Le Mal
Le Mal
Le Mal
Le Mal ……………………………………………
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Tandis que les crachats rouges de la mitraille1 ……………………………………………
1 ……………………………………………
2 Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ;
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3 Qu’écarlates2 ou verts, près du Roi qui les raille3,
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4 Croulent4 les bataillons5 en masse dans le feu ; ……………………………………………
Tandis qu’une folie épouvantable broie ……………………………………………
5 ……………………………………………
6 Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ;
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7 – Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie,
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8 Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !… –
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– Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées6 ……………………………………………
9
Des autels7, à l’encens, aux grands calices8 d’or ; ……………………………………………
10
Qui dans le bercement des hosannah9 s’endort, ……………………………………………
11
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12 Et se réveille, quand des mères, ramassées ……………………………………………
13 Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir, ……………………………………………
14 Lui donnent un gros sou lié10 dans leur mouchoir ! ……………………………………………
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Arthur Rimbaud ……………………………………………
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Cahiers de Douai, 1870
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1. mitraille : décharge d’obus ou de balles ; 2. écarlates : d’un ……………………………………………
rouge vif. Cette couleur fait référence à l’uniforme des soldats ……………………………………………
français ; le vert (plus loin) évoque celui des Prussiens ; 3. qui ……………………………………………
les raille : qui se moque d’eux ; 4. croulent : s’écroulent, …………………………………………
s’effondrent ; 5. bataillons : troupes de soldats composées de ……………………………………………
plusieurs compagnies ; 6. nappes damassées : nappes ……………………………………………
comportant des motifs en relief ; 7. autels : tables sacrées sur
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lesquelles on célèbre la messe ; 8. calices : vases sacrés utilisés
pendant la messe ; 9. hosannah : acclamations prononcées au
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cours de la messe qui permettent de rendre grâce à Dieu ; 10. ……………………………………………
lié : ici, empaqueté, emballé. ……………………………………………
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L. 2 Les Cahiers de Douai
Le Mal
Arthur Rimbaud
Cahiers de Douai, 1870
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Quand se passent …………………………………………………………………………………………………
les faits évoqués ? …………………………………………………………………………………………………
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Comment sont …………………………………………………………………………………………………
décrits les lieux ? …………………………………………………………………………………………………
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Pourquoi ? …………………………………………………………………………………………………
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Étape 3 (voir méthodologie)
Je résume le texte dans les fenêtres à droite du poème.
Étape 4
Je formule mon projet de lecture.
Quelle est la nature, ……………………………………………………………………………………
quel est le type du texte ? ……………………………………………………………………………………
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Quelle est la tonalité ……………………………………………………………………………………
dominante ? ……………………………………………………………………………………
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Qu’est-ce qui vous paraît ……………………………………………………………………………………
remarquable dans ce ……………………………………………………………………………………
texte ? ……………………………………………………………………………………
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Je choisis parmi les trois projets de lecture suivants celui qui me semble le plus
pertinent :
- Comment Arthur Rimbaud, jeune poète révolté contre l'ordre établi, condamne-t- il la guerre et ceux qui en
sont responsables ?
- Comment le poète nous transmet il son indignation devant le pouvoir que l'Église exerce sur la population,
accablée de malheur ?
- En quoi ce poème dresse-t- il un tableau violent et déstabilisant de la guerre ?
Étape 5 « Le Mal »
J’interprète le texte en complétant le tableau.
Je cite le texte J'identifie le procédé J'analyse les intentions de l'auteur (émouvoir, informer,
faire réfléchir, convaincre, persuader, dénoncer...).
............................... Mouvement 1 : la Ce mouvement est composé de trois propositions
............................... peinture effrayante circonstancielles de temps introduites par « tandis que » ou
............................... de la guerre « que », ce sont les tercets qui constituent la proposition
............................... vers 1 à 6 : principale. Cela donne une impression de mécanique infernale, et
............................... ce d'autant plus que Rimbaud choisit de ne pas respecter le
............................... schéma de rimes traditionnel : au lieu de rimes embrassées, il
proposition
............................... choisit des rimes croisées qui soulignent le caractère répétitif des
subordonnée
............................... vers 3-4 par rapport aux vers 1-2.
circonstancielle de
............................... temps : vers 1, 3 et 5 Dans le premier vers, le terme « crachat » est mis en valeur par la
............................... césure et par les allitérations en [r]. Il exprime tout le mépris des
............................... rimes croisées dirigeants pour les hommes qui se battent. L'enjambement du
............................... vers 1 sur le vers 2 accentue la violence des armes, comme si
............................... allitérations en [r] elle ne pouvait pas être contenue dans les limites du premier
............................... (vers 1) vers. Dans la première proposition, on observe également un
............................... contraste entre les deux couleurs primaires, le rouge et le bleu.
............................... enjambement vers 1- Cette impression désagréable est renforcée par les sons
............................... 2 évoqués. Le verbe « siffle » est ainsi mis en valeur au début du
............................... vers 2. L'utilisation du présent actualise la scène et nous donne
............................... l'impression d'être sur le champ de bataille. Les deux hyperboles,
champ lexical des
............................... « tout le jour » et « infini » qui concerne l'une, le temps et l'autre,
couleurs primaires l'espace suggèrent qu'il n'y a pas moyen d'échapper à la violence.
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............................... La 2e proposition commence par la mention de deux adjectifs de
verbes d’action au couleur « écarlates ou verts » qui font directement référence aux
............................... présent uniformes français et prussiens : la dénonciation oscille donc
...............................
entre un propos très général et une critique explicite de la guerre
............................... hyperboles (vers 2) franco-prussienne. Dans cette perspective, le roi semble se
............................... confondre avec Napoléon III.
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............................... allitérations en [r] A nouveau, on note une allitération en [r] dans « Roi qui les
............................... (vers 3) raille », qui indique que le roi n'a aucune pitié pour ces hommes.
............................... De plus, le pluriel « les bataillons » et le complément de manière
............................... « en masse », placés de part et d'autre de la césure, insistent sur
............................... le nombre de victimes.
............................... hyperbole (vers 5) Au vert 5, qui commence avec la 3e proposition, le mot « folie » et
............................... mis en valeur à la césure et souligné par le hiatus (succession de
............................... 2 voyelles) avec « épouvantable ». Le rythme de l'alexandrin met
............................... hyperbole (vers 7) en évidence le verbe « broie » à la rime. Il annonce « Tas
............................... fumant » au vers suivant et dit à nouveau que les soldats ne sont
............................... plus considérés comme des humains. Au vers suivant, c’est
............................... « cent milliers » qui est placé avant la césure. Il s'agit d'une
............................... _________________ hyperbole qui réaffirme le caractère meurtrier des combats.
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Mouvement 2 : une
............................... adresse à la nature Le deuxième mouvement introduit une rupture indiquée par le tiret
............................... vers 7-8 : au début du verset. Contrairement aux dirigeants indifférents, le
............................... locuteur exprime de l'empathie pour les soldats morts au combat
............................... phrase exclamative qui se lit dans l'exclamative nominale « Pauvres morts ! ». Les
............................... nominale (vers 7) sentiments qu'il éprouve se traduisent par l'emploi du registre
............................... lyrique (rythme ternaire, exclamative, Interjection lyrique).
............................... rythme ternaire
............................... Ce mouvement s'adresse directement à la nature (apostrophe au
lyrique + vers 8 et recourt à la 2e personne du singulier). L’énumération
............................... énumération (vers 7) « dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie » mêle des éléments
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concrets comme l'herbe, à des éléments abstraits comme la joie.
............................... apostrophe (vers 8) Toutefois, on sait que pour Rimbaud, les promenades dans la
............................... adverbe à la rime nature sont source de bonheur. Cette évocation joyeuse et
............................... (vers 8) plaisante de la nature contraste fortement avec le tableau cruel
............................... qui a été fait de la guerre dans le premier mouvement. L'adverbe
............................... « saintement » placé à la rime annonce le 3e mouvement. En
............................... effet, il est polémique dans la mesure où le jeune poète attribue la
............................... création de l'homme à la nature et non à Dieu. Il déplace la
............................... __________________ sainteté des Églises vers la nature.
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Mouvement 3 : la
............................... condamnation de Le troisième mouvement s'ouvre sur la proposition principale de
............................... l’Église la phrase unique qui compose ce sonnet.
............................... vers 9 à 14 :
............................... Il présente « un Dieu » et non pas Dieu. L'emploi du déterminant
indéfini est une manière de déconsidérer le Dieu des catholiques
............................... pronom indéfini (vers en suggérant qu'il peut en exister d'autres. Ce Dieu est affublé de
............................... 9) deux défauts : il est indifférent et il est cupide. Ces deux
............................... reproches sont dénoncés dans la rime entre « d'or » et
............................... rime riche (vers 10 et « s'endort ». Rime riche d'autant plus remarquable que le jeune
............................... 11) poète a choisi à nouveau de prendre ses distances avec la forme
............................... régulière du sonnet qui fait commencer les tercets par une rime
............................... suivie.
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............................... champ lexical de la En effet, ce Dieu « rit », il a donc la même attitude que le Roi, ce
............................... richesse (vers 9-10) qui met en évidence la collusion du pouvoir et de l'Église. De plus,
............................... on observe dès le vers 9 le champ lexical de la richesse :
............................... rejet (vers 10) « damassées », « calices d’or ». Grâce au rejet de « Des autels »
............................... du vers 9 sur le vers 10, les deux vers commencent par une
............................... référence à la religion et finissent par un terme qui évoque la
............................... richesse.
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Le dernier vers du premier tercet revient sur l'indifférence d'un
............................... assonances en [en] Dieu qui se moque de ses créatures avec « bercement » à la
............................... césure et « s'endort » à la rime. Les sonorités du vers rythmé par
............................... allitérations en [s] : des assonances en [en] et une allitération en sifflantes, évoquent
............................... vers 11 un chant régulier et soporifique (qui l’endort...).
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............................... contre-rejet (vers 12) Le dernier tercet commence par un verbe et crée un effet de
............................... surprise « Et se réveille ». Cet effet est accentué par le
............................... bouleversement du rythme de l'alexandrin : le contre-rejet de
............................... « ramassées » permet d'esquisser en un seul terme l'attitude
............................... physique, mais aussi morale des mères éplorées. Elle se replient
sur leur douleur, elle se tassent. Le terme « angoisse » est mis en
...............................
valeur au début du vers 13 par l'effet de suspense du contre-rejet.
...............................
Les mères ont déjà perdu des membres de leur famille
............................... puisqu'elles sont en deuil : « vieux bonnet noir ». Elles ont perdu
............................... leur fils, mais pris quand même, ce qui peut sembler incohérent.
............................... Ce bonnet est aussi un signe de pauvreté, ce qui est confirmé au
............................... vers suivant : elles n'ont qu'un gros sous à donner et elles n'ont
............................... donc pas de sac où le ranger. Elles donne à Dieu tout ce qu'elles
............................... ont. Le terme « mouchoir » est à la pointe : il s'agit à la fois d'un
............................... signe de deuil et de pauvreté.
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............................... exclamation (vers 14) Et le poème se clôt sur un point d'exclamation qui exprime toute
............................... l'indignation du poète.
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Étape 6
Je rédige l’introduction et la conclusion de ma lecture linéaire.
a. l’introduction :
b. le développement de l'explication :
J'analyse au fil du texte ce qui fait l'intérêt, la particularité de ce texte en montrant
comment le sens advient à mesure que l'on avance dans la lecture.
c. la conclusion :
1. Je fais un bilan général en montrant comment j’ai répondu à mon projet de lecture.
2. J’ouvre ma conclusion sur un autre texte, une autre œuvre, qui peut être du même
auteur, en lien avec le thème développé dans le texte.
Étape 7
Présentation de l'extrait : « Le mal » est un sonnet (deux quatrains + deux tercets , soit quatorze
vers) qui appartient au premier cahier, écrit en alexandrins et comportant des rimes croisées dans les quatrains
(ABAB-CDCD-EFF-EGG), c’est donc un sonnet moderne. Le 19 juillet 1870, l'empire français déclare la guerre au
Royaume de Prusse. Les troupes françaises sont mal préparées et mal équipées, si bien qu'elles essuient de
nombreuses défaites qui conduisent à la capitulation de Napoléon III le 2 septembre 1870 à Sedan. Ce sonnet
évoque donc la politique de l’époque et illustre la révolte du jeune poète contre l’ordre établi et sa condamnation
de la guerre et des responsables qu’il juge complices : Napoléon III (le Roi) et l’Église catholique.
Présentation des mo
uvements du texte :
MOUVEMENT 1 – vers 1 à 6 : la peinture effrayante de la guerre
Projet de lecture : Comment Arthur Rimbaud, jeune poète révolté contre l'ordre établi, condamne-t- il la
guerre et ceux qui en sont responsables ?
Conclusion : Le poète compose un sonnet en alexandrins, mais il n'en respecte pas toutes les règles. Il
s'émancipe de ce modèle. Rimbaud exprime à travers ce poème, « Le mal » sa rage d'adolescent face au
pouvoir et à l'Église, responsables de la guerre dont ils tirent profit. La tonalité dominante de ce sonnet
est donc épique : le rythme est vif, soutenu par des verbes d’action. Cependant, l’héroïsme n’est pas
mis en valeur dans ce texte puisqu’il s’agit d’une dénonciation de la guerre par le jeune poète pacifiste
qui souligne sur un ton satirique l’indignité du pouvoir politique indifférent et de l’Église cupide. Ce
texte fait écho au sonnet « Le Dormeur du Val » dans le deuxième cahier, qui dénonce la violence de la
guerre également, à travers une mise en scène faussement bucolique ( « Il dort dans le soleil, la main
sur sa poitrine / Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. »), comme au sonnet « Le châtiment de
Tartufe » (premier Cahier), où le jeune poète s’attaque à l’hypocrisie de l’institution religieuse : « -
Peuh ! Tartufe était nu du haut jusques en bas ».