Le Maraîchage Périurbain À Libreville Et Owendo
Le Maraîchage Périurbain À Libreville Et Owendo
Le Maraîchage Périurbain À Libreville Et Owendo
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www.cahiersagricultures.fr
Résumé – Au Gabon, le rôle du maraîchage périurbain est essentiel à l’approvisionnement des villes en
légumes frais, notamment à Libreville et Owendo. Lors d’une enquête menée dans trois périmètres
maraîchers, un état des lieux a été réalisé sur les caractéristiques socio-économiques, la diversité des plantes
cultivées et les pesticides utilisés. Les superficies exploitées vont de 0,08 ha à 0,4 ha par maraîcher selon les
sites. Les exploitants interrogés sont à 51 % originaires du Gabon alors que 40 % sont originaires du Burkina
Faso. Les espèces les plus cultivées tout au long de l’année sont l’amarante (Amaranthus hybridus L.), la
laitue (Lactuca sativa L.), l’oseille de guinée (Hibiscus sabdariffa L.), la morelle noire (Solanum nigrum L.).
Les ravageurs les plus importants sont les Aphididae et quelques coléoptères. Les produits
phytopharmaceutiques les plus utilisés sont des insecticides neurotoxiques conventionnels. Une
meilleure maîtrise du suivi des cultures, une vulgarisation en protection des cultures y compris sur
l’emploi des pesticides ainsi que la possibilité de développer des systèmes de micro-crédits aux petits
producteurs permettraient d’augmenter la production légumière périurbaine et sa qualité sanitaire, ainsi que
d’accroître l’autonomie alimentaire locale.
Abstract – Peri-urban market gardening in Libreville and Owendo (Gabon): farmers’ practices and
sustainability. In Gabon, peri-urban gardening is an opportunity to provide vegetables to the main cities,
such as Libreville and Owendo. Following a survey conducted in three market gardening areas, an
inventory was conducted on the socio-economic characteristics, the diversity of crops, and pesticide uses.
The cropped areas range from 0.08 ha to 0.4 ha per farmer, according to the site. National operators
represent 51%, while people from Burkina Faso manage 40% of vegetable production. The most
cultivated species throughout the year are amaranth (Amaranthus hybridus L.), lettuce (Lactuca sativa L.),
Guinea sorrel (Hibiscus sabdariffa L.) and black nightshade (Solanum nigrum L.). The most important
pests are Aphididae and some beetles. The most commonly used plant protection products are insecticides,
mainly conventional neurotoxic. Best crop monitoring, pest control including pesticide application
reduction, and the possibility to offer microcredit systems to small producers would help increasing
peri-urban healthy vegetable production and increase local food autonomy.
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0),
which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
S.M. Bayendi Loudit et al. : Cah. Agric. 2017, 26, 45002
Source: Adapted from Nguema (2005) and WRI (World Resources Institute), 2013.
Cette réalité est aussi celle du Gabon, pays de 1,7 millions tissu d’activités maraîchères urbaines et périurbaines qui
d’habitants, dont 87 % d’urbains (Lefort, 2015). Si, sur une pourrait être développé. C’est un des mandats de l’Institut
superficie totale de 267 667km2, près de 15,2 millions gabonais d’appui au développement (IGAD, 2014). Afin de lui
d’hectares sont considérés comme cultivables, seulement apporter une bonne connaissance des pratiques de maraîchers
495 000 hectares sont effectivement exploités. Avec un secteur et d’étudier les solutions possibles aux problèmes qu’ils
agricole peu développé, la satisfaction des besoins alimentaires rencontrent, un inventaire des productions maraîchères et de la
est donc essentiellement tributaire des importations d’aliments gestion des bio-agresseurs a été menée.
(Organisation mondiale du commerce, 2013a).
En 2013, 60 % des aliments consommés, essentiellement
destinés aux populations urbaines, ont été importés (Organisa- 2 Méthodologie
tion mondiale du commerce, 2013b). La FAO (Organisation 2.1 Localités d’étude
des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture)
rapporte que le Gabon a un rendement de 5,5 t/ha en légumes Ce travail a été effectué au sein des trois périmètres
frais, le plus bas de la zone CEMAC (Communauté maraîchers de l’IGAD, dans la province de l’Estuaire (Gabon),
économique et monétaire de l’Afrique centrale). En 2013, dans les communes de Libreville et d’Owendo (Fig. 1). Les
les importations se sont chiffrées à 572 tonnes, soit 18 fois la périmètres de Libreville sont respectivement celui de l’ADL
quantité de légumes frais importée par le Congo voisin, près de (l’aéroport de Libreville) (0°27’30"N, 9°25’06"E) qui
trois fois plus peuplé. Le Gabon représente ainsi 33 % des comporte 64 parcelles de 1000 m2 de superficie unitaire, et
importations légumières d’Afrique centrale (FAO, 2015). En celui du PK8 (0°24’39"N, 9°29’26"E) qui est constitué de
raison d’une agriculture essentiellement tournée vers l’auto- 16 parcelles de 800 m2. Celui de la commune d’Owendo est
consommation et du mauvais état du réseau routier intérieur, la situé au sud de Libreville (0°18’26"N, 9°29’40"E) et comporte
production agricole des zones rurales ne contribue que 27 parcelles de 1000 m2.
faiblement à l’approvisionnement des marchés urbains. Les Le climat local est de type équatorial chaud et humide, avec
autres contraintes du développement de ce secteur sont la des températures variant entre 22°C et 32°C et une
décroissance et le vieillissement de la population rurale, ainsi pluviométrie annuelle de 1500 à 3000 mm. On distingue
que l’absence de services techniques d’appui et de mécanismes quatre saisons :
d’accès au crédit. La seule politique agricole visible se limite à – une petite saison sèche de janvier à février ;
la timide relance des filières café et cacao. Il existe pourtant un – une grande saison des pluies de mars à juin ;
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– une grande saison sèche de juillet à septembre ; Pour ce qui est du niveau d’instruction des maraîchers, plus
– une petite saison des pluies d’octobre à décembre de la moitié sont instruits. Cependant, il y a 34 % d’illettrés ;
(Direction générale des statistiques, 2010). cela rend plus difficile la conduite des cultures car toutes les
informations concernant le suivi et l’entretien des plantes sont
écrites.
Le choix des sites a été orienté par la facilité d’accès aux La durée de pratique de l’agriculture est variable et va de
parcelles, la stabilité des exploitants, ainsi que la formation et zéro à 20 ans. La plupart des interviewés sont issus de familles
l’encadrement effectués par l’IGAD, structure paraétatique de d’agriculteurs. Soixante-six pour cent ont suivi une formation
formation et d’appui aux activités agricoles urbaines et dispensée par les techniciens de l’IGAD. Pour les expatriés
périurbaines (IGAD, 2014). (34 %) qui ont des barrières de langue, mais qui possèdent
néanmoins des notions en suivi des cultures, ce sont leurs
2.2 Enquêtes sur les exploitations maraîchères camarades, installés depuis un certain temps sur les sites, qui se
chargent de leur expliquer les recommandations de l’institut.
Cette recherche a été conduite durant la période allant de De façon générale, l’IGAD se réserve le droit de sanctionner
septembre à octobre 2011 chez 35 exploitants, ce nombre tout maraîcher qui n’assure pas un bon suivi de ses cultures.
correspondant à 53 % des maraîchers installés sur les sites de
l’IGAD dans les communes de Libreville et Owendo. La part 3.1.2 Habitat et personnes à charge
des exploitants interrogés par site est de 48 % à ADL, 67 % à
Owendo et 50 % au PK8. Des enquêtes ont été conduites chez On note que 63 % des maraîchers sont locataires. Les types
les exploitants ayant consenti à être interrogés et favorables à la d’habitations sont variables : en dur (parpaings), à moitié en
visite de leurs parcelles. Les données ont été collectées suivant dur (soubassement en parpaing et planches par-dessus) et en
un questionnaire portant sur des informations relatives aux planches. Certains exploitants (31 %) n’ont pas de personnes à
caractéristiques socio-économiques des producteurs, à la charges. Ce sont pour la plupart des expatriés, qui viennent
diversité des systèmes de production et des plantes cultivées, d’abord seuls. C’est lorsque leurs conditions de vie
ainsi qu’à la problématique des ravageurs rencontrés et des s’améliorent qu’ils sont rejoints par leurs familles. Pour les
produits phytosanitaires utilisés. Ces données ont été autres, la moyenne des enfants à domicile est de deux. Il faut
dépouillées manuellement puis analysées avec le logiciel noter que, de façon générale, plusieurs neveux, frères et sœurs
Excel. Toutes les proportions sont calculées par rapport au sont à la charge des exploitants, même s’ils n’habitent pas dans
nombre total des interviewés. Une comparaison entre les le même domicile. Soixante-six pour cent des exploitants sont
différents sites a été effectuée. en couple ; les conjoints sont un atout pour le travail au champ
et/ou pour le commerce.
3 Résultats et discussions 3.1.3 Structure de commercialisation et revenus
3.1 Caractéristiques socio-économiques des La commercialisation des légumes des maraîchers se fait
maraîchers selon trois façons. La vente sur le site est la plus importante :
3.1.1 Caractéristiques des maraîchers 94 % des maraîchers. Six pour cent écoulent leurs produits
Les tranches d’âge des personnes interrogées varient entre chez des particuliers. Parmi ceux qui vendent sur le site, 76 %
20 et 60 ans (Tab. 1 et Annexe 1). La population des jeunes ont des contrats tacites avec des commerçants grossistes qui,
maraîchers (20–35 ans) est inférieure (37 %) à celle de plus de pour la plupart, viennent récupérer les produits au champ.
36 ans (63 %). Le vieillissement des exploitants pourrait poser un Rares sont ceux qui commercialisent leurs produits au
problème dans quelques années si la relève n’est pas assurée. Il marché ; cette tâche est réservée à une épouse ou à un enfant. On
faudrait donc inciter les jeunes à s’intéresser à l’agriculture. La note que la moitié des exploitants (51 %) ont un revenu mensuel
proportion des hommes (83 %) est plus importante que celle des supérieur au salaire minimum interprofessionnel garanti
femmes (17 %). Cependant, sur le site d’Owendo la proportion des (150 000 FCFA, soit 229 €). Ce revenu est essentiellement lié
femmes de nationalité gabonaise atteint 36 %, ce qui montre aux activités agricoles. Vingt-trois pour cent des interviewés ont
l’intérêt possible des femmes pour cette activité. Cette proportion refusé de donner des informations sur leurs revenus. Le
est supérieure à celle rencontrée, par exemple, dans les périmètres maraîchage a permis à 37 % des exploitants d’être propriétaires
maraîchers au nord du Cameroun : 15 % à Ngaoundéré et 11 % à de leurs habitations. D’autres activités annexes (gardien de nuit,
Bocklé (Nchoutnji et al., 2009). Les exploitants nationaux taxi...) sont pratiquées par 34 % des interviewés. Ils ont
représentent 46 % du total à Libreville et 64 % à Owendo ; ces cependant refusé de donner des chiffres sur ces revenus.
proportions sont plus élevées que celles rapportées par Ondo
(2011) qui indiquait 22 % à Libreville. Cette différence peut être 3.2 Caractéristiques des exploitations maraîchères
due au fait que notre échantillonnage s’est limité aux sites 3.2.1 Accès au foncier et superficie exploitée
maraîchers de l’IGAD, puisque cet institut privilégie les nationaux
pour l’affectation des parcelles. Concernant les étrangers, les L’IGAD met à la disposition des nationaux motivés, des
originaires du Burkina Faso (respectivement 42 % à Libreville et parcelles gratuites pour leur permettre de développer l’activité
100 % à Owendo) sont les plus nombreux. maraîchère. La répartition avait été faite à la mise en place des
Il faut noter que, sur le site du PK8, seuls quelques périmètres maraîchers. Trois associations de maraîchers
nationaux ont accepté de participer à l’enquête ; les autres nationaux ont été créées pour permettre une meilleure gestion
craignaient qu’il ne s’agisse d’un contrôle. des sites. Lorsque certaines parcelles ne sont pas exploitées ou
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Tableau 2. Proportion de producteurs (%) cultivant des espèces maraîchères, par saison.
Table 2. Proportion of farmers growing vegetable crops, by season.
ne bénéficient pas d’un bon entretien, l’association, sous le plus importants (62 %) ; 24 % des plantes sont cultivées pour
contrôle de l’IGAD, peut attribuer un bail à des ressortissants leurs fruits et 14 % pour leurs bulbes. Cette prédominance des
étrangers ou à d’autres nationaux. légumes feuilles est également rencontrée au Togo, avec 53 %
Tous les sites sont dotés de motopompes qui permettent des cultures (Kanda et al., 2009). Les espèces les plus
d’avoir accès à l’eau. Cependant, en saison sèche, la quantité exploitées, tout au long de l’année, sont l’amarante (Amaran-
d’eau n’est plus suffisante pour tous les exploitants. Certains ne thus hybridus L., 97 %), l’oseille de Guinée (Hibiscus
cultivent donc pas pendant cette saison-là. D’autres (11 %) sabdariffa L., 60 %), la laitue (Lactuca sativa L., 51 %), la
s’associent pour avoir un puits commun qui leur permet de mener baselle (Basella alba L., Basella rubra L., 40 %), la morelle
à bien leur culture, comme cela a été constaté sur le site d’ADL. noire (Solanum nigrum L., 40 %), le basilic (Ocimum
Il faut également noter que, depuis notre enquête, le site basilicum L., 29 %), l’aubergine violette (Solanum melongena
d’Owendo a été fermé pour des raisons politiques en relation L., 26 %), le persil (Petroselinum crispum Mill., 23 %), la
avec l’acquisition du foncier. Tous les maraîchers ont dû tomate (Solanum lycopersicum L., 20 %) et le gombo
arrêter leurs activités en attendant de trouver d’autres parcelles. (Abelmoschus esculentus L., 20 %).
Il serait dès lors important qu’au sein du ministère de Hormis les malvacées (oseille de Guinée et gombo), les
l’Aménagement du territoire, la mise en place de terrains autres cultures passent par une pépinière d’au moins deux
dédiés à l’agriculture périurbaine soit prévue pour permettre le semaines, avant d’être repiquées au champ.
développement économique local. Les exploitants ont rarement recours à de la main-d’œuvre
Les superficies des parcelles vont de 0,08 ha à 0,40 ha. Ces extérieure. Cependant, lorsqu’ils sont débordés, ils peuvent se
superficies sont du même ordre de grandeur que celles des faire aider de façon ponctuelle par des personnes à charge de
parcelles maraîchères au Tchad et en République Centrafri- leur ménage ou par des jeunes voisins, moyennant une
caine (0,1 à 0,25 ha) ; celles du Cameroun peuvent être compensation monétaire. Ce travail peut concerner aussi bien
cinq fois plus grandes (0,5 à 2,0 ha ; Sougnabé et al., 2010). la mise en place des planches, le repiquage, le binage que le
sarclage. Le commerce est strictement réservé à l’exploitant ou
3.2.2 Cultures à un membre de sa famille.
La culture se fait sur des planches de 1,2 m de large sur 5 m
3.2.3 Équipement agricole
de long en moyenne. Les exploitants disposent d’une petite
zone réservée aux pépinières. Ces dernières sont en général Le matériel agricole ainsi que les intrants sont stockés dans
couvertes de film plastique. Vingt-deux cultures ont été les locaux aménagés par l’IGAD sur les sites, mais certains
recensées, appartenant à dix familles botaniques (Tab. 2). maraîchers construisent aussi des cabanes de rangement. La
Pour toutes les espèces cultivées, les légumes feuilles sont les diversité et les quantités de matériel que possèdent les
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rateau
fourche
brouette
machette
Materiels
binette
owendo
serfouette pk8
adl
Pelle
gants
bottes
Pulvérisateur
0 20 40 60 80 100 120
Proportions
maraîchers sont présentées sur la Figure 2. Plus de la moitié des 3.3 Principaux ravageurs et utilisation des produits
exploitants interrogés possèdent le matériel de base pour phytopharmaceutiques
conduire efficacement les cultures, quel que soit le site. De 3.3.1 Connaissance des ravageurs
plus, il existe une entraide qui permet le prêt de certains outils,
tels que les pulvérisateurs à dos (qui doivent être différents Les connaissances des maraîchers sur les insectes et autres
pour des traitements herbicides d’une part et insecticides et/ou agents nuisibles aux cultures sont plutôt restreintes. Leurs
fongicides d’autre part). Certains exploitants (40 % à ADL et informations sur 15 cultures sont synthétisées au Tableau 3.
9 % à Owendo) ont chacun au moins deux arrosoirs car l’eau Les insectes les plus connus sont les pucerons (Aphididae) sur
est un élément très important dans l’entretien des cultures. De près de 12 cultures, les coléoptères aux couleurs métalliques
façon générale, les maraîchers n’ont pas de vêtements adéquats (Chrysomelidae) ainsi que des chenilles (larves de lépidoptè-
pour les traitements chimiques. Ils utilisent cependant des res). Certains maraîchers (57 %) reconnaissent l’utilité des
bottes et des gants. associations culturales sans toutefois les pratiquer, à cause de
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Insecticide
45%
la petite superficie et du type de culture (culture sur planche recommandée par les guides de formation (IGAD, 2014). Selon
plutôt que par bloc). de Bon et al. (2014), cette molécule est utilisée dans plusieurs
Pour Bordat et Arvanitakis (2004), les ravageurs rencon- pays africains (Tanzanie, Ghana, Bénin et Madagascar). Elle est
trés au Gabon en cultures légumières sont surtout des insectes également rencontrée au Togo (Adjrah et al., 2013).
appartenant à une grande diversité de familles (Chrysomelidae, Concernant les herbicides, 75 % des maraîchers du PK8 les
Noctuidae, Pyralidae, Pluttelidae et Thripidae). Selon Poligui utilisent, alors que 55 % de ceux d’Owendo le font, et que cette
(2014), les ravageurs rencontrés dans les jardins de case au pratique est quasi inexistante à ADL (5 %). En général, ils ont
Gabon appartiennent à plusieurs familles (Aphididae, Ceci- recourt aux herbicides pour l’entretien des allées autour des
domyiidae, Cicadellidae, Crambidae). Hormis ces travaux planches. Le paraquat et le glyphosate (herbicides totaux) sont
ciblés et préliminaires, aucune autre information sur les les seules matières actives employées, à des doses variant entre
insectes nuisibles aux cultures maraîchères n’a été recensée au 50 ml/10 l d’eau et 80 ml/10 l d’eau.
Gabon. Les travaux de Djiéto-Lordon et al. (2007) donnent une Les fongicides sont utilisés à ADL et Owendo, par
liste exhaustive des ravageurs inféodés aux cultures légumiè- respectivement 35 % et 36 % des maraîchers, contre seulement
res au Cameroun voisin : Capsicum annuum, Lycopersicon 25 % de ceux du PK8. Le mancozèbe et la bouillie bordelaise
esculentum, Solanum nigrum, Solanum aethiopicum, Solanum (sous différents noms commerciaux) sont les plus employés.
melongena, Abelmoschus esculentus, Corchorus olitorius, La dose la plus élevée est de 30 ml/10 l d’eau, essentiellement
Amaranthus viridis, Phaseolus sp., Vigna sp., Glycine max, sur le site du PK8. Les fongicides sont employés sur
Apium graveolens, Ocimium basilicum, Ocimium sp., Lactuca l’aubergine, la tomate et la baselle.
sativa, Vernonia amygdalina et Cucumis melo. Pour Brévault Certaines de ces matières actives sont également rencon-
et al. (2003), Aphis gossypii Glover, Bemisia tabaci Gennadius trées en agriculture légumière en Afrique de l’Ouest :
et Helicoverpa armigera Hübner sont des ravageurs communs dimethoate, chlorpyrifos, malathion et glyphosate (Williamson
des cultures maraîchères en Afrique centrale. et al., 2008).
Il n’y a pas de fréquence prédéfinie de traitement aux
3.3.2 Produits phytopharmaceutiques pesticides. Par contre, il y a au minimum deux traitements
préventifs qui se font en pépinière et au champ. Les traitements
Les agents de l’IGAD ont répertorié 69 produits phytosa- curatifs interviennent dès l’apparition des symptômes d’atta-
nitaires (Fig. 3). Il y a 53 % d’insecticides dont deux combinés ques sur les plantes. Sur les parcelles de chou, il peut y avoir
aux acaricides et un combiné aux nématicides. Selon les cinq à six applications et au moins deux sur l’amarante.
entretiens réalisés avec des maraîchers, il ressort qu’il y a au À notre connaissance, aucune étude n’a été réalisée sur les
total 20 pesticides disponibles sur les différents sites (Tab. 4). Il résidus de pesticides dans les sols maraîchers et les cultures du
faut noter que les exploitants s’approvisionnent en pesticides Gabon. Pour Boland et al. (2004), les risques liés à l’utilisation
selon les différents points de vente à Libreville et Owendo. des pesticides et des produits chimiques en général sont plus
Cent pour cent des exploitants du PK8 utilisent des prononcés dans les pays tropicaux que dans les pays tempérés
insecticides, contre 85 % à ADL et 82 % à Owendo. Les car les effets d’empoisonnement sont plus rapides quand il fait
insecticides sont essentiellement utilisés contre la teigne des chaud et les vêtements adaptés sont rares. Le non-respect de la
crucifères sur le chou, contre les pucerons sur l’amarante, réglementation par rapport à l’utilisation des pesticides (port
l’oseille, et le piment, et contre les chenilles sur la tomate. de vêtements adéquats, fréquence, non-connaissance de délais
La lambda-cyhalothrine est la matière active la plus après récolte) est noté chez la plupart des exploitants en
employée sur tous les sites, sous les noms commerciaux de Afrique, comme par exemple au Togo (Adjrah et al., 2013). Au
Zalang et de Karaté, sur l’amarante et la tomate pour lutter contre Gabon, la structure chargée de l’approvisionnement et de la
les chenilles et les pucerons. Les doses varient de 10 ml/10 l vente des produits phytosanitaires est la Gabonaise de chimie.
d’eau à 20 ml/10 l d’eau, soit de trois à six fois la dose Au niveau des différents sites, il y a des exploitants ou
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Tableau 4. Proportion d’exploitants par site utilisant les produits phytopharmaceutiques à différentes doses.
Table 4. Proportion of farmers using pesticides at different doses per site.
Insecticide
Abalone 18 EC Abamectine 18 g/l 22 6
Caldim 400 Dimethoate 400 g/l 6 6
Tamaron 600 SL Methamidophos 600 g/l 6 9
Zalang 50 EC Lambda-cyhalothrine 50 g/l 39 11 6 6 55 25
Dursban 4 EC Chlorpyrifos ethyl 480 g/l 6
Karaté 5 EC lambda-cyhalothrine 45 g/l 39 11 11 9 25 50
Malathion 50 EC Malathion 50 g/l 9
Mega 400 EC Dimethoate 400 g/l 27
Pacha 25 EC Lambda-cyhalothrine (15 g/l) 11 6 9 25
Acetamipride (10 g/l)
Herbicide
Gramoxone SL Paraquat 200 g/l 6 6
Tombeur Supe SL Paraquat 200 g/L 18 25
Round up SL Glyphosate 360 g/l 25
Finish 360 SL Glyphosate acide 360 g/l 6 6 9 18 18 25 25
Fongicide
Bobor WP Bouillie bordelaise 6
(20 % de cuivre métal)
Bouillie Bordelaise sulfate de cuivre et chaux 6 25 25
Cryptonol Sulfate double d’oxyquinoleine 6 9
et de potassium
Coga 80 WP Mancozèbe 800 g/kg 9
Manco 80 WP Mancozèbe 800 g/kg 11 6 18 25
Pelt 44 GL Méthylthiophanate 450 g/l 28 6
Préfongyl Carbendazime/chlorothalonil 25
groupements d’exploitants qui assurent le commerce de détail mélanges de deux insecticides ou de deux fongicides dans un
des différents intrants. Toutefois, certains maraîchers utilisent même pulvérisateur, que ce soit en mode préventif et/ou
des produits qui ne se sont pas forcément adaptés à l’espèce curatif. Parmi les producteurs interrogés, seulement 11 %
cultivée et aux conditions de cultures. À cela s’ajoute parfois le utilisent des combinaisons, des gants, des lunettes et des
non-respect des doses et des délais avant récolte. masques lors des pulvérisations. Pour Ahouangninou et al.
(2011), la non-utilisation d’équipements de protection adaptés
3.3.3 Période et mode de traitement est un facteur de risque important pour les applicateurs. Les
tenues et autres équipements réservés aux traitements sont
De façon générale, sur tous les sites, les traitements rangés sans être nettoyés et repris tels quels pour les prochaines
phytosanitaires sont pratiqués aussi bien en pépinière (91 %) applications. Par contre, les pulvérisateurs sont nettoyés au
qu’en culture (60 %), quel que soit le moment de la journée champ.
(Fig. 4). La grande majorité des maraîchers ne respectent pas
toujours les délais avant récolte, bien qu’ils reconnaissent
l’utilité de le faire. En effet, selon les guides d’information 3.4 Méthodes alternatives à la lutte chimique
(IGAD, 2014), il est préconisé des délais avant récolte de trois
ou sept jours selon les produits utilisés et la culture. Selon nos Les maraîchers des sites de Libreville et des communes
observations, certains exploitants font des traitements chimi- avoisinantes utilisent systématiquement les produits chimiques
ques jusqu’à la veille des récoltes, afin de ne pas avoir pour lutter contre les bio-agresseurs des plantes (Edou Edou,
d’insectes (pucerons ou chenilles) sur les produits commer- 2009). En l’état actuel des connaissances, il est bien difficile
cialisés, nuisant ainsi à leur santé et à celle des consommateurs. d’évaluer l’incidence économique des bio-agresseurs sur les
Même si certains parasites semblent résistants aux traitements cultures et par conséquent l’intérêt des traitements préventifs
chimiques en cours de culture, 60 % des maraîchers traitent reste à déterminer. Le non-respect des doses et des délais avant
quand même. Pour Edou Edou (2009), les maraîchers ont une récolte constitue un grand facteur de risque pour les
méconnaissance de la période de traitement, des différents consommateurs. La sécurité des exploitants pendant ou après
mélanges et des doses à appliquer : il arrive qu’ils fassent des les traitements phytosanitaires n’est pas non plus assurée, du
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fait de leur non-protection. Mettre au point des méthodes Les résultats de cette enquête mériteraient d’être confron-
alternatives de protection des cultures permettrait de limiter le tés à des enquêtes complémentaires réalisées dans d’autres
recours systématique aux pesticides et donc de préserver l’état zones périurbaines, chez des maraîchers encadrés ou non par
de santé des maraîchers et des consommateurs. l’IGAD. Cela permettrait d’avoir une vue plus générale du
Des méthodes physiques, comme les toiles moustiquaires maraîchage dans tout le pays.
sur le choux et la tomate, sont déjà utilisées au Bénin (Martin Une surveillance précise des bio-agresseurs et des essais de
et al., 2015; Vidogbéna et al., 2015). La lutte biologique, avec traitements des principales cultures maraîchères (amarante,
l’emploi de certains champignons entomopathogènes comme laitue, morelle noire, oseille de guinée et chou), dans une
Beauveria bassiana (Bals.-Criv.), Metarhizium anisopliae approche de gestion intégrée, devraient être réalisés dans les
(Metchnikoff) et des ennemis naturels (de Bon et al., 2014) zones périurbaines. Les résultats obtenus pourraient alors être
pourrait aussi limiter la présence des ravageurs. De plus, vulgarisés pour permettre aux maraîchers de produire des
certaines plantes à fleurs pourraient aussi être implantées légumes de façon plus durable, et en toute sécurité pour les
autour des champs pour favoriser la présence des auxiliaires. consommateurs et l’environnement.
Des études récentes envisagent aussi l’utilisation de répulsifs
(Deletre et al., 2016), et d’huiles essentielles (Zoubiri et
Baaliouamer, 2014). Cependant, ces diverses méthodes restent Matériel supplémentaire
à tester en conditions réelles au Gabon.
Annexe 1. Détails des caractéristiques socio-économiques des
4 Conclusion maraîchers de Libreville et d’Owendo.
Le matériel supplémentaire est disponible sur http://www.
Bien que la Gabonaise de chimie organise des séminaires cahiersagricultures.fr/10.1051/cagri/2017026/olm.
sur l’utilisation des produits chimiques pour les producteurs,
ceux-ci respectent peu souvent les bonnes pratiques. L’orga- Remerciements. Ce travail a été effectué grâce à une
nisme responsable des contrôles phytosanitaires du ministère convention de collaboration entre Gembloux Agro-Bio Tech
de l’Agriculture devrait donc effectuer des contrôles plus (université de Liège en Belgique), l’Institut de recherches
fréquents pour limiter certains agissements abusifs. L’IGAD agronomiques et forestières (IRAF) et l’Institut gabonais
pourrait aussi avoir un volet phytosanitaire pour assurer un d’appui au développement (IGAD) au Gabon. Les auteurs
meilleur suivi et une meilleure formation des exploitants dont il a remercient tout le personnel et les maraîchers de l’IGAD. Nos
la charge. Cela permettrait de rassurer les consommateurs sur la remerciements vont également à Andeime Eyene Myrianne
qualité sanitaire des produits. Enfin, jusqu’à maintenant, rares Flore (IRAF), Abaga Obiang Ernest (IRAF), Mbeng Hendrix
sont les études qui ont été réalisées sur les inventaires des (IRAF) et Poligui René Noël (INSAB) pour leur collaboration.
ravageurs des différentes cultures, les résidus de pesticides dans
les plantes cultivées, dans le sol et les eaux de ruissellement ; un Références
effort de recherche serait donc à faire dans ces domaines.
De leur côté, les producteurs interrogés ont des attentes : la Adjrah Y, Dovlo A, Karou SD, Eklu-Gadegbeku K, Agbonon A, de
possibilité d’obtenir des micro-crédits et/ou du matériel Souza C, et al., 2013. Survey of pesticide application on vegetables
adéquat. Pour limiter l’utilisation des produits chimiques, in the Littoral area of Togo. Annals of agricultural and
tous les producteurs sont ouverts à l’éventualité d’employer environmental medicine 20(4): 715–720.
des produits d’origine naturelle pour mieux contrôler les bio- Ahouangninou C, Fayomi BE, Martin T. 2011. Évaluation des risques
agresseurs, pour autant que les prix restent acceptables. Ils sont sanitaires et environnementaux des pratiques phytosanitaires des
également favorables aux formations techniques qui leur producteurs maraîchers dans la commune rurale de Tori-Bossito
permettraient de mieux gérer leur travail. (Sud-Bénin). Cahiers Agricultures 20(3): 216–222.
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Citation de l’article : Bayendi Loudit SM, Ndoutoume Ndong A, Francis F. 2017. Le maraîchage périurbain à Libreville et Owendo
(Gabon) : pratiques culturales et durabilité. Cah. Agric. 26: 45002.
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