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LOGISTIQUE - Part 2

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7 • Les transports 7.

1 Les transports en France et en Europe

7 • LES TRANSPORTS

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


7.1 Les transports en France et en Europe
On distingue traditionnellement en France :
– les transports terrestres qui comprennent les transports routiers et les trans-
ports fluviaux – le code de commerce napoléonien traite des coches à cheval
et des coches d’eau – plus le chemin de fer ; les transports routiers peuvent
être nationaux ou internationaux et ne sont pas soumis aux mêmes règles juri-
diques dans ces deux cas (figure 7.1) ;
– les transports maritimes, le plus souvent internationaux ;
– les transports aériens, eux aussi souvent internationaux ;
– divers autres modes de transport comme les oléoducs, etc.
La matrice de la figure 7.1 propose une segmentation du marché du transport
terrestre en France.

MASSE
MASSE LOTS
LOTS DETAIL
DÉTAIL

VRAC CONDITIONNÉ COMPLET PARTIEL GROUPAGE Petits Colis

FLUVIAL
50 à 5 000 T

FERROVIAIRE
Wagons isolés
Trains Complets
15 à 50 T
jusqu’à 2 000 T
ROUTIER

Camions Lots Directs Petits lots + Petits


complets 25 T 3 T à 20 T Messagerie Colis

RAIL/ROUTE (Combiné)

+ ou – 2 Milliards de Tonnes
Tendances Lourdes

Figure 7.1 – Segmentation du transport terrestre en France.

289
7 • Les transports 7.1 Les transports en France et en Europe

En termes d’évolution, on note avec Hubert de Bailliencourt, expert en trans-


port et logistique internationale, les éléments clés suivants :
Le marché se déplace de la gauche vers la droite (masse vers lot puis lot vers
détail). Si la masse globale à transporter est relativement stable, le nombre
d’expéditions est en croissance continuelle de 6 à 12 % par an selon la
conjoncture. Donc, mécaniquement, le routier devient de plus en plus incon-
tournable pour les producteurs.
C’est principalement ce phénomène qui provoque la segmentation de plus en
plus fine du marché de transport routier qui se présente de la manière
suivante : Lots complets (national ou international), lots partiels directs (non
transbordés, national ou international), petits lots palettisés (en cross
docking), petits lots affrétés (compléments de chargement), services de
lignes régulières (lignards, national ou international), camionnage local ou
régional, messagerie régionale, messagerie nationale traditionnelle, messa-
gerie nationale accélérée, groupage international (100 kg à 3 ou 5 tonnes),
monocolis, express national (délai garanti avec livraison jour B avant 9 h,
avant 12 h ou jour B dans la journée, etc), express international (petits lots +
détai à délai garanti), courrier (plis, pièces détachées, échantillons), transport
urgent (taxi)
L’effervescence constatée sur le marché du colis < 100 kilos s’explique d’une
part par la croissance des envois mais surtout par le véritable télescopage
d’opérateurs venus de 3 métiers différents et qui s’affrontent avec des moyens
financiers colossaux sur ce créneau
1. Les messagers classiques avec la culture « transporteur » (1 expéditeur, un
destinataire et un contrat de transport), qui viennent du petit lot et qui ont
« inventé » le petit colis en France.
2. Les « postiers » avec la culture du « point de collecte » et qui arrivent
donc avec des moyens techniques considérables (bureaux de poste, centres
de tris colis etc). La fin du monopole les a obligés à appliquer la réalité du
coût de transport du colis, ce qui leur a fermé la porte du dumping qui leur
permettait de conserver leur part de marché sur le colis de moins de
30 kilos. D’où leur impérieuse nécessité de prendre des parts de marché au-
delà de 30 kilos, mais toujours avec une approche « affranchissement » et
sans rédaction d’un contrat de transport, n’étant pas considéré comme
transporteur.
3. Les « integrators » venus tout droit d’Amérique du Nord et essentiellement
issus du transport aérien, le moyen de transport express par excellence. Ils
sont intégrateurs d’abord et avant tout parce qu’ils ont été les premiers à
proposer des prix nets et tout compris (all in) pour des prestations complexes
comprenant du préacheminement, du transport aérien ou terrestre, du post
acheminement, ceci dans un environnement international (donc douanier).
Pour eux le transport express national n’est qu’un maillon complémentaire de
l’express international, et le cas éventuel, un complément de recette leur
permettant d’amortir les énormes frais de structure qui, dans les métiers de la
messagerie, comportent plus de 90 % de coûts fixes (en enlève, on transporte
et on livre partout quotidiennement quel que soit le niveau d’activité ou la
conjoncture).

290
7 • Les transports 7.1 Les transports en France et en Europe

Contrairement aux « transporteurs » (culture contrat de transport) et aux


postiers (culture affranchissement), les integrators pratiquent le contrat sans
papier (pas de récépissé et signature du réceptionnaire sur un bordereau de
groupage ou depuis quelques années, sur un terminal électronique recueillant
le nom et la signature du client).
C’est le télescopage de ces trois opérateurs de culture très différentes qui
perturbe considérablement le marché de 1 à 100 kilos et qui rend très difficile
la lecture de ce qui se passe, le flou étant amplifié par le fait qu’aucun des
3 métiers n’a véritablement pris le dessus l’un sur l’autre et que les stratégies
de chacun demeurent très incertaines (et en tout cas peu lisibles) car les
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


investissements sont énormes et de retour sur investissement très long, très
faibles, voire hypothétiques. Ceci engendre une difficulté certaine au niveau
des décisions stratégiques.
Il est bien évidemment important de noter que cette cartographie des acteurs
du transport terrestre doit prendre place dans celle plus large des prestataires
logistiques, ces derniers venant essentiellement du monde du transport et
englobant des offres de service très larges. La figure 7.2 met l’accent sur les
liens entre les marchés du transport et celui de la prestation logistique.

PRESTATIONS
MULTIPLES Prestataires
Prestataires
régionaux multi- multi-services
services européens

Prestataires de
stockage nationaux
Intégrateurs
CHAMP
CHAMP D’ACTION
D’ACTION EUROPÉEN
REGIONAL OU
MONDIAL
Messagers
r égionaux Messagerie
nationale

Transporteurs Transporteurs
régionaux Internationaux
traditionnels

PRESTATION DE BASE

Figure 7.2 – Liens entre les marchés du transport


et celui de la prestation logistique.

Le transport est un des postes de coûts les plus importants de la logistique de


telle sorte que l’organisation logistique est souvent déterminée par l’optimisa-
tion de ces coûts de transport et nombreux sont ceux qui considèrent que
l’activité de transport est le cœur même de la logistique. Cette activité de trans-

291
7 • Les transports 7.1 Les transports en France et en Europe

port recouvre les trafics effectués par la route, le rail, les voies d’eau et la mer,
l’air ainsi que les oléoducs 1.
On peut distinguer :
– le transport effectué par une entreprise pour son « compte propre » ; on
parle parfois de « transport privé »2 ;
– le transport effectué par un transporteur « pour compte d’autrui » ; on parle
parfois alors de « transport public » sans que cette appellation ait un rapport
avec le caractère privé ou public de l’entreprise. Ce transport public progresse
d’année en année dans la mesure où les entreprises industrielles ont
tendance, comme on le verra, à se concentrer sur leurs activités de base en
externalisant leurs transports.
Le transport routier de marchandises est caractérisé en 2005 par :
– l’atomisation du secteur, 97 % des entreprises étant des PME de moins de
50 personnes, seule la messagerie étant plus concentrée, mais les grosses
entreprises captent bien évidemment une grosse partie du chiffre d’affaires,
10 % d’entre elles réalisent 73 % du chiffre d’affaires total ;
– la prépondérance des conducteurs qui représentent 69 % des salariés des
entreprises de transport routier ;
– des marges qui sont devenues négatives à partir de 2005 de l’ordre de – 0,5 %
alors que pendant les années 1980, la marge était de l’ordre de 1,5 % en
moyenne ;
– la perte d’emplois de l’ordre de 15 000 entre 2001 et 2005 dans un secteur
traditionnellement créateur d’emplois ;
– un coût de l’heure de conduite en France supérieur de 20 % à la moyenne
des pays comparables.
Parmi les plus grandes entreprises, les principales relèvent désormais du
secteur public, avec, comme on le verra, les filiales de la SNCF (Géodis et
Sernam), Géopost, filiale de La Poste, qui se positionne en troisième place au
niveau européen et première en France (Chronopost, TAT Express, etc.), puis
Danzas et Ducros Express, filiales de la Deutsche Post.
En Allemagne, Deutsche Bahn, regroupe Railon, Freight Logistics, Intermodal
Traffic, Schenker (8,1 milliards d’euros) et Bax Global dont le rachat début
2006 a été motivé par le doublement de la taille en Asie et le rééquilibrage des
flux entre l’Asie et les États-Unis sans parler de l’intégration de Joyau et de
ses 55 agences pour entrer en concurrence avec DHL-Exel de la Deutsche
Post et SDV. Comme on le voit, ce marché est devenu mondial, imbriqué et
extrêmement concurrentiel.

1. On ne retient pas dans ces activités logistiques les transports d’information par voie hertzienne
ou par câbles qui tendent à prendre de plus en plus d’importance. Nous allons bien vers la création
d’une véritable logistique de l’information mais elle n’appartient pas (encore) au champ de la logis-
tique générale.
2. Bien qu’il n’existe pas de définition juridique du « compte propre », on considère en reprenant
l’ancienne définition du décret du 14 novembre 1949 que le transport en compte propre est celui
organisé et opéré par le détenteur du bien à transporter que ses véhicules lui appartiennent en
pleine propriété ou soient loués avec ou sans chauffeur.

292
7 • Les transports 7.1 Les transports en France et en Europe

Cette extension du secteur public dans un domaine économique très fragile


suscite beaucoup d’inquiétudes.
On distingue couramment :
– le transport par remorques ou camions complets (aux États-Unis, TL pour
Truck Load), quel que soit le mode juridique de ce transport ;
– le transport de colis (aux États-Unis, LTL pour Less than Truck Load) qui
inclut la messagerie et le transport de lots.
On peut distinguer économiquement : B
– la messagerie, « transport de petits colis ou de petits lots (de moins de 3

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


tonnes) nécessitant un passage à quai après la ramasse (groupage) et avant
la distribution (dégroupage) » ; ce marché est d’ailleurs décomposable en deux
marchés très différents, celui de la VPC et des particuliers concernant de très
petits colis et pour lequel La Poste joue un rôle important (elle transporte plus
de la moitié des objets expédiés), et celui des lots transportés principalement
par les « messagers » ;
– le transport de lots industriels ;
– le transport frigorifique qui peut être en messagerie ou par camions
complets ;
– le transport en citernes avec des spécificités particulières selon les produits
transportés ;
– les autres transports spécialisés : déménagement, transports de véhicules,
transport de vêtements sur cintres, transports exceptionnels, etc. ;
– la location de véhicules industriels avec conducteur qui, particulièrement
développée en France, recouvre la location de véhicules standard aussi bien
que de citernes ou véhicules frigorifiques ;
– le transport léger qui regrouperait en France 14 000 entreprises de course
urbaine en 2 roues ou de transport d’urgence en camionnettes et camions de
moins de 3 tonnes ;
– la manutention et l’entreposage, activités annexes du transport ou à part
entière selon leurs modalités.
Ces dernières activités ne sont d’ailleurs plus vraiment du transport et l’on
distingue de plus en plus les entreprises logistiques susceptibles d’accomplir
une très large gamme de prestations à partir de magasins, et les entreprises
de transport proprement dit, même si ces dernières ont souvent été à l’origine
des premières et si ces deux types de prestations se confondent dans les acti-
vités de messagerie.
Une des raisons de la confusion est que les entreprises de transport ne béné-
ficient pas toujours d’une très bonne image auprès du public et qu’elles tentent
de réagir en imposant une image logistique. Les entreprises de transport sont
souvent considérées comme polluantes ; utilisant un personnel sympathique
mais frustre et sous-payé, à la merci des intempéries et des grèves, aux prises
avec une guerre des prix permanente et ne respectant pas toujours les pres-
criptions sociales ou de sécurité, elles sont considérées comme des entreprises
à risques et leur image ne favorise pas l’appel à des capitaux extérieurs, en
Bourse par exemple. Ces entreprises ont donc tendance à développer des acti-
vités logistiques plus valorisantes et aussi plus aptes à produire de la valeur et
à réaliser une différenciation stratégique par rapport à leurs concurrents.

293
7 • Les transports 7.2 Les véhicules de transport
routier

7.2 Les véhicules de transport routier


 Types de véhicules de transport routier
Il existe divers types de véhicules :
– camionnette « Fourgon »,
– 6 × 4 Plateau,
– 6 × 4 Benne,
– porteur « Fourgon »,
– semi-remorque,
– camion-remorque « Tautliner » ou train routier.
Des progiciels d’aide au chargement permettent de définir comment disposer
des colis, palettes ou matériels divers à l’intérieur d’un camion déterminé en
respectant des règles de poids maximal et de facilité de déchargement compte
tenu de l’ordre des livraisons d’une tournée.
Les constructeurs de véhicules industriels se partagent le marché de façon
relativement égale.
En France, Renault Truck représentait 34,5 % du marché en 2003 devant
Mercedes (14,8 %). Ce marché français est très irrégulier, avec une année noire
en 1991 marquée par la commercialisation de seulement 24 000 véhicules, et
des sommets entre 1999 et 2001 où l’on atteignait plus de 58 000 immatricula-
tions. Le marché est actuellement de l’ordre de 45 000 à 47 000 véhicules par
an. L’arrivée de nouvelles normes antipollution et le renouvellement du parc
constitué entre 1999 et 2001 devraient relancer ce marché au cours des
prochaines années. La norme de dépollution Euro 4 sera remplacée fin 2009
par la norme Euro 5 plus sévère sur les émanations de particules d’oxyde
d’azote, de monoxyde de carbone ainsi que sur les hydrocarbures imbrûlés.
Par ailleurs, une loi entrera en vigueur en 2010 afin d’imposer le respect d’une
valeur limite de dioxyde d’azote (NO 2).
Les camions auront alors divisé leur niveau de pollution par 5 en 10 ans et par
20 avec la norme Euro 5 obligatoire en 2009.
La première vie d’un camion dure environ 400 000 km entre les mains du
propriétaire qui l’a acheté neuf, à raison de 100 000 km par an et 200 000 s’il
est à double équipage. On peut considérer une deuxième vie de 400 000 km
et une troisième de 400 000 km également. Au-delà de 1,5 million de km, il est
soit exporté dans un pays en voie de développement, soit démonté et ses
pièces récupérables revendues.
De plus en plus se développe la location des tracteurs et des remorques, loca-
tion souvent accompagnée de prestations : gestion de parc, entretien, rempla-
cement en cas d’immobilisation, formation des chauffeurs, etc.

 Caractéristiques des véhicules routiers


Le poids total autorisé en charge (PTAC) est le poids maximal que peut attein-
dre un véhicule avec son chargement. Il est porté sur la carte grise du véhicule
et selon l’article R55 du Code de la route ne peut dépasser :
– 19 tonnes pour 2 essieux,

294
7 • Les transports 7.3 Conducteurs

– 26 tonnes pour 3 essieux et plus,


– 32 tonnes pour les véhicules à moteur à 4 essieux ou plus.
La charge utile (CU) est la différence entre le PTAC et le poids à vide.
Le poids total roulant autorisé (PTRA) est le poids maximal que peut présenter
un ensemble de véhicules en charge accouplés et selon l’article 55-2 du Code
de la route, il ne peut excéder :
– 38 tonnes si l’ensemble ne comporte pas plus de 4 essieux,
– 40 tonnes si l’ensemble comporte 5 essieux et plus, B
– 44 tonnes pour les ensembles assurant les parcours routiers initiaux et termi-

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


naux d’opérations de transport combiné à condition que l’ensemble comporte
au moins 5 essieux,
– 45 tonnes pour les transports de conteneurs ou caisses mobiles circulant sous
couvert d’arrêtés préfectoraux de transport exceptionnel de validité permanente.
On note une tendance à favoriser dans l’avenir les véhicules à 44 tonnes sur 5
essieux qui, en remplaçant les véhicules à 38 tonnes, pourraient diminuer de
façon importante les parcs de camions et le nombre des trajets. Ceci pourrait
permettre de désengorger partiellement les infrastructures routières victimes du
succès des transports routiers dans les dernières années. Dans les pays scan-
dinaves on trouve des trains routiers à 60 tonnes et les hollandais qui roulent à
50 tonnes revendiquent la possibilité de trains doubles de 70 tonnes.
Il existe en outre des règles de charge maximale à l’essieu le plus chargé.

7.3 Conducteurs
Il n’est pas question dans le cadre de cet ouvrage de traiter de l’ensemble des
problèmes parfois épineux des conducteurs de poids lourds. On peut cepen-
dant distinguer deux sortes de conducteurs :
– les chauffeurs livreurs qui travaillent le plus souvent à partir de plates-formes
et s’éloignent rarement plus d’une journée ; leurs camions sont rarement équi-
pés pour y dormir ;
– les conducteurs qui effectuent des transports plus longs et dorment le plus
souvent dans leur camion.
La France compte en 2005, 372 000 conducteurs routiers dont le salaire se
situe autour de 2 000 € par mois, avec un taux horaire de 8,11 à 9 €. Le pour-
centage des femmes, en augmentation, reste très réduit avec 0,5 % des
conducteurs. L’âge moyen d’un conducteur de marchandises est relativement
élevé puisque 34,9 % des conducteurs ont entre 36 et 45 ans et seulement
3,6 % plus de 56 ans.

7.3.1 Les règles de temps de conduite


Des règles de temps de conduite existent dans chaque pays et ont fait l’objet
d’une directive européenne :
– un chauffeur ne doit pas conduire plus de 4 h 30 au maximum ; à l’issue
d’une période de conduite de 4 h 30, le conducteur doit observer 45 minutes
de repos ou 3 fois 15 minutes de repos à l’intérieur des 4 h 30 de conduite,

295
7 • Les transports 7.3 Conducteurs

– le conducteur ne doit pas dépasser 9 heures de conduite par jour mais


chaque semaine, il peut conduire 2 fois 10 heures par jour ;
– le repos journalier doit être de 11 heures consécutives par 24 heures ;
– le temps de conduite par quatorzaine ne doit pas excéder 90 heures avec
48 heures maximum sur la première semaine ;
– le repos hebdomadaire doit être de 45 heures si le conducteur rentre à son
domicile et de 36 heures autrement.
Les frais de déplacement sont payées selon les conventions collectives de la
profession.
Un accord cadre du 20 janvier 1995 a rendu obligatoire une formation initiale
minimale obligatoire (FIMO) de 156 heures obligatoire pour tous les conduc-
teurs de véhicules de plus de 7,5 tonnes. Une formation continue obligatoire
de sécurité (FCOS) de 3 jours a été rendue obligatoire tous les 5 ans pour les
conducteurs de véhicule de plus de 3,5 t de PTAC.

7.3.2 Du tachygraphe à l’appareil de contrôle électronique


L’obligation de mettre en place sur chaque camion un tachygraphe est un
élément important pour contrôler l’application des règles de conduite. L’appa-
reil enregistre au moyen de stylets les données de conduite sur un disque en
papier. Cependant un nouvel appareil de contrôle électronique a été défini par
la Communauté européenne. Après un report d’un an, sa mise en service a
été rendue obligatoire au 5 août 2005 sur les véhicules neufs de transport de
marchandises de plus de 3,5 tonnes, et les véhicules neufs de transport de
voyageurs de plus de 9 places. Sur les anciens véhicules, il doit être mis en
place à l’occasion du remplacement des équipements anciens. C’est un boîtier,
de la taille d’un autoradio, comprenant deux lecteurs de cartes, un sélecteur
d’entrée manuelle, un écran d’affichage et une imprimante. Relié de façon
sécurisée aux capteurs du véhicule, le chronotachygraphe électronique enre-
gistre sur sa mémoire les données relatives à l’utilisation du véhicule pendant
une année :
– l’identité du ou des conducteurs ;
– les activités de conduite, de repos, de travail et de disponibilité ;
– le statut de conduite (en solo ou en équipage).
L’appareil conserve également, sur une année :
– les références du véhicule ;
– la distance parcourue ;
– les anomalies de fonctionnement et les pannes ;
– la vitesse sur les dernières 24 heures d’utilisation du véhicule, enregistrée
au pas de la seconde.
Le nouvel appareil permet par ailleurs l’impression d’un rapport synthétique
des activités.
4 cartes à puce relèvent les données contenues dans la mémoire ; elles sont
gérées, sécurisées et distribuées par la société Chronoservices, sous le
contrôle du ministère chargé des transports :

296
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

– La carte de conducteur, de couleur blanche, enregistre toutes les activités


du chauffeur pendant au minimum 28 jours. Personnelle, elle est délivrée par
l’État où le conducteur possède sa résidence principale. Cette carte s’utilise
chaque jour de travail, quel que soit le véhicule équipé d’un chronotachygra-
phe électronique. Sa durée de validité est fixée à 5 ans.
– La carte d’entreprise, de couleur jaune, permet de lire les données enregis-
trées dans la mémoire des chronotachygraphes du parc de véhicules de
l’entreprise. Une entreprise peut avoir plusieurs cartes. Délivrée par l’État
membre où l’entreprise est installée, sa durée de validité est fixée à 5 ans en
France.
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


– La carte de contrôleur, de couleur bleue, permet de lire les données enre-
gistrées sur le chronotachygraphe. Elle est délivrée par l’État membre dont
relève le corps de contrôle et peut être personnelle. Sa durée de validité est
fixée à 5 ans en France.
– La carte d’atelier, de couleur rouge, est utilisée pour l’étalonnage et la
maintenance des chronotachygraphes, par les ateliers et installateurs
agréés par le ministère de l’Industrie uniquement. C’est la seule carte qui
peut entrer des données dans l’appareil numérique. Sa durée de validité est
fixée à 1 an.

7.4 Organisation des transports routiers


7.4.1 Les auteurs

 Le transporteur en compte propre ou « transporteur privé »


C’est une entreprise ou un particulier qui transporte ses propres marchandises
avec ses propres véhicules ou des véhicules loués et avec le plus souvent ses
propres conducteurs. C’était la définition qu’en donnait le décret du
14 novembre 1949. Il lui est interdit de transporter des marchandises pour le
compte d’autrui.
Ces transporteurs privés s’opposent aux « transporteurs publics », selon les
appellations traditionnelles en France.

 L’expéditeur ou donneur d’ordre : le « chargeur »


C’est celui qui, commissionnaire ou industriel, fait appel à un transporteur –
l’expression « donneur d’ordre » est plus souvent utilisée à la place de celle
de chargeur dans les textes récents.

 Le commissionnaire
Intermédiaire entre un industriel et un transporteur qui joue le rôle de chargeur
pour assurer des transports. La distinction entre les commissionnaires et les
transporteurs n’est plus très significative car les entreprises de transport
routier, classées normalement TRM, selon les codes NAF, sont classées OTF
(codes messagerie et fret express, affrètement, transport international) dès
lors qu’elles sous-traitent plus de 15 % de leurs transports. Or, les grandes
entreprises de transport ont de plus en plus tendance à sous-traiter une part
importante de leur activité.

297
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

 Le transporteur public : messagerie, express, transports de lots


Il n’est pas très facile de s’y retrouver dans les propositions que font les trans-
porteurs en France de ce qu’on appelle messagerie, messagerie rapide, mono-
colis, transport de lots industriels, etc. À l’origine, existaient la messagerie, le
successeur routier du transport de colis par chemin de fer et le transport par
lots. On rattachait à la messagerie tous les transports routiers d’envois de
détail de moins de 3 tonnes avec groupage puis dégroupage pour la délivrance
finale. Le décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat-type
applicable aux transports publics routiers de marchandise : « Par colis, on
entend un objet ou un ensemble matériel composé de plusieurs objets, quels
qu’en soient le poids, les dimensions et le volume, constituant une charge
unitaire lors de la remise au transporteur (caisse, carton, conteneur, fardeau,
palette cerclée ou filmée par le donneur d’ordres, roll, etc.) même si le contenu
en est détaillé dans le document de transport ». Par ailleurs, le transport de
lots de plus de 3 tonnes était réglementé avec une tarification routière obliga-
toire (TRO) qui est restée en vigueur jusqu’en 1989. Depuis, cette TRO s’est
transformée en TRR (tarification routière de référence) qui, avec son tarif,
structure encore dans leur forme une partie des contrats de transports entre
entreprises, chargeurs et transporteurs.
Plusieurs types de prestations se partagent le marché de la messagerie et de
l’express en France, mais cette situation évolue rapidement sous la pression
de l’internationalisation du transport et particulièrement des sociétés spéciali-
sées dans le transport du courrier et des colis ; on peut distinguer actuellement
(Transports Actualités, 2000) :
– l’envoi de colis à des particuliers (B to C : Business to Consumers) du type
vente par correspondance ou l’envoi de colis par des particuliers ; c’est une
prestation classique de La Poste ;
– l’envoi de colis rapide par des entreprises à d’autres entreprises (B to B :
Business to Business), souvent appelée « monocolis » ou « messagerie rapide
monocolis » ; c’est une livraison à J + 1 le plus souvent (80 % des cas) ou J
+ 2 dans des zones peu accessibles, qui expédie des colis d’un poids maxi-
mum de 31,5 kg et d’un poids moyen de 5 à 6 kg ;
– l’Express France, prestation introduite sur le modèle de Federal Express aux
États-Unis par les expressistes internationaux comme Fedex, DHL, Jet
Service, TNT, UPS, etc., et qui permet d’envoyer en J + 1 avant 12 heures des
colis de 2 à 15 kg en moyenne et d’un poids maximum de 30 à 140 kg selon
les cas ; cette prestation typiquement B to B, est en train de s’étendre à la
vente par correspondance ou par Internet B to C.
– la « messagerie rapide » en B to B permet d’expédier comme la messagerie
rapide monocolis, des colis de 70 à 80 kg, éventuellement sur palettes, et d’un
poids maximal qui varie selon les propositions entre 750 kg et 3 tonnes ; on
parle aussi parfois de « monocolis » dans ce cas ; les prix sont évidemment
moins chers au kilo que pour les catégories précédentes ;
– la messagerie rapide européenne qui permet d’envoyer en 24 heures, ou
96 heures pour des centres moins importants, des colis de l’ordre de 300 kg
le plus souvent sur palette.
Il est vraisemblable qu’avec la concentration internationale des entreprises de
transport, ces types de prestations vont peu à peu se standardiser dans les

298
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

différents pays. L’évolution la plus importante au cours des dernières années


est l’évolution des Postes des différents pays dont certaines ont été privati-
sées, voire mises en Bourse, et qui ont racheté de nombreuses entreprises
pour constituer des groupes qui se restructurent progressivement au niveau du
marché international. La première poste lancée dans une politique de grande
envergure sur ce modèle est la Poste allemande devenue Deutsche Post World
Net après la reprise de très grands groupes de messagerie, d’express et de
prestations logistiques (Danzas, ASG, Nedllyod ETD, AEI, DHL, Exel, etc.).
 Location de véhicules B
La location de véhicules est juridiquement différente de l’activité de transport

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


public de marchandises. Elle est régie par un contrat de louage différent d’un
contrat de transport. Il existe d’ailleurs un contrat-type créé par le décret du
14 mars 1986 qui prévoit la mise à disposition d’un véhicule industriel et d’un
conducteur. Les principales différences sont les suivantes :
– l’entreprise qui donne le véhicule en location (le loueur), avec ou sans
conducteur mis à disposition, n’organise pas les transports ; elle n’exerce pas
l’activité de transport public et n’est redevable que d’une obligation de moyens :
mettre à disposition véhicule et chauffeur dans les conditions du contrat ;
– l’entreprise qui utilise le véhicule, et éventuellement le chauffeur mis à dispo-
sition, fait du transport en compte propre : elle est responsable de l’organisa-
tion de celui-ci.
La présence d’un conducteur qui appartient à l’entreprise qui donne le véhicule
en location a cependant obligé à bien délimiter les responsabilités de l’une et
de l’autre :
– le loueur reste le seul employeur du conducteur et reste responsable des
dommages causés aux tiers par la conduite du véhicule, y compris les opéra-
tions de manutention accomplies par le conducteur dans le cadre du contrat.
Il doit conserver la surveillance des temps de conduite et des moyens d’enre-
gistrement (tachygraphes). Il répond aussi des infractions au Code de la route
commises par son préposé ;
– le loueur assume également la responsabilité des dommages causés aux
tiers par le véhicule dont il conserve la garde et dont il assure l’entretien ;
– c’est l’entreprise qui utilise le véhicule qui est responsable des marchandises
transportées (sauf à prouver la faute du conducteur), de leur arrimage et de
leur chargement. Le loueur n’a donc pas à assurer les marchandises.
 Le destinataire
Le destinataire est participant important au transport routier. Il a en effet de
plus en plus des obligations strictes définies par des textes d’ordre public en
ce qui concerne par exemple :
– le déchargement des marchandises,
– les conditions de réception des marchandises (rendez-vous, horaires, etc.),
– les possibilités de réclamation en cas d’avaries, etc.

 B2C du transport
À l’heure du commerce électronique, il était évident que le transport devait
trouver sa place d’autant plus qu’il existait déjà des sortes de bourses de fret

299
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

largement utilisées, par exemple sur Minitel. Ainsi, le service de fret Téléroute
de Lamy enregistre 25 000 à 30 000 offres quotidiennes en contrats spots dont
un tiers à l’international. En Allemagne, Ikwonline.de sur Internet joue le même
rôle.
Avec le développement d’Internet, on voit se développer actuellement aux
États-Unis, quatre sortes d’activités de ce type concernant le transport :
– Les premières sont de simples annonces, soit de marchandises à transpor-
ter, soit de transports disponibles sur une destination ; les négociations de prix
sont menées entre chargeurs et transporteurs, indépendamment du site inter-
net qui propose également assez souvent des offres d’emploi ou de matériels
à vendre ; spécialisés dans un mode de transport particulier, ces services sont
généralement disponibles par abonnement et les transporteurs et chargeurs
constituent une sorte de communauté d’entreprises qui se connaissent déjà,
parfois autour d’un transporteur ou d’un chargeur dominant qui a pris l’initiative
de créer un tel site.
– Les sites d’enchères n’ont pas très bonnes réputations dans le e-business
du B2B car retenir le prix comme seul critère de choix d’un transporteur,
anonyme jusqu’au résultat des enchères, n’est pas nécessairement très judi-
cieux. On les trouve cependant sur le marché du spot et le site lui-même joue
alors un rôle d’intermédiaire en percevant du chargeur la rémunération et en
la reversant au transporteur après avoir pris sa commission.
– Les portails spécialisés dans le fret représentent une activité assez différente
en ce sens qu’ils proposent ou devraient proposer un certain nombre de servi-
ces, outre le rapprochement des chargeurs et des transporteurs : demandes
de prix, calculs de kilométrage et de temps de transport, calculs de prix de
revient, production de documents, facturation, etc. Parmi ces services, il peut
y avoir une sorte de certification des sociétés de transport à partir des expé-
riences antérieures appréciées par les chargeurs.
– Les places de marché de transport répondent au concept des places de
marché du B2B. Ils doivent offrir tous les services d’un portail spécialisé en
transport mais ils constituent une sorte de bourse du marché spot aussi bien
que du marché à durée déterminée.

7.4.2 L’organisation des trajets


 Le principe de base de la messagerie et du monocolis
On a vu au chapitre 1 (voir figure 1.16) le principe de base de la messagerie
et du transport en monocolis consistant à regrouper sur une plate-forme les
colis rassemblés l’après-midi au cours de tournées de « ramasse », puis à les
trier par destination pour organiser la « traction » vers chacune des destina-
tions. Dans la nuit, par exemple, les différentes tractions emporteront les colis
vers les autres plates-formes de l’entreprise où ils seront triés par destinataire
et livrés dans la matinée au cours de tournées de distribution.
Les tarifs relativement élevés de la messagerie et du transport en monocolis
permettent de supporter les coûts de ces transbordements sur plates-formes
qui permettent de massifier les transports à longue distance. Avec le juste-à-

300
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

temps et le cross-docking, l’envoi de très petits lots avec des fréquences


élevées oblige à pratiquer de tels systèmes pour le transport de lots industriels.

 L’organisation des tournées


L’organisation des tournées, qu’il s’agisse des tournées de messagerie et
monocolis ou des tournées de livraison à partir des plates-formes des indus-
triels ou de la grande distribution, demande la mise en œuvre de techniques
particulières.
Les méthodes courantes restent très empiriques et consistent souvent à divi- B
ser la zone géographique de livraison en plusieurs zones de tournée. On

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


regroupe les bons de livraison par zones puis on laisse le conducteur organiser
sa tournée quitte à étendre sa zone de livraison ou à la rétrécir au profit d’une
autre pour égaliser les différentes tournées en nombre de livraisons et respec-
ter les contraintes de poids ou de volume.
Une méthode empirique de préparation de tournée est la méthode dite « de
balayage ».
– On représente les différents points à livrer sur le terrain – comme sur le carré
en haut à gauche de la figure 7.3. La plate-forme est représentée au milieu et
l’on voit chacun des points de livraison avec à côté un nombre qui indique
combien de tonnes il faut y livrer. On a représenté une sorte d’essuie-glace
centré sur la plate-forme qui peut tourner dans le sens inverse des aiguilles
d’une montre.
– Sachant qu’un camion peut contenir seulement 23 tonnes, on fait tourner le
balai progressivement en comptabilisant les tonnes à livrer. On ajoute ainsi
successivement 3 tonnes, puis 8 tonnes, puis 1/2 tonne, puis 9 tonnes. La
livraison suivante étant de 7 tonnes, comme le total dépasserait 23 tonnes, on
arrête la rotation du balai et l’on considère une première tournée de 3 + 8 +
1/2 + 9 = 20,5 tonnes.
– De la même façon, on prépare une deuxième tournée en poursuivant la rota-
tion du balai avec successivement : 7 + 12 + 3 = 22 tonnes.
– On prépare ensuite la troisième tournée en finissant la rotation avec : 5 + 6
+ 4 + 5 + 2 = 22 tonnes.
On a ainsi préparé trois tournées qui ne sont pas nécessairement optimisées
quant aux distances parcourues mais sont généralement assez correctement
organisées comme cela a pu être démontré au moins à certaines conditions.
On peut ensuite optimiser à la main le parcours à l’intérieur de chaque tournée.
Bien entendu, on peut obtenir une meilleure optimisation avec un programme
informatique comme ceux qui utilisent la méthode dite « des gains successifs ».
On peut par exemple déterminer toutes les distances entre tous les points de
la carte (plates-formes et points de livraison, figure 7.4). Les chiffres à côté de
chaque point de livraison sont seulement les numéros de ces points (zéro pour
la plate-forme). On ne tient pas compte pour l’instant des tonnages ni des
autres contraintes que l’on réintroduira par la suite.
On peut à l’aide d’un programme informatique rechercher toutes les distances
en tenant compte des routes existantes et l’on obtient une table des distances
(tableau 7.1). Il y a par exemple, 253 km entre la plate-forme (0) et le lieu de
livraison (1) et 452 km entre le lieu de livraison (4) et le lieu de livraison (2).

301
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

1. On balaye l’espace autour de la plate-


forme en affectant les points de livraison
3t 2t à une tournée jusqu’à remplissage du
camion :
4t 3t + 8t + 0,5t + 9t = 20,5t

8t 5t 6t
Plate-forme
0,5t
3t 2t
7t 3t
5t
4t
9t 12t
8t 5t
6t
0,5t Plate-forme
e
2. On regroupe ainsi pour une 2 tournée
puis pour une 3e 7t 3t
5t
9t 12t
3t 2t

4t
8t
5t
0,5t 6t 3t 2t
Plate-forme
4t
7t 3t 8t
5t 5t
9t 12t 0,5t Plate-forme 6t

3. On organise chaque tournée 7t 3t


en minimisant le parcours. 5t
9t
12t

Figure 7.3 – La méthode de balayage.

On considère alors que la distance maximale que l’on peut couvrir pour livrer
ces six points à partir de la plate-forme est la somme des allers et retours de
la plate-forme à chacun des points, soit (253 + 220 + 71 + 252 + 81 +
175) × 2 = 2 104 km. On ne peut pas faire moins bien. Maintenant on peut
améliorer ce résultat en regroupant par exemple deux allers retours.
Si l’on regroupe les allers retours 0-1-0 et 0-2-0, soit 473 × 2 = 946 km, on fera
désormais le trajet 0-1-2-0. On aura gagné un retour 0-1 de 253 km et un aller
0-2 de 220 km mais l’on devra faire en plus un trajet 1-2 de 82 km ce qui fait
un gain total de – 253 + 82 – 220 = – 391 km.
On peut faire le même calcul pour tous les regroupements par 2 possibles : 1
et 3, 1 et 4, 1 et 5, 1 et 6, 2 et 3, 2 et 4, 2 et 5, 2 et 6, 3 et 4, 3 et 5, 3 et 6,
4 et 5, 4 et 6, 5 et 6. On obtient les résultats du tableau 7.2.

302
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

4
1
3

2
Plate-forme 6
0
B
Figure 7.4 – Plates-formes et points de livraison.

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Tableau 7.1 – Table des distances.

1 2 3 4 5 6

0 253 220 71 252 81 175

1 82 250 454 328 427

2 240 452 300 392

3 212 92 194

4 184 184

5 103

Tableau 7.2

0-2-0 0-3-0 0-4-0 0-5-0 0-6-0

0-1-0 – 391 – 74 – 51 –6 –1

0-2-0 – 51 – 20 –1 –3

0-3-0 – 111 – 60 – 52

0-4-0 – 149 – 243

0-5-0 – 153

Il apparaît que c’est l’intégration des deux parcours 0-1-0 et 0-2-0 qui fait
gagner le plus. On regroupe donc les deux livraisons (figure 7.5).
On peut maintenant regrouper le trajet 0-1-2-0 avec le trajet 0-3-0, mais l’on
peut mettre le 3 entre le 0 et le 1 ou entre le 1 et le 2 ou entre le 2 et le 0. On
peut aussi faire la même analyse avec le 4, le 5 ou le 6. On peut aussi envi-
sager les fusions de 0-3-0 et 0-4-0, 0-3-0 et 0-5-0, etc. De proche en proche

303
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

4
1
3

2
Plate-forme 6
0

Figure 7.5 – Plates-formes et points de livraison.

on peut donc regrouper les trajets mais à chaque fois il faut se poser en plus
les questions des contraintes : contraintes de poids et contraintes de volumes
qui peuvent interdire une fusion. S’il n’y avait pas de contraintes on arriverait
ici à regrouper tous les trajets en un seul. On notera bien qu’il n’est pas ques-
tion d’utiliser une telle méthode avec un crayon et du papier mais sa compré-
hension permet de mieux utiliser les programmes disponibles à cet effet.
Il va de soi que ces méthodes manuelles ou automatisées ne déterminent pas
un optimum absolu. Il faut demander cela à la programmation linéaire mais
l’explosion combinatoire oblige alors souvent à des simplifications qui ne sont
pas non plus toujours pleinement satisfaisantes.

 Les différents types de trajets


La programmation des trajets au sein d’une entreprise de transport ou d’un
service de transport privé est souvent le résultat de routines, d’ailleurs souvent
efficaces. On dispose cependant désormais avec l’informatique d’un grand
nombre de programmes de routage et aussi de préparation de tournées
comme on vient de le voir.
On peut d’ailleurs se demander s’il est encore possible de s’en passer. Les
bases de données routières permettent en effet d’établir des itinéraires précis
à jour des modifications temporaires des conditions de circulation. Par ailleurs
la complexité de la réglementation sociale et des règles de conduite compli-
quent terriblement n’importe quelle préparation d’itinéraire si l’on veut détermi-
ner leur durée avec quelque précision. Comme les donneurs d’ordre
demandent de plus en plus un très strict respect des rendez-vous ou des
plages horaires, une prévision exacte devient indispensable. En outre, ces
programmes permettent de réaliser des optimisations qui, dans la conjoncture
actuelle, même si elles ne portent que sur quelques %, permettent au fil des
jours de changer le sens des résultats d’une entreprise.
Le vocabulaire de l’organisation des trajets est désormais pour une grande
part américain. On parle donc de :
– traction point à point pour désigner un trajet d’un camion plein (full load) allant
d’un point à un autre qu’il s’agisse de la partie traction d’une messagerie entre
deux plates-formes ou d’une livraison d’un industriel à un client unique. C’est
le cas par exemple des livraisons « synchrones » d’un équipementier à un
assembleur dans des délais qui ne permettent aucun passage par plate-forme ;

304
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

– trajets multi drops pour désigner ces trajets effectués par un véhicule qui
charge en un seul point, par exemple une usine et livre à plusieurs clients
successifs. C’est aussi un peu le cas de toutes les tournées de livraison à
partir d’une plate-forme ;
– trajets multi picks, avec chargement en plusieurs points pour une livraison
unique, par exemple un véhicule de distributeur qui va charger chez plusieurs
fournisseurs d’une même région pour livrer sur une plate-forme ; c’est aussi le
cas des milk runs, tournées de collecte du lait réalisées par un industriel
auprès de ses divers fournisseurs, l’ensemble de ces tournées pouvant repré-
senter sur la carte une sorte de marguerite ; cette technique permet d’augmen-
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


ter la fréquence des livraisons et donc de diminuer les stocks avec des coûts
de transport acceptables mais suppose un respect absolu des horaires de
chargement dans chaque entreprise ;
– trajets multi picks et multi drops avec chargements sur plusieurs sites et
livraisons sur plusieurs autres ;
– trajets round trip combinant chargement et déchargement tout au long d’une
boucle revenant à son point de départ. C’est ce qu’on essaye de réaliser assez
souvent en transport privé pour diminuer les temps de retour à vide.
Ces derniers types de trajets demandent une bonne maîtrise du chargement
des véhicules pour ne pas devoir décharger certaines marchandises pour en
atteindre d’autres. C’est une des fonctions du conducteur d’organiser ses char-
gements et déchargements à cet effet mais l’on dispose désormais de
programmes informatiques d’aide en ce domaine qui peuvent rendre de grands
services à condition que les bases de données des colis (palettes, cartons,
etc.) soient suffisamment précises en ce qui concerne leurs dimensions.
Des expériences récentes et innovantes sont développées, testées sur des
pilotes puis déployées au niveau national, telles que le développement des
boucles fermées qui vont bien au-delà du bénéfice déjà réalisé des affrète-
ments enchaînés. L’idée est d’identifier pour un chargeur donné transportant
de forts volumes au sein d’un réseau constitué de points fixes (sites fournis-
seurs réguliers, usines, entrepôts clients réguliers) et de points mobiles (sites
fournisseurs spot, entrepôts clients spot) des arcs fermés sur lesquels il est
possible d’affecter une flotte de camions dédiée. Cela permet à la fois d’utiliser
les camions chargés sur le retour et de faire face au phénomène constaté
depuis de récentes années de pénurie de capacité de transport en particulier
sur la période de fin du printemps et d’été que l’affrètement ne permet pas de
sécuriser. Cette approche nécessite la mobilisation d’algorithmes spécifiques,
une très bonne maîtrise des heures et des délais de chargement et de déchar-
gement, le développement en région ou en central d’une fonction de pilotage
des flux en termes de conception, de mise en œuvre et de suivi et enfin la
mise en œuvre d’une fonction de vendor management qui signifie la gestion
du prestataire assurant l’exécution de ces boucles. Les modalités relatives à
la flotte de camions, location avec ou sans conducteur, leasing, propriété sont
multiples et dépendent de la politique d’investissement du chargeur et aussi
de sa politique sociale. La figure 6.7 représente de telles boucles en compa-
raison avec l’affrètement traditionnel.

305
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

Illustration d’une boucle régulière flottant mobile


Illustration d’un enchaînement intra-société

1 Site fournisseur
1 2
Site fournisseur
2
Site industriel 2 4
3

Client X dans un département situé à


proximité du site industriel

Figure 7.6 – Illustration de boucles fermées.

7.4.3 Situation des transports routiers français


La Fédération nationale du transport routier a publié en avril 2005 un Livre noir
montrant les difficultés que rencontrent depuis quelques années les entreprises
françaises du fait de la hausse permanente de leurs charges et de la concur-
rence d’entreprises d’autres pays européens qui bénéficient de charges moins
élevées1. En 2004, une mission parlementaire de Francis Hillmeyer avait déjà
mis l’accent sur ces difficultés dans son rapport au Premier Ministre 2.
Les éléments relevés sont les suivants :
– En 2003, le pavillon français ne représentait plus que 38 % des transports
internationaux effectués en France (au départ ou à l’arrivée en France, hors
transit, par des opérateurs soit français soit étrangers), alors qu’il représentait
52 % en 1992. Cette poussée des opérateurs étrangers a entraîné un repli des
entreprises françaises sur les marchés nationaux. En 2003, les entreprises
sous pavillon français n’ont effectué que 16 % de leur activité (t-km) à l’inter-
national, alors que ces activités représentaient 24 % en 1996.
– Au milieu des années 1980, la France réalisait plus de la moitié des trans-
ports bilatéraux avec la moyenne des pays de l’Union européenne. Sa part de
marché a chuté depuis le milieu des années 1990. La moyenne assurée avec
l’ensemble des pays européens par des entreprises sous pavillon français, qui
était de 37 % en 2001, est passée à 33 % en 2002 (en baisse de 11 %). La
France est ainsi devenue le pays de l’Union des 15 qui réalisait la part de
marché la moins importante en relation bilatérale en 2002.
– La France a été, en 2002, le pays le plus caboté d’Europe avec 2,6 milliards
de t-km, devant l’Allemagne (2,4 milliards de t-km). Le cabotage est le fait pour
un transporteur routier d’effectuer des transports intérieurs dans un pays autre
que le sien. Par rapport à l’ensemble du transport routier (compte d’autrui et
compte propre), parmi les pays de taille similaire, la part du cabotage dans le

1. www.fntr.fr
2. www.ladocfrancaise.gouv.fr

306
7 • Les transports 7.4 Organisation des transports routiers

marché intérieur était nettement plus élevée en France que dans les autres
pays de taille similaire de l’Union européenne.
Les causes de cette réduction du transport routier français sont connues :
– La France est le pays d’Europe où les temps de travail et de conduite des
chauffeurs sont les plus faibles. Selon une étude réalisée par CNR-Prognos,
en 2001, le coût de l’heure de conduite en longue distance se situait, en
France, 20 % au-dessus de la moyenne de nos principaux partenaires (Alle-
magne, Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Portugal). Selon
la même étude, le coût journalier du personnel roulant dans les entreprises B
tchèques, polonaises ou hongroises était trois fois moins élevé que celui de

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


leurs homologues français.
– En février 2005, notre pays se situe au quatrième rang pour la TIPP sur le
gazole consommé par les véhicules de plus de 7,5 tonnes de PTAC. Le niveau
français de fiscalité est de 21 % supérieur à la moyenne européenne. Il est à
noter qu’avec les nouveaux pays membres, le différentiel est de l’ordre de
26 %, ce qui aggrave le handicap de compétitivité déjà dû à la faiblesse des
rémunérations dans ces pays.
– Les normes techniques imposées aux camions français à l’intérieur des fron-
tières sont les plus basses d’Europe (40 tonnes et 4 essieux) comme en Alle-
magne, en Espagne et au Portugal mais à la différence des autres pays, qui
acceptent de 44 à 60 tonnes (Suède) et 6 essieux. La productivité du transport
français est donc une des plus basses.
– Sur la période des dix dernières années, les coûts ont donc progressé plus
vite que les prix. De 1993 à 2003, le montant des charges par heure de
conduite a augmenté de 59 %. Cette progression s’explique aussi par la mise
en place de dispositifs spécifiques au transport routier, par exemple le congé
de fin d’activité.
– Un effort sur la productivité des véhicules (meilleur taux de remplissage,
durée d’utilisation plus longue) a permis d’améliorer le différentiel coûts-prix de
– 10 % à – 4/5 %. Cet effet ciseau a conduit à une dégradation progressive du
taux de marge net des entreprises (résultat net/chiffre d’affaires) et des grands
résultats. La marge nette des entreprises du secteur est passée, en moyenne,
de 2,5 % en 2001 à 1,2 % en 2002 et 0,9 % en 2003.
Outre la disparition progressive du pavillon français à l’international et la dimi-
nution de l’activité nationale, avec ses conséquences de chômage, la situation
n’est pas nécessairement favorable aux conducteurs français malgré leur
régime social. Comme le disait F. Hillmeyer, « les conducteurs routiers ne sont
pas mécontents de travailler moins. Le problème est qu’ils gagnent moins, et
cela provoque des analyses divergentes. Pour un salaire nominal de 100,
l’entreprise doit payer 150 et le salarié, lui, récupère 75 ». On notera cepen-
dant, comme le faisait remarquer un transporteur allemand, qu’un point essen-
tiel est une bonne planification de leur travail. Le fait pour un conducteur de
connaître son programme pour les trois mois à venir et de savoir quels week-
ends il passera chez lui est capital dans ce métier. Une mauvaise organisation
des transports fait que parfois le conducteur français se retrouve, sans l’avoir
prévu, bloqué un vendredi soir dans un parking d’une ville éloignée de son
domicile et ceci peut être encore plus grave que le régime social et les temps
de conduite.

307
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

Bien entendu, cette évolution qui porte les prix du fret à la baisse ne déplaît
pas aux affréteurs qui y trouvent leur compte quelle que soit la nationalité du
transporteur. On constate donc une certaine préférence pour la passation de
contrats en enchères inversées plutôt qu’à travers des contrats de longue
durée avec de grandes sociétés de transports bien que la France soit le pays
d’Europe qui a le plus d’entreprises du TRM de plus de 50 salariés. Mais un
autre phénomène complique la situation : il s’agit, comme on l’a vu au § 7.1,
du développement paradoxal au sein de l’Europe de la reprise de grandes
entreprises du TRM par le secteur public avec parfois une certaine propension
à la réalisation de déficits considérables.
Les dernières estimations de la FNTR (Fédération Nationale des Transports
Routiers) pour 2008 ont été publiées en décembre 2007 dans le cadre d’une
lettre d’information qui porte le titre « en 2008, le transport routier sera cher et
rare ». Les prévisions tablent en effet sur une augmentation des coûts de
transport de + 7,7 % pour le transport longue distance et + 7 % pour la courte
distance. Il est mentionné qu’il s’agit d’une augmentation sans précédent et
que tous les postes de coût sont concernés le tout dans un contexte de prix
du gazole professionnel cher, d’un rallongement de livraison des ensembles
neufs par les constructeurs et d’une pénurie de conducteurs.

7.5 Économie du transport routier :


établissement d’un tarif de contrat de transport
7.5.1 Principes
Lorsqu’un industriel souhaite passer un contrat de transport avec un transpor-
teur, par exemple pour transporter des marchandises entre son entrepôt usine
et les entrepôts de ses distributeurs, l’établissement d’un tarif peut être un
sport dangereux à la fois pour l’un et pour l’autre. C’est cependant un cas de
plus en plus fréquent car le développement du franco pour le premier transport,
au détriment du « départ usine », oblige les industriels à faire assurer eux-
mêmes ces transports. On exclura le cas où les marchandises sont transpor-
tées par camions entiers qui est plus facile à analyser.
Il faut, en effet, tenir compte de beaucoup de paramètres :
– des quantités unitaires à transporter, de leur nature (poids, surface de plan-
cher, volume, caractère dangereux ou non, etc.), et de leurs destinations ;
cette connaissance de la structure du fret est indispensable au transporteur
mais l’industriel peut être dans l’incapacité d’effectuer des prévisions avec
suffisamment d’exactitude ; il peut aussi se refuser à communiquer ces infor-
mations même sans engagements, ce qui est une attitude dangereuse car elle
donne un avantage au précédent titulaire du contrat de transport ou peut faire
profiter d’autres d’indiscrétions ;
– des engagements de durée de transport selon les destinations : engagement
de délai, heures limites de remise des marchandises, heures limites de livraison
à destination avec créneaux horaires, rendez-vous préalables, etc. ;
– des distances à parcourir et des itinéraires de façon à tenir compte du temps
nécessaire à chaque transport et donc du repos nécessaire et réglementaire

308
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

d’un chauffeur au-delà d’un certain nombre d’heures de route, ce qui oblige,
soit à interrompre le transport (avec éventuellement équipement de couchette
dans le camion), soit à effectuer un changement de chauffeur ou un transfert
sur une plate-forme ou un parking ad hoc ;
– des lieux de départ et d’arrivée et du fret existant sur cet axe, car le trans-
porteur doit non seulement assurer le transport mais aussi le retour du camion ;
tout dépend souvent de l’organisation que le transporteur peut mettre en œuvre
pour assurer ces transports : la disponibilité d’une plate-forme à proximité de
l’entrepôt de son client permet au transporteur d’aller chercher le fret de ses
clients, puis de dispatcher les chargements pour les différentes destinations,
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


ce qui donne un avantage aux transporteurs établis dans la région ;
– des conditions de chargement et de déchargement des marchandises : le
contrat standard de transport routier établit à cet égard des différences entre
les envois de moins de 3 tonnes pour lesquels le chargement et le décharge-
ment sont à la charge du transporteur (ex-messagerie), et les envois de plus
de 3 tonnes où ils sont à la charge de l’expéditeur et du réceptionnaire. Des
conditions spéciales de créneaux horaires peuvent être prévues. Dans certains
cas, un hayon ou une grue hydraulique peut être nécessaire pour le
déchargement ; il peut parfois être plus avantageux de laisser une remorque
à disposition du client pour préparer lui-même son chargement sous certaines
conditions que de devoir faire attendre camion et chauffeur ;
– des conditions de gestion du transport : suivi du transport par le chargeur,
documents, conditions de chargement et déchargement, etc. ;
– de la structure des coûts du transporteur bien évidemment. En dehors des
coûts de plates-formes, les coûts d’exploitation d’un camion comprennent des
coûts journaliers, donc semi-fixes et des coûts au kilomètre :
 pour les coûts journaliers :
• le salaire, les frais de route et les charges relatives au chauffeur, ce qui peut
représenter 30 à 50 % des coûts journaliers pour un semi-remorque classique,
• les coûts d’amortissement du véhicule (ou de renouvellement et de finan-
cement de l’emprunt),
• les charges de structure,
• les taxes,
 pour les coûts kilométriques :
• le carburant,
• les pneumatiques,
• l’entretien et les réparations souvent sous-traités,
 pour les transports de type messagerie obligeant à effectuer des transferts sur
plates-formes et un changement de véhicule, soit après une opération de
ramasse, soit avant la distribution, les coûts correspondants (voir infra).
C’est à partir de tous ces éléments que le transporteur doit faire ses proposi-
tions de tarif, ce qui n’est pas simple.
L’industriel a tout intérêt à préparer un cahier des charges détaillé qui inclura
les éléments précédents sur la typologie des transports à effectuer mais égale-
ment les critères de performance retenus et leurs sanctions (ponctualité,

309
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

respect des créneaux horaires, taux d’erreurs, etc.), les règles de sécurité et
les protocoles de chargement-déchargement, etc.
Le tarif lui-même se présente souvent sous forme d’un barème à deux dimen-
sions tenant compte des catégories de poids et des tranches de kilométrages.
Pour les transports de messagerie à la demande, chaque barème peut corres-
pondre à une catégorie de destination tenant compte de la structure des frets
d’aller et de retour sur cette destination. Dans le cas d’un contrat général
industriel-transporteur, un barème unique – ou avec deux catégories comme
dans la tarification routière de référence – suffit, compte tenu que le transpor-
teur est censé connaître la structure des transports à effectuer. Éventuelle-
ment, il peut y avoir plusieurs barèmes selon la nature des marchandises.
Le contrat ou le cahier des charges doit préciser avec soin les conditions de
facturation pour l’application du barème de telle sorte que, par exemple, deux
ordres de transport envoyés pour un même transport (même enlèvement et
même destination) ne soient pas facturés séparément mais soient cumulés.
L’industriel a tout intérêt à mettre en place une organisation simple mais effi-
cace de vérification des factures.

7.5.2 Les tarifs de transport routier


 L’intervention des États
La détermination du prix d’un transport ne résulte pas simplement du jeu de
l’offre et de la demande sur un marché parfait. De nombreux phénomènes
perturbent ces mécanismes :
– monopole de fait d’un transporteur sur une liaison ce qui lui permet d’imposer
son prix aux petits donneurs d’ordre, le trafic n’étant pas suffisant pour permet-
tre l’exercice de la concurrence ;
– différence de poids économique entre grands donneurs d’ordre (industriels
ou distributeurs) et une population très nombreuse de petits transporteurs
prêts à accepter des prix très bas lorsqu’ils se trouvent devoir effectuer un
voyage de retour sans fret ;
– différence structurelle de trafic entre l’aller et le retour sur une liaison donnée,
les tonnages dans un sens étant très différents des tonnages dans l’autre ;
– possibilités pour certains transporteurs d’imposer des tarifs différents pour
des liaisons identiques selon leurs clients.
Pour tenter de régulariser ces marchés, les états ont souvent essayé d’impo-
ser des tarifs de transport obligatoires. On trouve selon les époques et selon
les pays de nombreux systèmes différents à cet effet :
– obligation pour un transporteur de déposer ses tarifs auprès d’un organisme
de contrôle qui les approuve et obligation de les appliquer à tous les donneurs
d’ordre ; c’est le cas des Common Carriers aux États-Unis ;
– obligation pour tous les transporteurs d’utiliser un tarif unique rendu obliga-
toire par un organisme public : cela a été le cas en France jusqu’en 1989 ; un
organisme piloté par les représentants de l’État, le Comité national routier,
imposait une tarification routière obligatoire, applicable à tous les transports de
marchandises générales. Il en était de même en Allemagne et dans beaucoup
d’autres pays.

310
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

La présentation même de ces tarifs a varié dans le temps et selon les pays et
il en est résulté selon les pays des habitudes de présentation des tarifs même
lorsque ces activités ont été déréglementées par la suite.
On trouve par exemple aux États-Unis des tarifs par nature de produits un peu
comme les tarifs douaniers. On analysera la présentation de l’ancien tarif
routier de référence français qui sert encore de modèle dans la présentation
de beaucoup de tarifs en France. On connaît les tarifs de messagerie qui
présentent des tarifs au poids et au colis en fonction de zones géographiques
à partir d’un point de départ avec des modalités diverses pour les délais de
livraison et autres prestations proposées.
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


 Le problème de la tarification
Le problème de la tarification de ces prestations de transport routier est un des
problèmes clefs de la logistique. C’est au même titre que la gestion des stocks
ou la gestion de production, un aspect technique de la logistique. Or, il se
trouve que les professionnels du transport qui maîtrisent les aspects tarifaires
de leur profession – et ils ne sont peut-être pas si nombreux qu’on pourrait le
croire – sont rarement des spécialistes des autres disciplines de la logistique,
bien qu’il soit évident que la logistique soit par nature une recherche perma-
nente d’un équilibre économique entre les stocks, la production et les trans-
ports. La tendance récente à mettre en avant dans les entreprises une fonction
de pilotage des flux qui absorbe progressivement celle de gestion des stocks,
devrait conduire à donner une triple formation aux futurs logisticiens pour qu’ils
maîtrisent à la fois les techniques de gestion de production, des stocks et
celles de tarification et négociation des transports.
On notera que la loi Sécurité et modernisation du 1 er février 1995 impose la
transmission au transporteur par écrit, et préalablement au transport, des infor-
mations nécessaires à l’exécution du contrat, de la liste des prestations
annexes demandées, de l’acceptation des durées prévues et des conditions
de rémunération. Cette loi est importante car, en dehors de la location où c’est
obligatoire, un très faible pourcentage des transports effectués en France
donnent lieu à la rédaction d’un contrat écrit.
À partir de ces informations, le transporteur doit pouvoir déterminer un prix de
transport qui lui permet de couvrir ses charges, éventuellement en les répar-
tissant entre les différents éléments d’un chargement ; et de dégager éventuel-
lement une marge bénéficiaire. Le transporteur doit cependant pouvoir établir
rapidement le montant de la rémunération de ce transport et donc disposer de
tarifs préétablis à cet effet. Le chargeur doit en outre pouvoir prendre connais-
sance rapidement des conditions proposées sans avoir à discuter à chaque
fois tous les postes de transport. Des principes simples de tarification consti-
tuent donc une base sûre pour la mise en œuvre de la concurrence.

7.5.3 Principe de tarification au voyage réparti


On peut procéder de façon plus ou moins complexe dans l’évaluation des
coûts de voyage selon le degré de précision que l’on veut obtenir. Le plus
simple est de décomposer classiquement les coûts en charges fixes et varia-
bles. On pourrait utiliser des méthodes d’analyse comptables encore beaucoup
mieux adaptées à chaque situation individuelle de transporteur ou de chargeur.

311
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

 Répartition entre charges fixes et variables


On répartit d’ordinaire les coûts d’exploitation d’un camion en charges fixes
qu’il faut supporter, quel que soit le parcours du camion – et donc même s’il
est immobilisé – et charges proportionnelles au kilométrage parcouru. On
distingue donc souvent un coût journalier et un coût kilométrique.
La décomposition analytique des coûts de transport s’appuie sur un ensemble
de paramètres dont les plus importants sont les suivants :
– le nombre de kilomètres effectué par an : 115 500 km/an ;
– le nombre de jours d’exploitation soit 231 jours ;
– le nombre de conducteurs affecté à un ensemble tracteur-remorque qui
permet un certain nombre d’amplitudes.
Tableau 7.3

PARAMÈTRES DE SIMULATION
1 amplitude 2 amplitudes
Chauffeurs nombres → 1,1 2,2
Amplitude horaire heures → 10,30 20,61
dont heures de nuit heures → 1,00 8,00
Km effectués par jour km → 500 1 000
jours de présence jours → 231 231
tracteur : nombre d’années d’amortissement années → 6,0 3,0
Km effectués sur la période km → 693 000 693 000
Remorque : nombre d’années d’amortissement années → 10 5
Km effectués sur la période km → 1 155 000 1 155 000

DÉCOMPOSITION DES PRIX DE REVIENT PAR JOUR

Carburant 142,19 € 288,54 €


Pneumatiques 12,75 € 25,50 €
Entretien et Réparation 31,17 € 38,96 €
Péages 27,00 € 54,00 €
Salaire et Charges 165,07 € 364,36 €
Frais de déplacement 36,51 € 73,02 €
Assurances 13,38 € 13,38 €
Taxes 2,55 € 2,55 €
Coût de détention du véhicule 48,65 € 91,17 €
Coût de détention des autres matériels 12,08 € 21,73 €
Coût de structure 73,19 € 83,19 €
Marge estimée à 10 % 56,45 € 105,64 €

Prix total par 24 heures 620,99 € 1 162,05 €

prix pour une amplitude chauffeur 620,99 € 581,02 €

Résultats : terme fixe et kilométrique

Terme fixe 386,58 € 714,34 €


Terme kilométrique 0,47 € 0,45 €

Ces charges sont découpées en trois catégories :


– des charges semi-variables de personnel ;
– des charges fixes d’assurances, taxes, coûts de détention du tracteur et
de la remorque et une part des coûts de structure moyens des entreprises ;
les coûts de détention de l’ensemble recouvrent soit des amortissements et

312
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

des coûts de financement, soit des coûts de leasing, soit des coûts de loca-
tion ;
– des charges variables au km parcouru concernant le carburant, les pneuma-
tiques, entretien et réparation et péages.
Une telle analyse est intéressante en soi mais demande à être adaptée à
chaque entreprise de transport dont les conditions d’exploitation peuvent
s’écarter très sensiblement de la moyenne nationale. On trouve sur le site
Internet du Comité national routier un programme qui permet d’effectuer de
tels calculs à partir des données propres d’une entreprise. Les données précé- B
dentes, remises à jour chaque trimestre, fournissent donc seulement un réfé-

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


rentiel de comparaison qui, correspondant à des moyennes, peut d’ailleurs
servir à déterminer quel devrait être le prix « normal » d’un transport.
La difficulté est cependant de passer de cette analyse annuelle à la détermi-
nation du coût d’un transport particulier dont on connaît par exemple la
distance à parcourir et le temps nécessaire.

 Le coût est uniquement fonction de la distance


En appliquant les résultats la fonction de coût est donc linéaire selon la
formule :
C = 0,47 × D + 386,58
avec C le coût du voyage en € et D la distance parcourue en km.
Une telle tarification est loin d’être satisfaisante car tous les voyages ne repré-
sentent pas une journée et sont d’autre part toujours de durée et de distance
inégales. On affecte la même part fixe à un voyage court et un voyage plus
long, alors que leurs paramètres de coûts peuvent être différents : consomma-
tion de gas-oil, péages, usures des pneus, frais de déplacements, etc. Un tel
mode de calcul n’est d’ailleurs envisageable que pour un voyage qui ne
dépasse pas une journée, sauf alors à introduire le nombre de jours J comme
variable avec :
C = aD + bJ

 L’ancienne méthode du tarif de référence du CNR


On a vu que le CNR calculait en France une tarification routière obligatoire
(TRO) jusqu’en 1989. Il a même continué de la publier jusqu’en 2001 sous le
nom de tarification routière de référence. La méthode consistait d’abord à calcu-
ler le coût d’un voyage en fonction de sa distance pour un certain nombre de
kilométrages types (« distances rondes » : 100, 200, 300,…, 1 000 km). L’on
utilisait alors des statistiques pour chacune de ces catégories de voyages de
façon à tenir compte des valeurs de paramètres propres à chaque catégorie. Le
calcul était effectué pour chaque catégorie comme si l’ensemble routier n’effec-
tuait toute l’année que des voyages de cette catégorie. On obtenait ainsi un prix
de vente au voyage en ajoutant au total calculé un taux de marge de 9,89 %.
A priori un tel tarif établi avec une méthode analytique paraît très éloigné d’une
tarification du voyage à partir d’un seul paramètre de distance ; tout au moins,
il ne paraît pas évident qu’il existe une relation linéaire entre ce coût et la
distance parcourue. En réalité si l’on reprend avec une droite de régression

313
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

les résultats de ces calculs pour les « distances rondes » ayant servi au calcul,
on trouvait une bonne corrélation avec une droite du type :
C = aD + b
D étant la distance.
Tableau 7.4

Distance 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1 000

Prix
14 173 20 106 26 461 31 784 37 693 43 137 48 352 53 294 58 847 64 187
de vente

On avait alors par exemple en 1995 (en équivalents euros) :


Cv = 1,28D + 219,61
avec CV le coût au voyage pour le tarif n° 2 pour une charge de 21 tonnes
considérée comme la charge moyenne par véhicule. Par rapport à la formule
du paragraphe précédent, on constate, outre les différences de valeur, que le
rapport entre les coefficients a et b a fortement augmenté au profit de a, ce
qui revient à affecter, comme il apparaît normal à partir de la méthode utilisée,
une plus forte influence au kilométrage.
Ce prix de vente au voyage pouvait être affecté d’un coefficient pour tenir
compte de la difficulté que l’on peut rencontrer pour trouver du fret de retour ;
on a vu que déjà on utilisait dans le kilométrage un coefficient kilométrique pour
tenir compte de ce problème de retour mais sur certaines relations, il peut être
particulièrement difficile de trouver du fret et l’on affectait le prix de vente au
voyage d’un coefficient de 10 % ; pour ce faire, la France était divisée en 632
zones : certaines zones classées en tarif n° 2 étaient considérées comme ayant
un équilibre entre le fret entrant et sortant et on y appliquait donc le tarif normal ;
d’autres étaient considérées comme ayant un déséquilibre du trafic sortant et le
transporteur pouvait donc avoir des difficultés à trouver du fret de retour : ces
zones de destination du voyage avaient donc un tarif n° 1 affecté d’un coefficient
de 10 % en plus pour compenser ce désavantage ; on déterminait ces zones à
partir d’une table des localités telle que le Dicoroute de Lamy.
Le programme d’analyse du CNR, disponible sur son site Internet, permet
aussi de calculer le coût d’un voyage quelconque en supposant que ce voyage
constitue l’activité normale du véhicule tout au long de l’année, ce qui recons-
titue en quelque sorte la méthode précédente d’analyse pour un type de
voyage, à condition de disposer de tous les paramètres correspondant à ce
voyage puisque le calcul ne repose pas alors sur des statistiques.
La méthode n’est cependant pas tout à fait satisfaisante pour déterminer un
coût de voyage bien adapté aux caractéristiques du voyage lui-même. Elle
avait l’avantage de la simplicité nécessaire pour construire un tarif mais main-
tenant que le CNR ne produit plus de tarif, il a été amené à proposer une
méthode plus précise de calcul du coût du voyage.

 La formulation trinôme actuelle du CNR


Elle consiste à considérer séparément les trois catégories de charges vues
précédemment dans l’analyse des coûts d’exploitation d’un ensemble de 40
tonnes et à déterminer chacune en fonction d’un critère différent :

314
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

– kilométrage du voyage pour les charges variables (carburant, pneumatiques,


etc.) ;
– heure de service pour les salaires, charges et frais de route ;
– nombre de jours de voyage pour les charges fixes : coûts de détention du
matériel, charges de structure, assurances, etc.
On obtient alors à partir des données précédentes pour un ensemble articulé
de 40 tonnes en avril 2003 :
– 0,36 € pour le terme kilométrique ;
– 18,92 € pour le terme horaire ;
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


– 152,50 € pour le terme journalier.
Ainsi un voyage aller et retour de 2 × 850 km en 3 jours demandant deux fois
10 h 20 de conduite plus 3 heures de chargement et déchargement, soit en
tout 23 h 40, pourra être évalué avant marge à :
(0,35 × 1 700) + (18,92 × 23 h 40) + (152,5 × 3) = 1 500,15 €

7.5.4 Correctifs à apporter


Il est nécessaire d’apporter un certain nombre de correctifs pour obtenir un
tarif plus réaliste, particulièrement en ce qui concerne les poids, les autres
contraintes du transport et la présentation même du tarif.

Tarif des lots au km et à la tonne


350,00

300,00

250,00
0
Coûts en euros

100
200,00
200
300
150,00
400
500
100,00

50,00

0,00
0 1 2 3 4 5
Tonnes

Figure 7.7 – Coûts à la tonne en fonction des km parcourus.

315
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

 Poids
En ce qui concerne le poids, il faut considérer que ce n’est pas la seule
contrainte de chargement d’un camion. En effet, le chargement est soumis à
plusieurs contraintes :
– une contrainte de charge utile égale à la différence entre le poids total auto-
risé en charge (PTAC) et le poids à vide, variable selon le nombre d’essieux
ainsi que le poids total roulant autorisé (PTRA) ;
– une contrainte de surface au plancher ; ainsi la semi-remorque standard
présente approximativement les dimensions utiles suivantes :
• largeur utile : 2,5 m,
• longueur utile : 13,50 m.
L’espace de chargement est compatible avec 3 palettes européennes dispo-
sées de front et permet de charger au sol 33 palettes qui seront présentées
toutes dans le même sens au déchargement. Il peut aussi contenir 26 palet-
tes 1 000 × 1 200 ;
– une contrainte de volume ;
– des contraintes éventuelles de fixation des marchandises.
Le poids est de plus en plus rarement la contrainte la plus importante : ainsi
33 palettes sur une seule couche pour un chargement maximum de 25 tonnes
font un poids maximal par palette de 758 kg, ce qui est beaucoup. Certains
matériaux de faible densité représentent un très faible poids pour une occupa-
tion au sol importante. On a donc pris l’habitude de considérer pour ces
produits un « poids taxé » minimal, poids forfaitaire d’une unité de condition-
nement ; ainsi, il sera précisé par exemple que le poids taxé d’une palette est
au minimum de 400 kg. Il peut exister des poids taxés au fardeau ou au roll,
ou encore au mètre cube, etc.
On peut aussi, et c’est de plus en plus souvent le cas, établir un tarif au mètre
linéaire de plancher et non plus à la tonne.

 Chargements, déchargements, retours et transferts sur plates-formes


Le regroupement des frais journaliers sur un seul voyage est bien entendu une
simplification abusive, même si elle peut correspondre à un certain nombre de
transports. Il faut donc corriger le facteur a’pour tenir compte des divers types
de voyage (demi-journée, plusieurs jours, etc.). Mais d’autres corrections sont
à effectuer pour tenir compte de la spécificité de chaque type de transport. En
pratique, dans beaucoup de cas, les transports de lots sont divisés en
plusieurs segments de voyage avec des passages en plates-formes compre-
nant déchargements, tris, regroupages et rechargements : souvent l’un pour la
ramasse, un autre pour le transport proprement dit et un autre pour la distri-
bution.
C’est le cas général pour la messagerie mais c’est aussi souvent le cas pour
des transports de lots qu’ils fassent plus ou moins de 3 tonnes, selon
l’ancienne distinction. Par exemple sur le schéma proposé figure 7.8, le
donneur d’ordre demande le transport vers trois plates-formes distributeurs
suffisamment éloignées les unes des autres pour que le transporteur ne puisse
les transporter dans le même véhicule. On considérera donc trois lots diffé-

316
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

rents et pour des raisons de rentabilité, le transporteur ira prendre ces trois
lots à l’usine avec le même camion puis, sur sa propre plate-forme pas trop
éloignée de l’usine, les répartira en trois camions qui effectueront le trajet avec
d’autres marchandises provenant d’autres donneurs d’ordre.

Plate-forme de
Plate-forme
ramasse du
transporteur
Distributeur X B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Usine du
producteur

Plate-forme
Distributeur Y

Relations réelles

Plate-forme Transports facturés


Distributeur Z

Figure 7.8 – Exemple de transport de lots.

Si les trois plates-formes de distributeur n’étaient pas trop éloignées, de telle


sorte que les trois lots puissent être transportés dans le même camion, on
aurait alors le schéma de la figure 7.9.

Plate-forme Plate-forme
de ramasse du Distributeur X
transporteur

Plate-forme
Distributeur Y

Usine du Plate-forme
producteur Distributeur Z

Relations réelles

Transports facturés

Figure 7.9 – Exemple de transport de lots.

317
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

Le passage par la plate-forme du transporteur ne sert qu’à compléter le char-


gement avec d’autres marchandises et le donneur d’ordre paiera alors le trajet
total depuis son usine jusqu’à la plate-forme X puis, de là, à la plate-forme Y,
et enfin à la plate-forme Z pour la totalité des lots. C’est ce qu’on appelle des
« lots groupés » et selon les conditions générales du TRR, il est toujours possi-
ble pour le donneur d’ordre de faire les deux calculs pour choisir le moins
onéreux. La même technique s’utilise quand des lots d’un même donneur
d’ordre sont à prendre en différents établissements pour être transportés en
un même lieu.
Lorsqu’il établit un tarif pour une proposition de contrat de transport et pour
tenir compte de ces opérations de chargements, déchargements, retours et
transferts sur plates-formes (trajets supplémentaires, manutentions, difficulté
de trouver du fret au retour, utilisations de plates-formes et temps correspon-
dants), le transporteur pourra modifier :
– les paramètres a, b, c et d ;
– les paramètres a’, b’, c’ et d’ ;
– ou encore à la main, certaines cases du tableau.
En choisissant de modifier les paramètres a’, b’, c’ et d’, il pourra intervenir
sur :
– le paramètre a’ pour tenir compte de contraintes particulières de chargement
et déchargement (temps supplémentaires), ou de procédures ou services parti-
culiers demandés par le chargeur ;
– le paramètre b’ pour tenir compte de trajets supplémentaires par rapport au
reste des marchandises (lieux de ramasse ou de déchargement) ;
– le paramètre c’ pour tenir compte des transferts sur plates-formes en
tenant compte d’un coût unitaire de manutention à la tonne ou à la palette,
etc. ;
– le paramètre d’ pour se protéger de variations importantes dans le volume
des transports à assurer, variations à la hausse par rapport à ce qui était prévu
et qui peuvent l’obliger à acquérir ou louer des moyens supplémentaires avec
un franchissement de seuil de coûts.
L’acheteur de transports a intérêt lui, pour comparer les différents tarifs propo-
sés, à simuler différentes hypothèses de transports à effectuer – en fonction
de ses prévisions – pour en mesurer les conséquences.

 Présentation des tarifs


En ce qui concerne la présentation même des tarifs, ils ne sont pratiquement
jamais présentés sous forme de fonctions de coût mais sous forme de tableaux
à double entrée présentant les coûts à la tonne par poids et tranches de kilo-
métrages sur le modèle TRR du tableau 7.5.
Les distances kilométriques à prendre en compte ne sont pas les distances
kilométriques réelles mais une « distance tarifaire » entre les deux zones de
classification, fournie par un document appelé « distancier ». Rappelons que
la zone de destination est classée en zone 1 ou 2 suivant l’équilibre moyen de
ses frets routiers d’entrée et de sortie et que l’on choisit respectivement le tarif
1 ou 2 – le tarif 1 est le tarif 2 augmenté de 10 % pour tenir compte d’un
déséquilibre et donc d’une difficulté à trouver du fret en retour.

318
7 • Les transports 7.5 Économie du transport routier : établissement
d’un tarif de contrat de transport

Tableau 7.5 – Exemple de tarifs.

km 3t 5t 7t 10 t 15 t 20 t 23 t 25 t

101 à 105 256,2 185,1 155,4 130,5 112,3 104,2 99,1 96,7

126 à 130 282,7 204,3 171,5 144,0 123,9 114,9 109,3 106,6 B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


351 à 360 525,7 379,8 318,9 267,7 230,4 213,7 203,3 198,3

1 251 à 1 300 1 409,3 1 018,3 854,8 717,5 617,6 573,0 545,0 531,6

 La règle du « payant pour »


Lorsque le tonnage à transporter se présente entre deux poids, on peut pren-
dre, soit le tarif du poids inférieur, soit le tarif du poids supérieur en « payant
pour » le poids supérieur à son tarif si le montant de ce poids supérieur de la
tranche suivante est plus intéressant. C’est ce qu’on appelle la règle du
« payant pour ». S’il en était autrement, on pourrait avoir intérêt à compléter
le chargement avec des cailloux ou n’importe quoi pour atteindre la tranche de
tarif plus intéressante…
Par exemple, pour un tonnage de 8,5 t sur 102 km, on peut considérer :
– soit 8,5 t × 155,4 = 1 320,90
– soit 10 t × 130,5 = 1 305,00, ce que l’on retiendra.
Le TRR présentait pour chaque colonne, le poids minimum « payant pour » qui
correspond au passage au poids supérieur ; dans le cas de la colonne 10 t, il
correspond à 8,4 t.

 Compléments de facturation
Le TRR prévoyait des compléments de facturation sous forme de prestations
annexes ou accessoires qui s’ajoutent au montant du tarif.
On y trouve :
– les opérations d’encaissement ou de livraisons contre remboursement ;
– les frais de chargement ou déchargement de véhicules quand ils ne sont pas
normalement à la charge du transporteur (voir infra) ;
– les frais d’immobilisation de véhicule, par exemple quand les temps d’immo-
bilisation prévus contractuellement ou par contrat-type au chargement et
déchargement se trouvent dépassés ;

319
7 • Les transports 7.6 Le contrat de transport intérieur routier

– les nouvelles présentations à domicile quand la marchandise n’a pu être


livrée lors d’une première présentation par la faute du destinataire ;
– la déclaration de valeur ou d’intérêt spécial à la livraison qui augmente la
limite de responsabilité du transporteur, etc.

7.6 Le contrat de transport intérieur routier


7.6.1 Définition
Les contrats de transport routier à l’intérieur de la France sont régis par des
textes généraux :
– Code civil pour les règles générales du droit des obligations ;
– Code de commerce :
• articles 96 à 102 relatifs au commissionnaire de transport,
• article 103 : principe de présomption de responsabilité,
• article 105 : modalités de la protestation motivée,
• article 108 : prescription ;
– Loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982 qui
prescrit que pour tout transport effectué par un « transporteur public », un
contrat de transport écrit est obligatoire qui mentionne :
• la nature et l’objet du transport (marchandises, point d’enlèvement, desti-
nation),
• les modalités d’exécution, d’enlèvement et de livraison,
• les obligations respectives de l’expéditeur, du commissionnaire, du trans-
porteur et du destinataire,
• le prix du transport ainsi que celui des prestations accessoires prévues ;
– Loi Sécurité et modernisation du 1 er février 1995 qui impose la transmis-
sion au transporteur par écrit, et préalablement au transport, des informa-
tions nécessaires à l’exécution du contrat, de la liste des prestations
annexes demandées, de l’acceptation des durées prévues et des conditions
de rémunération ;
– Décret n° 92691 du 23 juillet 1992 relatif à la coresponsabilité du donneur
d’ordre ;
– Contrat-type « général » pour le transport de 3 tonnes et plus de mars 1986
(décret du 14 mars 1986) ;
– Contrat-type messagerie pour les envois de moins de 3 tonnes et plus de
mars 1986 (Décret du 4 mai 1988) ;
– Arrêté du 5 décembre 1996 ADR sur le transport des marchandises dange-
reuses.
On notera qu’il s’agit là de véritables contrats de transport et non de contrats
de location de camion avec ou sans chauffeur ou de commission de transport
qui ont un régime juridique tout à fait différent.
En réalité, la plupart des transports routiers français ne donnent pas lieu à
rédaction de véritables contrats de transport, et il a donc été créé des contrats-

320
7 • Les transports 7.6 Le contrat de transport intérieur routier

types dont les dispositions s’appliquent pour tout ce qui n’a pas été prévu
expressément entre les parties. Bien entendu, ils ne déterminent ni la nature
et l’objet du transport, ni son prix mais les autres dispositions nécessaires. Ils
s’appliquent exclusivement aux relations internes à la France. Ces contrats-
types établis par un groupe de travail du Conseil national des transports (CNT)
sont :
– le contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises
pour lesquels il n’existe pas de contrat-type spécifique (décret n° 99-269 du
6 avril 1999) ; c’est le contrat le plus général auquel il faut se référer le plus
souvent : il recouvre à la fois les transports de messagerie (< 3 tonnes) et ce
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


qu’on appelait les lots industriels ;
– le contrat-type pour le transport public routier en citernes (Décret n° 2000-
527 du 6 juin 2000) ;
– le contrat-type pour le transport public routier d’objets indivisibles (Décret
n° 2000-528 du 16 juin 2000), etc.
Lorsqu’il existe un véritable contrat, ses dispositions l’emportent sur le contrat-
type concerné, sauf si certaines d’entre elles étaient illégales. En pratique, le
plus souvent il s’agit :
– soit de contrats d’adhésion préparés à l’avance par une des parties (trans-
porteur ou donneur d’ordre) sous forme de clauses imprimées ;
– soit d’un contrat général régissant les rapports entre un donneur d’ordre et
un transporteur et qui s’applique à tous les contrats réalisés ensuite pendant
sa durée.
Une opération de transport est une opération complexe qui peut poser de multi-
ples problèmes de délais, de modalités de chargement ou déchargement, de
responsabilité, de montants du transport et des frais accessoires, de conditions
de paiement, etc. Bien entendu, l’aspect tarifaire est le plus important et doit
être négocié avec soin car, comme on le verra, la négociation d’un tarif est un
véritable métier relativement complexe et peu connu. Mais toutes les autres
dispositions doivent être prévues en tenant compte d’une législation et d’une
réglementation complexes qui, avec son abondante jurisprudence, constitue
une branche du droit très particulière. Il est donc nécessaire de préparer des
cahiers des charges relativement précis auxquels le contrat final fera référence.
Il existe, par ailleurs, une première Charte qualité chargeurs-transporteurs-
distributeurs (hors denrées périssables), signée le 27 février 1998 entre un
certain nombre de syndicats professionnels ou d’associations de ces trois
catégories : AUTF, AFTRI, FNTR, FCD, etc. Ces organisations se sont enga-
gées à faire respecter les dispositions de cette charte par leurs adhérents et
en suivent l’application avec un comité de pilotage et une seconde charte de
déontologie signée au sein de TLF (Fédération des entreprises de transport et
logistique de France).

7.6.2 Les questions qu’on peut se poser sur le transport routier


Plutôt que d’analyser les dispositions réglementaires, il est plus simple de
reprendre les principales questions qu’on peut être conduit à se poser sur les
transports routiers en donnant les solutions apportées par le contrat-type et les
précautions qu’il peut être utile de prendre.

321
7 • Les transports 7.6 Le contrat de transport intérieur routier

 Qui assure le chargement ou le déchargement ?


À défaut d’un contrat particulier, le contrat-type prévoit les dispositions
suivantes :
– le transporteur :
• assure le chargement, le déchargement et l’arrimage des envois de moins
de 3 tonnes ;
• met en œuvre des moyens techniques du véhicule : hayon, grue hydrauli-
que, etc ;
• assure le débâchage et le rebâchage du véhicule ainsi que le démon-
tage et la remise en place des ridelles, mais avec le concours et les
moyens du personnel de celui qui est responsable du chargement et
déchargement ;
• vérifie le chargement, le calage et l’arrimage effectués par l’expéditeur du
point de vue de la sécurité du véhicule et de la conservation de la
marchandise ; il peut formuler des réserves écrites sur le document de
transport et même refuser la prise en charge de la marchandise ;
– le donneur d’ordre et le destinataire assurent le chargement, le décharge-
ment et l’arrimage des envois de plus de 3 tonnes. Si le transporteur l’assure,
c’est normalement une prestation supplémentaire à convenir.

 Où doit être livrée la marchandise ?


Le contrat-type prévoit :
– pour les chantiers et les établissements industriels et commerciaux : dans
leur enceinte. Rappelons l’obligation de l’arrêté du 26 avril 1996 d’établir entre
le transporteur et le donneur d’ordre ou le destinataire, un protocole de sécu-
rité précisant les lieux de stationnement, livraison, etc. ;
– pour les commerces sur rue, au pied du magasin (trottoir) ;
– pour les particuliers, au seuil de l’habitation s’il est accessible.
Normalement la livraison à l’étage est une prestation supplémentaire à
convenir. On peut se poser la question pour des établissements (bureaux)
situés en étage où il semble que la livraison devrait se faire à l’étage, sauf
s’il existe dans l’immeuble une zone de réception pour l’ensemble des
occupants.

 Comment convenir des dates et heures de livraison ?


Les dates et heures de livraison peuvent être déterminées de différentes
façons :
– elles peuvent être déterminées pour chaque transport sous forme d’un
rendez-vous à une heure précise ;
– elles peuvent être fixées à l’avance pour tous les transports à intervenir
dans des plages de réception pour chaque site ; dans ce cas, la date de
livraison peut être ou non prévue ; la plage de réception peut être la journée
entre une heure d’ouverture et une heure de fermeture ou la demi-journée
selon le même principe ; la plage de réception peut être d’un temps plus
réduit ;

322
7 • Les transports 7.6 Le contrat de transport intérieur routier

– elles peuvent être déterminées pour chaque transport par une plage horaire
spécifique – par exemple entre 6 heures et 7 h 30.
Ces rendez-vous devraient selon le contrat-type être fixés par écrit ou au
moins sur un support mémorisable. Ce problème des rendez-vous est impor-
tant car un centre de réception de marchandises n’a qu’une capacité de récep-
tion limitée en postes de déchargement et en personnel. Si le planning de
réception n’est pas organisé, on aura donc des périodes d’embouteillage
pendant lesquels des camions et chauffeurs devront attendre. Or, ces attentes
sont coûteuses et doivent donc être limitées faute de quoi le donneur d’ordre
devra en supporter le coût sous forme d’une rémunération supplémentaire
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


prévue par le contrat-type.

 Pendant combien de temps peut-on immobiliser camion et conducteur


au chargement ou déchargement ?
La limitation du temps de chargement, déchargement ou d’attente est la consé-
quence directe du problème précédent. Le contrat-type a donc fixé des temps
maximaux variables selon certaines catégories :
– pour les envois inférieurs à 100 kg et de moins de 20 colis : 15 minutes ;
– pour les autres envois inférieurs à 3 tonnes : 30 minutes ;
– pour les envois compris entre 3 et 10 tonnes et n’excédant pas 30 m3 :
• en cas de rendez-vous respecté par le transporteur : 1 heure ;
• en cas de plage horaire respectée par le transporteur : 1 heure 30 ;
• 2 heures 15, en cas de rendez-vous manqués ;
• 2 heures dans les autres cas (pas de rendez-vous ni de plages horaires) ;
– pour les envois de plus de 10 tonnes ou supérieurs à 30 m3 :
• en cas de rendez-vous respecté par le transporteur : 1 heure ;
• en cas de plage horaire respectée par le transporteur : 2 heures ;
• 3 heures 15, en cas de rendez-vous manqués ;
• 3 heures dans les autres cas (pas de rendez-vous ni de plages horaires).
Pour mesurer ces temps d’immobilisation :
– le point de départ est l’« identification » prévue par la loi du 6 février 1998 :
c’est le moment où le conducteur se présente au point de déchargement et
informe le représentant du réceptionnaire qu’il est prêt à décharger ; il doit
noter cette heure sur un document de suivi ;
– cependant, si le camion est en avance sur l’heure de rendez-vous prévu ou
le début de la plage horaire prévue, le temps d’immobilisation ne commence
qu’à cette dernière heure ;
– les délais ne sont pas interrompus pendant l’heure du déjeuner entre
12 heures et 14 heures ;
– lorsqu’il y a rendez-vous, un retard de 30 minutes est admis par rapport à
l’heure d’arrivée fixée et la durée d’immobilisation acceptée en est augmentée
d’autant ;
– lorsqu’il n’y a pas de rendez-vous ou de plage horaire, si la durée d’immobi-
lisation dépasse 18 heures – ou l’heure de fermeture de l’établissement – elle

323
7 • Les transports 7.6 Le contrat de transport intérieur routier

est suspendue jusqu’au lendemain 8 heures – ou l’heure d’ouverture de


l’établissement.
Au-delà de cette durée d’immobilisation, il y a facturation d’une rémunération
complémentaire.
Ces règles du contrat-type peuvent être remplacées par des règles contrac-
tuelles prévoyant :
– des règles particulières de rendez-vous ou plages horaires ;
– des modalités de prise de rendez-vous (délais, procédures, confirmations,
etc.) ;
– des règles d’information ;
– des règles d’attentes en cas de retard du transporteur (priorité des autres
transporteurs arrivés à l’heure, par exemple, ou priorité aux denrées
périssables) ;
– des pénalités pour le transporteur selon l’importance de son retard (voir
infra) ;
– des pénalités pour le réceptionnaire selon l’importance de son retard, etc.

 De quel délai dispose le transporteur pour assurer sa prestation


et quelles sont les conséquences d’un retard ?
Il est possible, bien entendu, de déterminer contractuellement un délai en
prenant cependant la précaution que ce délai n’entraîne pas des conséquen-
ces contraires au droit du travail des conducteurs. Une fois ce délai convenu,
il faut encore déterminer quelle en est la sanction si le transporteur ne le
respecte pas. On peut prévoir une indemnité pour un retard mais, le plus
souvent, les contrats de transport sont des contrats généraux qui intéressent
de nombreux voyages pendant la durée du contrat. On prévoit alors assez
souvent une clause de qualité en prévoyant, par exemple, un indicateur de
qualité des relations assurées en pourcentage des relations assurées dans les
temps prévus pendant chaque semaine ou chaque mois. On calcule cet indi-
cateur en rattachant chaque voyage à cheval sur une semaine ou un mois à
la semaine ou au mois d’arrivée à destination. On peut alors prévoir un objectif
de qualité, par exemple 98 % des relations assurées dans les délais prévus,
et prévoir une indemnité de x francs par point entier en dessous de cet objectif,
avec une échelle progressive jusqu’à un maximum ; on peut même prévoir,
après un certain nombre de mauvais résultats, une cause de rupture du contrat
par le donneur d’ordre ; on prendra cependant la précaution de considérer
suffisamment de voyages dans l’unité de temps : en effet, un voyage par jour
pendant une semaine de 5 jours fait que si un seul voyage est en retard, le
ratio tombera à 80 %. On peut prévoir une formule plus complexe tenant
compte de la durée des retards.
S’il n’y a pas eu de délai prévu, il convient d’appliquer alors le contrat-type. Si
aucun délai n’a été convenu, le problème est de savoir à partir de combien de
temps, le donneur d’ordre est en droit de réclamer des indemnités en cas de
retard. Le contrat-type prévoit un délai d’acheminement constitué de la somme
de deux délais :
– un délai de transport d’une journée par fraction indivisible de 450 km ;

324
7 • Les transports 7.6 Le contrat de transport intérieur routier

– un délai de livraison à domicile (quels que soient le tonnage et la nature de


l’envoi : messagerie ou lot), d’une journée.
Passé ce délai, le donneur d’ordre est en droit de réclamer une indemnité si
ce retard lui cause un préjudice. Mais cette indemnité ne peut dépasser le prix
du transport. Il est cependant possible au donneur d’ordre de mentionner par
écrit le montant du préjudice qu’il estime subir du fait d’un éventuel retard,
montant qui remplacera le plafond précédent du prix du transport. Pour un
contrat d’une certaine durée, le donneur d’ordre a donc intérêt à négocier avec
le transporteur, un délai (raisonnable) et un « intérêt spécial à la livraison ». B
La charte qualité chargeurs-transporteurs – distributeurs prévoit que « sauf

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


accord particulier, les chargeurs s’engagent à remettre les envois aux trans-
porteurs dans un délai de 5 jours ouvrables précédant la date de livraison
demandée par le distributeur ». Ce délai constitue donc un délai maximal. Par
ailleurs, « les chargeurs s’engagent à accorder aux transporteurs des délais
d’acheminement qui leur permettent de respecter les horaires de livraison, tout
en se conformant aux dispositions légales et réglementaires relatives à la
vitesse, aux temps de conduite et de repos, en tenant compte des modes
d’exploitation utilisés. » Cette disposition peut paraître l’expression de bonnes
intentions sans grande portée, mais il faut reconnaître que la grande distribu-
tion et les producteurs exercent souvent sur les transporteurs des pressions
très fortes pour obtenir des livraisons en urgence qui peuvent être à l’origine
d’infractions des conducteurs et de leurs employeurs.
 Quelle est la responsabilité du transporteur en cas de perte ou d’avarie ?
Le transporteur ne peut s’exonérer totalement de sa responsabilité, mais sa
responsabilité :
– ne peut être mise en cause que s’il y a eu des réserves émises selon des
formes précises (voir infra « Que doit-on faire en cas d’avarie constatée à
l’arrivée ? ») ;
– est limitée :
• soit au titre de limitations contractuelles s’il a été établi un contrat
spécifique ; le donneur d’ordre peut faire une déclaration de valeur dans le
contrat, déclaration écrite qui substitue cette valeur au plafond du contrat-
type ;
• soit au titre des contrats-types : le contrat-type général prévoit des
plafonds d’indemnisation de 14 € par kilo et de 2 300 € par tonne pour les
envois de 3 tonnes et plus, et un plafond de 23 € par kilo et de 750 € par
colis pour les envois de moins de 3 tonnes ;
• soit au titre du contrat de transport international (CMR : 8,33 DTS/kg).
Ces limitations ne jouent pas en cas de faute lourde ou de dol du transporteur.
En revanche, le transporteur peut s’exonérer de sa responsabilité en excipant
de la force majeure (événement traditionnellement imprévisible, irrésistible et
extérieur) ou du vice propre de la marchandise, ou encore de la faute de tiers
(l’expéditeur pour un défaut d’emballage, etc.).
Selon le contrat-type, il y a une présomption de perte de la marchandise quand
elle n’a pas été livrée dans les 30 jours qui suivent l’expiration du délai
convenu ou du délai maximal du contrat-type.

325
7 • Les transports 7.6 Le contrat de transport intérieur routier

 Que doit-on faire en cas d’avarie ou de manquants constatés à l’arrivée ?


Dans le cas de manquant ou d’avarie, il est nécessaire selon l’article 105 du
Code de commerce :
– d’émettre des réserves écrites, précises et motivées à l’arrivée sur la lettre
de voiture au lieu de livraison et en présence du chauffeur (les formules géné-
rales du type : « sauf vérification ultérieure » ou « sous réserve de déballage »
n’ont pas de valeur juridique) ; le contrat-type prévoit que le destinataire peut
à l’occasion de la livraison, faire des réserves motivées sur l’état de la
marchandise. S’il ne l’a pas fait, il ne lui est cependant pas interdit d’invoquer
ultérieurement une avarie ou une perte ;
– de confirmer ces réserves par lettre recommandée avec accusé de réception
(ou exploit d’huissier) au transporteur dans les trois jours qui suivent la livrai-
son (non compris dimanche et jours fériés). Attention : ceci ne peut se faire
par fax et doit être fait auprès du transporteur et non du commissionnaire ou
du fournisseur. Cela ne doit pas non plus se faire le jour même mais dans les
trois jours qui suivent la réception ;
– au cas où il peut y avoir désaccord sur l’importance des dommages, de
recourir (si ce n’est nécessaire, c’est en tout cas possible) à un mode particu-
lier d’expertise propre au transport ; la demande doit en être faite au tribunal
de commerce aux frais de la partie qui demande, mais remboursée éventuel-
lement par celle qui est dans son tort.
Une action judiciaire ne peut être engagée ensuite que dans l’année qui suit
la constatation de l’avarie ou du manquant.

 Quels documents doivent être remis au transporteur


et quels documents doit remettre le transporteur ?
 Commande de transport
La loi du 1er février 1995, dite de modernisation du transport routier, prévoit
qu’un certain nombre d’informations doivent être fournies au transporteur,
selon le principe exprimé par le ministre que « tout ce qui se commande s’écrit,
et tout ce qui s’écrit se paye ». Il s’agit d’éviter que le transporteur ne souscrive
à des demandes abusives du chargeur profitant de sa position économique en
principe dominante.
Ces informations doivent être fournies au transporteur par écrit (ou système
informatique permettant la traçabilité) avant la présentation du véhicule :
– Noms et adresses de l’expéditeur et du destinataire avec numéros de télé-
phone et de fax.
– Noms et adresse complètes des lieux de chargement et déchargement avec
numéros de téléphone et de fax.
– Nom et adresse du donneur d’ordre.
– Dates, et éventuellement heures, des chargements et déchargements :
attention, si le délai était trop court, cela peut entraîner la responsabilité du
donneur d’ordre pour incitation au non-respect des réglementations.
– Heures limites de mise à disposition du véhicule en vue du chargement et
du déchargement : afin d’éviter que le transporteur n’arrive avant ouverture ou
après fermeture de l’établissement.

326
7 • Les transports 7.6 Le contrat de transport intérieur routier

– Nature de la marchandise, poids brut de l’envoi (y compris celui des palettes


et autres supports de charge), marques, nombre de colis, d’objets ou de
supports de charge (palettes, rolls, etc.) qui constituent l’envoi : à noter que
chaque colis, objet ou support de charge doit être étiqueté.
– Métrage linéaire de plancher ou volume nécessaire : si ces informations sont
nécessaires pour la tarification.
– Spécificité de la marchandise, lorsque celle-ci requiert des dispositions parti-
culières (marchandises dangereuses, denrées périssables, etc.).
– Modalités de paiement (port dû ou port payé). B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


– Autres modalités du contrat de transport : livraison contre remboursement,
déboursé, déclaration de valeur, déclaration d’intérêt spécial à la livraison.
– Numéro de la commande et références de l’envoi : nécessaires au destina-
taire.
– Éventuellement, prestations annexes convenues : par exemple échange de
palettes, chargement ou déchargement d’envoi de plus de 3 tonnes.
Le donneur d’ordre doit également fournir les pièces nécessaires au dédoua-
nement, au contrôle des régies, police, etc.

 Protocole de sécurité
Rappelons qu’il doit exister un protocole de sécurité entre le transporteur et le
responsable de l’établissement de chargement ou de déchargement.

 Lettre de voiture
Ce document est établi en 5 exemplaires par l’expéditeur ou le transporteur,
selon un modèle établi par le Comité national routier. Il est obligatoire pour
tous les transports pour compte d’autrui de lots de plus de 3 tonnes à plus de
150 km.
La lettre de voiture comprend :
– Le cachet du transporteur.
– La date d’établissement et le numéro de commande ou du devis accepté.
– L’identification du donneur d’ordre (client ou commissionnaire).
– Les instructions du transporteur au conducteur : la place de cette rubrique
est très petite.
– Les nombre et nature de la marchandise (avec poids, volume ou mètres
linéaires déclarés).
– L’indication de marchandises dangereuses ou à température dirigée.
– L’identification de l’établissement de chargement.
– Les date et heure d’arrivée au lieu de chargement : c’est l’identification
prévue pour le conducteur ainsi que la date et l’heure de départ ; ces informa-
tions sont signées par le conducteur et le représentant du remettant.
– L’identification de l’établissement de déchargement.
– Les date et heure d’arrivée au lieu de déchargement : c’est l’identification
prévue pour le conducteur ainsi que la date et l’heure de départ ; ces informa-
tions sont signées par le conducteur et le représentant du destinataire.

327
7 • Les transports 7.6 Le contrat de transport intérieur routier

– Les prestations annexes au chargement et au déchargement (convenues et


non convenues à l’origine) signées par le demandeur : elles permettront la
facturation de ces prestations.
– Les marques, nombre de colis, poids, cubages, etc.
– Les instructions de l’expéditeur.
– Les transporteurs successifs.
– Les réserves et observations du transporteur.
– Les réserves et observations du destinataire, etc.
Ce document comprend :
– un exemplaire qui accompagne la marchandise ;
– un exemplaire de contrôle qui reste à bord du véhicule ;
– un exemplaire conservé par l’entreprise ;
– un exemplaire pour l’expéditeur ;
– un exemplaire pour le destinataire.

 Comment doit être organisée la réception des marchandises ?


La réception des marchandises recouvre plusieurs activités :
– la prise de rendez-vous ou la détermination de créneau horaire, ainsi que
l’organisation des relations avec le chauffeur (constatation de l’arrivée, délais,
emplacements, règles de sécurité selon un protocole, émargement des docu-
ments, etc.) ;
– le déchargement des marchandises ;
– la constatation de leur état apparent, d’éventuelles avaries ou de manquants
et la procédure de constatation et de réclamation correspondante ;
– la constatation du bon état des marchandises dans les rapports avec le four-
nisseur lorsqu’il s’agit de marchandises achetées.

 Doit-on réaliser un cahier des charges pour un contrat de transport ?


L’usage de cahiers des charges détaillés en matière de transports est relati-
vement récent en France. Il est vrai que les grandes entreprises nationales et
administrations avaient l’habitude de réaliser des documents nombreux et
détaillés, mais ces cahiers des clauses administratives ou des clauses techni-
ques n’étaient pas nécessairement très précis sur les modalités des presta-
tions logistiques proprement dites.
Avec l’externalisation de leurs transports réalisée par un grand nombre d’entre-
prises, les procédures d’appels d’offres avec cahier des charges se dévelop-
pent rapidement, ce qui ne signifie pas que les transports effectués dans le
cadre de ces appels d’offres donnent lieu ensuite à des contrats écrits. Un
certain remplacement des ventes départ usine par des ventes franco condui-
sent également les industriels à s’intéresser à ces conventions, qui concernent
le plus souvent plusieurs transporteurs car la plupart des industriels préfèrent
en conserver plusieurs. Il s’agit de contrats d’un ou deux ans, ou parfois plus
compte tenu du temps de négociation de l’appel d’offres et de mise en place
des nouvelles prestations. Ces cahiers des charges sont extrêmement varia-
bles puisque certains d’entre eux comportent quelques pages et d’autres plus

328
7 • Les transports 7.6 Le contrat de transport intérieur routier

de 200 pages. De tels appels d’offre devraient définir avec précision, non seule-
ment les conditions tarifaires, mais encore des données précises sur la typolo-
gie et les volumes des flux. Ils peuvent déterminer des critères de qualité :
ponctualité dans l’enlèvement et la livraison, matériels utilisés, état de ces
matériels, respect des consignes de sécurité, avisage, documents de transport,
tenue des livreurs et « habillage » des camions pour un transport dédié, etc.
Lors de la négociation tarifaire, le chargeur peut demander au transporteur de
justifier de ses coûts qui peuvent être supérieurs ou inférieurs à ceux calculés
à partir des barèmes du CNR. Particulièrement en ce qui concerne la messa-
gerie, il est souvent utile de procéder à de véritables simulations géographiques
B
des flux pour pouvoir comparer des barèmes proposés. On assiste à un certain

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


développement des conventions dites open books qui consistent pour le trans-
porteur, à ouvrir sa comptabilité au chargeur pour partager selon des règles
convenues les augmentations ou diminutions de charges. Cette pratique est
particulièrement répandue en Grande-Bretagne.
La bonne exécution d’une procédure logistique était affaire de rodage, et la
connaissance qu’avait un chauffeur de l’entrepôt de chargement ou de desti-
nation, des caractéristiques logistiques des marchandises, de leur chargement
et de leur arrimage, du personnel du donneur d’ordre ou des réceptionnaires
étaient à la base de la bonne exécution des procédures. De nombreux
éléments ayant une grande incidence sur la prestation pouvaient être le résul-
tat d’arrangements locaux et progressifs : modalités de chargement, horaires
et rendez-vous, facturation de prestations particulières, etc. L’urgence était
souvent le prétexte pour prendre des dispositions non prévues initialement. Il
en résulte que l’équilibre réel d’un contrat, souvent non écrit, pouvait être très
différent de ce qui avait été prévu à l’origine et que les relations établies entre
les personnels des transporteurs et des donneurs d’ordre comptaient souvent
beaucoup plus que les termes convenus officiellement. Le transporteur ayant
l’expérience d’un client bénéficiait ainsi d’un avantage important sur ses
concurrents, et il était difficile de le remplacer ou, tout au moins, le personnel
du donneur d’ordre pensait souvent que le changement de transporteurs
entraînait des risques graves de dysfonctionnement.
L’évolution actuelle de la logistique et la recherche de moindres coûts condui-
sent les principaux donneurs d’ordre à négocier avec beaucoup de soin leurs
prestations de transport. Il est évident que cela ne peut se faire sans une défi-
nition précise des prestations demandées et une négociation très précise avec
les candidats.
Une autre raison conduit à établir des cahiers des charges détaillés. La logis-
tique et plus particulièrement les transports donnent lieu à de multiples inci-
dents. Ceci tient à la complexité des procédures et surtout à la multiplicité des
intervenants. Lorsque des incidents se produisent, il faut leur trouver une solu-
tion rapide et c’est le premier rôle du logisticien, mais il faut aussi évaluer les
responsabilités de chacun et mette en œuvre des procédures d’indemnités ou
de compensations. Lorsqu’il n’existe ni contrat ni cahier des charges détaillés,
cette tâche devient très difficile et peut déboucher directement sur du conten-
tieux coûteux et aux résultats aléatoires. Il est préférable d’avoir défini à
l’avance les règles, ce qui peut se faire de plusieurs façons :
– on a vu que le législateur avait développé tout un arsenal législatif et régle-
mentaire, y compris des contrats-types qui s’appliquent en l’absence de

329
7 • Les transports 7.7 Stratégie du donneur d’ordre de transport

conventions entre les parties, mais ces dispositions parfois mal connues ne
sont pas toujours favorables au donneur d’ordre ;
– les transporteurs et particulièrement les plus grandes entreprises (express
par exemple) ont réalisé des contrats d’adhésion qui leur sont évidemment
favorables ;
– la réalisation d’un cahier des charges est pour un donneur d’ordre d’une
certaine importance à la fois un bon moyen de bénéficier des dispositions les
plus favorables et de négocier avec précision avec ses transporteurs.

7.7 Stratégie du donneur d’ordre de transport


7.7.1 Études et simulations des transports
 Principes : le distancier
La plupart des aides que l’informatique peut apporter à la résolution de problè-
mes de transports routiers reposent sur l’utilisation d’un « distancier » ; le
terme n’est d’ailleurs plus tellement approprié pour désigner une véritable base
de données géographiques et littérales accompagnée de nombreux program-
mes sophistiqués. Un tel système comprend en général :
– une représentation cartographique des routes et autres voies à plusieurs
échelles, avec possibilités de zoom pour passer, par exemple, d’une carte
d’Europe à une carte de France, etc., jusqu’à un plan détaillé d’une ville ;
– un fichier des segments de voies comprenant pour chaque segment les coor-
données de ses extrémités, la distance, la nature de la voie, son nom, etc. ;
– un fichier des péages, tunnels, etc. ;
– un fichier d’adresses permettant de retrouver à partir d’une adresse postale,
soit la ville concernée, soit son emplacement exact (segment de voie) ;
– des programmes permettant d’établir des itinéraires, d’organiser des tour-
nées, d’établir un plan de transport, etc.
 Détermination d’un itinéraire
C’est une des tâches les plus courantes. Le programme détermine l’itinéraire
en fonction :
– de la demande de l’utilisateur ;
– de la distance la plus courte ;
– de l’itinéraire le plus rapide ;
– de l’itinéraire conseillé ;
– des caractéristiques du véhicule et éventuellement des vitesses moyennes
définies par types de voie pour le véhicule considéré ;
– des voies et de leurs limitations de vitesse ;
– pour certains systèmes, des règles de conduite des poids lourds (temps de
repos, etc.) ;
– éventuellement des temps d’attente prévisibles (frontières, tunnels, etc.) ;
– des temps de chargement et déchargement prévus aux différents points de
passage, etc.

330
7 • Les transports 7.7 Stratégie du donneur d’ordre de transport

 Organisation des tournées


Le problème de l’organisation de tournées est un peu plus complexe car il ne
s’agit plus seulement de choisir entre plusieurs itinéraires possibles mais :
– de déterminer dans quel ordre un véhicule va se rendre en plusieurs points,
en vérifiant que les poids et volumes à transporter entre ces points sont
compatibles avec les capacités du véhicule et en optimisant un paramètre
(distance à parcourir par exemple, ou coût de la tournée) ;
– de déterminer comment plusieurs camions vont effectuer de telles tournées,
en se partageant les livraisons ou ramassages à effectuer et en optimisant un
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


paramètre (coût des tournées, par exemple) ; ceci peut se faire de plusieurs
façons :
• en organisant des tournées fixes parcourant des itinéraires déterminés
avec une périodicité fixée (tournées de ramassage agricole), par exemple,
parce qu’on ne connaît pas à l’avance les quantités à ramasser ;
• en organisant des tournées par zones : on découpe le territoire à parcourir
en un certain nombre de zones et l’on prépare chaque jour la tournée de
chaque zone en fonction des adresses et des quantités à livrer ; l’avantage
de ces tournées par zones est que le conducteur spécialisé dans une zone
connaît les différentes adresses, ses correspondants aux lieux de livraison
ou chargement, etc. : il gagne ainsi beaucoup de temps et d’efficacité, parti-
culièrement pour des tournées impliquant de nombreux points en ville ;
assez souvent on pourra faire varier les frontières de chaque zone en fonc-
tion des volumes de façon à rééquilibrer les tournées au jour le jour, chaque
tournée pouvant s’étendre si nécessaire à une partie des zones limitrophes ;
• en reconfigurant les tournées, chaque jour, pour optimiser.
La détermination de la ou des tournées optimales peut s’effectuer, soit à partir
d’algorithmes tels que l’algorithme des écartements de Kruskal, soit par
programmation linéaire.
 Dimensionnement d’un service de transport
Assez souvent, l’on connaît les principaux transports que doivent assurer
chaque jour les véhicules d’un service de transport : volumes ou tonnages
moyens, distances, temps moyens. On peut donc rechercher à l’aide des
méthodes examinées au § 7.4.2 les solutions optimales.
Il faut cependant prendre garde que les données précédentes ne sont que des
moyennes et que, comme pour la gestion des stocks, des moyennes sont
insuffisantes pour déterminer une gestion. On tiendra donc compte des
facteurs suivants :
– prise en compte des tendances avec un horizon compatible avec la pérennité
du niveau déterminé du service de transport. Comme toujours, les prévisions
ne doivent pas être établies localement mais résulter des prévisions générales
d’activité de l’entreprise ;
– prise en compte des variations saisonnières soit pour déterminer les moyens
permanents nécessaires – avec un risque de sous-emploi partiel une partie de
l’année ou chaque semaine – soit pour prévoir des moyens complémentaires
certains jours ou pendant certaines périodes (locations, sous-traitance, etc.) ;

331
7 • Les transports 7.7 Stratégie du donneur d’ordre de transport

– prise en compte de la variabilité des transports à assurer : comme toujours


chaque évaluation moyenne doit être accompagnée d’un écart type ou d’un
écart absolu moyen (EAM). De la même façon qu’on ne peut gérer un stock
sans prévoir un stock de sécurité, on ne peut gérer une flotte de transport sans
avoir analysé la variabilité des besoins. Le problème est cependant un peu
plus complexe en ce sens que plusieurs produits partagent les mêmes moyens
de transport et que la variabilité des besoins des différents transports à assu-
rer n’est pas, comme toujours, égale à la somme des variabilités de chacun
des transports, de la même façon que la variabilité d’un transport n’est pas
égale à la somme des variabilités de chacun des produits/destination de ce
transport. Afin d’éviter des calculs, on effectue parfois le calcul des moyens
supplémentaires nécessaires en ajoutant aux prévisions moyennes de trans-
port en tonnes, volumes ou palettes, un seul EAM afin de tenir compte de ce
phénomène, au lieu d’ajouter un nombre d’EAM correspondant au seuil de
probabilité choisi. La méthode est cependant loin d’être rigoureuse ;
– mesure systématique des temps réellement nécessaires à chaque trajet en
tenant compte des routes, des temps d’attente de chargement ou décharge-
ment, etc., en plus des temps légaux de repos et des vitesses moyennes selon
la nature de la voie. Cela doit résulter de feuilles de route précises remplies
systématiquement par les conducteurs. On devrait bien entendu pour être rigou-
reux tenir compte des écarts types sur ces durées de trajet, dans la mesure où
l’on peut penser que leur variabilité est régie par une loi de Laplace-Gauss…
On peut remarquer que si l’utilisation de méthodes relativement rigoureuses
est généralement admise en gestion des stocks, très souvent la gestion des
transports s’accommode de méthodes beaucoup plus frustres, les techniques
de prévision et de gestion n’étant encore que fort peu enseignées en ce
domaine.

7.7.2 Les choix possibles


 Nature et environnement des choix possibles
Le premier choix que doit faire un industriel qui a des marchandises à trans-
porter porte sur le transport en flotte propre ou la sous-traitance. Il faut cepen-
dant noter que les deux solutions présentent bien des variantes possibles :
– Pour le transport en flotte propre :
• acquisition des véhicules ;
• leasing ;
• location financière avec ou sans entretien ;
• location de camions avec ou sans chauffeurs.
– Pour le transport sous-traité :
• sous-traitance classique à partir d’une convention avec un transporteur ;
• sous-traitance à partir d’une convention avec un commissionnaire de
transport ;
• filialisation avec participation d’une société spécialisée ;
• sous-traitance dans le cadre d’une convention logistique plus générale
(entreposage, pilotage, etc.).

332
7 • Les transports 7.7 Stratégie du donneur d’ordre de transport

Le choix ne répond évidemment pas aux mêmes critères selon que l’entreprise
est une entreprise nouvelle qui se crée ou une entreprise disposant déjà de sa
propre organisation de transports avec véhicules et conducteurs. Dans le
premier cas, il serait probablement dangereux de vouloir monter directement sa
propre organisation avant que les volumes et les destinations ne soient stabili-
sés et à une époque où l’entreprise éprouve des besoins importants de se
centrer sur son cœur de métier et d’utiliser à plein son capital disponible. Dans
le second cas, le problème qui se pose présente non seulement un aspect
économique, voire commercial, mais aussi un volet social qui peut être impor-
tant. Il est souvent difficile de recaser le personnel de conduite au sein de
B
l’entreprise car c’est un personnel de faible niveau de formation assez souvent,

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


aimant travailler à l’extérieur avec beaucoup d’autonomie et peu habitué à des
horaires réguliers et des tâches répétitives. La solution peut être alors dans la
filialisation ou dans la passation d’un contrat de sous-traitance avec reprise du
personnel, type de contrat dont la négociation peut être délicate.

 Critères de choix
Les critères de choix sont de natures très différentes, même si le premier est
souvent celui du coût comparé de l’une ou l’autre solution.

 Coût
La réduction du coût est souvent le motif principal d’une externalisation des
transports. Souvent en effet, les entreprises ne peuvent obtenir des coûts
comparables à ceux d’un transporteur pour plusieurs raisons :
– Les salaires habituels de l’entreprise peuvent être supérieurs à ceux d’une
entreprise de transport et dans un service interne, des augmentations subs-
tantielles ont pu être obtenues au fil du temps en dehors des grilles habituelles
des entreprises de transport.
– Les horaires de travail de l’entreprise sont généralement très différents de
ceux d’une entreprise de transport et, même si des adaptations ont été faites
pour les conducteurs, l’absence de convention collective spécialisée rend diffi-
cile la mise en place de ces régimes spéciaux.
– Les camions de l’entreprise doivent le plus souvent effectuer des retours à
vide faute de pouvoir prendre du fret, ce qui leur est interdit par les règles
légales du transport privé.
– La gestion d’un service de transport n’est pas toujours assurée par les
cadres les plus brillants de l’entreprise mais parfois par des cadres maisons
promus à l’ancienneté, ce qui ne représente pas toujours les meilleures condi-
tions pour développer la performance économique. Or, l’efficacité du transport
routier repose sur une organisation sophistiquée avec des systèmes évolués
d’informatique et de télécommunications ou de radiocommunication et un
contrôle de gestion très précis.
En revanche, la sous-traitance peut entraîner des surcoûts qui peuvent être
parfois très importants :
– Surcoûts résultant d’une négociation mal conduite ou de contrats mal
rédigés : par exemple, la comptabilisation de plusieurs envois à une même
destination en monocolis différents au lieu d’un seul chargement peut modifier
complètement la tarification, parfois du simple au double.

333
7 • Les transports 7.7 Stratégie du donneur d’ordre de transport

– Surcoûts résultant d’une absence de concurrence sur des destinations peu


fréquentées.
– Obligation de passer un contrat particulier pour le retour des palettes ou
autres emballages.
– Mauvaise connaissance des coûts réels pour le transporteur, ce à quoi on
peut remédier par le système de l’open book, peu utilisé en France par oppo-
sition avec la Grande-Bretagne, mais la méconnaissance des coûts réels de
transports en flotte propre est un phénomène très fréquent…
 Immobilisation du capital
Le transport en flotte propre avec des véhicules achetés oblige à immobiliser
un capital qui peut être important et trouverait peut-être un emploi plus rému-
nérateur dans une autre activité de l’entreprise. En effet, le transport de
marchandises n’est pas une activité spécialement rémunératrice et l’on a inté-
rêt à comparer le taux d’actualisation de son entreprise à ce que l’on peut
attendre d’un transport en flotte propre.
 Flexibilité
À condition d’avoir été prévues dans les contrats passés, des variations de
trafic importantes dues, par exemple, à des variations saisonnières sont mieux
absorbées par une sous-traitance que par un transport avec ses moyens
propres. Il en est de même en période de développement rapide ou au
contraire de diminution d’activité.
Cela étant il faut ne pas sous-estimer le problème déjà mentionné de pénurie
de transport.
 Rôle commercial
Un conducteur appartenant à l’entreprise peut jouer un rôle commercial impor-
tant. C’est en effet lui que l’on verra le plus souvent chez le client et avec une
formation adaptée, il peut jouer un rôle important pour promouvoir l’image de
l’entreprise. De la même façon, un camion peut être un support publicitaire
intéressant, soit qu’il appartienne à l’entreprise, soit que cette décoration ait
été prévue dans un contrat de sous-traitance.
 Performance
Il est difficile de déclarer a priori si un transport externalisé sera plus ou moins
performant qu’un transport avec son organisation propre. La définition contrac-
tuelle des performances attendues et des pénalités associées constituent un
point important. Il peut arriver que le transport en flotte propre soit effectué
avec des véhicules mieux adaptés aux conditions des transports à assurer :
un 40 tonnes occasionnel peut avoir du mal à livrer certains clients…

 Gestion des transports


L’étendue d’un contrat logistique peut être très variable depuis le simple trans-
port jusqu’aux Third Party Logistics voir le Fourth Party Logistics. L’entreprise
peut préférer se concentrer sur son cœur de métier en abandonnant à une
entreprise extérieure la gestion complète de son plan de transport. Au
contraire, il n’est pas inutile d’observer que Wal-Mart, que l’on ne saurait consi-
dérer comme un distributeur mal géré, a conservé sa flotte propre…

334
7 • Les transports 7.7 Stratégie du donneur d’ordre de transport

 Négociation des contrats


Le premier aspect de la stratégie du donneur d’ordre de transport est la négo-
ciation de son ou de ses contrats de transport. On notera en effet que de
nombreux industriels préfèrent conserver plusieurs transporteurs plutôt qu’un
seul de façon, d’une part, à ne pas se trouver entre les mains d’un seul trans-
porteur et d’autre part, à profiter des avantages régionaux dont peuvent dispo-
ser certains transporteurs, par exemple par la disposition de plates-formes
d’éclatement ou d’une organisation de tournées de distribution urbaine qui
demandent des types de camions et de chauffeurs différents des organisations B
de transport sur longues ou moyennes distances.

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Ce maintien de plusieurs entreprises de transport pour un même industriel se
trouve actuellement réduit par la tendance de quelques très grandes entreprises
à faire appel à de grandes entreprises de logistique qui prennent en charge non
seulement les transports mais aussi l’entreposage, l’expédition, les transferts
sur plates-formes, le pré- ou post-manufacturing, etc. L’industriel s’en remet
alors entièrement à l’entreprise de logistique pour organiser ses transports.
Cependant dans les autres cas, avec des tarifs comme ceux que nous avons
analysés, où la part des coûts fixes est relativement élevée, l’industriel a intérêt
à augmenter l’importance des tonnages à chaque transport au moins dans
certaines limites. Le pilote des flux peut avoir une certaine latitude pour gérer
ses transports en complétant certains transports ou en réduisant certains
autres, à condition que ces changements ne provoquent pas des ruptures de
stock ou des retards inacceptables. L’anticipation d’une commande peut
d’ailleurs jouer le même rôle que le retard d’expédition d’une autre. Le concep-
teur du plan de transport peut donc inclure, dans son plan de transport, des
délais suffisamment larges pour pouvoir procéder à de tels arbitrages. C’est
une chose de garantir à un client une livraison dans les 24 heures et c’en est
une autre de lui garantir une livraison dans les 24 heures pour 80 % des cas
et dans les 48 heures pour les 20 % restants. Souvent une telle disposition
peut être acceptable par le client. On peut, d’autre part, prendre la précaution
de lui demander son avis au coup par coup avant d’anticiper ou de retarder
une expédition. Le transport entre les établissements de deux entreprises diffé-
rentes est par nature une tâche coopérative, quel que soit celui qui supporte
la dépense correspondante. Il en est de même, mais plus facilement, lorsque
le transport s’effectue entre deux entrepôts appartenant au même industriel.
Il importe également de bien distinguer les notions de transfert de propriété,
d’ordonnancement du transport et de support des risques de transport. Ces
distinctions sont bien faites avec les Incoterms dans le transport international.
Il importe de bien les préciser dans les contrats de transport nationaux. Par
exemple, un distributeur peut organiser ses transports de telle sorte que ses
fournisseurs le livrent franco sur les plates-formes régionales de son ou ses
transporteurs qui se chargent d’effectuer le transport régional jusqu’au point
de vente. La réception des marchandises et le transfert de propriété peuvent
être effectués à l’arrivée sur le point de vente (réception de la marchandise),
alors que la charge du transport passe du fournisseur au distributeur à l’arrivée
sur la plate-forme. Les risques de transport sont assurés jusqu’à la plate-forme
par le transporteur du fournisseur et, de la plate-forme au point de vente, par
le transporteur du distributeur qui procède sur la plate-forme à une réception

335
7 • Les transports 7.8 Techniques de transports ferroviaires

des colis mais non des marchandises. Bien entendu, ces répartitions doivent
être précisées dans les contrats d’achat avec le fournisseur.

 Gestion tarifaire des transports routiers par le chargeur


Le chargeur ne doit pas se contenter de négocier au mieux le tarif mais encore
doit-il gérer les transports afin d’en réduire les charges. Ceci doit se faire de
différentes façons :
– Il est tout d’abord nécessaire de regrouper au mieux les envois afin de béné-
ficier des tranches supérieures du tarif. Les différences entre les tranches
supérieures et inférieures peuvent être, en effet, parfois très importantes. Or,
il est parfois possible de regrouper des envois en demandant au destinataire
s’il accepterait un délai plus important ou d’être livré plus tôt.
– Il est aussi nécessaire de vérifier la facturation et particulièrement les données
sur lesquelles elle s’appuie : des erreurs de poids ou de m 2 de plancher peuvent
à la longue représenter des sommes importantes ; de la même façon, certains
transporteurs peuvent être tentés de ne pas regrouper des ordres de transport
concernant des marchandises qui participent au même transport.

7.8 Techniques de transports ferroviaires


Malgré la primauté du transport routier sur le marché des transports terrestres, il
peut être utile de s’intéresser au transport ferroviaire. En effet, les problèmes
d’environnement entraînés par le développement du transport routier sont en
train de devenir insupportables et la plupart des pays européens envisagent de
redévelopper le transport ferroviaire, même s’il ne s’agit pour l’instant que de lui
éviter de perdre de nouvelles parts de marché au cours des prochaines années…

7.8.1 Principes
Le principe du transport ferroviaire est simple et bien connu. Il est cependant
nécessaire de bien situer les différentes étapes d’un transport ferroviaire
(figure 7.10).
Le 1er trajet d’approche peut se faire :
– soit par voie ferrée, à condition que l’entreprise dispose d’une installation termi-
nale embranchée (ITE), c’est-à-dire d’une voie ferrée reliée au réseau et péné-
trant jusque dans son entrepôt. Le ou les wagons remplis à l’entrepôt pourront
alors être conduits à la gare la plus proche où ils seront rattachés à un train ;
– soit par camion, si le volume à transporter ne permet pas de remplir un
wagon et qu’il convient de passer par un organisme qui va regrouper le fret ou
si l’entreprise ne dispose pas d’un ITE ; les coûts du chargement et du déchar-
gement du camion puis du transport viennent s’ajouter au coût précédent.
Le trajet principal sera :
– soit direct jusqu’à la gare de destination ;
– soit décomposé en plusieurs transports avec des opérations de triage du ou
des wagons.
Le 3e trajet, comme le premier, peut se faire, soit par voie ferrée jusqu’à une
ITE, soit par camion.

336
7 • Les transports 7.8 Techniques de transports ferroviaires

Entrepôt Gare
de départ de triage
sans voie
embranchée

Entrepôt de
départ
Trajet
avec voie
principal
embranchée
avec
triage(s)

1er trajet B
d'approche

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


e
3 Entrepôt de Entrepôt de
Transport ferroviaire
trajet destination destination sans
avec voie voie embranchée
Transport routier embranchée

Figure 7.10 – Principe du transport ferroviaire.

Il faut rajouter le retour du wagon qui devra le plus souvent revenir à vide au
moins depuis l’ITE et parfois à son point de départ. Le coût du retour du wagon
dépend de l’exploitant du parc et du fret qu’il peut trouver pour le retour
(Wagon SNCF, loueur de wagon, parc de l’entreprise, etc.). Les wagons vides
sont acheminés par la SNCF par trains complets d’au moins 80 essieux.
Il résulte de cette organisation nécessaire que le transport ferroviaire trouve
sa rentabilité avec des segments de marché particuliers :
– longues distances pouvant être accomplies dans le 2 e trajet et permettant
d’amortir les autres trajets ou les coûts des ITE ; des études de coût un peu
anciennes donnaient un seuil de 400 km entre deux ITE et de 600 à 700 km
avec des transports routiers d’extrémité pour égaliser les coûts avec ceux du
transport routier ; en réalité les coûts du transport ferroviaire sont très mal
connus. La SNCF par exemple se refuse à communiquer de façon précise sur
le sujet. Elle déclare en général que la rentabilité ne peut être obtenue qu’au-
delà de 800 km. En Europe, on peut cependant considérer que le transport
international devrait être une caractéristique évidente du fret ferroviaire. Or,
comme on le verra, les techniques ferroviaires et les organisations des diffé-
rentes compagnies nationales sont le plus souvent incompatibles ;
– frets pondéreux en concurrence avec les transports fluviaux : produits de
carrière, produits sidérurgiques, matériaux de construction, etc. ; Usinor est
ainsi le premier client de la SNCF ;
– frets produits en tonnages importants permettant de constituer des trains
complets en départ d’usines et de livrer d’ITE à ITE : automobiles, eaux de
boisson, produits pétroliers ou produits industriels de base, dont les produits
de la chimie, les produits de l’agriculture, céréales par exemple ;
– produits demandant des transports assurés avec des conditions particulières
de sécurité : produits chimiques, produits pétroliers, produits nucléaires de
retraitement, etc.
Cependant, Marc Véron, directeur délégué au fret de la SNCF, déclarait en
2003 : « Sur 35 marchés par branche d’industrie, 31 sont déficitaires – soit
80 % du fret – et 4 seulement sont bénéficiaires : le nucléaire, la chimie, le gaz

337
7 • Les transports 7.8 Techniques de transports ferroviaires

et le glucose », et M. Gallois, président de la SNCF, déclarait en 2003 à la


Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale : « Certains
prix sont inférieurs à ceux du transport routier et couvrent moins de la moitié
du coût supporté par l’entreprise ».
En 2002, la SNCF a transporté 127,6 millions de tonnes dont 25 % pour le
transport combiné (voir infra), 16 % d’acier, 13 % de produits de l’agriculture,
11 % de matériaux pour le BTP, 8 % de produits de consommation, 6 % de
produits chimiques, 5 % de produits pétroliers. Depuis sa politique de rentabi-
lité vise à ne transporter de fret que par trains complets en renonçant au trans-
port par wagons ainsi qu’au transport combiné dans la mesure où ce type de
transport est de moins en moins subventionné.
Le fret ferroviaire connaît une mutation profonde : plan fret de la SNCF sur
lequel nous reviendrons, ouverture complète du réseau à de nouveaux opéra-
teurs depuis avril 2006,
Les besoins évoluent avec une diminution du trafic ferroviaire en France alors
qu’il augmente dans le reste de l’Europe, une adaptation de l’organisation des
acheminements, l’émergence de nouveaux types de services qui sont envisa-
gés (autoroute ferroviaire, logistique urbaine). La France reste à la traîne en
matière d’ouverture des opérateurs ferroviaires privés (Veolia, ECR, Secorail)
comme le montre la figure 7.11 (source RFF). Cela étant la reprise totale de
Géodis par la SNCF et la création au printemps 2008 d’un pôle logistique et
de transport multimodal intégrant le ferroviaire est une très bonne nouvelle.

30

25

20

2002
2003
15 2004
2005
2006
10

0
Pays-Bas Allemagne Suède Pologne Danemark Belgique France
% trains-km

Figure 7.11 – Évolution des opérateurs ferroviaires privés.

7.8.2 Matériels
Les wagons eux-mêmes sont de plusieurs sortes :
– wagons à essieux ayant à peu près la capacité d’un camion semi-remorque
standard (savoyarde), de 20 à 30 tonnes ;

338
7 • Les transports 7.8 Techniques de transports ferroviaires

– wagons à boggie de 55 à 65 tonnes.


Il existe, à partir de là, un très grand nombre de modèles de wagons :
– couverts à portes latérales, à ouvertures latérales totales ;
– plats à bâchage mécanique, à bords rabattables avec ranchers courts ou
ranchers hauts, à berceaux et couverture mobile, etc. ;
– wagons tombereaux ordinaires, à trémies avec ou sans toit, etc. ;
– wagons spécialisés pour le transport des animaux, de produits alimentaires,
de produits chimiques liquides, de produits pétroliers, de gaz liquéfiés, d’auto-
mobiles, etc.
B
Pour éviter la rupture de charge nécessaire pour les clients qui n’ont pas d’ITE,

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


il est possible d’utiliser des wagons qui peuvent être transportés jusque chez
le destinataire sur une remorque routière après un trajet ferroviaire. C’est le
service FERDOM assuré par la SNCF.
La traction peut être électrique ou non, selon que la ligne est électrifiée ou non,
avec des motrices de différents types.
Les chemins de fer espagnols et britanniques ont des standards différents et obli-
gent à utiliser des wagons différents ou à procéder à des changements longs.

7.8.3 Infrastructure
En France comme dans les autres pays européens, la propriété de l’infrastruc-
ture et son exploitation sont désormais séparées. Depuis la loi du 13 février
1997, l’infrastructure appartient à Réseau ferré de France (RFF), qui est chargé
de développer cette infrastructure dans le cadre de contrats de plans et facture
l’utilisation de ces infrastructures à la SNCF chargée de l’exploitation.
Les infrastructures comprennent :
– des voies ferrées, bien entendu, avec tout leur accompagnement d’ouvrages
d’art et d’installations techniques. La nécessité de rendre compatibles les diffé-
rents réseaux européens a conduit le Conseil des ministres européens du
transport à décider en décembre 1999 la mise en œuvre du RTEF (Réseau
trans-européen de fret ferroviaire) ;
– des installations de triage indispensables à la gestion du trafic (18 en France).
RFF se mobilise pour utiliser les leviers dont il dispose pour permettre le déve-
loppement du fret ferroviaire à savoir :
– les sillons c’est-à-dire les tranches horaires pendant lesquelles les voies
peuvent être utilisées à la circulation des marchandises ;
– la reprise en gestion directe des « ITE » depuis le 1 er janvier 2007 (2 300 au
niveau national) et la mise en place d’un pôle fret depuis mai 2007 ;
– la mise à disposition ou la préservation d’emprises (terrains, plates-formes) ;
– le transfert des voies ferrées des ports avec par exemple dans le cas de l’Ile
de France la responsabilisation du Port Autonome de Paris dans la gestion de
ses installations ferroviaires ;
– des projets de développement dans le cadre des nouveaux marchés.
Les ITE constituent les éléments de base pour permettre l’utilisation du trans-
port ferroviaire par les industriels. Ce sont des raccordements qui relient une
voie de la SNCF à un établissement privé. Une partie appartient à la SNCF et

339
7 • Les transports 7.8 Techniques de transports ferroviaires

la partie qui va de l’entrée de l’établissement jusqu’à son entrepôt est construite


par le client et reste sa propriété. Un projet d’embranchement est établi entre
la SNCF et le client et donne lieu à une convention d’embranchement. Parmi
les modalités financières de ce contrat, on notera que le client doit payer une
redevance annuelle d’embranchement et que la SNCF peut verser une alloca-
tion d’embranchement proportionnelle au poids des marchandises transportées
compte tenu de l’économie qu’elle trouve à cette organisation.
La figure 7.12 fournie par RFF illustre la nouvelle logique qui préside dans la
gestion des ITE3.

Convention(s) de desserte
(manœuvres) RFF (SNCF-
GID) – EF(s)

EF Réseau ferré national

Voie privée
2e partie de
Contrat(s) l’embranchement)
commercial (aux) Sucy-en-Brie
Aiguille
Client-EP(s) 1re partie de
l’embranchement
et Site industriel ou
dispositifs de logistique embranché
sécurité (Client)
(propriété RFF)

Convention de raccordement
RFF (DR_IDF)-Client

Figure 7.12 – Gestion des ITE3.

La mise en œuvre d’une nouvelle ITE suit l’approche suivante :


– étude de faisabilité ;
– étude d’initialisation qui débouche sur une convention de financement du
projet et de réalisation ;
– avant-projet qui définit la convention de raccordement ;
– réalisation qui ne peut se faire sans un plan de sécurité et de prévention pour
le personnel, un contrat de transport avec une société et une consigne de
desserte ;
– mise en service.

7.8.4 Organisation de la traction


Un des problèmes les plus délicats est le partage de l’utilisation des voies
entre le trafic voyageur et le fret. Les utilisateurs de fret se plaignent de peu
de fiabilité des délais en France car les transports de voyageurs sont pratique-
ment toujours prioritaires, de telle sorte qu’un grand nombre de trains de
marchandises sont en permanence « calés » (en attente d’un « sillon » pour

340
7 • Les transports 7.8 Techniques de transports ferroviaires

effectuer leur trajet). Il en résulte en période de crise (grèves, intempéries,


etc.), des délais qui peuvent être très importants (plus de 10 jours pour traver-
ser la France). Il est question de créer un système de priorité pour l’utilisation
des sillons : des lignes à priorité voyageurs, des lignes à priorité fret, des
lignes à priorités partagées et d’autres sans priorités.

7.8.5 Les partenaires du transport ferroviaire en France


Ces partenaires sont les suivants : B
– le Réseau ferré de France dont on a vu le rôle pour l’infrastructure et qui

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


paye à la SNCF l’entretien des voies ;
– la SNCF qui intervient par divers moyens avec plus de 400 filiales non seule-
ment dans le transport ferroviaire mais aussi de façon importante dans le
transport routier :
• la Direction du fret a lancé le plan Fret 2006 approuvé par la Commission
européenne avec l’achat de 1 000 nouvelles locomotives en remplacement de
matériels devenus trop coûteux grâce à un apport de 1,5 milliard €
(800 millions € de la part de l’État et 700 millions € de la part de la SNCF) ;
• Géodis, la filiale fret routier de la SNCF, issue de la reprise de Calberson, de
Tailleur Industrie puis d’entreprises diverses en Europe, est le premier trans-
porteur routier français. Il a absorbé la société holding des filiales colis et logis-
tiques de La Poste de telle sorte que le groupe La Poste est devenu
actionnaire de Géodis aux côtés de la SNCF ;
• la Sernam1 est le service de messagerie de la SNCF avec 57 agences et 107
sites d’exploitation et enregistre des pertes importantes et régulières. Géodis
+ la Sernam forment désormais le deuxième pôle européen derrière celui de
la Deutsche Post AG pour l’express, la messagerie et la logistique ;
• des filiales spécialisées en logistique comme Ermefret créée par SNCF –
Participations (40 %) en partenariat avec Ermewa (60 %), une société de loca-
tion de wagons, une filiale spécialisée dans l’organisation de transports pour
la chimie, particulièrement à l’international, Sealogis, une filiale spécialisée
dans la reprise du fret maritime (agence maritime, manutention portuaire,
commission de transport et logistique) ;
• EDIFRET, filiale commune de la SNCF, de France Télécom Logiciels Systèmes
et de Sofrérail, fournit aux clients de la SNCF des informations à travers le réseau
Transpac sur les mouvements de wagons et de trains, la gestion des parcs de
wagons, l’acheminement des wagons en France et en Europe, les factures de
transport et leurs modes de calcul. Ces prestations sont payantes ;
• des pôles spécialisés de Fret SNCF : international avec Fret International,
céréales avec Logistra et CFT, vrac avec SGW et Garmatex, automobile avec
STVA, etc. ;
– les sociétés de location de wagons dits « de particuliers » comme Ermewa
et France Wagons qui gèrent en France un parc de 65 000 wagons (à elle
seule Ermewa en a 18 000 dont 12 000 citernes) ;

1. La Sernam devrait être reprise par ses cadres fin 2005 et se séparerait alors de la SNCF.

341
7 • Les transports 7.8 Techniques de transports ferroviaires

– le GIFF (Groupe d’intérêts pour le fret ferroviaire) qui est un partenaire un


peu particulier car il rassemble des groupements d’utilisateurs et mène
campagne pour un meilleur traitement du fret par la SNCF. Il a organisé en
2000 un colloque à l’Assemblée nationale pour attirer l’attention des élus sur
les problèmes qu’il rencontre.

7.8.6 Modes de transports ferroviaires disponibles en France


 Transports par wagons isolés
Cela consiste à louer à la SNCF ou à une société de location, un ou plusieurs
wagons, soit en location pour une durée déterminée, soit au voyage, wagon
rendu disponible dans une ITE, une voie de port ou de gare ou une installation
multimodale. La SNCF procède à la reconnaissance extérieure du chargement
puis achemine ensuite le ou les wagons à leur destination après triage pour
constituer des trains. Elle peut, si on le désire, procéder au pesage du char-
gement par différence entre le poids à vide et le poids plein. La destination est
une gare-fret (précisée dans la nomenclature des gares frets de la SNCF), puis
un lieu de déchargement (ITE, à domicile par SRT : services routiers termi-
naux, etc.).
L’annonce par la SNCF de supprimer au 1 er décembre 2008 son offre de trans-
port en wagons isolés à partir de certaines gares a entraîné un véritable tollé
au niveau des entreprises pour lesquelles cette suppression est tout simple-
ment catastrophique et met en danger la pérennité de certaines entreprises.
La SNCF avait en effet décidé de « déréférencer » 262 gares pour le trafic de
marchandises en wagons isolés, dans le cadre de son programme de moder-
nisation et d’amélioration de son efficacité, lequel vise notamment à mieux
allouer ses moyens afin de reconquérir des parts de marché sur les segments
où elle est performante, c’est-à-dire sur les grands axes de fret.
En effet, ce trafic en wagons isolés, qui ne représente que 20 % de celui qui
transite par les gares concernées et seulement 2,5 % des wagons de fret
SNCF, générait des coûts trop élevés. Par ailleurs, les arguments de CO 2 (80 g
pour un wagon isolé alors qu’elle est de 6 g par tonne-km pour un train entier)
et de mobilisation d’actifs lourds non rentabilisés sont mis en avant pour justi-
fier une telle décision. Cela pourrait conduire au développement d’opérateurs
locaux.
 Transports par trains entiers
Le principe en est le même à partir d’un contrat de transport particulier. La
planification de l’arrivée du train peut être, soit « programmée », soit
« concertée », ce qui permet de connaître les conditions d’arrivée (en formu-
lant la demande la veille de la remise avant 10 heures), ou encore
« spontanée » si la SNCF ne peut s’engager sur une date.
 Tarifs
Bien qu’il existe des tarifs publics, la SNCF se montre relativement discrète
sur ces tarifs et plus encore sur leurs modes de calcul. Les donneurs d’ordre
doivent prendre contact avec les commerciaux de la Direction du fret de la
SNCF pour négocier des accords particuliers pour des transports réguliers.

342
7 • Les transports 7.8 Techniques de transports ferroviaires

7.8.7 Le plan Fret de la SNCF


Les activités de fret se sont révélées de plus en plus catastrophiques pour la
SNCF au cours de ces dernières années. Entre 2003 et 2004, l’activité fret a
perdu 863 millions € et sa part est passée de 33 % du chiffre d’affaires de la
SNCF en 2001 à 13 % en 2003.
On a vu que la plupart de ses marchés étaient déficitaires. Les entreprises
routières de la SNCF ont d’autre part réalisé en 2001 des déficits extrêmement
importants. Les causes de ces difficultés du fret SNCF sont bien connues : des
coûts de structure trop importants, des tarifs peu rentables, un matériel obso- B
lète, une faible productivité et un suivi calamiteux des locomotives et des

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


wagons avec des trains de marchandises « calés » en permanence. Comme
le déclarait Marc Véron, directeur général délégué au fret de la SNCF : « Une
locomotive est utilisée en moyenne 4 heures par jour et un wagon met 1 mois
pour faire une rotation complète 1 ». En outre, la fréquence des grèves du
personnel atteint des records. Comme le déclarait M. Véron en 2005 : « Sur
les 13 premières semaines d’activité du fret en 2005, 10 ont été affectées par
des grèves. Tous nos clients travaillent à flux tendus, or on ne peut épouser
leur organisation si l’activité est sans cesse paralysée par des arrêts de travail.
Il faut 8 à 10 jours pour revenir à la normale après chaque conflit. À Fos, des
marchandises sont restées bloquées pendant 15 jours alors que le conflit ne
touchait qu’une douzaine d’agents… 2 »
Le plan Fret 2003-2006 avait pour but de doter le fret SNCF d’une structure
financière saine pour retrouver une croissance « durable » :
– Recapitalisation avec un apport de 1,5 milliard € à l’activité fret : 800 millions €
de la part de l’État et 700 millions € de la part de la SNCF (obtenus par ventes
d’actifs). Cette action a été acceptée par la Commission de Bruxelles moyen-
nant le passage à la libéralisation du réseau dès 2007.
– Les transports non rentables devraient être supprimés : les marchandises
transportées devraient passer de 50 milliards de t-km en 2001 à 35 milliards,
ce qui fera passer la part de marché du fret ferroviaire, qui était de 18,7 % en
2001, à 13 ou 14 %.
– Renouvellement du matériel : la moyenne d’âge du parc sera ramenée de 30
à 20 ans en 2010, avec 60 locomotives électriques tritension livrées dans les
années 1990, 210 locomotives électriques livrées en 2005, 400 locomotives
diesel livrées à partir de 2007.
– Suppression de 4 triages, suppression de l’activité fret dans 16 gares princi-
pales, arrêt de la desserte de 157 gares dont l’activité moyenne était de moins
de un wagon par jour…
Presque 5 ans après l’annonce de ce plan Fret 2006 qui prévoyait un retour à
l’équilibre des comptes en 2006, un gain d’efficacité globale de 20 % et une
amélioration notable de la qualité de service bout en bout pour les industriels
européens, force est de constater que les objectifs n’ont pas été atteints.
On retiendra comme cela a été souligné que la fin 2007 a été marquée par
l’annonce de l’abandon partiel de l’offre de wagons isolés ce qui va conduire

1. La Tribune, 22 janvier 2003.


2. Le Figaro Économie, 10 avril 2005.

343
7 • Les transports 7.9 Problématique du transport : le transport
multimodal

nombre d’industriels à revoir l’ensemble de leur plan transport et l’annonce en


janvier 2008 de la suppression de 2000 emplois au sein de Fret SNCF alors
que le résultat sur l’exercice 2007 est une perte de 241 millions d’euros et
qu’en 2008, les prévisions tablent sur une perte de 213 millions d’euros.

7.9 Problématique du transport : le transport multimodal


7.9.1 Les problèmes posés en Europe par le développement du transport routier
Le problème des rapports du rail et de la route est un des problèmes les plus
épineux qui soient et fait l’objet de beaucoup de débats. Historiquement, le rail
a été le moteur du développement de l’économie au XIXe siècle en remplaçant
de façon économique et rapide les anciens transports par voituriers ou par
coche d’eau. Par nature, la gestion d’un réseau de voies ferrées demande une
certaine centralisation et les difficultés financières rencontrées ont conduit les
différentes entreprises de chemin de fer à se regrouper en sociétés nationales
d’État. Ces sociétés publiques très importantes par leurs effectifs, leurs infra-
structures et leur importance économique et militaire sont devenues dans la
plupart des pays, très centralisées, très administratives et très hiérarchiques.
Puis le développement du transport par la route, avec camions de plus en plus
rapides et économiques, routes macadamisées puis autoroutes, a complète-
ment transformé les données du problème.
Le transport routier se développe très rapidement au détriment du transport
ferroviaire. Il y a bien des raisons à ce phénomène :
– les entreprises réclament des délais de transport de plus en plus courts,
avec la volonté de réduire les stocks (juste-à-temps) et une réduction drastique
de la durée de vie des produits ;
– les performances du transport SNCF sont de plus en plus mauvaises en ce
qui concerne le fret, avec la priorité donnée aux transports rapides de voya-
geurs (TGV), le vieillissement des motrices de traction de fret et un grand
nombre d’incidents sociaux (grèves) ;
– les coûts très bas du transport routier dus à un marché extrêmement
dispersé entre un grand nombre de très petites entreprises en concurrence
sauvage et travaillant souvent à la limite de la rentabilité, voire en dessous ;
– l’endettement faramineux du Réseau ferré de France qui atteignait 23,5
milliards d’euros fin 2002 ;
– la souplesse du transport routier pouvant réagir très vite à n’importe quelle
demande ;
– la majorité des transports sont, comme on l’a vu, des transports sur des peti-
tes distances (moyenne à moins de 100 km) ;
– les entreprises de chemins de fer, entreprises d’État, n’ont pas encore été
capables de se regrouper au niveau européen alors que leur marché est
d’évidence la longue distance et ne peut donc se développer à l’intérieur de
frontières exiguës ; dans le même temps, les entreprises de transport routier
ont tendance à se regrouper particulièrement dans le domaine de la message-
rie sous la houlette des grandes entreprises de poste ou d’express ;

344
7 • Les transports 7.9 Problématique du transport : le transport
multimodal

– le développement très rapide des volumes des transports en Europe et la


grande difficulté des entreprises de chemin de fer à s’adapter à une évolution
rapide demandant des investissements importants (alors que leur rentabilité
est mauvaise), et des adaptations structurelles (difficiles pour des entreprises
très administratives).
En fait, l’opposition entre le rail et la route est beaucoup plus qu’une opposition
de moyens techniques ; c’est, d’une certaine façon, une manifestation d’une
opposition plus radicale entre une société de concurrence très vive, voire
sauvage, d’internationalisation et d’adaptations rapides aux évolutions des tech-
niques et de la demande, les routiers, et une société dirigiste, centralisatrice, très
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


peu apte au changement, les grandes entreprises publiques de chemin de fer.
Cependant, dans le même temps, le développement du transport routier appa-
raît de plus en plus insupportable ; on prévoit que le trafic routier européen de
800 millions de tonnes kilomètres en 1988 pourrait passer à près d’un milliard
500 millions en 2010. Et déjà la situation paraît difficilement supportable :
– Certains trajets routiers commencent à être saturés par le trafic des
camions : couloirs rhénans, de la Seine, de la Saône et du Rhône par exemple,
une partie des routes de Grande-Bretagne, etc.
– Cet encombrement devient critique dans certains passages obligés : tunnels,
ponts, postes frontières, passages étroits dans des villages, grands axes à
travers la Suisse, etc.
– Un certain nombre d’accidents très graves (tunnel par exemple), ont provo-
qué une prise de conscience du danger présenté par cet accroissement du
trafic routier.
– On considère que le trafic routier est responsable d’une part importante de
la pollution atmosphérique : en Europe, 73,7 % de la pollution par le monoxyde
de carbone est due à la route, 51,6 % par les hydrocarbures, 60,8 % par
l’oxyde d’azote, 79,7 % par le gaz carbonique, etc. (Pons, 1997).
Ces nuisances sont d’autant plus mal ressenties lorsqu’elles sont provoquées
par des poids lourds de passage qui n’apportent rien à l’économie locale ; ce
qui est vrai pour un village sur une grande route peut être vrai pour un pays
où le trafic de transit est important : Suisse, Autriche, France, etc.
Une solution qui paraît évidente est donc de développer le transport ferroviaire
moins dangereux et moins polluant et, pour remédier aux ruptures de charge
d’approche et de livraison, de développer des solutions techniques mixtes de trans-
port rail et route avec le même matériel : le transport combiné ou « ferroutage ».
On a donc vu la Suisse décider en 1994 par référendum que dans les dix ans
tous les poids lourds qui la traversaient devraient le faire par chemin de fer.
Ce n’est donc plus un vœu pieux, comme ce fut longtemps le cas, même si
les difficultés techniques et économiques paraissent importantes.

7.9.2 Substituts au transport routier


 Transport combiné par ferroutage
Plusieurs techniques se partagent le marché encore embryonnaire du ferrou-
tage et les projets qui abondent actuellement dans la Communauté économi-
que européenne.

345
7 • Les transports 7.9 Problématique du transport : le transport
multimodal

On peut transporter les marchandises dans une caisse mobile chargée sur un
châssis routier pendant le transport routier et sur un wagon plate-forme
pendant le trajet ferroviaire. C’est une solution simple mais qui demande des
infrastructures de manutention relativement importantes, un peu comme les
conteneurs dans le trafic maritime.
On a vu le service FERDOM proposé par la SNCF ; c’est une technique très
voisine de celle du road-railer nord-américain qui consiste à constituer des
rames avec des semi-remorques qui prennent appui sur des boggies. Le trans-
fert est assuré avec un tracteur routier et l’opération est rapide sans demander
de moyens particuliers de manutention.
L’« autoroute ferroviaire », solution nord-américaine, consiste à créer des
trains lourds circulant entre 120 et 160 km/h en navettes partant toutes les
30 minutes sans rendez-vous préalable et où les chauffeurs trouvent une
zone de détente pendant le transport. C’est la solution de l’Eurotunnel ou
celle mise en place sous l’appellation « chaussée roulante » par la Suisse
et l’Autriche pour les véhicules qui veulent traverser leur territoire. Pour
initier le rééquilibrage du trafic de marchandises entre la route et le rail sans
attendre la mise en service de la nouvelle ligne Lyon-Turin, les gouverne-
ments français et italien ont décidé en 2003 d’engager l’expérimentation
d’une autoroute ferroviaire sur la ligne actuelle. Cependant, à la différence
des chaussées roulantes qui organisent le chargement des camions à la file
indienne par l’arrière du train, le système expérimenté avec des wagons
spéciaux Modahlor permet grâce à un chargement-déchargement latéral
d’embarquer les remorques sans leurs tracteurs. La création de ce nouveau
service a nécessité la construction de deux plates-formes de chargement-
déchargement à Aiton-Bourganeuf (entrée de la vallée de la Maurienne) et
à Orbassano (dans la périphérie de Turin), et l’élargissement des tunnels
de la ligne historique. Le succès n’est cependant pas encore au rendez-
vous : en 2000, certains convois circulent à moitié vides et la capacité du
système de 530 camions par semaine ne peut se comparer aux 5 000 poids
lourds qui empruntent chaque jour le tunnel de Fréjus. D’autre part, les
transporteurs routiers demandent des systèmes de navettes très fréquentes
et non comme actuellement quatre navettes par jour qui imposent des
attentes.
Ces réalisations ont un coût d’exploitation élevé puisque par définition on
cumule les coûts du camion et de son conducteur avec ceux de l’exploitation
ferroviaire. Elles seront donc vraisemblablement réservées dans l’avenir à
l’exploitation de tunnels comme le tunnel sous la Manche ou la ligne ferroviaire
à grande vitesse Lyon-Turin qui devrait coûter plus de 12 milliards €. Celle-ci
est située au centre des axes de liaison entre le nord et le sud et entre l’est
et l’ouest de l’Europe. Alors qu’en 1970 les trois quarts du trafic transalpin de
marchandises étaient effectués par le train, aujourd’hui c’est la route qui en
absorbe les deux tiers. Les gouvernements français et italien se sont engagés
à réaliser la section internationale du projet par l’accord du 29 janvier 2001.
Cet accord, devenu traité depuis sa ratification par les parlements des deux
États en 2002, prévoit la réalisation d’un tunnel de 53,1 km qui reliera Saint-
Jean-de-Maurienne, en Savoie, à Venaus, dans le val de Suse. Ce tunnel sera
prolongé par un second tunnel de 12,2 km entre Venaus et Bruzolo. Il

346
7 • Les transports 7.9 Problématique du transport : le transport
multimodal

accueillera tous les types de trafics : fret classique, autoroute ferroviaire et


trafic voyageurs.

 Le transport combiné par conteneurs


Le transport combiné par conteneurs devrait être l’équivalent pour les trans-
ports internationaux intérieurs à l’Europe du transport par conteneurs mariti-
mes à l’extérieur. Il met progressivement en œuvre :
– des moyens techniques : conteneurs standardisés et portiques de transbor-
dement ;
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


– des points nodaux, sortes de hubs ferroviaires permettant de recomposer les
trains ;
– des « trains d’axes », trains permettant l’acheminement rapide de nuit
(« sauts de nuit ») des wagons avec leurs conteneurs entre points de trans-
bordements ;
– des « corridors », ensemble de sillons horaires transnationaux établis d’un
commun accord par les gestionnaires d’infrastructure, permettant une circula-
tion transfrontalière continue et performante des trains fret sur un axe interna-
tional avec une gestion commune.
Il existe actuellement trois points nodaux en France :
– le point nodal Ile-de-France (PNIF), mis en place pour le compte de la CNC
à Villeneuve-Saint-Georges : il dessert 40 chantiers en France et à l’étranger
et traite 185 000 wagons/an ;
– le point nodal européen (PNEU), mis en place pour le compte de Intercon-
teneur à Metz Sablon : il est spécialisé dans les trafics de transit via la France
et traite 150 000 wagons/an ;
– Cortax, mis en place pour le compte de l’Union internationale rail route
(UIRR) : il relie le Benelux avec l’Italie et l’Espagne, notamment via la France.
Ce trafic a perdu une partie de son activité en France avec le développement
du transit Belgique-Italie par la rive droite du Rhin.
Le coût est un handicap structurel pour ce type de transport combiné dans la
mesure où le retour d’un conteneur à vide est aussi cher que l’aller à plein. Il
ne peut donc commencer à être compétitif que si les conteneurs sont banalisés
et si les trafics de conteneurs entre les différents points tendent vers l’équi-
libre. Même à cette condition, il reste encore nettement plus cher que la route
pour des distances moyennes ou courtes.

 Le transport combiné route-mer : les « autoroutes de la mer »


La recherche de substituts au transport routier a conduit à envisager de le
reporter sur le cabotage maritime (short sea). Il est vrai que celui-ci se déve-
loppe. Le transport maritime représentait 33 % des tonnes-kilomètres transpor-
tées en Europe (au sens de l’Union à 15 membres) en 1970. Depuis cette date,
son volume a plus que doublé et il représente aujourd’hui 41 % de la totalité
du fret, faisant ainsi jeu égal avec le transport routier qui en assure 43 %.
Une autre idée est de transporter les camions par bateau. C’est la technique
classique des ferries pour le transport des wagons par mer et des Ro-ro (roll on-
roll off) pour le transport des véhicules. Le Livre blanc européen a lancé l’expres-

347
7 • Les transports 7.9 Problématique du transport : le transport
multimodal

sion d’« autoroute de la mer » pour désigner ce substitut aux tunnels et autorou-
tes encombrés, et en a encouragé la création par des subventions dans le cadre
de l’ancien programme PACT puis du programme Marco Polo (voir infra). Les
premières réalisations nouvelles se firent par des liaisons entre l’Italie et l’Espa-
gne afin d’éviter les traversées des Alpes et des Pyrénées avec une ligne
Gênes-Barcelone puis une autre Civitavecchia (Rome)-Barcelone au moyen de
Ro-ro rapides transportant remorques et automobiles. En janvier 2005, les arme-
ments Grimaldi et Louis Dreyfus ont mis en service une nouvelle ligne Bregaillon
(Toulon)-Civitavecchia. Le ferry assure 3 rotations hebdomadaires entre ces
deux ports de la Méditerranée. Sa capacité de chargement est de 150 voitures
et de 150 remorques de camions avec 400 passagers. Sa vitesse commerciale
de 22 nœuds permet de réaliser la traversée en 14 heures, durée compétitive
avec celles des modes routier et ferroviaire. Gefco assure la base du trafic avec
le transport annuel de 20 000 véhicules neufs produits par le groupe PSA
Peugeot Citroën à destination de l’Italie. À 450 €, avec deux repas pour le
conducteur, le prix est compétitif si l’on tient compte que le seul franchissement
des tunnels de Fréjus ou du Mont-Blanc coûte 200 €. Après deux mois d’exploi-
tation, ne sont embarquées que 20 à 25 remorques par trajet et le seuil de renta-
bilité fixé à 60 remorques ne semble pas près d’être atteint malgré une
subvention de 1 million € sur 3 ans.
Il n’est en effet pas certain que ces nouveaux substituts trouvent leur rentabilité
hors subvention car il faudrait des départs beaucoup plus fréquents pour satis-
faire les routiers sujets à de nombreux impondérables : le rythme de trois
navettes par semaine est considéré comme totalement inadéquat et le système
ne rencontrera le succès qu’à partir d’un départ toutes les heures ou toutes les
deux heures… D’autre part, les taxes de port doivent être faibles, l’organisation
des embarquements et débarquements parfaite et les accès routiers faciles.
À la suite des appels à projets de Marco Polo, de nombreux projets ont vu le
jour en Méditerranée, sur la façade Atlantique et en mer du Nord : par exemple
cinq armements (CMA-CGM, CMN, Marfret, SNCM et Sud Cargo) ont créé la
Société des autoroutes maritimes du Sud. Bénéficiant, entre autres fonds, d’aides
Marco Polo de 880 000 €, le projet marseillais repose sur une liaison Fos-Savone
espérant capter 2 % du million de camions passant à Vintimille (50 % ibériques).
Les spécialistes s’interrogent cependant sur la rentabilité de tels projets et la rapi-
dité des liaisons sur de longues distances avec des bâtiments qui ne peuvent
économiquement dépasser 27 nœuds et nécessitent des temps d’embarquement
et débarquement non négligeables. En revanche la possibilité d’inclure la durée
du voyage en temps de repos peut être un avantage intéressant.

 Le transport combiné par palettes


On peut se demander si le problème des transports combinés n’est pas un
simple problème de manutention. La plus grande partie des transports actuels
se fait en effet par palettes et une partie des transports de palettes donne lieu
à un ou deux transbordements entre camions sur plates-formes. Chargements,
déchargements et transbordements de palettes se font au moyen de chariots
élévateurs à raison le plus souvent d’une palette par opération. C’est un
processus long et coûteux puisqu’il immobilise un opérateur pour chaque
manipulation de palette. Par ailleurs le tri des wagons dans une gare de triage
est un processus encore peu automatisé et par nature coûteux. On peut se

348
7 • Les transports Bibliographie

demander dans quelle mesure on ne pourrait pas envisager des moyens de


manutention plus lourds et beaucoup plus efficaces susceptibles de manipuler
des palettes en continu, avec des stockages intermédiaires, de les trier, de les
regrouper et de les manipuler par groupes de telle sorte que le chargement
d’un camion ou d’un wagon serait beaucoup plus rapide. En considérant des
wagons comme des plateaux sur une ligne automatisée que constitue une voie
ferrée moderne, on pourrait multiplier les transferts à relativement peu de frais
sans être obligé de trier des wagons. Les transtockeurs et trieurs de palettes
existent, les dispositifs de chargement et déchargement rapides aussi. Les
investissements seraient certes lourds mais l’on pourrait enfin aborder serei-
B
nement la réalisation de transports combinés rapides et peut-être bon marché.

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Il y a là un défi pour les prochaines décennies.
Nous avons bien conscience malgré la taille relative importante de ce chapitre
que nous n’avons pas couvert l’ensemble des problématiques de transport et
en particulier les transports internationaux, la voie d’eau qui fait l’objet d’une
attention particulière dans les solutions multimodales et la politique Euro-
péenne des transports. Nous demanderons au lecteur souhaitant approfondir
ces sujets importants de se reporter aux ouvrages de référence proposés dans
la bibliographie.
Il ne fait aucun doute que les problèmes d’énergie, d’émissions polluantes,
d’engorgement du trafic conduiront à la fois à des initiatives innovantes de plus
en plus sophistiquées et aussi à des réglementations incitatives et coercitives
sans lesquelles les changements incrémentaux et de rupture qui sont néces-
saires ne se mettront pas en place.

Bibliographie
 Ouvrages généraux sur les transports
ARTOUS A., SALINI P., Les opérateurs européens de fret et la mondialisation, INRETS, 2006.
AUTF, Guide pratique du transport à l’usage des entreprises industrielles et commerciales, Servi-
trans, Paris, 1998.
BELOTTI J., Transport international de marchandises, Vuibert, Paris, 2004.
SAINT-ELOI J.-P., Pratique du transport routier de marchandises – Aide-mémoire pour l’exploitation
des entreprises, CELSE, Paris, 2e édition, 2001.
Lamy Transport, Éditions Lamy, Paris, 2000.
Guide des coûts de transport, Éditions Lamy, Paris, 2000.
Dicoroute Lamy (Dictionnaire des localités pour l’application des tarifs routiers – Distances tarifaires
Routes), Éditions Lamy, Paris, 2000.
CHEVALIER D., DUPHILL F., Le transport, Foucher, Paris, 1996.
EUROSTAF, Le transport routier de marchandises en Europe, Paris, 2000.
FIOUX J.-L., Droit des transports terrestres, Delmas/Masson, Paris, 1987.
AFT-IFTIM, Chargement-déchargement des véhicules, Les cahiers de l’entreposage, CELSE, Paris,
1993.
JANIN J.-F., Des transports intelligents ? Comment y parvenir. Lyon, CERTU, 2003.
JOURDY P., La grande disparité des performances dans le transport routier des marchandises,
Notes de synthèse du SESP, n° 162, avril-mai-juin 2006.
SAVY M., Le transport de marchandises, Eyrolles, Editions d’Organisation, octobre 2006.
VALLIN P., La logistique, Economica, Paris, 1999.

349
7 • Les transports Bibliographie

 Journaux et revues
Transports Actualités – 1 avenue Édouard Belin 92586 Rueil-Malmaison Cedex – 01 41 29 99 99.
Transport & Technologies – SEPROL – 31 cours des Juilliottes 94700 Maisons-Alfort – 01 41 79 08
88.

 Sites d’information sur les transports terrestres


www.cnr.fr : le CNR (Comité national routier) est un organisme public dirigé par un conseil composé
de représentants des chargeurs et transporteurs ainsi que de représentants du ministère des Trans-
ports. Il publiait jusqu’en 1989 une Tarification routière obligatoire qui a été publiée ensuite comme
Tarification routière de référence et qui n’est désormais plus publiée car elle s’écartait très sensible-
ment des tarifs pratiqués réellement. Le CNR établit cependant des statistiques de prix de revient
routier et tient à jour des indices. Il réalise aussi des études particulières sur la conjoncture du trans-
port routier.
www.cnt.fr : site du Conseil national des transports.
www.Legifrance.gouv.fr : décrets portant application des contrats types de transport de marchandises.
www.transport-village.com : portail de transport créé par les Éditions Lamy et Business Village.
www.synomia.fr : avis et lettres du Conseil national des transports.
www.eurotransfret.com : annuaire de transports français avec bourse de fret.
www.transports.equipement.gouv.fr/frontoffice/ : site d’information du ministère des Transports.
http://europa.eu.int : portail de l’Union européenne avec de nombreuses informations sur la politique
des transports.
www.fntr.fr : site de la Fédération nationale du transport routier. On y trouve par exemple Le Livre
noir du transport routier publié en avril 2005 et le livre blanc 2007.
www.autf.fr : Association professionnelle des chargeurs.

350
8 • supply side : 8.1 Organisation générale de la production
production et ap-

8 • SUPPLY SIDE : PRODUCTION


ET APPROVISIONNEMENT

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


8.1 Organisation générale de la production
La production a fait l’objet de très fortes déstabilisations sous la pression de
la mondialisation. Spécialisation des sites de productions, concentration des
productions pour bénéficier des économies d’échelle, délocalisation dans les
pays à bas coût de main-d’œuvre sont autant de mouvements qui ont conduit
à une évolution forte des pratiques industrielles et du management industriel.
Une autre évolution a été l’intégration de la production au sein des Supply Chains
qui en représente le Supply Side et qui entre sous le contrôle des fonctions Supply
Chain qui joue le rôle de tour de contrôle au niveau continental voire mondial.
L’une des missions de cette tour de contrôle est d’assurer le pilotage au sens de
leur planification directrice des unités industrielles en sélectionnant le site le mieux
« placé » pour assurer non seulement un coût de production bas mais aussi des
coûts d’approvisionnement de matières premières et des coûts d’acheminement
des produits finis compétitifs vers les marchés consommateurs où se situe la
demande. Il ne fait aucun doute que les usines ont perdu en autonomie de déci-
sion du fait de leur intégration plus forte dans les Supply Chains ce qui ne remet
pas en cause bien évidemment le fait qu’elles restent des lieux où l’excellence
opérationnelle et managériale doit être présente au plus haut niveau d’exigence.
Un système de production est constitué de flux et de stocks. À la différence des
autres systèmes de flux, les flux d’une usine passent par des machines qui modi-
fient les produits de telle sorte que l’on trouvera successivement des stocks (et
des flux) de matières premières ou composants réalisés à l’extérieur de l’usine,
de produits « en cours » de fabrication de divers types et enfin de produits finis.
La multiplicité des produits (en nombre croissant), la variété des gammes et les
capacités diverses des machines font de cette logistique un des domaines les
plus complexes. Même s’il ne s’agit que de flux et de stocks, la gestion de produc-
tion et le management industriel constituent un ensemble de techniques haute-
ment sophistiquées qu’il n’est pas possible de décrire sérieusement en quelques
pages. On ne trouvera donc ici qu’une première approche permettant seulement
de replacer cette logistique au sein de la logistique générale de l’entreprise.

8.1.1 Flux et stock dans l’usine monoproduit


L’usine traditionnelle comporte donc deux stocks principaux : un stock de
matières premières et composants reçus de l’extérieur et un stock de produits

351
8 • supply side 8.1 Organisation générale de la production

finis. Entre les deux, les stocks intermédiaires n’ont pas le statut de stocks
mais celui d’« en-cours » (« …en cours de production »). Dans l’organisation
traditionnelle, la gestion du magasin de matières premières peut appartenir à
un service de production ou à un service approvisionnement même si les
achats dépendent d’un service spécialisé « Achats ». La gestion du stock de
produits finis peut appartenir au service commercial. Le rôle de la logistique
en tout cela est relativement faible. Elle gère les expéditions aux clients et aux
magasins régionaux éventuellement. Les ajustements entre le stock de
produits finis et le planning de production se font à travers des « commandes
internes » entre le magasin de produits finis et le service de production.
La gestion des flux à l’intérieur de l’usine et celle des en-cours appartiennent
à un service d’ordonnancement de la production qui établit des « ordres de
production » ou des « ordre de fabrication » par machine. Le stockage de ces
en-cours est un des problèmes clefs de la logistique industrielle. Physique-
ment, ces en-cours peuvent être en différents lieux :
– Ils peuvent être sur des convoyeurs entre deux machines dans le cas de fabri-
cations continues ; parfois le nombre des en-cours entre deux machines dépend
strictement de la longueur du convoyeur qui est en permanence rempli. Toutes
les machines travaillent alors en principe à la même vitesse qui est celle de la
machine la plus lente. Si, par suite d’incidents, les machines ont des vitesses
différentes, les convoyeurs permettent d’absorber une partie de ces différences.
Il s’agit de véritables stocks intermédiaires ; l’expérience montre qu’on a tendance
à les utiliser à quasi-saturation. De plus, ils se prêtent mal au transfert de pièces
différentes et la recherche d’une pièce sur un convoyeur se traduit le plus souvent
par une perte de temps. Certaines entreprises ont démonté leurs convoyeurs ces
dernières années pour réduire ces stocks intermédiaires. On notera cependant
que le convoyeur facilite le traitement simultané d’un même lot sur plusieurs
machines ce qui, comme on le verra, réduit le temps total de fabrication.
– Ils peuvent être stockés entre les machines. C’est le principe de l’empotage-
dépotage. On verra avec le kanban une tentative de rationalisation de cette
technique pour limiter chacun de ces stocks intermédiaires à une quantité fixée
à l’avance.
– Ils peuvent être conservés dans des zones de stockage intermédiaire en fonc-
tion de plans de production : pièces en attente d’utilisation après fabrication.
– Ils peuvent aussi être stockés systématiquement comme un moyen de faci-
liter l’adaptation de la production et de la demande. Un produit de base dont
la fabrication est longue ou périodique peut être stocké en attente de traite-
ments de finitions et de conditionnement pour pouvoir satisfaire rapidement
une demande variée. Ainsi certains fabricants d’articles de mode ne fabriquent
plus leurs articles avec des tissus de couleur mais en blanc et teignent les
produits en fonction de la demande. En effet les variations de la demande de
couleurs peuvent être très rapides et très importantes.
Chacune de ces gestions présente ses contraintes propres. Le gestionnaire du
stock de produits finis doit disposer d’une prévision des ventes qui peut venir
du service commercial, mais qui peut aussi être la sienne propre à partir de
l’analyse de ses sorties. Ses commandes à la production visent à reconstituer
en permanence son stock en fonction des besoins prévisibles. Ses objectifs
sont avant tout de pouvoir répondre aux commandes des clients tout en évitant
d’avoir un stock trop important.

352
8 • supply side 8.1 Organisation générale de la production

Les responsables des achats et du stock de matières premières ou composants


doivent s’efforcer d’obtenir les meilleurs prix et de réguler les flux en fonction
de la demande des ateliers. Si la demande est régulière et la production stable,
cette gestion peut être organisée à partir d’une analyse de l’historique des
besoins de la production. Il va cependant de soi qu’il est préférable de tenir
compte des fluctuations des ventes pour approvisionner les matières et compo-
sants qui seront nécessaires. Ce fut un des premiers acquis de ce qu’on appel-
lera le MRP. Cependant la recherche du meilleur prix d’achat peut conduire à
des politiques de stockage spéculatif tout à fait justifiées. Dans certains
secteurs industriels, il y a parfois plus à gagner par une judicieuse politique
B
d’achats que par des efforts longs et difficiles de rationalisation de la production.

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Dans le cas d’une usine monoproduit et d’une ligne unique de production, il lui
suffit de produire les quantités demandées ; la disponibilité des machines est
donc l’élément essentiel. Lorsque les besoins sont moins importants que la
capacité de production, on peut tourner au ralenti, produire plus que néces-
saire en augmentant le stock ou mettre des opérateurs de production en
chômage technique. Lorsque la production est inférieure aux besoins, on ne
peut qu’augmenter le nombre des postes au prix d’heures supplémentaires,
refuser des commandes ou sous-traiter, mais c’est le rôle du gestionnaire de
stock de produits finis d’anticiper ces demandes qui peuvent être saison-
nières : certaines entreprises travaillent ainsi une grande partie de l’année
pour satisfaire une demande très saisonnière comme celle des boîtes de
chocolat ou des jouets pour la fin de l’année.
Dans l’exemple de la figure 8.1, 4 machines A, B, C et D, servent à réaliser
un produit fini « 8 » à partir de matières premières ou composants 1, 3, 4 et
5. Des stocks d’en-cours existent entre les machines pour les produits inter-
médiaires 2, 6 et 7. Le stock de matières premières et composants est géré
par achats périodiques en fonction de l’historique des consommations. Le
stock de produits finis ne donne pas lieu à une gestion prévisionnelle : on
expédie les commandes des clients et on rentre la production de l’atelier. En
cas de surproduction ou de sous-production, on augmente les heures de travail
(heures supplémentaires) ou on les diminue.

8.1.2 Développement de la complexité


 Processus techniques
On notera que la structure de fabrication par assemblage progressif, si elle
correspond bien à beaucoup d’usines d’assemblage de biens complexes
(comme par exemple la fabrication automobile), n’est pas universelle. Dans
l’industrie chimique, pétrochimique ou parfois agroalimentaire on peut trouver
le processus inverse d’éclatement progressif d’une matière de base. On peut
aussi trouver des processus mixtes d’éclatement progressif puis d’enrichisse-
ment progressif, pour arriver à des produits plus sophistiqués, etc.
 Diversification des produits
La plupart des usines ne sont pas monoproduit. Une ligne de construction
automobile spécialisée dans la production d’un seul modèle produit en réalité
des centaines voire des milliers de véhicules différents par la couleur, le
moteur, les accessoires, etc. Pour chaque produit, on assemble donc des

353
8 • supply side 8.1 Organisation générale de la production

4
8
Stock C 6 Stock
composants D produits
et 5 finis
matières
premières
3 B 7

A 2
1

Stock

Poste de travail (machine)

En-cours

Figure 8.1 – Exemple simplifié d’un atelier monoproduit.

composants différents, soit provenant de fournisseurs, soit fabriqués dans


l’usine. Les gammes de fabrication traduisent cette utilisation différente des
machines et ces besoins différents en composants. Certaines usines travaillent
même à la commande, réalisant un produit spécifique pour chacune des
commandes. On verra que dans l’industrie automobile, cette diversification des
« titres » est un des facteurs les plus importants des évolutions en cours même
si le phénomène a été freiné – ou s’est même parfois inversé – ces toutes
dernières années.

 Défi de la complexité et impasse combinatoire


Une même machine peut réaliser beaucoup de produits différents ou d’actions
différentes sur des produits : c’est d’ailleurs la caractéristique des machines-
outils de pouvoir être adaptées au moyen de réglages à n’importe quelle
action. La difficulté est que cette adaptation d’une machine (réglage, change-
ment de format, changement d’outillage, etc.) prend du temps. Ce temps repré-
sente un coût en immobilisation de machine, démarrage et perte des premiers
produits, intervention de régleurs ou d’opérateurs. On a donc intérêt à réduire
ces changements au minimum en produisant des séries d’articles suffisam-
ment longues. On parle alors de « séries économiques ».
Face à ce problème de diversité de la demande impliquant des changements
répétés d’outils, il est possible d’identifier 3 stratégies possibles :
– l’accroissement de la flexibilité via la mise en œuvre de techniques telles que
le SMED évoqué plus loin plus en détail ;

354
8 • supply side 8.1 Organisation générale de la production

– la spécialisation des lignes de production par famille logistique. Cette appro-


che s’accompagne souvent d’un accroissement de capacité non saturée mais
le trade-off service – coût donne l’avantage à la satisfaction des clients par le
respect du délai promis et la non prolifération des stocks d’encours ;
– enfin, comme cela a déjà été signalé par la création de lots économiques
limitant les changements de série mais conduisant à des retards de livraison
éventuels et/ou des stocks d’encours en hausse.
La capacité de production de chaque machine est limitée. En principe, une
usine est conçue pour que ses différentes machines participent harmonieuse- B
ment à la production type envisagée. En pratique, les machines sont achetées

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


assez souvent sur catalogues et leur capacité peut être différente de l’optimum
de telle sorte que certaines machines peuvent être plus chargées que d’autres.
De plus, la diversité des produits et des gammes de production font que telle
machine qui peut être disponible à certains moments devient surchargée à
d’autres. On parle pour désigner ces machines dont la charge peut retarder le
flux de production tout entier, de « machine critique » et de « goulet d’étran-
glement ». Il est donc nécessaire de réguler en permanence les flux et les
stocks au sein de la plupart des usines.
Dans l’exemple de la figure 8.2, le poste de travail A peut produire tour à tour
trois composants à partir de la matière première 1. Le poste B peut produire
tour à tour trois composants 7, 11 et 12 à partir des composants 2, 3, 9 ou 1
et l’on obtient à la sortie du poste D, trois produits finis possibles : 8, 13 et 14
qui résultent chacun d’un circuit particulier et donc de l’assemblage de compo-
sants définis par produit (figure 8.3).

4
Stock C 6 8 Stock
composants D produits
et 5 13 finis
matières
premières 14
3
B 7

A 2
11
1

9
12

10

Bureau
d'ordonnancement

Figure 8.2 – Exemple simplifié d’un atelier multiproduits.

355
8 • supply side 8.1 Organisation générale de la production

Composition du produit 8 5 6 8

3 7

1 2

4
Composition du produit 13
5 6 13

3 11

1 9

Composition du produit 14
3 7
1 14
2
1 9 12

1 10

Figure 8.3 – Circuits des différents assemblages possibles.

Le responsable du stock de produits finis qui peut être le service commercial


doit désormais prévoir ses besoins par exemple par analyse de l’historique des
ventes avec tendance, saisonnalité, etc. Il passe des commandes à l’atelier.
Les opérateurs des machines doivent savoir quels éléments fabriquer et en
quelles quantités ; il faut donc mettre en place un bureau d’ordonnancement
qui établit des « ordres de fabrication » par poste de travail.
Le responsable du stock de matières premières peut gérer son stock à partir
de l’analyse des consommations passées de l’atelier. Ce sera souvent le
cas lorsque le délai de livraison de ses fournisseurs est important par rapport
au délai de livraison aux clients de l’atelier. Il ne dispose pas alors de
prévisions commerciales à un horizon lui permettant de passer ses propres
commandes.
Les stocks intermédiaires d’en-cours peuvent se réduire si l’on ne fabrique que
les quantités nécessaires pour satisfaire les ordres de travaux mais, le plus
souvent, les problèmes de qualité et/ou de fiabilité des machines font qu’ils
s’accroissent et ils peuvent même devenir de véritables stocks dans une partie
d’un des deux magasins.
À partir de là deux familles de stratégies de gestion des flux et des stocks dans
l’atelier peuvent se dessiner :
1. Une stratégie déterministe consistant à renforcer le système de prévision et
d’ordonnancement privilégiant la gestion des flux en réduisant le rôle des
stocks. On s’efforce d’effectuer des prévisions :
– à moyen terme (3 à 6 mois) permettant de vérifier la capacité de l’atelier et
de prévoir éventuellement des appels à la sous-traitance ainsi que de lancer
les commandes de matières premières et de composants ;
– à court terme (commandes en cours ou prévisions de quelques semaines à
quelques jours) permettant d’optimiser la charge des postes de travail et de
satisfaire les commandes.

356
8 • supply side 8.2 Objectifs de la régulation des flux de production

Ces stratégies font appel le plus souvent à des méthodes sophistiquées et


des progiciels, dits de gestion de production et d’ordonnancement. Les
stocks d’en-cours, en théorie inutiles si la prévision est correcte, restent
souvent importants pour remédier aux dysfonctionnements, aux modifica-
tions de planning, aux commandes imprévues, etc. Ils peuvent même être
systématiques comme on le verra pour réduire la durée de livraison aux
clients de l’entreprise.
2. Une stratégie de gestion de stocks :
– soit en gérant des stocks importants de produits finis qui permettent de remé- B
dier aux fluctuations de la demande des clients ;

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


– soit en multipliant les petits stocks d’en-cours entre les machines, stocks
renouvelés dés qu’ils s’épuisent de façon à satisfaire les besoins de l’aval à
condition que les délais de fabrication ne soient pas prohibitifs par rapport aux
besoins des clients. C’est ce qu’on appelle la technique des « flux tirés » de
l’amont vers l’aval par opposition à la technique de la GPAO. La mise en
œuvre peut se faire à travers la technique du kanban que nous analyserons.
Paradoxalement, une telle technique peut amener à une réduction des stocks
d’en-cours si l’on prend soin de réduire progressivement le nombre de kanban
entre chaque poste de travail.

8.2 Objectifs de la régulation des flux de production


Il est important, avant d’examiner les techniques de régulation des flux, d’en
bien voir les objectifs. Bien entendu, ces objectifs ne sont pas tous compatibles
et il faut trouver des compromis entre les uns et les autres :
– livrer les clients aux dates prévues,
– fabriquer rapidement,
– réduire les stocks,
– maximiser la productivité des machines et des hommes,
– réduire les délais de mise en marché de nouvelles productions.

8.2.1 Livrer « à date »


Livrer les clients aux dates prévues et/ou ne pas avoir de ruptures de stock est
comme toujours un des premiers objectifs de la régulation de la production. On
prendra garde cependant qu’assez souvent les commandes ne sont passées
que lorsque le client s’est assuré que le fournisseur pouvait les livrer si bien que
ce taux de satisfaction des commandes ne traduit pas toujours le taux de satis-
faction réelle de la clientèle. De plus, il appartient au service commercial de
vendre les produits dont l’entreprise dispose ou dont elle est capable de disposer
à court terme : le service commercial est donc assez souvent le premier régula-
teur de la production en ne proposant pas des produits qu’il n’est pas certain de
pouvoir livrer à temps. Ainsi un concessionnaire automobile peut proposer
immédiatement les modèles qu’il a en stock et, avec des délais qui peuvent être
très importants pour des véhicules importés, des modèles qu’il n’a pas.
Les retards de livraison étaient cependant considérés, il n’y a pas si long-
temps, comme une maladie endémique de l’industrie française ; la situation

357
8 • supply side 8.2 Objectifs de la régulation des flux de production

s’est améliorée ces dernières années avec la crise et le progrès des méthodes
de gestion de production, mais la multiplication des produits et donc des fabri-
cations ne simplifie pas les choses.
Les indicateurs de qualité de livraison sont des pourcentages de livraisons « à
date » (selon les entreprises entre 90 et 99 %), de fabrication « à date » ou
des taux de rupture de stock.

8.2.2 Livrer vite en fabriquant plus vite encore


Tenir ses délais est une chose, avoir des délais courts en est une autre. La
nouvelle compétition économique se traduit par des prix bas, une très grande
variété de produits et des délais courts. La littérature entrepreneuriale est riche
en exemples d’entreprises qui ont acquis un avantage compétitif important en
réduisant leurs délais. Ainsi Courvoisier, qui vend du cognac dans le monde
entier, a constaté en trois ans une réduction du délai entre réception de la
commande et livraison, de trois à quatre semaines à une dizaine de jours. Dans
le cas de livraisons sur stock, c’est le résultat d’une logistique efficace. Dans le
cas d’une entreprise industrielle, cela doit résulter d’une amélioration de la rapi-
dité de fabrication. Les avantages en sont multiples et souvent soulignés :
– avantage concurrentiel de livrer plus vite, argument de vente d’autant plus
important que les consommateurs réclament une plus grande variété de
produits et que la combinatoire de toutes les options possibles rend la fourni-
ture sur stock de plus en plus difficile. Cet objectif est d’autant plus important
pour des produits de commodité ou des produits devenus banalisés qui ne se
différencient plus que par le service associé ;
– plus grande rapidité à répondre aux fluctuations de la demande avec la
possibilité éventuelle de faire passer en Make-To-Order certaines opérations
de différenciation des produits qui étaient gérés auparavant en Make-To-Stock.
La tendance actuelle à mettre en place l’ECR résulte assez souvent d’un désir
de satisfaire plus vite les consommateurs, particulièrement chaque fois que les
phénomènes de mode sont importants (confection par exemple) ; cet aspect
est aussi utile pour répondre plus vite à la demande que pour ne plus continuer
à fabriquer lorsque la demande décroît aussi vite qu’elle a crû. Pendant que
les containers de produits déjà démodés arrivent d’un pays où la fabrication a
été délocalisée, l’entreprise locale et rapide a déjà cessé de fabriquer ;
– diminution des stocks d’en-cours et de leurs coûts sachant qu’il existe une
relation dialectique entre les stocks d’encours et le délai d’écoulement des
produits le long de la Supply Chain ;
– facilité de gestion industrielle : il est plus facile de gérer la production de
séries qui se succèdent rapidement que celles d’une multitude de produits que
l’on fabrique en même temps avec des problèmes de priorités, de stockage,
de changements d’outils, etc. Les spécialistes de l’École de Toyota insistent à
juste titre sur le SMED et l’avantage que l’on a à pouvoir changer rapidement
d’outillage (nous reviendrons là-dessus). Il n’empêche qu’il est très avanta-
geux, si la variété des commandes n’y oblige pas, de produire tour à tour rapi-
dement des séries de produits homogènes.
Les indicateurs de cette rapidité de fabrication ne sont pas évidemment les
mêmes que ceux de la qualité de service. On mesurera le délai de livraison, et

358
8 • supply side 8.2 Objectifs de la régulation des flux de production

particulièrement le délai de fabrication d’une commande, à l’intérieur de ce délai


de livraison. Dans ce délai de fabrication on va trouver le total des temps secs
de traitement sur machine (connu d’après les gammes) et le total des temps
d’attente. Jean Bounine (1989) remarque que le premier s’exprime générale-
ment en heures alors que le second s’exprime le plus souvent en jours. Le
rapport entre ces deux temps est très significatif de la qualité de la logistique
industrielle mise en œuvre. Certains experts affirment ainsi que pendant 95 à
99 % du temps, on ne génère pas de valeur ajoutée pour le produit.
Le temps total du cycle de production, c’est-à-dire le temps total entre l’arrivée B
des matières premières et sous-ensembles et la sortie du produit fini (lead

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


time), est caractéristique d’une entreprise même s’il est difficile à comparer
d’une entreprise à l’autre du fait des différences de définition et de la multipli-
cité des matières, des composants et des produits.
Mais ce délai de fabrication n’est pas toujours significatif car il y a une grande
différence entre la fabrication à partir d’un en-cours existant et la fabrication
complète. Une façon classique de réduire les temps de fabrication consiste à
stocker de l’en-cours puis à procéder seulement à des traitements spécifiques
(par exemple conditionnement), pour satisfaire une commande.
L’augmentation de la rapidité de réaction n’est pas nécessairement obtenue
par un accroissement de la vitesse des machines. Les tenants de l’école de
Toyota insistent très souvent sur l’intérêt de ne pas travailler par lots, mais par
unités pour améliorer la vitesse de fabrication. Ainsi, si sur une ligne de
production on doit produire 5 pièces par passages successifs sur les postes
de travail A, B, C et D à raison de 1 minute par poste de travail, on peut procé-
der de deux façons :
– passer le lot des 5 pièces au poste A (durée, 5 minutes) puis au poste B
(durée, 5 minutes) puis au poste C et enfin au poste D pour une durée totale
de 20 minutes ;

Tableau 8.1

Poste A Poste B Poste C Poste D

1re minute Pièce 1


e
2 minute Pièce 2 Pièce 1

3e minute Pièce 3 Pièce 2 Pièce 1

4e minute Pièce 4 Pièce 3 Pièce 2 Pièce 1

5e minute Pièce 5 Pièce 4 Pièce 3 Pièce 2


e
6 minute Pièce 5 Pièce 4 Pièce 3

7e minute Pièce 5 Pièce 4

8e minute Pièce 5

Total 5 minutes 5 minutes 5 minutes 5 minutes

359
8 • supply side 8.2 Objectifs de la régulation des flux de production

– passer la pièce n° 1 sur le poste A (durée, 1 minute), puis la même pièce-


pièce sur le poste B pendant que le poste A traite une autre pièce, puis la pièce
n° 1 sur le poste C pendant que le poste B traite la pièce n° 2 qui vient du
poste A et que le poste A traite la pièce n° 3. La durée totale de passage des
5 pièces est alors de 8 minutes même si le temps total de passage sur chaque
machine n’a pas changé.
Évidemment il est plus difficile de transférer les pièces une par une d’une
machine à l’autre que de transférer un lot dans un container, mais l’on diminue
ainsi le temps total de réalisation du lot.

8.2.3 Le « zéro-stock »
Une façon simple d’éviter les ruptures de stock est d’avoir des stocks importants.
Mais ces stocks sont coûteux car ils immobilisent du capital et subissent de plus
en plus rapidement des effets d’obsolescence. La durée de vie des produits
étant de plus en plus courte, créer un stock c’est prendre le risque de ne jamais
vendre tout ou partie de ce stock, rendu obsolète par un phénomène de mode
(prêt à porter par exemple), un progrès technique ou une réduction des coûts
(micro-ordinateur par exemple) ou encore une péremption naturelle (presse ou
produits alimentaires). On s’efforce donc de réduire ces stocks de produits finis.
Mais il en est de même des composants élémentaires ou sous ensembles et des
en-cours de production. Les composants électroniques se démodent aussi vite
que les micro-ordinateurs. De toutes façons les pièces élémentaires ne servent
plus quand la ligne de production est arrêtée ; on peut bien entendu les affecter
au service après vente mais il n’y a aucune raison pour que ces pièces laissées
pour compte de la production, correspondent aux besoins du SAV. De toutes
façons, les en-cours représentent une immobilisation importante de capital.
Une des mesures importantes dans l’esprit de ce nouveau management indus-
triel est la durée que met un composant ou une matière première entre son
entrée dans l’usine et sa sortie, intégrée à un produit fini.
On va donc s’efforcer de trouver comme toujours un compromis entre la livrai-
son « à date » et sans rupture de stock et l’importance du stock de produits
finis ou d’éléments servant à le fabriquer. L’objectif dit de « zéro-stock » traduit
une certaine volonté d’accélérer la production et donc de réduire les stocks au
détriment même du taux de service de la clientèle.

8.2.4 Maximiser la productivité


Maximiser la productivité des opérations et des inter-opérations peut paraître
une vieille lune dont on ne parle plus directement ; ceci reste cependant le
point essentiel de la réduction des coûts. Dans beaucoup de fabrications, les
coûts les plus importants sont les coûts de main-d’œuvre. On tend donc à les
réduire soit en délocalisant dans des pays où la main-d’œuvre est moins
chère, soit en réduisant la main-d’œuvre et donc en augmentant la producti-
vité. L’automatisation est une des voies privilégiées de cet accroissement de
la productivité-homme.
Mais une fois réduit la charge salariale dans la fabrication d’un produit, il reste
des charges proportionnelles de matières premières et de composants, et des

360
8 • supply side 8.3 Une approche déterministe de la régulation
de la production : le MRP2

charges fixes d’immobilisation et de mise en œuvre des machines. Plus la


productivité machine est forte et moindres sont ces dernières charges par
produit fabriqué ; or il apparaît très souvent que, particulièrement après auto-
matisation, la productivité machine est faible et souvent de moins de 50 % de
la capacité théorique des machines. Il n’est pas rare de trouver dans l’industrie
des TRS (taux de rendement synthétique) de 60 % une fois pris en compte les
temps de changement machines, les arrêts pour maintenance, les disponibili-
tés nécessaires pour tester les phases d’industrialisation et de mise en série
de nouveaux produits. On peut objecter, face à ce souci, que si l’on produit
plus dans le même temps, rien ne dit que l’on saura vendre ce supplément de
B
production mais il est évident que, à moyen terme, un tel raisonnement mène

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


à la faillite. Le management productif total (issue de ce qu’on appelle encore
souvent la TPM (Total Productive Maintenance) permet d’analyser toutes les
causes de non-productivité des équipements : pannes, temps perdu au chan-
gement de gammes ou de formats ou d’outils, temps perdu à produire des
articles de qualité non satisfaisante, « micro-arrêts » de toute nature qui
« rongent » les capacités de production (Pimor, 1992).

8.3 Une approche déterministe de la régulation


de la production : le MRP2
8.3.1 Principes
L’approche la plus rationnelle de la régulation de la production consiste à
suivre une démarche qui, comme on l’a vu, partant de prévisions de ventes,
et donc de productions, permet d’en déduire le plus exactement possible les
besoins nécessaires à ces productions, machine par machine, et les dates
optimales de chacune de ces productions. Il s’agit de planifications relative-
ment classiques d’abord popularisées par des diagrammes de Gantt puis par
des méthodes de type PERT-time et mises en œuvre avec des progiciels de
« gestion de production assistée par ordinateur » (GPAO).
Cette approche a donné lieu à une certaine standardisation à travers ce qui
s’appelait d’abord le Material Requirement Planning devenu par la suite Manu-
facturing Ressources Planning (MRP) d’abord 1 puis 2 lorsque la prévision
s’est étendue à travers l’entreprise vers la prise en compte des besoins de
trésorerie aussi bien que de matières 1, bientôt suivi par le DRP qui, comme on
le verra, s’efforce d’étendre le système informatique vers l’aval.
Les étapes d’une telle démarche sont relativement classiques et répondent à
une logique simple. Ce qui est difficile est la mise en œuvre comme nous le
verrons en analysant chaque étape (figure 8.4) :
– 1re étape : déterminer les besoins-clients à un certain horizon : le plan de
production ;
– 2e étape : déterminer les besoins bruts pour la période de planification : le
programme directeur de production ;
– 3e étape : déterminer les besoins nets pour la période de planification ;

1. Le MRP1 serait du à J. Orlicky et le MRP2 à O. Wright.

361
8 • supply side 8.3 Une approche déterministe de la régulation
de la production : le MRP2

Gestion de production Fichiers

Prévisions Détermination Nomenclature


et planification du Plan Directeur par famille
de la demande de Production (PDP) Gammes très sommaires
Coûts
Besoins financiers

Commandes Détermination
Prévisions du programme Nomenclature par
de production versions ou articles
États des stocks Arborescences
de produits finis

En-cours
Calcul Gammes sommaires
État des stocks des besoins nets
de composants

Passation Lancement des ordres


des commandes de fabrication

Indisponibilités Gammes
État des stocks Ordonnancement Machines
de composants d'atelier Nomenclature
par articles
Réalisations

Figure 8.4 – Les étapes de la planification de la production.

– 4e étape : lancement des ordres de fabrication ;


– 5e étape : ordonnancement des travaux.

8.3.2 Déterminer les besoins-clients à un certain horizon : le plan de production


On a vu au chapitre 5 qu’une prévision ne pouvait être représentée par un
nombre, mais devait êtres exprimée le plus souvent par une variable aléatoire.
Or il est nécessaire dans l’entreprise industrielle d’effectuer des prévisions
pour gérer le parc des machines, prévoir les effectifs nécessaires, passer des
commandes et organiser la production plusieurs mois ou plusieurs années à
l’avance. Si l’on connaît alors parfois des commandes déjà passées et la date
à laquelle il faudra les livrer, une partie des commandes n’est pas connue et
doit être estimée. Tous les calculs ultérieurs devraient donc être affectés par
des probabilités avec des hypothèses minimales-maximales. Malheureuse-
ment cela compliquerait tellement les calculs en laissant une telle marge
d’incertitude sur les résultats que l’on préfère partir d’une prévision unique,

362
8 • supply side 8.3 Une approche déterministe de la régulation
de la production : le MRP2

quitte à reprendre les calculs si l’on constate des divergences en cours de


route entre prévisions et réalisations 1.
Les enthousiastes du juste-à-temps tirent parfois argument de cette incertitude des
prévisions pour proposer de renoncer à en faire en suivant la demande au plus près.
La nécessité subsiste cependant d’effectuer des prévisions annuelles ou semestriel-
les, ne serait-ce que pour prévoir les besoins de financement de la production.
Ces prévisions sont souvent effectuées par familles de produits et doivent être
réalisées par le service marketing en liaison avec la direction de production et
la direction financière. Le rôle de la direction de la production est : B
– d’évaluer globalement la capacité des moyens disponibles à réaliser le plan prévu,

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


– d’évaluer les besoins financiers en machines, personnel et matériaux pour
réaliser la production envisagée. Ces prévisions peuvent s’intégrer dans les
procédures de planification budgétaire ou à plus long terme de l’entreprise. Ce
plan doit être revu avec une fréquence qui peut être assez souvent du semes-
tre ou du trimestre (plan glissant).

8.3.3 Déterminer les besoins bruts pour la période


de planification : le programme directeur de production
La détermination des besoins bruts à partir d’un besoin de produits finis peut
être une tâche simple si l’on sait décomposer progressivement un produit
selon une arborescence en composants de plus en plus fins jusqu’à la pièce,
ou le sous-ensemble acheté à l’extérieur ou la matière première (composant
de plus bas niveau ou « feuille » de l’arbre de décomposition). Cette arbores-
cence ou nomenclature porte le nom de BOM (Bill Of Materials). Connaissant
le nombre total de chacun de ces composants ou la quantité de chaque
matière première pour chaque produit fini, on peut déterminer pour une
période de production les besoins bruts en « materials » ce qui explique la
signification initiale du MRP (Materials Requirement Planning). C’était à
l’origine le corps même du système qui permettait de gérer au mieux, période
par période, les stocks des produits nécessaires à la fabrication (figure 8.5).
Pour chaque composant ou matière première, il faut identifier ses caractéristi-
ques précises dans une nomenclature et connaître la quantité nécessaire à
chaque niveau. On appelle assez souvent « besoin dépendant », celui qui
résulte d’un calcul effectué à partir des besoins d’un composant de niveau
supérieur. Réciproquement, le « besoin indépendant » est le besoin résultant
de commandes ou prévisions (par exemple pièces de rechanges pour le SAV).
Cet arbre de décomposition, qui est le point de départ du MRP et le schéma
de base de beaucoup de progiciels, peut ne pas correspondre à la réalité de
la production d’une entreprise. On a vu que la structure de fabrication par
assemblage progressif, si elle correspond à beaucoup d’usines d’assemblage
de biens complexes, n’est pas universelle. On peut avoir, comme dans l’indus-
trie pétrochimique, la situation d’un produit de base qui s’éclate progressive-
ment en des produits de plus en plus spécifiques à travers une arborescence

1. L’industrie automobile travaille cependant de plus en plus en tenant compte de « maxi-mini » à


un certain seuil de probabilité à l’intérieur de chaque modèle/version/option.

363
8 • supply side 8.3 Une approche déterministe de la régulation
de la production : le MRP2

produit fini

en-cours

composant
acheté

Composants Composants Composants


1er niveau 2e niveau 3e niveau

Figure 8.5 – Détermination des besoins par la décomposition en arborescence.

inverse. Beaucoup de raffineries ont alors recours à la programmation linéaire


pour déterminer, en fonction des besoins et des règles techniques de produc-
tion, le plan qui assure le meilleur rendement économique en fonction des prix
de vente des produits (il ne s’agit plus alors de MRP). Dans l’agroalimentaire
on trouvera assez souvent une double arborescence par regroupements
successifs jusqu’à l’obtention d’un ou plusieurs produits de base que l’on éclate
ensuite en des produits plus spécifiques par ajout de composants, emballages,
etc. Il faut alors procéder à un plan directeur de production à deux niveaux.
La nomenclature que l’on utilise pour réaliser le programme de production
n’est pas nécessairement la même que celle que l’on a utilisée pour réaliser
le plan directeur de production. Elle peut être plus précise, mais doit évidem-
ment rester cohérente avec elle par agrégation. Le plus difficile est d’ailleurs

364
8 • supply side 8.3 Une approche déterministe de la régulation
de la production : le MRP2

de faire évoluer ensemble toutes ces nomenclatures réalisées à divers niveaux


d’agrégation. Le problème peut même devenir un problème clef de l’entreprise
lorsqu’il s’agit de produits complexes présentant des variantes importantes
presqu’avec chaque production. C’est par exemple le cas des productions
aéronautiques et télécoms et l’on doit utiliser alors des progiciels de « gestion
de configuration ».
L’horizon du programme de production est le plus souvent nettement plus court
que celui du plan de production. La période peut par exemple être la semaine
et l’horizon trois mois avec une révision hebdomadaire. Les prévisions néces-
saires, tout en restant cohérentes avec celles du plan de production, sont
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


établies spécifiquement en partant des commandes déjà passées par des
clients, des prévisions pour les commandes non encore passées et des stocks
existant. On verra avec le DRP (Distribution Resource Planning) une approche
informatique permettant de préparer les prévisions du programme directeur
(B.8.7.2).
D’une manière générale, il est important de noter que la plupart des logiciels
de gestion de production calculent des besoins et des charges à capacité infi-
nie. Ce n’est qu’au stade des APS (Advanced Scheduling Systems) que l’on
va prendre en compte la contrainte de la capacité.

8.3.4 Déterminer les besoins nets pour la période de planification


Après avoir déterminé les besoins pour la production des produits finis, il faut
évidemment tenir compte de ce dont on dispose déjà, c’est-à-dire des en-cours
de production et des stocks de composants déjà achetés. Il suffit de les déduire
des quantités à produire ou à acheter. Mais le travail de préparation n’est pas
alors terminé car il faudra le plus souvent constituer des lots homogènes de
production. Si le temps de changement d’un outillage est de 100 minutes, ce
temps s’imputera pour 1 minute sur chaque article si on n’en produit que 100 et
pour 6 secondes seulement si on en produit 1 000. On a donc intérêt à produire
des lots suffisamment importants pour amortir ce temps de changement de
production : on parle alors de série économique. On n’a pas manqué d’appli-
quer la bonne vieille formule de Wilson à la détermination des séries écono-
miques. On peut en effet considérer que ce temps de changement d’outillage
et de réglage est une charge fixe à amortir sur la série la plus importante possi-
ble – comme le coût de commande en gestion des stocks – et que par ailleurs
plus la série est importante, plus le stock d’en-cours sera important et plus le
coût financier en sera élevé (comme le coût du stock moyen en gestion des
stocks). On peut objecter que l’en-cours n’augmente pas nécessairement avec
l’augmentation de la série économique si on sait utiliser les en-cours au fur et à
mesure de leur production comme on l’a vu (B.8.2.2), mais il est exact que de
longues séries de production ne permettent pas un usage immédiat face à la
complexité de productions multiples et de plus en plus variées. Il faut donc trou-
ver un compromis quitte, comme on le verra, à résoudre le problème autrement
en réduisant les temps de changement de production.
Le calcul des besoins nets joue un triple rôle :
– il permet de déterminer les commandes à passer aux fournisseurs pour assu-
rer la production prévue à l’horizon du programme directeur de production en
déterminant les dates de lancement de ces commandes compte tenu des

365
8 • supply side 8.3 Une approche déterministe de la régulation
de la production : le MRP2

délais de livraison de ces fournisseurs et des unités d’achat, si ces achats


n’ont pas déjà été effectués à partir du plan de production ;
– il permet de déterminer par unité de temps les besoins à chacun des niveaux
de la nomenclature en tenant compte des délais de production, des délais de
livraison des fournisseurs et des commandes déjà lancées ; il permet donc de
lancer des ordres de fabrication machine par machine ou atelier par atelier
selon le degré d’analyse retenu ;
– il permet parfois de vérifier que le programme de production est compatible
avec la charge des machines et des ateliers.
Pour effectuer ces calculs, le système doit disposer de gammes sommaires de
fabrication pour déterminer les délais de fabrication de chaque niveau de sous-
ensemble.

8.3.5 Lancement des ordres de fabrication


On parle parfois de commandes mais si les lots à fabriquer peuvent coïncider
avec des étapes de réalisation de commandes réelles dans un système de
gestion « à la commande », ce ne sera pas nécessairement le cas et jamais
lorsque la production approvisionne des stocks de produits finis.

8.3.6 Ordonnancement des travaux


Le plan de production permet de connaître, pour chaque période de temps, ce
qui doit être réalisé par ordre de fabrication avec une date au plus tôt (en fonc-
tion des approvisionnements) et une date au plus tard (pour satisfaire la date
de la commande ou le lot à fabriquer). En général il ne permet pas d’affecter
chaque ressource à chaque instant et donc d’ordonnancer les travaux sur les
machines. Autrefois, et encore parfois de nos jours, un agent de planning
recevait les ordres de fabrication et les casait sur le planning, machine par
machine, en tenant compte des temps de réalisation, des dates au plus tôt ou
au plus tard, des changements d’outillage, des outils disponibles, des possibi-
lités de regroupement de tâches, des indisponibilités, etc. Le planning mural
était parfois le lieu de rencontre chaque matin de tous ceux qui étaient inté-
ressés à la production, depuis le directeur de la petite entreprise, le commer-
cial, le responsable des achats jusqu’au contremaître ou au chef d’entretien.
Les progiciels de GPAO proposent des modules d’ordonnancement avec des
passerelles entre modules et les fabricants de progiciels d’ordonnancement
proposent des interfaces avec les principaux progiciels de GPAO : transfert des
ordres de fabrication et éventuellement des situations de stock d’une part,
transfert des descriptifs de machine et des gammes d’autre part. On peut aussi
transmettre en retour, depuis les progiciels d’ordonnancement, des situations
d’ordonnancement vers la GPAO.
Il faut cependant reconnaître que la planification de production moyen terme à
maille hebdomadaire sur 12 semaines pour se caler sur le quarter et l’ordon-
nancement de production à l’heure machine affectant les ressources humaines
et calant des ordres de fabrication selon des contraintes de taille de lot écono-
mique et de respect des promesses faites aux clients de délai de mise à dispo-
sition répondent à deux problématiques de natures différentes et s’appuient
d’ailleurs sur des algorithmes bien spécifiques.

366
8 • supply side 8.3 Une approche déterministe de la régulation
de la production : le MRP2

Ces progiciels d’ordonnancement vont s’efforcer d’ordonnancer les travaux à


la semaine et/ou à la journée, voire même en temps réel pour tenir compte des
tâches urgentes dès qu’elles arrivent. Certains d’entre eux s’enrichissent d’un
suivi permanent éventuellement à travers une connexion avec le système de
supervision ; la gestion de la qualité peut s’y raccorder ainsi que la gestion des
opérateurs et manutentionnaires, la gestion de la documentation, la message-
rie entre les différents postes, etc. pour devenir un véritable système de
gestion d’atelier.
Ces progiciels se heurtent tous à une difficulté d’optimisation qui apparaîtra
mieux en examinant les différentes étapes de cet ordonnancement, étapes qui
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


ne sont pas toutes réalisées par tous les progiciels puisque certains s’arrêtent
à la première, d’autres à la seconde et d’autres enfin à la troisième.
1. La première étape est le « jalonnement ». Selon la norme Afnor X 50-310,
il est « l’aboutissement d’une action d’ordonnancement, constitué par un
ensemble de repères dans le temps ». En pratique cela revient à prendre les
ordres de fabrication les uns après les autres et à les positionner à partir de
règles :
– calcul au plus tard : on positionne un ordre de fabrication de telle sorte que
le travail soit fini à la date prévue au plus tard ; ceci permet de réduire les en-
cours en diminuant les temps d’attente mais met le processus à la merci d’un
incident (panne) ; il peut arriver que l’ordre de fabrication soit en retard et que
la date de début soit déjà dépassée. Dans ce cas certains progiciels reposi-
tionnent l’ordre au plus tôt ;
– calcul au plus tôt : on positionne l’ordre de fabrication à la première date
disponible ; les avantages et inconvénients sont à l’inverse de la règle
précédente ;
– étalement entre les dates au plus tôt et au plus tard en fonction de règles
diverses ;
– maintien de marges en laissant aux opérateurs le soin de choisir les heures
réelles d’exécution et l’ordre des fabrications à l’intérieur d’une marge.
Comme cela a été mentionné, le plus souvent ces calculs se font à capacité
infinie, c’est-à-dire sans tenir compte de la capacité des moyens de production
pendant chaque période ; bien entendu, il arrivera que, pour certaines pério-
des, la charge sera plus forte que la capacité d’une machine et pour d’autres
périodes, plus faibles.
2. La deuxième étape est donc une étape d’optimisation à capacité finie qui
consiste à déplacer les ordres de fabrication en fonction de règles pour que la
charge d’une machine ne soit pas supérieure à sa capacité. Le résultat se
traduira bien entendu par des retards, des en-cours qui ne seront pas mini-
maux, etc. On va par exemple placer un ordre de fabrication dans un trou
disponible dans la charge d’une machine. C’est la partie la plus délicate. On
peut définir des règles de priorité comme par exemple faire passer d’abord les
tâches dont la marge est la plus faible ou dont le changement d’outil est le plus
court ou dont le numéro de priorité est le plus grand, etc. On peut aussi simuler
les solutions possibles pour choisir celle qui maximise ou minimise un critère
choisi (programmation linéaire, utilisation de la théorie des graphes ou systè-
mes experts). La difficulté est que l’on se trouve très vite face à une explosion
combinatoire qui rend impossible l’analyse de toutes les possibilités. On doit

367
8 • supply side 8.3 Une approche déterministe de la régulation
de la production : le MRP2

donc se contenter d’utiliser des méthodes heuristiques sans être jamais certain
de la procédure optimale.
Une fois ce travail effectué, on doit en communiquer les résultats aux postes
de travail et à ceux qui en assurent la logistique : mise en place des pièces,
des matières premières, des produits en cours de réalisation ou des condition-
nements, mise en place d’outillages, etc. Une partie de ces transmissions
d’information peut être effectuée directement sur le poste de travail avec un
écran ou même dans le superviseur.
3. La remise à jour de l’ordonnancement n’est pas l’étape la moins importante
d’un progiciel d’ordonnancement. Il peut en effet survenir des incidents :
pannes, indisponibilité de pièces ou de matières premières, incidents de
qualité demandant des passes supplémentaires ou une réfection, arrivée de
commandes urgentes en dépannage, etc. On peut alors recalculer complète-
ment l’ordonnancement (pilotage « régénératif ») mais c’est une opération qui
peut être longue et qui va perturber les informations des différents postes. On
peut, avec certains progiciels, modifier seulement une partie du modèle, mais
sans être certain de ne pas modifier de façon importante les objectifs de
recherche d’optimum. Des capacités de simulation peuvent permettre de juger
des conséquences d’une modification et de déterminer par exemple en
combien de temps on est capable de répondre à une commande d’un client.
Ce dernier point tend à devenir de plus en plus important. En effet d’une part
les micro-ordinateurs sont de plus en plus puissants et les procédures régé-
nératives qui prenaient des heures peuvent être effectuées en un nombre
raisonnable de minutes ; d’autre part, l’augmentation de la diversification des
produits conduit à fabriquer de plus en plus souvent à la commande. Le
service commercial devient alors partie prenante de ces simulations et de ces
remises à jour qui lui permettent d’annoncer au prospect un délai de livraison
à peu près garanti.

8.3.7 Avantages et inconvénients


La GPAO est devenue le point de passage incontournable de la certification
ISO 9002. Avant cela, ce fut le cheval de bataille de beaucoup d’entreprises
industrielles dans la lutte pour une meilleure tenue des plannings et des enga-
gements commerciaux. Les résultats ne sont cependant pas toujours à la
hauteur des espérances ; il est bon de comprendre pourquoi.
La procédure MRP2 est d’une logique absolue. Elle demande cependant de
disposer de beaucoup d’informations précises et exactes. Or l’entreprise ne
dispose pas toujours de ces informations ou ne les tient pas à jour des multi-
ples modifications qui interviennent en permanence.
Il faut connaître toutes les gammes de production avec différents niveaux de
détail selon le niveau de l’analyse or il peut y avoir des écarts importants entre
les gammes telles qu’elles sont connues dans les bureaux méthodes et la
pratique sur le terrain. C’est pour cela que, pour la certification ISO 9002, on
exige le plus souvent que la documentation technique des opérateurs de
production soit à jour et respectée sur le terrain, mais l’on sait qu’après le
passage des certificateurs, ce n’est plus toujours le cas. D’autre part, de plus
en plus de productions répondent à des spécifications particulières : c’est la
conséquence de la tendance générale à la diversification des produits que l’on

368
8 • supply side 8.3 Une approche déterministe de la régulation
de la production : le MRP2

a examinée. Dans la hâte de répondre favorablement à une nouvelle demande,


on n’a pas toujours le temps de mettre à jour la documentation, ni les gammes
dans le système de GPAO. Il en résulte des divergences que les opérateurs
rattrapent sur le terrain, mais qui mettent à mal la planification de la GPAO.
Il faut connaître les temps d’opérations à partir de standards. Or la production
subit de multiples aléas qu’analysent les indicateurs de la TPM : pannes,
défauts de qualité à reprendre, micro-arrêts, ralentissements de cadences
résultant de problèmes d’usure des machines ou de spécifications particulières
ou simplement d’absence de rigueur. On ne connaît pas toujours avec préci-
sion les temps de changement d’outillage ou de « mise au mille » qui peuvent
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


varier avec la compétence des opérateurs, l’état des outils, la nature des
opérations précédentes, etc. Tous ces facteurs souvent peu maîtrisés ne
permettent pas de déterminer des charges exactes pour les machines. Dans
beaucoup d’entreprises, particulièrement après automatisation, le taux de
rendement synthétique est de moins de 50 %, ce qui signifie que la production
réelle d’une machine ou d’une ligne est de 50 % de sa production théorique.
Reste à savoir ce que l’on va prendre en compte dans les gammes de la
GPAO. D’ailleurs même si l’on tient compte de tous ces aléas dans les
gammes, par définition, ils ne se produiront pas sur chaque ordre de fabrica-
tion de telle sorte que la mécanique prévisionnelle de fabrication au plus tard
va se traduire par des retards.
Il faut tenir compte en outre de l’importance des machines critiques dans les
flux de production. Ces machines qui peuvent changer selon les productions
et les charges d’un atelier sont au sens du PERT des machines dont les tâches
sont telles que tout retard sur cette tâche entraîne un retard sur la livraison de
la commande toute entière. On verra qu’un progiciel de GPAO comme OPT
vise par exemple à optimiser la charge des machines critiques mais ce n’est
pas le cas de la plupart des progiciels.
Les opérateurs de production ne respectent pas toujours les préconisations du
système de GPAO et, compte tenu des difficultés qu’on vient de voir, ils ont
parfois d’excellentes raisons de le faire. Le danger est qu’ils les respectent très
peu parce qu’ils ont peu confiance dans les calculs de l’ordinateur qu’ils ne
comprennent pas et qu’ils préfèrent s’en remettre à des règles « de bon sens »
traditionnelles mais non optimisées.
Les fournisseurs ont les mêmes difficultés que ceux qu’ils approvisionnent et
des résultats qui ne sont pas meilleurs. Leurs retards vont alors perturber les
plans de production, sauf à constituer des stocks importants. On verra donc
souvent dans les entreprises qui, pour des raisons financières ou de prix de
revient, ne peuvent constituer des stocks importants, le système de GPAO se
dégrader par l’amont. Dans le même temps, les entreprises aval lancent des
commandes urgentes pour remédier à leurs propres dysfonctionnements et
ces commandes urgentes vont à leur tour perturber le plan de production.
En effet la pression commerciale va conduire de plus en plus souvent à modi-
fier le plan de production au gré des protestations des clients et de la pression
des commerciaux ; ces modifications dont le bien-fondé peut être parfaitement
justifié font que peu à peu la production n’est plus optimisée et que le plan de
production tend à diverger de plus en plus avec la pratique. On finit par y
renoncer et ne plus conserver de la GPAO qu’un plan directeur à moyen terme
et sur le terrain un système d’impression et d’archivage d’ordres de fabrication.

369
8 • supply side 8.3 Une approche déterministe de la régulation
de la production : le MRP2

La faible efficacité de la GPAO provient donc souvent d’une absence de rigu-


eur dans les procédures, d’une mauvaise préparation de la mise en place de
la GPAO dans les ateliers et souvent d’une mauvaise compréhension de ses
règles et de ses objectifs.
Mais d’autres raisons encore plus fondamentales peuvent venir perturber le
fonctionnement du MRP2. Si une entreprise travaille à la commande, ce qui
est le cas de beaucoup d’entreprises françaises, les différentes commandes
vont se trouver regroupées dans des lots de fabrication lors de la détermina-
tion des besoins bruts, mais toutes les commandes n’ont pas les mêmes dates
au plus tard. On risque donc, pour avoir pris un retard sur un lot, de mettre en
danger une commande importante qui n’a besoin que d’une faible partie de ce
lot. Souvent les ordres de fabrication qui résultent de la GPAO ne connaissent
plus les commandes initiales et il est très difficile de suivre l’avancement des
commandes dans les périodes difficiles. À l’inverse si l’on gère la production
à la commande, on risque fort d’éclater la production en très petits lots impli-
quant des changements fréquents d’outillage et donc des temps de production
prohibitifs. Il n’est pas facile de trouver un équilibre entre ces deux politiques.
D’autres causes d’inadaptation d’un progiciel de GPAO et ou d’ordonnance-
ment peuvent provenir des spécificités propres de la production. On a vu qu’il
fallait selon les cas minimiser ou non les changements d’outillages, réguler ou
non l’affectation des outils, tenir compte ou non de chaque commande, mettre
l’accent ou non sur la gestion des machines critiques, prendre en compte la
gestion de batchs successifs dans les industries chimiques ou agroalimen-
taires en réduisant les opérations de lavage de cuves et en optimisant l’utili-
sation des fours tout en tenant compte des températures, des durées et des
autres conditions, etc. Il faut tenir compte de l’organisation même de la produc-
tion tantôt par assemblage progressif, tantôt par éclatement progressif et
assez souvent par éclatement puis assemblage avec des stocks intermédiaires
d’en-cours à réguler. La saisonnalité éventuelle de la vente modifie évidem-
ment de façon très importante les conditions de production. Les produits finis
peuvent être hétérogènes quant à la régularité de leur consommation et à leurs
volumes. Cette hétérogénéité peut conduire à gérer différemment les produits
par classes avec des fabrications pour stocks pour les uns et des fabrications
à la commande pour les autres.
Tous ces facteurs font que le choix d’une GPAO est difficile. L’expérience
d’entreprises comparables de la même branche industrielle peut être l’argument
déterminant du choix d’un progiciel à condition d’être certain que l’on a bien les
mêmes conditions de production. L’adaptation d’un progiciel général peut être
extrêmement difficile et demande assez souvent le concours d’un spécialiste de
la GPAO dans cette branche industrielle. C’est un domaine où il est difficile
d’être généraliste tant les spécificités de chaque production sont importantes.
Le MRP présente enfin l’inconvénient de toute prévision. Prenant en compte
des prévisions, il fait tout ce qui est nécessaire pour que le plan de production
qui en découle se déroule comme il était prévu à l’horizon de la prévision. Il a
donc une assez grande inertie, d’ailleurs indispensable le plus souvent pour
les achats. Si pendant la période, les ventes évoluent, il faut faire évoluer les
prévisions et donc le plan de production. Mais l’inertie du MRP peut entraîner
des difficultés à adapter le plan de production à cette évolution ; on risque
alors de produire ce que ne demande plus le marché et de ne pas produire ce

370
8 • supply side 8.4 Une approche par les stocks : le kanban

Planification globale
• Horizon : 5 ans
Horizons de planification
Plan stratégique • Maille : annuelle

CBU/WBU
Long terme • Fréquence : annuelle
Plan directeur/ • Horizon : 2 ans
Planification capacité LT/ • Maille : mensuelle
Budget • Fréquence : annuelle

• Horizon : 6-12 mois


Sales & Opérations
• Maille : mensuelle
Planning (S&OP) (PIC)
• Fréquence : mensuelle

Planification locale • Horizon : 12 semaines B


Planning de production • Maille : hebdomadaire

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


• Fréquence : hebdomadaire
CBU/sites

• Horizon : 2 semaines
Planning distribution • Maille : jour
• Fréquence : quotidienne
• Horizon : 1/2 semaines
Ordonnancement • Maille : jour – heure
Court terme de production • Fréquence : quotidienne
CBU : Country Business Unit
WBU : Worldwide Business Unit

Figure 8.6 – Processus de planification sous forme de pyramide hiérarchisée.

qu’il demande désormais. Avec l’accélération du marketing, c’est ce qui a


tendance à se produire ces dernières années et la réaction des industriels
s’est alors portée dans trois sens : soit mettre en place des systèmes ayant
des délais d’adaptation plus rapides au niveau de l’outil de production de par
sa plus grande flexibilité et au niveau de la transmission de l’information (le
kanban), soit tenter de réduire l’inertie du système avec des progiciels plus
souples et des procédures plus rapides, soit par la mise en place de processus
transversaux associant les fonctions du Supply Side (achat, approvisionne-
ment et production) et du Demand Side (marketing, ventes) du type S&OP
(Sales & Operations Planning) pour s’assurer d’un engagement partagé entre
ces fonctions sur un même objectif de satisfaction client et de minimisation des
coûts de production. La performance de la planification de production se trouve
ainsi améliorée par une fiabilisation de l’input majeur qu’est la prévision de la
demande.
De plus, le processus de planification tel qu’il a été décrit se reproduit sous
forme de pyramide hiérarchisée en appliquant le même schéma comme le
montre la figure 8.6 construite à partir de plusieurs référentiels de planification
de production.

8.4 Une approche par les stocks : le kanban


8.4.1 Principes
Le kanban est présenté par la plupart de ses promoteurs comme une méthode
de réduction drastique des stocks pour conduire l’entreprise vers un mythique
« zéro-stock ». En réalité, le kanban est un système simplifié de gestion des
stocks amont de chaque poste de travail grâce à des étiquettes, les « kanban »,
attachées à chaque container ou palette de pièces. Lorsqu’un container est

371
8 • supply side 8.4 Une approche par les stocks : le kanban

plein, une étiquette (kanban) lui est attachée. Dès qu’un poste de travail
entame un container, l’étiquette est retournée au poste de fabrication des
éléments du container. Lorsque celui-ci aura rempli à nouveau un container, il
attachera une étiquette disponible (après retour) à ce container. On n’aura donc
jamais plus d’éléments dans le circuit que le nombre de kanban multiplié par le
nombre d’éléments par kanban, plus éventuellement un container entamé.
La difficulté est qu’il existe beaucoup de versions différentes du système
kanban dont les principes de gestion peuvent être assez différents et qui ne
s’accommodent pas des mêmes contraintes de production. Il peut être utilisé
sous divers noms comme par exemple RECOR (remplacement des consom-
mations réelles) chez PSA.
On peut donc avoir intérêt à distinguer ses différentes modalités en allant des
plus simples aux plus compliquées.

 Système kanban sans série économique ni seuil de réapprovisionnement


entre deux postes de travail successifs
On fixe pour chaque poste de travail et pour chaque pièce qu’il utilise, un certain
nombre de containers ou palettes de pièces qui vont constituer son en-cours
permanent, par exemple 6 containers de 10 pièces de tel type. Ces pièces sont
fabriquées sur un autre poste de travail amont (qui peut même être extérieur à
l’usine). Le principe est que ce poste de fabrication amont sait en permanence
combien de ces containers sont vides (pièces déjà utilisées par le poste aval)
et combien sont pleins, qu’ils soient en cours de transport du poste amont au
poste aval ou en attente d’utilisation au poste aval. Il peut le savoir facilement

Tableau des kanban


(6 emplacements)
Fabrication

Retour des
étiquettes

Étiquettes
revenues

Étiquettes
sur les palettes

Fabrication

Transport
des palettes
Poste amont Poste aval

Figure 8.7 – Exemple de situation pour le système kanban.

372
8 • supply side 8.4 Une approche par les stocks : le kanban

si le poste amont attache à chaque container plein une étiquette permanente


puis si le poste aval enlève cette étiquette dés qu’il commence à utiliser un
container et la renvoie immédiatement ou à fréquence rapprochée au poste
amont. Ce sont ces étiquettes qu’on appelle des kanban. Celui-ci tient alors un
tableau (figure 8.6) avec dans notre exemple 6 cases, une par container, qui
vont recevoir les étiquettes en retour du poste aval. Si à un moment donné,
2 cases contiennent une étiquette, cela signifie que entre le poste amont et aval
il existe seulement 4 containers pleins. Le poste amont sait donc qu’il doit fabri-
quer 20 pièces, soit 2 containers, suffisamment tôt pour que le poste aval ne
soit pas en rupture de stock et ne doive arrêter son travail faute de pièces.
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Il n’y aura jamais plus de 60 pièces en en-cours au maximum et si le poste
aval arrête d’utiliser ces pièces, le poste amont arrêtera d’en fabriquer. On a
supposé dans cet exemple que le poste amont peut lancer la fabrication de
10 pièces, soit une palette, à n’importe quel moment sans souci de réglage de
machines. Il a déjà pris un peu de retard, mais ce stock d’en-cours sert juste-
ment à lui donner le temps d’organiser sa production. En effet, le plus souvent
le poste amont ne fabriquera pas une seule pièce mais plusieurs types de
pièces pour un ou plusieurs postes de travail aval et il doit tenir à jour non pas
un seul tableau des kanban mais autant de tableaux qu’il peut avoir de pièces
à fabriquer. Il décide donc de lancer ses productions pour que les postes aval
soient toujours alimentés.
On peut avoir autant de containers ou de palettes qu’on le désire de façon à
rationaliser les transports de containers vides, mais l’on n’aura que 6 kanban
dans cet exemple. Dans certains cas, les containers servent d’étiquette et l’on
pourrait se contenter ici de 6 containers, mais il faudrait s’arranger pour qu’un
container soit vidé dès qu’on l’entame et retourné aussitôt (ou suffisamment
vite) au poste amont.
 Généralisation à l’usine toute entière et au-delà
Bien entendu le poste aval sera le plus souvent le poste amont d’un ou
plusieurs autres postes et il devra lui aussi tenir à jour son tableau des kanban
pour gérer sa production. Le poste le plus aval est le magasin d’expédition des
produits finis. En théorie, on peut supposer que ce magasin, au fur et à mesure
qu’il reçoit des commandes, les expédie et envoie les kanban correspondants
à ces palettes (ou containers ou unités) aux postes de fabrication extrêmes qui
fabriquent (ou emballent) les produits finis (figure 8.8).
À l’autre extrémité de la chaîne, les sous-traitants et fournisseurs de composants
peuvent travailler de la même façon. On parle alors de fabrication synchrone.
 Système kanban sans étiquettes
Le système des étiquettes est simple. Il oblige cependant à déplacer des
étiquettes entre les postes en permanence ou au moins avec une périodicité
fréquente. On peut le remplacer par un système informatique ayant les mêmes
caractéristiques. Il suffit que l’opérateur du poste aval fasse sur son terminal
la transaction de transfert de l’étiquette virtuelle chaque fois qu’il entame un
container avec éventuellement un système de lecture optique. Les tableaux
des kanban seront tenus sur un écran d’ordinateur. On peut penser que le
recours systématique aux étiquettes traduit en partie une certaine réticence
qu’éprouvent beaucoup de japonais à utiliser l’informatique de gestion.

373
8 • supply side 8.4 Une approche par les stocks : le kanban

Stock 4 Stocks
composants 8 produits
C 6 D
et finis
5
matières
premières
7
3
B

A
1

= En-cours

= retour des étiquettes kanban

Figure 8.8 – Exemple simplifié d’un atelier monoproduit avec kanban.

 Système kanban avec séries économiques


et seuil de réapprovisionnement
La détermination du nombre de kanban théoriquement nécessaire est tradition-
nellement donnée par la formule :
(d × c ) + s
n = ----------------------------
t
où n est le nombre de kanban nécessaires, d le délai de production et de trans-
fert d’un container (en heures ou jours) et le délai de retour du kanban au
poste amont, c le besoin du poste aval en pièces par unité de temps (heure
ou jour), s un certain stock de sécurité en nombre de pièces et t le nombre de
pièces par container.
La difficulté est que cette formule repose sur une confusion avec la gestion
des stocks classique où le délai de réapprovisionnement est presque toujours
le même, quelle que soit la commande passée 1. C’est le principe classique du
réapprovisionnement d’un stock sur point de commande pour lequel le point
de commande doit correspondre à la quantité consommée pendant le temps
qui s’écoule entre une commande et sa livraison. Ici il est évident que le temps
pour produire un container n’est pas le même que le temps nécessaire pour
en produire quatre.
Dans l’exemple précédent, on peut considérer que la détermination théorique
du nombre de kanban nécessaires dépend du temps nécessaire pour que le
poste aval obtienne une pièce après transfert de l’étiquette, mise en fabrication
et transport, soit 2 heures en moyenne. Elle dépend aussi de la consommation

1. On a vu au chapitre 3 que ce n’était pas toujours vrai même si ceci est à la base de la détermi-
nation du point de commande de la plupart des progiciels de gestion des stocks.

374
8 • supply side 8.4 Une approche par les stocks : le kanban

moyenne du poste aval pendant ce temps, soit par exemple 20 pièces à l’heure
en moyenne. Si 2 kanban sont retournés au poste amont et s’il ne reste donc
plus dans le circuit que quatre containers pleins, il est impératif que le poste
amont lance une fabrication qui arrivera en moyenne dans 2 heures au poste
aval qui aura consommé d’ici là 40 pièces, soit le contenu des 4 containers
pleins. Il faut donc un minimum de 4 kanban si le poste amont lance une fabri-
cation dés qu’une étiquette revient. Si ce n’est pas le cas, si la quantité
consommée par le poste aval peut être supérieure à la moyenne, si certaines
pièces fabriquées peuvent être rebutées pour défaut de qualité, si le poste
amont peut tomber en panne, si n’importe quel autre événement peut perturber
B
la livraison, alors il faut faire comme pour tous les stocks, prévoir d’ajouter un

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


stock de sécurité et c’est ce qui a été fait en prévoyant 6 kanban et non pas 2.
Sur le schéma de la figure 8.9, le poste amont fabrique les pièces par 4 contai-
ners sauf dans un cas où, ayant pris du retard, il en a fabriqué 5.
Mais ce raisonnement suppose que l’on produise toujours 4 containers à
chaque fois. Si l’on n’en produisait que 2, le délai d serait peut être de 1 heure
1/4 et le nombre de kanban nécessaires deviendrait :
( 20 × 1, 25 ) + 20
-------------------------------------------- = 4, 5
10
soit 5 kanban au lieu de 6.
On observera cependant que, assez souvent, le poste amont ne fabrique pas
qu’une seule pièce et pas pour un seul poste aval. Il gère donc un tableau des
kanban avec autant de colonnes que de pièces qu’il est susceptible de fabri-

Nombre de kanban
à disposition du poste aval

Point de commande
6

Stock de sécurité
2

Heures

Figure 8.9 – Nombre de kanban nécessaires en fonction de la fabrication.

375
8 • supply side 8.4 Une approche par les stocks : le kanban

quer pour un poste aval. Il doit donc en permanence faire des choix pour lancer
une fabrication plutôt qu’une autre. Par exemple s’il constate qu’il y a deux
kanban revenus et qu’il ne reste donc plus que 4 kanban pleins dans le circuit,
il doit lancer immédiatement la fabrication de cet article, sauf si l’on sait que
le poste aval n’utilise pas cet article en ce moment.
Mais pour lancer une production, il doit changer d’outillage ou procéder à des
réglages et cela prend du temps. On verra qu’un des efforts importants de
l’École de Toyota, à l’origine du kanban, a été la réduction des temps de chan-
gement de production (le SMED). Le plus souvent cependant le changement
d’outillage ou de format prend un temps non négligeable et l’on a intérêt à ne
pas produire des séries trop petites qui feraient perdre beaucoup de temps et
réduiraient fortement la productivité. Le principe du kanban reste alors le
même, mais l’on va devoir tenir compte de cette série pour déterminer le
nombre de kanban à utiliser. Si par exemple, dans l’exemple précédent, on
admet que le poste amont ne doit pas produire des séries inférieures à
100 pièces et que la production et le transfert de ces pièces prennent
4 heures 30, il faudra un nombre de kanban de
( 20 x ( 4, 5 ) ) + 20
----------------------------------------- = 11
10
Les praticiens du kanban cependant se fient moins à ce type de calcul qu’à
une détermination empirique de ce qui leur paraît nécessaire et une adaptation
progressive du nombre des kanban en fonction des résultats.

 Double kanban
Production et transfert ne se déroulent pas toujours de la même façon : la
production sera effectuée quand on en aura besoin alors que le transfert peut
s’opérer à heure fixe, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un transfert depuis une
autre usine. On distingue alors des kanban de transport et des kanban de
fabrication qui peuvent avoir des modalités différentes.

8.4.2 Avantages et inconvénients du système kanban


L’intérêt d’un tel système est multiple :
– il permet de gérer l’ordonnancement des fabrications sans faire de prévisions.
Les flux sont « tirés » par la demande et la production s’adapte automatiquement ;
– il permet de ne pas produire des pièces qui ne sont pas nécessaires. S’il n’y
a pas de demande, il n’y a pas de production ;
– les stocks d’en-cours sont égaux à la totalité des kanban prévus mais ne peuvent
aller au-delà, le système est donc auto-régule. Chaque fois que l’on réduit le temps
de changement de production et que l’on peut donc diminuer une série économique,
on en mesure la répercussion sur le kanban correspondant que l’on peut réduire.
On peut aussi réduire la taille des containers pour avoir un flux plus régulier et donc
des en-cours plus faibles.
Le système kanban ne permet pas en tant que tel de lancer les travaux. Si les
commandes des clients arrivent au jour le jour pour une réalisation immédiate
ou si elles doivent être servies dans un délai court et constant (en deux jours
par exemple) et s’il n’y a pas de variations importantes (écart-type faible et pas
de variations saisonnières), on peut lancer les travaux au fur et à mesure que

376
8 • supply side 8.4 Une approche par les stocks : le kanban

les commandes arrivent. Dans tous les autres cas, qui en représentent cepen-
dant la majorité, il faut périodiquement évaluer la charge et lancer les travaux
en fonction des dates de livraison demandées. Il serait stupide de laisser un
atelier chômer au nom du juste-à-temps alors que l’on sait que la semaine
suivante, il ne pourra réaliser tout ce qu’il doit livrer. Le kanban ne dispense
donc pas le plus souvent d’établir des plans directeurs et de vérifier les
niveaux de charge.
Une fois une tâche lancée en système kanban, on commence à produire immé-
diatement puisque le dernier poste de travail peut commencer à produire à B
partir de ses containers de sous-ensembles. Au contraire, dans un système de

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


MRP on ne peut commencer à produire que lorsque les sous-ensembles du
dernier poste de travail de la chaîne de production ont été produits, eux-
mêmes après que ceux des postes précédents aient été produits, etc. La diffi-
culté en système kanban n’est pas de commencer à produire mais de conti-
nuer. En effet si le flux de production sur poste de travail amont est plus faible
que celui du poste de travail aval, le poste de travail aval cesse de produire
lorsqu’il a progressivement épuisé ses kanban. Par exemple si le poste de
travail aval consomme 10 pièces à l’heure et si le poste amont produit 5 pièces
à l’heure, il y a un déficit de 5 pièces à l’heure qui se traduit par exemple par
un arrêt du poste aval au bout de 4 heures si le total des pièces en containers
est de 20. En MRP, rien n’empêche de produire à l’avance les pièces néces-
saires même si cela demande plus de temps sur un poste amont que sur un
poste aval. En système kanban, la chaîne de production doit donc être équili-
brée si l’on ne veut pas avoir trop de souci sur le délai de production ; ce sera
le plus souvent le cas d’une ligne d’assemblage même s’il faut constituer à
l’avance des stocks de certaines pièces que l’on ne sait pas produire en juste-
à-temps avec des délais raisonnables.
Il est évident que le système kanban demande une certaine régularité de la
production et donc de la demande. Si la charge des machines subit des à-
coups, certains postes de production seront inactifs faute de commandes
pendant une partie du temps et ne pourront suffire aux besoins pendant une
autre partie du temps. La consommation moyenne n’a plus grand sens et le
nombre de kanban correspond plus souvent à la consommation maximale du
poste aval. L’importance des en-cours tend à croître. Il faut programmer ces
« à-coups » en créant par exemple des kanban de prévoyance qui serviront à
accumuler des pièces en attente d’une utilisation ultérieure. Il va de soi qu’il
faut ensuite retirer du circuit des kanban exceptionnels, mais cela revient à
faire des prévisions et l’on est ainsi amené à concilier GPAO et kanban.
Le kanban consiste d’une certaine façon à attendre d’avoir besoin d’un élément
pour le fabriquer ; c’est l’application du principe de base du juste-à-temps.
Mais lorsqu’on attend le dernier moment, on est évidemment à la merci de tout
incident. Une panne d’une seule machine provoque un retard de toute la
production. On s’en explique en général en affirmant qu’il vaut mieux accepter
les conséquences d’une telle panne pour faire en sorte qu’elle ne se produise
pas, plutôt que de s’en protéger par un stock qui épargnera les efforts néces-
saires pour éviter les pannes. Il n’empêche que toutes les opérations devien-
nent ainsi critiques. Il vaut peut être mieux garder en permanence un « pied
de pilote » comme disent les marins (le « pied de pilote » est cette profondeur
d’un pied qu’un pilote ajoutait à ses calculs de marée pour déterminer si un

377
8 • supply side 8.5 Les autres approches de gestion de production

bâtiment pouvait passer sur tel seuil à telle heure de la marée compte tenu de
son tirant d’eau). Rien n’interdit de produire un peu plus tôt de façon à pouvoir
remédier aux conséquences d’une panne éventuelle et de faire en sorte que
la panne, si elle se réalise, ne se reproduise plus par la suite. Nul n’est obligé
de sauter en parachute sans ventral pour améliorer à moyen terme la fiabilité
des parachutes ni, ce qui revient au même pour l’entreprise, de perdre des
clients pour prendre les problèmes de disponibilité au sérieux.

8.5 Les autres approches de gestion de production


On peut être conduit à passer dans la même journée des flux poussés aux flux
tirés. Ainsi dans la production de produits frais va-t-on produire d’abord une
certaine quantité à partir de prévisions, constituant ainsi une sorte de stock
tampon que l’on ramènera à zéro en fin de journée. Au fur et à mesure que
les commandes arrivent, on passe d’un flux poussé à un flux tiré par les
commandes en s’efforçant de réduire progressivement le stock.
L’utilisation du kanban n’évite pas de devoir faire des prévisions pour ajuster
prévisionellement les charges et passer des commandes aux fournisseurs qui
ne sont pas en juste-à-temps.
On a vu d’autre part (B.8.2.2) que l’on pouvait réduire très sensiblement les
délais en faisant se chevaucher sur plusieurs postes un même lot de produc-
tion, ce qui n’est pas incompatible avec le MRP.
Il est donc le plus souvent nécessaire d’adapter les méthodes aux nécessités
de chaque type de production. On verra donc ici deux méthodes de gestion de
production moins répandues à travers l’industrie que le MRP et le kanban et
l’exemple de l’application des principes de la gestion de production au secteur
industriel qui s’est le plus efforcé d’améliorer ses méthodes en ce domaine :
la fabrication automobile.

8.5.1 Méthode OPT


La méthode OPT (Optimized Production Technology) est un classique des
ouvrages de gestion de production, même si elle est relativement peu utilisée.
Elle a été en effet mise en place à partir d’un progiciel original mais peu
répandu1 dont la promotion a été assurée par le remarquable roman de Elie
Goldratt, Le But, qui propose 9 règles pour remédier aux différents problèmes
soulevés par le MRP. En toute rigueur, le sigle OPT est une marque de la
société STG. qui diffuse le progiciel de ce nom. On parle aussi de TOC (Theory
Of Constraints), de MPC (management par les contraintes) ou encore de DBR
(Drum Buffer Rope) (Bironneau, 1996).
La méthode part de cette observation que, pour toute production, certaines
tâches sont sur le chemin critique, au sens du PERT, et d’autres pas. On dit
qu’une tâche est sur le chemin critique lorsque tout retard dans son exécution
entraîne un retard dans la livraison à date du produit, ce qui signifie qu’il n’y
a pas de délai entre la date au plus tôt et la date au plus tard du lancement

1. On peut considérer que ce progiciel n’est pratiquement plus utilisé aujourd’hui (Bironneau, 1996).

378
8 • supply side 8.5 Les autres approches de gestion de production

de cette tâche. On parle aussi souvent de « machines critiques » pour dési-


gner des machines qui se trouvent habituellement sur le chemin critique de la
production, mais avec la diversification des productions, les machines critiques
ont tendance à changer en fonction des productions.
Il en résulte que toute heure perdue pendant une tâche critique est une heure
de retard de la production.
Réciproquement on observe que toute production effectuée sans nécessité de
production aboutit à stocker un en-cours ou un produit inutile. Or c’est ce que
fait souvent la maîtrise qui a traditionnellement tendance à ne pas laisser inac- B
tif un opérateur ou une machine.

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Attendre la fin d’un lot pour entreprendre une tâche suivante est une perte de
temps comme on l’a vu (B.8.2.2) et d’autre part rien n’interdit de faire des lots
variables en taille selon les besoins des différents postes de production.
Quoi qu’on fasse, il y a toujours des retards dans certaines tâches – ne serait-
ce que les pannes de machine. Il est donc inutile de vouloir équilibrer une
usine puisque tout retard sur un poste devient alors irrattrapable. En revanche,
il faut s’attacher à repérer les retards et chercher à les rattraper.
On constituera donc, en amont et en aval de la ressource critique, des stocks
tampons et l’on alimente le premier poste de travail de la chaîne de production
au même rythme que la machine critique consomme les ressources de son
tampon amont.
La méthode OPT ne doit pas faire oublier qu’il existe une autre façon de remé-
dier aux goulots d’étranglement qui est d’éviter les retards eux-mêmes quelle
que soit leur origine (panne, mises au point, micro-arrêts, ralentissements,
défauts de qualité, etc.) en faisant en sorte que le TRS (taux de rendement
synthétique) de chaque machine soit le plus voisin possible de 1. C’est ce que
nous verrons au chapitre 11 avec la TPM (Total Productive Maintenance ou
en français management productif total).

8.5.2 Exemple de l’industrie automobile


L’industrie automobile tient une place à part dans le monde industriel d’abord
par son importance économique et la compétition que se livrent les différentes
marques au niveau international du fait d’une surcapacité permanente. Il en
résulte que c’est le domaine où se sont développés la plupart des concepts de
logistique industrielle de flux et de soutien de ces vingt dernières années, parti-
culièrement sous l’influence de Toyota1 : juste-à-temps, kanban, SMED,
AMDEC, TPM, TQC, etc. Cette évolution est loin d’être terminée et en 1999,
Toyota a une fois encore bousculé le secteur automobile en lançant son
programme de construction et mise à disposition d’un véhicule en cinq jours
ouvrables à compter de la commande du client. Le renouvellement rapide des
modèles et donc des processus de montage facilite la vulgarisation de nouvel-
les techniques aussi bien dans la conception des lignes que dans les modes
d’organisation du travail (nouvelles organisations avec moins de niveaux

1. On notera d’ailleurs qu’en France la construction automobile a fait très largement appel à des
spécialistes japonais de l’École de Toyota et a multiplié les missions d’étude au Japon. Ainsi en 1980,
Citroën a engagé comme conseiller pour 6 ans l’un des plus connus de ses représentants, M. Shingo.

379
8 • supply side 8.5 Les autres approches de gestion de production

hiérarchiques, automaintenance, cercles de qualité ou de progrès, kaisen,


etc.). C’est toujours dans le secteur de l’automobile que l’on a vu se dévelop-
per les nouveaux rapports entre industriels et sous-traitants ou fournisseurs
avec le juste-à-temps synchrone, l’EDI (échange de données informatiques),
les procédures de qualification, le partenariat industriel à partir d’organisations
spécifiques comme l’AIAG aux États-Unis ou GALIA en France.
La fabrication automobile rassemble la plupart des techniques industrielles
depuis la sidérurgie (fabrication de tôles, de ressort, etc.), la plasturgie (fabri-
cation de tableaux de bord, de pare-chocs, de réservoirs, de tuyaux, etc.),
l’industrie du caoutchouc, la sellerie, la forge, la fonderie, l’électronique de plus
en plus importante, la câblerie électrique, les fournitures spécialisées de toute
sorte telles qu’accumulateurs, plaquettes de freins, carburateurs, visserie, etc.
et enfin la fabrication de moteurs et le montage des véhicules (figure 8.9).
L’usine de montage automobile est particulièrement typique de ce secteur
industriel1. Une usine moyenne produisant de 1 000 à 1 400 véhicules jour
travaille avec environ 1 500 opérateurs, en deux postes de 7 h 30 environ
220 jours par an avec 2 chaînes d’assemblage de 1 000 à 1 500 mètres
chacune à 200 pas environ par chaîne pour un ou deux modèles de gamme.
L’automatisation (automates et robots) a particulièrement porté sur l’emboutis-
sage, la peinture, la soudure et, sur la chaîne, le poste tableau de bord, la mise
en place moteur, les trains, la pose des glaces, les garnitures pavillons, etc. 5
à 6 000 références sont utilisées en chaîne d’assemblage, fournies par environ
350 fournisseurs avec 250 à 300 déchargements de camions par jour sur 25

Sous-traitants Autres fournisseurs

Mécanique Peinture Carrosserie Emboutissage

Finitions Sellerie Usine de montage automobile

Expéditions Fabrication moteur

Assemblage Usinage Forge

Fonderie

Figure 8.10 – Fabrication automobile.

1. Nous empruntons à Productilog la description un peu ancienne mais toujours valable d’une usine
type d’assemblage automobile.

380
8 • supply side 8.5 Les autres approches de gestion de production

à 30 postes de déchargement, le retour des bacs vides étant assuré par envi-
ron cinquante camions par jour.
Traditionnellement (jusqu’à la fin des années 1970), les pièces et composants
nécessaires étaient approvisionnés, chaque mois ou chaque semaine, à partir
d’un programme prévisionnel de fabrication. Les pièces réceptionnées à l’usine
étaient contrôlées puis stockées dans un magasin. Des changements d’embal-
lage et reconditionnements étaient souvent effectués avant mise à disposition
des chaînes selon des réquisitions journalières. Les fournisseurs extérieurs
livraient à partir de stocks de produits finis régulés à partir de commandes B
fermes mensuelles ou hebdomadaires. Ces commandes étaient établies à partir

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


de calculs MRP1 classiques et l’on cherchait ensuite à optimiser les transports.
L’usine fournissait ainsi un stock central de voitures neuves permettant de
répondre aux commandes des concessionnaires. Cependant pour établir ces
programmes de montage, les fabricants disposaient environ un mois à l’avance
des commandes hebdomadaires des concessionnaires. Il était donc possible
d’effectuer une partie des tâches de montage en MRP à partir des besoins
exprimés complétés par des prévisions. Pour les tâches les plus en amont et
aussi les plus longues (forges, fonderies et fournisseurs extérieurs), il fallait
donc commander à la semaine ou au mois en fonction uniquement de prévi-
sions. La limite entre les tâches aval effectuées à partir des besoins des
concessionnaires et les tâches aval effectuées uniquement à partir de prévi-
sions était appelée chez PSA, la « barre verte ». C’est là qu’apparaissaient le
plus souvent les dysfonctionnements dues aux erreurs de prévision.
Le moteur principal de l’évolution a été la multiplication des options proposées
(carburants, moteurs, couleurs, sellerie, accessoires, etc.). Pour un construc-
teur automobile, il est commun que des milliers de versions ne soient produites
qu’à un seul exemplaire et le modèle correspondant à la meilleure vente ne se
soit vendu qu’à quelques milliers d’exemplaires.
Il en est résulté :
– la suppression du stock central de voitures faute de pouvoir répondre aux
besoins trop diversifiés des clients et surtout afin de limiter les stocks coûteux
et dangereux dans le cas fréquent d’un ralentissement de la demande ou à la
suite de mauvaises prévisions par titre ;
– le raccourcissement des délais de commande car les clients, voulant des
modèles très spécifiques ne correspondant plus au stock du concessionnaire,
ne voulaient pas non plus attendre un mois pour obtenir ce modèle.
Les concessionnaires ont continué d’envoyer des prévisions de besoins
mensuels mais seulement par famille, carburant (diesel ou essence), pays, prévi-
sions complétées plus tardivement (une à deux semaines) par une spécification
des modèles exacts à livrer, ce qui peut laisser une semaine ou moins pour fabri-
quer en MRP, y compris chez les fournisseurs les plus proches. Ce programme
de fabrication se traduit par ce qu’on appelle parfois le « film véhicule » qui est
l’enchaînement logique pour une à deux semaines des véhicules le long de la
chaîne pour optimiser la production (en fonction du temps nécessaire à chaque
poste de travail pour chaque type de véhicule). Des méthodes de simulation
mathématiques permettent de rationaliser cette préparation des flux de fabrica-
tion. D’autre part, on essaie de faire en sorte que les concessionnaires vendent
les produits fabriqués plutôt que ceux dont on ne dispose pas actuellement.

381
8 • supply side 8.5 Les autres approches de gestion de production

Au-delà, on tend désormais à travailler par kanban à partir des consommations


des postes précédents. La logistique devient alors un mélange de flux tirés (en
amont) et de flux poussés, ou plus exactement en MRP2, en aval.
L’approvisionnement des différents postes de montage se fait désormais aussi
bien en ce qui concerne les fournisseurs extérieurs que les postes périphéri-
ques de la ligne de montage :
– soit par appel multiquotidien d’un camion complet à partir d’un film prévisionnel ;
– soit en synchrone (le plus souvent par pièce) où le déclenchement de l’appel est
provoqué par l’entrée d’un véhicule en chaîne ou son passage en un point particulier ;
– soit en kanban tenant compte des besoins maximaux de consommation sur
un poste de travail ;
– soit par appels quotidiens ou hebdomadaires pour les quantités trop petites
pour réaliser des transports raisonnables avec une plus grande fréquence. Ces
appels peuvent être effectués par des collectes afin d’optimiser les transports.
On trouve chez Citroën, qui a créé à Lyon un centre de regroupement de livrai-
son pour approvisionner les différentes usines françaises, le système SPARTE
(système de programmation d’approvisionnement rationnel, technique et
économique) pour une livraison à J + 5.
Tout ceci se traduit par un nombre beaucoup plus important de réquisitions.
Les livraisons doivent être autant que possible « directes » depuis l’entrée de
l’usine jusqu’au poste de travail sans passage par un magasin, sinon un
magasin avancé du fournisseur. La réception se fait en quantité et la
certification des fournisseurs évite de pratiquer un contrôle systématique de la
qualité. Les emballages sont standardisés pour que chacun d’entre eux corres-
ponde à un nombre donné d’heures de travail sur un poste et sont préparés
chaque fois que possible chez le fournisseur pour éviter des opérations de
reconditionnement ; les étiquettes sont normalisées avec lecture par codes à
barre selon une normalisation ODETTE/GALIA et les échanges d’informations
se font à travers des messages standardisés (D.17.4.1).
Un dernier phénomène est la modification de l’architecture même des usines
pour répondre aux besoins de la logistique sur les postes. Ce phénomène est
lent car les usines automobiles sont anciennes, mais il devrait s’accentuer
avec la construction de nouvelles usines dans de nouveaux pays producteurs.
L’idée est de faciliter l’accès aux différents postes de la ligne de montage en
construisant cette ligne en U successifs un peu comme une ligne de réception
de bagages d’un grand aéroport 1. Les postes de déchargement des camions
très nombreux se trouvent alors à proximité des postes de travail à l’exception
d’un centre de préparation logistique qui rassemble des fournitures de fournis-
seurs différents, réceptionne les commandes trop petites pour être synchrones
et les conditionne éventuellement pour des besoins de la production.
Depuis une dizaine d’années, certains constructeurs ont développé des parcs
industriels à proximité de leurs usines et ils invitent leurs partenaires à s’y
installer, au moins ceux qui fabriquent des sous-ensembles volumineux. Une

1. Cette conception en U de la ligne de montage est tout à fait différente de la conception en U du


poste de travail recommandée pour faciliter la polyvalence du personnel et faciliter les communica-
tions entre opérateurs.

382
8 • supply side 8.6 Comment améliorer la gestion des flux de
production ?

usine de Ford en Espagne a même mis en place des convoyeurs automatiques


entre le parc industriel et l’usine produisant la Smart a pris la configuration d’un
village industriel regroupant les équipementiers.

8.6 Comment améliorer la gestion des flux


de production ?
B
8.6.1 SMED et flexibilité générale des ateliers

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Une grande partie des efforts de la GPAO consiste à constituer des lots homo-
gènes à produire, minimisant les temps de changement d’outillage ou d’adap-
tation à de nouveaux formats. On a vu que, si le temps de changement d’un
outillage est de 100 minutes, ce temps s’imputera pour 1 minute sur chaque
article si on n’en produit que 100 et pour 6 secondes seulement si on en
produit 1 000. Mais il existe une deuxième voie à l’amélioration de la produc-
tivité-machine et donc à la diminution corrélative des coûts : c’est de diminuer
les temps de changement de production. Si l’on n’en produit que 100, mais
avec un temps de changement de production de 10 minutes, on revient avec
une série beaucoup plus faible au même temps de production. Mieux encore,
si on réduit ce temps de changement de production jusqu’à arriver à changer
de production en appuyant sur un bouton, l’on n’aura plus à se préoccuper de
produire des séries économiques et l’on aura résolu une bonne partie des
problèmes de planification de la production. On pourra particulièrement utiliser
le kanban avec un maximum d’efficacité.
L’idée appartient à l’École de Toyota et à M. Singeo Shingo (1988) qui s’en
est fait le promoteur. On constate en effet que, si la productivité des postes de
travail a donné lieu à des améliorations importantes d’abord par des études et
améliorations des procédures de poste puis, ces dernières années, par auto-
matisation, on ne s’est le plus souvent que peu préoccupé de ces temps de
changement de production. Or l’expérience commune montre qu’il est relative-
ment simple de les réduire de façon très importante en mettant en œuvre des
méthodes d’organisation qui ont fait leur preuve en d’autres temps sur les
postes de travail :
– analyse du travail de changement de production soit par observations
simples, soit par prises de vue ;
– séparation des tâches qui doivent impérativement être effectuées la machine
arrêtée, des tâches qui peuvent se préparer à l’avance sans arrêter la machine ;
– analyse des possibilités de réduction des temps d’opération pour les tâches
élémentaires et particulièrement pour celles qui ne peuvent se faire que la
machine arrêtée : par exemple remplacer les fixations et les réglages (visser
et dévisser, vérifier un positionnement, etc.) par des positions standardisées
accessibles au moyen d’un simple geste, standardisation des interventions en
minimisant les temps d’opération, etc. ;
– réalisation en simultanéité de tâches qui doivent se faire machine arrêtée par
exemple en utilisant plusieurs opérateurs dans le même temps.

383
8 • supply side 8.6 Comment améliorer la gestion des flux de
production ?

Toutes ces méthodes sont appelées SMED dans l’École de Toyota, soit Single
Minute Exchange Die (changement d’un outil en un nombre de minutes à un
seul chiffre). On peut ainsi espérer réduire à moins de dix minutes des opéra-
tions couramment effectuées en plusieurs heures. L’objectif ultime reste alors
le système OTED (One Touch Exchange Die), soit changement d’outil presse-
bouton.
Le SMED constitue un des points clefs du juste-à-temps. En effet, il ne sert à
rien de mettre en place une méthode comme le kanban si l’on doit continuer à
produire des séries économiques importantes. On ne fera qu’augmenter incon-
sidérément les stocks d’en-cours en les baptisant « kanban ». Mais l’on peut
remarquer que le SMED est finalement un moyen d’augmenter la flexibilité de
l’atelier. Or c’est bien là qu’est le cœur du problème. Le juste-à-temps consiste
à ne produire que lorsque les besoins de la commercialisation le demandent
et à produire autant qu’il est alors demandé. La capacité de production d’une
entreprise est bien entendu une contrainte, mais cette contrainte, peut être
réduite sensiblement par une recherche systématique de flexibilité.
On peut envisager de modifier les temps de production des équipements, soit
en arrêtant la production lorsque le besoin n’en apparaît pas, soit en augmen-
tant les temps de production lorsque c’est nécessaire. L’augmentation des
cadences n’est pas nécessairement une bonne solution car elle se traduit
souvent par une augmentation des pannes ou des défauts de qualité lorsqu’on
dépasse la vitesse normalisée. Lorsqu’on mesure le taux de rendement
synthétique d’une machine, on a tendance à considérer, comme temps de
production de référence, le temps d’ouverture de la machine ; un certain
nombre de consultants proposent d’établir le premier ratio : « temps utile de
production / (24 heures x 365 jours par an) ». On mesure alors la productivité
absolue de la machine et un ratio de 0,8 sur une durée de 8 heures, 252 jours
par an, devient alors 0,18. On mesure la réserve de productivité dont on
dispose à condition de régler les problèmes (coûteux) d’heures supplémentai-
res ou d’organisation différente des équipes, d’insertion de la maintenance
préventive dans les tranches d’inactivité, amélioration de la disponibilité, de la
qualité, etc. Le plus souvent une telle politique demande une plus grande poly-
valence du personnel, ce qui n’est pas nécessairement le problème le plus
simple à résoudre.

8.6.2 Diminution des manutentions


On a vu, dans l’exemple du montage automobile, la possibilité de livrer direc-
tement jusqu’à proximité du poste de travail les fournitures nécessaires. C’est
une optimisation importante de la manutention en évitant le passage par un
magasin central. On peut considérer que la ligne de montage elle-même a été
conçue pour optimiser la manutention, mais ce n’est pas le cas dans les entre-
prises qui fabriquent des produits multiples à travers des ateliers spécialisés.
Souvent les ateliers sont conçus selon une spécialisation technique et comp-
table de telle sorte que le bien en cours de production va effectuer à travers
les ateliers un long parcours en zigzag en fonction de son programme de fabri-
cation. Le bon sens commande de rapprocher les machines qui concourent à
la production d’un même bien de façon à constituer une sorte de ligne de
production comme une ligne de montage automobile. Bien entendu, il peut y

384
8 • supply side 8.7 Place de la logistique de production

avoir des variations selon les produits fabriqués, mais l’on doit s’efforcer de
minimiser les trajets moyens.
Les constructeurs automobiles se benchmarkent entre autres sur le nombre de
mètres parcourus pour un opérateur donné le long de la chaîne d’assemblage.
Il n’est pas rare de trouver des écarts de 50 % entre Toyota et ses concurrents
ce qui procure à Toyota un véritable avantage concurrentiel en termes
d’économies de temps, de délai d’écoulement, de diminution des surfaces
nécessaires et donc de niveau d’investissement et de productivité globale et
enfin de coût de revient industriel. B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


8.6.3 Technologies de groupe
Les technologies de groupe sont une méthode de rationalisation de la concep-
tion des pièces en les classant en fonction de leurs caractéristiques techniques
et de fabrication de façon à diminuer les temps d’étude, les différences entre
gammes, les temps de réglage et de changement d’outils. Il en résulte en outre
normalement une simplification de l’ordonnancement et de plus grandes faci-
lités pour organiser la production en lignes de produits voisins.
La méthode repose sur une codification des pièces dans une base de
données. Avant de créer une nouvelle pièce, on recherche systématiquement
s’il n’existe pas déjà dans la base une pièce ayant les mêmes caractéristiques
ou un groupe de pièces ayant suffisamment de points communs avec celle
dont on a besoin pour pouvoir l’intégrer dans le groupe en réutilisant le maxi-
mum de caractéristiques communes et en réutilisant les gammes standard
correspondantes.

8.7 Place de la logistique de production


La logistique est au cœur de la production et le système Toyota reconnaît une
égale importance de l’interopération face à l’opération génératrice de valeur
justement parce que l’interopération induit des délais, des stocks qui sont
contre-productifs au sens commercial et financier. Le système Toyota est
profondément logistique car il met l’accent sur le flux, la relation client-fournis-
seur à tous les stades internes et externes du processus industriel et le respect
de la promesse client. De plus comme cela a été mentionné, le développement
des processus Supply Chain entre les fonctions renforce le rôle joué par cette
fonction de gestion des interfaces.

8.7.1 Logistique amont


Par l’amont, la volonté de réduire les stocks amont a poussé les fabricants à
développer de nouvelles relations de partenariat et à minima de coopérations
avec leurs propres fournisseurs, particulièrement dans la construction automo-
bile. L’idée était à la fois de réduire les retards de livraison des fournisseurs et
de diminuer les stocks de composants et matiéres premières. Le danger était
– et reste toujours – de transférer le stock amont de l’usine à ses fournisseurs
avec un système de livraison rapide. Les coûts de ces nouveaux stocks des
fournisseurs se trouvent alors répercutés d’une façon ou d’une autre sur l’entre-

385
8 • supply side 8.7 Place de la logistique de production

prise qui achète. Pour éviter ce phénomène, il fallait mettre en place un vérita-
ble partenariat entre assembleur et sous-traitant conduisant à la réalisation
d’un juste-à-temps inter-entreprises. La négociation et la mise au point de
telles organisations de coopération industrielle ont nécessité l’intervention de
spécialistes logistiques, même dans les entreprises où la logistique n’avait pas
jusque là compétence sur les transports amont (franco) et les stocks amont
d’usine (service de production). Il leur a fallu par nécessité s’intéresser à la
gestion de ces flux depuis le fournisseur jusque sur le poste de travail à l’inté-
rieur de l’usine. Et l’on voit ainsi dans certaines usines automobiles des servi-
ces logistiques extérieurs à l’usine assumer la responsabilité d’approvisionner
les postes de travail à l’intérieur de l’usine.
Un autre effet de cette logistique amont est l’installation d’usines de sous-
traitance à proximité immédiate de l’usine d’assemblage. Ceci est courant
dans l’automobile où le juste-à-temps impose assez souvent des conditions
draconiennes de délai pour la fourniture de l’usine d’assemblage. Cette instal-
lation à proximité peut être le résultat d’un partenariat voulu entre le sous-
traitant et le fabricant qui peut même dans certains cas participer à l’investis-
sement ou elle peut être le simple résultat du jeu de la concurrence dans
lequel la proximité constitue un avantage compétitif non négligeable.

8.7.2 Logistique aval : le DRP


En aval, un autre phénomène est intervenu. Depuis quelques années, on a vu
se développer en Amérique du Nord un concept nouveau, le DRP (Distribution
Resource Planning ou parfois Distribution Requirements Planning) ou « plani-
fication des besoins de distribution ». On a vu (B.4.2) comment ce principe
repris par de nombreux fournisseurs de progiciels s’inspire du MRP et le
précède.
Tout ceci suppose un système d’informatique logistique intégré et totalement
transverse avec ses nombreux modules : prévisions, DRP, planification des
recomplétements, gestion des transports, gestion du stock central, planifica-
tion de la production, planification des approvisionnements, gestion des trans-
ports amont, etc. Déjà des systèmes de gestion intégrée de la chaîne
logistique incluent des modules de GPAO, même si ce n’est pas encore leur
point fort. Les logisticiens au centre de cette toile d’araignée ont ainsi tendance
à devenir par la force des choses les régulateurs des flux et des stocks dans
l’entreprise industrielle.
Un autre aspect de cette logistique aval est la décentralisation de productions
exceptionnelles. Les fabricants de verre optique fabriquent la plupart de leurs
verres en usine et approvisionnent des entrepôts régionaux de distribution,
mais on trouve parfois dans ces entrepôts la capacité de fabriquer à la
demande les verres les moins demandés à partir de verres semi-œuvrés
(Dornier, Fender, 2007).

8.7.3 Mythe du juste-à-temps et du zéro-stock


En 1991, Paul Ziipskin, un enseignant de l’Université de Columbia écrivait
dans la Harvard Business Review un article provocateur : « Does Manufactu-
ring Need a J.I.T. Revolution ? » traduit en français par « Le mirage du just-in-

386
8 • supply side 8.7 Place de la logistique de production

time ». « Ne vous amusez plus, écrivait-il, à essayer de devenir Toyota ! Le


mythe du “just-in-time” (juste-à-temps) est fini et le “zéro-stock” est une
absurdité... » Peu de doctrines de gestion industrielle auront soulevé autant
d’espoirs, de déclarations péremptoires, de controverses que le juste-à-temps
que nous n’avons d’ailleurs pas décrit ici, sinon sous quelques aspects :
kanban, relations avec les fournisseurs. Peu de doctrines auront également
permis de faire faire autant de chiffre d’affaires aux conseillers d’entreprise.
Le juste-à-temps fait partie de ces concepts « attrape-tout » comme la qualité
totale que l’on oublie toujours de définir ou d’une telle façon que toute démar-
che de bon sens peut s’y rattacher. Ainsi Walter Goddard (1990) intitule-t-il la
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


traduction française de son ouvrage sur le sujet : Décupler la productivité de
son entreprise par le juste-à-temps. Rappelons que décupler, c’est multiplier
par 10... Mais quand il vient à définir le juste-à-temps, il parle d’une « méthode
de gestion et d’organisation fondée sur la recherche et la suppression de tout
gaspillage afin d’améliorer en permanence la productivité ». Qui n’aurait pas
envie de lutter contre le gaspillage ? Il est tentant pour un financier de consi-
dérer comme gaspillage tous les stocks de l’entreprise et d’imaginer des flux
sans stocks. Mais face à des problèmes aussi complexes et aussi importants
pour une usine que la gestion de production, il faut une certaine prudence.
La gestion de production est pour le logisticien un nouveau territoire qu’il ne
peut ignorer dans l’entreprise industrielle tant sont étroits les liens entre
l’approvisionnement, la production et la livraison aux clients. Mais la gestion
de production est au cœur des métiers de la production : les opérateurs et
agents de maîtrise en vivent les conséquences au jour le jour. Il n’y a jamais
de miracles en ce domaine, mais il y a des catastrophes possibles.
Toute décision d’organisation, toute mise en place de nouvelles méthodes
et/ou de progiciels doit être étudiée dans le contexte des ateliers en tenant
compte de tout ce qui influe sur la vie quotidienne industrielle : l’état des
machines, la maintenance, l’organisation des équipes et du travail, la formation
du personnel et de son encadrement, la politique commerciale, etc. Il y a beau-
coup de questions qui n’ont pas été abordées ici :
– Faut-il commencer par réduire les stocks ou modifier d’abord les procé-
dures ?
– Faut-il réorganiser avant de mettre en place un progiciel de GPAO ?
– Comment donner plus d’autonomie au personnel, plus de polyvalence, plus
de... tout ?
– Comment choisir un progiciel de GPAO ?
– Faut-il commencer par fiabiliser les machines et comment (maintenance
préventive, TPM, MBF, etc.) ?
– Dans quels cas le SMED est-il recommandable ?
– Comment négocier avec ses fournisseurs quand on n’est ni Toyota ni
General Motor ?
– Comment négocier avec ses clients quand ils sont General Motor ou
Toyota ? etc.
On trouvera des éléments de réponses dans les ouvrages de référence. Il n’y
a cependant pas de solution toute faite. Il n’y a même pas de démarche
commune à toutes les entreprises. Tout cela demande du temps et la partici-

387
8 • supply side Bibliographie

pation de tous. Il n’y a peut-être que des problèmes à résoudre au jour le jour
avec des objectifs à long terme...

Bibliographie
Afnor Norme X 50-310, Organisation et gestion de la production industrielle – Concepts fondamen-
taux de la gestion de production – Définitions, Paris.
BÉRANGER P., Les nouvelles règles de la production, Dunod, 1987.
BIRONNEAU L., « Le pilotage par les contraintes en gestion industrielle : analyse de dix années
d’expérimentation », Revue Française de Gestion Industrielle, Volume 15, n° 3-4, Paris, 1996.
Centre d’Expérimentation des Progiciels (CXP), « Gestion de Production », Paris, 1995.
BOUNINE J., SUZAKI K. Produire juste-à-temps – Les sources de la productivité industrielle japo-
naise, Masson, Paris, 1989.
COLIN R., Le kanban, AFNOR, 2004.
GODDARD W., Décupler la productivité de son entreprise par le juste-à-temps, Éditions du Moni-
teur, Paris, 1990.
MOLET H., Comment maîtriser sa productivité industrielle, Cours de l’École des Mines, 2006.
NAKHLA M., L’essentiel du management industriel, Dunod, 2006.
PIMOR Y., La Maintenance productive, Masson, Paris, 1992.
SHINGO S., Maîtrise de la production et méthode Kanban (Toyota), Éditions d’Organisation, Paris,
1988.
WRIGHT O., Manufacturing Resource Planning, MRP II, 0WC, 1984.
ZIIPSKIN P., « Le mirage du just-in-time », Revue Harvard/L’Expansion, Paris, 1991.

388
9 • Demand side :
distribution

9 • DEMAND SIDE : DISTRIBUTION

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


La distribution est sans aucun doute la partie la plus sophistiquée et du moins
la plus dynamique des Supply Chains. En effet, les problématiques clés
auxquelles sont confrontés les distributeurs sont nombreuses et impliquent des
dimensions logistiques très fortes comme nous le montre les faits suivants :
– les distributeurs doivent faire face à un multiple foisonnement dû au nombre :
• de références de produits dans des gammes de température variées et
associant des marques d’industriels fortes et des marques de distributeurs
(MDD) ;
• des fournisseurs locaux, nationaux et du grand import ;
• des formats de magasins de 100 m 2 à plus de 20 000 m 2 pour lesquels des
cahiers des charges service devront être respectés pour faciliter la produc-
tivité et la fluidité de la mise en rayon des produits ;
• des pays couverts, certains distributeurs ne dégageant leur profit que des
pays « émergents » (Pays de l’Est, Chine, Brésil,…) alors que leurs
marchés domestiques connaissent un environnement marché très difficile.
– Cette variété est contraire au principe de massification des flux cher à tout
logisticien qui cherche à simplifier pour consolider et obtenir les économies
d’échelle. La seule solution consistera à gérer un catalogue de solutions logis-
tiques qui seront adaptées à la configuration de chaque pays et du contexte
local ;
– les distributeurs se situent à l’interface de la production et des consomma-
teurs et doivent faire face aux fluctuations de la demande. Celles-ci sont
renforcées par le jeu des actions promotionnelles et des évènements commer-
ciaux liés à un calendrier bien précis qui constituent une dimension essentielle
du commerce de détail ;
– la capillarité des points de vente, la fréquence des expéditions, le lien avec
le consommateur final et la couverture du dernier kilomètre qui en résulte sont
autant de facteurs qui ont tendance à augmenter les coûts de distribution ;
– la valeur moyenne des produits conduit à une pression sur les coûts qui
nécessitent de limiter les ruptures de charge, de rechercher la massification
du transport tant en amont qu’en aval et d’optimiser le niveau des stocks sans
oublier le coût de la logistique au sein des magasins. Il n’est pas faux de
manière assez grossière de dire que le coût global logistique se répartit de
manière équilibrée (un tiers) entre le coût logistique porté par le fournisseur
(entreposage, stock et transport d’approche), la logistique du distributeur
(entreposage, stock et transport de livraison) et la logistique en magasin
(réception, mise en linéaire, stock et coût de rupture de stock) ;

389
9 • Demand side : 9.1 Les trois âges de la distribution
distribution

– la pression sur les prix est une donnée essentielle. La montée en puissance
des Hard Discounters tels que Lidl et Aldi est un excellent marqueur de cette
tendance. Au niveau mondial, Carrefour se situe toujours fin 2006 avec
98 milliards de dollars de chiffre d’affaires au 2 e rang des distributeurs derrière
l’américain Wal Mart qui atteint 345 milliards de dollars mais talonné par le
Britannique Tesco qui est passé sur la période 2001-2006 de la 13 e place à la
4e. Les analystes prévoient qu’en 2008, Tesco ravira la 2 nde place du classe-
ment à Carrefour. Ce dernier n’a enregistré une croissance sur cette période
que de 6,6 % alors que la moyenne des 250 distributeurs mondiaux a connu
une croissance de 9,2 % (source Deloitte). Pour conclure sur l’importance du
facteur prix, Lidl a gagné 23 places sur la période 2001-2006 pour figurer
désormais dans le Top 10 mondial avec une croissance moyenne de 12 %.
Face à cet environnement, les distributeurs sont à la recherche de solutions
innovantes dans les champs fonctionnels et opérationnels de la logistique en :
– mettant des entrepôts massificateurs amont qui permettent de massifier les
approvisionnements. Cette solution qui s’appuie sur des collectes du type
multi-pick, des conditions d’approvisionnement qui abandonnent le franco à
l’enlèvement permettent d’atteindre des barèmes quantitatifs (BQ) qui génè-
rent des économies et la mise en œuvre de système TMS (Transport Mana-
gement System). Malgré la double rupture de charge, les gains en transport
sont significatifs ;
– testant des solutions rendues possibles par les nouvelles technologies (prépa-
ration de commande en mode vocal, utilisation du RFID, WMS (Warehouse
Management System), etc.) et en industrialisant les opérations logistiques ;
– développant des collaborations avec les fournisseurs tout en prenant en
compte leur maturité logistique ;
– en développant des solutions alternatives en fonction du type de fournis-
seurs, de produits et de magasins.
C’est ce que nous allons découvrir dans ce chapitre.

9.1 Les trois âges de la distribution


La distribution, grande ou petite, considérée du point de vue des flux, mobilise
des ressources logistiques importantes. Elle consiste à apporter les biens de
consommation, fabriqués ou conditionnés dans des usines, jusque dans le loge-
ment de chaque consommateur. Elle résulte naturellement de la grande indus-
trie et de son éloignement des consommateurs. Bien entendu, comme les
produits de grande consommation (PGC) et les produits Frais (PF) constituent
la plus grande partie des échanges, logistique et grande distribution vont de
pair : la logistique dépend étroitement des formes que revêt actuellement la
distribution ou qu’elle pourrait revêtir dans les prochaines années, et les formes
variées que peut revêtir la distribution sont étroitement contraintes par les orga-
nisations logistiques économiquement possibles.
On peut distinguer trois âges dans la grande distribution : ce qui existait autre-
fois, la distribution historique, ce qui existe aujourd’hui, l’âge d’or de la grande
distribution, ce qui existera peut-être demain, et qui est du domaine de la
conjecture, la grande distribution à domicile.

390
9 • Demand side : 9.1 Les trois âges de la distribution
distribution

9.1.1 La distribution historique


Il y a un demi-siècle, la distribution ne connaissait que deux variantes. Les
marchandises parvenaient depuis les usines jusqu’au consommateur :
– soit par l’intermédiaire de boutiques,
– soit par l’intermédiaire de grands magasins de centre ville.
Les marchandises produites dans les usines et stockées dans les magasins
d’usine étaient expédiées, assez souvent par chemin de fer, aux magasins
régionaux du producteur ou parfois directement à des grossistes. Des maga- B
sins régionaux, elles étaient ensuite expédiées à des grossistes et ceux-ci

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


les livraient à des détaillants. Ce dernier transport relativement court était
effectué par des camions, ou même des voitures à cheval dans les villes
jusqu’au début des années 50. Le consommateur allait, lui, faire ses courses
à pied ou par les transports en commun. Il achetait peu à chaque fois mais
souvent et rapportait ses achats chez lui où d’ailleurs jusqu’aux années 60,
il disposait de peu de moyens de conserver des produits frais. Les grands
magasins des centres villes offraient un choix plus large d’articles de mode
ou autres produits « secs », avec des possibilités de livraison à domicile,
pour l’ameublement par exemple. Mais la plus grande part était rapportée
chez lui à pied par le consommateur. Logistique et distribution étaient liées
avec des boutiques dans chaque village ou chaque quartier de ville, des
grossistes et magasins régionaux d’usine dans chaque région, des transports
à longue distance par chemins de fer et des transports de courte distance
par petits camions et camionnettes (figure 9.1). Cette distribution qui mobili-
sait une armature commerciale importante et des stocks considérables était
chère.

Flux de produits de grande consommation

Usine et Magasins Grossistes Boutiques Logement


magasin régionaux
national

Commandes Commandes Commandes Déplacement


du consommateur

Figure 9.1 – La distribution historique.

391
9 • Demand side : 9.1 Les trois âges de la distribution
distribution

9.1.2 L’âge d’or de la grande distribution


C’est le système que nous connaissons actuellement et qui prend trois formes
distinctes :
– les hypermarchés qui représentent 32,9 % (en baisse depuis 1999) des
ventes au détail alimentaire en 2006 (source INSEE) et 13,2 % pour les
produits non alimentaires et les supermarchés qui pèsent respectivement 33 %
(en hausse depuis 1999) et 4,4 % ;
– des boutiques d’autre part, y compris à côté des boutiques indépendantes
du petit commerce, de véritables chaînes participant de la grande distribution
et parfois pilotées par des entreprises virtuelles ;
– la vente à distance, un peu en déclin jusqu’à l’arrivée d’Internet, mais qui, sans
aucun doute, constitue aujourd’hui un canal de distribution à part entière.

 Le système des hypermarchés et supermarchés


Le système des hypermarchés et supermarchés est un système logistique qui fait
intervenir fabricant, grande surface et le consommateur lui-même. En amont, on
trouve les entrepôts d’usine, puis les plates-formes d’usines ou de distributeurs
et arrières-magasins entre lesquels les flux se rejoignent avec des transports
longue distance et des tournées. Le consommateur remplit d’ailleurs une part non
négligeable de ces activités logistiques, sans aucun doute la plus coûteuse :
– se rendre au supermarché ou hypermarché et choisir ce qu’il lui faut ;
– assurer le picking en rayons et pousser son caddie aux caisses enregistreu-
ses d’abord, puis jusqu’à son propre véhicule ;
– transporter les produits qu’il a achetés jusque chez lui avec son automobile ;
– transférer les biens de son véhicule à son domicile ;
– les ranger dans ses placards, réfrigérateur et congélateur.
Ce rôle du consommateur ne doit pas être sous-estimé. Il a permis de réduire
considérablement les coûts de la distribution. Il faut en effet se souvenir du
« principe exponentiel de descente d’un réseau arborescent » qui veut que la
partie la plus coûteuse du parcours d’un réseau soit la partie la plus basse.
Chaque consommateur n’a besoin en effet que de quantités très faibles de
plusieurs produits à sélectionner, manutentionner et transporter sur de courtes
distances, ce qui correspond aux conditions les plus onéreuses de toute logis-
tique. Ce coût se réduit dans la mesure où le consommateur ne procède plus
à des achats quotidiens mais peut stocker grâce à son équipement de réfrigé-
rateur et congélateur. Il doit alors emporter des chargements plus importants,
dans la limite d’un caddie et du coffre de sa voiture. Le transport en automobile
permet d’installer les surfaces de vente en périphérie des villes, là où le terrain
est moins cher et surtout où l’on peut organiser des parkings occupant une
surface plus importante que la surface de vente proprement dite, selon le
dicton nord-américain « no parking, no business ».
En vingt ans, on a assisté à une concentration et une certaine internationali-
sation de cette forme de distribution, en même temps que se développait en
France une infrastructure importante de 1 525 hypermarchés, 5 400 supermar-
chés, 4 229 hard discount, 5 224 points de vente bricolage et 1 452 points de
vente dédiés au jardinage (en octobre 2007, source INSEE). Ces structures

392
9 • Demand side : 9.1 Les trois âges de la distribution
distribution

Flux de produits de grande consommation

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Usine et Plate-forme Supermarché Logement
magasin distributeur
national

Commandes Commandes Déplacement du


consommateur

Figure 9.2 – La grande distribution actuelle.

nouvelles sont, soit des structures intégrées, anciens succursalistes comme


Casino ou nouveaux exploitants comme Carrefour et Auchan, soit des structu-
res associées de commerçants indépendants comme Leclerc et Intermarché.
Ce développement s’est opéré au détriment de la distribution historique, ce
qu’on appelle le petit commerce, au moins pour les PGC. Bien entendu, ce
paysage de la grande distribution en France n’est pas si simple (tableau 9.1).
On peut remarquer que cet âge d’or de la grande distribution se manifeste avec
des intensités différentes selon les pays, comme le montre une étude menée
chez un producteur international de produits frais et ultra frais (tableau 9.2).
La concentration des surfaces de vente varie de 0,9 à 4,8 mais la concentra-
tion des points de livraison (PDL) et donc de l’intégration logistique de la
grande distribution varie de 150 à 70 000 avec la spécificité de l’Allemagne.
La France est dans une situation de concentration importante alors que l’Italie
reste un pays très fragmenté.
On assiste d’ailleurs depuis quelques années à une concentration croissante
et une certaine internationalisation de la grande distribution. Ainsi Carrefour a
absorbé Promodès en 1999, Auchan a absorbé Docks de France. Monoprix
est détenu à 50/50 par Casino et les Galeries Lafayette et il n’est pas exclu
que ce dernier ne vende sa part à Casino qui pourrait aussi acquérir les 42 %
de Cora détenus par la Deutsche Bank. En effet, il n’y a plus beaucoup de
possibilités de développement en France où il est devenu très difficile d’ouvrir
de nouveaux magasins.
Ces concentrations ont fait de Carrefour le deuxième distributeur mondial en
2003, alors qu’il était huitième en 1997, et réalise désormais moins de 50 %
de son chiffre d’affaires en France. Car l’enjeu est désormais international.
WallMart, leader mondial, est désormais établi en Europe (Allemagne et
Grande-Bretagne) bien qu’il ne détienne encore que 9 % du marché nord-
américain. Seuls les distributeurs indépendants en France restent en dehors

393
9 • Demand side : 9.1 Les trois âges de la distribution
distribution

Tableau 9.1 – Paysage de la grande distribution en France

Type Exemples Caractéristiques

Grands Magasins Nouvelles Galeries, Installés en centre ville,


Le Printemps, beaucoup d’articles
Galeries Lafayette, (de 40 000 à 250 000),
Le Bon Marché, etc. niveau de service élevé,
prix élevés

Magasins Prisunic, Monoprix Installés en centre ville


populaires le plus souvent, rayon
alimentation très
important, faible niveau
de service

Grandes Carrefour (+ Erteco, Installés en périphérie


entreprises exploitant Picard, Comptoirs urbaine, prix bas, actions
de grandes Modernes-Stoc, marketing soutenues
surfaces (GEGS) Métro, Cora-Match, Hypermarchés : > 4 000 m2
et anciens magasins Promodès, Très Grands
à succursales multiples Continent, Supermarchés : > 2 500 m2
Champion, Shopi, 400 m2 < Supermarchés
Codec, Promocash), < 2 500 m2
Auchan (ATAC, 400 m2 < Hard discount
Simply Market), < 900 m2
Ed, 33 m2 < Supérettes
Casino (+ Géant, < 400 m2
Leader Price, 2 500 m2 < Cash and Carry
Coccinelle, Franprix), < 3 500 m2
ALDI, LIDL

Groupements Leclerc, Intermarché, Installés en périphérie


de détaillants Système U urbaine, prix bas, actions
et chaînes volontaires (Marché U, Super U) marketing soutenues
Hypermarchés : > 2 500 m2
400 m2 < Supermarchés
< 2 500 m2
400 m2 < Hard discount
< 800 m2

Magasins spécialisés sous Darty, Ikea, Installés en périphérie


forme de groupements Bricorama, GoSport, urbaine et parfois en
de détaillants réunis en concessionnaires centre ville, souvent
chaîne pour la distribution de grandes marques au voisinage
de produits tels que : automobiles, etc. d’hypermarchés, actions
ameublement, Carpet land, marketing soutenues
électroménager, produits de Pet’sMart (groupe de 400 m2 à 1 500 m2
bricolage et de construction, Carrefour), Jardiland
automobiles, jardineries,
articles de sport, etc.

de ces mouvements d’intégration et d’internationalisation malgré quelques


accords européens et cela est cohérent avec leur structure capitalistique. Les
ventes de Leclerc sont encore françaises à plus de 90 % et Système U, sans
être implanté à l’étranger, voit cependant ses parts de marché augmenter en
France. Il n’est donc pas évident que les mouvements actuels se poursuivent

394
9 • Demand side : 9.1 Les trois âges de la distribution
distribution

Tableau 9.2 – Exemple de l’intensité de concentration de la distribution


des produits frais en Europe

Nombre de points
Nombre
de livraison (PDL)
de magasins
pour avoir accès à 95 %
pour 1 000 habitants
du marché

Italie 4,8 70 000

Portugal 40 10 000
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Espagne 2,7 30 000

Belgique 1,6 600

France 10 300

Royaume-Uni 0,9 150

Allemagne 0,9 5 000

mais, quoi qu’il en soit, l’on imagine bien les résultats de ces évolutions actuel-
les sur la logistique de distribution.

 Les boutiques et entreprises virtuelles


La grande distribution ci-dessus n’exclut pas l’existence de boutiques en
centre ville qui peuvent prendre des formes différentes :
• supérettes de la grande distribution ;
• boutiques individuelles survivantes de la distribution historique, y compris ce
que les Canadiens francophones appellent les « dépanneurs » qui offrent des
PGC de proximité avec des horaires d’ouverture très larges ;
• boutiques offrant des prestations ou produits qui impliquent la proximité des
acheteurs et un service développé : cafés, restaurants, traiteurs, etc. ;
• chaînes de boutiques vendant des produits exclusifs soutenus par une publi-
cité importante et un haut niveau de service : mode, informatique, etc.
Cette dernière catégorie est importante car elle constitue souvent la partie visi-
ble d’une nouvelle forme de production et distribution : les entreprises virtuel-
les (A.2.7). On y voit apparaître le rôle fondamental de la logistique qui devient
un élément clé d’une telle organisation. Au même titre que la marque ou les
brevets, l’organisation et l’informatique constituent un facteur clé de contrôle
(au sens américain du mot).

9.1.3 La vente à distance (VAD)


La vente à distance anciennement appelée vente par correspondance est apparue
en France dans les années 60 avec ses caractéristiques actuelles (figure 9.3) :
– mise à disposition du consommateur, à titre gratuit ou onéreux, de volumi-
neux catalogues illustrés en couleur de souvent plus de 1 000 pages offrant
un grand choix de produits ;

395
9 • Demand side : 9.1 Les trois âges de la distribution
distribution

Flux de produits de grande consommation

Usine et Magasin
distributeur Logement
magasin
national

Commandes
Commandes
Internet

Figure 9.3 – La grande distribution à domicile.

– commande passée par le consommateur, soit par lettre, soit par téléphone,
ou encore par Minitel ;
– paiement par chèque à la commande, carte bleue (numéro donné au télé-
phone) ou paiement à réception ;
– expédition de type colis postal livré à domicile, avec possibilité de le retirer
soit à la poste, soit dans une boutique – prise de rendez-vous du transporteur
pour les colis les plus encombrants et centre de renseignement téléphonique
susceptible de tracer la situation d’une commande.
La VAD a connu une croissance de chiffre d’affaires de 17 % en 2006 pour un
total de 18 milliards d’euros en France pour lequel le e-commerce représente
11,9 milliards soit les deux tiers et a connu une croissance de 37 % en 2006.
La vente de produits représente également des deux tiers des ventes effec-
tuées en VAD ce qui a représenté 240 millions de colis en 2006 (source
FEVAD). Les modalités de passation de commande sont bien évidemment
représentées en tendance forte par Internet qui est passé de 4 % en 2000 à
41 % en 2006, ce pourcentage représentant la proportion de Français passant
des commandes régulières ou de temps en temps, le téléphone portable
faisant son apparition en 2006 avec 5 % sachant que 73 % des Français achè-
tent en mode VAD.
Les sites les plus visités sont eBay, voyages-sncf.com, La Redoute, FNAC,
CDiscount. Les besoins des clients en matière de mode de livraison sont pour
81 % d’entre eux la livraison à domicile, la livraison sur des points relais pour
46 %.
Les catégories de produits les plus vendues par internet sont les suivantes par
ordre décroissant en % des internautes : les voyages (59 %), les services
(56 %), les produits techniques (52 %), les produits culturels (51 %), les vête-
ments (49 %) puis la maison (29 %).

396
9 • Demand side : 9.1 Les trois âges de la distribution
distribution

Les entreprises n’échappent pas au phénomène de la commande par internet,


28 % des entreprises ayant acheté en ligne en 2006. Il y a de la marge sachant
qu’au Royaume Uni, c’est 64 % des entreprises qui ont recours à ce canal
(source Eurostat, 2007).
La rentabilité de la VAD s’est dégradée au cours des dernières années. Les
quelques chiffres clés suivants donnent l’ampleur des solutions logistiques
mises en œuvre pour soutenir l’offre commerciale : 200 000 références articles
qui se répartissent en 3 catégories de produits (les petits articles qui représen-
tent 90 % des ventes, les vêtements sur cintre et les articles encombrants), B
3 400 points de livraison sachant que les livraisons à domicile représentent

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


10 % du volume total, 100 000 commandes par jour et 15 % des flux qui sont
retournés pour échange ou pour substitution par un autre article ce qui mobi-
lise un effectif très significatif pour traiter ce flux.
Trois réponses ont été apportées à cette situation :
– le développement international. À titre d’exemple, Redcats, 3 e acteur de la
VAD mondial, fédère autour d’un métier commun des marques historiques à
forte identité, leaders sur leurs marchés de référence : La Redoute, La Maison
de Valérie, Vertbaudet, Somewhere, Cyrillus, Daxon, Edmée, Empire Stores,
Ellos, Josefssons, Chadwick’s, Metrostyle, Jessica London, Woman Within,
Roaman’s, KingSize, Brylane Home. Présent dans 28 pays et en particulier la
France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, Redcats Group se développe
sur un mode de distribution multicanal : catalogues, magasins spécialisés et
Internet. Redcats filiale du groupe PPR a atteint un chiffre d’affaires de
4,3 milliards d’euros en 2006 et dégagé un résultat opérationnel courant de
5,2 % par rapport au chiffre d’affaires. La conséquence est pour Redcats de
gérer quelque 60 sites Internet marchands ;
– la multiplication des catalogues, des marques pour mieux répondre à une
logique de segments marchés de plus en plus fins. Il n’est pas rare de trouver
plusieurs dizaines de catalogues en fonction des produits offerts et des
segments de clientèle visés auxquels est appliquée une logique de micro-
marketing. Pour Redcats, la vente par catalogue est encore majoritaire avec
64 % de part de marché mais s’appuie sur 17 marques ;
– le développement de magasins spécialisés dont l’activité reste néanmoins
très marginale (4 % du chiffre d’affaire pour Redcats).
Un autre développement est l’ouverture de magasins, bien que toutes les
tentatives en ce sens n’aient pas été couronnées de succès. Cependant, la
logique catalogue/point de vente semble mieux s’adapter aux vépécistes
spécialisés Cyrillus, filiale spécialisée de La Redoute qui a fondé sa réussite
sur une offre BCBG, et Yves Rocher en sont les meilleurs exemples. Le maga-
sin ne doit pas être un moyen de prise de commandes supplémentaires, expli-
que un expert en marketing, mais il doit permettre de toucher une clientèle
différente à d’autres époques de l’année. Avec ses 640 magasins, Yves
Rocher espère élargir sa cible en attirant une cliente plus jeune qui ne
commande pas forcément par correspondance.
Dans le domaine de l’alimentaire, il ne reste plus que quelques acteurs qui se
partagent le marché, la logique étant de devenir gros le plus vite possible pour
dégager des économies d’échelle et mieux remplir les camions de livraison
vers les domiciles des clients sachant que le coût du dernier kilomètre est

397
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

prohibitif. En l’espace de 5 ans, Ooshop, site marchand du e-commerce et


filiale de Carrefour a changé à trois reprises d’organisation logistique pour
suivre le développement des volumes et de la couverture géographique. Le
modèle cible s’appuie sur un site logistique situé à Marly-la-Ville qui constitue
un véritable pari suite au choix d’automatisation et de mécanisation dont il a
fait l’objet. Le catalogue article qui comprend 8 000 références dont 2 000 sont
vraiment actives intègre les 3 températures (ambiante, froid positif et surgelés)
ce qui pose des problèmes d’entreposage, de préparation de commande et de
transport compliqués et pour lesquels les solutions sont coûteuses. Ce n’est
certainement le prix de livraison appliqué au panier qui permet de couvrir les
frais réels. La participation aux frais de livraison est effectivement de 9.95
euros réduits de 6 euros pour tout panier supérieur ou égal à 180 euros (hors
frais de livraison). C’est clairement incitatif mais inférieur au coût réel.
Un dernier exemple est celui de CDiscount leader du e-commerce, filiale à
60 % de Casino depuis septembre 1998. Cette société a atteint un chiffre
d’affaires de 400 M€ en 2005, prépare et expédie 25 000 commandes par jour.
Pour poursuivre leur optimisation, la logistique opérationnelle sera centralisée
sur 1 entrepôt central de 100 000 m 2 à la place de 7 entrepôts éclatés repré-
sentant 55 000 m 2 qui sera en mesure de traiter 180 000 colis en 2009, 72 000
commandes par jour, de gérer 55 000 références en stock et 20 000 chez les
fournisseurs.

9.2 La logistique de la grande distribution


9.2.1 La logistique des points de vente
Les points de vente de la grande distribution (GMS) constituent la plus grande
part des extrémités de la supply chain, ses points de contact avec la clientèle.
C’est là que se fait la rencontre entre l’offre et la demande, là que la demande
finale est saisie dans les caisses enregistreuses et que les données peuvent
être éventuellement redistribuées aux autres participants à la supply chain.
Extrémité logistique, elle comporte aussi sa logistique propre pour amener les
produits finis jusqu’aux linéaires. Mais c’est une logistique très particulière
puisqu’elle est le moteur de la vente : les liens entre cette logistique des points
de vente et le merchandising sont très étroits et doivent être explicités,
d’autant plus que l’on assiste depuis quelques années à un important mouve-
ment de centralisation qui tend à faire remonter en amont de la supply chain
la décision logistique.

 La gestion des linéaires


Les linéaires, longueurs des supports de présentation des produits le long des
allées d’une GMS, remplissent un triple rôle :
– ils jouent le rôle commercial direct puisque c’est là que le client va se servir
et que les ventes de chaque produit dépendent étroitement de sa place en
linéaire (emplacement et facing) ;
– ils jouent un rôle commercial indirect en présentant pour chaque GMS son
assortiment, c’est-à-dire son choix de familles de produits (largeur) et son
choix de produits dans chaque famille (profondeur) ; avec l’organisation même

398
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

du magasin (zoning), l’un et l’autre sont caractéristiques de la GMS et de son


enseigne vis-à-vis d’une clientèle et d’une zone de chalandise ;
– ils constituent une part importante du stock de la GMS et c’est là que se
rejoignent merchandising et logistique.
Le rôle commercial direct du linéaire est bien connu. L’importance des ventes
d’un produit dépend de son facing, c’est-à-dire du nombre de centimètres
qu’il occupe sur une tablette de linéaire. Le chiffre d’affaires généré n’est
bien entendu pas proportionnel à son facing mais il existe des relations telle
la courbe d’élasticité du linéaire (figure 9.4) qui montre que, passé un seuil B
de facing, les ventes augmentent rapidement jusqu’à un seuil de saturation

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


à partir duquel elles augmentent de moins en moins avec la croissance du
facing.
La détermination de l’assortiment et sa répartition en linéaire sont des opéra-
tions complexes puisqu’elles doivent générer les bénéfices mêmes de la GMS.
On va donc calculer pour chaque article le bénéfice qu’il apporte par unité de
linéaire développé en tenant compte des trois sources de bénéfice :
– la marge avant définie à la fois par le taux de marque (rapport entre le béné-
fice sur facture et le prix de vente hors TVA) et le taux de rotation de l’article ;
– la marge arrière définie par la totalité des remises que le fournisseur consent
sur le produit sous forme de remises de fin d’année, primes de référencement,
accords de linéaire, etc. ;
– le bénéfice financier résultant du placement du montant des ventes pendant
le délai de paiement (il peut être de 30, 60 ou 90 jours et fin de mois, ce qui
fait en moyenne 15 jours de plus…).
On doit d’autre part tenir compte de la nécessité de présenter un certain
nombre de produits incontournables même si le bénéfice qu’ils dégagent est
moins satisfaisant.

Ventes

Linéaire

Seuil Seuil
minimum maximum

Figure 9.4 – Courbe d’élasticité du linéaire.

399
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

Maintenant le linéaire représente aussi le stock, ou une part importante du


stock de la GMS. Ce stock doit permettre d’éviter les ruptures en linéaires qui
se traduisent directement par une absence de ventes, plus ou moins compen-
sée par l’achat d’autres produits mais qui peuvent entraîner aussi une
absence d’achat ou même une perte de clientèle. Le linéaire doit donc
permettre non seulement la rentabilité mais les ventes, compte tenu du taux
de rotation du produit, de ce que l’on peut conserver en arrière-magasin et de
la fréquence des livraisons, le tout en tenant compte des différences de
ventes selon les jours de la semaine et les périodes. Le problème se compli-
que avec une certaine tendance à réduire les superficies des arrière-maga-
sins pour augmenter les surfaces de vente, les coûts croissants des
transports et la réduction des heures de présence du personnel pour le réas-
sortiment des linéaires. D’autre part, entre 1980 et 2000, les surfaces de
vente n’ont progressé que de 10 % alors que le nombre de références en
linéaire a progressé de 220 %. On imagine bien la complexité nouvelle que
tout cela entraîne.
Le pipe-line logistique depuis le fournisseur jusqu’au caddy du client de la GMS
est donc un système dont le réglage est de plus en plus complexe, non seule-
ment par la variété des systèmes de transport et de conditionnement entre les
fournisseurs et les distributeurs mais par la technique même de la vente en GMS.

 Les étapes du réassortiment des linéaires1


Amener les produits jusqu’aux linéaires demande un certain nombre de déci-
sions successives qui tendent toutes à être prises de plus en plus en amont
des surfaces de vente.
– Le référencement est désormais réalisé au niveau national au moins pour
les produits non alimentaires dans la plupart des enseignes, tout en laissant
quelques possibilités de référencement au niveau des magasins.
– L’assortiment, c’est-à-dire le choix des produits à mettre en linéaire, était
autrefois la responsabilité du chef de rayon. Il tend désormais à être centralisé,
de façon à tenir compte de la complexité des choix à effectuer. Cela n’est
cependant pas sans poser quelques problèmes pour la prise en compte des
spécificités locales qui ne sont pas toutes paramétrables.
– L’approvisionnement, la partie proprement logistique de la procédure,
consiste à effectuer des prévisions de vente aux différents échelons puis un
choix de filière passant par de véritables stocks régionaux ou même nationaux.
– La mise en linéaire demande une opération de manutention manuelle entre
l’arrière-magasin ou le quai de déchargement et le linéaire. Cette opération
peut prendre beaucoup de temps si elle s’exécute tout au long de la journée.
Une bonne prévision, des facings adaptés, une bonne connaissance des taux
de rotation selon les différents jours de la semaine permettent éventuellement
de préparer ces réassortiments en plates-formes par rayons ou mêmes linéai-
res avec des palettes ou des rolls adaptés et de gagner beaucoup de temps
tout en réduisant les ruptures en linéaires. Il semble cependant que les GMS
aient de plus en plus de mal à organiser ces opérations avec le personnel
disponible et ses conditions de travail. Il est assez fréquent que la mise en

1. Voir sur cet aspect de la centralisation en cours, P. Lachaize, 2002.

400
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

linéaire ou en gondole des articles soit effectuée par le fournisseur. C’est une
prestation supplémentaire négociée avec lui lors de l’achat ; il arrive aussi que
cette prestation effectuée par le distributeur soit facturée au producteur en
marge arrière. Ces travaux sont alors souvent effectués par une entreprise
spécialisée ou par une main-d’œuvre intérimaire recrutée par le responsable
commercial ou l’agent commercial du fournisseur.

 Les ruptures en linéaires et le taux de service au consommateur final1


Les ruptures en linéaires constituent le côté négatif du taux de service au B
consommateur final. C’est d’ailleurs comme cela qu’on les définit avec :

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Taux de service au consommateur en % = 1 – Taux de rupture en %
Selon ECR France, « un produit est dit en rupture magasin lorsque le consom-
mateur ne peut l’acheter, ne l’y trouvant pas, alors que ce produit est habituel-
lement présent dans le linéaire ».
On peut mesurer ces ruptures de plusieurs façons soit par relevés périodiques
en linéaire comme dans l’étude citée ci-dessous, soit par calcul à partir des
relevés de ventes aux caisses enregistreuses. Les relevés ne peuvent être
qu’occasionnels et sont d’ailleurs de moins en moins fréquents avec la centra-
lisation des décisions car des relevés de facing étaient assez souvent effec-
tués jusqu’à présent par des agents dépendants du responsable commercial
du secteur du fabricant ou d’un agent commercial et permettaient au fournis-
seur de vérifier le facing, éventuellement contractuel de ses produits – ou leur
mise en gondole – et les éléments comparatifs de la concurrence.
Une méthode nouvelle proposée à l’ECR France par l’IRI SECODIP et expéri-
mentée en 2002 consiste à traiter par informatique les relevés des caisses
enregistreuses en déterminant les ruptures par comparaison des ventes d’un
article d’une journée avec la moyenne des ventes sur les semaines précéden-
tes. Si au cours d’une journée, les ventes sont nulles, on considérera qu’il y a
rupture complète ; si au cours d’une journée, les ventes sont anormalement
basses, par exemple à 1 ou 2 écarts types des ventes moyennes, on considère
qu’il y a une rupture partielle. On peut alors établir des taux de rupture de deux
natures :
– TRQC : pourcentage du nombre des références avec ventes nulles pour le
jour analysé sur le nombre de références vendues dans les semaines précé-
dentes pour le même jour de la semaine ;
– TRQP : pourcentage du nombre des références avec des ventes anormale-
ment basses sur le nombre de références vendues dans les semaines précé-
dentes pour le même jour de la semaine.
On peut pondérer ces données par le chiffre d’affaires réalisé et l’on voit
s’esquisser la possibilité d’une surveillance permanente des ruptures de façon
à en diminuer progressivement le nombre et l’importance.
Le problème est en effet que les taux de rupture de la grande distribution sont
importants ; une étude réalisée en 2000 sous l’égide d’ECR France dans
115 hypermarchés et 3 415 supermarchés sur 100 familles de produits

1. Voir T. Jouenne, 2003.

401
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

pendant un an, montre des taux de 9 à 16 % selon les familles, avec une
moyenne de plus de 10 % (tableau 9.3).

Tableau 9.3 – Taux de rupture de la grande distribution


(étude ECR France – Valtech Axelbos, 2000).

Italie 13,8 %

Luxembourg 11,9 %

Belgique 10,4 %

France 10,3 %

Allemagne 9,5 %

Portugal 7,7 %

Espagne 7,3 %

Liquides 9,5 %

Produits frais 11,6 %

Épicerie 8,7 %

DPH 12,0 %

Basar 16,0 %

Ces taux varient suivant le jour de la semaine (ils sont plus importants les
lundi, mercredi et samedi) 1, l’heure de la journée (plus importants le soir), avec
de fortes disparités entre les GMS. Ils augmentent également avec les promo-
tions qui viennent modifier les paramètres des produits concernés et de leurs
concurrents.
Ils varient également selon les pays et seraient relativement forts aux États-
Unis (entre 12 et 22 % selon l’IRI).
L’étude IRI SECODIP de 2000 a montré que les ruptures partielles ou complè-
tes analysées représentaient 14 % du chiffre d’affaires, ce qui est énorme
même si une part importante des ruptures est compensée par des achats de
substitution que l’on ne mesure pas.
Le groupe de travail de l’ECR France qui a effectué cette étude a relevé 13
causes de ruptures dont 80 % sont dues à l’environnement du magasin
(merchandising, systèmes d’information et ressources humaines). On remar-
que en effet que l’approvisionnement du distributeur est de plus en plus perfor-
mant, particulièrement dans les conditions de la GPA (gestion partagée des
approvisionnements).
Les principales causes de rupture en magasin relèvent de la fréquence et du
moment du réapprovisionnement du linéaire, une gestion défaillante en

1. Les ventes du vendredi et du samedi représentent en moyenne 50 % des ventes de la semaine.

402
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

l’absence de réserve au point de vente, une fréquence insuffisante des réap-


provisionnements magasins par les entrepôts et plates-formes, un système
automatisé de réapprovisionnement mal adapté. On relève aussi des capacités
de linéaire inadaptées à la rotation du produit, des difficultés dans la gestion
des références concernées par les promotions, des difficultés à anticiper les
pics de vente, etc. Du côté des fournisseurs, on trouve des ruptures en fabri-
cation ou en disponibilité d’emballages, des problèmes de livraison et aussi
des colisages inadaptés par rapport à la rotation.
B
9.2.2 Les facteurs de cette logistique

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


L’organisation logistique qui permet d’amener les produits d’un industriel
jusqu’à une grande surface dépend de beaucoup de facteurs.

 Nature des produits


Si la grande distribution semble présenter une certaine unité dans l’organisa-
tion de ses surfaces, il faut cependant tenir compte de la variété de ses
produits qui n’ont ni les mêmes caractéristiques de marketing, ni les mêmes
caractéristiques logistiques. Ainsi, les eaux de boisson qui peuvent représenter
1 % du commerce alimentaire sont des produits ayant une faible valeur au
kilo ; en revanche, on considère que le consommateur attache une très grande
importance au prix d’achat des marques nationales de telle sorte qu’il peut
changer de grande surface s’il trouve moins cher pour sa bouteille de Vittel ou
d’Évian. Il en résulte que la plupart des distributeurs vendent les eaux à un
prix minimal. Ils les vendaient même à perte jusqu’à ce que la loi Galland de
1996 leur interdise désormais cette pratique.
Les produits peuvent différer aussi par les contraintes réglementaires qui
entourent leur distribution.
Il existe en outre des différences importantes entre :
– les produits de marques de fabricant ; le fabricant en assure la promotion et
le présente sous un emballage unique qui facilite sa gestion logistique ;
– les premiers prix, produits vendus sous un nom de marque différent à un prix
plus faible et qui doivent recevoir au moins un emballage différent ;
– le produit de marque de distributeur ; c’est un produit qui peut être fabriqué
simultanément ou successivement par différents producteurs ; le packaging en
reste assuré par le fabricant qui doit alors gérer des quantités beaucoup plus
faibles sans toujours savoir à l’avance quelles seront les commandes du
distributeur ; il risque en permanence, soit d’être en rupture de stock, soit de
se retrouver avec des invendus qu’il faudra repackager à un coût élevé si c’est
possible ; ces produits qui représentaient un pourcentage modéré du chiffre
d’affaires des distributeurs connaissent une extension rapide pour certains
produits ;
– les produits en promotion qui peuvent demander des packagings particuliers,
des regroupements spécifiques, etc.

 Conditionnement et manutention
La diversité des surfaces commerciales entraîne une grande diversité d’organi-
sation et de pratiques logistiques. Il est évident que l’on ne peut satisfaire

403
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

chacun de ces points de vente avec la même logistique. Pour livrer les super-
marchés, on utilisera volontiers des palettes 60 x 80 qui présentent l’avantage
sur les palettes Euro 80 x 120 de faciliter le cross-docking (voir infra) et de
pouvoir même se poser directement dans les linéaires. Les fournisseurs
peuvent utiliser des palettes perdues en unirotation, mais cette pratique diminue
dans la grande distribution où elle ne subsiste plus que pour les papiers toilettes
et le rayon bazar. Mais l’utilisation de palettes multirotations (louées dans près
de 30 % des cas) oblige à prévoir le retour par le transporteur, ce qui permet
cependant d’éviter parfois les retours à vide des camions. Les conteneurs grilla-
gés ou rolls sont typiques de l’approvisionnement des supermarchés ou des
magasins de proximité. Ils se plient pour le retour. On trouve aussi des livrai-
sons en bacs plastiques 60 x 40 et 40 x 30 en plusieurs hauteurs.

 Responsabilités
La répartition des responsabilités d’achat, de logistique et d’approvisionne-
ment est extrêmement diverse selon les entreprises, au moins en France.
Chez Auchan, le chef de produit est responsable de l’ensemble de son flux
depuis les achats jusqu’à la mise en place dans le linéaire. Dans d’autres
enseignes, au contraire, les acheteurs négociaient les référencements avec
les fournisseurs. La répartition des responsabilités d’achat, de logistique et
d’approvisionnement est extrêmement diverse, conséquence d’évolutions.
Carrefour pendant vingt ans a maintenu une grande autonomie à ses respon-
sables de magasins avant de venir à une politique d’achat centralisé et, consé-
quence nécessaire, une organisation logistique. Ces évolutions entraînent de
grands changements dans les métiers de la distribution. Avec les systèmes
ECR, l’acheteur doit désormais connaître produits, marchés, merchandising et
logistique d’où, comme on le verra, sa spécialisation en category manager. Le
chef de rayon doit désormais assurer la gestion des approvisionnements et de
la mise en place, les prix, l’animation, le merchandising et le conseil consom-
mateur pendant que la fonction d’« appro » perd le rôle d’achat et souvent de
négociation des budgets d’animation.
Une évolution pourrait mener certaines enseignes jusqu’à confier la gestion de
parties de leur linéaire aux producteurs eux-mêmes, qui peuvent d’ailleurs déjà
jouer un rôle important dans la mise en place de certains produits sur les
linéaires. On verra à travers le trade-marketing puis l’ECR, le category
manager du distributeur face au responsable d’enseigne du producteur.
Actuellement, il semble donc que contrairement à d’autres pays, la situation
de la distribution française soit extrêmement hétérogène.

 Organisation et informatique
Le point important de l’évolution actuelle est sans aucun doute la prise de
conscience de l’importance de la logistique par les directions générales
d’entreprises de grande distribution. Cette prise de conscience s’est manifes-
tée au cours de ces dernières années par :
– la création de directions logistiques centralisées et, ce qui va de pair, une
certaine centralisation des décisions logistiques ;
– la mise en place de systèmes informatiques logistiques importants et coûteux,
considérés comme un point de passage obligé pour une meilleure maîtrise des
coûts logistiques. Parmi ces systèmes, une certaine tendance se dessine à

404
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

livrer directement les magasins à partir de l’analyse de leurs consommations :


on parle parfois de réassortiment assisté par ordinateur (RAO). Ainsi Etam
reçoit tous les jours avant minuit les données de vente de ses boutiques et les
réassortit en moins de 48 heures, Marks et Spencer fait la même chose depuis
Londres. Certaines difficultés peuvent cependant apparaître, comme la casse
et les vols qui réduisent les stocks sans que l’ordinateur le sache, certaines
imprécisions de la saisie par les caissières, etc., sans compter les réticences
du responsable de point de vente qui ne peut plus que modifier les proposi-
tions de l’ordinateur et encore pas toujours, ou dans de faibles limites.
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


9.2.3 Entrepôts de la grande distribution
Certains distributeurs ont des plates-formes polyvalentes (souvent appelées
« entrepôts »), réparties sur tout le territoire à proximité immédiate des maga-
sins (rayon de 200 à 300 km), pour une distance moyenne de 75 km et en
moyenne à 350 km des fournisseurs sauf pour certains produits géographique-
ment distincts (les eaux minérales par exemple). Ces données sont cependant
extrêmement variables selon les circuits logistiques et il semble que les évolu-
tions sont importantes ; ainsi Yoplait a vu entre 1988 et 1994 la distance
moyenne de ses entrepôts aux différents points de livraison passer de 150 km
à 375 km (IHEL, 1997). Assez souvent ces entrepôts étaient constitués en
unités de gestion autonome rémunérées sur un pourcentage du chiffre d’affai-
res. Quelques grands distributeurs comme Cora ou Leclerc, ont conservé le
principe des livraisons directes – en s’efforçant parfois d’obtenir alors le prix
rendu entrepôt – mais les autres réservent ce type d’approvisionnement à
quelques producteurs locaux.
La création de moyens logistiques par les distributeurs avait, en effet, plusieurs
avantages :
– une réduction des coûts par un meilleur positionnement de leurs entrepôts à
proximité de leurs surfaces commerciales, avec une diminution des tournées
et l’obtention de meilleures conditions de transport jusqu’à leur entrepôt
(massification) ;
– la possibilité de renégocier les contrats avec leurs fournisseurs en cernant
mieux la part des transports et la part du prix du produit ;
– la possibilité de s’approvisionner auprès de fournisseurs qui ne disposaient
pas d’une organisation logistique suffisante, par exemple pour la livraison de
produits frais, créant ainsi une concurrence vis-à-vis des grandes marques ;
– l’amélioration des opérations de chargement des camions en entrée magasin
et de mise en rayon en linéaire c’est-à-dire l’accroissement de la productivité
logistique en magasin. Il y a moins de camions par jour qui perturbent l’activité
des magasins et la préparation de commande en entrepôt distributeur permet
une mise en rayon plus productive si de plus est mise en place une Gestion
Mutualisée des Approvisionnements (GMA) ;
– une diminution des stocks de sécurité par mutualisation centrale des stocks
pour un même niveau de service et une baisse également des stocks outils
par une meilleure fréquence des approvisionnements.
L’organisation d’entrepôts et plates-formes régionaux a parfois conduit à une
certaine spécialisation par type de produits de façon à réaliser des économies

405
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

d’échelle en regroupant entre eux des produits dont les caractéristiques de


stockage et de manutention sont proches : produits frais, produits secs, etc.
Par la suite, au cours de la période la plus récente, on va assister à une réduc-
tion des stocks dans ces entrepôts régionaux de telle sorte que l’on peut distin-
guer de plus en plus les plates-formes sans stocks où l’on procède soit à
l’allotement des marchandises (éclatement des palettes vers les magasins
clients), soit au simple transfert entre véhicules en provenance des fournis-
seurs et véhicules de livraison aux surfaces commerciales de marchandises
déjà alloties par le fournisseur (cross-docking au sens strict).
La mise en place de plateformes au sein desquelles sont effectuées des
opérations de cross-docking peut paraître attractive par la baisse des stocks
qu’elle autorise mais on ne doit pas sous-estimer les pré-requis en matière de
systèmes d’information en particulier. Le fournisseur devra avoir l’information
sur la commande du magasin si on veut éviter des goulots d’étranglement et
les flux devront être parfaitement synchronisés pour préparer une commande
complète au rayon ou au sous-rayon et éviter des ruptures de charge voire de
stocks.
À côté de ces plates-formes régionales ont commencé à apparaître des entre-
pôts nationaux répondant à des besoins particuliers :
– entrepôts d’importation rassemblant des marchandises d’origine lointaine
avec une spécialisation dans les opérations complexes de dédouanement ;
– entrepôts spécialisés dans un type de produit ne méritant pas par leur
volume d’avoir des plates-formes régionales ;
– lieux de rassemblement de stocks d’opportunité ou spéculatifs : ce type de
stock correspond à des achats massifs à un fournisseur, généralement en sur-
stockage par mévente, avec des remises très importantes. Certains achats
peuvent ainsi être saisonniers (agroalimentaires), d’autres correspondre à de
simples opportunités. Ceci a été très pratiqué par certaines entreprises comme
Intermarché et Leclerc, moins par d’autres. On a cependant vu des enseignes
réaliser jusqu’à 80 % de leurs achats à des prix de promotion. On a beaucoup
dit que ce développement des entrepôts de distributeurs, entrepôts capables
de stocker des marchandises promotionnelles pendant plusieurs mois, était une
caractéristique importante de la distribution française et accroissait ses coûts.
Cette pratique semble se stabiliser dans les années actuelles après un déve-
loppement important dans les années 80. Il est évident que cela n’est pas
rationnel tout au long de la chaîne qui va du producteur au consommateur, ce
à quoi tentera de répondre l’ECR.
Depuis quelques années, se développe une nouvelle sorte de plates-formes, dites
« réserves déportées ». En effet, une grande surface avait jusqu’à présent une
réserve, surface de stockage intermédiaire entre le quai de déchargement et les
rayons. C’est là que sur quelques centaines ou quelques milliers de mètres carrés,
on range provisoirement par rayon les produits réceptionnés ; chaque rayon vient
ensuite prélever dans son stock ce dont il a besoin pour recompléter les gondoles.
On peut aussi y pratiquer des travaux divers de regroupement pour des lots
promotionnels, des mises en place de protections antivol ou des codes barres.
Ces réserves d’arrière-magasin représentent cependant une place qui peut être
précieuse pour un magasin qui ne peut s’étendre, faute de surfaces disponibles
ou d’autorisation. Il est relativement plus facile d’obtenir une autorisation de trans-

406
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

formation de ces réserves en surface de vente. L’idée est alors de déporter la


réserve à quelques kilomètres ou quelques dizaines de kilomètres de la surface
commerciale. On y prépare des palettes par rayon qu’on livre dans des délais
courts et les rayons viennent directement prendre la marchandise au quai de
déchargement. On y gagne en outre la plus grande partie des quais de livraison.
Les employés des rayons doivent mieux repérer leurs besoins. Ils n’ont plus à aller
chercher leurs produits dans un magasin le plus souvent mal géré faute de maga-
sinier et ils sont donc plus disponibles pour la clientèle. Auchan, en ouvrant un
hypermarché dans le centre commercial Val d’Europe à Marne-La-Vallée, a
décidé de consacrer à la vente le maximum de l’espace des 20 000 m 2 qui lui
B
étaient autorisés. Une réserve déportée a donc été construite à 8 km du maga-

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


sin. Elle dispose de fonctionnalités plus importantes qu’une réserve arrière
classique :
– plusieurs quais facilitant les réceptions avec des aires de réception et de
réexpédition vers l’hypermarché ;
– facilités pour des travaux de préparation des produits : mise sous antivols,
étiquetage, mise sur cintre, etc.
Ces réserves déportées qui demandent du personnel permanent et des moyens
de transport en outre des locaux de stockage, représentent un coût non négli-
geable, et certaines enseignes préfèrent supprimer les réserves d’arrière-magasin
en obtenant des livreurs le respect de tranches horaires plus précises pendant
lesquelles les rayons viennent prendre la marchandise commandée plus fréquem-
ment à la plate-forme régionale.
Il peut arriver que le stock d’un entrepôt reste la propriété du fournisseur. Le
transfert de propriété est effectué chaque jour en fonction des besoins du distri-
buteur. C’est une pratique née aux États-Unis, particulièrement avec Wal-Mart,
et qui tend à s’établir en France, par exemple pour les surgelés. À la limite, le
distributeur pourrait ne plus avoir juridiquement de stock.
Contrairement aux idées communément admises, la plupart des distributeurs
n’ont pas pratiqué une stratégie d’externalisation, à part quelques-uns comme
Carrefour ou Cora.

9.2.4 Transports
Dans les transports au contraire, le recours à la sous-traitance est généralisé.
Carrefour, Leclerc, Cora et Prisunic n’ont pas de flotte propre. Casino, Comp-
toirs modernes, Système U sous-traitent majoritairement leurs transports. Le
marché français des transports routiers est en effet caractérisé par sa surca-
pacité et l’on obtient sans investissement des coûts plus faibles de sous-trai-
tants que ceux que l’on pourrait avoir avec sa propre flotte. La tendance
semble être la même dans les autres pays, bien que Wal-Mart aux États-Unis
ait conservé sa flotte propre.
Dans les liaisons de proximité où l’image du livreur est importante, on pratique
assez souvent des contrats de longue durée avec des obligations fortes du
partenaire alors que pour les transports longue distance, on pratique plus
volontiers des « affrètements spots ».
Le transport est et sera de plus en plus en critique pour des raisons déjà dans
le chapitre 7. Une tendance lourde que nous reprendrons en conclusion de ce

407
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

chapitre est l’évolution du mode franco vers le mode départ/enlèvement réalisé


par le distributeur. Dès lors, le distributeur cherchera à massifier ces enlève-
ments par des plates-formes de massification/regroupement amont sur
lesquelles sont cross-dockés les produits et qui sont localisées et dimension-
nées en fonction des bassins régionaux fournisseurs. Des opérations pilotes
ont été lancées en France en 2007 par certains distributeurs pour des formats
hypermarchés et supermarchés et ce, à un niveau régional. L’objectif est de
maximiser les tractions en camions complets sur l’ensemble de la chaîne logis-
tique et de concevoir des boucles fermées dédiées pour éliminer les retours à
vide. Les distributeurs ont donc un levier essentiel à mobiliser pour dégager
les enjeux transports.
Pour l’aval, les transporteurs assurent des rotations quotidiennes dans un
rayon de 150 km autour des entrepôts avec des sas de réception de nuit dans
les magasins pour permettre les livraisons sans attentes et en dehors des
heures d’ouverture.
Comme on le verra, certains distributeurs ont tendance à imposer à leurs four-
nisseurs des conditions logistiques extrêmement strictes et particulièrement sur
les horaires de livraison. Il s’agit pour eux de gérer au mieux les quais et les
moyens de déchargements à l’entrée des entrepôts, des plates-formes et des
magasins. Mais le problème de l’exactitude reste le même avec les transpor-
teurs qu’ils affrètent. On a donc vu se développer ces dernières années des
normes – appelées parfois chartes – de bonne conduite entre routiers et distri-
buteurs.

9.2.5 Distance usine-surface de vente


Si le distributeur n’a pas de plates-formes, l’industriel a intérêt, soit à avoir ses
propres plates-formes régionales, soit à utiliser les plates-formes logistiques
d’un opérateur logistique. En effet, lorsque les quantités à livrer par supermar-
ché ou même par hypermarché sont réduites, il n’est pas rentable que le
camion qui part de l’usine les livre successivement. On distingue alors classi-
quement la « traction », qui consiste à transporter un camion plein depuis
l’usine jusqu’à une ou deux plates-formes, et les tournées, qui consistent à
livrer les clients en effectuant une tournée depuis la plate-forme pour y revenir
recharger ensuite. Entre les deux s’opèrent des opérations :
– soit de simple transit de palettes ou de colis, si l’usine avait déjà préparé l’expé-
dition pour chacune des surfaces à livrer et l’on parle alors de cross-docking,
simple traversée de la plate-forme par la palette passant d’un véhicule à l’autre ;
– soit de déchargement de l’ensemble de la livraison regroupée en palettes
complètes, suivi d’une préparation de chacune des livraisons par super ou
hypermarché, avec éventuellement éclatement de palettes en rolls ou en palet-
tes incomplètes, etc., pour charger ensuite le camion qui fait la tournée.

9.2.6 Coûts logistiques de la distribution


Il est difficile d’évaluer les coûts logistiques de la distribution, comme toujours
à cause des imprécisions sur les définitions des relevés effectués mais aussi
et surtout à cause de l’extension du périmètre couvert par la logistique. Une
étude menée par l’Aslog en 2001 a montré que l’on pouvait estimer les coûts

408
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

entre 5 à 15 % du chiffre d’affaires. Au sein de ce poste de coût logistique les


transports pèseraient près de 60 %, les stocks autour de 30 %, le « magasi-
nage » autour de 8 % et la « gestion » autour de 4 % (à noter aussi que le coût
total annuel « résultant des stocks » attendrait entre 20 et 40 % de leur valeur).
On peut cependant retenir des ordres de grandeur.
Les coûts peuvent être cependant très différents selon les modes de distribu-
tion physique. On dispose à cet égard d’une étude de l’IHEL (1997) réalisée
auprès d’un producteur de produits laitiers frais. Trois modes de distribution
sont distingués et les coûts ont été établis en indices sur la base des coûts
d’un hypermarché livré par le producteur depuis son entrepôt (base 1 000).
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Les deux autres hypothèses correspondent à des surfaces commerciales plus
faibles livrées également par le producteur depuis son entrepôt et à des hyper-
marchés livrés par l’intermédiaire d’entrepôts distributeurs (tableau 9.4).

Tableau 9.4 – Coûts logistiques selon les modes de distribution (IHEL, 1997)

Hypermarché livré
Hypermarché en Supermarchés en
par entrepôt
livraison directe livraison directe
distributeur

Administration
60 60 60
des ventes

Transport
depuis l’usine
spécialisée
140 140 140
à l’entrepôt
producteur
(moy. 340 km)

Coût en entrepôt
300 850 200
producteur

Transport
de l’entrepôt
producteur 0 0 200
à l’entrepôt
distributeur

Coût de transport
500 750 200
au lieu de livraison

Total 1 000 1 800 1 250

Il apparaît que le coût le plus élevé n’est pas celui où les coûts des deux entre-
pôts, producteur et distributeur, s’additionnent, mais correspond à la livraison
directe de surfaces commerciales plus petites ce qui :
– augmente de façon importante les coûts de préparation de commande ; on
peut se demander quel effet pourrait avoir dans l’avenir un cross-docking
généralisé, à moins que cette élévation importante des coûts en entrepôt
producteur ne soit due à une organisation inadaptée à ce type de préparation ;

409
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

– augmente le coût de livraison à destination du fait de tranches de poids


moins favorables.
On remarquera que le premier cas représente 8 % seulement des tonnages, le
second 12 % et le troisième 80 %, ce qui conduit approximativement à un indice
moyen pondéré de 1 296. On ne peut donc considérer cette organisation comme
optimale quant à la minimisation des coûts logistiques. Bien qu’il s’agisse d’un
cas particulier, on s’explique déjà que cet effort de réduction des coûts tende à
se propager désormais en amont des entreprises de distribution à travers l’ECR.

9.2.7 Relations contractuelles entre distributeur et fournisseur


La plupart des distributeurs regroupent les commandes de leurs surfaces de
vente par plate-forme puis passent leurs commandes au fournisseur en tenant
compte de ce qu’il leur est demandé par plate-forme et de ce que celles-ci ont
encore en stock. Ces stocks sur plates-formes peuvent être réduits à quelques
jours mais ils existent cependant et permettent de faire face à des besoins
urgents imprévus ou à des retards de livraison. Lorsqu’ils reçoivent les palettes
correspondant aux commandes, les plates-formes doivent préparer la
commande de chaque surface de vente pour la lui envoyer par la prochaine
tournée, soit en une fois, soit en plusieurs fois si la plate-forme sert aussi
d’arrière-magasin à la surface.
Cependant, les nouvelles relations qui s’instaurent avec l’ECR entre distributeurs
et fournisseurs peuvent conduire les distributeurs à faire préparer les comman-
des de chaque surface de vente par l’usine – ce qu’on appelle l’allotement – et
à ne faire que du cross-docking sur la plate-forme distributeur (voir infra).

Transport des produits allotis

Cross-docking Commande
par hypermarché

Plate-forme
Commande distributeur
plate-forme Hypermarché

Plate-forme
Usine et transporteur
magasin
national

Commande
hypermarché
Produits allotis

Figure 9.5 – Différents modes de livraison d’un hypermarché par un fournisseur.

410
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

La figure 9.5 montre donc les différentes façons que peut avoir un fournisseur
de livrer un hypermarché :
– il peut recevoir la commande de l’hypermarché directement, avec l’obligation
de préparer cette commande. On notera que pour simplifier, nous avons
supposé que l’usine et l’entrepôt producteur étaient confondus ce qui est loin
d’être toujours le cas ;
– il peut la livrer directement s’il n’est pas trop éloigné ou si la quantité
commandée est suffisante. C’est ce qu’on a représenté par une flèche grise
tout en bas ; B
– il peut la livrer par l’intermédiaire d’une plate-forme de son transporteur ou

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


de son opérateur logistique, soit en la préparant dès l’usine et le transporteur
ne fait que du cross-docking sur sa plate-forme, soit en laissant au transpor-
teur le soin de faire la préparation de la commande sur sa plate-forme avant
de la livrer. C’est ce qu’on a représenté par une flèche blanche et puis noire.
S’il en est ainsi convenu entre le fournisseur et le distributeur, par exemple
dans le cadre d’un contrat ECR, il peut livrer la commande allotie de chacun
des supermarchés à la plate-forme du distributeur qui procédera au cross-
docking et aux livraisons. C’est ce qu’on a représenté par une flèche grise ;
– il peut recevoir la commande regroupée pour les besoins de la plate-forme
qui procédera elle-même à la préparation des expéditions (allotissement). C’est
ce que représente la flèche noire entre l’usine et la plate-forme distributeur.
Les plates-formes régionales des enseignes, en recevant les envois des
producteurs à la plate-forme puis, après allotement par GMS, voire même par
rayon de GMS, permettent d’effectuer les regroupements des transports de
distribution. C’est une des raisons du développement de ces plates-formes
régionales.
Les entreprises de logistique peuvent proposer un service équivalent aux fabri-
cants d’une région :
– en gérant leurs stocks de produits finis dans des entrepôts plates-formes
régionaux multi-entreprises ;
– en regroupant les envois des différentes entreprises de production gérées
par supermarché, hypermarché ou même par rayon ;
– en effectuant les expéditions aux plates-formes régionales des enseignes qui
veulent conserver leur organisation.
L’avantage des regroupements par rayon est que les palettes ou demi-palettes
peuvent être constituées en fonction de l’organisation de l’assortiment en
linéaire, évitant les manutentions à l’intérieur de la GMS. Ceci suppose que le
système informatique de l’entreprise logistique connaisse les modes de
regroupement à effectuer en fonction du linéaire des différentes GMS.
Ces entrepôts plates-formes dits de groupage destinataire pourraient permet-
tre de concilier la demande des enseignes d’allotement par le fournisseur et la
nécessaire massification économique des transports. Ils obligent cependant à
effectuer le contrôle des produits reçus dans chaque surface de vente et non
en plate-forme une seule fois par des spécialistes.
Bien entendu, chacune de ces solutions logistiques ne représente pas le
même coût pour le distributeur et pour le fournisseur.

411
9 • Demand side : 9.2 La logistique de la grande distribution
distribution

En février 1999, Michel Édouard Leclerc, PDG d’ACDLec lançait dans Libre
service Actualité (25 février 1999) un véritable pavé dans la mare logistique :
« Nous allons généraliser le départ usine », déclarait-il. Coincé par la loi
Galland, la figure emblématique du groupe d’indépendants ne pouvait plus
diminuer ses coûts et donc ses prix sans remettre en cause ses méthodes
d’approvisionnement. « Entre une livraison directe et un départ usine, un distri-
buteur obtient jusqu’à 4 % de ristournes et ses frais logistiques tournent aux
alentours de 2 % », explique un expert. Ces évaluations sont tout de même un
peu surprenantes par rapport aux évaluations précédentes mais comme
toujours, il faut savoir ce qu’on appelle les « frais logistiques » et à quels
produits correspondent ces pourcentages (valeur au kilo par exemple). Cepen-
dant avec une telle politique, il devient possible d’abaisser le seuil de revente
à perte tout en respectant la loi Galland qui ne tient pas compte du coût du
transport.

9.2.8 Politiques des distributeurs vis-à-vis de leurs fournisseurs dans le domaine


de la logistique
Les fournisseurs se plaignent souvent de l’absence de prise en compte des
conditions logistiques par les distributeurs. Ainsi, les commandes sont souvent
effectuées à partir des entrepôts distributeurs le matin après rassemblement des
besoins des surfaces commerciales. Les fournisseurs préféreraient que les
commandes soient passées le soir afin de gagner une nuit pour la livraison,
particulièrement dans le domaine des produits frais et extra-frais. La réception
des marchandises s’effectue souvent en début de matinée, ce qui ne permet pas
aux transporteurs d’étaler leurs livraisons. La prise en compte de la logistique
dans les conditions générales d’achat (CGA) des distributeurs auprès de leurs
fournisseurs est essentielle. Elle s’attache à définir le mode de livraison, les
barèmes quantitatifs (BQ) qui sont fonction des unités d’emballage manuten-
tionnées et les remises accordées en fonction des volumes approvisionnés.
On verra à propos des implications de la logistique dans le marketing straté-
gique, que la logistique d’un fournisseur n’est pas sans importance dans ses
relations avec les distributeurs. Ceci est particulièrement important en ce qui
concerne les relations avec les grands groupes de distribution (GEGS, grou-
pements de détaillants et chaînes). L’arme traditionnelle des distributeurs est
le référencement du fournisseur, référencement au niveau du groupement ou
référencement au niveau de chacun des adhérents. On notera que le référen-
cement n’est pas l’achat et qu’un fournisseur référencé peut ne pas recevoir
de commandes.
Pour le référencement, l’organisation et la qualité de la logistique du distribu-
teur sont le plus souvent un pré-requis plus qu’un critère de référencement.
Les exigences des groupes peuvent cependant être plus ou moins élevées.
Après référencement, les conditions générales d’achat peuvent faire peser une
menace de sanctions financières plus ou moins lourdes en cas de défaillances
logistiques. Même s’il est relativement rare qu’un fournisseur soit déréférencé
à la suite de dysfonctionnements logistiques, il est certain que, outre les sanc-
tions financières, ces défaillances peuvent modifier les conditions d’une négo-
ciation commerciale.

412
9 • Demand side : 9.3 Le cross-docking
distribution

9.2.9 Les chartes entre distributeurs, transporteurs et fournisseurs


Compte tenu des difficultés analysées précédemment, les fédérations profes-
sionnelles se sont trouvées engagées à signer entre elles des chartes qui
permettent de garantir la mise en œuvre de bonnes pratiques.
Ces chartes ont vocation à :
– équiper, dans les meilleurs délais, chacun de leurs points de réception, d’un
point téléphone, d’un point toilettes, d’un point distributeur de boissons ;
– veiller à ce que tous les points de réception, correctement signalés, soient B
parfaitement accessibles aux heures d’ouverture habituelles ;

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


– élargir dans la mesure du possible les plages horaires d’ouverture de leurs
réceptions ;
– adapter le nombre de réceptionnaires et de postes de déchargement aux
quantités livrées quotidiennement, ainsi que les moyens de manutention ;
– respecter les horaires des rendez-vous qu’ils ont eux-mêmes fixés, harmo-
niser ces horaires pour un même messager et restituer immédiatement, une
fois la livraison terminée, les lettres de voiture datées, identifiées et signées,
ou les bordereaux récapitulatifs de livraison signés, datés, complétés de
l’heure exacte de début et de fin de réception ainsi que de l’identification du
réceptionnaire.
La charte préconise le recours à l’informatique et particulièrement à l’EDI
chaque fois que possible.
Des enseignes comme Auchan ou les Centres Leclerc signent des chartes
particulières avec des fédérations régionales de transporteurs. Ainsi la charte
Auchan applicable dans plusieurs régions a pour but de :
– prendre en compte les pertes de temps des deux parties en matière
d’horaires de livraison et d’attentes des camions (pénalités par demi-heure de
retard par exemple) ;
– personnaliser les relations entre le distributeur et les transporteurs (interlo-
cuteur unique par magasin, documents pour annoncer les livraisons, réunions
périodiques de concertation, etc.).

9.3 Le cross-docking
Le cross-docking est un aspect logistique fondamental de l’ECR. Traditionnel-
lement, le distributeur rassemblait les commandes de ses différents magasins
et les livrait à partir de stocks conservés dans son entrepôt. Comme il avait
malgré tout tendance à réduire ces stocks à quelques jours, on parlait plus
volontiers de plates-formes que d’entrepôts. Désormais, le distributeur essaie
de réduire complètement ses stocks en rassemblant tous les jours ou quelques
fois par semaine, toutes les commandes de ses magasins et en passant très
fréquemment une commande globalisée par plate-forme à chacun de ses
fournisseurs. Ensuite il reçoit sur ses plates-formes les livraisons de ses four-
nisseurs et doit alors procéder à ce qu’on appelle souvent « l’allotement »,
c’est-à-dire la répartition des marchandises entre les différentes surfaces
commerciales qu’il doit livrer depuis la plate-forme. Dans une situation idéale,
il redistribue chaque jour ce qu’il a commandé et son stock devient presque nul.

413
9 • Demand side : 9.3 Le cross-docking
distribution

Le cross-docking va consister à faire effectuer par le fournisseur, la prépara-


tion des commandes pour chaque surface commerciale de telle sorte que le
distributeur n’a plus qu’à rassembler sur la plate-forme les différentes palettes
ou cartons destinés à chaque surface pour effectuer le chargement de ses
camions 1. Le transfert se fait de quai à quai sans stockage intermédiaire. Il
n’y a plus du tout de stock. Le GENCOD (Cognasse, 1997) propose la défini-
tion suivante du cross-docking : « Le fournisseur expédie les produits vers le
distributeur en tenant compte des besoins des points de vente autant en
terme de destination que de conditionnement. En arrivant au centre de distri-
bution, les palettes constituées par magasin sont lues par lecture optique,
triées et rechargées pour réexpédition sans manipulation de produits eux-
mêmes. Ce “ré-éclatement” ne nécessite que quelques minutes ». Bien
entendu le cross-docking est une charge supplémentaire pour le fournisseur
qui doit supporter la préparation fine des commandes des magasins. De plus,
les transports entre l’entrepôt du distributeur et la plate-forme risquent d’être
plus onéreux puisque l’on aura souvent des palettes incomplètes et donc un
chargement moins performant. On devrait assister à un développement
de conditionnements plus petits : box, demi-box ou demi-palettes, trays ou
cartons à ouverture facile.
En revanche le passage en plate-forme peut être très rapide et il est inutile
pour le gérant de la plate-forme de gérer des stocks plus ou moins importants
comme c’est pratiquement toujours le cas lorsque l’allotement est fait sur la
plate-forme. Diminuant les manipulations, les risques d’avaries ou d’erreurs
diminuent aussi. Il y aura donc souvent un déplacement d’une partie des coûts
logistiques du distributeur au producteur, ce qui peut être un avantage supplé-
mentaire obtenu par le distributeur à moins qu’il n’y ait une compensation
prévue à cet effet lors de la discussion commerciale.
Le cross-docking se pratique de plus en plus en ce qui concerne les produits
frais pour lesquels il est fondamental de gagner du temps logistique sur la date
de péremption. Il est évidemment plus facile à pratiquer avec de très grandes
surfaces commerciales (hypermarchés) qu’avec des points de vente modestes
pour lesquels les livraisons sont souvent inférieures à la palette. On peut
cependant imaginer que plusieurs industriels ayant un entrepôt en commun
préparent ensemble leurs commandes par point de vente de façon à obtenir
des palettes complètes. Ce type de cross-docking commence à apparaître
pour des produits à références multiples comme les cosmétiques ou les
produits d’hygiène et peut être une prestation intéressante des entreprises de
logistique proposant des entrepôts spécialisés par enseigne.
Le cross-docking présente un autre avantage du point de vue de l’ECR. Il est
encore très rare que le distributeur envoie à ses fournisseurs les informations
en provenance de ses caisses enregistreuses. Mais en procédant en cross-
docking, le fournisseur connaît les commandes de chaque magasin et non
seulement les commandes de chaque plate-forme. Il est donc en mesure
d’effectuer des prévisions par point de vente et de mieux lisser sa charge de
production.

1. On parle parfois de cross-docking quand l’allotement est effectué par le distributeur à partir de
livraisons regroupées du fournisseur mais il vaut mieux réserver l’expression au cas où le fournisseur
réalise l’allotement, sinon il ne serait pas nécessaire d’utiliser un autre nom, américain qui plus est.

414
9 • Demand side : 9.4 Logistique des promotions1
distribution

9.4 Logistique des promotions1


9.4.1 Importance et finalités des promotions
On risquerait de ne pas comprendre grand-chose à l’organisation 1de la logis-
tique dans la distribution, et plus particulièrement aux grandes évolutions
actuelles si l’on ignorait le phénomène essentiel des promotions. C’est un sujet
qui est cependant rarement traité par les spécialistes de la logistique bien qu’il
représente une grande partie des problèmes que doivent traiter tous les jours
les logisticiens de terrain aussi bien chez les fabricants que les distributeurs B
ou les entreprises de logistique. La réflexion sur ce sujet s’exerce plutôt chez

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


les spécialistes du marketing ou dans les cercles ECR.
« Une promotion est un ensemble de techniques destinées à simuler la
demande à court terme, en augmentant le rythme ou le niveau des achats d’un
produit ou d’un service effectués par des consommateurs », (Chinardet, 1994).
Par comparaison avec la publicité classique avec qui les techniques de promo-
tion sont en concurrence budgétaire au sein de l’entreprise, en général une
opération de promotion apporte un avantage au consommateur : prix plus
faible, quantité de produits plus importante pour le même prix, service supplé-
mentaire, produits gratuits, primes, etc., ce qui n’exclut pas qu’elle soit accom-
pagnée d’actions publicitaires.
Globalement les promotions représentent un phénomène économique majeur.
Une étude récente d’IRI-Sécodip relève que 19 % des produits de grande
consommation sont vendus en promotion, la réduction de prix moyen étant de
8,1 %, avec de grandes différences selon les catégories de produits : 28 %
pour l’entretien contre 15 % pour les produits frais. La promotion peut prendre
une très grande importance pour certains produits : par exemple en 1997,
35 % des glaces ont été vendues en promotion dans les GMS (grandes et
moyennes surfaces) (LSA 26/03/98).
Les promotions peuvent être organisées à l’initiative d’un producteur ou à
l’initiative d’un distributeur, mais elles intéressent l’un et l’autre qui doivent
coordonner leurs actions pour organiser ces promotions aussi bien en ce qui
concerne le marketing qu’en ce qui concerne la logistique de l’opération.
À l’initiative d’un producteur, la promotion peut avoir plusieurs buts :
– tester un nouveau produit : élasticité au prix, attrait, etc. ;
– lancer un produit nouveau en facilitant l’essai du produit par les consomma-
teurs ;
– fournir un argument majeur pour obtenir le référencement par les centrales
d’achat ;
– pousser le distributeur à augmenter ses achats et son stock ; or l’expérience
montre qu’un distributeur est plus actif vis-à-vis d’un stock volumineux ;
– relancer les ventes en situation de concurrence, particulièrement dans les
phases de maturité ou de déclin de la vie d’un produit ; elle permet notamment
de contrer une campagne de promotions d’un produit concurrent ;

1. Une partie de cette étude a été réalisée avec le concours de Mademoiselle Antonella Lama alors
élève de dernière année (1999-2000) de la Filière européenne de gestion et technologie du pôle
universitaire Léonard de Vinci.

415
9 • Demand side : 9.4 Logistique des promotions1
distribution

– se débarrasser de stocks importants ou assurer l’écoulement de la produc-


tion réalisée dans une période de ventes insuffisantes pour des raisons
conjoncturelles ou saisonnières ;
– augmenter les ventes pour améliorer le cash flow dans une période difficile.
Il ne semble pas qu’une promotion permette de construire une fidélité à une
marque car, pour beaucoup d’experts, la clientèle supplémentaire attirée par
une promotion reste volatile.
À l’initiative d’un distributeur, qui fait alors appel à des producteurs pour lancer
une campagne de promotion souvent multiproduits, la promotion a le plus
souvent pour but d’attirer de nouveaux clients. C’est ce qu’on appelle parfois
le « marketing d’entrée » par opposition au marketing de sortie qui consiste à
augmenter le montant du caddie.
La fidélisation ultérieure des clients attirés par les promotions est l’objet d’un
grand débat. On rappelle d’ordinaire que sur 100 clients de l’hypermarché, les
36 fidèles qui l’ont comme magasin principal, représentent 75 % du chiffre
d’affaires. (Jean Yves Lioré, responsable du baromètre SOFRES-Distribution
dans LSA 25/11/99). Et c’est cette clientèle fidèle qu’il s’agit de renforcer plutôt
qu’une population de consommateurs volages errant d’un hypermarché à
l’autre au gré des promotions.
Les promotions sont faites pour provoquer une augmentation passagère de la
demande d’un produit. Mais en réalité, elles peuvent être pour les distributeurs
un mode d’achat économique pour des produits revendus ultérieurement à leur
prix habituel en dehors de la période de promotion. C’est une des raisons
importantes du développement d’entrepôts – et non de simples plates-formes
– chez les distributeurs et l’on parle assez souvent d’« entrepôts spéculatifs ».
On peut s’interroger sur l’importance de ce phénomène. Pour l’Amérique du
Nord, André J. Martin prend une position très claire : « Nous n’avons à l’heure
actuelle aucune statistique sur les quantités de produits fabriqués et vendus
dans différents secteurs industriels par le biais des achats à terme, mais nous
pouvons parier sans risques que le pourcentage est assez élevé. Lors de mes
déplacements, je rencontre beaucoup d’acheteurs qui ont l’habitude de n’ache-
ter qu’en période de promotion. Le délai moyen entre deux promotions est
d’environ trois mois. Cela signifie qu’en dehors des quantités vendues aux
clients pendant les promotions, d’importantes quantités de produits sont ache-
tées pour des ventes courantes entre les promotions. De par mon expérience,
je pense que la moitié de ce qui est acheté dans le cadre des promotions n’est
pas réellement vendue en période de promotion » (Martin, 1997).
Au-delà des promotions commerciales utilisées pour stimuler le volume des
ventes, les achats spéculatifs représentent une autre pratique qui peut avoir
des conséquences logistiques importantes. La grande distribution est un
secteur qui n’hésite pas à intégrer des postures paradoxales. La baisse des
stocks par une mutualisation dans des entrepôts massificateurs peut être
encouragée parce qu’elle permettra de dégager des surfaces de stockage qui
seront fort utiles au stockage de produits achetés en grande quantité de
manière spéculative. Le choix du taux de détention des stocks est décisif car
il induit des comportements spéculatifs opportunistes. Ainsi un grand groupe
de distribution indépendant utilisait en 2007 un taux de 3,5 % certes dans un
environnement général d’argent peu cher mais ce taux ne rend pas compte

416
9 • Demand side : 9.4 Logistique des promotions1
distribution

bien évidemment d’une valeur réelle de possession des stocks. L’un de ses
concurrents pratiquait un taux de 9 % que l’on peut juger comme plus réaliste.

9.4.2 Divers types de promotions et leurs aspects logistiques


On peut distinguer plusieurs types de promotions :
– les simples réductions de prix ;
– les augmentations de quantité de produits dans le conditionnement
(« produits-girafes ») ; B
– les regroupements de produits ;

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


– les adjonctions de primes, tickets de participation, etc. ;
– les actions d’accompagnement :
• réalisation de plaquettes publicitaires,
• réalisation de PLV (publicités sur les lieux de vente) : affiches, etc.,
• publicités,
• placement des produits en tête de gondoles,
• animation de la promotion sur le lieu de vente : présentations, dégustations,
etc.
Ces promotions imposent donc des tâches particulières selon leur nature et,
en outre, des tâches logistiques générales :
– prévisions,
– stockage des articles promotionnels,
– reprise des articles promotionnels invendus (reverse logistics).

 Changement d’étiquettes
La simple réduction de prix oblige à modifier l’étiquette avec codes à barres
qui sert aux caisses pour facturer ainsi que le montant porté sur cette étiquette
ou sur le rayonnage. L’entreprise doit donc le plus souvent créer un nouveau
numéro d’article avec son EAN 13 afin que le distributeur puisse l’identifier. La
publicité des prix est soumise à une réglementation stricte par un arrêté du
2 septembre 1977.
On distingue :
– les ventes à prix d’achat, prix d’achat minoré des réductions acquises à la
date de la vente et majoré des taxes et du transport ;
– les produits nouveaux à prix de lancement (plus faible que celui qui sera
payé ultérieurement) ;
– les offres avec réduction : les commerçants doivent opérer un double
marquage de prix de référence et de prix réduit. Le prix de référence est le prix
le plus bas pratiqué par l’annonceur à l’égard de sa clientèle courante pour un
article similaire au cours des 30 derniers jours précédant le début de la publicité.
Il est donc nécessaire, soit de livrer le produit en promotion avec un emballage
particulier, soit de recouvrir cet emballage avec un autocollant qui présente le
nouveau code barre, le prix correspondant et l’annonce promotionnelle, auto-
collant que l’on peut éventuellement enlever en fin de promotion pour remettre
le produit en fonds de rayon. En effet, il est nécessaire de réétiqueter les

417
9 • Demand side : 9.4 Logistique des promotions1
distribution

produits en fin de promotion. Si le produit n’est pas réétiqueté, le client est en


droit de payer le prix de la promotion.
 Changement de conditionnement
Les produits girafes avec une quantité supplémentaire de produits doivent être
conditionnés de façon particulière, soit sur le lieu de production, soit sur une
chaîne de conditionnement hors usine. Une telle opération oblige à modifier le
conditionnement secondaire. On distingue en effet trois types de conditionne-
ment :
– le conditionnement primaire qui correspond à ce qui contient directement le
produit ;
– le conditionnement secondaire qui protège le conditionnement primaire et est
jeté lors de l’utilisation du produit par le consommateur et qui sert à la fois de
protection et de support promotionnel ;
– le conditionnement d’expédition assurant le plus souvent un regroupement
et qui est nécessaire au stockage, à l’identification et au transport.
Un autre aspect important des promotions est la réalisation d’assortiments spéci-
fiques qui obligent à créer une chaîne spécifique de conditionnement : assortiment
de deux articles dans le même paquet. L’avantage est alors chez des spécialistes
du conditionnement habitués à monter des opérations de cette nature.
Chaque fois qu’il faut établir un conditionnement particulier pour une promo-
tion, on rencontre des contraintes supplémentaires de délai pour la conception
des emballages, souvent réalisés par une agence de publicité, puis pour la
réalisation et la mise en place avant le début de la période de promotion. Or,
il est impensable de ne pas disposer des produits prévus pour la promotion au
jour prévu pour le début de promotion qui a fait l’objet d’un planning publicitaire
précis. Les conditionnements coûtent toujours chers : de 10 % du prix-usine
pour le lait, à 30 % pour la bière et jusqu’à 60 % pour certains chocolats. Dans
le cas de très petites séries pour des promotions, ces coûts de conditionne-
ment peuvent devenir très importants, particulièrement si l’usine n’est pas
organisée pour traiter de petites séries de conditionnement indépendamment
de la ligne de production principale. Les producteurs font donc appel de plus
en plus souvent à des entreprises logistiques capables de prendre en charge
ces opérations de post-manufacturing.
 Création et distribution de matériel de PLV
C’est une tâche qui pose des problèmes de délais en création et distribution
mais aussi des problèmes logistiques. Il faut en effet réceptionner des produits
peu compatibles avec les produits standards par leurs dimensions et leur
emballage ; il faut les stocker puis les expédier. Parfois même, il est néces-
saire d’inclure ces matériaux dans les emballages de produits, ce qui peut
compliquer sérieusement la chaîne de préparation logistique.
 Prévisions des promotions
Les promotions obéissent à des règles strictes en ce qui concerne la disponi-
bilité des produits. Selon l’arrêté du 2 septembre 1977, les produits doivent
être disponibles et leurs prix garantis tout au long de la période annoncée de
promotion. La mention « jusqu’à épuisement des stocks disponibles » est juri-
diquement sans valeur. Cette règle oblige donc le distributeur à fournir le maté-

418
9 • Demand side : 9.4 Logistique des promotions1
distribution

riel proposé quelles que soient les ventes. Le problème se complique avec les
produits frais qui ont des dates limites de consommation très proches.
Un autre danger d’une mauvaise prévision est, en sens inverse, d’obtenir en
fin de promotions une quantité importante d’invendus que le fournisseur peut
se trouver obligé contractuellement de reprendre. Les coûts de conditionne-
ment et d’étiquetage de très petites séries obligent, surtout quand on les sous-
traite, à les planifier avec beaucoup de précision car le lancement en urgence
de plusieurs micro-séries peut devenir ruineux.
Or, la prévision des ventes promotionnelles est extrêmement difficile car il B
s’agit à chaque fois d’une expérience nouvelle pour laquelle on ne dispose pas

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


d’historique et cette expérience est nouvelle pour chaque surface de vente :
les différentes enseignes n’ont pas les mêmes clientèles et chaque clientèle a
ses modes propres de réaction aux différentes promotions ; on distingue par
exemple, selon une étude réalisée par le cabinet Georges Chétochine pour
l’IFM, trois catégories de clientes :
– les « indifférentes » (49 % de la population de l’enquête) qui inscrivent sur
leurs listes de courses 70 % de marques nationales et sont indifférentes aux
promotions, sauf s’il s’agit de quantités en plus ;
– les « accros » (11 %) qui n’ont que 15 % de marques nationales sur leurs
listes de course – le reste étant en termes génériques, par exemple beurre,
œufs, etc. – et qui recherchent systématiquement les promotions et achètent
moins cher mais pas plus ;
– les « opportunistes » (40 %) qui sont sensibles aux promotions sur des
marques nationales si leur prix est compétitif.
 Stockage des articles promotionnels
Les promotions et les effets de stockage spéculatifs qu’elles entraînent,
engendrent une immobilisation financière de l’ordre de 45 jours en hyper et
30 jours en entrepôts. Les distributeurs doivent donc essayer de diminuer ces
temps d’immobilisation s’ils veulent pouvoir récupérer des liquidités nécessai-
res pour en augmenter la rentabilité.
 Reprise des invendus : reverse logistics et promotions
Les promotions sont à l’origine de flux de retours importants que l’on retrou-
vera avec l’analyse des logistiques inverses (reverse logistics).
 Conséquences : les coûts logistiques entraîneront-ils
la fin des promotions classiques ?
Les promotions ont donc un coût logistique important autant pour les fabri-
cants que pour les distributeurs, et l’on peut s’interroger sur leur rentabilité
réelle. Tous les acteurs du commerce s’accordent en effet pour reconnaître
que ces actions, si elles ont fait la preuve de leur efficacité en modifiant les
comportements d’achat des consommateurs sur le moyen ou le long terme,
montrent aujourd’hui leurs limites. L’incertitude sur l’effet de fidélisation de la
clientèle par les promotions est contrebalancée par la certitude des coûts
logistiques extrêmement importants qu’elles entraînent tout au long de la
chaîne logistique. Ces coûts seront, comme on le verra, pour une grande part
à l’origine de l’ECR

419
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

Plusieurs techniques pourraient au moins partiellement prendre le relais des


promotions classiques. L’EDLP (Every Day Low Price) est l’une d’entre elles
que l’on rattache volontiers à l’ECR dans la mesure où elle n’est possible
qu’à travers un accord entre le distributeur et ses fournisseurs. Afin d’éviter
la création de stocks spéculatifs chez le distributeur et les conséquences
fâcheuses entraînées par ces pratiques sur la régulation de la production,
l’EDLP permet d’éliminer les stocks spéculatifs mais en revanche, supprime
les possibilités d’animation en magasin. Il prévoit la fixation d’un prix moyen
appliqué tout au long de l’année et qui prend appui sur le cours le plus bas.
Les deux solutions, promotions et EDLP comportent chacune des avantages
et des inconvénients :
– le stockage spéculatif entraîne un risque important d’alourdissement des
frais financiers de stockage et, en outre, de rupture pendant les autres pério-
des de l’année ;
– l’EDLP permet, lui, d’avoir une politique tarifaire stable pour les consomma-
teurs mais nuit au dynamisme de l’enseigne.
Des stratégies partenariales ont donc été entreprises pour mener des actions
mixtes :
– les animations promotionnelles avec quota : il s’agit pour le fabricant de
proposer des prix attractifs ; en contrepartie, le distributeur s’engage à passer
un minimum de commandes ;
– les périodes promotionnelles très longues avec partage des données de
vente et de stocks : ces actions promotionnelles sont devenues obligatoires,
voire permanentes, sur certains segments.

9.5 ECR et CPFR


L’ECR (Efficient Consumer Response) est une expression qui en elle-même
ne signifie pas grand-chose, sinon l’affirmation sympathique qu’il est bon de
bien répondre aux besoins des consommateurs. On peut donc se demander
ce que cela cache.
En 1999, tous les journaux logistiques ne s’intéressaient qu’à l’ECR. C’était la
grande affaire en liaison étroite avec le concept toujours en devant de scène
de la supply chain. En 2000, on ne parle plus d’ECR. La mode est désormais
au e-business et à ses aspects logistiques. Cependant les associations d’ECR
subsistent avec leurs sites internet ; les entreprises semblent continuer à y
travailler mais il faut reconnaître qu’il y avait déjà, les années précédentes, une
certaine désillusion par rapport aux succès espérés, au moins en France, mais
aussi dans tous les pays, même si les entreprises d’Europe du Nord semblaient
avoir progressé plus vite en ce domaine. Alors qu’en est-il de l’ECR ? une
mode ou un phénomène de longue durée dont on va continuer à parler dans
les années qui viennent ?
Il faut reconnaître qu’il n’est pas très facile de cerner ce que recouvre l’ECR,
un concept aux dimensions variables associant beaucoup d’autres concepts
tous américains :
– Supply chain, à la fois concept, progiciels (supply chain management) et
nouvelle approche de la production et de la distribution ;

420
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

– Electronic Data Interchange (EDI, échange de données informatisé en fran-


çais) ;
– le Quick Response (QR), Continuous Replenishment Program (CRP) ;
– Supplier Retailer Cooperation (SCR), collaboration entre producteur et distri-
buteur prônée par Coca Cola ;
– Vendor Managed Inventory (VMI) ou gestion partagée des approvisionne-
ments (GPA), gestion totale ou partielle des approvisionnements du distribu-
teur par le vendeur qui conserve ou non la propriété des stocks de ses produits
dans les entrepôts du distributeur ; B
– Trade marketing et organisation en category managers avec association de

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


logisticiens aux équipes de négociation entre fournisseurs et distributeurs ;
– Every Day Low Price (EDLP) : tentative de réguler les prix en diminuant
l’impact des promotions ;
– Cross-docking et allotement centralisé : l’allotement des marchandises à une
surface de vente, voire à un rayon, est préparé en entrepôt central et les
produits ne sont que transférés sans picking ni reconditionnement sur les
plates-formes régionales ;
– Collaborative Planning Forecasting and Replenishment (CPFR), collabora-
tion entre producteur et distributeur pour l’établissement de prévision et la
détermination des besoins de réapprovisionnement.
Toutes ces techniques présentent un point commun : elles supposent une
collaboration logistique – et souvent de marketing – entre producteurs et distri-
buteurs. Bien entendu, les uns et les autres ne collaborent que s’ils y ont inté-
rêt et cette collaboration est un facteur clef de leurs stratégies. On a donc
annoncé, peut-être un peu prématurément, une nouvelle ère de relations
commerciales différentes par une collaboration gagnant-gagnant. Pour
comprendre cette évolution, il faut d’abord examiner les raisons techniques qui
sont à la base de ces tentatives de collaboration et les différentes attitudes
stratégiques possibles des partenaires de la supply chain.

9.5.1 Les fondements techniques de l’ECR


Nous entendons par fondements techniques, les contraintes logistiques
qui sont à la base de l’ECR même si le phénomène est, comme on le verra,
beaucoup plus l’expression de volontés stratégiques des différents partenaires
de la supply chain.

 Théorème fondamental de la supply chain


Le théorème fondamental de la supply chain est, comme on l’a vu, appelé plus
souvent dans la littérature anglo-saxonne : le bullwhip effect (effet de fouet à
bœufs). On peut l’exprimer ainsi :
« Plus on s’éloigne vers l’amont du consommateur final d’un produit (détaillant, gros-
siste, fabricant, sous-traitant, etc.), plus la variabilité des besoins de ce produit est
élevée. »
Ceci revient à considérer que si l’on gère une cascade de stocks, la gestion
de chacun de ces stocks, au lieu de réguler les besoins des stocks situés en
amont, accentue les variations de consommation initiales jusqu’à entraîner des

421
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

fluctuations très importantes chez le fabricant, rendant sa gestion de produc-


tion extrêmement difficile. Le seul remède consiste à gérer chacun des stocks
de la chaîne en ne tenant compte que des variations de consommation de la
demande finale et en ignorant les variations de consommation intermédiaires.
C’est ce qu’on appelle assez souvent le pilotage des flux, sans qu’on sache
toujours très bien ce qu’on met sous ce concept.
Il en résulte que les producteurs ont besoin pour réguler leur production de
connaître la demande finale telle qu’elle apparaît aux caisses enregistreuses
des distributeurs. On est donc dans cette situation paradoxale que les produc-
teurs ont besoin d’informations détenues par les distributeurs et que les distri-
buteurs disposent d’une information coûteuse à recueillir et à traiter rapidement
et dont ils n’ont pas vraiment besoin, sinon pour leurs besoins de gestion
locale.

 Difficultés de prévision
Le deuxième facteur de développement de l’ECR réside dans les difficultés de
plus en plus grandes que rencontrent tous les partenaires de la chaîne logis-
tique à effectuer des prévisions. L’effet de fouet à bœufs montre qu’il faut
prélever l’information au plus près des consommateurs. Mais ce besoin est
encore plus fort avec le raccourcissement de la durée de vie des produits et
les conditions actuelles de leur commercialisation.
Une partie importante des ventes se fait sous forme de promotions. Or, par défi-
nition, une promotion consiste à modifier les conditions du marketing : réduc-
tion de prix, publicité, conditionnement et quantité différente, PLV, position en
tête de gondoles, assortiment différent, durée limitée, etc. C’est donc en quel-
que sorte un produit nouveau dont il est difficile d’évaluer ce qui va en être
vendu. De plus, le vendeur ne sait pas toujours quelle quantité est achetée
pour la promotion et quelle quantité est achetée par le distributeur à titre
spéculatif pour profiter des prix de la promotion.
Les vrais achats spéculatifs compliquent encore le problème car le fournisseur
ne sait pas toujours pour combien de temps le distributeur a acheté de son
produit.
Enfin, le raccourcissement de la durée de vie (en production) des produits fait
que le producteur a de moins en moins d’historique. Le phénomène était connu
dans la mode où les premières semaines ou les premiers jours de vente étaient
le meilleur indicateur des coloris et des modèles qui allaient être vendus, mais
il en est de même aujourd’hui de toutes sortes de produits comme les ordina-
teurs, les nouveautés électroniques, etc., tout article qui n’a pour le producteur
qu’une durée de vie de six mois ou moins. Il est donc fondamental pour lui
d’avoir le maximum d’informations fiables sur les ventes dans les délais les plus
courts.

 Développement de l’EDI et du Supply Chain Management


Les années 90 ont vu la généralisation de l’usage de systèmes informatiques
pour traiter toutes les opérations de la supply chain. Il devenait alors absurde
de ressaisir des données chaque fois qu’elles passaient d’une entreprise à
l’autre. L’EDI est cette généralisation des transferts d’information directement
d’un ordinateur à un autre entre entreprises différentes : fiches de produits,
propositions de prix, commandes, avis de réception de commande, avis

422
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

d’expédition, ordre de transport, factures, etc. L’EDI suppose cependant des


standards, des systèmes informatiques d’interface et un accord entre tous les
intervenants.
Dans le même temps, les réalisateurs de systèmes informatiques de manage-
ment de la supply chain ou d’ERP étaient passés du MRP (Material Resource
Planning) en gestion de production industrielle au DRP (Distribution Resource
Planning), en établissant les interfaces nécessaires. Ils brûlaient d’aller plus
loin jusqu’au consommateur final en faisant remonter les informations d’entre-
prise en entreprise tout au long de la supply chain grâce à l’EDI. B
On va voir d’ailleurs que les consultants et réalisateurs de systèmes informa-

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


tiques ont joué un rôle considérable dans le développement de l’ECR

9.5.2 Les partenaires de l’ECR


 Les producteurs
On a vu que les producteurs étaient les premiers intéressés à disposer d’infor-
mations sur les ventes réelles de leurs produits, du fait du théorème fonda-
mental de la supply chain. Mais l’analyse des promotions a montré qu’il y a
beaucoup plus que cela dans leur intérêt pour l’EDI, même si ce simple objectif
suffit à justifier leur implication dans de tels programmes.
Il faut cependant distinguer trois catégories de producteurs :
– les producteurs incontournables sans réseau propre de distribution ;
– les entreprises virtuelles ;
– les autres producteurs.
Les producteurs incontournables sans réseau propre de distribution sont les
propriétaires des grandes marques les plus connues. Ils conçoivent des
produits ; ils en font la publicité ; ils les proposent à des distributeurs qui ne
peuvent pas les ignorer car s’ils n’avaient pas ces marques en rayon, les
consommateurs déçus de ne pas trouver les marques dont ils ont l’habitude
ou qu’ils connaissent par la publicité pourraient se détourner des surfaces de
vente du distributeur. C’est ainsi qu’ils sont relativement incontournables et
sont donc dans une position souvent forte vis-à-vis du distributeur mais pas
assez pour lui imposer tout ce qui leur permettrait de réguler leur production :
communication des données de consommation, régularisation des comman-
des, etc. Ils ont aussi beaucoup à gagner en diminuant l’importance des achats
spéculatifs et des promotions dans le total de leurs ventes. Ils ont donc intérêt
à négocier avec les distributeurs des programmes attractifs leur permettant
d’atteindre ces objectifs. Bien entendu, il y a des compensations financières
mais qui seront le plus souvent moins importantes que les gains obtenus en
régulant la production.
Un autre aspect pour eux était de réduire les taux de rupture de stock en
linéaire, taux parfois importants de 10 à 20 % et qui ne leur étaient pas
toujours imputables.
Certains producteurs importants peuvent proposer à certains clients des
actions de fidélisation et de régularisation. Ainsi, un vendeur de produits chimi-
ques pour l’industrie peut proposer aux acheteurs des entreprises clientes un
contrat d’exclusivité assorti de prix attractifs et de prestations telles que la

423
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

gestion de leurs stocks et leur renouvellement par ses soins. Ils peuvent même
proposer de conserver la propriété de ce stock placé chez le client.
Cette fidélisation est la caractéristique principale des entreprises virtuelles.
Elles ne sont pas, en effet, propriétaires de leur réseau de distribution ni de
leurs usines de fabrication, mais elles s’efforcent de négocier des accords de
longue durée avec elles et d’assurer la gestion complète de la chaîne logisti-
que. Un fournisseur comme Benetton reçoit de ses entreprises franchisées
toutes les informations au jour le jour sur les ventes de nouveaux produits et
peut piloter la fabrication ou même la teinture des produits en fonction des
résultats des ventes. Hewlett Packard pilote la fabrication de ses ordinateurs
en fonction des besoins de ses revendeurs qu’il connaît en permanence. A
priori, l’ECR n’est pas leur affaire ou plus exactement, ils le pratiquent déjà de
façon très avancée.
On peut parler de quasi-intégration verticale à travers la mise en place de
réseaux d’information très diffus et de contrats formalisant les engagements
respectifs des parties.
Les autres producteurs sont beaucoup moins bien lotis vis-à-vis des distribu-
teurs. Ils doivent d’abord se faire référencer par des chaînes de distributeurs
qui peuvent ne pas leur acheter. Ils doivent ensuite se faire référencer au
niveau régional par certaines chaînes comme Leclerc par exemple, tout cela
au prix de concessions. Ils doivent ensuite vendre et la négociation n’est pas
seulement en termes de prix mais aussi de promotions, de têtes de gondoles,
de participation à des actions commerciales du distributeur (foires au vin par
exemple, animations), de mise en place en linéaire, acceptation de retours,
etc. Ils doivent donc se présenter avec des programmes attractifs pour les
acheteurs dans un marché où il existe en permanence un surplus de capacité
productive. Si ces producteurs ont des besoins de trésorerie, c’est en général
au moment où ils ont des excédents de production invendus et ils ont peu de
chance de se faire avancer de l’argent par leur banquier sur ces invendus. La
solution est d’ordinaire de proposer des promotions déclenchant des achats
spéculatifs de la part des distributeurs. C’est une autre source de fluctuations
importantes. Ils sont donc intéressés par tout ce qui permettrait de diminuer
les risques de déréférencement et de fidéliser leurs clients, mais ceux-ci ne
sont pas nécessairement très intéressés par une telle collaboration.

 Les distributeurs
Les distributeurs cherchent à diminuer leurs prix d’achat, soit pour augmenter
leur marge, soit pour vendre moins cher selon la distinction faite par Édouard
Leclerc entre les commerçants et les distributeurs vrais. Ils sont donc intéres-
sés par tout ce qui peut réduire les coûts, et particulièrement les coûts logis-
tiques, à condition de bénéficier de tout ou partie de cette économie.
On peut d’ailleurs distinguer deux catégories de distributeurs :
– les discounts vendent peu de grandes marques et cherchent avant tout un
bas prix. Ils ne cherchent pas à avoir un grand nombre de produits en linéaire ;
– les grands distributeurs ne peuvent se passer des produits à marque mais
peuvent chercher à développer leurs marques propres pour lutter contre les
discounters avec des prix bas et augmenter leur marge. Ils cherchent à faire
baisser les prix d’achat ou leurs charges propres.

424
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

Pour baisser leurs charges propres, ils ont intérêt :


– à transférer les stocks de leurs entrepôts aux fournisseurs. C’est ce que fait
systématiquement Wal-Mart ;
– à supprimer leurs stocks d’arrière-magasin et les charges de mise en place
sur linéaire. Une préparation des commandes par rayons sur rolls les intéresse
ainsi que la mise en place par les fournisseurs ;
– à diminuer les coûts de gestion en faisant gérer leurs stocks par les fournis-
seurs, en diminuant le nombre des promotions, etc. ;
– à faire supporter une partie de leurs charges informatiques par les fournis-
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


seurs. Les systèmes informatiques comprenant des milliers de terminaux, de
caisses, TPV (terminaux points de vente), etc. reliés en permanence ou par
déversement journalier au système central, coûtent très cher. Ils sont donc
éventuellement prêts à vendre leur information.
Pour faire baisser les prix d’achat, ils sont prêts à passer des accords avec les
fournisseurs en leur permettant de diminuer leurs coûts :
– en régulant leur production ;
– en diminuant leurs stocks de produits finis, d’en-cours et de matières premières ;
– en travaillant avec eux pour une meilleure organisation des promotions et des
lancements de produits ;
– en les aidant à définir leurs nouveaux produits, le marketing-mix et les assor-
timents.
Pour ce dernier objectif, l’analyse des ventes aux caisses enregistreuses avec
le data mining peut être un outil intéressant pour analyser des corrélations
d’achat et segmenter leur clientèle afin d’organiser au mieux le merchandising.
Les producteurs peuvent les aider à faire ce qu’ils ne savent pas toujours bien
faire : le marketing de leurs propres produits (MDD) et des promotions, le
marketing de sortie consistant à augmenter la valeur des achats par consom-
mateur (valeur du caddy moyen), par opposition au marketing d’entrée qui
consiste à faire venir le plus grand nombre de consommateurs.
Il y a donc une demande latente des distributeurs et des producteurs pour une
collaboration plus soutenue, mais cette demande est difficile à concrétiser pour
plusieurs raisons :
– Elle se situe à l’intérieur d’une relation d’achat, ce qui la rend difficile. On
parle parfois d’ECR entre un producteur et ses fournisseurs comme, par exem-
ple, entre un assembleur automobile et ses sous-traitants. Il est évident qu’une
telle collaboration de longue durée présente des avantages avec des politiques
de juste-à-temps, de prévisions, de diminution progressive des coûts, de
rapprochement d’usines et d’ateliers, etc. Mais le véritable ECR entre un
producteur et un distributeur est nettement plus difficile à réaliser.
– Elle suppose une répartition des bénéfices dus à l’ECR entre les deux entre-
prises ; particulièrement les distributeurs qui profitent moins de ces économies
que les producteurs veulent une compensation, ce qui suppose que l’on puisse
négocier en analysant les coûts et les économies réalisées, ce qui est toujours
difficile.
– Cette collaboration suppose des partages d’information avec des moyens
matériels qui demandent une certaine durée et une certaine confiance entre

425
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

les partenaires. Les transferts de responsabilité ne sont pas non plus simples
à réaliser dans le cas de GPA. Non seulement il faut que le distributeur ait
confiance dans son fournisseur mais encore il faut prévoir les responsabilités
de chacun en cas de rupture de stock en linéaire ou en magasin, etc.
– L’ECR peut même demander une collaboration entre producteurs. En effet,
pour procéder à l’allotement des produits nécessaires à un rayon, il faut
rassembler dans un même roll ou une même palette des produits de fournis-
seurs différents. On peut supposer que les différents fournisseurs d’un même
distributeur ou de plusieurs distributeurs livrent leurs produits à une même
plate-forme qui procède à ces allotements. C’est encore une nouvelle forme
de collaboration.
Si l’ECR peut donc se réaliser sans trop de difficultés entre grands fournis-
seurs de marques incontournables et grands distributeurs, il en est tout autre-
ment dans les autres cas. C’est là que l’on voit intervenir ceux qui vont assurer
la proportion active de l’ECR : les sociétés d’informatique et les sociétés de
conseil.

 Les sociétés d’informatique et de conseil


On les trouve à l’origine de l’ECR et tout au long de ses développements. Elles
vont en effet jouer un triple rôle :
– de promoteur en proposant les concepts et les méthodes, en publiant des
articles, voire des ouvrages sur le sujet, en organisant des séminaires de
formation et de sensibilisation ;
– de fournisseur d’outils informatiques car tout repose sur des systèmes infor-
matiques pour le transfert et le partage de l’information ;
– d’intermédiaire car il s’agit de mettre en contact des entreprises ayant des
intérêts opposés, de procéder à des analyses, et particulièrement des analy-
ses de coûts toujours sensibles, acceptables par les différentes parties, de
proposer des règles équitables, d’animer des associations spécialisées, etc.
Ces sociétés d’informatique et de conseil ont bien entendu intérêt à développer
une telle activité qui est une activité de longue durée et où elles peuvent se
créer une compétence nouvelle et parfois exclusive. Certains pensent avec
humour que ces sociétés ont été les premières bénéficiaires de l’ECR.
Pour rendre acceptable la doctrine de l’ECR, il fallait qu’elle soit présentable
et donc n’affiche pas un aspect trop mercantile et surtout qu’elle n’ait pas l’air
de modifier les règles de la concurrence. C’est sans doute pour cela que le
consommateur et la satisfaction de ses besoins ont été mis en avant avec
cette idée qui n’est pas fausse que les gains effectués profiteraient en défini-
tive au consommateur par le simple jeu de la concurrence, à condition de diffu-
ser largement les pratiques correspondantes.

 Les entreprises de logistique


Les entreprises de logistique auraient pu être des promoteurs importants de
l’ECR. Elles possèdent en effet, pour les plus importantes d’entre elles, la
capacité de traiter les problèmes logistiques des producteurs et des distribu-
teurs en leur fournissant un cadre comptable et opérationnel apte à faciliter
l’ECR. On a même vu que leur intervention pouvait être indispensable pour
arriver à créer une collaboration globale entre fournisseurs et distributeurs et

426
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

non plus seulement entre un distributeur et un fournisseur. Ceci n’a pas été le
cas pour plusieurs raisons :
– le développement des grandes entreprises logistiques capables de remplir
de telles missions est relativement récent et la plupart n’avaient pas la maturité
suffisante pour s’insérer dans les dispositifs d’ECR ;
– force est de constater que le recours à l’externalisation logistique s’est prin-
cipalement fait sur des motivations de baisse des coûts. Ce critère de réduc-
tion des coûts n’a pas véritablement permis aux prestataires logistiques
d’investir dans le développement de compétences et de solutions à la hauteur B
des enjeux révélés par des expériences pilotes développées au sein de l’ECR.

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


– pour pouvoir intervenir de façon déterminante et non en simples fournisseurs
de prestations logistiques, ce qu’elles ont fait, il aurait fallu que ces entreprises
aient une maîtrise de l’informatique qui permette de piloter ces flux de données
et de produits ; or, ce n’était pas le cas mais, au contraire, celui des grandes
entreprises de production ou de distribution qui se sont faits les champions de
l’ECR (Procter and Gamble, Wal-Mart, Coca-Cola, Mart, etc.).

9.5.3 Histoire de l’ECR


 Wal-Mart et Procter & Gamble
En 1979, Wal-Mart était une entreprise de distribution du sud des États-Unis
avec 229 magasins, contre 1 891 à K-Mart, son grand concurrent. Aujourd’hui,
Wal-Mart est le plus grand distributeur du monde. En 2007, Wal Mart gérait
979 magasins discount, 2 435 magasins classiques, 586 Sam’s Clubs et 128
magasins de proximité aux Etats-Unis pour un total de 4 128 unités auxquelles
il faut ajouter au niveau international les pays suivants avec le nombre d’unités
entre paranthèse : Argentine (21), Brésil (313), Canada (298), Chine (Wal-Mart
101 ; Trust-Mart 102), Costa Rica (149), Guatemala (145), Honduras (47),
Japon (394), Mexique (1 020), Nicaragua (45), Puerto Rico (54), El Salvador
(70) and Royaume-Uni (352) soit au total au niveau mondial plus de
7 200 points de vente. Sam Walton, son créateur, était un des personnages
les plus connus dans le monde, au moins chez les spécialistes de la distribu-
tion. C’est aussi un des distributeurs qui fait le plus de profits. Une des carac-
téristiques importantes de Wal-Mart est son développement informatique
exceptionnel. Tous les sites commerciaux sont équipés de terminaux points de
vente permettant de suivre les ventes, référence par référence. Reliées par
satellites, les données sont rassemblées tous les jours dans une énorme base
de données qui permet de piloter l’ensemble de l’organisation. Face à cette
expansion, un de ses fournisseurs les plus importants, Procter & Gamble, a
proposé à Wal-Mart de gérer lui-même le réapprovisionnement des dépôts et
des magasins en ayant accès aux données de Wal-Mart. Le système informa-
tique mis au point à cette occasion a été ensuite racheté par IBM qui en a
assuré la promotion sous le nom de CRP (Continuous Replenishment
Program) ou de CPR – en américain CPR signifie aussi Cardio Pulmonary
Ressuscitation ! On parle aussi souvent de VMR (Vendor Managed Replenis-
hment). Le transfert des commandes des hypermarchés et supermarchés vers
les distributeurs s’effectue à travers le réseau IBM vers un centre serveur sur
lequel les fournisseurs peuvent récupérer ces informations pour décider des

427
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

réapprovisionnements du distributeur. On n’en est pas encore à communiquer


systématiquement les données de vente provenant des caisses enregistreu-
ses, mais c’est bien le sens dans lequel s’organiseront les futurs moyens infor-
matiques de l’ECR.
 Des objectifs politiques puis associatifs
L’idée d’une systématisation de ces procédures est née ensuite aux États-Unis
en 1991, à partir d’une étude de l’administration américaine sur les meilleures
façons de lutter contre la délocalisation dans la confection. Il était apparu que
le consommateur veut suivre la mode très vite et que les fabrications délocali-
sées ne pourraient lutter si distributeurs et fabricants travaillaient en partenariat
pour se transmettre très rapidement les données sur les ventes. Le fabricant
pourrait alors diminuer ses stocks et produire juste à temps de telle sorte que
le distributeur suive la demande très rapidement. Bien évidemment, une telle
politique suppose que l’EDI soit en place pour assurer très rapidement les trans-
ferts d’information, et le mouvement américain VICS (Volontaries for Industrial
Communication Standards) a joué un rôle important en cette affaire.
Une autre étude a été lancée aux États-Unis en 1992, par le Food Marketing
Institute, avec le concours du Cabinet Kurt Salmon Associates. C’est cette
étude qui a abouti au nom d’ECR et a mis en avant des avantages extrême-
ment importants qui n’ont pas manqué de frapper les esprits :
– une économie prévue de 30 milliards de dollars par an ;
– une baisse des prix de vente au public prévue de 10,8 % pour 1996 ;
– des réductions drastiques des stocks : de 40 à 100 % chez les distributeurs
– une productivité améliorée des acheteurs ou au moins des approvision-
neurs ;
– une meilleure qualité de service par lissage des flux ;
– une diminution des retours pour invendus, litiges, coûts administratifs, etc. ;
– un meilleur taux de chargement des camions (de 30 à 45 palettes par
camion), etc.
La démarche proposée prenait un caractère institutionnel avec un rassemble-
ment paritaire autour d’une association de détaillants, grossistes et produc-
teurs, avec 5 chantiers de base :
– recherche des meilleures méthodes (best practices) ;
– outils et technologie ;
– formation et management ;
– définition de standards de coûts et de suivis ;
– résolution des problèmes spécifiques des indépendants.
Avec l’aide d’IBM et du cabinet Arthur Andersen, les idées principales de ce que
l’on allait appeler l’ECR (Efficient Consumer Response) allaient conquérir le
monde.
L’ECR s’est répandue aux États-Unis et en Australie à partir de 1992. Dès
1993 se créait une association italienne. Puis en 1995, s’est constitué en
Europe un ECR Executive Board pour promouvoir cette doctrine avec 12 indus-
triels et distributeurs (Auchan, Promodès, Danone, groupe Mars, Unilever, etc.).

428
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

 La gestion partagée des approvisionnements (GPA)


L’ECR s’est manifestement développée plus lentement en France que dans
les pays d’Europe du Nord, y compris les Pays-Bas, la Grande-Bretagne,
l’Allemagne et même l’Italie du Nord. L’association ECR France n’a été créée
qu’en 1997 et aurait eu, fin 1999, 85 membres, ce qui est peu. Cependant,
elle s’est par la suite développée de façon importante particulièrement à
travers la GPA. Comme on l’a vu, les débuts de l’ECR peuvent être rapportés
aux accords passés entre Wal-Mart et son fournisseur Procter & Gamble pour
que ce dernier assure la gestion de ses produits dans les entrepôts du B
premier. La technique de gestion partagée des approvisionnements est appa-

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


rue d’abord aux États-Unis puis en Europe, à la fin des années 1980. On esti-
mait à l’époque que les relations souvent conflictuelles entre la grande
distribution et l’industrie et l’importance des promotions conduisaient la distri-
bution à :
– des stocks très importants tant chez les producteurs que les distributeurs ;
– des taux de service médiocres (beaucoup de ruptures de stock) ;
– des coûts logistiques de transport et de manutention importants (transports
très fréquents de petites quantités).
On peut considérer deux types de GPA selon les informations échangées entre
producteur et distributeur :
– la GPA à partir des données de sorties d’entrepôt comme dans l’exemple
précédent (le producteur connaît bien entendu les entrées qu’il a livrées) ;
– la GPA via les données de sortie des caisses enregistreuses qui permet une
appréhension plus rapide de la demande mais exige chez le distributeur une
organisation informatique plus complexe. C’est la technique préconisée par
Wal-Mart aux États-Unis.
On peut considérer aussi deux types de GPA selon la propriété des stocks
chez le distributeur :
– le distributeur peut rester propriétaire des stocks entreposés dans ses maga-
sins ; de toute façon il ne paye la marchandise qu’au bout d’un ou plusieurs
mois, ce qui lui permet de placer les produits correspondants des ventes car
les marchandises ont de nombreuses rotations pendant ce temps ;
– le producteur peut rester propriétaire de la marchandise tant qu’elle n’a pas
quitté l’entrepôt du distributeur (technique Wal-Mart), ce qui reporte les coûts
de stock sur le producteur.
Le succès de la GPA est indéniable en Europe ou en Asie comme aux États-
Unis. Si on regarde la place actuelle de la GPA dans la grande distribution
française à dominante alimentaire, on s’aperçoit que les distributeurs les plus
avancés gèrent plus de la moitié de leurs approvisionnements en GPA pour
les produits d’épicerie (hors produits frais). De plus, on constate que la GPA
n’est plus la prérogative du secteur alimentaire : elle s’étend également aux
produits de bazar, électroménager, outillage, etc.
Du côté des industriels, 60 % des adhérents d’ECR France l’appliquent déjà
et plus de 20 % l’envisagent à court terme. Les plus avancés ont atteint la
masse critique avec plus de 50 % de leur volume traité en GPA. Comme le
déclarait en 2004 Isabelle Bellaïche, responsable ECR de Supply Coca Cola
Entreprise : « Aujourd’hui, environ 50 % du chiffre d’affaires grande distribu-

429
9 • Demand side : 9.5 ECR et CPFR
distribution

tion de Coca Cola Entreprise passe par la GPA. L’objectif est de passer à
70 % d’ici 2005. Nous souhaitons également étendre les déploiements GPA
vers d’autres types de réseaux de distribution et notamment vers notre activité
“hors foyer” (hôtels, restaurants, bars…). Mais pour le moment, les acteurs et
les processus d’approvisionnement sont dans un état de maturité moins
avancé ».
Les gains de la GPA en France sont importants mais ce ne sont peut-être pas
ceux que l’on attendait à la suite des premières études.
En ce qui concerne la réduction des stocks, la situation n’était pas comparable
avec celle des États-Unis où est né l’ECR. Comme l’explique Olivier Labasse,
secrétaire général d’ECR France : « S’il nous reste des progrès à faire, nous
ne stockons pas forcément plus que les autres, et parfois nettement moins. En
1997, les distributeurs américains s’étranglaient avec 104 jours de stock
d’épicerie sèche contre seulement 58 jours en France 1… » Les fournisseurs et
la logistique amont ne sont probablement que peu responsables des ruptures
de stock en linéaire. Comme l’a montré le groupe de travail d’ECR France qui
a effectué l’étude de 2000 sur les ruptures en linéaire, 80 % des causes de
rupture sont dues à l’environnement du magasin et non à l’approvisionnement
amont. On peut cependant aussi penser que la faible importance de cette
dernière cause de rupture est due à l’importance de la pratique de la GPA !
Quant à la réduction des coûts de transport, il n’est pas certain que le renfor-
cement du juste-à-temps entraîné par la GPA, aille dans ce sens.
En fait, la GPA, comme les autres « bonnes pratiques » de l’ECR, va dans le
sens d’une transformation des relations entre les distributeurs et les fabricants,
particulièrement les grands producteurs incontournables. Les uns et les autres
y trouvent des intérêts différents et toutes ces pratiques ont tendance à se déve-
lopper.

 Le développement du CPFR (Collaborative Planning Forecasting and


Replenishment)
On a cité le CPFR parmi les techniques de l’ECR et l’on a décrit rapidement en
quoi il consiste au chapitre 7 sur la prévision (§ 7.8.2). Le CPFR est cependant
beaucoup plus qu’une prévision collaborative. La gestion partagée des appro-
visionnements après des débuts parfois difficiles est devenue, d’ailleurs sous
la pression de la grande distribution, une technique normale d’approvisionne-
ment pour les principaux producteurs. Elle est cependant difficile à pratiquer :
– les sorties des plates-formes distributeurs, connues parfois avec des pério-
dicités inadéquates, ne traduisent pas exactement la consommation finale, loin
de là ;
– la prévision de l’incidence des promotions devient vite, comme on l’a vu, un
problème insoluble sans une étroite coopération entre distributeur et produc-
teurs ;
– la réservation de stocks sur les plates-formes de distributeur complique le
DRP et peut être la source de ruptures de stocks ailleurs ;

1. LSA, 25 février 1999.

430
9 • Demand side : 9.6 Quelques exemples de logistiques de distribution
distribution

– enfin la plupart des producteurs n’arrivaient pas à intégrer DRP et MRP pour
lisser des programmes de production perturbés en permanence par des
événements imprévus.
Il fallait donc aller plus loin dans la coopération entre producteurs et distribu-
teurs et le graphique simplifié du chapitre 7 (§ 7.8.2) montre bien la procédure
générale élaborée aux États-Unis par le VICS (Voluntary InterIndustry
Commerce Standards). Le CPFR est donc devenu en quelques années incon-
tournable au moins pour les majors de la production et de la grande distribu-
tion. Il s’agit là bien plus que d’une mode mais de la poursuite d’un mouvement
engagé depuis les premières expériences ECR 1.
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


9.6 Quelques exemples de logistiques de distribution
9.6.1 Distribution des produits ultra-frais2
 Marché
Les produits frais et ultra-frais étudiés ici sont des produits laitiers : yaourts,
desserts, fromages frais, etc. 2
Ils se caractérisent :
– par des durées de vie limitée. La date limite de consommation (DLC) est
fixée par la législation 24 jours après la fabrication. Mais les consommateurs
préfèrent des articles ayant la DLC la plus éloignée de telle sorte que les distri-
buteurs refusent des articles ayant moins de 17 jours d’ici la DLC. On peut
relever que cette durée de vie a tendance à s’allonger car elle était de 12 jours
en 1960. Cette durée de vie limitée et le délai qui reste au fabricant pour
produire et livrer lui imposent de réaliser des prévisions très exactes pour
produire exactement les quantités qui vont être demandées par les distribu-
teurs. Les stockages doivent être extrêmement brefs. Il faut ensuite réduire au
minimum les délais de livraison ce qui implique de réduire les étapes de manu-
tention ou de stockage avant l’arrivée en linéaire ;
– par le respect de la continuité de la chaîne du froid. Ce respect est indispen-
sable pour ralentir l’évolution biologique du produit. Mais comme le produit est
à cycle de vie très court, les livraisons sont fréquentes ce qui rend la logistique
relativement complexe. Ce besoin conduit donc à disposer de moyens spécia-
lisés d’entrepôt et de transport ;
– par de multiples marques mais avec un degré important de concentration :
en France, 4 marques (Danone, Yoplait, Chambourcy, MDD) représentent
81,5 % des parts de marché fin 1993 ;
– par de multiples produits (yaourts, nature ou aux fruits, aromatisés, crèmes,
etc.) avec une gamme qui a été multipliée par 10 en 30 ans ;

1. Sur le CPFR, on se reportera à l’ouvrage de Thierry Jouenne (2000) qui, adapté pour la France
d’une publication du VICS, propose une méthodologie de mise en place illustrée par de nombreuses
expériences.
2. La présentation qui est faite ici de la distribution des produits extra-frais est empruntée pour une
grande part à une étude de l’Institut des hautes études logistiques (IHEL), étude très riche à laquelle
on se reportera et qui a été effectuée à partir des cas de Yoplait et du secteur des produits frais de
Auchan.

431
9 • Demand side : 9.6 Quelques exemples de logistiques de distribution
distribution

– par une croissance continue du marché ; cette croissance a cependant tendance


à se réduire depuis quelques années après avoir atteint un taux de pénétration
élevée et une consommation forte : 36 kg en 1994 pour 3,7 kg en 1960 ;
– par un volume important : ces produits représentent environ 4,5 % du CA
d’un distributeur en alimentation.

 Participants à la chaîne logistique

 Les producteurs
Dans le cas du producteur analysé dans cet exemple, son organisation s’est
profondément transformée depuis vingt ans. Dans les années 1960, il livrait
135 000 tonnes de produits à partir de 150 dépôts régionaux directement à
des points de vente. Au début des années 1980, il n’y avait plus que 50 dépôts
pour livrer 290 000 tonnes de produit. À la fin des années 1980, le nombre des
plates-formes régionales se réduit à 8 dont 3 en sous-traitance pour se réduire
en 2007 à 4 dont 2 en sous-traitance.
Ces plates-formes livrent à 80 % en tonnage des plates-formes de distribu-
teurs (hypermarché), à 12 % des supermarchés en livraison directe et à 8 %
des hypermarchés, également en livraison directe. Les plates-formes sont
parfois partagées en une partie producteur et une ou plusieurs parties affec-
tées exclusivement à une enseigne à partir desquelles sont livrées directement
les surfaces commerciales.
Les livraisons sont effectuées à partir des plates-formes soit par le producteur
avec ses moyens propres dans un rayon de 100 km ou pour les livraisons
importantes (hypermarchés, actions promotionnelles) dans un rayon de
200 km, soit par des dégroupeurs ayant leurs plates-formes propres dans un
rayon de 100 à 200 km.

 Les distributeurs
La plupart ont leurs propres plates-formes spécialisées soit en propre soit en
sous-traitance, mais l’on voit cette sous-traitance s’étendre à l’entrepôt du
producteur dont certaines parties peuvent être affectées à une enseigne, à
partir desquelles le distributeur effectue les livraisons à ses points de vente.

 Délais et procédures
Dans le cas de Yoplait, les commandes sont passées par les clients de 9 h à
12 h, sont livrées le jour même de 17 h à 22 h dans 60 % des cas et le lende-
main avant 9 h dans les 40 % des cas restants. Le taux de rupture est de 1 %.
Ceci suppose que les entrepôts soient approvisionnés auparavant. Le délai
d’approvisionnement de l’usine est de 0 à 2 jours, le délai de fabrication de
52 heures et le délai de transfert à l’entrepôt de 1 journée.
Le délai de 7 jours s’explique par l’horizon de planification de production gelé
fixé à 1 semaine.
Les prévisions sont donc un facteur capital de l’organisation logistique Ainsi
un autre producteur, le groupe Danone, après avoir utilisé entre 1980 et 1985
une méthode centralisée sur un ordinateur situé au siège de la société est
revenu à une procédure comprenant les étapes suivantes (Becker, 1995) :

432
9 • Demand side : 9.6 Quelques exemples de logistiques de distribution
distribution

Transport Transport
Transport Transport
Outbound Outbound
Inbound intercontinental
amont aval
Zones Zones Plate-forme
Fournisseur aéroportuaires aéroportuaires de Client
de chargement de chargement distribution

Figure 9.6 – Les étapes clés d’une chaîne logistique Grand Import.
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


– prévisions hebdomadaires par les gestionnaires de stock à partir d’un histo-
rique des ventes des 2 semaines précédentes et de l’état des stocks ;
– regroupement de ces prévisions et éclatement par jour et par parfum en
fonction de statistiques conservées dans l’ordinateur central ;
– transformation en « prévisions de réception » à partir de l’état des stocks et
en tenant compte des unités de transport ;
– transmission aux usines de prévisions sur 2 semaines revues quotidienne-
ment afin de leur permettre d’ordonnancer leur production.
Chez Yoplait les prévisions à destination des usines sont établies en semaine
S – 3 pour les semaines S et S + 1 avec un plan d’approvisionnement établi en S – 2.
La difficulté est que le producteur n’a pas directement accès aux statistiques
de consommation des points de vente. Il reçoit des commandes, et plus rare-
ment des prévisions, des plates-formes fournisseurs ou des magasins, mais
ces commandes ne reflètent qu’imparfaitement les consommations réelles :
elles sont biaisées par les reconstitutions périodiques de stocks ou de rayons,
les à-coups promotionnels, etc. Le distributeur peut avoir 4 à 5 jours de stock
sur plates-formes et il peut avoir tendance à passer ses commandes principa-
lement le vendredi (pour le lundi) ou le lundi. On comprend l’intérêt des
producteurs pour une démarche ECR susceptible de faire gagner beaucoup en
qualité des prévisions puis en délais de commandes.

9.6.2 La distribution dans le contexte de la mondialisation.


La recherche d’une plus grande compétitivité pour les distributeurs s’accom-
pagne d’une augmentation des sourcings dits du Grand Import. Toutes les
enseignes n’en sont pas au stade de Carrefour qui exporte quelque 50 000
containers d’Asie dont 70 % de la seule Chine.
La figure 9.6 représente les étapes clés d’une chaîne logistique Grand Import.
Dans cette approche plusieurs problématiques doivent être traitées :
– la plus grande maîtrise des flux d’approvisionnement depuis les fournisseurs
qui peut conduire à une modification de l’incoterm qui figure dans le contrat
d’achat à savoir une évolution du FOB (Free On Board) vers un incoterm EXW
(Ex Works) ou FCA (Free Carrier Along) ;
– l’élimination des envois par LCL (Less Container Load) et leur remplacement
par des FCL (Full Container Load) ;

433
9 • Demand side : 9.6 Quelques exemples de logistiques de distribution
distribution

– la nécessité de prendre en compte les différents types de produits selon que


l’on parle de produits permanents, saisonniers et promotionnels ;
– le contrôle qualité des produits à la source est un élément critique pour éviter
les surprises désagréables à l’arrivée des produits ;
– la sécurisation des délais pour respecter les rétro-plannings qui cadencent
les commandes (PO : Purchase Order) et ce, en particulier pour les produits
promotionnels pour lesquels le respect des dates est strictement fondamental ;
– la nécessité de vérifier qu’une opération Grand Import est rentable et qu’au-
delà d’un prix d’achat facial attractif, la marge sur coût global est positive.
Notre expérience nous conduit à distinguer 3 tranches de valeur de containers
EVP (Equivalent Vingt Pieds) à savoir inférieure à 10 000 euros, entre
10 000 et 25 000 euros et au-delà de 25 000 euros. Les calculs de coûts
complets montrent que le surcoût logistique comparé à une solution de sour-
cing domestique varie de 35 à 50 % de la valeur du produit. Il ne faudrait donc
pas que l’effet recherché d’une plus grande compétitivité prix soit finalement
démenti au niveau des résultats réels ;
– la réduction des stocks outils et de sécurité par un meilleur lissage des expé-
ditions tout en respectant le critère FCL et la mise sous contrôle des facteurs
de risque.
Pour répondre à ces problématiques un ensemble de solutions sont envisa-
geables telles que :
– la maîtrise du flux inbound (part de la chaîne logistique du point de sourcing
au port d’expédition). Cette maîtrise doit s’accompagner d’un programme
quasiment éducatif des fournisseurs pour que ceux-ci respectent les cahiers
des charges opérationnels comme ce qui a été mis en place à partir de 2007
par Carrefour en Chine en s’appuyant à la fois sur Géodis et Kuehne & Nagel
auxquels ont été affectées des zones géographiques spécifiques et le choix de
2 ports d’embarquement que sont Ningbo au Nord et Yantian au Sud de la
Chine ;
– la délocalisation des activités à valeur ajoutée déjà qualifiées dans cet
ouvrage d’opérations de post manufacturing telles que l’étiquetage, le kitting,
l’emballage, le marquage des produits (en particulier les produits à marque
distributeur) de la partie outbound (aval) de la chaîne logistique vers la partie
inbound (amont) de celle-ci. L’une des opérations visées par la délocalisation
est la préparation de commandes pour chaque magasin au niveau de la CFS.
Cette solution qui permet de minimiser les coûts ne peut s’envisager sans
l’intégration des systèmes d’information de gestion des commandes avec le
WMS du prestataire qui prélève les produits dans le stock. C’est la solution
mise en place par Géodis pour le compte du distributeur allemand Praktiker
filiale du groupe Métro pour les articles de mobilier et accessoires de jardin
(outdoor) à partir du port de Tanjung-Pelepas ;
– une Route To Market qui privilégie la mise en œuvre de sites logistiques de
massification amont appelés CFS (Consolidation Freight Station) qui seront
situés ou non en zone sous douane pour fluidifier le flux. Le site de Tanjung-
Pelepas en Malaisie mis en place par Géodis lui permet de consolider les flux
issus des pays sud-asiatiques. La figure 9.7 illustre ce type de solution.
– la mise en place de solutions de traçabilité qui permettent d’anticiper des
problèmes et de mettre en place des solutions ;

434
9 • Demand side : 9.6 Quelques exemples de logistiques de distribution
distribution

CFS
Avec stock
Port Port de Consignation (VOI)
embarquement embarquement

B
Port Port

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


débarquement débarquement

Régional Régional

Route-To-Market Route-To-Market
classique avec CFS

Site logistique
domestique Site fournisseur
Outbound avec stockage

Site logistique
domestique Magasin
Outbound avec cross-dock

Transfert
VOI : Vendor Owned Inventory
de propriété

Figure 9.7 – Solution Route-to-Market.

– une organisation des opérations import-export selon 4 solutions génériques :


• Solution 1 : Pas de pilotage en propre mais réalisé par et sous le contrôle
de tiers selon les indications du donneur d’ordre (modèle sous-traitance) ;
• Solution 2 : Pilotage Inbound local (modèle exportateur) s’appuyant sur une
cellule de pilotage (par le donneur d’ordre) locale dont le but est de : Maîtri-
ser les opérations (industrielles et logistiques) et les opérateurs inbound ;
Maîtriser les opérations d’exportation ; Garantir la qualité produit en identi-
fiant les dysfonctionnements avant le transfert ; Contrôler et réguler les
transferts. C’est la solution déployée par Carrefour qui compte en 2007 déjà
300 personnes localisées en Asie ce qui lui permet de mieux contrôler ses
fournisseurs tout en réduisant les stocks. Dans ce modèle, les fournisseurs
approvisionnent des stocks en fonction de prévisions d’achat mensuelles et
les produits ne sont facturés par les fournisseurs qu’à la sortie des stocks ;

435
9 • Demand side : 9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C
distribution

• Solution 3 : Pilotage Inbound central (modèle importateur) depuis le point


de sourcing jusqu’au port d’arrivé afin de maitriser en plus du pilotage
Inbound Local le transport maritime et les opérations douanières d’importa-
tion au port d’arrivée ;
• Solution 4 : Cellule End to End Grand Import (modèle intégré bout en bout)
en charge du pilotage global intégré des flux du point de sourcing jusqu’au
point de livraison terminal en s’appuyant sur des équipes centrales et locales.
Les évolutions mentionnées ci-dessus ne peuvent se mettre en place de
manière opérationnelle qu’en respectant les conditions suivantes :
– une bonne connaissance des pratiques logistiques et de transport dans les
pays d’exportation et une démarche de benchmark qui permet de comprendre
quelles solutions sont réellement opérationnelles ;
– le recours systématique à des prestataires logistiques de 1 er plan qui appor-
teront une compétence de l’environnement local, la possibilité de variabiliser
au maximum les coûts et de mutualiser les ressources. Le choix du prestataire
ad hoc est bien évidemment critique ;
– le déploiement des solutions selon une approche incrémentale en termes de
produits, de pays sourcings, de fournisseurs, de réseaux de vente et enfin de
volumes traités ;
– la définition de solutions en fonction de la nature des produits ;
– la mise en place de contrôles qualité tant au niveau des produits que des
processus opérationnels pour s’assurer que les cahiers des charges sont respec-
tés et éliminer tous les facteurs de risque ou du moins les réduire drastiquement.
La démarche que nous préconisons suit les 4 étapes suivantes :
– une analyse stratégique qui permet de construire une vision partagée. Trop
souvent les états-majors des entreprises déclarent le Grand Import comme un
objectif à atteindre mais sans mesurer les conséquences en termes d’organi-
sation, de processus et d’outils opérationnels y compris les systèmes d’infor-
mation. Cette démarche permet de bien définir les scénarios possibles et d’en
évaluer les enjeux et les risques associés ;
– une analyse de la chaîne de valeur en termes financiers qui permet d’iden-
tifier les leviers générateurs de gains et de formaliser les business cases de
chacun des scénarios ;
– une analyse des processus et des outils propres à chaque scénario envisagé ;
– la définition du contrôle opérationnel qui s’appuie sur des indicateurs de
mesure de performance, une éventuelle tour de contrôle pour piloter et suivre
les flux et une mise à plat des compétences nécessaires.

9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C


9.7.1 L’importance du dernier kilomètre
Le chapitre 1 a montré comment, lorsqu’un flux descend une arborescence, à
chaque nœud le flux entrant se décompose en plusieurs flux sortants et les
coûts unitaires de transport augmentent exponentiellement lorsqu’ils se rédui-
sent. Ceci s’applique très bien aux coûts de distribution pour lesquels les

436
9 • Demand side : 9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C
distribution

produits provenant des usines descendent une arborescence à travers des


plates-formes de distributeurs, puis des GMS, puis enfin des clients indivi-
duels. Le coût unitaire le plus élevé est alors le coût du dernier kilomètre qui
peut être plus élevé que tous les coûts subis précédemment par les mêmes
produits au long de la supply chain. Cette expression « dernier kilomètre » est
d’ailleurs une traduction de l’expression américaine last mile qui désigne ce
dernier maillon de la chaîne logistique.
Les Américains parlent volontiers du cauchemar du dernier mile qu’ils oppo-
sent aux 499 miles qui le précèdent dans la supply chain : les distances sont
plus importantes aux États-Unis entre fournisseurs et GMS. En effet ces 499
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


miles ne posent pas de problèmes particuliers dans une chaîne logistique bien
rodée. Ils sont relativement bon marché. Reste alors ce dernier mile presque
aussi coûteux, voire plus, que tous les autres.
Le problème est en effet de savoir qui va supporter ce coût et comment. La
distribution historique représentait un premier compromis pour des consomma-
teurs se déplaçant surtout à pied avec des boutiques proches de chez eux. La
multiplicité des points de vente à faible clientèle et petits stocks avec des réap-
provisionnements fréquents en faisait cependant un système coûteux. La
grande distribution par GMS s’est efforcée de réduire les coûts en reportant
sur le consommateur l’essentiel de cette logistique du dernier kilomètre, mais
il n’est pas très facile d’évaluer ce que cela lui coûte :
– 2 fois 5 km en voiture, distance moyenne du domicile du consommateur à la
GMS ;
– 1 à 2 heures de conduite, picking, temps d’attente à la caisse et manutention.
En moyenne, ce coût ne serait pas inférieur à 15 euros, si l’évaluation de la
valeur du temps passé par un consommateur a un sens, car ces coûts sont en
partie indolores dans la mesure où aller faire son marché est pour beaucoup
d’entre eux une occupation relativement agréable encouragée par le décor, la
musique et les animations, etc.
Une autre approche consiste à calculer combien coûte la livraison à domicile
d’un caddie pour une GMS de centre ville qui se doit de proposer, à titre
onéreux ou gratuit, ce service à des clients qui ne peuvent pas toujours
parquer leur véhicule à proximité. Ce service qui ne comprend pas le picking
est facturé de 8 à 15 € par les entreprises spécialisées qui le réalisent pour
le compte de distributeurs. Il est vrai que de tels caddies comprennent une part
plus importante de produits lourds ou encombrants et de peu de valeur que le
consommateur ne veut pas transporter, eaux minérales, litières pour animaux,
etc. Par rapport à un caddie de 110 € de marchandises, le coût de cette logis-
tique partielle du dernier kilomètre est donc de l’ordre d’au moins 10 %, ce qui
est supérieur aux coûts de transport et de manutention qui sont dans la grande
distribution de l’ordre de 3 à 8 %.
À ces coûts s’ajoutent d’autres catégories de coûts qui peuvent être importants
si l’on veut livrer le consommateur :
– Le coût du paiement à la livraison : c’est une forme classique de paiement
qui oblige le transporteur à remettre la facture, recevoir et vérifier le chèque,
enregistrer la recette, le renvoyer avec bordereaux au vendeur, etc. ; une telle
procédure exige des conducteurs spécialement formés et est évidemment plus
longue que la simple délivrance d’un colis, en plus des coûts non négligeables

437
9 • Demand side : 9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C
distribution

de la procédure ; des frais sont le plus souvent comptés au client pour cette
prestation mais ces frais ne couvent pas nécessairement l’intégralité de la
prestation.
– Le coût des échecs à la livraison par absence du client. Il faut alors selon
les règles classiques des contrats de transport, conserver la marchandise dans
un lieu situé à proximité (relative) du client et la lui remettre lorsqu’il viendra
la chercher ; c’est une prestation qui peut être très coûteuse. En effet, hors le
samedi et le dimanche, beaucoup de clients éventuels ne sont pas chez eux
aux heures normales pour recevoir ce qu’ils ont commandé. Une solution pour-
rait être d’assurer la livraison sur le lieu de travail. Ceci suppose, par exemple,
un accord avec une GMS qui installe un magasin de livraison dans un immeu-
ble de bureaux ou un parking. On voit même se développer des « drive-in »
où les automobilistes peuvent aller récupérer les marchandises commandées
et préparées à l’avance.
– Le coût des retours : un client peut refuser la marchandise (loi Scrivener) ou
ne pas venir la prendre ; il faut alors la retourner au commerçant avec des frais
de procédure, de transport et de manutention importants. Au retour en entre-
pôt, il faut examiner l’état des produits, prévoir un reconditionnement éventuel
et traiter le dossier avec un coût important.

9.7.2 Le développement du e-commerce : le B2C


L’e-commerce peut prendre bien des formes comme le montre le tableau 9.5.

Tableau 9.5 – Les 4 catégories d’e-commerce avec des exemples.

Business Consommateur

B2B
B2C
GM/Ford/Daimler/Chrysler/Renault/PSA
Business Amazon
(Covisint)
Dell
Réseaux EDI

CDiscount C2C
Consommateur
Fnac eBay

Si le consommateur achète au business (fabricant, distributeurs, etc.), il


s’agit de B2C (business to consumers) et l’on connaît la vente d’ordinateurs
par Dell et de livres par Amazon ; si le consommateur achète à d’autres
consommateurs, on entre dans une sorte d’économie de troc, le C2C (consu-
mers to consumers), alors qu’une nouvelle forme de distribution se dessine,
le C2B, où des consommateurs se regroupent pour acheter en commun à
meilleur compte à des fournisseurs ; au contraire le B2B, achats d’entrepri-
ses à des entreprises, est la branche, semble-t-il, la plus dynamique du e-
commerce et son développement, particulièrement avec celui des places de
marché, ne peut être ignoré ; cependant, le B2C va poser des problèmes
logistiques nouveaux qui correspondent à cette logistique du dernier kilomè-
tre qui nous préoccupe ici.
Le commerce électronique a connu dans les années 1999-2001 un engoue-
ment fabuleux au moins du côté de l’offre où les grands distributeurs se sont

438
9 • Demand side : 9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C
distribution

presque tous lancés dans cette nouvelle compétition ; en Amérique du Nord


on les appelle parfois les bricks and mortars (des briques et de la chaux), ce
qui désigne une entreprise solidement établie, ou les clicks and mortars,
lorsqu’ils sont associés avec une entreprise Internet (Cora, Carrefour, Casino,
Galeries Lafayette, Intermarché, la FNAC, Leclerc, etc.). Il y eut les nouveaux
venus, les pure players, quand il s’agit de start-up constituées à cet effet (rue
du commerce, cdiscount, g20-livraison, etc.).
Le cas Webvan est emblématique des pure players de la grande distribution
car son directeur général, Georges Shaheen, a défrayé la chronique en 1999 B
en quittant la direction d’Andersen Consulting avec un salaire annuel de

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


4 millions $, pour prendre la direction de Webvan avec un salaire d’un demi-
million de dollars. Son ambition était alors clairement exprimée : « Seules une
ou deux entreprises gagneront le droit de franchir le seuil des foyers améri-
cains pour assurer la livraison et nous serons l’une d’elles ».
Il a réussi à lever, en 1999, 785 millions $ auprès de sociétés de capital risque
et à faire son introduction au Nasdaq. Assurant la livraison gratuite en une
demi-journée de produits alimentaires et ménagers, il a du faire construire pour
1 milliard $, 26 entrepôts automatisés dans toutes les grandes villes des États-
Unis (Chicago, Los Angeles, Seattle, etc.) avec plus de 2 000 salariés. Puis il
a racheté son principal concurrent Home Grocer au prix faramineux de
1 milliard $ – payé il est vrai en partie en actions de son entreprise. Il a fina-
lement fait faillite en 2001.
L’explication courante est que le chiffre d’affaires insuffisant n’a pas permis
d’amortir les très importantes immobilisations nécessaires pour assurer une
logistique extrêmement ambitieuse (livraison gratuite en une demi-journée) et
donc très coûteuse.
L’année suivante, en France, on a vu le supermarché en ligne C-mesCourses,
filiale commune des enseignes Casino et Rallye, renoncer à son activité. Les
deux groupes de distribution expliquaient alors que « le potentiel d’évolution
des ventes alimentaires sur Internet ou ses perspectives de rentabilité à court
ou moyen terme ne justifiaient pas son maintien dans le porte-feuilles d’activi-
tés du groupe ». Parmi ses concurrents directs, il semble qu’aucun d’entre eux
(Auchan Direct, Houra, Ooshop, Télémarket) ne soit parvenu en 2007 à une
vraie rentabilité.
On peut cependant citer un certain nombre d’exemples de success stories ou
qui pourraient le devenir. Le cas de Dell est bien connu. Une entreprise comme
Dell, qui elle n’est pas un pure player mais un professionnel de la VAD du
matériel informatique, est très caractéristique : une logistique extrêmement
performante permet de réaliser l’approvisionnement en juste-à-temps sur
stocks fournisseurs de composants standard du marché et leur assemblage
dans le délai de livraison proposé à ses clients avec donc des stocks extrê-
mement faibles, ce qui offre le double avantage de réduire le coût des stocks
et de faciliter les adaptations à une conjoncture très variable et à une évolution
technique ultra rapide soumise à la loi de Gosh.
Amazon.com est tout aussi connu. La célèbre librairie en ligne, créée aux
États-Unis par Jeff Bezso, qui a étendu ses activités aux machines à laver,
aux jouets et aux voitures, s’est implantée en France, après la Grande-
Bretagne et l’Allemagne, en 2000. Sa logistique interne a beaucoup évolué

439
9 • Demand side : 9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C
distribution

Suède 75
Hong Kong 73
États-Unis 69
Pays-Bas 67
Australie 66
Canada 64
Danemark 63
Corée du Sud 62
Royaume-Uni 59
Allemagne 57
Japon 52

Taiwan 51
Italie 49
France 39
Espagne 34

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Figure 9.7 – Utilisateurs d’Internet par pays en % de la population


(d’après Internet World Stats [Nielsen/Netratings, UIT…], 2004).

en quelques années avec une automatisation progressive du stockage et de


la préparation et une externalisation de la distribution. Depuis 2004, elle
commence à connaître des trimestres positifs et a réalisé une très bonne
année 2007 et un quadruplement du bénéfice par rapport à l’année 2006.
Pour évaluer ce que l’on peut attendre du e-commerce et de son incidence sur
la logistique de distribution, il faut tenir compte de plusieurs facteurs :
– le développement de la population des internautes, particulièrement en haut
débit, et le temps qu’ils passent sur le Net ;
– la propension qu’ils ont à réaliser des achats en ligne et la nature de ces
achats.
Sur le premier point, l’utilisation d’Internet à domicile, au travail ou dans les
lieux publics continue de se développer rapidement à travers le monde. En
2007, le nombre d’internautes a pu dépasser le seuil de 169 millions en
Europe, selon les estimations de l’EIAA. Cependant la France n’est pas spécia-
lement bien placée en ce domaine comme le montre la figure 9.8 1. La baisse
des coûts de connexion, particulièrement sur le haut débit au cours des années
2003-2005, a certes entraîné un développement rapide du nombre des inter-
nautes mais le retard reste encore important.

1. Tableau de bord du commerce électronique, SESSI, décembre 2004 (www.men.minefi.gouv.fr).

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9 • Demand side : 9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C
distribution

9.7.3 La logistique de la VAD


Le délai de livraison de la VAD est très variable d’un vépéciste à l’autre et varie
même très sensiblement selon les conditions de livraison choisies par le client.
La Redoute propose à ses clients les conditions suivantes :
– le « 24 heures chrono™ » : livraison de toute commande passée avant 12 heures,
le lendemain à partir de 12 heures dans un « Rendez-vous catalogue »,
commerçant qui reçoit les colis de la Redoute et les redistribue aux clients.
Avoir si le délai n’est pas tenu ; B
– le « 24 heures chez vous™ » : livraison à domicile de toute commande

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


passée avant 12 heures, le lendemain à partir de 12 heures, moyennant un
supplément et le paiement par carte. Remboursement du supplément et de
l’avoir si le délai n’est pas tenu ;
– la livraison normale à domicile gratuite « en 8 à 12 jours (délais moyens
observés pour les articles disponibles) » ;
– la reprise dans un délai de 15 jours des objets dont le client ne veut pas, soit
qu’il les renvoie à ses frais, soit qu’il les dépose dans un « rendez-vous ».
Livraison à l’étage et branchement gratuit des articles de gros électroména-
gers avec enlèvement gratuit de l’emballage et de l’ancien appareil.
Les 3 Suisses offrent à peu près les mêmes conditions de délais et de prix, et
ont le même système de boutiques (29 en France) et de commerçants assu-
rant les réceptions (3 000 en France).
La logistique de la VAD n’est cependant pas toujours très rigoureuse sur les
délais et ses clients l’acceptent assez bien. Les pratiques de « différé de
4 semaines » ne sont pas rares en cas de ruptures de stock, et il arrive même
que certains sites ne soient pas en mesure d’informer le client sur le délai
nécessaire à la livraison de sa commande. Parfois, même au-delà d’un délai
de différé, le client n’est pas prévenu bien qu’il y ait un nouveau retard.

9.7.4 La logistique du e-business


L’importance de la logistique dans l’e-business a souvent été sous-estimée,
soit parce que les produits les plus vendus par Internet sont des produits qui
n’ont pas besoin d’une véritable logistique mais seulement de transferts
d’informations : produits boursiers, voyages, spectacles, etc., soit parce que
les aspects logistiques ont été sous-estimés.
Une étude sur les facteurs de décision, c’est-à-dire les facteurs qui permettent
de passer à l’acte d’achat ou qui, au contraire, retiennent d’acheter par Inter-
net, montre que les facteurs logistiques de SAV et de logistique de livraison
jouent un rôle extrêmement important et surtout beaucoup plus important que
le prix, ce qui n’est pas le cas de la VAD (figure 9.9).
La qualité de la prestation logistique semble donc être une des clefs du B2C.
On a beaucoup parlé aux États-Unis du phénomène de « désintermédiation »,
phénomène par lequel la vente de produits pourrait désormais s’effectuer
directement depuis un producteur ou au moins sans passer par toute la
cascade des intermédiaires habituels de la distribution. Or, on revient actuel-
lement à la notion de « réintermédiation », c’est-à-dire à la nécessité de passer

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9 • Demand side : 9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C
distribution

Soutien du consommateur 65%

Livraison à l’heure 58%


Marketing personnalisé
et protégé 45%

Navigation sur le site web 23%

Sélection des produits 22%

Prix des produits 19%

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7

Figure 9.9 – Facteurs de décision de l’achat par les consommateurs


(Consumer On-line Report J.-P. Morgan).

par un prestataire d’un nouveau genre qui puisse assumer la fonction logisti-
que pour le compte des e-vendeurs (figure 9.10).
La logistique du e-business a beaucoup de points communs avec la VAD. Elle
en diffère cependant sur quelques points qui peuvent être importants. Elle
comporte les quatre points classiques :
– achat et entreposage ;
– transport ;

Producteur
Éditeur

Grossiste

E-détaillant

Réintermédiation

Portail Désintermédiation
Aggrégateur

Client

Figure 9.10 – Reconstruire la chaîne de valeur avec le e-commerce


(Benchmark Capital, The economist, cité par R. Ernst).

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9 • Demand side : 9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C
distribution

– systèmes d’information ;
– prestations connexes.

 Système Internet de commande


Il joue un rôle fondamental, car c’est lui qui doit retenir le client sur un site face
à une concurrence qui s’ouvre sur un simple clic.
Il doit permettre aussi au consommateur de trouver facilement les produits qu’il
désire, un peu à la façon d’une recherche parmi les rayons qu’il connaît. G20
enregistre dès la première commande une liste-type sur laquelle on n’a plus B
qu’à mettre les quantités voulues lors de la deuxième visite mais le danger est

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


que le consommateur ne s’intéresse pas aux autres produits proposés.
Ooshop propose alors des produits d’accompagnement à l’article sélectionné.
La vue de la photo du produit reste un élément fort de la vente, que ce soit
sur catalogue ou sur Internet.
Le consommateur doit être rassuré par la notoriété du site, par la connais-
sance des conditions de vente et de livraison ainsi que sur les modalités de la
sécurisation du paiement.
Il doit aussi être certain de recevoir le produit qui lui est présenté et le système
informatique doit, à cet égard, réaliser une véritable simulation du picking d’un
client dans les rayons d’un supermarché. Dès que le client sélectionne un
produit, celui-ci doit être réservé dans le stock de telle sorte que s’il n’y en a
plus, il n’apparaît plus en rayons. Lorsque le client valide sa commande, la
réservation devient définitive et s’il l’annule elle est annulée dans le fichier du
stock. C’est une procédure nécessaire du e-business qu’on ne trouve pas dans
les autres systèmes.
Ce front-office Internet de prise de commande du type CRM (Customer Rela-
tionship Management) doit donc être connecté avec un back-office logistique
qui permet d’assurer toute la gestion logistique : approvisionnement, réception
et gestion du stock, ordonnancement des commandes, picking, ordres de livrai-
son, gestion des transports, etc., y compris les relations logistiques de front-
office : tracking, prises de rendez-vous, etc. Souvent d’ailleurs, c’est le système
informatique du prestataire logistique qui assure tout ou partie de cette gestion.
On ajoute au système informatique les liens avec le middle-office ou base de
données comptables, commerciales et de nomenclature et catalogue.

 Magasin et picking
Trois cas différents se présentent selon que :
– l’e-distributeur n’a pas de stock et il achète à des fournisseurs ce qui lui est
commandé : son entrepôt travaille alors exclusivement en cross-docking et ses
délais de livraison sont ceux du fournisseur, eux-mêmes variables, + ses
propres délais, à moins que la commande ne comporte plusieurs lignes retrans-
mises à des fournisseurs différents, ce qui l’oblige à stocker les produits livrés
jusqu’à ce que la commande soit complètement livrée et puisse être recondi-
tionnée puis expédiée ;
– l’e-distributeur a du stock pour une partie de son catalogue et fait appel à
des fournisseurs pour une autre partie. C’est particulièrement le cas des
vendeurs de livres. Comme l’explique Philippe Pierre Dornier, « sur une offre
de 1 million de références dans le domaine des produits éditoriaux, il ne serait

443
9 • Demand side : 9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C
distribution

pas étonnant de voir le cœur de l’offre concerner au moins 150 000 à 200 000
références très rapidement. Dès lors, et contrairement aux visions initiales, le
modèle des e-retailers devient un modèle réclamant des infrastructures de
stockage pour assurer les délais sur le cœur des gammes offertes » (Dornier,
2000). Il doit là encore attendre d’avoir reçu la partie de la commande attendue
d’un fournisseur extérieur pour expédier à son client l’intégralité de la
commande. Il n’est pas question en effet de multiplier les expéditions alors que
les coûts de livraison sont déjà trop élevés par rapport à la marge et, lorsqu’ils
sont payants, sont facturés pour une seule livraison ;
– l’e-distributeur a du stock et ne vend que ce qu’il a en stock.
Dès que l’e-commerce prend un peu d’importance, l’entrepôt spécialisé
devient nécessaire. Particulièrement, l’entrepôt du fabricant qui sert normale-
ment à livrer des distributeurs est le plus souvent tout à fait inadapté à cette
nouvelle forme de commerce : il ne s’agit plus de livrer des palettes, ni même
des boîtes mais des unités, de les emballer, etc. L’emplacement des entrepôts
est important car il a un impact sur le délai d’acheminement et le coût du
transport. On voit ainsi que la plupart des grands distributeurs qui se lancent
dans l’e-business créent des magasins spécialisés à proximité des acheteurs
pour pouvoir les livrer dans un délai court : la journée par tournée simple. En
1999, Amazon, le site américain de référence a dû construire plus de 7 entre-
pôts aux États-Unis et a dû continuer en Grande-Bretagne, en Allemagne et
en France.
Le picking présente cependant une difficulté, car il s’agit de rassembler un
nombre important de produits qui sont tous de formes et de dimensions diffé-
rentes. Il n’est donc pas possible d’automatiser facilement cette opération, et
la plupart des magasins de PGC se présentent avec des rayons que parcou-
rent panier au bras des préparateurs de commandes. Seuls les produits volu-
mineux, comme les boissons, peuvent être laissés en palettes complètes. il y
a donc une activité permanente non négligeable pour regarnir les rayons. Tout
cela est évidemment très coûteux. La vente par correspondance avait réussi
à automatiser partiellement le picking mais avec des délais moins sévères
que ceux du e-business et surtout un beaucoup plus petit nombre d’articles
commandés pour chaque commande.
Dans les supermarchés en ligne, travaillant comme la plupart depuis un entre-
pôt spécialisé, il est important de pouvoir mettre à jour instantanément l’état
du stock dès la réalisation de chaque picking pour éviter que des clients ne
commandent des produits en rupture de stock. Ainsi sur la plate-forme de
Bussy-Saint-Jacques de Houra qui propose 50 000 références articles, le
préparateur dispose d’un PTC, terminal radio avec lecteur optique de codes à
barres. La commande s’affiche sur le PTC. Chaque article est localisé, scanné
et déposé dans un panier ou un roll selon le volume de la commande. Grâce
au PTC et à une communication permanente sous SAP entre le back-office et
le front-office, le stock est géré en temps réel, ce qui permet de proposer aux
clients sur le site Internet des produits qui sont encore en stock.
Dans beaucoup de cas, pour des articles spécialisés, nombreux et de forte
valeur (livres, CD, vins fins, etc.), le magasin ne contient que les articles les
plus demandés et doit donc commander les autres à un fournisseur. La livrai-
son se fait donc dans des délais plus importants et les articles d’une commande
prélevés dans le stock doivent attendre l’arrivée de ceux qui sont commandés

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9 • Demand side : 9.7 La logistique du dernier kilomètre : VAD et B2C
distribution

pour être expédiés, car on ne peut envisager de faire deux expéditions en multi-
pliant les coûts de livraison. Le système doit donc pouvoir gérer de nombreuses
commandes en attente physiquement dans des lieux et dans des récipients de
transit, informatiquement pour les retrouver dès que les biens attendus arrivent
et pour pouvoir lancer l’expédition dès que la commande est complète.
Le contrôle de l’expédition peut être un point très important pour éviter des
erreurs. On peut réaliser un contrôle par les poids, à condition que le système
informatique connaisse les poids exacts de chacun des produits et puisse
calculer le poids total pour un contrôle en ligne qui tient compte de la tare. B
Un aspect important de ce type de commerce est l’adaptation du produit au

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


besoin exact du consommateur : le processus de différenciation retardée.
C’est le cas de Dell en ce qui concerne les micro-ordinateurs, puisque chacun
des consommateurs qui passe commande peut spécifier sa configuration avec
une combinatoire très importante. Il ne s’agit plus alors d’expédier un simple
produit catalogue mais de réaliser le regroupement à partir d’un certain
nombre d’articles avec d’éventuelles adaptations.

 Transport et livraison
Les frais d’expédition et leur pourcentage par rapport au prix de l’article
commandé varient considérablement d’un produit à l’autre. On admet des
ordres de grandeur qui peuvent être ceux-là :
– alimentaire : 20 % en local, 70 % à l’international ;
– habillement : 10 % en national et 40 % à l’international ;
– librairie : 60 % en national et 100 % à l’international ;
– loisirs, objets de collection : 35 % en national et 75 % à l’international.

 Retours
La vente sur Internet laisse la possibilité au cybernaute de refuser la marchan-
dise lorsqu’elle est livrée, ou de retourner la marchandise dans un délai défini
dans les conditions générales de vente. La loi Scrivener et son délai de 7 jours
s’appliquent aussi bien à la VPC qu’au e-commerce. Ces retours sont à la
charge du client ce qui peut poser des problèmes lorsque le retour correspond
à un produit non conforme. La Poste songe bien à proposer à des vépécistes
des « points contacts » où les clients pourraient déposer leurs retours.
On notera que les taux de retours du e-commerce peuvent être particulière-
ment importants, car la perception qu’a le client du produit qu’il achète sur un
écran peut être tout à fait différente de celle qu’il aura à la vue du produit lui-
même. Les différences sont très nombreuses :
– taille par effet d’échelle ;
– couleurs pour les vêtements par exemple (reproduction inexacte sur
l’écran) : le phénomène existe aussi lors des ventes sur catalogues, malgré le
soin apporté à reproduire aussi exactement que possible les couleurs ;
– caractéristiques techniques et conditions de branchement et d’installation, etc.
Selon une étude réalisée aux États-Unis par la Consumer Electronics Manu-
facturers Association, le taux de retour des produits se situe entre 14 % pour
le matériel informatique et 28 % pour le matériel audio-vidéo et de téléphonie.
D’après Forrester Research, le retour des produits représente entre 5 et 25 %

445
9 • Demand side : Bibliographie
distribution

du total des ventes réalisées à distance. C’est donc un problème qui peut être
très coûteux et surtout suppose une organisation ad hoc que peu d’e-commer-
çants peuvent mettre en place sérieusement faute des volumes nécessaires.
Des 4PL proposent désormais aux e-commerçants de prendre en charge leurs
retours comme un service à part entière et non un complément de prestations.
Ainsi ReturnValet de Newgistic aux États-Unis couvre l’ensemble du territoire
américain avec des entrepôts et services spécialisés et 4 000 centres postaux
participants.

Bibliographie
 Ouvrages
AIMETTI J.-P., L’Internet et la vente, Éditions d’Organisation, Paris, 1997.
BECKER M., Les prévisions en entreprise, Thèse du Mastère European Manufacturing Manage-
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n˚ 122, Paris, nov. 1997.
CPFR, Concepts, carte routière et premiers pilotes internationaux, traduit par Jouenne T., Renon E.,
Danguigny J.-F., Jouwen Éditions, Paris, 2000.
DORNIER P.-P., « La logistique, enjeu stratégique pour le commerce électronique », Logistiques
Magazine, n˚ 147, mai 2000.
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sées, novembre 1996.
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GALLOIS J.-B., Le cas de la réserve déportée d’Auchan, Les Enjeux, n° 1850, 4 mars 2004.
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STOCK J.R., LAMBERT D.M., Strategic Logistic Management, McGraw-Hill Irwin, New York,
4e édition, 2001.
THOMAS A., Exposé aux IXe Assises de l’Économie Logistique, Logistiques Magazine, Paris, 1994.

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9 • Demand side : Bibliographie
distribution

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VICS et JOUENNE T., CPFR, concepts, carte routière et premiers pilotes internationaux, Jouwen
Éditions, Paris, 2000.
WELLHOFF A., MASSON J.E., Le merchandising, Dunod, Paris, 2005.

 Sites relatifs à l’ECR et plus généralement aux relations entre distributeurs


et producteurs
ECR France – 8 place d’Iéna 75783 Paris Cedex 16 – 01 44 34 68 87 – www.Ecr-europe.com
ECR Europe – 9 avenue des Gaulois 1040 Bruxelles – 00 32 2 736 03 05 – www.ecrnet.org
B

LOGISTIQUE DES FLUX ET DES STOCKS


Voluntary Interindustry Commerce Standards (VICS) – 1009 Lennox Dr. – Suite 202 Lawrenceville
– NJ 08648 USA – 00 609 620 4562 – www.vics.org et www.cpfr.org
GS1 France – 2 rue Maurice Hartmann 92137 Issy-les-Moulineaux Cedex – 01 40 95 54 10 –
www.gs1.fr

 Sites de sociétés d’études (panels de consommateurs et distributeurs,


statistiques)
www.secodip.com
www.marketingscan.fr
www.lineaires.com

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