21.11.9 Rapport Endometriose
21.11.9 Rapport Endometriose
21.11.9 Rapport Endometriose
L’endométriose pelvienne
Maladie préoccupante des femmes jeunes
Auteurs :
CREPIN G. 1,2, RUBOD C.2,3
1
Académie Nationale de Médecine
2
Université Lille Nord de France, Faculté de Médecine, F-59000 Lille, France
3
CHU Lille, Service de Chirurgie Gynécologique, F-59000 Lille, France
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cette question.
Personnalités auditionnées
Résumé :
Depuis près de deux décennies, l'endométriose est devenue pour l'ensemble du corps
médical et plus particulièrement pour les gynécologues-obstétriciens, une pathologie
féminine préoccupante. Son pic d’incidence chez les jeunes femmes, son impact sur la fertilité
et la grossesse, la sexualité, la vie conjugale, familiale ou professionnelle dépassent largement
le cadre de la santé et concerne toute la société dans toutes ses composantes.
Maladie oestrogéno-dépendante, elle puise, en l'état actuel de nos connaissances et de
nos moyens, l'essentiel du traitement médical dans l'association d’antalgiques de palier I ou II
(parfois III avec une surveillance spécifique) et de traitements hormonaux anti-estrogènes
parfaitement identifiés pour leur efficacité mais non adaptés à un souhait de procréation. Des
stratégies de traitement de la douleur chronique axées sur l'amélioration de la qualité de vie, en
particulier celles intégrant des prises en charge spécifiques en centre de la douleur, traitements
comportementaux et physiques, sont privilégiées. Le recours à la chirurgie, orienté vers les cas
complexes non résolus par les traitements médicaux ou liés aux récidives ou désir de grossesse,
s'effectue selon un protocole multidisciplinaire (gynécologique, digestif, urologique ...)
dans lequel l'objectif est d'éradiquer la totalité des lésions sans pour autant altérer le potentiel
de fertilité de ces patientes souvent nullipares et donc en privilégiant les voies mini-invasives
et les techniques conservatrices pour limiter les complications et séquelles.
Les enjeux actuels, outre cette spécificité de la fertilité, concernent particulièrement
l’accessibilité aux soins et la qualité de ceux-ci. Celles-ci vont de pair avec l'instauration d'un
parcours de soins labellisé, la création de Centres Spécialisés, en mesure d'offrir toutes les
solutions thérapeutiques adaptées validées ou innovantes, un suivi qualifié, et une stratégie
déterminée dans la formation et la recherche fondamentale et clinique.
La nécessité de connaitre l'incidence précise de la maladie dans l'ensemble de la
population, de réunir toutes les conditions pour un diagnostic précoce (trop tardif à l'heure
actuelle), d'assurer un suivi rigoureux à long terme ne peut trouver de réponse que dans une
prise de conscience à tous les échelons de responsabilité locale, régionale et nationale.
Ce sont toutes ces questions que soulève ce rapport, et les réponses que propose l'Académie
Nationale de Médecine dans ses recommandations.
Mots clés :
Summary :
For almost two decades, endometriosis has become a worrying female pathology for the
medical profession as a whole, and more particularly for gynaecologists and obstetricians. Its
peak incidence in young women, its impact on fertility and pregnancy, sexuality, marital, family
or professional life goes far beyond the health field and concerns all of society in all its aspects.
As an estrogen-dependent disease, it draws, in the current state of our knowledge and
means, the main part of the medical treatment from the association of level I or II analgesics
(sometimes III with specific monitoring) and anti-estrogen hormonal drugs that are perfectly
identified for their efficiency but are not adapted to a desired procreation. Chronic pain
treatment strategies focused on improving quality of life, in particular those combining specific
patient care in pain centers, behavioral and physical treatments, are preferred. Resort to surgery,
reserved for complex cases that are not solved by medical treatments or coming from relapses
or a desired pregnancy, is implemented according to a multidisciplinary protocol
(gynaecological, digestive, urological, etc.) in which the goal is to eradicate all lesions without
altering fertility in these patients, who are often nulliparous, and therefore by preferring
minimally invasive and conservative techniques to restrict complications and sequelae.
The current issues, besides the specific problem of fertility, particularly consist of the
access to care and its quality. They go hand in hand with the creation of an approved healthcare
circuit and of specialized centers, able to offer all the adequate therapeutical solutions, approved
or innovative, a qualified follow-up and a determined strategy in terms of training, fundamental
and clinical research.
The necessity to assess the precise incidence of this illness among the whole population,
to provide all the conditions for an early diagnosis (far too much delayed nowadays) and for a
thorough follow-up on a long-term basis can only find an adequate response in a wake-up call
at all the levels of responsibility, be it local, regional or national.
These are all the questions raised by this report, and these are all the answers given by the
French National Academy of Medicine in its recommendations.
Key words :
1. Définition et symptomatologie
Il est établi que le diagnostic d’endométriose pelvienne repose désormais sur un faisceau
d’arguments cliniques et paracliniques fournis par l’imagerie. Lorsque l’imagerie objective une
endométriose sur des éléments caractéristiques et spécifiques, la réalisation d’une cœlioscopie
dans le seul but de confirmer le diagnostic n’est plus recommandée [4]. La preuve histologique
n’est donc plus nécessaire à la mise en place d’un traitement médical ou à la décision de prise
en charge chirurgicale. Les deux techniques d’imagerie principales afin d’objectiver des
atteintes endométriosiques sont l’échographie et l’IRM pelvienne.
2. Traitements
Les endométriomes sont présents chez 17 à 44% des femmes atteintes d'endométriose
[12] mais l’endométriome isolé reste quant à lui exceptionnel (1%) [13]. Ainsi, la prise en
charge d’un endométriome se fait le plus souvent dans le même temps que la cure chirurgicale
complète d’une endométriose pelvienne profonde. L’endométriome a la particularité d’altérer
la réserve ovarienne [14,15] avec un impact proportionnel à sa taille. Par ailleurs, la chirurgie
de l’ovaire altère elle aussi la fonction ovarienne [16]. Les indications opératoires doivent donc
être discutées et la technique chirurgicale parfaitement maitrisée afin de préserver le maximum
de stroma ovarien. Bien que la kystectomie par voie coeliscopique reste recommandée en
première intention, les alternatives (sclérotherapie, techniques ablatives ...) doivent être
envisagées en fonction du contexte [16]. Un bilan de réserve ovarienne est recommandé en pré-
opératoire et la préservation ovocytaire peut être proposée [16,17].
L’adénomyose nécessite une prise en charge spécifique mais qui n’est pas standardisée
[18]. Schématiquement, la stratégie thérapeutique dépendra du désir de procréer. En l’absence
du désir de grossesse et après échec des traitements médicaux (dispositifs intra-utérins au
lévonorgestrel en première intention ou prescription de dienogest), on peut proposer une
destruction de l’endomètre par radiofréquence lorsque les saignements sont le symptôme
dominant. En cas d’atteinte diffuse avec douleurs prédominantes, l’hystérectomie peut être
proposée. En cas de désir de grossesse ou d’infertilité, un traitement par hystéroscopie ou
coelioscopie pourra être proposé pour traiter les adénomyomes ou adénomyose focale. Un
recours à l’AMP peut être indiqué éventuellement précédé par un traitement par agoniste de la
GnRH avec add back thérapie. En cas d’adénomyose diffuse résistante à tout traitement, il peut
se discuter d’une métrectomie. Une préservation ovocytaire ou embryonnaire pourra précéder
cette chirurgie afin de laisser le temps nécessaire à la cicatrisation utérine avant d’envisager
une grossesse.
Dans la population des femmes infertiles, la part de l’endométriose est difficile à évaluer
et varie de 20 à 68 % selon les études [19]. Le taux cumulé de naissances vivantes chez les
patientes infertiles non traitées avec une endométriose modérée ou sévère serait de moins de
10%. La prise en charge de l’infertilité liée à la maladie endométriosique fait donc l’objet de
multiples publications et de nombreuses controverses. Pour aider à la décision, un score de
prédiction de grossesse spontanée post chirurgie a été établi par Adamson en 2010 (score
Endometriosis Fertility Index) [20]. Chez des femmes jeunes, en cas d’endométriose
superficielle ou modérée, avec perméabilité tubaire conservée, en l’absence de facteurs
masculins défavorables ou de réserve ovarienne altérée, 2 à 3 cycles de stimulation ovarienne
par gonadotrophines peuvent être proposés, éventuellement associés à des inséminations intra-
utérines. En dehors de ces situations, ou en cas d’échec, le recours à la FIV ou à la chirurgie
des lésions d’endométriose (en épargnant au maximum la réserve ovarienne), doivent être
envisagés. La prise en charge de ces patientes associant endométriose et infertilité n’est pas
univoque. Elle doit être réfléchie et élaborée dans le temps, avec la patiente et/ou le couple, et
combinée avec les traitements symptomatiques. Ces cas sont discutés en réunion de
concertation pluridisciplinaire (RCP).
Au total, en tenant compte de l’ensemble des sphères qui peuvent être impactées, la
prise en charge doit être multidisciplinaire. Si des arbres décisionnels tendent à se dessiner avec
l’expérience et les données bibliographiques, certaines situations n’ont pas de réponse
standardisée et en particulier : l’adénomyose floride de la femme en âge de procréer, les
volumineux endométriomes et l’EPP multifocale associée à une infertilité. La prise en charge
doit être envisagée au cas par cas et dans les situations complexes discutée en Réunion de
Concertation Pluridisciplinaire (RCP) dans des centres de recours. Selon le contexte, elle peut
aussi être associée à un accompagnement psychologique, sexologique ou faire appel aux
méthodes holistiques. La médecine alternative reposant sur les axes rééducatifs (kinésithérapie,
gymnastique douce…), psychothérapeutiques et psychocorporels (hypnose, relaxation,
thérapies cognitivo-comportementales…) pourraient favoriser une réadaptation progressive à
l’effort, une réappropriation du schéma corporel et améliorer la qualité de vie. Ces différentes
thérapies n’ont toutefois pas toujours fait l’objet d’une évaluation spécifique dans cette
indication et doivent donc être proposées dans le cadre d’une approche interdisciplinaire. Le
soutien et l’écoute de l’entourage ou des membres des associations de patientes est une aide
précieuse à ne pas sous-estimer.
Pour autant, certaines attitudes restent à éviter. Le dépistage de masse et en population
à risque reste inutile ainsi que le traitement systématique des formes asymptomatiques. De
même la coelioscopie diagnostique n’est pas indispensable au diagnostic, un faisceau
d’arguments cliniques et/ou iconographiques suffit. L’information reste essentielle dans tous
les cas pour obtenir et garantir l’adhésion des patientes à une prise en charge graduelle ainsi
qu’à une surveillance maitrisée et adaptée sans examens itératifs invasifs non productifs.
Même s’il n’y a pas de place pour un dépistage en population et chez les patientes à
risque [4], un diagnostic plus précoce de l’endométriose pourrait efficacement améliorer la prise
en charge des patientes. En effet, le délai entre l’apparition des symptômes et un diagnostic
confirmé est en moyenne de 6 ans ou plus [29]. Ce diagnostic précoce permettrait la mise en
place d’un traitement adapté et proportionné à la situation et pourrait permettre d’anticiper ou
éviter les problèmes de l’infertilité, les impacts de la douleur et les conséquences sociales et
professionnelles. Inversement, sous effet de mode ou de facilité, on se trouve confronté à des
sur-diagnostics de cette maladie et des séries d’examens inutiles. Toutes les dysménorrhées ou
douleurs pelviennes chroniques ne sont pas liées à l’endométriose. Sensibiliser les femmes et
les professionnels de santé aux symptômes évocateurs de cette pathologie devrait améliorer le
parcours de soins de ces patientes.
Toutefois, les tableaux cliniques et morphologiques variés, parfois les discordances
anatomo-cliniques, le caractère fonctionnel de cette pathologie et sa chronicité font toute la
difficulté de la prise en charge. L’approche thérapeutique doit rester conservatrice et guidée par
les symptômes. Même s’il ne faut pas hésiter à opérer les patientes symptomatiques qui
présentent des lésions d’endométriose profonde sans atteinte digestive ou urinaire car les
risques de complication sont faibles et les bénéfices cliniques démontrés pour ces patientes
[30]. Qu’en est-il de la balance bénéfice risque des patientes présentant des atteintes digestives
plus ou moins associées à une infertilité ? De plus, si une indication chirurgicale est posée, elle
exige une compétence particulière pour assurer l’exérèse complète des lésions et diminuer ainsi
les risques de récidives et de complications avec la préoccupation permanente de préserver la
fonctionnalité des organes et les potentiels de fertilité. Une prise en charge optimale et
programmée ne pourra s’envisager ou se réaliser que dans le cadre d’une équipe
multidisciplinaire formée et expérimentée.
L’exigence des compétences de soins et d’amélioration des délais de diagnostic passe
donc par l’enseignement. Un retard considérable existait : la question de l’endométriose n’a été
inscrite au programme des études médicales du deuxième cycle que depuis 2020 en France !
Au-delà de la formation initiale, l’enseignement doit également toucher tous les acteurs de la
santé de la femme et dépasser largement le cadre de la gynécologie : infirmière scolaire,
médecin traitant, radiologue, sage-femme, obstétricien, urologue, chirurgien digestif, médecin
de la douleur, psychiatre ….. Certaines entreprises locales (formation dédiée, workshop) ou
nationales (création du Diplôme Inter-Universitatire d’endométriose en 2019) sont efficientes.
Une démarche volontaire des universités devrait soutenir, favoriser et encourager cet
enseignement.
2.3 La Recherche
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L’endométriose est devenue au cours de ces dernières décennies une pathologie, non
seulement préoccupante parce qu’elle touche les femmes jeunes en âge de procréer, mais aussi
en raison de sa prévalence.
Son retentissement sur le plan personnel, physique et psychologique, mais aussi conjugal,
familial ou professionnel impose de réels progrès pour aboutir à un diagnostic plus précoce et
une prise en charge radicalement adaptée. Un suivi au long cours doit accompagner ces
patientes fragilisées.
Cela suppose une implication rigoureuse de tous les professionnels de santé concernés
par cette affection, une organisation spécialisée du parcours de soins, une conception spécifique
de filières de soin joignant efficacité et compétences de haut niveau et un effort significatif dans
le domaine de la formation et la recherche.
Il est donc impératif de susciter une prise de conscience forte à tous les échelons de
responsabilité médicale, éducative et sociale et de mettre en place des structures en mesure
d’harmoniser les prises en charge multidisciplinaire, de coordonner les actions médico-sociales
et de centraliser toutes les informations au niveau régional et national. Leur objectif doit être
de faciliter et d’améliorer dans le temps le diagnostic de cette maladie, et permettre, en
particulier, une information plus précoce des femmes concernées sur les risques liés à cette
maladie, pour proposer rapidement des traitements adaptés et des actions de préservation de
fertilité si nécessaire
Ce sont les objectifs auxquels s’est attachée l’Académie Nationale de Médecine dans
ses recommandations
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4 . A l’échelon national
➢ Création d’un observatoire National de Recherche sur l’Endométriose pour développer
et soutenir la recherche fondamentale, clinique et économique
➢ Création d’un Registre National de l’Endométriose afin de mieux connaitre
l’épidémiologie et les mécanismes de cette pathologie à expression multiple et
améliorer les pratiques médicales
➢ Établir un label spécifique pour les Centres Régionaux de Référence en fixant des
objectifs d’activité et de suivi
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