LA 11 Les Effarés Bac Oral
LA 11 Les Effarés Bac Oral
LA 11 Les Effarés Bac Oral
Écrits quand Arthur Rimbaud était âgé de seulement 16 ans, les Cahiers de Douai regroupent
vingt-deux poèmes, répartis en deux liasses. Alors en fugue à Douai chez son professeur de
rhétorique Georges Izambard puis chez le poète Paul Démeny, Arthur Rimbaud est, en 1870, en
pleine révolte. Le poème intitulé « Les Effarés » appartient au premier cahier de Douai. Il se
compose de 12 strophes composées de deux octosyllabes en rimes suivies et d’un tétrasyllabe
qui rime avec le suivant. Par le choix de cette versification, Rimbaud se dresse
incontestablement contre un ordre classique en poésie.
Problématique
En quoi ce poème, en jouant sur des contrastes, est-il un cri de révolte et de défense des
enfants ?
Dans un premier temps, correspondant aux 5 premières strophes, nous analyserons le contraste
saisissant entre les enfants affamés et transis de froid et le boulanger. Dans un second temps,
correspond aux 7 dernières strophes, nous étudierons l’expression du pathétique dans ce
poème engagé.
I – Le contraste saisissant entre les enfants et le boulanger Les 5 premières strophes Le titre du
poème, « Les effarés », sous forme d’adjectif substantivé, ne trouve son explication qu’au vers 5,
dans l’expression « cinq petits ». L’effet de surprise est donc orchestré par la première strophe
qui n’identifie pas d’emblée ce groupe au pluriel. Le lecteur est intrigué par ces « effarés » dont
il ignore l’identité. Le poème s’ouvre sur un jeu de lumières et de contrastes frappant : la
couleur noire sur la neige, l’obscurité du « soupirail » et l’action qui s’y passe (« s’allume »). En
raison de la couleur noire, le lecteur peut imaginer une meute d’animaux, ce d’autant plus que
ce groupe est caractérisé par un vocabulaire familier « leurs culs en rond ». Le sujet est ainsi
retardé jusqu’au vers 4 : « cinq petits ». Mais ce groupe nominal appartient autant au règne
humain qu’au règne animal : l’ambiguïté prévaut toujours. Ce quatrième vers, composé de mots
d’une ou deux syllabes, est marqué par un rythme haché, comme pour marquer l’horreur de la
situation : « À genoux, cinq petits, – misère ! – » Le cri du poète est exprimé grâce à
l’exclamative : «- misère ! – ». L’utilisation de l’incise entre deux tirets accentue la force de ce
jugement qui semble jaillir du plus profond du Poète. L’attitude des enfants est passive, presque
soumise, comme en témoignent l’expression « à genoux » et les verbes de perception :
« regardent », « voient », « écoutent ». La scène repose sur un contraste entre un boulanger en
action (il est sujet des verbes d’action « tourne« , « enfourne« , « chante« ) et cinq enfants qui
l’observent. La production du boulanger est mise en valeur par l’enjambement entre les vers 5
et 6 qui fait ressortir le verbe « faire » à l’infinitif en fin de vers : « Regardent le boulanger faire /
Le lourd pain blond…« . Le fruit de cette action, le pain, est valorisé car enrichi de deux adjectifs
épithètes : « Le lourd pain blond ». Cette construction est reprise comme en écho au vers
suivant dans la métonymie « le fort bras blanc ». La fascination des enfants se lit à travers cet
effet d’écho et l’omniprésence des couleurs : du pain blond, à la peau blanche du boulanger, en
passant par « La pâte grise » et le four « clair ». L’allitération en [b] restitue également la
rondeur et la gourmandise du pain : « Regardent le Boulanger faire / le lourd pain blond / Ils
voient le fort bras blanc qui tourne » Discrets, les enfants « écoutent le bon pain cuire ». De
cette scène, se dégage un contraste saisissant : les enfants sont tapis dans le froid, à l’extérieur,
pendant que le boulanger est à l’intérieur, au chaud. De plus, les sonorités en gutturales
s’entrechoquent, associant presque le boulanger à un ogre : « Le Boulanger au gras
sourire/Grogne ». Quant à la cinquième strophe, elle joue sur les sonorités que l’on retrouve
dans le mot « boulanger » : « Ils sont blottis, pas un ne bouge, /Au souffle du soupirail rouge ».
Ces jeux de sonorités restituent la fascination des enfants par ce monde auquel ils ne peuvent
accéder. Seul le soupirail leur livre des bribes de chaleur, d’odeur. La comparaison finale « chaud
comme un sein » confirme l’attirance des petits pour la boulangerie tout en soulignant leur très
jeune âge. Ils sont mus par la faim qui les tiraille et par la chaleur dont ils sont dépourvus.
Le poème « Les effarés » se construit sur une série de contrastes saisissants : entre le pluriel
(cinq petits) et le singulier (le boulanger), entre le noir des enfants et le jaune du pain, entre le
froid hivernal et la chaleur du four. Loin de fonder son poème sur la seule expression du
pathétique, Arthur Rimbaud parvient finement à dénoncer les conditions sociales des enfants.
Abandonnés dans le froid, tiraillés par la faim, ils ne sont aidés par personne. En effet, le
Boulanger n’a pas un regard pour eux; il ne fait pas don de son pain. Seules restent les prières
pour espérer survivre. Ce poème profondément engagé crie la révolte d’un poète à peine plus
âgé que ces enfants, mais déjà conscient des disparités sociales