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Remaides 73

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>> Hiver 2009

#73

Cannabis
ça se soigne !

Gingembre, le journal du RAAC-sida et des partenaires africains de AIDES


VIH : le jour où on m'a dit...
2
>> Sommaire
ES #73
REMAID

06 10 14

04 12 24
Courrier Actus Témoin
Infos sur les hépatites Vince :

05 13
“Auto prélèvement : mon expérience”

Edito
“Récalcitrants !” Actus
I
par Bruno Spire, président de AIDES Vaccin préventif du VIH :
Gingembre
un premier pas... Le journal du Réseau des Associations
africaines et caribéennes de lutte contre
06 14
le sida en France et des partenaires
africains de AIDES.
Actus
ICAAC 2009 :
Quelles infos de San Francisco ?
Actus
Grippe A : le vaccin recommandé
27
Tous les ans, de grands rendez-vous
internationaux entre spécialistes des maladies
Equilibre
infectieuses permettent de faire le point
sur les avancées médicales et scientifiques
sur le VIH. L'ICAAC fait partie de ces
16 La faim des haricots
Les légumes secs sont cultivés
dans le monde entier et sont consommés
évènements. Cette année, ce congrès s'est Ici et là depuis la préhistoire. Ils sont associés
déroulé à San Francisco. Fabien Sordet était Les infos en bref aux céréales, la base de l'alimentation
l'envoyé spécial de Remaides. de l'humanité. Les légumes secs sont très
riches en protéines végétales, en fibres,

10 18 en minéraux et en vitamines et ne coûtent pas


cher. Bien préparés, et mangés en quantité
modérée, les légumes secs sont délicieux et
Pour y voir plus clair leur digestion ne pose pas de problème.
Actus L'hépatite B
Quoi de neuf doc ? Remaides fait un point complet sur l’hépatite
B chronique (ou VHB), une maladie qui touche
plus de 300 000 personnes en France. Quels
sont ses modes de transmission ? Est-elle
grave ? Pourquoi ? Comment la traiter ?

I 46 44
3
Directeur de la publication : Bruno Spire.

Comité de rédaction : Christian Andreo, David


Auerbach Chiffrin, Franck Barbier, Gwenaël
Cadoret, Agnès Certain, Nicolas Charpentier,
Laurent Cottin, Olivier Figuereau, Yves Gilles,
Jean-François Laforgerie, Cyrille Leblon, René
Légaré, Jacqueline L’Hénaff, Marianne L’Hénaff,

16
Hicham M'Ghafri, Christiane Marty-Double,

17 Fabien Sordet, Emmanuel Trénado.

Déclaration de conflit d’intérêt : Par souci


de transparence, Remaides, comme le font
les publications scientifiques, déclare les
appartenances professionnelles des membres
du comité de rédaction : le Dr Fabien Sordet,

32 pharmacien, est salarié d’un laboratoire


pharmaceutique impliqué dans le VIH/sida.

Dossier 18 Remaides n’est pas financé par l’industrie


pharmaceutique, mais par des dons privés
Cannabis : ça se soigne ! et la Direction Générale de la Santé (France).
Le cannabis utilisé comme médicament a
Á la mémoire des membres du comité
démontré son intérêt. Au Québec, en Suisse et de rédaction morts du sida : Philippe Beiso,
dans d'autres pays, son usage est reconnu Richard David, René Froidevaux, Yvon Lemoux,
voire soutenu. Ce n'est malheureusement pas Christian Martin, Alain Pujol, Christine
le cas en France. Quelles sont les demandes Weinberger.
des personnes qui utilisent, en marge de la loi,
Coordination éditoriale et reporter :
le cannabis thérapeutique ? Remaides braque Jean-François Laforgerie, T. : 01 41 83 46 12,
la lumière sur des revendications... qui ne courriel : jflaforgerie@aides.org
demandent qu'à pousser.
Diffusion, abonnements
et petites annonces :

44 Laurent Cottin, T. : 01 41 83 46 10,


courriel : lcottin@aides.org

Et là-bas ? Maquette :
Stéphane Blot, Vincent Cammas,
VIH et tuberculose : combat commun Laurent Marsault.
En Afrique subsaharienne, la tuberculose Photos et illustrations
est la première cause de mortalité
chez les personnes touchées par le VIH/sida.
Des associations se mobilisent comme au
Burkina Faso.
24 avec nos remerciements :
Stéphane Blot, Vincent Cammas, Olivier
Dumoulin, Jacqueline L'Hénaff, Marianne
L'Hénaff, Rash Brax, Romain, Fabien Sordet,
Kollr Tawiz (Tomasz Sporek, www.kollr.prv.pl),
Yul studio.

46 Remerciements spéciaux au docteur Jean


Deleuze et Emma Belissa (pour leurs conseils),

Chronique à Nicolas Charpentier du Groupe sida Genève


et René Légaré de la COCQ-SIDA (pour la
relecture), à Corinne Parmentier (COCQ-SIDA ),
“Á cœur et à cris“ Maude Perras (responsable VIH Info Droits
La chronique de Maripic COCQ-SIDA) et Céline Schaer (Groupe sida
Genève) pour leur participation à ce numéro.

48 Le SNEG (Syndicat national des entreprises


gaies) assure la diffusion de Remaides
dans les établissements gays en France.
Les P.A. Impression :
Vos annonces Corlet Roto, 53300 Ambrières-les-Vallées.
Trimestriel. Tirage : 46 750 ex., ISSN : 11620544.
CPPAP N°1212 H 82735.

Les articles publiés dans Remaides peuvent

32 27
être reproduits avec mention de la source.
La reproduction des photos, des illustrations
et des témoignages est interdite, sauf accord
de l'auteur. La reproduction des petites
annonces est interdite.

Remaides
Tour Essor, 14, rue Scandicci,
93508 Pantin Cedex.
Télécopie : 01 41 83 46 19.
Remaides sur internet : www.aides.org
4
>> Courrier Vous souhaitez réagir à un article, partager un point de vue, demander une
précision ou proposer un sujet d'article pour un prochain numéro de
Remaides. C'est désormais possible par mail comme par courrier.
ES #73
REMAID

L'annonce aux enfants


nous permettent
“Merci pour vos publications qui
prendre
d'aider les personnes malades à
antirétroviraux
correctement leurs médicaments
re équipe à Notre
et à mieux gérer leurs effets. Not
'hui besoin
Dame d'Afrique à Goma a aujourd
qui traitent de la
d'informations et de documents
personnes vivant
prise en charge psychologique des
out savoir s'il y a
Le Courrier des lecteurs : avec le VIH. Nous voudrions surt
oncer les résultats
comment faire ? des procédures à suivre pour ann
. Merci pour vos
Il est possible d'écrire à Remaides. Il vous suffit pour de tests à des enfants de 5 à 14 ans
cela d'envoyer votre mail, votre courriel ou votre let-
numéros de Remaides.”
tre à l'édition du journal que vous lisez. Désiré Materanya,
e du Congo
Pour Remaides Suisse :
Goma, République Démocratiqu
Groupe sida Genève.
17, rue Pierre Fatio, CH-1204 Genève.
Tél. : 022 700 1500
Mail : info@groupesida.ch Entre vérité et inconnu
“2005. C'est l'année où je découvre ma séropositivité au détour de la
Pour Remaides Québec : maladie SIDA. Année où tout est remis en question, surtout la vie...
Remaides Québec. Alors commence une course contre la montre, un combat de tous les
1, rue Sherbrooke Est, instants avec ses peines, mais aussi ses joies. Quel étrange paradoxe,
Montréal (Québec), H2X 3V8. que cette rencontre entre la vérité et l'inconnu qui se mêlent...
Tél. : 514 844 2477, poste 22 Rencontre avec le virus qui sommeillait en moi depuis longtemps
Courriel : remaides@cocqsida.com peut-être, mais surtout un combat pour la vie, acharné, sans retenue,
sans baisser les bras puisque je suis toujours en vie, mieux que jamais
Pour Remaides et Gingembre : car j'ignorais cette force qui m'habite, cette volonté de vaincre.
Remaides. Tour Essor, Après la descente aux enfers, moment de retour sur moi, ma vie, mes
14, rue Scandicci, doutes ; je suis toujours debout. Aujourd'hui, j'ai retrouvé ma vie
93508 Pantin cedex d'avant avec la compagnie de ce virus qui est entré dans mon quoti-
Tél. : + 33 (0)1 41 83 46 12. dien. J'ai repris le travail. J'ai retrouvé une vie sociale. J'ai, à nouveau,
Mail : remaides@aides.org et contact@raac-sida.org envie de séduire, d'être moi, conscient d'être infecté, mais avec cette
envie de vivre et d'apprécier chaque instant qui m'est offert. C'est un
Il est possible de répondre aux courriers publiés. résumé non exhaustif d'un épisode de ma vie, et un jour, peut-être,
Dans ce cas, merci d'indiquer le nom de la personne mon témoignage pourra être porteur d'espoir (...) Il y a une vie après
à laquelle vous répondez et le numéro dans lequel le sida.”
vous avez lu ce courrier. Didier
5
Édito <<
REMAID
ES #73

a France s'est arrêtée en 1970... en matière de drogues. Un tres sont devenues les experts les plus pertinents de ce qui est

L 31 décembre plus précisément lorsque l'Assemblée natio-


nale a voté à l'unanimité des présents un article du Code de
santé publique punissant “tout usager de stupéfiants d'un an
bon pour elles. Ailleurs, ce savoir profane a été accepté, reconnu
voire conforté. Des recherches scientifiques ont permis de
démontrer que la “drogue” des uns pouvait être le médicament
d'emprisonnement et d'une amende de 25 000 francs.” Richard des autres. En Suisse, au Québec, en Espagne, aux Etats-Unis,
Nixon était alors président des Etats-Unis et Mao régnait sur la l'usage thérapeutique du cannabis est officiellement reconnu par-
Chine. Depuis 1970, rien n'a vraiment changé quant à la législa- fois avec difficultés, mais il y a un monde entre l'autisme français
tion. La France s'est crispée sur une politique répressive, une et ce qui est possible ailleurs. En France, l'Etat refuse de prendre
politique sanitaire placée sous le régime de la contrainte, une poli- en compte les résultats des recherches menées à l'étranger et
tique qui fait de l'utilisateur de produits (quel qu'il soit et quelque confisque aux premiers intéressés toute participation à une déci-
soit le produit) un délinquant. La loi de 1970 a aussi tué tout débat sion qui les concerne. Les participants au grand rassemblement
puisqu'il est devenu impossible de parler en “bien” des drogues, qu'a été UNIR + au début de l'année l'ont bien rappelé : certaines
d'envisager que certains produits décisions ne peuvent pas être prises
puissent avoir leur utilité en matière sans que les personnes concernées
de santé : le cannabis au premier
chef. Rien n'a changé ? Pas tout à
Récalcitrants ! aient leur mot à dire. D'une certaine
façon, cette revendication d'un
fait, la consommation de cannabis a depuis connu une crois- usage thérapeutique du cannabis est exemplaire. Exemplaire
sance exponentielle et la France compte désormais et parce qu'elle pose la question de la place des personnes malades
durablement parmi les cancres sur la question du cannabis thé- dans la prise de décisions concernant leurs propres soins de
rapeutique. Notre pays a délibérément choisi de faire de la santé. Exemplaire aussi parce qu'elle montre bien qu'en matière
marijuana un produit prohibé, de restreindre les recherches sur de santé les experts ne sont pas toujours du côté des blouses
son usage médical et de priver les malades en France des médi- blanches, que le médecin doit autant être “éduqué” que la per-
caments comportant des principes actifs du cannabis. On pourrait sonne malade, que le savoir n'est jamais à sens unique.
y voir la stricte application d'un modèle marqué par un conser- Depuis le début de l'épidémie, le VIH a révolutionné les rapports
vatisme bourgeois ou une volonté farouche d'en finir avec le entre le monde médical et les personnes malades. Il a mis sur le
laxisme attribué à 1968. Il y a sans doute de cela... du temps où devant de la scène les “patients-experts”. Il a démontré l'intérêt
Georges Pompidou était à l'Elysée, mais aujourd'hui ? Pourquoi de la contre-expertise. Aujourd'hui, les collectifs de personnes
rien n'a changé ces dernières années ? Sans doute par confor- malades produisent du savoir. C'est ce savoir qui alimente le
misme, par habitude, par lâcheté, mais aussi par refus de laisser combat, ce moteur qui permet de changer la situation. Qu'on ne
les personnes décider par elles-mêmes et par inaptitude à recon- se méprenne pas. Il ne s'agit pas de remplacer les uns (les
naître le savoir profane. La revendication d'un usage experts) par les autres. Tout le monde aurait à perdre à une oppo-
thérapeutique du cannabis n'est pas, contrairement à ce que pré- sition brutale entre les sciences et les savoirs profanes. Mais il ne
tend bien souvent l'Etat, un alibi, ni le faux nez du débat sur la s'agit pas non plus de renoncer devant la paresse et le conser-
dépénalisation. C'est le résultat d'une expérimentation faite par vatisme de ceux qui prétendent bien et tout savoir. D'une certaine
les personnes malades elles-mêmes qui est devenue un savoir. façon, les personnes malades ont, par nécessité, inventé ce que
Face à l'absence de réponses médicales classiques, certaines certains penseurs appellent les “savoirs récalcitrants”, des savoirs
personnes n'ont eu d'autre solution que d'utiliser le cannabis nés de l'expérience vécue, des savoirs qui deviennent des reven-
pour se soigner dans certains cas. Ces personnes en ont tiré une dications, des mots d'ordre. Le passé nous a déjà démontré que
expérience, des solutions à partager, un savoir à diffuser. Ce sont l'avenir était aux récalcitrants !
les personnes touchées qui, dans ce domaine, comme dans d'au- Bruno Spire, président de AIDES
6
>> Actus Tous les ans, de grands rendez-vous internationaux entre spécialistes des
maladies infectieuses permettent de faire le point sur les avancées
médicales et scientifiques sur le VIH. L'ICAAC fait partie de ces
ES #73 évènements. Cette année, ce congrès s'est déroulé à San Francisco.
REMAID Fabien Sordet était l’envoyé spécial de Remaides.

ICAAC 2009
Quelles infos de San Francisco ?
Syphilis et hépatite aiguë
ICAAC est LE congrès international sur les maladies infectieuses. Méde- La syphilis, longtemps appelée la “grande simula-

L’ cins, virologues, spécialistes des maladies dues à des bactéries ou des


champignons, spécialistes des maladies parasitaires du monde entier
l’attendent, chaque année, avec une certaine impatience (peut-être plus
trice” parce que capable de donner toutes sortes
de symptômes rendant le diagnostic difficile, peut
également être responsable d’hépatites aiguës.
encore quand il a lieu à San Francisco !). Les crus ne se valent pourtant pas... Selon une étude israélienne, ceci serait particuliè-
Celui de 2009 aura été marqué par de nombreuses sessions de travail sur la rement vrai pour les personnes séropositives pour
grippe A (ben ça alors !). Contrairement aux deux éditions précédentes, rien le VIH. Ces hépatites se sont avérées d’autant plus
de bien révolutionnaire côté VIH, mais quelques informations intéressantes. sévères que les personnes étaient âgées. En
revanche, le niveau de l’immunodépression (c'est-
à-dire le nombre de CD4/ml de sang) ne semble
Des nouvelles molécules ? pas intervenir. La guérison est de 100 % dès que
L'ICAAC 2009 a permis de faire le point sur trois nouvelles molécules qui sont l’on traite la syphilis. Encore faut-il y avoir pensé !
actuellement en développement. Dans cette étude, plus d'un tiers des personnes ne
L’une d’elles, GSK 1265744, est une nouvelle molécule de la famille des anti se savaient même pas séropositives pour le VIH.
intégrases qui présenterait le double avantage de rester longtemps dans le
sang (donc une seule prise par jour) et d’être efficace sur certains virus deve-
nus résistants à Isentress (raltégravir). Ce dernier point reste à confirmer. Atazanavir et consommation
Une autre des molécules, appelée PRO 140, agit en bloquant le co-récepteur de tabac ou de cannabis
CCR5 (voir Remaides, N°66), mais selon un mécanisme différent du maraviroc Le suivi des concentrations des médicaments dans
(Celsentri ou Selzentry). Cette molécule s’administre par injection sous la peau le sang est un paramètre important dans la prise en
toutes les deux ou trois semaines. Elle présente plusieurs avantages : puisque charge des personnes sous traitement anti-VIH.
c’est un mécanisme d’action tout à fait nouveau, elle marche même si le virus Ceci est particulièrement vrai pour certains médi-
est résistant aux autres médicaments. De plus, elle ne pose pas de problème caments comme atazanavir (Reyataz) dont les
d’interactions avec d'autres médicaments. Enfin, son mode d’administration concentrations peuvent beaucoup varier d’une
pourrait simplifier certaines prises en charge (personnes ayant du mal à ava- personne à l’autre. Une étude américaine a notam-
ler les médicaments, personnes ayant tendance à oublier de les prendre, ment montré que les personnes fumant du tabac
traitement post-exposition au VIH, etc.). et/ou consommant du cannabis avaient, dans près
Enfin la troisième molécule, le bévirimat (voir Remaides, N°70) agit en bloquant de la moitié des cas, des concentrations insuffi-
la maturation des virus nouvellement formés. Cette dernière molécule est santes de Reyataz dans le sang. Fort heureusement
théoriquement intéressante, mais son efficacité est modeste. De plus, un tiers dans cette étude, ces faibles concentrations en
des virus y sont naturellement résistants, ce qui obligerait à un test prélimi- médicament n'ont pas été responsables d’échecs
naire avant d'être prescrit. Les experts ne sont pas très enthousiastes. Mais thérapeutiques. Compte tenu du nombre élevé de
c'est un mécanisme d'action nouveau, original, et d'autres molécules de ce fumeurs chez les personnes séropositives, cette
type verront peut-être le jour à l'avenir... information est capitale. A quand une autre étude
pour la confirmer ?
7
8
Intérêts de raltégravir
après une transplantation Raltégravir en une prise par jour
Le raltégravir (Isentress) présente l’avantage de ne pas interagir Le raltégravir (Isentress) est actuellement prescrit en deux
avec les médicaments immunosuppresseurs prescrits après les prises quotidiennes. Plusieurs études sont en cours afin
greffes d’organes. Une étude portant sur six personnes greffées d’évaluer la possibilité de le prescrire en une prise par jour.
du foie et une personne greffée du rein l'a confirmé : les trithé- Une étude pilote semble confirmer cette possibilité. On a
rapies prescrites, incluant le raltégravir, se sont avérées efficaces proposé à 125 personnes ayant une charge virale indétec-
chez les sept personnes et aucune interaction médicamenteuse table sous trithérapie incluant un inhibiteur de protéase (ou
n’a été observée. Un essai va être mené en France par l'Agence IP), de changer l’IP pour du raltégravir. 63 personnes l’ont
nationale de recherche sur le sida sur ce sujet. pris en une prise par jour alors que les 62 autres personnes
l’ont pris en deux prises par jour. Après trois mois de suivi,
aucune différence n’a pu être repérée entre les deux
Ténofovir durant la grossesse groupes. Le confort des personnes semblait meilleur pour
L’APR (Antiretroviral Pregnancy Registry) est un registre américain où celles prenant le raltégravir en une seule prise. La majorité
sont répertoriés tous les problèmes repérés chez les bébés nés de des personnes ont conservé une charge virale inférieure à
mères séropositives sous traitement anti-VIH. L’analyse spécifique des 50 copies/ml. Les personnes qui ont vu leur charge virale
données concernant les enfants nés de mère ayant pris du ténofovir augmenter en prenant le raltégravir avaient déjà connu des
(Viread, Truvada) pendant leur grossesse n’a pas révélé de risque parti- échecs aux nucléosides dans le passé. On peut penser que
culier. Le nombre d’anomalies rapportées était similaire chez ces les médicaments associés n’étaient pas assez efficaces
enfants comparativement au nombre habituellement observé aux Etats- pour “protéger” le raltégravir (voir Remaides n° 68).
Unis pour des enfants dont les mères ne suivent pas un tel traitement.
9

Darunavir et raltégravir
pénètrent bien dans le liquide
Cancers et papillomavirus céphalo-rachidien
Plusieurs sessions ont été consacrées aux cancers liés Deux présentations ont montré que darunavir (Prezista) et ralté-
au VIH, et notamment au papillomavirus (HPV, virus du gravir (Isentress) ont une bonne pénétration dans le liquide
papillome humain ou VPH au Québec) et à son vaccin. Le céphalo-rachidien (dans lequel baigne le cerveau). Même si les
papillomavirus (HPV) est une cause majeure de cancer de concentrations en médicament y sont plus faibles que dans le
l’utérus et de l’anus, a fortiori chez les personnes séro- sang, ces concentrations semblent suffisantes pour bloquer la
positives, et ce quel que soit le nombre de CD4/mm3. On multiplication du virus. C'est un point important car on sait
estime que près de 50 % des adultes en sont porteurs... aujourd’hui que le cerveau et le liquide céphalo-rachidien peu-
et plus encore chez les homosexuels. Deux vaccins anti- vent constituer des réservoirs où pourraient apparaître des virus
HPV, Gardasil et Cervarix, sont désormais disponibles. La résistants par exemple dans le cas d'une pénétration insuffisante
vaccination est recommandée pour toutes les jeunes des médicaments anti-VIH. De plus, cette bonne pénétration de
filles avant leurs premiers rapports sexuels. La vaccina- darunavir et de raltégravir pourrait limiter chez certaines per-
tion permet de réduire très significativement le risque sonnes le développement des troubles neurologiques liés au VIH.
d’infection par les papillomavirus les plus souvent res-
ponsables de cancers. Des études chez les jeunes
garçons sont en cours. Une session entière a porté sur la La vitamine D…
tolérance du Gardasil. A ce jour, aucun problème grave à toutes les sauces !
n’a été rapporté sur les millions de personnes vaccinées Le rôle majeur de la vitamine D dans la prévention de multi-
aux Etats-Unis. La tolérance est bonne. Seule recomman- ples maladies dont l’ostéoporose, une dégradation des os (voir
dation : bien rester allongé juste après le vaccin car il a dossier dans Remaides, N°69), est aujourd’hui largement
été observé des malaises passagers dans les quinze démontré. Cette information est d’autant plus importante que
minutes suivant l’injection. de récentes études révèlent que plus de trois personnes sur
quatre manquent de vitamine D en France ! De nombreux spé-
cialistes recommandent la prise régulière de vitamine D, que
l’on soit ou non séropositif. Une étude, présentée à l’ICAAC, a
montré, pour la première fois, que la vitamine D favorise éga-
Après l’IL-2 : l’IL-7… ! lement le contrôle de la tuberculose. Les personnes de peau
Un certain nombre de personnes ont du mal à voir remonter leurs noire, qui ont des concentrations particulièrement basses en
T4 malgré une charge virale constamment indétectable : encore vitamine D, seraient donc plus à risque de contracter la tuber-
aujourd’hui, la médecine n’a pas beaucoup de solution à propo- culose ou de faire des formes graves de la maladie. Encore
ser dans de tels cas… L’IL-7 est une substance d’origine naturelle une raison d’ajouter de la vitamine D dans son alimentation
qui pourrait aider à remonter les T4. Le professeur Lévy de l’hô- (les poissons gras par exemple), de prendre des compléments
pital Henri Mondor (Créteil/France), a fait la présentation d’une vitaminés comprenant de petites quantités de vitamine D, ou
étude qui vise à évaluer son intérêt chez des personnes dans de s’exposer (raisonnablement !) au soleil quand on le peut,
cette situation. Administrée à doses croissantes, toutes les puisque le soleil permet à notre corps de transformer la vita-
semaines pendant trois semaines, l’IL-7 présenterait peu de pro- mine D et de la rendre exploitable par l'organisme. De façon
blèmes d’effets indésirables, et permettrait une remontée durable générale, il est conseillé à toutes les personnes séropositives
des T4. Questionné sur les craintes légitimes que l’on peut avoir de demander à leur médecin de faire un dosage. Si la carence
depuis l’échec de l’IL-2 (pour laquelle les résultats présentés il y est avérée, le médecin pourra être amené à prescrire des
a quelques mois étaient très décevants, voir Remaides n° 71), ampoules de vitamine D.
Yves Lévy a répondu que l’action de ces deux substances étaient
très différentes et que la remontée des T4 était plus complète et Photos Fabien Sordet
de bien meilleure qualité avec l’IL-7. A suivre, donc... Illustrations Yul Studio
10
>> Actus

Quoi de neuf doc ?


Des nouveautés Du nouveau pour Reyataz
concernant Prezista Reyataz (atazanavir) est désormais remboursable en France dans la
Prezista (darunavir) en comprimé de 300 mg est désormais prescription aux personnes n'ayant jamais pris de médicaments anti-
indiqué chez les enfants (à partir de 6 ans et dont le poids est VIH auparavant. Il doit être pris dans ce cas (300 mg en une prise)
supérieur à 20 kg) et les adolescents qui ont déjà pris des avec une faible dose de ritonavir (Norvir) en tant que “booster”.
médicaments anti-VIH (antirétroviraux, trithérapies). Jusqu'à
présent, ce médicament ne pouvait être prescrit qu'à des
adultes. Par ailleurs, Prezista est disponible dans deux nou- Combivir :
veaux dosages : un à 400 mg (comprimé) et un autre à 600 mg alternative aux solutions buvables
(comprimé). Le dosage à 400 mg permet l'utilisation de Pre- chez les enfants
zista chez les personnes adultes dites “naïves” ( 2 x 400 mg En France, la Haute autorité de santé (HAS) vient de se prononcer
par jour en une prise), c'est-à-dire des personnes qui n'ont en faveur de l’utilisation de Combivir (association de l’AZT = Retro-
jamais pris de médicaments anti-VIH auparavant. Le dosage à vir et de la lamivudine = Epivir) en comprimé sécable chez les
600 mg (2 x 600 mg par jour en deux prises) est, lui, indiqué en enfants séropositifs pesant moins de 30 kg, qui, jusqu’à présent,
association avec d'autres médicaments anti-VIH chez les per- devaient prendre Combivir sous forme de deux solutions buvables
sonnes déjà traitées auparavant par des antirétroviraux. En séparément. Cette nouvelle alternative va permettre de simplifier la
pratique, Prezista doit toujours être administré avec une faible prise, pouvant faciliter l’observance d’une trithérapie contenant du
dose de ritonavir (Norvir) en tant que “booster”. Combivir, chez les enfants.
11

Une faible immunité augmente le risque de cancers


Les cancers sont actuellement la première cause de décès chez les personnes séropo-
sitives. En étudiant des données de la base hospitalière française sur l’infection par le
VIH, des chercheurs viennent de confirmer que la baisse de l’immunité provoquée par le
VIH joue un rôle majeur dans l’augmentation du risque de certains cancers. Cette étude
est la première à évaluer non pas un risque global, mais à rechercher l’association pour
Nouvelle explication chacun des sept cancers étudiés (anus, poumon, utérus, etc.), avec la baisse de l’immu-
du lien entre Herpès nité (nombre de T4), la multiplication du virus (charge virale) et la prise ou non d’un
génital et VIH traitement anti-VIH. Elle démontre ainsi, qu’en dessous de 500 T4, plus le système immu-
L’augmentation du risque de contamina- nitaire est faible (avec la baisse des T4), plus le risque de faire un cancer est augmenté,
tion par le VIH en cas d’herpès génital a et ce en dehors des autres facteurs de risque. Ces résultats renforcent l’intérêt d’obte-
pendant longtemps été expliquée par les nir et de maintenir une restauration immunitaire par les traitements anti-VIH, au dessus
muqueuses abîmées par les boutons de de 500 T4/mm3, et plaident en faveur du renforcement du dépistage de l’infection par le
l’herpès pendant les périodes d’éruption. VIH et d’un traitement précoce, afin de conserver un système immunitaire protecteur
Cette théorie a été récemment complétée contre les cancers.
par des études qui ont démontré que le
risque VIH persistait en dehors des crises
d’herpès génital, même après traitement
et guérison des boutons. Des chercheurs
américains viennent de proposer une
nouvelle explication : les cicatrices géni-
tales des boutons de l’herpès, traité ou
non traité, continueraient à être le siège
d’une réaction immunitaire prolongée,
avec la présence de cellules cibles du VIH
qui faciliteraient ainsi la contamination. Ce
mécanisme pourrait, selon les auteurs,
concerner d’autres infections sexuelle-
ment transmissibles. La découverte d'un
vaccin anti herpès serait donc utile. Si les
poussées d’herpès sont fréquentes, une
prise en continu de Zelitrex est possible
(Valtrex au Québec) (1 comprimé par jour).

Intelence : des réactions à surveiller


Intelence (etravirine), un médicament anti-VIH de la famille des non nucléosides, est indiqué en association avec d’autres anti-VIH, chez
les personnes séropositives déjà traitées. Si quelques réactions sur la peau, légères ou modérées, peuvent apparaître généralement
au cours de la deuxième semaine de traitement puis disparaître rapidement après, il a été constaté, plus rarement, des réactions
sévères (comme le syndrome de Lyell) qui exigent un arrêt immédiat d'Intelence. Ces réactions se manifestent par une éruption cuta-
née de type rash accompagnée de fièvre, fatigue, de douleurs musculaires et articulaires et un malaise général. En cas d’anomalie, il
est recommandé de consulter son médecin le plus vite possible. Le laboratoire a diffusé une information à ce propos aux profession-
nels de santé. Intelence est désormais disponible en ville en France, sous forme de comprimés de 100 mg (boite de 120 comprimés).
Plus d'infos sur http://www.afssaps.fr taper “Intelence” dans la rubrique “Rechercher”.
12

Pneumocoque : le vaccin recommandé


Face aux ruptures de stock répétées de vaccin anti-pneumococcique PNEUMO 23, le ministère de la Santé a
demandé (25 septembre) aux professionnels de santé (médecins et pharmaciens) de réserver en priorité le
vaccin PNEUMO23 aux personnes les plus fragiles, c'est-à-dire celles qui ont le risque le plus élevé d'infection
par la bactérie pneumocoque, responsable de pneumonies pouvant survenir plus fréquemment en cas de
grippe (saisonnière ou grippe A H1N1). Les personnes prioritaires sont : celle qui sont âgées de plus de 65 ans,
les personnes fragilisées ou susceptibles d'être fréquemment hospitalisées (diabète, bronchite chronique, insuf-
fisance respiratoire, insuffisance cardiaque, consommation d'alcool et de tabac, etc.), les personnes
immunodéprimées dont les personnes vivant avec le VIH, etc. Le rapport d’Experts sur la prise en charge des
personnes vivant avec le VIH insiste d’ailleurs sur cette vaccination chez toutes les personnes séropositives.
Voir dossier sur le vaccin contre la grippe A (H1N1), page 14.

Infos sur les hépatites


Limiter la réinfection d’un
foie greffé par l’hépatite C Nutrition et activité physique
L’évolution de la cirrhose provoquée par le en cas d'hépatite C chronique
virus de l’hépatite C peut amener à faire une En utilisant les données d'une grande enquête sur la nutrition et la santé des Amé-
greffe du foie, afin de sauver la vie des per- ricains (NHANES III), une étude a démontré l'impact négatif du syndrome
sonnes concernées. Malheureusement, le foie métabolique (triglycérides, hypertension, résistance à l'insuline... qui augmentent
nouvellement transplanté se réinfecte systé- le risque de problèmes cardiovasculaires et de diabète) sur l'aggravation de l'hé-
matiquement par le virus de l’hépatite C, patite C chronique. En effet, les personnes infectées par le virus de l'hépatite C
d’autant plus qu’il est nécessaire de recourir à présentant, par ailleurs, une résistance à l'insuline (ou diabète dit de type 2), un
des traitements affaiblissant le système immu- poids trop élevé ou une hypertension arté-
nitaire (immunosuppresseurs), afin d’éviter le rielle, auraient plus de risques de
rejet de la greffe. Le foie transplanté peut alors mortalité liée à un problème du
évoluer rapidement vers une nouvelle cirrhose foie. De plus, les traitements
voire même un cancer. Une équipe japonaise fonctionnent moins bien
a mis au point un procédé permettant de chez les personnes dans
retarder cette récidive de l’hépatite C sur le ce cas. Ces résultats
foie greffé. Un certain type de cellules immu- soulignent l'impor-
nitaires (appelées les lymphocytes NK) sont tance des mesures
extraites du nouveau foie, réactivées en labo- d'hygiène de vie et de
ratoire, puis réinjectées après la greffe, ce qui diététique (alimenta-
permet de mieux combattre le virus de l’hé- tion équilibrée, acti-
patite C. Ces résultats encourageants ont été vité physique, arrêt du
obtenus chez un nombre très réduit de per- tabac, etc.) chez les per-
sonnes. Il reste à les confirmer et à en étudier sonnes atteintes par une
les conséquences sur les personnes avant de hépatite C.
pourvoir les généraliser.
13
Pour la première fois, un essai vaccinal anti-VIH de grande échelle et à
une phase d'étude avancée démontre qu'il est possible de réduire la
Actus <<
transmission du VIH. Dans cette étude, la réduction des
REMAID
contaminations s'établit à 31,2 %. Ces résultats de recherche, ES #73
encore modestes, redonnent un espoir, même lointain, au vaccin préventif.
Questions et réponses sur ce premier pas en avant.

Vaccin préventif :
un premier pas...
De quel essai s'agit-il ? trop modestes pour permettre d'envisager aujourd'hui l’usage de
Le 24 septembre dernier, l'armée américaine et le ministère de la cette stratégie vaccinale à des personnes exposées au VIH. Il y a
Santé publique thaïlandais ont rendu publics les premiers résul- plusieurs limites aux résultats.
tats d'un grand essai de vaccin anti-VIH qui se déroule depuis Dans l'étude les personnes ont été vaccinées entre 2003 et 2006.
2003. Cet essai, RV144, est conduit en Thaïlande sur environ On ne dispose donc au mieux que de six années de recul, c'est
16 000 personnes volontaires séronégatives. Cet essai combine un délai insuffisant. L’efficacité de cette stratégie vaccinale à
deux candidats vaccin (ALVAC HIV et AIDSVAX B/E) qui ont été réduire la transmission pourrait s'atténuer avec le temps.
administrés en plusieurs injections espacées afin de stimuler On ne sait pas pour l'instant si l'on va pouvoir améliorer les deux
encore plus la réponse immunitaire de l'organisme. vaccins et la stratégie de vaccination pour obtenir un meilleur
taux de réduction de la transmission permettant une mise à dis-
Quels sont les premiers résultats ? position du vaccin aux populations.
Les contaminations par le VIH sont réduites de 31,2 % dans le Les vaccins testés ont été réalisés avec des types de VIH (les
groupe de personnes ayant reçu la combinaison de vaccins (51 variants E et B) qui circulent en Thaïlande, en Europe et en Amé-
personnes ont été contaminées dans ce groupe) par comparai- rique du Nord. On ne sait pas si cette stratégie vaccinale, une fois
son avec celles ayant reçu les placebos (74 personnes ont été adaptée, donnerait des résultats intéressants dans d'autres zones
contaminées dans ce groupe qui a reçu des préparations ne géographiques comme en Afrique.
contenant pas les principes actifs des vaccins). Ces deux vaccins
sont bien tolérés. En revanche, les résultats indiquent que les per- Que va-t-il se passer ensuite ?
sonnes qui ont été vaccinées (donc pas avec un placebo) et qui Les résultats de l'essai mené en Thaïlande annoncent beaucoup
ont été malgré tout infectées pendant l'étude ne retirent pas de d'autres recherches et essais qui seront indispensables avant la
bénéfice de leur vaccination. Les chercheurs pensaient que la mise au point d'une stratégie globale de vaccins anti-VIH pouvant
combinaison de vaccins qui vise à stimuler les défenses immuni- bénéficier à toutes les personnes dans tous les pays. Cette pre-
taires contre le VIH pouvait aussi contribuer à contenir le mière avancée, même modeste, constitue clairement un
développement du virus dans l'organisme. Ce n'est pas le cas. encouragement pour les chercheurs, les bailleurs de fonds pri-
Autrement dit, avoir été vacciné ne diminue pas la charge virale. vés, l'industrie pharmaceutique et les pouvoirs publics à
développer leur effort de financement et de recherche. C'est en
Quelles sont les limites de ces résultats ? tout cas la première fois qu'un essai démontre que le concept
Pour encourageants qu'ils soient (aucune stratégie vaccinale d'un vaccin protecteur contre le VIH est possible. Jusqu'à présent,
n'avait jamais montré, dans un essai chez l'homme, une capacité toutes les autres tentatives avaient échoué.
à réduire la transmission), les résultats sont, malgré tout, encore Fabrice Pilorgé
14
>> Actus La vaccination contre le virus de la grippe A H1N1 est
recommandée par les experts pour les personnes vivant avec le
VIH. La France, la Suisse et le Québec ont mis en place des
ES #73 mesures différentes. Remaides fait le point.
REMAID

Grippe A :
le vaccin recommandé
a vaccination contre le virus de la grippe A est recomman- personnes séropositives suivies, qui indiquera où l’on peut se

L dée, de façon prioritaire, pour les personnes vivant avec le


VIH, avec une incitation plus forte pour les plus vulnérables :
personnes sans traitement anti-VIH ou traitement insuffisamment
faire vacciner, près de chez soi. La campagne de vaccination a
démarré le 12 novembre en France et s’achèvera vers le mois de
février prochain.
efficace avec une charge virale détectable, T4 inférieurs à Ceux qui n’auraient pas reçu ce courrier (“ratés” du dispositif, sui-
500/mm3, maladie associée (diabète, problèmes respiratoires ou vis par un médecin de ville...) peuvent obtenir une lettre ou
au cœur, cirrhose, etc.), tabagisme, personnes vivant dans des ordonnance de leur médecin. Il faut aussi un bon de vaccination
conditions de précarité (foyer, prison, rue), ainsi que chez les en deux parties, édité par l’Assurance maladie (CPAM) pour pou-
enfants de moins de cinq ans. voir assurer le suivi dans le cas de deux injections, pour la
La vaccination peut s’effectuer soit dans les hôpitaux où se situe traçabilité des lots et dans le cas d’éventuels effets indésirables.
le service VIH de son suivi, soit dans l’un des 1 060 centres de La vaccination est gratuite et, si elle est recommandée, elle n’est
vaccination mis en place sur tout le territoire (environ dix par pas obligatoire. Chacun doit pouvoir s’informer, poser des ques-
département). C’est une lettre de la ministre de la Santé, Rose- tions et prendre sa décision, après en avoir parlé avec un
lyne Bachelot, parvenant à chacune des quelque 90 000 médecin et dans les associations.

Au Québec En Suisse
Le gouvernement du Québec a décidé de proposer la vaccination à Les autorités recommandent la vaccination
toute la population. La campagne de vaccination a débuté le 26 octo- contre la grippe A et la grippe saisonnière. En
bre 2009 pour une période de huit à douze semaines. Les premières se- cas de symptôme grippal, les personnes sé-
maines ont été consacrées aux groupes prioritaires dont les personnes ropositives doivent “immédiatement pren-
séropositives. La vaccination n’a pas lieu dans les établissements du ré- dre rende-vous avec leur médecin spécia-
seau de la santé, mais dans des lieux publics tels qu’écoles, centres des liste du VIH”. Si les symptômes s'accen-
congrès, etc. Chaque région du Québec, à travers son agence de santé tuent, très forte fièvre par exemple, difficul-
et des services sociaux, a son propre plan de vaccination où l’on re- tés respiratoires, etc., il faut immédiatement
trouve la liste des lieux de vaccination. Pour la grippe saisonnière, le se rendre aux urgences.
gouvernement du Québec a reporté la campagne de vaccination à l’hi- Appels d'urgence : 031 322 21 00.
ver 2009. Comme pour la France, la vaccination contre le pneumocoque Plus d'informations avec l'Office fédéral
est recommandée. Il faut voir avec son médecin si l'on est à jour. de la Santé publique sur :
Pour savoir où se faire vacciner : www.bag.admin.ch/influenza
www.pandemiequebec.gouv.qc.ca www.pandemia.ch
15

Par ailleurs, à côté de la vaccination contre la grippe saisonnière, difficultés à respirer, courbatures, maux de tête, fatigue notam-
recommandée, la vaccination contre le pneumocoque, respon- ment), ou qui ont été en contact étroit avec une personne
sable de certaines pneumonies, l'est aussi pour ceux qui ne grippée, il est important de pouvoir consulter un médecin. Si
l’auraient pas déjà eue ou datant de plus de trois ans. Cette bac- celui-ci prescrit un traitement antiviral, à base de Tamiflu ou
térie opportuniste de la grippe peut venir la compliquer. Le vaccin Relenza, ce traitement sera d’autant plus efficace qu’il est
s’appelle PNEUMO23. Cette vaccination ne sera pas effectuée démarré dans les 48 heures après contact ou symptômes. Il en
dans les centres de vaccination pour la grippe A. est de même si ces personnes sont dans l’entourage d’une per-
L’efficacité de la vaccination contre la grippe A est bonne, quel sonne atteinte de la grippe A. En cas de symptômes sévères
que soit le vaccin utilisé. Une injection suffit pour les personnes (détresse respiratoire), il faut consulter un médecin ou appeler les
avec une charge virale contrôlée par un traitement efficace, des urgences très rapidement : c'est le 15 pour la France, le 144 pour
T4 > 350 mm3 et pas d’autres maladies associées. Deux injections la Suisse et le 911 pour le Québec. Pour le moment, aucune sévé-
restent nécessaires pour les autres. Trois semaines minimum doi- rité particulière de la grippe A n’a été constatée spécifiquement
vent s’écouler entre les deux injections. Celle-ci s’effectue chez les personnes séropositives, mais les recommandations
normalement dans l’épaule et peut être un peu douloureuse. visent, par précaution, à prévenir des complications qui pour-
Pour assurer la surveillance d’évènements indésirables, une tra- raient être plus graves chez elles. Souhaitons pouvoir passer
çabilité des lots de vaccin est mise en place. Un registre de l’hiver sans qu’encore un virus vienne nous gâcher la vie !
l’Agence nationale de recherche contre le sida et les hépatites Franck Barbier
virales (ANRS) ainsi qu’un essai clinique ont été mis en place Illustration Romain
début novembre. Ils visent à mieux connaître les conséquences
de la grippe et de la vaccination chez les personnes séropositives. Plus d'informations sur www.seronet.info
et sur www.trt-5.org
Pour les personnes séropositives non vaccinées qui ressenti- Sur ces deux sites, vous pouvez également témoigner des diffi-
raient des symptômes de grippe (fièvre à plus de 38°C, frissons, cultés ou des dysfonctionnements rencontrés.
16
>> Ici et là
ES #73
REMAID

Welcome in America
Vingt-deux ans après son entrée en vigueur, le
président Barack Obama a annoncé, le 30 octobre
dernier, la levée de l'interdiction d'entrée sur le
territoire américain des personnes vivant avec le
VIH et ce comme visiteur ou immigrant. Le règle-
ment officiel stipule que le test de VIH sera retiré
de la liste des examens médicaux obligatoires
pour l’obtention du statut d’immigrant et qu’il ne sera plus nécessaire d’obte-
nir un visa pour visiter le pays. Donc, dès le 4 janvier 2010, les personnes
séropositives voulant tenter leur chance sur le territoire américain pourront
faire une demande pour obtenir le statut d’immigrant sans que celle-ci leur
soit refusée d’office. Quant à celles qui veulent s’offrir une virée shopping à
New York ou voir la résidence de leur starlette préférée à Hollywood, elles
n’auront plus à dissimuler leur statut sérologique et à avoir peur d’être décou-
vertes et de devoir faire face à la justice américaine.

AIDES :
la République voit rouge
“Contre le sida : ne restons pas de marbre !”, c'était
le slogan retenu par AIDES à l'occasion de la Jour-
née mondiale de lutte contre le sida. Un peu
partout en France des monuments ont été ornés,
sans autorisation officielle, d'un ruban rouge. Une
façon de rappeler qu'il faut se bouger contre le
sida. Ici, la statue de la place de la République à
Paris.

Pénalisation :
nouvel acquittement à Genève
La cour correctionnelle de Genève a acquitté (28 septembre)
une personne poursuivie pour transmission du VIH. Cette
De nouvelles personnalités suisses personne était accusée de tentative de transmission d'une
luttent contre le sida maladie de l'homme. Elle a finalement été acquittée de ce
Le rappeur Stress, la mannequin Xenia Tchoumitcheva, la skieuse chef d'inculpation, les juges de la Cour n'ayant pas retenu
Lara Gut et le footballeur Johan Djourou sont cette année les per- l'existence d'éléments à charge suffisants. Il était reproché
sonnalités qui ont accepté de participer à la campagne de l’Aide au prévenu d'avoir eu des relations sexuelles sans protec-
suisse contre le sida “Si j’étais séropositif”. tion. Sa partenaire n'avait néanmoins pas été contaminée.
Plus d'infos sur http://www.aids.ch
17
Un œil sûr... (par Rash Brax)

Com'test... pour savoir


“SIDA. Portraits de combattants” AIDES a mis en place un projet de dépistage
Un “Beau livre” sur la lutte contre le sida, c'est ce que propose AIDES avec "SIDA. du VIH auprès des gays dans le cadre d'une
Portraits de combattants". Cet album événement rend hommage, à l'occasion des étude en partenariat avec l'Agence nationale
25 ans de l'association, aux combattants du sida, à ceux qui ne sont plus là comme de recherche sur le sida. Ce projet, baptisé
à ceux qui combattent toujours. L'album mêle des portraits de Barbara Pellerin (dont Com'test, est réalisé par des volontaires de
Line Renaud, Françoise Barré-Sinoussi, Jeanne Gapiya, une militante burundaise, AIDES (formés pour cela) qui proposent ce
Jacques Chirac ou Marie-George Buffet et ceux de militants) et un texte du journa- dépistage avec des tests à résultat rapide.
liste Eric Favereau qui a retracé l'histoire de ce combat. C'est la première fois qu'un dépistage de ce
“SIDA. Portraits de combattants”, type, accompagné de conseils avant le test et
photographies de Barbara Pellerin à la remise du résultat, est réalisé par des non
et textes d'Eric Favereau. Le médecins.
Cherche Midi Editeur. 30 euros. Une AIDES propose Com'Test dans quatre
partie du montant des ventes en villes : Montpellier (04 67 340 376), Bor-
librairies sera reversée au profit de deaux (05 57 877 777 ), Lille (03 28 520
AIDES. Si l'album est acheté sur le 510) et Paris. A Paris, l'accueil, sans ren-
site de AIDES (www.aides.org), la dez-vous, se fait les mercredis de 18 h à
totalité du montant est reversé au 21 h et les samedis de 11 h à 14 h. Infos
profit de l'association. au 01 43 727 594.
18
>> Plus clair Après un premier article consacré à l'hépatite C (N° 72, été 2009),
Remaides fait un point complet sur l’hépatite B chronique, une maladie
ES #73
REMAID qui touche plus de 300 000 personnes en France. Qui concerne-t-elle ?
Quels sont ses modes de transmission ? Est-elle grave ? Pourquoi ? Comment la traiter ?

Pour y voir plus clair :


L'hépatite B
Qu’est-ce que l’hépatite B ?
Il s’agit d’une maladie causée par la présence d’un
virus dans le foie. Le virus de l'hépatite B, aussi
appelé VHB, est un virus particulier qui parvient à
se multiplier en entrant dans les cellules hépa-
tiques. En réalité le VHB n’attaque pas vraiment les L’hépatite B
cellules du foie et celles-ci peuvent continuer à est-elle un problème ?
vivre même infectées par ce virus. Mais notre sys- Oui, pour deux raisons majeures que l’on oublie parfois :
tème immunitaire, chargé de nous défendre contre • En France, il y a deux fois plus de personnes touchées par le virus de l’hé-
les microbes, va reconnaître les cellules du foie patite B (300 000) que par le VIH (150 000). En Suisse, environ 20 000
infectées et les détruire pour s’en débarrasser. personnes vivent avec une hépatite B, soit une personne sur 350. Au
Québec, il y avait 995 cas d’hépatite B en 2007 dont 46 hépatites aiguës et
Il y a donc trois possibilités (schéma 1) : 626 hépatites chroniques. En quinze ans, le nombre de cas a diminué de moi-
• Soit le système immunitaire arrive rapidement à tié au Québec grâce aux campagnes de vaccination.
détruire les cellules infectées, et l’on guérit (c’est • Cette maladie est responsable de 1 500 décès par an en France, près de trois
ce qui arrive dans 90 % des cas chez l’adulte non fois plus que le sida. Ces contaminations sont d’autant plus regrettables qu’il
séropositif pour le VIH). existe un vaccin très efficace pour les éviter. En Suisse, on dénombre chaque
• Soit le système immunitaire n’arrive pas complè- année une dizaine de décès.
tement à se débarrasser du virus. Il y a donc en
permanence des cellules infectées détruites, et Comment attrape-t-on le VHB ?
d’autres qui se régénèrent... mais qui vont être Le virus de l'hépatite B se transmet très facilement lors des rapports sexuels.
contaminées et détruites à leur tour. C’est ce que Tout contact sexuel (sexe, anus, bouche) peut être à l’origine d’une contamina-
l’on appelle l’hépatite B chronique. Elle concerne tion. Le baiser profond avec échange de salive pourrait aussi transmettre le virus.
environ 10 % des adultes contaminés par le VHB. Bien sûr, l’échange de sang, notamment lors de pratiques liées à l’usage de
• Enfin, troisième possibilité, heureusement rare : drogues par injection ou du partage de certains objets comme les rasoirs, les
toutes les cellules du foie sont contaminées et le brosses à dents, les pailles de snif, les instruments de piercing, est à haut risque.
système immunitaire s’emballe. Résultat : le sys-
tème immunitaire, croyant “bien faire”, détruit la Comment savoir si l’on
totalité du foie contaminé en quelques jours, par- est atteint d’une hépatite B chronique ?
fois quelques heures. C’est ce que l’on appelle Il suffit de le vérifier par simple prise de sang. En cas de réponse positive il fau-
l’hépatite fulminante. C’est rare, mais gravissime, dra également vérifier qu’il n’y a pas une co-infection par le virus de l’hépatite
avec un décès rapide si l’on ne greffe pas la delta. Ce virus surinfecte parfois les infections par le VHB et devra être recher-
personne en urgence avec un nouveau foie. ché chaque année.
19
Schéma 2 :
Comment évolue la maladie ? Evolution du foie au cours du temps
Il y a peu de symptômes au moment même de la contamination. Comme il n'y a pas en cas d’hépatite chronique
de cellules nerveuses dans le foie, ça ne fait pas mal ! On a parfois une jaunisse, des
plaques rouges qui grattent sur la peau, un état de profonde fatigue et un bilan du
foie (mesuré par prise de sang) altéré. Dans 90 % des cas, on en guérit spontané-
ment dans les semaines qui suivent la contamination, souvent sans même avoir
remarqué que l’on a été malade ! Mais dans 10 % des cas, l’organisme n’arrive pas
à éliminer complètement le virus. C’est ce que l’on appelle l’hépatite chronique
(voir schéma 1). Foie normal

Schéma 1 : Comment évolue la maladie ?


CONTACT
(avec du sang contaminé ou lors d’une relation sexuelle non protégée)

Quelques jours après...

HEPATITE AIGUE
pas de symptôme ou bien jaunisse, urticaire, fatigue, bilan du foie altéré Fibrose

90 % 10 %
GUERISON HEPATITE CHRONIQUE
(voir schéma 2)
moins de 1 %
HEPATITE FULMINANTE
Destruction ultra-rapide du foie
Cirrhose
L'hépatite B chronique est-elle grave ?
Hélas oui... Peu à peu, le foie infecté va perdre en élasticité, puis en efficacité... Il
devient dur, fibreux (on parle de fibrose), puis ne remplit plus correctement ses fonc-
tions (on parle alors de cirrhose), notamment celle qui consiste à filtrer en
permanence notre sang. A ce stade, à force de se régénérer sans arrêt, les cellules
du foie se mettent à faire des erreurs qui peuvent dégénérer en cellules cancé-
reuses : le cancer du foie est la première cause de mortalité liée au VHB et la
quatrième cause de mortalité par cancer dans le monde chez l'homme. De façon
générale, dès lors que l’infection est ancienne, il faudra être vigilant (échographie
régulière) car le VHB peut, à la longue, provoquer des cancers, même sans cirrhose ! Cancer
Cette maladie du foie et la présence du virus dans l’organisme peuvent être à l’ori- hépatique
gine de nombreux autres problèmes comme des varices œsophagiennes
(gonflement des veines dans l’œsophage pouvant aller jusqu’à la rupture des veines + fatigue, varices oesophagiennes,
avec hémorragie), une ascite (accumulation de liquide dans l’abdomen), une obs- obstruction des petits
truction des petits vaisseaux sanguins, une grande fatigue, etc. (voir schéma 2). vaisseaux sanguins
20
Quand doit-on prendre Schéma 3 : Qui traiter ?
un traitement anti-VHB ? Cas des personnes mono-infectées
Contrairement à l’hépatite C (où l’on a aujourd’hui de grandes par le VHB en stade chronique
chances de pouvoir guérir définitivement les personnes contami-
nées), les chances d’une réelle guérison d’une hépatite chronique
sont ici très faibles. Le traitement du VHB vise surtout à contrôler la
Analyse de la charge
multiplication du virus : si le virus ne se multiplie plus, il ne va plus virale VHB ( ) dans
contaminer d’autres cellules hépatiques, et on va donc stopper la le sang
destruction chronique du foie par notre système immunitaire.
Concrètement, cela signifie qu’un traitement ne se justifie que si
la multiplication du virus de l’hépatite B est importante (charge
virale VHB supérieure à 100 000 copies/ml) et qu’il faut la contrô-
ler. Si la charge virale est faible, un traitement n’est pas
nécessaire. Enfin, et cela peut paraître paradoxal, si la charge
virale est extrêmement forte, on ne traitera pas non plus ! En
effet, dans ce cas, cela signifie souvent que le système immu-
nitaire ne cherche même pas à se défendre contre le virus
(qui se multiplie “à fond les ballons... en toute impunité !”).
Or, le problème dans l’hépatite B, ce n’est pas directement le
virus, mais le système de défense qui va chercher à détruire les
cellules du foie contaminées. Donc si le système de défense est peu
actif, il ne va pas détruire le foie et le traitement n’est pas nécessaire.
D’autant plus que la quantité de virus à contrôler étant phéno-
ménale, il risque fort de ne pas être très efficace ! CV supérieure
(voir schéma 3) à 100 millions
(Attention : la charge virale est souvent de copies/ml
Charge virale inférieure
rendue par les laboratoires en Unités Pas de traitement
Internationales (UI) : 1 UI/ml + 5
à 100 000 copies/ml
Le traitement n’est pas nécessaire (mais un suivi tous
copies/ml).
(mais un suivi tous les 3 mois s’impose) CV supérieure les 3 mois
à 100 000 copies/ml s’impose)
Le traitement est nécessaire

Et si l’on est séropositif pour le VIH ?


Aujourd’hui, en France, environ 10 % des personnes touchées par
le VIH sont co-infectées par le VHB. La co-infection modifie beau-
coup l'évolution de la maladie et la prise en charge. comme on le fait pour traiter une hépatite B isolée), on risque de
Tout d’abord, il faut être encore plus vigilant : l’infection par le VIH créer des résistances au VIH. Concrètement, si l’on doit traiter le
accélère l’évolution de l’hépatite B vers la fibrose, la cirrhose puis VHB, il faudra systématiquement traiter le VIH (même si la per-
le cancer du foie. On considère donc qu'à partir d'une charge sonne a beaucoup de T4). Et à l’inverse, si l’on doit traiter le VIH,
virale VHB supérieure à 10 000 copies/ml, il faudrait être traité. De on s’arrangera pour utiliser des médicaments qui marchent en
même, on traitera le VIH dès 500 T4/mm3 (et l’on n’attendra pas même temps sur le VHB (même si le VHB ne se multiplie pas
le seuil de 350 T4 dont on parle habituellement). beaucoup). Enfin, de façon générale, il faut éviter les interruptions
Mais surtout, il faut savoir que de nombreux médicaments contre brusques du traitement anti-VIH sans concertation avec son
l’hépatite B ont une action contre le VIH. Et si l’on donne un de médecin car on s'expose alors à une très forte remontée du VHB.
ces médicaments “tout seul” (c'est-à-dire en monothérapie, (voir schéma 4).
21
Schéma 4 : Qui traiter ?
Quels traitements ? ¨Personnes co-infectées
Il existe deux grandes familles de traitement pour le VHB : par le VHB en stade chronique
• L’interféron alpha qui a une action anti-virale dite non- et le VIH
spécifique (car cela marche sur de nombreux virus, dont
le VHC, voir Remaides N°72).
• Les nucléosides qui agissent spécifiquement en bloquant
le VHB (et le VIH).
L’interféron alpha n’est pas systématiquement utilisé. Il est
prescrit seul pendant une durée de 48 semaines, mais la
réponse peut être évaluée après 12 à 24 semaines. Si la
charge virale baisse, on poursuivra jusqu’à 48 semaines.
L’interféron alpha est efficace dans 20 à 30 % des cas.
Dans ces cas, deux personnes sur trois guérissent com-
plètement (résultats obtenus en analysant ces personnes
5 ans après la fin du traitement). En revanche, si la charge Analyse
virale ne bouge pas sous interféron alpha, inutile de continuer, de la charge virale VHB ( )
on passera à la famille des nucléosides utilisée sans interféron et VIH ( ) dans le sang
alpha. On pourra utiliser un nucléoside seul. Aujourd’hui, le
ténofovir (Viread), l’entecavir (Baraclude) ou la telbivudine
(Tyseka) sont privilégiés en premier traitement.
Mais si l’on est co-infecté par le VIH, il faudra directement uti- Charge virale VHB
liser une trithérapie anti-VIH qui couvrira aussi l’hépatite B supérieure
(c'est-à-dire comprenant habituellement Viread ou Charge virale VHB inférieure à 10 000 copies/ml
Truvada). La guérison est hélas très exceptionnelle en
à 10 000 copies/ml ou
cas d'hépatite B chronique chez une personnes séro- Charge virale VIH
et
positive, et l’interféron alpha n'est, en général, pas supérieure
utilisé. Une étude est en cours en France sur ce sujet.
Charge virale VIH inférieure
à 100 000 copies/ml à 100 000 copies/ml
et ou
T4 inférieurs à 500/mm3
Ces traitements T4 supérieurs à 500/mm3
sont-ils efficaces ? Le traitement n’est pas nécessaire. Il faut envisager un
Le traitement du VHB par nucléosides est un Le VHB se multiplie peu et le VIH est peu actif traitement qui couvre à la
traitement extrêmement efficace, et si l’on fois le VIH et le VHB
évite certaines erreurs (comme l’utilisation
du 3TC (Epivir ou Zeffix), seul, qui fait appa- Quels effets indésirables ?
raître rapidement des virus de l'hépatite B Bien que plutôt mieux toléré que dans le cadre de l’hépatite C, l’interféron alpha peut
résistants), le traitement à toutes les parfois rendre colérique, dépressif, insomniaque, fatigué... Dans la mesure du possi-
chances d’être efficace et d’empêcher dura- ble, on a tout intérêt à bien prévenir son entourage personnel et professionnel avant !
blement l’évolution de la fibrose du foie. Il peut aussi être à l’origine de signes grippaux (fièvre, courbatures, maux de tête, etc.).
En cas de virus résistants, comme pour Enfin, on suivra certains paramètres du sang comme le nombre de globules blancs et
le VIH, il faudra vérifier la liste des résis- de plaquettes qui peuvent diminuer au fur et à mesure des injections.
tances qui concernent plusieurs nucléosides Les nucléosides sont bien connus puisque certains sont largement utilisés depuis de
(on parle de résistances croisées) et adapter, nombreuses années dans le cadre du traitement du VIH. Les effets indésirables sont
en conséquence, le choix de la ou des assez rares. Il faudra rester vigilant sur la fonction rénale en cas de traitement par
molécules. Viread ou Truvada.
22
Schéma 5 :
Peut-on guérir définitivement l'hépatite B ? Comment mesurer l’état du foie ?
En réalité, contrairement au VHC dont on peut réellement guérir, personne
ne guérit totalement de l’hépatite B. Même les personnes qui ont
“guéri” spontanément (90 % des cas) conservent des particules virales LA BIOPSIE
dans leur foie. Ces personnes ont fabriqué des anti-corps efficaces et On récupère un petit
ne risquent rien, mais en cas d’immunodépression sévère, ce virus
bout de foie grâce à une
pourrait se réveiller. Pour les personnes qui n’ont pas réussi à éli-
aiguille passant à
miner spontanément le virus et qui sont en phase d’hépatite
chronique, le traitement (notamment par interféron alpha)
travers la peau. Un peu
peut parfois aider à “guérir”, c'est-à-dire permettre l’ap-
douloureux et
parition d’anti-corps efficaces qui débarrasseront le foie désagréable
de tous les virus actifs. Mais là encore, quelques virus res-
teront cachés, endormis dans le foie...
Enfin, dans l’immense majorité des cas, le traitement ne fait que
bloquer la multiplication du virus, donc stopper l’évolution de la
maladie, mais le virus est bel et bien là. Le traitement doit être pour-
suivi en permanence, en veillant à une bonne observance.

Existe-t-il un vaccin
contre l'hépatite B ? Que penser de la polémique
Oui ! Et c’est une différence majeure par sur les risques de sclérose en plaque
rapport à l’hépatite C (voir Remaides, après vaccination contre l’hépatite B ?
N°72). Le vaccin existe et il est très effi-
cace, y compris chez les personnes La sclérose en plaque est une maladie auto-immune dite “neuro-dégénéra-
séropositives pour le VIH sauf en cas d'im- tive” : cela signifie que pour une raison que l’on ignore, le système de défense
munodépression sévère où le vaccin de notre corps se met à détruire nos propres neurones, comme s’il s’agissait de
pourrait être moins efficace. Tous les nou- microbes... Peu à peu, les transmissions nerveuses ne se font plus et l’on souf-
veaux-nés, les enfants et les adultes fre de paralysies et de problèmes de compréhension, de mémoire, etc.
sexuellement actifs devraient être vacci- Certaines études ont montré qu’il semblait y avoir un peu plus de cas de sclé-
nés. A fortiori, les homosexuels et les roses en plaques chez les personnes ayant été vaccinées par le vaccin de l’hé-
personnes d'origine sub-saharienne chez patite B, d’où une polémique très médiatisée ces dix dernières années...
qui le VHB est plus fréquent. La vaccina- Qu’en est-il exactement ? Plusieurs études portant sur de grands nombres de
tion consiste en trois injections : une personnes vaccinées et non-vaccinées n’ont pas trouvé de différence pour la
première, puis une autre un mois plus sclérose en plaque. Par ailleurs, quelle que soit l’étude sur ce sujet, l’avantage
tard, et une troisième entre trois et six reste toujours largement en faveur de la vaccination. Aujourd’hui, on recom-
mois après. Pour les personnes séroposi- mande simplement de ne pas vacciner les personnes dont les parents ou les
tives, le succès de ce vaccin pourrait être frères/sœurs auraient une sclérose en plaque. Les experts considèrent que
réduit d’environ 20 % (surtout pour les cette polémique, spécifiquement française, a causé beaucoup de torts : de
personnes dont le nombre de T4 est infé- nombreuses personnes en ont été victimes. Elles ne se sont pas fait vacciner (par
rieur à 200/mm3 de sang). Un essai crainte d’une hypothétique sclérose en plaque) et ont fait une hépatite fulmi-
actuellement en cours étudie alors l’inté- nante ou sont aujourd’hui en fin de vie à cause d’un cancer du foie lié à l’hépa-
rêt d’un doublement des doses à chaque tite B...
injection.
23
LE FIBROTEST
C’est une simple
prise de sang

LE FIBROSCAN
C’est comme une échographie.
C’est une sonde qui passe sur la peau.
Parfaitement indolore

Comment mesurer
l’état de santé du foie… ? Y a-t-il un risque de transmission
Pour évaluer l’état de santé du foie, on va tester régulière- pendant la grossesse ?
ment l’activité de l’hépatite (avec un indice de A0 à A4) et le
niveau de fibrose (avec un indice de F0 à F4). C'est ce qu'on Oui ! Et c’est d’autant plus important de prévenir ce risque que
appelle le score METAVIR. Au début de la maladie, on est F0 le VHB transmis à l’enfant devient chronique non pas dans 10 %
et au fur et à mesure des années, on peut évoluer vers F4 (comme chez l’adulte), mais dans 95 % des cas, avec des pro-
(cirrhose)... Cette évaluation peut se faire par biopsie du foie blèmes de cancers possibles dès l'enfance ou l'adolescence ! Il
(on va récupérer un petit bout de foie par ponction à travers faut donc impérativement vérifier l’absence d’infection par le
la peau). Mais c’est un examen qui peut être douloureux et VHB chez toutes les femmes enceintes. Si une femme enceinte
assez désagréable... D’autres techniques, plus récentes, est contaminée par le VHB, il faudrait qu'elle soit traitée, surtout
peuvent permettre de répondre à la même question sans au troisième trimestre et notamment si la charge virale VHB est
ponctionner un bout du foie. Il s’agit d’un examen particu- élevée. Puis il faudra immédiatement faire un vaccin au nou-
lier par imagerie (appelé fibroscan) qui mesure l’élasticité du veau-né (voir en page 22) et faire une injection d’anti-corps anti-
foie, ou d’un examen par prise de sang (appelé fibrotest) qui VHB qui détruiront les quelques virus qui auraient pu être trans-
détermine l’état de santé du foie par l’analyse de subs- mis lors de l’accouchement.
tances retrouvées dans le sang. Ces examens sont parfois
considérés comme moins précis car ils ne permettent pas
d’analyser directement le foie lui-même. A quand le rem- Dossier réalisé par Fabien Sordet
boursement systématique, pour tous, de ces deux tests ? Illustrations : Stéphane Blot et Laurent Marsault
Enfin, en phase de cirrhose où il y a un risque non négli- Remerciements au Pr Marcellin, Hépatologie, CHU Beaujon (Clichy)
geable de développer un cancer (même si le traitement Dr Patrick Miailhes, Hépatologie, CHU Hotel-Dieu (Lyon)
semble contrôler le virus), on fera une échographie du foie
régulière (tous les six mois) de façon à diagnostiquer pré- A lire aussi : 100 questions sur l'hépatite B de Thomas
cocement une éventuelle tumeur… (voir schéma 5). Laurenceau et Patrick Marcellin, éditions Frison-Roche.
24
>> Témoin Nombreuses sont les personnes “injectrices” de produits ou ex-
”injectrices”, qui témoignent de leurs problèmes d'accès au dépistage et
aux soins du fait des difficultés à faire des prises de sang. Une des
AIDES #73 demandes pour faciliter les prélèvements (pour le dépistage ou le suivi
REM biologique) est celle de l'auto prélèvement. C'est la personne qui réalise sa prise de sang
assistée par un professionnel. Vince fait part de son expérience.

Vince :
“Auto prélèvement : mon expérience”
omme bon nombre d’usagers La première infirmière, une petite jeune, sont, sans aucune goutte de sang dans le

“C injecteurs, et après plusieurs


années d’injection de Subutex,
mon capital veineux est très réduit [ce
m’installe sur la chaise, et je lui annonce
que mes veines “ont beaucoup servi”, et
qu‘en trouver une risque d’être un peu
flacon, mais plein sur mes bras. Du coup,
la chef décide de faire appel à l’ultime
recours : le biologiste. Et voilà qu’un gros
médicament n'a pas été prévu pour les délicat. Après m’avoir regardé d’un air un monsieur, sans blouse, débarque, me
injections. Son utilisation par ce moyen peu perplexe, elle se met à me perforer le lance une remarque similaire à celle de la
endommage beaucoup les veines], surtout bras avec ce qui me semble, vu le diamè- chef, et s’installe, sans se laver les mains !
au niveau des bras. Trouver une veine, tout tre, être un cathéter... Elle tente toujours Je me permets d’insister sur le fait qu’une
seul, confortablement installé, sans risque sur les grosses veines, dures comme des petite aiguille serait vraiment plus adaptée,
d’interruption ou de distraction, relève déjà tendons, sur lesquelles j’ai arrêté d’espé- et que les veines de mes mains sont en
du défi, alors confier ça à une infirmière rer en tirer quoi que ce soit depuis déjà meilleur état, mais il m’envoie plus ou
avec une aiguille d’un demi millimètre de des mois. En plus d’être douloureux, son moins chier. “Une petite aiguille, ça pren-
large, c’est d’avance un fiasco. Un beau charcutage est vraiment très désagréable, drait trop de temps” (ça fait pourtant 30
matin, en allant chercher ma prescription j’ai l’impression qu’elle abîme tout autour minutes déjà...) ; “Les mains, c’est trop
de Subutex chez mon docteur, je me des veines. Elle commence à être de plus douloureux” (vous auriez vu mes bras...).
décide à demander un test de dépistage en plus mal à l’aise, à s’excuser et à pani- En gros, c'est : “Ta gueule, je reçois pas de
en prime. Sans pour autant avoir spéciale- quer. Je lui conseille de tenter plutôt les conseils d’un junkie !”. Je repars donc pour
ment pris de risques auparavant. Ça fait petites veines, avec une aiguille plus petite, un quart d’heure de charcutage. Finale-
quand même bien un an que j’ai fait un lui indiquant celles que je pense être les ment, en piquant sur les veines des mains
test, je me dis que ça peut pas me faire du plus aptes à encaisser une prise de sang. (ce que j’aurai fait dès le début), il arrive à
mal (bah voyons...) et qu’au moins j’en Finalement, après un bon quart d’heure, trouver une veine, et remplir un ou deux
serais sûr. Je pars donc au labo d’analyses elle décide d’appeler sa chef. Celle-ci ml avant de la perdre, et de me faire un
le plus près de chez moi, avec quand arrive, toute confiante, avec un petit air de hématome monstrueux. Je suis tellement
même un peu d’appréhension, mais je me matriarche : “Alors, les veines de monsieur heureux que ce supplice soit fini que je
rassure en me disant que les infirmières sont abîmées ?” Rebelote, vas-y que je pourrais le remercier. Je repars chez moi,
ont l’habitude, et que trouver une veine ne t’enfonce mon aiguille dans tous les sens, vidé, les bras en feu, mais avec le senti-
sera pas si difficile. Les quelques autres que je triture, je pousse, je tire, je pique et ment du devoir accompli. Malheureu-
prises de sang que j’ai faites quelques je repique... Je commence vraiment à être sement, dès le lendemain, le labo m’ap-
années auparavant ont pris du temps, mal (en plus, je suis à jeun), et à avoir les pelle pour me dire qu’il n’y a pas
mais on y était arrivé. bras dans un piteux état. Ça fait mainte- suffisamment de sang pour toutes les ana-
nant plus d’une demi-heure qu’elles y lyses (mon doc avait demandé d’autres
25
26

tests de routine), il faut donc que j'y J’ai bien vu que c’est seulement en suivant Euréka ! Le tube se remplit en quelques
retourne ! Quand je franchis de nouveau la mes indications que les laborantins ont pu secondes, et on réussit à collecter plus de
porte du labo, mon appréhension est collecter un peu de mon sang... En même, 10 ml de sang ! C’est vraiment incroyable,
beaucoup plus forte ! C'est l’infirmière en temps, j’y crois pas trop, vu la réaction du comparé à ma précédente prise de sang !
chef qui s’occupe de moi, le biologiste biologiste à mes suggestions, et l’attitude Une fois les deux tubes remplis, je fais la
“étant occupé”. J’arrive à la convaincre de générale des infirmières. Je peux com- connerie d’enlever l’aiguille avant de des-
prendre une petite aiguille pour bébé, les prendre qu’ils ne veulent pas avoir la serrer le garrot, ce qui me vaut un beau
“papillons”, et, en moins d’une demi- responsabilité de laisser un tox se charcu- hématome, que j’aurais pu éviter en écou-
heure, elle arrive à totaliser un peu plus de ter les bras dans leur labo. Christine tant Alice. Cette expérience illustre
2ml de sang, suffisamment pour toutes les suggère de faire ça à la Case Santé, l’asso- vraiment à quel point la coopération entre
analyses. Ouf ! J’obtiens finalement mes ciation médicale du quartier Arnaud la personne et l’infirmière peut vraiment
résultats, mais également une phobie des Bernard à Toulouse, avec Alice l’infirmière, rendre les choses plus faciles. Connaissant
prises de sang. Je me dis qu’il vaut mieux que je connais déjà. Je me porte donc parfaitement mes veines et étant à l’aise
ne plus faire gaffe aux prises de risques, et volontaire pour une première expérience, avec les aiguilles, je peux trouver une
ne plus faire de tests, que de s'obliger à en puisque la dernière prise de sang (trauma- veine facilement, mais je n’aurais jamais
faire un par an. Je refuse systématique- tisante) remonte à plus de six mois. On réussi à collecter le sang sans l’aide
ment toutes les propositions de dépistage met ça en place avec Alice. Quelques jours d’Alice. L’infirmière est vraiment là pour
ou autres prises de sang de mon docteur. plus tard, on se retrouve tous à la Case accompagner, et pas uniquement pour
Santé. Après avoir discuté rapidement des montrer ou me regarder. Si seulement
Puis, six mois après, au cours de l’une des conditions dans lesquelles on va faire ça, j’avais pu faire comme ça auparavant...
chaleureuses et constructives discussions je m’installe. En prévision d’une éventuelle Il est vrai qu’Alice est une infirmière qui
avec Christine de AIDES, le sujet de l’auto prise de sang, j’ai “préservé” une veine sur travaille dans une association de quartier,
prélèvement émerge. L’idée est de pouvoir ma main droite, qui est donc en relative- qu'elle a l’habitude de travailler avec des
laisser la personne choisir la veine, guider ment bon état. Après que je me suis mis personnes usagères de drogues, qu'elle
l’aiguille, tout en étant accompagnée par mon propre garrot, Alice me tend une est en contact avec AIDES. Il a été plus
une infirmière pour les gestes un peu aiguille papillon, reliée à une petite fiole, et facile de lui proposer cette expérience
moins connus. Je trouve ça vraiment inté- je commence à piquer. A ma grande sur- qu’à n’importe quelle infirmière dans un
ressant, vu mon expérience avec les prise, je touche la veine dès le premier labo d’analyses. Cependant, n’habitant
prises de sang. Je suis persuadé qu’une coup, mais très rapidement le sang cesse plus sur Toulouse, il faudra bien à un
personne, dans certains cas, connaît de couler. Alors que je veux tout recom- moment que je refasse une prise de sang,
mieux son système veineux qu’une infir- mencer, Alice me guide. Avec ses mains, et j’espère bien convaincre un laboratoire
mière, et qu'elle a donc bien plus de elle réussit à bien orienter l’aiguille de dans ma nouvelle ville d’essayer ce sys-
chances de trouver une veine qu’elle. sorte que le sang se remet à couler. tème. Vu les avantages et le peu de
risques, je crois que ça vaut vraiment la
peine que ce système devienne quelque

Qu'est ce que chose de plus commun, et facilement


abordable pour le grand nombre d’usagers
l'auto prélèvement ? injecteurs qui sont encore récalcitrants à
se faire dépister ou soigner à cause de
Le prélèvement de sang et la manipulation du matériel de prélèvement sont ef- mauvaises expériences avec des prises de
fectués par le personnel médical (médecin, infirmière). La personne à qui on fait sang.”
le prélèvement intervient dans la recherche d'une veine et dans l'introduction Vince
de l'aiguille. Il s'agit donc d'un auto prélèvement médicalement assisté. Illustration Yul studio
Ici et là-bas
Même combat
II
>> Sommaire
GINGEM
BRE #05 IV
Directeur de la publication : Bruno Spire.

Comité de rédaction : Charles Ankrah, David Auerbach Chiffrin, Alain Degbé,


Fatima Djamila, Laurence Grosgurin, Ridha Kamoun, Kouadjo Koffi, Jean-François
Laforgerie, Nadège Meurisse, Romain Mbirinbindi, Bruno Ognantan Ottimi, Albertine
Pabingui, Fatiha Razik, Joseph Situ, Abdelaziz Tadjeddine, Marie-Hélène Tokolo,
Mohamed Touré.

Coordination éditoriale et reporter :


Jean-François Laforgerie, T. : 01 41 83 46 12, courriel : jflaforgerie@aides.org

Ce numéro spécial a été coordonné par :


Nadège Meurisse, Joseph Situ et Jean-François Laforgerie

Diffusion, abonnements et petites annonces :


Laurent Cottin, T. : 01 41 83 46 10, courriel : lcottin@aides.org

Maquette : Stéphane Blot, courriel : sblot@aides.org,

V
Vincent Cammas, courriel : vcammas@aides.org
Laurent Marsault, courriel : lmarsault@aides.org

Photos et illustrations avec nos remerciements : Afrique Avenir, Stéphane Blot,


Kollr Tawiz (Tomasz Storek, www.kollr.prv.pl), Sokona Tounkara, Yul studio.

Remerciements spéciaux à Christian Andreo et Nicolas Charpentier du Groupe


sida Genève pour leur relecture et leur contribution à ce numéro.

Parution trimestrielle. Tirage : 46 750 ex et 5 000 ex de Gingembre, le journal du


RAAC-sida en tiré à part. ISSN : 11620544.

Impression : Corlet Roto, 53300 Ambrières-les-Vallées.

Gingembre, le journal du RAAC-sida sur internet : www.aides.org

Gingembre, le journal du RAAC-sida/Remaides


Tour Essor, 14, rue Scandicci, 93508 Pantin Cedex.
Télécopie : 01 41 83 46 19.

Les articles publiés dans Gingembre peuvent être reproduits


avec mention de la source. La reproduction des photos,
des illustrations et des témoignages est interdite, sauf accord
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Pour Remaides France à renvoyer à :


AIDES, Remaides, Tour Essor, 14 rue Scandicci, 93508 Pantin CEDEX
III

XIII XVII

IV XIV
Edito Dossier
Combat commmun Un Fonds de crise !
Par Kouadjo Koffi Le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme connaît
d'importantes difficultés financières... il lui manque plusieurs milliards
de dollars. Cette situation a des conséquences dramatiques dans les

V pays émergents qui subissent d'importantes baisses de financements.


C'est le cas au Mali comme l'explique Bintou Keita Dembélé, la
directrice d'ARCAD/SIDA. Interview.
Témoin
Julie : “Je sais que j'ai le droit pour moi !”
XVII
Témoin
VI Ramatou :
Dossier “J’attends mon deuxième enfant avec impatience !”
Le jour où on m'a dit….
Gingembre a décidé de publier une série d'articles à propos de la mort.
Cette série démarre avec ce numéro.
XVIII
Dossier
XI Pour moi, pour nous, pour les autres !
Le dépistage du VIH, des hépatites et des infections sexuellement
Ici et là transmissible est un enjeu pour chacun. En Francen, dans de nombreux
L'actualité en bref. pays en Afrique, des actions sont conduites dans ce domaine.
Stratégies, enjeux, freins… Gingembre fait le point.

XII XXIII
Témoin Témoin
Abdaramane: “Je passe une bonne partie de mon temps à Codjo Koumekpo : “1800 euros pour guérir !”
sensibiliser les routiers au VIH”

XVIII XXIII
IV
>> Edito
BRE #05
GINGEM
infection à VIH est sans aucun doute la maladie qui a mar- santé publique est d’inciter au dépistage de façon à pouvoir trai-

L’ qué le 20ème siècle et suscité une mobilisation unanime sur


le plan international. Est-ce parce qu’elle touche tous les
continents ? Est-ce parce qu’elle touche les personnes sans dis-
ter précocement. Dans les pays en Afrique, la situation est plus
contrastée. En fait, on dénombre trois cas de figures. Première-
ment, certains pays proposent le traitement gratuit ainsi que le
tinction d’âge, de sexe, d'origine, de rang social ou de religion ? suivi biologique. Deuxièmement, certains pays proposent le trai-
Sans doute que oui. Selon les tement gratuit, mais le suivi
croyances et les représentations, l’ori- biologique est payant. Troisième-
gine de ce virus fait débat. Certains ment, tout est payant. Et même si le
pensent que ce virus serait dû à des Même combat coût peut paraître dérisoire à
manipulations scientifiques dans les quelques uns, ce n’est pas le cas
laboratoires, pourrait être un moyen pour tout le monde. Et tout cela, sans
délibéré pour réduire la démographie mondiale galopante, une idée tenir compte de l’implantation très inégale des centres de soins
répandue dans certains pays en développement. Il est aussi sujet sur le plan géographique d'un pays à un autre et à l'intérieur d'un
à dérision. On peut entendre souvent que le “SIDA” voudrait dire : même pays. La prise en charge de la femme enceinte a réduit la
“Syndrome Imaginaire pour Décourager les Amoureux.” transmission de la mère à l’enfant. Mais ce qui est un automa-
Dans les communautés africaines subsahariennes, on entend tisme au Nord ne l'est pas au Sud où cet accès dépend
encore que le sida serait un mauvais sort jeté par quelqu'un. Et étroitement des fonds internationaux.
cela malgré tous les discours sur les modes scientifiquement Si on peut dire sur le plan médical que l’infection à VIH est deve-
connus de transmission. Peut-être est-ce d’ailleurs pour cette rai- nue une “maladie chronique” au même titre que le diabète ou
son que le discours sur la prévention peine à être accepté. Ce qui l’hypertension artérielle, il n’en va pas de même sur le plan
est sûr, c'est que les idées reçues sur des modes de transmis- pyscho-social. Entre ici et là bas, on voit qu’il existe de grandes dis-
sions imaginaires contribuent davantage encore à isoler les parités. Une inégalité existe entre le Nord et le Sud, mais aussi
personnes séropositives, alors même que la science a fait entre les différents pays du Sud. Si les personnes malades béné-
d’énormes progrès sur la prise en ficient des traitements grâce à la
charge depuis la découverte du VIH solidarité internationale via le Fonds
en 1983. mondial, cette dernière est fragile et
Si dans les pays du Nord, la situation même de moins en moins géné-
a beaucoup évolué grâce notam- reuse.
ment à la recherche, aux moyens Ce premier regard croisé sur l’infec-
financiers, aux décisions politiques tion à VIH ici (en France) et là bas
et à la forte mobilisation des asso- dans certains pays d'Afrique subsa-
ciations, dans de nombreux pays en harienne a pour ambition de rendre
Afrique, les choses avancent plus compte de certaines différences
péniblement. Prenons l'accès aux qui existent entre les personnes
soins par exemple. Ici, en France, atteintes d’une même maladie selon
la prise en charge est globale, elle l'endroit où elles vivent. C’est ce
intègre tous les facteurs détermi- message que nous, acteurs et mili-
nants de santé (social, économique, tants de la lutte contre le sida, avons
biologique, psychologique, etc.) la voulu délivrer aux décideurs poli-
couverture maladie (le 100 %), l'ac- tiques, aux bailleurs de fonds... à
cès aux médicaments et aux tous.
examens biologiques. En France, Kouadjo Koffi
l'enjeu pour les responsables de la Illustration : Rash Brax
V
Une circulaire du ministère de l'Immigration rappelle qu'il existe une
dérogation à la condition de ressources en matière de regroupement
Témoin <<
familial pour les personnes bénéficiaires, par exemple, de l'AAH. GINGEM
Pourtant des problèmes demeurent comme en témoigne Julie. BRE #05

Julie :
“Je sais que j'ai le droit pour moi !”
ai été surprise parce que la semaine dernière on est nouvelle loi qui est sortie qui dit qu’on ne regarde pas les res-

“J' partie avec Dinah, de AIDES, pour prendre un dossier


pour le regroupement familial, pour mon mari en
Afrique. La dame ne voulait pas me donner le dossier. Elle m’a
sources des personnes adultes handicapées [pour le
regroupement familial]. Je sais que j’ai le droit pour moi, mais elle
a refusé de me donner le dossier. Dinah a alors sorti un exemplaire
demandé si je travaillais. J’ai dit non et que je venais par rapport à de la loi de son sac et a dit : “Madame écoutez ! Il y a une nouvelle
l’Allocation aux adultes handicapées [AAH] parce qu'il y a une loi qui vient de sortir et le ministre l’a envoyée partout à toutes les
préfectures.” C’est après ça, que la dame a
donné le dossier. Il a fallu insister. Si Dinah
n’avait pas été là ou si je ne connaissais pas
un peu ce qu’on a appris ici [avec les ate-
liers Santé et Droits], elle aurait refusé. On a
maintenant rendez vous pour déposer le
dossier. Cette dame connaissait la loi. Elle a
dit qu’elle savait que celle-ci existait, mais
que les consignes venaient du préfet. J’ai
pensé que peut-être c’est de la discrimina-
tion parce que je suis noire ou autre chose.
Maintenant, si je vois quelqu’un qui est
concerné comme moi, qui est dans la
même situation d'adulte handicapé par rap-
port à sa santé ou au VIH et qui n’a pas la
force pour travailler 35 heures, je vais lui
dire : “Il y a une nouvelle loi pour ça. Si la
personne de la préfecture refuse, tu peux
venir voir quelqu’un de l’association qui va
te défendre.” C’est vraiment important de
connaître nos droits. Si la préfecture refuse,
il y a la juriste ou les militants qui vont me
défendre moi et les étrangers dans la même
situation.”
Recueilli par Cynthia Benkhoucha
Illustration : Romain

Plus d'infos sur le site du GISTI :


http://www.gisti.org, rubrique Droits.
VI
>> Dossier “Et si on parlait de la mort...” Comme une idée fixe, le sujet est revenu au fil
de nos échanges. La question est taboue, pourtant chacun en parle à un
moment ou à un autre. Il y a eu de nombreuses discussions entre nous,
GEM BRE #05 l'évocation de souvenirs aussi et puis finalement, Gingembre a décidé
GIN de publier une série d'articles à propos de la mort. Cette série démarre avec ce numéro.
Au fil des rencontres, le sujet s'est d'ailleurs posé en d'autres termes : “Et si on parlait... d'avenir !”

Le jour où on m'a dit...


on, moi je n'ai pas pensé à la avancées. D'ailleurs, le fait de savoir que “Dans ma famille, plusieurs personnes

“N mort. J'ai plutôt pensé à mes


parents. Comment ils allaient
l'apprendre et comment j'allais gérer cette
je me trouvais en Europe m'a aidé à ne
pas penser à la mort. Mon problème, c'est
d'être bien soignée et d'être acceptée par
sont mortes du sida. Ma propre sœur est
décédée du sida. Elle n'a pas voulu en
parler à la famille. Elle a gardé le secret
nouvelle avec eux. Aujourd'hui encore, je les autres”, affirme Sylvie. toute seule... jusqu'à sa mort. C'est
ne leur en ai toujours pas parlé. J'envisage Tout est différent pour Nadia. “Bien sûr quelques jours avant sa disparition que
de le faire quand je rentrerai au pays, que j'ai pensé à la mort et je pense à ça tout le monde a su qu'elle était entrée à
parce que je pense qu'ils doivent savoir et tout le temps. Je travaille. Je n'ai pas de l'hôpital. Elle nous quittait une semaine
que c'est un poids que je ne peux suppor- problème de santé. Je prends mon traite- après. Le décès de ma sœur m'a beau-
ter toute seule”, explique Sylvie. A-t-elle ment... Mais j'y pense. Je me dis que je ne coup fait mal, explique Sylvie. Lorsque j'ai
pensé à la mort lorsqu'on lui a appris suis pas en train de travailler pour ma appris pour moi... c'est vrai que je n'ai pas
qu'elle était séropositive ? “Je me suis dit future retraite, mais pour manger, pour pensé directement à la mort. Je n'ai pas
que n'importe comment j'allais mourir payer les factures... Je n'attends pas la vraiment eu peur du VIH. Je me rappelle
d'une façon ou d'une autre. Aujourd'hui, je retraite. Je ne suis d'ailleurs pas certaine m'être dit qu'il n'y avait pas grande diffé-
remercie dieu d'être arrivée à l'âge que d'y arriver. Je vis au jour le jour... et je vais rence pour moi de mourir du VIH ou
j'ai parce que je connais beaucoup de bientôt avoir 40 ans”, explique Nadia dont d'autre chose. Je m'étais mariée. J'avais
gens qui n'ont pas eu cette chance. J'ai eu l'ex compagnon est décédé du sida. “J'ai eu des enfants... si je meurs maintenant,
une chance énorme. Celle d'être en trois enfants. Cela me donne envie de me ce n'est pas si grave.”
Europe, d'y être bien soignée. Je sais que battre. Ce sont mes enfants qui m'ont Il y a bien longtemps qu'Aimée a appris sa
je peux vivre aussi longtemps que des sauvé la vie et c'est grâce à eux si je suis séropositivité. “C'était au Congo Brazza-
personnes saines. Lorsque le médecin me toujours là. Je fais tout pour eux. Je suis ville dont je suis originaire. Comme
l'a annoncé, il m'a dit de ne pas m'en faire, grand-mère en plus. C'est bien comme ça. j'appartiens à un groupe rare, O positif [les
que je serai bien soignée. Il m'a beaucoup J'ai pourtant essayé de me convaincre, de donneurs universels]. Je donnais mon
rassurée pour ça. Je ne pense pas vrai- me motiver pour ne plus y penser... mais sang comme le reste de la famille. Un jour,
ment à la mort et lorsque cela m'arrive, je je n'y arrive pas. Je préfèrerais avoir un qui coïncidait d'ailleurs avec mon anniver-
pense plutôt au fait de mourir sans souf- cancer, une maladie au cœur ou aux reins, saire, je suis allée donner mon sang. J'ai
france, sans perdre mes capacités. J'ai mais pas le sida. Ma famille ne sait pas reçu à la suite un courrier dans lequel il
plutôt peur de me retrouver paralysée et que je suis séropositive. Si elle l'apprenait, était indiqué qu'il y avait des anomalies
surtout de ne plus pouvoir me débrouiller je crois qu'elle ne me parlerait plus. Elle dans mon sang. On m'a convoqué au cen-
toute seule. J'espère aussi que la me jetterait ! Pour moi, on ne peut pas tre de dons du sang et on m'a dirigée vers
recherche va avancer. Je suis dans un dire qu'on a le VIH !” le centre de médecine interne. On ne m'a
pays où je pourrais bénéficier de ses rien dit. De toute façon à cette époque là,
VII
VIII

personne ne parlait du sida. On m'a fait celles de l'AZT. Un médecin français m'a pas envie de partir et c'est pour ça que je
passer un test de tuberculose. Il n'y avait fait un courrier pour le docteur Katlama à me bats, que je m'accroche à la vie. La
rien. J'ai demandé au médecin de me faire la Pitié-Salpêtrière. Je suis finalement arri- séropositivité m'a permis de voir les
un papier indiquant que j'étais apte à don- vée en France. J'avais la crainte qu'on me choses avec un autre regard. Je sais qu'il
ner mon sang. Je suis repartie à la banque demande un test de dépistage du VIH y a beaucoup de personnes que je n'au-
du sang. On m'a fait de nouveau passer avant d'obtenir le visa, mais il n'y a rien eu rais jamais rencontrées, beaucoup de
un test et le médecin m'a dit que je ne de tout cela. J'ai eu un peu de mal à m'ha- voyages que je n'aurais jamais faits si je
pouvais plus donner mon sang. Il tournait bituer au début et j'ai attendu trois mois n'avais pas été séropositive. Je pense que
autour du pot. Il me demandait si j'avais avant de me rendre à la consultation du je vois aussi les choses différemment
un copain, etc. J'ai exigé de savoir ce qui docteur Katlama. Avec elle, nous sommes parce que dès le départ j'ai considéré que
se passait et il m'a dit : “Vous avez le sida”. reparties de zéro, puis j'ai démarré un trai- le virus et moi étions dans une cohabita-
Je ne savais pas bien ce que c'était. J'étais tement à l'AZT, puis au 3TC, etc. Depuis, tion dans un même corps. Le virus est
étudiante et j'avais vu Michel Foucault à la elle et moi formons un vieux couple.” vivant. Il doit me comprendre. Il doit m'en-
télé en parler. Je n'avais jamais envisagé “Je dois reconnaître qu'à la suite de l'an- tendre. Lui exige que je lui donne des
que cela puisse m'arriver. Même mes nonce de ma séropositivité, mon premier médicaments. Je le fais pour ne pas qu'il
parents ne l'ont pas cru lorsque j'en ai réflexe a été d'entrer dans les ordres. Je me domine. Je lui donne ce dont il a
parlé. J'ai appris par la suite que mon pré- suis allée voir des religieuses. J'ai vu la besoin. En échange, il a tout intérêt à être
lèvement avait été envoyé en France pour mère supérieure et j'ai demandé une gentil avec moi parce que si je meurs, il
analyse. J'ai eu la confirmation définitive place au couvent même si je ne suis pas disparaît aussi. Je n'ai jamais cherché à
de ma séropositivité lorsqu'un autre pré- trop pratiquante. Je lui ai tout expliqué. Elle savoir comment je l'avais contracté,
lèvement a été envoyé à Kinshasa [RDC], m'a dit qu'il ne fallait pas fuir la réalité, explique Aimée. Je considère que c'est
explique Aimée. Il y a eu une période diffi- mais l'affronter. A cette époque, ma vie une perte de temps. Une fois qu'il est là, il
cile. En discutant avec des médecins, entière tournait uniquement autour du faut l'accepter.” “J'ai de l'espoir. Je sais que
j'avais entendu parler d'une période VIH. Lorsque j'ai fait mes projets d'études la recherche va avancer et qu'on pourra
d'évolution silencieuse d'une dizaine en France. J'ai pensé à ce qui est men- un jour sauver beaucoup de monde,
d'années avant le déclenchement de la tionné lorsqu'on rapatrie un corps au affirme Sylvie. En Afrique aussi, je sais qu'il
maladie. Je me disais que peut-être j'allais pays : “Colis sans valeur”. C'est à ça que y a des avancées, les gens sont mieux soi-
mourir dans dix ans. C'est ça que j'avais j'ai pensé ! Foucault était mort, c'était le gnés. Il faut surtout que nous n'ayons pas
en tête. Surtout parce qu'il n'y avait pas de signe qu'en France il n'y avait pas de peur d'en parler et qu'on comprenne qu'il
traitement disponible à ce moment-là. médicament miracle. Je quittais mon pays, est possible de s'en sortir en prenant un
Pourtant j'ai poursuivi mes études et j'ai je ne savais pas ce qui allait se passer et traitement. Je souhaite à tous les autres
obtenu ma licence en droit. J'ai ensuite ce qui m'effrayait, c'était de penser que je qui sont en Afrique, même s'ils n'ont pas
décidé de venir faire ma maîtrise en serai peut-être un corps sans valeur, un la chance d'être en Europe, de se faire
France. Cela tombait bien d'une certaine “Colis sans valeur” que mes parents vien- dépister, puis de se faire suivre.”
façon de pouvoir venir ici. Avant d'arriver draient chercher à l'aéroport.” Mais cela
en France, on avait commencé à me don- ne s'est pas passé comme ça pour Aimée. Dossier réalisé par Joseph Situ,
ner de l'Imuthiol. Je me rappelle qu'il “J'aime la vie... et puis je ne connais per- Kouadjo Koffi et Jean-François Laforgerie
s'agissait de boites bleues à conserver au sonne qui soit revenu de l'au-delà pour Illustrations : Yul studio
frais. Les gélules étaient les mêmes que me dire que c'était génial ! Je n'ai donc Remerciements à Aimée, Nadia et Sylvie.
IX

Avant,
aujourd'hui,
demain...
ai le sida... Est-ce que je vais

“J' bientôt mourir docteur ?”


Cette question revient enco-
re régulièrement à l’annonce de la
séropositivité au VIH. Elle renvoie au
début de l'épidémie dans les années 80
et 90 lorsque la gravité de cette infec-
tion a durablement marqué les esprits
et les mémoires. On se souvient encore
du désarroi de la “toute puissante
médecine” qui jusqu'alors, savait guérir
les maladies infectieuses ou arrivait à
les prévenir par la vaccination. Avec le
sida, ce n'était pas le cas. Mais bien des
années sont passées, de nombreux pro-
grès, médicaux notamment, ont été faits
et la situation s'est considérablement
améliorée avec l'avènement des puis-
sants antirétroviraux en 1996. C'est l'âge
des trithérapies qui vont sauver de nom-
breuses vies et qui continuent de le faire
en permettant le contrôle du virus.
Aujourd'hui, l'espérance de vie des
personnes séropositives est quasi iden-
tique à celle de la population générale,
ce qui ne doit pas nous faire oublier que
la qualité de vie, dans bien des cas,
n'est, elle, pas la même. L'espoir de tous
est de pouvoir disposer dans un futur
proche de vaccins capables d'éradiquer
le virus ou d'empêcher de nouvelles
contaminations.
Kouadjo Koffi
X

A quelques jours de la mort...


ous sommes en mars 1996. irrégulière, sans couverture maladie. Du tique, pour ne pas dire un miracle qui

“N Philippe tombe malade. Il


consulte dans un centre de
soins de Médecins du Monde. On l'oriente
coup, on le renvoie chez lui avec une sim-
ple ordonnance pour acheter de quoi
soigner un début de pneumonie. Pour la
modifie l’histoire du VIH. Quelques jours
après, les médias annoncent la décou-
verte de nouveaux médicaments qui vont
vers l’hôpital Félix Houphouët-Boigny à première fois, le mot “sida” est évoqué permettre aux malades du sida de vivre.
Marseille. Cet établissement est alors spé- dans la communauté. On sait les dégâts On passe d'une maladie mortelle à une
cialisé dans les maladies infectieuses et que cette épidémie cause dans la com- maladie de longue durée, une maladie à
tropicales. Il accueille principalement les munauté même si, jusque là, on ne vie. Pour Philippe, la route, entre doutes et
personnes originaires d’Afrique. A la fin l'évoque qu’à demi-mot. Il faut faire espoir, vers un retour à la vie presque
des années 80 et au début des années 90, quelque chose car c'est aussi la première “normale” est longue. Les séquelles tant
cet hôpital est presque devenu un mou- fois que nous sommes confrontés au fait neurologiques que motrices font craindre
roir… pour les personnes atteintes du de devoir prendre en charge un malade le pire. Il lui faut plus de vingt mois, passés
sida majoritairement originaires d’Afrique dont l’hôpital public ne veut pas. Après la dans différents établissements dont un
subsaharienne. A cette époque, dans les médiation de l’association AIDES, Philippe séjour à la maison de Gardanne, pour
communautés africaines, on ne dit pas est finalement admis à l'hôpital de la retrouver une autonomie relative. Treize
le mot sida, on évoque “la maladie du Conception, dans un état bien avancé de années se sont écoulées depuis, Philippe
siècle”. Comprenne qui veut ! Etre hospi- la maladie. Au bout de quelques jours, vit toujours du côté de Marseille avec une
talisé à l’hôpital Houphouët-Boigny, même il tombe dans le coma. Un mois plus tard, mémoire qui, parfois, lui joue des tours. Il
pour une toute autre maladie, laisse mal- la situation s’aggrave encore. Les méde- aime bien raconter, non sans humour,
gré tout la place aux ragots de toutes cins convoquent alors les responsables de comment la médecine avec l’aide de ses
sortes. Il devient même stigmatisant d’y la communauté pour prévenir : “Nous dieux lui a sauvé la vie : “Je suis un des
séjourner. savons, pour votre communauté et sa premiers malades à bénéficier d’un traite-
Philippe est donc orienté vers cet établis- famille, qu’il est important de rapatrier la ment miracle. Un jour, j’ai fermé les yeux
sement. Il ne supporte pas l’idée d’y être dépouille du défunt au pays, il va falloir dormant d’un sommeil profond, mais à
hospitalisé car ce lieu lui rappelle, comme que vous vous y prépariez, il ne passera ma grande surprise le sorcier a ouvert les
à beaucoup, des souvenirs douloureux. pas le week-end”. Nous sommes un lundi. yeux”. Un jour, je l'ai surpris, dans une
Son frère aîné et sa belle-sœur s’y sont Pour la communauté, c’est une mort de rame du métro, en train de prêcher tel un
éteints. Il décide donc de quitter cet hôpi- plus. Ça commence à faire trop ! Il faut se pasteur, racontant ce qu’il appelle son
tal à l’insu du corps médical pour se réunir en vitesse et solliciter pour la “voyage dans l’au-delà”, devant un public
rendre à celui de la Conception. On l'exa- énième fois la solidarité de tous pour faire ébahi qui ne croyait peut être pas à son
mine. Le diagnostic tombe. C’est le sida. face aux frais de rapatriement du corps. récit. Nous, ses proches, nous savons qu’il
On lui annonce qu’il va être transféré à En milieu de la semaine, les médecins est revenu de loin, de la mort... et cela
l'hôpital Houphouët-Boigny. Il refuse, mais nous apprennent qu’ils vont essayer une grâce à la médecine. D’ailleurs, s’il est
le service téléphone malgré tout pour lui nouvelle molécule. Un mois après, nous incapable de se souvenir de tout, il n’ou-
trouver une place là-bas. C’est ainsi que la apprenons que Philippe est sorti du coma. blie jamais l’heure de ses pilules.”
Conception apprend que Philippe y est On lui rend visite, mais il ne reconnaît per- Joseph Situ
recherché car il a clandestinement quitté sonne. Sans le savoir, nous sommes en
l’hôpital. A cette époque, il est en situation train de vivre une révolution thérapeu-
XI
Ici et là <<
GINGEM
BRE #05

Sans papiers : l'accès aux


soins non respecté
L'accès aux soins pour les personnes sans-
papiers est un “droit non respecté” en Europe,
assure Médecins du Monde qui a publié (sep-
tembre 2009) une étude portant sur onze pays
et qui insiste sur la situation des femmes
enceintes et des enfants. “45 % des problèmes
de santé des personnes interrogées n'ont
VIH : les communautés s'engagent absolument pas été traités”, affirme l'étude.
Patrick est militant de AIDES à Montpellier, mais pas sa femme. Pourtant tous les Autre chiffre : “Seules 48 % des femmes sans-
deux ont accepté de poser ensemble pour une campagne d'incitation au dépis- papiers enceintes sont suivies pour leur
tage créée par la délégation de l'Hérault. “C'est un couple qui participe à cette grossesse.”
campagne dont l'objet est d'inciter au dépistage pour soi, pour les autres, pour Plus d'infos sur :
les enfants qu'on peut avoir, explique Patrick. Ma femme est enceinte actuelle- http://www.medecinsdumonde.org
ment et elle a accepté facilement d'y participer. C'est une première pour nous,
mais c'est une façon de dire que le VIH peut arriver demain dans notre vie ou
dans notre entourage. C'est pourquoi le slogan de cette campagne est “Pour
nous, pour lui, pour elle… nous nous faisons dépister et toi ?” A Perpignan, aussi
des militants, des responsables de commerce et des membres des communau-
tés africaines sont mobilisés pour inciter les personnes migrantes au dépistage. VIH et brevets :
Une première affiche a été réalisée et placardée dans un salon de coiffure. Elle MSF en
met en scène la propriétaire. Cela a donné des idées à certaines de ses clientes campagne
qui ont décidé de participer à cette campagne qui se décline en carte postale. Médecins sans Fron-
Toujours dans le sud, à Marseille cette fois, des associations communautaires, tières (MSF) a lancé
des commerçants, des citoyens, des volontaires se sont associés pour réaliser une campagne élec-
une carte postale qui rappelle que tout le monde a sa place chez AIDES ! tronique pour appeler
neuf grands groupes
pharmaceutiques (Abbott,
BMS, GSK, etc.) à “accélérer
la mise à disposition de nou-
veaux traitements” contre le sida à prix plus bas
dans les pays émergents, en mettant en com-
mun leurs brevets. Le site de MSF propose de
faire un geste simple et citoyen pour persuader
les labos de l'intérêt de ce projet en remplissant
un formulaire qui sera directement envoyé par
mail aux laboratoires.
Plus d'infos sur : http://www.msf.fr
XII
>> Témoin Abdaramane est originaire de Hombori, une localité de la région
de Gao. Il est Songhoï (une ethnie malienne) et vit à Sikasso
depuis 1977. Il est marié et père de cinq enfants. Il a trois
BRE #05
GINGEM petits enfants. Il est routier depuis de nombreuses années et
gagne sa vie en exerçant la profession de “locateur de véhicules”.

Abdaramane :
“Je passe une bonne partie
de mon temps à sensibiliser
les routiers au VIH”
a maladie a commencé il y qu’il existait un centre de prise en charge arrive même qu’elle me réveille pour que

“M a peu près dix ans par des


dermatoses. Ensuite, j'ai eu
des diarrhées, c’était au tout début de
à Sikasso qui s’occupait des personnes
vivant avec le VIH. On m'avait aussi dit que
les personnes pouvaient vivre avec la
je prenne mes médicaments au bon
moment. J’ai eu deux autres épouses
avant. Elles sont parties à l’arrivée de la
l'association Kénédougou Solidarité [une maladie à condition de prendre correcte- troisième. La première est aujourd'hui
des principales associations maliennes de ment les médicaments. J’ai été mis sous décédée. Elle était déjà malade avant que
lutte contre le sida]. antirétroviraux et aujourd’hui, dieu merci, je découvre ma séropositivité. La deuxième
J'avais assisté à plu- je me porte bien. Cela fait déjà cinq ans s’est remariée avant que je ne sois dépisté,
sieurs causeries sur que je suis sous traitement. Je remer- je n’ai plus de ses nouvelles. Mes deux der-
le VIH/sida animées cie les travailleurs de l’association niers enfants sont ceux de ma dernière
par l'association. Après Kénédougou Solidarité pour le bon épouse. (...) Ma femme se dépiste réguliè-
avoir discuté avec les travail qu’ils font et j’encourage rement presque tous les six mois, elle est
animateurs de l’associa- tout le monde à venir faire le test négative de même que nos enfants.
tion à la gare routière, j’ai de dépistage du VIH. Si j'accepte Maintenant que je sais beaucoup de
eu des doutes sur ma de faire ce témoignage, c'est à choses sur le sida, je passe une bonne
maladie. la fois pour me rendre utile partie de mon temps à sensibiliser les rou-
Je me suis retrouvé alité dans la lutte contre le VIH tiers sur les modes de transmissions et les
pendant une semaine, puis je et pour manifester ma moyens de prévention du sida. Comme je
suis allé à la clinique. J’ai payé reconnaissance à Kéné- m’entendais bien avec les animateurs de
cinq mille francs CFA [environ dougou Solidarité. l'association, je les ai même aidés à recru-
7 euros] pour une consultation. Ma femme est informée ter des pairs éducateurs parmi les
Le médecin m’a dit que j’avais de mon statut sérologique. routiers, ils ont été formés par l’associa-
le sida et m’a orienté vers le Elle a d’ailleurs effectué plu- tion pour faire de la prévention. J'oriente
CERKES [centre de référence de l'as- sieurs dépistages, tous également de manière régulière vers l’as-
sociation malienne de lutte contre le négatifs. Ma séropositivité n’a sociation tous les routiers qui ont des
sida : Kénédougou Solidarité]. J’ai eu rien changé dans nos rela- maladies faisant penser au VIH. Bon nom-
peur, mais je savais au moins de quoi tions. Elle me rappelle tous bre d’entre eux ont été dépistés
je souffrais et puis les animateurs les jours que je dois pren- séropositifs, ils me remercient tous les
de l’association nous avaient dit dre mes médicaments. Il jours de leur avoir sauvé la vie. Malheu-
XIII

reusement, certains ont refusé d’aller faire qui les pratiquent soient formés sur les transport, un mini bus Mercedes 207 de
un dépistage à l'association et certains risques de transmission du VIH. 25 places. Ainsi je pourrais bien gagner ma
sont morts. Je suis sûr que pour beaucoup Lorsque j'ai appris ma séropositivité, je vie, m’occuper correctement de ma
d’entre eux c'est du fait du sida. n'ai pas paniqué, je n'ai pas été désespéré famille et aider les personnes vivant avec
Je conseille aux gens de se protéger lors et je me suis rendu dans un centre de le VIH, en particulier dans le milieu des
des relations sexuelles et de se faire prise en charge. Je savais qu'il y aurait des routiers. J’espère que Kénédougou Solida-
dépister. La circoncision traditionnelle se médicaments, que les soignants seraient rité pourra m’aider à avoir un mini bus
poursuit toujours au Mali de même que compétents et qu'on peut vivre toute une dans le cadre des activités génératrices
les tatouages, cela peut représenter des vie avec le VIH. Mon rêve aujourd'hui, de revenus.
risques. Il serait bien d'ailleurs que ceux c’est de posséder mon propre véhicule de Illustration : Kollr Tawiz
XIV
>> Dossier Le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme connaît
d'importantes difficultés… il lui manque plusieurs milliards de dollars.
Cette situation a des conséquences dramatiques. C'est le cas au Mali
BRE #05
GINGEM comme l'explique Bintou Keita Dembélé, la directrice d'ARCAD/SIDA.

Un Fonds de crise !
Quels sont les liens entre ARCAD/SIDA Concrètement, que vous demande t-on ?
et le Fonds mondial de lutte contre le VIH ? On nous demande d'ajuster nos actions en prenant en compte
ARCAD/SIDA bénéficie de financements en provenance du Fonds une baisse de 10 % de nos financements. Le Fonds ne propose
mondial depuis novembre 2005. Dans notre pays, le récipiendaire pas de solutions particulières. C'est à chacun de se débrouiller.
principal du Fonds mondial est le Haut conseil national contre le Le Fonds mondial demande juste que les réductions ne portent
VIH/sida qui est directement rattaché à la présidence. Il donne pas sur l'achat de médicaments. Donc, lorsqu'il y a des écono-
des financements à des associations comme la nôtre. mies à faire, cela porte sur les services. Mais ce n'est pas aussi
ARCAD/SIDA est ce qu'on appelle un sous-récipiendaire et nous- simple parce que si on achète des médicaments, c'est pour pou-
mêmes nous donnons des fonds à d'autres associations voir les distribuer dans de bonnes conditions à toutes les
communautaires avec lesquelles nous travaillons en réseau. Elles personnes qui en ont besoin où qu'elles soient. Les médicaments
sont une quinzaine. ne sont utiles que s'ils sont distribués, pas en restant dans les
pharmacies. De plus, la distribution des médicaments n'est pas
Qu'est-ce que le Fonds mondial a changé ? suffisante en elle-même, un accompagnement à l'observance, un
La création du Fonds mondial a été une opportunité extraordinaire soutien en matière d'éducation thérapeutique sont indispensa-
pour mon pays. Lorsque les financements sont arrivés, les actions bles. Aujourd'hui, tout le réseau d'accompagnement, c'est-à-dire
ont été démultipliées. Le Mali avait décidé d'un accès gratuit aux les conseillers psychosociaux, les éducateurs thérapeutiques, est
médicaments anti-VIH en 2004 sans en avoir les moyens financiers. mis en difficulté. Ce sont bien souvent des bénévoles associatifs
Les médicaments sont venus avec l'arrivée des financements du qui ont suivi des formations, acquis un savoir en matière d'ac-
Fonds mondial. La décentralisation, un accès aux traitements compagnement et d'éducation thérapeutique dont l'activité n'est
même dans les endroits les plus reculés ont été possibles grâce au plus financée. Cette baisse des financements a aussi d'autres
Fonds. Cela a été extraordinaire. Par exemple, ARCAD/SIDA suivait conséquences. Par exemple, sur les enfants touchés ou bien les
3 000 patients avant l'arrivée du Fonds mondial. Une année plus enfants qui sont orphelins du fait du sida. Au lieu de prendre en
tard, 7 000 personnes étaient suivies et maintenant elles sont charge 3 000 enfants par exemple en soutien scolaire, on ne
9 000. Dans mon pays, c'est le Fonds mondial qui finance l'accès pourra en prendre en charge que 500. Les exigences du Fonds
aux traitements, c'est une très bonne chose, mais c'est aussi un mondial nous contraignent à réduire certaines de nos activités
risque surtout dans le contexte actuel de crise financière. de 50 %.
XV

Comment les personnes accueillies par ARCAD/SIDA


réagissent-elles à ces suppressions de programmes ? Il y a un trou...
La population a du mal à comprendre. Elle ne sait pas pourquoi cela a été magique pendant
cinq ans et pourquoi, d'un coup, cela s'arrête. C'est vrai que c'est compliqué de voir que L'équation est simple. Le Fonds
pendant cinq ans son enfant a pu bénéficier d'un soutien scolaire et qu'il ne pourra plus en mondial a estimé les besoins pour la
profiter les années qui viennent. Les gens sont dans l'incompréhension totale. Pour nous, période 2008 à 2010 entre 13,5 mil-
ces décisions qui ne sont pas les notres sont difficiles à expliquer. Comment expliquer que liards et 19,4 milliards de dollars. Il a
les médicaments ne vont plus aller partout alors que le sida lui se trouve partout au Mali ? observé que les promesses des
pays donateurs au Fonds pour cette
Quelles sont les autres difficultés ? période s’élevaient à 9,5 milliards
Une autre difficulté est que l'arrivée du Fonds mondial a gelé les partenariats bilatéraux. de dollars, laissant un manque d’au
C'est assez logique que les pays qui contribuent au financement de ce Fonds soient réti- moins 4 milliards de dollars dans la
cents à financer des partenariats bilatéraux sur le VIH. Les pays nous répondent : “Ah, moins pire des solutions. Plusieurs
mais nous avons déjà cotisé au Fonds mondial !” Désormais, nous voyons que le Fonds associations, notamment de lutte
a ses limites. Nous en prenons conscience. Cette structure a permis d'avoir beaucoup contre le sida, ont lancé une cam-
d'argent, mais elle a gelé beaucoup de partenariats. A ma connaissance, il n'y a pas assez pagne “Re-mind the gap” pour ap-
de pression de la part de notre gouvernement pour obtenir plus. De notre côté, nous peler les pays donateurs à combler
avons demandé au gouvernement de travailler à la création d'un Fonds national de lutte ce “trou”.
contre le sida, une structure qui pourrait en partie pallier le manque de financements. Plus d'infos sur : http://campagne
C'est difficile d'imaginer une telle structure dans un pays à l'économie émergente 5milliardspourlefondsmondial.over
comme la nôtre, mais on ne doit pas oublier que les priorités (achat de traitements de blog.org
seconde ligne, achat de matériel de mesure de la charge virale, etc.) ne manquent pas.
On ne doit pas oublier non plus ce dicton : “Si tu es couché sur la natte d'un autre, le jour
où il part, tu couches sur le sol.” C'est ce qui se passe aujourd'hui.
Propos recueillis par Jean-François Laforgerie
Photos : Sokona Tounkara
XVI

Une taxe
sur les finances

On cherche aujourd'hui des finan-


cements innovants pour l'aide in-
ternationale. Du côté du gouverne-
ment, on a eu la géniale idée d'une
loterie (pourquoi pas un tournoi de
poker ?) qui ne trouve guère d'écho.
Du côté des associations, on ré-
clame la mise en place d'une taxe
sur les transactions financières de
Le Fonds mondial, c'est quoi ? change. Il s'agit d'une taxe très fai-
ble (d'un taux de 0,005 %) sur des
Le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme est à la fois une struc- activités caractéristiques de la mon-
ture avec un directeur et des salariés et un mécanisme de financement innovant en dialisation et quasi pas imposées.
matière de santé. Sa vocation est de lutter contre les trois principales maladies qui tou- Chaque année dans le monde, il y a
chent les pays émergents. Pour cela, le Fonds mondial reçoit de l'argent de la part de pour environ 800 000 milliards de
pays donateurs comme les Etats-Unis, la France, le Japon, la Grande-Bretagne, etc. Cet dollars de transactions de change.
argent finance des programmes, notamment de lutte contre le sida, dans les pays et Un taux de 0,005% sur ce montant
régions qui en ont le plus besoin et qui comprennent la prévention, l'accès aux soins permettrait de dégager une somme
et aux traitements et le soutien aux personnes atteintes. Ce mécanisme permet donc annuelle entre 33 et 60 milliards de
à des Etats de financer leur lutte contre le sida. Ce qu'ils ne pourraient pas faire sans dollars. Cette somme pourrait être
cette aide internationale. Le Fonds mondial lance régulièrement des appels à proposi- investie notamment dans la santé.
tion appelés aussi rounds. Chaque pays qui a besoin d'aide monte un dossier de Elle pourrait “boucher” le trou du
demande de fonds. Il transmet alors sa demande au Fonds mondial qui l'examine et Fonds mondial. Le gouvernement
donne un avis. Au 30 mai 2009, le Fonds mondial a signé des accords l’engageant à français n'est pas hostile à cette
dépenser 15,6 milliards de dollars. Les programmes en Afrique sub-saharienne repré- proposition, mais elle n'a de sens
sentent 54 % des engagements. Le Fonds mondial estime qu’en juin 2009 les que si de nombreux pays l'accep-
programmes financés par le Fonds mondial ont permis de mettre 2,3 millions de per- tent et notamment les pays les plus
sonnes sous traitements contre le VIH et 5,4 millions de personnes ont reçu des riches.
traitements efficaces contre la tuberculose.
XVII
C'est au Mali qu'habite Ramatou. Ramatou a 35 ans, une fille et elle
attend un deuxième enfant, une fille aussi. Elle souhaite qu'elle soit
Témoin <<
séronégative comme c'est le cas de sa première fille. GINGEM
BRE #05

Ramatou :
“J’attends mon deuxième enfant
avec impatience !”
a maladie a débuté par des plaies dans la bouche. à faire des projets d’avenir. Lorsque ma fille a eu un an, je lui ai fait

“M J’avais toujours de la fièvre et des maux de tête en


permanence. Comme j’étais toujours mal à l’aise,
Mon mari m’a envoyée au CERKES [centre de référence de l'asso-
passer son premier test de dépistage. Elle était négative. A 18 mois,
elle a, de nouveau, été dépistée. Elle était négative.
Actuellement, j’attends mon deuxième enfant avec impatience. Je
ciation malienne de lutte contre le sida Kenédougou Solidarité] souhaite qu’elle soit séronégative comme la première. Ma pre-
C’est là que j’ai fait un test de dépistage et que j'ai appris que j'étais mière fille est une enfant bien nourrie. Elle est bien portante car
séropositive. J’avais perdu mon premier mari, puis j’avais fait un l’hygiène demandée par le médecin a été respectée. Je tiens d'ail-
second mariage qui n’avait pas duré. C’est mon troisième mari qui leurs à remercier toute l’équipe soignante qui m'a aidée. Je
m’a conseillée de me rendre au CERKES. J’ai commencé la prise de voudrais profiter de ce témoignage pour lancer un appel aux gens
médicaments antirétroviraux. Quelques temps après, je suis tom- qui ne se sont pas dépistés : je leur conseille de le faire. Car seul
bée enceinte. Lorsque j’ai accouché, des membres de l’association cela peut permettre de savoir et de se soigner. Je salue le gouver-
JIGI [association de personnes atteintes par le VIH] sont venus me nement de mon pays pour la gratuité des médicaux antirétroviraux.
soutenir. J’ai été très touchée de leur démarche. C’est là que j’ai Je salue aussi le personnel du CERKES et les membres de l'asso-
pris courage, car il y avait dans le groupe des gens dont je ne pou- ciation JIGI. Je remercie dieu. Aujourd’hui toute ma famille va bien.”
vais pas croire qu'ils étaient, eux aussi, séropositifs. J’ai commencé Illustration : Kollr Tawiz
XVIII
>> Dossier Le dépistage du VIH, des hépatites et des infections sexuellement
transmissibles est un enjeu pour chacun. En France, dans de
nombreux pays en Afrique, des actions sont conduites dans ce
BRE #05
GINGEM domaine. Stratégies, enjeux, freins... Gingembre fait le point.

Pour moi,
pour nous, pour les autres !
l y a eu un long dialogue avec l'associa- parfois jusqu'à accompagner les per- prononce ce soir-là. "C'est très difficile

I tion, des échanges espacés sur


plusieurs semaines et puis finalement il
s'est décidé à faire un test de dépistage.
sonnes dans les centres pour faire la prise
de sang. Il est même arrivé que l'on passe
également le test en même temps
pour une femme de demander à son mari
de passer un test, confirme Huguette de
l'association Espoir. Cela peut-être vécu
A l'hôpital, ça s'est mal passé dès l'accueil qu'elles." "Moi aussi, cela m'est arrivé, comme une rupture de la confiance dans
lorsqu'il a demandé comment se rendre au explique Papy, responsable de l'associa- le couple. Et si une femme dit à son mari
centre de dépistage de l'établissement. tion Espoir dans l'Essonne. qu'elle souhaite faire un test, c'est comme
Une hôtesse mal embouchée, une remar- J'accompagnais un jeune d'Etampes qui si elle avait quelque chose à se repro-
que de trop, il n'en a pas fallu davantage ne voulait pas se faire dépister dans sa cher." Il faut donc trouver des arguments.
pour qu'il renonce. Cette histoire, on l'a ville par crainte qu'on le voie se rendre au "La grossesse peut être un bon moment
vécue à l'association Ikambere. “Ce cas centre. Nous sommes donc allés à Juvisy- pour inciter l'homme à se faire dépister en
n'est pas isolé, confirme Aminata, chargée sur-Orge. Il m'a interpellé : "Tu pousses mettant en avant l'intérêt pour l'enfant",
de prévention à l'association. Beaucoup de tout le monde à se faire dépister, mais est- indique Mathy de Vie Enfance Espoir 91.
personnes migrantes connaissent des pro- ce que toi-même tu le fais ?" J'ai dit que
blèmes d'accueil dans les hôpitaux. Du oui et j'ai passé un test en même temps Rassurer est d'autant plus nécessaire que
coup, nous travaillons en lien avec des cen- que lui." "Nous accompagnons les per- ce ne sont pas les obstacles qui manquent
tres de dépistage dont nous connaissons sonnes qui viennent d'arriver en France, en matière d'accès au dépistage. Il y a des
bien les médecins, qui accueillent bien les les parents des personnes touchées par freins qui concernent tout un chacun
personnes, qui savent mettre en confiance le VIH qui nous en font la demande", comme des horaires inadaptés, un délai
et être à l'écoute.” explique Albertine de l'association lyon- d'attente jugé trop long entre le prélève-
naise Da Ti Seni. ment et la remise des résultats ou encore la
C'est dans des lieux très divers, des foyers crainte de se faire dépister dans un quartier
ou des centres d'accueil pour les deman- Rassurer, mettre à l'aise. C'est ce que fait où l'on sera vu de ses voisins. Mais il y a des
deurs d'asiles, des gares ou des centres Assa de Centre Essonne Solidarité freins spécifiques aux personnes migrantes.
commerciaux, lors de fêtes ou dans des lorsqu'elle reçoit chez elle. Ce samedi soir Des freins culturels d'abord. "Tant qu'on
discothèques, lors de rassemblements de novembre, quelques femmes d'origine pense avoir la santé, qu'on va bien, on ne
sportifs ou de rendez-vous individuels que malienne sont venues partager discussion fait pas de dépistage. C'est assez courant
les associations mènent leurs actions de et repas. La télé diffuse un concert d'une dans les pays d'Afrique. En fait, on fait des
sensibilisation et d'incitation au dépistage. star malienne de la chanson. On parle de tests et des examens lorsqu'on va mal. Cela
Un dépistage qui ne se limite pas au VIH, tout et de rien, puis la discussion se lance ne concerne pas uniquement le VIH, mais
mais qui prend en compte les hépatites et sur la santé et on finit par parler du dépis- toutes les maladies, explique Bruno d'Arc-
les infections sexuellement transmissibles. tage. Toutes les femmes ont eu des en Ciel à Toulouse. A cela s'ajoute un
Une action qui consiste d'abord à rassu- enfants. Toutes ont passé un test dans le manque de confiance chez certaines per-
rer. "On doit d'abord créer la confiance, cadre de leur suivi de grossesse. Ce qui sonnes migrantes dans le système de soins.
expliquent Fatima et Laurence de l'asso- n'est pas le cas de leurs maris. Alors com- C'est à la fois, le fait que des médecins asso-
ciation marseillaise ASM. Cela passe ment leur en parler ? Personne ne se cient trop souvent l'Africain au VIH et que les
XIX
XX

personnes craignent des ruptures de confi- Mais, il n'y a pas que des obstacles. L'effi- d'abord pour moi, parce que j'y ai vu une
dentialité y compris avec les autorités cacité des traitements anti-VIH, leur façon de m'occuper de ma santé.” “Le
administratives.” “Un des freins au dépis- disponibilité et leur gratuité en France, la dépistage est pour nous un outil pas une
tage, c'est que l'annonce d'un résultat possibilité de se traiter plus tôt si on se fait fin en soi, explique Papy d'Espoir. C'est
positif signifie qu'on a raté son projet migra- dépister précocement ont un poids. Il en pourquoi il est toujours placé dans une
toire”, affirme Albertine de Da Ti Seni. “C'est va de même en matière d'hépatites. Pour approche globale des questions de santé
certain que dans un contexte migratoire qui Aminita d'Ikambere : “Les personnes et de sexualité. On ne perd jamais de vue
est souvent complexe et difficile, si on migrantes parlent plus facilement du qu'une démarche de dépistage doit être
apprend qu'on a le VIH, ce sont tous les pro- dépistage aujourd'hui qu'il y a cinq ans. Il y préparée. Il faut expliquer quel intérêt il y a
jets qui tombent à l'eau. C'est, d'une a toujours la crainte des répercussions à le faire et surtout penser à l'après, à ce
certaine façon, hypothéquer son projet sociales, l'existence de fausses croyan- qui suit une remise de résultats. Si je suis
migratoire et souvent son projet familial, ces, mais beaucoup de gens sont désor- séropositif, est-ce que je serais toujours la
résume Romain d'Afrique Avenir. D'autant mais convaincus de l'intérêt pour elles et même personne ? Si je suis séropositif,
plus que chacun sait comment on parle du pour les autres du dépistage.” Salariée à est-ce que je vais mourir ? On doit être
VIH dans les communautés et à quel point l'association Espoir, Huguette parle régu- capable d'accompagner ces questions.”
la question y est taboue.” Et des freins, il y en lièrement du dépistage lors des entretiens
a d'autres. “Je me porte bien donc je n’ai pas qu'elle a avec des femmes qui sollicitent Dossier réalisé par Nadège Meurisse
besoin de me faire dépister. Je suis marié l'association. Cela peut être pour une sim- et Jean-François Laforgerie
donc je n’ai pas besoin de me faire dépister. ple adresse de centre de dépistage ou Illustration : Kollr Tawiz
Je suis croyant donc je ne me sens pas pour une demande plus complexe. Pour Photos : Sokona Tounkara
concerné. Je mène une vie tranquille donc mieux répondre et mieux comprendre, Remerciements au docteur Mehdi Karkouri
je n’ai pas besoin de me faire dépister, etc.”, Huguette a d'ailleurs fait elle-même le (ALCS), à Daniela Rojas Castro (AIDES),
rappelle Albertine. test. “J'avais été un long moment sans me et à Ouohi Diomande (RSB)
faire dépister et j'ai décidé de le faire,
XXI

Maroc : le dépistage selon l'ALCS


'est en 1992 que l'ALCS, la principale

C association de lutte contre le sida au


Maroc, a ouvert son premier centre
d'information et de dépistage anonyme et gra-
tuit (CIDAG). A cette époque, aucune offre de
dépistage volontaire n'existait. Depuis les
CIDAG se sont multipliés, en partie grâce au
soutien du Fonds mondial. Le ministère de la
Santé marocain a apporté son soutien en pre-
nant à sa charge les tests. Toutefois, le nombre
de personnes testées reste toujours très fai-
ble et plus de 50 % des diagnostics d'infection
par le VIH se font encore à l'hôpital, à un stade
avancé de la maladie. Face à cette situation,
l'ALCS a mis en place des initiatives inno-
vantes : la mise en circulation de bus de
dépistage (actuellement au nombre de cinq),
l'organisation de la “Journée nationale du
dépistage”, la promotion active du dépistage
parmi les populations les plus exposées à travers des pro- plus systématique du test à l’initiative du professionnel de santé.
grammes de prévention de proximité... Ainsi, l’ALCS réalise 80 % Mehdi Karkouri
des tests de dépistages volontaires au Maroc. Récemment, l'ALCS Pour en savoir plus sur l’ALCS :
a entrepris un lobbying auprès des autorités pour la proposition http://www.alcsmaroc.ma/public

Le dépistage communautaire fait débat


ans de nombreux pays en Afrique subsaharienne, un tra- ble ! En revanche, pour l’instant, nous estimons ne pas avoir les

D vail est fait en matière de dépistage communautaire. Un


dépistage proposé et accompagné par des personnes qui
ne sont pas forcément des professionnels de santé, mais qui
capacités matérielles de mettre en place une telle action chez
nous”, indique l'ACSCF à Marseille. “Nous avons du temps devant
nous. Nous pensons qu’il est encore trop tôt pour mener cette
appartiennent aux communautés. Une perspective qui est diver- action dans nos communautés par nous-mêmes. Il nous faudra
sement appréciée en France. “C'est une très bonne idée, explique un temps de réflexion et de formation entre les différents acteurs
Kouadjo de l'AIPES, association lyonnaise. Mais un des freins avant de pouvoir le proposer”, explique Da Ti Seni. A Ikambere, on
majeurs, par exemple dans le cas de tests de dépistage rapide ne souhaite pas s'engager dans cette voie. L'association craint
proposés par nos associations communautaires, serait la crainte des difficultés à l'annonce des résultats voire même une “mise
du non respect de la confidentialité.” “Une telle offre est effecti- en danger” des personnes incapables de “gérer” cette nouvelle.
vement possible en France, vu le nombre de personnes prêtes à Pour l'association, c'est le monde médical qui doit conserver l'an-
s’engager dans cette démarche, mais en plus elle est souhaita- nonce des résultats.
XXII

Côté d'Ivoire : le projet Cœur Famille


vec une population d'environ loppé une offre de dépistage mobile cen-

A 20 millions d'habitants et
4,7 % de la population adulte
touchée par le VIH, la Côte d'Ivoire
trée sur la famille. Pour l'association, c'est
la meilleure stratégie pour atteindre les
personnes qui vivent dans des zones
continue à être le pays d'Afrique de rurales. C'est une approche d'ensemble
l’Ouest le plus affecté par le VIH. Une des questions de santé qui est proposée
enquête officielle de 2005 indique aux familles puisqu'il est question des
“une épidémie généralisée avec maladies chroniques comme le diabète,
5,4 % de personnes touchées en l'hypertension et la malnutrition, l'anémie,
milieu urbain contre 4,1 % dans les les vaccins, etc. Cette approche prend en
campagnes. Le CDV (conseil et dépis- compte le VIH. Elle est conduite, après
tage volontaire) est, comme ailleurs, l'accord des personnes concernées, à la
la porte d'entrée dans la prise en fois par des professionnels de santé et
charge médicale, gratuite dans le pays. Mais les services de CDV des agents de santé communautaire qui appartiennent aux vil-
ne sont disponibles, la plupart du temps, que dans les villes. Toutes lages où ils interviennent. Dans le même cadre, des examens sont
les personnes qui habitent en dehors des villes ont donc un accès proposés aux personnes vivant avec le VIH. Les prélèvements san-
limité au dépistage et à la prise en charge. C'est notamment le cas guins sont acheminés dans les laboratoires en ville. En fonction
dans la région de Yamoussoukro, la capitale et deuxième ville du des résultats biologiques, les médecins de RSB se rendent dans
pays, où il existe de vastes zones dépourvues de toute interven- les centres de santé ruraux et proposent une mise sous traitement
tion. Renaissance Santé Bouaké (RSB), une importante association anti-VIH. Aujourd'hui, l'association RSB anime quinze sites de pré-
de lutte contre le sida, développe depuis 2002 des programmes vention et de prise en charge sur cinq districts dans les régions de
de dépistage et de prévention auprès des personnes qui vivent Yamoussoukro et de Bouaké.
dans des zones reculées. En matière de dépistage, RSB a déve- Ouohi Diomande

Les chiffres de l'enquête AIDES & toi 2007


IDES & toi” est une enquête de AIDES réalisée auprès des personnes accueillies par l'asso-

“A ciation. Les questionnaires de 2 370 personnes ont été analysés, dont 425 personnes
migrantes. Dans cette enquête, 63,3 % des personnes migrantes sont séropositives
contre 41,6 % des personnes qui ne sont pas migrantes. 14,1 % des personnes
migrantes étaient séropositives pour l'hépatite C et 4,2 % ignoraient leur
séropositivité. 11,4 % des personnes migrantes ignoraient qu'elles étaient
porteuses du virus de l'hépatite C. L'enquête AIDES & toi indique aussi un
poids plus fort des discriminations. 51,9 % des personnes migrantes avaient
subi une discrimination au cours des deux dernières années, ce chiffre était
de 41,3 % chez les personnes non migrantes. 22,3 % des personnes migrantes
ont été discriminées dans le cadre des soins de santé. Dans cette enquête,
76,6 % des femmes migrantes sont séropositives contre 50,7 % des hommes.
2 % des femmes méconnaissent leur séropositivité contre 4,2 % des hommes.
XXIII
Témoin <<
En Afrique subsaharienne, le recours à la médecine traditionnelle INGEMB G
RE #05
est une pratique courante et ancestrale. 70 % de la population consulte
d'abord un guérisseur en cas de maladie, selon l'Organisation mondiale de la Santé.
Codjo Koumekpo, Togolais et séropositif depuis plusieurs années, dévoile pour Gingembre une
mauvaise facette de cette médecine lorsqu'elle vend à prix d’or une hypothétique guérison.

Codjo Koumekpo :
“1800 euros pour guérir !”
uite à une émission de radio qui vantait les mérites m’a clairement expliqué qu’ils étaient incapables de guérir du

“S d’un herboriste capable de guérir du sida, j’ai décidé


d’aller le consulter avec mon amie qui était également
gravement malade. Lors de notre consultation, cet herboriste
sida ! Heureusement, peu de temps après j’ai rencontré une per-
sonne qui nous a sauvés la vie. Elle nous a indiqués un centre de
prise en charge des personnes touchées par le VIH/sida : Action
nous a certifiés qu’il allait pouvoir nous “libérer” complètement contre le sida (ACS). Après nous avoir accueilli, ACS nous a pres-
de ce virus en trois mois. “Dans trois mois, quand vous irez faire crit gratuitement un traitement anti-VIH.”
votre test, il sera négatif”, m’a-t-il assuré. Les soins qu’il nous pro- Nadège Meurisse
posait avait un coût exorbitant. Pour nous deux, le traitement Illustration Rash Brax
s’élevait à 1 200 000 francs CFA (soit environ 1 800 euros).
A l’époque, je travaillais à la douane, j’avais donc un peu de reve-
nus pour pouvoir payer les soins du guérisseur. Dans un premier
temps, j’ai donc donné 300 000 francs CFA en
échange de bouteilles de “médicaments”.
Nous avons pris ce traitement pendant
deux mois, mais rien ne s’est passé,
notre état de santé ne s’améliorait pas,
voire empirait... Je suis donc allé le
consulter à nouveau, mais selon lui, le
traitement n’était efficace qu’au bout de
six mois de traitement ! Je lui ai donc
donné encore 200 000 francs CFA pour que
nous puissions poursuivre notre traite-
ment. Durant plusieurs semaines, nous
avons bu ces préparations soit disant
miraculeuses jusqu’au jour où épuisés
et à bout de force, j’ai insisté pour
le rencontrer. Le guérisseur
étant absent de son officine,
son collaborateur m’a reçu et

La version intégrale de ce dossier sur le site


du RAAC-sida : www.raac-sida.org
Réseau Afrique 2000
www.reseauafrique2000.org

Raac-sida
www.raac-sida.org
27
Equilibre <<
Les légumes secs sont cultivés dans le monde entier et sont
consommés depuis la préhistoire. Ils ont été, associés aux REMAID
céréales, la base de l'alimentation de l'humanité. Les légumes secs
ES #73
sont très riches en protéines végétales, en fibres, en minéraux et en vitamines
et ne coûtent pas cher. Bien préparés, et mangés en quantité modérée, les
légumes secs sont délicieux et leur digestion ne pose pas de problème.

La faim des haricots


on plus vieux souvenir de cocos blancs ou roses, mungo (soja), cor-

M légumes secs remonte à la can-


tine de l’école primaire où une
grosse femme rougeaude circulait entre
nilles (ou niébés ou doliques), lingots,
flageolets, azukis, Soissons...), les lentilles
(blondes, vertes, roses, corail), les pois Association de bienfaiteurs
les tables en portant un grand plat tenu (pois cassés secs jaunes ou verts, pois Dans le monde végétal, les légumineuses
par un harnais et braillant “qui qu’en veut chiches), les fèves et les lupins. sont les reines des protéines (20 à 35 %).
des péteux ?”, en nous balançant, sans La consommation de légumes secs en Elles en apportent au moins autant que la
ménagement, de grosses louches de Occident était dix fois plus importante il y viande. Mais elles manquent de certains
fayots dans l’assiette... Refroidie, je n’osais a un siècle. Les familles pauvres man- acides aminés, ce qui est compensé si on
plus trop en manger par peur de péter... geaient très peu de viande et beaucoup associe légumes secs et céréales (blé, riz,
Puis je suis devenue un temps végéta- de légumes secs, surnommés “la viande orge, quinoa..) (Voir Remaides N°72). Car
rienne et là, j’ai appris à connaître l’intérêt des pauvres”. Les légumes secs ont mar- les acides aminés essentiels manquant
des légumineuses et les astuces permet- qué les guerres mondiales et sont dans l'un sont présents dans l'autre. L'en-
tant de les digérer plus facilement. associés à la pauvreté, à la restriction et semble donne des protéines “complètes”,
au triage fastidieux des lentilles et des d'aussi bonne qualité que les protéines
La viande des pauvres haricots secs. Aujourd’hui, les légumes d'origine animale, très bien assimilées,
Les légumes secs sont des graines de secs sont encore un élément essentiel de d’où l’intérêt pour les végétariens. Exem-
légumineuses récoltées à maturité et l’alimentation car les 4/5e de la planète y ple : 1,5 tasse de haricots secs + 4 tasses
séchées naturellement. Ils sont répartis en puisent leurs protéines (Amérique du sud, de riz complet = 500 g de steak. L’homme
grandes familles : les Asie, Afrique, etc.). Accu- a toujours associé ces deux aliments dans
haricots (“les fayots” sés à tort de faire son assiette, comme en témoignent les
rouges, noirs, grossir et de “ballon- plats traditionnels du monde entier : le
ner”, ils peinent à revenir couscous (blé dur et pois chiches), la
à la mode en Occident, paëlla (riz et petits pois), le dalh (lentilles
mais une augmentation et nan, un pain plat) le chili (haricots
des ventes de lentilles rouges et maïs), le tamiah égyptien
est notée, lentilles (galettes de fèves et pain), le foul libanais
qu’il n’est plus (salade de fèves et boulgour), le mines-
nécessaire, de trone italien (haricots et pâtes), etc. La
nos jours, de bonne proportion est de deux tiers de
trier pour en retirer céréales pour un tiers de légumineuses.
les cailloux...
28

Bons pour la santé Bons pour l’environnement


Les légumes secs contien- Parmi les plantes cultivées, seules les
nent peu de graisses (1 à 2 % de légumineuses sont capables de fixer
“bons” lipides). Leurs fibres solubles l’azote de l’air. Elles nécessitent donc peu
diminuent le cholestérol sanguin de 10 % d’engrais azotés, elles enrichissent le sol
en moyenne chez les personnes ayant légumes secs et limitent la pollution par les nitrates,
trop de cholestérol (hypercholestérolé- ne font pas même en agriculture conventionnelle non
mie), ainsi que le taux de triglycérides grossir (mais biologique. Les légumineuses sont sans
(graisses dans le sang), en modifiant la les saucisses mises avec, doute les plantes qui reçoivent le moins
quantité de lipides absorbés, leur assimi- oui) et l’Institut français de la Nutrition de traitements chimiques, y compris en
lation, et en ralentissant leur passage recommande qu’au moins deux repas culture intensive, donc, à prendre au
dans le sang, ce qui diminue le risque de hebdomadaires comportent des légumes supermarché sans remords...
pathologies cardio-vasculaires. secs pour une alimentation équilibrée
Ils sont riches en vitamines du groupe B (l’association céréales/légumineuses rem- Astuces de cuisson
(B1, B2, B6 et PP), en minéraux (calcium, plaçant la viande). Leur consommation Certains légumes secs crus contiennent
phosphore, potassium, magnésium et fer) régulière aide à prévenir les maladies des substances rendant leur digestion dif-
et en oligo-éléments (cuivre, manganèse, comme le diabète, le cholestérol, les ficile (saponines, glucosides, acide
zinc). Les fèves et les pois chiches maladies cardio-vasculaires et le cancer phytique contenus dans l’enveloppe),
contiennent autant de calcium que les du côlon. Grâce à leurs qualités nutritives, mais ces substances sont éliminées par le
produits laitiers. Les lentilles ont sept fois ils sont un des piliers de la fameuse diète trio : rinçage, trempage et cuisson longue.
plus de fer que les épinards. Les glucides méditerranéenne (ou régime crétois). Il suffit de les rincer, de les faire tremper
des légumes secs sont absorbés lente- pendant 10 à 12 h, puis de les rincer
ment par l’organisme qui les brûle au fur Bons pour le porte-monnaie encore avant de les cuire et d’écumer la
et à mesure grâce à une libération très La viande représente à peu près 50 % du mousse qui se forme en début de cuisson.
lente du glucose dans le sang. On parle budget alimentaire des Français. Les Le rinçage et l’écumage éliminent les
d’un très bon index glycémique bas. légumes secs permettent de se nourrir saponines et le trempage neutralise en
Contrairement aux idées reçues, les plus sainement et bien moins cher. Les grande partie l’acide phytique. Il est possi-
protéines des légumes secs coûtent cinq ble également de cuire les légumes secs
à six fois moins que celles du camembert après les avoir faits germer (deux jours),
et près de dix fois moins que celles du ce qui détruit l’acide phytique.
steak. Manger moins de viande en la Pour des légumes secs plus tendres,
remplaçant par des légumineuses démarrer la cuisson à l’eau froide (l’eau
destinées justement à l’alimenta- bouillante durcit les peaux) et mettre une
tion du bétail est bon pour pincée de bicarbonate de soude dans
le porte-monnaie et la l’eau de cuisson. Écumer (ou ôter) la
planète ! Les légumes mousse qui se forme dans les premières
secs se conservent long- minutes d’ébullition. Puis cuire à feu doux,
temps en sommeillant à petits bouillons et ne pas saler avant la
dans nos placards. fin de la cuisson (sinon les graines ris-
quent de rester dures). Une cuillerée
d’huile mise à mi-cuisson leur donnera
plus de moelleux.
29

Des herbes et des plantes aromatiques, en soupes, en salades, en galettes, en bei- Marianne et Jacqueline L'Hénaff
peuvent être ajoutées dès que l’eau est gnets, et même en desserts (dans la Photos (recettes) : Marianne L'Hénaff
écumée (ail, badiane, curcuma, gingem- cuisine indienne ou japonaise) et si le trem- Photos et illustrations : Stéphane Blot
bre, paprika, cumin, estragon, sauge, page n’a pas été anticipé, il existe des et Vincent Cammas
sarriette, cerfeuil, fenouil, cardamome, légumes secs déjà cuits (pois chiches, hari-
basilic, coriandre, marjolaine, noix de mus- cots, flageolets, etc.) en boite ou en bocaux
cade, thym, etc.), elles aident à bien et des fèves surgelées déjà décortiquées.
digérer en réduisant la production de gaz
intestinaux. Le temps de cuis-
son des légumineuses varie
de 20 à 60 minutes, à petits
bouillons et à couvert. Un
autocuiseur à pression, per-
met de diviser par deux à trois
ce temps, mais la pression
détruit les vitamines. Prévoir
50 g de légumes secs par per-
sonne, ils feront 150 g de
légumes cuits.

Spécial intestins fragiles


Certains légumes secs, comme
les lentilles, sont faciles à digérer,
sans trempage (ou court, de 2 h) et
après une cuisson assez brève
(20 mn). Les lentilles corail, qui sont
décortiquées (sans peau) ou les pois
cassés sont encore plus faciles à digérer.
Une fois cuits, les pois chiches et les fèves
se déshabillent très facilement, ce qui les
rend beaucoup plus digestes. Il est pos-
sible également de mixer les haricots,
les fèves ou les pois chiches cuits,
ce qui pulvérise les peaux coriaces
à digérer et donne de très bonnes
purées ou soupes. Les purées se
consomment froides (le houmous
est une purée de pois chiches et de
sésame) ou chaudes. Et bien sur, il est
plus facile de digérer une quantité
modérée plutôt qu’une grosse plâtrée...
Les légumes secs se prêtent à une multi-
tude de recettes, en plats, en pâte à
tartiner sur les toasts, en pâtés, en purées,
30

Les 10 commandements
pour une bonne cuisson
et une meilleure digestion

1. Deux fois par semaine, par des légumes Légumes Sec Trempage Cuisson
secs la viande tu remplaceras ;
2. Avec des céréales tu les associeras ; Haricots secs 12 h 1h
3. Avant le trempage, les légumes secs
abondamment tu rinceras ; Lentilles corail 0 10/15 mn
4. Le trempage de 12 h tu respecteras
puis de nouveau tu rinceras ; Lentilles 4h 45 mn (30 mn si
5. La cuisson à l’eau froide tu démarreras ; vertes ou blondes trempage)
6. Des aromates et un peu de bicarbonate
tu ajouteras ; Pois cassés 2 h (facultatif) 30 mn
7. A petits bouillons tu les mijoteras ;
8. Seulement en fin de cuisson tu saleras ; Pois chiches 12 h 1 h 30
9. Les grosses quantités tu éviteras ;
10. Si tendance aux flatulences tu as, Soja vert 12 h 2h
la peau tu enlèveras ou mixeras.
31
Invitez-vous à table !
Des recettes rigolotes et originales pour deux personnes

Végéburgers de pois cassés Cocomole


(bluffant et délicieux) (pour changer du guacamole)
100 g de pois cassés, 1 œuf 400 g de haricots blancs cuits
2 c. à soupe de farine de blé Un gros oignon, 1 gousse d’ail
1 gousse d'ail et/ou oignon haché Ciboulette, persil ou coriandre
1 c. à soupe de noix de coco, 1c. à 1 c. à soupe de sauce soja
café de curry (ou autres épices) 1 c. à café de paprika (ou piment
Pains à hamburgers d’Espelette), 1 c à c de cumin
Faire cuire les pois cassés pendant Sel, poivre
45 minutes. Ajouter la farine, l’ail, le Egoutter les haricots en gardant
curry, l’œuf et la noix de coco. Mélanger. une partie du liquide. Faire revenir
Mouler cette pâte assez épaisse en quatre galettes. l’oignon émincé, l’ail, les épices,
Dans une poêle chaude. Faire dorer à l’huile (3 minutes de chaque côté). ajouter les haricots. Mixer le tout
Garnir les pains réchauffés avec les galettes, ajouter des tranches de tomates, des (ou écrasez à la fourchette), ajou-
feuilles de salade, du fromage, des graines germées et de la sauce à volonté. tez la sauce soja, les fines herbes
Variantes de ces végéburgers tendance indienne : des galettes à base de lentilles, ciselées et si besoin, un peu de li-
de haricots blancs ou rouges, variez les épices et la garniture... quide du bocal de haricots ou 1 c
d’huile. Assaisonner de sel, de poi-
vre. Réfrigérer. A déguster avec
Riz aux lentilles et fruits secs (sucré/salé exotique) du bon pain grillé ou des chips de
125 g de riz, 3 c à soupe de lentilles, 1 oignon haché maïs. (voir photo ci-dessous).
2 c à soupe d’abricots secs en dés et 2 de raisins secs Variante : Le Févamole (même
1 c. à soupe de pistaches ou noix de cajou préparation avec des fèves cuites
Cumin, coriandre, piment, curry, et épluchées), ou remplacer la
Faire revenir le riz, l'oignon et les épices dans un peu d'huile. Ajouter les raisins secs, sauce soja par du Tabasco ou de
les abricots et les lentilles. Rajouter un 1/2 l d’eau et laisser cuire à couvert jusqu’à ab- la moutarde ou une portion de
sorption du liquide (environ 25 minutes). Ajourez les pistaches au moment de servir. fromage fondu.

Casserole de pois chiches aux tomates


(simple, rapide et goûteux)
1 boîte de pois chiches cuits et 1 boîte de tomates pelées
1 gros oignon et 1 gousse d’ail hachée
Basilic, origan, thym…
Faire revenir l'oignon et l’ail. Ajouter pois chiches (ôter la peau
pour mieux les digérer) et tomates. Faire mijoter à feu doux pen-
dant environ 15 minutes. Servir avec du riz ou du sarrasin ou du
blé… Pour un plat complet, rajouter des légumes.
32
>> Dossier Depuis de nombreuses années, le cannabis utilisé comme médicament a
démontré son intérêt. Au Québec, en Suisse et dans d'autres pays, son
usage est reconnu voire soutenu. Ce n'est malheureusement pas le cas
AIDES #73 en France. Quels sont les exemples étrangers ? Quelles sont les
REM demandes des personnes qui utilisent, en marge de la loi, le cannabis thérapeutique ?
Remaides braque la lumière sur des revendications… qui ne demandent qu'à pousser.

Cannabis :
Ça se soigne !
es pétales de corn flakes, du cho- ropathies. Et là, il n'y a pas photo, cela facilité ailleurs et toujours pas en

D colat fondu et un peu de


cannabis préalablement chauffé,
l'ensemble mélangé, des petits tas
vaut tous les anti-douleurs et tout ce
qu'on peut nous donner. J'aimerais bien
qu'en France ce soit comme en
France. Pourtant, nombreuses sont
les personnes qui témoignent
aujourd'hui de l'intérêt que le can-
posés sur une plaque qu'on laisse refroi- Espagne, qu'on puisse créer chez nabis a pour elles sur le plan de la
dir… il n'en faut pas plus pour réaliser nous un Cannabis social club. Un santé. C'est le cas de Dominique,
des Roses des sables au cannabis. Une regroupement de consommateurs qui lui aussi présent à UNIR +. “Pour
gourmandise qui peut aussi avoir un s'associent dans une coopérative pour moi, c'est pour l'appétit, mais
intérêt médical. Car si le cannabis est avoir des herbes de qualité avec une c'est aussi un excellent anxioly-
interdit, il est largement utilisé à des fins teneur en THC régulée qui soit plus ou tique. Plutôt que de prendre
thérapeutiques, légalement dans cer- moins forte selon ses besoins et que ce des pilules, des anti-
tains pays et en marge de la loi dans soit réglementé et donc légal. Il y aurait dépresseurs (je
d'autres. “Je l'utilise essentiellement pas mal d'avantages : on éviterait le prends déjà
pour me donner de l'appétit, mais côté trafic, cela permettrait un contrôle douze
encore faut-il que j'arrive à trouver un de la qualité et ce serait certainement
produit qui me convienne parce que plus économique. Mais pour moi, la prin-
tout ce qui se fume ne donne pas forcé- cipale revendication, ce serait de
ment de l'appétit, explique Pierre, pouvoir en planter à la maison, pour son
séropositif. Certaines herbes particu- propre usage, sans craindre les pro-
lières, récoltées à certains moments blèmes.”
bien précis explosent l'appétit. Elles me Ces revendications, Pierre les a portées
donnent envie de manger tout de suite. avec d'autres lors d'UNIR +, un grand
Parallèlement, cela me permet de sup- rassemblement de personnes séroposi-
porter tout un tas d'effets indésirables tives, qui s'est tenu en janvier 2009 à
notamment mes neu- Biarritz. Cette demande n'est pas
nouvelle, mais elle s'est impo-
sée avec force à cette
occasion, sans doute parce
que les exemples étrangers
montrent qu'un usage théra-
peutique du cannabis est
33
34
cachets par jour), je préfère fumer une tabac. Elle a un peu parlé du cannabis insomnies, explique Dom. Ça m'ouvre l'ap-
herbe de qualité que j'ai choisie et qui me avec le médecin. “Ce n'est pas vraiment pétit quand mon estomac ne veut rien. Ça
va bien. Pour moi, c'est plutôt une colom- leur domaine. Pour mon médecin, ce n'est me relaxe lorsque je suis angoissée. Ça
bienne. Pour d'autres, ce sera une autre pas du médical”, déplore Laurence. atténue mes douleurs musculaires. Je ne
herbe. Les affinités se font entre les herbes Comme d'autres personnes qui en comprends pas pourquoi en France le
et les personnes. Je produis, mais pas suf- auraient pourtant eu besoin, Laurence n'a cannabis thérapeutique n'est pas pro-
fisamment pour ma consommation jamais pu se faire prescrire un médica- posé.” “Fumer avec parcimonie peut
personnelle qui est de 40 à 50 grammes ment comprenant des principes actifs du apporter un certain bien être et contribuer
par mois. Cela fait près de 600 grammes cannabis comme Marinol ou Sativex. Elle à une meilleure qualité de vie lorsqu'on
par an. Moi, je demande à pouvoir être aimerait bien que ces médicaments soient prend une trithérapie. En ce qui me
auto-producteur de façon à avoir ma disponibles en France. Et ce d'autant que concerne, je fonctionne ainsi depuis des
quantité de marijuana pour l'année. le cannabis est bel et bien traité à part. années, explique Meldjaco. Je prends de
Comme ça, il n'y a plus de business, ni de Ainsi, des dérivés des opiacés sont large- petites doses pour stabiliser certains effets
trafic. Je fume principalement, mais il m'ar- ment utilisés, font l'objet de recherches indésirables : nausées, pertes d'appétit,
rive de faire des thés à l'herbe. L'effet est permanentes et sont disponibles comme état dépressif, angoisse, contractions mus-
un peu différent. Lorsque tu fumes, l'effet médicaments à l'hôpital comme dans les culaires. Sous forme de médicament, cela
est assez rapide puis s'estompe au bout pharmacies en ville... Tout ce qui est inter- apporterait un plus à mes poumons, c'est
d'un moment. Et quand tu l'ingères, cela dit concernant le cannabis et ses dérivés. certain. Une chose est sûre : le cannabis a
met plus de temps à monter. Pour moi, Laurence revendique aussi la création des vertus que la raison d'Etat ignore !”.
c'est plus doux comme sensation, mais d'un Cannabis social club et se tient infor- Jean-François Laforgerie
l'effet est plus long. C'est bien pour les mée du mouvement engagé par Encod Illustrations : Yul Studio
personnes qui trouvent que le joint tape (European Coalition for Just and Effective
un peu fort pour elles.” C'est bien aussi Drug Policies), un vaste mouvement de Plus d'infos (en français) sur Encod :
pour celles qui ne fument pas de tabac.” citoyens européens qui défend, jusqu'au http://www.encod.org
“Le cannabis me permet de mieux faire niveau de l'ONU, des “politiques justes et Première ligne, le journal de l'Asso-
passer les médicaments tant au plan phy- efficaces en matière de drogues”. Encod ciation genevoise de réduction des
sique qu'au plan moral”, explique travaille à inclure la “régulation des risques liés aux drogues, a sorti un
Laurence. Elle a participé à UNIR + et sou- drogues” dans l'agenda politique et a numéro spécial (septembre 2009)
tient les revendications qui y ont été contribué à l'émergence de coopératives consacré au cannabis thérapeutique.
portées. Tout comme Dominique, Lau- de consommateurs en Espagne. Plus d'informations sur :
rence consomme près de 50 grammes “Personnellement le cannabis me permet www.premiereligne.ch, rubrique
par mois. Elle fume, mais a abandonné le de dormir la nuit et de lutter contre les “Ressources”, puis “Journal”.

Un usage médical
Le cannabis (comme les cannabinoïdes de synthèse) ont de nom- le cannabis permet d'atténuer les nausées et les vomissements.
breuses applications médicales qui vont du traitement de la Il a surtout montré son efficacité pour lutter contre la perte d'ap-
dépression à celui des angoisses, des troubles psychiques aux pétit ou la maigreur extrême (on parle de cachexie). De façon
maux de tête, du traitement des douleurs et des spasmes mus- générale, le cannabis permet de traiter certains effets indésira-
culaires d'origine neurologique (sclérose en plaque), à certaines bles des traitements et du VIH lui-même (la douleur due aux
maladies respiratoires, etc. Le THC (un des principaux cannabi- neuropathies par exemple). Il est aussi utilisé pour lutter contre
noïdes) est aussi utilisé dans le traitement du glaucome (maladie l'anxiété ou l'insomnie. Lors du traitement de l'hépatite C, il peut
de l'œil). Il a aussi un effet dilatant sur les bronches qui est inté- aider à soulager la "tension cérébrale" due à l'interféron.
ressant dans le traitement de l'asthme. En matière de VIH,
35
Speedoux :
“Cela m'aide à gérer ma maladie”
ai 50 ans. Je suis séropositive quinze ans et le cannabis m'aidait à cannabis thérapeutique. Dix mois après,

“J’ et touchée par l'hépatite C


depuis plus de vingt-cinq ans.
Fumer du cannabis m'aide à avoir un bon
décrocher car après avoir fumé un joint il
faut être cool et en général le monde des
dealers de poudre est craignos. Alors je
j'ai comparu devant un adjoint au juge qui
m'a dit que je devais 500 euros d'amende
et qu'on en parlait plus et que si je n'étais
sommeil et je me sens plus calme et restais tranquille chez moi, je fumais un pas d'accord, ce serait un jugement au tri-
détendue, sinon j'ai recours aux neurolep- joint d'herbe et je prenais des médica- bunal. J'ai accepté. Je n'avais pas le choix
tiques. Cela m'ouvre également l'appétit ments contre le manque. L'année et je préfère que mon casier judiciaire soit
car avec le lourd traitement que je prends dernière, j'ai planté des pieds d'herbe car vierge pour pouvoir trouver du travail.
je n'ai pas trop d'appétit. Avec mes 40 je ne veux pas entretenir le marché des Je pensais pouvoir m'expliquer devant cet
kilos, j'aimerais bien grossir un peu. Le dealers, mais les gendarmes ont débar- homme de loi, j'ai une invalidité à 80 %
cannabis soulage aussi mes douleurs qué chez moi. Je me demande par quel depuis plus de dix ans et fumer du canna-
musculaires. J'ai aussi réussi à supprimer hasard car depuis plus de dix ans je suis bis m'aide un peu à mieux gérer ma
tous les médicaments que je prenais pour intégrée dans mon village et j'ai de maladie, mais il n'a pas pris mon explica-
les effets secondaires de ma trithérapie. bonnes relations de voisinage. J'ai expli- tion en compte.”
Autre chose, j'ai pris de l'héroïne pendant qué aux gendarmes que c'était du Speedoux
36
Barbara Broers est médecin au service de Premiers recours des Hôpitaux universitaires
de Genève. Elle travaille dans le domaine du VIH, des hépatites et des dépendances. Dans
son travail, elle rencontre de nombreux patients qui utilisent le cannabis pour des raisons
médicales. Elle partage son expérience avec les lecteurs de Remaides.

“Oui au cannabis médical


... mais contrôlé et non fumé”
Quel état des lieux faites-vous de l’usage médical ou qu’il ne l’a pas supporté, ou encore que le cannabis l’aide à
du cannabis en Suisse aujourd'hui ? supporter ce traitement. Ce n'est évidemment pas un vrai certifi-
Il y a en Suisse une pratique officielle et une pratique “grise”. cat. Il n'a pas de valeur juridique, mais ce type de lettre peut aider
La pratique officielle, c’est la possibilité de prescrire du THC [un dans certaines situations et permettre une certaine tolérance.
des principes actifs du cannabis] synthétique en demandant une Toutefois, cela dépend des cantons.
autorisation spéciale à l’Office fédéral de la Santé publique
(OFSP). L’OFSP reconnaît au THC quelques indications surtout Est-on convaincu
pour des problèmes neurologiques, des spasmes liés à des sclé- de l’intérêt thérapeutique du cannabis ?
roses en plaques ou d’autres maladies neurologiques, les Non, on ne peut pas le dire. La plupart des études sur les effets
nausées ou vomissements liés à des traitements par chimiothé- thérapeutiques du cannabis ont été faites avec du THC synthé-
rapie ou des traitements anti-VIH. L’accès est assez restreint, tique. Le THC seul, ce n’est pas la même chose que le cannabis.
la procédure est très contrôlée, le médicament est assez cher et On sait maintenant que le cannabis contient au mois soixante
en général pas remboursé par les caisses maladies. Tout médecin cannabinoïdes différents, dont le THC, le cannabidiol (ou CBD) et
peut faire cette demande à l’OFSP, en la motivant. Le médecin d'autres. Le CBD enlève une partie des effets négatifs du THC.
doit donner son avis, dire qui va suivre le patient, qui va payer, etc. Il manque donc d'études avec le “vrai” cannabis qui ne donne-
C’est un accès dérogatoire pour des patients qui ont essayé tout raient sûrement pas les mêmes résultats que les études avec une
autre traitement conventionnel sans succès et chez qui le can- substance isolée. Un autre problème, c'est que nous avons
nabis a un réel effet positif sur les symptômes. Actuellement, essentiellement des études de cas et peu de grandes études
cette prescription concerne peut être cinquante personnes en comparatives [avec un groupe prenant du cannabis et un autre
Suisse. C'est donc très peu. J’espère que le “marché” va s’ouvrir pas]. Nous sommes donc encore à un stade précoce dans la
à d’autres formes de cannabis à usage thérapeutique comme des connaissance de la substance et la recherche n’est pas facilitée
comprimés ou un spray. Bien que la dépénalisation de l'usage du par le caractère illicite du cannabis. En plus, les récepteurs des
cannabis n'ait pas été votée en 2008, la révision de la loi sur les cannabinoïdes chez l'homme ont été découverts récemment,
stupéfiants devrait permettre quelques ouvertures notamment une vingtaine d'années environ. La “mécanique” se découvre
sur l’usage thérapeutique. Les règlements d’application ne sont donc petit à petit. Concernant le cannabis en plante, il faut trou-
pas encore rédigés, nous ne savons donc pas encore jusqu’où ver la meilleure forme d'utilisation. L'usage qui donne une effet
nous pourrons aller. Il y a enfin la pratique “grise”. Même si un rapide et plus ou moins “dosable”, c’est souvent en fumée.
médecin ne peut pas recommander l’usage du cannabis. Offi- En tant que médecin, je ne peux pas promouvoir cette forme de
ciellement, cela peut se comprendre. Mais si cela permet d'avoir consommation. Il reste donc à trouver une forme qui sera la
moins d'effets indésirables qu'un traitement conventionnel, moins toxique possible. La prise orale n’est pas toujours efficace
il peut néanmoins mettre par écrit qu’il a un patient qui prend du et dépend de ce que la personne a mangé avant. En tisane, l’ex-
cannabis parce qu’il a découvert que cela le soulage de tel ou tel traction des substances actives est difficile car il faut des graisses
symptôme, que tout autre traitement n’a pas le même effet, pour les faire sortir, il faut alors faire une tisane avec du beurre.
37

CBD et THC

Le cannabis est une plante qui contient plusieurs


centaines de composants parmi lesquels figurent les
cannabinoïdes. “A ce jour, environ 75 types de can-
nabinoïdes ont été identifiés”1. Ces substances se
répartissent en une dizaine de grands groupes parmi
lesquels figurent le cannabidiol (CBD) et le dronabi-
nol (THC). Ce sont le cannabidiol et le THC qui sem-
blent avoir les plus grandes propriétés pour un usage
thérapeutique.
(1) Cannabis en médecine, éditions Indica.com

Se pose également la question du dosage. Une alternative inté- et des différents récepteurs des cannabinoïdes dans le corps
ressante est le spray, mais son développement est récent et le humain. Dans certaines maladies, ces substances ou les récep-
produit n'est pas encore disponible en Suisse. L’absorption se fait teurs font défaut, mais est-ce une cause ou une conséquence de
par la muqueuse, ce qui n’est probablement pas toxique et on la maladie ? Dernière évolution que je vois : aujourd’hui le can-
peut le doser. De grandes études sont en cours sur ce type de nabis est principalement utilisé pour soulager les symptômes et
produit, mais en cancérologie, surtout aux Etats Unis. Il est impor- non comme traitement curatif. Mais il y a des études dans le
tant de savoir que beaucoup de gens ne tolèrent pas ou tolèrent domaine du cancer et de la sclérose en plaque qui suggèrent que
mal le cannabis. Surtout les personnes âgées qui peuvent pré- le cannabis pourrait avoir un effet thérapeutique curatif.
senter des troubles de la concentration, des modifications de la
perception (choses, temps) jusqu’à des hallucinations. Il serait Alors le cannabis, drogue ou pas drogue ?
donc très difficile de prescrire le cannabis en premier traitement. On peut probablement faire une analogie avec les opiacés.
Les patients que je vois ont découvert par eux-mêmes les béné- La morphine peut être considérée comme un médicament pré-
fices pour eux de l'usage de cannabis en traitement et eux n’ont cieux pour beaucoup de patients, mais elle peut devenir une
pas ces effets indésirables graves. drogue pour d'autres. Pour le cannabis, c'est la même chose. La
différence entre les deux n'est toutefois pas toujours facile à faire.
Sur le plan médical, que peut-on attendre Chez certaines personnes, c'est peut- être les deux choses à la
du cannabis dans l’avenir ? fois et comme médecin, il n'est pas toujours aisé de conseiller au
Des recherches sont conduites, entre autres, dans le cadre des mieux le patient. Quelqu'un qui souffre de douleurs chroniques,
maladies neurologiques ou en oncologie [cancérologie]. Il y a, en qui ne supporte pas la morphine pour cause de nausées et qui
revanche, peu de recherches dans le cadre du VIH à l’exception prend une tisane de cannabis le soir, peut-on vraiment décon-
d’études étrangères notamment sur la perte d’appétit. Aux Pays- seiller cela ? Quelqu’un qui fait des attaques de panique et qui
Bas, l’Etat a développé trois sortes de cannabis avec trois taux est déprimé et qui dit avoir “besoin” de cannabis, j’aurais ten-
différents de THC et de CBD, notamment un avec un taux de THC dance à lui déconseiller. Si on veut avoir un cannabis
faible et un taux de CBD élevé. Ces trois produits ont des indica- “médicament”, il est important d’avoir accès à un produit de qua-
tions médicales différentes. Il se pourrait même qu'on puisse lité stable, contrôlé et utilisable pour certaines indications. Pour
soigner des maladies psychiatriques comme la schizophrénie ceux qui préfèrent avoir leur propre cannabis, alors il faut leur
avec le cannabis. Des études ont montré que le CBD pur avait un permette de l’utiliser sous d’autres formes : spray, teinture,
effet contre les psychoses. Il y a aussi l'avance dans la recherche beurre, tisane, etc. Donc, oui à l’accès au cannabis médical, mais
fondamentale, sur la compréhension du rôle des “encocannabi- contrôlé et non fumé.
noïdes”, les cannabinoïdes que notre corps fabrique lui-même Propos recueillis par Nicolas Charpentier
38
Au Canada, depuis 2001, les personnes vivant avec le VIH peuvent, sous certaines
conditions, se procurer légalement du cannabis à des fins thérapeutiques. Cependant,
l’accès n’est pas des plus faciles et peu de Canadiens en bénéficient.

Canada :
Ce qui est légal ou pas !
onsommer du cannabis à titre thé- membres de ne pas en prescrire. Ainsi, permis, il faut en respecter les conditions

C rapeutique, c’est possible. Encore


faut-il réussir à obtenir une autori-
sation de Santé Canada [ministère
le nombre de médecins québécois colla-
borant au programme est minime. Malheu-
reusement, ce n’est pas demain que le
à la lettre. Toute personne possédant, dis-
tribuant ou produisant du cannabis
au-delà de ces conditions est dans l’illé-
canadien de la Santé] et un stock de can- Collège des médecins obtiendra les galité et s’expose à des poursuites
nabis. Pour obtenir une autorisation, tout preuves voulues. En 2006, le gouverne- pénales ou criminelles. Cependant, les
demandeur doit compléter une série de ment Harper mettait fin à un projet de autorités policières font parfois preuve de
formulaires et choisir son mode d’approvi- recherche scientifique dans l'ensemble du tolérance quant à la possession à des fins
sionnement : il peut obtenir le cannabis du Canada qui étudiait l’effet du cannabis sur thérapeutiques. Il s’agit avant tout d’ex-
gouvernement, cultiver lui-même ses la douleur. D’autres facteurs nuisent à la ceptions liées au jugement personnel,
plants ou se procurer le produit auprès réussite du programme. D’abord, le gou- puisque le mot d’ordre est d’appliquer
d’un fournisseur accrédité autre que le vernement ne fournit qu’un seul type de strictement la loi.
gouvernement. cannabis avec un dosage unique qui n’a Malgré les nombreux avis en faveur de
Le médecin traitant doit lui aussi remplir pas les mêmes effets pour chacun. l’usage du cannabis à des fins thérapeu-
un formulaire et indiquer la posologie Ensuite, les délais d’obtention d’un per- tiques émis par différents tribunaux
recommandée. C’est ici qu’apparaît la pre- mis, mais aussi de livraison du cannabis comme par la Commission des Droits de
mière embûche ! Le Collège des médecins sont très longs. De plus, ce permis doit la personne et des Droits de la jeunesse
du Québec considère que l’efficacité du être renouvelé chaque année. du Québec, le programme fédéral d’accès
cannabis comme thérapie n’a pas été Mais attention, pour posséder de la mari- à la marijuana thérapeutique reste très
prouvée, et recommande donc à ses juana légalement, il ne suffit pas d’avoir un restrictif et son accès limité. C’est peut-
être pourquoi plus de 60 % des personnes
consultées lors d’une enquête menée par

Canada : les chiffres officiels la Société canadienne du sida déclarent

• 4 029 personnes ont une autorisation du programme fédéral d'accès


se procurer leur cannabis par l’entremise

au cannabis à des fins médicales ;


d’amis ou de connaissances.

• 1 977 médecins canadiens prescrivent du cannabis


à des fins thérapeutiques ;
Maude Perras,

• 305 Québécois ont une autorisation et 1 631 Ontariens ;


responsable VIH Info Droits COCQ-SIDA

• 162 médecins québécois participent au programme.

Source : Statistiques du 5 juin 2009, Gouvernement fédéral


39
40
Depuis dix ans déjà, le Centre Compassion de Montréal (CCM) milite et agit en faveur
de l’accès au cannabis pour usage thérapeutique. Marc-Boris Saint-Maurice,
cofondateur du CCM, dresse le bilan de dix années d'engagement.

Faciliter l'accès
au cannabis thérapeutique
Quel bilan dressez-vous Quels services proposez-vous ?
après ces dix ans de La mission du CCM est de fournir de l'information
fonctionnement ? reliée à l'usage thérapeutique du cannabis, de per-
L’ouverture du premier dispen- mettre un accès sécurisé et fiable aux personnes
saire de cannabis médical à souffrant d'une maladie pour laquelle le canna-
Montréal, en octobre 1999, bis s'est montré efficace. C'est aussi de
et le procès qui a suivi fournir des produits variés de très haute qua-
l’arrestation des fondateurs lité pour répondre aux divers besoins des
pour “trafic de drogues” ont membres.
ouvert le débat sur l'usage
du cannabis à des fins Comment
thérapeutiques et poussé le devient-on membre ?
gouvernement à créer le L'adhésion au CCM est réservée aux per-
Règlement sur l'accès à la sonnes qui ont besoin du cannabis pour des raisons
marijuana à des fins médicales. Ce pro- strictement médicales. Vous avez besoin d’une attestation
gramme a été mis sur pied par Santé de diagnostic signée par votre médecin stipulant que vous
Canada [ministère canadien de la Santé] en 2001, mais souffrez d'au moins une des maladies ou symptômes qui
des médecins semblent toujours réticents à ce que peuvent être traités et soulagés avec du cannabis thérapeu-
leurs patients en consomment. Nous déplorons le manque d’ou- tique. Les personnes possédant une autorisation de Santé
verture du Collège des médecins à ce sujet. Par ailleurs, le Canada sont automatiquement acceptées.
programme fédéral comporte plusieurs lacunes, les délais sont
déraisonnables et la variété de cannabis proposée ne convient Quel objectif le CCM vise-t-il ?
qu'à 15 % des personnes. Faciliter l’accès au cannabis médical demeure notre principal
objectif. Le CCM entend faire pression auprès du Collège des
Dans ce contexte, médecins pour le sensibiliser aux bienfaits médicaux de la mari-
quel est aujourd’hui le rôle du Centre ? juana. Sur le front des droits, face à quelques cas de refus de
Le CCM, à l’instar d’autres dispensaires similaires au Canada, soins, d'assurance ou d'hébergement de fumeurs thérapeu-
existe parce qu'il y a trop de gens qui souffrent inutilement. Les tiques, le CCM a obtenu récemment un avis positif de la
clubs et les centres Compassion comblent la zone grise qui sub- Commission des droits de la personne et des droits de la jeu-
siste entre l'acceptation répandue dans notre société concernant nesse. En gros, les droits d'un fumeur thérapeutique ne peuvent
les bienfaits du cannabis médical et l'inaction des divers paliers être brimés parce qu'il consomme une “drogue illégale”. Mais cet
gouvernementaux à fournir ce dont des milliers de Canadiens ont avis n’aurait aucun effet sur des poursuites pénales, d’où la
besoin : une source fiable. Le Centre lutte continuellement afin nécessité de favoriser l’accès légal au cannabis thérapeutique.
d'offrir un service essentiel, bien que controversé, de manière la Propos recueillis par Corinne Parmentier
plus sécuritaire possible. Aujourd’hui, nous comptons un peu plus
de 1 000 membres. Plus d’infos sur : www.clubcompassion.org
41
Le cannabis médical...
en livres
édecin, président de l'Associa- indications. A la fois scien-

M tion allemande pour le cannabis


médical, Franjo Grotenhermen a
réalisé un ouvrage très complet sur le
tifique et pédagogique, cet
ouvrage (certainement le
plus complet disponible en
Cannabis en médecine1. L'ouvrage parti- français) explique de façon
culièrement détaillé est conçu comme un précise les différents modes
“guide pratique des applications médi- d'utilisation du cannabis et
cales du cannabis et du THC”. Après un comment tester et définir le
rappel historique, l'ouvrage explique (plu- dosage dont on peut avoir
tôt clairement) les principes actifs besoin. Bref, cet ouvrage est
thérapeutiques et la façon dont les can- une vraie mine d'infos relati- peut lire Cannabis médical. Du chanvre
nabinoïdes agissent sur l'organisme. Il vement facile d'accès qui s'est indien au THC de synthèse, un ouvrage
traite de l'ensemble des applications manifestement fait un point d'honneur à collectif dirigé par Michka2. C'est vivant,
médicales (très nombreuses) et ne cache citer toutes les études scientifiques réali- documenté et même drôle, mais moins
rien des effets secondaires et des contre- sées à ce jour. Dans un autre genre, on savant que Cannabis en médecine.

(1) Cannabis en médecine. Un guide pratique des applications médicales du cannabis et du THC, par le docteur Franjo Grotenhermen, édi-
tions Indica, 24,90 euros. www.editions-indica.com
(2) Cannabis médical. Du chanvre indien au THC de synthèse, par Michka, Mama éditions, 15,50 euros. Infos sur www.mamaeditions.net

Une histoire de plante


e chanvre (connu sous son nom latin cannabis) est une consommation, des teneurs respectives en THC (ça dynamise) et

L plante largement utilisée, notamment en médecine, depuis


des siècles dont l'usage a été interdit ou fortement régle-
menté au cours du XXe siècle. Ses propriétés sur le physique et le
CBN (ça rend stone) ainsi que de la personne, de son état physique
et psychique, si elle est à jeun, etc. Les effets peuvent durer entre
quelques minutes (lorsqu'on le fume) et quelques heures
psychisme l'ont classé comme drogue. Le cannabis consommé en (lorsqu'on le boit ou le mange). Même si les effets durent en géné-
Europe provient principalement du Maroc (région du Rif). Le can- ral quelques heures, le cannabis reste entre 18 à 24 h dans le sang
nabis peut se présenter sous plusieurs formes : des fleurs et et l'élimination de celui-ci par le corps est particulièrement lente :
feuilles séchées (marijuana), de la résine de cannabis (le haschich) plus d'une semaine pour éliminer la moitié de la dose absorbée.
qui est un produit dérivé de la plante séchée, de l'huile de canna- Les effets psychiques sont très liés à la personnalité de la per-
bis, etc. Le cannabis est généralement consommé avec du tabac sonne qui le consomme. Une accoutumance physique existe,
dans des joints. Mais on peut aussi le manger (gâteaux, sauces, même si elle est moins marquée que pour d'autres produits. Une
crèmes, etc.) ou le boire en infusions (avec du beurre ou du lait). consommation prolongée peut parfois provoquer des troubles du
Ces modes de consommation ne présentent pas les dangers liés sommeil, des rêves. Une dépendance psychique est possible si la
au fait de fumer : goudrons, oxyde de carbone, etc. La fumée de personnalité de la personne qui consomme montre une fragilité à
cannabis contient sept fois plus de goudron et de monoxyde que ce sujet. Aucune surdose due au cannabis n'a encore été enre-
le tabac... La consommation à l'aide d'une pipe à eau augmente gistrée et c'est ce qui contribue le plus à sa réputation de “drogue
très fortement l'absorption de produits toxiques. Les effets du can- douce”.
nabis varient en intensité et en durée, en fonction du mode de Fabien Sordet
42

Penser global, agir local !


ujourd’hui, un nombre grandissant médications actuelles. En Europe, trois plémentaires ou innovantes. Dès mainte-

A de pays reconnaît certaines vertus


thérapeutiques au cannabis. En
effet, chaque année, les connaissances
pays voisins de la France, les Pays Bas,
l’Espagne et l’Allemagne s’ouvrent de plus
en plus à cette utilisation. Dans l’hexa-
nant, des études en France sur les
potentiels du cannabis à des fins théra-
peutiques dans le VIH sont nécessaires,
scientifiques évoluent dans ce domaine. gone, il n’y a pas encore eu de véritable en s’appuyant sur les connaissances exis-
Aux Etats-Unis, une majorité d’états ont débat national, notamment entre les tantes et les témoignages des personnes
ou sont sur le point d’adopter des dispo- autorités de santé, les médecins, les cher- qui ont déjà pu y trouver un bienfait. La
sitions légales permettant cette utilisation, cheurs et les malades. La centaine de recherche scientifique, si elle a des bases
notamment pour les personnes vivant personnes séropositives réunies à UNIR + rationnelles suffisantes et si elle corres-
avec le VIH/sida ou une hépatite. L’intérêt en 2009 a formulé des recommandations pond à un véritable besoin des malades,
thérapeutique concerne notamment la pour mieux vivre avec le VIH, les traite- ne peut être indéfiniment écartée pour
lutte contre les douleurs chroniques, ments et leurs séquelles non compen- des motifs qui n’auraient rien à voir avec
conséquences de la maladie ou des trai- sées à ce jour. L’une d’elle demande une elle. Il est temps d’agir !
tements, peu ou pas soulagées par les meilleure accessibilité aux solutions com- Franck Barbier
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Alternative Verte, association fondée en 2006 à Genève, se consacre à l'étude, à la
culture et à la préparation de certaines plantes à usage médical telles que l'aloe vera,
le thé vert et le cannabis. Membres de l'association, Fabrice, François et Pancho
témoignent de leur engagement dans Alternative Verte.

Alternative Verte,
auto-support et cannabis thérapeutique
Comment cette association a-t-elle vu le jour ? difficile de trouver ce dont j'avais besoin et pas à n’importe quel
Fabrice : Cette association, à but non lucratif, a été créée par des prix ni à n’importe quelle qualité.
personnes qui avaient besoin de se soigner avec du chanvre
[cannabis] et qui avaient des difficultés à trouver leur “médica- Quelle sont vos activités ?
ment”. Il est difficile pour une personne qui a un handicap, Fabrice : Notre action, c’est de présenter nos besoins en disant :
qui n’est pas bien dans sa peau, de passer des heures dans la “Nous souffrons, nous avons déjà essayé des médicaments, nous
rue pour essayer de trouver un dealer et acheter sa petite sommes arrivés au terme de ce que nous pouvions obtenir avec
consommation. En plus, à quel prix et pour quelle qualité ? eux, nous voulons juste pouvoir nous soulager et en prendre un
Des personnes en sont donc arrivées à acheter des plantes dans peu moins.”
les magasins. Alternative Verte a commencé par la production de Pancho : Nous ne consommons pas uniquement le cannabis en
boutures que nous vendions aux membres de l'association. le fumant. Il y a aussi les sprays, les cataplasmes surtout pour la
Le besoin de se regrouper est également venu des persécutions sclérose en plaque, etc. Si on consomme dix pétards par jour,
notamment policières subies par ceux qui cultivaient des plantes même moi, je dis que c’est plus tellement thérapeutique !
pour un usage thérapeutique. Etant personnellement polytrau- Par exemple, le spray, j’ai vu que ça me convenait parce que ça
matisé et utilisant le chanvre dans un but médical, j’ai essayé de passe par les muqueuses, ça ne monte pas comme quand on
motiver tout ce monde à se regrouper pour se défendre. Si cha- fume un joint. Ça me permet de bien manger sans être “à côté”.
cun traite son cas séparément, nous n’arriverons pas à mettre en C’est un complément à ma trithérapie.
avant nos besoins véritables et à les défendre. Notre objectif est Fabrice : Avec notre production de chanvre, nous mettons en
de défendre nos droits et nos intérêts. Nous ne nous attaquons place un système d’entraide. Quelqu’un qui est en rupture avec
pas à la société, nous répondons simplement à une carence, en son environnement a, tout d’un coup, l’occasion de croiser des
disant que nous existons. Nous sommes une cinquantaine de gens qui sont un peu comme lui. Cela donne vraiment une
membres, tous vivants avec une maladie. Nous sommes à volonté de ressortir, de faire d'autres choses, de trouver des moti-
l’Assurance invalidité [Voir Remaides Suisse, n°5]. La moyenne vations jusqu'à parfois arrêter la méthadone pour certains qui
d’âge dépasse les 40 ans. Nous nous trouvons souvent un peu sont en substitution.
plus exclus que les jeunes. Pancho : Il y a beaucoup de membres qui sont désocialisés, qui
vivent cloîtrés chez eux. Le fait de savoir que les jeudis nous nous
Qu'est-ce qui a motivé votre engagement ? rencontrons, c’est aussi une “thérapie” pour chacun. On peut en
François : J’en avais marre de courir après dans la rue. J’ai ainsi parler avec les autres, pouvoir dire : “Voilà ce que j’ai”, mais aussi
pu trouver des plantules [petites plantes] pour faire une petite tout simplement pouvoir faire les gestes tous bêtes de la vie :
production chez moi. Cela m’a libéré du temps et aussi l’esprit. se faire à manger, se motiver pour une sortie.
Du point de vue financier, ça va beaucoup mieux aussi. Propos recueillis par Céline Schaer
Pancho : Pour moi, c'était un moyen d'avoir mon médicament
sans avoir d'ennui. Je ne cherche pas à trafiquer. C’était aussi Plus d'infos sur http://www.alternative-verte.info
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>> Et là-bas ?
ES #73
REMAID

VIH et tuberculose :
un combat commun
En Afrique subsaharienne, la tuberculose est la première cause de mortalité chez les
personnes touchées par le VIH/sida. Cette situation a conduit de nombreuses associations
de lutte contre le sida à prendre aussi en compte la tuberculose. C'est notamment le cas au
Burkina Faso. Militants et responsables associatifs, Assita Kaboré et Adama Kompaore
expliquent comment.

es associations de lutte contre le teurs dans la société à propos de ces Kompaore. Mais il n'en va pas de la même

D sida qui luttent aussi contre la


tuberculose… cela n'a rien de sur-
prenant lorsqu'on sait qu'à l'échelle
deux maladies et beaucoup de gens
préfèrent toujours passer par le tradithé-
rapeute [médecine traditionnelle]. Ces
façon pour le VIH et pour la tuberculose.
“Le traitement de la tuberculose est gra-
tuit, mais celui pour le VIH demeure
mondiale un décès sur quatre dû à la difficultés font que ce sont seulement payant même si le prix a connu une nette
tuberculose est associé au VIH. Et la situa- 39,5 % des malades qui ont besoin de trai- diminution, ces dernières années. Il est
tion s'aggrave, notamment dans plusieurs tement qui ont pu y avoir accès.” Adama ainsi passé de 8 000 francs CFA (plus de
pays en Afrique. Très logiquement, les Kompaore de l'Association African Solida- 10 euros) par mois à 1 500 francs CFA (un
associations n'ont pas eu d'autres choix rité (AAS) confirme : “C'est la même peu plus de 2 euros) à partir de 2007”, rap-
que de s'engager dans ce combat contre situation que pour le VIH. Les problèmes pelle Assita Kaboré. Une somme qui reste
ce qui est désormais la première maladie sont le nomadisme, l'éloignement des très importante dans un pays où le revenu
opportuniste et la plus mortelle si elle domiciles des personnes, la stigmatisation moyen mensuel est de 26 euros. En
n'est pas traitée. Un combat qui n'est pas et surtout l'insuffisance de moyens finan- matière de prévention, les moyens finan-
des plus simples. “Les difficultés sont ciers et logistiques.” ciers demeurent insuffisants.
nombreuses, surtout d'accès aux services “Au Burkina Faso, il y a des traitements Alors que peuvent faire les associations ?
de santé, explique Assita Kaboré de l'as- pour soigner les personnes touchées “Notre association développe un pro-
sociation ALAVI implantée depuis 1995 par la tuberculose”, indique Adama gramme de prévention et de prise en
dans la capitale, Ouagadougou. Il y a l'éloi-
gnement géographique. Beaucoup de
personnes ont des difficultés pour se ren- Qui est concerné ?
dre là où se trouve le centre de prise en L'Organisation mondiale de la santé estime que plus de 9 millions de personnes
charge. Le manque d'argent joue aussi : le ont été touchées par la tuberculose rien qu'en 2007. 31 % de ces personnes vivent
coût des examens biologiques est élevé. en Afrique. Le Nigeria, par exemple, comptait, à lui seul, 460 000 personnes tou-
Le crachat BAAR [un examen pour détec- chées. 1,37 million de personnes étaient aussi séropositives au VIH et 80 % d'en-
ter si l'on est touché] et le traitement pour tre elles vivaient sur le continent africain. “La situation en Afrique est alarmante car
la tuberculose sont gratuits, mais les per- certains pays connaissent une recrudescence des cas de tuberculose. En général,
sonnes n’arrivent pas à payer les ce sont les habitants des quartiers pauvres des villes et des campagnes qui sont
examens tels que la radio pulmonaire, la les plus touchés. Les pays principalement concernés par la tuberculose et la co-
culture des bacilles ou encore le comp- infection avec le VIH sont le Congo, le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Mozam-
tage des T4 ou la mesure de la charge bique, la Zambie, la Sierra Leone, l’Afrique du Sud…”, précise Adama Kompaore.
virale pour le VIH. Il y a enfin des pesan-
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charge à la fois médicale, sociale et psy- contribuer à l'amélioration de la prise en cements sur la question de la co-infection.
chologique de la co-infection tuberculose charge par rapport à celle développée par D'autres concernent une plus large diffu-
et VIH, indique Assita Kaboré. Concrète- des structures plus classiques. Mais pour sion des informations sur la tuberculose
ment, l'association ALAVI fait la promotion indispensable qu'elle soit, la mobilisation en langue française, l’implication effective
du dépistage, sensibilise les personnes sur nationale n'est aujourd'hui plus suffisante. des personnes touchées à tous les
la co-infection, oriente les personnes tou- C'est ainsi que plusieurs associations niveaux des instances nationales et inter-
chées vers les centres de prise en charge dans plusieurs pays ont eu l'idée de créer nationales de la lutte contre la tuberculose
spécialisés. Elle accompagne aussi les le Forum francophone contre la tubercu- et l’accès à de nouveaux médicaments
personnes co-infectées pour une meil- lose et la co-infection Tuberculose/VIH.“ efficaces et gratuits. Ce dernier point est
leure observance aux traitements. Nous Le Forum francophone a été créé pour jugé primordial. En effet, en 2007, on esti-
avons même des activités de formation combler un vide. Nos associations mait que plus de 500 000 personnes
auprès d'autres associations.” “Nous inter- n’avaient pas de cadre de concertation étaient touchées par une forme de tuber-
venons plus en province que dans les commun pour accompagner les politiques culose résistante aux traitements actuels
grandes villes où l’information circule de prévention, partager les meilleures pra- et, de ce fait, très difficilement soignable.
mieux qu’en province”, précise, de son tiques notamment sur la prise en charge Le Forum francophone a d'ailleurs parti-
côté, Adama Kompaore. communautaire de cette maladie”, pré- cipé à la conférence Stop TB Partnership
Les associations burkinabé ont rapide- cise Adama Kompaore, qui en est aussi un Forum (“Stop la tuberculose”) à Rio de
ment compris que ce qu'elles faisaient en de ses responsables. Le Forum est à la fois Janeiro en mars dernier pour y porter ces
matière de VIH en mobilisant les commu- un cadre institutionnel, mais surtout une revendications.
nautés de personnes séropositives était chambre d'amplification des revendica- Jean-François Laforgerie
transposable à la lutte contre la tubercu- tions. Et ces dernières ne manquent pas. Illustration : Yul studio
lose. C'était même un sérieux atout pour L'une porte sur l'augmentation des finan-
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>> Chronique
ES #73
REMAID

L’auras, l’auras pas ?


Attention, un virus peut en cacher un autre...

t il faudra certainement vous vacciner contre LA ou S’infecter (donc s’immuniser) avec le virus à un moment où celui-

“E LES grippes, bien sûr... à moins que vous l’attrapiez


maintenant, ha ha, ce qui résoudrait le problème !”
“Ha ha, en effet, ce serait une bonne chose de faite !”
ci ne semble pas (encore ?) dangereux. Oui, on tombe malade,
mais pas grave hein, sinon on ferait pas ! Simplissime et irres-
ponsable, car on participe à la dissémination du virus en
Voilà le dernier dialogue entre mon médecin et moi lorsqu’il me s’infectant d’abord soi-même et aussi à coup sûr une partie de
raccompagne au sortir de la consultation et que nous nous ser- son entourage. Une contamination volontaire pour une “vaccina-
rons vigoureusement la main. Tout va bien, le bilan est bon, je suis tion” dite “naturelle” ?
contente et lui aussi. Légère, je marche dans les rues de cette fin Au 18e siècle déjà, il y avait un peu cette démarche (le terme de
d’été, la vie est belle. Je pense à ses derniers propos, dits sur le “vaccination” n’existait pas encore) en bien plus hardos, genre
ton de la plaisanterie. C’est rigolo, cette idée, attraper la grippe roulette russe car ça passait (souvent) ou ça cassait (souvent
aux beaux jours, maintenant qu’elle n’a pas l’air trop méchante aussi) : on inoculait la variole (avec du pus pris sur les pustules
et que je suis en forme, pas bête du tout, séduisante même... d’un enfant du peuple infecté mais pas trop gravement) vers l’âge
Mais pas de voyage en vue, j’ai déjà pris mes vacances, alors de 10 ans aux enfants biens nés mais qui n’avaient pas attrapé la
c’est pas pour moi me dis-je et je n’y pense plus. Quelques jours “petite vérole” en bas âge, ce qui les aurait immunisés, et dont la
après, au boulot, c’est la fin de la semaine et nous échangeons survie avait suffisamment d’importance pour prendre ce risque
les rituels “bon-week-end-à-lundi” quand un collègue lance, bien réel. Geste médical considéré alors comme progressiste et
goguenard : “Et est-ce que quelqu’un va à une flu-party ?” Une pratiqué par les chirurgiens (médecins de l’époque) dans les
partie de flou, c’est quoi ça, un jeu ? On m’explique. Les “swine- hautes sphères de la société, jusqu’à la famille royale. Méfions-
flu-parties” ou “fêtes de la grippe porcine”, c’est le dernier nous de ce qu’on vénère comme “naturel”, terme hélas
truc en vogue chez les Anglo-saxons, sur le modèle des devenu fourre-tout et porte ouverte à bien des dérives
“chickenpox-parties” (ou fêtes de la varicelle) prati- monstrueuses et intégristes ! Je repense aux mots
quées avant le vaccin (ou après par les de mon médecin, dits en l’air comme ça, mais
anti-vaccins) par des parents désireux de se de là à organiser la chose et de cette façon...
débarrasser de cette maladie chez leur progé- malaise ! Internet, les médias se relayent, s’em-
niture. Un gamin a la varicelle ? Aubaine, vite ballent, en deux jours on ne parle plus que de ça.
un goûter d’enfants, on y mêle contagieux et Même les très sérieux centres des maladies amé-
bien portants, et si ça marche comme ricains, les CDC, communiquent dessus, pour
escompté, hop tout le monde est malade en essayer d’enrayer cette fausse bonne idée. Et puis
même temps, c’est fait et on n'en parle soudain pffuiit la baudruche se dégonfle, ce serait
plus ! Là, même principe : on se réu- un canular, une information non vérifiée par-
nit à plusieurs autour d’une ou tie en vrille dans les voraces médias tous
plusieurs personnes déjà infectées confondus tous coupables même les plus
par le virus A (H1N1) donc conta- réputés ! Ah. Bon. Et on fait quoi mainte-
gieuses, on fait la fête, l’élu tousse sur nant ? On réfléchit. Il semblerait que
tout le monde, on boit tous dans son l’imprévisible soit devenu inconcevable dans
verre et qu’est-ce qu’on rigole. Le but ? notre monde occidental si cartésien, où tout
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VIH strip (par Rash Brax)

est catégorié-ciblé-planifié-formaté-sécurisé-assuré contre tout “Lis !” C‘est bien un test VIH, mais c’est écrit “négatif”, je ne com-
et n’importe quoi. Une petite case pour chaque chose et si ça prends pas et le montre. Alors il explose : Oui c’est négatif ! Et c’est
dépasse, bonjour l’affolement, on est perdu ! dramatique ! Car il va être expulsé ! Et son pays, c’est l’Algérie ! Et
Toute contamination volontaire résulte d’une grande détresse, si il y retourne il va être tué ! Car il est travesti ! Et il se prostitue ! Et
d’un désespoir sans fond. Nos pauvres soldats poilus de 14-18 en Algérie les gens comme lui n’ont pas le droit d’exister, on les tue.
avaient organisé un trafic de pansements souillés par la gangrène Il me raconte qu’il fait tout, mais alors TOUT pour se faire contami-
pour s’auto-infecter, tablant sur l’amputation quasi-certaine donc ner, et qu’il n’y arrive pas, que le test est toujours négatif... et qu’il
la réforme, car tout sauf l’horreur des tranchées, même si des chi- est désespéré. Pour lui, VIH = vie, car titre de séjour pour soins en
rurgiens militaires soupçonneux et zélés pouvaient les confondre France. Accablée, je me suis dit que le monde marchait sur la tête.
et les envoyer en plus au peloton d’exécution, fusillés comme Et la grippe dans tout ça ? Ah oui. Ben on verra. Si on est vaccinés
déserteurs. Il paraît que cela se répète dans toutes les guerres. ou non. Si c’est la pandémie-cata ou pas. Un grand médecin
On comprend. Plus près de nous, au tout début de l’épidémie de visionnaire avait prédit au siècle dernier : “Le 21e siècle sera le siè-
VIH : Cuba avait décidé de parquer les malades (je rappelle qu’il cle des virus.” On en sait quelque chose, non ? Mondialisation des
n’y avait AUCUN traitement) dans des sortes de “sidatoriums” échanges multiples et toujours plus rapides, réchauffement cli-
fermés, pensant ainsi limiter le désastre. Les pensionnaires y matique bousculant les fragiles équilibres de notre planète et j’en
seraient nourris en plus d’y être logés, détail immense ! Combien passe, cela fait des niches pour toutes ces petites bêtes. Va-t-il
de jeunes Cubains affamés se sont alors contaminés volontaire- falloir apprendre à vivre avec ? Nous on le fait déjà, avec notre
ment, appâtés par le gîte et surtout le couvert, se disant dans leur virus CONTAMINANT alors que celui de la grippe est CONTA-
naïf désespoir, car ils survivaient au jour le jour, que le temps que GIEUX, grande différence. A fortiori quand il s’agit de contagion,
le remède/vaccin soit trouvé ils auraient mangé à leur faim ? on ne peut rester à l’échelle individuelle, on pense collectif. Attra-
Et cette histoire, il y a une douzaine d’années, que je n’oublierai per le virus de la grippe A volontairement, c’est accélérer et
jamais : à l’accueil d’une association, un jeune homme très mince, augmenter la dynamique d’expansion de la maladie, et faire pren-
très fatigué vient chercher son courrier domicilié, ouvre et parcourt dre des risques à son entourage. Se protéger (une fois malade ou
une lettre, et se met à pleurer. M’approchant, je reconnais sur pas), c’est protéger aussi les autres, proches, voisins, vulnérables
l’enveloppe le nom d’un labo que nous connaissons tous. Aïe, une ou non. A quelle sauce grippale serons-nous assaisonnés ?
contamination ? Je peine à le comprendre, il est secoué de sanglots Quand ces lignes seront lues, on le saura.”
et parle mal français. Je commence à sortir mon artillerie de mots Maripic
qui se veulent consolants. Il m’interrompt, me tend le papier : Illustration : Jacqueline L'Hénaff
à lire dans les autres Remaides !

Remaides Suisse
Dossier : Assurance invalidité : Blabla et mode d’emploi !

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Gingembre,
le journal du RAAC-sida
Le jour où on m'a dit...

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Remaides Québec
Immigration et VIH, points de vue d'experts et témoignages

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Prochain numéro de Remaides : mars 2010

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