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Livret 199

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Les Amis

des Monastères
N ° 1 9 9 - J U I L L E T- A O Û T- S E P T E M B R E 2 0 1 9 - 7 €

Moines et moniales artistes et créateurs


Sentir et goûter la Création
La Fondation des Monastères
reconnue d’utilité publique (J.O. du 25 août 1974)

Son but Sa revue


– Subvenir aux besoins des communautés Publication trimestrielle présentant :
religieuses, contemplatives notamment, – un éditorial de culture ou de spiritualité ;
en leur apportant un concours financier – des études sur les ordres et les
et des conseils d’ordre administratif, communautés monastiques ;
juridique, fiscal. – des chroniques fiscales et juridiques ;
– Contribuer à la conservation du patri- – des annonces, recensions, échos.
moine religieux, culturel, artistique des
monastères.

Ses moyens d’action POUR TOUS RENSEIGNEMENTS

– Recueillir pour les communautés tous dons, Fondation des Monastères


conformément à la législation fiscale sur 14 rue Brunel
les réductions d’impôts et les déductions 75017 Paris
de charges. Tél. 01 45 31 02 02
– Recueillir donations et legs, en fran- Fax 01 45 31 02 10
chise des droits de succession (art. 795-4
Courriel : fdm@fondationdesmonasteres.org
du code général des impôts). www.fondationdesmonasteres.org

En couverture Les Amis des Monastères


Huiles essentielles, ISSN : 1250-5188
photo de Marina Pershina, Dépôt légal : N° 18.385 - Novembre 2019
Pixabay Directeur de la publication : Dom Guillaume Jedrzejczak
Rédacteur en Chef : Pierre Avignon
Rédaction tél. 01 45 31 62 85
com@fondationdesmonasteres.org
Mise en page et impression :
Produits de beauté du jardin
Les Amis des Monastères
Revue trimestrielle

S
le
aviez-vous que nos anciens, établis le long des
SOMMAIRE - N°199 – Juillet - Août - Septembre 2019
côtes maritimes ou à leur proximité, épandaient
goémon
Moines et dans leur jardin
moniales artistes pour et le fertiliser ?- Alliant
créateurs Sentir et goûter la Création
le
Lesprogrès
jardiniersde laCréation................................................................................................................................
de la technique et ce savoir-faire ancestral, 2
des engrais et produits d’hygiène
Le jardin des simples de Bois Salair
foliaire, véritables
concentrés des richesses
Mère Helena, Higoumène de lade
du Monastère mer Boiset de......................................................................................
Salair. la terre ont 4
été misprier
« Sentir au point par l’abbaye
les pierres » à Sénanque Saint-Michel de Kergonan,
à partir de
Frère Jérôme, abbaye Notre-Dame d’algues.
Sénanque. « .Notre petite
..................................................................................... 8
Du cyclamen à la lavande, degamme
Hautecombe à Ganagobie
de produits de jardin
Frédéric Huguet, Association des Amis du Prieuré de Ganagobie............................................................12
Les arômes du Ciel à Rieunette
n’a pas beaucoup de diffusion,
Communauté de l’Abbaye Sainte fauteMarie dedetemps », nous confie Sœur Catherine, qui ne fabrique
Rieunette.......................................................................................16
À Chantelle, les extraits d’unplus
coin car, ajoute-t-elle doucement, elle prend « de l’âge ». Parmi
de paradis
Mathieu Franceschini, pour lesles nombreux
Bénédictines effets de
de Chantelle ces soins organo-minéraux naturels, la
..............................................................................20
À Bouzy-la-Forêt, de l’eau… d’émeraude
plupart
Sœur Caroline Marie, Prieure de la communautéexprime de dans
Bouzy la uneForêt.poésie simple ce lien d’affection qui
................................................................24
Un savoir-faire de notre temps, l’Alexion d’Aiguebelle
unit l’homme au jardin qui lui a été confié.
Ainsi…
Frère Marc-Henri, Abbaye Notre-Dame d’Aiguebelle........................................................................................28
La saveur inspirante du houblon à Saint-Wandrille
Plantabel qui favorise un développement
Frère Mathieu Landri, Abbaye Saint Wandrille.................................................................................................... 32
L’huile aux Moines du Barroux, un pur jus de fruitharmonieux100% naturel de la plante, prépare les bourgeons
de l’année suivante et donne la joie de se nourrir
Père Albéric, Abbaye Sainte-Madeleine..............................................................................................................36
de fruits et légumes riches en énergie.
À Jouques, le bon goût de la louange et de la fidélité
Rencontre avec Mère Clémence, Mère Marie Jean Bosco et Mère Maïté........................................................40
Le vin des moines de Lérins Racibel crée un environnement favorable autour
de.............................................................................................................................44
Frère Marie, Abbaye de Lérins la graine et des premières radicelles, assiste le plant au moment
Il était une fois… la plante du stress du repiquage et contribue à la cicatrisation rapide et saine
de Maylis
des racines.
Frère Joseph, Abbaye Notre-Dame de Maylis....................................................................................................48

Chroniqueremonte
Humubel juridiquele niveau d’humus qui permet à un sol de donner tout son potentiel (…)
pour faire passer
De nouvelles dansl’appel
règles pour la plante tous les ..trésors
à la générosité du sol (…) et donne des plantes stables
........................................................................................60
(…), avec un
Chantiers potentielpar
soutenus delafécondité
Fondation élevé.
Le Carmel nourrit
Fertibel du Reposoir : refaire la cuisine la
progressivement d’une plantechartreuseau fur duet XIIIà mesure
e
siècle..............................................66
de
Actualité
ses besoins et tout au long de sa production [dans le respect des]
Agenda...................................................................................................................................................................68
méthodes de fertilisation traditionnelle, respectueuses des eaux
L’activité récente de la Congrégation des Religieux à Rome : 2017-2018-2019 .....................................70
souterraines.
La Fondation « hors les murs »
Quant
Présenceàextérieure
Jardibel,de illa permet
Fondationàdes
la Monastères.
plante de.......................................................................................74
retrouver son immunité
naturelle
50 ans de laet laisse aux
Fondation. fruits une
Rencontre saveur
régionale intacte.
de Jouques.................................................................................76
Notes de lecture...........................................................................................................................................84
Annonces ..........................................................................................................................................................91
Abbaye Saint-Michel de Kergonan - 56340 Plouharnel
www.saintmicheldekergonan.org
Nota. Inspirés par les articles de nos contributeurs, titres et intertitres sont de la rédaction.
Les jardiniers de la Création

S’ il est une figure monastique propre à relier notre précédent dossier,


Entendre la Création à celui que nous ouvrons aujourd’hui, Sentir et
goûter, c’est probablement Hildegarde de Bingen, mystique du XIIe siècle,
abbesse et fondatrice d’abbayes, si bien resurgie de l’oubli dans les années
1980 qu’elle est canonisée par le pape Benoît XVI en 2012 et nommée
docteur de l’Eglise1. Musicienne et compositeur autodidacte réputée dans
le monde de la musique sacrée pour l’amplitude de ses mélismes, une
musique expansive, comme un immense jubilus 2, elle est, entre autres,
bien connue aussi du milieu des médecines naturelles pour sa science
des fruits de la terre et de leurs effets sur
l’homme, tant à l’état de nature que résultant
de diverses transformations.
Avec les frères et les sœurs qui passent de
l’harmonium au jardin, ouvrons donc notre
troisième dossier de l’année jubilaire3, Sentir
et goûter la Création dont les mystères
suscitent l’émerveillement : sous la main
recréatrice de moines et moniales, nous
voyons une nature toute de couleurs et de
senteurs, herbes, feuilles, fleurs et fruits
devenir parfum, essence, extrait, hydrolat,
baume, élixir, bière, huile, vin… pour le soin
du corps, le plaisir du goût, le soin et le plaisir
Photo : Thraniwen-Pixabay
de l’âme.
« Dieu s’est lui-même émerveillé : ’tout cela était beau et bon’ », nous
rappelle Sœur Dominique Racinet, de La Clarté Notre-Dame de Taulignan,
applaudissant la sortie de l’encyclique du pape François sur la sauvegarde
de la maison commune. Écoutons-la : « Laudato Si’ est enfin sortie. Elle
a dépassé ce que j’imaginais (…). Avec le psalmiste, je dis : ‘Du fardeau,
j’ai déchargé son épaule’, le ‘fardeau’ de notre engagement écologique
communautaire.. (…) j’avais un peu le sentiment que nous avancions
comme à contre-courant, certaine pourtant que nous étions sur la bonne
1
Sur les trente-six docteurs de l’Église, on dénombre quatre femmes : Thérèse d’Avila, Catherine de Sienne, Thérèse de Lisieux
et Hildegarde de Bingen.
2
77 œuvres liturgiques : antiennes, responsories, séquences et hymnes, sont recueillies dans un volume intitulé Symphonia
Harmoniae Caelestium Revelationum. Discographie de référence : Canticles of Ecstasy, ensemble vocal Sequentia dirigé par
Benjamin Bagby, Deutsche Harmonia Mundi, 1994. Voir aussi. The Dendermonde Codex, Hildegard Von Bingen, par D. Mal
et K. van Laethem, label Klara, Et Cetera Record, 2008 pour la première édition 2008. Réédition 2012.
3
Rappel : en cette année jubilaire de la Fondation des Monastères, nous avons choisi de célébrer la Création avec les frères et
sœurs artistes et créateurs qui ont vécu et vivent dans les monastères. Ce sont quatre dossiers que nous leur consacrons en
2019, à travers chacun des sens qui en témoignent : voir, entendre, sentir et goûter, toucher.

4 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


route. Nous étions bien encouragées (…) mais tout cela avait un petit goût
de "laboratoire expérimental".(…) Aussi l’encyclique a vraiment été pour
nous cette main qui a déchargé le fardeau (…) nous n’avions plus qu’à en
porter notre part de colibri. (…) Dès le début de son texte, le pape François
évoque la conversion (…) c’est-à-dire le retournement du cœur pour laisser
jaillir une nouvelle vie (Dt 30,19). La démarche écologique, comme notre vie
monastique, porte le paradoxe de la limite qui rend libre pour l’universel et
le souci du bien de tous, tous étant chacun. »4
D e m ê m e , q u a n d l ’a b b é d e
Landévennec, donne pour titre Genèse 2,15 : « Le Seigneur Dieu prit
à son intervention « L’amour de l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden
la Création et le désir de Dieu »5 , pour le servir (‘avad) et le garder (shamar) »
lors de la session Laudato Si’, ce Le verbe ‘avad signifie « travailler »,
n’est pas seulement un clin d’œil « ultiver », ce qui implique la possibilité
au livre de Dom Jean Leclercq, d’aménager et de transformer, mais ceci
L’amour des lettres et le désir de est tempéré par le sens plus commun de
Dieu, comme il le dit, mais bien une ce verbe qui signifie « servir » et contient
démonstration. « (…) le médiéviste donc la notion de respect vis-à-vis de celui
cistercien montre comment le désir que l’on sert. (…) Le second verbe accentue
de Dieu a conduit les moines à cette nuance de service car shamar signifie
l’amour des lettres. Ce même désir « garder », « veiller », [d’où] « prendre soin
de ». Ainsi on voit que l’homme (…) reçoit la
de Dieu, nous dit Frère Jean-Michel, vocation d’être le gardien de la création, et
ne pourrait-il pas aujourd’hui, dans l’on pense au mot de Grégoire de Naziance :
la situation d’un monde en crise « L’homme est un trait d’union entre le
écologique, conduire à l’amour de Créateur et la Création ».
la Création ? » Extrait de la conférence de Frère Jean-Michel Grimaud

E t pour nous, hommes et femmes


d’aujourd’hui, « cette disposition monastique » à rechercher Dieu dans
le jardin qu’il a créé ressemble bien à une autre voie privilégiée… pour le
trouver. Ensemble, descendons dans le jardin de la Création en compagnie
des sœurs de Bois Salair, de Rieunette, de Chantelle, de Bouzy-la-Forêt,
de Jouques, des frères de Sénanque, de Ganagobie, d’Aiguebelle, de
Saint-Wandrille, du Barroux, de Lérins, de Maylis... Ils nous indiqueront
quelques-unes des sentes que mettent à découvert nombre de moines
et moniales, élus pour répondre des gestes de l’humanité, choisis pour se
laisser interpeler sans relâche : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » (Gn 4,9). 

Marie-Christine Cécillon

4
Intervention du 25 janvier 2016 dans le cadre de la journée annuelle « Justice et Paix – Instituts Religieux : Laudato Si’ et la
vie religieuse », organisée par la Corref à la Conférence des évêques de France.
5
Le 25 août 2018. La première partie de la conférence du Frère Jean-Michel Grimaud, osb, est publiée dans le Lien des moniales,
n°209, avril 2019.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 5


Le jardin des simples de Bois Salair
« Tu fais pousser l’herbe pour le bétail,
et les plantes pour le service de l’homme »
Psaume 103

Notre communauté a toujours cultivé son propre jardin potager,


mais l’intérêt pour les plantes médicinales a débuté avec deux
grandes rencontres : la grippe à répétition, et un très bon médecin
phytothérapeute !

© Monastère de Bois Salair

6 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Les plantes se sont
montrées très efficaces, à
la suite de quoi nous avons
aménagé notre propre
jardin des simples.
En réalisant les bien-
faits de ces petites feuilles
et fleurs, nous avons été
éblouies par la Miséricorde
du Seigneur qui met à
disposition de l’homme
de magnifiques remèdes
cachés sous la forme de
plantes envahissantes ou
de simples herbes tout à © Monastère de Bois Salair
fait disponibles et souvent oubliées à l’autre bout du jardin.
Le jardin des simples, une louange à la création
Depuis, le printemps est devenu pour notre communauté une fête
de couleurs et de parfums, qui se
mélangent avec le chant des oiseaux
le jour, et des grenouilles la nuit, tous
ces êtres louant avec nous le Seigneur
qui déverse Sa bonté sur toute la
création.
En contemplant une vie si ani-
mée, belle et abondante dans nos
cultures, nous avons compris que
notre intervention devrait prendre
en compte cette harmonie déjà exis-
tante, et que nous étions là pour la
préserver plutôt que de l’anéantir
égoïstement.
Et voilà que cette multitude de
couleurs, de saveurs et d’arômes,
font partie de notre quotidien. Nous
les transformons en tisanes, sirops,
baumes et savons, où sont conser-

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 7


© Monastère de Bois Salair

8 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


vés les propriétés bénéfiques de
chaque plante, espérant ainsi
qu’elles seront utiles à notre
prochain. Par le biais de visites
guidées de notre jardin et de
conférences, nous essayons
aussi de sensibiliser le plus grand
nombre quant à l’usage des
plantes médicinales au quotidien.
Comme de bons économes de
la Création
Tout service ou «obédience»

© Monastère de Bois Salair


dans un Monastère est béni. Le
plus simple et humble qu’il soit,
il doit nous permettre la pratique
de la prière intérieure. Travailler
en contact avec la nature où le
Seigneur se révèle, nous rends
possible une rencontre privilégiée avec Lui. Puisque Dieu a confié à l’homme
la création pour qu’il la cultive et en retire ses bienfaits, nous avons la grande
responsabilité de traiter la nature avec la dignité et le respect qui lui sont dus,
comme de bons économes de la création de Dieu.
En conclusion nous souhaiterions partager avec le lecteur un passage
d’un livre sur saint Paissios l’Athonite1 :
« Vois, tout ce que Dieu a créé par une seule de Ses paroles!
Quelle harmonie, quelle variété!
Où que l’on se tourne on contemple Sa sagesse et Sa magnificence ».
Mère Helena
Higoumène du Monastère de Bois Salair

Monastère Orthodoxe de la Nativité de la Mère de Dieu


LD de Bois-Salair - 53100 Fontaine Daniel – Tél. 02 43 04 68 35
www.monasteredeboissalair.com

1
Extrait de Saint Païssios l’Athonite, Avec amour et douleur pour le monde contemporain, traduit du grec par mère Photini
Marchal, en collaboration avec le monastère Saint Jean le Théologien. Édition du monastère Saint Jean le Théologien, Souroti
(Grèce), 2011, 400 p., 21 €

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 9


« Sentir prier les pierres » à Sénanque
La culture du lavandin à Sénanque est déjà une longue histoire. Dès
le milieu du XXe siècle, les frères le cultivaient. A l’époque, il s’agissait
moins de produire en vue d’une transformation que de cultiver des
pieds pour les revendre. Simplement.

Culture des plants de lavande dans l’actuel potager du monastère en 1958


Archives de Sénanque - © Abbaye Notre-Dame de Sénanque

Un « bon plant » au service de la notoriété


Notre monastère fut fermé de 1969 à 1988. Pendant ce temps, la
communauté était toujours propriétaire du monastère, mais en avait laissé
la gérance à l’entreprise Berliet qui en fit un centre culturel. Le lavandin
conserva sa place à Sénanque et c’est probablement à ce moment qu’il fut
planté dans le champ se trouvant au chevet de l’église.
Ainsi est né cette image désormais célèbre du monastère XIIe siècle orné
de la fameuse plante. Aujourd’hui, les touristes viennent du monde entier
pour contempler ce décor – en particulier à partir de mi-juin jusque début
août, période de la floraison. Une belle occasion pour le Seigneur de venir

10 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


© Abbaye Notre-Dame de Sénanque

toucher les cœurs, du moins pour faire découvrir un visage de la vie monas-
tique en France.
Avec le retour des moines en 1988, cette culture fut dynamisée et devint
l’une des sources de revenu de la communauté. « C’est alors qu’ils sont vérita-
blement moines, vivant du travail de leurs mains, comme nos pères les apôtres »
(RB 48, 8).

A l’instar de nos pères cisterciens, la place du travail est en effet très


importante pour nous. Il s’agit notamment de faire fructifier les dons que la
grâce divine nous offre dans le lieu auquel il nous appelle. Ici, en Vaucluse, la
culture du lavandin prend tout son sens.
Comme vous l’avez noté, nous parlons de lavandin (Lavandin grosso) et
non de lavande. Ce sont deux variétés différentes. La lavande pousse au-delà
de 800 mètres d’altitude.
Aujourd’hui la
À Sénanque nous ne sommes qu’à 370 mètres mais communauté fait cultiver
le lavandin y est à son aise. Nous cultivons également environ 10 hectares de
une autre variété appelée lavandin mayette ; mais cela lavandin. Cela offre une
production annuelle
concerne seulement 3 à 5 % de notre production totale. moyenne d’environ
Pour le moment les frères participent essentielle- 400 kilogrammes. Il est à
noter que ce rendement
ment à la récolte qui se déroule en général entre la fin est inférieur à la moyenne
du mois de juillet et la mi-août. régionale car notre terre
est pauvre et bon nombre
Les fleurs récoltées sont ensuite distillées par un de nos parcelles sont en
de nos partenaires puis mis en bouteille par un autre dévers.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 11


prestataire (en moyenne 440 litres par an). Assurer l’ensemble de la produc-
tion nous est impossible à ce jour car nous ne disposons pas des installations
ou des compétences techniques nécessaires. Il faut aussi préciser que notre
communauté est de taille réduite, ce qui limite le champ d’action.
Depuis 2018, une partie de l’huile essentielle extraite est utilisée pour
confectionner des savons et autres produits de beauté. Là encore nous faisons
appel à une entreprise extérieure.

© Abbaye Notre-Dame de Sénanque

Enfin tous les produits issus de nos champs de lavandin sont écoulés
dans la boutique de l’abbaye… Parfois même, les fleurs de lavandin séchées
apportent leur saveur aux biscuits financiers produits par les frères au cours
de la saison estivale.
Certains commentateurs de l’architecture de Sénanque ont pu dire « à
Sénanque on peut sentir les pierres prier… », ce n’est pas sans émotion non plus
pour les frères que de songer à cette terre que nous cultivons et qui l’était déjà
900 ans auparavant, par d’autres frères cisterciens…
Frère Jérôme
Abbaye Notre-Dame de Sénanque

12 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Petit lexique
La lavande appartient à la famille des labiées (ou labiacées), comme le thym
le romarin, la sarriette, la sauge, la marjolaine ... Ces plantes odorantes
poussent spontanément en Provence. Parmi la trentaine d’espèces,
voici les principales.
• Arbrisseau de 50 cm de hauteur environ, avec un seul épi floral par tige,
la lavande fine ou lavande vraie, Lavandula augustifolia, (« à feuille étroite
»), pousse naturellement dans la garrigue entre 800 et 1 400 mètres
d'altitude et se reproduit naturellement par graines. La lavande « mayette »
(ou maillette) est un clone de lavande fine, reproduite par bouturage.
• Plus haute de taille, la lavande aspic, Lavandula latifolia (« à feuille large »),
que l’on trouve en basse altitude, présente plusieurs courts épis sur chaque
tige. Sa floraison est plus précoce (dès juin). Elle n'est pas cultivée.
• Le lavandin, Lavandula latifolia X officinalis, est un croisement des deux
espèces. Ne pouvant donc se reproduire naturellement, il doit être
bouturé. Il se développe à basse altitude (entre 200 et 800 mètres).
Haut de 60 à 80 cm, ses
épis sont très fournis,
contrairement à ceux
de la lavande fine. C’est
l’espèce la plus courante
dans le midi de la France.
Toutes les lavandes sont
des plantes mellifères, mais
nous ne suivrons pas, cette
fois-ci, les abeilles ; elles
nous entraîneraient trop
loin… (Ndlr)

© Abbaye Notre-Dame de Sénanque

Abbaye Notre-Dame de Sénanque – 84220 Gordes


Communauté : 04 90 72 02 05 - Librairie-visites : 04 90 72 05 86 - www.senanque.fr

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 13


Du cyclamen à la lavande,
de Hautecombe à Ganagobie
À l’origine, le monastère de Ganagobie portait le
nom d’Abbaye Sainte-Madeleine-de-Marseille, où
elle avait été fondée en 1865, par dom Guéranger,
le restaurateur de Saint-Pierre de Solesmes.
Son premier abbé, dom Jacques-Christophe
Gauthey (1833-1920), dessinateur et artiste dans
l’âme, eut l’idée de dessiner, sur le blason de
l’abbaye, la coupe de parfum de sainte Madeleine…
sans savoir qu’un atelier de parfumerie verrait le jour
au sein du monastère placé sous le patronage de
celle qui oignit Jésus d’un parfum de grand prix.

Doux, savoureux, capiteux… le premier parfum du monastère


Dans les années 1950, l’abbaye Sainte-Madeleine de Marseille, implantée
alors à Hautecombe en Savoie, au bord du lac du Bourget, se lance dans la
fabrication d’eaux de toilettes, une activité qui fait d’elle une pionnière dans
ce secteur, avant d’être
suivie par d’autres
communautés monas-
tiques. C’est, en effet,
à l’instigation d’un
m o i n e, R a y m o n d
Joatton1 , originaire de
Lyon et ancien ingé-
nieur chimiste, qui y
était entré en 1933,
que l’atelier s’installe.
Scientifique de forma-
tion il est aussi musi-
cien dans l’âme – il a Dom Joatton
Premier atelier de conditionnement
écrit des pièces pour © ND de Ganagobie

1
(1901-1980)

14 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


© Monastère de Bois Salair

orgue – et même, par obéissance, un excellent professeur de philosophie


pour les jeunes moines étudiants, sans oublier sa compétence en électricité.

Dom Joatton en 1950


© ND de Ganagobie

Grâce aux conseils d’un camarade d’études en chimie, dom Joatton mit
sur pied une préparation d’eau de toilette de cyclamen encore inconnue sur
le marché. En Savoie, sur les rives du lac du Bourget, cette fleur embaume
les bois à la fin de l’été. « Son parfum a la douceur de la violette et de la rose, la
force et la saveur du muguet, mais aussi le capiteux et le musqué de l’œillet. » 2
Mais le cyclamen de dom Joatton était une eau de toilette purement de
synthèse et un parfumeur de renom qualifia la création, après analyse, de « très
bonne qualité et vendue peu cher pour sa valeur ».
Plusieurs dizaines de milliers de bouteilles furent vendues à la boutique
d’Hautecombe, assurant la ressource principale de la communauté. Dom
Joatton se procurait l’essence ou le mélange d’essences de plantes auprès d’un
laboratoire de Grasse, confectionnait la mixture avec l’eau et l’alcool, et après
maturation, mettait en bouteilles, aidé de plusieurs confrères qui étiquetaient.
2
Yvonne Dubois, La vallée des cyclamens, Cerf 1983, p. 115.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 15


À la fin des années 1980, 15 000 flacons de 200, 100 et 50 millilitres
– sans oublier les bidons métalliques de 600 millilitres – sortaient de la parfu-
merie d’Hautecombe. Cet artisanat demandait un très faible investissement
en matériel, une manutention minimale et permettait aux moines de travailler
en silence.
À nouvelle région, nouvelles fragrances
Lorsqu’en 1992, les moines de Sainte-Madeleine quittèrent Hautecombe
pour Ganagobie en Haute-Provence, la parfumerie continua en intégrant les
produits de leur terroir d’adoption, en particulier la lavande – plante-reine
en Provence –, associée à l’été et au chant des cigales. Elle pousse autour du
monastère de Ganagobie, dans le cloître, et en juillet embaume l’air de son
puissant arôme.
L’eau de toilette de lavande constitue l’article-phare des produits fabri-
qués par les moines de Ganagobie.

Fabrication des eaux de toilette - © ND de Ganagobie

16 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Chaque année, ce sont 6 000 flacons de lavande – sur 26 000 flacons tous
parfums confondus3 – qui sont fabriqués dans la parfumerie de Ganagobie
et vendus dans toute l’Europe et au-delà. À noter que les clients les plus
nombreux à l’apprécier ont pour origine géographique le nord de la France
et de l’Europe.
Père Matthieu Vassal
Abbaye Notre-Dame
de Ganagobie

Conditionnement - © ND de Ganagobie

Entre Sisteron et Manosque, sur un


plateau escarpé, le monastère domine
toute la vallée de la Durance. Perché à
650 mètres, le plateau de Ganagobie
fut formé il y a 20 à 25 millions
d’années, dans le bassin de Forcalquier,
recouvert par la mer à l’époque. Par ses
composantes géologiques, le site offre un
intérêt exceptionnel : des abris sous roche
naturels, des carrières, de nombreuses
sources et une abondante végétation.

Abbaye Notre-Dame de Ganagobie – Communauté de Sainte Madeleine


04310 Ganagobie - Standard : 04 92 68 00 04 - www.abbaye-ganagobie.com

3
Jasmin, Chèvrefeuille, Verveine, Vétyver, Mûre, Musc…

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 17


Les arômes du Ciel
à Rieunette…
Ouvrez la porte. Fermez les yeux. Respirez… vous êtes dans le
laboratoire Couleur Ciel. Tout un monde de parfums dans cet espace
tout petit, presque confidentiel, au cœur de la forêt des Corbières
occidentales. Huiles essentielles, hydrolats, huiles végétales répandent
leurs senteurs fleuries, boisées, épicées… se mélangent en baumes et
huiles de soins par la main des moniales.

Cliché : Pierre-Etienne Vincent

Couleur Ciel
Depuis 2007, l’abbaye de Rieunette a développé une activité de produits
aromatiques biologiques sous la marque Couleur Ciel. Née d’une rencontre
providentielle avec un jeune couple passionné d’aromathérapie, l’aventure
se préparait doucement depuis que les moniales venues de Boulaur (Gers)
avaient redonné vie à l’ancienne abbaye de Rieunette, en 1998.
Le commencement de notre démarche écologique ? … la recherche de
fumier pour amender le jardin récemment défriché. Efficacement conseillées

18 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


par des parents et par un ancien ingénieur agronome, nous apprenons à atti-
rer les coccinelles pour protéger les rosiers des pucerons, à faire du compost,
du purin d’ortie et de consoude1 (ces odeurs en bas de l’escalier…!). Notre
âme de défricheuses nous rend attentives au site qui nous accueille, nous
imprègne, nous enseigne une attitude de respect, d’émerveillement, nous
apprend peu à peu à vivre en lui et avec lui notre recherche de Dieu.
Et la charmante vallée de Rieunette sait se montrer austère ; vivre au
creux d’un vallon, sans beaucoup de lumière peut s’avérer rude en hiver. La
géographie devient alors maîtresse d’intériorité. Nos pères cisterciens avaient
perçu ce lien profond entre le lieu et ses habitants ; cultiver le lieu selon la
parole de Dieu, c’est aussi se laisser façonner par lui pour que de l’œuvre
commune jaillisse une louange au Créateur.

L’étincelle
Lorsque naît l’idée d’une
petite activité de produits aro-
matiques bio, le terrain est déjà
préparé. À l’inverse de l’esprit du
monde et de ses calculs de mar-
chés et d’étapes, notre projet a
pris corps très progressivement,
comme un être vivant adapté à
son milieu.
Nous nous souvenons tou-
jours en riant des premières
Cliché : Pierre-Etienne Vincent

pipettes, des étiquettes qui


avaient coulé sur les flacons… un
seul producteur au début pour
des produits que nous achetions
en toute petite quantité.
Lorsque le processus a été
initié en 2007, nous ne savions pas quels chemins s’ouvriraient à nous. Avec
pour point de départ la réalité du lieu, des personnes et de leurs compétences,
la complémentarité des états de vie, nous avions la certitude que l’étincelle
était juste, la vision d’ensemble neuve et prophétique.

1
Symphytum officinalis, la consoude est une plante herbacée vivace de la famille des Boraginacées (à laquelle appartient également
la bourrache). Ses grandes feuilles lancéolées, épaisses et velues, lui ont valu le surnom d’oreilles d’âne ou encore de langue de
vache. Le purin de consoude est un excellent activateur de compost ; associée à l’ortie, elle forme un engrais complet. Feuilles
et racines sont comestibles : les feuilles sont connues pour leur saveur qui rappelle celle du poisson ! (Ndlr)

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 19


Nous voulions tenter
l’aventure d’une collaboration
nouvelle laïcs-moniales, en
proposant des produits éco-
logiques de qualité qui soient
Cliché : Marie-Line Burguière

une réponse concrète au juste


soin de soi et des autres prôné
par Jean Paul II dans sa théo-
logie du corps. L’aval de nos
supérieurs a permis à l’élan qui
nous portait de se déployer, de
nous faire goûter pleinement l’enthousiasme et la joie d’une expérience très
concrète de vie, au travers même des difficultés rencontrées.
L’entreprise a grandi, mais elle reste petite, comme le site, comme la
communauté : elle est un lieu de vie… à vivre et non un moyen d’accumuler
bénéfices et richesses. Comme telle, elle est le lieu de relations parfois iné-
dites2.
Source de lien entre la terre,
les hommes et Dieu
Notre apar tenance au
réseau « Nature et Progrès »,
première mention écologique
en France, particulièrement
exigeante, certifie notre enga-
gement pour le respect de
l’homme et de l’environne-
ment.
Chacune de nous, selon sa
sensibilité, met l’accent écolo-
gique sur l’un ou l’autre point :
soins naturels, dons de Dieu
aux hommes, respect de la terre
qui fournit le produit, multiples
© Rieunette

relations que notre démarche


implique…

2
L’Aide au Travail des Cloîtres nous a demandé récemment un article dans lequel nous nous sommes arrêtées sur cet aspect très riche
et diversifié des relations liées à Couleur Ciel.

20 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Mises en gerbe, toutes
ces orientations forment des
produits que nous voulons
source de lien entre la terre, les
hommes et Dieu.
Une manière très concrète

Cliché : Marie-Line Burguière


de vivre l’encyclique Laudato Si.
Une source de joie à partager
et à …labelliser ?
Emblématique de cette
démarche, notre baume dernier
né, le Baume du Bon Samaritain, intègre des macérâts huileux de plantes
cultivées à Rieunette pour soulager les petits bobos du quotidien.
Nos grandes joies ?
Les produits créés pour un sanctuaire – l’huile de visage Fleur de Mag-
dala a été créée pour la Sainte Baume, un autre est à l’étude – ou encore les
parfums pour le saint chrême que plusieurs diocèses nous demandent chaque
année.
Notre souhait ?
Partager avec d’autres communautés ces valeurs qui nous portent de
manière très concrète dans une sorte de réseau d’entraide de petites struc-
tures à la fois libres et reliées… témoi-
gnage de communion dans l’esprit de
Laudato Si. Le rêve d’un réseau... et
pourquoi pas d’un label Laudato Si ?

Communauté de l’Abbaye
Sainte Marie de Rieunette

Abbaye Sainte Marie de Rieunette


11250 Ladern-sur-Lauquet
© Rieunette

www.rieunette.org
www.couleurciel.com

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 21


À Chantelle,
les extraits d’un coin de paradis
Réunissant connaissances ancestrales des plantes et modernité
scientifique, les Bénédictines de Chantelle développent, fabriquent
et conditionnent à l’abbaye des soins cosmétiques (corps, visage,
parfum...) depuis plus de 60 ans.

© prod03 – Les Bénédictines de Chantelle

Soixante années d’aventure…


Au matin, l’abbaye Saint-Vincent, multiséculaire et chargée d’une riche
histoire depuis 937, entrouvre ses portes. Les sœurs sont encore à la prière
du matin ou à la Messe. Déjà les ateliers s’animent, le téléphone commence
à sonner. Peu à peu, les sœurs rejoignent les salariés, qui à la boutique,
qui à la comptabilité, qui aux expéditions ; les sœurs anciennes, heureuses
d’avoir encore une activité, travaillent paisiblement, au rythme de leur prière

22 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


intérieure, à ce qui leur est confié. Des soins naturels
Quelle aventure ! • Développés et fabriqués au
cœur de l’abbaye depuis
Depuis 1954, l’ensemble de la l’origine
communauté s’investit chaque jour • Ils intègrent au minimum 95%
dans la réalisation des produits. Elle d’ingrédients d’origine naturelle
vit de ce travail, aussi bien financiè- • Tous les emballages sont
rement – c’est une chance de vivre recyclables (même les particules
de calage…)
dans un lieu aussi beau, mais le
patrimoine coûte cher – que comme • Ils ne contiennent pas
d’ingrédients potentiellement
équilibre de sa vie de prière. douteux, sans parabens, sans
phenoxyethanol…
Cette œuvre de communauté,
• Testés sous contrôle
commencée petitement, avec en tête dermatologique, ils ne
le projet de produire et de vendre sont pas testés sur les
des produits de qualité, efficaces, animaux, conformément à la
simples, proches de la nature, s’est réglementation européenne
peu à peu complexifiée avec l’arri-
vée de normes plus rigoureuses. La
communauté a su s’adapter, recru-
ter des compétences, diversifier les
réseaux de distribution.
La présence des laïcs permet à la
communauté de Chantelle de pour-
suivre cette belle histoire, de rester
ouverte au monde d’aujourd’hui,
tout en poursuivant avec sérieux sa
vie communautaire de prière, de
travail et d’accueil spirituel. Chan-
telle est situé dans un petit coin de
paradis !
…et d’exigence
© prod03 – Les Bénédictines de Chantelle

Chantelle est la première abbaye


en France à avoir développé et fabri-
qué des produits cosmétiques au
cœur d’un monument historique
classé.
Comment ne pas être exigeant
dans un tel environnement ?

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 23


Dans l’optique de garantir la traçabilité, la qualité et le service aux clients,
l’entreprise a obtenu, en 2005, la certification ISO 9001 et répond, depuis
2010, à la norme ISO 22716. « BPF Cosmétiques ».
La présence des laïcs fait aussi la preuve que le laboratoire des sœurs est
pleinement inscrit dans la vie et le développement de l’économie locale.
À l’origine
Appelées par l’Église à vivre de leur travail, les sœurs de Chantelle se sont
lancées vers 1950, dans la conception et la fabrication de produits d’hygiène
et de toilette naturels, sous l’impulsion de deux sœurs de la communauté :
l’une, chimiste, devenant responsable des fabrications, et l’autre, mathémati-
cienne, se voyant confier la comptabilité.
Dès lors, d’autres sœurs se forment pour développer, fabriquer, condi-
tionner et emballer les produits. Les premiers produits commercialisés sont
un lait de toilette et des eaux de Cologne. Nous sommes en août 1954, la
marque Les Bénédictines de Chantelle est lancée.

Publicité Chantelle ,
1954
© Les Bénédictines
de Chantelle

24 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


De l’utilité des cosmétiques
Les bébés ayant généralement
une peau très fine et sensible, les
sœurs développent le Lait de Chan-
telle pour le change. Soucieuses de
répondre aux nouveaux besoins
d’hygiène corporelles, elles mettent
au point diverses eaux et savons
pour la toilette. Depuis, les normes
et le changement des habitudes de
consommation les ont poussées à

© prod03 – Les Bénédictines de Chantelle


faire évoluer les produits pour pro-
poser de véritables soins de la peau.
Ils conservent leurs propriétés de
base permettant une hygiène irré-
prochable mais intègrent désormais
des actifs spécifiques.
Mathieu Franceschini
Pour les Bénédictines de Chantelle
© prod03 – Les Bénédictines de Chantelle

Abbaye Saint-Vincent – 14 rue Anne de Beaujeu – 03140 Chantelle


Tél. 04 70 56 15 80 - www. abbaye.benedictines-chantelle.com

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 25


© Thomas Louapre

26 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


À Bouzy-la-Forêt,
de l’eau… d’émeraude
Madame de Sévigné, dans une de ses célèbres lettres à sa fille, évoque
en 1685 « une Eau d’Émeraude qui console et perfectionne tout », et
en particulier sa jambe blessée après un accident de carrosse ! Est-
ce celle des Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire fondées en
1617 à Poitiers et en 1638 à Orléans ? Selon la tradition orale, les
Bénédictines d’Orléans fabriquaient cette lotion médicinale depuis
qu’un apothicaire en avait livré le secret à sa bonne, qui souhaitait
rentrer comme sœur converse au monastère.
Il n’est donc pas impossible que notre Eau d’Émeraude ait été conseillée
à Madame de Sévigné par une de ses connaissances qui fréquentait l’un des
couvents de la jeune Congrégation. Toujours est-il que cette Eau d’Éme-
raude fait partie de l’histoire et de l’identité du monastère orléanais.
Quatre siècles de fabrication…
On en trouve des traces écrites dans les annales de la communauté au
XVIIIe siècle. Pendant la Révolution par exemple, un sans-culotte atteint
de phtisie pulmonaire découvrit lors d’une perquisition chez nos mères, des
bouteilles d’Eau d’Émeraude ; il en avala une d’un trait et se retrouva guéri
au bout de quelques jours après avoir traversé un coma éthylique ! L’Eau
d’Émeraude est un alcool à 50°, rappelons-le, à consommer avec modération
donc.
Pendant la
guerre de 40, la
communauté a
dû fuir l’invasion
allemande mais les
orléanais réclamaient
leur Eau d’Éme-
raude et leurs reli-
gieuses avec, pour la
© Thomas Louapre

produire !
Ces dernières
furent obéissantes

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 27


et rentrèrent de Bourges pour à nouveau prier et travailler à l’ombre de la
cathédrale Sainte-Croix d’Orléans.
…d’évolutions
Les composants de base de l’Eau d’Émeraude n’ont pas changé depuis
les origines mais la recette a néanmoins été améliorée au long des siècles.
Certaines sœurs plus scientifiques et chercheuses ont introduit une autre
levure pour remplacer celle du boulanger, ont cherché une espèce de sauge
ou de romarin plus riche en huiles essentielles.
La législation sur les produits d’hygiène nous oblige aussi à surveiller
très attentivement nos petites bouteilles vertes et donc à faire des analyses
régulièrement. Malgré les contraintes parfois très lourdes que nous imposent
les normes françaises et européennes, il reste toujours un peu de « suspens »
dans l’aventure Eau d’Émeraude.
… de surprises et
d’émerveillement
Parce que la
croissance d’une
plante reste encore
un peu fantaisiste,
qu’un miel diffère
d’une année sur
l’a u t r e, l’ E a u
d’Émeraude résiste
à la standardisation
et réser ve des
surprises plus ou
moins agréables
aux sœurs de
© Thomas Louapre l’atelier.
Quand les cuves de fermentation laissent échapper leur petite musique et
nous donnent l’impression de vraiment chanter la gloire de Dieu, nos cœurs
se mettent à l’unisson et vibrent devant les merveilles de la création.
Quand l’alambic déborde de mousse, c’est la panique et l’arrêt immédiat
de la distillation. Il faudra trouver un autre miel moins capricieux et consentir,
après quatre siècles de fabrication, à ne pas encore tout maîtriser.

28 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


…sous le regard bienveillant du
Créateur
La nature reste parfois insoumise à
nos techniques sophistiquées. Elle nous
garde de l’orgueil démesuré et nous rap-
pelle que, dans le livre de l’Apocalypse,
c’est la Terre qui sauve les enfants de la
femme1. La fabrication d’un produit
comme l’Eau d’Émeraude, dont on
ne sait jamais d’une fois sur l’autre si le
vert sera beau et lumineux, nous invite
non seulement à cultiver l’humilité mais
aussi l’émerveillement.
Devant la beauté de la nature qui
révèle certains de ses secrets, mais en

© Thomas Louapre
garde d’autres, nous ne pouvons que
chercher à comprendre ce qui peut
l’être et demeurer dans l’admiration
devant le mystère de la vie et de son
Auteur.
Sœur Caroline Marie
Prieure de la communauté bénédictine
de Notre-Dame du Calvaire
de Bouzy-la-Forêt
© Thomas Louapre

Monastère Notre-Dame
73 Route de Mi Feuillage
45460 Bouzy-la-Forêt
www.benedictines-bouzy.com

1
cf. Apo 12. « Mais la terre vint au secours de la Femme : la terre ouvrit la bouche et engloutit le fleuve projeté par la gueule du
Dragon. » (Apo12,16)

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 29


L’Alexion d’Aiguebelle,
un savoir-faire de notre temps
Une boisson fortifiante à base de cinquante-deux plantes, qui porte
le nom d’un Frère, mais qui, avant tout, contient en elle les exigences
d’un savoir-faire et le désir de le traduire en un savoir-vivre et un savoir-
être.

© Abbaye Notre-Dame d’Aiguebelle

Nous avons tous devant les yeux l’image du jardin des simples que l’on trouvait
dans les abbayes médiévales, mais aussi et encore, de nos jours, sous forme

30 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


de présentation pédagogique,
voire, dans cer tains cas,
comme culture et gagne-pain
d’une communauté.
Extraire le meilleur des
plantes
La genèse de cette bois-
son se trouve dans le lieu
même où s’élaboraient autre-
fois les liqueurs de plantes
« Aiguebelle », et le Coiron
dont l’origine est le dépar-

© Abbaye Notre-Dame d’Aiguebelle


tement voisin de l’Ardèche.
Tout l’art consiste à extraire
les matières actives des plantes
en conservant leurs arômes
qui feront un digestif efficace
et au goût agréable...
L’Alexion se situe donc
dans cette tradition du travail bien fait, du travail attentif, pour que les plantes,
une fois sélectionnées, puissent donner le meilleur de ce qu’elles portent en
éléments actifs et en arômes.
Certes, nous n’avons pas les moyens humains et climatiques pour cultiver
par nous-mêmes chacune des plantes qui la composent, mais les relations
avec nos principaux fournisseurs drômois de plantes sèches, majoritairement
bio, ainsi que le pressage lors de l’extraction, chez l’un d’entre eux, au sein
de sa propre entreprise où je me rends à cet effet, font que l’Alexion est une
boisson de notre territoire, voir de notre terroir, car bien des plantes viennent
du département ; certaines d’un peu plus loin en France, enfin, une minorité
en volume, d’autres continents.
Tradition et haute technologie
La tradition monastique en matière de travail et de produits a toujours
associé savoir-faire issu de l’expérience de nos Anciens et utilisation de la
technologie comme support et alliée pour permettre la constance dans la
fabrication ainsi que la maîtrise de certaines difficultés comme par exemple
la conservation, puisque l’Alexion ne contient ni alcool ni conservateur pour
le stabiliser.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 31


Comment donc pasteuriser une boisson à base de plantes sans en détruire
les éléments actifs ni dénaturer les arômes qui en donnent le goût ?
La tradition monastique a toujours su s’entourer des conseils et compé-
tences par-delà les murs de la clôture. Me voilà donc parti en quête de
lumières extérieures : en matière de plantes d’abord, en vue d’en rempla-
cer certaines dont l’aspect allergisant avait été mis à jour ; en techniques de
mise en œuvre ensuite, pour les opérations de filtration et de pasteurisation,
notamment.
À l’école de la nature et d’autrui
L’Alexion est une école de savoir-vivre avec son environnement naturel :
savoir en recevoir les éléments, les plantes sous différentes formes. Il est aussi
un chemin d’apprentissage : solliciter autrui et se tenir à l’écoute de son
savoir et de telles ou telles expériences que l’on ne trouve plus au sein de nos
communautés.
Se mettre à l’école de la nature et d’autrui est un chemin de modestie et
de respect qui rend possible la valorisation d’une richesse partout présente en
germe, partout semée par notre Créateur.

© Abbaye Notre-Dame d’Aiguebelle

32 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Tout un savoir-être
Une fois son élaboration bien mise au point, l’Alexion est un produit qui,
dans sa fabrication et sa commercialisation même, peut favoriser le savoir-être.
Savoir-être entre frères d’abord, lorsque le travail est lancé et que tous,
nous dépendons les uns des autres dans la mise en œuvre et le conditionne-
ment du produit. La défaillance de l’un suscite aide et prévenance des autres ;
n’ayant pas recours à la main d’œuvre extérieure, l’absence de l’un surcharge
les autres. Un savoir-être qui nous oblige les uns envers les autres.
Avoir aussi le souci constant de nous adapter attentivement à notre envi-
ronnement car la fabrication et la distribution de notre produit exige de
l’énergie, des emballages... Un savoir-être qui nous oblige envers la nature
que nous habitons.
Enfin, un savoir-être qui nous invite à donner en priorité aux personnes
qui fréquentent les boutiques des abbayes et des artisanats monastiques de
bénéficier des vertus de l’Alexion, ainsi qu’à celles et ceux qui pourraient en
avoir besoin sans en avoir les moyens.
Frère Marc-Henri
Notre-Dame d’Aiguebelle

Abbaye Notre-Dame d’Aiguebelle


26230 Montjoyer
04 75 98 64 70
www. abbaye-aiguebelle.cef.fr

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 33


La saveur inspirante du houblon
à Saint-Wandrille
Nous avons la chance d’avoir, à Saint-Wandrille, un cloître riche de
sculptures. Quelques portes sont entourées de motifs végétaux
différents, dont une de houblon. Alors que le frère Éric y déambulait, le
Seigneur l’inspira de proposer à la communauté une nouvelle activité :
une brasserie. La brasserie de Saint-Wandrille est donc née dans le
cloître, à la porte du houblon !

© Abbaye Saint-Wandrille

Une symbolique de l’élévation…


Plante grimpante, la culture du houblon nécessite un équipement par-
ticulier pour lui permettre de s’élever le plus haut possible. Cette plante est
comme une intuition de la nature selon laquelle si notre vie débute sur terre,
nous sommes attendus plus haut. Une prière jaculatoire du brasseur est de
demander à Dieu que son âme s’élève avec la même volonté qu’a le houblon
de monter toujours plus haut.

34 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


…du vœu bénédictin de stabilité
Le houblon permet à la bière de ne pas vieillir trop vite, il la préserve, il
la fait durer. C’est un véritable défi aujourd’hui de faire durer quelque chose
dans notre société de consommation. L’amertume en est la contrepartie.
Ainsi, le houblon est-il l’image du vœu de stabilité bénédictin. En effet,
notre vœu de stabilité nous fait durer dans la communauté ; il est l’élément
qui permet à une communauté d’acquérir une personnalité propre à travers
les âges et les générations. Mais il peut paraître le plus contraignant.
La vie en communauté a un
côté amer, car elle nous oblige
à revoir notre volonté propre, à
nous confronter à l’autre, sans
pouvoir le fuir. L’hymne de la
Dédicace ne chante-t-elle pas,
en parlant des pierres de l’église,
expoliti lapides ?1
… de chasteté
Une autre caractéristique du
houblon, spécifiquement pour
la fabrication de la bière, est que
seules les plantes femelles non
fécondées sont utilisées. Cette
explication donne du sens à la
présence de la frise du houblon
dans notre cloître comme signe
de la virginité.
Et cette sélection des plantes
pour la bière nous dit clairement
que la chasteté conserve l’être et
qu’elle a une saveur très caracté-
ristique. Loin d’être une incapa-
cité, la chasteté est le propre du
tempérant.
Horae ad usum Romanum dites Grandes Heures d’Anne de Bretagne – Illustration
C’est le don total à Dieu, Jean Bourdichon (1508), Bibliothèque nationale de France, Département des
Manuscrits, Latin 9474. Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
corps et esprit !

1
Tunsionibus pressuris/expoliti lapides suis coaptantur locis/per manum artificis/disponuntur permansuri sacris aedificiis. C’est-à-
dire : Taillées, ciselées, polies, les pierres sont ajustée à leur place par la main de l’artisan. Il les dispose à jamais dans l’édifice sacré.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 35


© Abbaye Saint-Wandrille
Une louange des sens
Saint Benoît explicite clairement que le moine ne possède même plus
son propre corps. Cette saveur se communique à l’Église entière, voire au
monde entier. À l’image du houblon, qui est le sel et le poivre de la bière2 ,
la vie religieuse apporte sa note particulière à l’Église, locale et universelle, et
au monde entier.

En conclusion, nous dirons que ce petit ingrédient nous prépare à mieux


contempler ce que nous avons dans notre verre. La dégustation est un lieu
de contemplation qui interpelle tous les sens de notre être : l’ouïe pendant
l’ouverture de la bouteille et le service ; la vue sur la couleur et les reflets dans

2
Une bière fortement houblonnée est composée d’environ 5 % de houblon.

36 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


le verre ainsi que sur
l’étiquette, souvent
très soignée ; l’odo-
rat comme premier
c o n t a c t a r o m a-
tique ; le toucher
avec la « pétillance »

© Abbaye Saint-Wandrille
en bouche qui vient
exciter les papilles ;
et enfin le goût,
avec la gorgée tant
attendue. La bière
demande donc une attention de tout notre être. Cette attention peut être
tournée vers Dieu d’une manière très simple : en bénissant la bière avant de
la boire.
Bénis, O Seigneur, cette bière nouvelle qu’il t’a plu de tirer de la tendresse du
grain. Puisse-t-elle offrir au genre humain un remède salutaire. Fais que, par
l’invocation de ton saint Nom, quiconque en boive recouvre la santé du corps et
la protection de son âme.
Par le Christ notre Seigneur. Amen.
Frère Matthieu Landri
Abbaye Saint-Wandrille

Abbaye Saint-Wandrille
2, rue saint Jacques
76490 Rives-en-Seine
Standard : 02 35 96 23 11
www.st-wandrille.com

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 37


L’huile aux Moines du Barroux,
un pur jus de fruit 100% naturel

© Abbaye Sainte-Madeleine
« Vous fabriquez trois huiles d’olive diffé-
rentes, quelle est la meilleure ? » C’est une
question que nous entendons souvent à
l’abbaye du Barroux, dans notre moulin
qui tourne depuis l’an 2000.

En fait, il faut savoir qu’il existe 347 signaux


gustatifs répertoriés dans les aliments ; et
chacun d’entre nous n’a que 250 capteurs.
Pour le goût, nous sommes donc tous
daltoniens. L’huile d’olive la meilleure est
celle que vous préférez. Tout simplement.

38 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


« L’huile de ma grand’mère »
Les Anciens vont préférer le Fruité Noir, l’huile de leur enfance, celle
qui, comme ils disent, « a le vrai goût de l’olive ». Jadis, les gens récoltaient
leurs olives et les stockaient chez eux pendant plusieurs semaines. Puis livrées
au moulin, les olives attendaient de nouveau dans leurs sacs de jute : c’est
que l’on travaillait alors avec les presses à scourtins qui n’ont pas une grosse
capacité d’absorption. Aussi, quand les olives passaient sous les meules, la date
de la récolte remontait souvent à un ou deux mois : elles avaient donc eu le
temps de fermenter et même de moisir ! Mais comme c’était l’huile que l’on
faisait depuis des générations, c’était la meilleure du monde !
La première fois que nous avons voulu faire ce Fruité à l’ancienne, en
2008, nous avons raté la fermentation, les olives ayant moisi… Les 100 litres
d’huile avaient des parfums de feu de bois et de viande séchée… Qu’allait-on
en faire ? …faire goûter cette huile, aux Anciens du village ? La réussite a été
immédiate : « ah, enfin, les moines, vous savez faire de l’huile d’olive !!!… » Nous
avons fait 200 bouteilles sous l’appellation « L’huile de ma grand’mère »
et tout est parti !
Comme le vin a ses bouquets, l’huile a ses fruités
Bien sûr, maintenant, pour le Fruité Noir, nous maîtrisons le proces-
sus de transformation. Nous utilisons des olives mûres de diverses variétés

© Fabienne Lombardo

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 39


© Fabienne Lombardo
(picholine, aglandau et curniao). Elles arrivent
au moulin dans un état sanitaire parfait, et nous
les stockons dans des palox fermés, à l’intérieur
d’une salle de chauffe. Chaque jour nous relevons
la température, nous contrôlons les modifications
des arômes et l’état des olives, puis quand nous
jugeons que c’est prêt, en moyenne au bout d’une
semaine après la récolte, nous envoyons les olives
sous les meules de granite. L’huile exhale alors des
arômes d’olives confites, de champignons et de
céréales, et même de cacao. Pour le goûter des
enfants après l’école, découper des tartines dans
une baguette de pain, mettre de la Siavo et du
sucre en poudre… succès assuré !
De même que l’on décrit le vin en termes de bouquets, il convient de par-
ler des fruités de l’huile d’olive : autrement dit de l’ensemble des sensations
aromatiques qui dépendent du terroir, de la maturité et de la variété des olives
– pas moins de cent douze en Provence –, du savoir-faire des oléiculteurs et
des mouliniers.
Nous fabriquons aussi deux autres fruités, cette fois avec des olives qui
sont triturées fraîches (récoltées la veille ou le jour même).

40 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Pour le Fruité Vert, nous utilisons des olives vertes en début de saison
(fin octobre et début novembre). La principale variété employée est l’Aglan-
dau ou Verdale de Carpentras. C’est elle qui règne sur notre terroir. Elle est
réputée pour son caractère : une amertume soutenue et une ardence parfois
élevée ; ce qui en fait un excellent condiment pour les pâtes fraîches et les
salades vertes. Ses arômes sont dominés par la verdure, la banane verte, et
l’artichaut cru.
Le Fruité Mûr est fait avec des olives mûres, au mois de décembre.
C’est la Tanche (ou olive de Nyons) que nous utilisons surtout. Une année, les
olives avaient gelé dans les vergers suite à une baisse brutale de température.
Lorsque ces Tanches sont passées sous les meules, elles ont dégagé une forte
odeur de fraise : on sentait la fraise tagada dans tout le moulin ! Vous trouve-
rez habituellement pour cette huile des arômes d’amandes et de fruits rouges.
Elle s’allie merveilleusement aux légumes cuisinés et tous les hors-d’œuvre.
Quant au terme « vierge » que vous lisez sur les bouteilles, il signifie que
l’extraction de l’huile s’est faite uniquement par des procédés mécaniques (avec
la force centrifuge, au moulin des moines), sans aucun produit chimique.
Toutes les qualités gustatives et nutritionnelles sont ainsi conservées.
L’huile d’olive n’est en réalité qu’un pur jus de fruit, 100 % naturel !
Père Albéric
© Fabienne Lombardo Abbaye Sainte-Madeleine

© Abbaye Sainte-Madeleine

Abbaye Sainte-Madeleine – 1201 Chemin des Rabassières – 84330 Le Barroux


Tél. 04 90 62 56 31– moulin@barroux.org – www.barroux.org

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 41


ENTRETIEN

© Notre-Dame de Fidélité, Jouques

Le bon goût de la louange et de la fidélité


à Jouques
Louange, Fidelis. Ces mots tirés du vocabulaire biblique désignent
deux jeunes cuvées de vin ! Les étiquettes, inspirées des dessins de
Mère Geneviève Gallois, laissent d’ailleurs deviner qu’il s’agit d’une
production monastique. Rougi au soleil de Provence, le raisin est
cultivé par les moniales bénédictines de l’abbaye Notre-Dame de
Fidélité à Jouques, dans les Bouches-du-Rhône. Rencontre avec Mère
Clémence, Mère Marie Jean Bosco et Mère Maïté, responsables du
domaine viticole de l’abbaye.

42 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Un travail de bénédictines
Devant un paysage ciselé par la montagne voisine de sainte Consorce,
Mère Marie Jean Bosco, au volant du tracteur, passe l’écimeuse dans les
lignes d’une parcelle de vigne : « Dans la culture des vignes, il n’y a pas de
période creuse », assure-t-elle. Travail du sol, taille des sarments, désherbage,
ébourgeonnage, effeuillage, traitements, soin des plantiers – pour les pieds de
moins de trois ans – et, bien évidemment, vendanges, constituent les étapes
du travail annuel de ces huit hectares de vigne.
Mère Clémence souligne : « Régulièrement, la communauté rassemble
ses forces pour assurer les tâches plus laborieuses et les récoltes agricoles. C’est
évidemment le cas des vendanges, au cours desquelles nos familles et les personnes
qui le souhaitent nous apportent aussi leur aide ».
Une collaboration qui porte ses fruits
À leur arrivée en 1967, les premières moniales trouvent sur la propriété
viticole du Pey de Durance un chai, dont le bois des fûts servira à la fabrication
des stalles du chapitre. Lorsqu’elles s’initient, grâce aux conseils d’une famille
de vignerons, à la culture des vignes, elles confient le travail de vinification à
la coopérative des environs.

© Notre-Dame de Fidélité, Jouques


© Notre-Dame de Fidélité, Jouques

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 43


Cinquante ans plus tard, la communauté entreprend la restructuration de
son vignoble pour valoriser son patrimoine et vivre du travail de ses mains,
comme l’y encourage saint Benoît. Mère Maïté explique : « Avec l’aide de
la coopérative des Quatre Tours, à Venelles, et sur les conseils de Ghislain de
Charnacé, vigneron de la région niçoise, nous avons replanté 2,5 hectares de
vigne pour remplacer d’anciennes parcelles devenues peu productives. Les cépages
choisis permettent de donner à notre cuvée de Merlot IGP Fidelis une sœur
cadette : Louange, AOC Coteaux d’Aix-en-Provence, constituée principalement
de grenaches. Grâce à la générosité de la société Seguin Moreau, elle sera vinifiée
en fûts de chêne dès les vendanges 2019. Nos autres cépages (clairette, caladoc)
rejoignent les cuves destinées aux vins de pays. ».
Les moniales ont-elles d’autres projets ? « Si, à l’avenir, nous parvenons à
vendre plus de vin sous nos propres étiquettes, répond Mère Maïté enthousiaste,
nous travaillerons à l’élaboration de nouvelles cuvées, et pourquoi pas du rosé !
La communauté ne manque pas de projets dans tous les domaines ! ».

© Notre-Dame de Fidélité, Jouques

44 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Alors qu’en ce début d’automne, les cigales sont devenues muettes au
Pey de Durance, les mélodies grégoriennes, quant à elles, continuent d’ense-
mencer de prière le paysage de vignes, de lavandins, et d’oliviers qui entoure
l’abbaye. Louange, Fidelis, deux crus pour laisser monter vers Dieu fidélité et
louange : qui l’eut cru ?
Les bénédictines de Notre-Dame de Fidélité
de Jouques

Les cuvées Louange et Fidelis sont


disponibles à l’abbaye de Jouques,
dans les boutiques d’artisanat
monastique
et par correspondance sur
www.boutiques-theophile.com
© Notre-Dame de Fidélité, Jouques

Depuis 2008, l’Association des vins d’Abbayes regroupe une


vingtaine d’exploitants de domaines viticoles rattachés à une
abbaye, dont trois abbayes habitées par des communautés
monastiques : Notre-Dame de Lérins, Sainte Madeleine du
Barroux et Notre-Dame de Fidélité à Jouques. Les membres
de l’association organisent chaque année le Salon des vins
d’Abbayes.
Le prochain rendez-vous est programmé les 27 et 28 mars 2020
au Palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés, 5 rue de l’abbaye
75006 Paris.

Notre-Dame de Fidélité - Chemin du Pey - 13490 Jouques


www.abbayedejouques.org

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 45


Le vin des moines
de Lérins

© Abbaye de Lérins
L’île Saint-Honorat, petite île de 42 hectares, dont 10 hectares
cultivables bordés d’oliviers multiséculaires comme des veilleurs. Des
8 hectares de vignes qui avaient couvert l’île depuis un siècle, il ne
restait qu’un hectare et demi pour la consommation courante et le vin
de messe. Le reste avait été reconverti en champs de lavande, plus
facile à travailler, mais bien insuffisant pour faire vivre une communauté
qui avait vu affluer de nouvelles forces vives.

Nous étions au début des années 1990. Un nouveau souffle économique


s’imposait. J’étais jeune profès temporaire et ne savais pas encore à quelle
sauce on allait me manger. Un jour l’Abbé me convoqua :
– Tu sais, le chapitre a réfléchi et on a décidé de relancer le vignoble…
Et on a pensé à toi, avec aussi frère Isidore.

46 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


– Ah bon ! Mais je n’ai
jamais fait de vendanges de ma
vie !
– Tu apprendras.
Ainsi soit-il !
Le projet avait germé avec
le conseil d’amis de l’abbaye
exploitant eux-mêmes un
domaine dans le Var et d’autres
connaissances. Le vin des
moines ! Le vin de Cannes !
L’Abbaye avait déjà laissé sa
palme sur le blason de la ville
jusqu’à l’incontournable festi-
val, alors quelle aubaine pour
les belles tables de la Croisette !
Mais s’il faut se faire un nom
pour une place en ce monde,
combien plus encore dans le
milieu du vin où il faut savoir

© Abbaye de Lérins
convaincre et séduire. Le projet
était ambitieux, si l’affaire devait
être rentable il fallait viser vers le
haut de gamme. Nous apprîmes
vite que l’image ne suffisait pas, mettre du prix dans une bouteille voulait dire
en retour, typicité, qualité et notoriété.
De liens en liens
Le pouvoir de la vigne et du vin est d’être facteurs de liens. Dès que le
projet perça les murs de l’Abbaye, un ancien vigneron à la retraite qui s’en-
nuyait du métier se présenta, prêt à prodiguer conseils et mettre la main à la
pâte. Il nous fit connaître un œnologue curieux de cet étrange vignoble en
devenir sur cette île peuplée de moines et ignorants en la matière.
Premier objectif, rechercher une singularité et exit le rosé ! Laissons-le
à la Provence. Ce sera du blanc et du rouge. De liens en liens le projet pros-
péra et nous pûmes restructurer le vignoble de 8 hectares. Trouvèrent racine
Chardonnay, Clairette, Syrah, Viognier et Mourvèdre.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 47


© Abbaye de Lérins
Par un autre lien arriva un coup de cœur, déraisonnable si l’on en croit
les viticulteurs de la région. Un de nos amis, bourguignon, joua sur la corde
sensible et nous persuada qu’en tant que cisterciens nous ne pouvions faire
l’impasse du Pinot Noir, si ce n’est par raison au moins par gratitude pour nos
ancêtres moines de Cîteaux. Et pour finir une touche provençale, le Rolle.
Au final 3 hectares de blanc et 5 hectares de rouge, pour une production
moyenne de 30 000 bouteilles déclinées en sept cuvées.
L’art de profiler
Nous comprenons pourquoi la vigne dans la Bible symbolise la vie d’un
homme, il faut du temps. Le retour sur investissement est loin d’être immé-
diat. Il faut apprendre humblement et comprendre comment vit tout cela.
Cultiver c’est comprendre son milieu, le cépage, les sols, l’environnement.
Le profil du vin est un art d’adaptation. Il faut définir un objectif qui
concentre à la fois un mode de culture et une éthique. Il faut un objectif
commercial, jeu difficile de communication et d’images, surtout sur la "Côte
d’Azur". Nous avons poursuivi une politique de préservation de l’environ-
nement. Nous avions débuté en culture raisonnée pour finir en culture bio,
nous avons obtenu la certification tant pour la vigne que pour le vin.

48 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Excellence et charité
Le prix de nos vins ne s’explique pas que par leur
qualité ; le prix de revient est élevé. Une île isolée
implique une autonomie de fonctionnement, de la
plantation à l’expédition. Le domaine viticole est mené
par des employés sous la supervision de certains frères.
Le vin, le travail, c’est aussi le partage, nous
sommes aidés par un grand nombre de bénévoles. Le
souci aussi des nécessiteux. Nous avons un petit clos, le
clos de la charité : la vente de son produit nous permet
de financer des associations caritatives.
Frère Marie
Abbaye de Lérins

© Abbaye de Lérins

Abbaye de Lérins – Ile Saint Honorat – 06400 Cannes - Tél. 04 92 99 54 00


www.abbayedelerins.com

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 49


Il était une fois…
la Plante de Maylis
N’est-il pas grand ce mystère de la vie
qui semble avoir besoin de nos limites pour une plus grande fécondité ?

Cultivée depuis la fin des années 1950 sur les terres de l’Abbaye de
Maylis par les moines eux-mêmes, la Plante de Maylis est connue pour
ses effets bénéfiques pour le corps depuis longtemps1. Mon propos
dans ces quelques lignes voudrait aller plus loin, et explorer des vertus
moins connues de la plante. Car ce qui est nouveau depuis quelques
années pour nous, les frères, c’est une lente prise de conscience : la
Plante de Maylis est infiniment plus qu’une tisane. En quoi ? Je vais
tenter de vous en faire le récit. Le récit d’un chemin de vie.

© Abbaye Notre-Dame de Maylis

1
La plante a fait ses preuves quant à son aide pour le bon fonctionnement digestif et biliaire, rénal et urinaire. Foie et reins, elle
s’y connaît !

50 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


La crise de l’été 2013
Avec l’expérience de près d’un demi-siècle de culture de la plante, l’iti-
néraire cultural du Lepidium (la Plante de Maylis) semblait rodé. Peu de
surprises, ce qui ne veut pas dire quelques coups de chaud et de froid pour le
frère responsable de la plantation. Mais voilà qu’arriva l’été 2013.
À la mi-juillet, le Père Abbé me demande de seconder le frère responsable
des cultures. Je rechigne, ne voyant pas ce que je pourrais y apporter, ni ce
que je pourrais y faire, hormis les opérations communautaires habituelles de
désherbage, de plantation et de récolte. Arrivant au champ ce matin d’été,
quelle est ma surprise de découvrir qu’il se passe quelque chose d’anormal
dans la plantation. Toutes les feuilles du bas des tiges sont atteintes d’un
mystérieux mal. Une découverte d’autant plus violente que la cause m’en est
pour le moment inconnue.
La première émotion passée, pliant un genou en terre, je découvre, dans
sa forme larvaire, un tout petit insecte dissimulé dans la racine de la plante
et se nourrissant de cette dernière. Visiblement je le dérange dans son festin
plantureux. Reste que tous les pieds de Lepidium sont ainsi « habités ».
© Abbaye Notre-Dame de Maylis

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 51


© Abbaye Notre-Dame de Maylis
Un bien curieux insecte
La réponse ne tarde pas à venir, d’un
côté que nous n’imaginions pas. Après
plusieurs tentatives – infructueuses –
auprès des organismes agricoles agréés en
cette fin juillet, nous nous tournons vers
des entomologistes, des spécialistes des
petits insectes, pour tenter d’identifier l’in-
secte ravageur. Après l’envoi postal des larves,
et le temps de la mue de ces dernières, les spécia-
listes nous rendent compte de leur émerveillement
devant l’insecte qui leur apparaît dans sa forme adulte : « c’est
le fameux Lixus Myagri qui manque dans nos collections ! ».
Devant cette joie, je reste bouche bée. Alors que je ne nourrissais que
des pensées de mort pour ce brave charançon – c’est son nom de famille, une
famille vraiment nombreuse –, voilà que des professeurs « Tournesol » des
insectes me renvoient un regard d’émerveillement, de contemplation devant
la nature. En moi, c’est alors le grand écart.
Je l’avoue, je n’avais alors pas un regard très « contemplatif » sur cet
insecte, bien au contraire. Une hantise m’habite encore, que je rassemble en
cette question : comment me débarrasser de cet intrus, de cet indésirable ?

52 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Car enfin, notre plantation n’est pas un lieu d’expérimentation. C’est du
sérieux !
Un déclic…
Broyer du noir épuise son homme. Je profite alors du passage de Sébas-
tien, un ami de l’Abbaye, pour visionner à nouveau un court extrait d’un film
réalisé sur l’abbaye et, en particulier, sa plante. Après la séance, un déclic se
produit en moi. Je prends conscience, à la suite du Père Emmanuel, le frère
qui découvrit le Lepidium dans les années 50, que « l’avenir de la commu-
nauté est dans la Plante de Maylis ». Écoutée distraitement, voici tout à coup
que cette phrase ré-enchante mon regard sur la plantation. Cette plante
malade, chétive que j’ai vue aux champs, c’est LA Plante de Maylis. Du vivant
avant tout. Ce n’est pas seulement la tisane, comme aiment à l’appeler les
frères, autrement dit un produit fini, un extrait de la plante après maintes
opérations mécaniques2 ; c’est un végétal qui vit par lui-même, avec toutes les
exigences du vivant, en eau, en ensoleillement, en température, en nourriture
quotidienne...
Ce nouveau regard, que je pourrais qualifier de contemplatif chez le Père
Emmanuel, voici qu’il est mien désormais. En quelque sorte, je reçois, à ce
moment-là, la foi en la vie de mon frère paysan.
Nouveau regard sur un don de Dieu
Dès lors, il s’agit pour moi de mettre mes pas dans ceux de mes prédé-
cesseurs, de renouer avec cette tradition transmise année après année, que la
vie, fut-elle celle d’un végétal, doit être honorée pour ce qu’elle est. C’est un
vrai retournement de mon regard qui s’est opéré en revoyant cette vidéo. En
quelque sorte, je suis ainsi entré dans un travail de mémoire sur l’origine du
don de cette plante pour notre communauté.
À la fin des années 1950, alors que nous cherchions à l’extérieur de nos
murs une solution économique pour mieux subvenir à nos besoins financiers,
il nous fut donné d’entendre un ami nous dire : « Mes frères, vous avez de l’or
dans votre jardin ». La solution était tout près de nous, sous nos pieds, et
nous ne le savions pas.
Qu’il est doux et bon pour moi dans ces heures difficiles de l’histoire
de notre plante, de recevoir de manière renouvelée cette plante avant tout
comme un don de Dieu, comme un cadeau fait il y a plus de soixante ans à la

2
coupe au sécateur, transport sur remorque, hachage, séchage, tamisage, mise en sac pour le conditionnement en vrac, puis
mise en sachet individualisé.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 53


communauté. De sentir que quelqu’un a veillé très concrètement aux besoins
matériels des frères en son temps, et qu’il reste fidèle.
Ainsi, au cœur de cet été et de mon impuissance sur la gestion de la
plantation, je suis travaillé en profondeur et invité à changer mon regard sur
la vie et sur la mort. Deux grandes pierres marquent désormais l’entrée de ce
nouveau chemin : l’émerveillement et le travail de mémoire. Ces belles prises
de conscience vont désormais m’aider pour porter ce questionnement pres-
sant : comment m’y prendre pour tenter de freiner la course folle de l’insecte
ravageur pour qui philosophie et théologie importent peu, autrement dit,
juguler ce fléau du charançon ?
Secouer les habitudes
Après un l’échec patent d’un produit chimique censé éliminer le charan-
çon, il me faut chercher ailleurs des solutions. Une personne amie m’indique
le nom d’un ingénieur agronome que je contacte aussitôt pour lui exposer
nos soucis de culture. Grand silence au téléphone. Puis cette phrase donnée
qui ne me quittera plus : « Frère, vous devez redonner vie à vos sols ». Très
bien, répliqué-je. Et combien de temps faut-il pour redonner vie à nos sols ?
« Environ 5 à 10 ans ». Là, c’est moi qui reste sans voix. Alors que j’attends
une réponse immédiate à notre problème crucial, me voici invité à laisser le
temps faire son œuvre.
D’abord assommé, je perçois qu’il y a une véritable sagesse dans ces pro-
pos. Je comprends qu’il va nous falloir plusieurs années pour donner une
réponse adéquate à cet insecte. Et si cet insecte nous avait été envoyé pour
secouer nos habitudes, et nous rappeler que la vie, il faut en prendre davan-
tage soin ?
Le temps de redonner vie au sol
Dès lors, nous commençons à réintégrer les déchets végétaux et animaux
de l’abbaye – jusqu’alors nous ne les utilisions pas – dans le cycle cultural de
la plante. Feuilles mortes, bois broyés, fumier de nos moutons. Tout devient
bon pour les cultures. Du coup, les vers de terre et les petits insectes du sol,
mais aussi les bactéries, champignons et autres compagnons des espaces sou-
terrains, se passent le mot, et des colonies entières reviennent habiter nos sols.
Aux champs, il n’est pas rare de surprendre tel ou tel frère en contemplation
devant la vie grouillante de notre sol. Assurément, la vie appelle la vie.
Dans ce grand mouvement de « restauration », sort de terre en 2016,
le jardin de l’abbaye. Non pas pensé d’abord sur papier, par des gens sérieux

54 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


et prévoyants. Initié par un
pauvre qui venait chercher le
gîte et le couvert chez nous,
pour quelques jours. Que s’est-il

© Abbaye Notre-Dame de Maylis


passé ?
Naissance d’un jardin
Un jour de « désert »3 , bien
décidé à préserver cet espace pré-
cieux de respiration dans notre
vie monastique très rythmée, un
« routard » échoue à l’abbaye en
cet automne 2016, pour y trou-
ver un peu de répit sur sa route.
Je dois m’en occuper.
Il arrive au mauvais moment
et j’ai peine à dissimuler mon
agacement. Non content de

© Abbaye Notre-Dame de Maylis


demander le gîte et le couvert,
service auquel nous nous prêtons
volontiers, il me fait la demande
expresse de rendre un service de
ses mains.
Je le conduis alors aux
champs, me demandant quoi lui
faire faire ; nous ne cultivons alors que notre plante en mode monoculture et
assurons par nous-mêmes tous les gros travaux des champs.
Arrivés au petit champ attenant au monastère, j’ai l’idée de lui faire enle-
ver une bande plastique qui sert de protection contre les adventices autour de
notre plante, pensant être tranquille pour un bon moment. Un quart d’heure
plus tard, il me rappelle pour connaître la suite des opérations. Un voisin
nous ayant offert la veille au soir vingt tonnes de fumier de poule, volontiers
acceptés sans savoir au juste quoi en faire, je prescris alors à notre ami de
la route de le positionner autour de notre plante pour la fertiliser. Ce qu’il
fait. Et de même avec de la luzerne fraîchement coupée par les frères. « J’ai
l’impression de faire des lasagnes », dit-il se redressant fièrement.

3
Nous avons une journée « désert » par mois, durant laquelle nous prenons plus de temps pour la prière personnelle et le silence.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 55


À ce moment-là, je comprends qu’il se passe « quelque chose ». Il vient
d’employer sans le savoir un terme largement usité par les promoteurs de la
permaculture4. Quelques jours après, il est embauché comme salarié pour le
compte de l’abbaye. Nous commençons alors avec lui la création d’un jardin
sous nos fenêtres. Ce qui me frappe en repensant à cet épisode, c’est le simple
enchaînement de petits événements : ce « routard » intervenu dans notre vie
à un moment où nous aspirons à un peu de répit dans nos travaux agricoles,
et peu de temps après notre décision d’embaucher un ouvrier pour nous aider
dans ces travaux des champs.
Bien sûr que nous pensions à un jardin, mais sans voir alors comment
faire. C’est ainsi qu’un pauvre a frappé à notre porte, et plus de vie est entrée
dans nos champs… La plante de Maylis n’a pas fini de nous surprendre sur
ce chemin de la vie
De surprise en surprise
À la même époque, nous engageons une double réflexion : à court ou
moyen terme, nous devons changer d’ensacheuse pour conditionner notre
plante en tisane ; parallèlement, nous pensons en profiter pour repenser l’em-
ballage et la présentation de notre fameuse plante afin de la repositionner
davantage à l’intérieur de son écrin de production et faciliter son utilisation
pour les consommateurs5. C’est alors qu’une demande extérieure nous arrive
d’un Établissement Spécialisé d’Aide au Travail situé non loin de l’Abbaye.
Une demande qui nous invite, une fois encore à reconsidérer nos habitudes…
Disons un mot sur cette production bien particulière de Lepidium à
l’abbaye. Riche du savoir-faire des moines depuis des décennies, s’effectuant
au milieu d’un cadre de prière et de silence, elle n’a pas pour but de générer
le maximum de profit à une entreprise, mais d’être au service de la vie de la
communauté et de ses membres, dans leur recherche de Dieu. C’est bien ce
souci premier de la personne au sein d’une communauté qui s’avère alors le
lieu de notre rencontre avec l’Esat, dont l’organisation et l’activité visent un
objectif semblable.
Nous choisissons de ne pas acheter la machine spécialisée et d’offrir à neuf
personnes porteuses d’un handicap l’occasion de réaliser de leurs mains un
travail simple, exigeant et beau, à travers la mise en sachet et le conditionne-
4
Ndlr. Contraction de « (agri)culture permanente », le terme fut lancé par Bill Mollison et David Holmgren dans les années
1970. Ce type de culture regroupe des principes et des techniques d’aménagement et de culture, à la fois ancestraux et nova-
teurs, où animaux, insectes, êtres humains, plantes et micro-organismes vivent en harmonie dans un environnement sain et
auto-suffisant. De plus, pour David Holmgren, la recherche d’équité, de coopération et de durabilité peuvent s’appliquer à tous
les domaines. Les monnaies locales, l’enseignement à la maison ou le recyclage sont aussi essentiels que l’agriculture biologique.
5
Ce que l’on met communément sous le vocable de packaging.

56 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


© Abbaye Notre-Dame de Maylis

ment de la plante. En effet, non seulement nous faisons évoluer notre packa-
ging – il gagne en beauté, en vérité sur le mode de production de la Plante et
ses qualités intrinsèques –, mais encore, nous imaginons avec notre cartonnier
local une boîte spéciale pour faciliter le travail des ouvriers de l’Esat.
Cette chaîne vertueuse et pleine de sens qui se met peu à peu en place
entre les moines et l’Esat, montre combien une vraie coopération autour
d’un simple produit porte plus de vie pour chacun. Un constat d’autant plus
manifeste le jour où nous accueillons à l’Abbaye, pour la journée, l’équipe de
l’Esat qui travaille pour nous. Ces personnes nous dilatent par leur simple et
joyeuse présence, aussi bien dans nos champs que dans la liturgie ou au cours
d’un moment convivial. Décidément, la Plante de Maylis crée de la vie !
La crise de l’été 2013 est bel et bien à l’origine des remises en question
de nos habitudes. Il y en eu d’autres et il serait trop long de les énumé-
rer. Cependant, il me plaît de revisiter avec vous un épisode qui s’est passé
quelque temps après, afin de sentir ensemble combien la vie dépasse nos vies,
nos calculs et nous surprend toujours, pourvu que nous acceptions de jouer
le jeu.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 57


Des serres providentielles
Fin mai de ce printemps 2016, alors que nous sommes à une semaine de
la grande récolte traditionnelle de la plante, le temps est si perturbé depuis
près de cinq mois, que nous n’avons pas pu effectuer les nouvelles planta-
tions, une opération hivernale. Mais surtout nous sommes dépassés par les
conséquences d’une humidité omniprésente, qui a favorisé une infestation de
mildiou – un champignon ravageur de notre plante – entraînant une chute
drastique des rendements de la récolte. Faisant un bref état des stocks avec
notre Père Abbé, nous constatons qu’ils sont quasiment nuls, et que les pers-
pectives de récolte ne sont pas réjouissantes.
Beaucoup plus confiant que moi, le Père Abbé m’assure : « Mon frère,
nous avons toujours eu ce qu’il fallait depuis 60 ans ». C’est bien beau pensé-je,
et surtout bien naïf après les constats que nous venons de faire ensemble.
Très agacé – et faut-il l’avouer, complètement impuissant devant cette
situation critique, je quitte sur le champ son bureau. L’instant suivant, notre
horticulteur – celui qui élève nos jeunes plants destinés à la plantation de fin
d’hiver – m’appelle et me demande de venir chercher ces jeunes plants, car il
ne peut plus les garder sous serres. C’est le comble. Le seul espoir que j’avais,
c’était au moins d’avoir quelques plants sains sous serres, à l’abri de l’humi-
dité. Alors que je vais négocier avec lui les conditions de rapatriement de la
marchandise, je longe la ferme d’un voisin qui a d’anciennes serres de séchage
de tabac, absolument magnifiques et vides. N’y tenant plus, je frappe à la
porte, et j’entends, stupéfait : « Enfin quelqu’un qui s’intéresse à nos serres ! ».
En quelques minutes, au milieu des cris d’enfants ravis de voir débarquer chez
eux un être bizarre qu’on appelle un moine, il est convenu que le camion de
nos jeunes plants ne viendra pas à l’Abbaye, mais aux serres directement. Et
chose inouïe, nous avons, cette année-là, une récolte de feuilles chaque fin de
mois6, ce qui nous permet d’avoir juste de quoi fournir nos clients habituels.
Le lien qui me frappe ici, c’est le lien de la foi. Le frère ancien, appuyé sur
son habitude de l’action de Dieu dans et pour la vie de la communauté, sans
savoir comment cela allait se réaliser. Il a cette foi que quelque chose peut
survenir d’un côté que nous ne prévoyons pas. Et cela vient en effet par la
petite porte de l’espérance, qui permet à chaque acteur de jouer la partition
qui revient à lui seul de jouer : pour l’un, oser frapper à la porte du voisin en
demandant de l’aide, pour l’autre, accueillir la demande et se réjouir, pour le
troisième, offrir sa foi en ce Dieu fidèle.

6
de juillet à octobre.

58 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Frère Joseph dans les serres © Abbaye Notre-Dame de Maylis

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 59


© Abbaye Notre-Dame de Maylis
Étonnant chemin de coopération, qui en fin de compte va élargir le
regard et le cœur de chacun. Qu’il est doux de toucher du doigt que dans
le lieu même de notre fragilité, Dieu agit et voit nos besoins les plus petits,
et parfois si matériels. Cela aussi, nous avons pu le vivre grâce à la Plante de
Maylis.

Au terme de ce parcours, nous comprenons que cette Plante de Maylis
est infiniment plus qu’un simple produit de consommation. Autour d’elle
c’est toute une histoire qui s’écrit et se raconte. Grâce à elle ou à cause d’elle,
la communauté des moines s’est enrichie de multiples liens qui se sont
avérés indispensables au fil du temps pour bien conduire la plante. Ce fut
tout d’abord la nécessité de changer mon propre regard sur la création, et
d’apprendre peu à peu, au gré des échecs et des réussites, à ne pas la consi-
dérer comme un problème à résoudre mais bien plutôt comme un mystère
à contempler.
Lien au sol aussi, qu’il nous faut accueillir comme un vivant à part entière,
ayant besoin d’être traité comme tel pour être fécond (apport de fumier, de
compost, d’extraits végétaux …). Lien aux autres (pour les serres, pour l’em-
ballage de la tisane, pour l’élevage des jeunes plants, pour le travail quotidien
aux champs …). Lien à Dieu enfin, qui est constamment interrogé par les
multiples événements du quotidien et sur lequel le moine et la communauté
doivent sans cesse se repositionner.

60 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Avec le compagnonnage de la Plante de Maylis, c’est une véritable sagesse
que la communauté expérimente d’année en année. Celle de goûter combien
il est bon de s’appuyer les uns sur les autres, sur tous les vivants qui nous
entourent et qui sont appelés à coopérer à une même œuvre : les hommes
bien sûr, mais aussi les végétaux, les insectes, les animaux et le Créateur lui-
même. Un tel chemin de vie n’est jamais acquis une fois pour toute, il est à
choisir chaque jour en passant par la petite porte étroite de la reconnaissance
humble de nos propres limites, de celles de la plante, mais aussi de la place
irremplaçable des autres.
N’est-il pas grand ce mystère de la vie qui semble avoir besoin de nos
limites pour une plus grande fécondité ?
Frère Joseph,
Abbaye Notre-Dame de Maylis

© Abbaye Notre-Dame de Maylis

Abbaye Notre-Dame de Maylis - 455 avenue Chalosse – 40250 Maylis


www.abbayedemaylis.org

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 61


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CHRONIQUE JURIDIQUE ET FISCALE

De nouvelles règles
pour l’appel à la générosité
Ces dernières années, la Fondation des Monastères a sensibilisé les
communautés à la problématique de la collecte de dons et à sa réglementation1.
Une ordonnance n°2015-904 du 23 juillet 2015 a réformé le dispositif de la
loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative notamment au contrôle des comptes
des organismes faisant appel à la générosité publique. Un décret n°2019-504
du 22 mai 2019 l’a complété. Même si la ratification parlementaire manque
encore pour rendre le dispositif définitif, ces textes récents nous donnent
l’occasion de faire un nouveau point sur le sujet.

U
 n seuil de collecte fixe désormais les obligations des
organismes faisant appel public à la générosité
La déclaration préalable d’appel public à la générosité
Dans le dispositif né de la loi de 1991, les associations, fondations et autres
organismes – dont éventuellement les congrégations – qui collectaient des dons
au moyen d’un appel à la générosité publique, pour soutenir une cause d’intérêt
général : cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique,
éducative, sportive, culturelle, ou concourant à la défense de l’environnement,
devaient en faire la déclaration préalable auprès de la préfecture de leur siège
social si la campagne projetée était menée à l’échelon national.
Dans le nouveau dispositif, on ne distingue plus les opérations menées à
l’échelle locale des opérations menées à l’échelon national, le critère unique
est le dépassement d’un seuil de collecte, fixé par le décret du 22 mai 2019
à 153 000 €. Par collecte on entend les dons manuels y compris les
produits reçus des ventes de dons en nature, ainsi que les legs, donations,
assurances-vie et dons effectués dans le cadre du dispositif du mécénat.
Ce seuil s’apprécie au titre des exercices comptables ouverts à compter du
1er juin 2019. Pour déclencher l’obligation, il doit avoir été atteint au cours
de l’exercice, ou au cours de l’un des deux exercices précédents lorsqu’il y a eu
appel public à la générosité quels que soient les moyens ou modalités de la
collecte menée par l’organisme concerné.
1
Voir nos précédentes chroniques dans les numéros 165 de janvier 2011, 174 d’avril 2013 et 185 de janvier 2016.

62 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


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Comme précédemment, cette déclaration est adressée au préfet du siège social


de l’organisme avec demande de récépissé. Elle doit mentionner les campagnes
projetées dans l’année, les objectifs visés, les périodes et les modalités de
chacune d’entre elles. Il ne s’agit que d’une simple déclaration et non d’une
autorisation sauf pour les fonds de dotation.
Précisions sur certaines opérations

a) La notice du décret mentionne très clairement que l’appel public se


distingue de l’appel auprès d’un public qui serait restreint à un cercle de
personnes caractérisé par des liens existants. Cette précision est importante
car nombre de collecteurs se contentent de solliciter leur réseau d’amis, sans
prospection de grande ampleur. Cependant il convient d’être prudent car
cette notion de public « restreint à un cercle de personnes caractérisé par des
liens existants » renvoie en quelque sorte à la notion précédente opposée
« d’absence de lien préétabli » dégagée par la Cour des Comptes, que cette
dernière se reconnaissait fondée à apprécier.
Notons encore que le simple fait de disposer d’un site internet où figure
la possibilité de faire un don n’entraîne plus avec le nouveau dispositif,
d’obligation de déclaration, si le seuil de collecte de 153 000 € n’est pas atteint.
b) Bien que l’appel public à la générosité pour un motif cultuel soit hors du
champ de la loi du 7 août 1991, la loi2 a rendu applicable aux associations
cultuelles la déclaration préalable des opérations de collecte menées par
l’intermédiaire d’un dispositif électronique ou au moyen de celui-ci (cela vise
le don par sms), mais sans leur imposer l’établissement d’un CER.
En ce qui concerne les congrégations reconnues se livrant à un appel aux
dons pour la construction ou la rénovation d’un lieu de culte ouvert au public,
elles devront, si elles reçoivent plus de 153 000 € de dons, assurer la publicité
de leurs comptes. On rappelle que pour ce motif elles peuvent délivrer des
reçus fiscaux.

Les obligations relatives à la transparence financière

Corrélativement à la déclaration en préfecture et comme par le passé, les


organismes qui font appel au public (et qui selon le nouveau critère, ont reçu
des dons et libéralités pour un montant supérieur à 153 000 €) doivent établir
un compte d’emploi annuel des ressources collectées (CER). Ce CER
est inclus dans l’annexe aux comptes annuels qui doivent être certifiés par un
commissaire aux comptes (CAC). Les comptes annuels intégrant le CER et le
rapport du CAC doivent être publiés sur le site du Journal officiel.

2
n° 2018-727 du 10 août 2018 (article 47 §2 modifiant l’article 21 de la loi de 1905).

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 63


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Le compte d’emploi des ressources a vu également ses modalités de


présentation modifiées par un arrêté du 22 mai 2019, applicable au 1er janvier
2020, conformément au nouveau règlement comptable des organismes sans
but lucratif 3 et il devra désormais être accompagné d’un compte de résultat
par origine et destination ou CROD.
Par ailleurs4, tous les organismes qui, même sans faire appel public à la
générosité, recevraient plus de 153 000 € de dons ouvrant droit, au bénéfice
des donateurs, à un avantage fiscal, doivent faire certifier leur compte par un
commissaire aux comptes et en assurer la publicité par tous moyens (site du
Journal officiel pour les associations, fondations, fonds de dotation ; lettre aux
donateurs, ou site internet pour les autres organismes). Ces organismes ne sont
pas tenus d’établir un CER.
Rappelons que tous ces organismes sont également soumis au contrôle de la
Cour des Comptes.
Quant aux cultuelles, on mentionnera pour information que l’article 21
de la loi de 1905 prévoit qu’elles établissent des comptes annuels, dressent
chaque année l’état inventorié de leurs biens meubles et immeubles, et que
leur contrôle financier est exercé par le ministre des finances et l’inspection
générale des finances.
R
 appel des bonnes pratiques selon les diverses situations des
communautés
a) Les communautés reconnues qui collectent elles-mêmes pour un motif
d’intérêt général, les associations d’amis des communautés reconnues
ou non reconnues, dédiées à une œuvre d’intérêt général (entretien de
bâtiments classés ouverts à la visite, ou toute œuvre sociale, éducative, de
bienfaisance ou autre) peuvent solliciter et recevoir les dons déductibles, dès
lors qu’il s’agit de financer une œuvre laïque d’intérêt général.
Les représentants légaux de la congrégation ou de l’association concernée
doivent remplir leurs obligations pour les appels à la générosité du public quel
qu’en soit le support, dès lors que le seuil de collecte aura été atteint au cours
de l’un des deux exercices précédents ou de l’exercice en cours, si elles se sont
livrées à une recherche de nouveaux donateurs (par location ou échange de
fichiers, crowdfunding, etc.).
Il va de soi qu’en cas de difficulté d’identification de la réelle situation de
la communauté, ou de mise en œuvre, un conseil de la Fondation peut
toujours être demandé.

3
Règlement n° 2018-06 du 5 décembre 2018.
4
Conformément à l’article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.

64 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


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b) Les communautés non reconnues, et les communautés reconnues qui


préfèrent s’appuyer sur la Fondation des Monastères pour rechercher
du financement doivent se rappeler que c’est la Fondation qui est responsable
de la collecte et des obligations liées, même si elle n’en a pas l’initiative.
La Fondation, qui déclare systématiquement ses propres campagnes d’appels
à dons, déclare également les campagnes initiées par les communautés et
affectées à objectif distinct, lorsqu’elles sont caractérisées par une recherche
active de nouveaux donateurs.
La Fondation doit s’assurer que le motif de l’appel est bien d’intérêt général
(besoins sociaux des communautés, entretien du patrimoine…)5 étant entendu
que les aménagements concernant l’activité économique lucrative et les
constructions nouvelles ne pourront – en principe – être ainsi financées.
C’est pourquoi il est plus que jamais demandé aux communautés qui veulent
s’appuyer sur la Fondation :
− de prendre contact le plus tôt possible, et évidemment avant tout envoi
de documentation quelle qu’elle soit. Sans accord exprès de la Fondation,
l’opération de collecte ne pourra être assumée et les chèques devront être
retournés.
− de renvoyer chaque année à la Fondation des Monastères, l’attestation
du montant des dons reçus par son intermédiaire dans ce cadre et leur
affectation (uniquement dans les grandes lignes et pour les principaux postes
de dépenses) la Fondation fournissant toujours le modèle.
Remarques importantes
•P  our les simples lettres aux amis comportant un appel à leur générosité
afin de soutenir la communauté, la Fondation tient à disposition une formule
prête à emploi à utiliser telle quelle, toute modification devant faire l’objet
d’un accord.
• Le recours à des intermédiaires professionnels de la collecte de fonds,
pose régulièrement de sérieux problèmes et la Fondation ne peut assumer
d’être destinataire des fonds lorsque leur intervention aura été sollicitée par
les communautés, en dehors de tout contact avec la Fondation. Mais là
encore, le conseil de la Fondation peut toujours être demandé avant toute
décision, pour qu’une solution adaptée puisse être trouvée.
Pour finir, nous concevons que ces règles puissent paraître contraignantes aux
communautés, mais elles ont pour unique but de préserver la capacité de la
Fondation des Monastères à leur apporter son appui. Nous remercions les
communautés de leur aide en ce sens.
Le service juridique

5
Voir en pages suivantes le rappel synthétique des motifs admis pour l’attribution de secours ou le versement de dons par la
Fondation des Monastères, en France (décision du conseil d’administration du 28 janvier 2016).

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 65


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Motifs admis pour l’attribution de secours ou le versement de dons

CADRE FISCAL GÉNÉRAL

Caractère social
Prise en compte des œuvres concourant à la protection de la santé publique,
et par extension, aux besoins liés au vieillissement et à la dépendance

Caractère humanitaire
Secours apporté aux personnes se trouvant en situation de détresse et
de misère, en leur venant en aide pour leurs besoins indispensables
(alimentaires, logement, alphabétisation, soutien moral)

Caractère culturel
Sont concernées les actions tendant à faciliter et élargir l’accès du public aux
œuvres artistiques ou culturelles, contribuant au dialogue entre les cultures
ou à la diffusion de la culture et de la langue française

Mise en valeur du patrimoine artistique


Il faut entendre : la sauvegarde, conservation et la mise en valeur de biens
mobiliers ou immobiliers appartenant au patrimoine artistique national,
régional ou local

Défense de l’environnement naturel


Comprend les activités visant à lutter contre pollution et nuisances, à prévenir
risques naturels et technologiques, à préserver faune, flore, sites et équilibres
naturels

Caractère éducatif
Prise en compte des besoins de formation et d’éducation

RAPPEL : les travaux ou dépenses concernant l’activité lucrative ne peuvent être financés par des dons ayant donné

66 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


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par la Fondation des Monastères en France (Décision du CA du 28 janvier 2016)


MOTIF RATTACHABLE PRÉCISIONS
POUR LES COMMUNAUTÉS COMPLÉMENTAIRES
• financement des cotisations sociales
• autres dépenses liées à la maladie ou
au vieillissement (soins des personnes,
équipement en mobilier ou matériel médical,
aménagement ou construction de locaux
adaptés, frais d’hébergement en Ehpad, etc.)

• aide à la communauté elle-même lorsqu’elle se • fi


 nancement des activités caritatives des
trouve en très grande difficulté pour faire face communautés au rang desquelles on peut
ses besoins essentiels ou en situation d’urgence inclure non seulement l’accueil des personnes
(sinistre) en grande difficulté, mais l’accueil monastique
ouvert à tous

• financement de travaux ou de manifestations


permettant d’offrir au public un accès au
patrimoine intellectuel, culturel ou artistique
(musées, parcours culturels, nouvelles orgues si
installées dans une église ouverte au public et
recevant des concerts, etc.)

• financement de tous travaux ayant pour objet : Les restructurations d’ampleur peuvent être
- l’entretien (y compris par des dépenses de financées aux conditions suivantes
chauffage) ou la conservation - l’architecture globale doit être préservée
- la rénovation (y compris mise aux normes) ou - l’aide ne pourra financer la construction de
réhabilitation surfaces nouvelles, sauf celles qui auront une
- la mise en valeur du patrimoine mobilier affectation ayant un caractère social
ou immobilier des communautés, qui a une Certaines constructions nouvelles ou
valeur soit artistique, soit historique extensions peuvent être financées
- celles qui sont liées à l’exercice d’une activité
d’intérêt général (telle que hôtellerie monastique
ouverte à tous publics, bâtiment accueillant des
publics déshérités, activité éducative, etc.)
- celles concernant la construction des édifices
servant au culte et ouverts au public

• financement de tous travaux ou actions


s’inscrivant dans le principe de l’économie
d’énergie, de la mise en place de sources
d’énergie « propre » ou d’équipements
écologiques par exemple

• financement des actions qui concourent à la Ne permet le subventionnement de la formation


formation d’un large public des membres des communautés elles-mêmes que
par exception : par exemple la formation en vue de
l’exercice d’une activité laïque d’intérêt général
Exclut toujours la formation proprement religieuse

lieu à reçu fiscal, ou par des subventions de la Fondation des Monastères. Seuls des prêts peuvent être accordés.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 67


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Comment refaire une cuisine


dans un monastère du XIIIe siècle ?

Carmel
du Reposoir (74)

C’était la difficulté pour les sœurs de la Chartreuse du Reposoir, devenu


carmel en 1932, après les que les vicissitudes de l’histoire en avaient chassé
les Pères Chartreux par deux fois, à la Révolution et en 1901.
La prieure écrivait à la Fondation en juin 2018 :
« Comme vous le savez, nous sommes dans un très vieux monastère du XIIIe
siècle, avec des murs épais en pierre, et où les moindres travaux sont toujours
complexes à la fois pour moderniser, tout en respectant le caractère des lieux.
Notre cuisine date de l’époque des Pères Chartreux… et nos fourneaux de
1964 ne fonctionnent plus correctement, ce qui devient très dangereux.
Toutes les tuyauteries sont encore en plomb, et les fils électriques en coton…
La restauration des trois pièces qui constituent le lieu de travail à la cuisine
(pièce de préparation des plats chauds, pièce de la réserve économat avec les
frigos et congélateurs, pièce de la laverie + réserve épicerie) constitue un énorme
chantier pour remettre le tout aux normes et le rendre plus fonctionnel… »
Les photos témoignent que la modernisation si nécessaire a eu lieu dans le
respect du caractère du bâtiment. 

68 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


C H A N T I E R S S O U T E N U S
PA R L A F O N D AT I O N

Photos : Carmel du Reposoir

Le Carmel est niché au cœur des montagnes des Aravis, en Haute-Savoie,


dans le village du Reposoir. Cette ancienne Chartreuse classée monument
historique, est devenue un carmel en 1932.
Carmel - 732 route de la Chartreuse - 74950 Le Reposoir - Tél. 04 50 98 15 01
carmel.reposoir@orange.fr

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 69


A C T U A L I T É

Eté 2019 – Journée de prière et d’échanges


Le dimanche 25 août 2019, une Journée de prière et d’échanges consacrée à
la sauvegarde de la Création organisée en collaboration par le Monastère de
Solan et l’association Les Amis de Solan. Dès le matin, la communauté invitait à
participer à l’office d’intercession (matines) et à la Divine Liturgie. L’après-midi, sur
le thème Un écran entre la vie et moi, trois conférences étaient au programme :
Le virtuel au risque de l’ignorance, par Pierre
Rhabi, paysan, écrivain et penseur, président-
fondateur des Amis de Solan, Enfants et
écrans : entre temps volé et addiction, par
Sabine Duflo, psychologue clinicienne et
thérapeute familiale, La rencontre à l’épreuve
du virtuel, par Stéphane Roux, philosophe,
superviseur et consultant pour les publics les
plus en déshérence. Instaurée en 1989 par le
patriarche Dimitrios Ier, cette journée de prière
et de réflexion nous rappelle que l’homme
« prince de la création et du monde spirituel »
doit élever vers le Créateur, afin de la sauver des
menaces qui pèsent sur elle, la planète qui nous
est offerte par Dieu.
Monastère de la Protection de la Mère de Dieu
1942 Route de Cavillargues
30330 La Bastide d’Engras

Septembre 2019 – 400 ans de la présence des carmélites à Nevers


Plusieurs conférences ont été proposées pour le lancement du jubilé à partir de
mars 2019. En septembre, deux après-midis « portes ouvertes », les samedi
14 et dimanche 15, suivies de Vêpres solennelles, ont attiré de nombreux
visiteurs. Les festivités se sont prolongées
le 21 septembre à l’occasion des journées
du Patrimoine. Parcours-découvertes,
exposition présentant le charisme, la
journée monastiques, les travaux des
carmélites mais aussi des archives, des
objets-souvenirs, les « trésors » d’une
longue histoire. À venir : une conférence
en novembre et une messe de clôture du
jubilé, le 8 décembre, à la date anniversaire
de la fondation.
Monastère du Carmel
35 rue des Montapins - 58000 Nevers
Tél. 03 86 57 09 75

70 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


A C T U A L I T É

Agenda
1220-2020 – 800 ans du monastère Sainte-Claire de Cormontreuil
En 1220, sœur Marie de Braye, arrive à Reims pour établir ce qui semble bien
être le premier monastère de clarisses en France du Nord. Elle est envoyée,
à la demande d’Albéric, archevêque de Reims, par sainte Claire elle-même,
fondatrice des Soeurs Pauvres et donc première
abbesse du monastère de Reims. Monseigneur
Guillaume de Joinville, successeur d’Albéric,
installe la communauté sur un terrain en lisière
de la ville.
Au fil des siècles, de nombreuses familles
de Reims et de la région verront leurs filles
entrer au couvent des sœurs clarisses : jeunes
femmes de la bourgeoisie, comme Claire, la
sœur aînée du ministre Jean Baptiste Colbert,
qui fut abbesse au XVIIe siècle, de l’aristocratie
comme Aldegonde-Jeanne Moet de Louvergny
au XVIIIe, ou Claude de Condé au XVIe, des
familles de laboureurs ou d’artisans comme
Anne Clément au XVIIe, ou Sébastienne
Modène, une des dernières sœurs de la
communauté.
En 1792, suite au refus des sœurs d’accueillir un aumônier «assermenté», le
Directoire de la ville de Reims ferme le couvent et disperse les sœurs. Sébastienne
retourne chez elle, à Vieux-lès-Asfeld, emportant le manuscrit contenant
l’histoire de la communauté depuis la fondation, pour le soustraire aux ardeurs
révolutionnaires.… Serait-ce la fin d’une belle histoire ?
En 1933, le monastère des clarisses de Nantes refonde
à Reims-Tinqueux, par l’envoi d’un groupe de sœurs…
C’est le début d’une nouvelle histoire.
L’année jubilaire des Clarisses de Cormontreuil
s’ouvrira le 17 novembre 2019 au monastère Sainte
Claire, par une Célébration eucharistique présidée par
Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort, archevêque
de Reims. Messes, concert, spectacle, exposition
historique, colloque, marqueront ce jubilé. Plus
d’informations sur le site du monastère.
Monastère Sainte Claire
2, rue Pierre Bérégovoy - 51350 Cormontreuil
www.clarisses-cormontreuil.catholique.fr

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 71


A C T U A L I T É

L’activité récente de la Congrégation


des Religieux à Rome
2017
Lors d’un numéro précédent de la revue de la Fondation des monastères1,
auquel nous renvoyons, nous avons évoqué l’organisation et l’activité de
la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie
Apostolique, CIVCSVA, d’après la publication de ce dicastère. Les activités
de la CIVCSVA pour l’année 2017 sont exposées dans le n°2018/01 de la
revue Sequela Christi, p. 175-203.
La publication suit les réunions annuelles du Conseil des 16, regroupant
outre les chefs de service du dicastère, huit représentants de l’Union des
supérieurs généraux (USG), et huit de l’Union des supérieures générales
(UISG), qui ont travaillé d’abord sur la révision du document Mutuae
relationes. Un autre sujet délicat a été traité, l’abandon de la vie consacrée,
à la lumière de la Plenaria du dicastère, dont le thème était « Fidélité et
persévérance ». Il y a été question du triste phénomène, en croissance ces
derniers temps, des fréquents abandons de la vie consacrée. Ont été examinés
les causes et les symptômes du point de vue des personnes et des institutions,
le discernement des vocations, et l’accompagnement personnalisé, la nécessité
d’évangéliser, l’exercice de l’autorité. Le 6 janvier 2017, la CIVCSVA a publié
A vin nouveau, outres neuves. Depuis le concile Vatican II, la vie consacrée et
les défis encore ouverts, texte faisant suite à la précédente Plenaria du dicastère
en 2014.
Deux Assemblées plénières de la congrégation se sont tenues en 2017,
dont l’une avec la congrégation des évêques, sur les mêmes thèmes que ceux
vus par le conseil des 16 (voir ci-dessus).
Un Rassemblement international sur la pastorale des vocations pour
la vie consacrée, orienté vers le Synode de 2018 sur les jeunes, a rassemblé
800 personnes, chargée de formuler des propositions qui ont été présentées
au Synode.
Sous l’égide du service d’approbation et d’organisation de la vie
monastique féminine et masculine, ont été nommés 36 assistants de

1
« L’activité de la CIVCSVA en 2013”, in Les Amis des Monastères n°181, janvier 2015, p. 62-65.

72 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


A C T U A L I T É

fédérations et associations. L’office a reçu les actes d’assemblées fédérales.


Sont achevées 11 visites apostoliques, et 5 sont en cours. 5 commissariats de
monastères sont terminés, alors que 16 autres sont en cours pour diverses
raisons. 13 monastères ont été fondés au Guatemala, Italie, Australie,
Mexique, Philippines, Tanzanie, Inde, Espagne, Vietnam. 13 ont été érigés
canoniquement, en Italie, Mexique, Madagascar, Brésil, Vietnam, Pérou,
Tanzanie, Colombie. 28 monastères ont été supprimés canoniquement.
Le service pour le gouvernement ordinaire et les biens temporels a
approuvé 93 modifications de constitutions. Ont été reçues 174 relations
périodiques d’instituts et actes de chapitres, qui permettent au dicastère de
connaître plus directement la vie et l’état de chaque institut et d’apprécier
plus largement la situation de la vie consacrée dans des contextes ecclésiaux
et culturels divers.
Le service pour la discipline et les questions juridiques particulières
a donné 104 autorisations d’absence, 137 exclaustrations ou prorogations
d’exclaustrations, a imposé 6 exclaustrations, a donné 1388 indults de sortie
de la vie religieuse, a confirmé 191 décrets de renvoi de la vie religieuse, a
constaté 14 renvois ipso facto.
Le même service a nommé 8 commissaires pontificaux, 4 assistants religieux,
a examiné 30 recours de religieux ou d’instituts au Tribunal de la Signature
apostolique. Il a concédé 10 passages de religieux à un autre institut,
5 passages à un institut séculier, et 18 « sanations » (validations a posteriori
d’actes invalides) d’actes administratifs. Ont aussi été traitées 51 questions
sur l’état, le comportement, les situations de personnes consacrées de
communautés ou d’instituts.
Le service d’approbation des instituts religieux, des sociétés de vie
apostolique, des nouvelles formes de vie consacrée et des instituts
séculiers a été consulté pour que 4 instituts de droit diocésains soient érigés,
pour 2 fusions, pour 1 reconnaissance de droit pontifical, et pour la séparation
d’un province d’un institut, qui devient désormais institut de droit diocésain.
Comme nous l’écrivions il y a quatre ans, que ces sèches statistiques
fassent prendre conscience de la diversité et du nombre des affaires traitées
« à Rome », et par conséquent, de la nécessité d’une information exacte,
précise et juste sur les situations à exposer à l’occasion d’une demande
d’indult, de conseil ou de décision.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 73


A C T U A L I T É

2018
Pour l’année dernière, mentionnons :
• les Orientations de la CIVCSVA, L’économie au service du charisme et de la
mission, du 6 janvier 2018,
• l’instruction du même dicastère du 8 juin 2018, Ecclesiae sponsae imago,
sur l’ordre des vierges consacrées,
• et la tenue d’un symposium international du 3 au 6 mai 2018, sur
Consécration et consécration par les conseils évangéliques, réflexions, questions
ouvertes, chemins possibles, qui a rassemblé 800 personnes là encore, et dont
les principales interventions sont consultables dans le même n°2018/01
de la revue Sequela Christi, p. 11-101.
L’instruction sur la vie monastique contemplative Cor orans, attendue depuis
le motu proprio du Pape François de 2016, Vultum dei quaerere, n’étant
publiée qu’en 2018, n’a pu avoir d’incidence sur l’activité du dicastère en
2017, telle qu’énumérée ci-dessus. Nous avons déjà traité de cette instruction
Cor orans, ainsi que de Vultum Dei quaerere dans cette revue2.

2019
Pour l’année en cours, signalons :
• La suppression le 17 janvier 2019, par un motu proprio du pape François,
de la commission Ecclesia Dei, et l’intégration de ses compétences à la
congrégation pour la Doctrine de la foi, au sein d’une troisième section ;
cela touche quelques communautés en France.
• Le motu proprio du Pape François du 19 mars 2019 Communis vita, sur
les absents de la vie religieuse, dont on peut déclarer le renvoi ipso facto,
quand malgré tous les efforts, on n’a pu avoir de leurs nouvelles depuis plus
d’un an. La procédure doit ensuite être confirmée par Rome.
• Le motu proprio du Pape François du 7 mai 2019, Vos estis lux mundi, sur
la dénonciation des abus dans l’Église. Ce texte impératif, en vigueur
depuis le 1er juin 2019, se situe directement dans le prolongement du

2
« Vultum Dei quaerere, un nouvel aggiornamento pour les monastères de moniales ? », in Les Amis des Monastères n°188,
octobre 2016, p. 66-76 ; « Autonomie des monastères, congrégation, association, et fédération, dans les actes de la rencontre
internationale de 2016 à Rome”, ibid., n°192, octobre 2017, p. 66-73 ; « Fédération et/ou congrégation », ibid., octobre 2017,
p. 74-78 ; « Cor orans, un élan renouvelé pour les communautés de moniales », ibid., n°195, juillet 2018, p. 48-54.

74 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


A C T U A L I T É

sommet sur les abus sexuels dans l’Eglise organisé au Vatican en février
2019, à la suite des textes antérieurs, les Normes sur les délits les plus graves
de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de 2010, le motu proprio
du 4 juin 2016, Comme une Mère aimante, qui pointait la responsabilité
des évêques et engageait la démission des évêques, supérieurs religieux, en
raison de leur négligence, ou enfin le motu proprio du 26 mars 2019 sur la
protection des mineurs et des personnes vulnérables, dans la curie romaine
et l’Etat de la Cité du Vatican. Il vient les compléter, les préciser, combler
utilement des lacunes. Pour plus de précisions, les supérieurs religieux
pourront se reporter à l’analyse diffusée par la Conférence des Supérieurs
majeurs (CORREF).
Fr. Hugues Leroy, osb

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 75


A C T U A L I T É

La Fondation « hors les murs »


Présences extérieures
de la Fondation des Monastères
Outre les rencontres régionales du cinquantenaire dont la rédaction se fait l’écho dans
la revue depuis le début de l’année1, la Fondation des Monastères est représentée dans
plusieurs instances et participe à de nombreuses rencontres.
Journée d’étude – mars 2019
La directrice, le directeur adjoint et le vice-président de la Fondation
ont assisté, le 5 mars 2019, avec 116 autres participants, à une journée
d’études qui s’est tenue sous l’égide de la CORREF, sur « L’économe au
service du charisme et de la mission ». Ce thème faisait suite aux Lignes
d’orientation pour la gestion des biens des Instituts de vie consacrée
et Sociétés de vie apostolique, de la CIVCSVA, du 2 août 2014 et des
Orientations L’économie au service du charisme et de la mission, du 6
janvier 2018, consécutifs aux symposiums romains de mars 2014 et
novembre 2016.  Fr. HL

Projection-débat – juin 2019


La directrice et le vice-président ont assisté, le 12 juin 2019, à la présentation d’un
documentaire « Emprise et abus spirituels », de Jean-Claude et Anne Duret, et au
débat qui a suivi, au siège de la Conférence des évêques de France.  Fr. HL

Summer School de Lucca – juillet 2019


Nuovi scenari per patrimoni monastici dismessi
Le président de la Fondation et le vice-président ont participé du 26 au 28 juillet à
Lucques (Toscane) à une Summer School organisée par l’université de Bologne du
25 juillet au 3 août, en collaboration avec d’autres institutions italiennes, notamment
universitaires et ecclésiales, sur la réutilisation du patrimoine monastique et le devenir
des biens immobiliers après fermeture des institutions qui les avait suscités et habités.
Le président a exposé le mode de fonctionnement des Fondations françaises,
reconnues d’utilité publique, l’historique de notre propre Fondation, l’évolution
de ses missions en fonction de l’évolution des besoins. Le vice-président a, quant
à lui, exposé les activités plus particulières de la commission immobilière et de la
sous-commission de valorisation, puis la façon dont sont aidées les communautés
en processus de fermeture qui nous le demandent, sous la double perspective,
canonique et civile. Les échanges sur les différentes situations en Europe (Espagne,
Italie) furent particulièrement intéressants. Ils mériteront d’être prolongés de façon
plus précise.  Fr. HL

1
Rubrique La Fondation « Hors les murs » dans les numéros 197, pages 54 à 62, et 198, pages 62 à 67.

76 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


A C T U A L I T É

Journées du Patrimoine à Sénanque – septembre 2019


Les travaux de sauvegarde et de valorisation de l’église abbatiale de Sénanque vont
débuter dès octobre. Ils dureront deux ans. On se souvient qu’en novembre 2018,
un appel aux dons était lancé car elle menacée d’effondrement. Grâce à la générosité
de nombreux donateurs, à la mobilisation de plusieurs acteurs publics et privés, les
fonds nécessaires (2,8 millions d’euros) ont été réunis pour lancer les travaux. Pour
sa part, la Fondation des Monastères participe à hauteur de 700 000 euros, grâce
aux dons affectés par ses donateurs depuis novembre dernier (ceci sans compter le
secours d’urgence débloqué dans les heures qui ont suivi la découverte du sinistre).
Aussi, le président de la Fondation était-il présent à Sénanque, pour les représenter
ce jour-là, à l’occasion de la remise symbolique des contributions. Suivre le projet :
https://www.senanque.fr/travaux-de-sauvegarde-de-leglise/  MCC

Congrès international du GIS Religions, Lyon – octobre 2019


Le Congrès international du GIS2 Religions-Pratiques, Textes, Pouvoirs, organisé
par l’université Lumière Lyon II, s’est tenu les 8, 9 et 10 octobre dernier, à Lyon.
Il s’est articulé autour d’ateliers scientifiques, de grandes conférences, de visites
de musées, permettant à une centaine de chercheurs internationaux d’explorer le
thème central de La Tradition sous divers aspects : fabrique de la tradition, temps
monastique entre tradition et utopie, tradition et modernité en tension dans l’art
chrétien (XIXe et XXe siècles), tradition comme carrefour disciplinaire, vivre la
tradition, le Coran et ses traductions, l’édition religieuse depuis vingt ans, l’édition
des sources, pour n’en citer que les principales lignes. Le président de la Fondation
des Monastères a été invité par Daniel-Odon Hurel3 à s’exprimer sur le concept de
tradition dans le monachisme chrétien, de l’antiquité chrétienne au XXIe siècle, aux
côtés d’universitaires. Comment l’historien interroge la construction, l’évolution
et les mutations du monde monastique en référence à la tradition ? Comment les
religieux définissent la tradition, l’invoquent, éventuellement affirment la vivre et la
relire à la lumière de l’évolution de la société et des conditions de la vie régulière de
ce XXIe siècle ?  MCC
Colloque : La charte de charité 1119-2019 – octobre 2019
Un document pour préserver l’unité entre les communautés.
Dans le n°198 (avril-mai-juin) de la revue, nous avions annoncé cette rencontre,
qui a fait l’objet du mécénat de la Fondation des monastères (p.70). Le colloque
s’est tenu les 16 et 17 octobre derniers au Collège des Bernardins à Paris, haut lieu
cistercien s’il en est, réunissant des spécialistes de l’histoire de l’Ordre de Cîteaux,
des cisterciens et cisterciennes, tous passionnés par les nombreuses contributions
et échanges entendues. La Fondation des monastères y était présente le 16 par
son vice-président, lequel ne put assister à la journée du 17, en raison du Conseil
d’administration de la Fondation à Jouques.  Fr. HL

2
Groupement d’intérêt scientifique, ou contrat de programme de recherche, mis en œuvre notamment par le CNRS.
3
Historien, chercheur au CNRS, responsable d’atelier scientifique, notamment dans le cadre du Congrès international du GIS.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 77


A C T U A L I T É
JUBILÉ DE LA FONDATION DES
MONASTÈRES

Depuis l’abbaye Sainte-Marie de Maumont à Juignac,


le 20 octobre 2018

La Fondation « hors les murs »


Rencontre régionale à
l’Abbaye Notre-Dame de Fidélité de Jouques
le 19 octobre 2019
Depuis quelques semaines déjà, la perspective approchant de notre dernière rencontre
du cinquantenaire, nous suivions les prévisions météorologiques sur tous les sites
informés, y compris la météo agricole, fiable entre toutes ; certes, le risque semblait
mesuré, la Fondation ayant choisi la Provence au début de l’automne pour la dernière
des célébrations jubilaires, au lendemain de la tenue de son Conseil d’administration.
Pourtant, le jeudi 17 octobre, en nous installant dans le train pour Aix-en-Provence,
nous devions nous faire une raison : après un week-end d’une insolence estivale,
toutes les antennes diffusaient la même prévision : le mauvais temps, avec pluie, devait
s’installer pour plusieurs jours dans tout le sud-est du pays à partir du vendredi, du
samedi au plus tard. Précisément, le jour de la fête… Sursum corda ! Nous avions
devant nous un jour et demi, grandement occupés déjà par les réunions du Conseil,
pour découvrir le site étendu de Jouques et adapter notre rencontre régionale aux
intempéries. Nous savions que nous pouvions nous reposer sur l’expérience de la
communauté de Notre-Dame de Fidélité : 45 moniales dynamiques, de 22 à 90 ans,
marchant d’un seul cœur, Mère Abbesse Marie-Monique Guttin en tête ; nos mois
de préparatifs nous en avaient donné, s’il était besoin, de multiples témoignages.
À environ deux-cent-cinquante mètres du monastère des soeurs, si l’on emprunte le
chemin du Pey de Durance, qui contourne les vergers d’amandiers et d’abricotiers

78 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


A C T U A L I T É

sur sa gauche, et bordé, sur sa droite, par un champs d’oliviers, s’élèvent deux grandes
maisons d’hôtes – qui ont abrité les sœurs à leur arrivée sur les lieux en 1967 – deux
maisons séparées par une très grande cour où trône un groupe antique de chênes
verts – au feuillage persistant et garants de fraîcheur l’été. Elles sont aujourd’hui
consacrées à l’accueil monastique. Quelle belle, quelle bonne surprise ! Il suffit de
se rappeler ces bons jours de vacances dans une maison de famille au charme désuet,
d’imaginer ces demeures à l’ancienne, si chaleureuses… Tout y est prévu pour que
chacun se sente chez soi. Aucune chambre ne ressemble à sa voisine mais toutes sont
fleuries d’un bouquet d’automne ; de marches en marches, on passe d’un niveau à
l’autre, l’escalier est raide, on s’attendrit de cette foultitude de recoins et de petites
réserves en sous-pente. Et puis, on y trouve une grande salle à manger familiale,
un petit salon, une bibliothèque avec une cheminée, du bois tout prêt pour une
flambée, des bouilloires qui ne demandent qu’à faire frémir un thé ou une infusion
à toute heure du jour ou de la nuit, une terrasse sous une tonnelle, des massifs de
fleurs, des rangées d’oliviers à perte de vue, des chats rôdant à la nuit tombée. Un
cadre familier… comme le sourire de Sœur Marie-Liesse, l’hôtelière et de ses soeurs.

© FdM
© FdM

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 79


A C T U A L I T É

Les travaux du Conseil devaient alternativement permettre à ceux dont la présence


n’était pas requise par l’ordre du jour, de découvrir la campagne environnant le
monastère, de visiter le ravissant village de Jouques, distant de l’abbaye de quatre
kilomètres de demi – sept minutes en voiture ou une heure à pied –, de repérer et
flécher les itinéraires, les parcs de stationnement, les points de rencontre pour les
invités du lendemain, et de régler dans une joyeuse efficacité avec nos cellérières,
Sœur Armelle et Sœur Maïté, les derniers détails pratiques.
Vendredi 18, à la mi-journée, le Conseil achevé, la communauté avait réservé aux
administrateurs et aux salariés de la Fondation un moment festif : apéritif en terrasse,
suivi d’un déjeuner d’anniversaire avec, au menu, une pièce de choix réalisée à

© FdM © FdM

© FdM

80 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


A C T U A L I T É

l’abbaye par une sœur talentueuse : deux magnifiques saumons en gelée décorés du
nombre 50 ! Délice pour les yeux, régal pour le palais ; un cadeau vraiment original
pour celles et ceux qui œuvrent à la Fondation, et une attention, faut-il le dire, qui
a beaucoup touché chacun. Après quelques emplettes de produits monastiques, en
particulier ceux de la communauté (vin, huile d’olive, tapenade, confitures, produits
à base de lavande, calligraphie et enluminures) au magasin d’abbaye, la communauté
nous invitait à la suivre pour une visite guidée et polyphonique du cloître, de la
bibliothèque, du chapitre, du réfectoire, des cuisines !

© FdM
© Fr HL

© FdM

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 81


A C T U A L I T É

Retour au Grand Parloir, où administrateurs et salariés étaient invités à présenter


individuellement ses missions à une communauté très attentive, au grand complet ;
un moment que nous apprécions beaucoup et que nous savons très apprécié...

© FdM
(Au fait, cette pluie annoncée ? Jusqu’alors, le ciel semblait « tenir ». Les sœurs
avaient confié la réussite de notre séjour – et en particulier la journée de samedi
– à Saint-Joseph. Et en effet, phénomène inexplicable, la pluie inquiétante qui se
déclencha samedi vers trois heures du matin poursuivit sa route ailleurs.)
Et c’est ainsi que notre dernière rencontre régionale se déroula sous un ciel certes un
peu chargé par endroit mais qui laissa, sous l’effet du vent, passer d’intermittents rayons
de soleil. Une bienfaisante fraîcheur matinale, une singulière douceur l’après-midi,
malgré le petit vent, et une vraie belle soirée d’automne. Samedi 19, dès 8h, nous
recevions les premiers des quarante-quatre moines et moniales des communautés
du grand quart sud-est de la France qui avaient répondu présentes. Introduite par
le président, Dom Guillaume Jedrzejczak, la matinée de partage et d’échanges se
déroula selon le principe des autres rencontres. Alors que Madeleine Tantardini,

82 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


A C T U A L I T É

directeur de la Fondation, rappelait les principaux résultats de l’enquête lancée en


juillet 2018 auprès des communautés monastiques, Pierre Avignon, secrétaire du
Bureau, exposait un vivant historique de la Fondation et des combats juridiques
importants qu’elle livre depuis cinquante années. Après avoir rappelé qu’à l’orée
d’un nouveau cinquantenaire la Fondation veut, dans son action et dans le cadre
de son objet, correspondre au plus juste aux besoins des communautés, le président
donnait alors la parole aux participants, occasion pour eux de partager directement
les attentes pour demain et les préoccupations d’aujourd’hui.
La messe d’action de grâce, dédiée à la Vierge, animée par le chœur grégorien des
moniales, fut présidée par Monseigneur Christophe Dufour, archevêque d’Aix et
Arles, et concélébrée par Monseigneur Jean-Michel Di Falco, évêque émérite de
Gap et d’Embrun, Monseigneur Pascal Roland, évêque de Belley-Ars et président
de la Commission épiscopale pour la vie consacrée, les administrateurs religieux de la

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 83


A C T U A L I T É

Fondation ainsi que plusieurs abbés et un aumônier. Un livret de messe, préparée avec
Sœur Marie Jean Bosco, permettait à chacun de mieux profiter de la beauté des chants.
Après la traditionnelle « photo de famille », un buffet d’automne réconfortant au bon
goût de Provence, servi avec la cuvée Fidelis de Jouques et le rosé Via Caritatis du
Barroux, attendait nos invités, sous un chapiteau monté dans le pré de l’hôtellerie.

Pendant que Mère Marie-Monique et Dom Guillaume répondaient aux questions


d’un journaliste, les premiers des quatre-vingts donateurs qui avaient répondu
à notre invitation commençaient à s’installer dans le chapiteau monté derrière le
Grand Parloir. Dès 14h15, après un très chaleureux mot d’accueil de Mère Abbesse,
Dom Guillaume introduisait le thème de réflexion de l’après-midi : Un défi plein
d’avenir, le monastère au cœur des périphéries. « Les monastères se trouvent, pour
la plupart, dans ce qui est considéré aujourd’hui comme des zones périphériques. Quelle
signification cela peut-il avoir pour le présent et l’avenir ? Dans le même temps, la foi
chrétienne n’est plus au cœur des manières de penser de notre époque. Il s’agit d’une autre
périphérie, culturelle et religieuse, qui touche l’ensemble de la société contemporaine.
On parle souvent à ce propos de crise de l’Église et de la vie religieuse. Quelle place les
monastères peuvent-ils avoir dans cette situation nouvelle ? ».

Inter venaient pour en


débattre, Chantal Delsol,
philosophe, romancière,
éditorialiste, professeur
émérite de philosophie
politique et membre de
l’Institut, Dom François-
Marie Humann, ingénieur
agronome, docteur en
théologie, abbé de Saint
Mar tin de Mondaye,
et Monseigneur Pascal
Roland. Après chaque
intervention, une série de
questions de l’auditoire,
modérées par le journaliste
Thomas Wallut, ont démontré tout l’intérêt du sujet ainsi posé.
Désireuse d’achever, dans la fête, la dernière des rencontres régionales de son
cinquantenaire, la Fondation invita ceux qui n’étaient pas obligés par une longue
route, à un cocktail de clôture, auquel se joignirent les moniales de Jouques. Parmi
les boissons proposées, la bien-nommée cuvée Louange, produite par Notre-Dame
de Fidélité !

84 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


A C T U A L I T É

Que la communauté de Jouques, en chacune


de ses moniales, soit remerciée pour son
intercession et pour avoir accueilli avec grâce
un tel événement. Car, mêlé au bon goût de
la vigne, c’est bien un chant de louange qui
monte à toutes les lèvres en refermant les
célébrations régionales du jubilé !
Marie-Christine Cécillon
Photos © KarineLhémon (sauf autre indication)

La Fondation des Monastères donne


rendez-vous à ses lecteurs en 2020. En effet,
chaque trimestre, la revue publiera l’essen-
tiel des exposés et échanges qui ont eu lieu
à l’occasion des quatre rencontres régionales
de son jubilé 2019.
Abonnez-vous vite pour en bénéficier
(bulletin d’abonnement en fin d’ouvrage).

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 85


NOTES DE LECTURE
Marie-Joëlle GUILLAUME. rismes propres. Certaines personnalités
Pour Dieu et pour le Roi. Paris, sont contrastées (ainsi le cardinal de
Perrin, 2019, in-8°. 400 pages, 24 €. Bernis, connu autant pour son habileté
de diplomate que pour le dérèglement
Jusqu’à la Révolution de 1789, l’histoire de sa vie privée). Tous ont pour point
de la France a été fondée sur l’alliance du commun d’avoir su concilier la double
Trône et de l’Autel. Le « roi Très Chré- fidélité qui les liait au roi et au pape,
tien » était le Fils aîné de l’Église. C’est ceci dans un climat de tension entre les
ce que nous rappelle de façon convain- deux pouvoirs dû aux antiques « libertés
cante le livre de Marie-Joëlle Guillaume, de l’Église gallicane », expression d’une
à travers les portraits de douze grands doctrine qui affirmait l’indépendance de
prélats qui se sont illustrés aux XVIIe l’Église de France vis-à-vis de la papauté.
et XVIIIe siècles à des
titres divers. Certains Les douze biogra-
sont célèbres, d’autres phies ici présentées
de moindre envergure. ne se contentent
Ces douze personnalités pas de retracer avec
ont été choisies parmi précision la vie des
bien d’autres, de façon intéressés (hommes
à montrer la variété des de pouvoir, hommes
situations et des modes d’influence, ministres
d’action qui ont marqué de la parole, parmi
leurs parcours. Tous lesquels quelques
sont évêques sauf un grands noms des
(Pierre de Bérulle). On lettres françaises)
compte parmi eux sept mais les situent dans
cardinaux (Pierre de le contexte général
Gondi, Bérulle, François de leur temps. C’est
de La Rochefoucauld, ainsi que sont évo-
Richelieu, Louis-An- qués successivement
toine de Noailles, An- les guerres de Re-
dré-Hercule de Fleury ligion, la Réforme
et François-Joachim de catholique et le parti
Bernis), un évêque et deux archevêques dévot, le jansénisme,
de Paris (Gondi, Noailles et Christophe le quiétisme, la montée et le triomphe
de Beaumont), deux premiers ou prin- de l’esprit des Lumières, avec en fond
cipaux ministres (Richelieu et Fleury), de tableau les rivalités des grandes puis-
deux grands acteurs de la Réforme ca- sances européennes. En définitive, l’au-
tholique (Bérulle et La Rochefoucauld), teur nous offre, au point de jonction du
trois grands prédicateurs (Bossuet, spirituel, du politique et du culturel, un
Fléchier et Massillon), trois précep- large panorama de notre histoire pen-
teurs des dauphins ou du roi lui-même dant les deux derniers siècles de l’Ancien
(Bossuet, Fénelon et Fleury). Ils ont été Régime.
sélectionnés en fonction de leurs cha- Bernard Barbiche

86 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


Ouvrages en lien avec notre dossier
Les recettes du monastère, Frère Les quatre saisons de soeur
Jean, Éditions Art Sacré, 2019, Hortense, Soeur Odile Adenis-
205 pages, 20 € Lamarre, illustrations de Joël Picton,
Le frère Jean (père Saint-Léger Éditions, Collection
Gérasime du skite abbaye Sainte-Croix, 2018,
Sainte-Foy), moine- 200 pages, 22 €
prêtre orthodoxe, n’a Soeur Hortense est jardinière, cuisinière,
pas la prétention de infirmière à ses heures, et vous invite à
donner des conseils partager une année de sa vie, dans son
culinaires, ni d’écrire jardin et sa cuisine, pour y découvrir
un nouveau livre de les mille et une petites astuces qui, au
cuisine. Dans Recettes fil des saisons, permettent d’obtenir un
du monastère l’auteur jardin productif et opulent, aux légumes
montre par de belles et aux fruits savoureux et dépourvus de
photographies et par pesticides, et d’en cuisiner les récoltes
des recettes collec- pour le plaisir
tées depuis plus de 40 ans dans divers des papilles
monastères au Mont-Athos, en Terre gustatives de
Sainte, en Russie… que la cuisine est ses soeurs, et
une louange incarnée « J’ai le désir de le bien-être
montrer par des recettes simples que dans de chacune
un monastère la préparation des repas, le d’elles. Soeur
partage des mets, les gestes quotidiens sont Hortense est,
une louange à Dieu et à Sa création ». Le ne l’oublions
secret du cuisinier c’est l’émerveillement pas, moniale
devant la splendeur du simple. Les re- bénédictine,
cettes sont issues de produits frais, natu- et vous invite
rels. Chaque saison dicte sa recette. Les également à
légumes bios sont préparés avec sobrié- partager les fruits de sa lectio divina, au
té, offerts et partagés avec les frères et sujet d’un texte évangélique qui lui est
les hôtes de passage comme une bonne cher : la visite de Jésus chez Marthe et
soupe chaude. « Quand un chef me rend Marie.
visite, je l’écoute me parler de sa vocation.
Quand un pèlerin se retire au monastère, Invitation à l’abbaye, une
il vient pour s’immerger dans le silence, communauté nous ouvre ses
pour redécouvrir son âme d’enfant émer-
veillé, pour écouter la nature lui parler de
portes et nous invite à sa table,
l’instant, pour goûter un fruit sur l’arbre, par Ambroise Touvet – Photographies
pour mâcher une herbe aromatique, pour de Fabrice Veigas, Éditions Larousse,
s’asseoir face à l’infini ». 208 pages, 24,95 €
L’ouvrage est disponible dans certaines librairies L’abbaye Notre-Dame-de-Fidélité a
ou sur commande au monastère, par chèque de offert à l’auteur le privilège unique de
25€ (20€+ 5€ de port) à l’ordre de Fraternité découvrir la vie communautaire – vivre
Saint Martin 48160 - Saint-Julien-des-Points.
la charité fraternelle, travailler dans la

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 87


joie, savoir écouter nous invitent à vivre, pendant deux
et se taire, prendre heures, une expérience iné-dite, sans
soin des plus jugement ni parti pris. « Cécile est
faibles –, et la spiri- venue me chercher, confie Ivan, parce
tualité bénédictine que je n’avais pas la foi. Elle m’a dit,
qui s’appuie sur abruptement mais gentiment, qu’il lui
les trois piliers que fallait dès le tournage quelqu’un pour
sont la prière, la dire ce qu’il voit, sans qu’il ait la foi. »
lecture et le travail. Une licence en cinéma et en philosophie de
Il suit les journées la Sorbonne en poche, Cécile Besnault a
des moniales, intégré l’École Nationale Supérieure Louis
ponctuées d’offices, Lumière dans la promotion cinéma 2016, où
de préparation en elle a approfondi sa passion pour le cinéma
et renforcé son attrait pour le documentaire.
cuisine, de récolte Une fois diplômée, elle a pris une option
au potager et au radicale, s’engageant dans les ordres, devenant
verger, de labeur dans les vignes ou à religieuse cloîtrée carmélite à la manière des
la ferme, de travail minutieux à l’atelier religieuses qu’elle avait filmées. Ivan Marchika
d’enluminures. Les moniales l’invitent a commencé par des études d’ingénierie
aussi à leur table de tous les jours et informatique, et un séjour en laboratoire
d’informatique à Polytechnique. C’est alors
à celle des jours de fête. Leur cuisine, qu’il a intégré l’École
simple et goûteuse, se vit au rythme des Nationale Supérieure
saisons et met en valeur les produits du Louis-Lumière, dans la
potager, du verger et de la ferme. L’ou- même promotion que
vrage contient plus de 70 recettes de Cécile, avec laquelle
l’abbaye de Notre-Dame-de-Fidélité. il s’est rapidement lié
d’amitié.
Ambroise Touvet est à l’origine de plusieurs
Film sorti en salle
ouvrages qui dépassent le simple cadre du livre
le 20 mars 2019,
de recettes, à l’instar de Recettes de Compos-
disponible en DVD
telle, recettes du chemin. Ingénieur en agricul-
et Blue-Ray depuis le
ture, il est aujourd’hui à la tête d’une agence
11 septembre 2019.
artistique et coordonne une équipe de photo-
Chef Opérateur,
graphes, réalisateurs et graphistes.
Montage :
Ivan Marchika
Son : Jonas Orantin,
DVD Opérateur Steadycam :
Leur Souffle, Simon Héren
film documentaire (120mn) de
Cécile Besnault et Ivan Marchika, La brasserie de l’abbaye Saint-
© Saje Distribution. Wandrille, Éditions de Fontenelle,
Au milieu des paysages chers à
2018, 80 pages, 15 €
Cézanne, Sœur Bénédicte va faire ses « Nous sommes moines avant d’être bras-
vœux perpétuels. Elle s’apprête à vivre seurs. Mais il faut travailler pour vivre.
cloîtrée dans une abbaye bénédictine Monter une brasserie ? Pari insensé !
surplombant la vallée de la Durance, Nous n’avons ni la formation, ni l’espace,
à Jouques. Avec d’autres sœurs, elle ni le matériel... Nous avons osé. Toute
consacrera ses journées au travail et à la la communauté s’est mobilisée autour
prière. Les auteurs de ce documentaire de ce projet. Cela a demandé beaucoup

88 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


d’études, de travail, à ce jour, est brassée à Saint-Wandrille !
d’i nve s t i s s e m e nt s, Dans ce livre, l’un des frères brasseurs,
de chantiers... mais raconte, pas à pas, cette belle aventure
aussi tant de belles communautaire. »
rencontres, de coups
de pouce de la Provi- Frère Jean-Charles Nault, Abbé de
dence. Et nous avons Saint-Wandrille.
réussi : la seule bière
d’abbaye française,

Ouvrages reçus à la Fondation

Le souci de tous mes frères - dans lequel il a vécu, puisqu’il s’agit de


Correspondance de Pierre le sa correspondance avec les moines et
Vénérable avec ses frères moines et moniales de son temps : bénédictins et
cisterciens, mais aussi chartreux, sans ou-
l’abbesse Éloïse, suivie des Statuts
blier la célèbre abbesse Héloïse. Au-delà
de Cluny (1122-1146), traduits de l’aspect historique, les moines et les
et présentés par le père Christophe moniales y sentiront vibrer un cœur,
Vuillaume, osb, Saint-Léger Éditions, méditer un esprit, s’exprimer une langue
370 pages, 20 € et une main qui, en fin de compte, ne
Après avoir présenté, dans un premier sont pas si étrangers ou éloignés de ce
tome intitulé « L’amitié à l’épreuve de qu’ils peuvent vivre, en profondeur, en
la diversité, correspondance de Pierre ce début de XXIe siècle.
le Vénérable et de Bernard de Clair-
Né à Nancy, maître ès Lettres, le Père
vaux « la correspondance de Pierre le Christophe Vuillaume osb, profès de
Vénérable et de Bernard de Clairvaux, l’Abbaye de la Pierre qui Vire en 1979, maître
le Père Vuillaume offre ici au lecteur un en théologie (ICP) et prêtre, a été Procureur
deuxième recueil de lettres du célèbre Général de la Congrégation de Subiaco (2014-
Abbé de Cluny. Si leurs destinataires en 2017). Actuellement au monastère benedictin
sont nettement moins connus, elles n’en de Mahitsy (Madagascar), il est cellérier et
professeur de théologie spirituelle.
présentent pas moins un intérêt de pre-
mier plan pour
m i e u x À Vin nouveau outres neuves –
connaître la La vie religieuse dans un monde
personnalité, à
bien des titres interculturel, collectif sous la
remarquable, direction de Jean-Paul Sagadou,
de Pierre le Saint-Léger Éditions, 312 pages, 18 €
Vénérable et La conviction qui anime ce livre peut
compléter ce trouver sa formulation dans ce proverbe
que l’on sait africain : « Quand le rythme du tamtam
déjà du milieu change, les pas de danse changent ».
monastique Une chose est claire : plus que jamais,
et ecclésial la Vie religieuse est entrée dans l’ère de
du XIIe siècle l’interculturalité et de l’internationalité.

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 89


Cette nouvelle sexuels (2018), le second sur les défis
donne oblige de l’Eglise de France (2019). Repris
à penser la Vie dans ce livre et, pour la première fois,
religieuse sous offerts à un large public, ces articles sont
le mode du accompagnés par des réflexions inédites
rhizome, cette sur d’autres enjeux cruciaux, comme
racine démulti- l’avenir du sacerdoce, la mariage et la
pliée, étendue famille. À l’heure où l’humanité occi-
en réseaux dentale vit une mutation anthropolo-
dans la terre, gique majeure, le Dieu de la Révélation
sans qu’aucune interpelle toujours les hommes. Leur
souche y in- rencontre, comme celle de Jacob avec
tervienne en l’ange de Dieu au gué du Yabboq,
prédateur irrémédiable. Dans un tel prend souvent les allures d’un combat
modèle, tout élément peut influencer spirituel. L’auteur
un autre élément de sa structure, peu propose des clés
importe sa position ou le moment, et pour discerner le
ce, de manière réciproque. L’image du sens de cet affron-
rhizome invite à envisager la Vie reli- tement et affirme,
gieuse dans sa forme et dans son fond, confiant, que nous
comme un effort des imaginaires de plu- sommes seulement
sieurs peuples pour tendre vers l’infini aux débuts du
qu’est Dieu. C’est dans ce sens que les christianisme.
auteurs de ce livre envisagent la Vie re-
Monseigneur Éric de
ligieuse, non pas comme un principe de Moulins-Beaufort,
connaissance, mais comme une manière cinquante-sept ans,
d’expérimenter le réel, d’aborder la vie, est archevêque de
à partir de lieux multiples, et cela donne Reims et président
de beaux fruits. L’histoire de chaque de la Conférence des
famille religieuse doit désormais être évêques de France.
écrite en présence de plusieurs cultures Saint Benoît hors les cloîtres,
pour laisser la place à d’autres possibles
qui participent à l’élargissement de d’Yvonne Arbués, préface du frère
notre vision des formes de vie consacrée Etienne Ricaud, osb, abbé de Fleury,
à Dieu au service des hommes. Saint-Léger Éditions, 212 pages,
14 €.
L’Église face à ses défis,
Éric de Moulins-Beaufort, CLD Depuis longtemps, Yvonne Arbuès a
constaté que le message bénédictin
Editions, 178 pages, 18 €. pouvait rejoindre des femmes et des
Entre défis et promesse, fragilités et hommes de tous temps et de tous
ressources, Monseigneur Éric de Mou- âges. Saint Benoît n’annonce-t- il pas,
lins-Beaufort interroge la situation ac- lui-même, dans sa «petite Règle, écrite
tuelle de l’Eglise catholique pour mieux pour des débutants», selon ses propres
esquisser des « voies d’espérances ». termes, qu’il s’agit d’une invitation pour
Récemment, il a publié deux articles tous et pour chacun : «Toi, qui que
très remarqués dans la Nouvelle revue tu sois». Oui, ce chemin est proposé
théologique : le premier sur les abus aux cœurs qui veulent «choisir la Vie

90 Les Amis des Monastères - n° 198 - Avril - Mai - Juin 2019


et construire le bonheur». Pourquoi MIAE. (Mouvement International d’Aide à
refuser un aussi prometteur, séduisant l’Enfance) qui permet d’assurer l’alimentation
et l’éducation de nombreux enfants dans des
et exigeant programme aussi séduisant
centres nutritionnels à travers le monde. Ce
d’une Règle écrite au VIe siècle et qui souci prend sa source au cœur de l’Évangile
anime aujourd’hui encore la vie de mil- et sa trajectoire, depuis trente-cinq ans, passe
liers d’hommes et de femmes au sein des par la fréquentation assidue de monastères
communautés sur tous les continents. bénédictins. C’est, en effet, au cœur de la
spiritualité bénédictine, bien ancrée dans le
Yvonne Arbues, institutrice de formation, concret des choses, qu’Yvonne Arbues trouve
mère de famille nombreuse et maintenant sens et énergie : «Ora et Labora».
grand’mère, a toujours eu le souci des enfants
proches ou lointains. En 1984, elle a fondé le

Rééditions

La règle de saint Benoît Wandrille, il en écrivit l’histoire ainsi que le


commentée pour les oblats et les présent commentaire de la Règle de saint
Benoît. Historien, généalogiste et héraldiste,
amis des monastères, Chanoine il mena de nombreuses recherches et publia
Georges-Abel Simon, 5e édition une trentaine d’ouvrages essentiellement
préfacée par Dom Jean-Charles sur l’histoire religieuse
de la Normandie. Son
Nault, Abbé de Saint-Wandrille, érudition lui a valu de
Éditions de Fontenelle & Éditions nombreux titres : lauréat
Sainte-Madeleine, 2019, 512 pages, de l’Académie Française,
20 € correspondant de la
Société des Antiquaires
Si cet ouvrage, qui a connu quatre édi- de France, président de
tions successives, est destiné plus spécia- l’Académie de Caen,
lement aux oblats bénédictins, aux amis président de la Société
des monastères et aux fidèles désireux Historique de Lisieux,
membre de la Société
de connaître la Règle de saint Benoît
des Antiquaires de
et la spiritualité bénédictine, il apporte Normandie... Il mourut
toujours une très riche documentation le 5 avril 1958, et fut enterré dans le carré des
sur la Règle du patriarche des moines et prêtres du cimetière principal de Bayeux.
intéresse aussi les communautés monas-
tiques et les historiens du monachisme. Règle de saint Benoît, Saint-Léger
Cet ouvrage dont les demandes de réé- Éditions, Abbaye de Maredsous,
dition ont été maintes fois renouvelées 7e édition revue et corrigée Saint-
répond à un besoin de notre temps, à Léger Editions, 2019, 254 pages,
l’heure où le rayonnement de saint Benoît
est plus manifeste que jamais. 20 €. Traduction et concordance par
Philibert Schmitz, introduction par
Né en 1884, ordonné prêtre en 1907 pour le
diocèse de Bayeux, Georges-Abel Simon,
Dom André Borias
fut curé de Montreuil-en-Auge (Calvados) de Il y a presque quinze siècles que saint
1910 à 1953. Nommé chanoine honoraire
en 1924 il devint ensuite chanoine titulaire Benoît a rédigé sa Règle des moines.
de la cathédrale de Bayeux et archiviste du Celle-ci est toujours actuelle. Fruit de
diocèse. Oblat bénédictin de l’abbaye de Saint- sa connaissance vécue de la Bible et de

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 91


la tradition monastique comme aussi de a marqué pro-
son expérience spirituelle et humaine, fondément
elle demeure une référence non seule- l’Occident a
ment pour les moines mais aussi pour une portée
les hommes en recherche de sagesse. universelle.
Ce volume offre le texte latin avec la Cette nou-
traduction française en regard. Une velle édition
introduction de Dom André Borias complète et
situe avec finesse les différentes étapes maniable per-
de l’élaboration du texte du Père des met d’accéder
moines. Quelques instruments de tra- à un classique
vail, comme une concordance de tous de la spiritua-
les mots latins, un index thématique en lité.
français, en permettent une lecture ap-
profondie. La Règle de saint Benoît qui

Ouvrages signalés à la Fondation


Françoise Romaine. Une sainte de la sainte, relève ici le défi de nous la
dans la cité, Alessandra Bartolomei rendre présente, dans un portrait qu’elle
Romagnoli en collaboration avec esquisse par touches successives, l’in-
sérant dans son contexte et dégageant
Bernard Buchoud, Traduction du
les traits d’un profil spirituel dont elle
latin et de l’italien par Bernard nous restitue l’actualité et l’universalité.
Buchoud, Les Éditions des Quatre Son texte est complété par des sources
Vivants, 2019, 212 pages, 31 € importantes, contemporaines de la
Épouse et mère exemplaire, profon- sainte, traduites pour la première fois en
dément investie au service des plus français. L’ouvrage est abondamment
pauvres dans la cité, mais aussi mystique, illustré, les reproductions des splendides
intervenant auprès du fresques des épisodes
pape Eugène IV pour de la vie, des miracles
infléchir ses rigueurs, et des visions de sainte
animatrice d’une Françoise Romaine
vie communautaire comme de ses combats
ouverte, Francesca avec les esprits malins,
Bussa dei Ponziani, qui ornent l’ancien
connue comme sainte oratoire et l’ancien
Françoise Romaine réfectoire de Tor de’
(1384-1440) est une Specchi, la maison
des grandes figures de fondée par Françoise,
la sainteté médiévale. constituant un vivant
L’éloignement dans le et précieux commen-
temps la condamne-t-il taire du texte. 
à rester méconnue ?
Alessandra Bartolomei
Romagnoli, l’une des
meilleures spécialistes

92 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019


ANNONCES

 Pour un lieu marial dans l’accueil pèlerins face à la chapelle des clarisses de Paray-le-Monial,
leurs amis franciscains RECHERCHENT une statue en pierre de la Sainte Vierge, de 70 cm
à 1,20 m de hauteur. Cette statue sera exposée à l’extérieur.
Contact laurentduchet7@gmail.com - Tél. 03 85 70 27 55 ou 06 85 01 07 03

 L’Abbaye de la Coudre CHERCHE À TRANSMETTRE le Monastère du Jassonneix à


Meymac (19250). Sur le flanc du plateau de Millevaches (alt. 750 m), domaine rural (60 ha de
terre en fermage, 38 ha de forêt), verger exploité par la communauté, belle demeure (XVIe-XVIIe
s.) aménagée en hôtellerie, petite église construite en 2012 (12 stalles, orgue), ancienne bergerie
sur trois niveaux (chapitre, scriptorium, bibliothèque, cellules, chambres, cuisine, réfectoire,
bureaux, buanderie, ascenseur), bâtiment de ferme (atelier de
confiture, magasin), chalet (1989) aménagé (capacité de 100
personnes), ancien pigeonnier aménagé. La configuration
n’est pas classique, le monastère ne comportant pas de cloître
mais des espaces bien délimités sont réservés à la communauté.
Le site conviendrait à une communauté contemplative de
6 à 10 membres, qui assurerait prière, accueil, écoute. Une
possibilité d’extension reste possible, moyennant travaux. L’outil
économique existe. Un projet de vie semi-apostolique ou
apostolique n’est pas non plus à exclure, la région constituant un
véritable espace missionnaire.
Contact abbessecoudre@wanadoo.fr – Tél. 02 43 26 04 47

 L’Institut des Filles du Cœur Immaculé de Marie de Bamako, au Mali, RECHERCHE du


matériel de confection du «pain d’hôtel» et du matériel de fabrication de cierges.
« En effet, c’est grâce au matériel hérité du Carmel de Pontoise, que notre Institut a réussi jusqu’à ce
jour à fabriquer des hosties pour les différents diocèses du Mali. Aujourd’hui, ces plaques sont presque
toutes hors d’usage compromettant ainsi la fabrication d’un élément essentiel de notre Foi. C’est donc
avec beaucoup d’Espérance que nous venons vous soumettre ce projet.»
Qui sommes-nous? L’Institut des Filles du Cœur Immaculé de Marie est une congrégation
diocésaine fondée en 1934 par Monseigneur Paul Marie Molin, de la Société des mission-
naires d’Afrique, en terre malienne. Elle compte aujourd’hui plus d’une centaine de sœurs
d’une moyenne d’âge de 35 ans. Le Mali, situé dans la bande sahélo-saharienne, sans
aucune ouverture sur la mer, est parmi les pays les plus pauvres du monde. Son écono-
mie demeure continuellement étranglée par les aléas climatiques et sa position géogra-
phique. Depuis 2012, le pays est devenu tristement célèbre par l’occupation des 3/4 de
son territoire par les djihadistes et une guerre qui a fortement secoué ses assises sociales,
politiques, économiques, culturelles et religieuses. C’est dans ce contexte difficile, au cœur
d’une Église qui ne représente que 3% de la population malienne, que l’Institut des Filles
du Cœur Immaculé de Marie, présent dans tous les diocèses du Mali et œuvrant dans
toutes les tâches confiées par les Évêques témoigne du rôle de l’Église dans tous les com-
bats de ce pays pour son unité et son développement.
Que faisons-nous? Le charisme de notre Institut est d’abord orienté vers la promotion fémi-
nine, l’éducation des enfants et des jeunes et l’accueil des orphelins. Les soeurs travaillent
également dans les centres de santé, les hôpitaux, l’université, la pastorale... À l’appel
d’autres Églises, l’Institut est aujourd’hui présent au Maroc (Rabat); en Algérie (Oran); en
Côte d’Ivoire (Abidjan), au Burkina Faso (Ouaga, Bobo) et en France (Villeneuve le Roi).
Contact Soeur Bernadette Fidèle Diarra - bernadele@yahoo.fr
PO Sœur Esther Thera, Supérieure Générale des FCIM – BP 298 – Bamako – Mali

Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019 93


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94 Les Amis des Monastères - n° 199 - Juillet - Août - Septembre 2019
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Produits de beauté du jardin

S aviez-vous que nos anciens, établis le long des


côtes maritimes ou à leur proximité, épandaient
le goémon dans leur jardin pour le fertiliser ? Alliant
le progrès de la technique et ce savoir-faire ancestral,
des engrais et produits d’hygiène foliaire, véritables
concentrés des richesses de la mer et de la terre ont
été mis au point par l’abbaye Saint-Michel de Kergonan,
à partir d’algues. « Notre petite
gamme de produits de jardin
n’a pas beaucoup de diffusion,
faute de temps », nous confie Sœur Catherine, qui ne fabrique
plus car, ajoute-t-elle doucement, elle prend « de l’âge ». Parmi
les nombreux effets de ces soins organo-minéraux naturels, la
plupart exprime dans une poésie simple ce lien d’affection qui
unit l’homme au jardin qui lui a été confié.
Ainsi…

Plantabel qui favorise un développement


harmonieux de la plante, prépare les bourgeons
de l’année suivante et donne la joie de se nourrir
de fruits et légumes riches en énergie.

Racibel crée un environnement favorable autour


de la graine et des premières radicelles, assiste le plant au moment
du stress du repiquage et contribue à la cicatrisation rapide et saine
des racines.
Humubel remonte le niveau d’humus qui permet à un sol de donner tout son potentiel (…)
pour faire passer dans la plante tous les trésors du sol (…) et donne des plantes stables
(…), avec un potentiel de fécondité élevé.
Fertibel nourrit progressivement la plante au fur et à mesure de
ses besoins et tout au long de sa production [dans le respect des]
méthodes de fertilisation traditionnelle, respectueuses des eaux
souterraines.
Quant à Jardibel, il permet à la plante de retrouver son immunité
naturelle et laisse aux fruits une saveur intacte.

Abbaye Saint-Michel de Kergonan - 56340 Plouharnel


www.saintmicheldekergonan.org
« Dieu prit l’homme et le conduisit
dans le jardin d’Éden
pour qu’il le travaille
et le garde »
Genèse 2,15

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de la Fondation des Monastères
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