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MONDIALE 3
Juillet 2012
- J u i n 1 9 4 0
s i er : M ai e nt !
D os s s ’ a f f ro n t
in t s d e v ue
les po
Photos de couverture :
souvent par simplicité, mais aussi en permettant à tout acteur qui en aurait l'envie de rendre public
son témoignage.
Professionnels de l'écriture, témoins de cette époque, passionnés de tous âges, se voulant sans
prétention, notre publication serait heureuse d’accueillir vos contributions, contactez-nous...
derniereguerremondiale@hotmail.fr
ligne
DERNIERE GUERRE MONDIALE
Numéro 3 - Juillet 2012
SOMMAIRE
Editorial - Par Daniel Laurent ................................................................ 3
Dossier : Mai-Juin 1940 les oppositions
La bataille des Alpes vue côté français - Par Laurent Demouzon................ 4
La bataille des Alpes vue côté italien - Par Alexandre Sanguedolce............ 12
Haltebefehl à Dunkerque -une énigme qui joue les prolongations
Par Francois Delpla ........................ 21
Haltebefehl à Dunkerque - une théorie qui joue de présomptions
Par Daniel Laurent ......................... 23
L’armistice a sauvé la France et la Victoire - Par Michel Boisbouvier....... 27
L’armistice n’était pas nécessaire - Par Loic Mahe.................................... 32
Tirailleurs indochinois dans la bataille de France - Par L. Boussaton....... 39
La division fantôme de Rommel - Par Cedric Mas...................................... 41
Le service dentaire de la Werhmacht en 1940 - Par Xavier Riaud...........49
Le service dentaire de l’Armée française en 1940 - Par Xavier Riaud.....53
Le site « 1940 - La France continue la guerre » - Par D. Laurent............. 58
Le désastre de l’abri Sadi Carnot ................................................. 61
Par Germaine Stephan
Le B1bis .............................................................................................. 65
Par Thierry Decool et Jeremy Delawarde
Uniforme du 12ème RTS ............................................................... 73
Par Georges Stoebener
Rubrique Marine ............................................................................. 75
Par Francis Liesse
Livres / Interviews :
Tonnnerre du ciel, de Xavier Van Daele.......................................................... 81
Racontes moi... Le Souvenir Français ............................................................. 83
Site partenaire :
Le magazine en ligne PM’Aria ......................................................................... 89
Editorial
Par Daniel LAURENT
Chères lectrices, chers lecteurs, Je vais maintenant vous lancer un appel de saison :
Citoyennes, citoyens, votez pour Dernière Guerre
C’est avec un grand plaisir que je vous présente le nu-
Mondiale !
méro 3 de Dernière Guerre Mondiale qui, une fois
encore, comporte un dossier spécial à la fois explosif Je vous ferais bien quelques promesses intenables
et risqué : Mai – Juin 1940. (300 pages par numéro, 25 Docteurs en Histoire au
sommaire, 150 photos inédites dont une de François
Tout d’abord, il serait absolument prétentieux d’ambi-
Delpla en slip de bain brésilien et une d’Annie Lacroix-
tionner avoir fait le tour du sujet en quelques pages,
Riz agenouillée avec un crucifix en sautoir, une nou-
certains y consacrant des sites riches, touffus et en
veauté technique exclusive qui permet d’imprimer
permanente évolution comme par exemple
votre magazine en couleurs sans encre ni imprimante)
http://www.atf40.fr
mais je sais que les autres membres de l’équipe de ré-
De plus, nous avons essayé de grouper au maximum daction vont me censurer, ils ne sont hélas pas quali-
les articles par “paires opposées”, 2 auteurs nous don- fiés pour être des Directeurs de campagne électorale.
nant des points de vue différents sur la même ques-
Mais cela ne m’empêchera pas un petit copinage hors-
tion. Ceci amène des textes qui vont parfois vous
sujet. Notre ami et fidèle lecteur Bruno Roy-Henri
amuser (Daniel Laurent critiquant François Delpla) ou
avance, pas à pas, dans sa croisade tendant à démon-
vous faire grincer des dents (Un admirateur de Pétain
trer que le corps de l’Empereur n’est pas dans le sar-
nous parlant de l’armistice « salvateur »).
cophage des Invalides :
Au sujet de François Delpla, fidèle contributeur s’il en
http://www.empereurperdu.com/forum/phpBB
est, une bonne et intéressante nouvelle :
2/index.php
Il soutient le 25 juin à l'université de Brest une habi-
litation à diriger des recherches, devant un jury com-
Bonne chance et bon courage, Bruno ! Ceux qui
posé de Fabrice Bouthillon (président), Robert Frank,
éprouveraient l’envie de discuter les points de vue
Edouard Husson, Claude d'Abzac-Epezy, Christian
énoncés dans ce numéro sont invités à venir s’expri-
Bougeard et Ronan Calvez. Cette habilitation ne peut
mer à ce sujet sur le forum :
que nous aider à rehausser, s’il en était encore besoin,
le niveau de votre magazine. http://www.lesherosoublies.com/f122-cour-
rier-des-lecteurs
De nouveau du poil à gratter donc dans votre maga-
zine mais les retours que nous avons eu suite a notre
numéro 2 indiquent que ce n’est pas pour déplaire a Nous pensons bien sûr déjà au prochain numéro en
nos lecteurs. vous assurons par avance que nous sortirons encore
des sentiers battus.
Notre sommaire comporte 5 historiens professionnels,
ce dont évidemment nous sommes très fiers : Une remarque ? Une critique ? Une demande ? Un pro-
jet ? N’hésitez pas à nous contacter par email ou sur
François Delpla nous livre son point de vue au sujet
la rubrique concernée du forum Les héros oubliés.
du Haltbehfel, Laurent Demouzon nous parle de la ba-
taille des Alpes, le docteur Riaud compare les services
dentaires des armées française et allemande et 2 au-
teurs ont bien voulu répondre à nos questions au sujet
de leur nouveau livre.
Bien sûr, des amateurs passionnés, dont votre servi-
teur, sont également au sommaire, notamment ceux
qui animent nos rubriques Marine, Militaria et Maté-
riel.
J’attire votre attention sur un article hors du dossier
spécial, notre infatigable Germaine ayant interviewé
Monsieur Carquin qui était pompier a Brest pendant
l’occupation et a vécu une triste page de notre his-
toire.
Germaine a 85 ans, il en a 89, il va sans dire que nous
considérons comme un privilège de pouvoir ainsi don-
ner la parole a nos Anciens qui, eux, y étaient. Hélas,
ce privilège devient de plus en plus rare, le temps
passe.
Qu’ils soient tous remerciés de la confiance qu’ils ont
bien voulu nous témoigner.
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Face aux Italiens Au sein du peuple italien, cette guerre est loin d’être
populaire, surtout dans les vallées frontalières où
Le 3 septembre 1939, la France et la Grande Bretagne l’idée de se battre contre des cousins n’est guère ap-
déclarent la guerre à l’Allemagne. L’Italie ne voulant préciée. De plus la France a aidé l’Italie en 1859, pour
pas entrer prématurément dans le conflit proclame ra- se libérer de l’occupant autrichien, et en 1917 pour ré-
pidement sa non-belligérance. En octobre, l’arrivée de tablir une situation militaire catastrophique. L’armée
l’hiver supprime définitivement toute menace transal- italienne, qui n’est pas prête à se lancer dans une
pine. Le 10 mai 1940, l’Allemagne passe à l’offensive guerre de grande envergure, vient à peine de rempor-
à l’ouest. Mussolini préfère attendre de voir l’évolution ter une victoire difficile en Ethiopie et sort d’une coû-
de la situation avant d’afficher ses intentions. teuse aventure en Espagne. Le matériel est médiocre
et beaucoup de divisions ne sont pas motorisés. Un
Le 10 juin, alors que les troupes allemandes viennent
grand nombre d’entre-elles n’existent pour ainsi dire
de percer la ligne Weygand et qu’elles s’apprêtent à
que sur le papier.
pénétrer dans Paris, le Duce déclare la guerre à la
France. Depuis le balcon du palais Venezia, à Rome, il Le plan de bataille italien est simple. Sur toutes les
annonce la nouvelle à une foule enthousiaste d’envi- Alpes, les troupes attaqueront sur les grands axes de
ron 100 000 personnes scandant « A noi Savoia ». communication praticables, poussant des infiltrations
Mussolini espère que l’armée italienne n’aura pas à par les sommets pour déborder les éléments français
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
qui résisteraient. Les Alpini et l’infanterie attaqueront fortifiés et les mouvements de troupes. Au printemps,
en première ligne, appuyés au maximum par l’artille- avec la fonte des neiges, le dispositif est rapproché de
rie. A leur suite, les divisions blindées et motorisées la frontière. Les ouvrages d’avant-postes sont réoccu-
devront exploiter les percées. pés, les trou-pes d’intervalles aménagent de nouveaux
emplacements de combats, tendent des réseaux de
Le groupe d’armée ouest, placé sous le commande-
barbelés et posent des champs de mines sur les
ment du prince du Piémont Umberto, est composé de
grands axes.
la 4ème armée, entre la frontière suisse et le Mont Viso,
et de la 1ère armée depuis cette dernière région L’armée des Alpes,
jusqu’à la mer. Trois opérations distinctes sont défi- commandée par le
nies. L’opération B est confiée à la 4ème armée qui doit général Olry, se ré-
déboucher des cols du Petit-Saint-Bernard, du Mont- partit en deux corps
Cenis et du Montgenèvre pour progresser vers Cham- d’armée. Le XIVème
béry et Grenoble. L’opération M est à la charge du IIème CA, entre le Mont-
corps d’armées (CA) qui à partir du col de l’Arche doit Blanc et le col de
pousser sur Marseille par la vallée de la Durance. Restefond, com-
L’opération R est conduite par le XVème CA sur les prend le Secteur dé-
Alpes-Maritimes et le littoral pour s’emparer de Nice. fensif du Rhône, le
Des fortifications Maginot verrouillent aussi Secteur fortifié de
les vallées alpines Savoie, la 66ème divi-
ECPAD sion d’infanterie, le
Secteur Fortifié du
Dauphiné et la 64ème
division d’infanterie.
Le XVème CA, entre le Général René Olry
col de Restefond et (1880 - 1944)
la mer, est composé du Secteur fortifié des Alpes-Ma-
ritimes et de la 65ème division d’infanterie.
La période pré-opérationnelle
(10-20 juin 1940)
Le 10 juin, dès l’annonce de la déclaration de guerre,
Du côté français, le dispositif sur les Alpes a évolué les populations frontalières et les troupeaux sont éva-
depuis la mobilisation d’août 1939. La non-belligé- cués en direction du centre de la France. Le Génie fait
rance italienne et l’arrivée de la neige ont permis au jouer de nombreuses destructions, détruisant routes
haut commandement français de prélever de nom- et ouvrages d’accès aux tunnels, souvent avant le pas-
breuses unités pour les porter sur l’est de la France. sage des évacués qui descendent des hautes vallées.
Des éléments ont également été retirés pour complé- Bien que le commandement ait demandé de ne pas
ter le Corps Expéditionnaire Français en Scandinavie. conduire d’actions offensives, certains cadres de SES
En avril 1940, l’armée des Alpes ne dispose plus que décident de passer à l’action. En Haute-Tarentaise,
de 176 000 hommes, dont 85 000 en première ligne. dans la nuit du 10 au 11 juin, les sergents Erny et Ri-
Elle peut néanmoins compter sur les imposantes for- vière du 70ème bataillon alpin de forteresse (BAF) at-
tifications de la Ligne Maginot et des ouvrages anciens taquent les positions ennemies au col de la Galise. Le
du type Séré de Rivières dotés d’une forte artillerie, 12 juin, le lieutenant Morel du 27ème BCA capture cinq
ainsi que, réparties entre les forts, des batteries ou Italiens à la Pointe Serru.
des emplacements aménagés.
A partir du 14 juin, malgré le mauvais temps, le front
La défense repose devient progressivement actif. En Beaufortain, un
également sur une groupe de la SES du 80ème BAF du lieutenant Bulle ac-
centaine de sec- croche des Alpini au col de la Seigne. En Vésubie, la
tions d’éclaireurs SES du 75ème BAF rencontre l’ennemi sur les pentes
skieurs (SES). Ces du Crapelet. L’affrontement coûte à la section deux
unités, composées prisonniers, un blessé et un mort, l’alpin Rigot qui est
d’une trentaine le premier tué de l’Armée des Alpes. Les Italiens ten-
d’hommes, skieurs, tent également d’occuper, par des coups de mains,
montagnards et des positions clés sur la frontière et de faire des pri-
parfois Alpinistes, sonniers. Le 17 juin, la SES du 24ème BCA, commandée
sont les yeux des par le lieutenant Cuggia, capture 35 Italiens.
bataillons d’infante-
rie. Positionnées sur Ce même jour, à midi, le maréchal Pétain annonce à
la frontière et les la radio «qu’il faut cesser le combat« et qu’il va de-
points culminants, mander l’armistice à l’Allemagne. Dès que l’état-major
elles surveillent italien prend connaissance de cette nouvelle, il or-
constamment le donne de suspendre les hostilités contre la France. Le
versant italien, refus émis par Hitler de relier les deux armistices va
cherchant à repérer néanmoins contraindre le Duce à passer à l’offensive.
Section d’éclaireurs skieurs les emplacements Le 19 juin, il donne l’ordre d’attaque pour le lende-
du 91ème BAF main. Mais ce délai est jugé trop court par l’état-
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
major. Le général Pintor, commandant la 1ère Armée, pagnies sont bloquées par la Redoute Ruinée et les au-
face à l’Ubaye et les Alpes Maritimes, obtient un sursis tres fortifications de campagne. En fin de matinée, les
de 24 heures. Bersaglieri de la division Trieste franchissent le Petit-
Saint-Bernard. Ils sont accueillis par l’artillerie fran-
L’opération B çaise et doivent repasser la frontière en abandonnant
leurs véhicules sur la route. Toute la journée, plusieurs
La Tarentaise attaques d’infanterie sont ainsi repoussées. Le 22 juin,
Le 21 juin, conformément aux ordres reçus, les divi- les Italiens réussissent à s’approcher de plusieurs
sions alpines Tridentina et Taurinense et le groupe- points d’appui (PA) et lancent de violentes attaques.
ment autonome alpin Levanna passent à l’offensive en Au PA des Eucherts, les Français complètements en-
Tarentaise avec pour objectif Bourg-Saint-Maurice. La cerclés se battent presque au corps à corps. Devant
défense est confiée au Secteur Fortifié de Savoie, la menace de submersion des avant-postes, le com-
commandé par le colonel Michet de la Baume, com- mandement ordonne leur repli sur la ligne principale
prenant les 70ème et 80ème BAF, le 6ème bataillon de de résistance, dans la vallée, à l’exception de la Re-
chasseurs mitrailleurs et le 215ème RI. doute Ruinée qui doit tenir coûte que coûte, même to-
SES au combat talement encerclée. Les 23 et 24 juin, l’ennemi
ECPAD parvient à s’infiltrer à travers les bois, jusque dans la
vallée de l’Isère, mais il est contenu sur la rive droite.
Un peu plus au sud, trois bataillons d’Alpini franchis-
sent le col du Mont et les environs. La SES du 70ème
BAF et deux sections de la 3ème compagnie du 70ème
BAF réussissent à les contenir toute la journée. Devant
le nombre, les Français doivent néanmoins décrocher
sur la rive gauche de l’Isère. Les Italiens débouchent
sur Sainte-Foy. Ils y sont bloqués trois jours durant,
jusqu’à l’armistice.
Le 25 juin à 0h35, l’armistice avec l’Italie entre en vi-
gueur. L’adversaire occupe la rive droite de l’Isère
entre Sainte-Foy et Séez. La Redoute Ruinée tient tou-
jours, encerclée par les Italiens, refusant l’accès aux
Dans le Beaufortain, le Bataillon Edolo débouche du officiers qui demandent à l’occuper. Le sous-lieutenant
col de la Seigne et descend sur le Val des Glaciers où Desserteaux invite même plusieurs officiers à déjeu-
il est accueilli par l’artillerie française. Les éléments de ner, mais il refuse de livrer le fort sans y avoir été au-
pointe buttent sur l’ouvrage de Séloges qui barre le torisé par ses supérieurs. Le 2 juillet, après sept jours
fond de la vallée. Le bataillon Duca degli Abbruzzi, qui de face à face, l’ordre arrive de livrer la position. Le
est en fait l’École de haute montagne militaire ita- drapeau français est abaissé puis en colonne par trois,
lienne, s’engage sur le glacier des Glaciers, à plus de le sous-lieutenant Desserteaux en tête, les alpins sor-
3.000 mètres d’altitude. Les obus français percutent tent de l’ouvrage passant devant une section de la
au-dessus des colonnes, provoquant des avalanches GAF qui lui présente les armes. En fin de journée, les
qui emportent plusieurs cordées. Le 22 juin, la 52ème alpins rejoignent les lignes françaises où ils sont cha-
compagnie du bataillon Edolo réussit à s’emparer de leureusement accueillis.
la position de Bellegarde, tuant le sous-lieutenant de
Castex et quatre alpins du 80ème BAF, capturant plu- L'equipage de la redoute
sieurs hommes blessés. Au-dessus de cette position, Ruinée quitte l'ouvrage le
la SES du 80ème BAF, commandée par le lieutenant 2 juillet 1940
Bulle, tient la tête et le col d’Enclave. Des Alpini du
Duca Degli Abbruzzi débouchent en dessous. Les éclai-
reurs transalpins arrivent sous une barre rocheuse for-
mant un angle mort. Le lieutenant Bulle n’hésite pas.
A l’aide d’une corde, il descend le long de la paroi en
rappel, avec un fusil-mitrailleur, jusqu’à une petite
vire, puis cale l’arme à la hanche. Dès que les éclai-
reurs font mouvement, il lâche deux chargeurs dans
le groupe, tuant plusieurs hommes. Les deux jours
suivants, les Italiens tentent de pousser en avant mais
ils sont contenus par les alpins du 80ème BAF et les ca-
nons du 9ème régiment d’artillerie.
La Maurienne
L’axe principal de l’attaque sur la Tarentaise est mené
par le col du Petit-Saint-Bernard. La défense du col est Le Ier CA italien, composé des divisions d’infanterie Su-
assurée par le fort de la Redoute Ruinée, occupé par perga, Cagliari et Brennero, doit s’emparer de Modane
une section du 70ème BAF sous les ordres du sous-lieu- puis pousser sur Chambéry et Grenoble. La défense
tenant Desserteaux, et par une ligne d’avant-postes, de la Maurienne est confiée à la 66ème DI du général
occupés par des éléments du 215ème RI. Le 164ème ré- Boucher, renforcée des trois BAF de la 30ème DBAF et
giment d’artillerie de position (RAP) assure l’appui. Le de 10 SES.
21 juin, après un bombardement aérien et d’artillerie,
Le 21 juin, La division Brennero tente de franchir le
les Alpini du bataillon Aosta débouchent des cols fron-
col du Mont-Cenis. Les deux pièces de 75 mm, les mi-
taliers secondaires. Rapidement les différentes com-
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
trailleuses et mortiers du fort de la Turra, qui domine donnèche, ils descendent par la vallée de Valmeinier.
le col, ouvrent le feu, clouant les assaillants sur place. Dès que les Alpini sont repérés, les pièces du 164ème
En contrebas, l’ouvrage des Revets repousse plusieurs RAP en position au fort du Télégraphe déclenchent un
tentatives transalpines. Sur le versant opposé du col, puissant feu. Les avants postes de Notre-Dame-des-
les SES des 11ème et 15ème BCA ralentissent fortement Neiges, tenus par des éléments du 91ème BAF, tirent
les infiltrations. Les pièces de 149 mm des batteries sur les éléments de tête. Pris dans cette nasse, les Al-
du Paradisio et de la Court déclenchent de nombreux pini ne peuvent que se replier et s’établir dans la neige
tirs visant à museler les pièces françaises, sans résul- et le froid derrière la frontière, sous le Mont Thabor.
tats. Une attaque de blindés légers est repoussée le
Le 25 juin, les troupes italiennes ne sont parvenues à
22 juin.
occuper que la Haute-Maurienne, à l’exception des ou-
vrages des Revets et de la Turra qui tiennent toujours
au col du Mont-Cenis. Plusieurs officiers italiens veu-
lent visiter la Turra et voir la puissante artillerie qui les
a tenus en échec. Ils sont surpris en constatant que
l’ouvrage ne possède que deux canons de 75 mm. Il
faut attendre le 2 juillet pour que les garnisons reçoi-
vent l’ordre de quitter les ouvrages, bénéficiant des
honneurs de la guerre.
Le fort du Télégraphe
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Dans la nuit la division Legnano remplace la Sforzesca, titude pour tenter de contourner les défenses princi-
fortement éprouvée. Le 24 juin, elle subit à son tour pales de la vallée de l’Ubaye. Le 2ème raggrupamento
un échec. Alpino et la division alpine Cunense franchissent la
frontière. Ils sont fortement ralentis par les SES.
L’avant-poste de Platte-Lombarde tire avec l’un de ses
jumelages de mitrailleuses. L’artillerie ouvre le feu,
notamment l’ouvrage de Roche-la-Croix avec sa tou-
relle à éclipse de 75 mm. Un peu plus au sud, la divi-
sion Forli se dirige en trois colonnes sur l’ancienne
batterie de Vyraisse tenue par la SES bis du 83ème BAF.
La SES du 83ème BAF, du lieutenant Costa de Beaure-
gard, appuyée par l‘artillerie du secteur, ralentit au
maximum l’avance ennemie. Le 23 juin, sur l’aile sud,
profitant du brouillard, les Alpini de la division Pusteria
s’infiltrent vers le col des Fourches mais ils sont conte-
nus par la SES et des éléments du 73ème BAF. Sur l’aile
nord, les Italiens se heurtent au PA de Maurin tandis
Coup au but sur le Chaberton que celui de Fouillouze-Haut repousse toutes les at-
par un obus de 280 mm taques.
Le Queyras
Le Queyras ne possède pas de cols facilement fran-
chissables et ne constitue pas une zone d’attaque im-
portante. Sa conquête permettrait néanmoins de
déborder le Briançonnais par le col de L’Izoard et de
pénétrer par les sommets sur les arrières de l’Ubaye.
Sa défense repose sur des PA avancés et le bouchon
formé par l’ancien fort de Château-Queyras. Elle est
assurée par trois bataillons et cinq SES.
Le 21 juin, après avoir freiné l’avance du 3ème Alpini,
les SES des 87ème et 107ème BCA viennent avec celle
du 92ème BAF appuyer la défense d’Abries tenu par des
éléments du 87ème BCA. Dans l’après-midi, le PA nord,
L’ouvrage de Roche-la-Croix
submergé par des Alpini et des Chemises Noires, est aujourd’hui
dégagé de justesse. Le lendemain, la progression en-
nemie est presque nulle. Le bataillon Pinerolo débou- A 8h00, après six heures de bombardement intensif
chant de La Monta vers Abries est bloqué par sur les avants postes, la division Acqui débouche du
l’artillerie. col de Larche, de part et d’autre de la route. Rapide-
ment la section du 83ème BAF tenant le hameau de
Le 23 juin, l’aspirant Gueury, commandant la défense Maisonméane est au contact. A 10h00, alors qu’elle
d’Abries, quatre chasseurs du 87ème BCA, et le Maré- est déjà dépassée de 2 kilomètres, elle se replie sous
chal-des-logis Woehrlé, commandant la brigade de la protection des tirs d’arrêts de l’artillerie. Celle-ci
gendarmerie locale, partent en patrouille dans la forêt harcèle l’infanterie italienne qui n’arrive pas à progres-
de Marassan. Ils surprennent une quinzaine d’Alpini ser dans le fond de vallée.
sommeillant. Les deux gradés bondissent sur eux, les
capturant. D’autres Italiens se rendent rapidement, Dans la nuit, une opération est menée contre le PA de
portant le nombre de prisonniers à cinquante-deux, Maurin. Les Alpini réussissent à s’y infiltrer. Le lieute-
qui sont ramenés dans les lignes françaises. Le 24 nant Berthet du II/299ème RIA, commandant la posi-
juin, les Italiens tentent d’avancer par les hauts, mais tion, demande un tir fusant tandis que la SES du 73ème
leur progression lente et difficile est arrêtée par l’en- BAF arrive à la rescousse et achève de le dégager. Les
trée en vigueur de l’armistice. fantassins de la division Forli atteignent les super-
structures de la batterie de Vyraisse. Les éclaireurs
skieurs des deux SES du 83ème BAF les repoussent à
coup de mousqueton et à la grenade, soutenus par
L’opération M
L’opération M a pour mission de déboucher du col de
Larche et de progresser par la vallée de la Durance sur
Gap et Marseille. Elle est assurée par le IIe CA, com-
prenant cinq divisions et un groupement alpin, repré-
sentant la plus grande concentration de troupes
italiennes sur le front des Alpes. L’offensive doit se dé-
clencher 24 heures après l’opération B, soit le 22 juin.
La défense française est assurée par des éléments de
la 64ème DI (299ème RIA), les 73ème et 83ème BAF, sept
SES et une centaine de pièces d’artillerie.
Le 22 juin, l’aile droite du dispositif ennemi passe à
l’offensive en s’infiltrant par les passages alpins d’al- Batterie de Vyraisse
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
l’artillerie. Une colonne de cette division est aussi re- Au bord de la mer, le train blindé N°2 sort de nouveau
poussée devant le village de Larche. Le I/44° Reggi- de son abri, le tunnel de la villa Humbry. Il est aussitôt
mento di Fanteria, profitant du brouillard, déborde atteint par deux salves de 75 mm, tirées par les deux
Viraysse par le sud s’engageant dans le torrent de tourelles de l’ouvrage du Mont-Agel, tuant son com-
Rouchouze. A la faveur d’une éclaircie, l’artillerie fran- mandant et mettant hors d’usage trois pièces de 152
çaise ouvre le feu, semant la mort et la terreur. Cette mm. Dans la soirée, les défenseurs du PA de la Colle
action entraîne un repli précipité de l’assaillant, ainsi se replient sur ordres après avoir perdu quatre tués et
que la reddition de 280 Italiens. Sur l’aile sud, les Al- vingt-deux prisonniers. En face, l’ennemi déplore 22
pini de la division Pusteria reprennent leur avance. Ils tués et 73 blessés. Dans le secteur nord, le 1° raggru-
souffrent énormément du froid et déplorent une cen- pamento Alpino lance une offensive sur la Haute-Vé-
taine de cas de gelure. Leur progression s’avère rapi- subie qui est repoussée par une SES du 98ème BCA et
dement difficile en raison de la neige et des conditions deux du 112ème RIA.
atmosphériques. Lorsque cessent les combats aucun
Le 23 juin, la ligne des ouvrages d’avant-postes est au
objectif n’a été atteint. L’adversaire est bloqué devant
contact, parfois même dépassée, mais les équipages
la ligne d’avant-postes après avoir subi d’énormes
du Pilon, du Pont-Saint-Louis et de la Coletta gardent
pertes.
un bel état d’esprit. L’aviation italienne multiplie les
L’opération R bombardements, sans grands résultats. Les pluies im-
portantes et le brouillard gênent les opérations aé-
L’opération R - pour Riviera - doit progresser sur le lit- riennes. Deux nouveaux trains blindés entrent en
toral pour s’emparer de Nice puis rejoindre à Marseille action contre l’ouvrage de Cap Martin qui reçoit plus
les éléments de l’opération M. Elle est menée par le de 300 obus en 45 minutes. La division Cremona
XVème CA, composée de deux divisions en premier monte en ligne en poussant des éléments dans Men-
échelon, soit dix-sept bataillons d’infanterie, appuyées ton. Toutes les tentatives contre l’ouvrage du Pont-
par deux-cent-seize pièces d’artillerie. Au nord, dans Saint-Louis échouent. Devant Cap Martin, les
le secteur montagneux de l’arrière-pays, le IIIème CA fantassins du II/90° Reggimento di Fanteria qui vien-
lance une attaque avec une division et un groupement nent de traverser la ville, arrivent au pont de l’Union.
alpin. L’artillerie de campagne française et celle de Cap Mar-
tin tirent plus de 1.000 coups, forçant les Italiens à
La défense française est confiée au XVème CA, com- trouver refuge dans les maisons proches.
mandée par le général Montagne. Il comprend le Sec-
teur Fortifié des Alpes-Maritimes, le plus puissant de Devant Castillon, l’ouvrage de Pierre Pointue tient tou-
toutes les Alpes, avec plus de dix ouvrages mixtes et jours. L’adjudant-chef Lanteri sort en patrouille avec
une multitude de petits ouvrages et de PA. La partie quatre hommes sur les superstructures où ils trouvent
du nord de la défense est à la charge de la 65ème DI. plusieurs cadavres d’ennemis tués par l’artillerie. Pro-
Au total le XVème CA aligne onze bataillons d’infanterie, fitant du brouillard, deux patrouilles transalpines s’ap-
neuf de forteresse, quarante-deux SES appuyés par prochent. Elles sont attaquées à la grenade et au FM,
plus de quatre cents pièces d’artillerie. laissant sur le terrain plusieurs hommes, des armes et
une dizaine de prisonniers.
Le 22 juin, à 8h30, sept groupes d’artillerie italiens ou-
vrent le feu sur les positions françaises, cherchant à
neutraliser les ouvrages fortifiés. Une demi-heure plus
tard, les fantassins italiens franchissent la frontière à
la faveur du brouillard. La division Cosseria progresse
sur Menton, la division Modena se dirige sur le Mont-
Ours. L’artillerie française procède à des tirs d’arrêts
autour des PA d’avant-postes. Le train blindé N° 2 de
la marina regia tire deux cents obus sur l’ouvrage Ma-
ginot de Cap Martin.
Devant Castellar, les SES décrochent sous la pression
ennemie derrière les ouvrages d’avant-postes de la
Colletta et du Pilon, tenus par des éléments du 96ème Vestiges de l’ouvrage de Pierre Pointue
BAF. En avant de Menton, le PA de la Colle reçoit le http://sudwall.superforum.fr/t5326-avant-
choc le plus violent. Sur la route du littoral, le barrage postes-de-la-pierre-pointue-et-scuvion-sospel-06
rapide du Pont-Saint-Louis, tenu par les Alpins, est at- Dans la Tinée, la division Livorno occupe le fond de la
taqué par deux sections qui sont clouées sur place, vallée, en aval de Saint-Etienne. Partout les SES frei-
bloquant la progression des unités suivantes. Débor- nent l’avance ennemie qui est bloquée également de-
dant l’ouvrage par le nord, les Italiens pénètrent dans vant l’ouvrage d’Isola. En Haute-Vésubie, la météo
Menton. Face à Castillon, la division Modena se heurte exécrable bloque toute progression. Dans la Roya, l’at-
aux SES puis, après leur repli, se trouve bloquée par taque sur Fontan se déclenche. Les chasseurs du 104e
les avant-postes de la Baisse-de-Scuvion et de Pierre- BCA tenant le village doivent se replier. Devant Breuil,
Pointue, tenus par des éléments du 76ème BAF. Dans les SES du 85ème BAF et de la 5ème brigade de chas-
l’après-midi, les Italiens submergent le poste de Fas- seurs pyrénéens font obstacle à tout mouvement.
cia-Fonda occupé par onze alpins du 86ème BAF. Le
combat s‘engage au corps à corps. Cinq Français sont Pendant toute la nuit, les armes automatiques et l’ar-
tués, deux sont blessés et capturés et quatre parvien- tillerie française effectuent des tirs d’interdiction sur
nent à se replier. Dans la nuit, l’ennemi atteint les su- les principaux axes potentiels d’attaque. Le 24 juin, la
perstructures de l’ouvrage de Pierre-Pointue qui est division Cosseria qui occupe Menton ne peut en dé-
dégagé par des tirs fusants d’artillerie. boucher. Les trombes d’eau qui s’abattent empêchent
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
tout appui aérien. En Haute-Vésubie, la neige et la Ses troupes se composent en majeure partie des uni-
pluie entravent les déplacements. L’artillerie française tés régionales de la XIVème Région Militaire et des dé-
ouvre le feu sur tous les objectifs qui se dévoilent. Les pôts des unités de cette région. Le général Cartier
SES manœuvrent en permanence pour surprendre et récupère également des troupes refluant du nord-est,
dérouter les assaillants. Dans la Tinée, la division Li- de même que des pièces d’artillerie lourdes, initiale-
vorno, estimant qu’elle a atteint la veille ses objectifs, ment destinées à être livrées à la Roumanie. La dé-
se contente d’améliorer ses liaisons. Comme dans les fense de la Basse-Isère, entre Romans et le Rhône est
autres secteurs d’attaque, les Italiens n’ont pas réussi confiée au groupement du général Vichier-Guerre, dis-
à percer la ligne des avant-postes, à l’exception de posant d’éléments régionaux.
quelques petits PA. Le barrage rapide du Pont-Saint-
Ce plan initialement conçu est considérablement bous-
Louis, complètement encerclé tient toujours. Le 25
culé par la décision prise le 18 juin 1940 de considérer
juin, l’équipage est relevé par une garnison équiva-
Lyon comme « ville ouverte », ouvrant le passage au
lente. La casemate sera évacuée quelques jours plus
Rhône aux troupes allemandes. Le général Cartier se
tard, après avoir été fermée à clef par son chef.
contente d’une résistance au sud-est de la ville pen-
dant que le gros de ses troupes s’installe en arrière le
long du Guiers, de la Chartreuse et du cours sud de
l’Isère. Dans la nuit du 21 au 22 juin, tous les ponts
sur le fleuve sautent, à l’exception de celui de Culoz.
La 13e Infanterie-Division sur le Rhône
Le 22 juin, les premiers éléments de la 13ème Infante-
rie-Division (mot) débouchent du Jura à Bellegarde.
Ils tentent de remonter vers la frontière suisse mais
ils sont arrêtés par le vieil ouvrage de Fort l’Ecluse,
tenu par une compagnie du 179ème BAF et des pièces
du 164ème RAP. Toutes les tentatives pour s’en emparer
Equipage du Pont St Louis le 25 juin 1940 échouent. Les éléments qui longent le Rhône, à la re-
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr
cherche d’un pont intact, sont pris à parti par les
A l’heure où cessent les combats, l’offensive italienne troupes françaises, positionnées sur la rive gauche.
sur les Alpes est un échec. L’état-major italien paie les Une colonne arrivant du Bugey atteint le pont de Culoz
conséquences de son impréparation, toute comme le dans la nuit. Les Français actionnent le dispositif de
manque de réalisme et d’initiative de son commande- mines, mais il fonctionne mal, laissant l’ouvrage in-
ment. La victoire est également à mettre au crédit des tact. Les éléments de tête tentent de s’en emparer,
fortifications françaises et de la valeur combative de mais les hommes du dépôt du 28ème régiment de ti-
l’Armée des Alpes, dirigée avec intelligence par des railleurs tunisiens les repoussent. Une tentative sur le
gradés efficaces. Les troupes italiennes, mal entraî-
nées pour la plupart, dépourvues de matériel adéquat
et attaquant dans des conditions atmosphériques
épouvantables n’ont cependant pas démérité. En qua-
tre jours de combat, les pertes sont de 6.000
hommes hors de combat, soit 631 tués, 2.631 blessés,
616 prisonniers et 2.151 cas de gelures.
10
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
pouvant pas atteindre Annecy. L’effort principal est Durant la nuit, le général Marchand, commandant l’ar-
mené en direction de Chambéry. Le général Cartier a tillerie du XIVe CA, décide d’envoyer à Voreppe deux
établi un puissant dispositif à hauteur de Viviers-du- batteries de 105 mm et une de 155 mm. Dans la ma-
Lac, alignant plus de 2.000 hommes, notamment le tinée, les pièces sont mises en batterie entre Grenoble
93ème BCA jusqu’alors tenu en réserve générale. et Voreppe. Depuis les hauteurs dominant la plaine de
Toutes les attaques de la journée sont repoussées au Moirans, les observateurs découvrent les préparatifs
prix de sérieuses pertes de part et d’autre. Le 25 juin, d’attaque ennemie. Ils déclenchent une longue série
l’entrée en vigueur de l’armistice met un terme aux de tirs d’artillerie qui ravagent plusieurs colonnes de
hostilités sur ce secteur du front. véhicules, des parcs automobiles et des rassemble-
ments de chars, causant de nombreuses victimes.
La 3. Panzerdivision progresse sur Chambéry et
L’artillerie allemande tente des tirs de contre-batterie,
Grenoble
sans succès. En fin de journée, la proximité de l’entrée
Débouchant de Bourgoin, la 3ème Panzerdivision se en vigueur de l’armistice met un terme aux hostilités.
dirige en deux colonnes sur les Alpes. L’une d’elles se La bataille de Voreppe est la dernière victoire française
heurte le 23 juin aux défenses établies sur le Guiers. de 1940.
La prise du pont de Saint-Albin, resté intact lui permet
La 4ème Panzerdivision en Basse-Isère
de franchir cette coupure, mais la conquête de Pont-
de-Beauvoisin nécessite toute une journée d’âpres La 4ème Panzerdivision, partant du sud de Lyon, tra-
combats. Les rapports allemands évoquent des com- verse Vienne puis se dirige sur la Basse-Isère. En ar-
bats aussi violents que ceux menés sur la Dyle en mai rivant dans Romans, les Allemands subissent le feu
1940. Le 24 juin, des éléments se dirigeant sur le lac des troupes établies sur la rive gauche de l’Isère. Des
d’Aiguebellette se heurtent à une défense acharnée de véhicules remontent la rivière jusqu’à Saint-Gervais
tirailleurs du 25ème RTS à La Bridoire. Le Panzer-Regi- sans parvenir à découvrir un pont intact. En aval, l’in-
ment 6 se dirige quant à lui sur la localité des Echelles, fanterie réussit à traverser le cours d’eau par l’ouvrage
tenue par deux compagnies du 215ème RI et du 25ème ferroviaire de Vernaison, mais une énergique contre-
RTS, renforcées par deux pièces de 47 mm sur affût attaque la repousse sur la rive droite. C’est le point
crinoline servies par des marins du dépôt de Toulon. extrême de l’avance allemande en direction du sud de
La surprise est rude pour les chars qui pénètrent dans la vallée du Rhône.
le village. Coup sur coup, les marins détruisent quatre
Le 25 juin, à 0 h 35, lorsque l’armistice entre en vi-
chars, pendant que les tirailleurs bloquent l’infanterie.
gueur, aucun des objectifs fixés au XVIe Panzerkorps
Durant tout le jour, l’artillerie allemande appuie les in-
n’a été atteint. Il faut néanmoins relativiser le succès
filtrations d’infanterie qui ne parviennent pas à s’em-
français, car sans l’armistice, Chambéry et Grenoble
parer du bourg. En fin de journée, après négociations,
seraient inéluctablement tombées. Le commandement
les Français se replient sur Saint-Laurent-du-Pont,
allemand a voulu avant tout éviter les pertes inutiles
laissant les troupes ennemies occuper le village.
et n’a pas cherché à progresser à tout prix. Les Fran-
çais ont bénéficié d’un terrain propice à la défensive,
avec de nombreuses coupures naturelles, et de l’ab-
sence de l’aviation allemande. Cette dernière phase
de la campagne de France n’est cependant pas une
promenade militaire, comme en témoignent les deux
cents tués et autant de blessés, ainsi que la dizaine
de chars détruits, infligés aux unités du corps Hoepner
par des combattants français qui se sont battus farou-
chement jusqu’au bout.
Bibliographie
La guerre franco-italienne (juin 1940) Henri Azeau,
Des canoniers marins posent devant
Presse de la cité, Paris 1967.
leur position àVoreppe
La seconde colonne de la 3ème Panzerdivision, en route Mémorial de la bataille des Alpes (1940 - 1944/45)
pour Grenoble, se présente dans la nuit du 22 au 23 Henri Béraud, Editions Heimdal Bayeux 1987.
juin devant Voreppe. Ce bourg est fortement tenu par Languedociens et savoyards dans la bataille des Alpes,
les deux compagnies d’infanterie, trois sections de 65 Henry Bourjade (la guerre des Alpes en 1940) Nar-
mm et de 75 mm et huit pièces de 47 mm de marine bonne, 1949.
servies par des marins du 5ème dépôt des équipages
de la Flotte. L’arrivée des premiers chars est saluée Offensive sur la Maurienne (Valloire - Valmeinier dans
par un véritable déluge de feu qui démolit deux blin- la campagne de 1940), Laurent Demouzon.
dés. Á l’aube, une nouvelle tentative est menée par la Le operazioni del guigno 1940 sulle Alpi Occidentali,
Panzer-Kompanie 8 accompagnée d’infanterie et de Vincenzo Gallinari, Ufficio Storico, Rome, 1981.
pionniers. Rapidement, un panzer IV est mis hors
combat et les fantassins subissent des pertes. Dans La battaglia delle Alpi (La divisione Supergae gli Alpini
l’après-midi, une nouvelle attaque d’infanterie se solde nell’alta valle di Susa), Alberto Turinetti di Priero.
par une quarantaine d’hommes tués ou blessés. Ne
Savoie Juin 1940, l’ultime victoire vol 1. L’offensive
parvenant pas à forcer le passage, les assaillants sont
italienne, Laurent Demouzon, Autoédition, 2000.
contraints d’y renoncer temporairement en attendant
qu’arrive la division toute entière. Savoie juin 1940, l’ultime victoire vol 2. L’attaque Al-
lemande, Laurent Demouzon, Autoédition, 2007.
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
économiques votées par la S.D.N.2, la guerre d’Es- l’Italie ne sera pas prête avant 1942. Connaissant
pagne (1936) et la venue du Front Populaire provo- l’état de l’armée italienne, Mussolini doit gagner du
quent une détérioration des relations diplomatiques, temps et, pour ne pas perdre la face, utilise un expé-
avec le rappel de Charles de Chambrun, ambassadeur dient : il envoie à Hitler une longue liste de matières
de France à Rome. Dans son livre «Les illusions de premières nécessaires à l’effort de guerre. Même avec
Stresa, l’Italie abandonnée à Hitler«, l’ambassadeur la meilleure des volontés, il n’y aurait pas assez de
Léon Noël note «...notre corps diplomatique n’avait trains pour les faire acheminer d’Allemagne.
que haine et mépris pour l’Italie. » Le Duce propose à Hitler une conférence à San Remo
En prévision d’une éventuelle action offensive de la pour le 31 août 1939, mais celui-ci ne veut rien en-
France, la construction d’une ligne fortifiée appelée tendre : l’Europe se dirige vers la guerre.
Vallo Alpino del Littorio débute en 1931 afin de proté- Après une réunion avec les hiérarques du régime (voir
ger les 1850 km de frontière, dont 487 km avec la DGM 1) Ciano, Grandi et Bottai, une option équivoque
France. C’est une ligne de défense discontinue, dont est choisie : la non-belligérance, l’Italie n’entreprendra
certains ouvrages sont intégrés dans la montagne. pas d’opérations militaires.
Mais son coût élevé et le manque d’acier ne permet- Mussolini ronge son frein mais il est conscient de l’im-
tent pas d’en faire l’équivalent de la ligne Maginot. préparation du Regio Esercito et que les guerres
L’armement défensif consiste en canons de 47/32 mo- d’Éthiopie et d’Espagne ont vidé les arsenaux.
dèle 1935 ou 75/27 modèle 06. Le 18 mars 1940, au Brenner, Mussolini rencontre Hit-
Les troupes chargées d’occuper le Vallo Alpino et d’en ler pour la première fois depuis le début du conflit.
assurer la défense sont les Guardie alla Frontiera Après son inévitable monologue, le Führer reproche à
(GAF), corps constitué le 28 avril 1937. l’Italie de continuer le commerce d’armes avec la
Le plan P.R. 12 (Piano Radunata 12 ou plan de déploie- France. Les événements semblent aller dans le sens
ment 12) adopté par l’état-major en 1938 et mis à du chef Nazi, les armées allemandes sont invincibles,
jour en 1940 prévoit un déploiement défensif le long ce qui va conforter Mussolini dans l’idée que la guerre
de l’arc alpin. De son côté, le général Gamelin de- sera de courte durée et que l’Italie ne peut plus rester
mande au général Billote la préparation d’un plan of- en dehors du conflit. Sa crainte est de voir l’Allemagne
fensif sur les Alpes. gagner seule la guerre. Il déclare à Ciano que l’Angle-
terre sera inexorablement battue et au maréchal Ba-
doglio : « j’ai besoin seulement de quelques milliers
de morts pour m’asseoir à la table de la paix en tant
que belligérant.»
Le 30 mai, Mussolini communique à Hitler la date
d’entrée en guerre : le 5 juin. Elle sera repoussée au
10 juin.
Le 10 juin, à 16H30, l’ambassadeur de France à Rome,
André François-Poncet est convoqué au Palazzo Chigi,
le ministère des affaires étrangères où il est reçu par
Ciano, en grande tenue d’aviateur, qui lui annonce,
sans surprise, la déclaration de guerre. L‘ambassadeur
lui rétorque : « Vous avez attendu de nous voir à ge-
noux pour nous poignarder dans le dos, si j’étais vous,
je n’en serais pas si fier ».
Mussolini inspecte un ouvrage du Valle Alpino Dans son journal, Ciano note à la fin de la journée du
10 juin : «...Je suis triste, très triste. L’aventure com-
mence. Que Dieu vienne en aide à l’Italie. »5
De la non-belligérance à
l’entrée en guerre Les opérations
Le front s’étale sur environ 470 km, du Mont-Blanc à
Mussolini était revenu de la conférence de Munich
la Méditerranée. C’est un front montagneux, les unités
convaincu d’avoir joué un rôle prépondérant durant les
italiennes vont devoir franchir des zones de combat à
négociations et d’avoir eu l’ascendant sur Hitler. Solli-
plus de 3 000 mètres d’altitude. Le Gruppo Armata
cité par Chamberlain, il avait joué le médiateur, sa
Ovest (GAO) commandé par le prince du Piémont Um-
connaissance de l’allemand et du français en faisant
berto di Savoia, héritier du trône, est aligné contre la
l’interprète auprès du Führer.
France. Il est composé de deux armées : la 4a Armata
Lors de la crise de Dantzig, en juillet 1939, l’ambas-
du général Guzzoni et la Ia Armata du général Pintor,
sadeur de Grande-Bretagne en Italie, Sir Percy Lor-
une force de 300 000 hommes de troupe et 12 500
raine, lui demande d’arbitrer à nouveau auprès
officiers. La 7a Armata constitue la réserve (42 000
d’Hitler. Ciano3 se rend à Salszbourg pour s’entretenir
hommes).
avec Ribbentrop4. Les entretiens sont orageux, le
Voir en annexe pour le détail de la composition des ar-
comte s’aperçoit que les Allemands ne respecteront
mées.
pas les accords du Pacte d’Acier (22 mai 1939) et
Le chef du GAO, le général Umberto di Savoia, ap-
qu’ils ne consulteront pas leur allié italien pour entrer
prend la déclaration de guerre à la radio le 10 juin
en guerre. Il est reçu par Hitler et lui annonce que
1940, confirmée par téléphone par le général Graziani,
2: Société Des Nations, organisme international créé à la fin de la Première Guerre Mondiale chargé de régler les différent nationaux afin
préserver la paix, ancêtre de l’ONU.
3: Le comte Ciano, gendre de Mussolini et son ministre des Affaires étrangères.
4: Ministre des Affaires étrangères Allemand, homologue de Ciano.
5: Diaro di Galeazzo Ciano, page 442.
13
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
al Valore Militare (MAVM) lui est
conférée à titre posthume.
A l’aube du 13 juin, une S.E.S. en-
treprend l’occupation du col de la
Galise, mais elle est repoussée par
le bataillon alpin Intra du Raggrupa-
mento Levanna. La 2e S.E.S du 97e
RIA, commandée par le capitaine
Albouy, tente de s’en prendre à un
avant-poste au sommet du Grand
Cocor et est repoussée rudement
par les Alpini du bataillon Intra.
Luigi Rossetti est le premier alpino
mort au combat.
Le 14 juin, un coup de main des
S.E.S. permet l’occupation du col de
la Galise et de la côte 2760 au nord
du col de la Seigne. De leur côté, les
Italiens prennent pied au col des Ai-
guilles, au Mont Aimé et au Mont
Agu.
Ce 14 juin est le jour du bombarde-
ment du port de Gênes (opération
Vado) et des installations portuaires
de Vado Ligure par la 3eme escadre
navale de Toulon, divisée en deux
groupes. Seul le contre-torpilleur
Calatafimi présent au large de la Li-
gure tente d’attaquer la puissante
armada en lançant des torpilles. Les
batteries côtières ouvrent le feu,
endommageant le contre-torpilleur
Albatros. La présence de la 13e flot-
tille MAS dissuade l’escadre de
continuer ses opérations et elle re-
tourne à Toulon.
Entre le 15 et le 20 juin, l’activité
militaire est réduite, alors qu’en
Positions italiennes le France les événements politiques se
10 juin 1940 précipitent. Le 17 juin, le maréchal
Pétain annonce à la radio «...C’est
chef d’état-major du Regio Esercito. Ordre est donné
le coeur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut
de rester sur la défensive, de n’entreprendre aucune
cesser la combat...». Mais si les Italiens comptent sur
action au-delà de la frontière. Étrange situation pour
un effondrement moral de l’armée française, pour l’Ar-
un pays agresseur, que le général Pintor, commandant
mée des Alpes et le général Olry, il n’est pas question
de la 1a Armata, définit en «guerre sans hostilités».
de déposer les armes. L’état-major du GAO entre-
Cependant, le premier bulletin de guerre italien ne
prend de passer à l’offensive du côté du Mont-Cenis
concerne pas le front des Alpes mais un raid aérien ef-
alors que Superesercito retransmet l’ordre suivant:
fectué sur Malte.
«Les hostilités avec la France sont suspendues dès ré-
ception de cet ordre.»
Les premiers jours de guerre Le 18 juin, Mussolini, qui s’est rendu à Munich, ren-
10/20 juin 1940 contre Adolf Hitler pour lui faire part d’extravagantes
exigences: occupation de la Corse et de la Tunisie, oc-
Dès les premières heures, à l’instar de ce qui se passe cupation de la rive gauche du Rhône, livraison de la
du côté français, les villages frontaliers sont évacués: flotte française. Elles sont toutes repoussées par Hit-
la Thuile, Courmayeur, ou Morgex en Val d’Aoste ler. Seules les zones conquises seront occupées par
comme dans le Val de Susa et au Mont-Cenis. l’armée italienne. La seule concession obtenue est que
Dans la nuit du 11 au 12 juin, un squadron de bom- les armistices puissent entrer en vigueur le même
bardiers Armstrong-Withworth Whitley, parti de Lon- jour: le 25 juin.
dres, bombarde les centres industriels de Turin (FIAT) Le 19 juin, les Allemands pénètrent à Lyon, déclaré
et Gênes (Ansaldo). La Regia Aeronautica riposte en ville ouverte. Pour l’Armée des Alpes, une nouvelle
faisant bombarder par les Savoia-Marchetti SM-79 les menace se profile sur ses arrières. Le groupement
ports de Toulon, Bastia et Bizerte en Tunisie. Cartier, rassemblé à la hâte, doit empêcher le 16.Pan-
Au col de la Maddalena (col de Larche), une S.E.S. zer-Korps de prendre à revers l’armée des Alpes par
d’une quarantaine d’hommes s’accroche avec une pa- la Savoie et de faire sa jonction avec les Italiens.
trouille italienne. Des renforts viennent débloquer la Le 20 juin, Mussolini ordonne de passer à l’offensive
situation. Le sottotenente Beppino Nasetta est le pre- générale sur tout le front, sur trois axes majeurs :
mier mort au champ d’honneur, la Medaglia d’Argento
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
- par le Petit Saint-Bernard (opération B), le Mont- sur les genoux et tire et tombe face dans l’herbe. Il
Cenis et aux ailes (col de la Seigne et de la Galise) s’appelait Jean de Castex. »
- par le col de la Maddalena (col de Larche) : (opéra- L’ouvrage de Se-
tion M.) loge stoppe la pro-
gression des Alpini.
- le long de la Riviera (opération R) ; Le bataillon alpin
Passer d’une position défensive à une offensive est Duca degli Abruzzi
très compliqué, mais le temps joue contre Mussolini, qui a pour mission
il déclare au maréchal Badoglio : « Je ne veux pas d’atteindre le
subir la honte que les Allemands occupent le pays ni- Beaufortin par le
çois puis nous le remette. ». L’armée doit immédiate- Cormet de Rose-
ment attaquer. Le général Pintor, commandant la Ia land effectue une
Armata obtient un délai de 24 heures. approche noc-
turne, le 22 juin,
La bataille de 4 jours au col d’Enclave,
exploit plus sportif
21/24 juin 1940 que militaire, qui
est stoppé par les
Le plan B tirs de l’artillerie
des batteries du
(IVa Armata -Generale d’armata Guzzoni)
Cormet de Rose-
lend et du plan de
la Laie.
Malaparte (à droite) au milieu
Le col du Mont est
de chasseurs alpins français
pris par les ba-
taillons alpins Val Cordevole et Ivrea qui atteignent les
rives de l’Isère, dépassant le hameau de la Motte, et
arrivent à Sainte-Foy, au prix de combats livrés au
corps-à-corps.
Au Petit-Saint-Bernard, zone d’opération de la division
alpine Taurinense, le 22 juin, après un tir d’artillerie
et un bombardement aérien effectué par des FIAT BR-
20 qui se révèle peu efficace, le bataillon alpin Aosta
parvient à 300 m du fort de Traversette (La Redoute
Ruinée). Difficile à atteindre en raison des fortes
pentes, il a pour mission d’interdire la route du Petit
Saint-Bernard. Défendu par 47 hommes du 70e Ba-
taillon Alpin de Forteresse, commandés par le sous-
lieutenant Dessertaux, le fort reçoit l‘appui des
batteries du Courbaton, Vulmix et de celles du fort du
Truc. Le général Guzzoni, croyant la Redoute Ruinée
occupée par le bataillon Aosta, ordonne à la division
motorisée Trieste de se mettre en marche. Les mitrail-
leuses Hotchkiss du fort entrent en action, bloquant le
XXXIIe bataillon motocycliste, avant-garde de la co-
Carte d’opération du corps alpin lonne motorisée de la division. Durant la nuit du 22 au
23 juin, les pontonniers remettent en état le pont de
la Marquise, détruit dès le début des hostilités.
Les opérations du II° Corpo Alpino (Tarantaise,
Le bataillon Aosta contourne le poste avancé, coupe
Maurienne)
les lignes téléphoniques ainsi que le téléphérique de
Le II° Corpo Alpino du général Luigi Negri occupe l’aile
la Redoute Ruinée. Le 23 juin, la division Trieste tente
droite du dispositif de la IVa Armata. Au nord, au col
à nouveau de forcer la route, suivie de la division cui-
de la Seigne, la division alpine Tridentina lance les ba-
rassée Littorio, équipée de tankettes L3/35, mais l’ac-
taillons Edolo, Tirano et Morbegno sur les pentes du
tion de l’artillerie et le terrain miné entravent leur
Glacier des Glaciers en direction de Chapieux.
progression et les contraignent à faire demi-tour.
Le bataillon Edolo a réussi à transporter un canon de
Cloués à 200 m du fort, les Italiens n’iront pas plus
75/13 en pièces détachées afin de tirer sur les postes
loin, et c’est bien après l’armistice signé le 25 juin
avancés, Ville des Glaciers est occupée. Le P.A. de Bel-
qu’ils prendront possession du fort, le 3 juillet. Les
laval est pris par la 52e compagnie de l’Edolo. Curzio
défenseurs quitteront l’ouvrage, invaincus, avec les
Malaparte raconte la mort héroïque du sous-lieutenant
honneurs des armes, rendus par un piquet des GAF.
de Castex dans «le Soleil est aveugle» :
Le commandement français décide l’évacuation de la
« ...tout-à-coup l’officier français soulève lentement
Haute-Maurienne jusqu’aux rives de l’Isère, laissant
son fusil-mitrailleur, et Pasini le regarde comme s’il ne
seule la Redoute-Ruinée, encerclée.
savait quoi faire - l’officier français soulève lentement
La division Trieste atteint Seez le 23 juin.
le fusil-mitrailleur et tire - et deux hommes derrière
Pasini tombent la face dans l’herbe et Pasini marche à
sa rencontre lentement, très lentement, le regardant
fixement et enfin un alpin derrière Pasini lève son
mousqueton et fait feu... alors l’officier français plie
15
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Les opérations du I° Corpo d’Armata (général
Carlo Vecchiarelli) Plan du fort de la Petite Turra
Secteur du Mont-Cenis
Le 21 juin, après une préparation d’artillerie, une co-
lonne commandée par le major des Alpini Costantino
Boccalatte, composée du bataillon alpin Susa et du XIe
battaglione CCNN, s’élance du pic de la Rocciamelone
(Rochemelon), à plus de 3000 m, et s’engage dans la
vallée du Ribon avant de déboucher sur Bessans, sans
rencontrer de résistance, les Français les ayant pris
pour les leurs, jugeant impossible toute infiltration par
ce côté. Le 24, la colonne fait la jonction à Lanslebourg
avec une unité du 64° Reggimento Fanteria (division
Cagliari) poussant jusqu’à Termignon
Batterie Paradiso
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D ERNIERE GUERRE
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le feu de ses huit canons de 149/35 sur Briançon, mais La division Forli bute sur le fort de Viraysse ((2772 m),
la réplique française ne tarde pas. Le 21 juin, la 6ème mais des éléments réussissent à prendre pied sur la
batterie du 154e Régiment d’Artillerie de Position com- terrasse de l’ouvrage, sans pouvoir s’en emparer. L’an-
posée de 4 mortiers Schneider de 280 mm, comman- nonce de l’armistice met fin aux combats.
dée par le lieutenant Miguet, entame des tirs de Dans le secteur du III° Corpo d’Armata, la division Ra-
cadrage. A 17h15, la tourelle n°1 est hors d’état de venne s’empare du village de Fontan dans la vallée de
nuire, à 20h00, six des huit tourelles ont été mises la Roya, le 22 juin.
hors combat (voir annexe).
Le lendemain, 22 juin, les FIAT BR-20 bombardent L’opération R – XV° Corpo d’Armata.
sans succès les forts du Briançonnais. La division Sfor- Le XV° Corpo d’Armata est chargé de mener l’opéra-
zesca reprend son attaque, appuyée par l’artillerie, tion R (pour Riviera). Dans la nuit du 3 au 4 juin, Men-
pénétrant dans le bois de Cestrières. Une unité de la ton est vidée de ses habitants (opération Exécutez
GAF avec des carabinieri réussit à entrer dans Mont- Mandrin), relogés dans les Pyrénées-Orientales.
genèvre. Le 22 juin, la division Cosseria franchit la frontière le
Le 23 juin, le fort des Trois-Têtes doit être évacué. De long de la Corniche sans pouvoir parvenir à dépasser
son côté, le 30° Reg. Fant. de la division Assietta l’ouvrage du Pont Saint-Louis (1 officier: sous lieute-
s’empare du fort de Chenaillet grâce à l’appui de vieux nant Charles Gros, 1 sergent et 7 hommes), couvert
canons Skoda de 100/17 et des deux tourelles res- par les tirs des batteries du Cap Martin. Un bataillon
tantes du Chaberton. Le fort de Janus résiste encore, de la Cosseria contourne l’ouvrage et parvient à at-
repoussant toutes les velléités italiennes. teindre les faubourgs de Menton. Quelques chars Re-
Le lendemain, les opérations sont suspendues en rai- nault participent aux combats. Le train blindé n°2 de
son des mauvaises conditions climatiques. Les com- la Regia Marina, caché dans le tunnel du Capo Mortola,
bats ne reprendront pas, l’armistice entrant en vigueur est repéré par l’artillerie et mis hors d’état de nuire
le 25 juin à 0h30, heure française. par les batteries du Mont Agel.
Le IV Corpo d’Armata n’aura avancé que de quelques Le 23 juin, les avant-gardes ont atteint le torrent Gor-
kilomètres dans le secteur de Montgenèvre. bio. L’ouvrage du Pont Saint-Louis empêche l’achemi-
nement de renforts et de munitions.
Dans le Queyras, secteur du Raggrupamento Ger- Une opération de débarquement est envisagée, mais
manasca Pellice, la progression du bataillon Pinerolo, le manque d’embarcations et les conditions atmosphé-
qui s’est emparé de Ristolas, est stoppée dans le sec- riques rendent caduques toute tentative, la pleine lune
teur d’Abriès par les tirs d’arrêts de l’artillerie de Châ- ne favorisant pas une action nocturne.
teau-Queyras. Il en est de même pour les bataillons Le 4e régiment de Tirailleurs Sénégalais, engagé sur
alpins Fenestrelle et Val Pellice. Menton n’aura pas le temps de se mêler aux combats
en raison de la cessation des hostilités à 1h30 le 25
-Le plan M (II° Corpo d’Armata - général Fran- juin.
cesco Bertini) Menton, la ville des citrons, est gravement endomma-
La zone d’opération du II° Corpo d’Armata est le col gée : 2 600 habitations ont été détruites.
de la Maddalena (col de Larche), dont le forcement est Au nord, la division Modena atteint le mont Razet,
la mission des divisions Acqui et Forli. Les sentiers mais les tirs des ouvrages du Mont Saint-Ours et du
muletiers rendus boueux par les pluies torrentielles ne Mont Agel empêchent toute avancée, les Français se
permettent pas aux fantassins italiens d’avancer, et ils permettant même le luxe de lancer des contre-at-
ne sont pas suffisamment équipés pour affronter les taques. Les Italiens se contentent de rester sur la dé-
températures extrêmes. Le brouillard empêche l’artil- fensive.
lerie d’ajuster ses tirs et l’aviation est clouée au sol.
La division Acqui parvient à atteindre Larche aux prix
d’efforts immenses à la suite desquels elle doit être L’armistice du 25 juin 1940
retirée, remplacée par la division Pistoia. Hitler, le vainqueur, consent à Mussolini, le non-vain-
queur, que les deux armistices entrent en vigueur le
même jour, le 25 juin. La délégation française pour
l’armistice avec l’Italie, conduite par le général Hunt-
ziger et l’ambassadeur Léon Noël, est la même qui a
déjà signé à Rethondes l’armistice franco-allemand le
22 juin. Elle arrive à Rome, dans des Junker JU-52, le
23 juin et est reçue à la Villa
Incisa all’Olgiata. Le 24 juin,
à 19h30, l’armistice est signé
et entre en vigueur le lende-
main à 01h30. Les plénipo-
tentiaires français sont
soulagés de voir que les
conditions sont finalement
assez modestes : une bande
de terre de 840 km2 avec 20
000 habitants, le long de la
frontière. Le général Huntzi-
ger, ayant reçu l’aval de son
gouvernement réfugié à Bor-
La division Acqui au col de Larche Général Huntziger deaux, déclare au maréchal
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D ERNIERE GUERRE
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Badoglio : « Vous êtes un vrai -La Campagne italienne de juin 1940 dans les Alpes
soldat, Badoglio, et pas seule- Occidentales, Giorgio Rochat,RHA
ment un Maréchal». -Les Pierres fortes de Savoie,Bruno Berthier et Robert
C’est aussi un soulagement Bornecque. Ed. La Fontaine de Siloé.
pour ce dernier et il dit à
Huntziger : «Voilà, c’est firmé
(sic), comme çà il y aura
moins de morts». A ce mo-
ment-là, il tombe néanmoins
plus d’Italiens que de Fran-
çais.
Le bilan est très lourd, pour
une campagne de 15 jours :
642 morts, 2 631 blessés, 2
151 gelés, 516 disparus, pro- Maréchal Badoglio
bablement dans les crevasses.
Le froid extrême a provoqué plus de pertes que les
combats, mettant en évidence le sous-équipement du
Regio Esercito. Le blocus mis en place depuis la guerre
d’Éthiopie a forcé l’Italie à vivre en autarcie. Les te-
nues en lanital, matière sensée remplacer la laine,
n’étaient pas adaptées aux rigueurs du froid. L’artille-
rie, obsolète, était trop à l’arrière pour soutenir l’in-
fanterie et venir à bout des fortifications. Les chars
légers L3/35, incapables de franchir les barbelés, à la
merci des canons adverses, furent bloqués par les Zone d’occupation italienne - 1940
champs de mines. Le froid a endommagé les radios,
empêchant la coordination des manoeuvres.
Quant à l’aviation, les conditions climatiques ne lui
permirent pas d’effectuer efficacement les bombarde-
ments des objectifs militaires.
Quelques mois plus tard, l’Italie attaquera la Grèce,
au début de l’hiver, dans l’Epire, sans avoir retenu les
leçons de la campagne des Alpes.
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L’AUTEUR leu plutôt que d’en dégager une logique. Deux cita-
Historien réputé et prolifique, tions en témoigneront, l’une due à Henri Michel et
François travaille depuis des l’autre à John Keegan :
décades sur le nazisme en
« (…) il est certain que le Führer, en agissant ainsi,
général et Hitler en particulier,
tout en veillant à ce que rôle était d’accord avec Keitel et Jodl et avec le responsable
salvateur de Churchill soit sur place, le général von Rundstedt, dont il n’a fait
reconnu et développé. qu’avaliser la décision.
L
e 24 mai 1940 11h 30 (heure française) ou 12h que la nécessité de laisser souffler ses chars avait été
30 (heure allemande), Hitler ordonne l’arrêt de révélée à von Rundstedt à la fois par l’attaque anglaise
l’offensive blindée qui, après avoir coupé de leur sur Arras du 21 mai –qui avait avancé de 16 km avec
arrière-pays les ports de Boulogne et de Calais les trois bataillons et 16 chars-, les préparatifs français
jours précédents, s’apprêtait à réserver le même sort sur la Somme et l’arrivée de quelques renforts britan-
à Dunkerque, consommant ainsi l’encerclement dans niques à Calais, ensemble de mesures annonçant une
une poche de plus en plus étroite des armées de terre attaque d’envergure sur les deux flancs de l’étirement
anglaise et belge, ainsi que des meilleures troupes allemand. Mais l’esprit tortueux de Hitler lui avait fait
françaises. tenir de singuliers propos sur la nécessité de l’Empire
britannique ; il n’est pas exclu qu’il ait envisagé de
Pourquoi ? Pour contraindre la France, l’Angleterre et permettre aux Anglais de ‘sauver la face’. » (Michel2)
la Belgique à se rendre et à signer la paix, comme un
propriétaire arrête son molosse à quelques centimè- « La contre-attaque britannique [d’Arras] (…) alarma
tres de la gorge d’un cambrioleur surpris, en lui or- Hitler. Rundstedt, commandant le groupe d’armées A,
donnant de cesser toute résistance. Mais cette admit avec lui que les Panzer étaient allés trop loin
explication n’est apparue qu’en 1991, sous la plume pour leur sécurité et devaient arrêter leur avance en
de John Costello, avant d’être précisée et développée attendant que l’infanterie, plus lente à se mouvoir, ait
par moi-même, dans mon premier ouvrage historique, ‘doublé’ les murs du couloir, pour éviter une répétition
quelques mois plus tard1. de l’effet de surprise d’Arras. (…) Le 24 mai, Hitler or-
donna aux forces blindées d’arrêter leur avance. Il re-
Que disait-on donc auparavant ? Tout d’abord, rien, et fusait de laisser les Panzer s’engager dans les basses
ce pendant six ans. L’arrêt, qui avait duré jusqu’au terres de la côte qu’il jugeait peu propices à des opé-
matin du 27, n’avait tout bonnement pas été remar- rations de blindés. » (Keegan3)
qué par les journalistes et les premiers historiens.
C’est le journal du général Halder (chef d’état-major On ne peut qu’être frappé par le caractère subjectif de
de l’armée de terre allemande), tout bruissant des ces proses, et leur éloignement de toute rigueur d’his-
protestations de son auteur et de maints officiers frus- torien, d’autant plus qu’il s’agit de spécialistes che-
trés, qui obligea les observateurs à remarquer ce Halt- vronnés, difficiles à prendre en défaut ailleurs.
befehl. En 1948, dans un livre écrit à partir de ses L’énigme n’excite visiblement pas leurs papilles de
entretiens avec les généraux allemands prisonniers, chercheurs ; ils ont plutôt l’air de proposer de mau-
Basil Liddell Hart mit au jour une kyrielle de justifica- vaise grâce une explication parce qu’il le faut bien ;
tions données par Hitler lui-même –en sus de celles et, chassant l’avarice, chacun en offre plusieurs, à
qu’on trouvait déjà chez Halder. Or, avant Costello (et charge pour l’amateur de faire son tri. Nous pouvons
même souvent aussi, hélas, après), les historiens eu- néanmoins leur décerner, ex aequo, la médaille de
rent tendance à enfiler ces justifications à la queue leu l’illogisme : s’il y a dans le dispositif allemand, en ce
1: Cf. Costello (John), Les dix jours qui ont sauvé l’Occident, Paris, Orban, 1991 ; Delpla (François), Les Papiers secrets du général Doumenc ,
Paris, Orban, 1992, Churchill et les Français,Paris, Plon, 1993, rééd. Paris, De Guibert, 2010, La Ruse nazie , Paris, France-Empire, 1997.
2: La Seconde Guerre mondiale, t. 1, édition 1977, Paris, PUF, p. 134.
3: The Second World War, Londres, Hutchinson, 1989, tr. fr. La Deuxième Guerre mondiale, Paris, Perrin, 1990, p. 85.
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jour et à cette heure, quelque fragilité, ce serait le mo- s’était donné ni l’Angleterre ni les Etats-Unis comme
ment de foncer, et de boucler l’encerclement, plutôt ennemi mortel, mais uniquement la France et la Rus-
que de ralentir et de le suspendre. Michel, qui pense sie. Et puisqu’il voulait ménager l’Angleterre il était
redoutable (ou du moins pense que Rundstedt devait aussi obligé d’épargner en grande partie la France, en
le penser) l’arrivée de renforts à Calais ou sur la se contentant de briser son outil et son prestige mili-
Somme, et Keegan, qui pense que le chef du groupe taires, et de se payer, territorialement parlant, sur la
d’armées A jugeait nécessaire d’attendre l’infanterie, seule Russie et quelques pays slaves environnants.
nous laissent supposer que ce général avait soit oublié
L’arrêt devant Dunkerque est donc inséparable des
le b.a. ba de son métier, soit gagné son avancement
propositions faites par Göring au Suédois Dahlerus, in-
avec une bonne dose de favoritisme.
termédiaire fréquent entre Berlin et Londres, le 6 mai
Il y a là surtout, de la part de ces deux auteurs fort 1940 : si les Allemands attaquent et parviennent à Ca-
représentatifs, une observation fort distante et dis- lais (ce sera chose faite le 23 mai, veille de l’arrêt), il
traite du réel. Certaines raisons qu’ils avancent pour- faudra demander la paix et ses conditions seront mo-
raient expliquer des dispositions allemandes du 22 dérées. Le mérite essentiel de Costello est d’avoir
mai, certainement pas du 24. De ce point de vue, un trouvé là-dessus un document miraculé, dans un coin
livre très inégal, paru en 1995 mais achevé d’écrire mal expurgé des archives de Paul Reynaud –alors que
(d’après sa bibliographie) en 1991 soit au moment des le ménage a été bien fait, ou que la dissimulation per-
travaux de Costello (et sans en tenir le moindre siste, à Berlin, Stockholm et Londres. Ce document
compte) a tranché toutes les incertitudes : le colonel reste ignoré de bien des spécialistes, qui se condam-
allemand Karl-Heinz Frieser, étudiant minutieusement nent à répéter sans fin le propos propagandiste de
la position des unités sur le terrain, a montré dans son Churchill : « Les conditions allemandes ne pourraient
Blitzkrieg-Legende4 que le 24 mai à 12h 30 aucun of- être que dures ».
ficier allemand ne craignait plus nulle part la moindre
Conclusion
contre-attaque et que l’heure était à l’euphorie de la
victoire. Ordonné par celui qui dirigeait à la fois l’ar- La conséquence la plus immédiate de cet arrêt infruc-
mée et l’Etat, l’ordre ne pouvait donc avoir que des tueux et de la reprise du combat trois jours plus tard
raisons politiques. (aucune ouverture de paix n’étant venue de Londres,
en raison de l’obstination et de l’habileté politique
Frieser en propose une entièrement nouvelle… et en-
churchilliennes ; le ministre des Affaires étrangères
tièrement fausse, à mon avis : mis devant le fait ac-
Halifax, appeaser invétéré, avait presque réussi, le 27
compli d’un retrait de ses blindés à Rundstedt, par
mai, à déstabiliser son premier ministre, mais ceci est
l’OKH du général von Brauchitsch (celui dont Halder
une autre histoire) est le sauvetage des troupes bri-
est chef d’état-major), au profit du groupes d’armées
tanniques par Dunkerque, dont les défenses avaient
B du général von Bock, Hitler rendrait séance tenante
pu être renforcées dans l’intervalle. D’où parfois, chez
ses blindés à Rundstedt. Mais dans ce cas, pourquoi
les rares qui refusent les explications par les peurs et
les arrêter ? Pour montrer qui est le maître, écrit Frie-
les lubies de l’ancien caporal, l’idée que par l’arrêt il
ser. Mais cela n’est nullement documenté. Excellent
voulait favoriser l’embarquement. Cette explication
dans la démolition, Frieser ne fait donc pas mieux que
est tout aussi fausse –Churchill ayant précisément, au
les autres dans la proposition : il avance une explica-
cours des journées précédentes, répudié la solution
tion parce qu’il en faut bien une, mais elle n’a rien de
d’embarquement tant qu’elle restait possible, Hitler ne
convaincant.
pouvait savoir qu’il profiterait de l’arrêt pour la mettre
Ces proses antérieures à Costello, ou ignorantes de en œuvre. Du moins aucun document ne va dans ce
son apport, charrient une vision de Hitler et de sa sens –alors qu’il y a l’offre de paix de Göring, à valoir
guerre terriblement datée. Si on se permet aussi lé- le 23 mai, pour documenter la seule thèse qui sub-
gèrement des explications aussi confuses de sa siste : la soif nazie d’un arrêt immédiat de la guerre à
conduite, c’est qu’on lui prête, à lui-même, une confu- l’ouest, « sur le sable de Dunkerque ».
sion et une légèreté sans pareilles. Voyez ce chef qui
se souvient au dernier moment qu’il a vu en 1914-18
des marais autour de Dunkerque ! (au demeurant, il
n’y en a plus…) Voyez cet Ubu qui fait avorter le plus
grand encerclement de l’histoire pour montrer que
c’est lui qui commande ! Voyez ce matamore qui a
peur de son ombre, cet impulsif qui ne voit même pas
que la partie est gagnée ! etc…
4: Munich, Oldenburg, 1995, tr. fr. Le Mythe de la guerre-éclair, Paris, Belin, 2003.
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L
e 24 mai 1940, alors que la Wehrmacht est en - Mobile militaire hiérarchique interne : Mettre au pas
train d’écraser le fer de lance de l’armée fran- les généraux allemands, leur montrer qui commande.
çaise, le British Expeditionnary Force (B.E.F.) et
l’armée belge en les acculant à la retraite vers la mer, - Mobile diplomatique : Clin d’œil aux Britanniques, qui
Hitler arrête brutalement ses blindés en leur interdi- sauvent leurs hommes « grâce » à un Hitler cherchant
sant de poursuivre leur ruée victorieuse vers Dun- une paix rapide avec eux.
kerque. - Mobile politique immédiat : Signer la paix avec l’An-
Les raisons de cet ordre d’arrêt, ce « Haltbehfel », qui gleterre et la France «sur le sable de Dunkerque».
a généré peu de commentaires sur le moment hors - Mobile politique interne : «La Luftwaffe, arme nazie»
des État-majors allemands, sont restées un mystère de Goering.
pendant des décennies et, malgré des ouvrages pion-
niers, génèrent toujours des polémiques de nos jours. - Mobile politique flamand : Épargner les « cousins
aryens » flamands pour mieux les subjuguer par la
Pourquoi Hitler a-t-il donné cet ordre, donnant au pas- suite.
sage aux alliés occidentaux un répit précieux et utilisé
à renforcer la défense de Dunkerque et faciliter l’opé- Les historiens qui se sont penchés sur la question res-
ration Dynamo ? tent divisés et, pour certains, en sont venus aux mains
par écrit mais pas encore sur le pré à l’aube, cela peut
François Delpla nous expose plus haut son point de cependant venir…
vue. Ce numéro de votre magazine étant destiné à pu-
blier des articles par paires opposées, l’équipe a Nous nous trouvons en effet là en présence d’un acte
contacté des éventuels contributeurs susceptibles de hitlérien caractéristique : Seul le Führer connaît exac-
tement le pourquoi et
le comment, quelques
rares collaborateurs
détiennent une partie
de la vérité, comme ici
Goering. Tous les au-
tres intervenants, qu’il
s’agisse des généraux
allemands ou des res-
ponsables ennemis, en
sont réduits soit aux
devinettes, pour les
plus avertis, soit à
prendre pour argent
comptant les men-
songes d’Hitler pour
les autres.
Le tableau suivant pré-
sente un petit som-
maire des résultats
des travaux de ces his-
toriens, classés par
ordre chronologique
Une plage de Dunkerque en 1940
inverse de publication
Les soldats attendent une évacuation par tous les moyens
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DERNIERE GUERRE
MONDIALE
« Dunkerque », France Empire, Mobile militaire, Hitler aurait été trompé par des
Amiral LEPOTIER
1975 photos de reconnaissance
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MONDIALE
«Altitude 4000» ,
Cajus BEKKER Mobile Göring
J’ai Lu 1969
« LE DRAME DE DUNKERQUE »,
général ARMENGAUD Question ignorée
Plon, 1948
« DUNKERQUE ET LA
Général DOUMENC CAMPAGNE DE FLANDRE », Question ignorée
Arthaud, 1947
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D ERNIERE GUERRE
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Les raisons militaires A Dunkerque,
selon Karl-Heinz Frieser Jean Bart est
toujours debout
Terrain marécageux :
Seul Keitel en a parlé. Les autres généraux nient le
risque (Halder, Guderian) le 24, Guderian n’en parle
qu’à partir du 28 mai, donc après l’ordre d’arrêt et la
reprise de la bataille (et DL rappelle que les Britan-
niques ayant « fortifié » Dunkerque, les blindés per-
dent de l’intérêt, c’est l’infanterie et l’artillerie qui
prennent le relai).
Économiser les blindés : Travail laissé à la Luftwaffe :
Hitler en dit quelques mots, mais il est bien seul. Kleist Personne n’est convaincu, y compris Hitler (et rappe-
se sent concerné par quelques pannes dans son lons que le fameux coup de téléphone a toutes les ca-
groupe blindé, mais sans plus et ne s’en sert que pour ractéristiques d’un montage préparé par Hitler et
demander des renforts, des remplacements. Goering).
Risque d’attaque française de flanc : Citons un historien qui, à ce sujet, est au cœur du pro-
A la rigueur, détourner une division en protection, blème posé par l’interprétation de François Delpla :
mais ne pas arrêter toutes les unités motorisées. L’auteur reconnaît fort honnêtement qu’il appartient
Préparation prématurée de la bataille vers le au lecteur de juger de la valeur de son argumentation.
Sud, vers la France : En tout cas, écrit-il, les présomptions exposées « for-
ment un faisceau que, pour ma part, j’incline à trouver
Aucun indice disponible dans aucun document. suffisant pour fonder une conviction plus que raison-
nable ».
Méconnaissance des effectifs enfermés dans la
poche : Source : Pierre Durand (1923-2002), commandant
FTP, compagnon de Fabien, déporté, journaliste et
Les généraux allemands savaient assez précisément,
chroniqueur historique à l’Humanité. Il fait ici allusion
y compris Halder qui parle de 45 divisions le 23 mai.
au livre de François Delpla La Ruse nazie, France Em-
Non-prévision de la « fuite par la mer » : pire, 1997.
L’état-major, ainsi qu’Hitler, avait cette hypothèse bien Alors, M. Delpla se contente-t-il de présomptions ?
en tête. Nombreux sont ceux qui le lui reprochent.
Après l’évacuation...
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
L’AUTEUR
« Agé de 76 ans, j'ai été
médecin anesthésiste pen-
dant toute la durée de ma vie
professionnelle mais n'ai
cessé de pratiquer l'histoire et
surtout les moralistes : Ben-
jamin Constant, Tocqueville,
Max Weber, Bertrand de «...Cet armistice était pourtant peu de chose...»
Jouvenel, Raymond Aron, François Furet, Patrice
Gueniffey, ... Tocqueville, surtout, que je trouve Cet armistice était pourtant peu de chose : une signa-
ture au bas d’un protocole. Un rien eût pu le détruire
immense. et le réduire à un simple chiffon de papier car il fut de
Je me suis passionné pour certaines périodes et ai bout en bout un artifice révocable. En fait -et ce fut
publié en 2008 aux éditions "Godefroy de Bouillon" miracle- il dura pendant toute la guerre. Le gouverne-
ment dit «de Vichy» réalisa ce miracle à force de ruse
"Pétain, trahison ou sacrifice ?" qui a eu l'heur de plaire et de patiente obstination et ses bienfaits furent consi-
à F-G Dreyfus puisqu'il l'a dit "important et utile" dans dérables tout en étant à peu près totalement mécon-
la préface qu'il a désiré lui accorder. J'y défends la thèse nus. Face aux exigences allemandes, il lui fallut
pendant quatre ans naviguer entre le Charybde du
en quelque sorte "monstrueuse" que Pétain et Laval refus et le Scylla de l’acceptation.
doivent être aimés et honorés, non pas malgré leurs
De ces bienfaits1 nous n’avons pas en effet une vision
propos collaborationnistes, mais à cause d'eux. Dans claire, et pour cause, car si les malheurs qui se sont
une geste sacrificielle presque totalement ignorée, ils réellement produits sont enregistrés dans la mémoire
du peuple – avec quelle force et quelle intensité par-
se sont compromis sciemment pour nous sauver le plus
fois -, ceux qui ont été évités ne le sont pas. Les ra-
possible . Ne vaut-il pas mieux avoir les mains sales que fles, les arrestations, les exécutions, les déportations,
ne pas en avoir ? » les assassinats, les restrictions et la disette sont dans
toutes les mémoires. Les prisonniers qui sont rentrés,
Ière Partie : les famines qui furent évitées, les victimes expiatoires,
les fusillés et les massacrés qui furent peu nombreux,
Il a sauvé la France. la collaboration militaire qui fut refusée, la flotte et les
bases militaires qui ne furent pas livrées… ne prirent
En faisant que notre pays obtienne l’arrêt des combats
et ne laissèrent que peu ou pas de place dans la mé-
et le retour des réfugiés et qu’il garde, malgré sa dé-
moire collective. Comment le pourraient-ils d’ailleurs ?
faite, sa flotte, son empire, une zone libre, un em-
bryon d’armée et un gouvernement autonome, le
1: Ces bienfaits nous sont devenus obscurs mais les contemporains en furent bien conscients.
Louis Rougier écrit par exemple dans «Mission secrète à Londres. Les accords Pétain-Churchill» ( éditions «A l’enseigne du cheval ailé»
1948, page 47). Chapitre deuxième : Le parti unique français, 1- L’euphorie à Vichy au milieu de juillet 40 :
L’humeur qui régnait à Vichy, dans la seconde semaine de juillet, était celle d’une euphorie déconcertante. La grande tragédie de la déroute
et de l’exode s’acheminait à sa fin. Peu à peu, la marée des émigrés rentrait dans son lit naturel. Les voies de communication étaient
rétablies, l’armée démobilisée, les populations acheminées dans leurs foyers, une Réforme intellectuelle et morale s’esquissait...».
L’euphorie s’explique : elle faisait suite à deux mois oppressants.
27
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Ce qui s’est passé est visible. Ce qui ne s’est pas
passé ne l’est pas.
Il existe un moyen d’évaluation cependant : la com-
paraison avec ce qui s’est passé ailleurs dans les au-
tres pays envahis et occupés (ils furent dix-neuf). Or,
ces comparaisons nous éclairent totalement. Je vais
tenter d’en donner un bref aperçu. Je vais tenter de
répondre au désir d’histoire qu’eut le Maréchal à l’orée
de son procès quand il dit « L’histoire dira ce que
je vous ai évité quand mes adversaires ne pen-
sent qu’à me reprocher l’inévitable ».
Dans cette perspective inusitée je propose d’examiner
sommairement les différents postes des malheurs «..Au moment de l’armistice la France déplorait près
qu’une défaite et une occupation occasionnent de deux millions de prisonniers...»
lorsqu’ils sont causés par un régime totalitaire et bar-
bare car la France, si elle fut par la taille le plus grand
Les représailles
des pays occupés par l’Allemagne et l’Italie, ne fut pas
le seul. La France du sud fut une terre de maquis et de luttes
de partisans, en particulier communistes. Les atten-
Les prisonniers
tats encouragés par Staline exposaient les populations
Au moment de l’armistice la France déplorait près de civiles aux représailles des occupants3.
deux millions de prisonniers : 1 960 000.
Les fusillés comme victimes expiatoires de ces atten-
Les deux millions de prisonniers sont tous rentrés tats ne furent que 4 120 et les massacrés que 1 200
sains et saufs (et pour un grand nombre d’entre eux - dont 650 à Oradour, si tristement célèbre4.
avant la fin de la guerre) alors que les prisonniers po-
Or, c’est par millions qu’on compte les victimes des
lonais ou russes n’ont survécu au travail forcé, aux
guerres de partisans dans des pays comme la Grèce,
mauvais traitements et au manque de nourriture que
la Yougoslavie, l’Ukraine, la Russie ou les pays baltes.
dans la proportion de 45 %. Or, le problème des pri-
Il y eut 411 «Oradour» en Ukraine et autour de quinze
sonniers fut pour Vichy lancinant. Ils furent pour les
millions de morts civiles dans l’ex-URSS5.
Allemands un moyen de chantage permanent et,
comme le dit Göring à Laval, un gage précieux dont il C’est bien joli les maquis, les résistants, les attentats,
ne pourrait pas se dessaisir. mais ça coûte cher en termes de vies humaines inno-
centes sacrifiées. Dans des pays comme la Grèce et la
Les pénuries alimentaires
Yougoslavie, on estime que c’est 10 % de la popula-
On a mal mangé pendant la guerre, mais, au moins, tion globale qui disparut dans la tourmente et que les
les famines mortelles nous furent-elles épargnées. guerres de partisans dans les pays envahis de l’est
En Grèce, à Leningrad, de telles famines se produisi- firent 15 millions de victimes («le soldat qu’on attaque
rent et devinrent célèbres. La Croix Rouge estime dans le dos devient fou»).
qu’en Grèce2 270 000 à 300 000 personnes moururent
Dans notre pays donc : 160 000 victimes civiles (dé-
tout simplement de faim. En Europe de l’est (Russie,
portés politiques et raciaux, bombardements), soit 0,4
Biélorussie, Ukraine, pays baltes) les famines auraient
% de la population globale. On est loin des six millions
fait des millions de morts, ce qui est moins connu.
de polonais disparus, soit près de 20 % des leurs.
2: Certaines famines sont célèbres comme celles de Grèce et de Leningrad mais d’autres le sont moins. L’historien américain Timothy
Snyder (Terres de sang. « L’Europe entre Hitler et Staline » Gallimard, Bibliothèque des histoires) évalue à 4,2 millions les Russes, Biélorusses
et Ukrainiens morts de famine entre 41 et 44. L’Académie des Sciences de Russie a publié en 1995 une comptabilité supplémentaire à
celle de Snyder. Voir aussi le General Ostplan. Les famines furent particulièrement sévères et mortelles en Europe de l’est (où l’on parle
de plus de 4 millions de morts en Russie, Biélorussie, Ukraine) et dans les Balkans mais aussi en Hollande pendant le terrible hiver 44/45.
En France, on a mal mangé pendant la guerre, mais les famines meurtrières nous furent épargnées.
3: Selon une estimation de l’United States Holocaust Memorial Museum de Washington, 3,3 millions de prisonniers soviétiques sont morts
sur les 5,7 qui ont été faits par l’Allemagne, ce qui fait un taux de mortalité de 57 %. On lira avec profit Wikipedia sur le bilan général des
pertes humaines de la SGM : « En 1945, de nombreuses régions sont détruites en Europe et plusieurs millions de personnes sont mortes
ou blessées. Les combats de la Seconde Guerre mondiale n’ont épargné que les pays neutres. Le bilan humain est dramatique : entre 60
et 70 millions de morts, plusieurs millions de blessés, 30 millions d’Européens déplacés7 en raison des changements de frontières, surtout
en Europe orientale. Ce conflit fut le plus coûteux en vies humaines de toute l’histoire de l’humanité. Environ 45 millions de civils sont
morts dans les combats et les bombardements et le nombre de victimes civiles est supérieur à celui des victimes militaires. Des peuples
entiers sont décimés (ainsi on comptait sept millions de Juifs en Europe avant la guerre et seulement un million après) et des populations
sont détruites. La Pologne a perdu environ 15 % de sa population. »Or, à propos de la Pologne, Wikipedia dit aussi ceci :« De chaque côté,
les nazis et le NKVD procèdent à l’éradication de l’élite polonaise : côté est, intellectuels, officiers, fonctionnaires, religieux, propriétaires
terriens sont déportés en URSS, voire assassinés comme à Katyñ ; côté ouest, les nazis entendent ouvertement réduire les Polonais à l’état de
« sous-hommes » et de « peuple d’esclaves » et plongent le pays dans une terreur totale et meurtrière, responsable de la disparition en six
ans de près de 20 % de la population totale. Dès les premiers jours, les élites polonaises sont systématiquement exterminées par les
Einsatzgruppen et le SD, entraînant la mort de plus de 50 000 membres du clergé, de l’aristocratie, du corps enseignant et universitaire. Les
théâtres, les séminaires, les journaux, l’enseignement secondaire et supérieur sont fermés. Deux millions de civils sont raflés et envoyés au
travail forcé dans le Reich, où ils subissent maltraitances et discriminations systématiques. Tortures, pendaisons de masse et massacres de
villages entiers deviennent quotidiens.
4: J-P Besse et Thomas Pouty «Les Fusillés. Ed. de l’Atelier Paris 2006. Le chiffre des fusillés légaux s’établit à 4120.
5: F-G. Dreyfus- Préface à « Pétain, trahison ou sacrifice ? » M. Boisbouvier. Godefroy de Bouillon 2008.
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Les Juifs et les Tziganes. Or, chez De Gaulle, cette ineffabilité donc, fut de prin-
cipe et de système, et c’est ce qui fait la singularité
Ce paragraphe a été censuré par l’équipe de ré-
de ce personnage historique hors norme.
daction, car, si nous défendons la Liberté d’ex-
pression, nous ne souhaitons pas nous associer, On le sait par le témoignage d’Alain Peyrefitte dans
de près ou de loin, à des arguties choquantes «C’était De Gaulle»9. Il lui dit un jour, qu’en politique,
concernant ce sujet si important. il fallait savoir faire «comme si». Bien sûr que la
France n’était plus une grande puissance en 1958-72,
Le pillage
mais il fallait agir comme si elle l’était encore, lui dit-
D’après Yves Bouthillier6, ministre des finances de il.
Vichy («Finances sous la contrainte») la France fut,
Bien sûr, qu’en 1940, l’armistice était indispensable,
par habitant, moins pillée que les quatre autres pays
mais il fallait faire comme s’il était la «source empoi-
d’Europe de l’ouest : Belgique, Pays-Bas, Norvège,
sonnée» et l’attaquer comme telle. « Ne dites jamais
Danemark.
que l’armistice était indispensable », dit-il au général
« Exprimés en milliards de marks afin d’être compa- Odic. L’anti-vichysme de De Gaulle fut constitutif du
rables entre eux, les cinq chiffres des prélèvements gaullisme. Pour que la France figure au rang des vain-
allemands pour les cinq pays occupés de l’Ouest sont queurs, c’était le prix à payer.
en nombres arrondis, pour la France, 40, pour la Bel-
gique, 10,5, pour le Danemark, 4, pour la Norvège,
12, pour les Pays-Bas, 26,5. Ainsi le chiffre français
de mille marks par tête (40 milliards de marks pour
2ème Partie :
40 millions d’habitants) est porté à 1 100 marks pour L’Armistice a sauvé la guerre
le Danemark, 1 400 pour la Belgique, 4 000 pour les
Pays-Bas, 4 400 pour la Norvège. » Bouthillier ob- Avant toute chose une première question se pose :
serve que la France et le Danemark bénéficièrent pourquoi Hitler a-t-il accordé un armistice à la France ?
d’une administration autonome contrairement aux La réponse à cette question se trouverait dans les ar-
trois autres. chives de la Wilhelmstrasse. Un document non signé
Le STO mais ne pouvant émaner que de l’interprète Paul
Schmidt s’y trouve, celui de la conversation qu’il eut
La France dut fournir six cent cinquante mille travail- avec Mussolini à Munich pendant deux heures le 18
leurs forcés à l’Allemagne. Or, celle-ci en exigeait deux juin 1940. Il lui dit qu’il avait décidé de traiter provi-
millions cinq cent soirement la France avec modération pour des raisons
mille. Laval dit lors de de tactique militaire car il avait pris la décision d’atta-
sa déposition au pro- quer directement l’Angleterre et qu’il ne désirait pas
cès Pétain que 18 % avoir d’ennemis sur ses arrières, en Afrique du Nord.
des ouvriers français En conséquence il demandait au Duce de taire pour le
furent déportés moment ses ambitions territoriales (Corse, Tunisie,
contre 80 % des Savoie, Nice..).
belges7.
La deuxième question qui se pose est évidemment
Que conclure ? celle-ci : l’Armistice a-t-il aidé ou, au contraire, contra-
rié et retardé la victoire Alliée ? Inversement, a-t-il
Pour reprocher à
favorisé la chute de l’Allemagne et sa défaite finale ?
Vichy et, donc, à l’ar-
mistice, les malheurs Sur ce point Churchill, Göring et Hitler lui-même, se
dus à la défaite, il faut sont exprimés.
un état d’esprit très
particulier qui, 1/ Churchill dit au général Georges en janvier 1943
jusqu’ici, n’a pas reçu lors d’un séjour à Marrakech: « En juin 40, l’Angleterre
de nom. Je propose n’avait plus d’armes. Nous n’avions pas vu la question
«ineffabilité», néolo- des chars et celle de l’aviation sur un plan suffisant.
gisme, puisqu’on ne L’Armistice nous a rendu service. Hitler a commis une
le trouve pas dans les faute en l’accordant. Il aurait dû aller en Afrique du
dictionnaires. Il exprime le mépris des réalités au pro- Nord s’en emparer et pousser sur l’Egypte. Nous au-
fit de ce qui eût été idéal ou simplement meilleur rions eu alors une tâche bien difficile »10.
mais... impossible. Sans le reconnaître expressément dans ses Mémoires,
A certains égards, De Gaulle fut emblématique de il reconnaît qu’il ait pu le dire, car c’est publiquement
cette ineffabilité. C’est ainsi qu’il apparut à la plupart et à l’occasion solennelle de sa déposition au procès
de ses pairs en juin 40 (et longtemps après encore) Pétain que le général Georges s’était exprimé11.
qui, tel Weygand, fustigèrent son irréalisme8. 2/ Göring dit au cours du procès de Nuremberg : «Il
eût fallu continuer la guerre en Afrique».
6: Yves Bouthillier : Le drame de Vichy «Finances sous la contrainte. Plon. Paris 1951. Page 102.
7: CRO du Procès du Maréchal Pétain, op. cité : déposition de Pierre Laval. Compte-rendu officiel. Editions Louis Pariente.
8: Maxime Weygand. «En lisant les Mémoires du général de Gaulle» Flammarion 1955.
9: Alain Peyrefitte. «C’était de Gaulle» Fayard, 1997.
10 : Winston Churchill «Mémoires de guerre» «L’heure tragique» Plon 1949
11 : CRO du procès du Maréchal. Déposition du général Georges. op.cité .
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D ERNIERE GUERRE
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3/ Hitler s’est exprimé à la fin de la guerre. L’historien Malheureusement, dit le colonel L-C Michelet :
allemand Eberhard Jäckel12 rapporte qu’il évoqua son
- les échelons roulants n’ayant pu suivre manquaient
passé politique dans des propos qu’il tint à Martin Bor-
totalement et, avec eux, les moyens d’entretien, de
mann et qui furent désignés sous le terme de «Bun-
réparation et de ravitaillement des appareils
kergespräche». (La France dans l’Europe d’Hitler)
- les moyens de défense au sol, tant terrestre qu’anti-
«L’armistice fut notre plus grosse faute. Abetz nous a
aériens, manquaient aussi.
trompés et nous n’aurions jamais dû le suivre».
Les trois principaux personnages concernés s’étant - les stocks de carburants et de bombes étaient extrê-
exprimés dans le même sens, le premier, Churchill, mement réduits.
pour dire que l’armistice l’avait servi, les deux autres,
Hitler et Göring, qu’il les avait desservis, on pourrait
croire le procès suffisamment instruit. Or, curieuse-
ment, le débat à ce sujet continue même si les parti-
sans de l’armistice ont eu le vent en poupe et même
30
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
lourds et les cuirassés pourvus d’épais blindages de la conformément au mandat qu’il en avait reçu !
Marine Nationale et de la Royal Navy.
Il avait signé à Rethondes un armistice avec la
La bataille de Crète au cours de laquelle la moitié de France : il le respecta jusqu’au bout … au moins
la Mediterranean Fleet fut détruite par des avions al- jusqu’à un certain point.
lemands basés en Grèce montre à quel point les flottes
Bibliographie
les plus modernes étaient devenues vulnérables. Le
fait demeure en effet que les convois britanniques du- Louis Rougier, Mission secrète à Londres. Les accords
rent faire le tour de l’Afrique avec deux mois de navi- Pétain-Churchill, éditions «A l’enseigne du cheval
gation en plus pour ravitailler les troupes Alliées ailé», 1948.
engagées en Ethiopie et en Egypte et que Eisenhower
dut s’arrêter à Alger en allant vers l’est lors de l’opé- Timothy Snyder, Terres de sang. L’Europe entre Hitler
ration Torch en novembre 42. Faute d’une couverture et Staline, Gallimard, Bibliothèque des histoires.
aérienne suffisante, il ne put prendre Tunis, ce qui J-P Besse et Thomas Pouty, Les Fusillés, Ed. de l’Ate-
coûta les sept mois de la campagne de Tunisie. lier, Paris, 2006.
Il fallut attendre la conquête de la Sicile en juillet 43 F-G. Dreyfus, préface à Pétain, trahison ou sacrifice
pour que la Méditerranée appartienne aux Alliés. Ce ?, M. Boisbouvier, Godefroy de Bouillon, 2008.
n’est sûrement pas en juin 40 que les Britanniques, à
peine rentrés de Dunkerque où ils avaient laissé tout M-A Charguéraud, Survivre, Cerf, mars 2006.
leur matériel, auraient pu leur contester cette supré- Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe,
matie. Fayard, 1997
Alain Michel, Vichy et la Shoah. Enquête sur le para-
doxe français, Editions CLD, 2012.
Léon Poliakov (et non Raymond) Bréviaire de la haine,
Paris, Calmann-Lévy, 1951.
Robert Aron, Histoire de Vichy, Fayard. Paris 1954.
Yves Bouthillier, Le drame de Vichy, Finances sous la
contrainte, Plon, Paris, 1951.
CRO du Procès du Maréchal Pétain, Editions Louis Pa-
riente.
«...Hitler était légaliste...»
Maxime Weygand, En lisant les Mémoires du général
de Gaulle, Flammarion 1955.
Faut-il conclure ?
Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Fayard, 1997.
En ce qui me concerne les choses sont claires. Les di-
rigeants des différents gouvernements de Vichy ont Winston Churchill, Mémoires de guerre, L’heure tra-
tiré de l’armistice presque tout ce qu’il était possible gique, Plon 1949
d’en tirer15. Ils méritent d’être reconnus comme des Eberhard Jäckel, La France dans l’Europe d’Hitler,
bienfaiteurs et, même, pour certains d’entre eux Fayard, 1968.
comme Pétain et Laval, d’être honorés en martyrs. Cet
armistice lui-même fut une gageure hautement aléa- Colonel L-C Michelet, La revanche de l’Armée
toire due à une opportunité vite évanouie. On aurait d’Afrique, éditions Godefroy de Bouillon.
pu le croire destiné à disparaître avec elle. S’il n’en fut Adolf Hitler, Mein Kampf, Nouvelles éditions latines-
rien, ce fut sans doute grâce à l’habileté des hommes 1934, Fernand Sorlot, éditeur.
politiques, de Pétain et de Laval en particulier, et du
double jeu qu’ils surent mener mais peut-être aussi à Hans Bernd Gisevius, Jusqu’à la lie, Paris 1947/48.
une autre cause très mal vue qui est celle-ci. Malgré
les apparences, Hitler était légaliste. Hans Bernd Gi-
sevius l’appelle « Adolphe le légaliste »16. Contraire-
ment à Lénine qui suspendit la Douma dès qu’il eut
pris le pouvoir, il se fit attribuer les pleins pouvoirs
pour quatre ans à la majorité légale des deux tiers en
mars 33 par le Reichstag. Il ne renvoya pas le Reichs-
tag et se fit reconduire tous les quatre ans par lui,
15 : Car notre pays était situé très bas dans l’échelle des valeurs d’Hitler. Voici ce qu’il écrit dans «Mein Kampf» Nouvelles éditions latines-
1934. Fernand Sorlot, éditeur. «Notre objectif primordial est d’écraser la France. Il faut rassembler d’abord toute notre énergie contre ce
peuple qui nous hait. Dans l’anéantissement de la France, l’Allemagne voit le nouveau moyen de donner à notre peuple sur un autre
théâtre toute l’extension dont il est capable». «Ces résultats ne seront atteints ni par des prières au Seigneur, ni par des discours, ni par
des négociations à Genève. Ils doivent l’être par une guerre sanglante.»
16 : « Jusqu’à la lie » de Hans Bernd Gisevius » Paris 1947/48. Wikipedia informe sur H-B. Gisevius: Opposé au Troisième Reich et proche de
Wilhelm Canaris, il a été recruté par l’Abwehr et sert au consulat de Zurich; il est alors agent de liaison entre l’O.S.S américain et la résistance
interne en Allemagne. Il rencontre d’ailleurs Allen Dulles en 1943. Lors de son retour en Allemagne il est arrêté par la Gestapo mais finit
par être relâché. Après l’attentat manqué de 20 juillet 1944 il fuit en avion vers la Suisse, sa femme Annelise, restée en Allemagne, et son
cousin germain (le major Schatz, nazi convaincu) sont envoyés en camps de concentration, mais il est l’un des rares survivants parmi les
conjurés du 20 Juillet 1944.
31
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MONDIALE
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D ERNIERE GUERRE
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pas de relais suffisamment informés dans les appareils
d’état et militaire français pour prendre réellement
Quelles sont les répercussions
conscience du drame qui commence à se nouer. Le 11 de l’Armistice ?
juin, lors du conseil interallié au château du Muguet,
Churchill pense avoir obtenu l’accord du gouverne- L’impact de l’Armistice a été profond, immédiat et
ment français pour qu’aucune décision majeure ne soit mondial. Politiquement, les conséquences sont ma-
prise sans en référer à la Grande-Bretagne. Cet accord jeures. Les gouvernements polonais, belge, luxem-
n’engage en réalité que Reynaud. bourgeois et néerlandais, malgré une défaite rapide et
l’occupation totale de leur pays, n’avaient pas traité
Le 16 juin, De Gaulle fait un aller-retour express à avec l’Allemagne. La France, à cet instant, perd son
Londres, et cette absence coïncidera avec la démission statut de grande puissance mondiale. L’impact sur les
de Paul Reynaud, laissera finalement le champ libre à populations indigènes de l’Empire Français est égale-
Pétain, qui est nommé le soir même. ment important : le mythe de l’invincibilité du coloni-
sateur blanc est sérieusement écorné.
Nos voisins immédiats y voient une opportunité de
gains immédiats : tandis que l’Espagne opère son
coup de force sur Tanger, l’Italie réclame une part de
l’Empire français, mais aussi, et surtout, la flotte de
guerre. Sur le plan militaire, Mussolini va pouvoir re-
déployer très rapidement une bonne partie de ses
forces de la péninsule italienne vers la Libye dès l’ar-
mistice signé, et repositionner vers l’est une partie des
troupes faisant face à la Tunisie. Ceci lui sauvera très
certainement la mise face aux forces britanniques ba-
sées en Egypte et entraînera la très longue guerre du
désert, qui ne s’achèvera qu’en 1943.
Les Etats-Unis prennent peur immédiatement pour le
commerce transatlantique, avec les bases françaises
«...alors que l’armée continue à se battre...» ouvertes à la Marine allemande, voire une possible
mainmise de l’Axe sur la flotte de guerre française.
Ainsi, alors que l’armée continue de se battre farou- Malheureusement, le pouvoir légal se trouvant à Vichy,
chement4, que l’industrie de guerre poursuit sa mon- la France Libre va être dans un premier temps assez
tée en charge5 et sans que l’on assiste à des largement ignorée par Washington.
manifestations de la population autres que marginales
(une partie de la population est mobilisée, une autre
sur les routes), le haut commandement, civil comme
militaire, traverse début juin une période d’indécision,
perdant ces semaines qui auraient pu être mises à
profit. Seules l’Armée de l’Air et la Marine sont concer-
nées par les évacuations vers l’Afrique du Nord et la
Grande-Bretagne, tandis que débute un sabotage a
minima des ports6 et de certaines infrastructures.
Une partie du front français continue de reculer en bon
ordre, tandis que l’Armée des Alpes fait payer très
chèrement aux Italiens le « coup de poignard dans le
dos ».
Dans ces circonstances, l’appel de Pétain à cesser le
combat, lancé à la radio le 17 juin, scie véritablement
les pattes de l’Armée. Pourquoi se battre quand un tel
héros – qui, de plus, n’est pas, en apparence, com-
promis dans les décisions politiques et militaires qui
ont provoqué ce désastre – reconnaît la défaite et
l’inutilité de la lutte ? Pour les mêmes raisons, c’est à
partir de ce moment que, dans la population et le pou- «...l’appel de Pétain...scie les pattes de l’Armée...»
voir civil, commence à s’exprimer ouvertement le rejet
de la poursuite de la lutte : on demande aux soldats L’Union Soviétique, quant à elle, met tranquillement
d’aller se battre plus loin, on refuse que des ponts la main sur les pays baltes et des provinces fronta-
soient détruits… lières de la Roumanie. Néanmoins, elle se sait à pré-
sent en première ligne et va s’employer à amadouer
l’Allemagne de toutes les façons possibles, car elle
4: Les pertes journalières allemandes pendant la campagne de France sont parmi les plus élevées du conflit mondial ; elles seront d’ailleurs
d’une telle ampleur que le pouvoir militaire allemand ne les communiquera que de façon très progressive, les « étalant » sur plusieurs
mois après la fin de la bataille de France.
5: Sans oublier les livraisons en provenance des Etats-Unis qui se poursuivent, voire s’intensifient.
6: Pour les ports, ce sont d’ailleurs principalement les Britanniques qui sont à la manœuvre, car ils sont pleinement conscients que leur
tour viendra.
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
de toutes sortes fournies par la France vaincue10. Hit-
ler est convaincu que la Grande-Bretagne va elle aussi
jeter l’éponge en voyant que la France sort de la
guerre. Pour lui, la guerre à l’ouest est terminée. Il
peut alors compter sur quelques semaines de répit
pour reconstituer ses forces aériennes, récupérer les
équipages et pilotes prisonniers des français, avant de
lancer l’assaut aérien contre la Grande-Bretagne qu’il
espère être politiquement décisif.
Hitler refuse d’ailleurs à Mussolini la plupart de ses
exigences, car il craint que cela ne pousse les Français
à refuser l’armistice et continuer la guerre. Cette
crainte indique bien que, si l’avance allemande a été
spectaculaire, elle est fragile.
William Shirer va plus loin, et la citation suivante, pro-
venant d’un auteur qui a été un témoin direct des évé-
nements11 et qui a pu vérifier ses informations aux
meilleures sources12, est pour nous essentielle : « Fi-
nalement, Hitler laissa au gouvernement français une
zone non occupée au sud et au sud-est. C’était un tour
astucieux. Non seulement il divisait ainsi la France
géographiquement et administrativement, mais il ren-
cherche à gagner du temps, jusqu’en 1942 au mini- dait difficile, sinon impossible, la formation d’un gou-
mum, 1943 au mieux, avant de pouvoir prendre l’ini- vernement français en exil et empêchait des hommes
tiative. politiques de Bordeaux de transporter le siège du gou-
vernement en Afrique du Nord française – projet qui
À l’autre bout du monde, les prétentions du Siam sur fut près de réussir, ruiné au dernier moment non par
une partie du Cambodge, partie de l’Indochine fran- les Allemands, mais par les défaitistes français : Pé-
çaise, s’affirment7, tandis que le Japon peut envisager tain, Weygand, Laval et leurs partisans. »
de relancer son offensive en Chine et de s’attaquer
plus aisément aux possessions britanniques en Asie.
Même la Turquie, qui, coincée entre les ambitions al-
lemandes et soviétiques en Europe centrale, a signé
un traité d’assistance mutuelle avec la France et la
Grande-Bretagne en octobre 1939, s’empresse d’ou-
blier ses engagements, alors qu’elle envisageait une
action militaire conjointe avec les Alliés contre le Do-
décanèse italien à peine quelques semaines aupara-
vant.
De façon générale, l’impact dans les pays neutres où
la France jouissait d’une réelle influence avant guerre
(Brésil, Mexique, Roumanie, Yougoslavie…) est
énorme.
La mise hors jeu de la France apparaît donc un coup Sur le plan militaire, la logistique de l’armée alle-
majeur dans le gigantesque jeu de domino à l’échelle mande n’est pas en mesure de mener, dans l’immé-
planétaire entamé par le dépeçage de la Tchécoslova- diat, une offensive prolongée et les généraux le font
quie et poursuivi avec la conquête de la Pologne. savoir à Hitler. Le degré de motorisation de l’Armée
est relativement faible, même si les moyens ont été
Une aubaine inespérée pour concentrés dans les divisions blindées et motorisées.
l’Allemagne Après six semaines de combats très violents, avec des
lignes de communications très étendues et une usure
L’Armistice constitue un formidable avantage donné à considérable du matériel, la Wehrmacht a besoin d’une
l’Allemagne. Hitler parlera d’ailleurs avec raison de di- pause. Il en est de même de la Luftwaffe, dont le Bf-
vine surprise. Menacée d’asphyxie financière8 et à 109 a un rayon d’action relativement court. Celle-ci a
terme de grandes difficultés militaires9, l’Allemagne besoin de temps pour redéployer ses unités au sud,
voit d’un coup son horizon dégagé et elle peut espérer tout en se couvrant face à la Royal Air Force. Il est à
obtenir un armistice avec la Grande-Bretagne, pour noter que l’Armée de l’Air est en train de refaire son
ensuite se tourner vers l’URSS, grâce aux ressources apparition avec des avions modernes. Quant à la
7: Elles aboutiront à la guerre franco-thaïlandaise en 1941.
8: Le blocus économique ainsi que l’énorme disproportion des moyens financiers en faveur des Alliés permettent d’envisager un effondrement
des pays de l’Axe, Allemagne, Italie (mais aussi Japon) après une à deux années de guerre.
9 : Les plans alliés envisagent une supériorité numérique et matérielle permettant de passer à l’offensive dans le courant de l’année 1941.
10 : Outre les ressources agricoles et minières, la France va fournir un important parc de véhicules à l’armée allemande
11 : Journaliste accrédité à Berlin, Shirer était présent lors de l’armistice à Compiègne
12 : Shirer s’appuie aussi sur les mémoires laissés par les principaux acteurs (Halder, Ciano), mais aussi sur les interrogatoires de Jodl
et Keitel
34
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Kriegsmarine, après sa désastreuse campagne de C’est uniquement le désastre italien en Libye, qui se
Norvège, elle n’est pas en mesure de se confronter à concrétise en février 1941 (opération Compass), qui
la Royal Navy. Seuls quelques corsaires peuvent affec- pousse l’Allemagne à réagir, en Afrique comme dans
ter le trafic marchand, tandis que la flotte sous-marine les Balkans. À quelques semaines près, la guerre du
est seulement en train de monter en charge. L’opéra- désert, au cours de laquelle Rommel et Montgomery
tion Seelöwe, le projet de débarquement allemand en s’illustrèrent, n’aurait pas eu lieu, faute de champ de
Angleterre, ne fut jamais qu’un gigantesque bluff13 qui bataille.
aurait tourné au bain de sang pour l’Allemagne, quand
bien même elle aurait disposé d’une supériorité aé-
rienne14.
Les réflexions suivantes issues de notes des archives
militaires allemandes de Fribourg-en-Brisgau sont ré-
vélatrices :
Maréchal Halder, chef de la Wermacht en 1940 : « Un
débarquement allemand même avec le soutien italien
semblait peu probable compte tenu de nos pertes, et
de la menace principale des marines française et bri-
tannique. »
Maréchal Goering : « L’important pour nous était d’ob-
tenir la neutralisation de la flotte française. Si la «...c’est le désastre italien en Lybie qui pousse l’Alle-
France avait continué la lutte en AFN, nous n’aurions magne à réagir en Afrique...»
pu la menacer. »
Et la FTL dans tout ça ?
Maréchal Kesselring : « L’occupation de l’Afrique Fran-
çaise par les troupes germano-italiennes était impos- Deux autres ouvrages ont évoqué l’hypothèse de la
sible en 1940 et même après, compte tenu de la toute poursuite de la lutte à partir de l’Empire. Tous deux
puissance des marines franco-britanniques qui au- situent leur point de divergence au 16 juin.
raient déjoué un plan aussi stupide. »
Le récit d’André Costa (L’appel du 17 juin), précurseur
Maréchal Rommel : « Les flottes germano-italiennes dans son genre, reste très vague sur la question des
étaient totalement incapables d’assurer une victoire moyens et met en scène un duo Pétain – De Gaulle
totale sur les deux marines (franco-anglaises). Le dé- refusant les termes de l’armistice. Sans doute la ques-
faitisme de Pétain et de son gouvernement nous a tion de Pétain restait-elle sensible au moment de la
permis d’éviter une éventualité aussi dramatique pour parution de ce livre, en 1981. Il semble en fait que
nos armes. » Costa a écrit un véritable plaidoyer sur le fameux
«...l’important c’était d’obtenir la neutralisation de la mythe de l’épée et du bouclier.
flotte française...»
Jacques Belle, dans son second tome (Le 16 juin 1940,
non à l’armistice), se place lui sur la question des
moyens et des perspectives militaires, très largement
détaillés, en se contentant d’effleurer les aspects de
politique intérieure.
Notre uchronie se veut une étude combinée des évé-
nements politiques et militaires qui découlent de la dé-
cision de poursuivre la guerre en juin 1940.
L’histoire commence le 6 juin avec un épisode qui
pourrait passer pour anecdotique, à savoir la mort
dans un accident de voiture de la comtesse Hélène de
Un article du Général Albert Merglen, Docteur en His- Portes, maîtresse de Paul Reynaud15. Même si cette
toire, titré « La France pouvait continuer la guerre en manipulatrice ne gouvernait pas directement les déci-
Afrique du Nord », avec une copieuse bibliographie es- sions sur le Président du Conseil, elle appuyait les dé-
sentiellement allemande, donne un autre exemple : le faitistes de son entourage et nous estimons que
8 décembre 1940, Hitler a vent d’une rumeur sur une Reynaud aurait pu, sans elle, se trouver libéré d’un
supposée intention de Weygand, en Algérie, de rejoin- poids et d’une influence qui minaient probablement sa
dre les Anglais, qui combattent les Italiens en Libye. résolution. Car c’est bien Reynaud qui tient le sort de
Le 10, il signe la directive « Attila », plan d’invasion la France entre ces mains. Si Pétain et Weygand
de la zone libre. Mais aucun plan n’est même seule- contestent sa politique, ils ne peuvent pas s’y opposer
ment envisagé contre l’Afrique du Nord, alors qu’on
est en décembre 1940, que les Allemands sont repo- frontalement, car le Président du Conseil conserve des
sés, réarmés, que la Bataille d’Angleterre est passée, appuis politiques plus nombreux qu’on ne le croit et la
bref qu’il suffirait apparemment à la Wehrmacht de se confiance de Lebrun.
pencher pour en finir.
13 : Et une gesticulation coûteuse, car la réquisition d’un très grand nombre de navires et de péniches fluviales commença à perturber
l’économie, allant jusqu’à affecter le programme pourtant vital de construction des U-boots.
14 : Simulée en Grande-Bretagne dans les années 60 sous le contrôle de spécialistes, l’opération se traduit par un échec catastrophique pour
les forces allemandes.
15 : En cela, nous anticipons son destin historique de quelques semaines.
35
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
En réalité, la mise hors jeu de Weygand et Pétain sont
inévitables, au vu de la situation politique et militaire,
pour envisager de continuer la lutte.
Le vrai point de divergence se situe ainsi le 10 juin,
avec le renvoi de Weygand et son remplacement par
Huntziger16. Par la suite, Pétain, ayant perdu la tacite
complicité de Weygand, ne peut pas imposer son point
de vue devant une opposition à la détermination ren-
forcée. Son hostilité à la poursuite de la lutte ne peut
apparaître que comme une tentative désespérée de
prendre le pouvoir pour imposer ses vues.
Nous avons considéré qu’un point de divergence plus
tardif surviendrait à coup sûr trop tard. En effet, une «...elle est soutenue par l’Armée de l’air...»
des raisons est que le GA2 n’existe pratiquement plus
en tant qu’entité organisée à partir du 15 juin, alors faible. Il faudra, évidemment, se résoudre à attendre
que la route vers Lyon est grande ouverte et que le des jours meilleurs pour envisager une reconquête de
front de la Loire commence son repli, certes en bon la métropole.
ordre, mais inexorablement.
Historiquement, l’Armée Française d’Afrique a com-
mencé le combat contre les Italiens et les Allemands
après le débarquement allié au Maroc en novembre
1942, dans des conditions d’improvisation étonnantes
et qui ont fonctionné (sachant qu’aucune amélioration
– bien au contraire – des bases ou des stocks n’a été
effectuée sous Vichy et que les Italiens ont imposé un
strict suivi des conditions dictées par la Commission
d’Armistice). La situation en 1940, sans les prélève-
ments faits sur les stocks en Afrique du Nord en 1941
et début 1942, aurait été meilleure.
Les effectifs militaires présents en Afrique du Nord en
juin 1940 s’élèvent à 420 000 hommes, dotés d’envi-
ron trois mois de réserves stratégiques. En addition-
nant les hommes (pas loin de 900 000 personnes,
civils et militaires, Français comme alliés) et les ma-
«...la mise hors jeu de Weygand et Pétain sont tériels (environ 350 000 tonnes) que 6 à 7 semaines
inévitables...» de combats supplémentaires en métropole permettent
Dans notre uchronie, dans la mesure où le pouvoir po- d’évacuer (ce que nous avons appelé le Grand Démé-
litique a donné des directives claires, cohérentes, avec nagement), ainsi que les livraisons américaines, alors
une vision à court et moyen terme, l’Armée de Terre, que l’Empire français permet toujours de lever des
correctement dirigée, peut disposer encore, avant la troupes, on aboutit à des forces militaires considéra-
mi-juin, des moyens de reculer en bon ordre vers le bles. Combinées avec le transfert du pouvoir légal à
sud de la France. L’allongement des lignes de ravitail- Alger, elles sont de nature à rassurer l’allié britannique
lement allemandes (alors que les siennes se rappro- mais aussi, et surtout, à convaincre les Etats-Unis que
chent de ses propres dépôts méridionaux), mais aussi la France est toujours dans la course.
le terrain (succession de cours d’eau, Massif Central,
Il n’est évidemment pas question de se confronter
Jura, contreforts des Alpes), jouent en sa faveur.
dans l’immédiat à l’armée et l’aviation allemandes.
Elle est soutenue par l’Armée de l’Air qui peut, en pa- Ces dernières ne sont absolument pas en position de
rallèle, continuer son repli en Afrique du Nord où elle menacer l’Afrique du Nord à court et moyen terme, et
va se réorganiser pour affronter les Italiens. C’est les affirmations grotesques prédisant une arrivée des
d’ailleurs ce qu’elle fit historiquement : malgré une chars allemands à Gibraltar trois semaines après le 25
confusion certaine, les premières opérations offen- juin (et au Maroc dans la foulée) ne peuvent que dis-
sives en Méditerranée furent lancées dans les tous créditer leurs auteurs, d’hier et d’aujourd’hui.
derniers jours avant l’armistice. «...qui refait son apparition avec des
avions modernes...»
Concernant l’Afrique du Nord (et l’Empire de façon gé- Ici des Dewoitine D520 basés en Algérie
nérale), on lit souvent qu’un repli n’aurait finalement
retardé l’échéance que de quelques mois, faute de
ressources et d’infrastructures adéquates. C’est une
vision assez caricaturale, qui traduit en réalité l’opi-
nion d’un Etat-Major très exigeant. Au contraire, les
infrastructures, qui peuvent être améliorées, sont d’un
niveau satisfaisant pour installer une solide base d’en-
traînement et de défense, qui permet même à ce
stade une offensive limitée contre un adversaire très
36
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
En revanche, l’Italie de 1940 est un adversaire large- tifs : faciliter la défense de la Corse, contribuer à pro-
ment à la portée des Alliés franco-britanniques. L’évic- téger l’Afrique du Nord des attaques aériennes et enfin
tion de l’ennemi italien du continent africain est semer la panique en Italie dont la capitale est à portée
d’ailleurs une option qui fait partie depuis longtemps d’avion. Enfin, la capture du Dodécanèse italien, bel
des plans alliés. Avec un repli français en Afrique du et bien envisagée historiquement, est de nature à in-
Nord, cela devient de fait un impératif pour empêcher fluencer favorablement les voisins grec et turc, tout
toute menace italienne et allemande sur la Tunisie. en déstabilisant à nouveau l’Italie.
L’attaque de la Libye, très vulnérable, est donc une
Dans ces opérations, somme toute limitées, les Alliés
évidence.
(Britanniques, mais aussi Polonais et Belges) jouent
un rôle important, notamment la RAF et la Royal Navy.
La marge de manœuvre des forces italiennes, qui,
certes, ne manquent pas de courage, mais sont la-
mentablement mal préparées, apparaît très limitée.
En tout état de cause, l’Allemagne n’est absolument
pas en état de soutenir son allié italien en Méditerra-
née avant la toute fin de l’année 1940. Une Bataille de
France prolongée implique également une Bataille
d’Angleterre plus tardive et difficile pour la Luftwaffe.
Il faut d’ailleurs noter qu’une des premières exigences
d’Hitler lors de l’armistice fut la libération des quelques
centaines d’aviateurs allemands prisonniers des Fran-
çais. Ne pas récupérer ces hommes expérimentés au-
rait été un coup dur pour la Luftwaffe18.
«...concernant l’aviation, l’Italie est dépassée
en 1940...» - Chasseurs Fiat CR42
37
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Une offensive allemande en direction de Gibraltar et légitimité de ce dernier ne trompera personne, mais il
de l’Afrique du Nord via l’Espagne serait donc un véri- n’en reste pas moins que la propagande allemande
table chemin de croix, tandis qu’un débarquement pourra toujours clamer sa victoire. Quelques pays
italo-allemand en Tunisie – sans moyens adaptés à ce pourront y être sensibles : l’Union Soviétique – par né-
stade du conflit – serait condamné d’avance. cessité – et la Turquie – par opportunisme – sont des
exemples qui viennent à l’esprit.
En réalité, la mise hors jeu de la France, que ce soit
par un armistice ou bien par un repli en Afrique du
Nord, signe bel et bien pour Hitler la fin de la guerre à
l’ouest, du moins dans l’immédiat. Ce sont les difficul-
tés de l’Italie qui vont forcer l’Allemagne à s’intéresser
à nouveau aux Alliés, qui, non seulement doivent
continuer à exister militairement sans prendre de
risques démesurés, mais peuvent aussi espérer pous-
ser le maillon faible de l’Axe hors de la guerre. Hitler
n’a, en réalité, pas les moyens de traverser la Médi-
terranée ou la Manche, ou ne veut pas se les donner.
Conclusion
L’Armistice a été imposé à la France et au monde par
l’action de quelques hommes recherchant le pouvoir
«...la France devra mettre en oeuvre un plan de et ayant une certaine vision du pays et par la faiblesse
reconstruction de son armée...» de ceux qui auraient pu les contrer. Quand l’Histoire a
La France en exil va donc avoir un certain répit, qu’elle donné tort à ces opportunistes, tous les moyens ont
devra mettre à profit pour parfaire son installation mi- été bons pour affirmer que ce déshonneur était néces-
litaire, administrative, économique et politique en saire. Mais le pire est que, malgré le recul que nous
Afrique du Nord. Il lui faudra ensuite entamer un long offrent plus de 60 ans d’études et de révélations, cer-
plan de reconstruction de son armée. Celui-ci com- tains s’efforcent encore de justifier l’injustifiable !
prend une profonde réorganisation, l’assimilation des Bibliographie
leçons chèrement apprises et de nouvelles com-
mandes d’armement et de matériel, mais aussi de res- Jacques Belle, La défaite française, un désastre évita-
sources de toutes sortes, aux Etats-Unis, dans ble : Tome 2, le 16 juin 1940, non à l’armistice», Eco-
l’Empire britannique (Canada, Afrique du Sud), ainsi nomica, 2009
que chez les pays neutres (Amérique centrale et Amé-
Michel Catala, L’ambassade espagnole de Pétain (mars
rique du sud principalement). Il faut noter que les
1939-mai 1940), in: Vingtième Siècle. Revue d’his-
Etats-Unis disposent à cette époque d’une importante
toire, n°55, 1997
marge de progression de leur production industrielle.
Ce qui historiquement ralentit la montée en puissance Patrick Facon, L’Armée de l’Air dans la tourmente, La
industrielle américaine dans la seconde moitié de 1940 Bataille de France 1939 - 1940, Economica, 1997
par rapport aux prévisions initiales, c’est que la
Général Albert Merglen, La France pouvait continuer
Grande Bretagne se retrouve seule à payer, ce qui in-
la guerre en Afrique du Nord, Guerres mondiales et
quiète grandement les industriels, et que l’on manque
conflits contemporains, n°168, 1992
de navires pour transporter le matériel.
R. Elberton Smith, The Army and Economic Mobiliza-
L’évacuation du stock d’or français, mais aussi celui
tion, Center of Military History - US Army, Washington
des alliés belges19 et polonais est, bien entendu, un
DC, 1985
atout de taille pour continuer à bénéficier des livrai-
sons américaines, mais aussi en priver l’Allemagne et André Costa, L’appel du 17 juin, JC Lattes, 1980
le pouvoir fantoche mis en place en métropole. Cet
atout économique sera épuisé en 1941 et la loi prêt- Alan S. Milward War, Economy and Society 1939-
bail (Lend-Lease), passée par Roosevelt, arrivera alors 1945, University of California Press, Berkeley, 1979
à point nommé. G. A. Titterton, David Brown, The Royal Navy and the
Bien entendu, la perte de la métropole aura toujours Mediterranean, Vol.I: September 1939 - October 1940
un impact profond dans le reste du monde, d’autant (Naval Staff Histories)», Historical Section
que les Allemands vont s’empresser de mettre en W. Shirer, Le Troisième Reich – Des origines à la chute,
place un simulacre de gouvernement. L’absence de vol. 2, Stock, Paris, 1961
19 : Historiquement, l’or belge confié à la France sera livré par Laval aux Allemands.
38
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
I
l n’existe lors de la mobilisation qu’une seule unité
indochinoise, le 52ème BMIC1, cantonné à Carcas-
sonne depuis 19342. Son effectif d’alors est de 23
officiers, 25 sous-officiers et 872 hommes de troupe3.
Elle formera dès octobre 1939, la 52ème DBMIC. Le 52ème BMIC en 1939
39
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Wassigny avant de regagner Carcassonne ou l’unité Après l’armistice, 14 000 malheureux se retrouvèrent
sera dissoute le 31 mai. bloqués en France pour toute la durée de la guerre.
Mal nourris, surexploités, parfois victimes de brutali-
Plus tard, le lieutenant-colonel Barbe s’attribuera le
tés, quelques uns ayant contracté la tuberculose pul-
beau rôle dans cette affaire17, mais le colonel Lefranc
monaire ou osseuse, ils furent plus de 1 000 à mourir
de Pompignan, qui fut chef d’état-major de la 102ème
DIF, infirmera toutes ses déclarations.
Le 55ème bataillon de
mitrailleurs Indochinois
(55ème BMIC)
Formé le 5 juin 1940 à Carcassonne avec des rescapés
de la 52ème DBMC18, renforcé par des éléments venant
d’Indochine, il est sous le commandement du chef de
bataillon Reber et comprend 511 Indochinois, dont 2
officiers. Il est rattaché le 13 juin à la 237ème DLI et
stationne à Emanville et Ormes. Le 14, sa 1ère compa-
gnie de mitrailleurs19, isolée, résiste dans le bourg de Travailleurs indochinois repliés à Lattes en 1942
la Gauberge. Après deux jours de durs combats, il ne avant http://www.herault.fr/2011/03/09/immigres-de-travailleurs-
la libération du pays. indochinois-france-1939-1952-8993
reste plus que 19 européens et 40 indochinois de va-
lides sur les 174 hommes présents lors de la montée
en ligne. La compagnie sera citée à l’ordre du Corps
d’armée. Le 16 juin en soirée, le bataillon repousse
une nouvelle attaque ennemie au nord de la forêt de Les autres unités
Bons Moulins. Enfin, le 21 juin, il est à Nieuil-l’Espoir,
au sud-est de Poitiers, pour finir la guerre dans la ré- Des renforts venant d’Indochine serviront à former
gion de Cognac où l’armistice le surprend. d’autre-part le 9ème RACT, 16 groupes de DAT (101 à
116 et dont le 110ème s’illustrera à Beaune en ayant 18
Le 55ème BMIC est dissous le 8 août 1940 à Fréjus. morts), 20 compagnies auxiliaires de commis et ou-
vriers d’administration, des sections d’infirmiers colo-
niaux. Reste le cas particulier du « détachement de
Les travailleurs Indochinois renfort n°1 », soit 2 000 hommes, qui ne pourra at-
teindre la métropole et se retrouvera bloqué en Égypte
A la veille de la Seconde Guerre Mondiale, le Ministre du fait de l’entrée en guerre de l’Italie. Il rejoindra le
des colonies d’alors, Georges Mandel, avait prévu de Levant pour y former après l’armistice deux bataillons
faire venir jusqu’à 90 000 travailleurs indochinois. Ce de pionniers indochinois (1er et 2ème BPI).
ne seront finalement que 19 550 personnes qui furent
recrutées20, dont 19 27621 atteignirent Marseille, port En fin de compte, il y eut 13 769 Indochinois combat-
de débarquement. Le premier bateau quitta Haiphong tants, 3 151 furent tués, blessés ou disparus. Après la
le 12 octobre 1939, le dernier Saigon le 4 mai 1940, guerre, 41 tirailleurs seront décorés de la médaille des
atteignant Marseille le 6 juin. évadés.
17 : Résistance sur la Meuse, évacuation et regroupement des restes de la division, environ 1 200 hommes.
18 : 11 officiers et 159 hommes
19 : Capitaine Trancart.
20 : 6 900 au Tonkin, 10 850 en Annam, 1 800 en Cochinchine.
21 : Il y eut au cours de la traversée : 23 décès, 1 disparu, 29 déserteurs, 33 hospitalisations.
40
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
L
a carrière et la popularité d’Erwin Rommel vont blement est déjà compromis, car beaucoup d’unités
prendre un véritable essor au cours de la Cam- doivent rallier leurs positions de départ en traversant
pagne de France de mai-juin 1940. Il est vrai d’autres colonnes qui se massent sur la frontière
que, durant la campagne de Pologne, cet officier spé- belge.
cialiste des chasseurs de montagne était affecté à la
La 7ème Panzer-di-
sécurité rapprochée d’Adolf Hitler, poste certes au plus
vision doit partici-
près du pouvoir nazi, mais où il avait dû ronger son
per à la première
frein.
vague de l’offen-
A la suite de cette campagne, profitant de sa proximité sive allemande,
avec le Führer, Rommel réclame et obtient le 15 fé- suivant le Plan
vrier 1940 le commandement d’une des nouvelles di- « Fall Gelb »,
visions de Panzer, la 7ème, au grand dam de opération conçue
l’establishment militaire qui aurait préféré le voir placé sur un principe
à la tête d’une division de Gebirgsjägers, plus en rap- simple : une gi-
port avec ses états de services. gantesque feinte
va attirer le gros
Tout juste promu Generalmajor, Rommel n’a que
des forces Alliées
moins de trois mois pour découvrir et se familiariser
en Belgique, tan-
avec les Panzers. Il profite aussi de cette période pour
dis que les Pan-
imprégner toute sa division de ses idées sur l’offensive Rommel à la tête de la
7ème panzer - Mai 1940 zers vont
et de son dévouement au national-socialisme. Il im-
traverser les Ar-
pose ainsi le salut hitlérien et traîne dès lors la répu-
dennes, secteur réputé le plus difficile, et percer à
tation sulfureuse d’un parvenu sympathisant d’Hitler2,
Sedan, pour ensuite foncer vers la mer et encercler
qui engendre tensions et départs au sein d‘une unité
les forces habilement fixées dans les plaines belges.
nouvelle, issue de la transformation de la 2ème division
légère. La 7ème Panzer-division est organisée sur une Ce plan suppose une prise de risque maximale : pour
base allégée, avec un seul régiment de chars à trois surprendre les Alliés, 7 divisions de Panzers vont de-
bataillons au lieu de deux régiments à deux bataillons voir foncer à travers un massif montagneux boisé, sur
dans les autres divisions de Panzer. d’étroites routes, pour déboucher et percer sans délais
le front français établi sur la Meuse.
De plus, la majeure partie de ses chars est constituée
de Panzers tchèques, appelés type 383. Ce modèle est La division de Rommel fait partie du fer de lance de
1: Pour cet article, ont été utilisés, outre les archives Rommel Collection, du NARA RG T84F 0273, 0276, 0277, et les KTB du XV. Korps et de
la 7. Panzer-division, les ouvrages de Jean-Yves Mary, « le corridor des Panzers » tomes 1 & 2, HEIMDAL, Bayeux 2010
2: Voir Samuel W. Mitcham Jr,”Rommel’s lieutenants – the men who served the desert Fox”, France, 1940, Stackpole Military History,
Mechanicsburg 2007
3: Au lieu de Panzer III, qui forment l’ossature des régiments de chars en 1940
4: Voir Antoine Merlin, « le Panzer 38 (t), le char universel », in Trucks & Tanks Magazine n° 24, mars-avril 2011 p.56 ;
41
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
cette opération, puisqu’elle forme avec la 5. Panzer- multipliant son activité, parvient à rattraper son re-
division le XV. Corps motorisé du général Hermann tard, poussant constamment ses unités qui progres-
Hoth, engerbé au sein de la 4ème armée du général von sent en groupes de marche. Il repousse les 1ère et 4ème
Kluge. Son rôle est de protéger au nord la progression Divisions Légères de Cavalerie françaises, déployées
de la force principale de 5 divisions de Panzers du en couverture de la Meuse pour protéger le déploie-
Groupe blindé Kleist sur Sedan. ment des divisions d’infanterie.
Ce rôle de flanc-garde correspond à la fois à la meil- Il atteint le fleuve en fin d’après-midi le 12 mai, après
leur expérience de Rommel, celle de Caporetto en avoir bousculé et chassé les cavaliers français, avec
1917, et à son caractère autonome et individualiste. plus d’une journée d’avance sur le plan !
L’attaque de la 7. Panzer-division à 4h35 (5h35 heure Cela amène le général Hoth à mettre l’avant-garde de
allemande) le 10 mai 1940 commence donc mal, le
chaos étant complet dans son dispositif. Elle doit sui-
vre la route DG7, vers l’ouest, traversant le Luxem-
bourg au nord du royaume, pour aboutir et percer sur
la Meuse entre Namur et Dinant le 14 mai 1940.
Les jours suivants, Rommel reprend son avance et, en ...est détruit de justesse...»
5: Voir Frieser, « Le mythe de la guerre-éclair », Chapitre 4 -paragraphe IV « la progression dans les Ardennes : une quasi-catastrophe »,
éditions Belin, Paris 2003 pp.128-133
6 : Hugues Wenkins, 10 mai 1940, « Rommel ouvre le bal à l’Ouest », in Batailles & Blindés n°25, juin-juillet 2008, p. 26
7 : Voir le rapport « Angriff die Ourthe bis in die linie Westrand Marche, Ostarand Harsin, Brückenschlag bei Marcourt », NARA RG T84F
276-01226 à 01154
8 : Claude Paillat, « Le désastre de 1940 », tome 3 : la guerre-éclair, éditions Robert Laffont, Paris 1985, p.164
9 : la 5ème division d’infanterie motorisée au nord et de la 18ème division d’infanterie au sud
10 : Claude Paillat, opus cité, p. 191
42
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
C’est donc le 12 mai 1940, à 22h55, qu’un détache- Fort de ce succès, Rommel récupère pour son compte
ment temporairement sous les ordres de Rommel les portières13 de la 5.Panzer-division et fait passer au
passe en premier la Meuse, avec 36 heures d’avance plus tôt ses Panzers à l’ouest de la Meuse. Il ordonne
sur le plan ! de faire construire un pont à Dinant pour accélérer la
traversée des chars.
Rommel s’arrogera sans vergogne le mérite de cet ex-
ploit, alors que les unités en cause, certes à sa dispo- Les pertes ont été lourdes, avec 60 morts, dont 4 of-
sition sur le moment, ne sont pas de la 7. ficiers, 223 blessés et 6 disparus pour la seule journée
Panzer-division, mais de la 5ème. du 13 mai14, mais la 7. Panzer-division s’est distinguée
et tient les rives ouest de la Meuse.
Après une nuit aussi courte que les précédentes, à
3h15 du matin, les préparatifs de l’assaut sont lancés Il n’est pas inutile de signaler à cet instant que cette
sur deux points : à Dinant et au niveau du village de performance exceptionnelle, que constitue pour les Al-
Bouvignes. Il n’y aura pas de soutien aérien, la Luft- lemands la traversée des Ardennes et l’assaut au dé-
waffe donnant la priorité à Sedan, où attaque Gude- bouché du massif de vive force, n’aurait pas été
rian. possible sans l’emploi intensif d’un produit dopant à
base de méta-amphétamines, la Pervitine. Malgré des
effets secondaires nombreux et dangereux (hallucina-
tion, délires, effon-
drement nerveux,
risque d’accoutu-
mance...), il est
avéré que ce pro-
duit fut largement
diffusé au sein des
panzer-divisions à
cette période, par
exemple à la 1ère
division de Panzer
le 13 mai à
Sedan15. Les Alle-
Troupes d’assaut sur la Meuse mands firent tout
pour assurer leur
Les premières tentatives sont des échecs coûteux, les
victoire, à n’im-
mitrailleuses françaises surplombent la rivière et dé-
porte quel prix.
truisent systématiquement les canots. L’assaut est
suspendu à Dinant après de lourdes pertes, mais 7 ca- Cependant, malgré la Pervitine, l’épuisement engen-
nots de fusiliers parviennent à passer sur les berges à dre des erreurs, dont certaines auraient pu être dra-
Bouvignes, où les fusiliers survivants sont cloués au matiques, comme au matin du 14 lorsque Rommel
sol. A 6 heures, Rommel a déjà perdu 70% de ses ca- engage ses Panzers en urgence pour secourir un de
nots, et les chances de renforcer la fragile tête de pont ses subordonnés, le colonel von Bismarck qu’il croit en
sont compromises11. Etant présent au plus près de difficulté. Or, il s’agit d’une erreur de décodage d’un
l’action, il peut décider rapidement de changer de tac- message radio : Bismarck a annoncé qu’il était « ar-
tique. Il fait tirer au canon ses Panzers sur les maisons rivé » à Onhaye et le radio l’a traduit par « encer-
du hameau de Leffe, pour les incendier et créer un clé ».16
nuage de fumée protégeant des vues les passages de
Cette fausse alerte aurait pu avoir de graves consé-
la rivière, et sur la rive opposée où sont placées les
quences, car c’est à l’occasion de cette opération de
mitrailleuses françaises, les obligeant à se replier.
secours que Rommel fonce imprudemment sur une
Le village de Bouvignes est pris vers 9h, même si les batterie de canons antichars français camouflés en li-
Français s’accrochent aux débouchés et bloquent toute sière de bois. Son Panzer est détruit et il s’en tire avec
progression. Rommel passe alors la Meuse lui-même quelques égratignures au visage.
pour avoir une idée claire de la situation.
Le 14 mai au soir, la situation est solidement établie à
La brèche est faite dans le dispositif défensif ennemi, l’Ouest de la Meuse et Rommel exécute l’ordre qu’il
malgré les contre-attaques qui sont toutes repous- vient de recevoir du XV. Korps, qui tient en un mot :
sées12. « foncez ! ».17
11 : Voir NARA RG T84F, 0276-01239
12 : Voir sur la traversée, Hugues Wenkins & Yannis Kadari, « Rommel s’impose sur la Meuse » in BATAILLES & BLINDES n°14, mai-juin 2006,
pp.6-22
13 : Les portières sont les parties assemblées à l’avance qui, réunies, composent un pont flottant
14 : KTB 7. Pz.-Div.du 13.5 NARA RG T84F 0276-1246
15 : Frieser, opus cité, p.133
16 : Le mot « arrivé », (eingetroffen) a été transcrit « encerclé » (eingeschlossen)
17 : « En avant ! », cf KTB 7. Pz.-Div. du 14.5 NARA RG T84F 0276-1254
43
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
A partir du 15 mai, il s’engage donc dans l’exploita- sants ouvrages qui s’arrêtent plus à l’Est face au
tion, contournant sans hésitation les réserves rameu- Luxembourg et qui est faiblement tenu par une unité
tées par les Français pour colmater la brèche. C’est statique française22.
ainsi qu’il évite la 1ère Division Cuirassée de Réserve,
En milieu de journée, von Kluge, chef de la 4ème
dont les lourds chars B1bis, trop puissants pour ses
armée, visite Rommel et se montre mécontent des ré-
panzers, sont laissés aux bons soins de sa voisine, la
ticences de Hoth, chef du XV. Korps. Il ordonne de bor-
5ème division, qui devra les affronter de face au cours
der les fortifications, mais précise ensuite « pas de
de durs combats…
percée ».
Il convient de relever que la 5. Panzer-division mettra
La percée sera pourtant tentée dès 15h par les avant-
une journée à se dépêtrer des chars français. Si Rom-
gardes de la 7. Panzer-division, à Clayrfayts, c’est-à-
mel s’est alors conformé aux ordres reçus, en sollici-
dire pile à la jonction de deux bataillons du 84ème
tant la Luftwaffe et en laissant une partie de son
régiment d’infanterie de forteresse. Ce secteur, en
artillerie pour aider ses camarades de la 5ème, il n’ou-
sous-effectif, n’est battu par aucune artillerie lourde,
bliera pas de faire noter sur le journal de marche, avec
à l’exception d’un groupe de canons de 105 qui attend
sa mauvaise foi détestable, que, comme d’habitude,
ses obus, qu’il ne recevra jamais.23
« la 7. Pz.-Div. est seule devant et la 5. Pz.-Div. est
semée », alors que cette dernière affronte au même Au mépris des ordres, l’avance se poursuit, et une
moment les chars parmi les plus puissants du monde brèche est faite à la tombée de la nuit, l’artillerie fran-
en 1940 !18 çaise ayant cessé le feu, faute d’obus, dès 17h. Les
Allemands s’arrêtent alors, endormant la vigilance des
Français qui pensent avoir le temps d’engager des ré-
serves en cours de transfert.
44
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Dans la nuit, les Panzers tombent ensuite sur une po- Sa pénétration du dispositif français est si profonde,
sition d’artillerie endormie, ils foncent sans s’arrêter. qu’il atteint la ligne Sambre – Oise, qui est la nouvelle
Rommel ne se préoccupe pas de son isolement, ni de position sur laquelle l’ordre vient à peine d’être donné
son flanc, ni de ses arrières, misant tout sur la sur- de se replier aux unités françaises.
prise et la vitesse. C’est la ruée vers l’ouest, dans
La position de repli est ainsi déjà occupée par l’ennemi
l’obscurité complète, d’un petit détachement composé
avant même que toutes les unités françaises ne reçoi-
d’un bataillon de Panzer, d’un bataillon de motocy-
vent l’ordre de la rallier.
clistes et d’une batterie d’artillerie.
Avec le lever du soleil, Rommel réalise enfin sa situa-
Les Panzers sèment la panique parmi plusieurs unités
tion. Pourtant, il semble ne pas prendre conscience
d’artillerie en bivouac, canardant au passage les files
des dangers, puisqu’il prend alors la décision de laisser
de véhicules bien rangés au bord de la route. Vers 1h
ses unités sur place et de revenir seul sur ses pas pour
du matin, Rommel atteint Avesnes. Totalement enivré
rameuter le reste de sa division. N’importe quel officier
par ses succès et peut-être sous l’effet de la Pervitine,
sensé aurait ordonné un repli pour mettre à l’abri ses
il ne s’arrête pas !
chars.
45
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
reçus, alors que lui pensait qu’elle le suivait. Cette de ce fait d’arme et baptise la 7. Panzer-division la
scène devant de nombreux témoins laissera de telles « division fantôme ».
traces que cet officier de grande qualité demandera sa
Rommel sera le premier général de division à recevoir
mutation dès la fin de la campagne.
la Croix de chevalier de la croix de fer, pour ce coup
Il faut maintenant combler le vide entre ses Panzers de folie devenu coup de génie. 28
en hérisson sur une colline au Câteau et le reste de sa
Pourtant, ce fait d’arme est terni par l’exécution de
division toujours devant les casemates de Clayrfayts.
sang froid d’un officier français fait prisonnier, le colo-
Mis devant le fait accompli, le XV. Korps change ses
nel Savare, qui refusait de monter sur le Panzer de
plans et ordonne l’exploitation d’une percée dont les
Rommel pour servir de bouclier humain. D’autres of-
effets stratégiques vont être dramatiques pour les
ficiers du même régiment sont abattus dans l’après-
Français, déstabilisant tout un front qui vole en éclat,
midi du 17 à Maroilles. Ces crimes de guerre
dispersant 3 divisions fraîches en réserve.
caractérisés sont inexcusables.29
L’accélération du mouvement des panzers ordonnée le
On peut penser que, comme la colère du matin, ce
17 mai va précipiter le mouvement des autres forma-
crime commis l’après-midi est aussi à mettre sur le
tions allemandes et rendre possible la fermeture de la
compte de la méta-amphétamine, qu’il a dû prendre
poche de Dunkerque plus tôt.
pour tenir deux jours et une nuit sans dormir.
Au prix de faibles pertes, Rommel fait un butin im- La panique se répand dans les rangs de la 7. Panzer-
mense qu’il faudra plusieurs jours pour relever, dont division, mais Rommel réagit avec efficacité. Il met
plus de 10.000 prisonniers. La propagande s’empare immédiatement en place deux lignes d’artillerie afin
25 : Frieser, opus cité, p. 292-293
26 : Frieser, opus cité p. 294
27 : Yannis KADARI, Patton, Perrin, Paris 2011, p. 108
28 : Voir Frieser, opus cité, pp.287-295
29 : Voir le KTB 7. Pz. Div 17.5, NARA RG T84F 0276-001206
30 : Voir notamment André Coilliot, « Mai 1940, Un mois pas comme les autres – le film des évènements dans la région d’Arras », édité à
compte d’auteur, Beaurains les Arras, 1980, pp. 110-173 ;
46
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
de recueillir ses hommes en train de se débander. Il la poursuite finale, où elle foncera vers la Normandie
engage les canons antiaériens lourds de 88 en tir di- et la Bretagne, descendant ensuite la côte Atlantique
rect contre les tanks. Les Britanniques rebroussent vers l’Espagne au moment où l’Armistice est signé.
chemin, sans avoir réalisé qu’ils sont passés près d’un
La disproportion des forces ne laisse plus de doute
succès total.
quant à l’issue de cette campagne, l’armée française
Les pertes sont lourdes au sein de la 7ème division, qui de juin étant trop affaiblie pour arrêter la Wehrmacht.
sera la division de Panzer ayant eu le plus de pertes
Il faut signaler quelques faits notables durant cette pé-
au cours de cette campagne.
riode. D’une part, lors des combats livrés le 5 juin sur
la Somme, à Hangest sur Somme et Longpré, les sol-
dats de Rommel se heurtent à la défense acharnée de
troupes coloniales noires. La percée n’est réalisée que
le 7 juin 1940 et, tandis que Rommel fonce vers la
mer, ses hommes vont commettre des crimes de
guerre, les soldats noirs prisonniers étant exécutés à
Hangest sur Somme notamment. Si sa responsabilité
n’est pas engagée dans ces meurtres collectifs, il de-
meure difficile d’écarter celle des unités de la 7. Pan-
zer-division, car les témoignages concordant visent
des soldats portant l’uniforme noir des tankistes33.
De plus, au-delà de
la responsabilité du
« Les pertes sont lourdes à la 7.Pz » chef d’unité sur
tous les agisse-
Au-delà de la réaction tactique irréprochable de Rom-
ments commis par
mel, qui s’expose alors au feu pour remonter le moral
ses hommes, il faut
de ses soldats, il faut relever que c’est son imprudence
relever que la 7.
qui a été la cause directe d’une situation qui aurait pu
Panzer-division est
être bien mieux gérée, l’offensive franco-britannique
la première des di-
étant limitée et mal coordonnée.
visions de Panzer à
De plus, alors que la situation a été rétablie rapide- commettre de tels
ment, il envoie à 20h15 un rapport où il décrit l’at- crimes. On doit se
taque d’une centaine de chars ennemis et exagère la rappeler que Rom-
gravité de la menace, sûrement pour se faire valoir à mel a entrepris, dès
nouveau. Ses messages vont engendrer une réelle in- sa prise de com-
quiétude au sein de l’état-major allemand, qui craint mandement, d’en
déjà par dessus tout une réaction des Alliés. faire une unité na- Soldats des troupes coloniales
tionale-socialiste massacrés par les Allemands
Sous l’impulsion d’Hitler, les chefs allemands vont
modèle. Ce n’est
s’auto-convaincre que la progression ne pourra re-
donc pas un hasard si la propagande de Goebbels
prendre vers la mer qu’une fois la situation stabilisée
contre les troupes coloniales, qui se déchaîne dès la
à Arras. Les unités Alliées qui se replient vers Dun-
fin mai 1940, a un impact aussi rapide sur cette divi-
kerque vont ainsi bénéficier d’un premier répit, avant
sion. Bien d’autres soldats français d’Afrique y suc-
qu’Hitler n’arrête ses Panzers le 24 mai. Par son égo-
comberont malheureusement ensuite…
centrisme exacerbé, Rommel doit assumer une part
de responsabilité dans ce que l’on va appeler le « mi- C’est le 10 juin à 14h15 entre Veulettes et les Petites
racle de Dunkerque ».31 Dalles, que Rommel atteint la mer, se livrant alors à
une séquence de propagande devant les photographes
A cette époque, s’il est devenu un bon général de di-
de Goebbels qui l’accompagnent en nombre depuis
vision, il démontre son incapacité à insérer son action
son coup d’éclat d’Avesnes.
dans un cadre stratégique plus vaste, préférant jouer
cavalier seul et ne ratant aucune occasion de se faire Il faut signaler un nouveau crime de guerre commis à
valoir, y compris en dénigrant injustement les unités ce moment-là, lorsqu’un motocycliste du bataillon de
voisines. reconnaissance de la 7ème division de Panzer est cap-
turé aux Petites Dalles le 10 juin au matin par un vieux
La suite de la campagne de la 7ème division est assez
garde champêtre, et quelque peu molesté avant d’être
simple : elle participe aux durs combats de percée de
relâché. Il va revenir peu après avec des renforts qui
la ligne reconstituée par le général Weygand32 puis à
vont rafler 4 civils et les exécuter froidement.
31 : Frieser, opus cité, p. 311
32 : Voir notamment Gilles Ragache, « La fin de la campagne de France – les combats oubliés des Armées du Centre, 15 juin – 25 juin 1940 »,
éditions Economica, Paris 2010
33 : Julien Fargettas, « les massacres de mai-juin 1940 dans La Campagne de 1940 », sous la direction de Christine Levisse-Touzé, Tallandier,
Paris 2001, pp. 454-455
47
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Les Allemands refuseront même que les corps soient chevalier avant de retirer sa demande quelques jours
enterrés dans une sépulture décente, avant de céder plus tard, par susceptibilité.
sous la pression de la population choquée.34
Outre les pertes importantes subies par son unité, il
Alors que ce nouveau crime est commis, Rommel or- faut aussi relever que la 7. Panzer-division a le triste
donne l’attaque sur le secteur entre St Valery sur Caux privilège d’être l’une des unités de l’armée régulière
et Veules les roses, où il capture plusieurs divisions, la plus impliquée dans des crimes de guerre, qu’il
dont la 51st Highlander, une division écossaise qui at- s’agisse d’exécutions de civils comme aux Petites
tend son rembarquement. C’est tout un corps d’ar- Dalles le 10 juin, que de participation aux massacres
mée35 qu’il fait prisonnier, avec 12000 hommes dont de tirailleurs africains prisonniers, lors de la percée de
8000 britanniques, au cours d’une opération large- la Ligne Weygand, ou lors des rafles dans les fau-
ment couverte par la propagande. bourgs de Rouen en flammes.
Nous verrons qu’il travaillera encore dans le désert En tout de cause, et malgré ce bilan contrasté, Rom-
cette tactique offensive adaptée aux grandes forma- mel fait partie avec Manstein et Guderian des trois
tions blindées, qu’il appellera en 1942 la « Flächen- principaux artisans de l’effondrement français de mai
marsch ». 1940. En cela, il mérite, en dépit de ses défauts, le
titre de meilleur général de division de Panzer, au
Le bilan de cette campagne est contrasté. Sa percée
grand dam de tous ses détracteurs. Il est, d’ailleurs,
vers l’ouest au mépris des ordres a été décisive pour
le premier à être décoré de la Croix de chevalier et le
le succès remporté à Dunkerque, même si son com-
seul divisionnaire invité par Hitler à sa grande confé-
portement égocentrique a aussi pesé sur l’enchaîne-
rence du 2 juin, au milieu de généraux de corps d’ar-
ment de décision qui va déboucher sur la survie de
mées.
l’armée britannique.
Enfin, le choix d’Hitler de le nommer à la tête de Pan-
Sa division a réalisé les plus profondes avancées et a
zers est totalement légitimé a posteriori. D’ailleurs,
capturé de nombreux prisonniers. Toutefois, la 7ème
l’examen attentif de la carrière de Rommel, de ses
Panzer-division est aussi celle qui a subi le plus de
qualités et de ses aptitudes militaires montrent que ce
pertes de toutes les unités de panzer, au point qu’elle
choix n’était pas si illogique et que les résultats obte-
doit être renforcée en juin par une brigade de cavale-
nus ne sont pas surprenants.
rie. Rommel est loin d’avoir fait l’unanimité parmi ses
subordonnés, qui seront nombreux à être mutés ou
déplacés, souvent à leur demande. D’ailleurs, son ca-
ractère difficile et ombrageux est la principale cause
de tensions nombreuses, y compris avec des officiers
fidèles au nouveau régime, comme le Lieutenant
Hanke, dignitaire nazi, qu’il va proposer à la Croix de
34 : Merci à Xavier Tracol, de la rédaction de la revue Histoires de guerre pour m’avoir signalé ce fait, exposé dans un ouvrage édité par
l’Association départementale de la Résistance de Seine-Maritime, Hommages aux fusillés et aux massacrés en Seine Maritime, 1940-1944,
1992, Saint-Etienne du Rouvray
35 : Le 9ème Corps avec des éléments des 2ème et 5ème divisions légères, et la 30ème division d’infanterie alpine
36 : Frieser, opus cité, p. 342
48
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
été utilisées dans la défense aérienne, en prévention servés à ce titre dans les compagnies sanitaires divi-
d’une attaque de pays voisins ou en protection de la sionnaires. Un chirurgien-dentiste est ainsi en charge
population civile en cas d’agression. d’une division de 18000 hommes.
La première ambulance dentaire installée dans une re- Un service sanitaire médico-dentaire3 spécifique est
morque de poids lourds en 1926 est présentée officiel- mis en place dès 1933 pour les « Hitlerjugend » (Jeu-
lement à Nuremberg lors du congrès du parti nazi de nesses Hitlériennes) ». En 1938, ce sont 800 chirur-
1935. giens-dentistes qui suivent les 7 millions de jeunes
Jusque-là, l’assistance et la thérapeutique dentaires déjà rassemblés.
avaient été trop peu prises en compte sur le plan sa-
nitaire. C’est en cette même année 1935 que la classe
médico-dentaire réclame la mise en place à grande
Organisation de ce service
échelle d’infrastructures de chirurgie maxillo-faciale après la déclaration de la
pour un éventuel conflit. Jusqu’au début de la Seconde
Guerre Mondiale, le système des soins délivrés par le
guerre
service dentaire mis en place par la « Reichswehr Le 1er septembre 1939, les Allemands pénètrent en
(Armée du Reich) » reste, lui, inchangé. Pologne4. La Seconde Guerre Mondiale commence.
En 1933, le Reichszahnärzteführer a ordonné la créa- A cette date, sur 1600 soldats, 73,13% ont besoin de
tion d’une « Akademie für Zahnärztliche Fortbildung soins dentaires : le besoin en soins5 est bien réel !
(Académie pour la formation continue des chirurgiens-
dentistes)». Elle va permettre le contrôle de la profes- dans la Luftwaffe (Armée de l’air):
sion, la mise en place de l’idéologie nazie au sein de Dès le 8 novembre 1939, des chirurgiens-dentistes
ce métier et la maîtrise du contenu de la formation, sont employés comme officiers de santé du service
ce qui facilite l’endoctrinement. Les chirurgiens-den- dentaire de la Luftwaffe.
tistes ont l’obligation d’assister aux enseignements de Pour assurer des soins dentaires suffisants aux soldats
cet organisme. De 1933 à 1939, Emil Kiefer va diriger de l’armée de l’air6 pendant la guerre, des postes pour
cette académie avant d’être remplacé le 1er janvier des officiers sanitaires affiliés au service dentaire sont
1939 par Georg Axhausen. Ce dernier est un chirur- créés dans le corps sanitaire de l’armée de l’air. Ces
gien maxillo-facial ayant l’expérience de la Première postes doivent être occupés par des dentistes autori-
Guerre Mondiale. Il a pour tâche d’adapter la forma- sés. Les unités de troupes en reçoivent également.
tion aux exigences pratiques de la guerre en prépara- Chaque région aérienne a environ 100 postes de den-
tion. tistes de troupes à pourvoir.
Les unités sanitaires et les hôpitaux militaires reçoi-
vent des dentistes de section. Des unités dentaires
motorisées peuvent être mises en place en cas de be-
soin.
Les garnisons particulièrement étendues ont des
Prof. Dr. med. postes ambulatoires avec 5 ou 6 dentistes et 25 à 30
dent. h. c. Georg mécaniciens dentaires. Les coûts pour une ambulance
Axhausen, à centrale de cette sorte s’élèvent mensuellement à un
Berlin en 1942 quart de million de Reichsmarks.
Environ 1/5 de tous les officiers sanitaires sont des of-
ficiers dentaires, soit environ 1 500. Les sections sa-
Cf. Schulz Claus-Dieter, nitaires de remplacement disposent de groupes prêts
Die Militärzahnmedizin in
Deutschland, Bonn, 1993, à intervenir pour le service dentaire.
Beta Verlag, Deutsche
Gesellschaft für Wehrme-
dizin und Wehrpharmazie dans la Kriegsmarine (Marine de guerre) :
e.V., p. 187. Pendant la Première Guerre Mondiale, des dentistes
appelés ou volontaires au grade de matelots sont em-
ployés comme aides pour le maniement des pièces
d’artillerie, sur des bateaux en postes avancés ou
comme personnel assistant maritime. A cette époque,
en dépit de leurs grades inférieurs et en accord avec
L’organisation ayant pour buts principaux d’influencer leurs supérieurs, des dentistes ont soigné les dents de
et de contrôler les chirurgiens-dentistes, en encadrant membres d’unités dans des conditions souvent primi-
leur activité, elle participe à la préparation du pays à tives. Les chefs de ces unités ont ainsi pris conscience
la guerre. que le suivi dentaire des troupes au front est indispen-
L’Etat n’a pas cédé aux revendications de la classe sable. Un soldat qui a besoin de soins peut être amené
professionnelle qui réclame un service médico-den- à s’absenter durant une demi-journée à une journée
taire. L’aménagement de lieux de soins et la rémuné- entière, selon l’éloignement des postes de soins, alors
ration des dentistes, qui réclament un rang d’officier que s’il est soigné au sein de l’unité même, il est de
comme les médecins, sont trop coûteux. En cas de nouveau disponible au bout d’une demi-heure. Il pa-
guerre, des chirurgiens-dentistes seront engagés et rait clair que des soins rapides et corrects augmentent
prendront le titre de « fonctionnaire de haut rang ». la disponibilité et la force de combat de la troupe !
Sans réelle affectation, ils occuperont 1 à 2 postes ré- Si la marine allemande est démantelée à la suite de la
50
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
défaite de 1918, le 18 juin 1935 un pacte anglo-alle- besitzen, können unmittelbar in den Beurlaubtenstand
mand7 est signé qui autorise sa recréation. der Marinezahnärzte überführt werden. Sie erhalten
En 1940, la Marine8 va enrôler à son tour des prati- den irhem bisherigen Rang entsprechenden Dienst-
ciens et mettre aussi en place un service de réserve : grad.
- D - Uniform und Rang.
Kriegsmarineverordnungblatt Nr.12/1940 Die Marinezahnärzte d.R. haben den Rang wie ein Ka-
vom 1.April 1940 pitänleutnant, die Marineoberzahnärzt
§ 1 : Es wird eine Laufbahn der Marinezahnärzte d.B. d.R. den wie ein Korvettenkapitän9.
gebildet. Sie tragen die Uniform der Wehrmachtsbeamten d.B.
II. Besondere Bestimmungen über die Marinezahn- des entsprechenden Ranges mit den in den Beklei-
ärzte d.B. dungs- und Anzugsbestimmungen festgelegten Lauf-
- A - Ergänzung. bahnabzeichen.
Die Marinezahnärzte ergänzen sich aus den in §5 Abs.
1b und §6 bezeichneten Wehrpflichtigen d.B., die (TRADUCTION) :
zahnärztliche Bestallung besitzen. Ordonnance de la Marine de guerre
- B - Ausbildung (der Wehrmachtsbeamtenanwärter Nr.12/1940 du 1er Avril 1940
d.B.) §1: est créée une carrière de dentiste de la Marine.
Die Marinezahnärzte d.B. haben eine Ausbildungszeit II. Dispositions particulières concernant les dentistes
von 8 Wochen abzuleisten. Die Ernennung zum Wehr- de la Marine.
machtsbeamtenanwärter d.B. erfolgt bei Feststellung - A - Complément.
entsprechender Eignung nach Ablauf von 4 wochen Les dentistes de la Marine se recrutent à partir des as-
Ausbildungszeit durch die Chefs der Marinestationen. treints au service militaire conformément au §5, 1b et
- C - Ernennung zum Wehrmachtsbeamten d.B. und §6, et avec une appellation dentaire.
Beförderungen. - B - Formation (des aspirants au poste de fonction-
Die Wehrmachtsbeamtenanwärter d.B. werden nach naire de la Wehrmacht).
erfolgreicher Ableistung der vorgeschriebenen Übun- Les dentistes de la marine doivent suivre une forma-
gen zu Marinezahnärzten d.R. ernannt. Sie können zu tion de 8 semaines. La nomination au grade d’aspirant
Marineoberzahnärzten d.R. befördert werden. au poste de fonctionnaire de la Wehrmacht10 se fait
Geeignete ehemalige Offiziere und Wehrmachtsbe- au bout de 4 semaines de formation par le chef des
amte im Offiziersrang, die die Bestallung als Zahnarzt stations de marine sur la base de la constatation des
connaissances requises.
- C - Nomination au poste de fonctionnaire de la Wehr-
macht et avancement.
Les aspirants au poste de fonctionnaire de la Wehr-
macht sont nommés dentistes de la Marine après avoir
accompli avec succès les exercices demandés. Ils peu-
vent être avancés au rang de dentiste en chef de la
Marine. Des anciens officiers aptes et des fonction-
naires de la Wehrmacht ayant le rang d’officiers, qui
possèdent la nomination dentaire, peuvent immédia-
tement être mis en disponibilité comme dentistes de
la Marine. Ils obtiennent alors le grade qui correspond
à leur ancien rang.
- D - Uniforme et rang.
Les dentistes de la Marine ont le rang de lieutenant de
vaisseau, les dentistes en chef, celui de capitaine de
corvette.
Ils portent l’uniforme des fonctionnaires de la Wehr-
macht correspondant au rang qui est le leur avec les
insignes particuliers à leur carrière, comme il est
prévu dans les ordonnances sur les vêtements et les
costumes.) »
Les dentistes de la Marine11 sont subordonnés à l’offi-
cier en chef du service sanitaire de leur spécialité et,
Dentiste de la Wehrmacht au niveau des troupes, à l’officier commandant de gar-
posant devant le local qui
présente une plaque nison. L’expert dentaire doit diriger l’emploi du per-
« Zahnstation (Cabinet sonnel et surveiller l’utilisation du matériel dentaire.
dentaire) » - Local vu de Pour les affaires relevant du domaine strictement
l’intérieur. technique, il est conseillé par un dentiste. Ces experts
Cf. Konieczny Bruno, collection
sont des officiers dentaires avec le grade de médecin
privée, Calais, 2003.
en chef de la Marine.
7: Cf. Thiébaut Patrick, La diplomatie hitlérienne (1ère partie), in Seconde Guerre Mondiale, janvier/février 2003, n°6, p. 16 à 23.
8: Cf. Cagerodcev Guenadij Ivanovic & Thom Achim, 1989, p. 325.5 : Cf. Cagerodcev Guenadij Ivanovic & Thom Achim, 1989, p. 325.
9: Cf. Fischer Hubert, 1985, Band 3, p. 1978 et 1979.
10 : Cf. Fischer Hubert, 1985, Band 3, p. 1978 et 1979.
11 : En avril 1940, tous les soldats qui sont dentistes de métier, doivent se faire enregistrer et sont retirés des unités peu après, afin d’accomplir
la première partie de la formation. Une fois la période de formation terminée, ils ont le grade de dentistes assistants de marine et sont
placés sous la direction de l’expert dentaire du service sanitaire.
51
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
dans la Wehrmacht (Armée de Terre):
Au début de la guerre, le nombre de praticiens est to-
talement insuffisant et l’instrumentation tellement
désuète et obsolète que la Wehrmacht12 organise la
récupération des caisses d’instruments utilisés lors de
cursus universitaires.
En 1940, l’« Arbeitsgemeinschaft für Paradentosefor-
schung (Groupe d’étude pour la recherche sur la pa-
rodontologie) » cherche à mettre à profit la guerre
pour améliorer et développer les connaissances dans
le domaine parodontal. « Wir wollen unseren beschei- Chirurgien-dentiste allemand qui prépare une
denen Teil dazu beitragen, aus den Schrecknissen des couronne.
Krieges auch für unser Gebiet Positives herauszuholen Cf. Konieczny Bruno, collection privée, Calais, 2003.
und nicht nur als Soldaten, sondern auch als Zahn-
ärzte überall unseren Mann zu stehen. (Nous voulons Bibliographie
apporter notre modeste contribution, afin de tirer des Boyle David, La Seconde Guerre Mondiale – L’Histoire
horreurs de la guerre également, quelque chose de en images, Gründ (éd.), Paris, 1999.
positif dans notre domaine et de faire nos preuves, Buchner Alex, The German Army Medical Corps in
non seulement en tant que soldats, mais aussi en tant WWII, Schiffer Publishing, Atglen, U.S.A., 1999.
que chirurgiens-dentistes.) » Bundesarchiv Berlin, Berlin, Allemagne, 2003.
En ce début de la Guerre, le Dr Stück13 en appelle aux Cagerodcev Guenadij Ivanovic & Thom Achim, Medizin
chirurgiens-dentistes et à leur foi dans le nazisme. unterm Hakenkreuz, VEB Verlag und Gesunheit, Alle-
« Keiner ist unter uns, der nicht in unerschütterlicher magne, 1989.
Treue und blindem Gehorsam in dieser Stunde dem Charita Joseph, collection privée, Oostduinkerke, Bel-
Führer folgen wollte, komme was da wolle!... Wo der gique, 2004.
deutsche Zahnärzte auch stehen mag, ... überall wird De Lannoy François, Une récompense d’exception, les
er sein Letztes hergeben, um dem Führer den Sieg er- brillants de la croix de chevalier de la Croix de fer, in
kämpfen zu helfen. Opfer und Entbehrungen mancher 39/45 Magazine, n°211, Bayeux, avril 2004.
Art werden unausbleiblich sein. Sie werden als selbst- Fack Geoffroy, La reddition inconditionnelle, la pire
verständlich zu erfüllende Pflicht ertragen werden. faute de toute la guerre ?, in Seconde Guerre Mondiale
(Il n’y a personne parmi nous qui ne soit prêt à suivre 1939 – 1945, n°9, Puteaux, juillet/août 2003.
le Führer avec une confiance inébranlable et une Fischer Hubert, Der deutsche Sanitätsdienst 1921 –
obéissance aveugle, peu importe ce qui arrive !... Peu 1945, Biblio Verlag, Osnabrück, 1985, Band 3.
importe où se trouve le dentiste allemand… Partout, il Fischer Hubert, Der deutsche Sanitätsdienst 1921 –
fera tout afin d’aider le Führer à remporter la victoire. 1945, Biblio Verlag, Osnabrück, 1985, Band 4.
Des sacrifices et des privations de toutes sortes seront Fraschka Günter, L’honneur n’a pas de frontières,
inévitables. Ils seront naturellement acceptés comme France Empire (éd.), Paris.
un devoir à accomplir.) » Haussermann Ekkhard, Der Weg in die Gleichschal-
6000 chirurgiens-dentistes sont incorporés aussitôt ! tung, in Zahnärztliche Mitteilungen, Deutsche Zahn-
Cet engouement massif pour la guerre pose le pro- ärzte 1933 bis 1945, Köln, 1996 und 1997.
blème des soins à la population civile. Priorité est don- Haussermann Ekkhard, NS-Zeit – ein Kapitel der Ver-
née aux soldats. Tellement que le Dr. Stück14 dira: drängung, in Zahnärztliche Mitteilungen, Deutsche
« Der Einberufene an der Front muâ die Überzeugung Zahnärzte 1933 bis 1945, Köln, 1996 und 1997.
haben, daâ für seine Angehörigen in ausreichender Konieczny Bruno, collection privée, Calais, France,
und gerechter Weise gesorgt ist. (L’appelé au front 2003 – 2004.
doit avoir la conviction que l’on s’occupera justement Riaud Xavier, Les dentistes allemands sous le IIIème
et suffisamment des siens.) » Reich, L’Harmattan (éd.), Collection Allemagne d’hier
Il ne s’agit toutefois pas là de charité, mais plus de et d’aujourd’hui, Paris, 2005 (à paraître).
maintenir le moral des combattants ! Schulz Claus-Dieter, Die Militärzahnmedizin in
Deutschland, Bonn, 1993, Beta Verlag, Deutsche Ge-
« Un chirurgien-dentiste et son assistant en
train de soigner un soldat de la Wehrmacht en
sellschaft für Wehrmedizin und Wehrpharmazie e.V.
uniforme, qui a conservé ses lunettes. » Staatsarchiv Hamburg, dossier de dénazification du Dr
Cf. Konieczny Bruno, collection privée, Calais, 2003. Mauss du 1er janvier 1946, Hamburg, Allemagne,
2005.
Thiébaut Patrick, La diplomatie hitlérienne (1ère par-
tie), in Seconde Guerre Mondiale, janvier/février
2003, n°6, p. 16 à 23.
52
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Pour ce numéro regroupant des articles par « paires service de santé, a aussitôt accordé son soutien, ce
opposées », nous n’avons trouvé personne de compé- qui a conduit à l’ouverture de la première EPOR. Cette
tent pour contredire le Docteur Xavier Riaud. Nous lui école de perfectionnement a offert ses premiers ser-
avons donc demandé de nous présenter lui-même vices lors de cours mensuels à l’hôpital militaire Ville-
deux facettes d’un même sujet. Après les dentistes al- min en octobre 1926. L’exemple donné par Paris s’est
lemands, voici les dentistes français. étendu à partir de 1931 et chaque région militaire a
pu jouir de sa propre EPOR. De plus, intégrer cette
Daniel Laurent
école a vite compté pour l’avancement en grade (Ko-
Bref historique… nieczny, 1992).
Finalement, toutes ces amicales régionales se sont re-
Le 1er décembre 1892, la loi Brouardel est votée qui groupées en une Fédération nationale des chirurgiens-
donne un statut au chirurgien-dentiste. Dès lors, ne dentistes de réserve, en 1933, présidée alors par
peuvent exercer que les personnes ayant suivi des Pierre Budin. Cette institution s’est consacrée vive-
études appropriées qui sont délivrées au sein des Fa- ment à l’amélioration du statut du dentiste. La DCSSA
cultés de médecine (Morgenstern, 2009). C’est donc a organisé la formation des chirurgiens-dentistes afin
une profession balbutiante qui s’engage dans la guerre de les préparer à toutes sortes de fonctions : anesthé-
en 1939. siste, aide-chirurgien, radiologue, secouriste, etc…
Le 26 février 1916, un service dentaire est créé dans C’est le cas de Pierre Henry qui est mobilisé en 1940
l’infanterie de l’armée française pour la seule durée de et intègre l’équipe chirurgicale de l’hôpital d’Ancemont
la guerre. Celui de la Marine voit le jour le 1er mars de où il officie en tant qu’anesthésiste. Pendant la guerre,
la même année. Au lendemain de la Grande Guerre, démobilisé, il exercera à Rennes (Jamin, 2011).
seule la Marine, ne disposant pas de structure d’ac-
Cabinet dentaire de l’ouvrage Maginot du
cueil satisfaisante, décide de dissoudre son service Four à chaux, dans les Vosges
dentaire. En 1934, un service dentaire de réserve y
est remis en place. Lieutenant en 1918, les dentistes
peuvent y devenir capitaine avec la loi du 19 décem-
bre 1934 (Riaud, 2009). Quelques mois plus tard, le
même grade est attribué aux dentistes de l’armée de
terre.
53
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Les dentistes d’active Dans le but de garder une trace écrite, une fiche sché-
matique est établie pour chaque soldat et un journal
Le Service de santé des armées, comprenant le ser- est tenu quotidiennement par le chef de service du ca-
vice de chirurgie dentaire, a remodelé son organisa- binet dentaire. Y sont inscrites toutes les consultations
tion suite aux bilans effectués à la fin de la Première et interventions réalisées.
Guerre Mondiale. Il est décidé de mettre en place des
structures médicales plus mobiles pouvant suivre un
régiment ou une division, plus adaptées aux nouveaux
schémas des guerres dites « de mouvement ». Ainsi,
des groupes chirurgicaux mobiles, des hôpitaux avan-
cés, des hôpitaux médicaux d’évacuation et divers ser-
vices de santé font leur apparition. Dans chacune de
ces structures, une, voire plusieurs places, pour un
dentiste a (ont) été pourvue(s).
La Loi du 1er avril 1923 prévoit ainsi, dans l’article 39,
que les étudiants en dentaire doivent accomplir leur
service militaire dans le Service de santé comme in-
firmier s’ils n’ont pas fini leur cursus dentaire, ou en
tant que chirurgien-dentiste de 2ème classe s’ils sont
diplômés (Jamin, 2011).
La mobilisation
La Seconde Guerre mondiale éclate le 3 septembre
1939. S’ensuit une mobilisation générale en France.
Les chirurgiens-dentistes de réserve sont affectés, Cabinet dentaire de l’ouvrage Maginot du
pour la plupart en tant que lieutenant, dans différentes Hackenberg, en Moselle
zones stratégiques. Leur ventilation s’est faite soit Des remises en état de la cavité buccale sont systé-
dans les formations sanitaires divisionnaires, soit dans matiquement effectuées avant toute opération mili-
les ambulances chirurgicales, mais également dans les taire, avec un détartrage préliminaire obligatoire,
régiments de l’avant. Leur travail en ce début de première démarche d’hygiène. Des extractions sont
conflit concerne peu le domaine dentaire. Ils servent faites en grand nombre. Toute attribution d’un appareil
comme assistants pour des soins médicaux, souvent prothétique doit faire l’objet au préalable d’une de-
spécialisés. Seuls quelques-uns exercent dans des ca- mande auprès du directeur du Service de Santé de la
binets dentaires de garnison ou d’hôpitaux. En effet, région, par l’intermédiaire du stomatologiste principal,
le Service de santé, avec la mobilisation, a créé un ca- pour autorisation. Les extractions devant être faites
binet dentaire dans chaque chef-lieu de secteur et avant la réalisation d’un éventuel appareil ne le sont
dans les garnisons les plus importantes. En première qu’une fois l’avis favorable délivré au chef de service
ligne, ils interviennent dans les postes de secours pour du cabinet dentaire. Un mois et demi après, l’appareil
soigner les blessés. Au niveau divisionnaire, ils colla- peut être conçu. Si, au contraire, un refus motivé re-
borent avec des médecins et chirurgiens au sein des vient, seules, les extractions sont faites (Konieczny,
groupes chirurgicaux mobiles ou avancés. Enfin, à l’ar- 1992).
rière, ils sont employés par les centres spécialisés en
chirurgie maxillo-faciale ou dans les services de radio- Dans chaque cabinet dentaire, le personnel est com-
logie. Les interventions immédiates et les premiers posé d’un chef de service, qui est souvent un médecin
soins aux blessés sont prioritaires et demandent beau- stomatologiste ou un chirurgien-dentiste militaire, et
coup d’efforts. D’autant plus qu’aux militaires s’ajou- de chirurgiens-dentistes militaires pour l’assister selon
tent les blessés civils, victimes des bombardements les besoins décidés par le stomatologiste principal de
(Benmansour (a) et (b), 2002). la région. Ce chef de service est sous la direction du
médecin-chef de la formation à laquelle il est rattaché,
Pour ceux ayant pu suivre l’enseignement délivré dans telle que le corps de troupe, l’infirmerie régimentaire,
les EPOR, les nouvelles affectations des chirurgiens- l’hôpital militaire, etc…, tout en demeurant sous les
dentistes se font plus aisément dans les services chi- ordres du stomatologiste principal (Jamin, 2011).
rurgicaux (Konieczny, 1992).
En 1940, la formation continue est assurée par des re-
Les soins délivrés vues comme l’Odontologie qui ne cesse sa parution
qu’en juin/juillet 1944 et mars/avril 1945. En 1942,
Soigner les pathologies bucco-dentaires des hommes faute de publicité pour la promouvoir et à cause de la
de troupe afin de les soulager et qu’ils redeviennent guerre, les publications s’espacent et s’amincissent au
très vite opérationnels est un objectif primordial. Un point de ne plus avoir de couverture (Benmansour (a)
homme qui souffre se bat mal et constitue une me- et (b), 2002).
nace pour ses camarades. De plus, une mauvaise den-
tition ne permet pas une bonne mastication, ce qui
peut engendrer des maladies plus générales. Voir les
militaires au sein même des troupes a permis égale-
ment de délivrer des notions d’hygiène bucco-den-
taire.
54
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Le service de stomatologie matologie régionaux. De même, les édentés simples
ne sont pas admis dans ces centres de chirurgie et de
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, après l’Armistice stomatologie. Il existe pour ces blessés des centres
signé à Rethondes le 22 juin 1940, de nombreux chi- d’édentés où ils peuvent être appareillés. Chaque
rurgiens-dentistes démobilisés sont rappelés pour soi- centre est bien spécialisé. Le tout est de bien orienter,
gner les blessés de la face. La chirurgie maxillo-faciale rapidement, les blessés.
prend alors une place importante dans les soins mé-
2/ Une région dispose d’un service de stomatologie,
dicaux et devient une spécialité à part entière, profi-
plusieurs si elle est très étendue. Un unique centre de
tant des nouvelles techniques et des nouveaux
prothèse dentaire pour édentés travaille à la confec-
matériaux apparus sur le marché. A côté des organi-
tion des appareils dentaires de tous les patients venus
sations secondaires qu’ont été les cabinets dentaires
dans les cabinets dentaires des garnisons de la région.
de garnison, qui ont fonctionné dans les chefs-lieux de
Ces services de stomatologie et de prothèse dentaire
secteur et dans les garnisons les plus importantes, il
régionaux comportent 50 à 100 lits, pour 10 000 à 20
a existé des services de stomatologie. Ils ont été mis
000 lits pour tout le milieu médical. Les affections
en place dès le début de la guerre.
odonto-stomatologiques trop importantes pour être
Il y a ainsi deux articulations différentes concernant traitées dans les cabinets dentaires, les affections den-
ces structures à l’arrière : taires, les fractures simples des maxillaires et leur ap-
pareillage et les extractions dites chirurgicales y sont
1/ les services techniques inter-régionaux opérées. L’appareillage prothétique simple des éden-
tés y est effectué. La direction de ces centres régio-
2/ les services techniques régionaux
naux est assurée par un stomatologiste principal de la
1/ Le centre inter-régional de chirurgie et de prothèse région. Il doit surveiller le centre de stomatologie et
maxillo-faciale est indépendant du service régional, de prothèse dentaire, ainsi que les cabinets dentaires.
mais demeure sous les ordres du directeur du Service Son effectif est :
de Santé de la région dont il dépend. Un chirurgien,
un technicien en prothèse dentaire capable de faire un
chef de service, est à sa tête et dispose comme adjoint
appareil par jour, soit 30 appareils par mois ;
d’un médecin stomatologiste qui, lui, est chef du ser-
vice de prothèse maxillo-faciale. Ces deux profession- un dentiste militaire capable de fournir du travail à 4
nels ont une équipe composée des spécialistes qui leur ou 5 techniciens.
sont nécessaires pour la chirurgie et la prothèse : sto-
matologistes, chirurgiens-dentistes et techniciens en Un officier s’occupe de la gestion du matériel compre-
prothèse dentaire (Benmansour (a) et (b), 2002). nant l’entretien et les demandes. Il tient également un
registre sur ce qui a été posé « en bouche », avec la
Dans ces centres inter-régionaux sont traités princi- description de l’appareil. Cela permet par la suite de
palement les délabrements osseux des maxillaires, de justifier des dépenses engagées. Enfin, le directeur de
la face et du cou, grâce à cette formation mixte chi- la région peut ainsi suivre l’activité du centre d’éden-
rurgicale et stomatologique. Au contraire, les fractures tés grâce à un compte-rendu mensuel (Konieczny,
plus simples des maxillaires, c’est-à-dire sans perte 1992 & Bourguignon, 2004).
de substance, sont soignées dans les centres de sto-
55
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Depuis l’instruction sur l’aptitude au service militaire
du 7 décembre 1938 pour les troupes métropolitaines,
suivant un calcul donnant le coefficient de mastication
du militaire, en cas de déficience de l’état général at-
tribuable à l’insuffisance de la denture, l’appareillage
est rendu possible, mais seulement lorsque son coef-
ficient de mastication est inférieur à 25%. Ainsi, tout
homme, même complètement édenté, mais muni d’un
appareil de prothèse complet, a pu être gardé dans le
service actif. (Konieczny, 1992).
Dans la phase maxillo-faciale d’urgence, le blessé doit
être conduit à un centre maxillo-facial entre 2 et 10
jours après la blessure. Plus le traitement débute ra-
pidement, plus les chances de succès sont impor-
tantes. La phase réparatrice, quant à elle, nécessite
souvent des plasties cutanées (= greffes). L’immobili-
sation des bords osseux fracturés est indispensable
pour leur réussite. La période moyenne de consolida-
tion primaire des greffes est de 2 mois environ, mais
c’est vers le 4ème mois que les greffes reprennent une
apparence d’os normal (Konieczny, 1992). Alain Maheu (1899-1980) de retour de déportation
(Maheu, 2003).
Le 11 novembre 1942, l’armée allemande envahit la
zone libre, partie sud de la France. Le mois suivant,
l’armée d’armistice est dissoute. Dès lors, le Service Références bibliographiques
de Santé de l’armée française est supprimé. Le soutien Benmansour Alain (a), « Histoire du statut des chirur-
médical sera confié pour toute la durée du conflit aux giens-dentistes militaires français », in Le Chirurgien-
Britanniques et, surtout, aux Américains (Jamin, Dentiste de France, n°1063/64, 2002, pp. 34-39.
2011). Nombre de dentistes démobilisés en 1940 vont
entrer en Résistance, leurs cabinets dentaires servant Benmansour Alain (b), « Histoire du statut des chirur-
de plaques tournantes pour l’échange d’informations. giens-dentistes militaires français », in Le Chirurgien-
Beaucoup d’entre eux sont morts fusillés par la Ges- Dentiste de France, n°1065, 2002, pp. 52-56.
tapo, comme Pierre Audigé. D’autres seront déportés,
Bourguignon Patrick, La place du chirurgien-dentiste
ceux qui en reviennent fort diminués, à l’exemple de
au sein des forces armées hier et aujourd’hui : rôle de
René Maheu. Quelques uns se sont engagés dans les
la réserve et du réserviste, Thèse Doct. Chir. Dent.,
Forces Françaises Libres comme Maurice Prochasson.
Paris V, 2004.
Converse J., Péri M. & Roche G. K. T., Blessés maxillo-
faciaux : observations faites au centre au cours des
campagnes 1942-1943. Centre de chirurgie répara-
trice et maxillo-faciale d’Afrique. Rapport au congrès
interallié Alger, tomes I et II, 21 février 1944.
Famille Audigé, communication personnelle, Nantes,
2005.
Jamin Sophie, Le chirurgien-dentiste français pendant
la Seconde Guerre mondiale, Thèse Doct. Chir. Dent.,
Rennes, 2011.
Konieczny Bruno, Le chirurgien-dentiste dans le Ser-
vice de Santé des Armées françaises durant les
guerres modernes, Thèse Doct. Chir. Dent., Nantes,
1992.
Maheu Alain, communication personnelle, Saint Malo,
2003.
Morgenstern Henri, Les dentistes français au XIXème
siècle, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à tra-
vers les siècles, Paris, 2009.
Musée de l’Ordre de la Libération, communication per-
sonnelle, Paris, 2011.
Riaud Xavier, Première Guerre mondiale et stomato-
logie, des praticiens d’exception, L’Harmattan (éd.),
Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2009.
Maurice Prochasson
(Musée de l’Ordre de la Libération, 2011) Riaud Xavier, collection personnelle, Saint Herblain,
2012.
56
D
ERNIERE GUERRE
MONDIALE
57
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
C
’est avec un grand plaisir que je vous invite à
découvrir un site original et fort captivant,
http://1940lafrancecontinue.org ainsi que
les livres qui en sont issus. Mais laissons d’abord les
intéressés se présenter eux-mêmes.
Daniel Laurent
58
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Il s’agit certes d’une uchronie, mais sa
vraisemblance est telle que j’y vois une
belle démonstration de combien fut né-
faste l’armistice de juin 1940.
Une petite réserve cependant : Les li-
vres ne sont pas destinés à un public de
débutants. Il convient en effet d’avoir
de bonnes bases pour ce qui concerne
l’histoire de la dernière guerre mondiale
pour pouvoir suivre avec profit.
N’étant pas doué du pouvoir de tout sa-
voir et tout dire, je vous livre en com-
plément un commentaire de François
Delpla issu de son site
www.delpla.org :
L’éditeur avait souhaité -lit-on sur le
site http://www.1940lafrancecon
tinue.org/ - un second tome plus poli-
tique et moins militaire, et il a été en-
tendu, sans que les auteurs aient,
semble-t-il, à se faire violence.
Dans le tome 1, ils avaient fait assaut
de réalisme et de précisions chiffrées
pour combattre le préjugé que la France
n’avait plus, dans la deuxième quin-
zaine de juin 1940, aucun moyen de
continuer la guerre ou aucune chance
d’évacuer outre-mer suffisamment
d’hommes et de biens, vu la rapidité de
l’avance allemande. A présent qu’ils ont
gagné, et par leur démonstration, et par
la conquête d’un large public, le droit de
faire vivre une «France libre» en Afrique
du Nord, tandis que Laval essaye, à la
tête d’un gouvernement autoproclamé,
de maîtriser la métropole occupée et de
la mettre au service des Allemands, un
meilleur équilibre s’installe entre ba-
tailles imaginaires et recompositions po-
litiques.
Une autre évolution est digne de re-
marque : alors que le tome 1 avait vu
l’invention de personnages fictifs, on ne trouve plus ici
utilisent (8 pages de bibliographie dans le second que des personnes réelles, aux destins modifiés de
livre !) montre qu’ils collent le plus possible, sinon à manière intéressante et souvent amusante par le fait
la réalité, du moins à ce qu’elle aurait pu être si la que la France n’a pas signé d’armistice. Témoin Marc
France ne s’était pas couchée en juin 1940. Bloch qui, n’ayant pas été fusillé en 1944, succède à
Lucien Febvre à la tête des Annales lors de sa vraie
Quelques pages de lecture montrent clairement qu’ils
mort en 1956 (on se tient le plus près possible de l’his-
sont absolument compétents à la fois pour ce qui
toire réelle) et décède chargé d’ans en 1964, non sans
concerne le matériel militaire disponible à l’époque
avoir écrit en 1947, en lieu et place de L’Etrange dé-
que pour les mentalités des responsables français.
faite, L’Etrange victoire : car le livre s’articule aussi
Votre serviteur pense connaitre un peu le Général autour de l’idée que si la France a vigoureusement
Charles de Gaulle qui est, chez eux, Ministre de la Dé- réagi elle était vraiment passée près de l’abîme de
fense du gouvernement Reynaud qui se replie à Alger l’armistice et de la collaboration, d’où, par exemple,
et les citations qu’ils en donnent semblent directement la fin poussive de la carrière du presque capitulard
issues de ses « Mémoires de Guerre ». Bon sang, les- Paul Reynaud, dont les auteurs semblent bien prépa-
quelles, les siennes ou les leurs ? Je suis parfois tenté rer le remplacement par de Gaulle avant la fin de la
d’aller vérifier dans un « vrai » livre d’histoire en avan- guerre. Ou encore le général Huntziger, ministre de
çant dans ma lecture. Vichy dans l’histoire réelle et tué dans un accident
d’avion au mont Aigoual le 5 novembre 1941, a dans
L’habile alternance de paragraphes militaires et poli- cette uchronie «racheté» son piètre comportement de
tiques, surtout dans le second livre, permet de main- mai 1940 en dirigeant brillamment le repli sur l’AFN
tenir l’intérêt du lecteur. (ou Grand Déménagement) en juin, mais ses respon-
sabilités dans le désastre restent lourdes et il y gagne
59
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
d’être tué à la même date par la chute de son avion DL : Vous parlez déjà sur votre forum du Tome 3.
en Afrique ! Sera-t-il le dernier ?
Les responsables ont eu l’amabilité de bien vouloir ré- FTL : Nous espérons qu’il y aura un tome 3 – mais il
pondre à nos questions : est évident qu’il n’existera que si les ventes du tome
2 sont satisfaisantes. Quoi qu’il en soit, ce sera le der-
Daniel Laurent : La France ne s’est pas encore re-
nier. Ce qui n’empêchera pas les travaux de se pour-
mise de Vichy et les polémiques au sujet de Pétain
suivre sur notre site.
perdurent tant chez nos politiques que dans les cir-
cuits historiques. Pensez-vous que vos travaux offrent, DL : A quelle date avez-vous situé la fin de votre
en fait, une sorte de « vengeance » à toutes ces frus- uchronie ? J’imagine qu’il s’agit du 25 août 1944
trations teintées de honte ? lorsque de Gaulle arrive à Paris ?
Fantasque Time Line : L’étude attentive du FTL : Non. D’une part, nous envisageons que la
contexte politique, militaire et économique rend au- guerre dans le Pacifique ne s’achève qu’avec quelques
jourd’hui incompréhensible l’armistice, dans la mesure mois d’avance sur l’Histoire. Mais d’autre part, la vé-
où rien ne prédestinait la France à cette voie qui conti- ritable fin de notre uchronie est une réflexion sur les
nue de marquer durablement l’inconscient collectif de perspectives qui s’ouvrent pour la résolution des
nos concitoyens, tout comme la réputation du pays sur grands problèmes de l’après-guerre : la décolonisation
le plan international. Il semble que seule une poignée et la guerre froide notamment. On ne peut donc don-
de décideurs politiques et militaires a choisi ce funeste ner de date précise.
destin, volontairement ou par indécision, car rien
n’empêchait a priori un repli organisé en Afrique du
Nord. L’histoire est écrite par les vainqueurs, dit-on
Fiche Technique
souvent. Il a trop souvent été affirmé que la France
était prédestinée à perdre, à partir du moment où elle Tome 1 : Jacques Sapir, Frank Stora, Loïc Mahé 1940.
entrait en guerre avec l’Allemagne. Notre uchronie ne Et si la France avait continué la guerre…, Tallandier,
conduit pas à un bouleversement tel qu’aurait pu re- 20/05/2010.
présenter un coup d’arrêt des panzers au sortir des
Ardennes (parfaitement envisageable), qui aurait dé- Broché 15 × 22 cm, 587 pages
bouché sur un monde radicalement différent. Elle ISBN 978-2-84734-707-4
contribue à montrer, comme de nombreux ouvrages
récents l’ont fait, que le soldat français s’est bien
Tome 2 : Jacques Sapir, Frank Stora, Loïc Mahé, 1941-
battu, que son matériel n’était pas obsolète et que la
campagne de France n’a pas été pour l’Allemagne la 1942 / Et si la France avait continué la guerre..., Tal-
promenade de santé décrite par la propagande du landier, 29 /04/ 2012.
Reich (voire anglo-saxonne !). Broché, 22 x 15 cm, 720 pages
DL : La masse de travail que représentent votre site ISBN 2847347747
et vos livres est impressionnante. Etes-vous des per-
manents de FTL ? Ou avez-vous des activités profes-
sionnelles aussi ?
FTL : Des permanents de FTL ? Nous aimerions bien,
certains jours en tout cas ! Heureusement, nous avons
la chance de bénéficier d’une aide considérable de nos
amis qu’il faut citer ici, comme ils le sont sur les pages
de garde des deux livres : Laurent Arenales del
Campo, Alexandre Bertrand, Benoit Gérard, Jean-Marc
Mendel, Jean Schreiber, Jean-Philippe Such, Alain Ven-
turini et Patrick Voisin. D’autres interviennent en dif-
férentes occasions spécifiques.
Mais tout le monde a un métier dans la « vraie vie ».
Jacques Sapir est directeur d’études à l’EHESS, spé-
cialiste de l’économie russe. Frank Stora est médecin
(ce qui ne l’empêche pas de tenir une rubrique sur les
wargames dans « Science et Vie – Guerres et
Histoire »). Loïc Mahé est ingénieur en informatique
(après un doctorat en chimie théorique).
DL : J’ignore tout de vos statistiques de fréquentation
du site et des chiffres de vente de vos livres. Au-delà
du cercle relativement restreint des passionnés de
l’histoire de la dernière guerre mondiale, touchez-vous
un autre public ? Si oui, lequel ?
FTL : Au moment de la sortie du tome 2, le tome 1
s’était vendu à 7000 exemplaires environ. Le site re-
çoit à peu près le même nombre de visiteurs chaque
mois, dont une part importante concerne en fait le
forum.
60
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
M
onsieur Paul Carquin, bien connu et estimé à faut évacuer la ville, ceux d’entre vous qui veulent
Brest pour ses actions pendant la guerre et partir peuvent le faire ». Vingt-deux hommes choisis-
son dévouement auprès d’associations liées sent de rester, dont son fils Paul. Outre l’action des
au souvenir, a bien voulu me recevoir et me donner bombes, les Allemands aussi incendient pour camou-
son témoignage sur l’époque vécue à Brest en 1939- fler leurs pillages.
1945, comme pompier volontaire et membre de la Dé- « … et parfois rallumaient après notre passage »,
fense Passive. ajoute Paul Carquin.
Il a relaté, entre autres, son intervention lors de l’ex-
plosion de l’abri Sadi-Carnot, dans la nuit du 8 au 9 La ville est quasiment anéantie tant par les bombar-
septembre 1944, où 373 Brestois dont 40 enfants ont dements incessants que par les destructions et incen-
trouvé une mort atroce. dies allumés par les Allemands, pris par la rage de
Je ne peux mieux faire que de retranscrire ici les do- détruire tout ce qui reste encore debout, avec les ins-
cuments et comptes-rendus d’époque qu’il a bien tallations portuaires. La population a été évacuée dans
voulu me confier. sa grande majorité. Il restera un millier de personnes
Germaine Stéphan environ.
1: « LeO » pour Lioré et Olivier, le 257bis est un hydravion bombardier torpilleur, biplan bimoteur entoilé, dernier avatar désuet d’une longue
série réalisée pour la Marine.
61
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
que des habitants ayant refusé l’évacuation. Tous ces A 02h40 il revient à l’arsenal complètement trauma-
gens refusent de partir, malgré les ordres donnés. Ils tisé, portant des blessures à la figure, aux mains ainsi
n’ont pas voulu abandonner leur ville à l’ennemi, lais- qu’au ventre, déclarant que l’abri est en feu après une
ser leurs biens acquis au prix de longs efforts, bien forte explosion. Ne pouvant avoir des renseignements
que chassés de leurs maisons par les bombes, les in- plus précis vu son affolement, et après consultation
cendies ou par les soldats allemands… des commandants des marins-pompiers et des pom-
Ils sont surtout restés par devoir. piers civils, il est décidé que deux pompiers seraient
envoyés en reconnaissance, accompagnés par deux
La ville comptait plusieurs abris souterrains à destina- soldats allemands (interdiction nous étant faite de cir-
tion des habitants, certains autres étant réservés au culer entre 22 heures et 07 heures !).»
Allemands, mais le plus important, situé en plein cen-
tre ville, était l’abri Sadi-Carnot. Extraits du témoignage du sapeur Paul Carquin :
« A 02h55, je pars avec le sapeur Pondaven accom-
Il était occupé par moitié par des personnels de l’Or- pagnés par deux soldats allemands, sous une violente
ganisation Todt2 et des militaires. Des caisses de mu- canonnade. Notre escortes semble pris de peur et
nitions et des explosifs étaient entreposés dans le nous avons beaucoup de mal à lui faire quitter l’abri.
secteur qui leur était réservé, ainsi qu’un groupe élec- Nous descendons la rue qui n’est plus qu’un tas de
trogène. Ce secteur ouvrait sur la Porte Tourville, si- ruines et après plusieurs plat-ventre nous arrivons à
tuée face à l’arsenal. proximité de l’abri près de la Porte Tourville. Une
L’autre moitié de l’abri avait été réservée pour les longue flamme sort par intermittence à chaque explo-
Brestois, le long boyau se terminant par 154 marches sion (exactement comme un tir de canon) et va
et des grilles en fer avant de déboucher à l’air libre sur presque lécher le mur de l’arsenal à une vingtaine de
la place. mètres. Des objets divers et des corps humains pro-
Une porte blindée séparait les deux secteurs. La lon- jetés hors de l’abri par les explosions ainsi que deux
gueur totale de l’abri était de 560 mètres. véhicules stationnés là brûlent à quelques mètres de
l’entrée. Il nous est impossible d’approcher tant la
Monsieur Eusen et la plus grande partie des personnes chaleur est intense et, jugeant qu’il n‘y a rien de pos-
énumérées plus haut s’y trouvaient lorsque, dans la sible à tenter, nous faisons demi-tour et faisons com-
nuit du 8 au 9 septembre 1944, vers 02h30, l’abri prendre à nos deux allemands qu’il faut diriger notre
Sadi-Carnot explosait, tuant 373 personnes et laissant reconnaissance vers l’autre entrée, place Carnot.
40 survivants. Toujours sous les bombardements nous remontons la
rue Pasteur. Nos accompagnateurs veulent «mainte-
Extraits du témoignage du lieutenant Charles Carquin, nant rentrer à l’abri. Les intercalant entre nous deux
recueilli par son fils : « Le soir du 8 septembre 1944, nous continuons notre progression vers la rue Suffren.
le sapeur Rolland André obtient l’autorisation de se Arrivés à proximité de l’abri Suffren-Wilson entière-
rendre à son immeuble pour voir s’il existe encore et ment occupé par la troupe, nous nous précipitons pour
y prendre du linge. Puis, il doit rejoindre ses cama- nous mettre à l’abri car les tirs d’obus s’intensifient.
rades de garde à l’abri Sadi-Carnot. Nous sommes stoppés par une sentinelle qui veut
2: Organisme de génie civil et militaire Nazi, responsable par exemple, de la construction du « Mur de l’Atlantique »
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
nous interdire d’entrer. Nos deux gardes s’expliquent casser la croûte, gâteaux secs arrosés de rhum et
et parlementent. Après quelques palabres, ces der- apéritif. Le sous-officier me demande d’aller chercher
niers ne veulent plus nous suivre et nous remontons, du renfort français et un bidon de 50 litres d’essence
Pondaven et moi, la rue Suffren. En route des mem- pour la moto-pompe. Je rentre à l’arsenal et après
bres de l’A.D.P. nous apprennent qu’une quarantaine avoir remis mon rapport, il est décidé d’envoyer un
de personnes seulement sont sorties de l’abri et se détachement mixte de marins-pompiers et de sapeurs
sont réfugiées dans des caves voisines, certaines très civils.
peu vêtues. D’autres, complètement désorientées, er-
rent dans les rues du quartier. Faisant partie, sur ma demande, de ce détachement
sous les ordres de deux officiers, Ollivier et Carquin
Nous parvenons devant l’abri. Une énorme flamme (mon père), en tout 14 hommes, nous rejoignons
d’une trentaine de mètres sort de l’orifice comme d’un l’abri Sadi-Carnot côté Tourville. Nous pataugeons
immense chalumeau. La chaleur est intense et nous dans un liquide sanguinolent et la masse des corps de-
jugeons impossible toute intervention. Nous retour- vient plus importante à mesure de la progression.
nons sur nos pas et à l’abri Suffren-Wilson nous récu- Nous sommes trempés de sueur, suffoqués par la cha-
pérons nos deux convoyeurs qui, cette fois, ne se font leur intense et la fumée, et surtout par l’horrible odeur
pas prier pour prendre le chemin du retour. Je rends de chair brûlée, mélangée à celle des matelas, cou-
compte de la reconnaissance au lieutenant-comman- vertures, et de tout ce qui brûle…
dant. Il est à ce moment 05h10. Nous sommes assourdis par le bruit du terrifiant ron-
flement des flammes. Nous devons nous relayer sou-
vent et plusieurs hommes, tant Allemands que
Français, subissent des commencements d’asphyxie
et doivent être renvoyés à l’air libre. Nous sommes
déprimés par cette vision d’enfer.
Partout des faces grimaçantes et des corps rétrécis. Entrée de l’abri Sadi Carnot après la Libération
Je ferme les yeux devant cette vision d’enfer. Un pom-
pier allemand lâche sa lance et s’enfuit. Je ramasse la Puis, nous arrivons au bas des 154 marches où les
lance et avance vers le feu en essayant de surmonter corps sont agglutinés jusqu’en haut, écrasés contre
mon effroi. Vers 11h30 nous sommes arrivés à peu les grilles qui, s’ouvrant dans le sens inverse de la nor-
près à la séparation entre la troupe et la population male, se sont refermées sous la poussée humaine,
(voir plan). A ce moment, une forte explosion se pro- condamnant ainsi irrémédiablement toute sortie vers
duit derrière nous. Un épais nuage de fumée et de la vie. Ce système de fermeture inhabituel s’explique
poussières s’avance vers nous. La peur nous prend. par le fait que le danger, en principe, devait venir de
Certains soldats mettent leur masque, je me jette sur l’extérieur, et non de l’intérieur comme dans le cas
le sol en entourant mon visage d’une serviette que je présent. L’eau que nous projetons devant nous nous
porte en permanence autour du cou. Le nuage passe, revient bouillante, nous brûlant les pieds à travers les
on a été quitte pour une grande frayeur. Nous repre- bottes. Nous sommes obligés de marcher sur les ca-
nons notre avance. A 12 heures le sous-officier nous davres pour pouvoir continuer. Enfin nous atteignons
demande d’arrêter et, laissant le matériel, nous reve- l’air libre et nous sortons en hâte, ayant terminé cette
nons vers le projecteur. Les Allemands se mettent à effrayante besogne et nous rentrons à l’arsenal. »
63
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
A peine rentré, le lieutenant Carquin tombe comme
une masse, atteint d’un commencement d’asphyxie et Un lieu de mémoire...
doit avoir recours à un major allemand. Trois marins-
pompiers moins gravement atteints, sont soignés par
les infirmiers de la Marine. L’abri Sadi Carnot est emblématique de la destruction
d’une ville et des souffrances endurées par les
Le matin, un Allemand de l’Organisation Todt qui de- populations civiles du fait de la guerre. Ceci nous
meurait dans l’abri, venu pour voir s’il pourrait récu- porte à réfléchir à la précarité d’une paix qui reste à
pérer quelques affaires, me dit qu’il y avait eu une construire.
violente altercation entre les soldats et ceux de l’Or-
ganisation, et qu’au cours de la bousculade le feu avait Son ouverture, lors des 40ème et 50ème anniversaires
pris dans l’essence. Trois bidons de 200 litres étaient de la Libération de la Ville, et après 2000, à l’initiative
entreposés à environ 3 mètres 50 des premières mu-
de l’Université Européenne de la paix, pour l’accueil
nitions. Son chef avait tenté de l’éteindre avec une
couverture et avait été propulsé vers l’extérieur par des scolaires, puis lors des journées du patrimoine, a
l’explosion. réintégré cet abri dans la vie de la cité. Un collectif
constitué de témoins de l’époque, de citoyens,
d’associations et d’historiens s’est alors formé pour
Suppositions sur l’origine de réfléchir à la mise en valeur de l’abri Sadi Carnot afin
d’en faire un lieu de mémoire, d’accueil et
cette catastrophe d’information, autour d’un épisode douloureux de la
500 Allemands estime-t-on, ont également péri sans Seconde Guerre mondiale à Brest.
qu’on ait su leur nombre exact dans l’abri. C’est dans
leur secteur que tout a démarré. Plusieurs versions
Né de la volonté partagée de la ville de Brest, des
circulent sur l’origine du drame :
- Un court-circuit électrique témoins, de l’Université Européenne de la Paix et du
- L’explosion d’un obus Collectif réunissant des brestoises et des brestois
- Une bagarre entre Allemands ivres accompa- attachés à ce lieu, ce projet a été réalisé en 2 phases :
gnée de jets de grenades, (hypothèse la plus
courante) La première phase, inaugurée le 9 septembre 2008, a
- Une bougie placée sur une caisse de muni- permis à partir de la proposition d’Alain L’Hostis,
tions, qui serait tombée par terre au cours architecte de la Ville, de rendre plus visible dans la
du remplissage du réservoir d’essence du ville l’entrée haute de l’abri. Cet aménagement a été
moteur de secours…
complété par la liste des victimes actualisée en
Nul ne saura jamais la vérité. fonction des recherches des archives municipales et
communautaires.
64
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
A
la fin de la Première Guerre Mondiale, le char mée fait ainsi l’acquisition de quatre prototypes, deux
d’assaut a démontré son efficacité sur le réalisés par Renault, associé à Schneider, un par les
champ de bataille. La France est alors à la FCM (Forges et Chantiers de la Méditerranée) et un
pointe de la technique. Le général Estienne, Inspec- par Delaunay Belleville travaillant avec les FAMH
teur des chars de combat, est en charge de réfléchir à (Forges et Aciéries de la Marine à Homécourt, St Cha-
l’avenir de « l’artillerie spéciale », comme est encore mond).
appelée l’arme blindée. Un consortium industriel, dont Renault aura la maîtrise
Les chars en service à la fin de la guerre ont une limi- d’œuvre, sera mis sur pied pour la fabrication du B1,
tation importante : s’ils sont capables de se déplacer le char standard ainsi composé à partir des sous en-
sur les pires terrains, leur lenteur et leur train de rou- sembles retenus des prototypes.
lement non suspendu empêchent tout déplacement Le prototype du B1, le n°101, est complété début
sur route et oblige à utiliser des porte-chars pour les 1930. Réalisé en acier doux, il n’est pas « bon de
amener à pied d’œuvre. guerre » et servira de base pour tester les transfor-
Or, les essais réalisés à la fin de la guerre, portant sur mations ultérieures, dont le B1 ter, pour lequel il sera
l’augmentation de la puissance des moteurs et les sus- alors baptisé « Général Estienne », en hommage à
pensions, démontrent la possibilité de réaliser des en- celui qui a été surnommé le « Père des Chars ». Deux
gins capables d’une plus grande mobilité. Une nouvelle autres suivent, qui vont mener la campagne d’essais
génération de blindés, plus polyvalente que les FT17 qui va conduire à une série de 34 chars (sans compter
et autres St Chamond qu’utilise l’infanterie, devient le 101). Des B1, à l’exception du 101 bien évidem-
capable d’évoluer sur le champ de bataille et de réali- ment, seront utilisés au combat en 1940, réarmés
ser des étapes d’approche de façon autonome1. avec un canon en tourelle de 47mm SA 35, au pouvoir
perforant supérieur au SA 34 d’origine.
1: Ces progrès techniques vont conduire à révolutionner la cavalerie, en la dotant d’engins plus mobiles et à la puissance de feu
incomparablement plus élevée que le seul matériel hippomobile.
2: Le général Estienne ne croit pas au char léger, mais au char moyen, son « char de bataille ». Il faudra néanmoins se résoudre à remplacer
le FT17, le char léger étant moins cher, plus rapide à obtenir, en plus grandes quantités.
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
B1 n°132 "Poitou",
compagnie "Gaudet" du 37ème BCC,
France, mai 1940
Le char B1 bis qui apparaît en 1937 est une améliora- taire des convois d’infanterie, soit 13km/h, avec des
tion du B1 : moteur plus puissant, tourelle APX 43 en étapes à 20km/h de moyenne.
remplacement de l’APX 1, utilisant le canon de 47mm
La vitesse en tout terrain et sur route, la fiabilité sont
SA 35, blindage frontal et latéral porté de 40 à 60mm,
considérés comme très correctes pour un char dont le
qui le met à l’abri des canons antichars les plus ré-
temps d’engagement prévu est relativement court et
cents ou en cours de développement.
qui n’est pas appelé à de grandes cavalcades sur
Conception du B1 bis routes, ou à travers bois et champs. Le manque d’au-
tonomie reste néanmoins son plus gros point faible,
La conception du B1 bis est issue des spécifications que l’on tentera de corriger par des solutions d’appoint
imposées par son rôle d’origine - la rupture des lignes pas très efficaces.
adverses - et des solutions techniques disponibles à
l’époque de sa conception, les années 20. La longue Protection
gestation du projet, due à des problèmes politiques
La caisse est composée principalement de plaques
(avec entre autres, les discussions internationales sur
d’acier à blindage laminé de différentes épaisseurs ri-
le désarmement dans l’entre-deux-guerres, qui ris-
vetées sur des cornières. Si le procédé ne nécessite
quaient d’interdire les chars lourds, comprenant le
pas d’outillage complexe, contrairement aux plaques
B1), financiers, industriels et techniques font que cer-
soudées, technique encore peu utilisée en France5, ou
taines technologies sont obsolètes en 19404.
des grosses pièces moulées comme sur le plus mo-
L’engin est donc particulièrement bien protégé et lour- derne SOMUA S356, il a l’inconvénient de demander
dement armé, apte à la fois au combat contre un en- un temps de travail supérieur. De plus, le choc d’un
nemi retranché comme en 1918 et à la lutte antichar, obus peut faire sauter des rivets, même s’il ne perce
avec d’excellentes capacités tout-terrain. Il peut éga- pas la cuirasse, qui deviennent autant de projectiles
lement se déplacer sur route, pour des étapes d’ap- brûlants à l’intérieur, blessant l’équipage, endomma-
proche par exemple, sa vitesse maximum de 25km/h geant le matériel du bord ou provoquant des incen-
lui permettant de tenir la vitesse moyenne réglemen- dies. Certaines pièces sont néanmoins moulées
(tourelle, capot de conduite)
Le compartiment de combat est séparé du comparti-
ment moteur par une cloison pare-feu. Un accès et un
couloir permettent à un membre d’équipage d’accéder
aux différents sous-ensembles mécaniques et d’effec-
tuer d’éventuelles réparations.
L’épaisseur de la protection atteint 60mm sur l’avant
et les côtés, valeur fort respectable pour l’époque qui
met à l’abri de toutes les armes antichars habituelles,
à toutes distances. La plus courante, le canon 3,7cm
PaK 36, modèle standard de la Wehrmacht et son dé-
Le «Poitou» en 1938 rivé armant le char principal le plus moderne qu’elle
possède, le Panzer III, est incapable de la percer.
3: APX pour Ateliers de PuteauX. Si l’industrie privée fabrique des châssis, c’est l’industrie d’état qui fournit tourelles et armement.
4: A titre de comparaison, le B1 est conçu au même moment que le T26 Soviétique… et contemporain du T34, le dernier cri au moment
des combats de 1940 !
5: A priori par crainte que le blindage ne se déchire aux jointures en cas de percussion par un obus antichar. Technique néanmoins utilisée
sur le FCM 36, char au « look plus moderne » que le B1 bis, puis sur des prototypes de tourelles.
6: Le moulage de grande pièces, s’il permet d’obtenir d’un seul bloc tout ou partie du char et donc de gagner du temps, a l’inconvénient de
n’être à la portée que de l’industrie lourde et de nécessiter une grande expertise afin d’éviter, par exemple, les « manques » (sous épaisseurs)
et de respecter les tolérances de base.
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Seuls les fameux 88 de Flak ou les obusiers utilisés dant de faire pivoter le B1 bis, le tir contre des cibles
dans un rôle antichar peuvent espérer arrêter un B1 mobiles est difficile et ce canon ne sera que très rare-
bis. ment utilisé contre d’autres chars.
Les exemples sont nombreux de chars ayant reçu un En revanche, l’obus explosif Mle 1915 est extrême-
nombre énorme de coups avant de succomber, cer- ment efficace contre les cibles « molles », même re-
tains même ont pu se replier, voire continuer le com- tranchées, telles que les nids de mitrailleuses, les
bat comme « l’Eure » du Cne Billotte qui détruisit toute positions antichar, les bâtiments…
une colonne allemande dans Stonne, appareil sur le-
Une mitrailleuse Reibel MAC8 31 de 7,5mm est placée
quel on dénombrera 140 impacts ! On peut également
à droite du canon. Elle est également servie par le pi-
citer l’impressionnant témoignage du Cne Dirand du
lote.
47e bataillon, sur le « Jeanne d’Arc », qui continua à
combattre bien qu’il ait perdu son armement, écrasant Dans la tourelle APX 4 en acier moulé à rotation élec-
une dizaine de canons antichars et des automitrail- trique, le chef de char dispose du 47mm SA 35 et
leuses. Il sera finalement détruit : d’une seconde mitrailleuse, coaxiale. Le débattement
est de +/-18°. Ce canon offre une excellente capacité
« Le combat, commencé à 400 ou 500 mètres s’est
antichar au B1 bis, puisqu’il peut percer le blindage de
terminé à bout portant. Mon char a reçu 80 à 100 obus
tous les Panzer jusqu’à environ 800 à 1000m, soit bien
et 2 ou 3 bombes d’avions […] les derniers obus ont
plus que la distance réglementaire d’engagement de
été reçus à 5 mètres, les servants allemands restant
600m ! De plus, ce canon polyvalent dispose égale-
accrochés à leurs pièces […]7 »
ment de l’obus de rupture Mle 32, efficace contre l’in-
fanterie et les véhicules non blindés.
Les munitions sont stockées dans les compartiments
moteur et de combat.
67
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
la position du mécanicien est particulièrement incon- composé d’un barbotin à l’arrière, d’une roue tendeuse
fortable, le pilote n’a pas de siège pour se stabiliser à l’avant, de 3 trains de galets tendeurs montés sur
lorsqu’il utilise le tourelleau, divers instruments sont ressorts à lames à l’avant, 1 à l’arrière, et de 3
difficiles d’accès ou d’utilisation, comme le système de groupes de 4 galets montés chacun sur un gros res-
couplage du canon de 47 et de la mitrailleuse dans la sort à boudin amorti par ressort à lames, chaque
tourelle. groupe est arrangé en 2 bogies. Le dispositif est pro-
tégé par les plaques de blindage latérales. Une origi-
Mobilité nalité est que le réglage de tension des chenilles peut
se faire depuis l’intérieur du char.
Le B1 bis a été étudié pour pouvoir se déplacer sur le
terrain bouleversé du champ de bataille, franchir ter- Le moteur essence 6 cylindres en ligne de 16,5l de cy-
rain meuble, trous d’obus, barbelés et tranchées. Ses lindrée est fourni par Renault, dérivé des moteurs aé-
capacités de franchissement sont excellentes, grâce, ronautiques développés lors de la Grande Guerre,
notamment à ses chenilles enveloppantes et l’absence donc relativement léger. Il développe 307cv à
de porte à faux (d’un principe proche des chars Bri- 1900tr/mn. Cette puissance modeste eu égard au
tanniques « Mark » de la Grande Guerre). Il est ainsi poids de l’engin (31t, soit 9,5cv/t) ne semble pas avoir
capable de franchir des tranchées de 2,75m, un obs- particulièrement gêné les utilisateurs. Il est vrai que
tacle de 1,18m de haut, de grimper une pente de 90°. la vitesse reste faible, donc la démultiplication impor-
tante. Néanmoins, la consommation s’en ressent :
déjà élevée en utilisation normale, le moteur doit en
plus tourner même à l’arrêt si la radio est utilisée,
pour réchauffer l’huile du Naeder ou pour pouvoir faire
pivoter le char si une cible se présente. Elle atteint des
valeurs indues quand le moteur est poussé dans ses
retranchements, ce qui arrive lors des combats. L’au-
tonomie prévue de 10h, puis 6 à 8h (150km) va s’avé-
rer être plutôt de 5h en opération, descendant
quelquefois à 2h seulement. En attaques, beaucoup
de B1 bis devront faire demi-tour pour ravitailler pré-
maturément. Situation aggravée par la désorganisa-
tion croissante de l’Armée Française après l’offensive
« ses capacités de franchissement
allemande, et une situation tactique fluide pour la-
sont excellentes » quelle ils n’ont pas été conçus. C’est très souvent la
panne sèche qui les guettera, forçant quelquefois à
leur abandon !
Il peut également se déplacer sur route pour des
étapes d’approche, par exemple, sa vitesse maximum La capacité des réservoirs est de 400l. Sur les der-
de 25km/h lui permettant de tenir la vitesse moyenne nières productions, un réservoir supplémentaire de
réglementaire des convois d’infanterie, 13km/h envi- 170l est ajouté dans le compartiment moteur.
ron.
Le moteur est à refroidissement à eau, le radiateur se
La vitesse en tout terrain est bonne pour l’époque, trouvant derrière des persiennes blindées sur le côté
avec 15km/h. Précisons que le char n’étant pas des- gauche. Il semble avoir montré une bonne fiabilité en
tiné à accompagner l’infanterie, mais à la précéder, on opération. Il est démarré par un système à air com-
n’a pas « jugé utile » de limiter sa vitesse à celle du primé avec un compresseur Luchard et un système
pas (4km/h), comme sur les chars dits « d’accompa- Viet ou un classique démarreur électrique.
gnement ».
Le char dispose d’une boîte à 5 vitesses et se conduit
Le train de roulement, complexe, d’origine FCM, est « comme un camion », avec un volant et 3 pédales9.
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Afin de régler finement la visée du canon de 75, le mo- La totalité des engins équipe les BCC lourds (Bataillons
teur passe par un système d’embrayage hydrostatique de Chars de Combat) des 4 DCR (Divisions Cuiras-
spécifique, le « Naeder ». Fonctionnant à l’huile de sées), soit les 28e et 37e BCC (1ère DCR), 8e et 15e BCC
ricin, dont il fait une consommation exagérée, ce dis- (2ème DCR), 41e et 49e BCC (3ème DCR), enfin les 46e et
positif va être la cause de l’immobilisation fréquente 47e BCC (4ème DCR, celle du colonel De Gaulle).
des B1 bis, obligeant parfois à leur abandon, avec sa
Ces divisions cuirassées, quoique puissantes, ne sont
chaîne d’entraînement « Henry », genre de « chaîne
normalement pas prévues pour se battre seules, mais
de vélo » qui saute ou se brise trop facilement si la
en appui avec des divisions d’infanterie, coordonnées
conduite se fait brutale, ou ses joints qui fuient.
au niveau du corps d’armée. Elles ne sont pas, en cela,
l’équivalent de la « Panzerdivision » qui est, elle, en-
tièrement autonome. Il leur manque ainsi principale-
ment des unités de reconnaissance et une infanterie
portée en quantité suffisante. De plus, les tactiques
d’engagement sont floues, faute de mise au point, car
on a attendu l’arrivée tardive des B1 bis pour com-
mencer à les définir, plutôt que d’anticiper comme l’a
fait la cavalerie qui, sans attendre la livraison de son
matériel moderne, avait commencé l’étude et l’essai
des procédures et entraînements de ses DLM. Ces
manques poseront de graves problèmes lors de l’en-
gagement des DCR.
Dernier aspect, le haut commandement, pas habitué
au maniement de telles unités, n’en connaissant ni les
avantages, ni les limites, frileux et respectant à la let-
tre les principes de la guerre précédente, selon les-
quels ont doit avant tout « colmater la brèche » faite
par les Panzer, va dilapider cette force en la morcelant,
Production par petits paquets, ou la lancer dans des contre at-
taques inutiles sans support d’artillerie ou d’infanterie.
Le char B1 bis est un des modèles standard dont la fa- Des chars parviendront ainsi à conquérir leurs objec-
brication est poursuivie activement en 1940, bien que tifs, grâce au courage extraordinaire des équipages et
son concept remonte à près de 20 ans à ce moment au prix de lourdes pertes, mais seront obligés de se
là. Il est fabriqué par un consortium d’industriels : Re- replier car l’infanterie qui devait occuper le terrain n’a
nault, pour le moteur, FCM, FAMH, ACT et AMX10. pas suivi.
10 : ACT (Ateliers de Construction du Creusot) est issu de la nationalisation d’une partie de Schneider, AMX (Ateliers de construction d’Issy-
les-MoulineauX) de celle de l’usine de chars Renault..
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D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
encore augmenté à 75mm et redessiné, des pare boue
sont ajoutés au dessus des chenilles. Le radiateur est
Les communications : un échec patent
placé sur le dessus, dans une position moins vulnéra- La défaillance quasi totale des systèmes de commu-
ble. La tourelle APX 4 doit être remplacée par l’ARL 2
nication est sans conteste une des causes principales
en acier laminé soudé, biplace, devant soulager le chef
de char dans ses rôles multiples.
de l’effondrement rapide de l’Armée Française en
1940.*
Avec le B1 n° 101 « Général Estienne » servant de
prototype, seuls 3 engins pourront être fabriqués Les B1 bis auraient normalement du être épargnés,
avant la chute de la France. puisqu’ils sont tous équipés à l’origine d’un poste
émetteur récepteur ER 53. Fonctionnant en modula-
Plusieurs autres projets ne dépasseront pas la planche
à dessins, comme le B40, mais la base sera reprise
tion d’amplitude en ondes courtes, il permet la com-
pour l’ARL44, char de transition de l’après guerre. munication en graphie (morse) sur 15 à 20km (5km
en mouvement). La lenteur de ce système est incom-
Conclusion patible avec la vitesse à laquelle évolue la situation
tactique en opération. Il est décidé de remplacer la
Le B1 bis, malgré ses défauts liés à des tactiques d’un
radio par une ER 51 mod.38 (ou modèle 39, les deux
autre temps et à l’ancienneté de sa conception, va
s’avérer être une arme redoutable et redoutée contre
se trouvent sur les documents d’époque) pour la
laquelle la Wehrmacht n’a pas de réponse immédiate. transmission en phonie, avec un laryngophone, en
On peut néanmoins regretter que certaines limitations plus de la graphie. Le nouveau poste est plus mo-
n’aient pas été mieux corrigées durant sa longue ges- derne, avec un émetteur plus stable et un récepteur
tation, comme son autonomie réduite et la piètre fia- plus sélectif.
bilité du Naeder. Une simplification de sa fabrication
eut été également souhaitable, mais il est vrai que l’in- Néanmoins, la méfiance envers ce moyen de com-
troduction de modifications aurait rendu plus difficile munication perdure et va souvent conduire les équi-
la mise en place de la logistique déjà complexe de sa pages à en négliger l’usage : il est impossible de
fabrication en série, alors que les engins sont impa- garder secrètes les conversations, car elles sont faci-
tiemment attendus en unité. lement interceptées par l’ennemi, qui tente même
Ce « char lourd » a été particulièrement apprécié de quelquefois en retour d’envoyer de faux messages,
ses équipages11. Il est vrai qu’il leur assurait une quand ils ne brouille pas carrément les fréquences.
grande survivabilité, étant quasiment imperturbable
* Voir à ce sujet l’excellent article d’Aimé Salles
aux coups, alors que son puissant armement lui per-
mettait de traiter toutes les cibles qui pouvaient lui
« Transmissions : un effondrement programmé » in
être présentées, à toutes distances, du Panzer le plus GBM n°92
récent aux « Landser » retranchés dans une maison.
Ses défauts ont été nettement plus sensibles au plan
opérationnel, dans une situation certes imprévue et
difficile : persistance sur le terrain trop limitée, fiabilité
médiocre, demande en logistique importante. Les dé-
fauts propres à tous les chars lourds : ces mêmes li-
mitations vont toucher quelques années plus tard… les
derniers-nés des chars allemands eux-mêmes, les fa-
meux « Tiger » !
11 : Comme indiqué plus haut, si la classification officielle est « char de bataille », plus proche du concept de « char moyen », pour
ses équipages, c’est un « lourd » !
70
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
La tourelle monoplace La tourelle monoplace
Tous les auteurs mettent en avant un défaut commun La tradition de nommer les chars perdure de nos
à la quasi totalité des chars français : la tourelle mo- jours dans l’Armée Française. Sur les B1 bis il n’est
noplace. Il est évident qu’elle ralentit la cadence de porté que sur l’avant et le côté droit de la tourelle, à
tir, le même homme devant successivement observer, quelques exceptions près. En 1940, le thème du bap-
charger, viser et tirer. Cette personne étant, de plus, tême est donné lors de la fabrication du lot, en usine,
le chef de char, il est perturbé dans son rôle princi- par le Bureau Technique de la Direction de l’Infante-
pal d’observation de l’environnement tactique et de rie : noms de victoires, de provinces françaises, de
prise de décision. La coordination, tant au sein de personnalités… ou de vignobles ! Des noms sont
l’équipage que du groupe de combat, déjà difficile quelquefois spécifiés pour chaque thème. L’armée
en raison des limitations des systèmes de communi- n’exclut pas l’humour, témoin le CAMBRONNE! (Sic…
cation, s’en ressent. pour le point d’exclamation !).
Ces défauts sont néanmoins compensés par la réduc- Chaque lot de fabrication de B1 bis étant destiné à
tion du nombre des membres d’équipage néces- un BCC en particulier, la brigade se retrouve norma-
saires. Moins de personnel, c’est théoriquement lement avec un thème commun.
moins de surface à blinder, donc un char plus léger,
Exceptions, le 41e BCC ayant du rétrocéder une partie
emportant un armement plus lourd avec une meil-
de ses chars au 37e BCC en remplacement de ses B1,
leure protection. De fait, tous les chars français,
les 41e et 49e se retrouvent avec des chars portant
même les plus légers, auront un armement et une
des noms de thèmes différents (Vignobles, batailles
cuirasse largement supérieurs aux Panzer équiva-
de la Grande Guerre, figures militaires). Si le 41e ne
lents.
changea rien, le commandant du 49e obtint de rebap-
Mais le B1 bis est un gros char, et jusqu’à 8 personnes tiser ses engins avec des noms de vignobles, en évi-
peuvent y prendre place, il n’y a dès lors aucun inté- tant les doublons.
rêt à y placer une tourelle monoplace. La raison est
Plusieurs lots resteront anonymes lors de leur fabri-
probablement à trouver dans l’ascendance du char :
cation, particulièrement les derniers sortis. Quelques
le prototype du B1 ne possède qu’une mitrailleuse en
uns seront nommés en unité.
tourelle. La capacité antichar est ajoutée ensuite, avec
le canon de 47mm, mais reste un armement contre Chacun recevra, en revanche, un numéro d’immatri-
une menace considérée comme secondaire. Une tou- culation, la série débutant à 201 (les B1 sont numé-
relle multiplace aurait demandé de longues études rotés de 101 à 135)
et de grosses modifications structurelles alors que
Les chars vont quelquefois porter des « as », signes
l’on manque de temps quand la production du B1 bis
tactiques indiquant la section d’appartenance, des fi-
débute.
gures géométriques, des lettres ou des numéros
Enfin, l’effet de cette lenteur de réaction est à relati- peints sur les tourelles.
viser, car les chars français « encaissent bien », ce qui
De larges cocardes seront ajoutées pour éviter les
leur laisse théoriquement du temps pour réagir, et
méprises, à la suite de tirs fratricides mortels : dans
leur armement leur permet de se débarrasser quasi-
l’esprit de beaucoup de combattants français de
ment au premier coup de la menace.
1940, et faute d’avoir reçu les carnets de silhouettes
permettant les identifications, un char ne peut être
qu’allemand !
*Pour plus de détails, se reporter à http://www.chars-
francais.net/new/index.php?option=com_content&t
ask=view&id=638&Itemid=74 et encart dans l’article
de Stéphane Bonnaud sur le 49e BCC in GBM n°87
71
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Le « Churchill »
un descendant du B1bis Bilbliographie :
Si l’on en croit le Gal Molinié, interrogé par Stéphane Revue GBM Blindés et matériel, entièrement consa-
Ferrard*, la ressemblance entre le futur « Churchill » crée au matériel de l’armée française jusqu’à 1940.
britannique et le B1 bis n’est pas fortuite : même tou- www.atf40.fr : les spécialistes de l’armée française de
relle avec un canon antichar, obusier similaire en ca- 1940 !
semate, mêmes chenilles enveloppantes, même fort
www.chars-francais.net la bible sur le Net sur les chars
blindage et… même lenteur ! La raison en est le rap-
français, depuis leurs origines.
prochement dès 1938 entre la France et la Grande
Bretagne, avant même Munich. Les britanniques ne Dominique LORMIER « Comme des lions. Mai-juin
disposant pas de char équivalent au B1 bis, des 1940 : le sacrifice héroïque de l’armée française »
échanges de commissions techniques eurent lieu du- Karl Heinz FRIESER « Le mythe de la guerre éclair »
rant lesquels ils eurent le loisir de l’examiner. Le pro-
Aimé SALLES, projet I.R.M.A. aime.salles.free.fr DVD2
jet de tank A20, avec un 75mm français en casemate
identique à celui du B1 bis, sortit de cette coopéra- Manuel du char B1 bis - DVD Technitracks n°1, édi-
tion. C’est ce A20, réalisé par Harland and Wolff, qui tions du Barbotin
va mener à une version plus petite, le A22, futur
« Churchill ».
* Revue GBM n°95, p.79
72
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
L’AUTEUR
P
r
o
p
a
g
a
n
d
e
n
a
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i
e
73
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
L’utilisation de ce qui était ainsi devenu une arme Une cinquantaine d’éléments du 12e R.T.S faits prison-
blanche tenait davantage au fait que ces pauvres gars niers, dont de nombreux blessés, furent massacrés
étaient mal formés à l’utilisation du fusil, ce qui ne leur dans la forêt de Brillon par la 6e Panzerdivision alle-
laissait donc guère de choix. Quoiqu’il en soit, ces at- mande.
taques terrorisaient l’ennemi qui ne tarda pas à sur-
nommer les Tirailleurs Sénégalais les « diables noirs »
ou « la mort noire ».
Ce soldat a
choisi d’atta-
cher son canif
réglementaire
au bout d’une
ficelle, afin de
ne pas l’égarer.
Notons qu’il
s’agit du seul
canif réglemen-
taire de l’armée
française et que
l’extrémité de la
lame est arron-
die (il s’agissait,
semble-t-il, de
prévenir son
utilisation lors
de rixes).
Détailducoupecoupeetducanifréglementaire
Les brodequins
sont du modèle
Ces massacres ne furent pas un cas isolé et l’on dé-
dit « de circons-
nombre un millier de Tirailleurs Sénégalais massacrés
tance », fabri-
à Aubigny et dans les environs de Lyon, entre le 24
qués dans
mai 1940 et le 22 juin 1940.
l’urgence à
Noterlecasqueàancredemarine Metz. On re- On cite de nombreux cas où ces hommes furent jetés
destroupescoloniales
marque souvent sous les chenilles des chars nazis…
ces brodequins équipant les troupes de forteresse du
En 1940, les Allemands, vouant une haine particulière
Nord-est, et il est tout à fait plausible que notre
à ces troupes qu’ils considéraient, bien sûr, comme
homme en ait acquis une paire lors d’un passage dans
des sous-hommes, détruisent le Monument aux Héros
cette zone, lors des combats dans la Meuse.
de l’Armée Noire construit en 1924 à Reims en hom-
Notre tirailleur fait partie du 12e R.T.S créé en 1920 mage aux troupes noires de 1914-1918.
en Turquie à partir des 124e B.T.S, 129e B.T.S et 130e
Pour ceux qui osent encore citer Rommel comme un
B.T.S. Il sera successivement le 12e R.T.S, 12e R.T.C
cadre ‘’propre’’ dont les troupes n’auraient pas com-
pour redevenir le 12e R.T.S à Marseille le 29 novem-
mis d’exactions, il faut rappeler les combats aux en-
bre.
virons d’Amiens et plus particulièrement à Airaines où,
Le 12e Régiment de Tirailleurs Sénégalais participera le 07 juin 1940, les survivants de la 7e compagnie du
à la Campagne de France comme d’autres régiments 2/53e RICMS (Régiment d’Infanterie Coloniale Mixte
de la même arme, ils totaliseront Sénégalais), avec à leur tête le capitaine N’Choréré
17 000 pertes, c’est dire leur implication dans les com- (un des rares officiers ‘’indigène’’) ont été fusillés.
bats de mai et juin 1940.
N’est-ce également pas sa 7e Panzerdivision qui com-
Le 12 R.T.S combattra
e
battit à Condé Folie, où non seulement des tirailleurs
dans les Ardennes et combattants, mais également des prisonniers furent
dans la Meuse, notam- carbonisés ?
ment à Beaumont en Ar-
Les Tirailleurs Sénégalais furent des combattants ex-
gonne, Brillon en
ceptionnels mais, même si cela n’enlève rien à leur
Barrois, Bourmont, etc.
courage, ils n’avaient souvent pas d’autre choix que
pour finir par se faire
de combattre jusqu’à la mort, sachant parfaitement
capturer au sud de Sion,
quelle fin les attendait en cas de capture…
lors de son repli sur les
Vosges.
74
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Guerre navale
Par Francis LIESSE
Machines :
Le tableau suivant indique, par année de guerre, l’évo- 2 moteurs diesel de 1400 chevaux chacun
lution de la situation du point de vue tonnage. 2 moteurs électriques de 375 chevaux chacun
U-boote
Tonnage coulé Tonnage construit Vitesse : en surface : 171/4 nd (soit 31,95 km/h)
coulés en plongée : 8 nd (soit 14,82 km/h)
1939 748 139 332 000 9 Autonomie : en surface :6500 milles à 12 noeuds
soit 12038 km à 22,22 km/h
1940 3 801 426 1 219 000 23 en plongée :80 milles à 4 noeuds
soit 148 km à 7,41 km/h
Armement :
1941 3 934 436 1 964 000 35 1 canon de 88 mm
1 canon de 20 mm AA
1942 7 467 095 7 182 000 86 5 tubes lance-torpilles de 533 mm (4 à la proue et
1 à la poupe) avec 14 torpilles
1944 1 023 531 13 349 000 249 Ces modèles recevront plus tard un schnorkel (dispo-
sitif permettant la recharge des batteries et l’alimen-
1945 498 000 3 834 000 120 tation en air tout en restant en plongée).
75
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
U-Boot de type IX A
Le 5 novembre 1940, il escorte le convoi lent HX 84
Bâtiments dans la classe : U37 à 44 qui se trouve en plein milieu de l’Atlantique Nord, fai-
sant route à 8 nœuds (14,81 km/h).
déplacement :en surface : 1 032 tonnes
ALERTE !!... Navire de guerre au 270 ! L’équipage du
en plongée : 1 153 tonnes
Jervis Bay court aux postes de combat. Distance du
navire entre 15 000 et 20 000 mètres. Et il tire. C’est
Dimensions : longueur 76,50 mètres
un gros corsaire, autant que l’on puisse en juger, son
largeur 6,55 mètres
artillerie est puissante et les canons du croiseur auxi-
tirant d’eau 4,57 mètres
liaire ne peuvent répliquer : il est trop loin !
Machines :
2 moteurs diesel MAN de 2200 chevaux chacun
2 moteurs électriques de 500 chevaux chacun
. largeur est de 20,80 mètres. La barre a été mise hors service, mais le comman-
dant Fegan parvient à manœuvrer, en différenciant
. tirant d’eau est de 10,13 mètres. les vitesses de rotation des 2 arbres d’hélice, tou-
Son moteur est équipé de 2 turbines développant 9 jours dans le but de se rapprocher à portée de canon.
000 chevaux lui donnant une vitesse de 15 nœuds Le Jervis Bay encaisse à nouveau. Percé à la flot-
(27,76 km/h). Il est armé de 8 canons de 152 mm taison, il commence à s’enfoncer, perd de la vitesse
et 2 canons de 76 mm anti-aériens. et des incendies se déclarent.
76
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Explosions, le commandant Fegan ordonne d’aban- Un peu d’histoire
donner le navire. Lui restera à bord et périra avec
180 hommes d’équipage.
La prise de position de l’Etat Major allemand en faveur
Furieux de l’héroïque résistance du croiseur auxi- du plan Z va changer radicalement la physionomie du
liaire, qui lui a fait perdre 2 heures, le Scheer début de la guerre. Ce plan est mis au point par le
s’acharne sur sa victime, puis se lance à la poursuite Grand Amiral Raeder qui obtint d’Hitler sa mise en ap-
du convoi de 38 navires éparpillé. plication pour la construction, dès 1939, d’une flotte
quasi complète, comprenant, 4 porte-avions, 6 grands
Mais la nuit tombe et c’est à la lueur des obus éclai- cuirassés de la classe H, 3 croiseurs de bataille de la
rants qu’il finit par rattraper et couler les Maidan de classe O, 12 croiseurs cuirassés de la classe P, 2 croi-
7 908 tonnes et Trewellard de 5 201 tonnes. seurs lourds classe Hipper, 4 croiseurs légers classe
A 21h47 il rattrape le Beaverford de 10 142 tonnes M, 2 croiseurs légers pré-classe M, 6 gros destroyers
dont le commandant, le capitaine E. Pettigrew, se classe Spähkreuzer, plus de 230 sous-marins ainsi que
rendant compte qu’il est condamné, vire de bord et quelques dizaines de destroyers et torpilleurs, …. Ni
fait route vers le corsaire en tirant avec son petit plus, ni moins, le tout opérationnel en 1946. Ben
canon de 4 pouces (100 mm). Le Scheer est forcé voyons !!! (Dans un autre article je vous raconterai
de se concentrer sur lui, ce qui permet encore une certaines péripéties concernant les porte-avions).
fois aux autres navires de s’éloigner. Le Beaverford Les constructions commencent en 1939. Toutes sont
finit par exploser sous les coups et disparaît dans interrompues en 1940, à cause de la guerre : Les be-
l’eau, emportant les 77 courageux membres de son soins en matériel et matières premières de l’armée de
équipage. terre sont prioritaires.
Le cuirassé de poche continue sa chasse et coule en- Par l’adoption de ce
core le Kenbame Head de 5 225 tonnes, le Mopan plan Z, Hitler favo-
de 5 389 tonnes, ainsi que le Fresno City de 4 995 risa Göring, Maréchal
tonnes. Il endommage l’Andalusian et le pétrolier de l’Air, futur maître
San Demetrio. Ne trouvant plus de victimes, le cor- de la puissante avia-
saire allemand finit par quitter les lieux. tion embarquée ainsi
Sur les 38 du convoi, seuls 6 bateaux furent coulés, planifiée, au détri-
grâce à la résistance du Jervis Bay, surtout, mais ment de Dönitz, ami-
aussi du Beaverford. Le capitaine de vaisseau ral et grand patron
Fegan fut décoré de la « Victoria Cross » à titre pos- des sous-marins,
thume, la plus haute décoration militaire britannique. dont le nombre fut
réduit à 56. Au début
de la guerre, 46 seu-
HMS Jervis Bay sous le feu du Scheer lement sont capables
de patrouilles, et ils
ne seront finalement
que 22 à appareiller
pour l’Atlantique. Le
Amiral Erich Raeder projet grandiose de
1876 - 1960 porte-avions finira
par être abandonné.
Telles sont les conditions dans laquelle la Kriegsmarine
a débuté la seconde guerre mondiale, 6 ans trop tôt,
NDLA : Je voudrais insister, avec ce qui suit, sur la pour l’amiral Raeder.
bravoure et la ténacité des hommes de la mer : Le plan Z a été une grave erreur militaire : la construc-
Le pétrolier San Demetrio, le lendemain, brûle tou- tion d’une puissante marine ne se fait pas aussi faci-
jours et une vingtaine d’hommes d’équipage, ayant lement. Pour l’Allemagne, ce plan ambitieux était
évacué et se trouvant toujours dans leur barque, dé- irréaliste.
cident de remonter à bord. Ils finissent par venir à C’était de plus sans compter que, même rempli, ce
bout des incendies ! La cargaison n’a pas brûlé. Ils plan ne devait pas peser très lourd contre la Royal
remettent le moteur en marche et en avant, mais il Navy qui, déjà en 1939, disposait de 6 porte-avions +
n’y a plus de barre, plus de compas, plus de radio. 6 en construction, 15 cuirassés + 9 en construction,
Ils vont mettre 7 jours pour arriver en Irlande où ils 15 croiseurs lourds, 40 croiseurs légers + 8 en
seront financièrement récompensés pour leur acte. construction, une vingtaine de croiseurs anti-aériens
En effet, le Tribunal, constatant que le navire a été et 180 destroyers, soit une supériorité écrasante, en-
abandonné par les officiers, reconnut que, pour core renforcée par l’expérience du personnel.
l’équipage qui l’avait sauvé, le bateau était légale-
ment une prise de guerre. Le plan Z était en fait une mise à jour de la Kriegsma-
rine pour combler son retard. Elle aurait pu se justifier,
en complément d’une arme sous-marine ultra puis-
sante, afin de maintenir ouvert l’accès à l’Atlantique
pour les U-boote, considérés comme « l’arme du fai-
ble ».
77
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
BIOGRAPHIE Armement (à la fin des années 30):
10 canons de 320 mm
12 canons de 135 mm
Jean L’HERMINIER 10 canons de 90 mm AA
19 canons de 37 mm AA
Né le 25 janvier 1902 12 canons de 20 mm AA
à Fort de France en
Martinique, il entra à Equipage :1485 hommes
l’Ecole navale en
1921. Après avoir fait Bâtiments dans la classe :
ses classes sur le cui-
rassé Provence de CONTE DI CAVOUR : lancé le 30/03/1913
1924 à 1925 et sur le CAIO DUILIO : lancé le 24/04/1913
croiseur Jules Miche-
let de 1925 à 1927, il Historique :
est nommé enseigne Ces deux cuirassés, datant de la 1ère guerre mon-
de vaisseau et rejoint diale, furent complètement modernisés d’avril 1937
en 1928 les sous-ma- à juillet 1940 et l’armement cité plus haut est celui
rins où il fera quasi- après transformations. Ils étaient tout deux dans le
ment tout le reste de port de Tarente lors de l’attaque anglaise, l’Andréa
sa carrière. Doria ne subit pas de dommages mais le Caio Duilio
A la déclaration de guerre, il est lieutenant de vais- fut touché par une torpille qui lui fit une brèche de
seau et commande le sous-marin Morse, nommé ca- 11 m sur 7 nécessitant plusieurs mois de répara-
pitaine de corvette en 1940, il prend en novembre tions. Durant la guerre, ils ne participèrent à aucun
de la même année le commandement du sous-marin combat important, mais escortèrent les convois vers
Sidi Ferruch et, en janvier 1942, celui du Casabianca, Tripoli.
sur lequel il va se distinguer particulièrement. Le 15
novembre 1942 il est promu capitaine de frégate. Passés sous contrôle des Alliés à la reddition de l’Italie,
ces 2 navires sont rendus à leur pays d’origine en
Le 27 novembre, lors du sabordement de la flotte à 1944. Le Caio Duilio sera le navire amiral de la marine
Toulon, il réussit à quitter le port pour Alger où il re- italienne de 1947 à 1949.
joint la France combattante. Il participe ensuite à de
nombreuses opérations en Méditerranée, débarquant
du personnel sur les côtes ennemies pour des mis-
sions de sabotage et de ravitaillement en munitions Caio Duilio
de la résistance en Corse occupée. Il est le premier
bâtiment français à entrer à Ajaccio le 13 septembre
1943. Jean l’Herminier, alors capitaine de vaisseau,
a accompli des prouesses alors qu’il était miné par la
maladie qui va le rendre invalide de guerre.
Maintes fois cité au cours de la guerre, il devait être
fait « Grand Croix de la Légion d’honneur » en 1952.
Il mourut le 7 mai 1953.
Source : Extrait du livre « Des noms sur la Mer » du
Contre-amiral Raymond Frémy
LEONE
Destroyer italien qui donna son nom à une classe de
3 navires.
déplacement :1742 tonnes (2300t pleine charge)
Le coin des navires Dimensions : longueur hors tout : 113.4 mètres
largeur : 10.36 mètres
ANDREA DORIA tirant d’eau 3,1 mètres
78
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
Equipage :206 hommes 2°- les nageurs de combat et maiale (que nous étu-
dierons dans le prochain magazine)
Bâtiments dans la classe :
LEONE (??) : lancé le 23/11/1921 Les Barchini : les canots explosifs n’étaient pas des
PANTERA (PA) : lancé le 19/12/1921 kamikazes, le pilote s’éjectait à la dernière minute et
TIGRE (TI) : lancé le 23/01/1922 tombait dans l’eau (le mot éjecté est correct car le pi-
2 autres navires de cette classe étaient prévus lote actionnait une manette qui soulevait brusquement
(Leopardo et Lince) mais ne furent jamais construits le siège qui aidait le pilote à se jeter à l’eau) Ils ne
réussirent qu’une seule opération que je vais vous
conter.
Historique :
Le raid de la Baie de La Sude
Leone :Faisait partie de la Flottille de la Mer Rouge en
Erythrée à la base de Massawa. Il était, ainsi que La baie de la Sude est également appelée baie de la
deux autres, affecté à la création de champs de mines Souda, située sur la côte nord de la Crète. A Brindisi,
et chargé de perturber les convois anglais, sans deux contre-torpilleurs italiens, le Crispi et le Sella,
grands succès. Coulé en Mer Rouge, le 1/4/1941 après embarquent à leur bord, 6 MTM Barchini. Après un
avoir heurté un récif. voyage sans encombre, ils déposent les 6 MTM et s’en
retournent au port de Brindisi. Nous sommes le 26
Pantera et Tigre : Faisaient partie de la Flottille de mars 1941 à 2 heures du matin et les 6 Barchini en-
la Mer Rouge en Erythrée à la base de Massawa. Af- trent dans la baie, contournent les obstructions et
fectés à la création de champs de mines et chargés de avancent silencieusement vers le fond de la baie. Les
perturber les convois anglais, sans grands succès. Sa- obstacles n’étant pas toujours faciles à éviter, ils n’ar-
bordés en Mer Rouge dans la nuit du 3 au 4/4/1941 rivent en vue des objectifs que vers 5 heures du
matin.
Le lieutenant de vaisseau Luigi Faggioni assigne les
Le Leone différents objectifs, deux
canots sur le croiseur lourd
anglais HMS York, deux ca-
nots sur le pétrolier et deux
canots (dont lui) en réserve
pour palier une déficience
éventuelle. Il est 5h15 et
les quatre vedettes se lan-
cent à pleine vitesse. Le
croiseur est touché par
deux vedettes et le pétro-
lier par une, la quatrième
s’est échouée. Le croiseur
LA X FLOTTIGLIA - ITALIE n’étant pas coulé (il est Luigi Faggioni
toujours droit, mais, de 1909 - 1991
L’origine du concept d’engin sous-marin remonte à
fait, prend l’eau) Faggioni
1918 (un sous-marin de poche actionné à air com-
s’élance pour l’achever. Dans tout ce fracas, les An-
primé coula le Viribus Unitis cuirassé dreadnought de
glais tirent à tout va, croyant à une attaque aérienne.
1ère classe de la marine Austro-hongroise) cette unité
Seules deux vedettes yougoslaves ont vu de quoi il en
portait le nom de M.A.S. Motorbache Armate Svan.
retourne, tirent et touchent une vedette et celle du
(Svan était un chantier de construction navale, la
lieutenant Faggioni qui s’encastre à toute vitesse dans
Societa Veneziana Automobili Nauticale spécialisée
la jetée. En définitive le croiseur est coulé (achevé en
dans les bateaux taxi et vaporetto).
ferraille par l’aviation dès le lendemain), le pétrolier
En 1936 l’ingénieur naval Teseo Tesci et le capitaine
coule pendant son remorquage vers Alexandrie, trois
de génie maritime Elio Toshi vont créer des torpilles
autres navires sont endommagés et les 6 courageux
humaines qui portent le nom de S.L.C. « Siluro a
pilotes italiens sont faits prisonniers.
Lenta Corsa » le nom va assez vite changer et devenir
« Maiale » (Cochon – en raison de leur fonctionnement
capricieux) Il s’agit en fait d’une torpille de 6,70 mè-
tres de long, d’un diamètre de 53 centimètres chevau-
chée par 2 nageurs de combat équipés d’appareils
respiratoires à air comprimé, vitesse 2,5 nœuds,
rayon d’action 10 nautiques, la tête détachable
contient 250 kg d’explosifs. Lors de la déclaration de
guerre, cette unité devient la X Flottiglia MAS ou Dé-
cima MAS, MAS comme celui de la 1ère guerre, mais
aussi les initiales de la devise de l’unité – Memento
Audere Semper – (Souviens-toi d’oser toujours).
Deux sections furent créées :
1°- Les Barchini, canots explosifs aussi nommés MTM
(Motoscafo da Tourisma Modificato, bateaux à moteur
de tourisme modifiés) Le HMS York, abandonné dans la baie de la Sude
79
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
MOTS DE MARINS -sion. Ce calibre (longueur) du canon représente le
rapport au calibre (diamètre) d’un obus suivant la
Terminons avec les mesures : formule : diamètre de l’obus multiplié par le calibre
égale la longueur du canon. Un canon de 75mm ca-
Encablure égale 1/10 de nautique (1 nautique =
libre 48 fait ainsi 75x48=3,60m de long. Des tables
1 852m : une encablure est donc = 185,2 mètres)
de conversions facilitent grandement le travail des
(Il y a d’autres définitions pour la Royal Navy, l’US
concepteurs d’artillerie navale, car les pièces sont
Navy, etc.)
complexes et lourdes (un canon de 406 mm pèse 84
Yard = 0,9144 mètre tonnes, une tourelle triple de canons de 406 mm
pèse 1 400 tonnes) : quelques centimètres de lon-
Brasse = 1,828 mètre
gueur de canons ont leur importance, tant en poids,
Toise = 6 pieds = 1,83 mètre en recul qu’en précision.
80
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
81
D ERNIERE GUERRE
MONDIALE
XVD : En tout ce travail m’a pris trois années. J’ai mis J’avais effectivement demandé que les notes soient en
deux ans à rassembler toute ma documentation. Ce bas de page et non pas toutes réunies en fin
fut la partie « facile »… Par contre, il a fallu traduire d’ouvrage ! Surtout que certaines d’entre elles situent
tout çà en français ! Mes journées n’étaient pas assez la tombe d’un soldat mentionné dans le récit ! Malheu-
longues ! Surtout qu’étant employés à temps plein reusement, il avait déjà pris pas mal de retard dans
dans un bureau d’architecture, je ne pouvais y consa- sa publication… Lui refaire changer cela aurait entraîné
crer réellement que mes week-ends, mes jours fériés un retard supplémentaire ! Je ne pouvais pas le conce-
et mes vacances. voir ! Nous étions avec déjà un retard de plus d’un
an !
Je peux vous dire qu’en « volume » papier, mes docu-
ments, textes, anecdotes, etc… représentaient en DL : L’oeuvre d’une vie ou avez-vous d’autres travaux
épaisseur l’équivalent de deux gros dictionnaires type en préparation ?
Larousse illustré! Je ne me suis pas amusé à compter
XVD : L’oeuvre d’une vie, oui, certainement dans ce
les feuilles mais je suis sûr que ça aurait pu m’aider à
style là, le livre « historique »… Mais pas dans le
m’endormir en lieu et place du comptage des
monde de l’écriture. Avec mon amie et écrivaine, Ca-
moutons !
mille François, nous sommes occupés à écrire un
Ceci fait, je plaçais mes « traductions » dans l’ordre roman, dont l’action se passe durant cette période de
chronologique des évènements. Je « n’avais plus qu’à la Seconde Guerre Mondiale. En gros et sans trop dé-
» tout compiler et écrire le « fil conducteur », la trame voiler l’intrigue, notre héros revient le 6 juin 2009 sur
de mon histoire… ce qui me prit une année. les plages du débarquement avec sa fille et son petit-
fils et leur raconte SON histoire. Le lecteur va vivre
DL : Les Ardennes, vous parlez du « fou » Hitler.
avec cet homme, depuis son incorporation jusqu’à la
Comme vous le dites, il s’agit d’essayer de créer la dis-
fin de la guerre et son retour chez lui.
corde dans l’alliance mais, sauf à vous avoir mal lu, je
n’ai pas trouvé l’explication essentielle, à savoir mon- Je peux aussi vous dévoiler le titre : Vétérans, et le
trer aux Occidentaux que la Wehrmacht sait encore fait qu’il sera en trois tomes. Le premier couvrant de
mordre et que la suite des combats va être très coû- son enfance à la libération de Cherbourg.
teuse pour ces armées soucieuses d’épargner le sang
de leurs hommes. Qu’en dites-vous ?
XVD : Je voulais montrer un autre aspect, sans doute Fiche Technique
moins connu de la Bataille des Ardennes, un aspect
un peu plus « psychologique » au niveau des GQG !
Tonnerre du ciel, l’histoire de la 17th Airborne
Outre la mégalomanie d’Hitler, on peut y ajouter celles
du Maréchal Montgomery et du Général Patton qui
Division 1943 -1945 de Xavier Van Daele
n’avaient qu’une envie, en plus de celle de gagner la Editeur : SRE-Editions
guerre, c’était de tirer la couverture à eux le plus pos-
sible! Date de parution : 25/02/2012
Ces deux « prima donna » étaient bien connues des 212 pages, 180 photos, inédites pour la plupart
Allemands et donc d’Hitler. Je pense que cette Al-
liance, fragilisée par deux « stars au caractère fort » Prix public : 58€
était proche de la rupture. Il ne faut pas oublier que ISBN 978-2-530415-1-4
l’approvisionnement des Alliés ne pouvait pas suffire
pour que deux grands officiers, ce qu’ils étaient, puis-
sent lancer leurs propres offensives devant mettre un
terme à la guerre. Ce conflit faillit provoquer la « dé-
Présentation de l’éditeur
mission » d’Eisenhower et par conséquent une grave Bien moins connue que les 82nd Airborne et 101st
crise chez les Alliés ! Imaginons qu’Hitler ait eu un Airborne Division, l’auteur, Xavier Van Daele, vous
succès, même limité militairement avec en plus une présente dans cet ouvrage l’histoire détaillée de cette
Alliance qui vole en éclats… On peut supposer et ima- division aéroportée. Engagée en décembre 1944 du-
giner plein de choses ! Mais heureusement, mis à part rant la contre attaque des Ardennes, puis pour l’opé-
une grave crise qui ne s’envenima pas plus que de rai- ration Varsity et la campagne d’Allemagne, la 17th
son, Hitler n’obtint rien d’autre qu’un sursis de Airborne Division possède une histoire riche de hauts
quelques mois.
faits d’armes et de souffrances.
A propos de la Wermacht qui pouvait encore « rendre
coup pour coup », je pense que le texte sur cette pé-
riode, la description des combats vécus dans son trou
par le GI’s est assez explicite sur la dureté et la pu-
gnacité des troupes allemandes qui ne lâchèrent rien
jusqu’au moment où les Russes lancèrent de leur côté
leur offensive.
DL : La version du livre que je possède situe toutes
les notes en fin de livre, ce qui est inconfortable. Pour-
quoi ne pas les avoir mises en pied de page ?
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cette Histoire qui est la nôtre. Il convient d’entretenir
ce patrimoine et surtout, ce qu’il représente. M. Zurbach s’est vu décerner notamment :
C’est vers les jeunes générations que l’Association se La Légion d’Honneur (à titre militaire)
tourne aujourd’hui pour ramasser le flambeau et pour
La croix de la valeur militaire (1 étoile)
que notre pays ne perde pas son histoire.
La croix du combattant
Fonctionnant de manière très décentralisée, sous
forme de comités locaux, l’Association couvre tous les La médaille d’Afrique du nord
départements français et possède des représentations
dans 80 pays. Dès son retour à la vie civile, M. Zurbach se consacre
à des activités bénévoles liées au monde combattant.
Selon les conditions politiques ou économiques, l’en-
tretien des tombes dans certains pays étrangers n’est Il participe très vite aux activités du Souvenir français,
pas toujours facile, voire parfois impossible. et devient président du comité du canton d’Etupes
C’est afin de faire mieux connaissance avec cette As- en 2006.
sociation que nous vous proposons de rencontrer un
Depuis, il s’applique à mener à bien les missions qui
de ses membres, M. Bernard Zurbach, président du
sont les siennes, utilisant pour cela sa vigoureuse
comité du Souvenir français du canton d’Etupes
(Doubs). énergie, son sens de l’organisation « militaire », un
enthousiasme et une disponibilité sans faille.
Afin de nous expliquer de manière concrète com-
BIOGRAPHIE ment fonctionne le Souvenir français, il a bien voulu
répondre à nos questions. Je l’en remercie sincère-
ment.
Bernard Zurbach est né en 1938 dans l’Aube. Sa fa-
mille s’installe en Franche-Comté en 1940, ses pa-
rents, ouvriers, travailleront dans les usines Japy de
Beaucourt, dans le Territoire de Belfort.
Il passe son certificat d’études en 1952, apprends le
métier de boulanger et obtient son CAP en 1958, non
sans avoir trouvé le temps de se marier et d’avoir une
fille en 1957.
Malgré sa situation de père de famille, il est alors ap-
pelé pour faire son service militaire au 35ème RI de
Belfort, qu’il intègre le 3 mars 1958.
Il monte rapidement en grade, et c’est en tant que Bernard Zurbach : « il faut passer le
flambeau aux jeunes générations...»
sergent appelé qu’il arrive en Algérie en septembre
1959.
Son deuxième enfant naît en décembre de cette
même année, or, la loi de l’époque prévoit que les Interview
pères de 2 enfants soient renvoyés dans leurs foyers.
Alexandre Prétot : M. Zurbach, la réponse est peut-
Il rentre donc en France le 24 décembre 1959, mais, être évidente, mais pouvez-vous nous donner les rai-
la vie militaire l’ayant séduit, il décide de s’engager sons de votre engagement dans le Souvenir français ?
et signe un contrat de 3 ans en avril 1960. Bernard Zurbach : En tant qu’ancien soldat, je
Il retrouve la terre algérienne et le 35ème RI en oc- trouve normal de donner mon temps pour entretenir
tobre et assistera à toute la tragédie qui marquera la les lieux de souvenir des hommes et des femmes qui
sont morts pour la France. J’ai également à coeur la
fin de cette guerre, qui n’en était pas officiellement
transmission de cette mémoire en direction des géné-
une, à l’époque. rations plus jeunes, une envie de leur passer le flam-
Il rentre en France en février 1963, et poursuit une beau...
carrière militaire qui le verra admis dans le corps des AP : Sur combien de personnes pouvez-vous vous
sous-officiers de carrière en 1967. En 1972, il est ad- appuyer pour vos actions ?
judant-chef.
BZ : officiellement, la section compte 12 personnes,
A l’issue d’un passage à l’Ecole Spéciale Militaire In- un président, un vice-président, un trésorier et un re-
terarmées de st Cyr-Coetquidan, il est nommé sous- présentant dans chaque commune du canton. Par
lieutenant en 1973 (promotion Lieutenant Chaussin). contre, je reçois l’aide de bénévoles lors de la quête
nationale.
Il prend sa retraite en 1983, avec le grade de capi-
AP : A propos de cette quête, quelles sont vos sources
taine. de financement ?
BZ : Le Souvenir français est autorisé à effectuer une
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quête chaque année à la Toussaint, les revenus de est maintenant coincé entre 2 routes et cela rend les
cette action constituent une part importante de nos cérémonies dangereuses, il se pourrait même qu’une
moyens d’actions. Mais à l’occasion d’un projet précis, voiture finisse un soir encastrée dedans.
nous recevons parfois des subventions de collectivités
AP : Et en ce genre de cas, comment procédez-vous ?
locales, et puis aussi des dons de particuliers et des
legs. BZ : Nous montons un projet avec la mairie et les as-
sociations d’anciens combattants. Lorsqu’il est chiffré,
AP : Et les cotisations des membres ?
nous essayons de trouver le financement puis nous
BZ : Je ne demande pas de participation financière, réalisons.
ils donnent déjà leur temps, c’est assez !
AP : Et à plus longue échéance, vous avez des pro-
AP : Et quelles actions menez-vous ? jets ?
BZ : La priorité, c’est l’entretien des tombes de soldats BZ : Dans 2 ans, ce sera le centenaire du début de la
et des monuments sur le canton. Un nettoyage au grande guerre, j’espère pouvoir commémorer digne-
printemps et à l’automne, brosse en fer et désher- ment cet anniversaire. J’ai déjà des idées....
bant...Rien de glorieux, mais cela doit être fait, je
AP : A propos d’anniversaire et du temps qui passe,
m’en charge avec mon épouse.
quelle est la moyenne d’âge dans votre section ?
Ensuite, il faut organiser les cérémonies commémora-
BZ : Ce sont très souvent des anciens combattants
tives, en liaison avec les Associations d’anciens com-
qui participent à nos activités, et, à bientôt 75 ans, je
battants. 8 mai, 11 novembre...
suis un des moins agés ! Mais, heureusement, nous
Nous essayons également d’être présents dans les avons des « civils », plus jeunes, qui viennent nous
écoles, pour porter le message et inciter les plus aider.
jeunes à venir à ces manifestations.
AP : Et la relève ?
AP : Rien de plus...visible ?
BZ : Elle passe par les enfants d’aujourd’hui, c’est
BZ : Il arrive que nous mettions sur pied un projet pourquoi nous essayons d’être présents dans les
plus ambitieux de restauration ou de création d’un lieu écoles, lorsque c’est possible, pour expliquer et inté-
de souvenir. resser. Pour être efficaces, nous avons besoin de l’ap-
pui des professeurs et des élus locaux.
AP : Pouvez-vous nous donner un exemple ?
AP : Je vous remercie en mon nom et en celui de nos
BZ : Il y a quelques années, nous avons totalement
lecteurs pour le temps que vous nous avez consacré.
restauré la tombe du caporal Peugeot, qui est le pre-
mier mort français de la guerre 14-18 et qui repose
dans le cimetière d’Etupes (voir encadré)
AP : Et pour l’avenir ?
BZ : Nous avons un projet de déplacement du
monument aux morts d’une commune voisine car il
2 août 1914 :
La tombe du caporal
le début de la tragédie
Jules André Peugeot
Le dimanche 2 août 1914, bien que la tension inter-
nationale soit à son comble, la guerre n’est pas en-
core déclarée entre la France et l’Allemagne. Le
Gouvernement français, dans le but d’éviter un inci-
dent pouvant déclencher les hostilités fait reculer ses
troupes d’environ 10km par rapport à la frontière
avec l’Allemagne. Malgré tout, le pays est mobilisé et
l’armée monte la garde.
A l’extrême est de la frontière, tout près de la Suisse,
c’est le 44ème RI de Montbéliard qui assure la mis-
sion de surveillance. Un des points choisis se situe sur
une petite butte en limite du village de Joncherey
(Territoire de Belfort), où se trouve une ferme. De là,
il est possible de surveiller les chemins qui viennent
de Faverois et Boron, villages situés en territoire
français, mais faisant partie de la bande de 10km
abandonnée par l’armée sur ordre du gouvernement.
Ce poste de garde est confié au caporal Jules André
Peugeot et à son escouade de quatre hommes. Le ca-
poral Peugeot s’installe avec trois de ses soldats dans
la ferme et place une sentinelle au bord du talus, à
quelques dizaines de mètres.
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Vers 10h du matin, la fille des fermiers, qui allait cher- Le corps du lieutenant
cher de l’eau à une source voisine, aperçoit des cava- Mayer, inhumé à Joncherey
liers dont les casques s’ornent de la pointe en 1914, sera réclamé par
caractéristique des troupes allemandes de l’époque. ses proches après la guerre.
Elle court vers la maison en criant « Les Prussiens ar- Il repose maintenant à
rivent «. Dans le même temps, la sentinelle placée au quelques dizaines de kilo-
bord de la route crie « Aux armes «. mètres de celui du caporal
Peugeot, dans le cimetière
La patrouille de Uhlans, composée de sept hommes,
D’Illfurth (Haut Rhin).
appartient au 5ème escadron de chasseurs à cheval
de Mulhouse (NDLA : à cette époque, l’Alsace et la En 1922, un monument
Lorraine sont allemandes). Elle a reçu l’ordre d’effec- commémoratif sera érigé
tuer une reconnaissance dans la zone abandonnée Le caporal Jules André dans le village de Jonche-
Peugeot (1893-1914)
par l’armée française et a pénétré en France le matin rey, quasiment à l’endroit
à 8h. Elle est commandée par le lieutenant Mayer. où s’est déroulé le drame. Il est démoli par les nazis
durant l’Occupation, et reconstruit après la Libération,
C’est lui qui, dès qu’il aperçoit la sentinelle française,
en 1959.
dégaine son sabre et son pistolet de service et charge.
Il bouscule le soldat français qui roule dans le fossé Dans le cimetière d’Etupes, la tombe du caporal Peu-
au bord de la route. Au même moment, le caporal geot a été restaurée par le Souvenir français au début
Peugeot, alerté par les cris de son factionnaire, surgit des années 2000.
de la cour de la ferme, son fusil à la main. Il met en
joue l’officier allemand et le somme de s’arrêter. Le
Mémorial du caporal Peugeot
cavalier tire alors sur lui à trois reprises. Le caporal à Joncherey
Peugeot fait feu une fois, puis s’écroule, mortellement
blessé.
Le lieutenant Mayer, qui a été touché, est emporté sur
150 mètres par son cheval avant de tomber à bas de
sa monture, mort.
Les autres soldats français ouvrent alors le feu et l’es-
couade allemande se débande (deux cavaliers seront
capturés immédiatement, un autre, sérieusement
blessé, le sera le lendemain. Deux parviendront à re-
joindre les lignes allemandes, un dernier sera porté
disparu).
Le lendemain, 3 août 1914, l’Allemagne déclare la
guerre à la France !
C’est ainsi que le caporal Jules André Peugeot, insti-
tuteur dans le civil, et le lieutenant Mayer auront le
triste honneur de devenir les premiers soldats français
et allemand à mourir pour leurs pays dans cette
guerre. Ils allaient, malheureusement, être suivis par
beaucoup d’autres...
Ramené dans la maison de ses parents située dans le
village tout proche d’Etupes, le corps du caporal Peu-
Source : Le drame de Joncherey 2 août 1914, Dr P. Bonnette, bro-
geot est inhumé le 4 août 1914 dans le caveau de fa- chure de 1959 rééditée par le conseil municipal de Joncherey en
mille. 1984.
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Pour en savoir plus sur le Comment rejoindre le
Souvenir français... Souvenir français ?
Fiche Technique
Explique-moi... Le Souvenir français
Auteur : Ouvrage collectif
Editeur : NANE Editions
Ouvrage relié, cartonné, illustré
Format : 15 x 21 cm, 56 pages
Prix public : 9 €
www.nane-editions.fr
Présentation de l’éditeur
Le Souvenir français est l’une des associations les plus
anciennes de France. Son but premier est d’oeuvrer
pour conserver la mémoire de celles et ceux qui sont
morts pour la France au cours de son histoire, notam-
ment en entretenant et en restaurant les nombreux
monuments, tombes ou stèles qui se trouvent en
France ou à l’étranger.
Au-delà de ce rôle de conservation, le Souvenir fran-
çais s’est fixé comme mission indispensable la trans-
mission du souvenir de tous ceux qui ont fait le
sacrifice de leur vie, auprès des générations actuelles
et futures, en leur inculquant le sens du devoir,
l’amour de la Patrie et le respect des valeurs de la Ré-
publique.
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Le magazine PM’ARIA
Présentation par Daniel LAURENT
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