Enseignement Des Fractions
Enseignement Des Fractions
Enseignement Des Fractions
Une
proposition didactique
Claire Margolinas
Claire MARGOLINAS1
Laboratoire ACTé, Université Clermont-Auvergne
Résumé : L’ingénierie de Guy Brousseau (Brousseau & Brousseau, 1987) sur les rationnels et les décimaux dans la
scolarité obligatoire est le point de départ de ce travail. Le rationnel-mesure est introduit dans la première partie de
cette ingénierie en deux temps, dont la première situation fondamentale est mise en scène dans des situations de
désignation de l’épaisseur de feuilles de papiers. Les pratiques ordinaires d’enseignement des fractions (terme usuel)
reposent, quant à elles exclusivement sur le fractionnement de l’unité. Dans cet article, nous décrivons une proposition
didactique argumentée qui repose sur des bases assez similaires à celle de Brousseau & Brousseau, mais qui pourrait
être plus compatible avec les instructions officielles des programmes de mathématiques.
Mots-clés: Nombre rationnel, partage, guide-âne, fraction, théorie des situations.
INTRODUCTION
1. Le contexte
L’ingénierie de Guy Brousseau (Brousseau & Brousseau, 1987) sur les rationnels et les décimaux
dans la scolarité obligatoire a été, pour moi comme pour beaucoup d’autres chercheurs, un élément
essentiel pour une compréhension de la théorie des situations didactiques et de l’ingénierie
didactiqueJ’ai d’ailleurs analysé dans ma thèse les articulations de cette ingénierie (Margolinas,
1993).
Dans les années 1986-1987, j’ai eu aussi l’occasion d’enseigner à des adultes qui reprenaient des
études à un niveau fin d’école primaire et passaient le Brevet des Collèges en trois ans en
m’appuyant sur cette ingénierie. J’ai pu en éprouver en pratique la puissance sur les apprentissages
de mes étudiants et aussi en comprendre mieux les subtilités en position d’enseignante. L’étude de
cette ingénierie m’a en fait permis de mieux comprendre les rationnels eux-mêmes, et pas
seulement leur enseignement.
Formatrice à l’IUFM puis l’ESPE, puis l’INSPE Clermont-Auvergne j’interviens depuis 2007 dans
la formation des Professeurs des Écoles (PE). Dans ce cadre, nous devons prendre en compte les
textes officiels et il n’est pas vraiment possible de trop s’écarter de ces cadres alors que nos
étudiants doivent passer un concours ou bien être titularisés.
En 2019, intervenant dans la formation des Référents Mathématiques dans le cadre de la mission
Villani-Torossian (Villani & Torossian, 2018), j’ai réfléchi à une proposition didactique qui
pourrait permettre de respecter une partie de l’ingénierie didactique de Brousseau tout en étant
plus proche des textes officiels et des documents d’accompagnement (Barilly & Le Poche, 2012;
1
claire.margolinas@uca.fr
1
VERSION AUTEUR
Ministère de l’Éducation nationale, 2016a, 2016b) . Cet article est le résultat de cette réflexion.
Si je parle ici de « proposition didactique » c’est que je considère qu’il faut réserver le terme
d’ingénierie didactique à une proposition ayant fait l’objet de mises en œuvre et d’observations en
classe ce qui n’est pas le cas en ce qui me concerne, à l’heure actuelle.
2. Quelques mots sur l’ingénierie de Brousseau & Brousseau (1987)
Guy Brousseau a montré dans l’ingénierie la plus importante pour son travail théorique (G.
Brousseau, 1980; Guy Brousseau, 1980, 1981, 1990; Guy Brousseau & Brousseau, 1987)
récemment publiée en anglais (Brousseau, Brousseau, & Warfield, 2014) qu’il est possible, dans
des conditions expérimentales, d’enseigner les rationnels par des situations. Les 65 leçons de la
séquence ont été reproduites, aux niveaux CM1-CM2, pendant 25 ans dans le cadre du COREM2
(Salin & Greslard, 1998). Sans rentrer dans les détails, le projet théorique de la théorie des
situations didactiques (Guy Brousseau, 1998) est de modéliser les différentes significations des
savoirs mathématiques par des situations « fondamentales » (Bessot, 2011) qui peuvent, par un jeu
de variables, engendrer des situations didactiques qui permettent de construire les connaissances
relatives à ces savoirs.
Ce travail s’appuie sur l’idée d’introduire d’abord les rationnels comme des mesures de longueurs
impossibles à distinguer facilement et à mesurer avec des instruments traditionnels : la mesure de
l’épaisseur d’une feuille de papier, ce qui permet d’introduire le rationnel-mesure. La situation
fondamentale du rationnel-mesure consiste à trouver un moyen de communiquer à autrui
l’épaisseur d’une feuille de papier pour reconnaître un paquet de feuilles d’une qualité donnée
parmi d’autres paquets de feuilles de même couleur et de même format, un pied à coulisse
rudimentaire étant disponible. Les élèves comprennent facilement qu’il faut communiquer deux
nombres : le nombre de centimètres correspondant à un nombre de feuilles, ce qui conduit dans un
premier temps à diverses écritures d’un couple (ex : 2cm pour 17 f.). L’écriture conventionnelle
2
est alors introduite dans ce contexte de mesure de l’épaisseur d’une feuille de papier. La
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question « est-ce que ce sont des nombres ? » est posée explicitement une fois que l’usage initial
est stabilisé. Cette première partie de la séquence permet d’introduire tout ce que l’on peut faire
𝑎 𝑎 𝑎×𝑐
avec des rationnels-mesure : relation fondamentale3 𝑏 × 𝑏 = 𝑎, propriété fondamentale 𝑏 = 𝑏×𝑐 ,
comparaison, addition et donc multiplication par un entier. Une deuxième partie, qui introduit une
autre situation fondamentale (l’agrandissement), permet d’introduire un processus qui conduit à la
multiplication de deux rationnels, ce qui n’est pas possible dans un contexte de rationnels-mesure
et permet de construire les rationnels comme des nombres à part entière, en se détachant du
contexte de mesure (Guy Brousseau, 1981). Dans les années 70-80 ces deux aspects étaient
pertinents à l’école élémentaire puisque la multiplication de fractions et de décimaux y était étudiée.
Il n’est pas utile ici de décrire plus avant cette séquence expérimentale. Son intérêt repose à la fois
sur l’étude historique et didactique de l’enseignement des rationnels et des décimaux (Brousseau,
1980) et sur l’étude mathématique et didactique des rationnels et des décimaux (Brousseau, 1981).
Une précision est importante ici puisqu’elle motive notre texte : comme Guy Brousseau l’a
plusieurs fois affirmé, la séquence des 65 leçons des rationnels et décimaux dans la scolarité
2
Centre pour l’Observation sur l’Enseignement des Mathématiques, impulsé par Guy Brousseau, qui a fonctionné au
sein d’une école primaire (Jules Michelet, Talence) de 1973 à 2000.
3
Le terme de « fondamentale » associé à la relation qui permet de définir un rationnel et à la propriété dont découlent
toutes les autres propriétés des rationnels est une façon d’insister sur leur importance dans la conception de la
séquence de Brousseau (et également celle qui sera décrite plus loin).
2
VERSION AUTEUR
obligatoire, même si elle a été utilisée comme base de l’enseignement dans ce domaine pendant
25 ans à l’école Jules Michelet, n’a jamais été destinée à une reproduction telle quelle dans les
classes non expérimentales. On n’en trouve d’ailleurs de trace dans aucun des documents
d’accompagnement des programmes, même anciens.
Un très grand nombre d’études internationales montrent par ailleurs que les rationnels, souvent
désignés par le terme « fractions » (voir ci-dessous) sont très mal compris par les élèves et
entrainent de très nombreuses erreurs. Leur compréhension est pourtant essentielle pour la suite
de la scolarité en mathématiques, car les nombres rationnels sont omni-présents en algèbre,
notamment dans les résolutions d’équations du premier degré (solutions des équations 𝑎𝑥 + 𝑏 =
0, 𝑎 ≠ 0). Ces résultats coïncident avec le ressenti quotidien des professeurs, non seulement ceux
qui enseignent au niveau auquel les « fractions » sont introduites (fin d’école élémentaire), mais
aussi aux niveaux suivants (collège et lycée). Il suffit d’introduire un nombre en écriture
fractionnaire dans un exercice d’algèbre pour faire chuter la réussite, même au lycée…
Il semble donc d’une grande actualité de revenir sur l’enseignement des nombre rationnels. Cet
article a pour but de poser les bases d’une séquence d’enseignement des rationnels-mesures qui
s’appuie sur une situation fondamentale qui semble a priori assez compatible avec les attentes
institutionnelles du cycle 3, en restant proche au plan épistémologique de l’ingénierie de Brousseau.
3. Quelques remarques sur les pratiques ordinaires observées
Avant de parler des pratiques ordinaires, une précision de lexique s’impose entre « nombres
rationnels » et « fractions ».
Les nombres rationnels sont définis en mathématiques en tant qu’élément du corps ℚ.
Le terme de « fraction » est plus ambigu. Il désigne parfois : une fonction (prendre les deux-tiers
de) ; une écriture de forme numérateur/dénominateur ; un nombre. Par exemple, dans wikipedia,
article fraction (math)4 l’ambiguïté est assez nette : « une fraction est un certain nombre de parts
considérés après la division d'un nombre entier en parties égales ». Le terme de fraction réfère à
un fractionnement en plusieurs parts, le plus souvent d’une unité.
Dans ce texte, le mot « fraction » n’est utilisé que quand il réfère aux programmes et aux pratiques
ordinaires, car c’est le terme usuel, le mot « nombre rationnel ou rationnel » sera utilisé au sens
mathématique, pour désigner des nombres du corps ℚ, avec la définition usuelle :
« Un réel q est un nombre rationnel si et seulement s’il existe deux entiers relatifs a et b avec
𝑎
𝑏 ≠ 0 𝑡𝑒𝑙𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑞 = 𝑏 » (Bouvier et al., 1979, p. 628)
D’après mes observations en tant que formatrice, les fractions sont introduites la plupart du temps
dans un contexte qui présente plusieurs caractéristiques :
On introduit d’abord un fractionnement d’une unité de mesure, cette « unité » est assez grande
pour pouvoir être fractionnée physiquement ;
Cette unité est déjà fractionnée dans un schéma qui est souvent circulaire et parfois
rectangulaire (bande) ou d’autres formes ;
1
On introduit alors une fraction, par exemple 4 pour parler d’un morceau (une fraction) qui
correspond à une partie du schéma, qui est souvent définie comme une part d’une unité
que l’on a coupée en 4 parts égales ;
Les élèves sont appelés à mesurer des grandeurs (le plus souvent longueur ou aire) en utilisant
des fractions, pour cela ils doivent compter le nombre de parts qui divisent l’unité puis le
4
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fraction_(math%C3%A9matiques)
3
VERSION AUTEUR
Comme dans l’exercice 2, les subdivisions sont déjà faites : la plaque de chocolat est subdivisée
en 8 rectangles identiques mais, contrairement à l’exercice 2 (réussi), ces subdivisions ne
correspondent pas toujours au nombre inscrit au dénominateur.
Evan, au CM2 (annexe 2), sait lui aussi répondre à des questions qui n’impliquent pas une
5
Métiers de l’Enseignement de l’Education et de la Formation
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Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education
4
VERSION AUTEUR
connaissance de ce que représente une fraction : il sait en particulier traduire en mots les écritures
mathématiques des fractions et opérer cette traduction dans l’autre sens (dictée). Cependant, il
produit exactement la même erreur que Zoé.
Pour réussir plus ou moins les évaluations, les élèves n’ont besoin que de quelques connaissances
qui parfois, même quand elles sont fausses, se révèlent souvent efficaces (si l’on compte la
proportion de réponses fausses sur l’ensemble des réponses, on obtient seulement 7,5% pour Zoé
et 12% pour Evan, autrement dit, ils ont bien réussi l’évaluation…). Cependant, la compréhension
des fractions n’est pas assurée pour autant.
4. Objectifs de la proposition didactique
Les objectifs de cette proposition didactique pour le cycle 3, qui nous allons détailler dans tout le
texte, sont :
De définir des rationnels par le partage comme un prolongement de la division, en s’appuyant
sur un dispositif (le guide-âne) présent dans des textes officiels, des documents
d’accompangement et des documents contemporains destinés aux enseignants (voir infra) ;
De construire une situation fondamentale pour les rationnels-mesure en s’appuyant sur le
milieu du partage ;
De définir de nouveaux nombres dans un contexte de mesure;
D’établir la relation fondamentale et la propriété fondamentale des rationnels, qui n’ont pas
d’équivalent pour les entiers ;
D’étudier les comparaisons et l’addition des rationnels.
La multiplication des rationnels ne peut être abordée dans un tel contexte, ce qui sera fait
ultérieurement (conformément aux programmes de 2015). Dans l’ingénierie initiale de Brousseau,
la multiplication des rationnels étaient travaillée en s’appuyant sur une autre situation
fondamentale.
5. La division
La division est étudiée dans des situations de partage, implicitement aux cycles 1 et 2 et
explicitement au cycle 3. La division, en tant qu’opération qui à deux nombres fait correspondre
un troisième nombre n’est pas toujours possible dans ℕ. En effet, on peut diviser 12 par 3, ce qui
a pour résultat 4 car 12=3x4, ce que l’on peut écrire 12 ÷ 3 = 4, mais par contre on ne peut obtenir
un nombre entier en divisant 10 par 3.
On a donc des égalités suivantes
12÷3=4 car 12=3x4, et aussi 12÷4=3
La « division » euclidienne est une réponse possible à ce problème, elle permet un partage avec
reste. Cependant la division euclidienne ce n’est pas une opération au sens strict puisqu’à deux
nombres, la division euclidienne fait toujours correspondre deux nombres et non pas un seul.
5
VERSION AUTEUR
C’est dans l’ensemble des rationnels ℚ que l’on trouve une réponse à ce problème : pour tout
entiers a et b (avec b non nul) il existe un nombre rationnel 𝑞 𝑡𝑒𝑙 𝑞𝑢𝑒 𝑞 × 𝑏 =
𝑎
𝑎, 𝑞𝑢𝑒 𝑙 ′ 𝑜𝑛 𝑛𝑜𝑡𝑒 𝑞 = 𝑏
7
Je m’excuse auprès des lecteurs qui ne connaîtraient pas l’ingénierie de Brousseau (Guy Brousseau & Brousseau,
1987), pour lesquels la comparaison entre ce qui est présenté ici et la situation fondamentale des feuilles de
l’épaisseur d’une feuille de papier pourrait être obscure et je les invite à passer au paragraphe suivant.
6
VERSION AUTEUR
ensemble de situations et leur articulation, situations générées dans le paradigme que représente
une situation fondamentale. » (Bessot, 2011, p. 40). « Un paradigme est une représentation du
monde, une manière de voir les choses, un modèle cohérent de vision du monde qui repose sur une
base définie » (Ibid. p. 39).
Une situation fondamentale n’est donc pas une « introduction » qui, une fois passée, sera vite mise
de côté au profit d’une formalisation et de calculs, c’est au contraire une situation qui va rendre
possible, la construction des connaissances qui participent à un savoir visé pendant une durée
importante.
2. Un dispositif de partage (le guide-âne)
Le guide-âne sert comme dispositif de partage, ce qui est une proposition courante au cycle 3
(Anselmo et al., 1999; Anselmo & Zucchetta, 2018; Barilly & Le Poche, 2012; Ministère de
l’Éducation nationale, 2016a, 2016b). Nous avons choisi d’utiliser à la fois une règle graduée en
unités entières informable (sur laquelle on peut écrire au feutre effaçable) et des bandes de papier
de différentes longueurs (qui peuvent être découpées avant l’activité). Le partage matériellement
réalisé avec le guide-âne doit pouvoir contribuer à la validation, sachant qu’une mesure est toujours
liée à une précision plus ou moins grande. Il est normal, dans le cadre d’un travail sur les nombres
rationnels, de trouver un lien avec les grandeurs et les mesures, qui sont toujours associées à une
précision (voir à ce sujet les cours de Michèle Arthaud et de Floriane Wozniak donnés lors de la
vingième été de didactique des mathématiques à paraître en 2021).
Les questions posées, dans différentes situations, reviennent à produire, comparer, additionner les
mesures de longueurs résultant de partages ou bien à trouver le partage à faire pour produire une
mesure de longueur donnée.
3. Installation du milieu « 12 en 3 »
Le dispositif matériel de partage est introduit d’abord dans le cas d’une bande de 12 unités. Une
règle informable ad hoc a été fabriquée, il faut en effet disposer d’une règle sur laquelle seule les
unités entières sont indiquées, ce qui n’est jamais le cas dans les règles du commerce. L’unité à
laquelle nous nous référons dans ce texte correspond donc à l’unité de cette règle informable, qui
sera toujours la même au cours des différentes situations.
La technique du guide-âne doit sembler fiable aux élèves (qui, au cycle 3, ne peuvent pas justifier
mathématiquement des propriétés de cette technique) et cette technique doit être entraînée car elle
joue un rôle indispensable dans la validation par le milieu de toutes les situations.
Il s’agit d’un point délicat : comme avec toute technique matérielle de mesurage, la mesure
obtenue relève d’une approximation. Cependant si la technique n’est pas suffisamment entraînée
et raisonnablement fiable, cela risque de conduire les élèves à rejeter la validation par le milieu,
ce qui conduirait à une impasse des situations suivantes. C’est pourquoi il peut être judicieux à la
fois d’entraîner et de vérifier la fiabilité de la technique avec des partages conduisant à des résultats
entiers facilement vérifiables sur la règle graduée informable.
Des bandes de papier qui sont toutes de longueur 12u sont disponibles et peuvent être pliées. Le
guide-âne s’utilise de la manière suivante :
On pose la bande dont la longueur mesure 12u sur le guide-âne en faisant correspondre une
extrémité de la bande avec la ligne 0
On fait correspondre l’autre extrémité de la bande avec la ligne 3 du guide-
On marque au crayon les intersection entre les lignes du guide-âne et la bande
On plie la bande suivant ces marques et on obtient une bande pliée en 3 parties égales
7
VERSION AUTEUR
Lors des premières utilisation, il est judicieux d’utiliser aussi la règle graduée informable avec la
technique du guide-âne pour vérifier que la technique fonctionne
On pose le repère 0 (l’origine de la mesure) de la règle sur la ligne 0 du guide-âne et le repère
12 de la règle sur la ligne 3
On marque les intersections entre les lignes du guide-âne
Le dispositif du guide-âne de « 12 en 3 » conduit à marquer les repères 4 et 8 sur la règle, qui
sont distants de 4u
La bande pliée lors d’expérience précédente a bien une longueur qui mesure 4u sur la règle
8
VERSION AUTEUR
9
VERSION AUTEUR
Les opérations matérielles réalisée pour le partage de 10u en 3 correspondent à des égalités
inconnues :
En partageant 10u en 3 on obtient 3 parties mais on ne sait pas désigner par un nombre la
mesure de la longueur de ces parties
Quand nous avions partagé 12u en 3, le résultat : 4u, correspondait bien à la division de 12u
par 3.
la division de 10u par 3 ne tombe pas juste mais, en en mettant bout à bout les 3 parties
obtenues par le guide-âne on obtient la bande totale
Si l’on savait écrire la mesure de la longueur en unité u de ces parties alors le produit de cette
mesure par 3 serait 10u
Cette introduction est basée sur l’idée intuitive (admise) qu’à toute marque dans le repère de la
règle graduée ou à toute mesure de longueur dans une unité donnée (ce qui revient au même)
correspond un nombre. Remarque : mathématiquement, la correspondance entre la droite réelle et
les nombres réels conduit à la construction de ℝ, dans le cas de l’obtention de points sur la droite
réelle par le dispositif du guide âne appliqué à des segments de mesures entières, on n’obtient que
des rationnels.
Notre expérience montre qu’il y a des nombres (dans ce sens) qui ne sont pas entiers. Le choix de
« 10 en 3 » est stratégique : la longueur de la bande pliée n’est pas entière (elle n’est même pas
décimales), cela montre bien qu’il y a quelque chose de tout à fait nouveau par rapport à « 12 en
3 ».
Contrairement à ce que l’on rencontre le plus souvent, notre situation n’est pas basée sur le partage
de « l’unité ». Toutes les bandes mesurent des longueurs différentes et de ce fait il y a bien deux
nombres qui sont nécessaires pour définir la longueur de la bande pliée. De plus, nous travaillons
avec une unité qui est proche des unités usuelles (sur les photos, une unité mesure 2 cm mais l’on
pourrait prendre tout aussi bien le centimètre comme unité, même si l’on ne peut pas utiliser les
règles usuelles à cause de la présence de millimètres, qui correspondent à des décimaux), alors que
pour travailler sur le « partage de l’unité », l’on est contraint d’introduire comme « unité » une
bande suffisamment grande qui, de ce fait, ne sert pas d’unité pour mesurer mais est une
construction ad hoc à partager.
Par ailleurs, la relation avec la multiplication est le point nodal de la séquence : quand on prend
trois fois la longueur de la bande pliée en trois, on retrouve la bande totale (ce qui, matériellement,
10
VERSION AUTEUR
Notre proposition est donc d’emblée appuyée sur la relation fondamentale, que nous ne voyons
pas apparaître dans les pratiques usuelles, car celle-ci est masquée par le décompte des
subdivisions. Nous ne pensons pas à ce stade de la séquence que beaucoup d’élèves vont
s’approprier l’égalité de la relation fondamentale. Ils vont petit à petit s’acculturer à la
dénomination « 10 en 3 ; 11 en 3 ; 10 en 4, etc. » pour parler de la mesure de longueur d’une bande
10
de 10u pliée en 3, etc. Ils vont progressivement utiliser l’écriture 3 pour écrire « dix en trois ».
Les allers-et-retours entre le dispositif matériel, les schémas et les écritures numériques vont rester
constants pendant toute la séquence : il ne faut perdre personne en route…
11
VERSION AUTEUR
8
Nous ne nous intéressons pas, dans ce texte, aux aspects organisationnels : travail en groupe, par deux, individuel,
etc. Il ne s’agit pas ici de décrire une mise en œuvre en classe mais les propriétés d’une séquence. D’autres travaux
expérimentaux suivront qui, eux, seront basés sur l’analyse de résultats empiriques.
12
VERSION AUTEUR
9
Remarque mathématique : il s’agit d’une forme de passage au dual des applications linéaires, ce qui permet de définir
la multiplication des rationnels via la composition des applications linéaires
13
VERSION AUTEUR
Dans ce texte, j’ai fait le choix d’écrire les égalités sur les mesures et d’indiquer qu’on admettra
l’égalité sur les nombres, de manière à alerter l’attention du lecteur sur le fait qu’il s’agit d’un
glissement qui, dans le contexte des mesures, ne peut pas être justifié.
Par exemple :
10
4
𝑢 × 4 = 10𝑢 c’est la relation fondamentale des rationnels-mesure
10
On admet que 4
× 4 = 10 qui est la relation fondamentale des rationnels
14
VERSION AUTEUR
Certains élèves commencent peut-être à comprendre cette propriété, cependant des répétitions de
cette situation sont nécessaires pour ne pas perdre en route des élèves moins rapides. Comme
précédemment, le choix est de commencer par se placer dans un cas qui, parce que le résultat n’est
pas décimal (ce que les élèves ignorent), est un cas plus général et d’utiliser ensuite des réplications
de la situation dans des cas qui vont fournir des cas particuliers.
2. Variations de la situation d’action
On peut répliquer la situation avec 12u en 4. Comme partager en 4 a été automatisé par le guide-
âne, certains élèves ne s’apercevront pas nécessairement que le résultat est une bande pliée dont
la longueur est une mesure entière. Dans tous les cas, le passage obligatoire par le guide-âne
impose de considérer 12u en 4 comme une mesure rationnelle, même si c’est aussi une mesure
entière.
24
Nous avons fabriqué la bande pliée dont la longueur mesure 8
𝑢
On peut résumer cette fabrication en écrivant les calcul suivants
12 2 × 12 24
u= u= u
4 2×4 8
12
4
u = 12u ÷ 4 = 3u
24
8
u = 24u ÷ 8 = 3u
12 2×12 24 12
On admet que = = on admet que = 12 ÷ 4 = 3
4 2×4 8 4
Les entiers peuvent être aussi des rationnels
Les rationnels sont parfois des entiers
Il y a donc une cohérence entre les nombres que nous connaissons depuis longtemps (les entiers)
et les nouveaux nombres (les rationnels).
On peut répliquer la situation d’action en faisant varier la relation multiplicatives entre les deux
bandes à comparer (par exemple 10u en 3 et 30u en ?) et avec les autres nombres en jeu
précédemment (10u en 4, 11u en 3, 12u en 5 etc.). Cependant, on va vite atteindre les limites
matérielles de la situation, ce qui va conduire à modifier le rôle du schéma.
3. Modification du rôle du schéma
Le schéma qui était pour l’instant un outil pour représenter à l’écrit l’action avec le guide-âne va
devenir progressivement un moyen pour réfléchir à des questions que l’on ne peut pas réaliser
concrètement mais que l’on peut faire par la pensée. Cependant, il est très important de ne pas
perdre le fil et, toutes les fois où c’est possible, de procéder au pliage en se servant du guide âne
(ou de pliages déjà marqués dans les bandes).
« PE : Expliquez par quelle méthode vous pouvez délimiter un segment dont la longueur mesure
10u en 3 dans une bande de 20u, de 30u, de 40u, de 100u ? Justifiez votre réponse par un
raisonnement et/ou un schéma. »
10 2×10 3×10 4×10 10×10
3
u = 2×3
u = 3×3
u = 4×3
u = 10×3
u
Les propriétés précédentes nous permettent aussi d’écrire directement les relations sur les
10 2×10 3×10 4×10 10×10
nombres 3 = 2×3 = 3×3 = 4×3 = 10×3
Les nombres rationnels ont plusieurs écritures ! Ils sont différents des nombres entiers qui,
même s’ils ont plusieurs écritures aussi (01 et 1, par exemple), en ont une que l’on utilise
presque toujours
C’est une propriété essentielle des nombres rationnels
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VERSION AUTEUR
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VERSION AUTEUR
4x3.
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VERSION AUTEUR
18
VERSION AUTEUR
9 10 12
3
< 3
< 3
C’est-à-dire
10
3< 3
<4
10 3×3+1
Remarque : nous pouvons dire que 3 = 3 , mais nous ne savons pas quoi en déduire. Nous
n’avons pour l’instant aucun moyen de savoir ce qui se « distribue » ou pas. On ne peut pas encore
1
faire le rapport avec la multiplication par 3 , qui ne sera étudiée qu’au collège. Il est important de
ne pas considérer comme « évident » ce qui ne peut pas se justifier dans le contexte de la situation
fondamentale.
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VERSION AUTEUR
10 11 10+11 21
3
+3 = 3
= 3
Certains élèves peuvent se laisser entrainer par les nombres en jeu et penser que le résultat doit
10 11 10+11 21
être 3 + 3 = 3+3 = 6 . Ils ont tort, ce qu’ils peuvent comprendre à la fois par le raisonnement
et par la validation dans le milieu : le dépassement de cette erreur fait partie de l’apprentissage,
non seulement pour ceux qui l’ont commise mais aussi pour les autres élèves. En effet, dans le
contexte des bandes et du guide-âne, certains élèves ne feront pas cette erreur mais ils pourront la
faire dans un contexte purement numérique. Ils doivent pouvoir se souvenir que c’est faux et
pourquoi c’est faux.
2. Multiplication d’un rationnel par un entier
10
Nous voulons multiplier par 3 en mettant bout à bout des bandes pliées. Pouvez-vous
4
anticiper le résultat ? Expliquez votre réponse.
Il faut mettre bout à bout 3 bandes pliées. On peut remarquer au passage que cela sera en tout cas
plus petit que 10, car il y faut une bande pliée de plus pour faire 10 (relation fondamentale).
Nous savons additionner les rationnels quand ils représentent un partage par le même nombre.
10 10 10 10 10+10+10 3×10
3× 4
= 4
+ 4
+ 4
= 4
= 4
Il n’est peut-être pas pertinent au CM de systématiser cette propriété, surtout hors d’un contexte
dans lequel elle a du sens. Comme c’était le cas pour l’addition (non répétée) la même erreur peut
se produire pour les mêmes raisons et certains élèves peuvent répondre :
10 3×10
3× 4
= 3×4
Ils ont tort et cela fait aussi partie de l’apprentissage que de le savoir et aussi de comprendre les
raisons qui fondent le résultat correct.
CONCLUSION
1. Relation avec les fractions
Même si notre séquence n’est pas à proprement parler sur les « fractions », puisque nous n’avons
pas fractionné l’unité, nous sommes en fait restés au plan numérique dans le domaine de ce qui
peut être modélisé par des « fractions simples » au sens du document d’accompagnement de
programme, en prenant toujours un petit nombre de parts (Ministère de l’Éducation nationale,
2016a) : « lors que le partage de l’unité se fait en un petit nombre de parts (2, 3, 4, …) et que l’on
2 5 3
prend un petit nombre de telles parts, on parle de fraction simple : 3 , 4 , 10, etc. [en note de bas de
page : la notion de « fraction simple » n’est pas définie de manière précise en mathématiques] »
(p.1).
La relation avec les fractions demande de fractionner l’unité, c’est-à-dire de partager une bande
dont la longueur mesure 1 unité. Sur les photos, la longueur de l’unité choisie mesure 2cm, ce qui
permet le partage en 4 avec un guide-âne avec des parallèles espacées d’au plus 0,5cm.
Il est alors possible de faire la relation entre ce que l’on appelle d’habitude un quart et le rationnel
1
(un en 4) et de même pour les autres fractions « usuelles ». Puisque les élèves connaissent la
4
1 10
multiplication par un entier, il est alors possible de retrouver la relation avec 10 × 4 = . On
4
10
pourra donc lire 4 dix quarts pour satisfaire à l’usage, sans oublier toutefois que dix quarts (10
quarts d’unité) est aussi dix en quatre (10 unités partagées en 4).
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Anselmo, B., Bonnet, M., Colonna, A., Combier, G., Latour, J., & Planchette, P. (1999). La sixième entre
fractions et décimaux. IREM de Lyon.
Anselmo, B., & Zucchetta, H. (Éd.). (2018). Construire les nouveaux nombres au cycle 3. Fractions et
décimaux. Réseau Canopé/ IREM de Lyon.
Artaud, M. (à paraître). Besoins praxéologiques de la profession : Le cas des grandeurs et de leur mesure.
In H. Chaachoua (Éd.), Actes de la 20e école d’été de didactique des mathématiques—Titre
provisoire. La Pensée Sauvage.
Barilly, B., & Le Poche, G. (2012). Les fractions. In J.-L. Durpaire & M. Mégard (Éd.), Le nombre au cycle
3 (p. 82‑96). Paris: SCÉRÉN CRDP-CNDP.
Bessot, A. (2011). L’ingénierie didactique au coeur de la théorie des situations. In C. Margolinas, M.
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ANNEXE 1
DOCUMENTS RECUEILLIS PAR DES GROUPES D’ÉTUDIANTS
DE M1 MEEF – ESPE CLERMONT-AUVERGNE EN 2018-2019
CM1
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CM2
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