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LBC FT

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PROCEDURE INTERNE DE VIGILANCE LCB-FT

Les avocats sont soumis aux obligations du code monétaire et financier relatives à la
lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (art. L 561-2
– 13° du CMF).

Ces obligations comportent deux volets :

- L’obligation de vigilance
- L’obligation de déclaration de soupçon

I - L’OBLIGATION DE VIGILANCE

1.1. DOMAINE D’APPLICATION

L’obligation de vigilance concerne toutes les activités exercées par l’avocat, qu’il
intervienne ou non en qualité d’auxiliaire de justice.

Sont particulièrement visées les interventions de l’avocat qui sont relatives à la


réalisation d’opérations impliquant des flux financiers, que l’avocat soit ou non
mandaté pour recevoir les fonds puisque selon le cas il agit soit comme mandataire
du client (L 561-3-1°) soit pour assister son client dans une opération visée aux
paragraphes a) - b) ou e) de l’article L 561-3- 2°.

1.2. APPROCHE PAR LES RISQUES

L’obligation de vigilance repose sur la méthode d’analyse dite « méthode d’approche


par les risques ».

L’approche par les risques implique qu’il soit procédé au moment de l’ouverture d’un
dossier :

- d’une part, même s’il s’agir d’un dossier concernant un client étant déjà en relation
avec le cabinet, à la création d’un document ayant pour objet l’identification du client
et des personnes se trouvant en relation d’affaires avec lui.

- d’autre part, à une analyse des risques spécifiques de la relation d’affaires qui est à
l’origine de l’intervention de l’avocat
1.3. MISE EN ŒUVRE PRATIQUE

La méthodologie doit obligatoirement être commune à l’ensemble des membres du


cabinet et doit être formalisée au moyen d’outils de classification des risques adaptés
au niveau de risque propre à l’activité du cabinet telle que définie par sa cartographie.

Elle implique qu’il soit procédé à l’identification des risques à l’ouverture du dossier et
à la mise en œuvre des diligences permettant de les analyser. Cette analyse conduit
soit à dissiper les risques identifiés, soit à refuser ou à mettre un terme à la relation
avec le client en s’interrogeant sur la problématique de la déclaration de soupçon.

Elle se décompose en deux phases :

- une phase d’identification des facteurs de risque


- une phase de documentation et d’analyse des facteurs de risque

La vigilance s’applique de manière permanente tant à la naissance qu’au cours de la


relation d’affaires ce qui implique que les facteurs de risques doivent être actualisés
en permanence.

Toute anomalie apparente constituant une alerte constitutive d’un facteur de risque
doit se traduire par une demande d’information complémentaire formalisée par écrit
par l’avocat à son client.

Seuls les documents écrits à caractère probant figurant au dossier sont en effet de
nature à dissiper la suspicion (ou présomption de soupçon), les informations à
caractère purement déclaratif, quelle que soit leur source, devant être considérées
comme inopérantes.

Si les documents communiqués permettent de dissiper tous les facteurs de risque, la


fiche est clôturée par une mention de conformité de l’opération.

Dans l’hypothèse où un ou plusieurs facteurs de risque n’ont pu être dissipés


(impossibilité d’obtenir les documents demandés ou fourniture de documents non
probants), le soupçon est constitué et doit faire l’objet de la déclaration visée à
l’article L 561-15 du CMF.

Il est rappelé que les documents justificatifs des diligences accomplies doivent être
conservés pendant 5 ans (art. L 561-12 CMF).

L’analyse par les risques doit être conçue en se référant à la notion d’actes
détachables lorsque l’opération repose sur la combinaison de relations contractuelles
interdépendantes (ex : le paiement d’une condamnation judiciaire avec recours à un
prêt s’analyse en deux opérations : l’exécution d’une décision et un contrat de prêt).

L’identification des risques doit conduire à élaborer pour chaque dossier un outil dit
de « classification » permettant d’identifier les risques ou alertes spécifiques qui lui
sont liés. Elle doit porter sur les éléments qui tiennent à la connaissance des parties
et la nature de la relation d’affaires qui justifie l’intervention de l’avocat.
Pour simplifier l’analyse, on retiendra que la notion de « client » englobe l’ensemble
des personnes intervenant dans la relation d’affaires (« parties ») et ne se limite pas à
celles qui ont confié à l’avocat un mandat d’assistance ou de représentation.

Pour sa part, le code monétaire et financier identifie certaines opérations comme


relavant par nature de la catégorie des opérations à risque :

Opérations visées à l’article L 561-10 :

- opération favorisant l’anonymat (sociétés écrans, trusts et fiducies, conventions de prête-


nom …)
- opération comportant un paiement effectué depuis ou en direction d’un territoire non
coopératif (liste GAFI ou Commission UE).

Opérations visées à l’article D 561 - 32 -1 :

- opération sans cohérence apparente avec l’activité habituelle de l’acteur ;


- opération effectuée par une société nouvellement constituée ou ayant connu des
changements fréquents de statuts ou de dirigeants ;
- intervention de personnes physiques non habituellement impliquées dans des opérations
financières ;
- opérations financières sans cause juridique ou économique apparente ;
- ventes effectuées à des conditions inhabituelles de prix par rapport au marché.

En pratique, il est recommandé de constituer pour chaque dossier une côte ou


dossier numérique LCB/FT comportant :

- pour mémoire le texte des articles de référence du CME (notamment L


561-3 et L 561-15)

- un premier sous dossier dénommé « NIVEAU DE RISQUE et


DILIGENCES ACCOMPLIES » comportant :

- Date et édition de la cartographie du cabinet ou du département


concerné
- Analyse des facteurs de risque selon l’outil de classification propre au
cabinet (nature de l’opération – pays concernés par la relation d’affaires
- signalement sur liste de sanctions)
- Niveau de vigilance appliqué (standard / simplifiée / complémentaire /
renforcée)
- Caractéristiques du flux financier : origine des fonds, cause du
paiement et lien avec la relation d’affaires, qualité des parties au
paiement
- Relevé chronologique des diligences accomplies au cours de la
relation d’affaires
- un deuxième sous dossier dénommé « IDENTIFICATION DES
PARTIES »

- Identification P Physique en présence / hors présence de l’avocat


- Identification P Morale et représentants
- Identification du bénéficiaire effectif

- un troisième sous-dossier doit réunir l’ensemble des justificatifs


(« documents probants ») permettant de contrôler la véracité des informations
des deux autres sous-dossiers

1 - Identification P Physique

- photocopie pièce d’identité


- édition du résultat des recherches sur listes de sanctions

2 - Identification P Morale

- photocopie du document d’inscription sur registre officiel


- photocopie de la pièce identité du représentant légal
- pouvoirs et identité des mandataires
- documents d’identification des bénéficiaires effectifs (statuts,
liste des actionnaires, déclaration au greffe)

3 - Analyse de la relation d’affaires et du flux financier

- documents caractérisant la nature et la réalité de la relation


d’affaires
- documents justifiant le flux financier
- mission de l’avocat
- relevé du sous-compte CARPA « affaire »
- échanges avec la CARPA
- déclaration de soupçon (éventuellement)

Il est également recommandé d’insérer dans les sous-dossiers concernés des


observations ou commentaires portant sur les points suivants :

. profil du client : client régulier / client occasionnel / client nouveau -- domicile


hors UE -- compte bancaire ouvert dans pays étranger

. nature de la relation d’affaire concernée (paiement d’une condamnation –


cession d’actif immobilier – vente de biens mobiliers incorporels ou corporels - prêt –
indemnité transactionnelle – commission sur opération commerciale – résolution de
contrat…)

. preuve de la réalité de la relation d’affaires (faits antérieurs justificatifs –


matérialité des biens concernés par la transaction, références de prix ...) ;

. complexité de l’opération : intervention d’un ou plusieurs tiers – chaîne de


contrats…
. rattachement à l’activité habituelle du client : société récemment constituée –
intermédiation d’une société sans activité économique…

. multiplicité et localisation des intervenants : versement des fonds sur des


comptes à l’étranger – paiement indirect (délégation, subrogation, cession de créance
) – opération de négoce international et négociation de marchés à l’étranger –
résolution de contrat de prestations comportant une clause de dédit …

II – LA DECLARATION DE SOUPÇON (art L 561-15 CMF)

L 561-15 - I. – Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 sont tenues, dans les
conditions fixées par le présent chapitre, de déclarer au service mentionné à l'article
L. 561-23 les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur
des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de
soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative
de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme.

Le soupçon se définit comme une absence de certitude dans l’exercice de la


vigilance (« sait, soupçonne ou a de bonnes raisons de soupçonner »)

A titre de règle pratique, le soupçon existe lorsqu’une demande tendant à l’obtention


d’un document justificatif n’a pu être satisfaite, quelle que soit la raison de ce défaut de
réponse. Aucune déclaration ou attestation établie par le client ne peut se substituer à
la production d’un document probant.

Le fait pour le client de mettre fin à sa relation d’affaires avec l’avocat à raison des
interrogations formulées par lui est susceptible de constituer une tentative de
blanchiment et se trouve comme telle soumise à l’obligation de déclaration de
soupçon.

Au-delà de cette approche générale, il apparaît judicieux de distinguer deux types de


risques :

- les risques identifiés comme directement liés à l’opération (risques directs)


- les risques liés au contexte dans lequel intervient l’opération (risques indirects)

Risques directs

Tous les risques directs doivent impérativement être analysés et dissipés. Si un risque
ne peut être écarté, une déclaration de soupçon doit être établie.

Relèvent de cette catégorie les risques se traduisant par une incertitude portant sur :

- la réalité des conventions ou du litige justifiant le mouvement de fonds ;


- l’identité de la personne à l’origine du paiement ou de son bénéficiaire effectif ;
- le caractère licite de l’opération à l’origine du paiement ;
- l’existence d’une ou plusieurs conventions occultes dans la chaîne des évènements ;
Risques indirects

Les risques indirects pouvant être identifiés doivent conduire à une vigilance renforcée
dans l’analyse des risques directs. Ils ne peuvent en eux-mêmes conduire à
l’établissement d’une déclaration de soupçon mais peuvent seulement se traduire, s’ils
sont effectivement avérés c’est-à-dire notoires ou documentés, par une mention
complémentaire dans la déclaration de soupçon fondée sur l’analyse des risques
directs.

Constituent des risques indirects avérés :

- le contexte géopolitique de l’opération support ;


- le signalement d’une des parties sur les bases de données LCB-FT ;

Pour les avocats, le code monétaire et financier comporte des particularités qui ont
pour fondement la préservation du secret professionnel.

Ainsi sont exclues de la déclaration de soupçon (art. L 561 – 3 CMF) :

1. Les informations reçues avant, pendant ou après une procédure


juridictionnelle (judiciaire, administrative, arbitrage, conciliation, médiation)

2. Les consultations juridiques (sauf conseil fiscal relevant du régime spécial


prévu à l’art R 561-32-1 CMF) à la condition qu’elles soient préalables à la décision
opérationnelle prise par le client.

D’autre part, la déclaration de soupçon doit être adressée au Bâtonnier qui est seul
habilité à la transmettre à TRACFIN.

A l’exception de son Bâtonnier, l’auteur de la déclaration de soupçon ne peut informer


quiconque de sa souscription.

Février 2024

Jean-Pierre CHIFFAUT-MOLIARD

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