Remaides 73
Remaides 73
Remaides 73
#73
Cannabis
ça se soigne !
06 10 14
04 12 24
Courrier Actus Témoin
Infos sur les hépatites Vince :
05 13
“Auto prélèvement : mon expérience”
Edito
“Récalcitrants !” Actus
I
par Bruno Spire, président de AIDES Vaccin préventif du VIH :
Gingembre
un premier pas... Le journal du Réseau des Associations
africaines et caribéennes de lutte contre
06 14
le sida en France et des partenaires
africains de AIDES.
Actus
ICAAC 2009 :
Quelles infos de San Francisco ?
Actus
Grippe A : le vaccin recommandé
27
Tous les ans, de grands rendez-vous
internationaux entre spécialistes des maladies
Equilibre
infectieuses permettent de faire le point
sur les avancées médicales et scientifiques
sur le VIH. L'ICAAC fait partie de ces
16 La faim des haricots
Les légumes secs sont cultivés
dans le monde entier et sont consommés
évènements. Cette année, ce congrès s'est Ici et là depuis la préhistoire. Ils sont associés
déroulé à San Francisco. Fabien Sordet était Les infos en bref aux céréales, la base de l'alimentation
l'envoyé spécial de Remaides. de l'humanité. Les légumes secs sont très
riches en protéines végétales, en fibres,
I 46 44
3
Directeur de la publication : Bruno Spire.
16
Hicham M'Ghafri, Christiane Marty-Double,
Et là-bas ? Maquette :
Stéphane Blot, Vincent Cammas,
VIH et tuberculose : combat commun Laurent Marsault.
En Afrique subsaharienne, la tuberculose Photos et illustrations
est la première cause de mortalité
chez les personnes touchées par le VIH/sida.
Des associations se mobilisent comme au
Burkina Faso.
24 avec nos remerciements :
Stéphane Blot, Vincent Cammas, Olivier
Dumoulin, Jacqueline L'Hénaff, Marianne
L'Hénaff, Rash Brax, Romain, Fabien Sordet,
Kollr Tawiz (Tomasz Sporek, www.kollr.prv.pl),
Yul studio.
32 27
être reproduits avec mention de la source.
La reproduction des photos, des illustrations
et des témoignages est interdite, sauf accord
de l'auteur. La reproduction des petites
annonces est interdite.
Remaides
Tour Essor, 14, rue Scandicci,
93508 Pantin Cedex.
Télécopie : 01 41 83 46 19.
Remaides sur internet : www.aides.org
4
>> Courrier Vous souhaitez réagir à un article, partager un point de vue, demander une
précision ou proposer un sujet d'article pour un prochain numéro de
Remaides. C'est désormais possible par mail comme par courrier.
ES #73
REMAID
a France s'est arrêtée en 1970... en matière de drogues. Un tres sont devenues les experts les plus pertinents de ce qui est
ICAAC 2009
Quelles infos de San Francisco ?
Syphilis et hépatite aiguë
ICAAC est LE congrès international sur les maladies infectieuses. Méde- La syphilis, longtemps appelée la “grande simula-
Darunavir et raltégravir
pénètrent bien dans le liquide
Cancers et papillomavirus céphalo-rachidien
Plusieurs sessions ont été consacrées aux cancers liés Deux présentations ont montré que darunavir (Prezista) et ralté-
au VIH, et notamment au papillomavirus (HPV, virus du gravir (Isentress) ont une bonne pénétration dans le liquide
papillome humain ou VPH au Québec) et à son vaccin. Le céphalo-rachidien (dans lequel baigne le cerveau). Même si les
papillomavirus (HPV) est une cause majeure de cancer de concentrations en médicament y sont plus faibles que dans le
l’utérus et de l’anus, a fortiori chez les personnes séro- sang, ces concentrations semblent suffisantes pour bloquer la
positives, et ce quel que soit le nombre de CD4/mm3. On multiplication du virus. C'est un point important car on sait
estime que près de 50 % des adultes en sont porteurs... aujourd’hui que le cerveau et le liquide céphalo-rachidien peu-
et plus encore chez les homosexuels. Deux vaccins anti- vent constituer des réservoirs où pourraient apparaître des virus
HPV, Gardasil et Cervarix, sont désormais disponibles. La résistants par exemple dans le cas d'une pénétration insuffisante
vaccination est recommandée pour toutes les jeunes des médicaments anti-VIH. De plus, cette bonne pénétration de
filles avant leurs premiers rapports sexuels. La vaccina- darunavir et de raltégravir pourrait limiter chez certaines per-
tion permet de réduire très significativement le risque sonnes le développement des troubles neurologiques liés au VIH.
d’infection par les papillomavirus les plus souvent res-
ponsables de cancers. Des études chez les jeunes
garçons sont en cours. Une session entière a porté sur la La vitamine D…
tolérance du Gardasil. A ce jour, aucun problème grave à toutes les sauces !
n’a été rapporté sur les millions de personnes vaccinées Le rôle majeur de la vitamine D dans la prévention de multi-
aux Etats-Unis. La tolérance est bonne. Seule recomman- ples maladies dont l’ostéoporose, une dégradation des os (voir
dation : bien rester allongé juste après le vaccin car il a dossier dans Remaides, N°69), est aujourd’hui largement
été observé des malaises passagers dans les quinze démontré. Cette information est d’autant plus importante que
minutes suivant l’injection. de récentes études révèlent que plus de trois personnes sur
quatre manquent de vitamine D en France ! De nombreux spé-
cialistes recommandent la prise régulière de vitamine D, que
l’on soit ou non séropositif. Une étude, présentée à l’ICAAC, a
montré, pour la première fois, que la vitamine D favorise éga-
Après l’IL-2 : l’IL-7… ! lement le contrôle de la tuberculose. Les personnes de peau
Un certain nombre de personnes ont du mal à voir remonter leurs noire, qui ont des concentrations particulièrement basses en
T4 malgré une charge virale constamment indétectable : encore vitamine D, seraient donc plus à risque de contracter la tuber-
aujourd’hui, la médecine n’a pas beaucoup de solution à propo- culose ou de faire des formes graves de la maladie. Encore
ser dans de tels cas… L’IL-7 est une substance d’origine naturelle une raison d’ajouter de la vitamine D dans son alimentation
qui pourrait aider à remonter les T4. Le professeur Lévy de l’hô- (les poissons gras par exemple), de prendre des compléments
pital Henri Mondor (Créteil/France), a fait la présentation d’une vitaminés comprenant de petites quantités de vitamine D, ou
étude qui vise à évaluer son intérêt chez des personnes dans de s’exposer (raisonnablement !) au soleil quand on le peut,
cette situation. Administrée à doses croissantes, toutes les puisque le soleil permet à notre corps de transformer la vita-
semaines pendant trois semaines, l’IL-7 présenterait peu de pro- mine D et de la rendre exploitable par l'organisme. De façon
blèmes d’effets indésirables, et permettrait une remontée durable générale, il est conseillé à toutes les personnes séropositives
des T4. Questionné sur les craintes légitimes que l’on peut avoir de demander à leur médecin de faire un dosage. Si la carence
depuis l’échec de l’IL-2 (pour laquelle les résultats présentés il y est avérée, le médecin pourra être amené à prescrire des
a quelques mois étaient très décevants, voir Remaides n° 71), ampoules de vitamine D.
Yves Lévy a répondu que l’action de ces deux substances étaient
très différentes et que la remontée des T4 était plus complète et Photos Fabien Sordet
de bien meilleure qualité avec l’IL-7. A suivre, donc... Illustrations Yul Studio
10
>> Actus
Vaccin préventif :
un premier pas...
De quel essai s'agit-il ? trop modestes pour permettre d'envisager aujourd'hui l’usage de
Le 24 septembre dernier, l'armée américaine et le ministère de la cette stratégie vaccinale à des personnes exposées au VIH. Il y a
Santé publique thaïlandais ont rendu publics les premiers résul- plusieurs limites aux résultats.
tats d'un grand essai de vaccin anti-VIH qui se déroule depuis Dans l'étude les personnes ont été vaccinées entre 2003 et 2006.
2003. Cet essai, RV144, est conduit en Thaïlande sur environ On ne dispose donc au mieux que de six années de recul, c'est
16 000 personnes volontaires séronégatives. Cet essai combine un délai insuffisant. L’efficacité de cette stratégie vaccinale à
deux candidats vaccin (ALVAC HIV et AIDSVAX B/E) qui ont été réduire la transmission pourrait s'atténuer avec le temps.
administrés en plusieurs injections espacées afin de stimuler On ne sait pas pour l'instant si l'on va pouvoir améliorer les deux
encore plus la réponse immunitaire de l'organisme. vaccins et la stratégie de vaccination pour obtenir un meilleur
taux de réduction de la transmission permettant une mise à dis-
Quels sont les premiers résultats ? position du vaccin aux populations.
Les contaminations par le VIH sont réduites de 31,2 % dans le Les vaccins testés ont été réalisés avec des types de VIH (les
groupe de personnes ayant reçu la combinaison de vaccins (51 variants E et B) qui circulent en Thaïlande, en Europe et en Amé-
personnes ont été contaminées dans ce groupe) par comparai- rique du Nord. On ne sait pas si cette stratégie vaccinale, une fois
son avec celles ayant reçu les placebos (74 personnes ont été adaptée, donnerait des résultats intéressants dans d'autres zones
contaminées dans ce groupe qui a reçu des préparations ne géographiques comme en Afrique.
contenant pas les principes actifs des vaccins). Ces deux vaccins
sont bien tolérés. En revanche, les résultats indiquent que les per- Que va-t-il se passer ensuite ?
sonnes qui ont été vaccinées (donc pas avec un placebo) et qui Les résultats de l'essai mené en Thaïlande annoncent beaucoup
ont été malgré tout infectées pendant l'étude ne retirent pas de d'autres recherches et essais qui seront indispensables avant la
bénéfice de leur vaccination. Les chercheurs pensaient que la mise au point d'une stratégie globale de vaccins anti-VIH pouvant
combinaison de vaccins qui vise à stimuler les défenses immuni- bénéficier à toutes les personnes dans tous les pays. Cette pre-
taires contre le VIH pouvait aussi contribuer à contenir le mière avancée, même modeste, constitue clairement un
développement du virus dans l'organisme. Ce n'est pas le cas. encouragement pour les chercheurs, les bailleurs de fonds pri-
Autrement dit, avoir été vacciné ne diminue pas la charge virale. vés, l'industrie pharmaceutique et les pouvoirs publics à
développer leur effort de financement et de recherche. C'est en
Quelles sont les limites de ces résultats ? tout cas la première fois qu'un essai démontre que le concept
Pour encourageants qu'ils soient (aucune stratégie vaccinale d'un vaccin protecteur contre le VIH est possible. Jusqu'à présent,
n'avait jamais montré, dans un essai chez l'homme, une capacité toutes les autres tentatives avaient échoué.
à réduire la transmission), les résultats sont, malgré tout, encore Fabrice Pilorgé
14
>> Actus La vaccination contre le virus de la grippe A H1N1 est
recommandée par les experts pour les personnes vivant avec le
VIH. La France, la Suisse et le Québec ont mis en place des
ES #73 mesures différentes. Remaides fait le point.
REMAID
Grippe A :
le vaccin recommandé
a vaccination contre le virus de la grippe A est recomman- personnes séropositives suivies, qui indiquera où l’on peut se
Au Québec En Suisse
Le gouvernement du Québec a décidé de proposer la vaccination à Les autorités recommandent la vaccination
toute la population. La campagne de vaccination a débuté le 26 octo- contre la grippe A et la grippe saisonnière. En
bre 2009 pour une période de huit à douze semaines. Les premières se- cas de symptôme grippal, les personnes sé-
maines ont été consacrées aux groupes prioritaires dont les personnes ropositives doivent “immédiatement pren-
séropositives. La vaccination n’a pas lieu dans les établissements du ré- dre rende-vous avec leur médecin spécia-
seau de la santé, mais dans des lieux publics tels qu’écoles, centres des liste du VIH”. Si les symptômes s'accen-
congrès, etc. Chaque région du Québec, à travers son agence de santé tuent, très forte fièvre par exemple, difficul-
et des services sociaux, a son propre plan de vaccination où l’on re- tés respiratoires, etc., il faut immédiatement
trouve la liste des lieux de vaccination. Pour la grippe saisonnière, le se rendre aux urgences.
gouvernement du Québec a reporté la campagne de vaccination à l’hi- Appels d'urgence : 031 322 21 00.
ver 2009. Comme pour la France, la vaccination contre le pneumocoque Plus d'informations avec l'Office fédéral
est recommandée. Il faut voir avec son médecin si l'on est à jour. de la Santé publique sur :
Pour savoir où se faire vacciner : www.bag.admin.ch/influenza
www.pandemiequebec.gouv.qc.ca www.pandemia.ch
15
Par ailleurs, à côté de la vaccination contre la grippe saisonnière, difficultés à respirer, courbatures, maux de tête, fatigue notam-
recommandée, la vaccination contre le pneumocoque, respon- ment), ou qui ont été en contact étroit avec une personne
sable de certaines pneumonies, l'est aussi pour ceux qui ne grippée, il est important de pouvoir consulter un médecin. Si
l’auraient pas déjà eue ou datant de plus de trois ans. Cette bac- celui-ci prescrit un traitement antiviral, à base de Tamiflu ou
térie opportuniste de la grippe peut venir la compliquer. Le vaccin Relenza, ce traitement sera d’autant plus efficace qu’il est
s’appelle PNEUMO23. Cette vaccination ne sera pas effectuée démarré dans les 48 heures après contact ou symptômes. Il en
dans les centres de vaccination pour la grippe A. est de même si ces personnes sont dans l’entourage d’une per-
L’efficacité de la vaccination contre la grippe A est bonne, quel sonne atteinte de la grippe A. En cas de symptômes sévères
que soit le vaccin utilisé. Une injection suffit pour les personnes (détresse respiratoire), il faut consulter un médecin ou appeler les
avec une charge virale contrôlée par un traitement efficace, des urgences très rapidement : c'est le 15 pour la France, le 144 pour
T4 > 350 mm3 et pas d’autres maladies associées. Deux injections la Suisse et le 911 pour le Québec. Pour le moment, aucune sévé-
restent nécessaires pour les autres. Trois semaines minimum doi- rité particulière de la grippe A n’a été constatée spécifiquement
vent s’écouler entre les deux injections. Celle-ci s’effectue chez les personnes séropositives, mais les recommandations
normalement dans l’épaule et peut être un peu douloureuse. visent, par précaution, à prévenir des complications qui pour-
Pour assurer la surveillance d’évènements indésirables, une tra- raient être plus graves chez elles. Souhaitons pouvoir passer
çabilité des lots de vaccin est mise en place. Un registre de l’hiver sans qu’encore un virus vienne nous gâcher la vie !
l’Agence nationale de recherche contre le sida et les hépatites Franck Barbier
virales (ANRS) ainsi qu’un essai clinique ont été mis en place Illustration Romain
début novembre. Ils visent à mieux connaître les conséquences
de la grippe et de la vaccination chez les personnes séropositives. Plus d'informations sur www.seronet.info
et sur www.trt-5.org
Pour les personnes séropositives non vaccinées qui ressenti- Sur ces deux sites, vous pouvez également témoigner des diffi-
raient des symptômes de grippe (fièvre à plus de 38°C, frissons, cultés ou des dysfonctionnements rencontrés.
16
>> Ici et là
ES #73
REMAID
Welcome in America
Vingt-deux ans après son entrée en vigueur, le
président Barack Obama a annoncé, le 30 octobre
dernier, la levée de l'interdiction d'entrée sur le
territoire américain des personnes vivant avec le
VIH et ce comme visiteur ou immigrant. Le règle-
ment officiel stipule que le test de VIH sera retiré
de la liste des examens médicaux obligatoires
pour l’obtention du statut d’immigrant et qu’il ne sera plus nécessaire d’obte-
nir un visa pour visiter le pays. Donc, dès le 4 janvier 2010, les personnes
séropositives voulant tenter leur chance sur le territoire américain pourront
faire une demande pour obtenir le statut d’immigrant sans que celle-ci leur
soit refusée d’office. Quant à celles qui veulent s’offrir une virée shopping à
New York ou voir la résidence de leur starlette préférée à Hollywood, elles
n’auront plus à dissimuler leur statut sérologique et à avoir peur d’être décou-
vertes et de devoir faire face à la justice américaine.
AIDES :
la République voit rouge
“Contre le sida : ne restons pas de marbre !”, c'était
le slogan retenu par AIDES à l'occasion de la Jour-
née mondiale de lutte contre le sida. Un peu
partout en France des monuments ont été ornés,
sans autorisation officielle, d'un ruban rouge. Une
façon de rappeler qu'il faut se bouger contre le
sida. Ici, la statue de la place de la République à
Paris.
Pénalisation :
nouvel acquittement à Genève
La cour correctionnelle de Genève a acquitté (28 septembre)
une personne poursuivie pour transmission du VIH. Cette
De nouvelles personnalités suisses personne était accusée de tentative de transmission d'une
luttent contre le sida maladie de l'homme. Elle a finalement été acquittée de ce
Le rappeur Stress, la mannequin Xenia Tchoumitcheva, la skieuse chef d'inculpation, les juges de la Cour n'ayant pas retenu
Lara Gut et le footballeur Johan Djourou sont cette année les per- l'existence d'éléments à charge suffisants. Il était reproché
sonnalités qui ont accepté de participer à la campagne de l’Aide au prévenu d'avoir eu des relations sexuelles sans protec-
suisse contre le sida “Si j’étais séropositif”. tion. Sa partenaire n'avait néanmoins pas été contaminée.
Plus d'infos sur http://www.aids.ch
17
Un œil sûr... (par Rash Brax)
HEPATITE AIGUE
pas de symptôme ou bien jaunisse, urticaire, fatigue, bilan du foie altéré Fibrose
90 % 10 %
GUERISON HEPATITE CHRONIQUE
(voir schéma 2)
moins de 1 %
HEPATITE FULMINANTE
Destruction ultra-rapide du foie
Cirrhose
L'hépatite B chronique est-elle grave ?
Hélas oui... Peu à peu, le foie infecté va perdre en élasticité, puis en efficacité... Il
devient dur, fibreux (on parle de fibrose), puis ne remplit plus correctement ses fonc-
tions (on parle alors de cirrhose), notamment celle qui consiste à filtrer en
permanence notre sang. A ce stade, à force de se régénérer sans arrêt, les cellules
du foie se mettent à faire des erreurs qui peuvent dégénérer en cellules cancé-
reuses : le cancer du foie est la première cause de mortalité liée au VHB et la
quatrième cause de mortalité par cancer dans le monde chez l'homme. De façon
générale, dès lors que l’infection est ancienne, il faudra être vigilant (échographie
régulière) car le VHB peut, à la longue, provoquer des cancers, même sans cirrhose ! Cancer
Cette maladie du foie et la présence du virus dans l’organisme peuvent être à l’ori- hépatique
gine de nombreux autres problèmes comme des varices œsophagiennes
(gonflement des veines dans l’œsophage pouvant aller jusqu’à la rupture des veines + fatigue, varices oesophagiennes,
avec hémorragie), une ascite (accumulation de liquide dans l’abdomen), une obs- obstruction des petits
truction des petits vaisseaux sanguins, une grande fatigue, etc. (voir schéma 2). vaisseaux sanguins
20
Quand doit-on prendre Schéma 3 : Qui traiter ?
un traitement anti-VHB ? Cas des personnes mono-infectées
Contrairement à l’hépatite C (où l’on a aujourd’hui de grandes par le VHB en stade chronique
chances de pouvoir guérir définitivement les personnes contami-
nées), les chances d’une réelle guérison d’une hépatite chronique
sont ici très faibles. Le traitement du VHB vise surtout à contrôler la
Analyse de la charge
multiplication du virus : si le virus ne se multiplie plus, il ne va plus virale VHB ( ) dans
contaminer d’autres cellules hépatiques, et on va donc stopper la le sang
destruction chronique du foie par notre système immunitaire.
Concrètement, cela signifie qu’un traitement ne se justifie que si
la multiplication du virus de l’hépatite B est importante (charge
virale VHB supérieure à 100 000 copies/ml) et qu’il faut la contrô-
ler. Si la charge virale est faible, un traitement n’est pas
nécessaire. Enfin, et cela peut paraître paradoxal, si la charge
virale est extrêmement forte, on ne traitera pas non plus ! En
effet, dans ce cas, cela signifie souvent que le système immu-
nitaire ne cherche même pas à se défendre contre le virus
(qui se multiplie “à fond les ballons... en toute impunité !”).
Or, le problème dans l’hépatite B, ce n’est pas directement le
virus, mais le système de défense qui va chercher à détruire les
cellules du foie contaminées. Donc si le système de défense est peu
actif, il ne va pas détruire le foie et le traitement n’est pas nécessaire.
D’autant plus que la quantité de virus à contrôler étant phéno-
ménale, il risque fort de ne pas être très efficace ! CV supérieure
(voir schéma 3) à 100 millions
(Attention : la charge virale est souvent de copies/ml
Charge virale inférieure
rendue par les laboratoires en Unités Pas de traitement
Internationales (UI) : 1 UI/ml + 5
à 100 000 copies/ml
Le traitement n’est pas nécessaire (mais un suivi tous
copies/ml).
(mais un suivi tous les 3 mois s’impose) CV supérieure les 3 mois
à 100 000 copies/ml s’impose)
Le traitement est nécessaire
Existe-t-il un vaccin
contre l'hépatite B ? Que penser de la polémique
Oui ! Et c’est une différence majeure par sur les risques de sclérose en plaque
rapport à l’hépatite C (voir Remaides, après vaccination contre l’hépatite B ?
N°72). Le vaccin existe et il est très effi-
cace, y compris chez les personnes La sclérose en plaque est une maladie auto-immune dite “neuro-dégénéra-
séropositives pour le VIH sauf en cas d'im- tive” : cela signifie que pour une raison que l’on ignore, le système de défense
munodépression sévère où le vaccin de notre corps se met à détruire nos propres neurones, comme s’il s’agissait de
pourrait être moins efficace. Tous les nou- microbes... Peu à peu, les transmissions nerveuses ne se font plus et l’on souf-
veaux-nés, les enfants et les adultes fre de paralysies et de problèmes de compréhension, de mémoire, etc.
sexuellement actifs devraient être vacci- Certaines études ont montré qu’il semblait y avoir un peu plus de cas de sclé-
nés. A fortiori, les homosexuels et les roses en plaques chez les personnes ayant été vaccinées par le vaccin de l’hé-
personnes d'origine sub-saharienne chez patite B, d’où une polémique très médiatisée ces dix dernières années...
qui le VHB est plus fréquent. La vaccina- Qu’en est-il exactement ? Plusieurs études portant sur de grands nombres de
tion consiste en trois injections : une personnes vaccinées et non-vaccinées n’ont pas trouvé de différence pour la
première, puis une autre un mois plus sclérose en plaque. Par ailleurs, quelle que soit l’étude sur ce sujet, l’avantage
tard, et une troisième entre trois et six reste toujours largement en faveur de la vaccination. Aujourd’hui, on recom-
mois après. Pour les personnes séroposi- mande simplement de ne pas vacciner les personnes dont les parents ou les
tives, le succès de ce vaccin pourrait être frères/sœurs auraient une sclérose en plaque. Les experts considèrent que
réduit d’environ 20 % (surtout pour les cette polémique, spécifiquement française, a causé beaucoup de torts : de
personnes dont le nombre de T4 est infé- nombreuses personnes en ont été victimes. Elles ne se sont pas fait vacciner (par
rieur à 200/mm3 de sang). Un essai crainte d’une hypothétique sclérose en plaque) et ont fait une hépatite fulmi-
actuellement en cours étudie alors l’inté- nante ou sont aujourd’hui en fin de vie à cause d’un cancer du foie lié à l’hépa-
rêt d’un doublement des doses à chaque tite B...
injection.
23
LE FIBROTEST
C’est une simple
prise de sang
LE FIBROSCAN
C’est comme une échographie.
C’est une sonde qui passe sur la peau.
Parfaitement indolore
Comment mesurer
l’état de santé du foie… ? Y a-t-il un risque de transmission
Pour évaluer l’état de santé du foie, on va tester régulière- pendant la grossesse ?
ment l’activité de l’hépatite (avec un indice de A0 à A4) et le
niveau de fibrose (avec un indice de F0 à F4). C'est ce qu'on Oui ! Et c’est d’autant plus important de prévenir ce risque que
appelle le score METAVIR. Au début de la maladie, on est F0 le VHB transmis à l’enfant devient chronique non pas dans 10 %
et au fur et à mesure des années, on peut évoluer vers F4 (comme chez l’adulte), mais dans 95 % des cas, avec des pro-
(cirrhose)... Cette évaluation peut se faire par biopsie du foie blèmes de cancers possibles dès l'enfance ou l'adolescence ! Il
(on va récupérer un petit bout de foie par ponction à travers faut donc impérativement vérifier l’absence d’infection par le
la peau). Mais c’est un examen qui peut être douloureux et VHB chez toutes les femmes enceintes. Si une femme enceinte
assez désagréable... D’autres techniques, plus récentes, est contaminée par le VHB, il faudrait qu'elle soit traitée, surtout
peuvent permettre de répondre à la même question sans au troisième trimestre et notamment si la charge virale VHB est
ponctionner un bout du foie. Il s’agit d’un examen particu- élevée. Puis il faudra immédiatement faire un vaccin au nou-
lier par imagerie (appelé fibroscan) qui mesure l’élasticité du veau-né (voir en page 22) et faire une injection d’anti-corps anti-
foie, ou d’un examen par prise de sang (appelé fibrotest) qui VHB qui détruiront les quelques virus qui auraient pu être trans-
détermine l’état de santé du foie par l’analyse de subs- mis lors de l’accouchement.
tances retrouvées dans le sang. Ces examens sont parfois
considérés comme moins précis car ils ne permettent pas
d’analyser directement le foie lui-même. A quand le rem- Dossier réalisé par Fabien Sordet
boursement systématique, pour tous, de ces deux tests ? Illustrations : Stéphane Blot et Laurent Marsault
Enfin, en phase de cirrhose où il y a un risque non négli- Remerciements au Pr Marcellin, Hépatologie, CHU Beaujon (Clichy)
geable de développer un cancer (même si le traitement Dr Patrick Miailhes, Hépatologie, CHU Hotel-Dieu (Lyon)
semble contrôler le virus), on fera une échographie du foie
régulière (tous les six mois) de façon à diagnostiquer pré- A lire aussi : 100 questions sur l'hépatite B de Thomas
cocement une éventuelle tumeur… (voir schéma 5). Laurenceau et Patrick Marcellin, éditions Frison-Roche.
24
>> Témoin Nombreuses sont les personnes “injectrices” de produits ou ex-
”injectrices”, qui témoignent de leurs problèmes d'accès au dépistage et
aux soins du fait des difficultés à faire des prises de sang. Une des
AIDES #73 demandes pour faciliter les prélèvements (pour le dépistage ou le suivi
REM biologique) est celle de l'auto prélèvement. C'est la personne qui réalise sa prise de sang
assistée par un professionnel. Vince fait part de son expérience.
Vince :
“Auto prélèvement : mon expérience”
omme bon nombre d’usagers La première infirmière, une petite jeune, sont, sans aucune goutte de sang dans le
tests de routine), il faut donc que j'y J’ai bien vu que c’est seulement en suivant Euréka ! Le tube se remplit en quelques
retourne ! Quand je franchis de nouveau la mes indications que les laborantins ont pu secondes, et on réussit à collecter plus de
porte du labo, mon appréhension est collecter un peu de mon sang... En même, 10 ml de sang ! C’est vraiment incroyable,
beaucoup plus forte ! C'est l’infirmière en temps, j’y crois pas trop, vu la réaction du comparé à ma précédente prise de sang !
chef qui s’occupe de moi, le biologiste biologiste à mes suggestions, et l’attitude Une fois les deux tubes remplis, je fais la
“étant occupé”. J’arrive à la convaincre de générale des infirmières. Je peux com- connerie d’enlever l’aiguille avant de des-
prendre une petite aiguille pour bébé, les prendre qu’ils ne veulent pas avoir la serrer le garrot, ce qui me vaut un beau
“papillons”, et, en moins d’une demi- responsabilité de laisser un tox se charcu- hématome, que j’aurais pu éviter en écou-
heure, elle arrive à totaliser un peu plus de ter les bras dans leur labo. Christine tant Alice. Cette expérience illustre
2ml de sang, suffisamment pour toutes les suggère de faire ça à la Case Santé, l’asso- vraiment à quel point la coopération entre
analyses. Ouf ! J’obtiens finalement mes ciation médicale du quartier Arnaud la personne et l’infirmière peut vraiment
résultats, mais également une phobie des Bernard à Toulouse, avec Alice l’infirmière, rendre les choses plus faciles. Connaissant
prises de sang. Je me dis qu’il vaut mieux que je connais déjà. Je me porte donc parfaitement mes veines et étant à l’aise
ne plus faire gaffe aux prises de risques, et volontaire pour une première expérience, avec les aiguilles, je peux trouver une
ne plus faire de tests, que de s'obliger à en puisque la dernière prise de sang (trauma- veine facilement, mais je n’aurais jamais
faire un par an. Je refuse systématique- tisante) remonte à plus de six mois. On réussi à collecter le sang sans l’aide
ment toutes les propositions de dépistage met ça en place avec Alice. Quelques jours d’Alice. L’infirmière est vraiment là pour
ou autres prises de sang de mon docteur. plus tard, on se retrouve tous à la Case accompagner, et pas uniquement pour
Santé. Après avoir discuté rapidement des montrer ou me regarder. Si seulement
Puis, six mois après, au cours de l’une des conditions dans lesquelles on va faire ça, j’avais pu faire comme ça auparavant...
chaleureuses et constructives discussions je m’installe. En prévision d’une éventuelle Il est vrai qu’Alice est une infirmière qui
avec Christine de AIDES, le sujet de l’auto prise de sang, j’ai “préservé” une veine sur travaille dans une association de quartier,
prélèvement émerge. L’idée est de pouvoir ma main droite, qui est donc en relative- qu'elle a l’habitude de travailler avec des
laisser la personne choisir la veine, guider ment bon état. Après que je me suis mis personnes usagères de drogues, qu'elle
l’aiguille, tout en étant accompagnée par mon propre garrot, Alice me tend une est en contact avec AIDES. Il a été plus
une infirmière pour les gestes un peu aiguille papillon, reliée à une petite fiole, et facile de lui proposer cette expérience
moins connus. Je trouve ça vraiment inté- je commence à piquer. A ma grande sur- qu’à n’importe quelle infirmière dans un
ressant, vu mon expérience avec les prise, je touche la veine dès le premier labo d’analyses. Cependant, n’habitant
prises de sang. Je suis persuadé qu’une coup, mais très rapidement le sang cesse plus sur Toulouse, il faudra bien à un
personne, dans certains cas, connaît de couler. Alors que je veux tout recom- moment que je refasse une prise de sang,
mieux son système veineux qu’une infir- mencer, Alice me guide. Avec ses mains, et j’espère bien convaincre un laboratoire
mière, et qu'elle a donc bien plus de elle réussit à bien orienter l’aiguille de dans ma nouvelle ville d’essayer ce sys-
chances de trouver une veine qu’elle. sorte que le sang se remet à couler. tème. Vu les avantages et le peu de
risques, je crois que ça vaut vraiment la
peine que ce système devienne quelque
V
Vincent Cammas, courriel : vcammas@aides.org
Laurent Marsault, courriel : lmarsault@aides.org
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XIII XVII
IV XIV
Edito Dossier
Combat commmun Un Fonds de crise !
Par Kouadjo Koffi Le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme connaît
d'importantes difficultés financières... il lui manque plusieurs milliards
de dollars. Cette situation a des conséquences dramatiques dans les
XII XXIII
Témoin Témoin
Abdaramane: “Je passe une bonne partie de mon temps à Codjo Koumekpo : “1800 euros pour guérir !”
sensibiliser les routiers au VIH”
XVIII XXIII
IV
>> Edito
BRE #05
GINGEM
infection à VIH est sans aucun doute la maladie qui a mar- santé publique est d’inciter au dépistage de façon à pouvoir trai-
Julie :
“Je sais que j'ai le droit pour moi !”
ai été surprise parce que la semaine dernière on est nouvelle loi qui est sortie qui dit qu’on ne regarde pas les res-
personne ne parlait du sida. On m'a fait celles de l'AZT. Un médecin français m'a pas envie de partir et c'est pour ça que je
passer un test de tuberculose. Il n'y avait fait un courrier pour le docteur Katlama à me bats, que je m'accroche à la vie. La
rien. J'ai demandé au médecin de me faire la Pitié-Salpêtrière. Je suis finalement arri- séropositivité m'a permis de voir les
un papier indiquant que j'étais apte à don- vée en France. J'avais la crainte qu'on me choses avec un autre regard. Je sais qu'il
ner mon sang. Je suis repartie à la banque demande un test de dépistage du VIH y a beaucoup de personnes que je n'au-
du sang. On m'a fait de nouveau passer avant d'obtenir le visa, mais il n'y a rien eu rais jamais rencontrées, beaucoup de
un test et le médecin m'a dit que je ne de tout cela. J'ai eu un peu de mal à m'ha- voyages que je n'aurais jamais faits si je
pouvais plus donner mon sang. Il tournait bituer au début et j'ai attendu trois mois n'avais pas été séropositive. Je pense que
autour du pot. Il me demandait si j'avais avant de me rendre à la consultation du je vois aussi les choses différemment
un copain, etc. J'ai exigé de savoir ce qui docteur Katlama. Avec elle, nous sommes parce que dès le départ j'ai considéré que
se passait et il m'a dit : “Vous avez le sida”. reparties de zéro, puis j'ai démarré un trai- le virus et moi étions dans une cohabita-
Je ne savais pas bien ce que c'était. J'étais tement à l'AZT, puis au 3TC, etc. Depuis, tion dans un même corps. Le virus est
étudiante et j'avais vu Michel Foucault à la elle et moi formons un vieux couple.” vivant. Il doit me comprendre. Il doit m'en-
télé en parler. Je n'avais jamais envisagé “Je dois reconnaître qu'à la suite de l'an- tendre. Lui exige que je lui donne des
que cela puisse m'arriver. Même mes nonce de ma séropositivité, mon premier médicaments. Je le fais pour ne pas qu'il
parents ne l'ont pas cru lorsque j'en ai réflexe a été d'entrer dans les ordres. Je me domine. Je lui donne ce dont il a
parlé. J'ai appris par la suite que mon pré- suis allée voir des religieuses. J'ai vu la besoin. En échange, il a tout intérêt à être
lèvement avait été envoyé en France pour mère supérieure et j'ai demandé une gentil avec moi parce que si je meurs, il
analyse. J'ai eu la confirmation définitive place au couvent même si je ne suis pas disparaît aussi. Je n'ai jamais cherché à
de ma séropositivité lorsqu'un autre pré- trop pratiquante. Je lui ai tout expliqué. Elle savoir comment je l'avais contracté,
lèvement a été envoyé à Kinshasa [RDC], m'a dit qu'il ne fallait pas fuir la réalité, explique Aimée. Je considère que c'est
explique Aimée. Il y a eu une période diffi- mais l'affronter. A cette époque, ma vie une perte de temps. Une fois qu'il est là, il
cile. En discutant avec des médecins, entière tournait uniquement autour du faut l'accepter.” “J'ai de l'espoir. Je sais que
j'avais entendu parler d'une période VIH. Lorsque j'ai fait mes projets d'études la recherche va avancer et qu'on pourra
d'évolution silencieuse d'une dizaine en France. J'ai pensé à ce qui est men- un jour sauver beaucoup de monde,
d'années avant le déclenchement de la tionné lorsqu'on rapatrie un corps au affirme Sylvie. En Afrique aussi, je sais qu'il
maladie. Je me disais que peut-être j'allais pays : “Colis sans valeur”. C'est à ça que y a des avancées, les gens sont mieux soi-
mourir dans dix ans. C'est ça que j'avais j'ai pensé ! Foucault était mort, c'était le gnés. Il faut surtout que nous n'ayons pas
en tête. Surtout parce qu'il n'y avait pas de signe qu'en France il n'y avait pas de peur d'en parler et qu'on comprenne qu'il
traitement disponible à ce moment-là. médicament miracle. Je quittais mon pays, est possible de s'en sortir en prenant un
Pourtant j'ai poursuivi mes études et j'ai je ne savais pas ce qui allait se passer et traitement. Je souhaite à tous les autres
obtenu ma licence en droit. J'ai ensuite ce qui m'effrayait, c'était de penser que je qui sont en Afrique, même s'ils n'ont pas
décidé de venir faire ma maîtrise en serai peut-être un corps sans valeur, un la chance d'être en Europe, de se faire
France. Cela tombait bien d'une certaine “Colis sans valeur” que mes parents vien- dépister, puis de se faire suivre.”
façon de pouvoir venir ici. Avant d'arriver draient chercher à l'aéroport.” Mais cela
en France, on avait commencé à me don- ne s'est pas passé comme ça pour Aimée. Dossier réalisé par Joseph Situ,
ner de l'Imuthiol. Je me rappelle qu'il “J'aime la vie... et puis je ne connais per- Kouadjo Koffi et Jean-François Laforgerie
s'agissait de boites bleues à conserver au sonne qui soit revenu de l'au-delà pour Illustrations : Yul studio
frais. Les gélules étaient les mêmes que me dire que c'était génial ! Je n'ai donc Remerciements à Aimée, Nadia et Sylvie.
IX
Avant,
aujourd'hui,
demain...
ai le sida... Est-ce que je vais
Abdaramane :
“Je passe une bonne partie
de mon temps à sensibiliser
les routiers au VIH”
a maladie a commencé il y qu’il existait un centre de prise en charge arrive même qu’elle me réveille pour que
reusement, certains ont refusé d’aller faire qui les pratiquent soient formés sur les transport, un mini bus Mercedes 207 de
un dépistage à l'association et certains risques de transmission du VIH. 25 places. Ainsi je pourrais bien gagner ma
sont morts. Je suis sûr que pour beaucoup Lorsque j'ai appris ma séropositivité, je vie, m’occuper correctement de ma
d’entre eux c'est du fait du sida. n'ai pas paniqué, je n'ai pas été désespéré famille et aider les personnes vivant avec
Je conseille aux gens de se protéger lors et je me suis rendu dans un centre de le VIH, en particulier dans le milieu des
des relations sexuelles et de se faire prise en charge. Je savais qu'il y aurait des routiers. J’espère que Kénédougou Solida-
dépister. La circoncision traditionnelle se médicaments, que les soignants seraient rité pourra m’aider à avoir un mini bus
poursuit toujours au Mali de même que compétents et qu'on peut vivre toute une dans le cadre des activités génératrices
les tatouages, cela peut représenter des vie avec le VIH. Mon rêve aujourd'hui, de revenus.
risques. Il serait bien d'ailleurs que ceux c’est de posséder mon propre véhicule de Illustration : Kollr Tawiz
XIV
>> Dossier Le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme connaît
d'importantes difficultés… il lui manque plusieurs milliards de dollars.
Cette situation a des conséquences dramatiques. C'est le cas au Mali
BRE #05
GINGEM comme l'explique Bintou Keita Dembélé, la directrice d'ARCAD/SIDA.
Un Fonds de crise !
Quels sont les liens entre ARCAD/SIDA Concrètement, que vous demande t-on ?
et le Fonds mondial de lutte contre le VIH ? On nous demande d'ajuster nos actions en prenant en compte
ARCAD/SIDA bénéficie de financements en provenance du Fonds une baisse de 10 % de nos financements. Le Fonds ne propose
mondial depuis novembre 2005. Dans notre pays, le récipiendaire pas de solutions particulières. C'est à chacun de se débrouiller.
principal du Fonds mondial est le Haut conseil national contre le Le Fonds mondial demande juste que les réductions ne portent
VIH/sida qui est directement rattaché à la présidence. Il donne pas sur l'achat de médicaments. Donc, lorsqu'il y a des écono-
des financements à des associations comme la nôtre. mies à faire, cela porte sur les services. Mais ce n'est pas aussi
ARCAD/SIDA est ce qu'on appelle un sous-récipiendaire et nous- simple parce que si on achète des médicaments, c'est pour pou-
mêmes nous donnons des fonds à d'autres associations voir les distribuer dans de bonnes conditions à toutes les
communautaires avec lesquelles nous travaillons en réseau. Elles personnes qui en ont besoin où qu'elles soient. Les médicaments
sont une quinzaine. ne sont utiles que s'ils sont distribués, pas en restant dans les
pharmacies. De plus, la distribution des médicaments n'est pas
Qu'est-ce que le Fonds mondial a changé ? suffisante en elle-même, un accompagnement à l'observance, un
La création du Fonds mondial a été une opportunité extraordinaire soutien en matière d'éducation thérapeutique sont indispensa-
pour mon pays. Lorsque les financements sont arrivés, les actions bles. Aujourd'hui, tout le réseau d'accompagnement, c'est-à-dire
ont été démultipliées. Le Mali avait décidé d'un accès gratuit aux les conseillers psychosociaux, les éducateurs thérapeutiques, est
médicaments anti-VIH en 2004 sans en avoir les moyens financiers. mis en difficulté. Ce sont bien souvent des bénévoles associatifs
Les médicaments sont venus avec l'arrivée des financements du qui ont suivi des formations, acquis un savoir en matière d'ac-
Fonds mondial. La décentralisation, un accès aux traitements compagnement et d'éducation thérapeutique dont l'activité n'est
même dans les endroits les plus reculés ont été possibles grâce au plus financée. Cette baisse des financements a aussi d'autres
Fonds. Cela a été extraordinaire. Par exemple, ARCAD/SIDA suivait conséquences. Par exemple, sur les enfants touchés ou bien les
3 000 patients avant l'arrivée du Fonds mondial. Une année plus enfants qui sont orphelins du fait du sida. Au lieu de prendre en
tard, 7 000 personnes étaient suivies et maintenant elles sont charge 3 000 enfants par exemple en soutien scolaire, on ne
9 000. Dans mon pays, c'est le Fonds mondial qui finance l'accès pourra en prendre en charge que 500. Les exigences du Fonds
aux traitements, c'est une très bonne chose, mais c'est aussi un mondial nous contraignent à réduire certaines de nos activités
risque surtout dans le contexte actuel de crise financière. de 50 %.
XV
Une taxe
sur les finances
Ramatou :
“J’attends mon deuxième enfant
avec impatience !”
a maladie a débuté par des plaies dans la bouche. à faire des projets d’avenir. Lorsque ma fille a eu un an, je lui ai fait
Pour moi,
pour nous, pour les autres !
l y a eu un long dialogue avec l'associa- parfois jusqu'à accompagner les per- prononce ce soir-là. "C'est très difficile
personnes craignent des ruptures de confi- Mais, il n'y a pas que des obstacles. L'effi- d'abord pour moi, parce que j'y ai vu une
dentialité y compris avec les autorités cacité des traitements anti-VIH, leur façon de m'occuper de ma santé.” “Le
administratives.” “Un des freins au dépis- disponibilité et leur gratuité en France, la dépistage est pour nous un outil pas une
tage, c'est que l'annonce d'un résultat possibilité de se traiter plus tôt si on se fait fin en soi, explique Papy d'Espoir. C'est
positif signifie qu'on a raté son projet migra- dépister précocement ont un poids. Il en pourquoi il est toujours placé dans une
toire”, affirme Albertine de Da Ti Seni. “C'est va de même en matière d'hépatites. Pour approche globale des questions de santé
certain que dans un contexte migratoire qui Aminita d'Ikambere : “Les personnes et de sexualité. On ne perd jamais de vue
est souvent complexe et difficile, si on migrantes parlent plus facilement du qu'une démarche de dépistage doit être
apprend qu'on a le VIH, ce sont tous les pro- dépistage aujourd'hui qu'il y a cinq ans. Il y préparée. Il faut expliquer quel intérêt il y a
jets qui tombent à l'eau. C'est, d'une a toujours la crainte des répercussions à le faire et surtout penser à l'après, à ce
certaine façon, hypothéquer son projet sociales, l'existence de fausses croyan- qui suit une remise de résultats. Si je suis
migratoire et souvent son projet familial, ces, mais beaucoup de gens sont désor- séropositif, est-ce que je serais toujours la
résume Romain d'Afrique Avenir. D'autant mais convaincus de l'intérêt pour elles et même personne ? Si je suis séropositif,
plus que chacun sait comment on parle du pour les autres du dépistage.” Salariée à est-ce que je vais mourir ? On doit être
VIH dans les communautés et à quel point l'association Espoir, Huguette parle régu- capable d'accompagner ces questions.”
la question y est taboue.” Et des freins, il y en lièrement du dépistage lors des entretiens
a d'autres. “Je me porte bien donc je n’ai pas qu'elle a avec des femmes qui sollicitent Dossier réalisé par Nadège Meurisse
besoin de me faire dépister. Je suis marié l'association. Cela peut être pour une sim- et Jean-François Laforgerie
donc je n’ai pas besoin de me faire dépister. ple adresse de centre de dépistage ou Illustration : Kollr Tawiz
Je suis croyant donc je ne me sens pas pour une demande plus complexe. Pour Photos : Sokona Tounkara
concerné. Je mène une vie tranquille donc mieux répondre et mieux comprendre, Remerciements au docteur Mehdi Karkouri
je n’ai pas besoin de me faire dépister, etc.”, Huguette a d'ailleurs fait elle-même le (ALCS), à Daniela Rojas Castro (AIDES),
rappelle Albertine. test. “J'avais été un long moment sans me et à Ouohi Diomande (RSB)
faire dépister et j'ai décidé de le faire,
XXI
A 20 millions d'habitants et
4,7 % de la population adulte
touchée par le VIH, la Côte d'Ivoire
trée sur la famille. Pour l'association, c'est
la meilleure stratégie pour atteindre les
personnes qui vivent dans des zones
continue à être le pays d'Afrique de rurales. C'est une approche d'ensemble
l’Ouest le plus affecté par le VIH. Une des questions de santé qui est proposée
enquête officielle de 2005 indique aux familles puisqu'il est question des
“une épidémie généralisée avec maladies chroniques comme le diabète,
5,4 % de personnes touchées en l'hypertension et la malnutrition, l'anémie,
milieu urbain contre 4,1 % dans les les vaccins, etc. Cette approche prend en
campagnes. Le CDV (conseil et dépis- compte le VIH. Elle est conduite, après
tage volontaire) est, comme ailleurs, l'accord des personnes concernées, à la
la porte d'entrée dans la prise en fois par des professionnels de santé et
charge médicale, gratuite dans le pays. Mais les services de CDV des agents de santé communautaire qui appartiennent aux vil-
ne sont disponibles, la plupart du temps, que dans les villes. Toutes lages où ils interviennent. Dans le même cadre, des examens sont
les personnes qui habitent en dehors des villes ont donc un accès proposés aux personnes vivant avec le VIH. Les prélèvements san-
limité au dépistage et à la prise en charge. C'est notamment le cas guins sont acheminés dans les laboratoires en ville. En fonction
dans la région de Yamoussoukro, la capitale et deuxième ville du des résultats biologiques, les médecins de RSB se rendent dans
pays, où il existe de vastes zones dépourvues de toute interven- les centres de santé ruraux et proposent une mise sous traitement
tion. Renaissance Santé Bouaké (RSB), une importante association anti-VIH. Aujourd'hui, l'association RSB anime quinze sites de pré-
de lutte contre le sida, développe depuis 2002 des programmes vention et de prise en charge sur cinq districts dans les régions de
de dépistage et de prévention auprès des personnes qui vivent Yamoussoukro et de Bouaké.
dans des zones reculées. En matière de dépistage, RSB a déve- Ouohi Diomande
“A ciation. Les questionnaires de 2 370 personnes ont été analysés, dont 425 personnes
migrantes. Dans cette enquête, 63,3 % des personnes migrantes sont séropositives
contre 41,6 % des personnes qui ne sont pas migrantes. 14,1 % des personnes
migrantes étaient séropositives pour l'hépatite C et 4,2 % ignoraient leur
séropositivité. 11,4 % des personnes migrantes ignoraient qu'elles étaient
porteuses du virus de l'hépatite C. L'enquête AIDES & toi indique aussi un
poids plus fort des discriminations. 51,9 % des personnes migrantes avaient
subi une discrimination au cours des deux dernières années, ce chiffre était
de 41,3 % chez les personnes non migrantes. 22,3 % des personnes migrantes
ont été discriminées dans le cadre des soins de santé. Dans cette enquête,
76,6 % des femmes migrantes sont séropositives contre 50,7 % des hommes.
2 % des femmes méconnaissent leur séropositivité contre 4,2 % des hommes.
XXIII
Témoin <<
En Afrique subsaharienne, le recours à la médecine traditionnelle INGEMB G
RE #05
est une pratique courante et ancestrale. 70 % de la population consulte
d'abord un guérisseur en cas de maladie, selon l'Organisation mondiale de la Santé.
Codjo Koumekpo, Togolais et séropositif depuis plusieurs années, dévoile pour Gingembre une
mauvaise facette de cette médecine lorsqu'elle vend à prix d’or une hypothétique guérison.
Codjo Koumekpo :
“1800 euros pour guérir !”
uite à une émission de radio qui vantait les mérites m’a clairement expliqué qu’ils étaient incapables de guérir du
Raac-sida
www.raac-sida.org
27
Equilibre <<
Les légumes secs sont cultivés dans le monde entier et sont
consommés depuis la préhistoire. Ils ont été, associés aux REMAID
céréales, la base de l'alimentation de l'humanité. Les légumes secs
ES #73
sont très riches en protéines végétales, en fibres, en minéraux et en vitamines
et ne coûtent pas cher. Bien préparés, et mangés en quantité modérée, les
légumes secs sont délicieux et leur digestion ne pose pas de problème.
Des herbes et des plantes aromatiques, en soupes, en salades, en galettes, en bei- Marianne et Jacqueline L'Hénaff
peuvent être ajoutées dès que l’eau est gnets, et même en desserts (dans la Photos (recettes) : Marianne L'Hénaff
écumée (ail, badiane, curcuma, gingem- cuisine indienne ou japonaise) et si le trem- Photos et illustrations : Stéphane Blot
bre, paprika, cumin, estragon, sauge, page n’a pas été anticipé, il existe des et Vincent Cammas
sarriette, cerfeuil, fenouil, cardamome, légumes secs déjà cuits (pois chiches, hari-
basilic, coriandre, marjolaine, noix de mus- cots, flageolets, etc.) en boite ou en bocaux
cade, thym, etc.), elles aident à bien et des fèves surgelées déjà décortiquées.
digérer en réduisant la production de gaz
intestinaux. Le temps de cuis-
son des légumineuses varie
de 20 à 60 minutes, à petits
bouillons et à couvert. Un
autocuiseur à pression, per-
met de diviser par deux à trois
ce temps, mais la pression
détruit les vitamines. Prévoir
50 g de légumes secs par per-
sonne, ils feront 150 g de
légumes cuits.
Les 10 commandements
pour une bonne cuisson
et une meilleure digestion
1. Deux fois par semaine, par des légumes Légumes Sec Trempage Cuisson
secs la viande tu remplaceras ;
2. Avec des céréales tu les associeras ; Haricots secs 12 h 1h
3. Avant le trempage, les légumes secs
abondamment tu rinceras ; Lentilles corail 0 10/15 mn
4. Le trempage de 12 h tu respecteras
puis de nouveau tu rinceras ; Lentilles 4h 45 mn (30 mn si
5. La cuisson à l’eau froide tu démarreras ; vertes ou blondes trempage)
6. Des aromates et un peu de bicarbonate
tu ajouteras ; Pois cassés 2 h (facultatif) 30 mn
7. A petits bouillons tu les mijoteras ;
8. Seulement en fin de cuisson tu saleras ; Pois chiches 12 h 1 h 30
9. Les grosses quantités tu éviteras ;
10. Si tendance aux flatulences tu as, Soja vert 12 h 2h
la peau tu enlèveras ou mixeras.
31
Invitez-vous à table !
Des recettes rigolotes et originales pour deux personnes
Cannabis :
Ça se soigne !
es pétales de corn flakes, du cho- ropathies. Et là, il n'y a pas photo, cela facilité ailleurs et toujours pas en
Un usage médical
Le cannabis (comme les cannabinoïdes de synthèse) ont de nom- le cannabis permet d'atténuer les nausées et les vomissements.
breuses applications médicales qui vont du traitement de la Il a surtout montré son efficacité pour lutter contre la perte d'ap-
dépression à celui des angoisses, des troubles psychiques aux pétit ou la maigreur extrême (on parle de cachexie). De façon
maux de tête, du traitement des douleurs et des spasmes mus- générale, le cannabis permet de traiter certains effets indésira-
culaires d'origine neurologique (sclérose en plaque), à certaines bles des traitements et du VIH lui-même (la douleur due aux
maladies respiratoires, etc. Le THC (un des principaux cannabi- neuropathies par exemple). Il est aussi utilisé pour lutter contre
noïdes) est aussi utilisé dans le traitement du glaucome (maladie l'anxiété ou l'insomnie. Lors du traitement de l'hépatite C, il peut
de l'œil). Il a aussi un effet dilatant sur les bronches qui est inté- aider à soulager la "tension cérébrale" due à l'interféron.
ressant dans le traitement de l'asthme. En matière de VIH,
35
Speedoux :
“Cela m'aide à gérer ma maladie”
ai 50 ans. Je suis séropositive quinze ans et le cannabis m'aidait à cannabis thérapeutique. Dix mois après,
CBD et THC
Se pose également la question du dosage. Une alternative inté- et des différents récepteurs des cannabinoïdes dans le corps
ressante est le spray, mais son développement est récent et le humain. Dans certaines maladies, ces substances ou les récep-
produit n'est pas encore disponible en Suisse. L’absorption se fait teurs font défaut, mais est-ce une cause ou une conséquence de
par la muqueuse, ce qui n’est probablement pas toxique et on la maladie ? Dernière évolution que je vois : aujourd’hui le can-
peut le doser. De grandes études sont en cours sur ce type de nabis est principalement utilisé pour soulager les symptômes et
produit, mais en cancérologie, surtout aux Etats Unis. Il est impor- non comme traitement curatif. Mais il y a des études dans le
tant de savoir que beaucoup de gens ne tolèrent pas ou tolèrent domaine du cancer et de la sclérose en plaque qui suggèrent que
mal le cannabis. Surtout les personnes âgées qui peuvent pré- le cannabis pourrait avoir un effet thérapeutique curatif.
senter des troubles de la concentration, des modifications de la
perception (choses, temps) jusqu’à des hallucinations. Il serait Alors le cannabis, drogue ou pas drogue ?
donc très difficile de prescrire le cannabis en premier traitement. On peut probablement faire une analogie avec les opiacés.
Les patients que je vois ont découvert par eux-mêmes les béné- La morphine peut être considérée comme un médicament pré-
fices pour eux de l'usage de cannabis en traitement et eux n’ont cieux pour beaucoup de patients, mais elle peut devenir une
pas ces effets indésirables graves. drogue pour d'autres. Pour le cannabis, c'est la même chose. La
différence entre les deux n'est toutefois pas toujours facile à faire.
Sur le plan médical, que peut-on attendre Chez certaines personnes, c'est peut- être les deux choses à la
du cannabis dans l’avenir ? fois et comme médecin, il n'est pas toujours aisé de conseiller au
Des recherches sont conduites, entre autres, dans le cadre des mieux le patient. Quelqu'un qui souffre de douleurs chroniques,
maladies neurologiques ou en oncologie [cancérologie]. Il y a, en qui ne supporte pas la morphine pour cause de nausées et qui
revanche, peu de recherches dans le cadre du VIH à l’exception prend une tisane de cannabis le soir, peut-on vraiment décon-
d’études étrangères notamment sur la perte d’appétit. Aux Pays- seiller cela ? Quelqu’un qui fait des attaques de panique et qui
Bas, l’Etat a développé trois sortes de cannabis avec trois taux est déprimé et qui dit avoir “besoin” de cannabis, j’aurais ten-
différents de THC et de CBD, notamment un avec un taux de THC dance à lui déconseiller. Si on veut avoir un cannabis
faible et un taux de CBD élevé. Ces trois produits ont des indica- “médicament”, il est important d’avoir accès à un produit de qua-
tions médicales différentes. Il se pourrait même qu'on puisse lité stable, contrôlé et utilisable pour certaines indications. Pour
soigner des maladies psychiatriques comme la schizophrénie ceux qui préfèrent avoir leur propre cannabis, alors il faut leur
avec le cannabis. Des études ont montré que le CBD pur avait un permette de l’utiliser sous d’autres formes : spray, teinture,
effet contre les psychoses. Il y a aussi l'avance dans la recherche beurre, tisane, etc. Donc, oui à l’accès au cannabis médical, mais
fondamentale, sur la compréhension du rôle des “encocannabi- contrôlé et non fumé.
noïdes”, les cannabinoïdes que notre corps fabrique lui-même Propos recueillis par Nicolas Charpentier
38
Au Canada, depuis 2001, les personnes vivant avec le VIH peuvent, sous certaines
conditions, se procurer légalement du cannabis à des fins thérapeutiques. Cependant,
l’accès n’est pas des plus faciles et peu de Canadiens en bénéficient.
Canada :
Ce qui est légal ou pas !
onsommer du cannabis à titre thé- membres de ne pas en prescrire. Ainsi, permis, il faut en respecter les conditions
Faciliter l'accès
au cannabis thérapeutique
Quel bilan dressez-vous Quels services proposez-vous ?
après ces dix ans de La mission du CCM est de fournir de l'information
fonctionnement ? reliée à l'usage thérapeutique du cannabis, de per-
L’ouverture du premier dispen- mettre un accès sécurisé et fiable aux personnes
saire de cannabis médical à souffrant d'une maladie pour laquelle le canna-
Montréal, en octobre 1999, bis s'est montré efficace. C'est aussi de
et le procès qui a suivi fournir des produits variés de très haute qua-
l’arrestation des fondateurs lité pour répondre aux divers besoins des
pour “trafic de drogues” ont membres.
ouvert le débat sur l'usage
du cannabis à des fins Comment
thérapeutiques et poussé le devient-on membre ?
gouvernement à créer le L'adhésion au CCM est réservée aux per-
Règlement sur l'accès à la sonnes qui ont besoin du cannabis pour des raisons
marijuana à des fins médicales. Ce pro- strictement médicales. Vous avez besoin d’une attestation
gramme a été mis sur pied par Santé de diagnostic signée par votre médecin stipulant que vous
Canada [ministère canadien de la Santé] en 2001, mais souffrez d'au moins une des maladies ou symptômes qui
des médecins semblent toujours réticents à ce que peuvent être traités et soulagés avec du cannabis thérapeu-
leurs patients en consomment. Nous déplorons le manque d’ou- tique. Les personnes possédant une autorisation de Santé
verture du Collège des médecins à ce sujet. Par ailleurs, le Canada sont automatiquement acceptées.
programme fédéral comporte plusieurs lacunes, les délais sont
déraisonnables et la variété de cannabis proposée ne convient Quel objectif le CCM vise-t-il ?
qu'à 15 % des personnes. Faciliter l’accès au cannabis médical demeure notre principal
objectif. Le CCM entend faire pression auprès du Collège des
Dans ce contexte, médecins pour le sensibiliser aux bienfaits médicaux de la mari-
quel est aujourd’hui le rôle du Centre ? juana. Sur le front des droits, face à quelques cas de refus de
Le CCM, à l’instar d’autres dispensaires similaires au Canada, soins, d'assurance ou d'hébergement de fumeurs thérapeu-
existe parce qu'il y a trop de gens qui souffrent inutilement. Les tiques, le CCM a obtenu récemment un avis positif de la
clubs et les centres Compassion comblent la zone grise qui sub- Commission des droits de la personne et des droits de la jeu-
siste entre l'acceptation répandue dans notre société concernant nesse. En gros, les droits d'un fumeur thérapeutique ne peuvent
les bienfaits du cannabis médical et l'inaction des divers paliers être brimés parce qu'il consomme une “drogue illégale”. Mais cet
gouvernementaux à fournir ce dont des milliers de Canadiens ont avis n’aurait aucun effet sur des poursuites pénales, d’où la
besoin : une source fiable. Le Centre lutte continuellement afin nécessité de favoriser l’accès légal au cannabis thérapeutique.
d'offrir un service essentiel, bien que controversé, de manière la Propos recueillis par Corinne Parmentier
plus sécuritaire possible. Aujourd’hui, nous comptons un peu plus
de 1 000 membres. Plus d’infos sur : www.clubcompassion.org
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Le cannabis médical...
en livres
édecin, président de l'Associa- indications. A la fois scien-
(1) Cannabis en médecine. Un guide pratique des applications médicales du cannabis et du THC, par le docteur Franjo Grotenhermen, édi-
tions Indica, 24,90 euros. www.editions-indica.com
(2) Cannabis médical. Du chanvre indien au THC de synthèse, par Michka, Mama éditions, 15,50 euros. Infos sur www.mamaeditions.net
Alternative Verte,
auto-support et cannabis thérapeutique
Comment cette association a-t-elle vu le jour ? difficile de trouver ce dont j'avais besoin et pas à n’importe quel
Fabrice : Cette association, à but non lucratif, a été créée par des prix ni à n’importe quelle qualité.
personnes qui avaient besoin de se soigner avec du chanvre
[cannabis] et qui avaient des difficultés à trouver leur “médica- Quelle sont vos activités ?
ment”. Il est difficile pour une personne qui a un handicap, Fabrice : Notre action, c’est de présenter nos besoins en disant :
qui n’est pas bien dans sa peau, de passer des heures dans la “Nous souffrons, nous avons déjà essayé des médicaments, nous
rue pour essayer de trouver un dealer et acheter sa petite sommes arrivés au terme de ce que nous pouvions obtenir avec
consommation. En plus, à quel prix et pour quelle qualité ? eux, nous voulons juste pouvoir nous soulager et en prendre un
Des personnes en sont donc arrivées à acheter des plantes dans peu moins.”
les magasins. Alternative Verte a commencé par la production de Pancho : Nous ne consommons pas uniquement le cannabis en
boutures que nous vendions aux membres de l'association. le fumant. Il y a aussi les sprays, les cataplasmes surtout pour la
Le besoin de se regrouper est également venu des persécutions sclérose en plaque, etc. Si on consomme dix pétards par jour,
notamment policières subies par ceux qui cultivaient des plantes même moi, je dis que c’est plus tellement thérapeutique !
pour un usage thérapeutique. Etant personnellement polytrau- Par exemple, le spray, j’ai vu que ça me convenait parce que ça
matisé et utilisant le chanvre dans un but médical, j’ai essayé de passe par les muqueuses, ça ne monte pas comme quand on
motiver tout ce monde à se regrouper pour se défendre. Si cha- fume un joint. Ça me permet de bien manger sans être “à côté”.
cun traite son cas séparément, nous n’arriverons pas à mettre en C’est un complément à ma trithérapie.
avant nos besoins véritables et à les défendre. Notre objectif est Fabrice : Avec notre production de chanvre, nous mettons en
de défendre nos droits et nos intérêts. Nous ne nous attaquons place un système d’entraide. Quelqu’un qui est en rupture avec
pas à la société, nous répondons simplement à une carence, en son environnement a, tout d’un coup, l’occasion de croiser des
disant que nous existons. Nous sommes une cinquantaine de gens qui sont un peu comme lui. Cela donne vraiment une
membres, tous vivants avec une maladie. Nous sommes à volonté de ressortir, de faire d'autres choses, de trouver des moti-
l’Assurance invalidité [Voir Remaides Suisse, n°5]. La moyenne vations jusqu'à parfois arrêter la méthadone pour certains qui
d’âge dépasse les 40 ans. Nous nous trouvons souvent un peu sont en substitution.
plus exclus que les jeunes. Pancho : Il y a beaucoup de membres qui sont désocialisés, qui
vivent cloîtrés chez eux. Le fait de savoir que les jeudis nous nous
Qu'est-ce qui a motivé votre engagement ? rencontrons, c’est aussi une “thérapie” pour chacun. On peut en
François : J’en avais marre de courir après dans la rue. J’ai ainsi parler avec les autres, pouvoir dire : “Voilà ce que j’ai”, mais aussi
pu trouver des plantules [petites plantes] pour faire une petite tout simplement pouvoir faire les gestes tous bêtes de la vie :
production chez moi. Cela m’a libéré du temps et aussi l’esprit. se faire à manger, se motiver pour une sortie.
Du point de vue financier, ça va beaucoup mieux aussi. Propos recueillis par Céline Schaer
Pancho : Pour moi, c'était un moyen d'avoir mon médicament
sans avoir d'ennui. Je ne cherche pas à trafiquer. C’était aussi Plus d'infos sur http://www.alternative-verte.info
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>> Et là-bas ?
ES #73
REMAID
VIH et tuberculose :
un combat commun
En Afrique subsaharienne, la tuberculose est la première cause de mortalité chez les
personnes touchées par le VIH/sida. Cette situation a conduit de nombreuses associations
de lutte contre le sida à prendre aussi en compte la tuberculose. C'est notamment le cas au
Burkina Faso. Militants et responsables associatifs, Assita Kaboré et Adama Kompaore
expliquent comment.
es associations de lutte contre le teurs dans la société à propos de ces Kompaore. Mais il n'en va pas de la même
charge à la fois médicale, sociale et psy- contribuer à l'amélioration de la prise en cements sur la question de la co-infection.
chologique de la co-infection tuberculose charge par rapport à celle développée par D'autres concernent une plus large diffu-
et VIH, indique Assita Kaboré. Concrète- des structures plus classiques. Mais pour sion des informations sur la tuberculose
ment, l'association ALAVI fait la promotion indispensable qu'elle soit, la mobilisation en langue française, l’implication effective
du dépistage, sensibilise les personnes sur nationale n'est aujourd'hui plus suffisante. des personnes touchées à tous les
la co-infection, oriente les personnes tou- C'est ainsi que plusieurs associations niveaux des instances nationales et inter-
chées vers les centres de prise en charge dans plusieurs pays ont eu l'idée de créer nationales de la lutte contre la tuberculose
spécialisés. Elle accompagne aussi les le Forum francophone contre la tubercu- et l’accès à de nouveaux médicaments
personnes co-infectées pour une meil- lose et la co-infection Tuberculose/VIH.“ efficaces et gratuits. Ce dernier point est
leure observance aux traitements. Nous Le Forum francophone a été créé pour jugé primordial. En effet, en 2007, on esti-
avons même des activités de formation combler un vide. Nos associations mait que plus de 500 000 personnes
auprès d'autres associations.” “Nous inter- n’avaient pas de cadre de concertation étaient touchées par une forme de tuber-
venons plus en province que dans les commun pour accompagner les politiques culose résistante aux traitements actuels
grandes villes où l’information circule de prévention, partager les meilleures pra- et, de ce fait, très difficilement soignable.
mieux qu’en province”, précise, de son tiques notamment sur la prise en charge Le Forum francophone a d'ailleurs parti-
côté, Adama Kompaore. communautaire de cette maladie”, pré- cipé à la conférence Stop TB Partnership
Les associations burkinabé ont rapide- cise Adama Kompaore, qui en est aussi un Forum (“Stop la tuberculose”) à Rio de
ment compris que ce qu'elles faisaient en de ses responsables. Le Forum est à la fois Janeiro en mars dernier pour y porter ces
matière de VIH en mobilisant les commu- un cadre institutionnel, mais surtout une revendications.
nautés de personnes séropositives était chambre d'amplification des revendica- Jean-François Laforgerie
transposable à la lutte contre la tubercu- tions. Et ces dernières ne manquent pas. Illustration : Yul studio
lose. C'était même un sérieux atout pour L'une porte sur l'augmentation des finan-
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>> Chronique
ES #73
REMAID
t il faudra certainement vous vacciner contre LA ou S’infecter (donc s’immuniser) avec le virus à un moment où celui-
est catégorié-ciblé-planifié-formaté-sécurisé-assuré contre tout “Lis !” C‘est bien un test VIH, mais c’est écrit “négatif”, je ne com-
et n’importe quoi. Une petite case pour chaque chose et si ça prends pas et le montre. Alors il explose : Oui c’est négatif ! Et c’est
dépasse, bonjour l’affolement, on est perdu ! dramatique ! Car il va être expulsé ! Et son pays, c’est l’Algérie ! Et
Toute contamination volontaire résulte d’une grande détresse, si il y retourne il va être tué ! Car il est travesti ! Et il se prostitue ! Et
d’un désespoir sans fond. Nos pauvres soldats poilus de 14-18 en Algérie les gens comme lui n’ont pas le droit d’exister, on les tue.
avaient organisé un trafic de pansements souillés par la gangrène Il me raconte qu’il fait tout, mais alors TOUT pour se faire contami-
pour s’auto-infecter, tablant sur l’amputation quasi-certaine donc ner, et qu’il n’y arrive pas, que le test est toujours négatif... et qu’il
la réforme, car tout sauf l’horreur des tranchées, même si des chi- est désespéré. Pour lui, VIH = vie, car titre de séjour pour soins en
rurgiens militaires soupçonneux et zélés pouvaient les confondre France. Accablée, je me suis dit que le monde marchait sur la tête.
et les envoyer en plus au peloton d’exécution, fusillés comme Et la grippe dans tout ça ? Ah oui. Ben on verra. Si on est vaccinés
déserteurs. Il paraît que cela se répète dans toutes les guerres. ou non. Si c’est la pandémie-cata ou pas. Un grand médecin
On comprend. Plus près de nous, au tout début de l’épidémie de visionnaire avait prédit au siècle dernier : “Le 21e siècle sera le siè-
VIH : Cuba avait décidé de parquer les malades (je rappelle qu’il cle des virus.” On en sait quelque chose, non ? Mondialisation des
n’y avait AUCUN traitement) dans des sortes de “sidatoriums” échanges multiples et toujours plus rapides, réchauffement cli-
fermés, pensant ainsi limiter le désastre. Les pensionnaires y matique bousculant les fragiles équilibres de notre planète et j’en
seraient nourris en plus d’y être logés, détail immense ! Combien passe, cela fait des niches pour toutes ces petites bêtes. Va-t-il
de jeunes Cubains affamés se sont alors contaminés volontaire- falloir apprendre à vivre avec ? Nous on le fait déjà, avec notre
ment, appâtés par le gîte et surtout le couvert, se disant dans leur virus CONTAMINANT alors que celui de la grippe est CONTA-
naïf désespoir, car ils survivaient au jour le jour, que le temps que GIEUX, grande différence. A fortiori quand il s’agit de contagion,
le remède/vaccin soit trouvé ils auraient mangé à leur faim ? on ne peut rester à l’échelle individuelle, on pense collectif. Attra-
Et cette histoire, il y a une douzaine d’années, que je n’oublierai per le virus de la grippe A volontairement, c’est accélérer et
jamais : à l’accueil d’une association, un jeune homme très mince, augmenter la dynamique d’expansion de la maladie, et faire pren-
très fatigué vient chercher son courrier domicilié, ouvre et parcourt dre des risques à son entourage. Se protéger (une fois malade ou
une lettre, et se met à pleurer. M’approchant, je reconnais sur pas), c’est protéger aussi les autres, proches, voisins, vulnérables
l’enveloppe le nom d’un labo que nous connaissons tous. Aïe, une ou non. A quelle sauce grippale serons-nous assaisonnés ?
contamination ? Je peine à le comprendre, il est secoué de sanglots Quand ces lignes seront lues, on le saura.”
et parle mal français. Je commence à sortir mon artillerie de mots Maripic
qui se veulent consolants. Il m’interrompt, me tend le papier : Illustration : Jacqueline L'Hénaff
à lire dans les autres Remaides !
Remaides Suisse
Dossier : Assurance invalidité : Blabla et mode d’emploi !
Gingembre,
le journal du RAAC-sida
Le jour où on m'a dit...
Remaides Québec
Immigration et VIH, points de vue d'experts et témoignages