à accumuler, à nous


emplir la tête de connaissances, de savoir, à développer nos
compétences. Nous nous créons des stratégies pour faire plus, faire
mieux, devenir de meilleures personnes, être plus heureux, plus vrais,
plus en paix. Nous cherchons des réponses et des solutions. Nous
cherchons, trouvons, et quand nous trouvons, nous en voulons plus.
Notre sac à dos devient bien plein, mais bien lourd…
Puis, nous passons la seconde moitié de notre vie à nous dépouiller, à
nous défaire de tout ce que nous avons accumulé jusque-là. À nous
départir de nos stratégies de protection, des conditionnements, des
obligations, des drames, des jugements, des croyances limitantes qui
nous empoisonnent l’existence.
Nous simplifions afin de voyager plus légers et plus libres, car nous
avons compris que tout ce dont nous avions besoin était déjà là… à
l’intérieur de soi. Mais notre nature véritable s’était retrouvée enfouie
sous toutes ces accumulations. Et la vie ne consiste pas à trouver des
réponses ou à accumuler quoi que ce soit, mais plutôt à se dé-couvrir.
À se dé-couvrir de tout ce qui recouvre l’essentiel et notre vraie nature.
Vivre une vie riche, épanouie et pleine de sens est synonyme de devenir
soi-même. De se dé-couvrir. C’est aussi simple et aussi complexe que
cela… C’est de révéler sa vraie nature et être authentiquement,
entièrement cela. » (Tiré de mon livre Oser être vrai dans un monde
« faux »)

Apprendre à désapprendre, c’est un voyage de dépouillement. Car


l’encombrement de l’esprit est semblable à l’encombrement des maisons.
Nous devons nettoyer nos esprits. Quelles croyances nous sont vraiment
utiles, lesquelles pourrions-nous jeter ? Quelles vérités imposons-nous aux
autres ? Quels changements refusons-nous ?

« Suivre la voie, c’est de jour en jour décroître7. »


Tao-Te-King

Désapprendre l’ancien pour s’ouvrir au nouveau, tel est le sens de cette


invitation paradoxale.

Devenir un humain pleinement fonctionnel

« Le curieux paradoxe est que,


quand je m’accepte comme je suis, je peux changer. »
Carl Rogers

Pour le psychothérapeute Carl Rogers, l’un des fondateurs de la


psychologie humaniste, l’état le plus solitaire de tous n’est pas la solitude
des relations sociales, mais une séparation presque complète de sa propre
expérience. Sur la base de ses observations auprès d’un grand nombre de
patients ayant un développement sain de leur moi tout entier, il a créé la
notion de « personne pleinement fonctionnelle ». Selon lui, la personne
pleinement fonctionnelle :
est ouverte à tous les éléments de son expérience, avec ses
sentiments et ses désirs les plus profonds et les plus intimes. Elle
accepte non seulement les émotions positives mais aussi les
négatives, sans les fuir ;
vit dans l’instant ;
développe une confiance en ses propres expériences, ses sentiments
et ses instincts ;
accepte le lieu d’évaluation comme résidant en elle-même. Elle est
capable de faire des choix qui ne dépendent pas de ce que disent ou
pensent les autres ;
est créative et réceptive, ce qui lui permet de donner un sens à son
existence. Les moments de crise sont une opportunité pour
s’observer et saisir de nouvelles opportunités ;
travaille continuellement pour s’épanouir. Elle apprend à vivre sa
vie en participant à un processus fluide et constant, dans lequel elle
découvre sans cesse de nouveaux aspects d’elle-même dans le flux
de son expérience.

Voici quelques déclarations qui peuvent vous donner une estimation


approximative de la façon dont vous êtes en contact avec vos sentiments,
vos besoins et vos valeurs les plus profonds8 :
Je connais les choses qui me conviennent.
Je tire ce dont j’ai besoin de la vie.
Les décisions que je prends sont les bonnes pour moi.
Je sens que je suis en contact avec moi-même.
Je me sens intégré à moi-même.
Je fais les choses qui me conviennent.
Les décisions que je prends sont basées sur ce qui me convient.
Je suis capable de m’écouter.

Devenir une personne entière : il vaut mieux


être complet que parfait
Carl Jung a affirmé : « Il vaut mieux être complet que parfait. On ne devrait
jamais penser que l’homme peut atteindre la perfection, il ne peut viser qu’à
l’achèvement – non pas à être parfait, mais à être complet. »
Ça m’a pris des décennies à le comprendre.
En effet, rechercher la perfection, c’est comme courir après le vent… On
poursuit une cible jamais atteignable.
Comme le dit Scott Barry Kaufman, Ph.D, psychologue à l’université
Columbia de New York, le processus pour devenir une personne entière est
« un voyage continu de découverte, d’ouverture et de courage, dans lesquels
vous atteignez des niveaux d’intégration de plus en plus élevés […].
Puisque vous êtes toujours dans un état de changement, vous êtes toujours
dans un état de devenir. »
Pour être en harmonie avec soi et le monde qui nous entoure, il est
primordial d’accepter tout ce que nous sommes, entièrement, et pas
seulement le meilleur. Par exemple, j’aimerais bien vous dire que tous les
jours je m’en tiens à mon rituel de bien-être : lecture, méditation, yoga,
belle grande marche en nature. Mais ce serait faux. Il m’arrive, après avoir
fait de grosses journées, de n’avoir d’autre envie que d’écouter des séries
télévisées, de perdre du temps sur les réseaux sociaux et de grignoter mes
collations préférées.
J’ai longtemps eu de la difficulté à apprécier cette partie de moi qui n’est
pas au top de son efficacité, qui « perd son temps » et qui n’a le goût de ne
rien faire. Mais elle existe bel et bien. Et elle m’est en fait bien utile. C’est
elle qui me murmure à l’oreille : « Hé, tu as besoin de te détendre. Tu as
besoin de légèreté. Tu pourrais te permettre de relaxer un peu. » Alors
j’essaie maintenant d’être entière et vraie. Et de m’aimer telle que je suis.
En totalité.
Le processus pour devenir une personne entière est un voyage continu de
découverte, d’ouverture et de courage. Mais nous avons tous en nous cette
tendance innée à nous réaliser comme personne entière. C’est un travail
d’intégration.

L’intégration
Intégrer, c’est assembler des parties pour former un tout. C’est prendre
toutes les parties de nous-mêmes pour être « un » partout. Être soi, au-delà
des rôles qu’on joue en société, en rapatriant toutes les parties de soi qu’on
a laissées de côté, ombre comme lumière.
L’apogée du chemin de la conscience et du développement de soi est l’acte
ultime d’intégration… de nos expériences à notre être.
Selon Scott Barry Kaufman, dans son livre Transcend : The New Science of
Self-Actualization, il y a sept principes fondamentaux9 pour devenir une
personne entière et complètement intégrée. Évidemment, ce ne sont pas des
absolus, mais vous pouvez vous en servir comme base pour votre propre
voyage d’auto-actualisation.

Principe no 1 : accepter tout soi, pas


seulement votre meilleur soi
Partout dans le monde, quelle que soit la culture, les gens ont tendance à
montrer un biais positif d’authenticité : c’est-à-dire qu’ils n’incluent que
leurs qualités positives et morales (telles que la gentillesse, la générosité et
l’honnêteté) dans leur description de leur « vrai moi ». En fait, nous jugeons
nos comportements positifs comme plus authentiques que nos
comportements négatifs, même lorsque les deux sont cohérents avec nos
caractéristiques personnelles et nos désirs.
Quand nous nourrissons nos idéaux, nous nous sentons plus authentiques.
Kaufman donne l’exemple suivant : annoncer que nous nous engageons
dans une mission humanitaire à but non lucratif est généralement perçu
comme très authentique alors que regarder Netflix tout en dégustant une
crème glacée est perçu comme moins authentique. Tout simplement parce
que l’un est plus valorisé que l’autre. Or, ces deux comportements sont
vraiment vous. Donc, par définition, ils sont authentiques.
En raison de ce lien fort entre « se sentir authentique » et « s’engager dans
des comportements socialement souhaitables », ce que les gens considèrent
comme leur vrai moi peut en fait être plutôt « la façon dont ils veulent être
vus ».
En résumé, il faut accepter tout ce que nous sommes. Pas seulement notre
meilleur soi. Cela inclut d’accepter tous les aspects de nous. Même ceux
que nous n’aimons pas et que nous sommes moins enclins à nous avouer à
nous-mêmes et aux autres.

Principe no 2 : apprendre à faire confiance à


votre tendance à l’auto-actualisation
Carl Rogers croyait que nous avons chacun une tendance innée à nous auto-
actualiser : « L’individu a en lui de vastes ressources qui lui permettent de
se comprendre lui-même, de modifier la représentation qu’il a de lui et,
partant, ses attitudes et le comportement qu’il se dicte à lui-même.
Cependant, ces ressources ne sont accessibles que si on peut offrir un
certain climat définissable fait d’attitudes psychologiques facilitatrices. »
Cette idée repose sur la conviction que l’homme est, par essence, un
organisme digne de confiance et que le fond de la nature humaine est
essentiellement positif et tend vers la croissance. C’est ce que nous
appelons la tendance actualisante (ou tendance à la réalisation de soi). Elle
est universelle et foncièrement axée sur l’essence même de l’individu : la
force de croissance reste toujours à l’œuvre tant que l’organisme est en vie.

Principe no 3 : devenir conscient de vos


conflits intérieurs
Les conflits avec les autres ou avec soi-même sont normaux et humains. En
effet, bien qu’il existe un ensemble universel de besoins fondamentaux,
nous avons chacun des manières différentes de les satisfaire et nous leur
accordons un degré d’importance variable. De telles différences peuvent
donc conduire à des conflits considérables avec les autres, mais surtout avec
nous-mêmes.
Si parfois vous avez l’impression qu’il y a plusieurs personnalités qui
prennent place en vous et qu’elles sont constamment en guerre les unes
contre les autres, eh bien, c’est parce qu’il y a plusieurs personnalités en
vous qui sont constamment en conflit les unes avec les autres !
Nous avons en nous des émotions, des valeurs, des attitudes, des croyances
et des motivations qui sont souvent contradictoires et incompatibles. Pour
nous réaliser et devenir entièrement soi, il est important d’en prendre
conscience.

Principe no 4 : prendre conscience des


déséquilibres dans votre développement
Il arrive que, lorsque nous prenons conscience d’un élément extrême de
notre personnalité, nous cherchions à produire, consciemment ou
inconsciemment l’opposé afin de rétablir l’équilibre :
l’extrême besoin de conformité et d’être aimé par les autres ;
le besoin extrême d’être en contrôle ;
le besoin extrême de nous protéger, de nous détacher des gens et de

Nous créons donc une certaine « harmonie artificielle ». Nous refoulons


certains aspects de notre personnalité et mettons leur contraire au premier
plan, par exemple, nous insistons trop sur notre capacité à être gentils et
attentionnés ou encore nous exagérons notre capacité à contrôler notre
environnement et à dominer les autres pour ne pas avoir l’air « faibles ».
Nous mettons une telle distance entre nous et les autres afin d’éviter que des
conflits ne surviennent, par exemple, nous apprécions la solitude à un point
tel que nous ne nous engageons jamais dans quoi que ce soit qui puisse
compromettre notre précieux espace et attirer l’attention sur notre stratégie
réactive.

Principe no 5 : créer la meilleure version de


vous-même
Comme le dit Kaufman, aucun humain n’a le potentiel de devenir un
éléphant ou un tigre (et vice versa, en fait), et la plupart d’entre nous
n’avons pas non plus les capacités pour devenir un aussi bon basketteur que
Michael Jordan.
Cependant, dans des conditions favorables, vous avez le potentiel d’être le
meilleur de vous… dans le monde entier. En d’autres termes, personne
d’autre dans le monde entier n’a autant de potentiel pour devenir vous…
que vous.
Principe no 6 : chercher la croissance, pas le
bonheur
Les psychologues humanistes fondateurs étaient principalement intéressés
par un parcours personnel vers la santé et la croissance plutôt que par le
bonheur ou la réalisation (sujets fort populaires des temps modernes). Le
parcours qu’ils proposent consiste à accueillir les expériences et les
émotions inconfortables dans le but de les accepter et de les intégrer dans
notre expérience humaine.
C’est pourquoi Kaufman préfère les termes comme « challengeante »,
« confortable », « inconfortable » et « douloureuse » pour décrire
l’expérience émotionnelle – au lieu d’étiqueter les émotions comme
« positives » ou « négatives ».
Il s’agit en fait d’embrasser toute la richesse et la complexité de notre
expérience humaine.

Principe no 7 : exploiter la puissance de votre


côté obscur
Carl Rogers a noté que ses patients avaient une crainte commune. La peur
que la thérapie libère « la bête en eux » en leur enlevant leurs mécanismes
de défense et en découvrant des aspects jusque-là refoulés d’eux-mêmes
(l’agressivité, par exemple).
Il a cependant découvert que c’est exactement le contraire qui se
produisait : « Il n’y a pas de bête dans l’homme. Il n’y a que l’homme dans
l’homme, et c’est ce que nous avons pu libérer. »
Au fur et à mesure que les gens s’ouvrent à tous leurs côtés, ils ont tendance
à trouver un meilleur équilibre entre leurs besoins concurrents et à
démontrer, par exemple, de l’agressivité lorsque cela est raisonnablement
approprié, mais sous forme d’affirmation.
Dans son poème Être été, David Goudreault nous livre ces mots touchants : « Je ne
serai rien d’autre que moi-même. » Et pour moi, c’est la quête d’une vie, de tout cœur
je vous le souhaite.
CHAPITRE 2
COMPRENDRE SON JEU INTÉRIEUR

LE LEADERSHIP RÉACTIF

« On peut tout fuir sauf sa conscience. »


Stefan Zweig

AVERTISSEMENT : J’ai un grand respect pour tous les chercheurs et


théoriciens qui nous ont beaucoup offert dans les dernières années dans le
domaine de la théorie du développement de l’humain. Notamment Robert
Kegan, Lisa Lahey, Susanne Cook-Greuter, William Torbert, Josephs and
Joiner et tant d’autres qui sont les pionniers de cette recherche des plus
importantes. De mon côté, je suis une leader de pratique et j’accompagne
des leaders sur le terrain. Je me donne comme mission de faire le pont entre
la théorie et l’application, de vulgariser, d’intégrer et de rendre accessibles
au plus grand nombre, dans la pratique, les enseignements de ces
recherches.
Je travaille aussi à partir du modèle reconnu mondialement Leadership
Circle, qui porte une mission similaire à la mienne, c’est-à-dire d’expliquer
et d’appliquer ces modèles théoriques de manière à soutenir les leaders
d’une façon qui est pertinente pour la personne elle-même et son
développement ainsi que pour l’entreprise.
Cette section du livre est écrite dans cette perspective : simplifier, rendre
digeste et le plus applicable possible la masse d’enseignements maintenant
disponibles dans le développement en conscience des leaders. Je me suis
donc permis de simplifier et de revoir certains modèles, dans ma pratique
(en citant les sources) et c’est ce qu’il me fait plaisir de partager avec vous
ici, dans le plus grand respect des théoriciens et chercheurs.
Dans la section précédente, nous avons vu que :
chaque être humain grandit par stade de développement
psychologique, opère à des niveaux de conscience et prend des
décisions sur la façon de répondre à ses besoins en fonction de sa
vision du monde ;
le stade de développement psychologique de l’individu est assez
standard en ce qui concerne l’âge que nous avons à chacun de ces
stades ;
le niveau de conscience est celui dans lequel on fonctionne, où on
opère.

C’est la même chose pour les leaders. Ils se développent à travers une série
d’étapes séquentielles qui sont universelles et invariables. Ces étapes sont
alignées avec les stades de développement psychologique de l’adulte.
La bonne nouvelle est que nous avons tous la capacité de nous
individualiser et donc, éventuellement, d’opérer à un niveau de conscience
supérieur. Mais pourquoi est-ce important ?
Comme mentionné dans l’introduction, le monde VICA (volatile, incertain,
complexe et ambigu) demande aux leaders d’adopter un nouveau
« mindset », car il est en perpétuel changement. Les problèmes que nous
devons résoudre, les décisions que nous devons prendre demandent de plus
en plus de maîtrise, car les repères sont plus flous.
Comme l’a dit Einstein : « Aucun problème ne peut être résolu sans changer
le niveau de conscience qui l’a engendré. »
J’ai expliqué ce concept des centaines de fois : à des leaders de tous âges,
de différentes cultures et ayant des bagages de vie variés. Pour y arriver, j’ai
dû vulgariser, adapter, simplifier. Il me fait plaisir aujourd’hui de partager
avec vous le fruit de ces multiples présentations, ce qui résonne à tout coup
pour les apprenants.

Vous remarquerez dans le graphique ci-haut un pointillé. Celui-ci marque la


phase d’individuation entre les deux niveaux de conscience où opèrent la
majorité des leaders.
Si nous opérons au stade de conscience du dessous du pointillé, nous
sommes socialisés ou encore conditionnés par notre environnement. C’est
le stade réactif.
Si nous opérons au-dessus de ce pointillé, nous nous sommes
individualisés. C’est le stade de conscience du leader créateur. Nous
sommes dans notre processus d’alignement ego-âme, si nous l’avons choisi,
bien sûr, et sommes engagés dans notre démarche d’évolution comme
personne et comme leader (voir les stades de développement psychologique
un peu plus tôt dans le chapitre précédent).
Selon les études réalisées sur le terrain par le Leadership Circle, les leaders
opèrent à ces cinq niveaux de conscience dans les proportions suivantes.
Chaque niveau correspond à une façon différente de voir le monde.
> Vous avez sûrement remarqué qu’il y a sous le pointillé un niveau de
conscience appelé Égocentrique. « Les cinq pour cent de dirigeants
qui ne font pas complètement cette transition au réactif et continuent
d’opérer avec un esprit égocentrique ont tendance à être autocratiques
et contrôlants, dictatoriaux et oppressifs. L’esprit égocentrique à
l’adolescence est normal. À l’âge adulte, c’est une pathologie. En
leadership, c’est destructeur. Le leadership égocentrique est
responsable des dictatures oppressives, du fascisme, du nazisme, de
l’extrémisme terroriste, du nettoyage ethnique, de la violence des
gangs et de la gouvernance immorale10. » Les leaders opérant à ce
niveau de conscience agissent à partir de leurs peurs, de leurs
impulsions et de leurs désirs. Pour cette raison et par souci
d’honnêteté, je n’accompagne pas ce genre de leaders et, par
conséquent, ce stade de conscience ne sera pas traité dans ce livre.
> Vous remarquerez aussi, en haut de la pyramide, le niveau Écocréateur
(appelé Unitif par le Leadership Circle). « C’est le stade le plus élevé
de la prise de conscience de qui nous sommes – une union sacrée avec
Tout ce qui Est. Les pratiques spirituelles, telles que la méditation,
accélèrent notre développement à travers les étapes. C’est la naissance
de la compassion universelle. Les dirigeants à ce niveau sont au
service d’un bien universel. » Ce niveau de conscience ne fera pas
partie de ce livre non plus… mais qui sait, peut-être d’un prochain ?

Le jeu intérieur, c’est le niveau de conscience. Je traiterai ici des deux jeux
intérieurs du leader qu’on retrouve en majorité chez les leaders
d’aujourd’hui :
le jeu réactif ;
le jeu créateur. Les leaders qui sont pleinement développés au stade
créateur possèdent aussi, la plupart du temps, certains
comportements du niveau co-créateur. Dans un but de
simplification, dans ce présent ouvrage, nous les couvrirons
ensemble sous le terme Leadership créateur.

Nous allons donc approfondir ensemble, dans les prochaines sections, ces
deux principaux niveaux de conscience (les jeux intérieurs) présents chez
les leaders d’aujourd’hui et leurs comportements associés : les niveaux 1)
réactif et 2) créateur.
Au fur et à mesure que la perspective des leaders s’élargit et s’approfondit,
leur jeu intérieur s’élève. Ils développent leur capacité à discerner et à gérer
la complexité et l’ambiguïté.
Chaque jeu intérieur :
> est un niveau de conscience et un stade de maturité émotionnelle et
cognitive ;
> est constitué de croyances et de modèles mentaux (conscients et
inconscients) ;
> permet l’émergence de nouvelles capacités de leadership.

On peut le comparer au système d’exploitation d’un ordinateur. Si nous ne


le mettons pas à jour, il devient obsolète. Et comme les problèmes à
résoudre pour les leaders sont de plus en plus complexes, il est nécessaire
de faire cette mise à jour de notre système d’exploitation.
Un leader authentique doit comprendre et maîtriser sa dynamique
personnelle ainsi que la dynamique de l’organisation et de l’équipe qu’il
dirige. C’est donc en apprenant à maîtriser ses jeux intérieurs qu’il se
développe.

LES DEUX JEUX INTÉRIEURS DU LEADER


Voici ce qui distingue les deux jeux intérieurs du leader.
Le mouvement principal qui s’effectue lors de notre évolution en
conscience est celui de l’extérieur vers l’intérieur. Comme leader, ça
signifie que nous arrêtons d’être régi par les autres, par les circonstances, et
que nous devenons leaders de nous-mêmes.
Lorsque nous arrivons à l’âge adulte, nous sommes socialisés. Nous ne
sommes pas encore individualisés. Nous agissons avec l’autre en tête. C’est
ainsi que nous arrivons normalement aussi dans notre leadership.
Ce mouvement de l’extérieur vers l’intérieur permet le passage du jeu
intérieur réactif au créateur.

Leadership réactif versus Leadership


créateur
Voici un tableau qui résume les grandes distinctions entre les deux jeux
intérieurs : réactif et créateur.

LEADERSHIP RÉACTIF LEADERSHIP CRÉATEUR


(SOCIALISÉ) (INDIVIDUALISÉ)
Logique Les choses m’arrivent à moi. Les choses se passent à travers
d’action Ma vision du monde part de ce moi. Je fais partie de la
qui m’entoure, conçue par la résolution. Je vois une situation
culture que nos parents ou la comme une invitation à ÊTRE ce
société ont choisie pour moi. qui est requis.
Je crée mon propre monde. Je
forge mon chemin.
Pleinement développé, mon
monde est celui à l’intérieur de
moi. J’accomplis ma mission
unique !

Type d’action Réaction. Je réagis à partir de Réponse. Je vois la vie comme


mes expériences passées. J’agis une multitude de choix qui
à partir d’un extrant ou d’un s’offrent à moi pour créer l’avenir
problème à résoudre. Je vis selon désiré. Je crée mon propre
ce que le monde qui m’entoure monde. Je forge mon chemin. Le
me demande, exige de moi, monde du sens pour créer le
conçu par la culture que mes futur auquel j’aspire. J’agis à
parents ou la société ont choisie partir de ma boussole intérieure.
pour moi. C’est un type de
leadership transactionnel.

Identité (J’ai de Validation externe. J’ai besoin Validation interne. Version plus
la valeur si… si des autres pour me rassurer sur authentique de moi.
je ne suis pas qui je suis.
ceci, donc…)

Sécurité Se nourrit de l’extérieur. Ma Se nourrit de l’intérieur. Je suis


sécurité et mon approbation se ma propre source de sécurité et
nourrissent des gens, des d’approbation.
circonstances, des conditions de
mon environnement.

Motivation Sécurité Sens. M’autoréaliser.

Stratégies Complaisance/conformité. Authenticité courageuse.


Contrôle. Protection émotionnelle. Durabilité. Sens.
Vision à court terme.

Dynamique Ego (extérieur vers l’intérieur). Âme (intérieur vers l’extérieur).


ego-âme

Responsabilité Les autres. L’environnement. Il Je prends l’entière responsabilité


peut y avoir du blâme, de la des circonstances de ma vie et
critique ou une attitude de de mon état d’être (physique,
victime. mental, émotionnel, spirituel).

Nombre de Un seul. Plusieurs leaders. Un leader


leaders créateur fait émerger d’autres
leaders.

Vision du jeu Il y a un gagnant et un perdant Tout le monde gagne. Je suis


(moi, l’autre, l’organisation) dans engagé à créer des scénarios
chaque problème, situation, gagnant-gagnant dans chaque
décision à prendre. problème, situation, décision à
prendre.

Joie et Ma vie est sérieuse. Elle est le J’accomplis des choses


célébration résultat d’efforts et de travail sérieuses mais je ne me prends
important et efficace. pas au sérieux. Je gère mon
énergie et je prends soin de moi.
Je laisse de la place pour du
repos, de la joie et de la
célébration au quotidien.

Expression de J’ai la « tête de l’emploi ». Je me J’exprime ma vraie nature, ma


ma nature retiens pour ne pas montrer ma vérité et mes émotions de façon
véritable vulnérabilité. Je réprime ou cache authentique. Ma vulnérabilité est
mes émotions. une force.

Face à une Je suis défensif. Je cherche à J’aborde chaque situation avec


adversité avoir raison. Plus je suis curiosité et responsabilité :
convaincu d’avoir raison, plus je Qu’est-ce que j’apprends sur
suis défensif. moi ? sur l’autre ? sur
Je cherche à contrôler la l’organisation ? J’accueille
situation. Ou j’en suis victime. l’expérience comme une
opportunité d’apprentissage.

Vision du Egosystème Écosystème


monde Dyamiques relationnelles De plus en plus vers une
enracinées dans une conscience conscience écosystème – c’est-
egosystème – c’est-à-dire à-dire orientée vers la
orientée soit vers la conformité, la collaboration et la contribution.
protection ou le contrôle.

En bref, on pourrait dire que pour le leadership réactif : Je vis et j’agis


selon le monde qui m’entoure, conçu par la culture que mes parents ou la
société ont choisie pour moi. Les choses m’arrivent à moi. Les
circonstances s’imposent à moi.

Et pour le leadership créateur : Les choses se passent à travers moi. Je


suis l’acteur dans ma propre vie et de mon leadership. Je crée ma vie et
forge mon propre chemin.
LEADERSHIP RÉACTIF : LES TROIS
DYNAMIQUES DU JEU INTÉRIEUR
Dans le jeu intérieur réactif, nous rencontrons à la fois des comportements
sains et malsains. Les leaders qui opèrent principalement à partir de ce jeu
intérieur réactif sont plus susceptibles de « gérer » les autres plutôt que de
les « leader » véritablement.
Les comportements malsains découlent des peurs existentielles de l’ego du
leader : ne pas avoir assez d’argent, de protection ou de sécurité pour
satisfaire le besoin de sécurité de l’ego ; ne pas avoir suffisamment
d’amour, d’attention ou d’acceptation pour satisfaire le besoin
d’appartenance de l’ego ; et ne pas avoir assez de pouvoir, d’autorité ou de
notoriété pour satisfaire le besoin de respect ou de reconnaissance de l’ego.
Ce stade de conscience, ou jeu intérieur, est caractérisé par un regard de
dualité sur le monde : les choses soit noires ou blanches, j’ai raison et tu as
tort, cette solution est bonne ou mauvaise. C’est un espace où nous sommes
souvent assujettis à la peur et à notre programmation. C’est comme si nous
étions sur le pilote automatique, à répéter nos réflexes enracinés souvent
depuis notre tendre enfance. Car depuis ce temps, nous avons compris
certaines choses de notre environnement, quelles étaient les règles du jeu
afin de tirer le meilleur parti de qui nous sommes et atteindre nos objectifs.
Nous nous sommes donc construits de façon à répondre au mieux à nos
attentes personnelles, autour de ces règles.
C’est le stade où la majorité des leaders opèrent la plupart du temps. Nos
infrastructures sont faites pour soutenir et valoriser ce stade qui a longtemps
été considéré comme le plus évolué du développement de l’adulte. Nous
nous identifions alors au rôle que nous jouons dans la société. Je suis mon
rôle. Je suis directeur, conseiller, parent, conjoint. Le soi est sécurisé et a de
la valeur en appartenant et en réussissant dans les rôles socialement
acceptés et prescrits.
À ce niveau, nous construisons une vie qui est souvent très efficace. C’est
une structure de réaction aux problèmes. Un problème survient, nous vivons
un inconfort, et nous réagissons en vue de réduire cet inconfort. Il y a peu
de développement possible dans ce jeu intérieur car une fois l’inconfort
passé, nous revenons à notre confort d’avant. À ce stade, nous ne
remarquons généralement pas comment nos objectifs et nos comportements
sont effectivement prédéterminés par d’autres personnes ou par la culture.
Nous sommes définis par l’extérieur et assujettis aux circonstances. Cela
crée beaucoup de peurs : peur de ne pas être assez, de ne pas faire assez,
d’être réprimandés, critiqués, blâmés, de perdre la face ou d’être mis de
côté, par exemple. C’est le monde du « OU » (les relations OU les tâches,
moi OU l’autre), des dualités, des séparations et de la compétition).
Les leaders à ce niveau se soucient des employés qu’ils gèrent et ils
fonctionnent comme des parents bienveillants. L’organisation est
hiérarchique et efficace. La participation des employés est sollicitée, mais la
prise de décision et l’expression créative sont confiées au sommet. Le
leadership peut être humain mais le pouvoir n’est pas partagé.
Dans le jeu intérieur réactif, nous pouvons observer que le degré de
performance est en dessous de celle attendue de l’organisation. Voici
quelques exemples de comportements limitant ce jeu intérieur réactif :
Avoir du mal à identifier une relève car « personne ne peut me
remplacer ».
Avoir du mal à déléguer car « on n’est jamais mieux servi que par
soi-même ».
Être bourreau de travail. Sacrifier sa santé, sa famille et ce qui
importe le plus pour son travail.
Trouver qu’un client interne manque de perspective, mais ne rien
dire ou ne rien faire afin d’éviter un conflit.
« En boucher un coin » au patron avec une mer d’informations et de
statistiques.
Microgérer par peur que les choses ne soient pas faites à notre goût.
Rester collés à l’ordre du jour et ignorer que certaines personnes ne
vont peut-être pas bien.
Dire oui quand on souhaiterait dire non.
Demeurer froids, tomber dans le sarcasme, dans le blâme ou
l’humour devant un employé qui admet une erreur.

Ces comportements ne prédisent pas nécessairement une mauvaise


performance, mais on pourrait assumer que celle-ci ne soit pas durable. Les
résultats à court terme seront peut-être atteints, mais au détriment de la
relation avec l’autre, de la performance à long terme ou du climat de
confiance.

L’identité est au cœur de notre jeu intérieur


L’identité est ce que nous utilisons pour construire notre compréhension de
soi, notre concept de qui nous sommes. À chaque étape progressive de notre
développement, nous créons différentes constructions de notre identité. Ça,
c’est moi. C’est ce que je suis. Et si je ne suis pas cela, qui suis-je ?
L’identité définit qui nous sommes et organise une grande partie de nos
comportements de leadership. Elle oriente les stratégies que nous utilisons
pour que nous puissions opérer dans le monde. Elle est au cœur de notre jeu
intérieur : elle organise la façon dont nous nous comprenons, elle détermine
comment nous établissons le sens de notre estime de soi, de notre valeur
personnelle et de notre sécurité. L’identité définit aussi la manière dont nous
assumons nos rôles dans chaque situation et dont nous nous déployons
comme personne d’un instant à l’autre. Souvent, elle est appelée ego, car
elle organise une grande partie de notre comportement, elle caractérise qui
nous sommes et conduit les stratégies de base que nous utilisons pour nous
établir dans le monde.
Nous créons des modèles d’atteinte des résultats qui ont du sens pour nous
en cohérence avec la façon dont notre identité est structurée. Cette dernière
gère donc notre jeu intérieur de leader et la façon dont nous déployons notre
leadership dans chaque situation.
Dans le jeu intérieur réactif, notre identité est construite en étant à la
hauteur des attentes des autres et de la culture. Nous nous définissons, non
pas de l’intérieur, mais de l’extérieur vers l’intérieur de trois manières qui
représentent trois dynamiques du jeu intérieur réactif :
1. Relations
Je me considère comme bon, valable et en sécurité parce que je suis
gentil, attentionné, bienveillant et quelqu’un qui soutient les autres. Je
gère mes comportements de façon à être perçu de cette façon. Je cède
trop de pouvoir parce que je veux être accepté.
2. Intellectuel
J’ai appris qu’être intelligent a ses avantages. Mon intelligence me
définit. C’est ce que j’utilise pour être considéré comme quelqu’un
qui apporte et a de la valeur dans le monde. J’aime être perçu comme
étant intellectuellement supérieur et je garde une distance
émotionnelle. Cela limite ma capacité d’influence.
3. Capacité de résultats
Je suis mes réalisations. Je ne fais pas que créer des résultats, ces
résultats me créent et me définissent comme personne. Je suis
exigeant. J’aime être en contrôle. J’utilise le pouvoir pour créer ce que
je souhaite, mais parfois aux dépens des gens (et de moi-même).
Les trois dynamiques de leadership réactif sont en lien avec ces trois
identités :
1. le leader pacificateur ;
2. le leader expert ;
3. le leader performant11.

Les trois dynamiques du jeu intérieur


réactif12
Le leader Le leader expert Le leader
pacificateur performant

Identité Relations Intellectuel Capacité de


résultats

Quand il est à son Le martyr. Le juge. Le guerrier.


pire (en situation de (Le conquérant).
stress, de
souffrance, ou de
pression
importante)

Quand il est à son Le facilitateur. Celui Le sage. En Le coach. Celui qui


mieux (leader qui fait accédant à son montre la voie. Le
créateur à son plein correspondre les cœur et en créant coach
potentiel de besoins et les des relations vraies responsabilise les
développement) ressources pour le et authentiques, autres et facilite le
bénéfice de tous, y l’information changement dans
compris lui-même. soutient sa les organisations et
compréhension du les systèmes.
monde et une façon
de contribuer
positivement.

Le jeu intérieur en Il obéit aux normes Il dirige selon la Il rencontre les buts
bref du groupe. logique et stratégiques.
Dans le jeu intérieur l’expertise. L’intérêt du leader
du leadership Le leader qui dans le jeu intérieur
pacificateur, ce sont adopte le jeu performant s’étend
les autres qui intérieur d’expert au-delà de ses
définissent ce qui a considère les compétences
de la valeur, au lieu opinions des autres uniques vers
de soi-même. Le comme un facteur l’utilisation de ses
leader se affectant ses compétences pour
comportera de propres actions. Ce atteindre des
manière à s’adapter qui est important, objectifs qui
au travail et aux c’est de trouver la « aideront
groupes sociaux, à bonne » réponse au l’organisation à
respecter les problème posé. réussir. Il
normes des autres, Alors que dans le s’intéressera aux
à se comporter jeu pacificateur il points de vue des
correctement et à s’identifie à ce qui autres, à travailler
conserver son le rend identique efficacement avec
image et son statut. aux autres eux pour obtenir
Il pourra donc faire membres du des résultats. Ses
preuve de tact, de groupe, l’expert est objectifs généraux
loyauté et de plus intéressé par et son cadre
respect, mais il les compétences éthique, comme
pourra également uniques qu’il dans le jeu
avoir du mal à gérer possède et qui lui pacificateur et
les conflits, à permet de se expert, sont
émettre ou à démarquer du déterminés par
recevoir des groupe. l’organisation à
critiques ou à Il travaille en laquelle il
prendre des grande partie appartient.
décisions individuellement et Autrement dit,
impopulaires. se concentre sur la l’autorité qui le
Il a une aversion qualité de son guide est en grande
pour le risque et travail et la maîtrise partie externe.
n’agira que s’il y est de son métier. Il aime être aux
invité. Son niveau commandes et faire
de participation avancer les
volontaire est initiatives. Il est
relativement faible. compétitif,
Il joue de façon performant, fait ce
sécuritaire. Il peut qu’il faut pour
avoir une tendance gagner et profiter
à douter de lui- de la lueur du
même. succès. Il est décisif
et proactif.

Le jeu intérieur en Son objectif


bref principal est de
(suite) lutter pour plus.
Cela le maintient
sur le tapis roulant
pour en faire plus,
en vouloir plus et
en obtenir plus. Ce
qu’il a n’est jamais
assez. Ce cercle
vicieux est
extrêmement
stressant !

Ma valeur Être accepté. Savoir et avoir Être maître de la


personnelle (Être, raison. situation.
c’est être… Gagner. Faire
beaucoup. Faire
bien.

Comment je nourris Sécurité extérieure Sécurité extérieure Sécurité extérieure


ma sécurité (Je suis En se conformant En étant intelligent, Par le biais de la
ok si…) aux attentes autonome, brillant. réalisation des
d’autrui au lieu Être ok c’est: rester tâches, la réussite
d’agir à partir de ce au-dessus de la « personnelle, le
qu’il a en tête et de mêlée », se garder pouvoir et le
ce qu’il veut. En objectif, à l’écart et contrôle.
respectant les distant sur le plan Être ok c’est : être
règles, en faisant émotionnel afin de numéro 1, meilleur,
ce que les autorités se sentir en parfait, un gagnant,
supérieures lui sécurité. plus haut que les
demandent ou lui autres, en charge,
disent de faire, en en contrôle, être
soutenant les fort et ne pas subir
autres et que ceux- d’échec.
ci l’approuvent.
Être ok, c’est : être
aimé, être
approuvé, être
accepté, appartenir,
soutenir.

Suppositions La loyauté, Pour que j’aie Le monde est


internes13 l’harmonie et la raison, les autres composé de
bonne entente me doivent avoir tort (et gagnants et de
Les suppositions
protègent de la vice versa). perdants.
internes sont les
désapprobation des Je suis intéressant Je dois faire face à
croyances qu’on
autres. si j’ai raison et si je mes responsabilités
utilise pour
organiser notre Je vais bien si les trouve les points pour être en
identité. Ce sont les gens m’aiment. faibles chez les sécurité.
règles internes ou Je suis digne autres. Lorsque les gens
croyances qui lorsque les autres J’ai de la valeur m’admirent, cela
définissent la m’approuvent. grâce à mes me donne de la
manière dont nous capacités ou à mon valeur.
J’ai besoin de
nous voyons et dont intelligence
répondre aux
nous voyons notre supérieure.
attentes des autres
relation avec le
pour réussir.
monde.

Pouvoir et autorité Je cède le pouvoir Le pouvoir, c’est le Je prends et exerce


lorsque je me savoir ! le pouvoir.
conforme.
Pièges dans la Je peux utiliser des Je reste Je peux être
gestion des stratégies indépendant et impulsif, me mettre
émotions émotionnelles et détaché, voire en colère lorsque
manipuler pour coupé et distant, les autres ne sont
obtenir ce que je lorsque des pas d’accord ou
veux, comme émotions sont n’avancent pas
apaiser les autres exprimées. Je peux assez vite. Je peux
en étant gentil, me minimiser les couper la parole et
fendre en quatre émotions par devenir défensif.
pour m’intégrer ou l’humour, le
faire sentir les cynisme, le
autres coupables. sarcasme ou en
Je peux être passif- relativisant.
agressif.

Besoins prioritaires Appartenance Estime de soi Estime de soi


Être aimé, accepté, Détenir la vérité, Gagner, exceller,
inclus. être supérieur, être Accroitre son
en sécurité. prestige.

Question de fond Suis-je accepté ? Qui suis-je ? Est-ce que je


réussis ?

Motivation Éviter les conflits et Identifier ses Développer les


être accepté. compétences et compétences
capacités uniques nécessaires pour
et se démarquer. réussir.

Focus Développer des Développer les Gérer les


niveaux élevés de compétences personnes de
maîtrise de soi et nécessaires pour manière efficace et
une capacité de être en mesure de efficiente pour
type caméléon à trouver la « bonne atteindre les
adopter les normes réponse » – il y a objectifs de travail.
et standards de peu d’intérêt à
n’importe quel utiliser les
groupe auquel on compétences
appartient. interpersonnelles.
Fournir un Chercher à diriger
environnement de en contrôlant le
travail favorable où monde qui nous
les conflits sont entoure grâce à la
évités. qualité de nos
connaissances, de
notre intelligence et
de notre expertise.

Choix éthiques Ils seront fortement Un seul point de Sur la base de ce


influencés par les vue est possible sur que la loi et
opinions de la une question l’autorité disent être
famille et des éthique donnée. juste.
personnes
importantes au
travail.

Les pièges Trop de conformité Être critique, Trop de contrôle.


(Quand je n’en et de complaisance. arrogant. Autoritarisme.
peux plus de devoir Besoin de plaire, Retrait émotionnel. Blâme et jugement.
me montrer au d’appartenir qui nuit Perfectionnisme.
mieux et d’être à l’atteinte des Compétition.
dans l’image. résultats. S’enfarger dans les Sur-exigence
détails et le trop- envers soi et les
Quand ma sécurité, Trop chercher plein d’informations,
mon ego est l’approbation, ce autres.
chercher les failles
menacé.) qui nous amène à et critiquer. Micromanagement.
tomber dans la Personnalité
passivité et à avoir explosive.
du mal à décider.
Impulsivité.
Sur-adaptation.
Imploser à force de
se retenir.

Les cadeaux de ce Capacité à Pénétrer la Poursuivre une


jeu intérieur14 reconnaître les complexité et voir amélioration
besoins d’autrui et les problèmes que continue.
(Lorsqu’on met en
à y répondre. les autres ne voient Exceller dans de
œuvre des aspects
Être fiable. pas. nombreuses
positifs de notre jeu
intérieur.) Ressentir les Rester indépendant situations.
émotions d’autrui. et respectueux Établir des normes
lorsque les choses élevées.
En faire plus. deviennent
Maintenir la émotionnelles. Créer des résultats.
loyauté. Prendre un angle Influencer autrui.
Faire respecter les plus ample ou offrir Donner son point
traditions. des manières de vue, même si
Être facile à alternatives de voir celui-ci porte à la
aborder. les situations. controverse.

Servir autrui.
Se préoccuper Assumer les
profondément de responsabilités et
quelques agir.
personnes ou de
causes.
Protéger sa vie
intérieure active ou
spirituelle.
Être capable d’offrir
une bonne dose de
sagesse.

Comportements Gérer avec Se retenir et La concurrence.


qui, surtout poussés prudence ce que je observer le L’établissement de
à l’extrême, sont fais pour rester déroulement des normes
limitants à l’exercice dans les bonnes situations. rigoureuses.
d’un leadership grâces d’autrui. Trouver ce qui est La recherche de la
créateur15 Être une « bonne erroné, illogique ou perfection.
(Les âme ». mal planifié.
L’emploi de
comportements Dire « Oui » quand, Voir les failles dans l’autorité pour
sont l’expression en fait, on veut dire la pensée, les assumer ses
externe des « Non ». paroles et les responsabilités,
suppositions actions d’autrui.
Calibrer le climat influencer et faire à
internes.)
émotionnel dans les Analyser ce qui est sa tête.
réunions pour voir bien et ce qui est Faire tout son
si on peut parler mal. possible et
sans danger. employer toute son
Vérifier à nouveau énergie pour
avec les autorités réaliser les
avant d’agir. objectifs.
Formuler ses Parler directement
paroles de sorte et franchement.
que les autres Se forcer et forcer
n’aient pas de autrui à gagner.
fortes réponses
émotionnelles. Assumer les
responsabilités
dans la plupart des
situations.

Peur principale Être rejeté. Perdre son image. Échec / Perdre.

Comment se joue le Propension à Considération pour Propension à


paradoxe considérer l’humain l’humain et pour la considérer la
Performance – en premier. performance faible. performance en
Humanité (Voir premier.
tableau 1, page 95)

Principaux défis Développer son Développer son Apprendre à se


affirmation pour intelligence retenir d’agir, à
mettre ses limites et émotionnelle et ralentir pour
établir ses reconnecter à son réfléchir, se poser
frontières. monde émotif. et se reposer.
Solidifier sa Capacité d’écoute, La sensibilité pour
sécurité intérieure de soutien et de soi et les autres.
afin de risquer de présence à soi et à L’acceptation de soi
remettre en l’autre. et des autres.
question le statu Développer la Sagesse et
quo et émettre son conscience de soi sensibilité… dans
opinion. et se demander : l’action.
Développer la Est-ce que je me Détachement du
conscience de soi sens connecté à résultat. Je suis
et se demander : moi-même ou aux assez.
Qu’est-ce que je personnes avec qui
veux vraiment à je suis actuellement Prendre du recul
l’instant? ? Si non : Qu’est-ce pour que les autres
que je veux puissent apprendre
vraiment ? Qu’est- et grandir.
ce qui est en jeu
pour moi à cet
instant?

Passages à De la complaisance De la protection Du contrôle à la


effectuer pour un à la fermeté émotionnelle à saine performance.
leadership créateur bienveillante. l’ouverture à soi et
à l’autre,
l’authenticité et la
vulnérabilité.
Tableau 1 : Comment se joue le paradoxe Performance – Humanité
pour les jeux intérieurs pacificateur, expert et performant

Chacun des stades de conscience, réactif et créateur, n’est pas un niveau à


atteindre comme si nous jouions à un jeu vidéo et qu’une fois un palier
terminé, nous passions au suivant ! À tout moment, dans chaque
conversation ou action lorsque nous sentons une menace, dans des
situations de pression, de souffrance ou de stress important, si nous vivons
un trauma ou que nos besoins de base ne sont pas remplis, nous pouvons
basculer dans notre jeu de base réactif.
Le passage au jeu intérieur créateur en est donc un de tous les instants. Les
modes réactif et créateur se côtoient et se chevauchent constamment.
Ce n’est pas noir ou blanc ; ce n’est pas un passage franc. C’est un voyage.
Chaque situation nous donne l’occasion de jouer le jeu créateur, c’est-à-dire
de créer ce que nous souhaitons pour nous-mêmes et pour les autres.
Vous vous doutez fort probablement que, bien que chaque jeu intérieur
comporte à la fois des limitations et des cadeaux, le jeu performant est celui
qui a été le plus valorisé dans nos organisations. Si bien que dans les 15
dernières années, avant que le développement incluant des approches
verticales de leadership ne soient chose courante, ce type de jeu a culminé
dans nos organisations.
Heureusement, il est maintenant en baisse. Nous comprenons de plus en
plus l’importance de l’évolution en conscience et du passage à un jeu
intérieur créateur.

UN MOMENT DE RENCONTRE AVEC SOI-


MÊME

Bilan et mise en action de vos


apprentissages
« C’est notre volonté de nous éveiller aux empreintes
de notre destin qui nous donne le pouvoir de diriger
notre chemin de manière consciente et responsable. »
Michael Brown, Le processus de la présence, Édition
Ariane

1. Êtes-vous prêt à vous approprier vos empreintes émotionnelles ?


Ayez la curiosité de revisiter votre histoire auprès de votre famille et
de votre entourage.
Éveillez-vous à votre ressenti, à ce qui déclenche une charge
émotive et à ses besoins.

2. En quoi ces apprentissages sur les stades de développement


psychologique et les jeux intérieurs vous ont éclairé sur votre
dynamique ?

3. Lisez les descriptions sur les pages précédentes et repérez vos


comportements réactifs visant à satisfaire autrui, à vous protéger ou à
contrôler la situation.
Parmi ces comportements, choisissez-en un que vous souhaiteriez
transformer.
Décrivez les avantages et les coûts d’un tel comportement réactif.

A) Les avantages :

> pour moi ;


> pour les autres ;
> pour l’organisation / sur le rendement.

B) Les coûts (les impacts involontaires)


> pour moi ;
> pour les autres ;
> pour l’organisation / sur le rendement.

Il est possible que vous vous reconnaissiez dans plus d’un jeu
intérieur. Ce n’est pas une personnalité, (vous n’êtes pas…
pacificateur… ou expert ou… performant… vous êtes bien plus que
cela ! Vous êtes vous !) mais plutôt un mode de fonctionnement. Votre
personnalité, ce sont les cartes que vous avez dans votre jeu. Votre jeu
intérieur, c’est comment vous jouez vos cartes.
Alors posez-vous la question suivante : Dans quelles situations, dans
quels genres de relations, est-ce que je joue un jeu plutôt qu’un
autre ?

4. Cette lecture vous a amené à pouvoir reconnaître quelles forces ? Et


quels pièges cela vous a permis d’identifier ? Quels sont les
comportements limitants qui vous empêchent de créer un
environnement sécuritaire, de saine performance et inclusif ?

5. Quand vous êtes à votre meilleur, authentique, quelle proportion


d’énergie déployez-vous à vous préoccuper de l’humain ? des
résultats ? Et lorsque vous êtes sous pression ?

6. Et donc, comment se joue le paradoxe Performance – Humanité pour


vous ?

7. Qu’est-ce que vous entrevoyez comme défi de développement à ce


stade-ci ?
PRATIQUE QUOTIDIENNE DE CONSCIENCE
ET DE CONNAISSANCE DE SOI
Prenez la posture Acteur – Observateur et observez-vous quotidiennement
dans l’action.
1. Où jouez-vous la plupart du temps : sous le pointillé (leadership
réactif) ou au-dessus du pointillé (leadership créateur) ?
2. Quel jeu intérieur semble être votre dynamique principale, votre jeu
de base ? Pacificateur ? Expert ? Performant ?
Il se peut que, malgré votre jeu de base, vous vous observiez aussi
dans un autre jeu intérieur. Certains clients me disent, par exemple : À
la maison, c’est le pacificateur qui s’exprime ! Et au bureau, c’est le
performant ! C’est tout à fait possible.
3. Dans quel jeu intérieur retournez-vous principalement lorsque vous
êtes sous pression et stressé ?

Efforcez-vous de voir quand même le beau dans vos comportements


limitants et non seulement ce que vous avez à « arranger ». Après tout, nous
ne sommes pas des voitures qu’on amène au garage ! Voyons-nous plutôt
comme des fleurs, qui nécessitent soin, amour et un terrain fertile pour
pouvoir grandir.
Pour accéder aux versions éditables et téléchargeables des sections « Un moment
de rencontre avec soi-même » et « Pratique quotidienne de conscience et de
connaissance de soi », à du contenu privilégié et recevoir les mises à jour sur les
réflexions proposées, scannez le code QR et accédez au Hub du leader créateur.

INSPIRATIONS POUR EXPLORER SON JEU


INTÉRIEUR

L’HISTOIRE DE NICOLAS16
Ses yeux se sont emplis de larmes. Il m’a regardée et m’a dit :
(Lui) : Je ne pensais jamais aller là…
(Moi) : … Qu’est-il en train de se passer ?
(Lui) : J’étais en train de penser à quand j’étais petit…
(Moi) : Et qu’est-ce qui te touche quand tu penses à cela ? (Lui) : Toute cette
pression…
(Moi) : …
(Lui) : Ce n’est pas leur faute, à mes parents, je veux dire. On n’était pas très riches.
Mon père me disait que la vie, c’était pas une partie de plaisir…
(Moi) : Qu’as-tu donc compris comme enfant ? Qu’est-ce que ça a créé comme
empreinte pour toi ?
(Lui) : Que je devais réussir ! Et travailler fort ! Il fallait bûcher pour ne pas rester dans
la misère.
(Moi) : Et qu’est-ce que ça a créé de positif pour toi ?
(Lui) : J’ai été celui qui réussit. À 23 ans, j’étais cadre dans une multinationale, et à
même pas 40 ans, j’étais le plus jeune vice-président de la compagnie. Mes parents
sont d’ailleurs vraiment très fiers de moi (sourire).
Aussi, je suis très fiable, responsable, on me confie quelque chose et ça se passe !
(Moi) : Et quelles limitations ça a créé pour toi comme personne ?
(Lui) : Je me suis complètement mis de côté. Pascale, j’ai 48 ans et je me rends
compte que je ne suis pas libre…
(Moi) : Et comme leader ?
(Lui) : Je me mets tellement de pression. Je suis toujours dans ma peur de ne pas
être assez. Et donc je mets de la pression partout autour de moi : ma conjointe, mes
enfants, mes employés. Je suis hyper exigeant. Je ne veux pas être cette personne !
Il y eut un long silence. Nous étions tous les deux touchés de cette place où il était en
train d’atterrir…
(Moi) : Qui souhaites-tu être ?
(Lui) : Bien, c’est certain que je serai toujours celui qui désire livrer et réussir (rires).
Mais je ne souhaite plus que ça se fasse à mon propre détriment ni au détriment des
autres, de mes enfants et de mes équipes…
(Moi) : …
(Lui) : Je me questionne même à savoir si je suis un vrai leader, au fond !
(Moi) : Tu aimerais que je te dise ce que je vois ? Je vois un homme qui accepte de
se revisiter avec courage et humilité. Qui accepte de se transformer, à son propre
service. Et au service de sa mission.
Pour moi, au-delà de toutes les caractéristiques et définitions qui existent du
leadership, c’est ça, un leader qu’on a envie de suivre. Car l’outil le plus puissant du
leader, c’est… c’est quoi ? (Sourire).
(Lui) : Oui oui, je sais ! Tu me l’as déjà dit, c’est moi-même ! (Rires).

Pour moi, ÊTRE un leader, c’est ça :


Accepter de se transformer.
Se comprendre. Remettre en question ses modèles mentaux.
Accepter l’appel du voyage intérieur.
Mettre la meilleure version de soi à son service et au service de sa
mission.
L’importance d’être à l’écoute et d’entendre
ce que nous disent nos peurs

« Trouvez ce dont une personne a le plus peur et vous


saurez de quoi sera faite sa prochaine étape de
croissance. »
Carl Jung

Il est important d’écouter toute peur qui nous amène à réagir et nous
empêche d’exprimer notre vraie nature. Elle a un message pour nous.

Pour vous, est-ce que votre plus grande peur est :


> la peur du conflit ? la peur de décevoir ?
Votre chemin de croissance devient alors : vous affirmer dans vos
besoins personnels.
> la peur de ne pas être adéquat ?
Votre chemin de croissance sera : accéder à votre authenticité, vous
mettre à votre propre service et accepter que cela puisse faire réagir
les autres et les surprendre.
> la peur des ressentis/des émotions, car ils pourraient vous empêcher
d’être efficace ?
Votre chemin de croissance sera : développer votre capacité à créer
des liens forts et authentiques. Toucher à votre sensibilité. Accepter
votre vulnérabilité. Prendre conscience de votre impact sur l’autre.
> la peur d’être envahi, de l’intrusion, de trop d’intimité ?
Votre chemin de croissance sera : vous reconnecter à la vie, à l’énergie
des émotions.
> la peur de l’échec, de faire des erreurs ?
Votre chemin de croissance devient : acquérir de la compassion envers
vous-même et les autres. Rechercher plus de plaisir et de légèreté.

« Si on n’apprend pas à échouer, on échoue à


apprendre. »
Tal Ben-Shahar

> la peur de perdre le contrôle, de perdre votre puissance/votre


pouvoir ?
Votre chemin de croissance est alors : apprendre à mesurer votre
impact sur les autres. Connecter à votre vulnérabilité. Apprendre le
lâcher-prise. Accepter le soutien.
> la peur de ne pas en faire assez, donc de ne pas être assez reconnu ?
Votre chemin de croissance est : réaliser que les autres vous aiment
pour vous, et non pas pour ce que vous accomplissez. ÊTRE plus,
FAIRE moins. Apprendre à vous reposer.

TEL UN JARDINIER…
« Chaque feuille qui pousse te le dira : ce que tu sèmes portera du fruit, alors si tu as
du bon sens, mon ami, ne plante rien d’autre que l’Amour. » Rumi
Comme le jardinier, ce que l’on sème dans notre jardin intérieur est ce qui y
poussera. Nous avons donc la possibilité d’y faire grandir ce qui est important pour
nous…
Tel un agriculteur qui sélectionne soigneusement les grains de blé qu’il veut voir
pousser, qui s’assure d’avoir un terreau fertile, qui arrose et qui attend patiemment la
récolte, vous êtes le créateur de VOTRE jardin.
Que souhaitez-vous y voir pousser ? Qu’avez-vous envie d’y semer, de nourrir et
d’entretenir ? De quoi a-t-il besoin ?
Votre jardin, cette beauté, c’est la vôtre. Elle est à vous et en vous.
C’est un endroit où rien ne vous est demandé, où l’on n’exige rien de vous, où vous
êtes libre d’être entièrement vous-même, ici et maintenant.
Votre jardin, c’est le champ de tous les possibles…

L’éveil

« Le privilège d’une vie est d’être qui on est. »


Joseph Campbell

Nous n’avons pas à nous réinventer. Laissons de côté des expressions


comme : « la personne que je veux devenir » ou « je dois visualiser mon
moi futur ».
Après plusieurs années à explorer la dynamique humaine et à m’intéresser
au développement, j’ai pu me rendre compte que, pour avoir une vie
authentique, riche de sens et épanouie, nous n’avons pas à nous réinventer.
Nous devons nous éveiller. Notre travail de développement en est un de
conscience. Et il consiste à reconnecter à ces parts de nous que nous avons
mises de côté et qui sommeillent. C’est un travail de découverte, de
réconciliation et d’intégration.
Nous éveiller à nous-mêmes, à toutes les parties de nous, même à celles qui
sont dans l’ombre, les mal-aimées, accueillir et honorer ce que nous
trouvons, c’est notre chemin d’humanité et d’épanouissement. Et c’est le
privilège d’une vie.

Nous sommes toujours exactement là où nous sommes censés être.


Alors : acceptons chaque phase de notre évolution en en faisant des
moments d’expérimentation et d’apprentissage.

Laissez la version de vous que vous avez été vous enseigner.


Laissez la version de vous que vous êtes actuellement vous
réconforter.
Laissez la version de vous que vous êtes en train de devenir
vous inspirer.
Vous êtes la version que vous avez besoin d’être à chaque
phase de votre voyage.
(Extrait de Oser être vrai dans un monde « faux »)

Il n’est jamais trop tard pour devenir soi…


Vieillir ne me fait plus peur, car je réalise maintenant que c’est un privilège.
Aristote s’est consacré à la philosophie à l’âge de 50 ans.
Mozart, à sa musique, après de nombreux jobs mal payés et
beaucoup de doutes.
J.K. Rowling, à son écriture, après avoir occupé plusieurs
professions, notamment celle de professeure. Au point le plus bas
de sa vie, elle a même fait une dépression.
L’âge moyen des fondateurs de start-up à forte croissance est de 45
ans.
Moi, Pascale, à l’humain et à son développement à l’âge de 40 ans,
après presque 20 ans de carrière comme gestionnaire en logistique
et consultante en implantation de systèmes.
Et vous, êtes-vous un « late bloomer » ?

Il y a 11 ans, ma bonne amie Chantale, à 45 ans, a été emportée par un


cancer foudroyant du pancréas en l’espace de quelques mois. Elle aurait
aujourd’hui 56 ans. Quand la peur de vieillir m’envahit, je pense à elle. Et
je me dis que vieillir est finalement… tout un privilège. Un privilège qu’elle
n’a pas eu. Je pense à elle, mon amie si courageuse. Et je lui promets
d’essayer de savourer chaque instant que la vie m’apporte.
Sans oublier que l’âge procure certains avantages. Surtout si nous avons fait
le choix d’embarquer dans ce voyage de développement de soi : sagesse,
patience, résilience, humilité et connaissance de soi.
Avec les années, nous apprenons à être notre propre meilleur ami, nous
cessons d’attendre que nos besoins d’amour, de reconnaissance et de valeur
soient nourris par l’extérieur ; nous apprenons à les combler par nous-
mêmes.
Nous apprenons aussi à répondre à l’appel de notre mission, sans nous
laisser tomber. Et quand nous apprenons à être libres avec l’autre et non au
détriment de l’autre, quel cadeau ! Celui de la liberté et de la paix
intérieure !

Nourrir l’ego ou nourrir l’âme ?

« Une mauvaise journée pour l’ego est une bonne


journée pour l’âme. »
Jillian Michaels

Je me rappelle le jour où je suis tombée sur cette citation, je n’ai pu


m’empêcher de rire devant la simplicité juste et sage de cette phrase. Tout
de suite, j’ai pensé à certaines situations qui ont été assez « mauvaises »
pour mon ego : (embarrassantes, décevantes, gênantes et même
douloureuses) et qui, au final, avec du recul, ont servi mon développement
et m’ont fait grandir.
Qu’en dites-vous, n’est-ce pas bel et bien vrai qu’à chaque expérience que
la vie nous présente, nous avons deux possibilités ?
1. Nourrir l’ego
Eh, qu’il a faim parfois, cet ego ! Éviter l’inconfort, chercher à plaire,
éviter l’échec, chercher à bien paraître, éviter de perdre la face,
débattre pour avoir raison, se positionner en victime (ou en bourreau),
créer du drame, vouloir contrôler afin que les choses se passent
comme nous l’aurions souhaité ou que l’autre se comporte comme
nous le souhaiterions.
2. Nourrir l’âme
Choisir l’apprentissage, l’évolution, la curiosité, la compassion, la joie
et la gratitude !
Étape 2
LA TRANSFORMATION

« Nous reconnaissons aujourd’hui que le leadership est


un processus de transformation qui appelle les leaders à
entreprendre un changement profond, afin de
comprendre plus finement qui ils sont, le monde et leur
relation aux autres. »
Bob Anderson, The Leadership Circle
CHAPITRE 3
LEADERSHIP CRÉATEUR ÉLEVER
SON JEU INTÉRIEUR

LE LEADER CRÉATEUR
Les aspects limitants des jeux intérieurs réactifs commencent à se dissiper
au stade de l’individuation, alors que le leader apprend à abandonner ses
peurs. Au fur et à mesure que ses peurs diminuent, son ego devient plus
calme et plus libre d’assumer ses motivations personnelles et collectives.
Au niveau de conscience créateur, l’ego commence à apprendre à mélanger
ses motivations avec celles de l’âme. C’est un mouvement de l’extérieur
vers l’intérieur, le passage d’être « socialisé » à « individualisé ». Le leader
aspire à trouver un sens à sa vie à travers une cause ou un but qui lui tient à
cœur. Il souhaite alors s’épanouir.
Ce nouveau niveau de conscience est marqué par une transformation
personnelle des anciennes hypothèses et croyances et une quête de
validation externe vers une version plus authentique de soi. Le leader
cherche à savoir qui il est vraiment et ce qui l’intéresse le plus. Il
commence à devenir un leader visionnaire, acceptant le fait qu’avec
l’authenticité il y a le risque de décevoir les autres, de vivre des « échecs »
et de contredire les normes acceptées. Il abandonne son besoin d’être
admiré à tout prix par les autres en faveur d’un objectif plus élevé et qui lui
importe.
À ce niveau, le leader ne cherche pas à être le héros et il commence à
partager le pouvoir. N’étant plus le seul décideur, il aide les groupes à
devenir plus autonomes et impliqués dans le succès de l’organisation.
Il se concentre sur une performance plus élevée et plus durable grâce à une
réelle collaboration et au travail d’équipe. Il passe du « JE » au « NOUS ».
Il a à cœur le développement des autres. Environ 25 % des leaders
fonctionnent avec un jeu intérieur créateur.
Voici quelques indicateurs qui nous confirment qu’un leader a atteint un
niveau de leadership créateur.
Il est dans l’esprit de renouvellement continu de qui il est comme
personne. Il est un éternel apprenant.
Il promeut l’apprentissage et l’innovation.
Il est un bâtisseur d’équipe.
Il responsabilise, autonomise, partage le pouvoir et favorise
l’émergence d’autres leaders.
Il contribue à la création d’une culture créatrice.
Il partage sa vision et ses valeurs.
Il coache, mentore, a à cœur le développement des personnes.
Il crée des alliances stratégiques.
Il souhaite l’épanouissement des gens.

On remarque que le nombre de leaders créateurs en transformation ne fait


qu’augmenter, car nous avons constaté qu’opérer à ce niveau était
nécessaire pour naviguer dans un monde VICA et apporter des
changements organisationnels dans ce contexte. Mais ce n’est que lorsque
le leader créateur est arrivé au sommet de son développement qu’il est
capable d’entreprendre des changements durables, des révolutions
systémiques profondes et, en plus d’évoluer comme personne, d’amener son
organisation et le collectif à évoluer.

Le jeu intérieur créateur selon que le leader


est en transformation ou pleinement
développé
Le leader créateur en transformation Le leader créateur pleinement
développé

C’est un saut dans une nouvelle zone de C’est un investissement significatif dans le
croissance et un monde inconnu. développement du leadership.
• Il se concentre sur la compréhension de • Le leader est devenu conscient de lui-
l’humain : ses pensées et ses même et des autres, il sait faire preuve
sentiments, ses motivations et ses de discernement envers lui-même et a la
peurs, ses réactions et ses réponses, capacité d’autovalider ses décisions. Il
ainsi que ses aspirations et ses désirs ne demande pas l’approbation ou la
les plus profonds. Il se pose des permission des autres. Il a développé
questions existentielles : Pourquoi ?, une force de caractère et son intégrité
Pourquoi suis-je ici ? et Quel est le sens est évidente.
de la vie ?
• Le leader a la vision, le courage et la
• Il entre dans une zone de croissance présence nécessaires pour générer et
personnelle où grandir et évoluer devient soutenir un changement transformateur
sa façon naturelle d’être. Même si les (Torbert, 1998).
défis qu’il rencontre en cours de route • Il use de son pouvoir authentique
peuvent être inconnus et déconcertants, personnel dans l’intérêt de servir toute
sa vie est à jamais enrichie. Il ressent la sa communauté et pas seulement des
satisfaction d’avoir trouvé sa raison groupes d’intérêts sélectionnés. Cela
d’être dans le monde afin de mener une représente un passage DE : « pas assez
vie plus utile et épanouissante basée sur bon », « bien paraître, bien réussir »,
une intention consciente et une action « bien faire »
engagée. Il doit tout de même composer
avec les incertitudes reliées à ce choix. • À : se concentrer, maintenant et à plus
Il est habitué à tirer parti de ses forces, à long terme, sur le plus grand bien pour
nourrir sa croissance personnelle et à toutes les personnes.
collaborer avec les autres afin d’exercer Il amène l’organisation à passer d’une
un pouvoir mutuel pour cocréer les approche centrée sur le client à une
meilleurs résultats possibles pour approche centrée sur la communauté. Il
l’ensemble de la communauté. réussit ainsi à obtenir des résultats
durables à moyen et à long termes qui
• Sa capacité d’innover et de collaborer
ont un impact réel, significatif et
est véritablement initiée.
bénéfique sur les personnes au sein de
• Dans cet état d’esprit, le monde intérieur l’organisation, maintenant et à l’avenir. Il
de l’individu devient plus important que génère un nouveau monde à travers ses
le monde extérieur dans lequel il opère. convictions et ses intentions, il vit selon
En d’autres termes, il tient compte de ses principes et en phase avec son
son intuition et de ses sentiments pour objectif de vie, tout en embrassant les
prendre des décisions et générer de autres avec compassion et
nouvelles idées. Il fait preuve enthousiasme.
d’introspection. • Le leader créateur mature est un leader
• Il écoute également beaucoup plus authentique et inspirant. Il dirige avec
attentivement. Il peut donc ainsi créer
une connexion plus profonde avec les confiance de « l’intérieur vers
autres et développer sa capacité l’extérieur ».
d’établir un véritable lien de confiance
• Il s’exprime avec passion quand il plaide
avec eux.
pour un monde meilleur et est capable
• Le leadership est partagé. Le leader de sensibiliser les autres et de faire
prend maintenant la responsabilité de émerger le potentiel humain dans
créer la vision, d’y emmener les autres à l’ensemble de l’organisation et parmi
s’engager et de les aider à découvrir de toutes les parties prenantes.
quelle façon elle leur permet d’accomplir • Le leader est capable de diriger au
collectivement leurs objectifs milieu de la complexité. La vision du
personnels. leader créateur s’étend pour inclure le
bien-être systémique.
• Le « Servant Leadership » émerge
pleinement. Le leader devient au service
de plus grand que lui.
• La vision devient souvent globale et
orientée vers le service du bien-être
humain. La durabilité et le bien commun
à long terme deviennent des valeurs
saillantes.

ÉLEVER SON JEU INTÉRIEUR : LA


TRANSFORMATION D’UN LEADERSHIP
RÉACTIF À UN LEADERSHIP CRÉATEUR
Ce n’est pas noir ou blanc : on ne se réveille pas un jour en étant devenu un
leader créateur ! Il s’agit d’une transition graduelle à travers laquelle on
déploie de plus en plus d’énergie, dans le jeu intérieur créateur.
Le passage du jeu intérieur réactif à celui de créateur est très exigeant, car il
implique d’accepter de laisser aller ce que nous croyons être (mais qui est
défini, en réalité, par les autres) pour devenir qui nous sommes réellement,
en fonction de ce qui nous habite à l’intérieur. Laisser aller toute
identification avec les divers rôles que nous jouons (donc identification
venant de l’extérieur) pour nous définir à partir de l’intérieur. Cela peut être
très effrayant !
C’est pour cette raison que le pointillé a été placé entre ces deux niveaux.
En bas de celui-ci, nous n’avons pas conscience que nous ne faisons que
répondre à des patterns internes (nous vivons par défaut) programmés par
nos expériences antérieures, par notre famille, par la culture, par la société
et nos rôles. Et en haut de ce pointillé, nous devenons de plus en plus
conscients de ces patterns et de ces conditionnements. Nous manifestons
notre réelle identité.
Cette transition entre le jeu intérieur réactif et celui de créateur est la plus
importante de notre vie adulte. Et pour répondre aux défis organisationnels
actuels, cette transition doit être faite par la majorité des leaders.

Cultiver l’état d’esprit du leader créateur :


alors on fait comment ?
Vous trouverez dans les sections suivantes, des réflexions et des façons de
faciliter votre transition vers un leadership créateur et de mettre à jour votre
système d’exploitation.
J’aimerais toutefois faire une mise en garde. Ayez un regard bienveillant
envers vous-même et ne jugez pas votre dynamique. Avoir des
comportements de leadership réactif n’est pas quelque chose de mal. C’est
profondément humain. Ils font partie du stade de conscience auquel nous
arrivons à l’âge adulte. Et il ne vient pas qu’avec des limitations. Il vient
aussi avec des cadeaux : des talents, des ressources, des habiletés.
L’important est d’en être conscient. De voir nos comportements qui,
poussés à l’extrême, deviennent limitants dans notre leadership et dans
notre vie. Par exemple, avoir le souci de bien faire les choses est un atout
pour un leader. Mais avoir peur de ne jamais faire ou être assez, être trop
perfectionniste est un fardeau bien lourd à porter. Pour soi et pour nos
équipes. Faire preuve de contrôle peut favoriser l’atteinte des résultats, mais
utiliser essentiellement cette méthode pour réussir les missions qui nous
sont confiées crée du désengagement à long terme dans nos équipes.
Il est donc essentiel pour un leader d’avoir la capacité de mettre de côté ses
intérêts personnels et de savoir prendre des décisions au profit du bien
commun. Et ce, même lorsqu’il n’est pas d’accord avec ladite décision.
Ce n’est qu’une fois que nous avons pris conscience de ces comportements
que nous pouvons en constater l’impact sur soi et sur les autres. Les
comportements réactifs comme la complaisance, chercher à plaire,
l’approbation à tout prix, la protection et le retrait émotionnel, le contrôle,
la sur-exigence ou le perfectionnisme créent des résultats, certes. Mais ils
ont aussi tendance à produire des résultats à court terme ou qui sont atteints
au détriment de quelque chose d’autre. Alors, c’est inévitable, ils ont un
coût !
Il est normal d’être hésitant avant de faire le grand saut du leadership réactif
au leadership créateur. Après tout, c’est un mouvement majeur de vie !
Celui de passer du monde extérieur à celui de l’intériorité.
Laissez-vous l’espace et le temps nécessaires pour laisser la transformation
s’opérer dans votre leadership, pour expérimenter et intégrer de nouveaux
comportements. Mettez en place des rituels qui viendront les ancrer. Et
rappelez-vous : votre structure d’esprit détermine votre niveau de
leadership. C’est par là que passe la transformation.

« Tout le chemin de la vie, c’est de passer de


l’ignorance à la connaissance, de l’obscurité à la
lumière, de l’esclavage des sens à la liberté de l’esprit,
de l’inaccompli à l’accompli, de l’inconscience à la
conscience, de la peur à l’amour. »
Frédéric Lenoir
Pour faciliter le passage à un leadership
créateur, il y a deux habiletés principales à
développer :
1. Diriger à partir de sa boussole intérieure (chapitre 4)
2. Adopter la mentalité paradoxale : l’état d’esprit des « ET » (chapitre
5).
CHAPITRE 4
DIRIGER À PARTIR DE SA BOUSSOLE
INTÉRIEURE

LA BOUSSOLE INTÉRIEURE DU LEADER


Oscar Wilde a dit : « Vivre est la chose la plus rare dans ce monde. La
plupart des gens existent, c’est tout. »
Vivre… Nous pensons que nous le faisons. Mais si examinions notre vie et
nos choix, remarquerions-nous que nous sommes perdus dans les exigences,
dans le faire-faire-faire et étourdis par l’action ? Vivons-nous réellement ?
Peut-être vivons-nous entre deux corvées quotidiennes, dans certains
moments lumineux ou de plaisir, allant d’une bouffée d’adrénaline à une
autre, avec l’impression d’être vivants quand nous nous sentons
performants ?
Sommes-nous réellement acteurs de notre vie ? Ou la vie s’impose-t-elle à
nous ?
Je crois que nous avons toujours deux possibilités :
1. Laisser la vie nous mener. Laisser les circonstances, les attentes et les
demandes nous mener. Vivre selon ce que les autres exigent de nous.
2. Mener notre vie.
Donc, être victime ou acteur.

C’est la même chose en ce qui concerne notre leadership. Nos repères


extérieurs sont de plus en plus ambigus et changeants alors que les règles du
jeu sont de moins en moins claires. Comme leader, nous n’avons pas
toujours des réponses évidentes à nos questionnements. Nous pouvons donc
tomber facilement en mode réactif et nous laisser mener par les livrables et
les projets.
Mais, comment puis-je naviguer dans mon contexte lorsque je dois
être ferme et bienveillant à la fois, transparent et rassurant,
empathique et en parfaite maîtrise de la situation ? Que je dois
produire des résultats tout en restant sensible à l’humain ?
Comment puis-je m’adapter à mon contexte qui est à la fois volatile,
incertain, complexe et rempli d’ambiguïté ?
Comment puis-je prendre soin de moi ET des autres ?
Comment puis-je faire pour naviguer dans une culture
organisationnelle qui n’est pas parfaite avec le plus de sérénité
possible ?

Tant de questions qui ne trouvent des réponses que si on regarde vers


l’intérieur de soi, en utilisant sa boussole intérieure, c’est-à-dire :
1. en ayant accès à toutes les dimensions de notre personne :
le spirituel (des valeurs et convictions fortes qui donnent un
sens à notre vie) ;
un mental paisible (qui nous permet clarté et lucidité) ;
des indicateurs physiques (qui nous aident à agir) ;
des ressentis (pour naviguer à travers notre monde
émotionnel).
2. en portant une intention. Quel est l’impact que je souhaite créer ?
3. en donnant du sens à nos actions. Au nom de quoi j’agis ?
4. en étant honnête quant à nos besoins et en les honorant.

Vous remarquerez au centre de la boussole du leader créateur que son


fondement est sa capacité à s’ancrer dans le présent.
Voyons maintenant chacun de ces points d’un peu plus près.

Besoins ou valeurs ?
Prenons un instant pour faire la distinction entre un besoin et une valeur.
Une valeur est une chose à laquelle nous attachons de l’importance, un idéal
que nous pouvons vouloir défendre. Elle représente ce qui est important
pour nous, ce qui nous permet de distinguer le bien et le mal et d’orienter
nos décisions d’un point de vue éthique ou moral. Chacun de nous a des
valeurs qui sont évolutives. Nous n’avons pas forcément les mêmes à 15
ans, 20 ans, 30 ans ou plus. Certaines d’entre elles nous ont été transmises
par notre famille et, plus tard, par nos expériences de vie.
Les besoins, eux, vivent en nous et changent constamment. Nous devons en
prendre soin pour nous sentir bien avec nous-mêmes, physiquement et
émotionnellement. Par exemple :
Pour me sentir bien, j’ai besoin d’avoir une grande sécurité
d’emploi.
Pour me sentir bien, j’ai besoin de travailler dans un
environnement propre ou d’être reconnu.

Certains besoins, comme celui de liberté, peuvent à la fois être une valeur et
un besoin. D’autres, cependant, font uniquement partie de nos besoins
fondamentaux : se nourrir, entre autres.

VALEURS : SÉMANTIQUE ET DÉFINITIONS17


VALEUR :
Référence déterminante pour la conduite d’une vie, d’un projet ou d’une
organisation.
Sentiment ou principe fondamental qui nous motive à faire ce que nous
faisons.
Représente ce à quoi nous aspirons profondément.
Moteur qui nous permet d’« aller vers ».
Elle est généralisée. Ne se reflète pas uniquement dans un domaine, mais
touche à tous les aspects de notre vie (personnel, social, professionnel).
– Ex. On ne possède pas la valeur « efficacité » si on n’est efficace qu’au
travail.
– Ex. On ne possède pas la valeur « persévérance » si on ne l’est que de
temps en temps.

VALEUR NATURELLE :
Elle est déjà présente dans les préférences de l’adolescent ou du jeune
adulte.
Qu’est-ce qui était très important à vos yeux lorsque vous aviez 14-17 ans ?

VALEUR PRÉSENTE :
Elle intervient dans notre vie actuelle.
Notre système/hiérarchie des valeurs change tous les 6-8 ans.

VALEUR DE BUT :
Elle est le principe actif et vital qui nous motive profondément, au point de
vouloir la satisfaire sans autre objectif que de la satisfaire.

VALEUR DE MOYEN :
Elle est une valeur, ou une qualité forte et constante qui permet de satisfaire
une autre valeur plus primordiale (de but).

DIFFÉRENCE AVEC VALEUR MORALE :


La valeur morale est fondée sur des principes qui s’adressent à la vertu et
s’appuient sur la dichotomie bien/mal.

– Ex. : valeurs sociales.

DIFFÉRENCE AVEC QUALITÉ :


Une qualité s’exprime de temps en temps, selon le contexte, et est au
service d’actions qui ont un sens pour nous.
La valeur est 10 à 100 fois plus déterminante dans notre vie qu’une
qualité/talent/don.
La qualité est au service de la valeur.

CONTRE-VALEUR :
Elle nous pousse à agir non par motivation positive, mais par rejet viscéral
d’un sentiment.
Qu’est-ce que je veux éviter à tout prix ?
Lorsque nous décrivons un état émotionnel ou une situation que nous ne
pouvons supporter.

– Ex. La solitude (je ne la supporte pas, donc je ne suis jamais seul.)


– Autres exemples de contre-valeurs : échec, ennui, stress, colère, misère,
perte de temps, injustice, routine… Je peux, par exemple, ne pas supporter
l’injustice, mais ne pas nécessairement avoir comme valeur la justice et
m’engager concrètement en son nom.

Une valeur, c’est la façon pour vous d’ÊTRE un leader à partir de ce


qui vous importe vraiment.

Pourquoi reconnaître ses besoins et ses


valeurs ?
Il est essentiel pour un leader créateur de s’interroger sur ce qui l’anime et
ce qui est à la source de sa motivation. Pour être épanoui dans sa vie
personnelle et professionnelle, il doit être conscient et tenir compte de ses
besoins et de ses valeurs, car lorsque nos besoins sont non satisfaits, que
nos valeurs sont bafouées, que nous ne sommes pas en phase avec notre
authenticité, nous sommes malheureux.
Par exemple, si l’une de vos valeurs fondamentales est la justice et que la
culture organisationnelle dans laquelle vous naviguez est peu sensible à la
diversité, à l’inclusion, ou que vous remarquez que ce sont toujours les
mêmes qui font des efforts, il y a fort à parier que vous ne vous sentirez pas
bien.
Lorsque nous sommes conscients de nos besoins et de nos valeurs, nous
pouvons chercher à les satisfaire et à les assumer en faisant des demandes
claires aux personnes qui nous entourent.
Vos valeurs et vos besoins sont le cœur de votre boussole intérieure. Elles
vous guident dans la direction où vous voulez aller. Demandez-vous : Afin
de passer au jeu intérieur du leader créateur, est-ce qu’il y a une valeur qui
me retient et que je devrais abandonner ?
J’ai exploré plus en détail le thème des valeurs personnelles dans mon livre
Entre la tête et le cœur – Voyage intérieur pour se découvrir et s’accepter.
Ici, je crois qu’il est surtout important de mentionner que :
Penser à la manière d’agir et de décider à partir de quelque chose
qui n’est pas nommé est important. En temps de turbulence, dans
l’ambiguïté, confronté au cynisme dans une culture
organisationnelle réactive, un leader doit pouvoir s’ancrer dans ce
qui importe vraiment. Un leader qui connaît bien ses valeurs
n’arrive jamais les mains vides dans une conversation courageuse,
ou face à une décision difficile. C’est ce qui lui permet de ne pas
perdre le nord.
Nommer ses valeurs ne suffit pas. Il importe de les vivre. Sinon,
elles ne sont qu’une liste d’épicerie ou une liste de mots sur un site
Internet qui ne prennent pas vie dans la pratique. Chacun de vos
comportements, de vos paroles, de vos actions, de vos pensées, de
vos décisions, de vos intentions doit être aligné sur vos valeurs.
Vivre ses valeurs demande du courage et certains renoncements.
Deux de mes principales valeurs sont :
1. faire la différence/avoir un impact significatif ;
2. épanouissement personnel.
Pour être en harmonie avec elles, j’ai dû me détacher de ma difficulté
à supporter le conflit (contre-valeur) et ma peur de déplaire.
Traduire vos valeurs en comportements observables. Je vous
suggère de choisir 3 à 4 comportements qui « opérationnalisent »
chacune de vos valeurs.
Identifier 3 à 4 pièges dans lesquels vous pourriez tomber et qui
vous empêcheraient de vivre selon vos valeurs est fort utile.
Il est essentiel ensuite de vous questionner :

– Quand je suis aligné sur mes valeurs, qu’est-ce que cela me


permet d’accomplir ? Quels sont mes indicateurs physiques,
mentaux, émotionnels ?
– Quand je ne suis pas aligné sur mes valeurs, qu’est-ce qui se
passe en moi ? Quels sont mes indicateurs physiques, mentaux,
émotionnels ?

Finalement, vous devez oser apparaître bien appuyé sur vos


valeurs ! Certes, tout le monde ne sera pas toujours en accord avec
vous et vous devrez accepter de déranger parfois. Mais selon mon
expérience, on peut être en désaccord avec les choix et décisions
d’un leader, mais continuer à le respecter si on sent qu’il est guidé
par ses propres valeurs.

Voilà quelques exercices qui vous permettront d’aller au-delà de la simple


liste de mots afin de faire de vos valeurs votre boussole intérieure
quotidienne.

Comment reconnaître ses valeurs ?


Comme le dit Richard Barrett, « devenir un leader qui réussit, quelqu’un
qui est capable de construire une équipe, une organisation ou une
communauté durable et performante n’est pas une question de ce que vous
faites, bien que ce soit important, il s’agit de la façon dont vous faites ce
que vous faites – il s’agit de vivre vos valeurs profondes. »
M. Barrett propose aussi une évaluation en ligne18 (complètement gratuite)
qui vous permet de découvrir ce qui est important pour vous, ce qui vous est
cher, ce qui vous dérange et ce qui sous-tend vos décisions en effectuant
une évaluation des valeurs personnelles. En seulement quelques minutes,
vous aurez une mine d’or d’informations sur les raisons pour lesquelles
vous faites ce que vous faites ! Ce test est particulièrement intéressant
puisqu’il classe les valeurs par stade de conscience.
Dans mon livre Entre la tête et le cœur, je fais aussi référence au
livre d’Isabelle Nazare-Aga, Je suis comme je suis19, qui est un
ouvrage que je ne garde jamais très loin lorsque le temps est venu
de ré-évaluer mes valeurs.
Vous pouvez aussi amorcer une réflexion sur vos valeurs
simplement à l’aide d’un crayon et d’un papier :
1. Pensez à des expériences passées significatives ou à une décision
majeure que vous avez eu à prendre récemment. Demandez-vous
quelles étaient les valeurs qui sous-tendaient vos actions et
décisions. Au nom de quoi avez-vous agi ?
2. Partez du présent et observez vos actions et décisions : cherchez à
saisir ce qui importe pour vous, ce à partir de quoi vous agissez et
prenez vos décisions. Notez aussi ce qui les déclenche en vous. Ce
qui vous fait basculer en mode réactif est fort probablement lié à
des valeurs qui sont heurtées.

LISTE DE VALEURS20

accomplissement, résultat, dialogue implication dans la


exploit discipline personnelle communauté locale
adaptabilité écoute indépendance
ambition efficacité initiative, prendre des
amitié initiatives
engagement
apprentissage continu intégrité
enthousiasme/ attitude
assumer ses positive justice, équité
responsabilités entrepreneurial leadership
attention, bienveillance, épanouissement personnel ouverture d’esprit
prendre soin pardon, indulgence
équilibre vie privée/vie
attention aux générations professionnelle patience
futures
éthique persévérance
être aimé pouvoir
bien-être (physique/ être à l’aise dans prise de risques
émotionnel/ mental/ l’incertitude prudence
spirituel) être le meilleur récompense
clarté excellence reconnaissance
coaching/ mentoring faire la différence, impact résolution de conflits
compassion significatif
respect
compétence, expertise famille
richesse
confiance fiabilité
sagesse
conscience générosité
environnementale santé
humilité
contrôle sécurité d’emploi
humour/ plaisir
courage sécurité des personnes
image personnelle
créativité stabilité financière

croissance personnelle travail en équipe

croissance professionnelle vision

Vivre ses valeurs


Parfois, la vie nous envoie des revers…
Vivre une adversité peut nous transporter directement au cœur de nos
valeurs. C’est ce qui m’est arrivé il n’y a pas si longtemps, juste avant
d’écrire ces lignes et je me suis dit : Wow, la vie est ainsi faite, voilà une
opportunité parfaite pour revisiter mes valeurs… ce que j’ai fait.
Il m’apparait que, lorsque la vie nous envoie un revers et que nous avons du
mal à incarner nos valeurs, il devient pertinent de se questionner :
Est-ce que ce sont réellement nos valeurs ? Peut-être que ce sont des
caractéristiques que nous considérons importantes mais pas des principes
de vie ? Peut-être des valeurs désirées (et non actuelles et vécues), reliées à
ce que nous pensons être ou ce que nous souhaiterions que les gens voient
de nous ?
Car… les actions … ne mentent pas… ?
Nous disons souvent que les valeurs guident nos actions et décisions. Ou
serait-ce l’inverse ? Nos actions et décisions indiquent ce que nous
valorisons vraiment ? L’œuf ou la poule, vous me direz…
Donc, une chose est certaine, chaque adversité, chaque expérience de vie
est une opportunité pour nous revisiter et expérimenter nos valeurs. Et peut-
être, qui sait, choisir consciemment quelles valeurs nous désirons
réellement incarner davantage dans notre vie ! Le début d’un voyage de
transformation intérieure et d’une réelle conversation avec soi-même !
Les valeurs nous aident à agir et à décider. Et aussi et surtout à ÊTRE. La
question à se poser est alors : Qui ai-je envie d’ÊTRE dans cette situation ?
Voici mes 10 valeurs personnelles et comment je choisis de les incarner :
1. Attention, bienveillance, prendre soin : porter l’intention de prendre
soin de moi d’abord pour mieux prendre soin des autres.
2. Bien-être (physique/ émotionnel/ mental/ spirituel) : conserver une
hygiène de bien-être global et attentive à mes besoins pour être moins
réactive et plus ouverte.
3. Compassion : comment puis-je agir concrètement pour libérer l’autre
de sa souffrance ? Comment puis-je mettre la bonté en action ? Et
faire preuve aussi d’autocompassion.
4. Courage : j’ai pris conscience que c’est sur cette valeur que je
m’appuie pour incarner à peu près toutes les autres ! Pour oser les
conversations difficiles, oser nommer mes états d’être et accueillir
ceux des autres, accueillir l’incertitude, choisir l’apprentissage plutôt
que le confort.
5. Dialogue : la puissance d’oser me dire dans ma vérité et de faire
preuve d’écoute profonde et curieuse !
6. Épanouissement personnel : passer d’une posture de victime
(Pourquoi ça m’arrive ? Pourquoi on me fait ça ? Pourquoi je suis
encore prise à tout faire ? Si on prenait le temps de me comprendre
aussi ! Sont quelques-unes de ces phrases que je peux m’imposer
parfois) à une posture d’apprenante. Quel est le sens de cette
expérience ? Qu’est-ce que j’apprends sur moi et sur l’autre ?
7. Être à l’aise dans l’incertitude : parce que, parfois, j’ai plus de
questions que de réponses…
8. Faire la différence, impact significatif : le sens de pourquoi je partage
ceci avec vous en espérant bien humblement que cela résonne.
9. Générosité : garder le cœur ouvert, bienveillant, indulgent et altruiste.
Cultiver le pardon.
10. Ouverture d’esprit : accueillir l’Autre dans son expérience et accepter
que mes expériences diffèrent.

Maintenant, à vous de jouer ! Vous trouverez à la fin de cette section, un


exercice qui vous permettra d’aller plus loin dans l’exploration de vos
valeurs.

DEMANDEZ-VOUS :
Quel est l’écart entre ce que vous valorisez et la façon dont vous vous présentez au
quotidien comme personne et comme leader ?

Les besoins

Besoins fondamentaux : tel un voilier, besoins de carence et


besoins de croissance21

« Ma mission dans la vie est non seulement de


survivre, mais de m’épanouir et de le faire avec
passion, compassion, humour et grâce. »
Maya Angelou

Pour cette section, je me suis inspirée du livre de Scott Barry Kaufman,


docteur en psychologie humaniste : Transcend : The New Science of Self-
Actualization. Cet ouvrage est une revitalisation audacieuse de la hiérarchie
mal interprétée des besoins de Maslow. Il nous en offre une nouvelle
métaphore.
Kaufman s’appuie sur des entrées de journal personnelles pour
contextualiser le travail de Maslow : qui il était en tant que personne – ses
inquiétudes, ses motivations et son optimisme éternel pour l’humanité.
Après avoir fait une crise cardiaque débilitante, Maslow a passé les
dernières années de sa vie anxieux de ne pas avoir le temps de finaliser son
œuvre, sa plus grande contribution au monde. Malheureusement, sa crainte
s’est concrétisée et sa théorie de la transcendance n’a jamais été achevée.
Kaufman reprend donc là où Maslow s’est arrêté, élucidant les mystères de
sa théorie inachevée et intégrant ses idées aux dernières recherches sur
l’attachement, la connexion, la créativité, l’amour, le sens et autres éléments
constitutifs d’une vie bien vécue. Le livre est structuré autour d’une
métaphore élégante que Kaufman introduit pour représenter plus
précisément l’intention de Maslow derrière son concept de hiérarchie des
besoins.
Si vous avez déjà suivi un cours de psychologie 101, vous avez
probablement été initié à une version de la hiérarchie des besoins de
Maslow sous forme de pyramide : les besoins physiologiques en bas de la
pyramide, surmontés par la sécurité, l’appartenance, l’estime de soi et, tout
au sommet, la réalisation de soi.
Il y a cependant beaucoup d’idées fausses sur cette pyramide. En effet, celle
qu’on nous a enseignée ne racontait pas du tout l’histoire que Maslow avait
en tête lors de sa conception. Loin de lui l’intention d’affirmer que, pour
gagner au jeu de la vie et atteindre la réussite, il fallait en escalader tous les
niveaux.
Maslow était un psychologue du développement dans l’âme et considérait
que le développement humain impliquait une dynamique à « deux pas en
avant, un pas en arrière », dans laquelle nous devons continuellement
retourner à nos besoins fondamentaux pour tirer des forces, apprendre de
nos difficultés et travailler à une plus grande intégration de toutes les
facettes de notre être. Plutôt qu’une pyramide verrouillée, Maslow a
favorisé une caractéristique différente de la hiérarchie. La métaphore de la
pyramide met l’accent sur l’ordre des étapes, alors qu’il a conçu la
hiérarchie d’une manière complètement différente. Il a regroupé les besoins
en deux classes : la carence et la croissance.
Les besoins de carence sont motivés par un manque de satisfaction (par
exemple, manque de nourriture, de sécurité, d’affection, d’appartenance,
d’estime de soi) et par des peurs, de l’anxiété et des exigences. Les besoins
de croissance, quant à eux, englobent l’esprit d’exploration, d’amour
désintéressé et de recherche d’un sens.
Après tout, la condition humaine n’est pas une compétition ; c’est une
expérience. La vie n’est pas une randonnée jusqu’au sommet, mais un
voyage à travers un vaste océan bleu, rempli de nouvelles opportunités de
sens et de découvertes, mais aussi de dangers et d’incertitudes. C’est une
dynamique continue : vous pouvez être ouvert et spontané une minute, mais
vous sentir suffisamment menacé pour vous fermer complètement la minute
suivante. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’un voyage linéaire ; il y aura
de sérieux revers ainsi que des périodes de croissance immense. Et c’est une
approche beaucoup plus saine pour entreprendre cette aventure qu’est la vie
et pour devenir une personne plus en harmonie avec elle-même.

« En conséquence, nous sommes si nombreux à grandir en étant


constamment influencés par les opinions et les pensées des autres,
poussés par nos propres insécurités et nos peurs de faire face à notre
moi réel, que nous introjectons les croyances, les besoins et les valeurs
des autres dans l’essence de notre être. Non seulement nous perdons le
contact avec nos vrais besoins ressentis, mais nous nous aliénons
également de ce que nous avons de meilleur. » Scott Barry Kaufman –
Tiré du livre Transcend.

Besoins de carence versus besoins de croissance


Source : Barrett Academy https://www.barrettacademy.com/stages-of-
psychological-development

Même si combler nos besoins de croissance comporte son lot de défis,


Maslow était convaincu que nous sommes tous capables de nous réaliser et
que la raison pour laquelle certains n’y arrivent pas, c’est parce qu’ils
passent une grande part de leur vie motivés par une carence.

› Objectifs de sécurité
(motivés par nos besoins de carence)
Avoir des opinions bien respectées.
Avoir beaucoup de belles choses.
Être admirés par un grand nombre de personnes.
Être connus par beaucoup de personnes.
Être prospères financièrement.
Être appréciés et populaires.
Trouver un bon emploi bien rémunéré.

› Objectifs de croissance (motivés par nos besoins de


croissance)
Aider ceux qui en ont besoin.
Montrer de l’affection à ses proches.
Se sentir aimés par ses proches.
Améliorer la vie des autres.
Être acceptés pour qui nous sommes.
Aider à améliorer le monde.
Contribuer à quelque chose de durable.

Les conditions optimales pour choisir la croissance existent rarement. En


effet, le climat culturel encourage très peu les personnes marginalisées,
minoritaires ou différentes à s’exprimer pleinement. La culture
organisationnelle, quant à elle, tend à nous éloigner de notre monde
émotionnel, de nos valeurs et de nos idéaux.
Il existe aussi de nombreux facteurs familiaux, environnementaux et
sociaux qui peuvent inciter les gens à se concentrer davantage sur la
sécurité plutôt que sur la croissance. Nous n’avons qu’à regarder la
situation reliée à la pandémie du coronavirus qui a créé de l’anxiété, des
frustrations et de l’insécurité qui ont amené les gens de partout dans le
monde à favoriser leurs besoins de sécurité, physiques et psychologiques,
d’abord et avant tout.
C’est pourquoi la conscience est si importante. Y compris la conscience de
nos tensions intérieures et de notre dynamique, de nos peurs et de nos
réactions. Car nous devons constamment et consciemment choisir la
croissance, encore et encore, jour après jour, minute après minute.
Comme l’écrivait Abraham Maslow : « On peut choisir de retourner vers la
sécurité ou de progresser vers la croissance. La croissance doit être choisie
encore et encore ; la peur doit être surmontée encore et encore. » En tant
que leaders, connaître cela nous permet d’abord d’y être sensibles et ensuite
de créer un environnement sécuritaire qui permet aux individus de se
développer et de nourrir leurs besoins de croissance afin de se réaliser.
Il a d’ailleurs été démontré que les gens ont des besoins qui sont propres à
leur milieu de travail. Quels sont les vôtres ? Ceux des membres de vos
équipes et de vos organisations ?
Exemples de besoins au travail

BESOINS DÉFINITION Incontournables Nourris


dans
notre
équipe

Affirmation Pouvoir nous affirmer nous aide à


sentir que nous contribuons.

Apprentissage Nous comptons sur la rétroaction


pour améliorer nos systèmes et nos
processus et pour nous développer.

Authenticité Nous fonctionnons mieux dans un


environnement où nous pouvons
être nous-mêmes.

Célébration, Nous contribuons davantage au


plaisir succès de nos projets lorsque nous
nous amusons.

Choix Nous sommes plus productifs


lorsque nous participons aux
décisions qui nous concernent.
Clarté Nous fonctionnons mieux lorsque
les attentes sont explicites et qu’il
existe une réalité partagée.

Cohérence Sentir que nos comportements sont


alignés avec nos convictions. Que
les bottines suivent les babines.

Communauté Nous soutenons plus efficacement


l’organisation lorsque nous avons
un sentiment d’appartenance et
d’inclusion ; avoir le sentiment de
faire partie d’une équipe où nous
contribuons en tant que groupe
avec des objectifs communs et une
vision commune.

Connexion Nous entretenons des relations


vraies et authentiques entre nous et
avec nos divers partenaires.

Contribution Nous avons l’impression d’ajouter


de la valeur.

Coopération Tous les membres de l’équipe


travaillent ensemble.

Créativité Nous fonctionnons à notre meilleur


lorsque nous avons l’occasion de
créer.

Durabilité Nous avons une vision à long


terme.

Efficacité Nous atteignons les résultats


prévus et atteignons nos objectifs.

Être écoutés Être entendus et écoutés est


important et contribue à notre bien-
être.

Être valorisés Sentir que nous avons de la valeur


comme personne ou par rapport à
nos résultats au sein de l’équipe.

Évolution Nous apportons plus de valeur


lorsque nous avons des
opportunités de développement
professionnel et personnel.

Harmonie Nous minimisons les discordes et


les tensions au sein de l’équipe.

Intégrité Nous respectons nos ententes.


Nous agissons conformément à nos
valeurs.

Liberté Nous sommes plus engagés


lorsque nous avons de l’autonomie.

Reconnaissance Nous excellons lorsque nous


reconnaissons notre contribution au
succès des projets et que nous
avons fait une différence.

Repos Nous sommes plus présents dans


nos tâches lorsque nous prenons
soin des besoins de notre corps et
de notre esprit.

Respect Nous avons besoin du respect et de


la reconnaissance des autres.

Responsabilité Chacun se tient responsable autant


des succès que des erreurs et
assume sa part de responsabilité
dans les résultats.

Sens Nous voulons tous avoir le


sentiment que nous offrons de la
valeur, de la cohérence et un sens.

Réconcilier les différentes parties de notre


personne : le physique, le mental,
l’émotionnel
Dans mon livre Oser être vrai dans un monde « faux » j’aborde le modèle
de la personne. En résumé, j’y raconte que l’humain est composé de
diverses dimensions, tout comme un système. Il est composé, en fait, de
trois dimensions qui interagissent avec l’extérieur :
1. le physique (le corps – l’action) pour sentir.
La dimension physique se rapporte à nos sensations physiologiques de
confort ou d’inconfort ainsi qu’au mécanisme pratique qui nous
permet d’agir. C’est la partie de nous qui fournit les sensations.
2. le mental (la tête).
La dimension mentale s’exprime par la pensée, la réflexion et
l’analyse à partir de nos idées et de nos croyances. Elle comprend
également notre capacité d’apprendre et de savoir. Elle permet
d’établir une perspective et une structure, de prendre du recul et
d’évaluer l’environnement. Nous pouvons ainsi interpréter notre
expérience humaine à partir de notre potentiel mental de
raisonnement, de compréhension et d’analyse.
3. l’émotionnel (le cœur) pour ressentir.
La dimension émotionnelle est l’ensemble de nos sentiments et de
notre réalité affective. C’est la partie de nous qui nous permet de
ressentir et de créer des liens avec les autres.

Nous appelons le SOI la dimension plus intérieure qui donne un sens à


notre vie et en éclaire les grandes décisions et orientations. C’est notre
dimension spirituelle, notre petite voix intérieure, le réservoir de nos
valeurs fondamentales. On l’appelle aussi l’âme, l’intuition, la source
d’inspiration. Elle communique avec nous pour nous faire savoir ce que
nous ressentons intérieurement.

Peut-être ne le saviez-vous pas, mais vous siégez à un CA (conseil d’administration)


très important ! Celui de votre PME juste à vous !
Vos dimensions : le physique – le mental – l’émotionnel !
Chacun de nous définit sa façon distinctive de vivre ses expériences à partir
de ces trois paramètres et à des degrés variables. Le mental a eu la cote
pendant longtemps : on apprend, on obtient des diplômes, on pense, on
réfléchit, on analyse, on traite et on critique ! Notre corps n’a jamais été
aussi entraîné : nous poussons la machine ! Marathons, triathlons Ironman
et entraînements de toutes sortes.
Ce qui fait qu’il y a beaucoup de tête et d’actions dans nos organisations…
Mais si on avait investi autant dans notre intelligence émotionnelle, peut-
être serions-nous des marathoniens du cœur ?
Pour plusieurs d’entre nous, il n’y avait pas de place pour les émotions
durant notre enfance. Nous n’avons pas appris de nos familles et à l’école
comment faire face aux émotions des autres et comment accueillir les
nôtres. Qui n’a pas entendu une de ces phrases : « Calme-toi ! », « Sois
sage ! », « Sois gentil et ne pleure pas ! » ?
On dit aux gens malades de demeurer positifs, aux passionnés d’arrêter de
se mettre en colère, aux femmes qu’elles sont hystériques ! Et que dire du
monde du travail ! Quand je suis entrée dans le monde corporatif il y a 30
ans, on nous disait : « Il faut laisser nos émotions à la porte ! », « Il faut
avoir la tête de l’emploi ! », « Il faut laisser nos problèmes à la maison ! »
Nos émotions ont été souvent invalidées. Résultat ? La majorité d’entre
nous a coupé le cordon entre la tête et le cœur. Nous avons engourdi nos
émotions. Comme si au travail nous devions devenir des automates, froids
et sans émotion. Or, en tant que leaders, nous avons à prendre soin…
d’humains. Pas de machines !
Il existe d’ailleurs un phénomène psychologique qu’on appelle
« l’amplification ».
« Les émotions que l’on tente d’ignorer deviennent encore plus fortes. Tout
ce à quoi je résiste persiste. Tout ce que l’on embrasse s’efface », a dit Carl
Jung. Pensez à l’emprise que peut avoir un sac de croustilles qui traîne dans
l’armoire de la cuisine et auquel on tente très fort de ne pas succomber…
Il n’est donc pas étonnant que nous invoquions le manque d’intelligence
émotionnelle des travailleurs, travailleuses et gestionnaires. Et pour délier
ce cordon du cœur, reconnecter tête, corps et émotions, ça prend du temps,
de l’accueil et beaucoup de travail sur soi.
En écrivant ces mots, je suis profondément touchée, car je viens tout juste
de conclure une semaine intensive de travail avec un groupe de leaders. Je
sais maintenant, après avoir vécu ma propre ouverture du cœur et après tant
d’années à intervenir auprès des autres, que cette reconnexion est possible.
Et chaque fois que je suis témoin de ce qui se passe pour un humain qui est
vu, entendu, accueilli et sur qui on porte un regard d’amour inconditionnel,
je me sens privilégiée. C’est comme de voir s’ouvrir une fleur.
Les Grecs de l’Antiquité privilégiaient la raison et l’intellect plutôt que le
corps. Vous n’avez qu’à penser à Descartes avec sa déclaration « je pense
donc je suis ». La séparation corps-tête-émotions est un concept inventé par
l’homme et c’est l’un des plus grands obstacles à la transformation.
Heureusement, de plus en plus de gens en sont conscients. Il est donc
essentiel d’aspirer à réconcilier nos dimensions humaines et à recouvrer
notre intégrité.

Les émotions : être intelligent… autrement


« Lorsque l’intelligence émotionnelle est apparue pour la première fois aux
masses en 1995, elle a servi de chaînon manquant dans une découverte
particulière : les personnes ayant un QI moyen surpassent celles ayant le QI
le plus élevé 70 % du temps. Cette anomalie a bouleversé ce que beaucoup
de gens avaient toujours supposé être la seule source de succès : le QI. Des
décennies de recherche indiquent maintenant que l’intelligence
émotionnelle est le facteur critique qui distingue les artistes vedettes du
reste du peloton », nous dit Travis Bradberry, auteur du livre Intelligence
émotionnelle 2.0.
C’est Daniel Goleman, psychologue, journaliste scientifique et professeur à
Harvard qui a popularisé et vulgarisé le concept d’intelligence émotionnelle
en 1995. Son livre L’intelligence émotionnelle, inspiré des travaux de
Salovey et de Mayer, est rapidement devenu un best-seller avec plus de cinq
millions d’exemplaires vendus à travers la planète.
Goleman soutient que l’intelligence émotionnelle est deux fois plus
importante que le savoir-faire et les compétences techniques, et ce, à tous
les niveaux d’une organisation. Ses études démontrent d’ailleurs que, dans
le tiers supérieur de la pyramide hiérarchique, elle compte pour 90 % de ce
qui distingue les leaders moyens des « top performers ».
On a longtemps parlé de personnalité, de charisme ou d’un « je-ne-sais-
quoi » qui faisait en sorte qu’on avait envie de suivre quelqu’un, peu
importe sa destination… Mais en y pensant bien, c’était l’intelligence
émotionnelle qu’on évoquait sans le savoir ; le chaînon manquant de la
« recette miracle » pour être un bon leader. Car, avouons-le, qui a envie de
suivre un leader impulsif dont les réactions sont imprévisibles ? On attend
d’un vrai leader qu’il soit capable de gérer ses propres émotions avant de
gérer les autres…
Les diplômes, le quotient intellectuel ou être le meilleur élève de sa classe
ne sont pas des facteurs qui permettent de prédire le succès. Cela ne
démontre pas l’aptitude à affronter les épreuves de l’existence ni à saisir les
opportunités qui se présentent. C’est cette « autre intelligence » qui vous
aidera à gravir les échelons professionnels. D’ailleurs, parmi les facteurs
dont dépend la notion de réussite, le quotient intellectuel (l’intelligence dite
rationnelle) représente au mieux 20 %, selon Daniel Goleman.

Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ?


› L’intelligence émotionnelle est-elle liée à la performance ?
L’intelligence émotionnelle a-t-elle un impact sur votre réussite
professionnelle et votre performance ? La réponse simple est : oui ! Et un
impact fort important ! TalentSmart22 a testé l’intelligence émotionnelle aux
côtés de 33 autres compétences professionnelles importantes et a constaté
qu’elle est le meilleur prédicteur de la performance, expliquant 58 % du
succès dans tous les genres d’emplois.
Que nous soyons conscients de nos émotions ou non, elles apparaissent
dans tout ce que nous pensons, faisons et disons chaque jour. La conscience
de nos propres émotions et tendances (conscience de soi) nous ouvre donc
les portes pour nous gérer plus efficacement (gestion de soi) en prenant de
meilleures décisions et en répondant aux défis de manière productive et
proactive.
La conscience des émotions chez les autres (conscience sociale), y compris
les signaux non exprimés, nous permet, quant à elle, d’influencer les autres
et de construire et d’approfondir des relations plus efficacement (gestion
des relations). Les employés qui améliorent leurs compétences en quotient
émotionnel (QE) augmentent leur capacité à communiquer
harmonieusement, à prendre de bonnes décisions, à gérer les conflits, à être
des joueurs d’équipe, à bien réagir au changement, à mieux gérer le stress et
à fournir un service client de premier ordre. Quand les gens ont le droit de
ressentir leur vérité émotionnelle, l’engagement, la créativité et l’innovation
fleurissent dans l’organisation.
La diversité est un des thèmes centraux dans les organisations
présentement, mais elle n’est pas qu’à propos de ce qu’on peut observer des
gens ; elle concerne aussi ce qu’ils ont en eux, y compris la diversité des
émotions. Les individus, les équipes, les organisations, les familles et les
communautés les plus performants et résilients sont ouverts à toute la
gamme des émotions humaines.

« Soixante-six pour cent de la différence entre les plus performants et les performants
moyens dans plus de 200 organisations dans le monde étaient dus à la compétence
émotionnelle, 33 % étaient dus aux compétences techniques et aux capacités
cognitives. Dans les postes de direction, plus de 80 % de la différence était dus à la
compétence émotionnelle. »
Goleman, 1998

« L’intelligence d’un leader doit inclure une forte


composante émotionnelle. Le leader doit posséder des
niveaux élevés de conscience de soi, de maturité et de
maîtrise de soi, être capable de résister à la pression,
de gérer les revers et, lorsque ces moments
d’opportunités se présentent, de connaître le succès
avec autant de joie que d’humilité. Il ne fait aucun
doute que l’intelligence émotionnelle est plus rare que
l’intelligence académique, mais mon expérience
démontre qu’elle est, en fait, plus importante dans la
formation d’un leader. Vous ne pouvez tout
simplement pas l’ignorer. »
Jack Welch, président de GE, s’adressant au Wall Street
Journal (Traduction libre)

› Est-ce que l’intelligence émotionnelle se développe ?

SAVIEZ-VOUS QUE… Bien qu’on se dise : Ah, moi, je suis un(e)


rationnel(le), un(e) cartésien(ne)… nous avons une réaction
émotionnelle aux événements avant que notre esprit rationnel ne soit
capable de s’engager….
Eh oui ! nous sommes souvent des êtres plus émotionnels qu’on
pourrait s’imaginer !

La bonne nouvelle : alors que le QI (intelligence rationnelle) se modifie peu


avec le temps, par l’expérience ou l’éducation, les aptitudes émotionnelles
(IE : intelligence émotionnelle), elles, s’acquièrent et se développent.
Dans les années 1990, les chercheurs en neurosciences ont découvert la
plasticité du cerveau, c’est-à-dire que la pratique de comportements à QE
(quotient émotionnel) élevé aide à former de nouvelles connexions
neuronales dans le cerveau, cimentant l’apprentissage et le changement de
comportement. Cela explique comment les gens augmentent leur QE.
Aujourd’hui les chercheurs dans le domaine des neurosciences (David Rock
[2006], Jeffrey M. Schwartz, M.D) sont capables de cartographier la façon
dont le cerveau apprend. De nouvelles connexions neuronales sont formées
grâce à une pratique répétée et consciente jusqu’à ce qu’elles soient
solidifiées pour faire d’un nouveau comportement une habitude
automatique et inconsciente dans le cerveau.
« La ‘plasticité’ est le terme utilisé par les neurologues pour décrire la
capacité du cerveau à changer. Votre cerveau développe de nouvelles
connexions au fur et à mesure que vous apprenez de nouvelles
compétences. Le changement se fait progressivement, en même temps que
vos cellules cérébrales développent de nouvelles connexions pour accélérer
l’efficacité des nouvelles compétences acquises.
L’utilisation de stratégies pour augmenter votre intelligence émotionnelle
permet aux milliards de neurones microscopiques qui bordent la route entre
les centres rationnel et émotionnel de votre cerveau de se ramifier (un peu
comme un arbre) pour atteindre les autres cellules. Une seule cellule peut
développer 15 000 connexions avec ses voisins. Cette réaction en chaîne de
la croissance garantit qu’il sera plus facile de mettre ce nouveau
comportement en action à l’avenir. Une fois que vous avez entraîné votre
cerveau en utilisant de manière répétée de nouvelles stratégies
d’intelligence émotionnelle, les comportements émotionnellement
intelligents deviennent des habitudes23. »

Les émotions, ces messagères


Nous avons souvent envie de chasser les émotions négatives ou
inconfortables, comme si elles étaient un désagrément. Nous avons alors le
réflexe de les ignorer, de les rationaliser ou de les banaliser : « Ne t’en fais
pas ! », « Calme-toi, y’a pas de quoi s’énerver ! », « Y’a pire, au moins tu
n’as pas perdu ceci ou cela… » Or, en agissant ainsi, nous nous
culpabilisons et nous jugeons sévèrement.
Nous avons longtemps parlé de la nécessité de nous défouler pour faire face
aux émotions : par exemple en faisant du sport. Toutefois, se changer les
idées pour évacuer une émotion peut avoir des effets néfastes à long terme.
Cela nous détourne de nous-mêmes et de ce qui se passe pour nous et en
nous. Il est impossible de nier nos émotions : elles sont là, point.
Et elles sont bien utiles. Les observer et les ressentir sans les juger nous
permet de mieux les accepter et même de leur donner un sens. Elles nous
renseignent sur notre état intérieur et également sur notre environnement.
Ce sont des RADARS qui nous aident à mieux comprendre l’autre et les
situations. Ce sont aussi des MOTEURS qui nous permettent de mobiliser
l’énergie nécessaire pour résoudre un problème.
D’ailleurs, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises émotions. Elles sont
positives lorsqu’elles nous permettent de résoudre ICI et MAINTENANT
une situation et elles sont négatives lorsqu’elles sont inefficaces dans la
gestion de la situation.
Alors plutôt que de refuser toute émotion, de la refouler ou de se défouler
pour la faire passer, il est préférable d’accepter pleinement l’expérience
qu’elle nous fait vivre. Sans la juger, mais plutôt en tentant de comprendre
ce qu’elle est en train de nous dire.

Les émotions aident à exprimer un besoin


Identifier l’émotion permet de comprendre le besoin non satisfait et d’y
répondre. Une émotion est une lumière vers ce qui importe vraiment pour
soi.
Une peur : j’ai besoin de protection…
Une colère : j’ai besoin de changement…
Une tristesse : j’ai besoin de réconfort…
Une joie : j’ai besoin de partage…

« On ne peut pas mettre le vent en cage », dit le proverbe. De même, on ne


peut totalement contrôler ses émotions. Mais meuniers et marins savaient
autrefois se servir du vent, comme aujourd’hui les fabricants d’éoliennes.
Peut-on alors « se servir » de ses émotions, en utiliser la force sans se faire
emporter ou dominer par elles ?
On dit que les émotions sont de « bons serviteurs, mais de mauvais
maîtres ». Avoir une bonne intelligence émotionnelle, c’est faire bon usage
de nos émotions, et en être le témoin bienveillant nous permet de mieux les
réguler et d’agir avec plus de conscience.
Alors plutôt que de refuser l’émotion, de la refouler ou de se défouler pour
la faire passer, la clé est d’accepter pleinement l’expérience que nous
sommes en train de vivre, sans juger l’émotion qui se présente et d’essayer
de comprendre ce qu’elle est en train de nous dire. Observer sans juger
permet de mieux accepter les émotions, de leur donner un sens. Y mettre un
mot permet aussi d’en réduire la charge.
J’ai grandi en devenant maître dans « l’art d’aller bien ». J’étais enfermée
dans ma tête. Mais au fil du temps, je me suis rendu compte que la beauté et
la richesse des expériences humaines côtoient sa fragilité et sa vulnérabilité,
qu’avoir des émotions, c’est être vivant ! J’ai donc signé un contrat avec
moi-même, un acte de foi qui me pousse à accepter de me sentir vivante.
Comme je l’ai mentionné plus haut, l’intelligence émotionnelle est
aujourd’hui devenue un concept incontournable du leadership. Elle nous
permet de mieux nous connaître et, par le fait même, de mieux gérer nos
émotions afin de pouvoir faire un arrêt sur image. De nous voir aller quand
on entre en mode réactif.
Le leadership créateur requiert donc une capacité d’entrer en contact avec
nos propres émotions et celles des autres, de les ressentir, de les identifier,
de les accueillir, puis de moduler notre action en fonction de celles-ci.
Il faut savoir être son propre leader avant de leader les autres et d’espérer
être un leader d’influence. D’où l’importance de l’intelligence
émotionnelle. La bonne nouvelle ? On peut la développer, contrairement au
QI qui varie peu au cours de notre vie. Voici les étapes pour vous y aider :
1. Observer :
mes pensées : ce que me dit mon mental, mon langage
intérieur, les histoires que je crée dans ma tête ;
mon monde des émotions ;
mes ressentis : mes sensations physiques, ce que me dit mon
corps.
Bref, j’observe tout ce qui se passe en moi.
2. Accueillir l’expérience que je suis en train de vivre, dans le moment
présent.
3. Embrasser pleinement mon état émotionnel.
4. Mettre des mots sur mes émotions. En qualifiant précisément mes
émotions, je peux mieux comprendre d’où elles viennent.
5. Me laisser la chance d’expérimenter de nouveaux comportements.

Cultiver un mental calme

La vigilance et l’attention
Autant les neuroscientifiques que les spécialistes en développement de la
personne et que la philosophie bouddhiste affirment que tout revient à ces
mêmes quatre mots : Où est mon attention !
Tous font le lien entre l’attention et la conscience, car sans attention, il n’y a
pas de conscience ! L’attention est la prise de possession par l’esprit de
pensées, d’objets parmi plusieurs autres qui semblent possibles. C’est elle
qui nous permet de les filtrer et d’en mettre de côté. Avec la conscience,
nous accueillons.
Imaginez une pièce remplie de musiciens qui jouent de leur instrument.
Comme chef d’orchestre, vous devez être attentif aux possibles fausses
notes, mais, en même temps, capter le message qu’on vous murmure à
l’oreille. C’est ça, l’attention. C’est une qualité sélective qui vous permet
d’être éveillés à ce qui se passe autour de vous, un peu comme un filtre. Ça
demande des efforts, mais il est possible de vous entraîner à la développer.
Chaque heure, des milliers de pensées traversent notre cerveau, soit environ
60 000 par jour. En seulement 7 secondes, des associations d’idées se font
et plusieurs décisions sont prises. D’ailleurs, certaines de nos décisions sont
prises 11 secondes avant qu’on en soit conscient. Eh oui ! Notre cerveau a
toutes sortes de raccourcis, de biais, de réflexes et d’automatismes qui lui
font parfois commettre des erreurs. Le processus est rapide, certes, mais pas
optimal.
Comme leader, il se passe des multitudes de choses autour de nous. En plus
de tout ce qui se joue en nous ! Nous sommes comme des chefs
d’orchestre : nous devons coordonner et écouter plusieurs instruments qui
jouent en même temps. Il est donc primordial de porter attention à chacun
d’eux et de prendre le temps de faire les bons choix.

Les équipes et les leaders avec un haut niveau de conscience de soi ont 68 % plus
de chances de prendre des décisions de qualité (versus 32 % pour ceux avec un bas
niveau de conscience de soi).
Recherche du Harvard Business Review, 2015, Erich C. Dierdorff & Robert S. Rubin

Leader d’intention :
Quel leader ai-je envie d’être ?

« Le succès de nos actions en tant qu’agents du


changement
ne dépend pas de ce que nous faisons
ou de la façon dont nous le faisons,
mais de la place intérieure à partir de laquelle nous
opérons. »
Leading from the Emerging Future, Otto Scharmer et
Katrin Kaeuf
Qu’est-ce qui guide vos actions ?
Bien sûr, il y a les objectifs : les leaders qui se fixent des objectifs ont plus
de chances de réussir que les autres. Car se fixer un but, c’est engager sa
parole. Si on prend la route sans direction précise, sans savoir où on va,
chaque carrefour devient un lieu d’ambivalence.
Mais imaginez un instant que vous laissiez de côté votre rationnel et ce que
vous avez comme objectif de faire pendant l’année à venir et que vous
laissiez davantage parler votre cœur.
Comment avez-vous le goût de vous sentir ?
Comment avez-vous envie que les autres autour de vous se sentent ?
Vos collègues ? Vos pairs ? Votre équipe ? Vos proches ?
Quel leader avec-vous le goût d’être ? Un leader à l’écoute ?
Disponible ? Engagé ? Humble ? Vulnérable ? Courageux ?

Vos réponses à ces questions feront office d’intention afin de guider


chacune de vos actions. Cette intention deviendra la source de votre
motivation pour atteindre vos objectifs. À partir de votre intention, vous
pouvez vous fixer des objectifs spécifiques et mesurables et des rituels à
accomplir jour après jour. Vos actions seront donc inspirées de ce que vous
avez envie d’être en tant que leader. Votre intention vous permettra de
mettre de l’avant ce qu’il y a de plus beau en vous en tant que leader.
Pour vous y aider, je vous suggère de choisir un mot-guide qui vous fait
vibrer et de vivre dans l’esprit de ce mot chaque jour. À titre d’exemple, je
partage avec vous l’intention que je me suis fixée en début d’année. Mon
mot guide : ESPACE. Mon intention est de me donner l’ESPACE nécessaire
afin de vivre une vie équilibrée et saine où lire, écrire, nourrir mes liens
significatifs et mon âme, cultiver la joie et la sérénité font partie de mon
quotidien. C’est d’être, dans mon rôle de leader, une créatrice d’ESPACE
pour ceux qui m’entourent afin de leur permettre d’apprendre, d’oser, de
créer et d’innover.
Nourrir le sens de nos actions
Un matin de milieu de semaine, j’arrive dans un petit café de quartier et une
charmante dame avec le plus beau des sourires me remet mon café. Nous
échangeons quelques mots et je lui dis que j’ai énormément apprécié mon
contact avec elle, et plus particulièrement la joie qu’elle dégage et sa
chaleur.
Elle me répond : « Madame, certains pensent que mon travail, c’est
simplement de servir le café et de faire la caisse. Mais c’est bien plus que ça
pour moi ! J’accorde beaucoup d’importance à ce que je fais. Je fais la
différence dans les matins de mes clients ! C’est avec moi qu’ils démarrent
leur journée. Et je souhaite contribuer à ce qu’ils la démarrent dans la
joie ! »
Quelle belle leçon de sens…
Peu importe le travail que nous faisons, le plus important est de le faire avec
sens, authenticité, intégrité, à partir de ce que nous sommes vraiment, en
cohérence et dans l’amour pour nous-mêmes et pour ceux que nous servons.
Le sens nous donne une direction. Comme l’a dit Montaigne : « Il n’y a pas
de vent favorable pour celui qui ne sait où il va. »
La question à se poser, à chaque action, pour lui donner un sens est : Au
nom de quoi je fais ce que je fais ? Le sens est de plus en plus représenté
comme une des clés pour naviguer dans le monde VICA, volatile, incertain,
complexe et ambigu, auquel nous sommes confrontés aujourd’hui où il y a
peu de repères et donc une difficulté à savoir d’emblée si une décision est
bonne ou mauvaise.
Le leader créateur donne du sens à ses actions et il a aussi clairement
identifié son grand « pourquoi » personnel, ce qui le distingue, ce qui le fait
vibrer. C’est un peu comme son « branding » personnel. Le leader créateur
a une mission personnelle.
Être sur son « X »
Notre mission part de nous, de ce que nous sommes plutôt que de partir de
ce que nous faisons. Au lieu de nous demander : Que vais-je faire
professionnellement ? Demandons-nous ce que nous avons envie d’être.
Pour ma part, j’ai envie d’être celle qui ouvre la voie, qui vulgarise et rend
accessible le leadership humain. Celle qui encourage la curiosité et
l’exploration des leaders.
Et vous ? Qu’avez-vous appris que vous désirez enseigner ? Sur quelle
route avez-vous marché où vous voulez y accompagner d’autres
personnes ? Quel trésor avez-vous trouvé ? Quelle est LA question qui n’a
pas encore de réponse… le paradoxe à résoudre, cette information dont le
monde a besoin ? Quelles empreintes avez-vous envie de laisser dans le
monde ?
C’est à partir de ces réflexions qu’émergera le pourquoi de votre mission et
que votre légende personnelle commencera à se dessiner. Nous méritons
tous de trouver notre pourquoi, de travailler à quelque chose de plus grand
que nous, d’être alignés sur notre vision du monde, ce qui nous inspire et
nous permet de nous réaliser.
Découvrez qui vous êtes et vous saurez ce que vous avez envie de faire et
pourquoi.
Mais attention ! Cette émergence du pourquoi, de notre mission ce n’est pas
une finalité, un but à atteindre, mais un processus, un voyage. Ce n’est
surtout pas, comme le veut l’adage, « être sur son X », car être sur son X, ça
implique de demeurer où nous sommes, d’être statiques. Et une mission de
vie, ce n’est surtout pas statique. C’est une voie, un chemin que nous
empruntons et sur lequel nous nous égarons parfois. Car en voyage les plus
belles découvertes se font quand nous nous perdons.
Si vous saviez combien de fois je me suis égarée (j’ai lancé des entreprises
qui n’ont pas fonctionné, j’ai mis sur le marché des offres qui n’ont pas
intéressé mes clients, etc.) ! Mais chaque fois, j’ai reçu des leçons de vie
extraordinaires et j’ai fait des apprentissages sur moi-même.
Articuler sa mission est loin d’être facile, alors, remplaçons cette
expression : être sur son X. Explorons, plutôt !
Je porte cette conviction que nous méritons tous de nous accomplir avec un
sentiment de contribuer à quelque chose qui a du sens pour nous. Mais peu
importe le travail que nous faisons, la mission à laquelle nous contribuons,
le plus important est de le faire avec sens, authenticité, intégrité, à partir de
ce que nous sommes vraiment, en cohérence et dans l’amour pour nous-
mêmes et pour ceux que nous servons.
Le plus important n’est pas ce que vous faites. C’est POURQUOI vous le
faites et QUI VOUS ÊTES pendant que vous le faites.

S’ancrer pour faciliter la conscience de ce


qui est
Vous avez probablement remarqué qu’au cœur de la boussole, on retrouve :
l’ancrage. Dans notre réalité qui est de plus en plus complexe et encore plus
lorsque nous sommes en situation de turbulence en tant que leader, il y a un
évident paradoxe : oui nous faisons partie du même enjeu que les autres,
nous sommes pris dans la même tempête. Mais en même temps, il est
important de nous mettre au-dessus de la mêlée, de prendre du recul afin de
faire les bonnes lectures et de demeurer conscients de ce qui se passe
autour.
Imaginez que votre navire tangue, car il y a de la turbulence. Vous n’y
voyez plus clair, autour de vous il n’y a que des vagues et des remous. D’où
l’importance de s’ancrer afin de créer du calme autour… et en soi ! Quand
on jette l’ancre d’un bateau, il ne s’arrête pas complètement de bouger, mais
ça lui évite de partir à la dérive et ça crée de la stabilité. De cette stabilité et
de ce calme naissent la clarté et la capacité à prendre du recul.
S’ancrer permet d’être totalement présent à
ce qui est
La conscience requiert de la présence. Il est difficile d’être complètement
présent dans la turbulence et de ne pas partir à la dérive…
L’arbre est, lui aussi, un excellent exemple d’ancrage. Il est ancré dans le
sol à partir des racines et ses branches sont libres au vent. Notre ancrage à
nous, c’est la même chose, ça part de nos racines, de nos pieds. Et si vous
remarquez bien le corps, ce qui est le plus loin de notre tête, ce sont nos
pieds. Le but est donc de sortir de notre tête pour être capables de nous
libérer de toutes les pensées qui nous envahissent sur notre passé (ce que
nous n’avons pas fait) et sur ce qui s’en vient (ce que nous devons faire).
L’ancrage nous permet donc de sortir de notre tête et de revenir à nous, dans
notre corps, ici et maintenant.

S’ancrer, c’est s’enraciner pour mieux


s’élever
Il y a plusieurs techniques d’ancrage qui permettent de revenir dans le
moment présent et d’habiter votre corps lorsque l’esprit s’emballe, que la
pression est forte et que le temps est à la turbulence : respiration, activités
sportives, méditation, marches en conscience, activités artistiques et
corporelles (musique, dessin, peinture, danse, yoga, Taï chi, Qi Gong),
activités en nature, soin du corps, jardinage, cuisine. Bref, toute activité qui
vous sort de votre tête pour vous ramener dans votre corps. Expérimentez-
en plusieurs et trouvez ce qui fonctionne pour vous.

INSPIRATIONS POUR S’ALIGNER SUR SA


BOUSSOLE INTÉRIEURE
La cohérence

« Socrate nous a montré que penser la vérité ne suffit


pas.
La vérité exige d’être vécue. »
Americ Azavedo

Une des qualités qui m’attire le plus chez l’humain, c’est la cohérence.
J’admire ceux qui portent leurs convictions au-delà des mots. Qui vivent
leur vérité. Ceux dont les bottines suivent les babines, comme on dit en bon
québécois.
Un leader ne peut pas offrir à son équipe ce qu’il n’a pas. Il ne peut pas lui
demander d’être ce que lui-même ne se permet pas d’être. Il ne peut pas
demander à ses collègues de prendre soin d’eux si lui se néglige. Il ne peut
pas leur demander d’être à l’écoute, bienveillants, vulnérables et
empathiques si lui ne l’est pas. Il ne peut pas demander aux membres de son
équipe d’admettre leurs erreurs et d’être vrais si lui-même ne se donne pas
la permission de le faire. Un leader qui veut mener son équipe sur le chemin
de la conscience et de l’authenticité doit être conscient et authentique. Car
le leader est celui qui ouvre la voie et inspire par l’exemple et la cohérence.

« Le leader est celui qui connaît la voie, prend cette


voie et montre la voie. »
John C. Maxwell

Soyons des leaders cohérents. Car nos actions parlent plus fort que nos
paroles.

« Tes actes parlent si fort que je n’entends pas ce que


tu dis. »
Ralph Waldo Emerson

Re-choisir pour arrêter de faire les choses


par obligation
À un moment dans ma vie, je me suis dit que j’en avais assez de faire les
choses par obligation. Être « obligé », ça goûte rarement bon. L’ennui, la
colère d’être tenus pour acquis, ou encore le découragement d’en avoir trop
sur les épaules nous épuisent émotivement. Et par la suite, c’est le corps qui
parle. La fatigue, l’épuisement, le manque de vitalité…
Mais le mental, lui… nous pousse à vouloir faire et accomplir, car il y a une
histoire dans notre tête qui se construit : « Si je ne le fais pas, il arrivera ceci
ou cela, telle personne sera déçue », « C’est mon job, c’est ma
responsabilité, je serai mal perçu »…
Alors, même si on n’en a pas envie ou que ça n’entre pas à l’agenda, on se
dit qu’on n’a pas le choix, qu’on est obligés. On a peur de ne plus être
appréciés, d’être perçus comme incompétents, paresseux, de créer des
déceptions, de faire souffrir les autres, alors notre sentiment de sécurité
brouille la réalité. On a été éduqués à se soumettre à l’autorité. On nous
apprend qu’il y a des ordres, et qu’ils doivent être suivis.
Je me souviens, toute petite, à quel point j’étais impressionnée par
l’uniforme noir des religieuses et de leur air sévère ! Jamais je n’aurais osé
leur désobéir !
Devant l’autorité, certains vont se rebeller, mais d’autres vont apprendre à
se conformer. Et c’est ce qui fait qu’on va développer l’une ou l’autre de
ces croyances :
on a toujours le choix ! ou
on ne peut pas toujours faire ce qu’on veut !

Alors, on fait quoi pour cesser de faire les choses par obligation ?
1. Réfléchissez et demandez-vous quelle est votre tension intérieure.
Ensuite, imaginez une ligne. D’un côté il y a la responsabilité ou la
sécurité et de l’autre, la liberté. Qu’est-ce que ces deux sphères
signifient pour vous ?
Vous vous retrouvez donc face à un choix : sécurité/responsabilité ou
liberté. Or, tout choix comporte des renoncements. Si vous choisissez
la liberté, il y aura certainement une conséquence : peut-être que
quelqu’un sera déçu, aura l’impression que vous l’avez laissé tomber
ou que vous manquez d’audace. L’important est de savoir si vous êtes
prêt à assumer ce risque.
C’est la même chose si vous préférez la sécurité ou la responsabilité.
Inévitablement, il y aura une conséquence. Êtes-vous prêt à
l’accepter ?
2. Rechoisissez avec conscience et intention.
Au début de l’année 2020, avant le confinement, j’étais complètement
ensevelie sous le travail. Je m’étais donc donné comme intention pour
l’année : simplicité. C’est donc à partir de cette intention que je
rechoisis, encore aujourd’hui.
Rechoisir… pour se choisir !

Chaque fois que vous faites quelque chose car « il faut que » ou « je dois » ou « je
suis obligé de », que vous dites « oui » sans vraiment avoir envie de dire oui, cela
mène au ressentiment.
Plus cette « obligation » et le ressentiment (qui peut être subtil au début) grandiront,
plus votre sentiment d’être libres de vos choix diminuera. Cela provoquera un
discours mental qui nourrira ce ressentiment : J’ai fait tout ça pour toi et tu ne me
rends pas la pareille. C’est toujours moi qui suis responsable de tout. Il ou elle me
doit bien cela !
Personnellement, comme j’ai le « oui » facile et que cela m’a souvent mise dans
l’embarras, j’ai appris à ne pas répondre sur-le-champ à toutes les demandes qu’on
me fait.
Brisez le cycle de l’obligation en disant « non », autrement :

Laisse-moi regarder mon calendrier et je te reviens.


Je vais dormir là-dessus et te revenir demain.
Laisse-moi un moment pour prendre du recul et te revenir.
Laisse-moi regarder si je peux dire oui à ta demande sans qu’il y ait de
risque pour le reste des choses que j’ai planifiées.
Je dois te répondre « non » pour l’instant, mais je te reviens si je change
d’idée.
J’ai un autre plan pour l’instant qui m’empêche de dire oui.
Cela semble être une belle opportunité, mais je vais prioriser ce que j’ai
déjà dans mon assiette.

Ma vie, c’est mon message

« Donner l’exemple
n’est pas le principal moyen d’influencer l’autre,
c’est le seul moyen. »
Albert Einstein

Cette histoire au sujet de Mahatma Gandhi m’a marquée :

Un jour, dans une gare de train, il fut poursuivi par un journaliste, qui
tenait absolument à obtenir une entrevue avec le célèbre homme pour
son journal. Malgré la persistance du journaliste, Gandhi a poliment
décliné ses questions. Alors que le train se retirait de la station, le
journaliste, dans un dernier élan, interpella Gandhi : « Monsieur !
Monsieur ! S’il vous plaît, donnez-moi votre message pour le peuple ! »
Gandhi sourit et cria : « Ma vie, c’est mon message ! »

Voilà ! Nul besoin de publier des livres, de passer à la télé, à la radio ou


d’avoir une voix publique pour inspirer et élever les autres. Tout le monde
peut porter un message. Nous pouvons tous « vivre » notre message. Alors,
permettons à notre vie de parler pour nous plus que nos paroles.
Si votre vie était votre message, quel serait-il ?

« Mes » voix intérieures


Il y a plusieurs années, j’avais un choix professionnel à faire et je tournais
en rond. Je travaillais à mon compte depuis longtemps et on venait de
m’offrir un poste de dirigeante. On a su me flatter dans le sens du poil afin
que je l’accepte, malgré mes réticences : « S’il y a quelqu’un qui peut
sauver cette boîte, Pascale, c’est bien toi. »
J’ai parlé à un bon ami de cette décision que je devais prendre et lui ai
affirmé que ma « voix intérieure » me disait d’accepter cette proposition.
En bon sage qu’il était, il m’a répondu : « Je crois plutôt que nous n’avons
pas une mais plusieurs voix intérieures. »
Cette phrase m’avait intriguée. Mais ce n’est que plusieurs années plus tard
qu’elle a pris tout son sens pour moi. Je crois, en effet, qu’une de nos voix
intérieures est notre intuition ou, si vous préférez, la voix de notre cœur ou
de notre âme qui murmure. Mais je crois aussi qu’il y a en nous d’autres
voix, comme celle de notre ego sain, qui essaie de nous protéger et nous
demande d’être vigilants. Celle que j’avais entendue à l’époque était plutôt
celle de mon ego malsain, qui prenait origine dans mes peurs, comme celle
de décevoir, et qui réagissait à la flatterie.
Ce n’est que bien longtemps après avoir quitté ce poste que j’ai réalisé
l’avoir accepté par ego. Pour démontrer que, oui, j’en étais bien capable et
que, oui, j’allais sauver la situation. Mais cet ego malsain m’avait détournée
de moi-même, de mes besoins, de mon essence.
Je demeure dorénavant toujours vigilante en ce qui concerne mes voix
intérieures. À tout coup, je prends le temps de me poser cette question :
« Laquelle de ces voix est mon ego qui essaie de faire diversion ? »
L’intelligence intuitive

« L’esprit intuitif est un don sacré et l’esprit rationnel


est un serviteur fidèle.
Nous avons créé une société qui honore le serviteur et
a oublié le don. »
A. Einstein

Nous avons tous cette voix qui provient de l’intérieur et qui nous dit
parfois : « J’aurais dû m’écouter. Je ne sais pas pourquoi, mais je sentais
que ça ne fonctionnerait pas. J’aurais dû suivre ma première impression. Je
le savais, je le sentais. »
Nous possédons tous cette intelligence intuitive, cette capacité de ressentir.
Mais nous vivons dans une société et des organisations qui lui ont enlevé sa
place. Nous avons fait de notre esprit logique ce qui est le plus reconnu et
avons ainsi réprimé nos ressentis. Pourtant, c’est probablement notre plus
haute forme d’intelligence. Elle est la clé de la créativité, des découvertes,
d’un leadership et d’une vie authentique. Comme le disait Einstein :
« L’intuition nous fournit la réponse. La logique vient prouver et appuyer la
solution. »
Que vous l’appeliez votre intuition, votre âme, votre cœur, votre
conscience, votre instinct, votre divin, demeurez à l’écoute de ce qui parle
et de ce qui est vivant en vous. Le grand leader articule, transpose en
actions et incarne une vision qui vient du cœur. Il crée l’espace nécessaire
afin d’avoir accès à cette vision authentique qui provient de l’intérieur de
lui.
Comment faire alors pour laisser plus de place à nos intuitions ?
En créant de l’espace en nous au quotidien.
En nous déconnectant du mental par des activités qui allègent notre
esprit.
En cultivant notre présence à soi.
En nous faisant confiance et en étant complices avec nous-mêmes.

Soyons à l’écoute de notre savoir intérieur, car un bon leader écoute son
intuition.
Vous êtes beaucoup plus savant que vous ne le croyez et votre sagesse
intérieure peut vous apporter les réponses que vous cherchez. En cas de
doute, faites-vous confiance, car faire taire vos intuitions, c’est taire une
partie de vous.

Prendre sa juste place


La toute première chose que j’ai captée de mon environnement, ma
première empreinte, probablement aussi loin que dans le ventre de ma mère
biologique qui jonglait avec cette éventualité de me garder ou pas, c’est :
« Plus tu te fais petite, moins tu crées de remous, mieux les choses vont. Ne
pas prendre trop de place. »
Alors je me suis faite petite. Quand j’ai eu 4 ans, mon frère est né, le fils
biologique de mes parents adoptifs. Cela a été pour moi un second abandon.
J’étais en compétition pour l’amour. Alors la deuxième chose que j’ai
captée de mon environnement, c’est qu’en relation, « l’amour, ça se
mérite ». Et si je veux une place, il vaut mieux que je sois parfaite ! Que je
sois la meilleure personne pour la prendre (ce dont je doute trop souvent).
Je me suis donc faite obéissante face à l’autorité (c’était payant dans ma
famille) et je me suis faite parfaite. J’ai tout tenté pour obtenir cet amour.
Car si ma mère biologique ne m’a pas aimée assez pour me garder et que
ma mère adoptive a préféré mon frère, qui m’aimera ?
Pourtant, nous méritons tous notre « juste place ». Mais c’est quoi au juste
prendre sa juste place ?
C’est accroître sa solidité intérieure, ne pas accepter de se faire petit au
risque de trop briller et de faire ombrage à l’autre, ne pas être ce qu’on
attend de nous pour être aimé et apprécié, ne pas jouer le jeu de la « bonne
fille » ou du « bon garçon » pour être reconnu, c’est ÊTRE au cœur de soi :
tête, corps, cœur. C’est exister pleinement.

« Chaque être humain est unique : il laisse en ce


monde,
par sa vie, une trace que lui seul peut laisser.
L’homme mûr est celui qui laisse cette trace
personnelle
au lieu d’inscrire ses pas dans la trace des autres. »
Anselm Grün

Accueillir le doute

« Plus le doute est grand, plus l’éveil est grand ; plus


le doute est petit, plus l’éveil est petit. Pas de doute,
pas de réveil. »
C.-C. Chang, Pratique du Zen

J’ai longtemps eu le doute facile. Ma grande exigence envers moi-même me


faisait douter de ce que j’avais offert, fait ou réalisé. Était-ce correct ? Était-
ce assez ? Avaient-ils apprécié ? Avaient-ils trouvé ça bien ? Avais-je
répondu à leurs attentes ?
Les réponses à ces questions nourrissent une certaine sécurité et
reconnaissance, mais le piège est que les indicateurs sont à l’extérieur de
nous. Nous devenons ainsi dépendants des autres pour nourrir notre
sentiment de reconnaissance et de sécurité.
Voici les questions qui m’aident à me « guérir » et à nourrir ma sécurité…
intérieure. Elles reposent sur l’ÊTRE et non sur le « faire ».
Ai-je offert tout ce que je suis ?
Ai-je été en pleine présence et écoute attentive ?
Ai-je été pleinement au service de… ?
Ai-je mis, à ce moment-là, tout ce que je suis, avec sens et passion,
au service de cette mission ou de cette réalisation ?

Les réponses et indicateurs se trouvent à l’intérieur de nous. C’est pourquoi


notre boussole intérieure devient notre pouvoir personnel !
CHAPITRE 5
ADOPTER LA MENTALITÉ
PARADOXALE : L’ÉTAT D’ESPRIT
DES « ET »

MONDE COMPLEXE ET POLARITÉS24

« Le test d’une intelligence de premier ordre est la


capacité
de garder à l’esprit deux idées opposées en même
temps
tout en conservant la capacité de fonctionner. On
devrait,
par exemple, être capable de voir que les choses sont
sans espoir,
mais être déterminé à les faire autrement. »
F. Scott Fitzgerald

À la suite de mon expérience malienne, j’avais finalement découvert


l’existence des paradoxes. Je venais d’être plongée dans deux mondes
complètement différents : un qui valorisait la performance et l’autre,
l’humain. Je me doutais bien que la réponse à mes questions résidait
quelque part entre les deux ou plutôt dans la réconciliation de ces dualités.
Ce voyage d’évolution en conscience me demanderait d’examiner mon lien
avec la performance et ce qui se jouait à l’intérieur de moi lorsque moi-
même j’étais prise dans cette tension intérieure.
Plus de 20 ans plus tard, en octobre 2021, je refoule les terres africaines et
suis de nouveau plongée dans l’univers des paradoxes, mais cette fois-ci
avec un plus grand bagage professionnel. Dans le cadre d’un projet de
développement du leadership pour un de nos clients, je suis allée travailler
pendant deux mois au Madagascar, la grande Île. Après une semaine
intensive de facilitation en pleine brousse, dans une réserve naturelle, où les
lémuriens entraient et sortaient de notre salle à leur guise, je profitais d’un
dimanche pour écrire, mora-mora comme le disent nos amis malgaches…
doucement doucement… lentement lentement…
Devant moi se déployait un paysage digne d’une carte postale : l’océan
Indien, des plages désertes, la végétation luxuriante. C’était un grand
contraste avec le décor dont j’avais été témoin la veille alors que je me
baladais dans la petite ville de Fort Dauphin, là où la misère est au rendez-
vous. D’un côté, Madagascar est le pays aux 1001 pierres précieuses, un
paradis naturel riche en ressources naturelles : sa faune et sa flore. Et de
l’autre, il y a l’extrême pauvreté. Malgré le fait que Mada (pour les intimes)
n’ait jamais été touchée par la guerre et malgré sa richesse naturelle, les
Malgaches sont pauvres.
Selon la Banque mondiale, 75 % d’entre eux vivent sous le seuil de la
pauvreté, avec moins de 2 $… par jour.
Comme quoi, la vie est faite de polarités. Tout cohabite. D’ailleurs, pour
moi, Madagascar est un pays qui en est le symbole.
La culture organisationnelle de mon client, une firme qui œuvre à
l’internationale, est typique de ce que nous retrouvons ici en Amérique du
Nord : haut niveau de performance, pression forte à rencontrer les
indicateurs de gestion et un type de leadership plutôt transactionnel. Il
existe donc deux sous-cultures, une vécue par les expatriés et l’autre
incarnée par les gestionnaires malgaches qui, eux, ont un style de leadership
surtout relationnel et complaisant. Un réel paradoxe interne.
Cette compagnie, voulant passer d’un style de leadership transactionnel à
bienveillant ne voulait évidemment pas créer une culture de Calinours et
mettre de côté leur capacité à performer. Il était donc clair pour moi que le
succès de la démarche que j’allais faire avec ces leaders en était une de
réconciliation des deux pôles : la performance et l’humanité. Je devais créer
avec eux une culture d’apprenants qui sauraient éventuellement tirer parti
de leurs diversités au lieu de tenter de se changer mutuellement.
J’accompagne depuis nombre d’années les leaders dans des parcours de
développement en profondeur où nous leur faisons découvrir et
expérimenter leurs polarités. J’aborde aussi ce même thème dans mon livre
Oser être vrai dans un monde « faux », dont le titre révèle en lui-même un
paradoxe bien humain. Mais le fait d’être plongée dans une réalité
paradoxale à grande échelle, soit au niveau organisationnel et même social,
fut un déclencheur pour moi. C’était clair que le succès de nos organisations
nécessitait cette élévation en conscience afin de pouvoir réconcilier les
paradoxes… maintenant. Car notre monde et nos organisations manquent de
nuances.
À cet effet, Stéphane Laporte a publié un texte dans la Presse (2015)
intitulé : L’éloge de la nuance.

« Nous vivons dans un monde qui manque cruellement de nuances. Tout


est noir ou tout est blanc. C’est comme ça qu’on aime ça. Peu importe
le sujet, il faut être pour ou contre. Et de façon tranchée. On méprise
les discours nuancés. On les trouve mous. Faut surtout pas douter. Faut
être convaincu d’avoir raison. Si l’on est contre les radicaux, il faut
l’être de façon radicale.
Si l’on est contre les extrémistes, il faut l’être de façon extrême. »

Soyons honnêtes, c’est la décapante vérité. Nous vivons dans un monde de


polarités : « soit/ou ».
Carl Jung affirmait que la vie est faite de polarités. C’est vrai. Nous
retrouvons, entre autres, ces polarités dans la nature : le jour et la nuit, le
froid et le chaud, le sec et l’humide. Nous les observons aussi chez l’être
humain : le bien et le mal, le bonheur et le malheur, le féminin et le
masculin, l’ombre et la lumière. Or, toujours selon Jung, notre évolution en
conscience passe par l’union des contraires, c’est-à-dire que nous devons
dépasser les dualités pour grandir en conscience.
Tout n’est pas obligé d’être noir ou blanc. Tu as raison ou j’ai raison. Tu as
gagné ou tu as perdu. Entre les deux existent toutes sortes de possibles !
Même dans nos vies, nous avons tendance à nous imposer des dualités
« soit/ou » :
Je me consacre à ma carrière OU je suis un parent dévoué qui passe
du temps avec ma famille.
Je suis en santé OU je bois de l’alcool et mange du fast-food.
Je suis spirituel, dépouillé de biens matériels OU je gagne de
l’argent, mais je perds ma connexion avec le sacré.
Je suis au service d’une mission plus grande que moi OU je gagne
bien ma vie.

Ces affirmations sont basées sur des croyances que nous avons construites
et choisies consciemment ou inconsciemment. Et soyons honnêtes, oui il
faut vivre « ici et maintenant », enracinés dans le présent, mais sans
objectifs et projets, à quoi cela sert-il de marcher puisque je ne dois aller
nulle part ? Nos objectifs et projets ne nous aident-ils pas à apprécier le
présent ?
Le « lâcher-prise » est un mot à la mode, mais ne sommes-nous pas parfois
un peu trop vite sur la gâchette à renoncer à ce qui demande de
l’engagement, une saine discipline ou trop d’efforts ?
Dans le monde des « ou », il y a forcément des tensions.
PASSER DU « OU » AU « ET »
La tension entre la pensée du « ou » et du « et » est en soi un paradoxe…
Dans le monde des « OU », nous avons tendance à nous catégoriser : je suis
émotif ou je me coupe de mes émotions, je suis d’action ou réfléchi, je suis
de tête ou de cœur, je donne ou je reçois. Or, nous voir de cette façon amène
des tiraillements intérieurs importants.
Une de mes grandes leçons de vie, c’est qu’il faut explorer les paradoxes,
jongler avec les dualités… une chose et son contraire… Car tout cohabite :
la joie et la tristesse, l’affirmation et la douceur, la fermeté et la
bienveillance, la peur et le désir, la force et la sagesse.
Après tout, si le laid n’existait pas, nous n’aurions pas conscience du beau.
Si le malheur n’existait pas, nous ne pourrions pas faire l’expérience du
bonheur. Ne traitons donc pas les dualités comme des adversaires mais
plutôt comme des partenaires. Cherchons à les intégrer pour évoluer en
conscience. Car dans toutes dualités, il y a un enseignement.
Pour y arriver, remplaçons le « OU » par un « ET ». Acceptons que toutes
les forces opposées cohabitent en nous au même moment. Nous sommes à
la fois l’ombre et la lumière, le mal et le bien, la force et la sensibilité, la
puissance et la vulnérabilité. Et posons-nous de meilleures questions :
Comment puis-je me consacrer à ma carrière ET être un parent
dévoué qui passe du temps avec ma famille ?
Comment puis-je manger la nourriture qui me fait plaisir, boire de
l’alcool ET être en santé ?
Comment puis-je être spirituel, gagner de l’argent ET conserver ma
connexion avec le sacré ?
Comment puis-je être au service d’une mission plus grande que moi
ET honorer ma valeur en gagnant bien ma vie ?
Comment puis-je être ancré dans le présent TOUT EN portant des
rêves, des objectifs et des projets qui me motivent ?
Comment puis-je me sentir libre intérieurement TOUT EN
développant des relations riches et authentiques ?
Comment puis-je persévérer ET honorer mes limites et mes
besoins ?

De la même manière, si vous affirmez : Je veux changer d’emploi mais j’ai


peur, demandez-vous ce que votre peur vous indique. Un besoin de sécurité
financière ? Reformulez alors votre affirmation : Je veux changer d’emploi
ET en même temps j’ai peur. La question à vous poser devient donc :
Comment puis-je amorcer un changement professionnel tout en conservant
mon sentiment de sécurité financière ?
Au lieu de vous limiter, cela ouvre des possibles, non ? En nous posant de
meilleures questions, en passant du OU au ET, nous créons une vie
meilleure.

Les paradoxes du leadership


Le président Barack Obama, dans une entrevue avec la célèbre chercheuse
Brene Brown, parle de la façon dont l’état d’esprit des « ET » a influencé
son leadership et sa vie. C’est ainsi que Brene Brown lui a répondu :

« Les personnes qui peuvent supporter l’inconfort du paradoxe sont


vraiment les leaders les plus transformateurs d’entre nous… c’est un
ensemble de compétences très rare, car il nécessite un niveau de
confort avec l’ambiguïté. J’ai l’impression que votre vie est définie par
cet ensemble de compétences pour maintenir la tension de la dualité. »

En réfléchissant à la façon dont vous, en tant que leader, êtes capable de


maintenir la tension autour des contraires, vous pourriez analyser la façon
dont vous abordez les conversations difficiles.
Pensez à des leaders que vous connaissez. Il vous est sûrement arrivé de
vous dire : Ce leader devrait être plus transparent. Ou au contraire : Il me
semble qu’il en dit trop, c’est déstabilisant. Eh bien voilà ! C’est la preuve
que nous avons besoin à la fois de transparence ET de sécurité, que nous
souhaitons suivre un leader qui est à la fois humble ET sûr de lui.
Comme le dit Fitzgerald, les leaders d’exception ont « la capacité de garder
à l’esprit deux idées opposées en même temps tout en conservant la
capacité de fonctionner ». Et je dirais même plus, que cette capacité à
jongler avec les dualités permet au leader d’accéder à un niveau de
conscience supérieur et de livrer des résultats exceptionnels, à travers la
volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté (VICA).
Les leaders d’exception que j’ai observés et accompagnés portent des traits
de caractère, à première vue, paradoxaux.
Ils doivent :
être transparents ET créer de la sécurité psychologique ;
être transparents Et authentiques ;
gérer l’urgence ET voir plus loin ;
prendre soin d’eux ET des autres ;
être intègres ET naviguer dans la politique ;
avoir confiance d’agir ET l’humilité de reconnaître leurs torts ;
devenir experts en technologie ET se rappeler que les organisations
sont dirigées par des personnes, pour des personnes ;
être des innovateurs traditionnels ;
utiliser le passé pour orienter le futur ;
être forts ET vulnérables ;
être fermes ET bienveillants ;
se faire confiance ET se pardonner de ne pas être parfaits ;
mobiliser les gens, développer le potentiel des membres de leurs
équipes ET évaluer/recadrer leur performance ;
livrer la marchandise ET innover.

Puis, le dernier trait et non le moindre, puisque c’est celui dont il est
question dans cette collection :
conjuguer résultats ET humanité c’est-à-dire créer de la
performance, mais pas au détriment des gens.

L’efficacité du leader repose donc sur sa capacité à résoudre ces paradoxes


mais à partir de sa propre dynamique. S’il n’y arrive pas et oppose la
performance à l’humanité, que se passe-t-il ? L’attention à l’humain devient
un ennemi de la performance. Et la performance à tout prix, qui vient la
plupart du temps avec un excès de contrôle, de compétition et d’exigence
devient l’ennemi de l’humain, car elle le vide de son énergie vitale.
Être sensible aux personnes devient donc une obligation pour les
organisations. La performance doit être au rendez-vous, mais elle doit être
le résultat d’activités qui ont du sens pour les personnes et être durable, afin
d’agir comme carburant et non comme cause d’épuisement.
Une approche « ET » est nécessaire dans ces situations, car les deux pôles
ne sont pas opposés, bien que certaines personnes les voient ainsi. Les deux
pôles sont, en fait, interdépendants – ils ont besoin l’un de l’autre et des
avantages de chacun, dans le temps. Comme l’inspiration et l’expiration,
chaque « pôle » ne peut exister sans l’autre.

Un paradoxe n’est pas un problème

EXEMPLES DE POLARITÉS QU’ON RETROUVE DANS NOS


PROCESSUS ORGANISATIONNELS
Nous pensons généralement aux polarités en termes contradictoires, tels que :
coûts et qualité
planification et action
stabilité et changement
centralisé et décentralisé
local et global
personnalisé et standard
liberté et responsabilité
court terme et long terme
flexibilité et structure
personnel et professionnel
contrôle et participation
individuel et collectif
activité et repos
mission et profits
innovation et opérations
croissance et efficacité
rationnel et intuitif
besoins des employés et besoins de l’organisation

Et il y a des polarités, pas seulement dans nos processus organisationnels, mais


aussi dans notre leadership :
idéaliste et pragmatique
introversion et extraversion
sens et sécurité
ambition et empathie
individu et équipe
responsabilité et contrôle
tâches et relations

Et s’il est facile de voir ces choix comme directement opposés et


conflictuels, en vérité, les polarités, comme je l’ai mentionné
précédemment, sont complémentaires et interdépendantes.
Si on vous posait la question : « Comme leader, devez-vous vous concentrer
sur les besoins des employés ou sur ceux de l’organisation ? L’efficacité ou
la croissance ? L’innovation ou les opérations ? » Il y a bien des chances
que vous répondiez : « Les deux ! » n’est-ce pas ?
Nous voyons souvent ces polarités comme des problèmes à résoudre. Or,
les polarités ne sont pas des problèmes. Qu’est-ce qui les distingue alors ?
Un problème peut avoir une bonne – ou la meilleure – réponse. Une
solution existe.
Une polarité – également décrite comme un paradoxe ou une
contradiction – est un dilemme permanent, insoluble et contenant
des idées apparemment opposées.

Embrasser ces tensions génère une résolution créatrice aux dilemmes qui
nous sont présentés dans notre leadership. Cela nous offre de toutes
nouvelles façons d’aborder ce que nous voyons comme des problèmes. Et
plutôt que de voir les conflits potentiels comme quelque chose à éviter, nous
pouvons commencer à considérer les demandes concurrentes comme une
opportunité de croissance et une source de motivation. Voilà l’état d’esprit
du leader créateur !

LA MENTALITÉ PARADOXALE : UN NOUVEL


ÉTAT D’ESPRIT POUR LES LEADERS
Accepter la tension entre les contraires est une caractéristique intégrale de
l’état d’esprit paradoxal. Concrètement, cela se traduit par une flexibilité
lorsque les leaders sont sous pression et plus de créativité face à des
problèmes en apparence insolubles. Le défi de la théorie des paradoxes est
d’être passionnés par ses idées, mais ouverts également à critiquer ses
propres solutions. Les leaders avec un état d’esprit paradoxal sont donc
capables de juxtaposer des stratégies différentes, en apparence opposées.
Passer du « OU » au « ET » est un véritable changement de mentalité pour
les leaders, mais c’est aussi une prise de conscience fondamentale et
essentielle. Elle permet de penser, leader, communiquer, faire des lectures
de systèmes et résoudre des problèmes complexes différemment. Elle
favorise l’inclusion, la collaboration et le partenariat. C’est la seule manière
pour les leaders de passer du leadership réactif au leadership créateur.
Le leadership réactif se nourrit de l’univers du « OU ». Il y a des gagnants
et des perdants, de la compétition, des luttes à gagner, des adversaires à
détruire, des oppositions et des séparations.
Le leadership créateur embrasse l’univers du « ET ». Il voit le monde de
façon systémique où tout est interconnecté, où chacun a sa place et peut
apporter sa contribution. Il peut ainsi créer des systèmes où on passe du
« je » au « nous », où tout le monde est gagnant, où le bien commun existe
et où le collectif prime sur les bénéfices individuels.
L’adoption d’une mentalité paradoxale déplace l’attention de la pensée
compétitive vers la pensée complémentaire, permettant ainsi aux gens
d’affronter les tensions, d’examiner les contradictions et de trouver des
moyens créatifs de répondre aux demandes concurrentes.
Un état d’esprit paradoxal ne consiste toutefois pas à harmoniser les conflits
ou à trouver un terrain d’entente. Il ne s’agit pas non plus d’en faire plus,
car cela peut conduire à l’épuisement professionnel. Il s’agit d’être plus
conscients de la façon dont nous discernons nos décisions.
En juxtaposant des options opposées et en apprenant à habiter l’inconfort
qui découle souvent des tensions, les leaders avec un tel état d’esprit
favorisent l’optimisme et la résilience. Ils nous permettent de rêver (et de
réaliser) grand tout en poursuivant le travail ordinaire quotidien. Ils créent
des possibles !
Heureusement, un état d’esprit paradoxal peut être cultivé. Bien que les
tensions liées au paradoxe puissent donner l’impression que « quelque
chose ne va pas » et que vous puissiez, comme leaders, être tentés de vous
débarrasser de l’inconfort, essayez de supposer que c’est le signal qu’une
opportunité est à portée de main.
Lorsque vous faites face à une tension, au lieu d’essayer d’établir des
priorités en pensant « soit/ou », jouez avec vos hypothèses. Ne vous
demandez pas : Dois-je garder le contrôle OU abandonner le contrôle ?
Demandez-vous plutôt : Comment pourrais-je faire les deux ? En abordant
les tensions avec cette perspective tout en honorant leurs aspects
contradictoires, vous deviendrez des leaders plus innovants et efficaces.
Vous proposerez des solutions plus intégratives et donc… créatrices.

Les leaders créent des possibles !


Lorsque deux impératifs apparaissent à première vue comme paradoxaux,
accueillez-les avec un esprit ouvert et curieux, et voyez ce qui se passe.
Comment pouvez-vous développer des moyens de réconcilier ces deux
idées pour répondre à des demandes concurrentes ? Ainsi, vous serez en
mesure de transcender votre niveau d’efficacité actuel et de créer de la
performance durable.
Cette prise de conscience est chaque fois un éveil transformateur chez les
leaders qui l’expérimentent, car ils entrent en contact avec leur pleine
puissance de leader. C’est ça, évoluer en conscience. C’est être à la fois
acteur et observateur de son processus de développement. C’est observer
son mode de pensée avec du recul, expérimenter, faire différemment,
observer à nouveau et améliorer.
Nous vivons dans un monde d’interprétations et de perceptions, et nous
n’en sommes pas conscients. Alors il nous arrive de prendre nos
interprétations et nos perceptions pour des faits… Et c’est là que la
conscience de soi entre en ligne de compte, car nous ne pouvons changer ce
que nous ne voyons pas.
Nous engager dans une démarche de développement du leadership
authentique nécessite une grande curiosité, un désir d’être un éternel
apprenant et la capacité d’en faire une pratique quotidienne.
Je sais, car je suis moi-même une leader qui fait face à ces paradoxes au
quotidien. Être un leader est stressant, exigeant, toujours nouveau,
complexe et parfois ingrat, mais c’est un rôle si important. En tant que
leaders, nous prenons soin d’humains. Ce n’est pas rien !

Comment réconcilier les paradoxes ?


Il existe peu de méthodes connues pour réconcilier les paradoxes. Il y a
cependant des outils de cartographie, comme Polarity Mapping®, qui nous
permettent de réfléchir à la valeur que le fait de réconcilier deux polarités
apporte. C’est un concept qui a été développé par Barry Johnson, fondateur
de Polarity Partnerships et auteur de Polarity Management : Identifier et
gérer les problèmes insolubles25. Mais disons d’emblée que les étapes
essentielles de cette méthode sont :
1. Reconnaissez que vous êtes face à un paradoxe ! La prochaine fois
que vous serez aux prises avec un défi ou un conflit, demandez-vous :
Est-ce un problème à résoudre ou une polarité à gérer ?
2. Faites l’effort de voir les deux pôles (les deux perspectives)
clairement et en même temps. Au lieu de vous demander : Pouvons-
nous vraiment avoir les deux ?, demandez-vous : Comment pouvons-
nous avoir les deux ? Ainsi, de nouveaux possibles émergeront.

Faites la liste des polarités auxquelles vous êtes exposé en tant que leader et
demandez-vous : Comment pourrais-je faire un « ET » au lieu d’un « OU » ?
Comment pourrais-je avoir les deux ?
Je suis d’avis que, pour réconcilier les paradoxes organisationnels, il faut
d’abord se pencher sur les paradoxes qu’on porte en soi. D’ailleurs, ce
chapitre est dédié à ce sujet. Personnellement, la méthode que j’utilise est la
suivante :
1. Une fois les deux pôles identifiés, dresser l’inventaire des
caractéristiques de chaque pôle, un peu comme si on préparait une
recette de cuisine et qu’on faisait l’inventaire des ingrédients.
2. Ensuite, en conscience, faire une lecture la plus juste possible de la
situation et se demander : Quel dosage serait le bon dans ce contexte
et cette situation ?
3. Prendre le temps de réfléchir à son jeu intérieur pour découvrir quel
est son dosage naturel pour, finalement, trouver SA façon « d’épicer »
sa recette.

Prenons, par exemple, le paradoxe qui est au cœur de cet ouvrage :


Performance et Humanité. Chaque jeu intérieur de leader a un dosage
Performance – Humanité qui diffère.
Le leader pacificateur porte une grande attention à l’humain et aux
relations, au détriment des résultats.
Le leader performant, a le dosage inverse : grande attention aux
résultats et à la performance et moins aux humains.
Quant au jeu intérieur de l’Expert, la majorité de son attention va au
savoir ; donc, peu à la fois aux résultats, aux humains et aux
relations.

Les deux questions importantes à vous poser sont donc, comme je l’ai
mentionné précédemment : Qu’est-ce que la situation et le contexte
demandent comme dosage ? et Quels ingrédients devrais-je ajouter à ma
recette de base ?
Voyons maintenant concrètement comment cela se passe en prenant comme
point de départ ma propre dynamique.
Mon jeu intérieur de base est celui du performant. Je suis une fille
d’action ! Oui, bien sûr, j’ai ouvert mon monde émotionnel, développé mes
habiletés relationnelles, ma capacité à me montrer vulnérable et à prendre
soin des liens significatifs, mais mon jeu de base reste mon jeu de base. Ce
qui veut dire que, sous pression, mon attention à la performance devient
plus importante parce que j’ai peur de ne pas livrer les résultats attendus, de
ne pas atteindre les objectifs ou que les choses n’aillent pas assez vite… à
mon goût ! Inévitablement, dans ma recette, il manquera les ingrédients
nécessaires pour prendre soin de l’humain.
Alors quand je suis dans une situation tendue, où je me sens dans mon
leadership réactif, je me demande : Quels ingrédients devrais-je injecter
dans ma recette ? Quel ingrédient est manquant en ce moment ? Et la
réponse est, la plupart du temps, d’ajouter de la sensibilité dans mes
actions ! Voilà ce qui est, pour moi, une des clés pour réconcilier mon
propre paradoxe Performance – Humanité.
Nous voilà maintenant prêts à aborder l’étape suivante : la réconciliation.
Voyons comment vous pouvez, à votre tour, réconcilier en vous la polarité
Performance – Humanité.

LA LÉGENDE DES DEUX LOUPS


Vous avez peut-être déjà entendu cette légende amérindienne.

Un vieux Cherokee enseigne la vie à son petit-fils :


« Il y a un combat en moi. C’est un combat terrible entre deux loups. L’un est
« le mal » – il est la colère, l’envie, le chagrin, le regret, la cupidité, l’arrogance,
l’apitoiement, la culpabilité, le ressentiment, l’infériorité, le mensonge, la fausse
fierté, la supériorité et l’ego.
L’autre est « le bien » – il est la joie, la paix, l’amour, l’espoir, la sérénité,
l’humilité, la gentillesse, la bienveillance, l’empathie, la générosité, la vérité, la
compassion et la foi.
Le même combat se déroule à l’intérieur de toi et à l’intérieur de tout le monde. »
Le petit-fils réfléchit pendant une minute puis demande à son grand-père :
« Lequel des deux loups gagne ? »
Le grand-père répond : « Celui que tu nourris. »

Et c’est ainsi que se termine la première version : Choisir de nourrir ce qui est bon et
positif en nous. Mais il y a une suite à cette légende :

Le vieux Cherokee répond simplement : « Si tu les nourris correctement, ils


gagnent tous les deux.
Tu vois, si je choisis seulement de nourrir le loup blanc, le noir se cachera en
attendant que je devienne distrait ou faible et il sautera pour obtenir l’attention
qu’il recherche. Il sera toujours en colère et combattra toujours le loup blanc.
Mais si je le reconnais, il est heureux et le loup blanc est aussi heureux et nous
gagnons tous. Car le loup noir a beaucoup de qualités – la ténacité, le courage,
l’intrépidité, la volonté et une grande pensée stratégique – dont j’ai parfois
besoin et dont le loup blanc manque. Et le loup blanc a de la compassion, de
l’attention, de la force et la capacité de reconnaître ce qui est dans l’intérêt de
tous. Tu vois, le loup blanc a besoin du loup noir à ses côtés.
Nourris seulement l’un des deux et l’autre sera affamé et deviendra
incontrôlable. Si tu nourris et prends soin des deux, ils te serviront bien et ne
feront rien qui ne fasse partie de quelque chose de plus grand, de bon, de relié à
la Vie. Nourris les deux et il n’y aura plus de combat interne pour avoir ton
attention. Et quand il n’y a pas de combat à l’intérieur de toi, tu peux entendre la
voix de ton savoir intérieur qui te montre ce qui est juste en toutes
circonstances. »

C’est cette seconde fin qui me plaît, car elle est une invitation à nous accepter
entièrement pour tout ce que nous sommes, ombre et lumière, et à réconcilier ces
deux polarités. Que chacune de ces parties qui vivent en nous, malgré certaines
limitations, recèle des forces à exploiter. Et que tant que ces parts de nous ne sont
pas réconciliées, nous n’avons pas accès à notre plein potentiel.

« Acceptez tout ce que vous voyez.


Acceptez-vous entièrement tel que vous êtes.
C’est le début de la sagesse. »
Ruth Fishel
UN MOMENT DE RENCONTRE AVEC SOI-
MÊME

Bilan et mise en action de vos


apprentissages
1. En quoi ces apprentissages sur le jeu intérieur créateur vous ont-ils
éclairé sur votre dynamique ?
2. Comment ce que vous avez lu sur ce voyage de transformation vous
inspire-t-il ?
3. Invitation à une exploration pour découvrir vos valeurs personnelles.

À l’aide de la liste des valeurs de la page 125, ou avec un test en ligne, je


vous recommande le Diagnostic de valeurs personnelles du Barrett Values
Center26, choisissez cinq valeurs principales. Est-ce qu’elles sont :
des valeurs actuelles ?
des valeurs visées ? (Tentez d’être le plus objectif possible et
honnête avec vous-même : votre évaluation et ce que d’autres
diraient de vous.)
1. Choisissez une de vos valeurs visée ou actuelle.
2. Expérimentez autour de cette valeur dans les prochaines semaines.
Soyez acteur et observateur. Quel est l’impact émotionnel, mental,
physique, de vivre cette valeur ?
3. Recommencez avec une autre valeur.

Pratique quotidienne de transformation de


soi
La transformation nécessite une pratique disciplinée.
La véritable transformation ne peut être obtenue que par la seule conscience
de soi et les connaissances ; elle demande de l’action et de la pratique. Rien
ne changera à moins que vous choisissiez activement et consciemment de
faire demain quelque chose de différent de ce que vous avez fait
aujourd’hui. En expérimentant de nouvelles façons d’être et de vous
comporter, en adoptant la posture d’observateur et d’acteur, en allant
chercher de la rétroaction, vous créez des boucles d’apprentissages et, de
cette façon, de petits ajustements évolutifs peuvent se transformer en un
changement révolutionnaire.
Allez à votre propre rencontre en ayant des moments seul avec vous-même.
Carl Jung disait que, pour bien se connaître, se transformer et réconcilier
son ombre, le point de départ est « d’avoir le courage de regarder à
l’intérieur de soi sa propre obscurité ».

TOUT EST OCCASION D’APPRENTISSAGE


« La raison pour laquelle nous sommes si résolus à avoir raison à tout prix et à
prouver que nous avons raison, c’est que l’ego ne croit pas qu’il puisse survivre s’il
n’a pas raison. Avoir tort, c’est la mort de l’ego. Avoir raison, et surtout être perçu
comme ayant raison, devient donc notre objectif le plus élevé.
Ce que nous constatons, c’est que les leaders conscients s’intéressent davantage à
l’apprentissage qu’à la démonstration qu’ils ont raison. Plus les leaders sont en
sécurité, moins ils ont besoin de passer du temps à expliquer, à justifier, à défendre et
à prouver leurs points et plus ils consacrent de temps à apprendre par le biais d’une
écoute profonde, de la curiosité et de l’émerveillement. Au fur et à mesure que les
leaders apprennent à diriger davantage par curiosité et par émerveillement, ils
découvrent que des idées révolutionnaires leur parviennent régulièrement. En outre,
plus les dirigeants sont profondément intéressés par l’apprentissage plutôt que par le
fait d’avoir raison, plus leurs équipes et leurs organisations font de même. »
Extrait de The 15 Commitments of Conscious Leadership, Traduction libre.
En bref, c’est le fait de ne pas avoir essayé et de ne pas avoir fait de place à l’erreur
que nous regretterons. Alors, faisons de la place à l’audace.
Rappelez-vous que, dans ce chemin de transformation, vous devez :
choisir la curiosité et la bienveillance plutôt que le blâme et le
jugement ;
assumer la responsabilité de votre état de conscience ;
vous approprier votre capacité à créer : l’état d’esprit « par moi ».
Au lieu de : les choses arrivent à moi, dites-vous : Les choses se
passent à travers moi. Je suis l’acteur dans ma propre vie et de mon
leadership ;
vous laisser guider par votre boussole intérieure ;
être en paix avec le moment présent ;
avoir confiance dans le fait que la vie travaille toujours pour vous ;
pratiquer la gratitude.

Ayez aussi le courage d’embrasser l’inconfort. C’est la clé pour vous


transformer et vous sentir pleinement vivant ! Voici quelques questions pour
vous y aider :
1. Êtes-vous prêt à accueillir la douleur et l’inconfort qui pourraient
survenir maintenant ?
2. Êtes-vous prêt à voir votre inconfort comme un allié pour vous
soutenir dans votre évolution et votre croissance ?
3. Êtes-vous prêt à faire face à tout ce qui épuise votre énergie et vous
coupe de votre vitalité ?
Y a-t-il une relation qui veut changer de forme ?
Y a-t-il un travail qui ne vous éclaire plus ?
Y a-t-il quelque chose que vous faites par obligation ?
Quelles décisions importantes avez-vous reportées ?
Accueillez chaque expérience qui se présente à vous comme une
opportunité d’apprendre. Acceptez qu’il y ait des deuils et des
renoncements dans un processus de transformation. Sur quoi êtes-vous prêt
à lâcher prise ? À quoi êtes-vous prêt à renoncer ?
Traitez-vous avec bienveillance. Et dites-vous que :
les paradoxes ne seront jamais entièrement et réellement résolus ;
il n’y a pas de bonne ou de mauvaise décision. Toutefois, il y a des
décisions appropriées dans le contexte lorsqu’elles sont prises en
ayant toutes les informations en main ;
il vaut mieux parfois de décider et d’avancer avec les informations
qu’on a que de tomber dans la passivité ;
devenir un leader efficace et d’exception, ÊTRE un leader, c’est le
voyage d’une vie. Cela demande de l’investissement et un
engagement quotidien ;
accepter d’être un leader, c’est accepter de faire face à des situations
inconfortables, d’être vulnérable, de se sentir tiré dans toutes sortes
de directions et de ne pas savoir, régulièrement et quotidiennement ;
être un leader demande du courage. Ça implique de prendre
conscience de vos peurs pour ne pas les laisser mener vos
décisions ;
votre façon d’exprimer votre leadership est le reflet de vos valeurs,
de vos expériences passées et de vos prédispositions (talents).
Alors, soyez vous ! C’est la meilleure façon de vous épanouir.
Pour accéder aux versions éditables et téléchargeables des sections « Un moment
de rencontre avec soi-même » et « Pratique quotidienne de conscience et de
connaissance de soi », à du contenu privilégié et recevoir les mises à jour sur les
réflexions proposées, scannez le code QR et accédez au Hub du leader créateur.
Étape 3
LA RÉCONCILIATION

« On ne peut pas peindre du blanc sur du blanc, du noir


sur du noir. Chacun a besoin de l’autre pour se révéler. »
Mot de sagesse africaine
CHAPITRE 6
DIRIGER AVEC PERFORMANCE ET
HUMANITÉ

Créer une performance saine et durable.


Diriger avec humanité et performance, même dans la
complexité.
Servir et prendre soin de soi et des autres.
Diriger avec compassion, présence et conscience.
Savoir diriger à la fois avec fermeté et bienveillance.
Inspirer les autres à passer à l’action simplement en
étant soi.
Savoir créer du sens et Être avec l’autre.
Créer d’autres leaders.
Voilà ce que c’est de réconcilier en soi
le paradoxe Performance-Humanité.

DIRIGER AVEC HUMANITÉ, SANS METTRE


DE CÔTÉ LA PERFORMANCE : C’EST
POSSIBLE ?
Nous avons dépassé l’ère où le contrôle primait, où seule la performance
satisfaisait le gestionnaire. Il n’est pas question de ne plus se préoccuper de
la performance mais de l’humaniser. Car, oui, on crée de la performance,
mais celle-ci a souvent un prix : l’humain derrière le travailleur.
Je suis moi-même tombée dans ces pièges à maintes reprises :
la performance à tout prix ;
les résultats au détriment des personnes (et à mon propre
détriment) ;
viser des résultats sans faille, des normes extrêmement élevées et la
perfection sans mesurer l’impact que cela avait sur moi et les
autres ;
tomber dans la sur-exigence et le contrôle pour conserver ma valeur
personnelle longtemps construite autour de ma capacité à livrer.

Heureusement, maintenant je sais que cette dualité est réconciliable. Car,


disons-le, dans cette réalité hautement volatile, incertaine, complexe et
ambigüe, nos vieux modèles basés sur l’autorité, la performance à tout prix,
la compétition et le contrôle ne fonctionnent plus.
On dit qu’on enseigne ce qu’on a soi-même à apprendre. Alors on fait
comment pour humaniser la performance, la rendre durable et résoudre une
fois pour toutes cette dualité ? On met l’humain au centre des systèmes qui
créent de la performance pour générer des résultats durables au lieu
d’utiliser les personnes pour faire performer les systèmes. C’est un tout
nouvel état d’esprit pour les leaders : remplacer la performance à tout prix,
la compétition, la sur-exigence et le contrôle par la confiance, le sens, la
conscience et la durabilité. On met l’accent sur une performance qui est
bonne pour les gens. Bonne pour l’entreprise. Bonne pour le leader lui-
même. Parce qu’être rigide sur l’objectif et doux sur l’humain, c’est
possible.
Créer de la performance durable
Diriger avec humanité ne signifie pas laisser la performance de côté. Bien
au contraire. Mais il s’agit de ne pas créer de performance au détriment des
personnes, de leur santé, de leur bien-être. Une organisation existe pour
servir une mission, créer des résultats et faire des profits. Si elle ne prospère
pas, elle ne sera pas pérenne, et c’est aussi pour ça que nous sommes
embauchés comme leader : pour concrétiser un projet ou une mission. Nous
voulons donc créer de la performance, mais pas n’importe laquelle.
Voici comment mon associée et mentore Chantale décrit la performance
durable :

LA PERFORMANCE DURABLE, C’EST…


Partir des personnes au lieu d’un désir de performance à tout prix. Offrir une
intention claire vers les résultats attendus, nourrir le sens ET offrir des espaces de
déploiement des talents, des étirements qui mobilisent (qui sont bienveillants et
challengeants).
C’est aussi prendre le temps de reconnaître et de célébrer ses victoires comme
personne, leader et membre d’une équipe.
La performance, ainsi déployée, avec une perspective moyen-long terme, en
conscience des systèmes, ressources, limites et leviers, permet de repartir vitalisé
vers le prochain défi…
Voilà une performance durable où les personnes sont mises au cœur de leurs
systèmes et qui constitue le véritable moteur du dépassement de soi et bien
souvent des résultats à atteindre.

Au final, c’est une performance… consciente et à long terme qui conjugue


les résultats et l’humain. C’est ça, humaniser la performance ! Et si je me
fie à mes expériences, lorsqu’on vise une performance durable, les résultats
sont souvent encore plus élevés que ceux qui étaient attendus !
L’autorité du leader
Si vous êtes un leader qui a un rôle de gestionnaire, vous êtes assis sur la
chaise de l’autorité.
L’expérience avec l’autorité risque de nous plonger directement dans nos
enjeux, nos stratégies réactives et nos zones de fragilité. Notre capacité à
porter l’autorité avec conscience et intégrité établit l’équilibre entre ces
deux pôles distincts : la bienveillance et la fermeté.
Nourrir les liens et le bien-être de l’autre peut nous faire perdre
l’importance de porter le cadre, le sens et l’alignement.
Nourrir uniquement la réalisation de résultats et sa réussite peut
nous faire perdre la sensibilité aux besoins, au soutien et au plus
grand que soi.

La justesse de cet équilibre demande un travail de fond sur la


compréhension de nos propres enjeux et notre jeu intérieur, de nourrir notre
« JE », dans notre pouvoir personnel, tout en ayant l’élan sincère de
contribuer au « NOUS ».
Ce chemin vers cet équilibre constant nous guide d’une posture réactive à
l’autorité vers une posture créatrice, où nos ressources internes et nos
qualités comme personne et comme leader sont mises à contribution.

Construction de la relation à l’autorité27


Nos premières expériences avec l’autorité parentale sont projetées dans
l’expérience du présent. Prenons un moment pour y réfléchir.
Enfants, y avait-il des encouragements, de l’insistance ou de l’absence des
personnes en autorité ? Quel était votre monde de règles, de routines et de
comportements ?
À mesure que nous grandissons et pour préserver notre besoin d’amour et
d’approbation, nous exprimons ce que nous percevons comme approprié
aux yeux de l’autorité parentale. Tandis que nous évoluons de l’enfance
vers l’âge adulte, cette motivation initiale de fonctionner par rapport aux
désirs de nos parents (ou personnes en autorité) se transfère inévitablement.
Comme nous l’avons déjà vu lorsque nous avons abordé les empreintes
émotionnelles, pendant notre enfance, nous agissions compulsivement pour
gagner l’amour et l’approbation (besoin de sécurité).
Au cours de notre adolescence, le comportement cherchant l’approbation se
transforme en un désir d’appartenir à des groupes de personnes (besoin
d’appartenance). Il se définit aussi par la contestation des règles établies.
Dès que nous entrons dans l’âge adulte, ce besoin de validations extérieures
se déguise en un désir d’avoir l’air responsable et de réussir (besoin
d’estime de soi/de lien). Il peut aussi être par la contestation de l’autorité en
place.
C’est dans cette perspective que nous entrons dans notre leadership avec un
lien à l’autorité : soit que nous avons appris à nous y conformer, à nous
rebeller ou bien nous avons appris à avoir de l’autorité sur les autres.

Le pouvoir et ses responsabilités


Je suis bouleversée et indignée devant le fait qu’encore aujourd’hui, en
2022, le pouvoir soit entre les mains de personnes qui en abusent, qui sont
des robots, des automates sans cœur, de sang-froid et sans intelligence
émotionnelle.
Vous voulez voir la grandeur d’un humain ? Donnez-lui du pouvoir, car le
pouvoir sans conscience et sans humilité, c’est dangereux.

SAVIEZ-VOUS QUE… le pouvoir peut changer notre façon de


penser et de nous comporter. C’est ce que suggèrent de nombreuses
études en neurosciences28.
C’est relié au sens subjectif du pouvoir : le pouvoir que je pense que j’ai.
(La perception qui crée la réalité.)

« Vous pouvez ne pas avoir beaucoup de pouvoir, mais


vous sentir très puissant et vice versa. »
Galinsky

Les recherches ont démontré que, lorsque cette perception de pouvoir est
présente, un individu peut être :
plus orienté vers les objectifs. Il ne voit pas qu’il y a des humains
entre lui et les objectifs à atteindre…
moins capable de tirer parti de ses compétences d’intelligence
émotionnelle ;
moins empathique, plus centré sur lui-même, moins attentif à ce que
les autres ressentent, erroné en jugeant les expressions
émotionnelles des autres ;
susceptible d’objectiver les autres en fonction de leur utilité ;
moins susceptible de ressentir des contraintes sociales sur son
comportement ;
plus optimiste et moins sensible quant aux décisions risquées. Les
choses ne peuvent pas mal tourner !

En résumé :
le pouvoir peut déshumaniser. Il endommage l’intelligence sociale.
il peut mener à l’imbécilité, pire, à des comportements destructeurs.

Nous en avons malheureusement de temps à autre des exemples extrêmes,


juste sous nos yeux, dans l’actualité internationale.
Mais revenons à notre réalité, ici tout près de nous et à nous-mêmes comme
leaders. L’impact du pouvoir débute dans le cerveau, mais ce n’est
certainement pas là qu’il se termine ; c’est plutôt dans nos organisations,
nos écoles, notre société, nos relations personnelles et professionnelles.
Lorsque nous avons une autorité, une voix, un pouvoir, cela vient avec des
responsabilités :
que le pouvoir soit pratiqué de façon responsable et socialement
intelligente, à commencer par soi.
être soucieux des mains dans lesquelles se retrouve le pouvoir.
soyons soucieux de notre propre pouvoir, conscients de son impact
sur notre leadership. Personne n’est à l’abri des pièges et des biais
inconscients. (La perception d’avoir du pouvoir ET l’action à partir
de motifs et de peurs inconscients, c’est une combinaison
dangereuse.)

Nous devons :
avoir ZÉRO tolérance pour les gens qui dirigent à partir de la
tromperie, de la coercition ou de la force excessive ;
promouvoir un modèle de pouvoir plus intelligent socialement. Cela
commence dans tous nos lieux de vie, d’éducation et dans nos
organisations.

Quand le pouvoir est donné à un individu, cela doit faire avancer les intérêts
du plus grand bien. En tant que leaders créateurs, assurons-nous que le
pouvoir soit utilisé pour le bien dans le monde.

RÉCONCILIER LE PARADOXE HUMAINS-


RÉSULTATS : LES PASSAGES À FAIRE
Quadrant 1 : Ici, on ne porte attention ni aux résultats ni aux humains : il y
a un désintéressement. Ça crée, à tort, un sentiment de protection
émotionnelle et de la distance. Il y a une déconnexion complète et une
absence de liens, voire de la déshumanisation. Il n’est donc pas étonnant de
constater que cela n’entraîne aucune performance ou une faible
performance.
Quadrant 2 : On porte une grande attention aux résultats, mais moins aux
humains. L’autorité se sert de son pouvoir pour que les choses arrivent. On
utilise le contrôle comme stratégie et le style de leadership est
principalement autoritaire. Cela peut créer de la performance, mais à court
terme. Éventuellement, les gens se désengagent ou s’épuisent, car la
pression est trop grande et ils ont peur. On peut remarquer de l’abus, des
relations victimes-persécuteur. La souffrance organisationnelle s’installe.
Quadrant 3 : Une grande attention est portée aux humains mais peu aux
résultats. C’est la culture « câlinours ». Le pouvoir est abandonné et ça crée
un environnement de complaisance. Tout le monde est gentil, mais peu
engagé à générer de la performance. La souffrance organisationnelle est
présente, car un employé qui ne sent pas qu’il contribue à des résultats
n’atteint pas d’objectifs concrets ou ne met pas à profit ses compétences
dans le but de réaliser des projets ou des livrables, donc, il peut rapidement
voir son moral diminuer et se désengager. À long terme, ce sentiment
d’inutilité peut créer de la souffrance. La performance est relative.


Dans ces trois quadrants, nous pouvons observer plusieurs
similitudes. D’abord, il y a un manque de confiance, un manque de
sécurité psychologique, peu ou pas de performance ou bien une
performance à court terme, peu d’apprentissages et d’innovation,
une souffrance organisationnelle, un manque de sens et un
désengagement des troupes.


Quadrant 4 : On dose l’attention entre l’humain et les résultats. C’est ce
qu’on appelle le leadership créateur. On offre du sens et on porte une
intention juste : travailler pour plus grand que soi et voir au bien commun.
Le climat est sain et sécuritaire ; ce n’est pas la peur qui mène. On a une
perspective à long terme et on crée ainsi de la performance durable.
On remarque donc que, pour atteindre une performance, la confiance et la
sécurité psychologique sont nécessaires !
OMBRE ET LUMIÈRE : RÉCONCILIER LES
POLARITÉS EN SOI

« On ne peut voir la lumière sans l’ombre,


on ne peut percevoir le silence sans le bruit,
on ne peut atteindre la sagesse sans la folie. »
Carl G. Jung

Dans mon dernier livre Oser être vrai dans un monde « faux », j’ai abordé
le sujet des dualités qu’on porte en soi. Elles sont différentes pour chacun
d’entre nous et c’est ce qui fait que nous abordons la dualité Performance –
Humanité chacun à notre façon et que nous conjuguons différemment dans
notre leadership l’attention mise aux résultats et à l’humain.
Voici l’extrait en question :

« Carl Jung, médecin psychiatre né au 19e siècle et fondateur de la


psychologie analytique, croyait que chaque humain est composé de
deux parties, une consciente et une autre inconsciente, deux parties
complémentaires, une d’ombre (celle refoulée) et une de lumière
(visible). Il a nommé ce concept : polarités.
Chacun de nous possède deux polarités, avec une énergie opposée.
D’un côté, une portée vers l’action, la détermination, la structure, et de
l’autre, vers l’intuition et la sensibilité. Mais pour Jung, ces polarités
ne sont pas vraiment opposées ; elles sont complémentaires. L’individu
devient fort et équilibré lorsqu’il réussit, à travers un voyage intérieur,
à ouvrir le dialogue entre ses parts d’ombre et de lumière, et à les
réconcilier.
Nous avons donc une face éclairée, la polarité lumière : la partie de
nous qui est sortie au grand jour, qui s’exprime sans entrave, reflétant
notre moi idéal ainsi que le fruit de nos stratégies d’adaptation à notre
monde social.
Et nous avons une face d’ombre qui contient les parties de nous que
nous avons cadenassées, refoulées et que nous désavouons (notre moi
intime).
L’un et l’autre de ces pôles de notre personnalité portent des qualités,
des talents, des défauts, des sentiments qui nous définissent en entier et
dont nous avons besoin pour trouver notre équilibre et nous réaliser
pleinement en tant qu’être humain.
Et l’un et l’autre de ces pôles comportent des besoins.
Votre polarité lumière, c’est ce que vous aimez que les gens voient de
vous.
Votre polarité ombre, c’est ce que vous ne voulez pas que les autres
découvrent de vous ou ce que vous avez peur de découvrir de vous-
même…
Vous avez développé des aspects de votre personnalité (qualités, talents,
forces, défauts, attitudes…) qui vous caractérisent et qu’on vous
reconnaît. C’est votre polarité lumière.
Vous avez choisi de taire et de ne pas montrer des traits de caractère
(qualités, talents, forces, défauts, attitudes…). Soit qu’ils vous
déstabilisent, que vous ne les appréciez pas, soit que vous avez appris à
vous en méfier ou à en avoir honte, vous avez alors mis des interdits
dessus.
Chaque polarité comporte des forces. Aussi, ce que nous appelons un
défaut peut être une force sur-utilisée ou utilisée de façon inadéquate.
Travailler à réconcilier ses polarités permet de bien doser l’utilisation
de ses forces. »
Chaque leader, selon les caractéristiques de son jeu intérieur, donne une
attention différente aux résultats et à l’humain.
Le leader pacificateur injectera probablement davantage de bienveillance
dans son leadership et pourra parfois manquer de fermeté et d’attention aux
résultats.

Le passage à faire pour le jeu intérieur du leader pacificateur :


DE : la complaisance
À : la fermeté bienveillante.

Le leader performant, lui, utilisera le contrôle et un style de leadership plus


autocratique afin d’arriver aux fins voulues. Les résultats auront préséance
sur l’humain, la fermeté sur la bienveillance.

Le passage à faire pour le jeu intérieur du leader performant :


DU : contrôle
À : la saine performance.

Le leader expert se servira de ses connaissances pour établir sa crédibilité,


manquera d’attention pour nourrir des relations authentiques et tombera
peut-être un peu trop dans les données et les analyses au détriment des
résultats et de l’humain.

Le passage à faire pour le jeu intérieur du leader expert :


DE : la protection émotionnelle
À : l’ouverture à soi et à l’autre, l’authenticité et la vulnérabilité.
Est-il possible de changer ? d’évoluer ? Bien sûr ! Et pour faciliter votre
passage vers un leadership créateur, les prochaines sections du livre sont
remplies d’informations et de stratégies dont l’efficacité est prouvée.
PASSAGE 1 :
JEU INTÉRIEUR DU LEADER PACIFICATEUR
› DE : la complaisance
À : la fermeté bienveillante

Doser bienveillance ET fermeté


Pour résoudre le paradoxe Performance-Humanité, le leader doit apprendre
à bien doser bienveillance et fermeté. Évidemment, selon nos empreintes de
vie, chacun d’entre nous se laissera parfois entraîner dans un leadership
davantage réactif que créateur. On dosera donc différemment, dans ces
moments, la fermeté et la bienveillance. Mais en général, nous arriverons à
créer un bon équilibre entre les deux.
Dans les 30 dernières années, les leaders performants avec de fortes
personnalités, qui savaient comment faire en sorte que les projets se
concrétisent avec succès, ont été valorisés. Les patrons portaient cette
image du leader blindé qui est fort, tout-puissant. De la personne d’action
qui a toutes les réponses, qui résout des tonnes de problèmes, qui a de
l’autorité et sait s’en servir pour atteindre les meilleurs résultats… Il n’est
alors pas étonnant de constater que nos cultures organisationnelles
d’aujourd’hui sont basées sur le contrôle et l’autorité pour atteindre des
objectifs de plus en plus agressifs. Sauf que… et l’humain dans tout ça ?
Selon Gallup, 80 % des gens, mondialement, ne sont pas engagés ou sont
activement désengagés au travail29. Ce qui signifie que c’est seulement 20
% des travailleurs qui sont investis professionnellement. Les chiffres sont à
peine plus reluisants si on regarde les États-Unis et le Canada combinés
avec 34 % de taux d’engagement. D’ailleurs, il a diminué de 2 % entre
2019 et 2020. Notamment à cause de la pandémie pendant laquelle les
employés ont signalé vivre plus d’inquiétude, de stress, de colère et de
tristesse que les années précédentes.
Bob Chapman, Chief Executive Officier (CEO) de Barry-Wehmiller, dans
un épisode de son podcast Truly Human Leadership, nous rappelle aussi
qu’aux États-Unis sept personnes sur huit sont convaincues que leur patron
ne se soucie pas d’eux. Il est donc nécessaire plus que jamais de créer une
culture de bienveillance.
Ce n’est pas étonnant que la posture du manager d’antan qui implique de
planifier, d’organiser, de diriger, de contrôler n’ait plus la cote.
Aujourd’hui, on demande de plus en plus aux leaders de porter des qualités
humaines. De leader en conscience, d’être authentiques, vulnérables,
humbles et bienveillants.
Lors d’une de mes séances d’accompagnement des leaders vers un
leadership authentique et humaniste, un des participants m’a avoué qu’il se
sentait à l’aise de parler d’humanité, de vulnérabilité et de sensibilité dans
ce milieu sécuritaire qu’était notre groupe d’apprentissage.
Or, il s’inquiétait de l’image qu’une telle façon de leader projetterait au sein
de son organisation. Ne dirait-on pas qu’il est le « sacré bon gars », toujours
gentil, qui manque de fermeté, néglige la performance afin de ne pas
déplaire et qui manque de courage ? Car ce n’était pas le genre de leader
qu’il voulait devenir !
Voilà encore une fois, la fameuse dualité à laquelle on est constamment
confronté. Comme si on avait un continuum avec, à une extrémité ‚la
fermeté et à l’autre, la bienveillance. Que c’était obligatoirement l’un ou
l’autre. On agit avec fermeté et on habite son autorité… ou pas. On est
bienveillant… ou pas. Dans l’opposition de la tâche et de la relation, de
l’action et la réflexion, du courage d’agir ou d’accepter ce qui est, de la
détermination et de l’humilité.
Donc dans l’opposition du « manager » et du leader, de l’humanité et de la
performance, de la tête et du cœur et enfin de la fermeté et de la
bienveillance.
LA POSTURE DU LEADER
Après plus de 20 ans de pratique en yoga, la liste de tous les enseignements que j’ai
tirés sur mon tapis, dans mon lien avec moi-même, est longue.
Au départ, je m’imposais des exigences, je me comparais. Je devais être aussi
performante sur mon tapis que dans la vie. Puis, un jour, j’ai entendu une professeure
nous parler d’un des versets probablement le plus connu des yogas sutras de
Patanjali :
Sthira sukham asanam : Ferme ET douce est la posture

La posture, c’est l’état d’esprit qu’on peut résumer en deux mots : la fermeté et
l’aisance. C’est un couple de contraires fondamental, qui implique aussi la force et la
souplesse, la difficulté et la facilité, la rigueur et la tendresse.

Sthira pour Fermeté, solidité, puissance


Sukha pour Douceur, joie et aisance

Si on ramène cela dans la vie de tous les jours, dans notre leadership et notre rôle de
parent, sommes-nous capables de trouver cet équilibre entre le corps et l’esprit, le
cœur et l’action, la fermeté et la bienveillance, la force et la douceur, la rigueur et la
joie ?
De nous établir fermement, livrer les résultats, contribuer à notre mission… dans un
espace de joie, de douceur et de bienveillance ?

Le problème est qu’on confond trop souvent bienveillance avec le fait


d’être excessivement gentil ou complaisant. L’écrivain et psychiatre
Christophe André considère que la bienveillance, c’est simplement « veiller
au bien pour les autres et pour soi ». Être bienveillant pour un leader ne met
donc pas en opposition la bienveillance avec l’exigence, ni avec l’autorité :
le leader doit veiller au bien de son équipe, de l’organisation et d’abord et
avant tout de lui-même, comme personne. Tout est une question de dosage
entre fermeté/autorité et… bienveillance.
Une autre idée fausse autour de la bienveillance est que le leader
bienveillant est un marchand de bonheur. Mais si on se fie à la définition
officielle de ce qu’on nomme le bonheur, il est un sentiment abstrait qui est
souvent influencé par la perception ou l’expérience du travail d’un individu
et il peut être affecté par ce qu’il vit à l’extérieur de son environnement
professionnel.
C’est l’engagement plutôt que le bonheur que doit viser le leader créateur,
car l’engagement est un état mesurable qui influe directement sur les
résultats de l’entreprise. Un employé peut être heureux au travail (par
exemple parce qu’il y a des amis ou de bons avantages), mais il peut quand
même manquer d’engagement, être improductif et se débrouiller pour ne
faire que le strict minimum.
La posture du leader n’est donc pas d’être excessivement gentil et de
distribuer du bonheur, mais plutôt de savoir bien doser fermeté et
bienveillance pour créer de l’engagement chez ses employés et les inspirer à
l’action.
Afin de vous aider à mieux comprendre ce qu’est réellement la
bienveillance, voici une petite anecdote tirée de mon vécu.

Quelques années après avoir terminé mon diplôme en gestion et avoir


« géré » et « dirigé » des équipes, je suis devenue parent.
Un soir, mon fils, aujourd’hui âgé de 22 ans, me dit : « Maman, si
j’avais eu à demander la mère parfaite, sur mesure pour moi, ça serait
toi. »
J’ai ri. (Mon fils est un grand blagueur.) Mais il m’a regardée
sérieusement et m’a dit : « C’est vrai. Je ne blague pas. C’est une mère
comme toi que ça me prenait pour me sortir de mes défis et me
retrouver là où je suis aujourd’hui. Toujours ferme, mais toujours à
donner beaucoup d’amour et surtout qui était toujours là et qui ne m’a
jamais lâché. »
L’adolescence de mon fils n’a pas été facile et je me suis longtemps
remise en question, comme parent, en ce qui concerne mes aptitudes à
trouver cet équilibre délicat entre encadrement et bienveillance. Je peux
donc vous assurer que c’est une des plus belles choses qu’il ne m’ait
jamais dite.
Lorsque nous sommes parents, nous aimons nos enfants et nous agissons
avec bienveillance envers eux. Malgré tout, dans leur intérêt, nous devons
aussi établir un cadre, des règles et prendre des décisions difficiles et
douloureuses pour leur bien. Voilà ce que c’est, la bienveillance. C’est
d’agir pour le bien de l’autre même quand c’est difficile et cela nous
demande du courage. Être parent, tout comme être leader, c’est agir avec
fermeté ET bienveillance.

Quelques principes pour bien doser bienveillance ET fermeté

1. Avoir une vision « à long terme »


Viser le résultat immédiat, les objectifs à court terme, c’est souvent
plus facile et moins énergivore qu’une vision à long terme qui, elle,
demande davantage d’implication et de courage. Elle nous oblige
parfois à prendre des décisions ou à entreprendre des actions que nous
trouvons difficiles sur le coup, mais qui seront très payantes à long
terme.
— Ne visez pas la performance à court terme. Visez la performance
durable.

2. L’erreur fait partie du processus d’apprentissage


L’échec est inévitable, il fait partie du processus. Alors il est
primordial d’apprendre de lui. Après tout, l’enfant tombe en moyenne
2000 fois en apprenant à marcher ! En tant que leader, favorisons-nous
une culture où l’erreur est acceptée et même célébrée ?
— Tomber, c’est apprendre ; se relever, c’est persévérer ; continuer,
c’est réussir. (Proverbe africain)

3. Le challenge bienveillant
Adopter la posture de leader-coach afin de soutenir, de développer et
de faire réfléchir. Utiliser le questionnement d’impact au lieu de
donner toutes les réponses, même si c’est souvent plus rapide et même
si, nous, on sait !
— Faites faire plutôt que de faire pour l’autre afin de favoriser
l’apprentissage et l’autonomie.

4. Viser le bien-être collectif


Avoir en tête le bien commun plutôt que les objectifs individuels ou
l’ego aide à expliquer le bien-fondé d’une décision et à garder le cap
au quotidien sur ce qui compte vraiment.
— Travaillez pour le bien commun.

5. Donner du sens
Les gens ont besoin de comprendre le pourquoi des décisions. Cela ne
fera pas en sorte que tous seront d’accord, mais ça les aidera à se rallier
à une décision. Et c’est ce qui fera de vous un leader d’impact, un
leader inspirant qu’on a envie de suivre.
— Soyez des leaders de sens.

6. Favoriser la sécurité psychologique plutôt que la gentillesse


En 2012, Google a lancé le projet Aristote30 afin d’éclaircir un grand
mystère du domaine du leadership : qu’est-ce qui fait qu’une équipe de
travail est efficace ? Un an plus tard, une centaine d’équipes étudiées
et des dizaines de spécialistes consultés, ces gens en sont venus à la
conclusion que la réponse était : la sécurité psychologique, c’est-à-dire
lorsque les membres d’une équipe pensent qu’ils peuvent prendre des
risques interpersonnels en toute sécurité, sans avoir honte, sans être
rejetés ou punis.
— Créez un espace sécuritaire qui permet l’apprentissage et la prise
de risque.

7. Fournir un encadrement
Il est important de fournir un environnement qui permet aux
travailleurs d’évoluer, de se sentir en sécurité, de développer leur
autonomie et d’exprimer qui ils sont vraiment. Mais le tout doit être
encadré par des règles claires et fermes, car elles contribuent aussi à
créer de la sécurité psychologique.
— Soyez clair dans vos attentes.

8. Habiter son autorité


Si le leadership vient avec un rôle d’autorité, habiter son autorité veut
dire ne pas craindre (de déplaire, d’être rejeté, etc.) de faire preuve
d’autorité en donnant des directives lorsque c’est requis et en tranchant
les questions, si nécessaire. Habiter son autorité permet de nommer ses
besoins tout en respectant ceux des autres, de faire des demandes
claires, de créer de l’alignement, de la cohérence et un sens de l’équité.
— Faites preuve d’autorité bienveillante, responsable et consciente.

9. Oser dire
Faire des rétroactions sincères est essentiel. Combien de fois nous
retenons-nous de faire une rétroaction par peur de blesser l’autre ou de
lui déplaire ? Nommer sans critiquer, expliquer l’impact d’un geste
sur soi, l’équipe ou l’organisation, confronter de façon empathique afin
de faire ressortir les incohérences tout en étant à l’écoute et dans la
force du lien est une capacité qui se développe. Un bon leader sait
avoir des conversations difficiles et courageuses.
Il est important de comprendre que la bienveillance n’est pas l’inverse
de la vérité. La vérité exprimée avec une intention positive pour
l’autre, c’est ça la bienveillance.
— Osez exprimer votre vérité.

10. Créer une culture de reconnaissance


On attend de nos leaders et de toutes les autres personnes qui sont en
position d’autorité (parents, enseignants, etc.) qu’ils soient
empathiques, fassent preuve de sensibilité lorsque nous vivons des
adversités et qu’ils nous pardonnent nos erreurs. Or, cette compassion,
cette sensibilité et cette empathie doivent aller dans les deux sens.
Ce n’est pas parce qu’on est en position d’autorité qu’on n’en a pas
besoin. Un leader n’est pas un robot, c’est un humain. Il a le droit
d’éprouver du plaisir et des émotions et il a aussi le droit de faire des
erreurs. C’est même rassurant si c’est le cas ! Ça démontre son
humanité et ça fait de lui un leader complet, qui donne l’exemple et
s’assume dans son entièreté.
Alors, créer une culture de reconnaissance, c’est ne pas attendre de la
reconnaissance venant de plus haut que soi. C’est offrir la
reconnaissance à partir du cœur, peu importe le rôle et le niveau
hiérarchique. C’est offrir ce qu’on souhaite recevoir. En montrant
l’exemple.
Car ÊTRE un leader, ce n’est pas une posture qu’on adopte à temps
partiel, c’est une façon d’être, un mode de vie. Tous les jours, en tout
temps, dans toutes les situations. C’est ce qui drive l’ensemble de nos
comportements quotidiens.
— Incarnez la reconnaissance et la gratitude par vos paroles et
actions.

11. Leader avec simplicité


Leader avec simplicité, c’est :
réduire les couches de hiérarchies et les politiques ; ça
encourage les gens à être autonomes et créatifs afin de trouver
eux-mêmes les meilleures façons de faire les choses ;
réduire les formalités, les données, les rapports à fournir et
inspirer nos équipes à se concentrer sur ce qui importe
vraiment ;
réduire le nombre de réunions et encourager la
responsabilisation ;
minimiser le contrôle et maximiser la confiance afin que tous
aient davantage de moments pour se concentrer sur des tâches
qui nourrissent le sens de leur travail.

En ces temps hors du commun, tenter un retour à plus de simplicité en


mettant le focus sur ce qui importe vraiment, ça ne serait pas à
propos ?
— Demandez-vous : Ici et maintenant, qu’est-ce qui importe
vraiment ?

12. S’intéresser à l’autre avec sincérité


Comment ça va… vraiment ?

SAVIEZ-VOUS QUE… dans certains pays du monde, en


réponse à la question « comment ça va ? », on obtient… la
déconcertante vérité ? Eh oui ! Posez cette question à des gens
appartenant à certaines cultures et vous entendrez peut-être votre
interlocuteur vous parler de son inconfort intestinal ou de son
spleen de l’instant. Il est donc inconcevable pour certains qu’à
cette question, nous, Nord-Américains, ne répondions qu’un
banal : « Bien ! »
En effet, chez nous, ces quelques mots sont devenus un rituel un peu
vide de sens. À combien de personnes avez-vous demandé « comment
ça va ? », dans la dernière semaine, en étant vraiment intéressé à la
réponse ? Et à la réponse de combien d’autres n’avez-vous tout
simplement pas porté attention parce que vous étiez déjà rendu ailleurs
en pensée ou sur votre téléphone intelligent en train de regarder votre
fil d’actualité Facebook ?
Pourtant, comme humains, nous avons désespérément besoin qu’on
nous pose ces questions authentiques : « Dis-moi, je t’écoute, comment
te sens-tu ? Comment est la vie pour toi en ce moment ? Comment ça
va… vraiment ? » Et surtout que nos réponses soient écoutées et
entendues.
Comme leaders, soyez pleinement présents et à l’écoute afin
d’accueillir la réponse comme un cadeau. Car le leadership, ça se passe
au-delà des mots. Être un leader, c’est avoir le courage de dire, mais
surtout avoir le courage d’écouter. C’est voir l’autre pour ce qu’il est et
non uniquement pour ce qu’il fait. C’est connecter avec son essence
même.
— « Écouter pleinement, c’est faire attention à ce qui est dit en
dessous des mots. Vous écoutez non seulement la musique, mais
aussi l’essence de la personne qui parle. Vous n’écoutez pas
seulement ce que quelqu’un sait, mais ce qu’elle est. » Peter Senge
dans The Fifth Discipline

13. Développer les talents


Selon Jacques Forest, professeur, chercheur et psychologue : « Pour
augmenter la performance de leurs employés, les gestionnaires ont
généralement comme réflexe d’identifier leurs faiblesses pour ensuite y
remédier. (Approche par déficit)
Il semble qu’il soit plus efficace d’adopter une approche dite
‘d’abondance’ pour accroître la performance en emploi. Selon
l’approche d’abondance, le rôle des gestionnaires et des organisations
consiste avant tout à rechercher, à stimuler et à mettre en valeur le
plus haut potentiel de réalisation des travailleurs. Une gestion misant
sur les forces des employés est un exemple de ce type d’approche,
puisqu’elle indique que les plus grandes ressources d’une personne se
trouvent dans ce qu’elle fait de mieux. »
Connaissez-vous les forces et les talents de vos employés ? De quelle
façon misez-vous sur ceux-ci ?
— « Avant d’être un leader, le succès, c’est de grandir soi-même.
Quand on est un leader, le succès, c’est de faire grandir les
autres. » Jack Welch

14. Followership
Aristote, dans une célèbre citation, a dit que celui qui n’a jamais appris
à obéir ne peut pas être un bon commandant. ÊTRE un leader, c’est
savoir quand laisser le leadership à l’autre, quand il importe de suivre.
C’est contribuer à l’émergence d’autres leaders. Et parfois faire le
choix conscient de se rallier aux autres.
Parce qu’être leader, ce n’est pas seulement accomplir de grandes
choses, c’est aussi amener les autres à accomplir de grandes choses !
— « Le patron, c’est le fil d’un collier. On ne le voit pas, mais c’est
ce qui tient toutes les perles ensemble. » Hubert de Boisredon,
PDG de Armor

15. Faire le deuil de vouloir plaire à tous


La peur de déplaire ou le désir absolu de plaire est néfaste et
occasionne du négatif à long terme. Il est possible que vous ayez
inconsciemment développé une stratégie de conformisme afin de
combler cette peur qui parfois est très accaparante.
Selon l’éducation que vous avez reçue et le style de vie que vous avez
eu, il se peut que le fait de vous conformer aux attentes des autres vous
ait donné un sentiment de sécurité et d’estime de soi. Or, pour faire
cela, vous deviez mettre vos réels désirs de côté. Afin de clarifier un
peu ce comportement, voyons quelques exemples :
Dire oui alors qu’au fond de vous, vous auriez voulu dire non.
Modifier vos paroles afin de vous assurer de ne pas créer une
forte réaction émotionnelle chez l’interlocuteur.
Être dans l’excès : de générosité, de temps, d’argent, d’humeur.
Flancher devant les souhaits des autres.

Est-ce que les points mentionnés ci-dessus résonnent en vous ? Si vous


avez répondu oui pour la plupart d’entre eux, vous utilisez
probablement cette stratégie. Vous ne devez pas pour autant croire que
c’est une chose négative. Il y a aussi des bons côtés.
Les gens qui utilisent la stratégie du conformisme sont décrits comme
étant :
très bons pour percevoir les besoins des autres et y répondre ;
habiles pour ressentir les émotions ;
faciles à vivre et toujours prêts à aider les autres.

Cependant, vous l’aurez bien deviné, cette stratégie comporte aussi des
points pouvant être nuisibles :
Dire oui à tout le monde au point de mettre vos propres désirs
de côté.
Être à la recherche des conseils et des opinions des autres avant
de prendre votre propre décision.
Ne pas tenir compte de ce que vous désirez vraiment comme
carrière et style de vie.
Exprimer vos opinions de façon passive-agressive. Comme
vous avez peur d’émettre votre réelle opinion, vous avez
tendance à le faire de façon plus sarcastique et/ou avec dureté.

Les personnes qui utilisent la stratégie du conformisme ont de la


difficulté à être authentiques. Elles mettent de côté leurs opinions ainsi
que leurs propres besoins. Cette tendance à rechercher l’approbation
des autres n’est pas néfaste pour autant. Nous avons tous une petite
facette de nous qui la désire ou la recherche. Cependant, il est
important de ne pas en faire une dynamique permanente, car cela aurait
pour conséquence de diminuer votre estime de soi et d’augmenter
votre dépendance envers les autres.
Prenez un moment pour réfléchir à vos actions, à vos réactions. Faites-
le sans jugement, en les observant en toute conscience. Peut-être avez-
vous vécu une situation dans laquelle plaire a été gratifiant : vous vous
êtes senti aimé, plus en sécurité. Peut-être même avez-vous ressenti un
regain d’estime de soi. Évaluez ce que vous avez ressenti à ce moment-
là et demandez-vous si cette croyance était vraie. Il y a peu de
possibilités qu’elle l’ait été.
Est-ce qu’il y a des croyances limitantes que vous vous êtes convaincu
d’embrasser ? Par exemple :
Ma vie va bien si les autres m’aiment.
Je suis digne de confiance et d’être aimé lorsque les gens
approuvent ce que je fais ou ce que je dis.
Pour réussir dans la vie, je dois performer selon les attentes des
autres.
C’est en apportant tout mon soutien aux autres que je peux me
sentir en sécurité.

Avez-vous déjà pris conscience que vous vivez constamment dans la


peur en laissant ces fausses croyances vous habiter ? Cette peur qui
vous freine, qui vous empêche d’avancer et d’évoluer.
Attention ! Nous sommes humains. Il nous arrive à tous de ressentir ce
besoin de plaire lorsque nous tenons à quelqu’un, que nous avons peur
de le perdre ou de le déranger. Et cela ne fait pas de nous des
personnes faibles. Il faut tout simplement savoir faire la différence
entre vouloir plaire et faire plaisir. Pour y arriver, soyez fidèle à vous-
même, accordez-vous de la valeur, soyez dans votre propre vérité et
votre pouvoir personnel. C’est le plus beau cadeau que vous puissiez
vous offrir.
Être un leader n’est pas un concours de popularité. Et même s’il est
parfois difficile de sentir qu’on « dérange », c’est nécessaire pour vivre
avec authenticité et intégrité. Car tenter de plaire à tout le monde, cela
nous détourne de ce qui compte vraiment : notre sens, notre vision, le
bien commun. Cela peut même nous faire sombrer dans la passivité, la
conformité et la complaisance.
Steve Jobs a dit un jour : « Si tu veux rendre tout le monde heureux, ne
sois pas un leader, vends de la crème glacée. » Quoique M. Jobs ne
soit pas un leader que je cite en exemple, cette phrase me fait sourire.
Car en effet, ÊTRE un leader, c’est porter l’action juste, avoir
la parole juste et accepter que cela puisse déranger. C’est
parfois aussi décevoir, prendre des décisions impopulaires,
avoir des conversations difficiles. Et ce, au nom de ce en quoi
on croit.

16. L’authenticité courageuse


Selon plusieurs études issues du domaine de la psychologie,
l’authenticité reflète la mesure dans laquelle un individu, dans sa vraie
nature, opère au quotidien. Il y a quatre composantes à travers
lesquelles son authenticité s’exprime31 :
1. La conscience de soi. La compréhension qu’on a de soi et de
notre dynamique humaine. La conscience qu’on a de nos
motivations, nos sentiments, nos besoins, nos désirs, nos forces,
nos limites, nos traits de caractère, nos stratégies et comment tout
cela se joue à travers nos divers rôles.
2. L’auto-évaluation objective. La capacité à s’évaluer de façon
objective ainsi que l’acceptation des aspects positifs et négatifs
de soi. La capacité à reconnaître nos réalisations positives ainsi
que nos performances limitées dans certaines activités.
3. La cohérence de nos actions avec nos valeurs, nos besoins et
nos préférences. Par opposition à agir simplement pour plaire
aux autres, se conformer aux attentes ou aux normes sociales
pour obtenir des récompenses externes ou pour éviter les
sanctions.
4. Notre capacité à atteindre l’ouverture et la vérité dans nos
relations et notre tendance à les valoriser, à créer des relations
positives et de confiance. Donc, notre capacité à exprimer ce que
nous sommes vraiment au sein de nos relations tout en étant
conscients de l’impact que cela peut avoir. Être en relation avec
l’autre et non au détriment de l’autre.

Vivre et leader de façon authentique demande du courage. C’est mettre ses


valeurs au centre de la table, accepter d’aller à contre-courant au nom de ses
convictions, s’affirmer lorsqu’on n’est pas d’accord, décider avec courage
et oser se dire.
Pourquoi est-ce si difficile d’être authentiquement courageux ? Parce que
c’est risqué, inconfortable, incertain, qu’on prend le risque de s’exposer, de
mettre notre ego de côté, que ça implique qu’on doive faire face à nos
peurs. C’est être entièrement vulnérable.
Dans ma famille, nous n’étions pas authentiquement courageux, le paraître
était plus important que l’être. Mais qu’est-ce que les autres vont penser ?
Alors, j’ai passé une bonne partie de ma vie à me soucier de ce que les
autres allaient penser. Et j’ai amené ça dans mon leadership.
Jusqu’à ce que je comprenne que, comme leader, j’avais besoin de faire
preuve d’authenticité courageuse, d’avoir la volonté, individuelle ou en
groupes, de défendre des positions difficiles avec intégrité, d’aborder les
« indiscutables », d’affronter ouvertement les problèmes de relations, de
faire état de mes sentiments et de mes vulnérabilités et d’affronter, de
manière authentique et directe, les questions risquées.
C’est une de mes anciennes employées qui m’a offert cette leçon. Après
avoir été transférée dans un autre département, elle a été sous la charge
d’une gestionnaire intransigeante et exigeante qui lui démontrait sans
relâche de l’insatisfaction. Si bien qu’elle a quitté son emploi, au bout du
rouleau et en proie au découragement. Avant son départ, elle est venue me
voir et m’a dit avec beaucoup de tristesse : « Pourquoi ne m’as-tu jamais
rien dit ? » Elle avait raison. Ce n’avait pas été facile d’être sa leader. Et je
ne lui avais jamais rien dit. Ma peur d’être trop rigide, déplaisante, mon
désir d’être perçue comme une gestionnaire « cool » avait pris le dessus.
J’avais tout gardé pour moi et ne lui avais donné aucune rétroaction sur ses
comportements.
Je venais de comprendre qu’il y avait quelque chose de plus grand, au nom
de quoi j’aurais dû lui offrir mon soutien sous forme de rétroactions, avec
authenticité courageuse : son développement. L’autre cadeau est d’avoir
compris que cela m’aurait servi à moi aussi : de ne pas « subir » cette
relation, mais de la nourrir et de la construire.
Vous voulez mesurer votre authenticité courageuse ? Voici quelques
comportements qui en témoignent dans le cadre du leadership32 :
Prendre des positions courageuses.
Mettre les sujets sensibles sur la table et affronter ouvertement les
difficultés relationnelles.
Communiquer de façon très authentique et être capable d’exprimer
directement ce que vous ressentez.
Ne pas craindre de fournir une rétroaction directe et ne pas fuir les
conflits lorsqu’ils sont nécessaires.
Intervenir lorsque les autres évitent d’aborder les questions
difficiles et importantes.
Admettre ses erreurs.

Avoir cette capacité exceptionnelle d’aborder les questions en temps réel.


Votre authenticité courageuse dépend de la pratique continue de certains des
comportements listés ci-dessous :
Vous dites franchement ce que vous pensez et ressentez.
Vous soulevez les questions que les autres hésitent à aborder.
Vous parlez directement des problèmes sans les minimiser.
Vous êtes courageux dans les réunions.
Vous gérez les conflits de manière authentique.
Vous offrez une rétroaction complète et directe à autrui.
Vous traitez les problèmes rapidement, directement et honnêtement.
Vous confrontez les collègues et les supérieurs quand il le faut.
Vous concluez des accords même quand ils sont difficiles à trouver.
Vous ne laissez pas les problèmes s’envenimer.
Vous êtes disposé à défendre une décision impopulaire.
Vous êtes disposé à admettre vos erreurs.
Vous assumez votre part dans certaines difficultés relationnelles.
Vous parlez directement, et ce, même sur des sujets pouvant être
controversés.

LE COURAGE OU LE CONFORT ?
« Il n’y a pas de moyen sécuritaire d’être extraordinaire. Et il n’y a pas de moyen
extraordinaire d’être en sécurité. La transformation demande du courage. Le courage
exige que nous nous engagions à quelque chose de plus grand que nos peurs,
quelque chose qui en vaut le risque. Cela exige également que nous connaissions
nos peurs et que nous séparions le risque réel de la peur que nous inventons lorsque
nous sommes soumis à nos illusions réactives. »
Extrait de Mastering Leadership par Bob Anderson et Bill Adams (Traduction libre)

À plusieurs reprises j’ai eu à faire un choix entre le courage et le confort.


Par exemple, à mon retour du Mali, lorsque je suis tombée enceinte de mon
fils, Oxfam Québec m’a offert un poste de rêve au sein duquel
j’accompagnerais des étudiants en coopération internationale dans leur
mission en Afrique. À ce moment de ma vie, le choix qui s’est imposé à
moi a été celui du confort. J’ai donc repris mon boulot de consultante, avec
le salaire très « confortable » qui l’accompagnait.
Deux ans et demi plus tard est née ma fille. Petit bébé prématuré, elle n’a
malheureusement pas hérité de la santé de son frère : asthme sévère et de
multiples allergies alimentaires. Ouf ! Je me disais alors que voyager avec
un enfant allergique au lait, aux arachides, aux noix, aux légumineuses, et
j’en passe, serait un vrai casse-tête. Devais-je renoncer à l’aventure ?
Encore une fois, j’avais un choix à faire entre le courage et le confort.
À ce moment-là c’est le courage que j’ai choisi. J’ai décidé d’avancer
« avec la peur ». Je me suis donc posé la question : Comment puis-je aller
de l’avant en établissant le cadre le plus sécuritaire possible pour ma fille ?
Car, évidemment, jamais je n’aurais compromis la sécurité de mon enfant.
J’ai donc choisi les endroits où les aliments auxquels elle était le plus
allergique ne faisaient pas partie de l’alimentation courante, traîné avec moi
des petits cartons traduits dans la langue du pays qui informaient les autres
de ses allergies, je ne tenais jamais un « oui madame, il n’y a pas de
danger » pour acquis et j’entrais moi-même dans les cuisines pour vérifier
avec quoi étaient faits les plats. J’avais en tout temps avec moi non pas
deux mais quatre ou cinq auto-injecteurs, je savais toujours où étaient les
hôpitaux et nous n’étions jamais à plus d’une heure d’un centre de santé.
Bref, mes enfants ont parcouru l’Amérique centrale en sac à dos et fait
plusieurs voyages avec moi, parce que j’ai choisi le courage plutôt que le
confort.
Attention cependant de ne pas confondre courage et témérité, car cette
dernière relève davantage d’un manque de prudence et d’actes irréfléchis
que de la décision consciente d’avancer main dans la main avec la peur. Il
n’y a donc pas de moyen sécuritaire de devenir un leader extraordinaire,
mais une chose est certaine : choisir le confort n’amènera jamais de résultat
hors du commun.
Vivre, agir, leader en étant complètement aligné avec sa raison d’être et en
pleine cohérence avec ses valeurs nécessite de trouver le courage de :
Faire des choix parfois impopulaires.
Avoir des dialogues difficiles.
Vivre en cohérence avec ce qui se passe à l’intérieur de nous au lieu
de réagir à des récompenses et des facteurs qui se trouvent à
l’extérieur de nous.
Connaître ses peurs et ses doutes et les surmonter.
Viser les résultats à long terme plutôt que les gains à court terme.

Être un grand leader signifie de prendre des risques chaque jour.


D’OSER aller à la rencontre de soi-même.
D’OSER reconnaître et honorer ses besoins.
D’OSER se mettre au cœur de ses choix.
D’OSER la liberté d’être et d’agir.
D’OSER accepter d’être là où je suis en ce moment.
Afin de ne pas se perdre.
Afin D’OSER être SOI.
Cela signifie aussi d’installer un filet de sécurité, pour soi et pour son
équipe. Ne l’oublions pas : un leader courageux n’est pas un leader
téméraire.

« Oser, c’est perdre pied momentanément.


Ne pas oser, c’est se perdre soi-même. »
Sören Kierkegaard

PASSAGE 2 :
JEU INTÉRIEUR DU LEADER PERFORMANT
› DU : contrôle
À : la saine performance

Injecter de l’humanité dans nos actions


Nous ne sommes ni invincibles ni tout-puissants comme leaders. Nos
équipes non plus. Oui, à travers le contrôle, nous pouvons créer de la
performance. Mais c’est à bien court terme et ce n’est pas durable.
Vouloir gagner.
Être le premier.
Grimper les échelons.
Avoir du pouvoir.
Avoir le contrôle sur tout.
Être puissant.
Multiplier les efforts sous la pression.
Micromanager.
Chercher sans cesse la perfection, des résultats sans failles…
Ce n’est ni du leadership durable ni de la performance durable.

Les leaders d’exception créent beaucoup de performance, mais jamais au


détriment des personnes. Ils le font plutôt de concert AVEC elles. Ils sont
des créateurs d’environnements sains où il fait bon vivre et où on se sent en
confiance. D’espaces où la sécurité psychologique est prioritaire. Oui, il est
important de bien faire, mais il est surtout important de faire du bien.
Lâchons prise sur le contrôle et la sur-exigence. Injectons plus de bonté, de
sensibilité et de compassion… dans nos actions !

« Les gens ne vous tendent pas la main


s’ils ne voient pas votre cœur. »
John C. Maxwell

La bonté
L’humanité : l’Homme est-il fondamentalement bon ?
L’humanité réfère au sentiment de bienveillance et de compassion que nous
ressentons envers autrui. C’est, à mon avis, le propre de la nature humaine
profonde et le fruit de notre essence véritable.
Est-ce que l’Homme est fondamentalement bon ? Cette question adressée
depuis des siècles par des philosophes, des psychiatres, des psychologues,
des gens de lettres et plus récemment par les neuroscientifiques est, encore
de nos jours, objet de débat. Si on se fie à l’état de notre société actuelle, les
guerres et attentats, la violence, le manque d’attention au bien commun, les
comportements d’exclusion et de discrimination, si on fait le tour des
médias sociaux qui nous montrent des propos polarisés, voire violents en
lien avec la crise récente de la COVID-19, il est normal de douter de cette
bonté fondamentale de l’humain. Cette question peut en faire réagir
plusieurs et même les provoquer fortement.
Jacques Lecomte, docteur en psychologie et auteur de La Bonté humaine,
défend cette thèse. « L’être humain a des potentialités pour la bonté comme
pour la cruauté. À côté de tendances potentiellement agressives (que je ne
cherche nullement à nier) sont présentes, et de manière plus importante
encore, des tendances à l’empathie, à l’altruisme, à la coopération. »
Contrairement à Thomas Hobbes, Jacques Lecomte33 ne croit pas que
« L’homme est un loup pour l’homme. »

« L’opposition binaire entre le bien et le mal est excessive. L’être


humain possède des potentialités pour les deux. Mais la potentialité à
la bonté et à l’empathie est plus importante que l’inverse. Des études
ont révélé que les bébés qui commencent juste à marcher, dès l’âge de 1
an, peuvent aider spontanément des adultes en difficulté pour ouvrir un
meuble. La neurobiologie montre qu’il existe des zones cérébrales de la
satisfaction et de la récompense qui sont activées lorsque l’on se
montre généreux.
Inversement, les zones du dégoût et de l’aversion le sont lorsque nous
sommes face à une injustice. Les neurones miroirs nous font ressentir la
douleur chez l’autre. Sur ce substrat viennent se greffer l’éducation, le
milieu, la culture. Dans les relations humaines, la violence n’est qu’une
attitude par défaut.
Si l’on examine la guerre, la thèse selon laquelle elle est spontanée
pour les hommes est battue en brèche. Il y a une véritable répugnance à
tuer chez l’humain et, s’il le fait, cela entraîne la plupart du temps de la
culpabilité. D’où l’utilisation du conditionnement, de l’entraînement,
de la drogue, de l’alcool, de la soumission à l’autorité pour obtenir la
violence.
Ce qui existe, c’est le goût de l’action et la recherche de sensations,
tendances souvent associées à la violence. On peut l’observer au
travers des jeux vidéo : si l’on propose à de jeunes accros des jeux
aussi actifs et pleins de sensations, mais non violents, leur satisfaction
est équivalente, voire supérieure.
Oui, le goût de la violence pure existe, mais elle ne concerne qu’un ou
deux pour cent de la population, chez les sociopathes. L’homme n’est
pas un loup pour l’homme. »

Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, répond lui aussi à cette


question Est-ce que l’homme est fondamentalement bon ? : « Oui, à
condition de venir au monde dans un milieu attentif à ses préoccupations
légitimes. À défaut, il peut le devenir… à condition d’être né avec un solide
sens de l’humour ! »
Nous pourrions débattre longuement sur la vision optimiste de la nature
humaine et pessimiste de la société de Rousseau qui disait que l’Homme
naît bon et que c’est la société qui le corrompt.
Je n’ai malheureusement pas la réponse à cette grande question
existentielle. Mais comme je n’ai nulle envie de tomber dans le pessimisme,
le cynisme ou le désenchantement, je choisis de croire que l’Homme porte
la bonté en lui, mais que parfois il perd, pour toutes sortes de raisons
(souffrance, trauma, peurs), son contact avec elle. De croire qu’aucun
humain n’a le désir de faire souffrir délibérément un autre être humain. La
question qui se pose plutôt pour moi et qui soutient toute mon approche
d’intervenante est : Si l’Homme a une propension pour la bonté, qu’est-ce
qui l’empêche d’être bon ?
Pourquoi est-ce difficile de plonger dans notre humanité ?
Comme j’ai consacré ma vie au développement des personnes, cette
croyance que l’Homme est fondamentalement bon me porte. J’ai envie,
voire besoin, d’y croire. Et telle est ma mission, comme intervenante et
comme leader : aider les humains à marcher sur le chemin de leur bonté et à
la retrouver s’ils l’ont momentanément perdue, en les accompagnant dans
leur voyage d’intériorité et de conscience. Les aider à se défaire des peurs,
des croyances et des conditionnements et à reconnaître leurs stratégies de
survie qui les empêchent d’avoir accès à cette bonté.
Ainsi, ils pourront passer de la survie à la vie…

Plus d’humanité dans nos organisations


C’est bien d’apprendre, de s’éduquer et de parfaire ses connaissances. Mais
face à l’humain, ce qui compte, ce n’est plus seulement ce que vous savez.
C’est ce que vous êtes. Et surtout, c’est comment vous faites sentir l’autre
par votre bonté et votre humanité. Comme l’a dit Maya Angelou : « Les
gens vont oublier ce que tu as dit, les gens vont oublier ce que tu as fait,
mais les gens n’oublieront jamais comment ils se sont sentis avec toi. »
En tant que leaders, nous devons nous adresser au cœur des employés, faire
preuve de présence et d’écoute profonde.

« Apprenez bien vos théories, mais mettez-les de côté


lorsque vous êtes face à l’humain. »
Carl Jung

Qu’on ait les idées les plus novatrices ou les stratégies les plus solides, au
bout du compte, ce sont les humains qui créent de la valeur et de la richesse
dans nos organisations. Vos plus grandes percées surviendront lorsque vous
les mettrez vraiment au cœur de vos activités. Lorsque vous oserez redéfinir
ce que veut dire être « réellement humain » au sein de votre organisation.

« Les percées les plus intéressantes du 21e siècle


ne se produiront pas à cause de la technologie,
mais à cause d’un concept élargi
de ce que signifie être humain. »
John Naisbitt

La sensibilité

LA MAISON D’HÔTES
« Cet être humain est une maison d’hôtes.
Chaque matin, une nouvelle arrivée.
Une joie, une dépression, une mesquinerie,
Un moment de pleine conscience arrive comme un visiteur inattendu.
Accueillez-les tous ! Même s’ils sont une foule de douleurs qui balayent violemment
votre maison et la vident de ses meubles.
Néanmoins, traitez chaque invité honorablement.
Il pourrait vous débarrasser et vous épurer pour de nouveaux délices.
Les pensées sombres, la honte, la malveillance,
Allez à leur rencontre, sur le pas de la porte, en riant et invitez-les à entrer.
Soyez reconnaissant de celui qui vient,
Parce que chacun a été envoyé Comme un guide venu d’ailleurs. »

Rumi

Ce magnifique poème de Rumi nous parle de nos émotions, ces visiteurs


qu’on se doit d’accueillir honorablement, puisqu’ils sont porteurs d’un
message important.
Nous sommes des êtres sensibles qui avons en nous cette capacité à sentir, à
ressentir, à éprouver des sentiments d’humanité, de compassion et de
tendresse. Pourtant, plusieurs d’entre nous ont plutôt appris à « endormir »
leurs émotions, à placer une barrière entre le chemin qui va de la tête au
cœur. Il y a eu une amputation de notre monde émotionnel. Par peur de la
fragilité, de la vulnérabilité et à cause de notre propension pour l’hyper-
contrôle, nous nous interdisons de ressentir.
Le monde du travail n’a pas arrangé les choses. Je me rappelle qu’on me
répétait que je devais garder mes émotions pour moi si je souhaitais gagner
en crédibilité. Comme c’était ce que j’avais fait toute ma vie, je dois vous
avouer que ce n’était pas un grand effort. J’étais un peu comme le fameux
biscuit « whippet » : une carapace bien dure, mais tendre à l’intérieur.
Évidemment, c’était un secret bien gardé ; personne ne devait le savoir…
C’est donc dans cet état d’engourdissement que je suis entrée sur le marché
du travail. Jusqu’à ce que mon âme me murmure à l’oreille de m’éveiller.
Et jusqu’à ce que je fasse la rencontre de ma maman biologique à l’âge de
23 ans. Nous nous étions donné rendez-vous dans le hall d’entrée d’un hôtel
dans la ville où elle habitait à 45 minutes de chez moi. C’était la toute
première fois que j’allais voir la femme qui m’avait mise au monde. Elle
était arrivée avant moi, elle surveillait les entrées et sorties et tentait de voir
si chaque jeune femme qu’elle croisait n’était pas moi. La dernière fois
qu’elle m’avait vue, j’avais six mois. Elle était alors venue me visiter à la
crèche, et les religieuses lui avaient annoncé que cette visite serait sa
dernière. Les enfants orphelins devenaient disponibles pour l’adoption à
l’âge de six mois et les liens étaient à ce moment coupés avec la mère
biologique pour des questions de confidentialité.
Je me suis avancée dans le hall d’entrée. J’avais quitté le travail dans la
voiture sport que je venais d’acquérir pour me diriger directement vers mon
rendez-vous : petit tailleur bien ajusté, chignon sur le dessus de la tête,
lunettes noires et talons hauts. J’incarnais l’image de la fille professionnelle
carriériste, prête à faire bonne impression. Mon état d’être était une
combinaison de ressentis : une curiosité (enfin j’allais en savoir davantage
sur mes racines), une anxiété (et si nous ne connections pas ? Et si elle me
rejetait de nouveau ?), une fermeté (j’ai quand même réussi à faire ma vie
sans toi !) et de la vigilance (il n’est pas question que je souffre de
nouveau).
Je l’ai vue s’avancer, petit bout de femme aux yeux rieurs et au sourire
chaleureux. Elle était habillée en jeans des pieds à la tête, avec une petite
cravate en cuir. Je me rappelle m’être dit : « Mais qu’est-ce que c’est que
cette petite cravate ? Cette mode est révolue depuis longtemps ! ? ! » Plus
tard, elle m’a appris qu’elle avait voulu se mettre sur son « 36 » pour moi.
Elle avait aussi voulu faire bonne impression. C’était un des moments les
plus importants de sa vie. Un des moments les plus importants de notre
vie !
Elle m’a dit : « Je t’ai reconnue lorsque j’ai vu tes yeux. Une fille est passée
avant toi. Elle avait des yeux durs, et j’ai eu peur que ce soit toi. Mais
quand je t’ai vue, avec tes grands yeux doux et sensibles, j’ai su que c’était
toi ! »
Moi, des yeux doux et sensibles ? C’était bien la première fois qu’on me
disait ça ! J’avais plutôt la réputation d’être distante et un peu difficile
d’approche.
Ça fait maintenant 30 ans que je connais cette femme, qu’on se raconte des
bribes de vie, nos souvenirs communs et qu’on refait le monde ensemble.
Ma mère biologique porte en elle une sagesse naturelle… et beaucoup de
sensibilité. Chaque fois que j’allais la visiter, au moment de mon départ (et
plus tard avec mes enfants), elle pleurait. Les départs l’ont toujours mise
tout à l’envers. Et si c’était la dernière fois que je la voyais ? Comme cette
dernière fois à la crèche. Chaque départ est, pour elle, un plongeon dans sa
blessure.
Ces larmes me surprenaient chaque fois. Moi qui étais la championne de la
rationalisation, je savais très bien que sa peur était irrationnelle. Mais mon
cœur a fini par s’ouvrir, et lors d’une de nos rencontres, j’ai pris conscience
que je portais en moi une partie de cette femme douce et sensible. Que
j’avais plus que de l’autonomie et de la force de caractère. Je portais aussi
intérieurement une partie sensible. Cela avait toujours été là en moi,
accessible mais endormi. Et cette fois-là, j’ai pleuré avec elle, remplie de
gratitude pour cette rencontre. Mon chemin de guérison s’amorçait,
amenant avec lui cette reconnexion à cette part de moi qui peut vivre des
émotions.
Je venais d’accepter de ressentir…
Je devais maintenant me concentrer sur deux choses : faire de la place à
l’intérieur de moi et accepter l’inconfort. Comme le dit Prévert : « Quand
on le laisse seul, le mental ment, monumentalement. » Et j’avais laissé mon
mental au volant de ma personne une bonne partie de ma vie.
Cela n’a pas été un voyage de tout repos. Il y a quelques années, je disais à
la blague à mon conjoint : « Il me semble que la vie était beaucoup plus
facile quand je n’avais pas d’émotions ! » C’est vrai que, lorsque nous
sommes engourdis, la traversée est moins houleuse. Mais ce qui m’est
apparu est que, lorsque nous endormons nos émotions, il est impossible de
ne taire que le « négatif ». Nous nous privons aussi de ce qui suscite en
nous la joie, l’espoir, la gratitude, la fierté… et l’amour. Et cela n’était plus
la vie que je souhaitais pour moi.
Lors de mon voyage d’affaires au Madagascar en 2021, mes clients m’ont
donné un nom local (c’est une coutume dans certaines parties de l’Afrique).
Mirasoa : qui resplendit de joie, de beauté et de bonté. Cette sensibilité que
je m’étais tant forcé à cacher toute ma vie, on la reconnaissait maintenant à
52 ans, sous forme de bonté. On voyait ma joie et ça créait de la beauté.
Quel cadeau !
De l’action sans sensibilité, c’est de l’autoritarisme. De la tête sans
sensibilité, c’est de la déshumanisation. C’est pourquoi il est si important
d’inclure la sensibilité dans notre vie et dans nos organisations.
« Si la vie n’est qu’un passage, sur ce passage,
au moins, semons des fleurs. »
Montaigne

L’amour
Il y a 25 ans, si vous m’aviez dit que je parlerais un jour d’amour en
entreprise, je ne vous aurais probablement pas cru. Pourtant, aujourd’hui, ce
mot a de plus en plus sa place. Pourquoi pas, d’ailleurs ? N’avons-nous pas
tous ce besoin d’être aimés ?
Lorsque je travaillais comme vice-présidente d’une firme de développement
du leadership, j’avais une équipe très vaillante et empreinte d’une grande
humanité. Avec le rachat de la compagnie par de nouveaux actionnaires
européens, il y avait plusieurs choses dont je n’avais malheureusement plus
le contrôle en tant que leader pancanadienne.
Nous vivions alors beaucoup de déceptions et d’adversités. Or, nous avions
l’habitude de nous dire : « L’amour gagnera toujours. » Peu importe
comment se déroulaient nos journées, nous étions là les uns pour les autres.
Si vous me demandiez quel était le secret de cette équipe de travail, je vous
répondrais assurément : l’amour. L’amour du métier, de nos clients ainsi
que de toutes les personnes significatives. C’est si simple et si grand à la
fois !

« Faisons tous les jours un petit geste d’amour


et nous changerons la face du monde. »
Maguy Lebrun

Faisons tous les jours un petit geste d’amour dans nos organisations et nous
changerons nos organisations.
Remplaçons un jugement par une pensée bienveillante et empathique.
Offrons du soutien au lieu de simplement critiquer.
Choisissons de ralentir et d’écouter réellement l’autre.
Petit à petit nous créerons ainsi des lieux où on se sentira en sécurité, où on
pourra être soi, où on valorisera l’humain dans son entièreté et où on sentira
que tous se préoccupent réellement et authentiquement des uns et des
autres.
Aimons nos employés : ils propageront cet amour à nos clients, à leur
famille ainsi qu’à tout le monde autour d’eux. Aimons nos clients : ils nous
aimeront en retour. Khalil Gibran a dit : « Le travail est l’amour rendu
visible. » Rendons l’amour visible dans nos organisations. Eh oui ! Amour
est un mot qu’on PEUT utiliser au travail !

› L’amour de soi pour s’habiter pleinement et s’honorer

« S’aimer soi-même, c’est le début d’une histoire


d’amour
qui durera toute une vie. »
Oscar Wilde

J’ai été très touchée lorsque j’ai visionné, il y a quelques années, un


reportage mettant en vedette des religieuses débordées, s’occupant de bébés
souvent nés de filles-mères. Elles nourrissaient l’espoir que les plus
chanceux d’entre eux se fassent adopter par une famille.
C’est scientifiquement prouvé : recevoir de l’amour, autant physiquement
qu’émotivement dans les premières semaines de notre vie est un besoin
fondamental. Certains bébés meurent de ce manque de caresse et de
tendresse.
Comme vous avez pu le lire plus haut, j’ai moi aussi été adoptée. Ma
maman biologique, une femme extraordinaire avec qui je vis maintenant
une relation remplie d’amour et de tendresse m’a jadis laissée dans une
crèche de la Ville de Québec. À cette époque, c’est comme ça que les
choses fonctionnaient.
Je ne peux donc m’empêcher de faire le lien avec mon histoire et cette
quête incessante d’amour dans ma vie d’adulte. Avec mes peurs aussi.
Notamment celle que les gens cessent de m’aimer si je ne suis pas parfaite
et à la hauteur.
Ce que certains enfants adoptés, dont je fais partie, comprennent de leur
environnement et de leur histoire, c’est : si ma mère ne m’a pas aimé assez
pour me garder, qui donc m’aimera ? Alors, j’ai tout fait pour obtenir cet
amour et cette sécurité. Je me suis mise à les rechercher constamment.
Heureusement, j’ai été adoptée par une famille qui a bien pris soin de moi et
qui a valorisé mes talents. Or, ces talents sont éventuellement devenus mes
principales stratégies pour obtenir de l’amour et me sentir valorisée.
Au début de la vingtaine, lorsque j’ai obtenu mon premier rôle de
gestionnaire, j’étais toujours aux prises avec ce besoin de me faire aimer.
Mais cela venait avec un piège : celui de croire que j’étais obligée d’être
sans failles pour qu’on m’aime et qu’on m’apprécie. Évidemment, je me
trompais.
Et c’est de cette constatation qu’est né mon désir d’un monde plus vrai, plus
humain. D’un monde d’ouverture, de nuances et d’amour. La petite fille en
moi avait et a encore tant besoin de vérité, d’authenticité, d’humanité,
d’ouverture et d’amour. N’en avons-nous pas tous besoin ? N’avons-nous
pas tous en nous cet enfant qui cherche à être aimé ? Malheureusement,
cette quête nous amène à laisser de côté certaines parties de nous-mêmes, à
nous dénaturer, à mettre en place des stratégies pour répondre à notre
environnement. À tomber dans le « faire » au lieu de simplement… « être ».
Et puis un jour on se rend compte qu’on s’est laissé tomber…

› S’aimer pour mieux leader


Lorsque nous sommes toujours à la quête de l’amour des autres, que nous
en sommes dépendants, nous « survivons ». Nous nous laissons mener par
nos peurs : d’être abandonnés, trahis, rejetés… Or, l’amour ne viendra
jamais en quantité suffisante pour assouvir notre soif tant qu’on ne se
l’offrira pas à soi-même.
Car c’est l’amour de soi qui nous permet de passer de la survie… à la vie. Il
nous donne le courage de dire non quand nous avons envie de dire non,
pour dire oui à autre chose qui nous est cher, de mettre notre propre masque
à oxygène avant de mettre celui de l’autre, de remplir notre propre vase
avant d’offrir des fleurs, de choisir de nous reposer lorsque nous en avons
besoin, de ne pas nous épuiser pour une tâche, un rôle, un job, de
reconnaître et de nourrir nos besoins.
S’offrir l’amour de soi, c’est s’honorer. Certains se demanderont quel est le
lien avec le leadership… Pourtant, c’est simple. Être un leader est un rôle
d’une grande exigence qui requiert que nous nous mettions au service de
bien plus grand que nous. Sans l’amour de soi, nous risquons de nous
épuiser à la tâche et de nous consumer petit à petit. Il nous permet de
prendre soin de nous, de nous affirmer et d’être alignés avec qui nous
sommes. L’amour de soi nous permet d’exercer un leadership… durable.

« Ce curieux paradoxe qui fait que c’est au moment


où je m’accepte tel que je suis que je deviens capable
de changer… nous ne saurions changer ni nous
écarter de ce que nous sommes tant que nous
n’acceptons pas profondément ce que nous sommes.
C’est alors que le changement se produit, presque à
notre insu. »
Carl Rogers

Je fais donc le choix de m’aimer, tout entière, avec mes joies, mes peines,
mes souffrances et mes fiertés, mes ombres et mes lumières.
Le don de soi et la générosité
Des options de plus en plus nombreuses sont disponibles pour de
l’accompagnement professionnel dans le monde des affaires : livres sur la
gestion et le leadership, conseillers et coachs en gestion et en leadership,
podcasts, webinaires, conférences, parcours de développement, et j’en
passe…
Le Dalaï-Lama n’est probablement pas la première personne vers qui vous
auriez l’élan de vous tourner pour recevoir des conseils de leadership.
Pourtant, ce célèbre chef spirituel a aidé de nombreux dirigeants de
gouvernements, d’entreprises et d’autres organisations. Il a observé
comment nos sociétés se sont développées et ont changé et il a offert au
Harvard Business Review sa vision des qualités qu’un leader devrait
cultiver au 21e siècle. Car les leaders, comme il le mentionne, « quel que
soit le domaine dans lequel ils travaillent, ont un impact fort sur la vie des
gens et sur la façon dont le monde se développe ».
Alors si nous demandions conseil au Dalaï-Lama quant aux qualités à
cultiver pour un leader, que nous répondrait-il ? D’abord, il prendrait
exemple sur les abeilles :

« Je considère que notre tendance à nous voir en termes de ‘nous’ et


‘eux’ provient de l’ignorance de notre interdépendance. En tant que
participants à la même économie mondiale, nous dépendons les uns des
autres, tandis que les changements climatiques et l’environnement
mondial nous affectent tous. De plus, en tant qu’êtres humains, nous
sommes physiquement, mentalement et émotionnellement les mêmes.
Regardez les abeilles. Elles n’ont pas de constitution, de police ou de
formation morale, mais elles travaillent ensemble pour survivre. Bien
qu’elles puissent parfois se chamailler, la colonie survit grâce à la
coopération. Les êtres humains, en revanche, ont des constitutions, des
systèmes juridiques complexes et des forces de police ; nous avons une
intelligence remarquable et une grande capacité d’amour et
d’affection. Pourtant, malgré nos nombreuses qualités extraordinaires,
nous semblons moins capables de coopérer.
Dans les organisations, les gens travaillent en étroite collaboration
chaque jour. Mais malgré le fait qu’ils travaillent ensemble, beaucoup
se sentent seuls et stressés. Même si nous sommes des animaux sociaux,
il y a un manque de responsabilité les uns envers les autres. Nous
devons nous demander ce qui ne va pas34. »

Ensuite, il nous dirait qu’une des qualités à cultiver, c’est d’avoir le cœur
généreux, de passer du « je » au « nous ».
Son disciple, le moine bouddhiste Matthieu Ricard, dans son ouvrage
Plaidoyer sur l’altruisme abonde dans le même sens. L’altruisme est la
pensée du 21e siècle : « C’est le fil d’Ariane qui relie le court terme de
l’économie, le moyen terme de la qualité de vie et le long terme de
l’environnement. Sans l’altruisme, il n’y a aucun système intellectuel
capable de prendre en compte les trois. Un économiste pur et dur vit au
jour le jour, sans penser à l’avenir. Mais s’il a une considération pour
autrui, il fera en sorte d’améliorer la qualité de vie des autres. S’il y a
davantage de considération pour autrui, détruire la planète est
inenvisageable. »
Lorsque je suis tombée sur cet extrait de son livre, je me suis dit que
Matthieu Ricard partageait avec nous un des fondements du leadership et de
la performance durable… La bonne nouvelle est que selon lui – et la
science – l’altruisme n’est pas seulement inné chez l’homme, il peut aussi
être développé. Il est donc à la portée de tous. Il suffit de mettre un
minimum d’effort pour raviver notre bonté et notre générosité.
De mon côté, j’ai toujours rêvé d’un monde plus humain, de service et de
générosité. Toute petite, je voulais devenir religieuse missionnaire. Ensuite,
médecin sans frontières. Mais il y a une chose que le temps et l’expérience
m’ont enseignée : la générosité débute par soi-même. Il faut d’abord s’offrir
à soi pour ensuite s’offrir à nos équipes, car un leader ne peut pas donner ce
qu’il n’a pas.
Il ne peut pas donner de sens s’il n’a pas de sens lui-même.
Il ne peut pas donner de la joie s’il ne la ressent pas.
Il ne peut pas générer de passion s’il ne se sent pas passionné.
Il ne peut pas offrir de l’amour s’il n’a pas le cœur empli d’amour.
Il n’y a pas de leadership sans générosité.

« La question la plus urgente et persistante de la vie


est :
Que faites-vous pour les autres ? »
Martin Luther King Jr

Choisir le bien commun


Devrait-on choisir la conscience sociale ou pas ? Dernièrement, la
pandémie de la Covid-19 a été un test social qui a fait ressortir les
différences de convictions et de valeurs que nous portons et incarnons en
tant qu’individus et collectivité. Pas étonnant que cette crise ait divisé, que
les couples aient éclaté et que des conversations torrides aient pris place sur
les réseaux sociaux.
Pour ne pas se décentrer de soi-même lorsqu’on est confronté à l’inconfort,
au stress et à la peur, il faut être intrinsèquement porté par un sens profond,
une conviction qui surpasse la peur et le besoin individuel à court terme
individuel. C’est en demeurant connectés à nous-mêmes que notre
propension à l’altruisme et à l’empathie peut se manifester.
Il est facile de tomber dans le jugement, l’incompréhension, la colère, les
dualités et d’embarquer dans une guerre des clans. Mais peu importe le
« clan » dans lequel on est, ce n’est pas en se divisant qu’on arrivera à
changer des comportements. C’est en ouvrant les dialogues, une
conversation à la fois. Avec patience, humilité, amour, bienveillance et
curiosité.

« Les bons leaders prennent soin d’eux-mêmes, de


leurs familles et pour certains de leur communauté.
Les grands leaders – et les grandes entreprises – font
cela mais font plus que cela.
Ils souhaitent également changer le monde.
Ils veulent laisser le monde mieux qu’ils ne l’ont
trouvé. »
Leading with soul, Lee G. Bolman et Terrence E. Deal35

À mon avis, le bonheur ne s’atteint pas seul. Il consiste à trouver ce que


nous avons de plus beau en nous et à l’offrir à d’autres. Car c’est en
contribuant au bien commun que notre existence prend tout son sens et que
nous touchons enfin au fameux bonheur.

La compassion
Ce dont nos organisations (et le monde) ont réellement besoin, c’est de
compassion.
L’empathie, ressentir ce que ressent l’autre, c’est bien.
La bienveillance, veiller au bien de l’autre, souhaiter son bonheur, c’est
bien aussi.
Mais la compassion, vouloir délivrer l’autre de sa douleur et de sa
souffrance, c’est mieux.
Voici le type de questionnement qui émerge de la compassion : « Qu’est-ce
que je vais faire à ce sujet ? Comment vais-je participer à soulager les
autres de leurs souffrances ? Comment puis-je aider, tendre la main,
soutenir ? »
La compassion, c’est la bonté en action. C’est reconnaître la souffrance de
l’autre et trouver en soi la volonté d’agir pour la soulager. C’est soutenir la
guérison et le bien-être de l’autre. Et c’est sans contredit le remède à nos
maux, à nos blessures, à nos chagrins et à nos déceptions.
Évidemment, il est facile de ressentir de la compassion envers ceux qu’on
aime. Mais avec ceux qui nous dérangent, qui n’agissent pas comme nous le
souhaitons ou qui nous agacent, c’est plus ardu : l’employé qui n’est pas
assez performant à notre goût, celui ou celle qui confronte sans cesse nos
opinions, le chialeux, le casseux de party, le patron trop exigeant ou qui
microgère, le collègue qui prend toute la place, qui n’a pas de sensibilité, le
« Ti-Joe Connaissant ».
Parfois aussi, des obstacles viennent entraver notre capacité à faire preuve
de compassion. Nous pouvons, par exemple, porter des jugements sur la
nature de la souffrance d’une personne. Ou encore ressentir de la rancune
envers une autre. Mais n’oublions pas que ceux qui nous « dérangent » sont
aussi humains. Et ils peuvent nous apprendre beaucoup si nous prenons le
temps de connecter avec eux et de les accueillir. Même quand c’est difficile
de les voir avec le cœur.
Alors, pourquoi ne pas plutôt voir l’autre comme un humain en évolution ?
Comme quelqu’un qui a aussi ses défis, ses souffrances, son histoire ? Nous
pourrions ainsi entrevoir la beauté en lui. Et c’est de cette façon que nous
arriverons à passer d’un monde de compétition et de performance à tout
prix à un monde de dialogue, de nuances, d’ouverture et de tolérance. Nous
marchons tous sur notre propre chemin, mais nous faisons tous le même
voyage.
Voici quelques trucs simples pour incorporer la compassion de manière
concrète dans nos organisations :
Prendre un moment informel, une pause avec quelqu’un.
S’interroger sur le bien-être de cette personne. Lui demander
comment elle va VRAIMENT et écouter sa réponse.
Prendre le temps de créer une connexion avec les autres… Faire en
sorte que les gens qu’on croise se sentent inclus, respectés, vus,
considérés.
Laisser le temps aux nouveaux employés de créer des liens à leur
rythme, de s’immerger dans leurs nouveaux projets, de prendre soin
d’eux.
Laisser du temps aux équipes pour se reposer et célébrer.
Se demander régulièrement : Qu’est-ce qui importe le plus, ici et
maintenant ?
Inclure de la compassion dans nos gestes, nos actions, nos paroles.

Nous avons tous des choses difficiles à faire comme leaders, des décisions
courageuses à prendre, mais nous pouvons choisir consciemment d’y
injecter de la compassion.

› Nous sommes tous coresponsables


C’est en pratiquant nous-mêmes la compassion que nous montrons à l’autre
comment accéder à son authenticité, comment dialoguer, et que nous lui
enseignons les bons mots pour se connecter à ses émotions et à ses besoins.
Je nous invite donc à être des acteurs positifs dans nos organisations, des
porteurs de changements et surtout à ne pas nourrir les systèmes qui causent
des souffrances.
La compassion peut être incorporée dans chaque journée de travail par des
actions simples de bonté et de bienveillance. Notamment en laissant du
temps à nos équipes pour se reposer et célébrer leurs succès ou leurs bons
coups. En faisant en sorte que les gens se sentent inclus, respectés, vus,
considérés.
Passons des mots à l’action. Ensemble, créons des milieux de travail sains,
sécuritaires, où il fait bon vivre. Osons imaginer comment faire les choses
autrement, avec compassion. Créons des espaces où, au lieu d’utiliser nos
humains pour engendrer des résultats, nous partions d’eux pour les placer
au cœur de nos systèmes.

SAWUBONA, LE BEAU SALUT D’UNE TRIBU AFRICAINE36


Parmi les tribus du Natal, en Afrique du Sud, le salut le plus commun est sawubona.
Littéralement, cela signifie « je te vois, tu es important pour moi et je t’estime
beaucoup ». Il s’agit d’une façon de mettre l’autre en avant. De l’accepter tel qu’il est,
avec ses qualités, ses nuances et même ses défauts. En réponse à ce salut, les
personnes disent habituellement « shikoba », j’existe donc pour toi.
Aussi curieux que cela puisse paraître, le terme sawubona a acquis une
transcendance dans les années 90. Tout cela grâce à un livre d’ingénierie et
d’organisations intelligentes. Dans La cinquième discipline dans la pratique, Peter
Senge, un professeur de l’Université de Stanford, parlait des Zoulous. Il soulignait
leur magnifique façon d’interagir et de gérer les problèmes entre eux. Ce ne fut pas
un hasard si ces peuples sont devenus l’une des civilisations les plus puissantes du
continent africain.
Le peuple zoulou promeut la nécessité de voir l’autre de manière consciente et
posée. Il recherchait cet instant qui permettait de maintenir un contact visuel
tranquille. Un contact plein de sentiments et d’écoute. Qui laissait étreindre l’âme de
l’autre, même si celle-ci était pleine de recoins obscurs. Ou même si elle abritait des
blessures et des actes qui exigeaient un quelconque genre de réparation de la part
de la communauté.
Sawubona est ce mot qui permet de transmettre notre confiance à l’autre. De lui faire
comprendre que notre attention est focalisée sur lui. De lui faire parvenir notre désir
authentique de le comprendre. De voir ses besoins, ses désirs, ses peurs, ses
tristesses, ses beautés et ses qualités. Car… qui n’aimerait pas être vu de cette
façon ? Peu de choses sont aussi enrichissantes que le fait de mettre l’autre en
valeur. De lui offrir de l’espace, une présence, une importance dans notre cœur, dans
le groupe, le foyer, la communauté ou l’organisation.
Quand une personne de la communauté zouloue commettait un acte peu adéquat,
une erreur ou une offense, on requérait sa présence au centre du village. Ses voisins,
ses amis et sa famille formaient un cercle. La personne en question devait se placer
au milieu. Après cela, les gens s’adressaient à elle avec le salut sawubona, avec la
fameuse révérence. Ensuite, ils lui rappelaient ses bonnes actions, ses qualités, ses
réussites du passé et toutes ses vertus.
Pour le peuple de Natal et la communauté zouloue, tout comme pour Rousseau,
aucun homme ne naît mauvais. Parfois, des crises et des déséquilibres nous
éloignent juste de ce centre de bonté naturelle. Le but de ces réunions était de
rappeler à la personne le chemin de retour à la noblesse. Les gens devaient lui
montrer l’importance de sa présence pour le reste de la communauté. L’objectif était
de la mettre en avant pour qu’elle reprenne le chemin du bien, de l’harmonie et de la
joie.
Ainsi, chaque fois qu’un membre de la communauté s’adressait à elle avec le mot
sawubona, la personne devait répondre « shikoba ». Cette expression produisait du
soulagement et du bonheur. Celui qui, au début, avait pu se sentir éloigné du groupe
en raison de ses actions avait maintenant l’occasion de le réintégrer. On lui concédait
un espace, une proximité, une importance. C’était le moment de tout recommencer.
Les Zoulous maintiennent l’idée selon laquelle les êtres humains n’existent que si les
autres les voient et les acceptent. C’est la communauté qui fait la personne. Par
conséquent, rien ne peut être plus satisfaisant que le fait d’être pardonné après une
erreur. D’abandonner cet espace de solitude qu’on occupe après une erreur pour
retourner vers sa communauté. D’entrer en communion avec le groupe en se sentant
aimé et accepté.
Tirons donc des leçons de cette tribu africaine. Apprenons à « voir », à prêter
attention aux autres tel que l’énonce le salut sawubona : je te vois, je t’accepte tel que
tu es. Soyons capables de percevoir des besoins. De pardonner des erreurs. De
favoriser la cohésion entre les personnes.
« Sawubona : toute mon attention est concentrée sur toi. Je te vois. Cela me permet
de découvrir tes besoins, d’entrevoir tes peurs, d’approfondir tes erreurs et de les
accepter.
Je t’accepte tel que tu es et tu fais partie de moi. »

Semons de la compassion. Une somme de petits gestes quotidiens, ça


change le monde !

« Éduquer l’esprit sans éduquer le cœur


revient à n’avoir aucune éducation du tout. »
Aristote

La fierté et l’autocompassion
Je suis une introvertie. J’ai développé de bonnes habiletés sociales, certes,
mais à la base je suis introvertie. J’ai besoin d’une bonne grosse dose de
moments à moi pour me recharger. Monter sur une scène devant des
centaines de personnes est à la fois exaltant car j’aime les défis, mais c’est
anxiogène pour moi.
Si je ne suis pas assez préparée à mon goût (j’ai travaillé beaucoup là-
dessus mais « à mon goût » c’est beaucoup de préparation !), si je ne me
sens pas en forme physique, mentale et émotionnelle, mon niveau de stress
augmente.
Il y a quelques années, je devais donner une conférence à un événement du
journal Les Affaires, mais j’étais très fatiguée ce jour-là. Et pour compliquer
le tout, quand je suis arrivée en coulisse, rien ne roulait comme sur des
roulettes. L’organisatrice était nouvellement en fonction et peu outillée, il y
avait des retards sur l’horaire et des problèmes techniques qui
m’empêchaient de voir les diapositives de ma présentation sur l’écran.
Je suis quand même montée sur scène devant les 250 personnes présentes
qui (selon ma perception) semblaient froides, sérieuses et désintéressées.
J’ai fait mon introduction, que je croyais être amusante et… rien, « nada »,
aucune réaction. Tout le monde est demeuré de glace. Je l’avoue, j’ai figé.
Je n’avais pas réussi à créer une connexion avec l’auditoire et,
intérieurement, je paniquais.
Mon histoire de vie m’avait amenée à me forger une vision idéaliste de qui
je devais être. J’avais appris jeune qu’il ne fallait en aucun temps ternir
l’image de la perfection. Que « faire de son mieux », ce n’était pas assez.
Qu’il fallait faire honneur. Alors, inévitablement, mes pensées se sont
emballées et je me suis demandé ce que les autres allaient dire de ma
performance.
J’ai terminé ma conférence et je me suis rapidement éclipsée pour ne pas
avoir à participer au dîner qui rassemblait les autres conférenciers, les
participants et les organisateurs. Je tremblais de honte.
Mais qu’est-ce que la honte au juste ? On la ressent, évidemment, mais on
en connaît peu les caractéristiques précises. D’où vient-elle ? Dans quel
contexte apparaît-elle ?
D’abord il est important de faire la différence entre la culpabilité et la
honte :
La culpabilité, c’est : J’ai fait quelque chose de mauvais.
La honte, c’est : Je suis mauvais.
La culpabilité est inconfortable mais elle peut être positive. Elle nous
indique que nous avons fait quelque chose d’immoral ou qui n’est pas en
lien avec nos valeurs. Elle peut donc nous aider à nous améliorer et à
grandir.
Le problème avec la honte, c’est que la plupart du temps elle n’est pas
accompagnée de compassion, elle est destructrice. Elle s’attaque à la partie
de nous qui croit que nous ne sommes pas en mesure de changer, de devenir
meilleurs.
Je me suis inspirée des travaux de Brené Brown pour vous éclairer sur ce
qu’est réellement la honte. Voici ce qu’elle dit dans son livre Dare to lead :

1. Nous vivons tous de la honte. La honte est universelle et elle


est une des émotions les plus primitives que nous
expérimentons comme humains. Les seules personnes qui ne
peuvent pas la ressentir sont celles qui n’ont pas la capacité
à être empathiques ou à avoir des connexions humaines (ce
sont ces gens qu’on appelle les sociopathes).
2. Nous avons tous peur de parler de la honte. Le mot en lui-
même est inconfortable.
3. Moins nous parlons de la honte, plus elle a du contrôle sur
notre vie. La honte est la peur de la déconnexion. À la base,
nous sommes programmés physiquement, émotionnellement,
mentalement et spirituellement pour la connexion, la joie et
l’appartenance. C’est notre raison d’être, ici sur cette terre.
La connexion, la joie et l’appartenance donnent un sens à
notre existence. La honte est donc le reflet de notre peur de
perdre cette précieuse connexion. La peur d’avoir fait ou de
ne pas avoir fait quelque chose, de ne pas avoir répondu aux
attentes des autres lorsqu’on a livré nos services… Tout ça
contribue à amplifier notre sentiment de n’être pas dignes de
connexion. (Traduction libre)

« La honte est le sentiment ou l’expérience


extrêmement douloureuse de croire que nous sommes
inadéquats et donc indignes d’amour, d’appartenance
et de connexion. »
Brené Brown (Traduction libre)

La honte prend deux formes :


jamais assez bon ;
pour qui te prends-tu ?

Les recherches en neurosciences démontrent que la douleur et le sentiment


de rejet infligés par la honte sont aussi réels que la douleur physique. Alors
quand la honte survient, nous nous cachons sous notre armure pour ne pas
nous sentir blâmés, rabaissés, ignorés, rejetés. Nous nous rapetissons, nous
nous conformons, nous nous complaisons, nous nous protégeons et nous
nous déconnectons de nos émotions. Ou bien nous attaquons et nous tentons
de retrouver un certain contrôle – illusoire – sur quelque chose. C’est une
place de grande vulnérabilité.
Lors de cette conférence, ma réaction face à la honte a été la fuite physique
et émotionnelle. Quand je suis arrivée à la maison, mon conjoint m’a
demandé comment la conférence s’était passée. Ma réponse ? « Échec
total ! » Mon conjoint, homme d’une grande douceur et toujours sensible, a
une histoire et des croyances très différentes des miennes. Ce qui peut être
challengeant mais réconfortant à la fois. « Échec total ? Ça me surprend. Je
suis convaincu que tu as été toute là, entièrement. Et que, fidèle à toi-même,
tu as tout offert et tout donné du mieux que tu as pu. »
Faire du mieux que j’ai pu ! Je n’étais pas du genre à croire que « faire du
mieux qu’on peut » c’était… assez ! Pendant des semaines, j’ai ruminé cela.
Il fallait que j’évite à tout prix de croiser certaines personnes que je
connaissais et qui étaient présentes cette journée-là. Je me disais même (et
je me croyais sincèrement !) que je ne remettrais plus jamais les pieds sur
une scène. Je n’étais pas assez douée, alors c’était bien mieux comme ça.
D’ailleurs, pour qui je m’étais prise pour avoir eu le culot d’aller parler
devant 250 personnes ? La peur avait pris le dessus sur le sens. C’est ça, la
honte. Ça freine, ça rapetisse, ça fait mal, ça détruit. Et ça nous déconnecte
d’avec notre mission et le désir de servir.
Cela m’attriste de penser qu’à cause de cette sur-exigence envers moi-
même j’aurais pu mettre fin à cette belle et grande mission de contaminer le
monde avec le leadership humain et conscient. Heureusement, au final, le
sens et l’amour ont été plus forts. Le sens et l’amour l’emportent toujours
sur la peur et le contrôle… Enfin, j’aime y croire !
Le meilleur outil pour contrer la honte est la conscience. Elle ne nous
empêche pas de tomber dans nos réactions et nos drames mentaux, mais elle
nous permet de nous voir aller, de rester dans nos réactions moins
longtemps, de nous intercepter pour faire un choix différent.
Je savais, après ma conférence, que j’étais tombée dans mon piège de la
performance et de la perfection, mais je savais aussi ce que je devais faire
pour en sortir. Je devais m’éloigner de mes perceptions. L’histoire que je
m’étais créée n’était ni bienveillante ni constructive. Alors, j’ai pris mon
courage à deux mains et je suis allée valider ma perception auprès d’une
personne de confiance qui était présente à la conférence. Elle m’a
généreusement offert une rétroaction non complaisante mais bienveillante.
Cela a été une autre leçon d’autocompassion pour moi. Une autre leçon
pour m’apprendre à m’offrir de la fierté et à accepter cette part de moi qui
me procure de la honte. Parce qu’elle fait partie de moi. Cela a été une
invitation à mettre mes « erreurs » au service d’un sens plutôt que de la
honte. À me rencontrer dans mon humanité.

› Accepter d’être imparfait


Être authentique, c’est être imparfait. Mais c’est aussi être en paix avec ses
imperfections.
Les grands leaders ne sont pas les plus forts ; ce sont ceux qui sont honnêtes
quant à leurs faiblesses.
Les grands leaders ne sont pas les plus intelligents ; ce sont eux qui
reconnaissent combien ils ne savent pas.
Les grands leaders ne peuvent pas tout faire ; ils se tournent vers les autres
pour les aider.
Les grands leaders ne se considèrent pas grands ; ils se considèrent
humains.

« Les grands leaders n’essaient pas d’être parfaits,


ils essaient d’être eux-mêmes…
et c’est ce qui les rend formidables. »
Simon Sinek (Traduction libre)

L’humilité

« Les lacs et les mers les plus puissants et majestueux sont toujours
aux endroits les plus bas de la terre. En étant bas, ils acceptent tout
ce qui leur vient des lieux supérieurs et s’enrichissent ainsi.
Un leader avec une vraie humilité, qui ne craint pas de paraître
bas, n’a pas besoin de se positionner haut. Lui aussi accepte tout
ce qui lui parvient et en perçoit la valeur.
Un leader modeste peut suivre la direction de ses équipes et
discerner sa valeur. Puis, lorsqu’il dirige ses équipes, sa direction
est en harmonie avec la leur. Appréciant les besoins de chaque
personne, il sent rarement qu’on souhaite lui faire obstacle
intentionnellement. »
The Tao at work (Traduction libre)

Méfiez-vous des gens qui ont réponses à tout, car la voie de la sagesse est
celle de l’humilité. Les grands sages doutent et se remettent constamment
en question. Ils écoutent et posent des questions plus qu’ils ne parlent. Ils
sont capables de reconnaître le chemin parcouru, et de voir l’ampleur du
chemin de conscience qui leur reste à faire. Ils adoptent une posture
d’éternel apprenant, de curiosité et d’humanité.
Dans toute expérience, ils choisissent l’écho (ce qui résonne en eux) plutôt
que l’ego. Ils acceptent que, bien que nous vivions souvent des voyages
différents, nous soyons tous sur un chemin d’évolution de conscience.
Un leader doit être humble. Un leader doit servir et apprendre à suivre
lorsque nécessaire, car son rôle n’est pas de briller, c’est de faire briller les
autres. Comme l’a dit Patrice Desbiens : « À quoi ça sert d’être brillant si tu
n’éclaires personne ? »
Le leader humble fait confiance, écoute et recherche le point de vue de
l’autre, car il sait tirer le maximum de chacun de ses contributeurs. Il est
conscient de ses forces et de ses zones de développement. Il sait admettre
ses erreurs et faire de la place à celui qui est plus compétent que lui-même.
Surtout, ne vous méprenez pas ! L’humilité, ce n’est pas de se minimiser ou
de s’effacer. Ce n’est pas non plus de s’accorder moins de valeur qu’aux
autres. C’est tout simplement de laisser la place à l’autre, de le voir
réellement et d’y être sensible. Être humble n’est pas signe de faiblesse. Au
contraire, c’est un signe de force et de courage.

« Méfiez-vous des leaders qui brillent trop.


Ils peuvent éblouir pendant un moment,
mais lorsque leurs brillants s’estompent,
ceux qui n’ont pas éclairé leurs propres chemins
seront laissés dans l’obscurité. »
Stanley M. Herman (Traduction libre)

PASSAGE 3 :
JEU INTÉRIEUR DU LEADER EXPERT
› DE : la protection émotionnelle
À : l’ouverture à soi et à l’autre, l’authenticité et la vulnérabilité

Inspirer à l’action en leadant par qui je suis


Être un leader est exigeant. Bien sûr, c’est gratifiant et nourrissant, mais
c’est loin d’être facile tous les jours.
Le leader doit avoir un impact positif sur les autres, être inspirant, se
préoccuper de leur bien-être et créer un sentiment de sécurité. Il doit à la
fois être structuré, ferme et rigoureux ainsi qu’à l’écoute, humain et
bienveillant. Il fait aussi face à des enjeux de plus en plus complexes et à
des paradoxes de plus en plus ambigus.
En dansant quotidiennement de défi en défi, de problème en problème, il se
fait remarquer et on lui en demande toujours davantage. Plus il grimpe les
échelons, plus on lui donne des défis et des problèmes à régler. On lui
suggère de se développer, d’évoluer, autant comme professionnel que
comme humain.
Ce n’est donc pas surprenant que cette quête du bon leader mène à porter un
masque : celui du « boss ». Mais faire semblant a un impact sur lui et son
équilibre de vie, car à force de vouloir trop en faire ou de trop bien faire, il
oublie d’ÊTRE.

Un appel à être soi


Pour remplir notre rôle de leader de façon durable, la joie et la fluidité
doivent nous habiter quotidiennement, et c’est possible uniquement si nous
agissons à partir de ce que nous sommes. Ainsi, de grandes choses se
produiront autour de nous.
Lorsqu’un dirigeant a l’humilité de travailler sur ses propres enjeux et de
relever des défis, il aide les autres à grandir. En étant un modèle pour les
autres, il encourage l’émergence de nouveaux leaders dans son entourage.
Trop souvent, on pense qu’on transmet ce qu’on sait ou ce qu’on fait mais,
en réalité, on transmet ce qu’on est. C’est la même chose pour le leadership.
On croit qu’on dirige à partir de ce qu’on sait et de ce qu’on fait, mais notre
impact de leader provient d’abord et avant tout de ce qu’on est.
Être un « bon » leader, ce n’est pas être parfait. C’est être soi et irradier
autour de nous à partir de qui nous sommes. C’est ce que j’appelle : leader
tel que je suis.

Le vrai leader – Le leader vrai


Lors de ma mission humanitaire, voyant tous les efforts que je devais faire
pour être reconnue comme leader de mon projet, un des chefs de village me
dit : « Quelle que soit la durée d’un arbre dans l’eau, il ne deviendra jamais
poisson. »
Je n’ai saisi la profondeur de ses paroles que quelques années plus tard
lorsque le terme « authenticité » a commencé à faire de plus en plus partie
des conversations professionnelles. En fait, ce qu’il me disait, c’était tout
simplement : sois toi-même. Sois authentique. Mais qu’est-ce que cela veut
réellement dire ?
Pendant des décennies, nous avons tenté de décortiquer ce qu’était un
« bon » leadership et de modéliser ce qu’était un leader efficace. Mais
malgré les nombreuses études réalisées, il se trouve qu’il est extrêmement
difficile de définir précisément ce qu’est un bon leader. Et ceux qui tentent
d’imiter des modèles préfaits rencontrent éventuellement des limitations.
Nous en avons donc conclu que le leader devait mettre de l’avant son
principal outil : lui-même. Qu’il devait diriger à partir de qui il est. Parce
qu’être soi goûte bon. Nous l’avons tous expérimenté à un moment ou à un
autre : ce sentiment d’être en parfait alignement et en totale cohérence avec
nos valeurs, nos besoins et notre vraie nature.
Pourtant, selon les récentes études en développement de la personne,
seulement 35 % parmi les leaders possèdent le degré de conscience
nécessaire à une vie authentique et 65 % des dirigeants opèrent à partir d’un
mode de fonctionnement qui est réactif. C’est-à-dire qu’ils leadent à partir
de leur ego, de leurs peurs, de facteurs extérieurs à eux et de leurs
conditionnements et non pas à partir de ce qu’ils sont réellement.
Nous engager dans une démarche de développement du leadership
authentique nécessite une grande curiosité, un désir d’être un éternel
apprenant et la capacité d’en faire une pratique quotidienne, car
l’authenticité n’est pas un état, c’est une pratique. Elle s’exprime à travers
chacun de nos choix. Alors pourquoi est-ce si difficile de vivre et de leader
de façon authentique ?

« Devenir un leader est synonyme de devenir soi-


même.
C’est précisément aussi simple et aussi difficile que
cela…
Tout d’abord, découvrez ce que vous êtes et soyez
cela. »
Warren Bennis
Un chemin unique vers notre authenticité
Prenons en exemple deux clients que j’ai accompagnés. Ils recevaient tous
les deux des rétroactions semblables de leurs collègues et de leur supérieur :
ils évitaient d’avoir de vraies conversations courageuses, celles qui les
auraient menés à des résolutions productives de conflits.
Le premier de ces clients avait créé, à cause de son histoire de vie et afin de
s’adapter aux demandes de son environnement, des stratégies réactives de
conformité. Ses peurs du conflit, de déplaire et de ne pas faire partie d’un
groupe l’empêchaient de trancher lorsque nécessaire, de donner son opinion
et de prendre des décisions dans un délai raisonnable. Son enjeu de fond
devenait donc : développer sa capacité d’affirmation tout en conservant les
liens qui lui étaient si précieux.
Le second client, quant à lui, s’était fait dire toute sa vie qu’il était trop
tranchant, qu’il avait une énergie trop intense et que son opposition
constante était désagréable. Pour s’adapter, il marchait constamment sur des
œufs, demeurait à l’écart des conflits et se retenait d’exprimer des avis
controversés. Son enjeu de fond devenait : développer sa sensibilité à
l’autre afin de pouvoir s’affirmer tout en respectant les autres… et lui-
même.
Même comportement observable, différentes dynamiques humaines. Et
c’est là le réel enjeu. Si nous nous arrêtons au comportement observable du
leader, il sera impossible pour lui de créer des changements durables. Il aura
la sensation de se dénaturer, car on lui demandera de changer un
comportement qui est devenu pour lui un réflexe naturel.
C’est comme le fait d’apporter sa voiture au garage lorsqu’on entend un
bruit inhabituel et de ne pas ouvrir le capot afin d’aller voir ce qui se passe
dans sa mécanique. Pour l’humain, vivre et leader de façon authentique,
cela nécessite d’avoir des vraies conversations avec lui-même, d’aller
revisiter son histoire et ses stratégies et d’explorer ses dynamiques afin de
trouver son chemin unique vers son plein pouvoir personnel.
Chaque leader est avant tout un humain, chaque humain est unique, et notre
voyage vers notre authenticité l’est aussi.

ÊTRE EST « ASSEZ »


Je me rappelle très bien le moment où j’ai pris conscience que j’en faisais toujours
beaucoup trop dans le but d’être appréciée, reconnue et vue. Ce désir de FAIRE
beaucoup, FAIRE plus, FAIRE parfaitement devenait bien lourd à porter.
Et ce moment où j’ai constaté que je pouvais simplement ÊTRE. Être qui j’étais en
me sentant tout autant appréciée, reconnue et vue. Tout un paradoxe ! Je prenais
conscience que plus j’étais moi-même, plus mes liens étaient forts et mes relations
vraies, et que plus je me sentais appréciée.
Cela a été une révélation. Je n’avais pas à forcer constamment. J’étais assez.
Comme l’a dit Arthur Schopenhauer : « Ce qu’on a ou ce qu’on représente importe
beaucoup moins que ce qu’on est. »
ÊTRE davantage, c’est moins d’avoir, moins de faire, moins d’image. Si nous avons
l’impression d’être ce que nous avons, faisons, ou l’image que nous dégageons, nous
ne SOMMES pas.
Vivre une vie et un leadership authentiques est un choix conscient qui nous demande
d’oser nous libérer du regard des autres et de transcender nos peurs : celle de ne pas
être aimés, appréciés, ou celles du conflit, d’être rejetés, de se montrer vulnérables
ou de perdre le contrôle.
Dr Wayne Dyer nous a offert une phrase puissante en ce sens : « You are a human
BE-ing. Not a human DO-ing. » Nous ne sommes pas des « faire humains » mais des
« êtres humains. »

Les images et les masques

« Ma conviction est que, pour réussir,


il faut projeter en permanence l’image du succès. »
Buddy Kane, le « Roi de l’immobilier »
dans le film American Beauty
Pour toutes sortes de raisons, nous portons souvent un masque. Masque
social, masque du bonheur, masque du bien-être, masque de performance,
masque de contrôle, masque de conformité, masque de perfection… Et nous
le portons parfois depuis si longtemps que nous ne savons même plus à quoi
ressemble notre vrai visage. Nous sommes déconnectés de notre beauté
intérieure. Nous avons perdu accès à notre âme, à notre histoire. Nous ne
sommes donc plus libres.
L’image, c’est la personne que j’ai appris à habiter. Nous nous identifions à
notre rôle et à la place que nous avons dans l’organisation. Nos titres et nos
grades soutiennent cette identification à notre rôle.
Ouvriers versus ingénieurs. Patrons versus employés. Nous intériorisons les
comportements qui sont attendus des gens de notre rôle dans notre secteur
professionnel.
Il faut avoir en permanence la « tête de l’emploi » : être occupés mais
calmes, compétents ET maîtres de la situation. Vous rappelez-vous l’époque
où nous entendions : « La job, c’est la job ! La vie personnelle doit rester à
la porte ! » ? Nous avons fait de nos organisations des lieux où la rationalité
est une valeur dominante : les émotions, les doutes et les rêves doivent
rester derrière le masque afin de ne pas nous rendre vulnérables.
Alors nous arrivions au bureau le matin, enfilions notre costume de
superhéros et nous déguisions en gestionnaire. Un gestionnaire infaillible,
toujours calme et à la hauteur de toute situation qui se présente. Une
personne capable de grandes prouesses pour faire plus avec moins, comme
son organisation le lui demande. Quelqu’un pour qui la famille ne constitue
pas un obstacle à sa productivité et dont la santé ne devrait jamais entraver
son excellence (exigée en tout temps, d’ailleurs).
Toute la journée, ce gestionnaire résout des tonnes de problèmes, relève des
défis toujours plus importants. Il est vu, reconnu par ses patrons et, bien sûr,
on lui en donne plus, car il est capable d’en prendre ! Ses employés
s’appuient sur lui, puisque ce gestionnaire tout-puissant et infaillible a
toutes les réponses ! Mais à la fin de la journée, hors de la vue de tous, il
enlève sa cape, reprend le volant de son véhicule, vidé, épuisé, et retourne à
son autre vie avec ce qui lui reste d’énergie.
Aujourd’hui, nous savons que le gestionnaire est avant tout… une personne.
Et qu’aucune personne n’est toute-puissante, infaillible et constamment
disponible. Il n’est toutefois pas rare que j’accompagne des clients qui
portent encore, très lourdement sur leurs épaules, cette cape de superhéros.
Ou que la culture de leur organisation valorise cette toute-puissance, car on
croit toujours que c’est ce qu’un gestionnaire devrait être !
C’est donc malheureusement, encore en 2022, le prix à payer pour obtenir
la reconnaissance et la prochaine promotion, que de porter ce masque et de
mettre à distance notre nature unique, nos désirs, nos besoins et nos
sentiments.
Si nous pratiquions tous collectivement l’authenticité courageuse, avions le
courage d’avoir les conversations qui s’imposent, étions capables d’honorer
nos besoins et nos frontières, nous pourrions laisser tomber nos masques,
enlever la cape de superhéros et nous présenter au travail entiers, complets,
humains. Nous pourrions leader à partir de tout ce que nous sommes et ainsi
construire ensemble un monde et des organisations plus vraies.

VOTRE VRAIE NATURE


Si vous observez la nature, vous verrez que :
L’herbe « n’essaie » pas de pousser, elle pousse, tout simplement.
Le poisson « n’essaie » pas de nager. Il nage.
Les oiseaux « n’essaient » pas de voler. Ils volent.
Les fleurs « n’essaient » pas de fleurir. Elles fleurissent.
Et la terre « n’essaie » pas de tourner. Elle tourne.
Ils remplissent tous leur nature intrinsèque sans aucun effort. Faites de
même.
The Law of Least Effort – Deepak Chopra
La vulnérabilité
Je crois fermement que nous enseignons ce que nous avons eu à apprendre.
Qu’il faut « marcher sur la route » pour accompagner d’autres humains
dans cet extraordinaire voyage qu’est le développement de soi.
Une de mes plus grandes peurs était celle de la vulnérabilité. Petite fille
adoptée, j’ai capté de mon environnement, à un très jeune âge, que les
relations étaient potentiellement souffrantes. J’étais convaincue que, si les
personnes qui auraient dû prendre soin de moi et m’offrir de l’amour
m’avaient abandonnée, tout le monde pouvait le faire. J’avais compris que
l’amour était conditionnel et qu’être en relation, s’ouvrir à un autre humain
était risqué.
J’avais assimilé que, pour faire face aux adversités, je devais être forte.
Parce que j’étais prise dans cette dualité, forte ou vulnérable, et pour éviter
d’être abandonnée, je m’obligeais en toutes occasions à être en contrôle.
C’était mon armure. Et dans cette armure, autonome, indépendante, fière de
ne pas me laisser prendre au jeu des émotions, j’avais l’impression d’être
forte et libre. Mais en fait, c’était tout le contraire. J’étais à la merci de mon
environnement.
Pour prendre le chemin de l’authenticité en toute conscience, je devais faire
face à mes peurs et lâcher prise sur les stratégies que j’avais mises en place
pour me sentir en sécurité et aimée.
Le développement de soi en conscience est un voyage dont nous ne
connaissons pas la destination. C’est un plongeon dans l’inconnu. Une
démarche qui exige de multiples étirements et du courage. Vous l’aurez
compris, évoluer en conscience nous demande de nous montrer vulnérables,
car nous devons affronter et surmonter nos peurs.
Nous avons tendance à nous catégoriser : je suis rationnel ou émotif, de tête
ou de cœur, extraverti ou inverti. Mais après avoir accompagné bon nombre
de leaders dans leur processus de développement, j’ai réalisé que nous
faisions la même chose avec la vulnérabilité : cette personne peut être
vulnérable, celle-là, pas. Mais la dynamique humaine est beaucoup plus
complexe que ça.
D’abord, la vulnérabilité n’est pas quelque chose que nous sommes ou que
nous faisons. Ce n’est pas un état, mais un ressenti. C’est ce que nous
ressentons lorsque nous sommes confrontés au doute, à l’ambiguïté, à
l’inconnu et à la peur. Oser la vulnérabilité, c’est accepter notre émotion et
la nommer.
La vulnérabilité est le cœur, là où naissent toutes nos autres émotions. C’est
l’émotion des émotions. Comme toutes les autres, elle n’est ni bonne ni
mauvaise et aucun de nous n’y échappe. Car nous avons tous nos zones de
vulnérabilité.
Ce que j’ai appris pendant toutes ces années comme intervenante en
développement des personnes, c’est que la peur de la vulnérabilité soulève
des paradoxes. Nous nous fermons à l’autre par peur d’avoir mal, d’être
rejetés, de ne pas être aimés. Et à cause de notre peur de créer la
déconnexion, nous créons encore plus de déconnexion.
Notre fermeture entraîne la fermeture de l’autre. Alors que lorsque nous
nous ouvrons à l’autre, que nous osons nous montrer tels que nous sommes,
vulnérables, nous ne créons pas de l’insécurité, mais plutôt de la confiance
et de la connexion. L’ouverture appelle l’ouverture.
Refuser de nous engager authentiquement dans des relations peut, en
apparence, nous faire sentir libres. Surtout si, consciemment ou
inconsciemment, être en relation signifie vouloir plaire à tout prix, se
suradapter, s’éloigner de qui on est en se perdant de vue. Mais le paradoxe
est que c’est en nous permettant d’être soi avec l’autre que nous goûtons à
la vraie liberté. Et pas n’importe laquelle ! La liberté intérieure.
En nous ouvrant à l’autre dans nos doutes, nos ressentis, nos peurs et en
osant la vulnérabilité, nous pouvons être en relation ET libres. Nous
pouvons être vrais ET en sécurité.
J’ai reçu de mes enfants, pour la fête des Mères, un message touchant. Un
mot qui disait ceci : « Nous t’aimons et t’admirons, car tu as été capable de
vivre toutes les aventures humaines dont tu rêvais en tant que femme,
répondre à tes besoins, réussir ta mission professionnelle, tout en nous
offrant l’amour, l’affection et le soutien dont nous avons besoin. »
Ces mots de mes enfants disent tout. Nous n’avons pas à choisir entre soi et
l’autre. En nous ouvrant à l’autre dans nos doutes, nos ressentis, nos peurs,
en osant la vulnérabilité, nous pouvons être en relation et libres. Nous
pouvons être vrais et en sécurité. Nous pouvons nous épanouir et nous
réaliser. Pas au détriment de l’autre, mais avec l’autre.
Accueillir la vulnérabilité, c’est le cadeau d’une vie. Cela ne veut pas dire
que nous n’aurons pas peur, au contraire ! Mais devant la peur, nous aurons
deux possibilités : revêtir notre armure ou avancer avec la peur en acceptant
de vivre l’expérience qui nous permettra d’accéder à la transformation.
Chaque expérience de vie contient pour nous un cadeau à découvrir. C’est
ça, être forts et vulnérables.

› Le leadership et la vulnérabilité
Est-ce que le leadership et la vulnérabilité vont de pair ? Oui ! Être
vulnérable, c’est faire face à de l’inconfort et de l’incertitude. C’est ce que
nous ressentons face au doute, à l’ambiguïté, à l’inconnu et à la peur. Et
quel leader ne fait pas face à de l’inconfort, de l’ambiguïté et de
l’incertitude… chaque jour ?
Accepter cette invitation à être un leader, avoir le privilège d’être considéré
comme un leader veut dire que vous acceptez cette invitation à vivre de
l’inconfort. Que vous acceptez d’ÊTRE face à votre vulnérabilité et votre
fragilité. Un leader est donc celui qui accepte.
Car partager notre réalité, notre vulnérabilité n’est pas un signe de faiblesse.
Au contraire ! Cela encourage la connexion avec l’autre en nous rendant
humains, accessibles et sensibles à ce qui se passe autour de nous.
Alors, que nous soyons employés ou gestionnaires, n’ayons pas peur de
nous montrer vulnérables. La vulnérabilité fait partie de notre expérience
humaine. Elle est la preuve que nous sommes capables de ressentir. Elle est
la source du courage, des liens, de l’empathie et de l’authenticité.

« La vulnérabilité est souvent considérée comme une


faiblesse. C’est en fait un signe de force. Les gens qui
sont véritablement ouverts et transparents prouvent
qu’ils ont la confiance et l’estime de soi pour
permettre aux autres de les voir comme ils sont
vraiment. »
Patrick Lencioni37

Si vous voulez IMPRESSIONNER les gens, parlez de vos succès.


Si vous voulez avoir un impact positif dans leur vie, parlez de votre
humanité.
Trop de gens, de leaders, croient qu’ils doivent se montrer forts et
infaillibles.
Or, avoir un réel impact passe par notre capacité à se montrer tels que nous
sommes, dans notre vulnérabilité et notre humanité. Pour inspirer et faire
une différence pour d’autres, il faut oser parler de nos doutes, de nos peurs,
de nos combats et de nos échecs. C’est de cette vulnérabilité que vient la
force nécessaire pour ouvrir la voie, inspirer, avoir des conversations
courageuses, prendre des décisions à travers le manque de clarté et créer de
la sécurité psychologique à travers le chaos.
Nous voulons suivre des leaders en qui nous pouvons nous reconnaître et
qui sont sensibles à nos enjeux. Pas des leaders parfaits et sans failles.
Si vous ne vivez pas d’inconfort chaque jour, si vous n’êtes pas
vulnérable, chaque jour, vous n’êtes pas un leader.
UN MOMENT DE RENCONTRE AVEC SOI-
MÊME

Bilan et mise en action de vos


apprentissages
1. De quelle façon mon histoire personnelle, mes dualités et mes
empreintes émotionnelles viennent-elles influencer ma façon d’être en
autorité et ma façon d’être face à l’autorité ? Ma façon de porter mon
autorité avec fermeté et bienveillance ?
2. Où est-ce que je me situe sur le graphique Humains – Résultats ?
Tentez de mettre un point sur le graphique de la façon la plus
objective possible. Quel est l’impact… pour vous ? pour les autres ?
Et qu’est-ce qu’on dirait de vous ?
3. À ce point-ci, quel est mon principal défi de développement ? Sur
quoi ai-je envie de travailler ?
PRATIQUE QUOTIDIENNE DE
TRANSFORMATION DE SOI
Soyez acteur et observateur de votre dynamique et de la manière dont vous
arrivez à réconcilier votre propre paradoxe Performance – Humanité.
Prenez des moments de votre journée pour faire des lectures :
1. Qu’est-ce que la situation et le contexte demandent comme dosage
Humains – Résultats ?
2. Où suis-je ? Dans mon jeu de base réactif ? Si oui, lequel ?
3. Qu’est-ce que je peux me reconnaître dans ma capacité à réconcilier
mon propre paradoxe Performance – Humanité ?
4. Quel ingrédient devrais-je injecter afin de bien doser la performance
et l’humanité dans cette situation particulière ?

Refaites le même processus dans une situation tendue et stressante. Qu’est-


ce qui est différent ?

Pour accéder aux versions éditables et téléchargeables des sections « Un moment


de rencontre avec soi-même » et « Pratique quotidienne de conscience et de
connaissance de soi », à du contenu privilégié et recevoir les mises à jour sur les
réflexions proposées, scannez le code QR et accédez au Hub du leader créateur.
Étape 4
L’ENRACINEMENT
« Un arbre qui a connu la foudre n’a pas peur des
orages. »
Proverbe africain
CHAPITRE 7
LEADERSHIP DE PLEINE
CONSCIENCE : SAVOIR NAVIGUER
AVEC SÉRÉNITÉ DANS LA
TURBULENCE

SAVOIR NAVIGUER DANS LA


TURBULENCE : LE MONDE VICA

« La vie est folle, n’est-ce pas ? C’est pour ça qu’elle


est passionnante.
Imaginez que nous soyons équilibrés dans une
existence paisible, il n’y aurait ni événement, ni crise,
ni trauma à surmonter, de la routine uniquement, rien
à mettre en mémoire :
nous ne serions même pas capables de découvrir qui
nous sommes. »
Boris Cyrulnik

Un an après le début de la crise de la COVID-19, certains de mes clients


m’ont rapporté avoir l’impression d’avoir vécu 10 ans d’expérience de
leadership… en une seule année… D’avoir pris davantage de décisions
difficiles, d’avoir fait face à plus de fragilité, d’avoir dû s’adapter et se ré-
adapter plus en une seule année que pendant le reste de leur carrière de
leader. Nous avons cru à un retour à la normale pendant un certain moment,
mais force fut de constater que la « normalité » ne reviendrait pas. Avoir à
naviguer dans un monde en turbulence était notre nouvelle normalité. S’il y
a une chose qui ne changera pas, c’est que tout continuera de changer. Et
nous aurons sans cesse à nous renouveler, à trouver des nouvelles façons
d’ÊTRE, dans un monde en constante évolution.
Notre nouvelle réalité de leader, c’est la turbulence : le monde VICA
(volatile, incertain, complexe et ambigu) et c’est là pour rester. Cet
acronyme VICA n’est pas nouveau. Il a été introduit pour la première fois
en 1991 par l’armée américaine en raison des conditions extrêmes en
Afghanistan et en Irak. Ces conditions étaient totalement nouvelles et
changeaient complètement la nature de la guerre. Sans surprise,
l’environnement corporatif et des affaires d’aujourd’hui a changé de
manière très similaire. Comme la guerre, les affaires du 21e siècle ne seront
plus jamais les mêmes. Les règles, l’économie et la dynamique du 20e
siècle sont devenues obsolètes et continueront de changer.
Quand on est dans la turbulence, il y a une perte de repère, de visibilité et
de l’ambiguïté. Tout va très vite ; il y a de la vélocité. Il y a des peurs. Notre
besoin de sécurité (qui est fondamental) ne peut plus être comblé par notre
environnement.
Imaginez que vous êtes un voilier qui prend la mer. Votre coque, c’est votre
base, votre fondation. Ce sont vos besoins de sécurité. Vos voiles, ce sont
vos besoins de contribution, d’évolution, d’innovation. Si la base n’est pas
solide, on ne peut ouvrir les voiles.
La sécurité est essentielle, mais elle ne peut provenir de notre
environnement si la mer est mauvaise… de là l’importance, comme nous
l’avons vu dans l’étape 2 La transformation, d’avoir notre propre boussole
intérieure et de nourrir notre propre sécurité… intérieure (au lieu de
s’attendre à ce que notre sécurité, notre estime, notre sentiment de valeur et
la reconnaissance ne viennent que des autres).

Le leadership est contextuel


Le leadership est hautement contextuel. Leader quand tout va bien, quand
les règles sont claires et qu’il y a des procédures bien définies, c’est plus
facile. N’importe quel leader, même moyen, peut alors créer de la
performance. Lorsqu’il y a de la turbulence, cependant, c’est beaucoup plus
difficile.

Urgence ou turbulence ?
Il est important de mentionner que l’urgence et la turbulence sont
différentes.
La majorité des leaders que je connais sont excellents pour résoudre des
problèmes ou régler des urgences. En fait, ils ont, la plupart du temps, un
plan déjà mis en place pour gérer ces urgences. Ils sont formés pour y faire
face, ayant un plan de communication rédigé, des plans de relève. Bref, ça
se prévoit.
Mais la turbulence est une bête différente… Elle ne se prévoit pas. C’est
quelque chose qui peut être sans précédent et qui n’est jamais arrivé. Il n’y
a pas de plan en place pour y faire face. Il y a de l’ambiguïté et de la
vélocité.
Lorsqu’il y a une urgence, c’est l’expérience du leader qui compte plus que
tout. En urgence, ce sont les qualités de tête et d’action qui sont les plus
utiles. On doit exécuter le plan de match rapidement, donner des directives
claires qui sont alignées avec les processus.
En temps de turbulence, par contre, c’est la personnalité du leader, ses
qualités d’être et sa posture qui font toute la différence. Nous sommes
humains à humains devant l’insécurité, l’ambiguïté, la volatilité, la fatigue,
la fragilité.
La turbulence crée de l’inconfort, de l’insécurité et de la peur et, au milieu
de ces réalités, les gens ont soif de sécurité. Comme leaders, nous devons
donc prendre encore plus soin des humains. Mais les objectifs, eux, sont
toujours là. Il y a encore des résultats à atteindre. Des mandats à réaliser.
Des projets à porter.
C’est souvent dans la turbulence qu’on reconnaît un leader créateur d’un
leader réactif. Car le leader créateur est capable, en temps de turbulence, de
bien faire mais aussi de faire du bien…

Pourquoi savoir naviguer dans la turbulence ?


Nos cultures organisationnelles sont encore bien imparfaites. Un leader
créateur dans une culture réactive risquera de se sentir frustré, limité. Aucun
humain n’est parfait. Ce leader pourra basculer dans sa réaction de
protection, de contrôle, de sur-exigence ou de complaisance, se mouler à
des comportements de ses collègues, car il doit faire sa place, gagner des
batailles. Il sera peut-être éventuellement à bout de souffle et épuisé. Dans
certains cas, j’ai vu des leaders découragés, car ils n’arrivaient pas à
naviguer dans leur environnement « souffrant » où règnent la peur et la
honte, où les résultats sont mis au premier plan, où la pression est grande.
Ces leaders finissaient soit par s’épuiser, soit par quitter leur entreprise.
Nous avons tous besoin de nous réaliser. La quête de sens est devenue la
quête ultime de notre époque. Trouver notre place dans ce monde et avoir
l’incommensurable privilège de connecter jusqu’au plus profond de notre
être à ce que nous croyons être, à notre mission de vie, à notre raison d’être
dans ce monde, à notre grand pourquoi. Quand cette mission se révèle à
nous, elle devient notre vie, ce à travers quoi nous nous réalisons au
quotidien. À travers cette mission, nous existons !
Mais cette mission peut entraîner une conséquence que nous ne voyons pas
tout de suite, soit celle de nous dévier de nous-mêmes, de notre essence, de
nos besoins. Notre mission devient alors notre principale excuse pour ne
pas nous préoccuper de nous-mêmes. À ceux qui nous disent que nous
travaillons peut-être trop, nous répondons : « Oui mais… j’aime ma job !
Elle me nourrit ! Elle remplit ma mission de vie ! Elle donne du sens à ma
vie ! J’ai l’impression de contribuer à quelque chose de grand ! »
C’est notre excuse pour travailler sans cesse : jour, soir, week-end et même
la nuit, et pour être souvent dans l’excès. Notre esprit est constamment
occupé par cette mission. Nous répondons à des automatismes appris étant
jeunes : prendre en charge, faire bien, faire beaucoup, faire toujours plus,
faire à la perfection. Car on croit à tort qu’être aimé, ce n’est pas
simplement « Être ». « Être » est loin d’être suffisant. Pour être aimé,
admiré, reconnu, il faut « Faire ». Faire bien et beaucoup. Et quand on nous
demande comment ça va, on répond : « Ahhhhh ! j’te dis pas ! Je suis
occupé, moi ! » Parce qu’on est convaincu qu’être important, c’est être
occupé !
Jusqu’à temps que notre corps nous parle. Car notre corps, lui, ne ment pas.
Notre cerveau, si aiguisé en temps normal, commence à nous laisser tomber
par moments. Notre capacité à traiter de nombreux problèmes en même
temps, d’élaborer de nombreuses solutions, d’accomplir une quantité
remarquable de tâches en un temps record grâce à notre rigueur et notre
discipline, s’effrite peu à peu. Notre focus : envolé. Notre mémoire :
soudainement douteuse. Étourdissements, grande fatigue, nausées. Notre
corps ne sait pas mentir. Il nous crie que quelque chose ne va pas. C’est
l’épuisement.
Il y a quelque temps, Diane Bérard publiait dans Les affaires un article
intitulé S’épuiser à changer le monde : quand notre travail a trop de sens.
Elle y décrit le phénomène du « paradoxe du changement social : qu’est-ce
qu’on peut se faire souffrir à faire le bien… (…) le paradoxe du monde de
l’innovation sociale et du changement social : ceux et celles qui y
travaillent s’échinent à transformer la société pour qu’elle soit plus
humaine, plus inclusive, plus résiliente, mais leur travail, lui, les mène
souvent vers l’épuisement. »
Elle donne l’exemple de ce jeune avocat qui quitte son cabinet du centre-
ville par manque de sens et joint le monde de l’innovation sociale, un
domine riche de sens mais où on s’épuise à cause, entre autres, du manque
de ressources et du sentiment constant d’urgence.
Cette histoire n’est pas étrangère au monde corporatif, car de plus en plus
de gens y ont trouvé leur sens. Dieu sait qu’il y en a du travail à faire pour
réduire la souffrance ! Travailler à une mission de vie riche de sens ne
nécessite plus de tout plaquer pour passer du corporatif à un organisme à
but non lucratif (OBNL). Mais le même phénomène existe. Les mêmes
excuses sont prononcées. Le même malaise s’installe.
Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblerait votre vie sans votre
travail, sans votre mission ? Je l’ai vécu quatre mois. Repos forcé que je ne
vous souhaite pas, mais bon, quatre mois sans travail quand même.
Contentez-vous d’imaginer. À quoi ressemblerait votre vie ? Tourneriez-
vous en rond comme un lion en cage ? Seriez-vous soudainement libéré du
joug qui vous empoisonnait la vie ? Pourriez-vous enfin vous adonner à ce
qui vous plaît vraiment et être heureux ?
Il n’y a pas un job qui vaut la peine d’y laisser sa santé. Et il n’y a pas un
corps qui n’a pas besoin de se reposer. Regardez les sportifs de haut calibre.
En connaissez-vous qui n’ont pas des disciplines de vie strictes où
s’alternent périodes d’entrainement et de repos ? Mère Teresa écrivait à ses
supérieurs qu’il était obligatoire pour ses religieuses de prendre une année
complète hors de leurs fonctions tous les quatre ou cinq ans pour leur
permettre de se soigner des effets de leur travail de soignante.
De nos jours, nos temps libres sont consacrés à devenir la meilleure version
de nous-mêmes : cours de ceci, de cela, lecture sur ceci ou cela, une activité
physique pour être svelte, le yoga pour être zen. Mais quand prend-on le
temps de chanter à tue-tête, de danser dans la cuisine avec nos enfants, de
rire à gorge déployée et de vivre des moments de grande légèreté ?
À tous ceux qui me diront qu’il suffit d’aimer son travail pour échapper à ce
fléau, je répondrai que c’est bien d’être heureux au travail, évidemment !
Qui peut être contre le bonheur ? Mais il s’agit tout de même d’un travail.
Quand vous êtes au boulot, vous n’êtes pas en train de vous occuper
nécessairement de ce qui compte vraiment dans votre vie, des gens qui vous
sont chers. Avoir un travail que nous aimons, qui donne du sens à notre vie
et nous procure un sentiment d’accomplissement n’est pas une protection
contre l’épuisement et les problèmes de santé. Et j’ajouterais que : « Oui,
mais j’aime ma job n’est pas une excuse pour se sacrifier. »
Oui, j’aime ma job, mais…
Est-ce que JE M’AIME assez ? Assez pour agir avec bienveillance
envers moi-même, tout comme si j’étais mon meilleur ami ?
Est-ce que JE M’AIME assez pour cesser de m’imposer de la
souffrance par un désir de perfection, de jugement et l’impression
de ne jamais être assez ?
Est-ce que JE M’AIME assez pour commencer à m’offrir le droit à
l’erreur, au repos, ainsi que la possibilité de me montrer vulnérable
et de demander de l’aide sans me diminuer ?
Est-ce que je SUIS mon travail ? Est-ce qu’il représente ma
principale raison de me valoriser et de sentir que j’existe ?
Suis-je conscient que mon lien au travail n’est qu’une couche
identitaire ? Un rôle ? Au même titre qu’être parent, époux, frère,
sœur ?
Est-ce que mon travail se situe sur le plan du Faire ou aussi de
l’Être ?
Et si je perdais mon travail, que resterait-il de moi ?
Si je perdais mon travail et qu’on me demandait : « Qui es-tu ? Que
fais-tu ? », quelle serait ma réponse ?
Si j’étais totalement libre du regard des autres, totalement libre de
mon besoin d’être reconnu pour mon titre ou mes
accomplissements, d’être vu ou d’être aimé, si j’étais totalement
libre d’être qui je suis réellement, serais-je à cet endroit où je suis
en ce moment professionnellement ?

Je vous laisse le soin de répondre à ces questions.


Un ami français me racontait que chez lui on disait : « Je fais médecin »,
« Je fais avocat », « Je fais ingénieur » au lieu de : « Je suis médecin », « Je
suis avocat », « Je suis ingénieur. » J’aime bien cela, car ces affirmations
nous rappellent que notre identité professionnelle n’est pas notre identité
première…
Aucun job n’est une excuse pour ne pas s’aimer aussi soi-même.
Développons la bienveillance envers nous. Nous sommes dignes d’être
appréciés sans nous imposer d’en faire autant. Une personne que j’aime a
osé me le dire un jour et ce fut le plus beau des cadeaux qu’on pouvait
m’offrir.
Peu importe la grandeur et l’efficacité du leader, il aura inévitablement, un
jour, à naviguer dans un environnement… difficile et incertain. Voilà
pourquoi le leader créateur doit apprendre à naviguer dans son
environnement avec sérénité et à prendre soin de lui-même afin de viser des
résultats tout en étant capable d’amener son humanité dans l’action. Pour
trouver la force d’aller parfois à contre-courant et demeurer un acteur
positif de changement à travers les vagues et le chaos. Et ainsi contribuer à
élever la culture vers un style plus créateur.
Comme l’arbre, sa force vient de ses racines, de ses convictions. Le leader
créateur pourra faire face à la tempête, au chaos, tout en restant bien ancré
au sol.

LA PRÉSENCE
« Arrêtez de mesurer les jours par un degré de productivité et commencez à les vivre
selon un degré de présence. » Alan Watts
Habitez et honorez pleinement vos expériences.
Traversez la vie en étant présent à l’autre et à vous-même.
Ralentissez pour savourer, contempler et récolter le fruit de chaque interaction et
chaque conversation.
Faites moins. Soyez plus.

Réaction ou réponse ?
Nous avons toujours deux façons d’agir : réagir ou répondre.
Lorsque nous sommes soumis à un déclencheur, une demande ou une
exigence, il se passe quelque chose en nous. Une émotion peut apparaître,
un signe dans notre corps peut se manifester et des pensées peuvent surgir.
À cet instant, il y a deux types d’actions possibles :

1. La réaction
Il est important de comprendre que réagir à nos expériences signifie prendre
des décisions fondées à partir de ce qui s’est passé hier et sur ce que nous
croyons qu’il va se passer dans l’avenir. C’est agir à partir de nos peurs et
sous l’anticipation de ce qui pourrait se passer dans le futur. C’est notre ego
(notre enfant intérieur) qui s’exprime.
La réaction part donc d’une demande, d’une exigence, d’un problème
important à résoudre, d’une décision à prendre. Un sentiment d’urgence ou
de responsabilité émerge alors (les « il faut que » et les « je dois »), ou
encore une émotion inconfortable, une peur qui nous empêche d’avancer.
Cela peut aussi prendre la forme de fébrilité ou d’excitation ; on se sent mû
par le besoin d’agir immédiatement.
Le contexte de turbulence du leader vient avec de nombreuses possibilités
de déclencheurs qui peuvent nous faire basculer en réaction : pression,
ambiguïté, vélocité, co-équipiers et employés eux-mêmes réactifs et au bout
du rouleau… Tout va vite. Et une chose qui ne change pas dans nos cultures
organisationnelles, c’est que tout change sans cesse !
Bref, quand nous réagissons, ce n’est pas nous qui menons en conscience à
partir de notre boussole intérieure, mais plutôt le contexte, l’émotion ou
notre état mental. Lorsque nous sommes en réaction, nous devenons des
victimes de notre environnement, car ce qui l’a déclenchée provient de
l’extérieur.
D’ailleurs, quand nous réagissons, nous le faisons souvent dans le but de
réduire une peur, un inconfort ou de combler notre besoin de sécurité. Cela
s’apparente à un réflexe, c’est automatique et inconscient. C’est normal,
nous avons appris à le faire pour nous sentir en sécurité. Nous fuyons
quelque chose : la peur, l’inconfort.
Et ça fonctionne ! On est dans l’action. Cela crée des résultats. Mais une
fois le problème résolu et l’inconfort disparu, nous revenons à un état de
bien-être relatif, c’est-à-dire à l’état d’avant le déclencheur. L’évolution
n’est pas au rendez-vous.

2. La réponse
Si une réaction est enclenchée par quelque chose qui provient de l’extérieur,
de notre environnement, la réponse, elle, origine de l’intérieur.
Elle aussi part d’une demande, d’une exigence, d’un problème important à
résoudre, d’une décision à prendre. Un sentiment d’urgence ou de
responsabilité émerge alors (les « il faut que » et les « je dois »), ou encore
une émotion inconfortable, une peur qui nous empêche d’avancer. Cela peut
aussi prendre la forme de fébrilité ou d’excitation ; on se sent mû par le
besoin d’agir immédiatement. Bref, c’est le mental qui s’emballe.
Sauf que, plutôt que de bondir pour réagir, nous faisons une pause. Un arrêt
sur image.
Nous R-E-S-P-I-R-O-N-S et réfléchissons :
Au nom de quoi je souhaite agir ? Quel est le sens, mon pourquoi ?
Qui ai-je envie d’ÊTRE dans cette situation ?
Quel impact je souhaite créer ?
Que me dit ma boussole intérieure ? Ce que je sens dans mon corps
et ressens au niveau émotionnel ? Les pensées qui m’habitent ?
Quelle lecture je fais de l’environnement et du contexte ? Ce que
j’observe du contexte, ce que j’observe chez les autres.
Quels sont mes besoins, mes valeurs ?

Entre la réaction et la réponse réside un espace-temps. Entre la peur, le besoin de


sécurité et l’action portée par le sens et par l’amour, il y a un moment, un souffle, une
respiration. Tout réside dans notre capacité à saisir ce moment. Ce fameux moment
présent. À respirer au moment où s’établit un lien entre soi et les autres, avec
présence et conscience, en faisant le choix qui s’impose, un choix conscient.

La réponse est l’action la plus juste possible, intentionnelle, courageuse et


alignée sur l’intention que nous portons à l’intérieur de nous et sur nos
valeurs. Nous agissons vers une vision, vers quelque chose qui nous
importe vraiment et dans le but de créer l’impact souhaité positif pour nous
et les autres. Voilà pourquoi nous parlons du jeu intérieur « créateur ». La
réponse à une situation (contrairement à la réaction qui, elle, est un mode de
résolution de problème et d’inconfort) doit être guidée par quelque chose de
plus grand que la peur et l’inconfort… En fait, nous devons aller vers ce
quelque chose : un sens qui nous est cher, un besoin, une vision, une valeur
que nous portons.
Quand nous répondons à une situation, nous sommes responsables et
acteurs de notre vie. Nous menons notre vie, ce n’est pas elle qui nous
mène. Si la réaction s’enclenche à partir d’une expérience passée, la
réponse, elle, repose sur un choix conscient en fonction de ce qui se passe
ici et maintenant, et de ce qui nous anime de l’intérieur. Et ce, afin de créer
ce que nous désirons pour nous. La réponse est consciente et appuyée sur
notre sagesse de même que sur les apprentissages que nous avons faits du
passé.
Avec la réaction, la vie s’impose à moi.
Avec la réponse, je suis acteur de ma vie.

« Une vie vécue par choix est une vie d’action


consciente.
Une vie vécue par hasard est une vie de réaction
inconsciente. »
Neale Walsch (Traduction libre)

Évidemment, il est impossible de ne jamais réagir. Mais nous pouvons nous


observer… et intercepter la réaction, sans nous juger et avec bienveillance.
C’est ça, la conscience.
Dans toute situation, il y a un espace-temps. Dans cet espace, il y a un choix
à faire : réagir ou répondre.

Chaque fois que nous interprétons la réalité comme une menace au respect de nos
besoins, nos stratégies défensives sont déclenchées. Comme dans la petite enfance
nous n’avions pas la capacité de décoder notre ressenti et de comprendre nos
besoins, ces mécanismes de défense se sont mis en place pour assurer notre survie.
Avec le temps, ils sont devenus des réflexes conditionnés, souvent inconscients, qui
sont réactifs, pour la plupart.
À court terme, nous en retirons de grands bénéfices, comme celui de nous protéger
de l’inconfort ressenti et de nous sentir « en contrôle », mais à moyen et long termes,
nous réalisons que ces réactions ne sont pas au service de nos besoins et de nos
intentions. Qu’elles risquent plutôt de créer des impacts négatifs pour nous et autour
de nous.
Pour les déjouer, il faut d’abord que nous prenions conscience de nos peurs et de nos
réactions, que nous acceptions l’inconfort et que nous soyons conscients de nos
besoins.
C’est ainsi que le leader devient de moins en moins réactif. Et en réagissant moins, il
accède à une plus grande possibilité de stratégies, qui résonnent davantage avec ses
besoins, ceux de son équipe et de son organisation.
Inspiré du livre de Michael Brown, Le processus de la présence, Édition Ariane, 2012

UN EXEMPLE CONCRET DES TROIS JEUX


INTÉRIEURS
Voici un exemple concret d’une situation où il y a un déclencheur. Même
situation et même déclencheur, mais vécu à partir de chacun des jeux
intérieurs. C’est une situation qui se passe lorsque des stratégies réactives
sont activées.
Vous apprenez qu’une rencontre de dernière minute réunissant
quelques-uns de vos collègues gestionnaires a été organisée par
votre patron, mais on ne vous a pas invité. C’est le déclencheur.
Trois réactions sont alors possibles, dépendant de votre dynamique
de jeu intérieur, de votre histoire et de vos stratégies pour vous
sentir reconnu et apprécié.

1. Jeu intérieur – Pacificateur


Vous êtes déçu. Vous auriez aimé que votre patron vous invite. Un
moment de connexion avec l’équipe aurait été agréable ! Mais vous ne
voulez pas faire de vague et confronter votre patron n’est pas dans vos
habitudes. Vous vous taisez, vous acceptez cela mais vous souffrez,
car vous vous sentez exclu du groupe. Vous vous demandez même ce
que vous avez bien pu faire pour être exclu de cette façon et cela vous
ronge de l’intérieur.
Stratégies : Pas ou peu d’affirmation. Sur-adaptation. Afin d’éviter le
conflit.
2. Jeu intérieur - Expert
Vous ne comprenez pas pourquoi votre patron a agi ainsi. Au lieu de
communiquer comment vous vous sentez, vous faites comme si cela
ne vous dérangeait pas, mais vous utilisez l’humour ou le sarcasme,
de manière détournée, pour qu’on sache tout de même votre point de
vue. Vous critiquez intérieurement votre patron : Quel incompétent !
Vous vous dites : Mon point de vue aurait été bien utile dans cette
rencontre, mais ils s’en passeront ! Qu’ils prennent les mauvaises
décisions !
Lors de la réunion suivante, vous ne manquez pas l’occasion de lancer
de petites pointes de sarcasme sur la situation.
Stratégies : Distance émotionnelle. Critique. Arrogance. Pour éviter
de perdre votre image et de vous montrer vulnérable.

3. Jeu intérieur – Performant


Vous êtes très en colère. Comme vous êtes une personne prompte et
d’action, une fois la réaction déclenchée, vous agissez sous
l’impulsion. Vous n’hésitez pas à prendre votre téléphone et à balancer
à votre patron ses quatre vérités. Je vais régler cela pendant que c’est
chaud ! Il verra bien de quel bois je me chauffe !
Stratégies : Contrôle. Autocratie. Prendre le pouvoir sur la situation.
Pour ne pas perdre la bataille.
Dans ces trois situations, vous êtes déclenché. Vous réagissez.
Le leader créateur se poserait plutôt les questions suivantes :
Qu’est-ce qui se passe en moi ? Physiquement, dans mon corps ?
Dans mon monde émotionnel ? Dans mon mental (les histoires et
drames que je me crée) ?
Au nom de quoi est-ce que je veux agir ? (Ce qui a un sens pour
moi ? Une valeur ? Un besoin ?)
Quelle est la posture que je veux avoir ? Quel leader est-ce que je
veux être ?
Qu’est-ce que je veux créer comme impact ?
Quelle est mon intention ?

Une fois la lecture de cet ouvrage terminée, vous aurez découvert de


nombreuses pistes personnelles pour répondre à ce genre de situation
(versus réagir). Ce qui importe de savoir surtout dans ce genre de situation,
c’est d’adopter la mentalité paradoxale, de faire un « ET » entre l’autre ET
soi :
Être à l’écoute de son propre besoin (appartenance, sécurité,
compréhension, inclusion, connexion, écoute…)…
Être sensible et curieux de l’histoire de l’autre, sa réalité et ses
besoins…
Être en réponse (versus en réaction) à cette situation en posant bien
l’intention et l’impact souhaité.


PISTE POUR LE JEU INTÉRIEUR PACIFICATEUR. Passez pardessus
votre peur du conflit et de perdre l’harmonie et faites preuve de fermeté
bienveillante : Osez nommer votre ressenti et vos besoins à partir de votre
authenticité courageuse.
PISTE POUR LE JEU INTÉRIEUR EXPERT. Honorez votre besoin de
compréhension. Osez la vulnérabilité en nommant votre état d’être. Créez
de la connexion en étant ouvert et dans l’accueil à la réalité de l’autre et en
vous engageant dans un réel dialogue, au lieu d’un débat où vous cherchez
à avoir raison.
PISTE POUR LE JEU INTÉRIEUR PERFORMANT. Prenez un moment de
recul, respirez et demandez-vous quel impact vous voulez réellement créer.
Et n’oubliez pas de demeurer sensible et à l’écoute de votre interlocuteur.
De la sensibilité dans vos actions !

CULTIVER LE « PRENDRE SOIN DE SOI »

« Les choses qui comptent le plus ne doivent jamais


être à la merci des choses qui comptent le moins. »
Johann Wolfgang von Goethe (Traduction libre)

Naviguer avec sérénité dans la turbulence, n’est-ce pas un paradoxe ? Ce


que j’ai appris au fil du temps, c’est qu’il faut explorer les paradoxes… une
chose et son contraire… pour être capable d’atteindre la quiétude, la
sérénité. Il faut examiner ce qui nous empêche d’accéder à ces états, même
en période de chaos.
L’inverse de la quiétude, c’est la foudre, l’orage, la turbulence, la tempête,
l’adversité et, par le fait même, l’agitation, l’angoisse, l’anxiété, le
trouble… Alors selon moi, naviguer avec quiétude dans la turbulence, c’est
à la fois être conscient de ces tempêtes et de toute cette agitation et avoir la
capacité de faire le calme à l’intérieur de soi. Être serein, même si ça brasse
autour de soi.

Leadership durable

« Parfois, la chose la plus importante de votre journée


est le repos que vous prenez entre deux respirations
profondes. »
Etty Hillesum
Prendre soin, c’est exercer un leadership durable, tout en étant un
observateur conscient de notre boussole intérieure.
Comme l’a dit David Gaudreault, dans un de ses derniers romans, et oh, que
j’ai aimé cette phrase : « Il existe plusieurs façons de ne pas voir les
choses. »…
La majorité des leaders (qui sont ceux qui devraient incarner la culture
d’entreprise afin d’en inspirer les autres) croient que l’équilibre
professionnel-personnel est un idéal difficilement atteignable ou même un
mythe. Toutes les excuses sont bonnes pour travailler beaucoup trop. Je les
connais bien pour les avoir toutes utilisées :
Oui mais… c’est ma mission.
C’est mon entreprise.
Les autres comptent sur moi.
Mon équipe a vraiment besoin de moi.
Je ne peux les laisser tomber.
C’est ça, être en charge, ça implique plus d’heures !

Et pour ne pas entendre nos indicateurs…


Nous sommes fatigués, c’est normal, nous avions un gros livrable !
Notre corps a des tensions : c’est normal, on n’a plus 20 ans !
Une petite déprime, c’est normal, la météo est moche !
Le mental est chargé, c’est normal, les fêtes approchent et il y a tant
à faire !

Avons-nous sans cesse ce sentiment de ne pas avoir fait assez ? Et si nous


trouvions d’autres indicateurs que le nombre de cases cochées sur notre
checklist afin de nous interroger sur notre satisfaction à la fin de notre
journée ?
« Je n’ai rien fait aujourd’hui. – Quoi ? N’avez-vous
pas vécu ?
C’est non seulement la plus fondamentale,
mais la plus illustre de vos occupations… »
Montaigne38

Nous faisons, nous faisons, nous faisons. Mais prenons-nous le temps de


vivre, d’être, de ressentir, d’exister ? Nous connaissons bien les verbes
d’action : réaliser, décider, améliorer, performer, gérer, coordonner…
Osons expérimenter les verbes tranquilles : contempler, flâner, laisser être,
écouter, rêver, méditer, vivre, ressentir, exister…
Il existe plusieurs façons de ne pas voir les choses… Mais nos indicateurs
physiques, mentaux et émotionnels sont notre boussole intérieure. Nous
pouvons les ignorer et rester dans l’action. Ou nous pouvons choisir de les
écouter, de mettre de côté « l’urgent » et de nous accorder ces moments les
plus importants de notre journée, entre deux respirations profondes.

L’HYGIÈNE ÉMOTIONNELLE, SPIRITUELLE


ET MENTALE DU LEADER
Nous avons un nombre limité et invariable d’heures dans une journée. Mais
pour ce qui est de notre énergie, c’est une autre histoire…
Nous pensons souvent au repos comme étant principalement physique.
Mais il est important de mettre en place des rituels et des pratiques
quotidiennes qui nous permettent de recharger notre niveau d’énergie, et pas
seulement physiquement. Mais pour l’ensemble de notre personne.
Au lieu de gérer votre temps, gérez votre énergie en prenant soin de toutes
vos piles : votre monde émotionnel, votre monde spirituel, votre mental et
votre physique.
Je ne souhaite surtout pas vous indiquer le « comment », ce que vous devez
faire. Google est super pour ça. On y trouve tous les trucs et astuces sur
comment se recharger, comment gérer son temps et son stress. Je ne vais
pas non plus vous dire de prendre des moments pour vous déconnecter et ne
« rien faire ». D’ailleurs, je suis d’avis que rien faire n’est pas la seule
option pour se reposer, qu’il n’y a pas de recette universelle et que chacun
doit trouver sa propre formule. De toute façon, pour être très honnête avec
vous, je serais bien mal placée, je n’ai pas encore complètement maitrisé
l’art de la « farniente »…
Si je ne suis pas une fan des « trucs magiques », c’est que j’ai la conviction
que notre difficulté à prendre soin de nous-mêmes tire souvent son origine
de stratégies que nous avons mises en place il y a très longtemps…
Contrôle, sur-exigence, perfectionnisme, complaisance, vouloir plaire à tout
prix… Or, il arrive un jour dans notre vie où nous recevons un appel qui
nous vient de l’intérieur et nous réalisons alors que ces stratégies ne nous
servent plus. Un éveil en conscience est nécessaire : comment je définis ma
valeur, ma sécurité, comment je m’honore…
Un gros travail de fond doit commencer, mais trop souvent, consciemment
ou inconsciemment, nous le repoussons. Pourquoi ? Car en changeant nos
comportements, il faut faire le deuil de certains autres comportements qui
nous ont valorisés toute notre vie, qui nous ont permis d’être vus et
reconnus. Jusqu’à ce que quelque chose de gros nous fasse comprendre
qu’il est temps de se réveiller. Et les bonnes questions à se poser
deviennent : « Qu’est-ce qui m’empêche de prendre soin de moi ? Quelles
sont les croyances que j’ai construites qui m’en empêchent ? Pourquoi et
quand est-ce difficile ? »
Une chose est sûre, sachez que vous pouvez être un leader d’impact ET
avoir une vie.
L’importance des rituels
Imaginez que vous décidiez de manger 20 kg de nourriture au début du
mois et ne rien manger ensuite. Ou que vous décidiez de ne prendre qu’une
douche par semaine pour sauver du temps. Bon ! on est en zoom ! ! Certains
ne s’en rendraient pas compte, mais vous auriez quelques commentaires de
votre conjoint et de vos enfants…
On le sait pour notre hygiène physique que c’est un truc quotidien. Mais
pour notre hygiène émotionnelle, spirituelle et mentale… pourquoi ne le
fait-on pas de façon aussi systématique ? Pourquoi attendre à nos week-
ends ou pire à nos vacances annuelles pour faire le plein d’énergie ? Car
rendus là, on tente de faire le plein d’énergie mais, au final, on revient de
nos vacances aussi fatigués…
Nous sommes comme un jardin, il faut arroser (nourrir) et purifier (enlever
les mauvaises herbes) tout ce qui n’a pas besoin de pousser et qui empêche
les bonnes pousses de fleurir, (les distractions). Prenons exemple sur notre
corps qui le fait si bien, lui : on le nourrit, il élimine et il purifie. Il y a deux
mouvements : extrant et intrant - inspiration (air) et expiration (déchets).

L’hygiène émotionnelle : vider le vase


Notre dimension émotionnelle est composée de toutes nos expériences
émotionnelles passées, présentes et futures. C’est l’aspect de nous qui abrite
des émotions telles que la colère, la tristesse, la peur, la douleur, la
culpabilité, le ressentiment, la jalousie et la honte. Chaque fois que nous
vivons une expérience, elle génère des sentiments qui sont associés à des
expériences passées similaires.
Lorsqu’il y a un excès de bagages, lorsque le vase est plein, les pensées du
mental génèrent un stress émotionnel qui se répercute et affecte le corps
physique. C’est pourquoi il est impératif de développer l’intelligence
émotionnelle et d’adopter des pratiques pour avoir une vision plus sereine
de la vie, tant mentalement qu’émotionnellement.
Être en relation nous comble émotionnellement, car les liens nous
nourrissent. Nous avons tous besoin de relations et d’amour. Mais parfois
aussi les relations sont difficiles, il y a des nœuds. Les canaux relationnels
s’encrassent, notre vase se remplit. Il faut nettoyer ces canaux et vider le
vase quotidiennement. Selon Antonio Damasio, médecin, professeur de
neurologie, neurosciences et psychologie, nous avons 21 jours pour faire ce
nettoyage.
M. Damasio nous parle des marqueurs somatiques. Selon cette théorie,
chaque stimulus extérieur vécu par une personne est associé à une réponse
émotionnelle et/ou sensitive, et ce lien est enregistré dans le cerveau, dans
le cortex préfrontal. Par la suite, si cette personne se retrouve face à un
stimulus similaire, cela réactivera par la même occasion les émotions
associées. Prenons l’exemple d’une personne qui a mangé des fruits de mer
qui n’étaient pas frais et qui en a été malade. Le cortex préfrontal va
enregistrer le lien stimulus (fruits de mer) et émotion/sensation
(regret/douleur). La prochaine fois que cette personne se retrouvera devant
un plateau de fruits de mer, la réponse émotionnelle de sa mauvaise
expérience sera réactivée, ce qui provoquera en elle du dégoût et de
l’inconfort. Elle décidera donc immédiatement de ne pas en manger. Dans
cet exemple, la prise de décision a été conditionnée par le marqueur
somatique de la mauvaise expérience culinaire.
Selon les recherches d’Antonio Damasio, ces marqueurs somatiques
interviennent très fréquemment dans nos décisions de tous les jours pour
nous aider à faire des choix, de manière consciente ou non.
Ce qu’il dit, c’est qu’après 21 jours, ces marqueurs somatiques sont stockés
dans la mémoire à long terme : la molécule dure. Et cela prend 3 fois plus
d’énergie pour enlever un marqueur somatique négatif à ce moment-là.
Alors que dans les 21 premiers jours la situation est dans notre mental,
après la période de 21 jours elle entre dans notre corps. Par exemple, nous
développons de la rancune.
Voilà l’avantage « d’oser dire » régulièrement : c’est vider notre vase avant
que ces marqueurs ne s’entreposent dans notre corps et que ça joue de façon
permanente dans notre façon de prendre des décisions.

RITUEL D’HYGIÈNE ÉMOTIONNELLE


« Videz votre vase » régulièrement en osant dire, en nommant vos états d’être à
partir de vos expériences et de votre vécu.
Accueillez vos états d’être et ceux des autres sans les invalider.
Développez votre capacité de pardon (envers vous-même et les autres).
Développez votre intelligence émotionnelle.
Tenez un journal pour noter vos états d’être et exprimer votre gratitude envers vous-
même.
Faites des relectures de vos journées : fierté et auto-observation.

L’hygiène spirituelle
La nourriture de notre monde spirituel n’est pas nécessairement reliée à une
pratique religieuse ou spirituelle, c’est la connexion à notre sens profond,
l’alignement avec nos valeurs et notre capacité à se sentir en harmonie avec
soi-même.
Le docteur Tal Ben Shahar nous a parlé dans un de ses livres du processus
SPA. Pour être nourris dans notre travail, il faut que nos activités nous
apportent :
S pour Sens : le bénéfice à long terme ;
P pour Plaisir : le bénéfice à court terme ;
A pour Atout : faire des activités dans lesquelles nous sommes bons.
Porter des actions qui font sens pour nourrir notre dimension
spirituelle
Alors à chaque jour, portez l’intention de consacrer au moins deux à trois
activités qui nourrissent votre sens. Et pourquoi pas à chaque fin de journée,
établir dans votre routine de relecture cette question : « Qu’est-ce qui a
nourri ma flamme aujourd’hui ? »
Pour notre monde spirituel, la purification est mentale. Il faut nettoyer les
distractions, les drames et les pensées envahissantes. La méditation est
certes une option. Mais certains disent ne pas aimer la méditation. C’est
ok ! Utilisez la technique qui vous convient. Si c’est la course, la cuisine,
faire le ménage, marcher avec votre chien, peu importe, tout cela est bon.
L’important est de faire une activité en y consacrant toute sa présence. Car
au final, comme le dit l’auteur et philosophe Fabrice Midal, la méditation,
ce n’est pas de se vider la tête et de se forcer à être calme. C’est simplement
être présent à ce qui est, tel qu’il est. C’est être pleinement dans
l’expérience.

RITUEL D’HYGIÈNE SPIRITUELLE


À chaque jour, consacrez du temps à deux ou trois activités qui nourrissent un sens
pour vous.
Faites des activités qui vous ramènent à vous : méditation, ancrage et centration.
Développez votre conscience de soi.
Participez à une retraite silencieuse ou, au quotidien, offrez-vous des moments de
silence.

L’hygiène mentale

Le repos et la gestion de l’énergie


Il ne faut surtout pas attendre les vacances pour se ressourcer et prendre
soin de soi. C’est un rituel qu’on doit installer quotidiennement. Après tout,
on n’attend pas le week-end pour se brosser les dents ou on ne mange pas
plusieurs kilos de nourriture une fois mensuellement pour sauver du temps,
n’est-ce pas ? C’est la même chose pour prendre soin de soi
émotionnellement et spirituellement. Ce temps doit être inclus dans notre
routine ! Pourquoi attendre au week-end ou pire aux vacances annuelles
pour faire le plein d’énergie ?
Le repos est stratégique et nous devons être respectueux de notre énergie.
Demandez à tous les athlètes, ils vous diront qu’ils ont un programme, une
stratégie de repos. Quand on est un leader performant, dans l’action, c’est
exigeant. Mais on ne pense pas trop à cela, une « stratégie de repos ». On se
fait souvent dire : décroche, arrête, repose-toi, tu devrais « chiller », ne rien
faire, déconnecter. Pourtant, ce n’est pas le seul moyen de se reposer.
Ne rien faire n’est pas si facile. Et surtout, ce n’est pas nécessairement un
gage de repos régénérateur. Eh oui ! On pense à tort que se reposer, c’est ne
rien faire : écouter des séries, boire un verre, relaxer sur la plage à Cuba…
Pourtant, il est prouvé que le repos passif est moins efficace que le repos
actif.
Le cerveau est habitué d’aller chercher sa dopamine d’une certaine façon,
soit en réalisant les tâches qu’on lui a inculquées. Alors, quand on arrête
complètement, cela crée un vide en nous, du lousse. Et en réalité, le cerveau
ne sait pas quoi faire avec ce vide, car il a été entrainé à faire et refaire la
même chose pour aller chercher sa récompense : la dopamine.
Alors, quand on ne fait qu’une seule chose et qu’on n’a qu’un seul intérêt,
le cerveau est habitué à ne faire qu’une seule chose… il va donc toujours
utiliser les mêmes réseaux corticaux… Pour réellement décrocher et se
ressourcer, il faut donc utiliser les autres réseaux, et ce, en faisant des tâches
complètement différentes.
C’est de Guillaume Dulude, docteur en neuropsychologie, que j’ai entendu
parler de ce concept de repos actif et passif. Dans une de ses capsules
vidéos, il donne cet exemple : « Si tu veux reposer ta jambe droite, tu ne
peux pas le faire en te tenant sur la jambe droite. Tu dois te tenir sur l’autre
jambe. » C’est la même chose avec le cerveau. Il faut savoir quel système
on veut reposer : on ne peut pas reposer un système qu’on continue
d’utiliser.
Il faut donc faire des activités qui sollicitent des circuits différents. C’est ce
qu’on appelle une stratégie de repos active. C’est pourquoi il est important
d’avoir divers types d’activités et d’intérêts et de continuer à en découvrir.
Je vais vous donner un exemple concret.
Parfois les gens me disent : tu en fais beaucoup. Tu es une machine.
Non ! J’ai un système où j’utilise beaucoup l’empathie, les
émotions, la communication, on est dans le lien (le coaching, le
développement des personnes, l’intervention). Il arrive que ce
système soit complètement à plat.
J’ai un autre domaine : la recherche, soit lire, découvrir des
nouveaux concepts, vulgariser, modéliser des processus. C’est une
activité qui est plus mental. C’est un autre système.
Quand je donne des conférences, il y a un aspect très physique. J’ai
aussi des activités très physiques auxquelles je m’adonne comme
l’escalade.

Chaque domaine a des réservoirs d’énergie. Et quand je me rends compte


que je commence à m’ennuyer d’une activité, c’est que ce système est
rechargé.

RITUEL D’HYGIÈNE MENTALE, REPOS ET GESTION DE


L’ÉNERGIE
Inspiré de Guillaume Dulude, docteur en neuropsychologie

Voici quelques suggestions pour une meilleure gestion de votre énergie.


La diversification : Il est important d’avoir divers types d’activités et
d’intérêts. Plusieurs leaders que j’accompagne me disent que leur travail est
leur seule activité et qu’ils n’arrivent pas à se consacrer à autre chose.
Partez à la découverte de nouvelles tâches et activités.
Chaque athlète a des façons différentes de se reposer. C’est pour cela que
je ne vous suggère pas des « comment », des trucs et astuces ou même
des horaires à suivre. C’est à vous de trouver.
Il est possible que, pour toutes sortes de raisons (contexte familial, enjeux
de santé, déplacements, confinement à la maison, par exemple), certaines
activités ne soient plus disponibles de la même façon… cela joue sur nos
niveaux d’énergie. Il faut être créatifs pour diversifier nos activités.
Discutez avec vos équipes de comment vous pourriez diversifier les
activités et rencontres. Cela peut les aider, eux aussi, à mieux gérer leur
niveau d’énergie.
Prenez quotidiennement des moments pour prendre conscience de votre
niveau d’énergie. Physiquement, émotionnellement (y a-t-il des choses à
nettoyer dans certaines de vos relations, à oser dire, à oser nommer ?)
Spirituellement, qu’est-ce qui nourrira votre sens aujourd’hui ? Cette
semaine ? Et votre mental, comment se comporte-t-il ?
Observez et rendez-vous témoin de votre niveau d’énergie. Et si vous avez
tendance à ne faire qu’une seule chose, quelle activité, quel intérêt différent
pourriez-vous ajouter à votre programme ?

Philippe Varin, PDG de PSA Peugeot Citroën a dit : « Si vous ne prenez pas
20 minutes de rendez-vous avec vous chaque jour vous faites une faute
professionnelle. » Pensez alors à provoquer de vrais rendez-vous avec vous-
même.

PRENEZ LE TEMPS DE DÉPOSER VOTRE VERRE D’EAU


Une psychologue marchait vers le podium tout en enseignant la gestion du stress à
une audience avertie. Comme elle a soulevé un verre d’eau, tout le monde s’attendait
à la question du verre à moitié vide ou à moitié plein. Au lieu de cela, avec un sourire
sur son visage, elle demanda : « Combien pèse ce verre d’eau ? »
Les réponses entendues variaient de 200 à 500 grammes.
Elle ajouta : « Le poids absolu n’a pas d’importance. Cela dépend de combien de
temps je le tiens. Si je le tiens pendant une minute, ce n’est pas un problème. Si je le
tiens pendant une heure, j’aurai une douleur dans mon bras. Si je le tiens pendant
une journée entière, mon bras se sentira engourdi et paralysé. Dans chaque cas, le
poids du verre ne change pas, mais plus longtemps je le tiens, le plus lourd, il
devient. »
Elle poursuivit ainsi : « Le stress et les inquiétudes dans la vie sont comme ce verre
d’eau. Pensez-y pendant un moment et rien ne se passe. Pensez-y un peu plus
longtemps et ils commencent à faire mal. Et si vous y pensez toute la journée, vous
vous sentez paralysé – incapable de faire quoi que ce soit. »
Pensez à déposer régulièrement votre verre d’eau !

TECHNIQUES DE NAVIGATION EN TEMPS


DE TURBULENCE
Vous l’avez sûrement remarqué : la vie n’est pas un long fleuve tranquille.
Le leadership non plus ! Mais chaque expérience qu’on vit est une
opportunité de se rencontrer soi-même et d’évoluer avec curiosité et
bienveillance. En fait, toute situation qui nous fait réagir est comme un
messager.
On dit que les choses arrivent pour une raison. Peut-être. Ça peut faire du
bien d’y croire, ça donne un sens à nos souffrances, à nos adversités. Mais
peu importe qu’elles arrivent pour une raison ou non, une chose est sûre, les
choses arrivent. Des belles, des moins belles, des déplaisantes, des
obligatoires, des éprouvantes, des faciles, des magiques, des tragiques et
parfois tout ça en même temps. Dans la même journée ou dans la même
heure. C’est ça, l’expérience de la vie. C’est beau et tragique, plaisant et
difficile, éprouvant et magique. Nous vivons des passages.
Imaginez une montagne russe : il y a les gens à l’arrière qui ont les mains
bien figées sur la barre, les doigts blancs à force de la serrer. Ils ont une
seule envie, que ça s’arrête pour pouvoir redescendre. Il y a ceux qui sont
assis en avant avec les bras en l’air qui vivent le trip de leur vie et ceux
installés au milieu qui sont neutres et assez indifférents. Parfois, dans la
montagne russe, la descente est brutale et la remontée est longue et pénible.
Certains en ont très peur mais d’autres, au contraire, profitent de chaque
émotion forte qu’elle leur fait vivre. Tout dépend du regard qu’on pose sur
l’expérience, de la paire de lunettes qu’on porte.
Pour vivre une expérience positive, n’essayez surtout pas de sortir du
manège alors qu’il est en mouvement. Il faut accueillir l’expérience et se
rencontrer soi-même au travers de celle-ci. Dans la vie, c’est la même
chose. Et si vous enleviez tout le drame de cette situation ? Si vous retiriez
toutes les histoires que vous crée votre mental, que resterait-il de
l’expérience que vous vivez ici et maintenant ? Quelles sont ces histoires
que vous êtes en train de créer autour de la situation ? Car ce sont souvent
ces histoires qui causent la montagne russe et la mauvaise expérience qui en
découle.
Voici un exemple très simple. J’habite avec mes deux grands enfants, des
adultes de 19 et 22 ans maintenant. Un soir, j’arrive à la maison après une
longue journée et c’est le chaos total. Mon mental commence à s’agiter :
Encore de la vaisselle qui traine ! Je ne peux pas croire que je suis la seule
à remarquer que c’est le bordel. Pourquoi c’est toujours moi qui finis par
ramasser ? Je n’ai pas plus le temps de m’en occuper que les autres.
Bref, le drame et les histoires se créent dans ma tête. Je me retrouve
soudainement assise dans la montagne russe probablement aussi stressée
que ceux qui sont derrière et qui tiennent la barre serrée. Je me demande
alors : Quel est le regard que j’ai envie de porter sur cette situation-là ?
Comment j’ai envie de me vivre dans cette expérience ? À qui je fais mal là-
dedans ? Ai-je vraiment envie de vivre cette situation de cette façon et de la
faire subir aux autres ?
Après avoir enlevé le drame et toutes les histoires, ce qu’il reste bien
souvent d’une situation, c’est l’amour. L’amour que je me porte et celui que
je porte à l’autre. Et c’est à travers cet amour que nous pouvons trouver
notre chemin d’authenticité pour accueillir la montagne russe. Acceptons
chaque phase de notre évolution en en faisant des moments
d’expérimentation et d’apprentissage.

Accueillir ce qui se joue en soi. Et savoir


être… avec soi
En mars 2020, lorsque tout a été mis sur pause, mon agenda s’est vidé d’un
seul coup. Mais il s’est aussi rapidement rempli de toutes sortes de choses
que je m’étais moi-même imposées. Je me suis donc promis que 2021 serait
différent : il serait tolérance et tendresse envers moi-même. Mais lorsque
toute ta vie, tu as établi ta valeur personnelle en fonction de ta capacité à
accomplir, quand tu carbures aux défis et que ta nourriture est le sentiment
d’être utile, de contribuer à quelque chose de plus grand, c’est une stratégie
bien difficile à se défaire. Et ce n’est pas la leader que je souhaite être.
J’ai alors pris conscience de mon bilan après une semaine de travail. Le
stress, la pression et un inconfort généralisé étaient au rendez-vous : un
moment de turbulence intérieure. Une sérieuse et courageuse conversation
avec moi-même s’est donc imposée !


Nous avons donné mauvaise réputation au stress. Mais Sonia Lupien,
directrice du Centre d’études sur le stress humain, nous rappelle que jusqu’à
un certain point le stress a un effet positif : il favorise la performance et la
mémoire, en plus d’augmenter la vigilance et l’attention. Il peut être un
puissant mobilisateur d’énergie ! Je suis du même avis pour tout moment de
turbulence. Parfois, nous avons l’impression que tout tombe en morceaux,
mais en réalité, tout est en train de se mettre en place pour notre plus grand
bien. L’expérience vécue nous pousse à évoluer et à sortir de notre zone de
confort afin de pouvoir vivre et expérimenter notre vraie grandeur, notre
essence.
« Pour forcer la floraison d’un schlumbergera39, il faut le priver de lumière
et cesser de l’arroser pendant un certain temps. Sentant sa survie menacée,
la plante cherche alors à se reproduire et produit une fleur qui contient des
graines. La nature du schlumbergera fait en sorte qu’un certain niveau de
stress lui est nécessaire pour assurer son développement. » (Oser – Le guide
pratique, Pinet et Bouleau)
Il en va de même pour l’humain. La turbulence nous sort de notre train-train
et de nos vieux réflexes. Elle crée un inconfort, mais elle peut assurer notre
développement. Tout réflexe peut se changer par l’entraînement de l’esprit.
Il est possible de créer de nouvelles habitudes et de cesser de reproduire
sans cesse les mêmes comportements, entraîner son esprit à adopter de
nouveaux comportements : se choisir, profiter de la vie, se libérer des
exigences, se créer des espaces qui nous nourrissent. Se défaire de ses
réflexes prend du temps. Car nos enjeux resteront nos enjeux. On tombe
dans ses pièges, on se voit aller, on s’intercepte avec bienveillance et à
partir de cette place-là des possibles émergent.
Notre nature première d’humain nous amène à ce réflexe de vouloir revenir
à notre sentiment de sécurité et de paix et, donc, de mettre des stratégies en
place pour réduire l’inconfort ou nous distraire de lui.
Devant la turbulence nous avons, à mon avis, trois options :
1. Se laisser SUBIR la situation, s’en rendre la victime en laissant le
ronron mental prendre le contrôle.
2. ACCUEILLIR ce qui se joue en soi. Respirer, relativiser, recadrer et
ACCEPTER ce sur quoi nous n’avons pas le contrôle.
3. Mettre notre énergie à trouver une solution alternative et
DÉSAMORCER la situation.

Se débarrasser de la turbulence, c’est impossible ! Alors pourquoi ne pas


s’en faire une alliée ?
Observer sa météo intérieure
Nous sommes sensibles à la météo. Elle fait souvent partie de nos
conversations, elle guide nos choix d’activités et a même une influence sur
notre humeur.
Mais qu’en est-il de notre météo intérieure ? Malheureusement, nous ne
recevons pas d’alerte pour nous aviser de ses variations, mais lorsque nous
développons notre capacité à l’observer, nous pouvons avoir un certain
contrôle sur elle. Pour ce faire, il suffit de prendre la posture d’observateur
bienveillant.
Alors, voici un exercice de centration qui vous permettra d’observer votre
météo intérieure. C’est aussi une question intéressante à poser au début
d’une rencontre ou d’une discussion. Quelle est votre météo intérieure au
début de cette rencontre ? Ensoleillée ? Couverte avec des risques
d’orages ? Glaciale ? Cela vous permet d’évaluer… la température de la
salle ! Cet exercice sur la météo intérieure, c’est une rencontre avec vous-
même qui vous permettra d’observer, en conscience, tel un témoin
bienveillant ce qui est vivant en vous.
Installez-vous confortablement et prenez une posture détendue.
Portez votre attention vers votre intérieur. Établissez le contact avec
vous. Adoptez une attitude d’observation de vous-même, sans
jugement.
Prenez contact avec votre respiration.
Concentrez-vous sur votre corps. Ressentez-vous de l’inconfort ?
Quels sont les signes qu’il envoie ? Avez-vous des indications
particulières, des douleurs, des sensations physiques ?
Prenez conscience des pensées qui vous habitent : le rythme,
l’intensité, la place et l’espace que vous leur donnez en ce moment.
Sont-elles des pensées de compassion envers vous, envers les
autres ? Ou sont-elles critiques ? Ne jugez pas. Il vous suffit
d’observer.

Maintenant, vous allez tourner votre attention vers votre monde des
émotions pour observer votre météo intérieure. Que ressentez-vous ?
Quelles émotions vous habitent ? Dans quelle mesure êtes-vous habité et en
contact avec vos émotions ici et maintenant ? Que détectez-vous ?
Comment vous sentez-vous ? Encore une fois, ne jugez pas. Il suffit
d’observer.
Qu’y a-t-il pour vous ?
Est-ce ensoleillé ? Vous êtes heureux ? Détendu ? Curieux ?
Reconnaissant ? Excité ? Inspiré ? Passionné ? Créatif ?
Aventureux ? Stimulé ?
Le temps est doux ? Vous êtes attendri ? Chaleureux ? Ému ?
Sensible ? Comblé ? Détendu ?
Orageux ? Vous êtes irrité ? Pessimiste ? Stressé ? Anxieux ?
Lourd et pluvieux ? Vous êtes triste ? Déçu ? Seul ? Amer ?
Incompris ? Fatigué ? Vidé ? Épuisé ? Vulnérable ?
Frais ? Vous êtes incertain ? Intimidé ? Craintif ? Inquiet ?
Glacial ? Vous êtes indifférent ? Impuissant ?
Couvert avec des risques d’orages ? Vous êtes blessé ? Confus ?
Déchiré ? Incertain ? Inconfortable ? Mal à l’aise ? Perdu ?
Venteux ? Vous êtes agacé ? Agité ? Contrarié ?
Tornade ? Vous êtes explosif ? Incontrôlable ? Imprévisible ?
Excessif ? Tourmenté ? En colère ? Frustré ? Impatient ?
Éclaircie à la suite d’une pluie ? Vous êtes confiant ? Optimiste ?
Encore une fois, ne jugez pas. Il suffit simplement de constater. Et
de prendre conscience de votre état d’être.
Et répétez cette phrase tel un mantra.
« Je ne suis pas mes pensées. Je ne suis pas mes émotions. Je ne suis ni mon
corps physique, ni mes réalisations, ni mes expériences. Ici et maintenant,
simplement je suis. »
Quel impact y a-t-il sur vous de faire ce constat ?
Qu’y a-t-il à accepter ?
Sur quoi avez-vous envie de lâcher prise ?

QU’EST-CE QUE LA PLEINE CONSCIENCE ?


Jon Kabat-Zinn, Ph.D., directeur fondateur du Centre pour la pleine conscience en
médecine, soins de santé et société de l’université médicale du Massachusetts,
définit la pleine conscience comme suit : « Être capable de porter une attention
directe et ouverte à ce qu’on est en train de faire au moment où on le fait, dans une
conscience sans jugement. »
La pleine conscience, c’est élargir son esprit, c’est sortir du pilote automatique, se
centrer et s’ancrer dans son expérience, se voir aller. En pleine conscience, c’est
nous qui décidons de suivre une pensée au lieu d’obéir de façon impulsive à cette
pensée.
Car je ne sais pas pour vous, mais pour moi, souvent certaines pensées sont
insistantes. Vite, ouvre ton ordinateur et envoie ce message maintenant, sinon tu
oublieras ! On pense à un truc et hop, on passe à l’action ! Quelle agitation ! Et nous
devenons esclaves de nos pensées.
Donc, comme nous le disions précédemment, le problème, ce n’est pas les pensées
elles-mêmes, mais le rapport qu’on entretient avec elles : si on les suit et leur obéit de
façon impulsive, si on les subit, si on les nourrit. L’invitation est de les accueillir et de
les observer avec bienveillance et conscience.
En peine conscience, nous pouvons choisir autre chose que de suivre une pensée et
aller directement dans l’action : demeurer connecté dans le lien avec l’autre, par
exemple, dans l’expérience, dans le silence, dans notre respiration. Mais ne pas
succomber à l’agitation, à l’action impulsive, à ce qui est peut-être urgent mais pas
nécessairement important…
Savoir que nous ne sommes pas obligés d’obéir à toutes nos pensées est libérateur,
vous ne trouvez pas ?
Observer ses pensées
Bouddha a dit : « Nous sommes ce que nous pensons. Tout ce que nous
sommes résulte de nos pensées. Avec nos pensées, nous bâtissons notre
monde. » Je répondrais à cette citation : « Si nous bâtissons le monde avec
nos pensées, que celles-ci soient bienveillantes envers soi et les autres ! »
On me demande souvent : « Comment puis-je arrêter de penser ? Je pense
trop ! Quand je médite, je n’arrive pas à arrêter le flot de pensées ! »
Certaines personnes se jugent ou se blâment de ne pouvoir calmer leur
esprit. Et pourtant…
George Steiner a dit : « Il est deux processus que les êtres humains ne
sauraient arrêter aussi longtemps qu’ils vivent : respirer et penser. En vérité,
nous sommes capables de retenir notre respiration plus longtemps que nous
pouvons nous abstenir de penser. À la réflexion, cette incapacité à arrêter la
pensée, à cesser de penser est une terrifiante contrainte. »
L’auto-observation bienveillante est une pratique qui m’a demandé et qui
continue de me demander beaucoup d’effort. Et c’est pour cela que je me
raconte à vous avec beaucoup d’humilité. Je me revois, un matin l’hiver
dernier, alors que je déroulais mon tapis de yoga pour méditer.
Mon dieu, que je suis agitée ce matin. C’est si difficile d’être
présente.
Je suis moins assidue ces temps-ci. Il faut que je remédie à cela.
(Jugement envers moi-même)
C’est vrai que c’est un gros mois. Il faudrait que je m’offre un peu
de bienveillance. (Une tentative d’auto-empathie)
Si on n’avait pas eu tous ces problèmes techniques aussi avec notre
site web.
Et si notre fournisseur avait fait son job. Ça aussi, il faut que je
m’occupe de ça. Faut pas que j’oublie de mettre ça sur ma liste.
Ok, Pascale, reviens ici et maintenant.
Non mais c’est vrai que ça me déclenche, les gens qui ne sont pas
rigoureux et qui ne prennent pas leur responsabilité. Bon sang que
ça m’énerve !
Arrête de juger… tu ne connais pas sa réalité.

Oh shnoutte, c’est vrai, il faut que je sorte la récup tantôt !

Ah le bavardage mental ! Ce brouhaha incessant… ne le jugez pas. Ne vous


culpabilisez pas de ne pas pouvoir arrêter le cours de vos pensées. Il est
impossible de les empêcher d’apparaître. Notre cerveau est une
extraordinaire machine à produire des pensées, mais très difficile à arrêter.
Dès que nous nous réveillons, la production de pensées commence.
Comme le dit Eckhart Tolle, nous sommes des « penseurs compulsifs ».
D’ailleurs, il est important de faire la distinction entre le mental et les
pensées. Le mental est une activité plutôt qu’une chose. Les pensées, on ne
peut pas les empêcher d’arriver, mais avec l’entraînement de l’esprit, on
peut les calmer, mieux les sélectionner, dompter l’animal sauvage.
Ce que nous appelons penser ou réfléchir, ce n’est pas produire des pensées
(cela se passe sans que nous puissions intervenir). Penser ou réfléchir, c’est
trier nos pensées, les organiser, les hiérarchiser, les sélectionner et tenter de
les développer. Voilà pourquoi avoir l’espoir d’arrêter nos pensées, avec la
méditation, par exemple, est impossible. Avec de la pratique, cependant, on
arrive peu à peu à les voir avec détachement et à les considérer comme
telles : des pensées. Comme des phénomènes mentaux transitoires, et non
pas des certitudes durables. Car le problème, ce n’est pas tant le contenu ou
le mouvement de nos pensées que le rapport que nous avons avec elles.
Le mental est un superbe outil, mais également un fléau… Sans la
conscience, c’est lui qui se sert de nous (au lieu que ce soit nous qui nous
servions de lui). Il nous pousse à nous identifier à lui.
Le problème n’est pas les pensées en tant que telles, mais plutôt le rapport
que nous entretenons avec elles. Précédemment, j’ai cité Descartes et sa
fameuse affirmation Je pense donc je suis. Quelle erreur fondamentale. Il a
associé notre identité à la pensée. Voilà pourquoi il faut s’entraîner à
considérer les pensées pour ce qu’elles sont : des pensées… Et donc comme
un intrant parmi tant d’autres.
Il m’apparaît donc que nous devons observer TOUS les intrants de la
conscience, et pas seulement les pensées. Ce qui est : vu, entendu, senti,
goûté, ressenti, pensé ou imaginé. Et savoir que tous ces intrants sont
changeants et impermanents et… importants !

« Je suis ce que je me raconte » : entraîner son mental


Si nous ne pouvons pas arrêter le flot de pensées, il est possible d’entraîner
notre mental. Nous n’avons pas à en être victimes. Tout comme nos
muscles, notre mental peut se transformer. (Croyez-moi sur parole, il y a de
l’espoir !) Il suffit d’apprendre à observer nos pensées et à prendre
conscience des histoires que nous nous racontons, du bavardage mental.
On dit que 80 % de nos pensées sont négatives et que 95 % sont répétitives.
Toutes les pensées négatives ne sont pas mauvaises (être alertes peut nous
aider à survivre), mais la plupart sont inutiles. Elles ne servent qu’à créer
des drames imaginaires dans notre esprit. Alors que faire lorsque nous
sommes pris dans une situation qui prend de la place négativement ? Une
situation qui nous chicote, nous tricote, nous met en colère, nous fait sentir
coupables, nous rend honteux…
J’ai tiré cet exercice d’un conte bouddhiste40. Je l’ai moi-même testé et je
peux vous assurer qu’il fonctionne !

Étape 1 : Prenez une feuille de papier ou pour les plus technos, un


logiciel d’écriture sur votre téléphone mobile. Faites deux
colonnes : négatif – positif.
Étape 2 : Asseyez-vous avec votre situation en tête. Laissez-la vous
habiter. Respirez.
Étape 3 : Observez.
Étape 4 : Chaque fois qu’une pensée survient, notez-la dans la
bonne colonne. Laissez tout aller. Essayez de ne rien contrôler.
Étape 5 : À la fin de l’exercice, observez combien de pensées sont
du côté négatif et combien sont du côté positif.
Du côté négatif vous trouverez des pensées envers vous-même et
envers la ou les personnes impliquées dans la situation en
question. Vous y verrez vos peurs, vos insécurités, vos pertes, les
choses qui vous stressent par rapport à ce qui se passe. Vous y
observerez les drames, les histoires que vous vous racontez, ce qui
vous irrite.
Du côté positif, vous verrez également des pensées envers vous-
même et envers la ou les personnes impliquées dans la situation en
question. Vous y trouverez peut-être des joies, des pensées de
compassion et d’amour, ce qui vous procure de la gratitude, des
leçons apprises de cette expérience.
Ne jugez surtout pas vos pensées négatives, elles ne sont pas toutes
mauvaises. Offrez-vous plutôt une bonne dose d’auto-compassion.
Ce qu’il est important de développer, c’est la vigilance et
l’attention.
Ensuite, pour chaque pensée négative, écrivez au moins une pensée
positive. Exemple : une personne vous énerve. Mais quelle force a-
t-elle dans cette situation ? La situation vous enrage. Quel aspect
de vous vous encourage-t-elle à développer ?
Répétez cet exercice sept jours d’affilée. Vous verrez que le nombre
de pensées dans la colonne de droite, celle du positif, augmentera
jour après jour.
Nous sommes ce que nous nous racontons. Cultiver l’attention et observer
ce qui crée en nous des drames mentaux et des bavardages est sûrement une
bonne façon de marcher sur la route de notre humanité avec plus
d’authenticité et de sérénité.

Les pensées envahissantes41


Il y a certaines pensées qui sont propices aux ruminations et qui sont
envahissantes :
Les jugements quels qu’ils soient, de soi ou des autres, sont une
source inépuisable de ruminations.
L’anticipation de l’avenir par ses multiples possibilités noie
rapidement tout esprit procédant à son analyse. Ces mouvements
anxieux débutent fréquemment par « si » et enchaînent des flots de
conditions, de causes et de conséquences.
Penser à la place d’autrui et en son absence peut noyer un esprit
dans un flux d’interrogations et d’analyses sans résolution possible.
L’objet des pensées est alors le comportement supposé d’une
personne et l’analyse de ce prétendu comportement (car encore
inexistant). Il s’agit en quelque sorte de la quête de sens du
comportement d’autrui, alors même que cet autre reste en partie
secret. L’esprit crée alors un nombre incalculable de scénarios et en
évalue la pertinence et la réponse possible, même si les scénarios
sont improbables. Voici quelques exemples : « Il va me dire ça,
c’est sûr, parce qu’il pense que… », « elle ressent ceci parce qu’elle
pense que… », « il va avoir fait ça parce qu’il… », « quand il
rentrera je lui dirai… »
La revue récurrente d’événements passés occupe une place
importante des ruminations, en particulier lorsque s’y associent les
trois précédents mécanismes. Par exemple, repenser à un événement
de son enfance en exprimant des jugements sur autrui et soi-même
tout en anticipant ce que la vie aurait pu être si l’événement s’était
déroulé autrement. Le célèbre « si j’avais su… » fait partie des
créateurs de pensées passéistes.
Le combat contre soi-même est aussi une piste intéressante à
regarder. Ce combat survient, par exemple, lorsque nos actions sont
en contradiction avec nos envies et désirs et avec nos valeurs
profondes. Survient une recherche d’authenticité, de sincérité qui
donne matière à cogiter. Ce combat survient aussi lorsque la
frustration est ressentie, nourrissant alors un ressentiment.

J’ajouterais aussi :
La victimisation : pourquoi cela n’arrive qu’à moi ? Pourquoi suis-
je toujours pris à tout faire tout seul ! (Parce que tu ne fais pas des
demandes claires, me disent mes enfants !) Voilà une voie de
développement ! Identifier notre besoin (soutien) et faire une
demande claire à partir de cette place.

Et quand nous tombons dans nos réactions, plusieurs pensées peuvent


devenir envahissantes :
Si je tombe dans la conformité, quelles sont les pensées qui
prennent toute la place ? (M’aimeront-ils encore ? Suis-je vraiment
reconnu, apprécié ? Mon dieu, l’ai-je blessé, déçu ? Ai-je semé le
trouble ?)
Quand je suis en mode protection. (J’espère que je n’ai pas passé
pour quelqu’un de trop mou, trop faible, trop émotif ? Et si en
faisant cela j’exposais ma vulnérabilité ? Ou bien des pensées
cyniques, des blâmes, du sarcasme.)
Si je suis dans le contrôle. (Ai-je bien fait ? Ai-je fait assez ? Étais-
je crédible ? Mon dieu, pourvu que je n’aie pas passé pour un
incompétent qui ne sait pas de quoi il parle. Je vais leur montrer que
c’est moi le plus fort !)
Alors… comme le chef d’orchestre, je prends le temps de me demander
comment j’ai envie d’interpréter cette œuvre musicale. Si je suis ce que je
me raconte, si je retirais tout le drame de l’histoire que je me crée, que
resterait-il ? Les pensées envahissantes, négatives et obsessionnelles nous
empêchent de goûter à ce qui est beau, à nous reconnaître et nous
empêchent aussi de célébrer.
La romancière Marguerite Duras a écrit : « L’art de voir doit s’apprendre.
Nous devons commencer à voir comme l’artiste voit, le poète voit, le
romancier voit, comme le scientifique voit et comme l’enfant voit. »

L’ego calme
Je suis certaine qu’en matière d’ego, nous nous ressemblons tous : nous
aimons être bons, courageux, intelligents ou, en tous cas, en avoir l’air, bien
paraître, être imaginatifs, gentils et serviables et, surtout, nous aimons que
les autres le remarquent. Nous pouvons tous s’imaginer dire : « Hé ! C’est
moi qui ai trouvé ce resto, qui ai déniché ceci ou cela, qui ai pensé à cela. »
Selon la lunette qu’on porte, la discipline qu’on pratique, l’ego peut être
défini de diverses façons42.

En psychologie, c’est le « moi », le « je » chargé de gérer nos


impulsions et notre code moral, un peu comme un arbitre.
Dans le monde spirituel, c’est une entrave à l’éveil spirituel. C’est
ce qui nous empêche d’atteindre notre essence, une illusion à
dépasser.
Le monde du développement personnel d’aujourd’hui, s’inspirant
du monde spirituel, et donc des sagesses orientales nous amène
parfois à penser que l’ego est essentiellement une part nuisible de
notre personnalité, ce petit moi qui veut posséder et exister dans le
monde matériel (versus le Soi supérieur, l’identité ultime de l’être,
pleinement altruiste). L’ego veut posséder. Le vocabulaire d’une
personne pour qui l’ego est très présente est teinté de possession :
MA maison, MON animal, MA voiture, MA blonde, MON chum…

L’ego est souvent perçu comme vilain et nuisible. Il est arrogant. Il rabaisse
les autres. Il se pense supérieur. Il aime briller, gagner, se montrer le
meilleur, obtenir des responsabilités, surtout pour se pavaner, il est
prétentieux. C’est qu’il a un gros ego !
Il cherche l’approbation. Il veut prouver sa valeur. C’est son ego qui
s’exprime !
Et au contraire, on se félicite lorsqu’on vainc le vilain ego : (moi, je n’ai pas
beaucoup d’ego, ou bien j’ai mis mon ego de côté…)
Et en même temps on se faire croire qu’une forte personnalité (donc un fort
ego) est nécessaire pour réussir dans la vie.
Vous serez peut-être aussi surpris d’apprendre qu’il existe l’ego gentil. Le
Dalaï-Lama avait donné comme exemple : « Tu vois quelqu’un tomber. Tu
accours pour l’aider et une autre personne arrive juste avant toi et offre son
aide. Comment réagis-tu ? Es-tu heureux de l’aide de l’autre personne ? Es-
tu déçu que ce ne soit pas toi qui as aidé ? Si tu as répondu par la première
réponse, il s’agissait de ton ego gentil. »
L’ego peut être un sujet controversé sur sa définition – et on se questionne
beaucoup à ce sujet… mon ego est-il trop grand ou mon ego est-il trop petit
(suis-je trop humble ?). C’est loin d’être évident de s’y retrouver. Et je
trouve parfois que l’ego a le dos large… Mais je n’ai pas envie qu’on soit
en mode « définition théorique » et surtout pas en mode « blâme »…
Faisons plutôt le lien avec les concepts déjà vus dans les autres chapitres :
les besoins de carence et de croissance.
Rappelez-vous que les besoins de carence sont motivés par un manque de
satisfaction (par exemple, manque de nourriture, de sécurité, d’affection,
d’appartenance, d’estime de soi) et par des peurs, de l’anxiété et des
exigences.
Et que les besoins de croissance englobent l’esprit d’exploration, d’amour
désintéressé et de recherche d’un sens.
Et, bien que l’ego s’occupe qu’on ne perde pas ce qui nous crée cette
sensation de sécurité… extérieure… ce sont les besoins de carence qui sont
en jeu : sécurité, reconnaissance, estime, confiance en soi… L’ego
développe des craintes de ne pas pouvoir satisfaire ses besoins. Si ces
derniers ne sont pas nourris, nous souffrons. Et l’ego s’agite. Il cherche à
combler ces sentiments de manque que nous pouvons ressentir : sécurité,
estime de soi, confiance en soi, reconnaissance, amour, etc.
On peut aussi faire le lien avec tout le mode de fonctionnement réactif :
l’ego enclenche un jeu intérieur réactif, très similaire à la façon dont Brene
Brown parle, elle aussi, de l’ego :

« Notre ego est la partie de nous qui se soucie de notre statut et de


ce que les gens pensent, d’être toujours meilleurs que et d’avoir
toujours raison. Je considère mon ego comme mon arnaqueur
intérieur. Il me dit toujours de comparer, de prouver, de plaire, de
perfectionner, de surpasser et de rivaliser.
L’ego aime blâmer, trouver des fautes, trouver des excuses, infliger
des récompenses et s’en prendre aux autres, qui sont toutes des
formes ultimes d’autoprotection. L’ego est aussi un adepte de
l’évitement – assurant au délinquant que nous allons bien,
prétendant que cela n’a pas d’importance, que nous sommes
imperméables. »

Ce qui m’amène à vous parler de nouveau de Scott Barry Kaufman qui est
l’un de mes chouchous académiques. Ce que Kaufman a à dire sur l’ego est
très intéressant. Il définit l’ego comme ceci : « Cet aspect de soi qui a le
besoin incessant de se voir sous un jour positif. »
Et nous voulons tous nous voir sous un jour positif, n’est-ce pas ? Nous
aimons ignorer notre ombre et nous concentrer uniquement sur le fait que le
monde nous considère uniquement dans notre lumière.
Kaufman rapporte les travaux de Heidi Wayment et ses collègues qui font
des recherches fascinantes sur ce qu’ils appellent « l’ego calme » (The
Quiet Ego). Inspiré de la philosophie bouddhiste et de la psychologie
humaniste, ce programme de recherche montre que calmer notre ego est une
voie puissante vers le bien-être, la croissance et une saine estime de soi.
Une alternative à mettre au rancart l’ego et à vouloir le dissoudre.
Mais qu’est-ce qu’un ego calme exactement ? Est-il possible d’avoir un ego
calme ?
D’abord, il est important de mentionner qu’un ego calme n’est pas la même
chose qu’un ego silencieux. Dissoudre l’ego au point qu’il perde
complètement son identité ne vous rend service ni à vous-même ni au
monde. Au lieu de cela, la perspective de l’ego calme met l’accent sur
l’équilibre et l’intégration. Comme Wayment et ses collègues l’ont dit, un
ego bruyant passe beaucoup de temps à se défendre. Réduire le volume de
l’ego permet d’écouter les autres ainsi que soi-même (faire des « ET ») dans
le but d’aborder la vie avec plus d’humanité et de compassion.
L’approche de l’ego calme se concentre sur l’équilibre entre les intérêts de
soi et des autres, et sur la croissance de soi et des autres, de la conscience de
soi et de l’expérience de compassion. Le but de l’approche de l’ego calme
est d’arriver à une position moins réactive et sans perdre le sens de soi ou
de nier son besoin d’estime des autres. (Vous pouvez très bien pratiquer
l’authenticité sans vous perdre de vue…)
L’ego calme ne ressent pas le besoin d’être sur la défensive. Il est apte à
considérer les autres, à leur être sensible, sans se sentir en danger ni sur la
défensive. Il indique une saine estime de soi et la capacité à reconnaître ses
limites.
Selon Wayment et son collègue Bauer, l’ego calme repose sur quatre
aspects :
1. La conscience détachée
Être conscient du positif tout comme du négatif. La personne tente de
voir les situations de façon claire, avec ouverture et acceptation. Lors
d’une situation difficile, les pensées et les émotions sont prises en
compte de façon objective et dans le but ultime de garder une bonne
maîtrise de soi et de retirer le meilleur de la situation.
2. L’identité inclusive
Il n’y a plus de division de race, de sexe, de rôle, etc. Chaque
personne est traitée de façon équitable, peu importe la couleur de sa
peau ou son statut économique.
3. La prise de perspective
L’ego calme n’est pas centré seulement sur lui-même. L’attention est
portée en dehors de soi, envers autrui. Il y a une forte présence
d’empathie et de compassion pour les autres.
4. L’esprit de croissance
La personne pense, agit et évalue à long terme. Elle vit le moment
présent comme étant ce qu’il est, tout simplement, sans se sentir
menacée envers quoi que ce soit.
Je n’ai assurément pas besoin de vous convaincre des bienfaits d’avoir un
ego calme plutôt que son contraire. Mais juste au cas où vous vous poseriez
encore des questions, sachez qu’il existe de multiples bénéfices à opter pour
le calme.
1. Votre liberté intérieure
Quel bien cela peut faire d’être axé sur le bien des autres, sur leur
évolution et sur l’entraide plutôt que d’être centré sur son propre
nombril au détriment du bonheur d’autrui.
2. Vous libérer de ce besoin de paraître et enfin vivre dans l’ÊTRE
N’est-ce pas là une des leçons qui priment dans ce livre ? Pouvoir être
libre d’être soi, sans crainte de jugement ou d’être réprimandé.
3. L’humilité
L’humilité d’être qui on est vraiment. Faire des choix sans crainte,
avec assurance et sans anticipation de sa propre image ou de l’opinion
des autres.

Échelle de l’ego calme (QES – The Quiet Où en êtes-vous par rapport aux
Ego Scale)43 affirmations suivantes ? Identifiez là où
vous voyez des pistes de travail.

1. Je fais souvent attention quand je


fais des choses.

2. Je ne fais pas des travaux ou des


tâches automatiquement, je suis
conscient de ce que je fais.

3. Je ne me précipite pas dans les


activités sans y être vraiment
attentif.

4. Je ressens une connexion avec tous


les êtres vivants.

5. Je ressens une connexion avec des


étrangers.

6. Je ressens un lien avec les gens


d’autres races.

7. Avant de critiquer quelqu’un, j’essaie


d’imaginer ce que je ressentirais si
j’étais à sa place.

8. Lorsque je suis en colère contre


quelqu’un, j’essaie généralement de
me mettre à sa place pendant un
moment.

9. J’essaie de regarder chaque côté


d’un désaccord avant de prendre
une décision.

10. Je trouve facile de voir les choses


du point de vue d’une autre
personne.

11. Pour moi, la vie a été un processus


continu d’apprentissage, de
changement et de croissance.

12. Je pense qu’il est important d’avoir


de nouvelles expériences qui
remettent en question la façon dont
je me soucie de moi-même et du
monde.

13. J’ai le sentiment d’avoir beaucoup


évolué en tant que personne au fil
du temps.

14. Quand j’y pense, je me suis


vraiment beaucoup amélioré comme
personne au fil des ans.

Ceux qui obtiennent un score plus élevé sur l’échelle de l’ego calme ont
tendance à être plus intéressés par la croissance et l’équilibre personnels et
sont plus susceptibles de rechercher la croissance par l’authenticité, la
maîtrise et des relations sociales positives. Bien qu’un ego calme soit
positivement lié à une bonne estime de soi, à une résilience et à des
stratégies d’adaptation saines pour faire face aux facteurs de stress de la vie,
il est également lié à des attitudes et des comportements humanitaires. Cela
est cohérent avec l’idée qu’un ego calme équilibre la compassion avec
l’autoprotection et les objectifs de croissance. En effet, une bonne
indication qu’on évolue est que l’ego se calme. Un ego calme est également
associé à l’humilité, à la croissance spirituelle, à la flexibilité de la pensée, à
l’ouverture d’esprit, à la capacité de savourer les expériences quotidiennes,
à la satisfaction de la vie, à la prise de risques et au sentiment que la vie a
un sens, une existence riche.
Plus l’ego est calme = Plus le meilleur de vous
émerge !

Un discours intérieur bienveillant


À quoi ressemble votre discours intérieur ? Est-il doux, bienveillant envers
vous-même la majorité du temps ? Ou est-il critique et dur ?
Nous avons tous cette petite voix ou cette forme de pensée qui vient nous
faire la morale et nous sermonner quand nous ne sommes pas à la hauteur
de nos attentes ou quand nous avons fait une erreur. C’est notre juge
intérieur.
Ce juge se tourne aussi parfois vers les autres. Il les passe au tribunal, les
blâme et les critique : Tout le monde est… Il ou elle n’a qu’à…
Venant d’un milieu catholique religieux, je vous ferai sourire, mais le nom
que j’ai donné à mon juge, c’est la mère supérieure. Ma mère supérieure ne
manque pas de me dire quand je n’ai pas fait ceci ou cela correctement,
quand je devrais prendre mes responsabilités, quand c’est le temps de
travailler et non de me reposer. Il faut ceci, cela. Tu dois faire ceci, cela. Tu
y es obligée. Ça ne se fait pas !
Je ne sais pas si vous l’avez déjà remarqué en vous, mais je sais que cette
espace de dureté, de jugement, de blâme et de sur-exigence existe en moi.
D’ailleurs, il existe en chacun de nous comme l’ombre et la lumière. Si je
me traitais comme si j’étais ma meilleure amie, est-ce que je me traiterais
ainsi ?
Lorsque ma « mère supérieure » prend trop de place, une conversation
authentique avec moi (les diverses parties de moi-même !) est nécessaire. Et
la partie bienveillante de moi demande à la mère supérieure qu’elle prenne
des vacances. Elle l’envoie balader !
J’ai parfois l’impression d’être une petite fille qui se fait prendre en faute.
Cela n’est pas si loin de la réalité, car notre juge intérieur, c’est le surmoi.
C’est cette partie de notre esprit, majoritairement inconsciente, qui exerce
une fonction critique et de contraintes. Le surmoi s’alimente pendant notre
enfance, à travers notre éducation et les figures d’autorité en plus de notre
environnement social et culturel. Il se construit au contact des interdits. Il
fixe les règles du jeu : ce qu’on peut ou ne peut pas faire, ce qu’on doit ou
ne doit pas faire. Mais il n’est pas mauvais juge à tout coup. Il nous protège
de certains comportements et pulsions qui seraient destructeurs dans notre
vie en société ou envers nous-mêmes. Et, dépendant de notre histoire
familiale et personnelle, il peut être plus ou moins bien construit. Il n’est
donc pas nécessairement mauvais mais il représente, dans tous les cas, notre
loi intérieure.
La bonne nouvelle est qu’il y a de l’espoir. Ce juge intérieur, il peut bouger
et il se « reprogramme ». Comment ?
1. D’abord, en prenant soin de notre enfant intérieur. En lui répétant avec
bienveillance qu’il mérite un amour inconditionnel.
2. En examinant avec lucidité nos interdits, nos drames mentaux, ce qui
crée en nous de la honte. Ces Je ne serai jamais assez bon. Ou bien
Pour qui te prends-tu ? En anglais, nous disons Change your
narrative. Changer notre discours intérieur est dans notre pouvoir
personnel.
3. En nous offrant de l’amour et de la compassion.
4. En cultivant la fierté d’être qui nous sommes. Nous sommes tous
dignes d’amour et d’appartenance. Sans conditions.
5. Et en cultivant la vigilance et l’attention.

Et rappelez-vous, la relation que nous entretenons avec notre monde


intérieur dirige tout. Parlons-nous comme si nous étions… notre meilleur
ami, avec amour et compassion.

Et ensuite ?
Agir et décider en temps de turbulence
Vous ancrer et pratiquer la vigilance et l’attention vous permet d’être plus
conscient de ce qui se passe en vous et autour de vous, de vous mettre au
cœur de vos systèmes et d’en faire la lecture la plus juste, complète et
pertinente possible. De voir vos indicateurs et signaux d’alertes en temps
réel plutôt que de rester coincé dans les pensées antérieures ou futures : Ah
si j’avais su… J’aurais dû… Ou il risque d’arriver ceci ou cela… De
reconnaître les besoins, les enjeux et les préoccupations de vos parties
prenantes. De reconnaître l’impact sur l’autre, sur l’équipe et sur
l’organisation de cette turbulence.
Nous avons des décisions difficiles à prendre en tant que leaders et surtout
en temps de turbulence. Mais procéder en conscience fait toute la différence
dans notre capacité à prendre des actions qui sont à la fois pertinentes pour
ici et maintenant et qui nourrissent le sens pour le futur. Et au besoin, faites-
vous challenger et soutenir pour valider vos lectures.
La notion au temps n’est pas la même en situation de turbulence. Agissez
avec urgence malgré des informations incomplètes. Au milieu des
bouleversements, les leaders doivent partager ce qu’ils savent et admettre ce
qu’ils ne savent pas. Paradoxalement, cette honnêteté crée plus de sécurité
psychologique pour les gens, pas moins.
Admettre que vous n’avez pas les réponses ne signifie pas éviter
d’agir. L’inaction laisse les gens se sentir perdus et instables.
Choisissez la bonne direction compte tenu des informations
actuelles et acceptez que celles-ci continueront à se mettre à jour.
Acceptez que la décision que vous avez prise aujourd’hui, avec les
informations que vous aviez, puisse changer demain.
Fiez-vous à votre boussole intérieure. Qu’avez-vous le goût de créer
comme impact ? À partir de quel sens, quelle intention ? Quel
leader voulez-vous ÊTRE ? Et agissez avec conscience.
Les gens nous feront ainsi confiance et nous aideront à trouver et à
retrouver la voie à suivre.

INSPIRATIONS POUR MIEUX NAVIGUER


DANS LA TURBULENCE

L’agitation : cultiver la décélération


Nous enchainons parfois les activités dénuées de sens, juste pour ne pas être
dans la passivité. Car arrêter d’être dans l’action, c’est être paresseux !
Quand nous ne sommes pas engloutis dans les dossiers et les projets, nous
avons l’impression de ne RIEN FAIRE ! Et de n’être pas assez. La réponse
qui nous fait paraître bien à : « Ça va toi ? », c’est : « Ah j’te dis pas….
J’suis full occupé ! »
Notre lien au temps a changé ! C’est l’époque micro-ondes. Vous vous
rappelez le temps où on envoyait les contrats à signer par la poste ? Avant
on mettait la lettre à la poste, le timbre dessus. On savait que la lettre
prendrait trois à quatre jours pour se rendre, trois à quatre jours pour
revenir. C’était juste ainsi. Puis, il y a eu le télécopieur… et maintenant, on
reçoit un courriel et 30 secondes plus tard un message texte qui nous
demande si on a reçu le courriel !
Je vous avoue avoir été pendant longtemps la pro de l’agitation. J’étais celle
qui répondait avec fierté oh combien j’étais occupée ! Je suis partie en
nature quelques semaines l’été dernier. Mon projet : prendre une pause
complète de mes activités ! Quel défi ! J’avais toujours un dernier courriel à
écrire ou un coin de cuisine à nettoyer. Comme si mon corps et mon mental
étaient entrainés à être occupés sans cesse. Je me suis surprise, malgré mes
bonnes intentions, à être presque toujours dans l’action. Jusqu’au moment
où j’ai, intentionnellement, choisi de « ne rien faire » : observer les feuilles
qui s’agitaient sous le vent, écouter les oiseaux et le bruit de la chute,
observer la marmotte qui refaisait le même chemin jour après jour pour
trouver sa nourriture, juste… contempler et être là. Et je me souviens
d’avoir touché un certain ennui. Et honnêtement, cela goûtait bon ! Entre
vous et moi, j’en veux davantage de ces moments de décélération. Je veux
toucher l’ennui plus souvent.
Avons-nous perdu cette vertu qu’est la patience dans notre monde où tout
va trop vite ? Nous voulons des programmes d’entraînement, des recettes et
des modes d’emploi de développement de soi et de compétences qui
donnent des résultats le plus vite possible. Nous désirons que nos relations
fonctionnent comme par magie et que les autres changent quand nous avons
besoin qu’ils changent. Nous rêvons d’être heureux et épanouis, mais en
faisant un effort minimum. Nous souhaitons gagner de l’argent, mais
rapidement et facilement. Ouf ! Apprenons plutôt à être patients.
Notre voyage d’éveil à soi demande de la pratique et la traversée
s’accomplit pas à pas. Il demande aussi de ne pas attendre le « résultat »
avant d’être satisfaits, mais plutôt d’apprécier la route et d’accueillir
l’expérience. De toute façon, il nous est impossible de forcer les choses.
Parfois elles se passent… quand elles ont à se passer. Cultivons donc la
patience qui amène la sérénité et la paix intérieure, car un leader patient est
un leader sage.
Lorsque je fais vite, je fais bien. Lorsque je prends mon temps, je fais du
bien.

« La patience est une forme de sagesse.


Elle prouve que nous comprenons et acceptons le fait
que,
parfois, les choses doivent se déployer à leur rythme. »
Jon Kabat Zinn

La patience : aussi vite que possible, aussi lent que nécessaire


J’ai entendu cette histoire d’un médecin indien qui habitait à proximité d’un
ashram et qui recevait surtout des patients nord-américains qui séjournaient
plusieurs mois en Inde, dans ces lieux de recueillement pour méditer et faire
du yoga en quête de l’illumination. Ce médecin rapportait que plusieurs de
ses patients étaient… en burn-out ! Quel paradoxe, non ? S’épuiser à tenter
d’être bien et à trouver la paix intérieure !
Vous rappelez-vous la rencontre que fait le petit Prince sur la quatrième
planète ? Le businessman. Il lève à peine les yeux quand le petit Prince
arrive. Il est absorbé dans ses colonnes de chiffres. Des additions. « Je suis
sérieux, moi, monsieur ! Je suis sérieux, moi ! », dit-il quand le petit Prince
essaie de lui parler. « Je n’ai pas le temps de flâner ! Je suis sérieux, moi. Je
n’ai pas le temps de rêvasser. »
Le businessman additionne le nombre d’étoiles dans le ciel afin de les
posséder et d’être riche. Et une fois qu’il les possède, il les compte et
recompte. Il n’a jamais admiré une étoile, ni respiré le parfum d’une fleur,
ni aimé personne. Il est sans cesse dans l’ACTION ! ! ! Pas question de
ralentir ! « Je suis occupé, moi, je suis sérieux, moi ! »
Êtes-vous comme ce businessman, tellement absorbé par votre travail que
vous oubliez d’être présent à ce qui importe vraiment ? Admirer,
contempler, aimer, aider, prendre le temps en toute conscience, être présent,
être là pour votre équipe, écouter, vous connecter à vous-même ? Être
présent à ce que vous vivez, ressentez ?

La tranquillité : on voit mieux dans le silence

SAVIEZ-VOUS QUE… des recherches avaient démontré que dans


certaines cultures (dont la nôtre), après environ quatre secondes,
l’humain devenait inconfortable dans le silence ? Eh oui ! Nous
conversons comme nous jouons au ping-pong : en ne laissant qu’une
fraction de seconde entre chaque interaction. Pourtant, le silence recèle
de nombreuses richesses. Il n’est pas vide. Au contraire, il est souvent
rempli de réponses. Pour avoir des paroles authentiques, nous devons
aller voir à l’intérieur de nous, au nom de quoi, consciemment, nous
faisons le choix de dire… ou pas.

En ce qui me concerne, je sais que parfois si je m’exprime trop vite, je le


ferai à partir d’une réaction plutôt que de mon authenticité. Choisir le
silence me permet alors d’aller voir en moi et de vivre l’instant présent tout
en laissant la chance à mon interlocuteur de faire de même. C’est souvent
dans le silence qu’on voit le mieux.
Ce ne sont pas ceux qui parlent le plus qui savent le plus, c’est
souvent même l’inverse.
En cas de doute, écoute.
Parfois, prendre la parole est un acte courageux. D’autres fois, c’est
garder le silence qui est un acte de courage.
Le silence est le langage des leaders sages.
Parfois le silence est la meilleure réponse ou le meilleur argument.
Parle si tes mots sont plus forts que le silence (Euripide).

« Il y a un moment où les mots s’usent.


Et le silence commence à raconter. »
Khalil Gibran

Joie et esprit de célébration


La capacité de faire la place à la joie, à la gratitude, à l’émerveillement et à
la célébration serait-elle une des clés pour exercer un leadership durable et
mobilisant ? Être sérieux sans se prendre au sérieux, est-ce possible ?
La joie est une émotion. Et l’une des caractéristiques de l’émotion, c’est
que vous pouvez difficilement la garder pour vous. Il faut vous exercer
longtemps avant d’être capable de bloquer entièrement les automatismes
que déclenche votre inconscient lorsque vous vivez une émotion comme la
joie. Et c’est une excellente nouvelle ! Car la joie est naturellement
communicative, ce qui veut dire que, lorsque vous la ressentez, vous la
communiquez aux autres qui, eux aussi, en ressentiront des bribes à leur
tour.
Voici quelques attitudes à chérir pour cultiver votre joie et ainsi la répandre
autour de vous, selon le philosophe Frédéric Lenoir44 :

L’attention
« Si je regarde un beau paysage en pensant à autre chose, je ne pourrai être
dans la joie. En revanche, si je goûte cet instant avec tous mes sens, alors
elle sera en mesure de surgir. » Donc, soyez présent à ce que vous vivez.

Le lâcher-prise
« Devant une difficulté ou une épreuve contre laquelle on ne peut rien faire,
mieux vaut dire oui à la vie. Non pas se résigner en maugréant. Mais en
lâchant prise, je laisse la porte ouverte à la joie du consentement. »

La création
« En cultivant ma créativité, je suis en lien avec mon être profond, je suis
dans la vérité de ma personne, pas avec mon ego. Je le transcende. Qu’il
s’agisse de peinture, de cuisine, de jardinage, d’écriture… »

La persévérance
« Aller jusqu’au bout de l’effort, quoi que l’on fasse, permet de trouver la
joie. »
La gratuité
« Faire des choses sans attendre de retour, sans recherche de profit ou
d’efficacité. Qu’il s’agisse d’un échange avec quelqu’un, d’une action, d’un
geste esthétique… », ça rend heureux. C’est prouvé.

La gratitude
« Prendre l’habitude de la cultiver, en un mouvement profond et spontané
de notre être, nous ouvre à la puissance de la joie. »
Et je pourrais ajouter :

Prendre la vie du bon côté


Même si le climat ambiant est plutôt à la morosité, il est possible
d’apprendre à cultiver ses émotions positives, à se protéger en prenant de la
distance.

Prendre le temps de célébrer ses bons coups


Savoir reconnaître et savourer ce qu’on fait de bien, nos réussites, c’est une
source de joie très grande.

La sagesse
Il y a quelques années, je me suis offert un grand cadeau, celui d’un voyage
en Égypte. D’ailleurs, il y a pour moi une différence importante entre des
vacances et un voyage. L’intention est tout autre. Les vacances visent la
détente et le repos, alors que le voyage est transformateur.
J’ai donc effectué ce grand périple : une exploration vers l’histoire
ancienne, la psychologie sacrée et la spiritualité millénaire de cette culture
qui ont été une grande source d’inspiration en lien avec le leadership.
Entre un moment méditatif où on traverse le désert à pied, la découverte des
temples où on sent vibrer ces énergies de Force, d’Amour et de Puissance,
les rencontres humaines, les leçons sur la vie et la mort et le privilège de
visiter la seule merveille du monde antique qui a subsisté à l’épreuve du
temps, comment ne pas se sentir inspirée, transformée et plus riche ?
D’ailleurs, ma rencontre avec le Sphinx a été particulièrement significative,
car il représente à la fois la puissance avec son corps de lion et la sagesse
avec sa tête divine. Il ne dit rien, il regarde et surtout il écoute. Depuis plus
de 4000 ans, il est le témoin des secrets anciens et modernes. Par sa simple
présence, il nous enseigne que la force requiert de la sagesse, et la sagesse
requiert de la force.
Un bon leader le sait, en équilibrant ces deux attributs : force et sagesse.
Mais qu’est-ce que la sagesse au juste ?
Le concept de sagesse est très ancien. Il suscite un nouvel intérêt depuis
quelques années en psychologie en tant que trait de personnalité qui a un
impact sur la santé physique et mentale, le bien-être, le bonheur, la
satisfaction par rapport à la vie, la maîtrise personnelle et la résilience. Le
mot philosophie vient du grec ancien et signifie littéralement « amour du
savoir » et communément « amour de la sagesse ».
Le philosophe Frédéric Lenoir, auteur de La sagesse expliquée à ceux qui la
cherchent, nous dit que la sagesse, c’est chercher à grandir en humanité, à
être le meilleur humain possible. Il nous dit aussi d’être actifs dans la quête
de la sagesse. Car, de chaque expérience, nous pouvons chercher à
apprendre quelque chose.

« On pourrait définir l’idéal de la sagesse de la


manière suivante : plutôt que de chercher à adapter le
monde à ses désirs, le sage transforme ses désirs pour
les adapter au monde, autrement dit au réel. Il
apprend à aimer la vie de manière inconditionnelle et
non pas seulement quand tout lui est favorable. »
Frédéric Lenoir

Nous vivons dans un monde d’injonctions : « Tu dois être heureux. Tu dois


réussir ta vie. » Mais cette quête de sagesse ne doit être ni une injonction ni
une recherche de performance. Nous devons tendre vers la sagesse… en
acceptant nos limites, nos zones de vulnérabilité et en tentant de réconcilier
nos contractions intérieures.
Et finalement, la sagesse, on peut la réfléchir… mais l’important est surtout
de l’incarner. C’est un art de vivre ! La quête de la sagesse est un chemin
d’humilité et d’acceptation de ce qui est. Quelles sont donc les
caractéristiques des personnes que nous considérons comme étant sages ?
Le neuropsychiatre américain Dilip V. Jeste et ses collègues ont analysé les
descriptions de la sagesse proposées dans la littérature psychologique et
philosophique. Ils ont identifié six composantes largement considérées
comme contribuant à la sagesse et ont élaboré ce test : l’Échelle de sagesse
de San Diego45, pour les évaluer.
La connaissance générale de la vie et les décisions sociales :
capacité de donner de bons conseils, connaissance et compétences
pour mener sa vie.
La régulation émotionnelle : régulation des affects et maîtrise de
soi.
Les comportements prosociaux : empathie, compassion, altruisme et
sens de l’équité.
La réflexion sur soi : capacité et désir de se comprendre soi-même
et de comprendre ses actions à un niveau profond.
La tolérance de valeurs divergentes : absence de jugement et
acceptation d’autres systèmes de valeurs.
L’esprit de décision : capacité de prendre des décisions rapides et
efficaces.
L’Échelle de sagesse de San Diego (à sept éléments) a été reformulée en
2020 pour inclure une composante jugée importante : la spiritualité.
Et selon ce texte, la sagesse est directement liée au bien-être humain et au
vieillissement sain. Le psychologue Robert J. Sternberg l’a définie comme
« la capacité à comprendre la vie ». Cette composante ou force humaine
n’arrive pas avec le simple passage du temps. Tout le monde ne gagne pas
en sagesse en vieillissant. Une chose n’a rien à voir avec l’autre. Car la
sagesse, c’est aussi la bonté, l’intégrité morale et même l’humilité.

Honorer la sagesse
Dans la culture africaine, vivre « vieux » est un don des dieux46, car cela
signifie gagner en sagesse. D’ailleurs, le terme « vieillard » est loin d’être
péjoratif, car ceux-ci occupent une place importante dans cette société.
Avancer en âge équivaut à gagner en dignité. Ils incarnent la sagesse, la
paix intérieure, la maîtrise de soi, ils sont les conseillers écoutés et suivis,
ils jouent le rôle de pacificateurs. Ce sont eux, les leaders. Le terme
« vieillard » est loin d’être péjoratif.
Au Sénégal, lors du baptême des enfants, on formule ces souhaits : « Yasam
te hud, a jeg yif, a jeg a fap fa yay ; a mâk bo a moj o mâk, mâk ve na sate
fane ; a mâk bo o disel ha pum, a mâk bo a dokoha. » « Qu’il vive
longtemps, ait de l’intelligence, ait père et mère, ait plus de jours que les
plus âgés du village. Qu’il soit vieux au point que sa tête soit toute fleurie,
au point qu’il ne puisse plus marcher. »
Cultiver la sagesse, c’est aussi apprendre à l’honorer et à la respecter.

La résilience
Il est important de faire la distinction entre la résistance et la résilience.
La résistance est la capacité à endurer. C’est-à-dire que, tel un hérisson,
nous essayons d’éviter la menace qui surgit devant nous en sortant nos
piquants, mais une fois le danger passé, nous reprenons le cours normal de
nos activités. Il n’y a ni transformation ni évolution. Juste un retour à l’état
d’avant.
Boris Cyrulnik, psychiatre, définit ainsi la résilience : il s’agit de la
capacité à vivre, à réussir et à se développer en dépit de l’adversité. La
résilience, c’est la reprise d’un nouveau développement après un
traumatisme. Elle est donc la capacité à se remettre, se relever, se
reconstruire et à rebondir psychiquement à la suite d’une épreuve.
Nous ne sommes pas tous égaux face à la résilience. Notre capacité à être
résilients dépend à 10 % des circonstances de notre vie et à 30 à 40 % de
notre génétique. Mais, bonne nouvelle ! Le 50 à 60 % restant dépend
entièrement de nous, de nos activités intentionnelles, donc de nos choix et
du regard que nous portons sur la vie.
Comment fait-on pour développer sa résilience ? Le Dr Dennis Charney,
psychiatre et chercheur en biologie américaine ainsi que l’un des plus
grands experts mondiaux de la neurobiologie et du traitement des troubles
de l’humeur et de l’anxiété, a étudié les victimes de grands traumas. Il a
ainsi été capable d’identifier 10 éléments qu’il appelle : La prescription de
résilience. La voici :
1. Vivre une attitude positive :
L’optimisme est fortement lié à la résilience.
L’optimisme est en partie génétique, mais il peut s’apprendre.
2. La capacité à recadrer, à ré-évaluer la valeur et la signification d’une
expérience de vie et à l’accepter. Voir la vie avec une paire de lunettes
différente.
3. Embrasser une boussole morale personnelle, notre propre ensemble de
croyances fondamentales.
4. Avoir un modèle de rôle résilient.
5. Faire face à nos peurs. La peur est un indicateur et peut servir de
guide.
6. Développer des habiletés d’adaptation actives (plutôt que passives).
Aller chercher du soutien chez les autres et agir.
7. Établir et entretenir un réseau social de soutien.
8. S’occuper de notre bien-être physique. L’exercice physique a des
effets positifs sur l’humeur et améliore l’estime de soi.
9. Entraîner notre cerveau régulièrement dans plusieurs domaines.
Continuer d’apprendre, rester stimulés.
10. Reconnaître, utiliser et favoriser l’utilisation de nos forces, nos
superpouvoirs, au lieu de mettre l’accent sur nos faiblesses.
Et je me permets d’en ajouter un autre :
Trouver l’équilibre entre les activités qui procurent du plaisir, c’est-
à-dire une satisfaction à court terme, et celles qui nourrissent un
sens, une satisfaction à long terme. Comme avoir une mission de
vie.

Il n’y a pas de truc magique, évidemment, mais « donner du sens » aux


expériences, c’est une bonne façon de développer sa résilience. Car chaque
expérience n’est ni bonne ni mauvaise. Elle survient pour nous enseigner
quelque chose, pour nous permettre d’aller une étape plus loin dans notre
évolution comme leader. Et en développant notre résilience, nous aidons
nos équipes à faire de même.

« L’avenir n’est pas ce qui va arriver


mais ce que nous allons en faire. »
Henri Bergson, philosophe français
Face à la souffrance du monde
Comme humains, nous sommes souvent notre pire ennemi. Devant la
détresse, face à l’ignorance, l’intolérance, l’inconscience, les jugements, la
cruauté, la violence, lorsque nous nous sentons si impuissants, en colère et
parfois découragés devant tant de souffrance, comment ne pas devenir
cyniques face à notre nature humaine ?
Parfois, comme cette semaine, je me vois basculer, et j’espère très fort de ne
jamais perdre ma foi et mon amour pour l’humain. Notre sensibilité est un
cadeau immense mais elle peut aussi nous amener vers une fatigue
emphatique. Et la conscience est un couteau à double tranchant. Comment
ignorer… quand on voit ?
Il n’y a pas de réponse magique, mais en toute humilité, je vous livre ce que
mes expériences en humanitaire et comme intervenante m’ont appris :
On ne peut pas fuir la souffrance. Elle reviendra. Car elle est
toujours là, près ou loin de nous. (Ce n’est pas parce qu’on ne la
voit pas qu’elle n’est pas là.)
On ne peut pas se fuir soi-même. On peut se couper,
émotionnellement, oui, mais ça aussi, ça nous rattrapera dans le
détour. Ce qu’on n’a pas « nettoyé » émotionnellement s’imprègne
en nous. Donc, il vaut mieux accueillir notre expérience
émotionnelle, la laisser nous traverser. Prendre le temps de partager,
parler de ce qu’on vit, faire des activités qu’on trouve ressourçantes
émotionnellement et spirituellement, prendre soin de soi.
Accepter qu’on se sente impuissant et qu’au fond on ne contrôle pas
grand-chose. Mais savoir en même temps qu’on ne l’est pas.
Personne ne peut changer le monde. Car à l’impossible nul n’est
tenu ! Et on ne peut cesser la souffrance du monde. Mais on peut
certainement ne pas en rajouter.
On peut aussi se concentrer sur ce qui est possible de changer. Si la
seule chose qu’on peut faire est de prendre sa responsabilité sur ce
qu’on peut changer, eh bien, c’est déjà ça !
À la maison, dans nos familles, avec nos proches, au bureau,
lorsqu’on fait nos courses, dans nos messages et nos publications,
soyons bienveillants et AIMONS. Créons des espaces où les autres
peuvent venir se ressourcer et se déposer. Faisons preuve de
compassion, injectons de la bonté dans nos actions.

Cela peut sembler anodin, inacceptable, pas assez important quand on


regarde tout ce qui se passe autour de nous et ailleurs dans le monde. Mais
je me dis qu’être bons envers soi-même et envers ceux qui nous entourent
est très certainement bon pour le monde.
CHAPITRE 8
ÊTRE UN ÉTERNEL APPRENANT

J’étais en rencontre avec un leader que j’accompagne, qui venait d’obtenir


un poste d’exécutif et c’était un passage important dans sa carrière. Il me
dit : « Pascale, je comprends de notre échange que je dois trouver
l’équilibre entre avoir confiance en moi ET être humble. Honnêtement, je
n’ai aucune idée de comment faire ça. »
Je lui réponds alors : « Tu ne sais pas comment faire ça… encore… ! »
Le mot « encore » est si important. Ne soyons donc jamais gênés ni
intimidés par ce que nous ne savons pas. Et sachons que le savoir peut être
un piège, il peut nous créer des peurs, nous freiner. Personnellement il y a
plusieurs choses que je n’aurais pas entreprises si j’avais su dans quoi je
m’embarquais ! L’illusion de savoir aussi peut être un piège, nous empêcher
d’apprendre et de demeurer sur notre chemin d’humilité. Un leader n’a pas
à tout savoir.
Accepter de ne pas tout savoir permet de voyager plus léger. De ne pas
tout porter.
Acceptez de porter des questions au lieu de chercher rapidement des
réponses. Cela vous gardera dans cette curiosité et dans l’esprit du débutant,
de même que dans l’humilité. Et comme le dit cette citation hindoue : « Le
premier pas vers la sagesse est de savoir que tu es ignorant. » Acceptez
donc de ne pas savoir. Et, personnellement, plus les années passent, plus je
constate combien j’ai à apprendre et que je suis sur une route
d’apprentissage sans fin !

SAVOIR DEVENIR : L’ÉTAT D’ESPRIT DE


L’ÉTERNEL APPRENANT
Une des fondations au leadership créateur et qui nous permet de l’exercer
de façon durable (et agréable !), c’est de savoir devenir : Être un éternel
apprenant !
Les nouvelles technologies, notre monde qui change à vue d’œil, tout cela
nous demande de continuer à nous développer professionnellement et
personnellement. Mais surtout, je dirais, de garder cette flamme intérieure,
l’envie d’évoluer ! Quand j’entends des leaders, à la fin d’un parcours, me
dire qu’ils ont attrapé la piqûre du développement, pour moi c’est la plus
belle des récompenses. De transmettre ma passion pour l’évolution en
conscience.
Nous devons réapprendre à appendre. Car l’apprentissage n’est pas
seulement pour les enfants et les jeunes adultes ! Dans le passé, obtenir un
diplôme d’études secondaires et ensuite un diplôme universitaire était
considéré comme la fin des études et c’était suffisant pour décrocher et
conserver un excellent emploi jusqu’à notre retraite. Mais le concept d’être
un apprenant a changé. Le concept d’apprendre, de faire, et finalement
prendre sa retraite n’existe plus. Nous devons sans cesse apprendre, faire,
désapprendre – apprendre, faire, prendre des pauses – apprendre, faire,
désapprendre… et répéter ! C’est le cycle d’un apprenant tout au long de la
vie.

Assumez la responsabilité de votre avenir


Trop d’adultes blâment le système éducatif, leur industrie ou leur
organisation pour leur manque d’opportunités de développement. Reprenez
votre pouvoir personnel et assumez la responsabilité de vote futur en vous
engagent avec passion dans votre processus d’évolution.
Les apprenants tout au long de la vie recherchent des opportunités pour leur
bénéfice et leur croissance, car ils comprennent qu’ils ont le pouvoir et la
responsabilité de façonner leurs progrès.

Apprenez dans l’action


David A. Kolb, un écrivain américain né en 1939, est psychologue et
pédagogue. Ses travaux portent surtout sur l’apprentissage par l’expérience.

« L’apprentissage est le processus par lequel la


connaissance est créée par la transformation de
l’expérience. »
Kolb, 198447

Les adultes apprennent s’ils en ressentent le besoin.


Les adultes relient ce qu’ils apprennent à ce qu’ils savent déjà, à
leur expérience.
Les adultes apprennent en réalisant des choses, en mettant en
pratique ce qui est nouveau.
Les adultes sont fiers, indépendants et craignent d’être dépassés ou
incapables d’apprendre.
Les adultes ont parfois un mauvais souvenir de l’école et des
rapports difficiles à l’autorité.
Les adultes détiennent eux-mêmes beaucoup d’informations,
d’habiletés et de ressources.
Les adultes évaluent la formation en fonction de ce qu’elle leur
rapporte.
Voilà des principes importants de l’apprentissage pour les adultes.
Nous apprenons dans l’expérience.

L’apprentissage par l’expérience est le processus d’acquisition de


connaissances par le biais d’une expérience personnelle, d’une pratique ou
en cours d’emploi. David Kolb a développé une théorie de l’apprentissage
expérientiel qui organise le processus, ou cycle, de l’apprentissage
expérientiel en quatre phases : l’expérience concrète (Concret Experience),
l’observation réfléchie (Reflective Observation), le raisonnement ou la
conceptualisation abstraite (Abstract Conceptualization) et
l’expérimentation active (Active Experimentation). Chacune de ces phases
correspond à une manière distincte d’utiliser son expérience. Kolb (1984)
considère qu’un apprentissage est complet seulement lorsque ces quatre
phases sont vécues.
Voici donc mon invitation pour vous engager activement dans votre
processus de transformation.
Développez votre capacité à passer avec agilité de la posture « acteur » à
« observateur ». C’est le cœur de votre développement.
« Le talent brut ne suffit pas pour atteindre
l’excellence.
Ça prend de la pratique… Il faut un type particulier
de pratique – la pratique délibérée – pour développer
l’expertise. »
Learning Leadership, Kouzes & Posner

ACCUEILLIR CE QUI EST CAR CE QUI EST… EST


Boris Cyrulnik a dit : « Il faut accepter ce sentiment d’ambivalence : il y a toujours
quelque chose d’heureux à piquer même dans le malheur. »
Ce n’est pas toujours facile de changer notre « mindset » et notre paire de lunettes
devant des défis de taille. Je sais ! Pendant l’arrêt forcé dû à la pandémie, j’ai oscillé
entre l’appréciation de ce que cette période d’isolement avait à m’offrir, les
opportunités qu’elle me procurait et toutes les insécurités qu’elle me faisait vivre.
Mais si nous essayions ? Alors, essayons de voir le beau et de ne pas nous laisser
envahir par le futur ambigu ainsi que par le négatif.
Naviguons en conscience de ce qui est. Mais sans oublier la beauté qui, elle, ne
disparaît jamais. Chaque jour, le soleil se lève et les fleurs continuent de pousser. Ça,
c’est une certitude ! Accueillons ce qui est. Y compris les vides. Car comme le dit si
bien Gilles Legardinier : « L’occasion de constater que ce qui remplit votre temps
n’est pas forcément ce qui comble votre vie. »
J’aimerais vous lancer une invitation aujourd’hui, soit à accueillir les expériences que
la vie vous amène, à les regarder avec curiosité, à adopter la posture de l’éternel
apprenant. Car ce qui est… est.
J’ai cette croyance que les choses finissent par faire sens… et que tout est occasion
d’apprentissage…
Oui, la vie est loin d’être un long fleuve tranquille… Mais une turbulence apporte une
occasion de remettre en cause, de transformer et d’évoluer. Elle peut être un moment
de grande adversité et de vulnérabilité. Mais les adversités font partie de notre
processus d’évolution, autant personnel que collectif. Accueillir l’expérience de la vie,
c’est accepter de vivre les hauts et les bas. Et c’est accepter que la turbulence porte
souvent du positif pour le futur.
Chaque expérience de vie, chaque personne avec qui le lien est difficile et qui nous
déclenche peut devenir un apprentissage. Nous ne sommes pas nos adversités.
Nous avons le choix d’en être victimes ou de les traverser. Voilà où réside notre
pouvoir personnel. Soyons curieux et d’éternels apprenants.
En résumé :
Se transformer, ce n’est pas un point dans le temps. C’est un
processus en continu.
Apprenez dans l’action en étant à la fois acteur et observateur de
vos comportements.
Ralentissez votre processus d’apprentissage. Explorez l’arrière et
les dessous de vos structures de pensées, votre jeu intérieur : le
pourquoi vous faites ce que vous faites.
Et acceptez de vous tromper. Comme l’a dit Lao Tseu : « L’homme
qui ne tente rien ne se trompe qu’une fois. »
Embrassez l’inconfort au fur et à mesure qu’il se produit.
Accueillez toutes vos expériences et vos états d’être comme une
opportunité d’apprendre.

UN MOMENT DE RENCONTRE AVEC SOI-


MÊME

Bilan et mise en action de vos


apprentissages :
1. Chaque personne a un ensemble unique de sensibilités qui,
lorsqu’elles sont déclenchées, apportent une réaction physiologique et
émotionnelle, telle une menace. Nous n’avons pas grand-chose à dire
sur ce sujet. Nous sommes faits de cette façon !
Ces sensibilités varient d’une personne à l’autre. Quelles sont les
vôtres, ce qui vous déclenche et vous amène à réagir ? Lorsque :
quelqu’un conteste vos idées lors d’une réunion ?
un collègue vous interrompt ?
vous sentez une injustice ?
votre statut ou votre image est mis en cause ?
vous avez peur d’avoir l’air incompétent ?
vous vous sentez rejeté ou exclus ?
vous vous sentez pris, que votre liberté ou autonomie est en
jeu ?
vous êtes dans l’incertitude et l’ambiguïté ?
2. Quel est le lien avec vos croyances, votre vision du monde, ce qui
vous comble dans votre sentiment de sécurité, amour, valeur ou de
réussite ?
3. Comment pourriez-vous être en réponse (versus en réaction) à ce
genre de situation ?

PRATIQUE QUOTIDIENNE DE
TRANSFORMATION DE SOI
Vous avez toujours le choix entre ces deux possibilités :
réagir ou répondre ;
nourrir l’ego ou nourrir l’âme.
OÙ SUIS-JE ?
Savoir que vous êtes en réaction est plus important que d’être en tout temps en mode
réponse. Il est d’ailleurs difficile, voire impossible d’être en tout temps en mode
réponse. Après tout, vous êtes humain…
Le leader conscient de lui-même et de sa dynamique sait où il se trouve. Ah ! tiens,
me voilà déclenché, en réaction !
Il fait une pause, accepte d’être là où il se trouve, se place dans un état d’esprit
curieux.
Comment passer au mode réponse ?
Au lieu de vous demander qui est à blâmer, demandez-vous : Que puis-je apprendre
et comment puis-je évoluer à partir de cette expérience ?
La question que vous devez vous poser est : Où est-ce que je passe la majorité de
mon temps et de mon énergie ? En mode réactif ? Ou en mode réponse ?

Évidemment, l’objectif ultime est d’opérer le plus possible en mode


réponse. Et je le répète, gardez d’ailleurs en tête que, dans le lot de tous les
leaders que j’ai connus ou accompagnés, aucun ne fonctionne ainsi à temps
complet… De là l’importance de demeurer curieux, bienveillant envers soi
et de prendre chaque bascule en mode réactif comme une occasion d’en
apprendre davantage sur votre jeu intérieur.
À tout moment, un leader est soit en mode réactif, soit en mode réponse. La
compétence fondamentale du leadership créateur consiste à reconnaître où
vous êtes, en conscience.
Voici une pratique en quatre étapes qui vous aidera, à l’aide de quatre
questions, à développer cette compétence48.

1. Où suis-je ?
Tout au long de la journée, faites attention et remarquez quand vous
basculez en mode réactif. C’est une pratique d’observation et de
réflexion dans l’action qui vous invite à être à la fois acteur et
observateur de votre dynamique.
Les leaders créateurs deviennent excellents pour se situer avec
précision. Ils peuvent non seulement le voir dans leurs actions, dans
leurs paroles, ce qu’ils se disent à eux-mêmes (discours intérieur) et
aux autres, mais ils peuvent aussi le ressentir dans leur corps. La
conscience de soi est souvent la première étape pour s’éveiller en tant
que leader ; une dimension essentielle de la conscience de soi étant de
remarquer son état de conscience actuel.

2. Puis-je m’accepter là où je suis ?


Beaucoup de grandes traditions de sagesse enseignent que la présence
à soi et l’acceptation sont les deux piliers de la conscience. La
présence à soi consiste à remarquer ce qui se joue en soi, et
l’acceptation consiste à accueillir ce que vous remarquez avec
compassion. Je remarque ce qui est là, en moi : un esprit vagabond, un
élan de fermeture, un serrement au ventre, puis j’accepte ce qui est là.
Sans jugement et sans autocritique, deux choses qui peuvent nous
amener encore plus profondément dans notre réaction…
L’antidote à cette réaction, c’est l’acceptation. La respiration peut
aider à effectuer ce mouvement. Avez-vous remarqué que, lorsque
nous sommes déclenchés et en réaction, notre respiration peut devenir
courte, saccadée et se situer davantage au niveau du thorax ? Ce type
de respiration ne soutient pas notre vitalité, car elle active notre
système nerveux sympathique qui sert à placer le corps en état d’alerte
et accélérer sa biologie pour le préparer à l’action.
Donc, après vous être situé en réaction, faites une pause et prenez
conscience de votre respiration. Adoucissez le ventre et prenez des
respirations lentes, régulières et profondes, tout en vous offrant un
moment d’acceptation.
3. Suis-je prêt à basculer en mode réponse ?
Une fois que vous vous êtes localisé et accepté, la prochaine étape
consiste à vérifier si vous êtes prêt à rebasculer en mode réponse. Et
retenez que vous ne pouvez pas changer ce que vous n’acceptez pas.
Remarquez si ce que vous voulez est surtout de fuir l’inconfort et vous
débarrasser du problème… Ou si vous avez le réel désir de rebasculer,
en conscience, en mode réponse.
Suis-je réellement prêt à…
sortir du drame ?
prendre 100 % la responsabilité de mon expérience et de mon
état d’être ?
révéler à d’autres ce qui se joue pour moi ?
parler avec franchise ?
arrêter de blâmer et de critiquer les autres ainsi que moi-
même ?
écouter réellement les autres ?
abandonner le fait d’avoir raison ?
apprendre plutôt qu’à nourrir mon ego ?
ressentir toutes mes émotions de façon authentique ?
autoriser les autres à ressentir aussi leurs émotions ?
accepter l’expérience que les autres sont en train de vivre et
qui peut être différente de la mienne ?
Il se peut que la réponse à ces questions soit « non », et c’est ok !
Cette prise de conscience honnête et authentique que vous n’êtes pas
prêt à rebasculer dans un mode créateur est aussi bonne qu’un « oui »
et aussi riche en information et utile à votre transformation. Nous
avons souvent le réflexe de vouloir fuir l’inconfort. Mais cet inconfort
peut être bien riche en enseignement.

4. Comment vais-je basculer en mode réponse ?


Si vous êtes réellement prêt à rebasculer, en conscience, en mode
réponse, voici quelques éléments à considérer et qui peuvent vous y
aider.
Identifiez les croyances qui vous gardent en réaction, qui ont
provoqué votre déclenchement, les histoires que vous vous
racontez ainsi que les émotions.
Remettez-vous en cause en vous posant les questions
suivantes : Est-ce vrai ? Puis-je être absolument sûr que cela
est vrai ? Voyez comment le contraire de l’histoire de la
situation pourrait être aussi réel que votre histoire.
Permettez-vous de ressentir toutes les émotions que vous avez
peur de ressentir (colère, tristesse, peur, joie…)
Ouvrez-vous sur votre ressenti devant quelqu’un en qui vous
avez confiance.
Acceptez l’expérience et ce qui est.

À la suite de la lecture de cette section, quels sont les rituels d’hygiène qui
seraient soutenant à votre processus de transformation, à votre leadership et
à votre vie en général et que vous désirez mettre en place ? Physique ?
Mental ? Émotionnel ? Spirituel ?
Après la lecture de cette section, quelles sont les techniques de navigation
en temps de turbulence qui vous seraient le plus utiles et que vous avez
envie d’expérimenter ?
Pour accéder aux versions éditables et téléchargeables des sections « Un moment
de rencontre avec soi-même » et « Pratique quotidienne de conscience et de
connaissance de soi », à du contenu privilégié et recevoir les mises à jour sur les
réflexions proposées, scannez le code QR et accédez au Hub du leader créateur.
CONCLUSION

Il est possible qu’à partir de votre jeu intérieur actuel, vous soyez en mesure
de performer extrêmement bien dans le monde. Mais un mode de
fonctionnement réactif ne vous rend pas capable de changer le monde. Il ne
vous soutient pas dans votre capacité à vous transformer, à introduire des
nouveaux comportements durables afin de créer un monde meilleur. Plus
sain, inclusif et joyeux. Pour y arriver, vous devez élever vos jeux !
Nous avons besoin de leaders créateurs dans nos organisations et dans le
monde pour naviguer à travers les crises mondiales, les moments de
turbulences et le niveau de complexité auxquels nous sommes confrontés
aujourd’hui. Ce n’est qu’à ces niveaux que les leaders peuvent traverser les
tourmentes et la complexité, transformer notre monde, nos organisations,
réaliser des mandats tout en créant des espaces de saine performance et se
réaliser tout en offrant de l’humanité autant au niveau personnel que
collectif.
En résumé, nous avons vu, dans cet ouvrage, que les leaders créateurs :
ont compris que leur évolution passe par l’investissement dans leur
principal outil : eux-mêmes. Car la première personne qu’on doit
leader, c’est soi. En devenant de meilleurs humains, on devient de
meilleurs leaders ;
sont conscients : ils comprennent et élèvent leur jeu intérieur ;
s’engagent dans leur développement de façon continue. Ils sont
d’éternels apprenants ;
sont autoportants dans leur développement ;
comprennent leur logique d’action, leurs croyances et leur mode de
fonctionnement et acceptent de se remettre en question ;
s’appuient sur le passé, ils sont ancrés dans le présent, ils voient
grand et loin ;
cultivent le « prendre soin » d’eux-mêmes et des autres ;
dirigent à partir de leur boussole intérieure ;
adoptent la mentalité paradoxale : ils font des « ET » au lieu des
« ou », ce faisant, ils créent des possibles !

Et rappelez-vous, un paradoxe n’est jamais complètement résolu, mais une


chose est certaine : la réconciliation du paradoxe Performance – Humanité
nécessite l’élévation de notre conscience.
Individuellement : Comment se joue ce paradoxe pour moi, comme
personne et comme leader, compte tenu de ma dynamique, de mon jeu
intérieur ? Et comment cela se reflète-t-il sur ma façon de diriger et ma
capacité à créer un environnement de travail sain, mobilisant et sécurisant
pour mon équipe ?
La conscience de qui vous êtes comme leader, de quels jeux intérieurs vous
jouez et de votre dynamique de fond est le point de départ de votre
cheminement pour vous développer comme leader. C’est l’équivalent
d’avoir en main une carte routière avant de partir en voyage. Vous savez
d’où vous partez !
La conscience de votre jeu intérieur vous permet de savoir : Qu’est-ce qui
se passe ? Pourquoi ça se passe ainsi ? Quelles sont les opportunités de
développement ?
Chers leaders créateurs, c’est ensemble que nous réussirons à transformer
notre monde pour un monde plus conscient à partir de notre propre
transformation individuelle. Notre monde a bien besoin de chacun de vous !
En espérant que cela vous a donné envie d’explorer votre jeu du leader
Créateur !
RÉFÉRENCES

1 Hautes Études Commerciales.


2 Can Leadership Be Taught ? Tomas Chamorro-Premuzic, Forbes, 20 septembre 2021.
3 www.psychologies.com/Dico-Psycho/Conscience
4 The 15 Commitments of Conscious Leadership : A New Paradigm for Sustainable Success. Jim
Dethmer, Diana Chapman, Kaley Klemp, 2015.
5 Selon les recherches d’une durée de 4 ans : Conscience de soi dans le leadership, de la Dre Tasha
Eurich, psychologue organisationnelle et coach exécutive, qui a mené, avec son équipe de
chercheurs, une étude scientifique à grande échelle sur la conscience de soi. L’étude consistait en
10 enquêtes distinctes avec près de 5 000 participants. Son objectif était d’examiner ce qu’était
réellement la conscience de soi, pourquoi les dirigeants en avaient besoin et comment ces
derniers pouvaient l’augmenter.
6 Traduction et adaptation de The Ego-Soul Dynamics de Richard Barrett.
www.barrettacademy.com/ego-soul-dynamics
7 Tao-Te-King : Le livre de la voie et de la vertu. Éditeur LIBRIO, 2018.
8 « Strengths use, self-concordance and well-being : Implications for strengths coaching and
coaching psychologists ». R. Govindji et P.A. Linley, International Coaching Psychology
Review, 2 (2), 143–153, 2007.
9 Ces sept principes fondamentaux sont traduits et adaptés du livre de Scott Barry Kaufman :
Transcend : The New Science of Self-Actualization. TarcherPerigee, 2020.
10 Leadership Circle.
11 Adapté des travaux de William Torbert. Selon une étude, un leader se classerait selon une des
sept différentes « logiques d’action ». Rooke & Torbert, 2005 ; Torbert & Livne-Tarandach,
2009.
12 Pour développer ce modèle et créer ce tableau du jeu du leader réactif, je me suis inspirée des
travaux des trois logiques d’action et des sept stades de conscience développés par William
Torbert, du modèle Leadership Circle ainsi que des recherches sur le développement humain du
Dr Robert Kegan et de la Dre Antoinette Braks, spécialiste du développement vertical du
leadership.
13 Leadership Circle.
14 Leadership Circle.
15 Leadership Circle.
16 Cette histoire est partagée avec l’accord de mon coaché, Nicolas (nom fictif).
17 Je suis comme je suis : connaissez-vous vraiment vos valeurs personnelles ?, Isabelle Nazare-
Aga, Les Éditions de l’Homme, Montréal, 2008.
18 Test des valeurs (en anglais) Personal values assessment – Understanding your values
www.valuescentre.com/tools-assessments/pva/
19 Je suis comme je suis. Isabelle Nazare-Aga, Éditions de l’Homme, 2008.
20 Barrett Values Center.
21 Source de cette section : livre Transcend : The New Science of Self-Actualization. Scott Barry
Kaufman. Penguin Publishing Group, 2021.
22 The Case for Emotional Intelligence, www.talentsmarteq.com. 2011.
23 Emotional Intelligence – EQ. Travis Bradberry.
www.forbes.com/sites/travisbradberry/2014/01/09/emotional-intelligence/?sh=1f2593c1ac0e
24 Il est à noter que, dans le but de simplifier les propos, j’utilise les termes polarités et paradoxes
comme des synonymes, comme le font d’ailleurs la majorité des auteurs et praticiens en
leadership.
25 Polarity Management : Identifying and Managing Unsolvable Problems. 2nd ed. Barry Johnson,
Ph.D., H R D Press, 2014.
26 Diagnostic de valeurs personnelles du Barrett Values Center :
survey.valuescentre.com/survey.html?
id=s1TAEQUStmylvvMPBsprRR4E3lIuZOgB0EGag0Ki1CIOvC8MbC5eSA&locale=fr
27 Le processus de la présence, Mickael Brown, Édition Ariane, 2012.
28 The Power Paradox, Dacher Keltner, Penguin Books, 2017.
29 Selon le dernier sondage réalisé par Gallup en 2021 : State of the Global Workplace 2021 Report.
30 rework.withgoogle.com/print/guides/5721312655835136/. ReWork : Guide : Understand Team
Effectiveness, 2012-2014.
31 The role of authenticity in healthy psychological functioning and subjective well-being.
Goldman, B. M. et Kernis, M., Annals of the American Psychotherapy Association, 2002.
32 The Leadership Circle. LLC, Manuel d’interprétation des profils, version 11.3.
33 La Bonté humaine : altruisme, empathie, générosité. Jacques Lecomte, Odile Jacob, 2012.
34 The Dalai Lama on Why Leaders Should Be Mindful, Selfless, and Compassionate. The Dalai
Lama with Rasmus Hougaard, HBR, (2019). hbr.org/2019/02/the-dalai-lama-on-why-leaders-
should-be-mindful-selfless-and-compassionate
35 Jossey-Bass, 2011.
36 nospensees.fr/sawubona-le-beau-salut-dune-tribu-africaine/
37 The Five Dysfunctions of a Team : A Leadership Fable. Patrick Lencioni, Jossey-Bass, 2002.
38 Les essais. Michel Montaigne, Michel Onfray, Éditeur MOLLAT, Collection : Bouquins, mars
2019.
39 Souvent appelé cactus de Noël.
40 Dix contes tibétains pour cultiver la compassion. Lama Lhakpa Yéshé, Matthieu Ricard et Satish
Kumar. Le Jour, 2018.
41 www.maeker.fr/fr/humaniste/psychologie/ruminations
42 Inspiré du texte de Danielle Choquette : 8 choses à savoir sur notre ego, Journal de Montréal
Psycho, 29 septembre 2017.
43 The Quiet Ego Scale : Measuring the compassionate self-identity. Wayment, H. A., Bauer, J. J.,
et Sylaska, K. Journal of Happiness Studies : An Interdisciplinary Forum on Subjective Well-
Being, (2015).
44 Les leçons de joie. Frédéric Lenoir, www.psychologies.com/Moi/Se-
connaitre/Emotions/Articles-et-Dossiers/Les-lecons-de-joie-de-Frederic-Lenoir
45 nospensees.fr/l-echelle-de-sagesse-a-7-elements-sd-wise-7/
46 www.persee.fr/doc/comm_0588-
8018_1983_num_37_1_1553#:~:text=Le%20vieillard%20africain%20est%20bien,la%20puissan
ce%20de%20sa%20parole.
47 Experiential Learning. David Kolb, Englewood Cliffs, NJ : Prentice Hall, 1984.
48 Inspiration : The conscious leadership group. conscious.is/resources. Locating yourself : Above
or below.
AUTRES RÉFÉRENCES

Managing Paradox. Blending East and West Philosophies to Unlock Its Advantages and
Opportunities. Jean Brittain Leslie, Peter Ping Li, Sophia Zhao (Center for Creative Leadership)
Polarity Management. Barry Johnson, Ph.D., H R D Press (June 12, 2014)
* Barry Johnson est créateur de Polarity Thinking®
L’esprit du Leader. Rasmus Hougaard et Jacqueline Carter, Alisio (Aug. 14, 2020)
Leadership Agility Spiral dynamics. Stephen A. Josephs, William B. Joiner, Jossey-Bass, 2006
Spiral Dynamics : Mastering Values, Leadership and Change. Prof. Don Edward Beck et Christopher
C. Cowan, Wiley-Blackwell ; 1st ed (August 5, 2005)
Mapping the Organizational Psyche. Corlett et Carol S. Pearson, Center for Applications (2003)
The 15 Commitments of Conscious Leadership : A New Paradigm for Sustainable Success. Jim
Dethmer, Diana Chapman, Klemp (2015)
UN MOT DE SALUTATION

Déjà toute petite, je rêvais d’un monde plus ouvert, tolérant et inclusif.

C’est d’ailleurs ce qui m’a portée tout au long de mes études et de ma jeune
carrière et qui m’a menée vers la découverte de ma grande mission de vie :
être actrice de changement.

Si aujourd’hui j’accompagne avec confiance des leaders sur la route du


développement personnel, c’est parce que j’en ai moi-même emprunté le
chemin.

J’ai occupé des postes de haute direction, j’ai beaucoup voyagé – à la fois
pour me fuir et me découvrir – je me suis cherchée, fouillée et…trouvée.

En plongeant en moi, je me suis offert le plus beau des cadeaux : celui de


l’élévation de ma conscience. Et parce que je comprends mieux mes forces,
mes faiblesses et mes mécanismes, je saisis plus efficacement ceux des gens
qui m’entourent.

Je crois fondamentalement que, comme leader, nous avons la responsabilité


de faire de nos organisations des espaces sécuritaires et bienveillants pour
les travailleurs.

Chaque individu devrait, oui, avoir le privilège, mais surtout le droit de


pratiquer un métier qui donne un sens à sa vie et lui confère le sentiment
d’être utile. D’œuvrer dans un environnement sain qui conjugue
performance et humanité. Car à la fin d’une journée, personne ne devrait
se sentir pressé comme un citron et vidé de toute son énergie.

Pour que notre société soit constituée de meilleurs humains, parents,


conjoints ou citoyens, nous devons repenser nos façons de gérer les
entreprises.

C’est pourquoi j’ai dédié ma mission professionnelle à accompagner ces


leaders courageux qui souhaitent devenir des catalyseurs positifs de
changement en développant leur principal outil : eux-mêmes !

Ensemble, créons des cultures organisationnelles de saine performance et


de sécurité psychologique.

Ensemble, faisons de notre monde, un lieu où il fait bon vivre.

Pascale
À PROPOS DE L’AUTEURE

Diplômée des Hautes Études Commerciales (HEC) de Montréal en


administration des affaires, Pascale Dufresne a exercé dans les trente
dernières années divers rôles de leadership, de conseils et d’interventions
dans le domaine des organisations, notamment comme vice-présidente
d’une grande firme de développement des compétences du leadership. Elle
est maintenant coprésidente de Leadership Inspire & Lab Inc. et
cofondatrice de la communauté Leader Humaniste. Elle enseigne dans le
cours Leadership de soi offert aux Études supérieures et postdoctorales de
l’Université de Montréal. Elle intervient aussi en tant que facilitatrice et
intervenante en leadership authentique et humaniste au sein de programmes
corporatifs de développement du leadership et comme coach exécutive,
spécialiste en développement de la personne, auteure et conférencière.
De plus, elle a obtenu un diplôme en coopération internationale, ce qui l’a
amenée à travailler au Mali, en Afrique de l’Ouest en tant que coopérante
volontaire. Femme de conviction et engagée, elle s’implique dans son
milieu comme membre du conseil d’administration d’un organisme qui
contribue au changement social. Elle s’est aussi investie comme mentor
dans le programme Tandem pour nouveaux diplômés à l’École des HEC,
pour le programme l’Effet A et en tant que conférencière pour L’Étoffe du
succès (Dress for success), organisme qui vise l’épanouissement
professionnel des femmes en difficulté.
Pascale est une exploratrice de la dynamique humaine. Par son challenge
bienveillant, elle a aidé des centaines de gestionnaires, exécutifs et
dirigeants d’entreprises à révéler leur vraie nature. Sa pratique soutient la
mise en place de cultures organisationnelles conscientes, humaines et de
saine performance par le développement d’un leadership authentique,
efficace, courageux et durable. Sa devise : accepter de se transformer pour
être un leader à impact positif et pour transformer nos organisations… et le
monde !
Habile communicatrice, à travers ses conférences, ses ateliers et ses
parcours, elle fait vivre aux participants une expérience stimulante et unique
de réflexion et d’inspiration. Elle a accordé des entrevues à la radio de
Radio-Canada sur divers thèmes de leadership, à l’émission d’Isabelle
Maréchal au 98,5 FM et à TVA (canal Argent). Elle traite aussi de sujets
touchant le leadership en tant que chroniqueuse à la radio.
Pascale est membre de l’ICF (International Coaching Federation). Elle fait
partie des cinq premiers coachs certifiés Process Communication® au
Québec. Elle est formée en PNL (Programmation neuro-linguistique) et en
CNV (Communication non violente de Marshall Rosenberg). De plus, elle
est praticienne certifiée du Leadership Circle Profile (LCP), outil 360 et
puissant modèle pour améliorer le développement et l’efficacité du
leadership. Elle a complété une certification en tant que praticienne certifiée
en Neurosciences Appliquées.
Elle investit sans cesse dans son développement personnel. C’est ce qui l’a
amenée vers l’écriture. Auteure de Entre la tête et le cœur – Voyage
intérieur pour se découvrir et s’accepter, paru en mars 2016 chez Béliveau
éditeur, elle a été sélectionnée, parmi tous les auteurs à succès de cette
maison, pour représenter cet éditeur au Salon du livre de Paris en mars
2017.
Originaire de Québec, Pascale Dufresne habite maintenant Montréal avec
ses deux grands enfants.
Si vous désirez la joindre, voici ses coordonnées :
pascale@leadershipinspire.ca
https://www.linkedin.com/in/pascaledufresne/
www.pascaledufresne.com
www.leadershipinspire.ca
www.leaderhumaniste.com
Autres ouvrages de PASCALE DUFRESNE chez
Béliveau Éditeur

ENTRE LA TÊTE ET LE CŒUR


Voyage intérieur pour se découvrir et s’accepter

Changer sa vie, est-ce possible ?


Et se changer soi-même ? À l’aube de ses 40 ans, l’auteure a entrepris son
voyage intérieur vers une vie en harmonie avec qui elle est vraiment. Elle
s’est découverte à nouveau et a appris à s’aimer.
Ce livre vous présente une vision toute nouvelle sur le changement vers une
vie riche de sens, grâce à laquelle vous pourrez contribuer, évoluer et vous
épanouir. Alors performance et équilibre cohabiteront en vous, réussite et
sens, bonheur et succès, tête et cœur.

OSER ÊTRE VRAI DANS UN MONDE


« FAUX »
Comment se libérer des conditionnements et répondre avec courage à
l’appel de l’authenticité

Est-il arrivé ce moment où un appel en vous a provoqué un désir de vivre


pleinement à partir de qui vous êtes ? De faire des choix alignés sur vos
valeurs et vos besoins ? De vous libérer du regard et du jugement des
autres ? Si oui, vous avez désormais en main un guide essentiel qui vous
accompagnera dans ce cheminement d’éveil : un voyage au cœur de vous-
même.
Suivez le parcours fascinant de trois personnages qui, tout comme vous, ont
choisi de répondre à l’appel de l’authenticité et retrouvez votre pouvoir
personnel en harmonisant tête, cœur et action.
Et si nous pratiquions tous cette authenticité courageuse, nous pourrions
construire ensemble un monde vrai.

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Autres ouvrages chez Béliveau Éditeur

CRÉONS LE NOUVEAU MONDE EN


AFFAIRES
Les enjeux en affaires, l’urgence d’agir !

Maryse Audet
Le monde du travail connaîtra un point de bascule important. Pour cela, il
se vit la déconstruction des illusions que nous avons créées. Ce que nous
avons cru comme étant la vérité est remis en question par les différents
défis qui se pointent.
Malgré tous ces bouleversements, une transformation de notre leadership
s’opère. Tout ce qui se passe à l’extérieur de nous est une opportunité de
changements, de remises en question. Les occasions de nous élever en tant
que gestionnaires sont alors présentes.
Lâcher prise est le résultat d’un chemin parcouru qui nous invite à vivre les
défis avec un regard détaché des situations chaotiques. Comment désirez-
vous vivre cette évolution dans votre organisation – dans la réticence ou
l’acceptation ?

OSER AVEC AUDACE


Le courage d’être vulnérables transforme notre façon de vivre, d’aimer,
d’être un parent et un leader

Brené Brown
Dans un monde où le « jamais assez » domine et où ressentir la peur est
presque devenu une deuxième nature, la vulnérabilité devient inconfortable
et un peu dangereuse. Nous sortir de notre zone de confort et oser nous
lancer entraîne donc un risque plus grand d’être critiqués ou de nous sentir
blessés.
Mais lorsque nous nous coupons de la vulnérabilité, nous nous distancions
des expériences qui donnent un but et un sens à notre vie. L’auteure
repousse le mythe voulant que la vulnérabilité est une faiblesse et affirme
qu’il s’agit plutôt de la mesure la plus exacte de notre courage. Une
puissante nouvelle vision qui nous permet d’être vus tels que nous sommes.

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