Science Technologie Et Inovation
Science Technologie Et Inovation
Science Technologie Et Inovation
MASTERE PROFESSIONNEL
EN PROSPECTIVE APPLIQUEE
M2PA
2007
Quelles sont les composantes du cours
1- L’institutionnalisation de la science
2
1- L’institutionnalisation de la science
En réalité, ce constat n’est pas nouveau, les applications de la science ont depuis
toujours joué un rôle très important dans l’évolution des sociétés humaines. C’est
essentiellement grâce à des découvertes scientifiques dans divers domaines comme
l’agronomie, l’astronomie, les mathématiques, la physique, la chimie, la médecine et par
l’invention de nouvelles techniques que toutes les anciennes civilisations ont pu réaliser
leur essor et asseoir leur domination sur le reste du monde.
Sans remonter aux civilisations chinoises ou grecques dont on connaît les nombreuses
réalisations, on peut considérer qu’un tournant majeur a été effectué pendant l’age d’or
de la civilisation arabo-musulmane. Cette époque a été, en effet marquée non seulement
par des avancées scientifiques remarquables dans plusieurs domaines, mais également
par le début de l’institutionnalisation de la science avec la création de Beit el Hikma à
Bagdad au 9ème siècle, puis de très nombreuses universités comme celles d’Elazhar, de
la Zitouna ou de Cordoue. (Lien : http://www.imarabe.org/temp/expo/sciences-
arabes.htlm)
Une nouvelle étape fut franchie avec la fondation de nouvelles académies comme
la Royal Society à Londres en 1662 ( lien : www.royalsoc.ac.uk/) et l’Académie des
Sciences à Paris en 1666. ( lien : www.academie-sciences.fr/) Au 18ème siècle, la
philosophie des Lumières (lien : http://classes.bnf.fr/dossitsm/humalumi.htm)
contribua à ancrer l’idée que le progrès des connaissances scientifiques et
technologiques pouvait être un puissant facteur de transformation des sociétés. Cette
idéologie influencera des hommes politiques et des administrateurs de nombreux pays
européens qui favoriseront la mise en place de nouvelles structures pour développer
leurs capacités scientifiques et techniques comme par exemple les écoles d’ingénieurs et
des départements techniques au sein des ministères.
3
créées les premières entreprises issues de l’application de nouvelles découvertes
scientifiques, comme Siemens, Bayer, B.A.S.F., etc. et ces dernières créèrent des
laboratoires de recherche.
C’est donc une dimension nouvelle qui fut donnée au début du 20ème siècle au système
institutionnel : la recherche scientifique allait se développer non seulement à
l’Université mais aussi dans des centres de recherche distincts des universités,
dépendant d’organismes scientifiques ayant une mission nationale et également dans des
laboratoires industriels. Ce schéma allait se mettre en place progressivement dans les
grands pays européens et aux Etats-Unis.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, avec par exemples le projet sur les radars en
Grande Bretagne et sur l’arme atomique aux Etats-Unis (projet Manhattan), une autre
dimension fut franchie, des chercheurs seront mobilisés par milliers pour atteindre les
objectifs fixés par leurs gouvernements.
Après la guerre, dans tous les grands pays industriels, le pouvoir politique fut désormais
convaincu que la science et la technologie exigeaient des choix de priorité, des
stratégies, des financements, la coordination des efforts et donc la mise en place de
politiques spécifiques.
Dans le paragraphe précédent nous avons fait une brève description chronologique de
l’organisation de la science et de la technologie jusqu’au moment où celles ci sont
devenues des composantes centrales des politiques publiques des pays industrialisés.
Il convient de noter que nous nous intéressons ici au tendances lourdes et aux ruptures
du système dans sa globalité et non pas aux technologies particulières et à leur
dynamique. Nous verrons dans le module 3 qu’un important domaine de réflexion est
celui de la prospective des technologies elles mêmes qui permet d’anticiper les
4
technologies à venir, permettant ainsi d’aider les entreprises à mieux définir leur
stratégie et les et les pouvoirs publics leurs priorités d’action dans ce domaine.
Mais il faut bien avoir à l’esprit que la diffusion de ces nouvelles technologies n’a
pas été brutale, mais qu’elle a pris plusieurs décennies ; elle a engendré des
modifications dans l’organisation du système de production (apparition des usines
modernes) et fait apparaître de nouveaux rapports sociaux avec le développement du
capitalisme. L’instauration de ce nouveau système a été en outre favorisée par des
facteurs de nature purement économique, car il ne faut jamais oublier qu’ une
technologie nouvelle n'est adoptée que si elle revient beaucoup moins cher que la
solution en cours.( Nous examinerons cette problématique dans le module 2 qui sera
consacré à la compréhension des déterminants micro-économiques de l’évolution des
systèmes productifs à partir de leurs capacités d’innovation et à la gestion de
l’innovation.)
Depuis le début des années 1980, nous assistons à un phénomène de même ampleur que
la révolution industrielle. Les éléments déclencheurs ont été les technologies de
l’information et de la communication, suivies par les biotechnologies et les
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nanomatériaux. L’impact de ces technologies dépasse largement le système productif
pour toucher tous les autres secteurs induisant ainsi une transformation irréversible de
nos modes de vie et du fonctionnement de l’économie non seulement à l’échelle
nationale mais également et surtout à l’échelle mondiale d’ou le terme de
mondialisation pour décrire ce phénomène. Cette étape que l’on connaît sous le nom de
la société du savoir a été appelée par Thierry Gaudin , la révolution cognitive.(lien :
http://gaudin.org/)
On peut cependant noter que la diffusion de ces technologies est en train de se faire très
rapidement dans les pays industrialisés, et que comme pour la révolution industrielle, il
y aura des nations qui sauront tirer profit de cette nouvelle donne en la considérant
comme une opportunité pour reconfigurer leur système socio-économique et d’autres,
qui faute d’avoir pu anticiper la nature profonde de ces changements, seront des laissés
pour compte de cette nouvelle révolution.
Comme on sait, la notion de système est très utilisée en prospective. Rappelons qu’un
système est composé d’éléments, et qu’il est caractérisé, d’une part par une relative
indépendance à l’égard de ce qui n’en fait pas partie et, d’autre part, par les relations et
interactions entre ses propres composantes, qu’on appelle des variables internes, et
aussi ses interactions avec des composantes externes qu’on appelle des variables
exogènes. On parle de système biologique, de système philosophique, de système
scientifique, de système technique etc. On notera que très souvent ces deux derniers
systèmes sont souvent englobés en un seul système auquel on a ajouté ces dernières
années aussi l’innovation pour souligner l’importance et la particularité de cette
dernière.
Les caractéristiques des systèmes techniques ont été étudiées par Bertrand Gille (1) et
par Thierry Gaudin ( voir lien ci dessus). Ce dernier considère que les systèmes
techniques reposent sur quatre pôles : la matière, l’énergie, le temps et le vivant. Selon
son analyse, la révolution industrielle est basée essentiellement deux pôles : les
matériaux (acier, ciment) et l’énergie (charbon, combustion).
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3- Les liens entre science, technologie et innovation
Chacun de nous sait, presque de manière intuitive, ce que signifient les termes science,
technique, technologie, recherche-développement, invention et innovation, mais très
souvent nous sommes incapables de les définir correctement, essayons donc avant
d’aller plus loin dans ce chapitre, de clarifier ces vocables.
Le développement expérimental
Il consiste en des travaux systématiques basés sur des connaissances existantes
obtenues par la recherche et/ou par l’expérience pratique, en vue de lancer la
fabrication de nouveaux produits , matériaux ou dispositifs, d’établir de nouveaux
procédés systèmes ou services ou pour améliorer considérablement ceux qui existent
déjà. Le développement débouche sur la réalisation d’un prototype qui va permettre la
mise au point technique en vue de la fabrication sur une échelle industrielle et/ ou la
commercialisation.
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L’invention évoque le domaine technique, elle résulte d’un processus de création et
comporte une part de hasard.
Quelle que soit leur nature les politiques publiques visent la réalisation d’un certain
nombre d’objectifs dont l’atteinte nécessite la mobilisation d’un certain nombre de
moyens et de ressources, la définition et la mise en œuvre de programmes d’action
qu’on appelle aussi les « instruments » de cette politique. En outre, elle reposent le plus
souvent, de manière explicite ou implicite, sur un modèle conceptuel qui leur sert de
cadre de référence. Nous allons dans ce qui suit voir comment ont évolué les politiques
publiques de la Science et de la Technologie dans les pays développés puis nous
décrirons brièvement l’évolution de ce secteur en Tunisie.
L’évolution de ces politiques depuis 1945, est souvent analysée en trois grandes phases.
Chacune d’entre elles correspond à une conception particulière en termes de finalités et
de moyens mis en œuvre. Le modèle chronologique présenté ci-dessous, a été développé
par Ugur Muldur (2). Il est construit à partir d’une approche mettant en relation, la
finalité principale et le moyen privilégié de chaque politique publique, ainsi que les
facteurs institutionnels, réglementaires et financiers qui interviennent dans la conduites
de ces politiques .
1ère Phase : Des politiques basées sur le couple " Défense / Science "
Cette phase a débuté vers la fin de la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis , et s’est
prolongée jusqu’à la fin des années 1960 . Une orientation majeure la caractérise : le
soutien à la recherche fondamentale qui est considérée comme étant la source des
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nouvelles connaissances qui seront nécessaires pour assurer la puissance militaire et la
compétitivité économique.
Son cadre conceptuel est ce qu’on appelle le modèle linéaire de l’innovation. Selon ce
modèle le processus de R&D est interprété comme un enchaînement mécanique
d’étapes distinctes dans leur fonctionnement et entretenant des relations à sens unique
(recherche fondamentale--- recherche appliquée-----développement) et, l’innovation
comme un processus de transformation séquentielle des connaissances scientifiques en
nouveaux biens et services. Les gouvernements agissent dans le cadre de cette stratégie
en tant que client principal de l’activité de recherche. Les programmes nationaux qui
découlent de ces objectifs sont justifiés par des critères politiques et servent à
développer et à financer les technologies dont les Etats ont besoin pour le secteur
militaire. Les grandes agences gouvernementales et les centres publics de recherche,
dont beaucoup ont été créés comme l’avons déjà signalé entre les deux guerres,
représentent le principal support de l’action gouvernementale. Les bénéfices que procure
cette stratégie pour l’industrie et la société en général, ne sont justifiés que par les
retombées directes et indirectes des investissements en recherche fondamentale et
militaire. La sélection des projets est basée sur l’excellence scientifique et l’intérêt
politico-militaire. Le financement de la recherche repose, essentiellement, sur les crédits
budgétaires publics. Le financement par l’industrie ne deviendra effectif qu’au début des
années 1960 et concernera essentiellement les industries de l’armement et les industries
lourdes.
2ème Phase : Des politiques basées sur le couple " Industrie / Technologie"
Durant cette période la part des dépenses totales de R&D financée par l’Etat commence
à baisser et celle des entreprises à croître rapidement. C’est au milieu de cette période
que s’inverse le ratio public / privé des dépenses de R&D dans la plupart des pays
industrialisés et que la capacité des entreprises à transformer les résultats de R&D en
réussites commerciales devient un enjeu majeur . L’exemple le plus remarquable est
celui du Japon qui a réussi à tirer profit de sa plus grande capacité à mettre rapidement
sur le marché les innovations et à les produire au moindre coût à grande échelle . C’est
aussi vers la fin de cette période que le rôle des PME dans le processus d’innovation
commence à devenir significatif.
3ème Phase : Des politiques basées sur le couple " Société / Innovation"
Cette phase dont on peut situer le début vers le milieu des années 1990 trouve son
origine dans les profondes mutations qu’a connu le monde au cours de cette période:
disparition du bloc communiste , mondialisation croissante de l’économie et de la
technologie , nouvelles valeurs et préoccupations sociales ( protection de
l’environnement, qualité de la vie, santé, emploi… ). Sa finalité principale est le soutien
à l’innovation . Le couple « Société / Innovation » a l’avantage d’englober les anciens
objectifs comme la défense, le développement des connaissances et la compétitivité
industrielle et d’intégrer d’autres objectifs comme la qualité de la vie , le
développement durable, l’emploi, etc. C’est ainsi par exemple, que la compétitivité
industrielle ne sera plus un objectif mais un moyen pour accroître la contribution de la
science et de la technologie à la croissance et à l’emploi. De la même manière, investir
en R&D devient un moyen pour accroître la capacité d’innovation de l’économie. Par
ailleurs, et il s’agit là d’un point central , le processus de recherche et d’innovation n’est
plus perçu comme un processus linéaire, mais comme un processus interactif cumulant
des aspects scientifiques, techniques, organisationnels et associant un ensemble
d’institutions et d’acteurs . Ce modèle conceptuel est celui des systèmes nationaux
d’innovation que nous développerons dans la prochaine section de ce chapitre. Les
gouvernements se présentent toujours comme partenaires de l’industrie, et cherchent à
promouvoir les innovations les plus rentables sur le plan sociétal. Cette approche
privilégie la coopération entre acteurs publics et privés et maximise l’efficacité et
l’utilité des actions entreprises dans ce domaine.
Dans le Tableau 1sont résumées les principales caractéristiques de ces trois phases.
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Tableau1 : Caractéristiques des politiques publiques de la science de la technologie dans les pays développés
Evaluation des actions Evaluation d'impact scientifique Evaluation d'impact scientifique et Evaluation d'impact socio-
technique économique et suivi stratégique
permanent
Source: d'après U. Muldur "Une politique européenne de recherche et innovation pour le XXIème siècle" , rapport interne , CE, 1996.
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5- Les systèmes nationaux d’innovation
Ce concept est né au début des années 1980 et s’est affiné dans les années 1990 grâce
aux de travaux de nombreux chercheurs (3), il constitue actuellement le cadre de
référence des politiques de recherche et d’innovation dans les pays développés.
Comme nous l’avons vu un système est caractérisé par ces composantes et par les
interactions qu’elles ont entre elles.
Le SNI a été défini par Lundvall (4), qui fut l’un des principaux contributeurs à cette
théorie, comme « l’ensemble d’institutions, de mécanismes, de structures qui gèrent le
processus d’innovation et de diffusion des nouvelles connaissances dans un contexte
caractérisé par la présence d’externalités et d’effets d’apprentissage ».
Une autre définition a été aussi proposée par Metcalfe (5 ) que je préfère reprendre dans
sa langue d’origine pour ne pas perdre de sa richesse lors de sa traduction :
« A system of innovation is that set of distinct institutions which jointly and
individually contributes to the development and diffusion of new technologies and
which provide the framework within which governments form and implement policies
to influence the innovation process. As such it is a system of interconnected institutions
to create, store and transfer the knowledge, skills and artefacts which define new
technologies”
Il convient de noter que le terme “ nouvelles technologies” utilisé dans cette définition
doit être pris au sens large du terme, c’est à dire toute nouvelle technologie pour le SNI
considéré, et pas nécessairement donc des technologies de pointe.
Les composantes du SNI sont donc toutes les institutions qui sont concernées par
l’innovation c’est à dire les entreprises qu’on peut considérer comme formant un sous-
système, les centres et laboratoires de recherche, qui génèrent et diffusent les nouvelles
connaissances qu’on peut aussi regrouper en un autre sous système, les universités et
les toutes les structures de formation qui forment un troisième sous système, les
organismes en charge du financement de l’innovation, en particulier les sociétés de
capitaux à risques, les organismes qui protégent la propriété intellectuelle, ceux qui
établissent les normes, ceux qui apportent un soutien aux entreprises qu’on peut aussi
regrouper en un autre sous-système, ceux qui font l’interfaçage entre ces différents sous-
systèmes et bien entendu les structures en charge de définir les politiques de recherche
et d’innovation.
SCHEMA
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En conclusion, nous venons de voir que les conditions dans lesquelles s’accumulent
les connaissances et se produisent les innovations dans les pays industrialisés
ont profondément changé au cours de ces dernières années. La mondialisation
des marchés et l’internationalisation croissante des entreprises et des activités
de recherche, l’interpénétration des sciences et des technologies, l’augmentation
des coûts de recherche , le raccourcissement du cycle de vie des produits
et l’obsolescence rapide des connaissances sont des phénomènes qui ont
bouleversé aussi bien les conditions de production des innovations que les raisons
sous -jacentes à l’intervention des pouvoirs publics dans ce domaine.
Un nouveau mode de production des connaissances et de leur application est en train de
remplacer l’ancien. Les principales caractéristiques de ce nouveau mode sont indiquées
dans le Tableau 2.
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TABLEAU2 ANCIEN ET NOUVEAU MODE DE PRODUCTION DE CONNAISSANCES
Définition et solution des problèmes Dans le contexte des intérêts, essentiellement Dans un contexte d'application , sur base
académiques, d'une communauté spécifique d'une consultation d'intérêts différents
Diffusion des résultats A travers canaux institutionnels D'abord au sein du réseau en cours de
production, ensuite, par la reconfiguration
autour de nouveaux problèmes, au niveau
de la société
Evaluation de l'impact sociétal Ex post, au moment de l'interprétation ou de la Ex ante, dans la définition des problèmes et
diffusion des résultats l'établissement des priorités de recherche
Contrôle qualité des résultats Essentiellement jugement par les paris au sujet Inclut un ensemble varié d'intérêts
de la contribution scientifique d'individus intellectuels, sociaux, économiques et
politiques ; la qualité n'est plus uniquement
scientifique c'est pourquoi elle est critiquée
par les partisans du Mode 1
Source : d'après Gibbons et alii, 1994
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6-Le Système de la science, de la technologie et de l’innovation en
Tunisie
Nous allons dans ce paragraphe faire un survol rapide de l’évolution du système
tunisien de la science, de la technologie et de l’innovation depuis sa naissance au
lendemain de l’indépendance jusqu’à nos jours en nous concentrant sur ses évolutions
institutionnelles et non pas sur ses performances.
Pour avoir une idée sur la situation qui prévalait en 1956 dans l’enseignement
supérieur, il nous faut préciser que l’Institut des Hautes Etudes de Tunis, qui a été
créé en 1945, comptait environ 2000 étudiants et 70 enseignants en majorité de
nationalité française.
Il convient cependant de noter qu’il a fallu attendre 1969 pour voir la création de la
première Ecole d’ingénieurs du pays (ENIT) et la fin des années 1980 celle du
premier institut autonome de techniciens supérieurs. Sans nier les difficultés
inhérentes au lancement de ce type de formation, le démarrage tardif de
l’enseignement supérieur technique en Tunisie est assez révélateur d’une
insuffisante prise en compte de l’importance de ce facteur dans le processus de
développement d’une capacité nationale de maîtrise de la technologie.
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Quant aux institutions scientifiques déjà existantes, comme l’Institut national de
recherche agronomique (INRA) ou l’Institut Pasteur de Tunis, elles subirent durant les
premières années de l’indépendance, le contre-coup du départ de leurs cadres étrangers,
mais dans l’ensemble, le processus de leur tunisification s’est assez bien déroulé, elles
conservèrent les acquis de la période précédente et constituèrent de facto le modèle de
référence pour les centres de recherche spécialisés.
C’est dans un tel contexte que l’Etat tunisien est intervenu pour prendre en main la
situation, avec comme premières mesures, une nationalisation des principales grandes
entreprises dans les secteurs des chemins de fer, de l’eau, de l’électricité, des mines, du
transport en commun, en plus de la création de la banque centrale et des premières
banques nationales, puis de la nationalisation des terres agricoles en 1964.
Faute de l’existence d’un secteur privé performant, d’une part, et pour des
considérations idéologiques d’autre part (modèle socialiste de l’économie, connu sous
le nom de socialisme destourien), l’Etat s’est engagé directement dans de nombreuses
activités productives. Ces activités s’étendaient de l’agriculture, au commerce, en
passant par l’industrie et les services (hôtellerie, banques…)
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Nous retiendrons parmi les acquis de cette période le lancement de l’activité
industrielle, accompagné par la formation de cadres compétents en matière de gestion et
de maîtrise technique, et ce, malgré le sort que connaîtront ce type d’activités publiques
dans le futur, comme nous le verrons ultérieurement.
En conclusion, la priorité à cette époque était celle de la mise en place de ces unités
industrielles de base, de l’acquisition de compétences en gestion de ces entreprises et de
la formation de leur personnel. La préoccupation vis-à-vis de l’innovation et du
développement technologique n’était pas réellement à l’ordre du jour.
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- la création d’un conseil national de la recherche scientifique et technique qui serait
chargé d’assurer la coordination entre les différents intervenants et ministères
concernés,
- l’élaboration d’un cadre juridique spécifique à la recherche ,
- l’institution d’ un budget propre à la recherche,
- le lancement de programmes prioritaires de recherche.
Mais ce n’est qu’au début des années 1980, comme nous le verrons dans le paragraphe
suivant, que ces orientations verront un début de concrétisation sans pour autant faire
l’unanimité de tous les acteurs concernés. Il convient également de noter que cette
période a vu la création de nouvelles institutions d’enseignement supérieur à l’intérieur
du pays et la naissance en 1975, d’une seconde école d’ingénieurs à Gabès pour
conforter le développement du pôle industriel qui venait d’être créé.
En 1974, l’Etat a adopté la politique dite de substitution aux importations, et a créé la loi
74-74 (du 3 Août 1974), permettant la création des sociétés locales, qui se voyaient
protégées vis-à-vis des importations des produits qu’elles fabriquaient en Tunisie .
Il convient de signaler que, malgré cette politique d’ouverture vers le privé, l’Etat a
poursuivi son activité d’investissement industriel, notamment dans les secteurs à forte
intensité capitalistique. Le débat sur le rôle du secteur privé n’était pas encore tranché, et
plusieurs thèses militaient en faveur du rôle structurant de l’Etat, et du maintien de
celui-ci dans les activités productives. Plusieurs d’entre elles étaient encore considérées
comme un monopôle de l’Etat, et ce dernier a davantage renforcé sa présence dans de
nombreux secteurs comme celui du ciment ou de la chimie. Comme pour le secteur
privé, cette orientation a également montré des dysfonctionnements importants qui se
sont traduits par :
• un endettement de plus en plus lourd des entreprises publiques.
• un déficit chronique de plusieurs entreprises, qui a souvent été comblé par une
injection d’argent de la part de l’Etat et du système bancaire.
• un sureffectif manifeste, dû à une politique de recrutement basée sur des critères
anti-économiques.
Il est apparu progressivement que ce schéma de développement , basé d’une part sur
une industrie off-shore déconnectée du marché intérieur et opérant dans des secteurs à
forte intensité de main d’œuvre, et d’autre part sur une industrie locale à faible valeur
ajoutée, fondée sur le principe de la substitution aux importations et la protection du
marché intérieur, ne présentait pas un caractère de durabilité, dans la mesure où il ne
permettait pas de bâtir un véritable tissu industriel fondé sur la maîtrise technologique et
l’innovation, qui sont à la base de la compétitivité.
C’est dans ce contexte que les pouvoirs publics ont pris conscience, au début des années
1980, de la nécessité de réviser la politique industrielle, en intégrant le concept de
maîtrise technologique.
Ces dispositions ont permis d’instaurer une dynamique bien réelle dans le secteur de la
recherche. Cependant, la création de l’INRST et son implantation à Borj Cédria, loin du
campus universitaire, ont suscité de nombreuses critiques de la part d’une partie de la
communauté universitaire qui voyaient dans cette décision le signe d’une
marginalisation de la recherche académique.
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Une nouvelle organisation de la recherche a été mise en place en 1989 avec la création
de la Fondation nationale de la recherche scientifique (FNRS) puis par la création en 1991
d’un Secrétariat d’Etat à la recherche scientifique directement rattaché au Premier
ministère ce qui a marqué un tournant majeur dans le dispositif institutionnel de la
recherche .
En conclusion, cette période a été celle de la première tentative de mise en place d’une
politique nationale de recherche après l’indépendance. Malgré les insuffisances
inhérentes à toute première expérience, elle a su ancrer dans les mentalités de la majorité
des universitaires, des chercheurs et des ingénieurs -à travers les débats qu’elle a suscité
et les actions qu’elle a engendré- l’importance que revêt la recherche pour le
développement économique, culturel et social du pays. Cependant, faute d’un consensus
plus large sur ses objectifs et ses moyens, et en raison très certainement de la grave
situation socio-économique et politique qui a secoué le pays entre 1984 et 1987 cette
expérience n’a pas pu être menée jusqu’à son terme.
Comme nous l’avons déjà signalé c’est au début des années 1980 lors de la préparation
du VIème Plan de développement économique et social ( 1981-1986) que les pouvoirs
publics ont pris conscience de la nécessité de réviser la politique industrielle, en
intégrant le concept de maîtrise technologique. Il convient de noter la concomitance de
cette nouvelle orientation industrielle avec celle visant la mise en place d’une politique
nationale de recherche.
A cet effet, plusieurs mesures ont été prises, dont nous citons :
Mais la grave détérioration de la situation du pays entre 1984 et 1987 n’a pas permis la
mise en œuvre effective de ces réformes.
Ainsi, cette période a bien été celle de la prise de conscience du retard pris par la
Tunisie en matière de maîtrise technologique, et de la nécessité d’y remédier, à travers la
mise en place de divers mécanismes de promotion de la recherche et de l’innovation.
Ces mécanismes verront le jour de manière plus effective au cours des années 90,
comme nous le verrons dans le chapitre suivant.
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6-4 La mise en place graduelle d’une politique de la science, de la technologie et
de l’innovation (1991-2005)
Les objectifs poursuivis étaient pratiquement les mêmes que ceux de la période
précédente, avec cependant la ferme volonté de doter en premier lieu le secteur de la
recherche du cadre législatif et réglementaire nécessaire à son développement. Cet
objectif central a été concrétisée par la promulgation au mois de janvier 1996 de la
première loi d’orientation de la recherche scientifique et du développement
technologique qu’a connu le pays. Cette loi et ses textes d’application ont permis de
concrétiser d’importantes réformes en matière de financement, de coordination, et
d’évaluation des activités de recherche, d’introduire de nombreuses mesures incitatives
en faveur de l’innovation, et d’organiser pour la première fois aussi, les structures de
base de la recherche.
Parallèlement à cette démarche, plusieurs programmes ont été lancés par le SERST à
partir de 1992 dont les plus importants sont les suivants:
Ces programmes se situent dans la lignée des programmes nationaux de recherche des
années 1980. Afin d’éviter une grande dispersion thématique six grands domaines furent
considérés comme étant prioritaires: Agriculture et pêche, Environnement et ressources
naturelles, Industrie et énergie, Informatique et télécommunications, Santé et pharmacie,
Sciences de l’homme et de la Société.
Elle a été créée en 1994 dans le cadre du nouveau code d’incitations aux
investissements, la PIRD vise à soutenir les activités de R&D au sein des entreprises.
Prés d’une cinquantaine d’entreprises ont bénéficié de ce programme.
Ce programme a été lancé en 2003 et vise à favoriser les projets conjoints de recherche
entre des entreprises et des laboratoires de recherche en associant avec les centres
techniques.
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Le programme de création des technopoles
Cet important programme a été lancé en 2002 et vise la création dans chaque
gouvernorat d’une technopôle spécialisée.
ETABLISSEMENT SECTEUR
Institut National de Recherche Agronomique de Tunisie
Agriculture
Institut National de la Recherche en Génie Rural, Eaux et et
Forêts ressources naturelles
Institut de Recherche Vétérinaire de Tunis
Institut de l’Olivier
Institut National des Sciences et Technologies de la mer
Institut des Régions Arides
Institut National de Recherche Scientifique et Technique qui
fut scindé en 2004 en 4 centres autonomes : centre de l’Eau,
Centre des Energies renouvelables, centre de Biotechnologies Sciences et techniques
et centre des matériaux
Centre de Biotechnologie de Sfax
Centre National des Sciences et des Technologies Nucléaires
Institut National de Recherche et d’Analyses Physico-
Chimiques
Institut National du Patrimoine
Centre d’Etudes et de Recherches Economiques et Sociales Sciences humaines et sociales
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Le financement de la recherche
Afin de donner une nouvelle impulsion à ce secteur il a été décidé en octobre 2004 de
remplacer le Secrétariat d’ Etat par un Ministère de la recherche, qui en plus de ses
anciennes prérogatives a eu une nouvelle qui est le développement des compétences
traduisant ainsi la volonté des pouvoirs publics d’agir sur toutes les composantes de ce
secteur.
En conclusion cette période a été marquée par une réelle volonté politique de
promouvoir le secteur de la recherche qui s’est matérialisée par d’importantes réformes
institutionnelles et juridiques, par la mise en place de nombreux instruments et par un
financement significatif des activités de recherche.
Le début de cette période a été marqué par l'ouverture de l’économie tunisienne sur son
environnement international et par le choix de son intégration dans un vaste ensemble
économique constitué de l’Union européenne et de tous les pays méditerranéens. La
Tunisie s'est engagée ainsi dans une nouvelle voie : celle de l'efficacité et de l'ouverture
sur le monde
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Depuis son lancement, environ 2000 entreprises ont bénéficié de ce programme qui a été
étendu en 2002 aux secteurs des services et en 2005 à ceux de l’agriculture et du
tourisme.
la forte mobilisation des chefs d’entreprises, et leur plus grande réceptivité aux
aspects stratégiques de management,
une faible exploitation des constats dégagées par les diagnostics, pour mener des
actions horizontales touchant une problématique sectorielle, qui dépasse le cadre
de l’entreprise elle-même,
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- une composante Qualité-Métrologie-Normalisation, qui consiste à mettre à
dispositiondel'industrie tunisienne l'infrastructure, les standards, la
réglementation, l'organisation et les procédures lui permettant d'atteindre un
niveau de qualité comparable à ceux prévalant en Europe;
- une composante Financement, qui vise à faciliter l'accès des PME à des sources
variées de financement à des conditions adéquates notamment à travers un
appui au nouveau mécanisme de garantie des financements accordés aux PME
opérant dans les domaines de l'industrie et des services.
Les premiers indicateurs de la R&D ont été élaborés par l’OCDE en 1964,
la méthodologie employée est relativement simple : on considère la R&D comme
un système dont les « input » sont d’une part, les ressources humaines (c’est à
dire essentiellement les chercheurs) et d’autre part, les ressources financières
(dépenses publiques et privées allouées à ce secteur), et dont les « output »
sont d’une part, la production de publications scientifiques (nouvelles connaissances) et
d’autre part, les brevets (nouvelles inventions).
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Le document de référence en la matière, qui est devenu la norme internationale pour
l’élaboration des indicateurs de la R&D est le Manuel de Frascati qui fut publié la
première fois en 1964 et qui est maintenant a sa cinquième édition( lien).
Dans chaque pays ce sont des structures spécialisées, le plus souvent d’ailleurs des
agences gouvernementales, qui établissent ces statistiques. Ce qui est déterminant dans
leur travail, et ceci est vrai d’ailleurs quel que soit le système étudié, c’est d’une part la
fiabilité des données et, d’autre part, leur mise à jour à intervalles réguliers. Un
indicateur n’a de sens qui si on suit scrupuleusement les normes internationales qui ont
été établies pour sa détermination car c’est avant tout un instrument d’aide à la décision.
En outre, il faut toujours avoir à l’esprit que chaque indicateur ne représente qu’une
partie de la réalité ; les indicateurs n’ont de véritable signification que si on les examine
tous ensemble étant donné qu’aucune unité de mesure isolée ne saurait suffire pour
décrire un système. On verra dans la partie de cette section qui sera consacrée aux
indicateurs de l’innovation les nombreux efforts qui ont été accomplis par l’OCDE et
l’Union européenne pour tenter de mettre au point des indicateurs spécifiques à ce
système complexe sans pour autant parvenir à une solution totalement satisfaisante.
Mais revenons aux indicateurs classiques de la R&D et examinons brièvement leurs
caractéristiques.
Cet indicateur est basé sur le calcul des dépenses de R&D effectuées dans tous les
secteurs : universités, centres de recherche, entreprises, et organismes à but non lucratif.
On tient compte des dotations nationales ( budget de l’état et dépenses des entreprises)
et des sources de financement provenant de bailleurs de fonds étrangers (coopération
internationale). L’agrégat correspondant est la dépense intérieure de R&D (DIRD).
Afin de déterminer l’effort effectif de R&D d’un pays et effectuer des comparaisons
internationales, on rapporte cette dépense totale par rapport au PIB et on obtient ainsi
l’indicateur de financement. Dans le but d’apprécier les efforts respectifs de l’Etat et
des entreprises, on décompose cet indicateur en 2 sous-indicateurs qui traduisent
respectivement la part de l’Etat et celle des entreprises dans la DIRD. Comme le montre
le Tableau 4, plus un pays a une économie développée et plus le financement de la R&D
par le secteur des entreprises est important.
En conclusion, il faut toujours avoir à l’esprit que la structure de la DIRD est tout aussi
importante que le niveau atteint par celle ci.
30
Tableau4 : DIRD et Structure de la DIRD pour quelques pays européens et la Tunisie
Danemark 58 42 2,09
Italie 43 57 1,04
Tunisie 10 90 1
Source : Third European Report on S&T Indicators- 2003
31
L’indicateur des ressources humaines affectées à la R&D.
32
Tableau 5 Nombre de chercheurs par 1000 actifs dans quelques pays de l’OCDE
et en Tunisie
Pays Indicateur
Japon 9,72
Finlande 9,61
Suède 9,10
USA 8,66
Belgique 6,92
Danemark 6,46
Allemagne 6,45
France 6,20
EU-15 5,36
Autriche 5,24
Pays-Bas 5,15
Irlande 4,87
Espagne 3,77
Grèce 3,32
Portugal 3,11
Italie 2,78
Tunisie 3
33
7-1-2 Les indicateurs d’output
Actuellement les spécialistes de la bibliométrie basent leurs calculs sur les chiffres
provenant des bases de données du Thomson Institute for Scientific Information de
Philadelphie (Etats-Unis) ( lien) qui est donc la référence internationale dans ce
domaine.
La bibliométrie est un domaine d’étude très intéressant car outre le nombre « brut » de
publications, elle permet de faire des analyses par domaine scientifique, ce qui permet
d’évaluer les forces et les faiblesses par grandes disciplines de chaque pays.
L’indicateur utilisé est le nombre de publications indexées par le TISI, par chercheur en
équivalent plein-temps. A titre d’exemple, ce ratio se situe pour le Portugal à 0,75,
l’Allemagne à 0,99, la France 1,14, la Finlande, 1, 42, la Suède 1,57, le Danemark
1,69 et la Suisse 2,24. Pour la Tunisie il estimé à 0,15.
Les brevets
Le second indicateur d’output est le nombre de brevets , qui est donc censé mesurer la
capacité technologique d’un pays. En réalité, le brevet est avant tout un outil de
protection de la propriété industrielle. Dans la pratique, chaque pays à une structure
publique chargée des brevets en Tunisie par exemple, c’est l’Institut National de la
Normalisation et de la Propriété Industrielle (lien). Comme pour les publications , il
convenait ici aussi de choisir un système référence pour effectuer les comparaisons
internationales car on ne pouvait pas considérer les systèmes de brevets de tous les pays.
Il a été de ce fait décidé de ne retenir que les deux systèmes de brevets les plus
importants et les plus internationaux à savoir ceux des Etats-Unis et de l’Europe.
34
Bien évidemment, cela comporte un biais en faveur de ces pays, pour principales deux
raisons :
La première c’est que même les petites inventions destinées à se protéger sur le marché
national sont comptabilisées dans les statistiques internationales des brevets et la
deuxième c’est que le système de brevets du Japon n’était inclus dans le système de
référence.
Pour remédier à ces insuffisances, il a été décidé depuis l’année 2004, d’inclure le Japon
et de ne considérer dans les comparaisons internationales que les brevets déposés dans
les trois systèmes à la fois. Ces brevets sont appelés « brevets de la Triade ».
35
Tableau 6 : Nombre de brevets de la Triade par million d’habitants pour
quelques pays de l’OCDE
Suède 74
Japon 69
Allemagne 52
Finlande 50
Pays-Bas 47
USA 42
Belgique 32
France 30
OCDE 29
EU-15 28
Irlande 10
Espagne 2 ,2
Portugal 0,2
Grèce 0,1
36
7-2 Les indicateurs de l’innovation
C’est en 1992 que fut publié ce manuel par l’OCDE dans le but de mesurer la capacité
d’innovation d’un pays. En réalité et compte tenu de la difficulté de la tâche , le manuel
d’Oslo a été consacré essentiellement à la mesure des dépenses d’innovation
technologique dans les entreprises. Malgré sa richesse et les améliorations apportées au
fil de ses trois éditions, le Manuel d’Oslo n’a pas eu beaucoup de succès contrairement
au manuel de Frascati
• Ressources humaines
• Création de connaissances
• Transmission et mise en œuvre du savoir
• Financement, Production et Marchés de l’innovation
Ces deux indicateurs reflètent le profil de spécialisation de chaque économie sur les
secteurs susceptibles d’avoir un contenu d’innovation élevé .
37
Nombre de diplômés en S&E en °/ °° de la classe d’âge 20-29 ans
Il s’agit d’un indicateur général de l’offre de compétences avancées. Il n’est pas limité
aux domaines scientifique et technique, car l’adoption d’innovations dans de nombreux
domaines, en particulier dans le secteur des services, dépend d’un large éventail de
qualifications. En outre, il inclut l’ensemble de la population en âge de travailler, car la
croissance économique future pourrait nécessiter de faire appel à la part non active de la
population.
Les pays les plus performants dans l’UE sont la Finlande (33.2), le Danemark (31.9) et
le Royaume Uni (30.6). La moyenne EU25 est égale à 21.2
Les pays leaders dans l’UE sont l’Allemagne (11.04), la Slovénie (8.94) et la Tchéquie
(8.71)
La moyenne EU25 est égale à 6.60
Cet indicateur mesure les dépenses publiques de R&D toutes sources de financement
confondues.
Les taux de R & D publique les plus élevés en Europe sont observés en Finlande (1.04),
en Suède ( 0.93) et en France (0.83 ). La moyenne EU25 est de 0.67.
Bien qu’elles ne mesurent qu’une partie de l’effort consacré par les entreprises à
l’innovation, les activités de R&D n’en demeurent pas moins au cœur même du
processus. Plusieurs enquêtes ont démontré en effet que les entreprises qui investissent en
R&D réussissent mieux sur tous les plans que celles qui ne le font pas. La R&D sert non
seulement à créer de nouveaux produits et procédés ou à adapter les produits et procédés
des concurrents, mais elle sert également à développer la capacité d’absorption par les
entreprises des nouvelles technologies émergentes.
Les trois leaders européens sont la Suède (3.32), la Finlande (2.37) et le Danemark
(1.75). La moyenne EU25 est de 1.27.
Les pays européens leaders sont la Finlande (51.42), la Suède (38.1 ) et le Danemark
( 16.4). La moyenne EU25 est égale à 9.4
39
Demandes de brevets déposés auprès de l’Office Européen des Brevets ( par
million d’habitants)
Les pays européens leaders sont la Suède (311.5 ) , la Finlande (310.9), et l’Allemagne
(301.0). La moyenne EU25 est égale à 133.6
Les pays européens leaders sont la Suède (187.4 ), la Finlande (158.6), et l’Allemagne
(137.2). La moyenne EU25 est égale à 59.9
Ce domaine est très important et couvre les divers types d’innovation qu’on peut
rencontrer couramment dans les entreprises. La collecte de données dans ce domaine est
relativement nouvelle pour les systèmes statistiques européens puisque la première
enquête communautaire sur l’innovation n’a été réalisée qu’en 1996. Tous les
indicateurs de cette catégorie reposent sur les résultats d’enquêtes normalisées sur
l’innovation qui sont menées actuellement au moins une fois tous les deux ans par
chacun des Etats membres. Quatre indicateurs sont considérés dans cette rubrique:
Les secteurs retenus couvrent pratiquement l’ensemble des activités économiques: des
mines jusqu’à l’intermédiation financière en passant par les TIC et le commerce de gros.
Par entreprises innovantes on entend ici celles qui développent un nouveau produit ou un
nouveau procédé soit de façon autonome on bien en collaboration avec d’autres
entreprises.
Les pays leaders européens sont l’Allemagne (46.2), le Luxembourg (39.2) et la Belgique
(38.3). La moyenne EU25 est de 31.7
L’indicateur correspond au pourcentage des PME qui ont passé des accords de
coopération en matière d’innovation avec d’autres entreprises ou d’autres institutions au
cours des trois années précédant l’enquête. Il permet de déterminer indirectement
l’existence de transferts de connaissances entre les établissements publics de recherche et
les entreprises et entre les entreprises elles-mêmes. Il est limité aux PME, car la plupart
des grandes entreprises coopèrent en matière d’innovation.
Les leaders européens sont la Finlande (20), le Danemark (15,8) et la Suède (13.4).
La moyenne EU25 est égale à 7.1
40
Dépenses consacrées à l’innovation par les entreprises ( en % du chiffre
d’affaires total du secteur manufacturier et du secteur des services )
41
Chiffre d’affaires des ventes de produits « nouveaux sur le marché » ( en %
du chiffre d’affaires des entreprises )
Accès à l’Internet
Cet indicateur composite est calculé en attribuant la valeur 1 au pays européen le plus
performant et zéro pour le plus mauvais. Il permet seulement d’effectuer un classement.
Les leaders européens sont la Suède (1), le Danemark (0.89) et les Pays-Bas (0.77).
La moyenne EU15 est de 0.57.
Les leaders européens sont l’Estonie (11.5), la Lituanie (10.1) et la Hongrie (9.4).
La moyenne EU25 est de 6 .3.
Il s’agit d’un index relatif qui permet d’agréger les 20 indicateurs. L’approche adoptée
consiste à attribuer pour chaque indicateur la valeur 1 à la valeur la plus élevée obtenue
parmi le groupe des 25 pays et zéro à la valeur la plus basse puis de recalculer la valeur
de cet indicateur sur cette base. L’index synthétique de l’innovation est obtenu en
faisant la moyenne de l’ensemble, il est par définition compris entre zéro et 1. Les
indicateurs sont considérés comme ayant tous le même poids et on leur affecte pour le
calcul de la moyenne le coefficient 1 sauf pour les indicateurs relatifs aux brevets :
2.3.1 ; 2.3.2 ; 2.4.1 ; 2.4.2 pour lesquels est affectée la valeur 0.5.
Les pays européens leaders sont la Suède (0.76) et la Finlande (0.75) qui arrivent
nettement devant le troisième qui est l’Allemagne (0.56).
42
Tableau 7 Tableau récapitulatif des indicateurs de l’innovation de l’Union
européenne (2004)
43
Bibliographie
44
UNIVERSITE VIRTUELLE DE TUNISIE
MASTERE PROFESSIONNEL
EN PROSPECTIVE APPLIQUEE
M2PA
INTITULE DU COURS :
1
DEUXIEME PARTIE
LE MANAGEMENT DE L ‘INNOVATION
2- Le management de l’innovation
2
1- Les entreprises vectrices de l’innovation
Ce sont les entreprises qui sont à l’origine de l’innovation. Mais comme nous l’avons
vu dans la première partie de ce cours, leurs résultats dépendent de leur
environnement économique et réglementaire, des performances du système de
formation, de celui de la recherche, des politiques publiques en faveur de l’innovation,
et des performances de toutes les autres institutions du SNI avec lesquelles les
entreprises sont en interaction. Les résultats des entreprises dépendent aussi, et en
grande partie d’ailleurs, de leur propre capacité à saisir les possibilités offertes par le
marché et par la technologie.
Les entreprises innovent quand elles ont un motif pour le faire d’où l’importance des
facteurs suivants :
• un bon climat des affaires,
• des marchés concurrentiels,
• des incitations gouvernementales aux investissements, car il n’y a pas d’innovation
sans allocation de ressources,
• un secteur financier capable d’apprécier et de soutenir les projets innovants,
• des ressources humaines qualifiées,
• une bonne protection de la propriété intellectuelle,
• une réglementation qui n’augmente pas les risques et les coûts de la
commercialisation de produits ou procédés innovants.
Les entreprises innovent quand elles ont les capacités internes nécessaires, d’où
l’importance des facteurs suivants :
• une vision à long terme,
• une aptitude à anticiper les tendances du marché,
• une volonté et une capacité de collecter, de traiter et d’intégrer l’information
technologique et économique,
• des compétences organisationnelles:
une bonne coopération interne entre tous les départements de l’entreprise,
une coopération externe avec les clients et les fournisseurs, ainsi que les
sociétés de conseil, les centres techniques, les universités etc. Cet aspect est
primordial car l’innovation résulte, le plus souvent, de ces interactions,
une bonne gestion de la technologie,
une bonne gestion des ressources humaines.
Quel que soit le pays considéré, il y a beaucoup d’entreprises qui n’innovent pas et
celles qui le font ont un degré de compétence variable. De ce fait, l’objectif des
pouvoirs publics est double :
3
• aider les entreprises non innovantes à acquérir les capacités de base.
Par exemple, le programme national de mise à niveau de l’industrie
tunisienne, que nous avons décrit dans la première partie, s’inscrit
dans ce cadre,
• aider les entreprises plus compétentes à accroître leur capacité à
innover. Par exemple, le programme de modernisation industrielle
que nous avons aussi évoqué dans la première partie, poursuit cet
objectif.
Cela implique que les pouvoirs publics lancent des programmes différenciés pour tenir
compte de la diversité des niveaux d’aptitude des entreprises à l’innovation.
Niveau 0. L’entreprise statique: elle n’innove pas ou très rarement. Elle peut avoir une
position stable sur le marché tant que les conditions ne changent pas, mais en général
elle disparaît quand celles-ci changent.
On s’accorde aussi à distinguer cinq catégories de secteurs qui déterminent, dans une
large mesure, les caractéristiques de l’innovation des entreprises (2):
Les secteurs régis par l’offre (habillement, ameublement, etc.) dans lesquels les
entreprises n’innovent pas spontanément mais se procurent les innovations auprès
d’autres entreprises qui sont le plus souvent leurs fournisseurs de technologie. Ce sont
des innovations poussées par l’amont.
4
Les secteurs à fortes économies d’échelle (électroménager, industries alimentaires,
cimenteries etc.) qui centrent leur activité d’innovation sur la mise au point de
processus de production plus efficients (innovation de procédés) et sur des
améliorations de leur organisation (innovations organisationnelles). Ce sont des
innovations liées à l’effet d’expérience. Le problème consiste à s’assurer que le gain
d’expérience est réel et que les meilleures pratiques sont effectivement diffusées dans
toute l’organisation.
Secteurs des services, comme les services financiers, la distribution ou le tourisme. Ici
le point clé consiste à exploiter au mieux les technologies de l’information qui
permettent de faire apparaître de nouveaux modèles économiques beaucoup plus
performants(3).
Secteurs à substrat scientifique (électronique, télécommunications, aéronautique,
pharmacie, biotechnologies, etc.) dans lesquels on développe de nouveaux produits et
de nouveaux procédés, en coopérant, généralement, avec les universités et les centres
de recherches.
5
Base robuste Proposer une offre qui peut servir de Le Boeing 737, 30 ans après sa
plateforme pour de futures générations conception, est toujours modifié
de produits ou procédés pour répondre à certains besoins
Rupture technologique Démoder les offres concurrentes en Le MP3 par rapport au CD, la
proposant quelque chose de montre à quartz par rapport à la
radicalement nouveau montre mécanique, etc.
Bien évidemment, chaque secteur configure la taille de l’entreprise qui lui appartient.
Il est par exemple très difficile de trouver des petites et moyennes entreprises viables
dans les secteurs régis par les économies d’échelle, à l’inverse, on peut trouver des très
petites entreprises (start-up) dans les secteurs de pointe très spécialisés. En outre,
chaque catégorie d’entreprise a ses propres caractéristiques vis à vis de l’innovation :
Compte tenu de ces éléments, il y a en général, une plus grande marge d’amélioration
pour les PME que pour les grandes entreprises.
Ces petites entreprises jouent un rôle de plus en plus important au sein des systèmes
d’innovation, car indépendamment de leur production propre , elles constituent un
vecteur puissant de diffusion des nouvelles technologies et de nouvelles formes
d’organisation dans le tissu économique d’un pays. Elles permettent ainsi d’améliorer
6
la capacité d’absorption du pays en nouvelles technologies, c’est pourquoi leur
création est fortement encouragée par les pouvoirs publics de tous les pays.
2- Le management de l’innovation
• Le choix des technologies les plus pertinentes parmi celles possibles pour
permettre à l’entreprise de construire un avantage concurrentiel durable,
• L’accès à la maîtrise des technologies choisies, que se soit par le développement
interne, ou part la collaboration avec d’autres entreprises ou des organismes
publics de recherche ou par acquisition externe (achat de technologie),
• La mise en œuvre et l’amélioration ultérieure des technologies acquises,
• L’abandon de technologies obsolètes, auxquelles de nouvelles technologies se sont
substituées,
• La gestion des activités de R&D, d’études de conception des nouveaux produits ou
de nouveaux procédés.
Nous allons examiner dans cette section la dynamique des technologies, c’est à dire les
processus de vie et de mort de celles- ci.
7
Sur un marché donné, et à un moment donné, un besoin à satisfaire par un produit ou
par un service est rempli par une certaine technologie qui est adoptée par le plus grand
nombre d’entreprises du secteur en question. On l’appelle la technologie dominante.
Il se peut que d’autres technologies sont aussi capables de remplir la même fonction,
mais celles ci ne sont pas adoptées par les entreprises, soit parce qu’elles sont trop
chères ou bien trop complexes. Au fur et à mesure que la technologie dominante s’est
établie, on dit aussi qu’elle est devenue mature, le marché s’est segmenté, faisant
apparaître des besoins spécifiques sur certains sous-segments qui peuvent nécessiter
des adaptations de la technologie dominante pour y répondre.
On peut se demander quelles sont les entreprises qui sont à l’origine de l’introduction
de la nouvelle technologie. Très souvent, ce sont des nouveaux entrants qui choisissent
de s’engager sur une niche du marché pour y satisfaire des besoins spécifiques, peu ou
mal remplis par la technologie dominante. Mais ça peut être aussi des entreprises
présentes sur le marché qui décident de modifier le contexte concurrentiel en
introduisant une nouvelle technologie.
En réalité, cette démarche s’inscrit dans le cadre de la stratégie de l’entreprise. Une
innovation technologique nécessite toujours la mobilisation de ressources et des
dépenses, le délai de retour sur investissement et donc la décision de financer ou non
son développement, est directement lié à sa diffusion qui définit dans quelle mesure et
à quelle vitesse le marché est susceptible de l’adopter. La diffusion est influencée par
plusieurs facteurs dont deux sont déterminants : la nature de l’innovation et les
processus de mise sur le marché. Les modèles d’analyse de la diffusion des
innovations sont répartis en deux catégories :
Les modèles poussés par l’offre, qui mettent l’accent sur l’importance des
caractéristiques de l’offre comme par exemple :
- Le degré d’amélioration des performances par rapport aux offres
existantes,
- La comptabilité avec d’autres produits existants, qui permet aux clients
de ne pas perdre leurs investissements passés,
- La simplicité de l’offre, une offre complexe peut nuire à son adoption,
- Le service après vente.
8
Les modèles poussés par la demande, qui sont fondés sur la manière dont sont
gérées les interactions avec les clients lors du lancement de la nouvelle offre.
Parmi les facteurs importants citons :
- La communication. Il s’agit bien évidemment d’un facteur clé.
Beaucoup de bonnes innovations potentielles ont échoué à cause d’une
insuffisante information des clients .
- Le phénomène de rétroaction. L’idée générale est que personne ne
souhaite être seul à adopter une nouvelle technologie et qu’à l’inverse
tout le monde se rassure en achetant des technologies qui connaissent
déjà le succès. Selon ce point de vue, la diffusion est un processus
récursif : la diffusion actuelle encourage la diffusion future, l’absence
de diffusion dissuade les clients potentiels. Dans ces conditions, il faut
assurer dés la phase de lancement de l’innovation une large diffusion de
celle ci ce qui nécessite bien évidemment des budgets de lancement
importants.
Plusieurs études ont montré que la demande n’augmente pas de manière régulière. Au
début, le processus est généralement lent, puis il est suivi d’un point d’inflexion à
partir duquel la demande décolle ou s’effondre brusquement. Ce phénomène de
basculement est lié aux interactions réciproques entre les différents facteurs qui
contribuent à l’adoption de l’innovation.
Il faut bien avoir à l’esprit que la technologie n’est pas la seule ressource de
l’entreprise mais son importance réside, comme nous l’avons déjà indiqué, dans sa
capacité à créer ou à détruire des compétences fondamentales de l’entreprise. De nos
jours les entreprises sont confrontées à un environnement concurrentiel global, à une
accélération des mutations technologiques et à des changements très rapides de la
demande des consommateurs. De ce fait, l’avantage construit à partir d’une seule
innovation est à la fois temporaire et éphémère. L’entreprise doit devenir
continuellement innovante, c’est à dire pour reprendre la catégorisation de la section
1-2, une entreprise « apprenante » ; pour atteindre cet objectif, elle doit développer ce
qu’on appelle des capacités dynamiques.(4)
Les capacités dynamiques caractérisent l’aptitude d’une organisation à développer et
à modifier ses compétences afin de répondre aux exigences d’un environnement en
évolution rapide. Ces capacités dynamiques sont le plus souvent des connaissances
organisationnelles, c’est à dire des connaissances collectives accumulées et partagées
par l’ensemble des membres de l’organisation. De plus en plus, l’avantage
concurrentiel d’une organisation dépend moins de ses ressources physiques que de ses
compétences et de son expérience accumulée. Plusieurs auteurs ont souligné
l’importance de ces concepts qui s’inscrivent dans le cadre « l’économie de la
connaissance » (5). Nous allons dans ce qui suit résumer brièvement l’approche de
Nonaka et Takeushi qu’ils ont développé en 1995 dans un ouvrage intitulé : « The
knowledge creating compagny » (6)
9
demande. Selon Polyani (7) il y a quatre types de savoirs : le savoir factuel, le savoir
intellectuel, le savoir-faire et le savoir relationnel.
Par savoir factuel, on entend la connaissance des faits (par exemple, nombre
d’habitants d’un pays, dates historiques, revenu par tête d’habitant d’un pays, etc.).
Le savoir se rapproche ici de ce qu’on peut appeler normalement l’information. On
peut le fragmenter et le communiquer sous forme de données.
Le savoir intellectuel se réfère à la connaissances des principes et des lois naturelles,
on peut le qualifier aussi de savoir scientifique. L’accès à ce type de savoir est très
important et il est à l’origine des avancées technologiques.
Le savoir faire, désigne les compétences c’est à dire la capacité à faire quelque chose.
Il joue un rôle clé dans toutes les activités humaines. Il n’est pas nécessairement à
caractère pratique, il est fondé sur l’expérience.
Le savoir relationnel, désigne la capacité de connaître et coopérer avec des détenteurs
de savoir.
Les savoirs factuel et intellectuel peuvent s’acquérir par exemple, en suivant des cours,
en lisant des ouvrages en se connectant à l’Internet etc. Ils sont faciles à coder et à
transmettre sous forme d’information. Ils peuvent être vendus et achetés. On les
regroupe sous le terme de savoirs explicites.
Le savoir-faire s’acquiert généralement sur un mode proche de l’apprentissage.
Le savoir relationnel s’acquiert dans l’interaction sociale (associations
professionnelles, contacts relations clients-fournisseurs , associations d’anciens élèves
etc.).
Savoir-faire et savoir relationnel sont regroupés sous le terme savoir tacite. C’est
donc un savoir personnel, difficile à formaliser et à communiquer.
Comme pour les individus, les compétences organisationnelles nécessitent
généralement ces deux types de savoir.
La thèse défendue par Nonaka et Takeushi est qu’au sein d’une économie fondée sur
le savoir (économie apprenante), le savoir tacite a autant, voire davantage
d’importance, que le savoir explicite.
L’approche japonaise, quant à elle, met beaucoup plus l’accent sur le savoir tacite et
considère l’innovation comme la résultante d’un processus de mobilisation du savoir
tacite et de sa conversion en savoir explicite.
Au sens strict du terme, le savoir est créé par des individus et non pas par l’entreprise.
Celle-ci doit offrir le cadre adéquat pour la création du savoir. Mais ce qui est
fondamental c’est que le nouveau savoir généré à l’échelle d’un individu n’a d’intérêt
que s’il est amplifié par un groupe de personnes et diffusé à l’ensemble de
10
l’organisation. Cela veut dire que non seulement le savoir explicite, mais aussi et
surtout, que le savoir tacite doivent être partagés dans les organisations. Cela n’exclut
pas la possibilité que la compétence d’une organisation se voit réduite de façon
spectaculaire si l’un des ses collaborateurs clés quitte son poste, mais malgré ce départ
subsiste une base de savoir global partagée par tous les membres de l’organisation.
On admet actuellement que la clé de la compétitivité d’une entreprise réside
davantage dans la compétence de groupe plutôt que dans les compétences
individuelles.
Lorsque ces modes deviennent opérationnels au sein d’une organisation il se crée au sein de
l’organisation une« spirale » du savoir.
L’accès aux technologies c’est à dire la manière dont les technologies sont développées en
interne ou bien acquises, dépend de plusieurs paramètres comme par exemple le niveau socio-
économique global du pays dans lequel l’entreprise est implantée, son secteur d’activités, la
11
phase de maturité du secteur, l’intensité concurrentielle au sein du secteur, sa taille etc. De
manière générale, il y a deux grands principes à retenir :
Importanc Expertise
Acceptatio
e de la et Mentalit
Méthode Complexité n du Vitesse
technologi réputatio é
risque
e n
Développeme Faible/moyen
Clé Elevée Elevée Pionnier Lente
nt interne ne
Alliances et Moyenn
Seuil Faible Elevée Moyenne Suiveur
partenariats e
12
seuil faible
L’étude d’un grand nombre de réseaux d’entreprises dans les pays de l’OCDE a permis de
dégager les caractéristiques suivantes :
Les relations sont sélectives, durables et basées sur la confiance. La plupart des
entreprises ont tendance à établir des relations sélectives qui sont à moyen et
long terme. L’établissement de ses réseaux est un processus lent qui repose sur
une base sociale fondée sur les affinités et la confiance.
L’importance croissante des services à fortes intensité de savoir. Le secteur des
services joue un rôle de plus en plus important dans le processus d’innovation.
Il a de plus de collaborations entre l’industrie et les sociétés de conseils, les
bureaux d’études, les centres techniques.
L’internationalisation va de pair avec le renforcement des réseaux nationaux. Il
y a de plus en plus d’interactions avec les firmes étrangères, mais d’après des
enquêtes menées dans les pays de l’Union européenne cette tendance
n’affaiblit pas forcément les liens internes.
Les alliances stratégiques internationales sont de plus en plus axées sur la
technologie. Ce type d’alliance a fortement augmenté au cours de ces dernières
années pour partager les risques de la R&D et réaliser des synergies.
13
BIBLIOGRAPHIE
1- Arthur D. Little, 1998 « The Innovative Company”, Rapport réalisé pour l’Etude de
l’OCDE sur les systèmes nationaux d’innovation : « Gérer les systèmes nationaux
d’innovation », Paris 1999
10- O. Solvell, G. Lindqvist, C. Ketels, “The cluster Initiative Greenbook”, Ivory Tower,
2004
14
UNIVERSITE VIRTUELLE DE TUNIS
MASTERE PROFESSIONNEL
EN PROSPECTIVE APPLIQUEE
M2PA
INTITULE DU COURS :
Février 2006
1
TROISIEME PARTIE
ETUDES DE CAS DE PROSPECTIVE TECHNOLOGIQUE
Cette troisième et dernière partie du cours est consacrée à des cas concrets
d’études prospectives. Il convient tout d’abord de préciser qu’il y a deux
grandes catégories d’études prospectives dans le domaine de la Science et de la
Technologie.
La première catégorie, qui est sans doute la plus connue et aussi la plus
ancienne, s’intéresse à l’évolution des différentes technologies, par exemple les
technologies de l’information et de la communication, les technologies de
l’énergie, les technologies des matériaux, les biotechnologies, les technologies
de l’aéronautique et de l’espace etc.
Ces études sont conduites de manière régulière dans les grands pays
industrialisés qui sont, en général, des producteurs de ces technologies. Les
résultats obtenus leur permettent de disposer des éléments d’appréciation
nécessaires à la définition de leurs priorités et d’avoir une vision d’ensemble des
évolutions et des possibilités technologiques qui conditionnent la compétitivité
de leurs économies. Les exemples de ces « Technology Foresight » sont très
nombreux. Nous examinerons dans cette catégorie l’exemple du projet Futures
de la Commission européenne.
La seconde catégorie, s’intéresse aux évolutions possibles du système national
de la Science, de la Technologie et de l’Innovation d’un pays donné. L’objectif
premier de ces études n’est pas la technologie, mais le système dans son
ensemble. La technologie n’intervient ici que comme une variable du système et
son poids dans la dynamique d’ensemble de ce dernier varie d’un pays à l’autre.
Bien que plus récente cette seconde catégorie de travaux, suscite actuellement
beaucoup d’intérêt à la fois au niveau des pays industrialisés ou en voie
d’industrialisation. C’est ainsi par exemple que l’ITES a réalisé une étude de ce
type dans le cadre du projet Tunisie 2030. En attendant la publication officielle
des résultats de ce travail, nous allons prendre comme exemple pour illustrer
cette démarche le projet Futurys qu’a lancé dernièrement le gouvernement
français.
2
I- Le PROJET FUTURES (http://futures.jrc.es)
1-1 Organisation générale du projet
Le projet FUTURES a été lancé par la Commission européenne en mars 1998.
Son principal objectif était d’identifier les technologies dont la maîtrise est
importante à moyen terme (5-10 ans) pour l’industrie européenne, et de situer
la position de l’Europe sur ces technologies par rapport aux Etats-Unis et au
Japon. En réalité, ce projet a dépassé le cadre strictement technologique pour
englober d’autres composantes comme la démographie, les mutations sociales
et l’emploi.
La réalisation de cette étude a été confiée à l’ Institut de Prospective
Technologique, qui est situé à Séville en Espagne (Institute for Prospective
Technological Studies, IPTS, http://www.jrc.es). L’IPTS fait partie du réseau
des centres de recherche propres à la Commission européenne. Ces centres sont
actuellement au nombre de 8 et sont fédérés au sein du Centre commun de
recherche de la Commission européenne. (Joint research center http://www.
jrc.cec.eu.org).
Pour réaliser ce projet l’IPTS a constitué des commissions ad-hoc dans les
secteurs considérés comme stratégiques pour l’avenir de l’Europe. Chaque
commission spécialisée était constituée par d’éminents experts européens et
internationaux et par des chercheurs de l’IPTS. Chacune de ces commissions
s’est réunie pendant deux à trois jours une fois par trimestre durant les 18 mois
qu’a duré ce projet et entre chaque réunion du panel d’experts, le travail de
suivi, d’approfondissement et de synthèse a été effectué par les chercheurs de
l’IPTS. La méthodologie de travail qui a été adoptée est classique : choix des
experts les plus représentatifs du secteur d’étude, lancement d’une enquête
Delphi par le secrétariat de la commission pour connaître les avis d’autres
experts du domaine, séances de brain-storming entre les membres de la
commission, synthèse des avis, élaboration et discussions des rapports d’étapes,
élaboration et discussion du rapport final et enfin diffusion des résultats obtenus.
Au terme des travaux de ce projet l’IPTS a organisé au mois de février 2000,
une conférence internationale au cours de laquelle les résultats du projet ont été
présentés à prés de 1000 personnes.
Les secteurs qui ont été jugés déterminants pour l’économie et la société
européennes durant la prochaine décade sont les suivants:
- les technologies de l’information et de la communication ;
- les technologies du vivant ;
- les technologies énergétiques ;
3
- les technologies environnementales ;
- les matériaux et technologies associées ;
- les transports.
Afin de ne pas surcharger outre mesure cette troisième partie du cours, nous
allons nous contenter de présenter les résultats obtenus concernant les secteurs
des TIC et des technologies du vivant.
4
En ce qui concerne les technologies elles-mêmes six domaines sont concernés
en priorité :les composants, l’informatique (matériels et logiciels), les
télécommunications (matériels et logiciels), l’électronique professionnelle, les
services audiovisuels et l’électronique grand public.
Les champs d’applications de ces technologies sont très variés, et il y a par
conséquent non pas un système technologique unique mais une interpénétration
de systèmes technologiques divers. Cette complexité rend délicate la
détermination de manière précise des avancées technologiques escomptées et en
particulier la période à laquelle elles arriveront effectivement sur le marché.
L’exemple d’Internet dont personne n’avait prévu, à son démarrage, l’impact
considérable sur tous les secteurs , illustre bien la difficulté de la prévision de
l’évolution technologique dans ce domaine.
La démarche adoptée par l’IPTS dans cette étude a privilégié une approche
globale basée sur la mise en évidence de deux tendances lourdes d’évolution des
technologies de l’information et de la communication à savoir :
- l’informatique massivement distribuée ou omniprésente (ubiquitous
computing)
- les outils de gestion des connaissances (knowledge management).
Les évolutions des technologies spécifiques (composants, réseaux, logiciels etc.)
sont analysées dans le cadre de ces deux ensembles structurants.
2-1-1 L’informatique massivement distribuée ou omniprésente
(Diagramme 1)
La révolution de l’information est en passe de connaître une nouvelle transition :
celle de l’informatique omniprésente. Toutes sortes d’éléments appartenant à la
vie courante (appareils ménagers, vêtements, mobiliers, murs, etc.…) seront
bientôt informatisées, mis en réseaux et rendus «intelligents ». La complexité ne
se situera plus au niveau de l’interface utilisateur mais sera intériorisée et ces
dispositifs pourront communiquer entre eux. Cette transition repose sur les
développements suivants :
- progrès dans la compression des données ( images , sons, documents…) ;
- développement de moyens de stockage performants des informations ;
- amélioration de la portabilité des équipements, grâce à la miniaturisation, aux
progrès du génie logiciel et à de nouvelles architectures ;
- recours intensif, pour l’ensemble des secteurs, à de nouveaux systèmes
spécifiques de communication homme-machine ;
- développement de grandes capacités de transmission et nouvelle distribution
5
de l’intelligence, dans les réseaux comme dans les terminaux, à l’aide
notamment des supports à fibres optiques et des nouvelles techniques de
compression;
- mise en réseau des applications par l’accès aux bases de données réparties et
le Web interactif.
La micro-électronique continuera à être, jusqu’à la fin la décade, la principale
technologie générique de ce domaine. La loi de Moore selon laquelle la
complexité d’un circuit pour un coût donné doublerait tous les 18 mois
continuera à prévaloir et on s’attend à franchir de nouveaux seuils techniques
dans la miniaturisation et l’intégration des composants logiques. Les
technologies de lithographie et d’assemblage devaient permettre à l’horizon
2004, d’amincir les traits jusqu’à 0.01 microns et de réaliser des mémoires à
haute fréquence supérieures à 1 Gbit/CI.
Les technologies submicroniques profondes atteindront leurs limites
fondamentales vers 2008 et on s’attend à voir apparaître à cet l’horizon des
méthodes de calcul et de traitement de l’information basées sur des concepts
radicalement nouveaux comme la l’information quantique et l’informatique
biomoléculaire.
Des progrès majeurs sont également attendus dans le domaine des
superordinateurs. Les architectures massivement parallèles permettront
d’atteindre des puissances de calcul supérieures à 1 téraflop à l’horizon 2003.
La mobilité sera une exigence majeure de la période à venir, ce qui se traduira
par des évolutions importantes dans plusieurs technologies, comme celles des
antennes, de l’alimentation en énergie et l’architecture de réseaux intelligents.
Ainsi, les efforts de réduction du poids et d’augmentation de l’autonomie des
batteries vont se poursuivre ainsi que le contrôle de leur processus de charge. On
s’attend à réaliser à l’horizon 2006 des batteries à hautes performances d’une
densité de charge de 500Wh /Kg. Par ailleurs, la diminution de la consommation
d’énergie des composants électroniques sera poursuivie à travers deux grandes
tendances : une plus grande intégration des composants et la réduction des
tensions d’alimentation.
Des progrès majeurs sont également attendus à court terme, dans les systèmes de
visualisation et notamment au niveau des écrans plats et des écrans tactiles. Les
écrans à plasma qui permettent la réalisation de grandes surfaces remplaceront à
terme, les écrans à tube cathodique. A partir de 2010, on prévoit l’arrivée sur
le marché des écrans holographiques.
Les interfaces de communication homme- machine connaîtront une évolution
remarquable : il y a aura une libération progressive du système écran-clavier-
6
souris au profit d’autres formes plus conviviales comme l’interaction vocale en
environnement bruité et l’utilisation des agents intelligents.
L’évolution de l’informatique vers une distribution massive se traduira par une
croissance spectaculaire des capacités des réseaux fixes et mobiles à très haut-
débits. A l’horizon 2006, on s’attend à ce que les liaisons urbaines large bande
dépassent les 34Mbps et les liaisons mobiles 10Mbps.
Une des avancées majeures les prochaines années sera indéniablement
l’avènement de la nouvelle génération d’Internet prévue pour 2002 qui
permettra entre autres , d’offrir des services audio et de télévision en temps réel
ainsi qu’un forte croissance du commerce électronique grâce à sa nouvelle
version sécurisée (2003).
Il apparaît clairement que l’informatique omniprésente exigera une
interopérabilité complète des différents réseaux de communication ce qui
constituera un des enjeux majeurs de la prochaine période. Par ailleurs,
l’augmentation des volumes d’information transportés, leur vitesse de
transmission et le champ toujours plus large des différentes technologies
utilisées vont faire de la supervision des réseaux et de leur gestion un domaine
majeur. Un autre élément central de cette problématique concernera la sécurité
des transactions et la lutte contre la cybercriminalité.
7
On s’attend également à ce que la validation et la certification des logiciels qui
est actuellement en vigueur dans plusieurs domaines sensibles (aéronautique,
espace, transport ferroviaire) soit généralisée à tous les secteurs d’application à
l’horizon 2010.
Les ressources pratiquement illimitées en données de toutes natures ,
nécessiteront le développement de nouvelles techniques centralisées et
réparties de gestion de l’information , et de larges dictionnaires intégrant la voix,
le texte et les graphismes. A plus long terme (2012), ces données seront gérées
par des systèmes de bases de données à auto-organisation et auto-apprentissage .
La technologie des agents intelligents se développera en donnant aux
utilisateurs des différents équipements informatiques et de communication
(ordinateurs , assistants personnels, téléphones portables etc.) la possibilité de
réaliser des opérations complexes sur des réseaux de communication.
Un important domaine d’application concernera la reconnaissance vocale et
l’ingénierie linguistique en communication homme-machine. On s’attend que la
synthèse de la parole atteigne en 2006 le même niveau de qualité que la voix
humaine et que la traduction automatique en ligne de toutes les langues
devienne effective à partir de 2010.
Un autre aspect important de développement concernera la robotique Plusieurs
études affirment que des systèmes parfaitement intelligents, c’est à dire ayant la
capacité de voir, toucher et entendre et surtout de réagir aux sollicitations de leur
environnement n’arriveront pas sur le marché avant 2020, par contre, on s’attend
à un développement considérable des systèmes experts qui possèdent un champ
d’application très important et en particulier dans les processus d’apprentissage.
Les technologies liées à la réalité virtuelle connaîtront également de nombreux
développements et plus particulièrement l’interaction gestuelle, et la
reconnaissance de formes à contexte sensitif .
2-1-3 Conclusions
Trois systèmes technologiques vont dominer : les réseaux, la mobilité et
l’image, tous les trois fédérés par des composants hautement intégrés et des
logiciels de plus en plus sophistiqués . Trois conséquences essentielles en
découlent :
- les industries d’intégration de matériels et de logiciels vont se développer
considérablement ;
- la croissance de la demande en conception logicielle sera très forte dans
tous les secteurs ;
- les activités classiques connaîtront de profondes mutations grâce à
8
l’informatique intégrée.
9
- l'industrie du diagnostic médical, en s'intéressant à la génétique directement et
non plus uniquement à ses sous produits comme les hormones, les anticorps ou
tout autre protéine;
- l'industrie chimique pour l'utilisation des enzymes dans ses procédés et
méthodes de traitement;
- l'environnement, pour le traitement des déchets toxiques et la restauration de
l'intégrité biologique des espèces et des écosystèmes;
La dynamique technologique a été analysée par l’IPTS pour les deux principaux
secteurs d'application à savoir :
- le secteur de la santé
- le secteur de l'agriculture et de l'alimentation.
10
b) Cancer
Le cancer constitue la seconde cause de décès dans les pays développés. La
moitié de ces décès environ , survient chez des personnes de moins de 50 ans.
Beaucoup d'espoirs sont placés dans la thérapie génique, mais là également,
l'identification des multiples gènes impliqués dans cette maladie n'est pas
attendue avant 2015. Cependant, le développement considérable des travaux de
recherche sur le cancer permettra de réaliser des progrès importants dans la
compréhension du processus de cancérisation, et par voie de conséquence dans
la mise au point de nouveaux moyens de traitement. On espère disposer , à partir
de 2010, de médicaments qui limitent l'apparition du cancer et à partir de 2013
de moyens préventifs réellement efficaces.
c) Les maladies neuro-dégénératives
Ces maladies tiennent une place grandissante dans les sociétés occidentales
vieillissantes. Grâce aux médicaments recombinants , il existe des chances
sérieuses de développer des traitements contre la maladie d'Alzheimer, la
maladie de Parkinson, et les diverses autres maladies de ce type. Une autre voie
très prometteuse de traitement , est la greffe de cellules nerveuses obtenues à
partir des cellules souches embryonnaires. Mais pour ces maladies aussi,
l'horizon temporel pour l'identification précise de leurs mécanismes
moléculaires se situe à l'horizon 2010.
c) Les maladies infectieuses.
Ces maladies constituent un problème majeur de santé publique dans le monde.
Elles ont représenté en 1999, prés de 25% du nombre total de décès et, si on
inclut les morts dues à des déficiences nutritionnelles et périnatales, elles
atteignent 31% du total , soit la principale cause des décès dans le monde.
Chaque année prés de 2 millions d'Africains meurent du SIDA et prés de 700
000 enfants sont atteints du paludisme. Bien qu'elles affectent essentiellement
les zones les plus démunies de la planète , ces pathologies représentent de graves
dangers potentiels pour les pays développés qui intensifient actuellement les
recherches dans ces domaines . C'est ainsi qu'on prévoit le développement d'un
vaccin contre le SIDA vers 2004, et la mise au point de nouvelles thérapies .
On s'attend également au développement , à la même période, d'un vaccin
contre le paludisme. Si ces deux prévisions se réalisent , elles auront des
retombées extrêmement positives pour de nombreux pays en développement et
plus particulièrement pour les pays Africains qui souffrent gravement de ces
deux fléaux.
Parallèlement à ces nouvelles thérapies on prévoit des développements
importants dans les domaines des diagnostics et des biomatériaux. Pour ces
derniers, on s'attend à la mise au point de diverses prothèses plus sûres et
permettant de répondre aux contraintes les plus variées. Un grand nombre de
programmes de recherche concernent actuellement le développement des
11
méthodologies in vitro pour l’évaluation des mécanismes cellulaires et
moléculaires de la dégradation et de la performance des matériaux biomédicaux,
ainsi que des interactions système récepteur-appareillage. On s'attend également
à un développement considérable des systèmes de diagnostics pour la détection
des agents infectieux, particulièrement dans le sang (bio-capteurs en 2004),
ainsi que la détection du cancer (2006), et l'analyse de la prédisposition
génétique aux maladies polygéniques (2006).
2-2-3 Technologies pour l’agriculture et l’alimentation ( Diagramme 2)
Le deuxième secteur fortement investi par la biotechnologie est la production
agricole. On estime actuellement entre 3 à 4% sa part dans le marché des
biotechnologies, mais la croissance est forte malgré la controverse sur les
organismes génétiquement modifiés. Les principaux objectifs de la
biotechnologie en agriculture pour les prochaines années sont les suivants:
1-Améliorer les rendements et supprimer les pertes dues aux maladies et aux
insectes ravageurs grâce à l'emploi de plantes transgéniques plus résistantes à
des agents pathogènes et mieux adaptées aux besoins. On estime que les
techniques de génie génétique deviendront couramment employées à partir de
2007 pour la production de nouvelles lignées de plantes et qu'à cette date les
OGM représenteront environ 30% du marché mondial .
2 - Réduire l'emploi des pesticides et des engrais chimiques. Le développement
des plantes transgéniques et de l'agriculture biologique, ainsi que la mise au
point de nouveaux biopesticides permettra de diminuer l'utilisation de ces
produits. On s'attend à une baisse de la production, à l'horizon 2010, de prés de
50%.
3- Substituer certaines productions chimiques par des synthèses végétales
comme par exemple , la production de nouvelles fibres pour l'industrie (2007),
de matériaux biodégradables (généralisation de leur emploi dans l'emballage
vers 2009), des bioplastiques ( 10% de la production mondiale des plastiques en
2011), des biocarburants ( 10% de la production mondiale de carburant en 2014)
, ect….
4-Modifier le goût de certains aliments ou supprimer la cause de certaines
allergies . Le domaine de la transformation alimentaire constitue un enjeu très
important. En effet, l’intensification de la concurrence entre les entreprises
alimentaires due à la globalisation des marchés va les conduire à élaborer des
produits de plus en plus complexes et de qualité gustative optimisée. Compte
des impératifs de qualité , ces produits microbiologiquement très fragiles
nécessitent des moyens de lutte nouveaux pour garantir leur qualité hygiénique.
Les techniques de détection des contaminations microbiennes vont continuer à
faire des progrès en rapidité et en spécificité, ainsi que celles relatives à la
prédiction de la croissance microbienne ou microbiologie prédictive. Cela
conduira, à terme, à définir les conditions optimales de fabrication en fonction
12
de la durée de vie des produits. Par ailleurs, les régularités de production et les
qualités organoleptiques de produits élaborés sous l’action des micro-
organismes seront améliorées par de nouvelles souches obtenues par mutation
ou par transformation génétique. La mise sur le marché d'aliments hypo-
allergéniques est prévue pour 2007.
5- La production de molécules pharmaceutiques par les plantes. Si d'ores et déjà
,des cellules de mammifères en culture ou des souches bactériennes permettent
de produire des protéines à usage thérapeutique, les plantes transgéniques
représentent un mode de production moins coûteux et plus sûr de ces mêmes
molécules puisqu'elles sont dépourvues d'agents pathogènes et notamment de
virus pour l'homme. On estime que le secteur des bio-médicaments représentera
environ 50% de la production mondiale en 2015.
6- L'amélioration de la productivité des espèces animales et l'utilisation des
animaux en santé humaine. La lutte contre les maladies animales va constituer
un impératif majeur, non seulement pour des raisons économiques, mais surtout
pour la protection de la santé humaine. La récente crise de l'encéphalopathie
spongiforme bovine ( maladie de la vache folle) illustre l'importance majeur de
cet enjeu. Comme pour les plantes , le recours aux modifications transgéniques
des lignées animales pour accroître leur résistance aux agressions et augmenter
leur rendement sera largement opérationnel vers 2007 ( typage du sexe en 2004
et clonage en 2006). Les travaux du génie génétique dans le domaine animal
permettent aussi d’envisager, à moyen terme, trois types d’applications pour la
santé humaine : la préparation de protéines recombinantes dans le lait, la
préparation d’animaux transgéniques modèles, la préparation d’animaux
transgéniques donneurs d’organes pour la transplantation à l’homme ( emploi
des xénogreffes vers 2006).
2-3-4 Conclusions
Cette brève analyse a permis de mettre en évidence le remarquable potentiel de
développement des technologies du vivant dont la maîtrise est devenue
aujourd'hui , au même titre que les technologies de l'information et de la
communication, un impératif majeur.
13
II- LE PROJET FUTURIS
(http://www.anrt.asso.fr).
14
compétitivité, les relations avec la société et l’environnement
international.
Au terme de cette réflexion l’ANRT a organisé deux journées
d’études les 7 et 8 mars 2004 au cours desquelles ont été présentés
les principaux résultats obtenus.
L’ensemble des contributions à ce projet ont été réunies dans un
livre intitulé : « Avenirs de la recherche et de l’innovation en
France », sous la direction de Jacques Lesourne, Alain Bravo et
Denis Randet, la Documentation Francaise, Paris 2004, en outre
tous les rapports sont actuellement disponibles sur le site web de
l’ANRT.
2-2 Méthodologie
15
également été faites sur l’évolution de la Dépense Interne de R&D
(DIRD) mondiale qui pourrait en 20 ans passer de 630 à 1300
milliards d’euros constants, ainsi que des hypothèses sur sa
répartition entre les grands blocs : Etats-Unis 33% ( elle représente
actuellement 36% ), l’Europe 17% (au lieu de 22% actuellement), la
Chine 15% et l’Asie industrielle 24% (Japon, Corée du Sud,
Taiwan, Indonésie, Thaïlande, Singapour, Malaisie) , le reste du
monde se partageant les 11% restants !
1- Dynamique de la mondialisation
1-1 Croissance économique par grandes zones et disparités Nord-
Sud. Perspectives Chine et Inde
1-2 Niveau mondial de conflictualité ; capacités de régulation
internationale sur le climat, l’énergie…
1-3 Circulation et accessibilité de l’information, des connaissances et
des compétences
16
2-2 Programmes Technologies-Innovations-Marchés sur biens
collectifs (santé, développement durable…) ou domaines clés
sectoriels (TIC, Biotechnologies, Energie, Matériaux….)
2-3 Dimension européenne dans la R&D de l’armement et de la
sécurité
2-4 Transparence et efficacité du marché européen : taille du marché
pour l’innovation
3- Science-Innovation-Société
3-1 Degré de diversité des référentiels et de fragmentation de la
société ; valeurs et représentations
3-2 Degré d’acceptation des nouvelles technologies et de
l’innovation : sensibilité du public aux problèmes potentiels soulevés
par la technologie (risques, effets de domination, implications
éthiques…)
3-3 Degré d’implication et de participation aux processus de
régulation ; démocratie dans le champ de la recherche et de
l’innovation
17
5-2 Dynamique des organismes publics de recherche : missions,
gouvernance
5-3 Modes de gestion des ressources financières et humaines :
mécanismes d’incitation, règles de gestion, évaluation, gestion des
contrats
5-4 Implication des régions dans l’émergence de pôles puissants
5-5 Couplage à l’innovation industrielle et orientation problem solving
(orientation vers la réponse à des besoins socio-économiques) de la
recherche publique : capacité de partenariat, qualité et accessibilité de
la recherche publique pour les entreprises
18
contesté fragmentations multipolaires
3- Science-Innovation-Société
Conflits, Polarisations Régulation par le Confiance par
et Blocages marché transparence et
régulation des conflits
19
Le choix des combinaisons
Avec trois options pour chacune des six composantes on aboutit,
comme vous le savez, à 729 combinaisons et donc autant de scénarios.
Bien évidemment, comme dans toute réflexion prospective, le groupe
de travail s’est limité à quelques scénarios en utilisant les critères de
choix classiques à savoir :
- chaque scénario doit avoir une cohérence interne, de manière à
être suffisamment crédible pour susciter une adhésion
intellectuelle,
- les scénarios doivent être bien différenciés afin de couvrir
l’éventail des futurs possibles.
20
2-Europe et A A A C B C
France dans
l’Europe
3- Science – A A B C B C
Innovation-
Société
4- Rôle et A A C B C C
modes
d’intervention
des pouvoirs
publics
5- Dynamique A A C B C C
de la
recherche
publique
6- RDI privée A A B C C C
et attractivité
du territoire
Taux de 1,2 1,8 1,5 2,2 2 2,5
croissance du
PIB en %
DIRD/PIB en 1,7 1,7 2,2 2,8 2,4 3,0
%
Les lettres A, B, C renvoient aux macro-hypothèses des composantes
(voir tableau 2)
21
Scénario Ib : Passivité opportuniste (passivité dans l’orbite
américaine ; contexte positif).
Dans le même contexte international et européen, la croissance
européenne est néanmoins plus forte, ce qui permet d’accroître
quelque peu le volume de la recherche publique et de les concentrer
dans les domaines d’avenir. La R&D industrielle privée augmente
faiblement. La bonne tenue des financements liés aux politiques
d’innovation ne compense pas la chute des contrats publics de R&D
aux entreprises.
22
l’enseignement supérieur et de l’innovation se met en place avec des
programmes significatifs mais excluant la R&D de défense et de
sécurité. La régulation de l’innovation par le marché dans une société
peu conflictuelle facilite la dynamique de l’innovation. La réforme et
la décentralisation de l’Etat vont de pair avec des évolutions
structurelles de la recherche publique qui s’organise en pôles
régionaux, facilitant à son tour le développement de l’innovation au
niveau des PME. A terme, la négociation d’accès aux ressources rares
des deux cotés de l’atlantique est porteuse de tensions graves, ainsi
d’ailleurs que les accidents technologiques majeurs. Le risque de ce
scénario est un double saupoudrage au niveau européen, entre les
régions et au sein des régions, saupoudrage qui pourrait faire perdre
les avantages attendus du scénario.
23
Conclusion
Cette étude a permis de donner une vision d’ensemble de la
dynamique du système de recherche et d’innovation, fondée sur une
méthodologie rigoureuse et avec un chiffrage des scénarios. Dans
l’esprit de ses concepteurs, elle devait servir de point de départ pour
un large débat public sur l’avenir du SFRI qui aurait permis d’aboutir
à des orientations stratégiques partagées par le plus grand nombre
d’acteurs. Cet objectif ne semble pas avoir été pleinement atteint.
24
Bibliographie