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Récapitulatif Eaf Première Générale 2024

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EAF Session 2024, Voie

Générale

Récapitulatif des œuvres et des textes étudiés durant la classe de Première

Établissement et ville : Groupe Scolaire René Descartes, Tunis.

Nom et prénom de l’élève :

Classe : 1B - C - G

Nom du professeur : Mme MÉCHAIN

ŒUVRE CHOISIE PAR LE CANDIDAT pour la 2ème partie de l’épreuve :


Objet d’étude :
Auteur et titre :
Informations à l’attention de l’examinateur relatives au parcours du
candidat (absences, maladie, changement d’établissement, horaire
incomplet, …) :

Signature du professeur : Signature et cachet du Chef d’Établissement :


EAF session 2023 voie générale
EXPLICATIONS LINÉAIRES pour la première partie de l’épreuve

Séquence 1 : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle

Œuvre intégrale : Prévost, Manon Lescaut (1753)


Parcours associé : Personnages en marge et plaisirs
du romanesque
Lecture Cursive : L ‘Etranger d’ Albert Camus

Texte n°1 : L’Abbé Prévost, Manon Lescaut (1731), Le récit de la


rencontre entre Manon et le Chevalier Des Grieux.
De “J’avais marqué le temps” à “tous ses malheurs et les miens”.

Texte n°2 : L’Abbé Prévost, Manon Lescaut (1731),.L’évasion de Saint


-Lazare de “Quoi ! Mon fils , “ à “ suivant sa promesse”

Texte n°3 : L’Abbé Prévost, Manon Lescaut (1731), La mort de


Manon. De “Pardonnez, si j’achève” à “la mener jamais plus
heureuse”.

Texte n°4 : Laclos, Les Liaisons dangereuses (1782), “Lettre


81”. De “Mais moi, qu’ai-je de commun” à “quelquefois si
étonné”.
EAF session 2023 voie générale
EXPLICATIONS LINÉAIRES pour la première partie de l’épreuve

Séquence 2 : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle

Œuvre intégrale : Jean de La Bruyère, Les Caractères (Livres V à

X)

Parcours associé : La Comédie sociale.


Lecture Cursive : Voltaire , Le Monde comme il va (1748)

Texte n°1 : Nicandre, Livre V (“De la Société et de la


Conversation”), Les Caractères (1688), La Bruyère
De “Nicandre s'entretient avec Elise” à “ qu'il veut se remarier.”

Texte n°2 : L’homme spectateur des autres hommes, Livre VIII (“De la
Cour”), Les Caractères (1688), La Bruyère
De “ L'on court les malheureux ” à “ choses pour vous à éviter !”.

Texte n°3 : Livre X, “Du souverain ou de la République”,


Les Caractères (1688), La Bruyère.
De “La guerre a pour elle l'antiquité” à “pour toujours la paix et la liberté”.

Texte n°4 : Madame De SEVIGNÉ, Lettres, “ Lettre à M. De


POMPONNE”. De “Il faut que je vous conte” à “il est loin de connaître jamais
la vérité”.
EAF session 2023 voie générale
EXPLICATIONS LINÉAIRES pour la première partie de l’épreuve

Séquence 3 : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

Œuvre intégrale : Molière, Le Malade imaginaire, 1672

Parcours associé : Spectacle et comédie.


Lecture Cursive : George Feydeau , On purge bébé (1910)

Texte n°1 : Acte I, scène 5, Le Malade imaginaire (1672), Molière De “


Vous ne la mettrez point dans un couvent.” à “elle m'obéira plutôt qu'à
vous.”

Texte n°2 : Acte II, scène 5 - La présentation de Diafoirus ,


Le Malade imaginaire (1672), Molière
De “Allons, Thomas, avancez.” à “Très fidèle serviteur et mari”.

Texte n°3 : Acte III, scène 12, Le Malade imaginaire (1672), Molière De “Ah!
mon Dieu! Ah! malheur! Quel étrange accident! ” à “ Eh bien, mon frère, vous
le voyez.”.

Texte 4: Acte III, scène 5, Dom Juan (1665), Molière


De “Voici la statue du Commandeur” à “Voilà de mes esprits forts qui ne
veulent rien croire”.
EAF session 2023 voie générale
EXPLICATIONS LINÉAIRES pour la première partie de l’épreuve

Séquence 4 : La poésie du XIXème siècle au XXIème siècle

Œuvre intégrale : Rimbaud, Les cahiers de Douai,1919

Parcours associé : Émancipation créatrice.

Lecture Cursive : Francis Ponge, Le Parti pris des choses (1942)

Texte n°1 : “ Le dormeur du val", Cahiers de Douai de

Rimbaud Texte n°2 : “Au cabaret vert”, Cahiers de Douai de

Rimbaud

Texte n°3 : “Ma bohème”, Cahiers de Douai de Rimbaud

Texte n°4 : “Le crapaud”, Les Amours jaunes (1873) de Corbière


Objet d’Étude 1 : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle :

Texte 1 : « La rencontre entre des Grieux et Manon », Manon Lescaut


(1731) , Abbé Prévost

J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour
plus tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais
quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le
coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n'avions
pas d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en
resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour, pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui
paraissait lui servir de conducteur, s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me
parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille
avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me
trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide
et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la
maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses
sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques
personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents
pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon
cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une
manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi.
C'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui
s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens.

Texte 2 : « L’ évasion de Saint - Lazare », Manon Lescaut (1731) , Abbé


Prevost
Quoi! Mon fils , vous voulez m’ôter la vie , pour reconnaître la considération que j’ai
eue pour vous ? A Dieu ne plaise , lui répondis-je . Vous avez trop d’esprit et de raison
pour me mettre dans cette nécessité ; mais je veux être libre , et j’y suis si résolu que , si
mon projet manque par votre faute , c’est fait de vous absolument .

Mais, mon cher fils, reprit-il d’un air pâle et effrayé , que vous ai-je fait ? quelle
raison avez-vous de vouloir ma mort ? Eh non ! répliquai-je avec impatience . Je n’ai pas
dessein de vous tuer , si vous voulez vivre . Ouvrez-moi la porte , et je suis le meilleur de
vos amis . J’aperçus les clefs qui étaient sur sa table . Je les pris et je le priai de me
suivre , en faisant le moins de bruit qu’il pourrait . Il fut obligé de s’y résoudre .

A mesure que nous avancions et qu’il ouvrait une porte , il me répétait avec un
soupir ; Ah ! mon fils , ah ! qui l’aurait cru ? Point de bruit, mon Père , répétais - je de mon
côté à tout moment . Enfin nous arrivâmes à une espèce de barrière , qui est avant la
grande porte de la rue ;Je me croyais libre , et j’étais derrière le Père , avec ma chandelle
dans une main et mon pistolet dans l’autre .

Pendant qu’il s’empressait d’ouvrir , un domestique , qui couchait dans une


chambre voisine , entendant le bruit de quelques verrous , se lève et met la tête à sa porte
. Le bon Père le crut apparemment capable de m’arrêter . Il lui ordonna , avec beaucoup
d’imprudence , de venir à son secours . C’était un puissant coquin , qui s’élança sur moi
sans balancer . Je ne le marchandai point , je lui lâchai le coup au milieu de la poitrine .

Voilà de quoi vous êtes cause , mon Père , dis-je assez fièrement à mon guide .
Mais que cela ne vous empêche point d’achever , ajoutai-je en le poussant vers la
dernière porte . Il n’osa refuser de l’ouvrir . Je sortis heureusement et je trouvai , à quatre
pas , Lescaut qui m’attendait avec deux amis , suivant sa promesse .

Texte 3 : « La Mort de Manon Lescaut », Manon Lescaut (1731),


Abbé Prévost
Pardonnez, si j'achève en peu de mots un récit qui me tue. Je vous raconte un malheur qui
n'eut jamais d'exemple. Toute ma vie est destinée à le pleurer. Mais, quoique je le porte
sans cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer d'horreur, chaque fois que
j'entreprends de l'exprimer.

Nous avions passé tranquillement une partie de la nuit. Je croyais ma chère maîtresse
endormie et je n'osais pousser le moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil. Je
m'aperçus dès le point du jour, en touchant ses mains, qu'elle les avait froides et tremblantes.
Je les approchai de mon sein, pour les échauffer. Elle sentit ce mouvement, et, faisant un
effort pour saisir les miennes, elle me dit, d'une voix faible, qu'elle se croyait à sa dernière
heure. Je ne pris d'abord ce discours que pour un langage ordinaire dans l'infortune, et je n'y
répondis que par les tendres consolations de l'amour. Mais, ses soupirs fréquents, son silence
à mes interrogations, le serrement de ses mains, dans lesquelles elle continuait de tenir les
miennes me firent connaître que la fin de ses malheurs approchait. N'exigez point de moi que
je vous décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions. Je la
perdis ; je reçus d'elle des marques d'amour, au moment même qu'elle expirait. C'est tout ce
que j'ai la force de vous apprendre de ce fatal et déplorable événement.

Mon âme ne suivit pas la sienne. Le Ciel ne me trouva point, sans doute, assez
rigoureusement puni. Il a voulu que j'aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable. Je
renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse.

Texte 4 : extrait « Lettre 81 », Les Liaison dangereuses (1782), de


Pierre Choderlos de Laclos

Mais moi, qu’ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées ? Quand m’avez-vous vue
m’écarter des règles que je me suis prescrites et manquer à mes principes ? je dis mes principes,
et je le dis à dessein : car ils ne sont pas, comme ceux des autres femmes, donnés au hasard,
reçus sans examen et suivis par habitude ; ils sont le fruit de mes profondes réflexions ; je les ai
créés, et je puis dire que je suis mon ouvrage.
Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, j’étais vouée par état au silence et à
l’inaction, j’ai su en profiter pour observer et réfléchir. Tandis qu’on me croyait étourdie ou distraite,
écoutant peu à la vérité les discours qu’on s’empressait de me tenir, je recueillais avec soin ceux
qu’on cherchait à me cacher.

Cette utile curiosité, en servant à m’instruire, m’apprit encore à dissimuler : forcée souvent de
cacher les objets de mon attention aux yeux qui m’entouraient, j’essayai de guider les miens à mon
gré ; j’obtins dès lors de prendre à volonté ce regard distrait que depuis vous avez loué si souvent.
Encouragée par ce premier succès, je tâchai de régler de même les divers mouvements de ma
figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m’étudiais à prendre l’air de la sécurité, même celui de la
joie ; j’ai porté le zèle jusqu’à me causer des douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps
l’expression du plaisir. Je me suis travaillée avec le même soin et plus de peine pour réprimer les
symptômes d’une joie inattendue. C’est ainsi que j’ai su prendre sur ma physionomie cette
puissance dont je vous ai vu quelquefois si étonné.

Objet d’Étude 2 : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle :

Texte 1 : Nicandre, Livre V “De la Société et de la


Conversation”, Les Caractères (1688), La Bruyère

Nicandre, le veuf en quête d’une épouse (V, 82)

La Bruyère fait ici le portrait d’un veuf qui fait étalage de ses richesses pour tenter de séduire une
femme afin de l’épouser.
Nicandre s'entretient avec Elise de la manière douce et complaisante dont il a vécu avec
sa femme, depuis le jour qu'il en fit le choix jusques à sa mort ; il a déjà dit qu'il regrette
qu'elle ne lui ait pas laissé des enfants, et il le répète ; il parle des maisons qu'il a à la
ville, et bientôt d'une terre qu'il a à la campagne : il calcule le revenu qu'elle lui rapporte,
il fait le plan des bâtiments, en décrit la situation, exagère la commodité des
appartements, ainsi que la richesse et la propreté des meubles ; il assure qu'il aime la
bonne chère, les équipages; il se plaint que sa femme n'aimait point assez le jeu et la
société. "Vous êtes si riche, lui disait l'un de ses amis, que n'achetez-vous cette charge ?
Pourquoi ne pas faire cette acquisition qui étendrait votre domaine ? On me croit, ajoute-
t-il, plus de bien que je n'en possède." Il n'oublie pas son extraction et ses alliances :
Monsieur le Surintendant, qui est mon cousin ; Madame la Chancelière, qui est ma
parente ; voilà son style. Il raconte un fait qui prouve le mécontentement qu'il doit avoir
de ses plus proches, et de ceux même qui sont ses héritiers : "Ai-je tort ? dit-il à Elise ; ai-
je grand sujet de leur vouloir du bien ?" et il l'en fait juge. Il insinue ensuite qu'il a une
santé faible et languissante, et il parle de la cave où il doit être enterré. Il est insinuant,
flatteur, officieux à l'égard de tous ceux qu'il trouve auprès de la personne à qui il aspire.
Mais Elise n'a pas le courage d'être riche en l'épousant. On annonce, au moment qu'il
parle, un cavalier, qui de sa seule présence démonte la batterie de l'homme de ville : il se
lève déconcerter et chagrin, et va dire ailleurs qu'il veut se remarier.

Jean de La Bruyère, Les Caractères (1688), V « De la société et de la conversation », 82 (V)

Complaisante : aimable, pour plaire à autrui.


Commodité : confort.
Équipages : carrosses et beaux vêtements.
Extraction : origine familiale, sociale.
Alliances : lien entre deux familles.
Languissante : qui se détériore.
Officieux : qui aime rendre service.
La batterie : ici, la mise en scène flatteuse.

Le Spectateur des autres hommes, Livre VIII “De la Cour” Les


Caractères (1688), La Bruyère

Prenant le thème du condamné à mort que l'on vient voir supplicier et


exécuter, La Bruyère invite à se détourner du spectacle des malheurs du
monde pour profiter, davantage, de l'exemple des hommes heureux.
L'on court les malheureux pour les envisager ; l'on se range en haie, ou l'on
se place aux fenêtres, pour observer les traits et la contenance d'un homme
qui est condamné, et qui sait qu'il va mourir : vaine, maligne, inhumaine
curiosité ; si les hommes étaient sages, la place publique serait
abandonnée, et il serait établi qu'il y aurait de l'ignominie seulement à voir
de tels spectacles. Si vous êtes si touchés de curiosité, exercez-la du
moins en un sujet noble : voyez un heureux, contemplez-le dans le jour
même où il a été nommé à un nouveau poste, et qu'il en reçoit les
compliments ; lisez dans ses yeux, et au travers d'un calme étudié et d'une
feinte modestie, combien il est content et pénétré de soi-même ; voyez
quelle sérénité cet accomplissement de ses désirs répand dans son cœur
et son visage, comme il ne songe plus qu'à vivre et à avoir de la santé,
comme ensuite sa joie lui échappe et ne peut plus dissimuler, comme il plie
sous les poids de son bonheur, quel air froid et sérieux il conserve pour
ceux qui ne sont plus égaux : il ne leur répond pas, il ne les voit pas ; les
embrassements et les caresses des grands, qu'il ne voit plus de si loin,
achèvent de lui nuire; il se déconcerte, il s'étourdit: c'est une courte
aliénation. Vous voulez être heureux vous désirez des grâces ; que de
choses pour vous à éviter !

Jean de La Bruyère, Les Caractères (1688), VIII « De la Cour », 50 (V)


Envisager : regarder.
Vaine : pleine de vanité, de suffisance.
Aliénation : perte de liberté.
Grâces : faveurs.

Texte 3 : Livre X, “Du souverain ou de la République”,


Les Caractères (1688), La Bruyère

La guerre a pour elle l'antiquité ; elle a été dans tous les siècles : on l'a toujours vue
remplir le monde de veuves et d'orphelins, épuiser les familles d'héritiers, et faire
périr les frères à une même bataille. Jeune Soyecour ! je regrette ta vertu, ta pudeur,
ton esprit déjà mûr, pénétrant, élevé, sociable ; je plains cette mort prématurée qui te
joint à ton intrépide frère, et t'enlève à une cour où tu n'as fait que te montrer :
malheur déplorable, mais ordinaire ! De tout temps les hommes, pour quelque
morceau de terre de plus ou de moins, sont convenus entre eux de se dépouiller, se
brûler, se tuer, s'égorger les uns les autres ; et pour le faire plus ingénieusement et
avec plus de sûreté, ils ont inventé de belles règles qu'on appelle l'art militaire ; ils
ont attaché à la pratique de ces règles la gloire ou la plus solide réputation ; et ils ont
depuis renchéri de siècle en siècle sur la manière de se détruire réciproquement. De
l'injustice des premiers hommes, comme de son unique source, est venue la guerre,
ainsi que la nécessité où ils se sont trouvés de se donner des maîtres qui fixassent
leurs droits et leurs prétentions. Si, content du sien, on eût pu s'abstenir du bien de
ses voisins, on avait pour toujours la paix et la liberté.

Jean de La Bruyère, Les Caractèr

es (1688), X « Du souverain ou de la République »


Texte 4 : “Lettre à M. De POMPONNE”, Lettres (1664),
Madame De SÉVIGNÉ
[...]
Il faut que je vous conte une petite historiette, qui est très vraie et qui vous divertira.
Le Roi se mêle depuis peu de faire des vers ; MM. de Saint-Aignan et Dangeau lui
apprennent comme il s'y faut prendre. Il fit l'autre jour un petit madrigal, que
"Monsieur le maréchal, je vous prie, lisez ce petit madrigal, et voyez si vous n'en
avez jamais vu un si impertinent. Parce qu'on sait que depuis peu j'aime les vers, on
m'en apporte de toutes les façons." Le maréchal, après avoir lu, dit au Roi: "Sire,
Votre Majesté juge divinement bien de toutes choses ; il est vrai que voilà le plus sot
et le plus lui-même ne trouva pas trop joli. Un matin, il dit au maréchal de Gramont :
ridicule madrigal que j'aie jamais lu." Le Roi se mit à rire, et lui dit : "N'est-il pas vrai
que celui qui l'a fait est bien fat ? - Sire, il n'y a pas moyen de lui donner un autre
nom. - Oh bien ! dit le Roi, je suis ravi que vous m'en ayez parlé si bonnement ; c'est
moi qui l'ai fait. - Ah ! Sire, quelle trahison ! Que Votre Majesté me le rende ; je l'ai lu
brusquement. - Non, monsieur le maréchal ; les premiers sentiments sont toujours
les plus naturels." Le Roi a fort ri de cette folie, et tout le monde trouve que voilà la
plus cruelle petite chose que l'on puisse faire à un vieux courtisan. Pour moi, qui
aime toujours à faire des réflexions, je voudrais que le Roi en fît là-dessus, et qu'il
jugeât par là combien il est loin de connaître jamais la vérité.

[...]

Objet d’Étude 3 : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle Texte


1 : Acte I, scène 5, Le Malade imaginaire (1672), Molière

TOINETTE.- Vous ne la mettrez point dans un couvent.


ARGAN.- Je ne la mettrai point dans un couvent ?
TOINETTE.- Non.
ARGAN.- Non?
TOINETTE.- Non.
ARGAN.- Ouais, voici qui est plaisant. Je ne mettrai pas ma fille dans un couvent, si je veux?
TOINETTE.- Non, vous dis-je.
ARGAN.- Qui m'en empêchera?
TOINETTE.- Vous-même.
ARGAN.- Moi?
TOINETTE.- Oui. Vous n'aurez pas ce cœur-là.
ARGAN.- Je l'aurai.
TOINETTE.- Vous vous moquez.
ARGAN.- Je ne me moque point.
TOINETTE.- La tendresse paternelle vous prendra.
ARGAN.- Elle ne me prendra point.
TOINETTE.- Une petite larme, ou deux, des bras jetés au cou, un «mon petit papa mignon»,
prononcé tendrement, sera assez pour vous toucher.
ARGAN.- Tout cela ne fera rien.
TOINETTE.- Oui, oui.
ARGAN.- Je vous dis que je n'en démordrai point.
TOINETTE.- Bagatelles.
ARGAN.- Il ne faut point dire «bagatelles».
TOINETTE.- Mon Dieu je vous connais, vous êtes bon naturellement.
ARGAN, avec emportement.- Je ne suis point bon, et je suis méchant quand je veux.
TOINETTE.- Doucement, Monsieur, vous ne songez pas que vous êtes malade.
ARGAN.- Je lui commande absolument de se préparer à prendre le mari que je dis.
TOINETTE.- Et moi, je lui défends absolument d'en faire rien.
ARGAN.- Où est-ce donc que nous sommes? et quelle audace est-ce là à une coquine de
servante de parler de la sorte devant son maître?
TOINETTE.- Quand un maître ne songe pas à ce qu'il fait, une servante bien sensée est en droit
de le redresser.
ARGAN court après Toinette.- Ah! insolente, il faut que je t'assomme.
TOINETTE courant et se sauvant de l’autre côté de la chaose où n’est pas Argan.- Il est de mon
devoir de m'opposer aux choses qui vous peuvent déshonorer.
ARGAN, en colère, court après elle autour de sa chaise, son bâton à la main.- Viens, viens, que je
t'apprenne à parler.
TOINETTE, courant, et se sauvant du côté de la chaise où n'est pas Argan.- Je m'intéresse, comme
je dois, à ne vous point laisser faire de folie.
ARGAN.- Chienne!
TOINETTE.- Non, je ne consentirai jamais à ce mariage.
ARGAN.- Pendarde!
TOINETTE.- Je ne veux point qu'elle épouse votre Thomas Diafoirus.
ARGAN.- Carogne!
TOINETTE.- Et elle m'obéira plutôt qu'à vous.
Texte 2 : Acte II, scène 5, Le
Malade imaginaire (1672), Molière MONSIEUR DIAFOIRUS.- À vous
témoigner notre zèle. (Il se retourne vers son fils, et lui dit.) Allons, Thomas, avancez. Faites
vos compliments.
THOMAS DIAFOIRUS est un grand benêt nouvellement sorti des Écoles, qui fait toutes choses de
mauvaise grâce, et à contretemps.- N'est-ce pas par le père qu'il convient commencer ?
MONSIEUR DIAFOIRUS.- Oui.
THOMAS DIAFOIRUS.- Monsieur, je viens saluer, reconnaître, chérir, et révérer en vous un second
père ; mais un second père, auquel j'ose dire que je me trouve plus redevable qu'au premier. Le
premier m'a engendré : mais vous m'avez choisi. Il m'a reçu par nécessité ; mais vous m'avez
accepté par grâce. Ce que je tiens de lui est un ouvrage de son corps ; mais ce que je tiens de vous
est un ouvrage de votre volonté ; et, d’autant plus que les facultés spirituelles sont au-dessus des
corporelles, d’autant plus je vous dois, et d’autant plus je tiens précieuse cette future filiation, dont je
viens aujourd'hui vous rendre par avance les très humbles, et très respectueux hommages.
TOINETTE.- Vivent les collèges, d'où l'on sort si habile homme.
THOMAS DIAFOIRUS.- Cela a-t-il bien été, mon père ?
MONSIEUR DIAFOIRUS.- Optime.
ARGAN, à Angélique.- Allons, saluez Monsieur.
THOMAS DIAFOIRUS.- Baiserai-je ?
MONSIEUR DIAFOIRUS.- Oui, oui.
THOMAS DIAFOIRUS, à Angélique.- Madame, c'est avec justice que le Ciel vous a concédé le nom
de belle-mère, puisque l'on…
ARGAN.- Ce n'est pas ma femme, c'est ma fille à qui vous parlez.
THOMAS DIAFOIRUS.- Où donc est-elle ?
ARGAN.- Elle va venir.
THOMAS DIAFOIRUS.- Attendrai-je, mon père, qu'elle soit venue ?
MONSIEUR DIAFOIRUS.- Faites toujours le compliment de Mademoiselle.
THOMAS DIAFOIRUS.- Mademoiselle, ne plus ne moins que la statue de Memnon, rendait un son
harmonieux, lorsqu'elle venait à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens-je animé
d'un doux transport à l'apparition du soleil de vos beautés. Et comme les naturalistes remarquent
que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en
avant tournerat-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son
pôle unique. Souffrez donc, Mademoiselle, que j’appende aujourd’hui à l’autel de vos charmes
l’offrande de ce coeur et n'ambitionne autre gloire, que d'être toute ma vie, mademoiselle, votre très
humble, très obéissant, et très fidèle serviteur, et mari.
TOINETTE, en le raillant.- Voilà ce que c'est que d'étudier, on apprend à dire de belles choses.
ARGAN.- Eh ! que dites-vous de cela ?
CLÉANTE.- Que Monsieur fait merveilles et que, s'il est aussi bon médecin qu'il est bon orateur, il y
aura plaisir à être de ses malades.
Texte 3 : Acte III, scène 12, Le Malade imaginaire (1672), Molière

TOINETTE s'écrie.- Ah ! mon Dieu ! Ah malheur ! Quel étrange accident !


BÉLINE.- Qu'est-ce, Toinette ?
TOINETTE.- Ah, Madame !
BÉLINE.- Qu’y a t-il?
TOINETTE.- Votre mari est mort.
BÉLINE.- Mon mari est mort ?
TOINETTE.- Hélas ! Oui ; le pauvre défunt est trespassé.
BÉLINE.- Assurément?
TOINETTE.- Assurément, personne ne sait encore cet accident-là, et je me suis trouvée ici toute
seule. Il vient de passer entre mes bras. Tenez, le voilà tout de son long dans cette chaise.
BÉLINE.- Le Ciel en soit loué. Me voilà délivrée d'un grand fardeau. Que tu es sotte, Toinette, de
t'affliger de cette mort !
TOINETTE.- Je pensais, Madame, qu'il fallût pleurer.
BÉLINE.- Va, va, cela n'en vaut pas la peine. Quelle perte est-ce que la sienne ? et de quoi servait il
sur la terre ? Un homme incommode à tout le monde, malpropre, dégoûtant, sans cesse un
lavement, ou une médecine dans le ventre, mouchant, toussant, crachant toujours; sans esprit,
ennuyeux, de mauvaise humeur, fatiguant sans cesse les gens, et grondant jour et nuit servantes et
valets.
TOINETTE.- Voilà une belle raison funèbre.
BÉLINE.- Il faut, Toinette, que tu m'aides à exécuter mon dessein ; et tu peux croire qu’en me
servant ta récompense est sûre. Puisque, par un bonheur, personne n’est encore averti de la
chose, portons-le dans son lit, et tenons cette mort cachée, jusqu'à ce que j'aie fait mon affaire. Il y
a des papiers, il y a de l'argent, dont je me veux saisir, et il n'est pas juste que j'aie passé sans fruit
auprès de lui mes plus belles années. Viens, Toinette; prenons auparavant toutes ses clefs.
ARGAN, se levant brusquement.- Doucement.
BÉLINE, surprise, et épouvantée.- Ahi !
ARGAN.- Oui, madame ma femme, c'est ainsi que vous m'aimez !
TOINETTE.- Ah, ah, le défunt n'est pas mort.
ARGAN, à Béline qui sort.- Je suis bien aise de voir votre amitié, et d'avoir entendu le beau
panégyrique que vous avez fait de moi. Voilà un avis au lecteur qui me rendra sage à l’avenir, et
qui m’empêchera de faire bien des choses.
BÉRALDE, sortant de l'endroit où il était caché.- Hé bien, mon frère, vous le voyez!

Texte 4 : Acte III, scène 5, Dom Juan(1665), Molière

SGANARELLE.- Voici la statue du Commandeur.


DOM JUAN.- Parbleu, le voilà bon avec son habit d'empereur romain.
SGANARELLE.- Ma foi, Monsieur, voilà qui est bien fait. Il semble qu'il est en vie, et qu'il s'en va
parler. Il jette des regards sur nous qui me feraient peur, si j'étais tout seul, et je pense qu'il ne
prend pas plaisir de nous voir.
DOM JUAN.- Il aurait tort, et ce serait mal recevoir l'honneur que je lui fais. Demande-lui s'il veut
venir souper avec moi.
SGANARELLE.- C'est une chose dont il n'a pas besoin, je crois.
DOM JUAN.- Demande-lui, te dis-je.
SGANARELLE.- Vous moquez-vous ? Ce serait être fou que d'aller parler à une statue.
DOM JUAN.- Fais ce que je te dis.
SGANARELLE.- Quelle bizarrerie ! Seigneur Commandeur... Je ris de ma sottise, mais c'est mon
maître qui me la fait faire. Seigneur Commandeur, mon maître Don Juan vous demande si vous
voulez lui faire l'honneur de venir souper avec lui. (La Statue baisse la tête.) Ha !
DOM JUAN.- Qu'est-ce ? Qu'as-tu ? Dis donc, veux-tu parler ?
SGANARELLE fait le même signe que lui a fait la Statue et baisse la tête.- La Statue...
DOM JUAN.- Eh bien, que veux-tu dire, traître ?
SGANARELLE.- Je vous dis que la Statue...
DOM JUAN.- Eh bien, la Statue ? Je t'assomme, si tu ne parles.
SGANARELLE.- La Statue m'a fait signe.
DOM JUAN.- La peste le coquin.
SGANARELLE.- Elle m'a fait signe, vous dis-je : il n'est rien de plus vrai. Allez-vous-en lui parler
vous-même pour voir. Peut-être...
DON JUAN.- Viens, maraud, viens, je te veux bien faire toucher au doigt ta poltronnerie. Prends
garde. Le Seigneur Commandeur voudrait-il venir souper avec moi ?
La Statue baisse encore la tête.
SGANARELLE.- Je ne voudrais pas en tenir dix pistoles. Eh bien, monsieur ?
DON JUAN.- Allons, sortons d'ici.
SGANARELLE.- Voilà de mes esprits forts, qui ne veulent rien croire.

Objet d’Étude 4 : La poésie du XIXème siècle au XXIème siècle


Texte 1 : “ Le dormeur du val", Cahiers de Douai de Rimbaud

C'est un trou de verdure où chante une rivière


Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent, où le soleil, de la montagne fière,
Luit ; c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue


Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort : il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme


Sourirait un enfant malade, il fait un somme.
Nature, berce-le chaudement : il a froid !

Les parfums ne font pas frissonner sa narine


Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Texte 2 : “ Au cabaret vert", Cahiers de Douai de Rimbaud

Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines


Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.
- Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fut à moitié froid.

Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la table


Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. - Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,

- Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure ! -


Rieuse, m’apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,

Du jambon rose et blanc parfumé d’une gousse D’ail,


- et m’emplit la chope immense, avec sa mousse Que
dorait un rayon de soleil ar
Texte 3 : “Ma Bohème", Cahiers de Douai de Rimbaud

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;


Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.


- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,


Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,


Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur!
Texte 4 : “Le crapaud", Les Amours jaunes de Corbière

Un chant dans une nuit sans air...


La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.

... Un chant; comme un écho, tout vif


Enterré, là, sous le massif...
— Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre...

— Un crapaud! — Pourquoi cette peur,


Près de moi, ton soldat fidèle!
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue... — Horreur! —

... Il chante. — Horreur!! — Horreur


pourquoi? Vois-tu pas son œil de lumière...
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre.
..........................................................................
. Bonsoir — ce crapaud-là c’est moi.

Ce soir, 20 Juillet.

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