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Les Dégâts Méconnus de La Bouillie Bordelaise - 60 Millions de Consommateurs

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23/05/2024 20:37 Les dégâts méconnus de la bouillie bordelaise | 60 Millions de Consommateurs

12/07/2018 La Rédaction

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Les dégâts méconnus de la bouillie bordelaise


Malgré son origine naturelle et son utilisation en agriculture bio, le cuivre utilisé pour combattre le mildiou se révèle
toxique et polluant.

iStock/redstallion

Le cuivre est le principal fongicide autorisé dans l’agriculture biologique. Les jardiniers amateurs l’emploient de longue date sous la forme
d’un mélange en poudre à diluer, appelé « bouillie bordelaise ». Le cuivre est très efficace pour traiter le mildiou de la vigne, de la pomme
de terre et la tavelure, un champignon qui provoque des taches noires et le pourrissement des pommes.

Lorsque les conditions climatiques sont favorables au développement de ces deux maladies (temps doux ou humide), les agriculteurs sont
contraints d’appliquer dix à quinze traitements par an. Le revers de la médaille, c’est que le recours systématique à cette substance – pour
plus de cinquante usages – provoque une pollution des sols. Les plantes ne peuvent, en effet, absorber tout le cuivre.

Élimination des vers de terre


Ce cuivre en quantité excessive détruit à la fois les champignons souterrains, les germes et les vers de terre qui constituent la vie des sols.
Leur travail donne naissance à l’humus qui retient, en surface, l’eau et les nutriments. En éliminant les acteurs de ce processus naturel, le
cuivre contribue donc à appauvrir les sols et à favoriser la contamination des nappes phréatiques par d’autres polluants.

De plus, lorsque les particules de cuivre ruissellent vers les cours d’eau, elles sont toxiques pour les poissons et les autres organismes
aquatiques.

Vrais et faux produits verts


Des aliments détox aux cosmétiques à faire soi-même en passant par l’eau osmosée, le « greenwashing » est
partout. Dans son nouveau hors-série Naturel, l’envers du décor, 60 Millions de consommateurs détaille les
méthodes pour jardiner sans s’intoxiquer et fait le tri entre les vrais et les faux produits verts.

Altération des poumons et du foie


Le sulfate de cuivre, utilisé dans la bouillie bordelaise, est la forme de cuivre la plus toxique pour l’homme. Il provoque de sévères irritations
cutanées et oculaires, tout en étant toxique en cas d’ingestion. Pour l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), il peut affecter la
fertilité, causer des dommages au fœtus ou aux organes des adultes après une exposition longue ou répétée. Notons que la plupart des
études concernent les effets liés à l’ingestion de cuivre, notamment dans l’eau du robinet.

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Dans le cas de la bouillie bordelaise, l’exposition se fait par inhalation ou par contact avec la peau. Dans ce domaine, les études
scientifiques récentes font défaut. Il faut remonter à 1969 pour retrouver les travaux des chercheurs de la Faculté de médecine de Lisbonne.
Ils ont décrit le « syndrome du poumon des pulvérisateurs des vignes ».

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Les dégâts constatés étaient une altération des tissus pulmonaires pouvant mener à une insuffisance respiratoire ou des lésions au foie
comme des cirrhoses. Un document de 1977 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) revient sur cette étude qui « a révélé l’incidence
élevée des cancers des cellules alvéolaires chez des vignerons chargés de pulvériser de la bouillie bordelaise ».

Le jardinier amateur n’est pas averti


Pourtant, le port systématique d’une tenue de protection est rarement préconisé sur les emballages de bouillie bordelaise. Tout au plus,
certaines marques conseillent de porter des gants pendant la préparation du mélange.

Les fabricants précisent bien les quantités à employer pour chaque type de culture : tomate, carotte, chou, pommier, pêcher. Mais si on se
cale sur la dose maximale autorisée en agriculture biologique, cela revient à utiliser, par an, pas plus d’un sixième d’une boîte d’un kilo de
bouillie bordelaise pour un potager de 50 m2.

Autrement dit, les conditionnements ne sont pas du tout adaptés à un usage raisonnable, d’autant qu’à l’échelle d’une petite surface, il
existe des solutions plus douces pour prévenir les maladies : mélange à base de bicarbonate de soude, rotation des cultures, plants
espacés, etc.

Un sujet brûlant trop longtemps étouffé


Des débats ont récemment eu lieu au Sénat sur la prolongation de l’homologation du cuivre pour traiter les cultures. Les arguments des
parlementaires ont de quoi surprendre. Ainsi, fin mars, un sénateur déclarait : « Pour la viticulture biologique, un rapport de l’Institut
national de recherche agronomique (Inra), publié en janvier 2018, montre qu’à court terme, le remplacement du cuivre n’est pas
envisageable. »

La synthèse de ce rapport intitulé Peut-on se passer du cuivre en agriculture biologique ? affirme pourtant qu’il existe « des marges de
manœuvre considérables » pour se passer du cuivre. L’Inra décrit par ailleurs des sols viticoles français saturés en cuivre, avec des valeurs
pouvant atteindre 200 voire 500 mg/kg, contre de 3 à 100 mg/kg dans les parcelles non traitées !

Incohérence entre principes et pratiques


La Commission européenne doit statuer à la fin de l’été 2018 après avoir recueilli l’avis des États membres, dont celui de la France.
Stéphane Travert, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, a rappelé que « le cuivre est persistant dans l’environnement et toxique,
aussi faut-il favoriser sa substitution partout où c’est possible »… tout en se prononçant pour la reconduction de son autorisation.

Pourtant, en 1991, l’Union européenne envisageait d’interdire le cuivre à l’horizon 2002. De quoi laisser aux professionnels le temps de
s’organiser et de mettre en place d’autres méthodes. Entre-temps, le lobbying est passé par là et le cuivre demeure autorisé aussi bien en
agriculture conventionnelle que biologique.

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Alors que le gouvernement vient de présenter son « plan biodiversité » qui prévoit notamment des mesures contre « l’artificialisation des
sols » et une prime pour les agriculteurs qui contribuent à la protection de la biodiversité, on peut s’interroger sur l’incohérence qui consiste
à autoriser une substance qui détruit la vie microbiologique des sols.

Gwenn Hamp et Adeline Trégouët

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