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Bactériologie Chez Les TMS 1

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Chapitre 1 : Introduction à la Bactériologie

I. Généralités
La Bactériologie est une partie de la Microbiologie qui concerne les bactéries. Les
bactéries sont des micro-organismes procaryotes dont la taille est comprise entre 0,5 et 10-15
µm, et une forme qui varie selon le genre. À titre d'exemple, Escherichia coli a la forme d'un
bâtonnet, Staphylococcus aureus est sphérique et s'assemble en amas (« grappe de raisin).
Streptococcus pyogenes est également sphérique, mais croît en longues chaînettes, et Vibrio
cholerae est incurvé en forme de virgule. Les bactéries sont des procaryotes et ne possèdent
donc pas de noyau, mais un seul chromosome circulaire d'ADN. Bien que certaines bactéries
comme Chiamydia trachomatis soient des pathogènes intracellulaires stricts, la plupart sont
capables de croître sur des milieux de culture synthétiques acellulaires. Les bactéries se
reproduisent par scissiparité (scission binaire). La majorité d'entre elles possèdent une paroi
composée de peptidoglycane (muréine).
Les bactéries sont des micro-organismes remarquablement adaptables, à l'origine de
maladies graves (bactéries pathogènes) ou de simple colonisation de la peau et des
muqueuses (flore commensale). Elles sont capables de survivre et de se multiplier dans
l'environnement et certaines forment des spores qui survivent pendant des décennies. Ce sont
des micro-organismes unicellulaires formant un règne autonome, ni animal ni végétal,
présentant des formes très variées et pouvant vivre en saprophyte (sol, eau, organismes
vivants) ou en parasite de l'homme, des animaux ou des plantes. Un grand nombre parasite les
animaux, et n'infecte l'homme que par hasard. D'autres ne peuvent survivre qu'au contact
intime de leur hôte humain. Alors que la plupart des bactéries se répliquent en quelques
heures ou jours, d'autres ont une croissance beaucoup plus lente, entraînant des infections
chroniques difficiles à traiter. En plus d'une grande diversité d'habitat, les bactéries ont un
important potentiel d'adaptation génétique. Elles contiennent souvent de l'ADN plasmidique,
capable de transférer du matériel génétique au sein de l'espèce ou vers des espèces différentes.
Cette adaptabilité génétique peut accroître à la fois leur pouvoir pathogène et leur résistance
aux antibiotiques.
Les bactéries, les virus et les champignons sont souvent considérés comme des micro-
organismes agressifs et invasifs pour le corps humain, ce qui n'est cependant pas l'exact reflet
de la réalité. En fait, le corps humain est normalement colonisé par un grand nombre de
germes qui constituent la « flore normale ». Il a été estimé qu'un individu adulte, homme ou
femme, n'était qu'à 10 % humain. Il y a en effet 10 14 cellules chez un homme adulte, dont
seules 1013 sont humaines. Les 9 x 1013 cellules restantes sont des bactéries, des champignons,
des protozoaires ou appartiennent à des arthropodes de la flore normale. De plus, certains
virus peuvent infecter l'homme de façon persistante, et sont excrétés tout au long de la vie.
Parmi eux, on trouve des Herpès virus comme le Cytomégalovirus, le virus Epstein-Barr,
l'Herpès virus 6, de même que le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Leur place au
sein de la flore normale est controversée.
La flore normale n'est pas répartie uniformément et certains sites sont normalement
stériles. À leur niveau, la mise en évidence d'un micro-organisme signe une infection. Les
bactéries constituent la plus grande part de la flore normale, et parmi elles, les bactéries
anaérobies prédominent dans la plupart des sites. Des bactéries potentiellement pathogènes
peuvent aussi faire partie de la flore normale. Par exemple, Streptococcus pneumoniae,
Haemophilus influenzae et Neisseria meningitidis, qui peuvent être à l'origine de méningites
bactériennes, colonisent la gorge de nombreux individus. L'infection survient quand ces
micro-organismes accèdent à des sites normalement stériles.

II. Relations Hôte-Pathogène


II.1 La Notion d’infection

Une infection c’est la multiplication des agents pathogènes vivants ayant pénétré un
organisme, occasionnant une maladie. La maladie causée est dite « maladie infectieuse. » Il
existe une gamme très variée d’agents infectieux parmi lesquels les bactéries. On distingue
deux types de bactéries responsables d'infections:

II.1.1 Les bactéries pathogènes

La pathogénicité est le pouvoir ou la capacité d’un agent infectieux (bactérie dans notre cas
actuel) de causer une maladie.

Les bactéries pathogènes sont des bactéries responsables d'une maladie même chez
le sujet « sain » (ex : typhoïde, choléra, tuberculose, méningite...).

Ces bactéries pathogènes peuvent (pneumocoque, Haemophilus, méningocoque..) ou non


(Mycobacterium tuberculosis, Salmonella, Shigella, Vibrio cholerae..) appartenir à la flore
humaine commensale (sans danger pour son hôte). Pour certaines bactéries, comme le
méningocoque (agent de la méningite cérébrospinale), le portage sain dans le nasopharynx est
la situation de loin la plus fréquente, la maladie est l'exception puisqu'elle ne touche qu'un
porteur sain sur 10 000. Ce point souligne que pour ces bactéries qui en réalité appartiennent à
la flore commensale de l'homme bien que "pathogènes", il existe une susceptibilité
individuelle qui peut être l'âge (plus fréquentes chez les jeunes enfants) ou propre à certains
individus, de nature encore indéterminée (parlant de cette susceptibilité).

Le pouvoir pathogène conditionne le type de maladie et va dépendre de l'espèce


bactérienne responsable de l'infection. Par exemple, le choléra dont l'agent est Vibrio cholerae
est une maladie complètement différente de la méningite à méningocoque. Cette notion de
pouvoir pathogène est à distinguer de celle de virulence. Quelques situations dont dépend le
pouvoir pathogènes sont à distinguer :

- Le pouvoir pathogène peut être dû à la diffusion d'une toxine à distance de la


porte d'entrée

Dans ce cas, la bactérie adhère, colonise et se multiplie au niveau de la muqueuse de la porte


d'entrée et peut éventuellement provoquer une inflammation à ce niveau. Mais l'essentiel du
pouvoir pathogène est dû à la production d'une toxine dont les effets peuvent s'exercer à
distance de la porte d'entrée.

En fait les bactéries pathogènes produisent de nombreuses substances qui sont toxiques pour
leur hôte. Lorsqu'il s'agit de protéines et qu'elles agissent à faibles concentrations, il s'agit de
toxines. Dans certains cas (tétanos et botulisme par exemple), seule la toxine est pathogène et
la multiplication du microorganisme ne participe en rien aux symptômes observés.

- Le pouvoir pathogène résulte d'une inflammation au niveau de la porte d'entrée


secondaire à la multiplication bactérienne.
Dans ce cas, la bactérie adhère, colonise et se multiplie au niveau de la muqueuse de la porte
d'entrée et provoque éventuellement une inflammation à ce niveau.

- Le pouvoir pathogène résulte d'une dissémination du microorganisme à partir de


la porte d'entrée.

On distingue deux types de pathogènes selon que la multiplication bactérienne ait lieu à
l'intérieur ou à l'extérieur d'un compartiment cellulaire.

Les bactéries à multiplication intra-cellulaire : Le plus souvent le compartiment dans


lequel la multiplication prend place sont les macrophages. Exemple de ces bactéries :
Mycobacterium tuberculosis (tuberculose), Salmonella typhi (typhoïde) Listeria
monocytogenes (listériose), Brucella (brucellose), Legionella (Maladie des légionnaires),
Coxiella burnetti (Fièvre Q) etc.

Les bactéries à multiplication extra-cellulaire : Il s'agit du pouvoir pathogène le plus


fréquent. Les bactéries se multiplient dans le secteur extra-cellulaire et sont équipées pour
résister à l'activité bactéricide du complément et à la phagocytose par les polynucléaires

 Septicémies (Escherichia coli, Staphylococcus aureus…)

 Pneumonies (Streptococcus pneumoniae, Klebsiella pneumoniae...)

 Pyélonéphrites (Escherichia coli, Proteus mirabilis..)

 Méningites (Neisseria meningitidis, Streptococcus pneumoniae)

 Endocardites (Streptococcus, Enterococcus...)

La virulence est une notion quantitative alors que le pouvoir pathogène est une notion
qualitative. Elle traduit l’aptitude d'un germe pathogène à se multiplier dans l'organisme
vivant et à y entraîner des manifestations morbides.

Ainsi pour un même pouvoir pathogène, il peut y avoir des souches plus ou moins virulentes.
Exemple : Shigella dysenteriae et Shigella flexneri sont toutes les deux responsables d'une
dysenterie bacillaire, mais pas avec les mêmes doses. Quelques bactéries suffisent pour
développer une infection avec S.dysenteriae alors que plusieurs milliers sont nécessaires avec
S. flexneri. Cette espèce est donc considérée comme moins virulente que S.dysenteriae.

Facteurs de virulence : En dehors des intoxinations (modification ou dégradation d’un


organisme par des toxines), la première étape du pouvoir pathogène est la colonisation de
l'hôte au niveau de la porte d'entrée. En pratique, cela se traduit par :

 une adhésion aux cellules épithéliales des muqueuses à l'aide de pili ou d'adhésines
non fimbrillaires. L'adhésine des pili est située au sein de fimbriae. Cette adhésine est
la molécule qui va interagir avec un récepteur sur les cellules de l'hôte. Dans le cas des
adhésines non fimbrillaires, la protéine est située sur la membrane externe des
bactéries.

 une adhésion à du matériel étranger (cathéter, prothèse..).


II.1.2 Les bactéries opportunistes

Les bactéries opportunistes sont celles qui ne donnent habituellement pas de maladie
chez les sujets sains mais qui peuvent en revanche, devenir pathogènes chez les sujets aux
défenses immunitaires altérées (diminuées ou affaiblies). Ces bactéries sont souvent des
bactéries commensales qui vivent à la surface de la peau et des muqueuses de l'homme.

Chez le sujet normal, elles ne donnent pas d'infections, mais à la faveur d'une
immunodépression ou d'une antibiothérapie, elles vont être contre-sélectionnées et proliférer
leur donnant ainsi un avantage sélectif. Le type de maladie (et donc le pouvoir pathogène)
dont ces bactéries sont responsables est, en général, monomorphe : colonisation de la porte
d'entrée avec développement d'une inflammation non spécifique à ce niveau (pneumonie,
infection urinaire, infection sur cathéter,..), éventuellement suivie d'une généralisation,
septicémie avec des localisations secondaires possibles (endocardite, abcès profond, ostéites,
méningites...).

II.2 Le Commensalisme : Association d'organismes d'espèces différentes, profitable pour


l'un d'eux et sans danger pour l'autre (différant du parasitisme).

La Symbiose : Association durable et réciproquement profitable entre deux ou plusieurs


organismes.

Le parasitisme : l’organisme vit aux dépens de son hôte qui lui fournit un biotope et/ou des
éléments nutritifs nécessaires à sa survie, cet hôte en pâtit de façon plus ou moins grave ;

Chapitre 2 : Anatomie fonctionnelle des bactéries

I. La découverte du monde bactérien


Le monde microbien (« les animalcules ») a été découvert et décrit entre 1674 et 1687 par
Anton VAN LEEUWENHOEK (1632-1723), drapier hollandais et grand amateur de loupes et
instruments d'optique. Mais celui-ci n'est véritablement reconnu qu'à partir du milieu du XIXe
siècle à la suite des travaux de Louis PASTEUR et de ses élèves.
En 1866, HAECKEL crée le terme de protistes pour désigner, entre le monde animal et le
monde végétal, les êtres unicellulaires et les êtres pluricellulaires sans tissus différenciés. Les
protistes sont classés en deux catégories :
• Les protistes supérieurs ou eucaryotes qui possèdent un noyau entouré d’une membrane,
des chromosomes, un appareil de mitose et une structure cellulaire complexe (mitochondries
notamment).
• Les protistes inférieurs ou procaryotes qui ont un chromosome unique sans membrane
nucléaire et sans appareil de mitose, et une structure cellulaire élémentaire (pas de
mitochondries).
Les bactéries font partie des protistes procaryotes.
En 1878, SEDILLOT crée le terme de microbes parmi lesquels on distinguera ensuite les
bactéries proprement dites et les virus. Le terme virus, qui au début désignait tout agent
infectieux, est maintenant réservé à la catégorie bien particulière de microbes qui ne
possèdent qu'un seul type d'acide nucléique et qui sont incapables d'assurer à eux-seuls la
synthèse de leurs propres constituants.
Seule l'expression « réservoir de virus » a gardé un sens général : elle signifie réservoir de
germes (de microbes) sans préjuger de la nature exacte du germe (du microbe) en question.
II. L'anatomie des bactéries
Les bactéries sont des êtres unicellulaires qui possèdent les éléments essentiels à la vie
cellulaire. Leur taille varie de 1 à 10 microns (μm). Elles ne sont donc visibles qu'au
microscope optique (×103) ou au microscope électronique (×10 6). Elles peuvent être
désintégrées par divers procédés physiques et chimiques, ce qui permet d'étudier les
constituants bactériens ainsi libérés.

II.1 L'appareil nucléaire des bactéries


Comme tous les protistes procaryotes, les bactéries possèdent un appareil nucléaire
constitué d'acide désoxyribonucléique (ADN) qui est le support de l'information génétique.
L'ADN chromosomique est constitué d'une double hélice d'ADN circulaire. Cette
double hélice est pelotonnée, surenroulée dans le cytoplasme grâce à l'action des
topoisomérases (au nombre de 4 chez les bactéries). Déplié, le chromosome bactérien a près
de 1 mm de long (1000 fois la longueur de la bactérie) et 3 à 5 nanomètres de large.
Les deux chaînes de nucléotides se répliquent selon le schéma de Watson et Crick,
chaque chaîne assurant la réplication de la chaîne complémentaire selon un mode semi-
conservatif.
L'analyse chimique de l'appareil nucléaire indique qu'il est composé à 80 % d'ADN (le
chromosome), à 10 % d'acide ribonucléique ou ARN (rôle de structuration) et à 10 % de
protéines. Ces dernières sont représentées en particulier par les ADN polymérases qui copient
les doubles brins d'ADN, les topoisomérases, surtout les ADN gyrases, qui les déroulent pour
permettre l'action des polymérases, et des ARN polymérases qui assurent la synthèse des
divers ARN.
Les constituants de l'appareil nucléaire sont la cible d'action de plusieurs antibiotiques:
les quinolones inhibent les topoisomérases et les rifamycines inhibent les ARN polymérases,
tandis que les nitro imidazolés entraînent la fragmentation de l'ADN chez les anaérobies
stricts.

II.2 L'ADN extra-chromosomique


A côté du chromosome, support de l'hérédité, la bactérie peut contenir des éléments
génétiques (ADN) de petite taille (0,5 à 5 % du chromosome bactérien), extra-
chromosomiques. Ces éléments, appelés plasmides, ne sont pas indispensables à la vie de la
bactérie dans les conditions habituelles de croissance. Ils se répliquent indépendamment et en
général plus rapidement que le chromosome bactérien. On les détecte lorsque les gènes qu'ils
transportent confèrent à la bactérie de nouvelles propriétés (cf. chapitre « Génétique
bactérienne »). Les plus connus de ces plasmides sont les suivants :

II.2.1 Le facteur sexuel ou facteur F


Le facteur sexuel ou facteur F assure le transfert de fragments de chromosome bactérien par
conjugaison (appariement de deux bactéries).

II.2.2 Les plasmides de résistance aux antibiotiques (ou facteurs R)


Ils portent des gènes qui confèrent aux bactéries la résistance à divers antibiotiques. Au
contraire de la résistance conférée par une mutation chromosomique, la résistance conférée
par un plasmide peut concerner des antibiotiques appartenant à plusieurs familles si le
plasmide porte plusieurs gènes de résistance. La résistance codée par les gènes plasmidiques
est souvent liée à la production d'enzymes qui inactivent les antibiotiques. Par exemple des
plasmides de résistance très fréquents chez les staphylocoques portent un gène qui code pour
la production d'une pénicillinase qui inactive la pénicilline G et les pénicillines du groupe A
(ampicilline) ce qui rend la bactérie résistante à ces pénicillines (idem chez E.coli,
gonocoque,...). Les gènes peuvent être organisés dans le plasmide au sein de transposons (cf.
chapitre « Génétique bactérienne »).

II.2.3 Les autres plasmides


Certains plasmides sont responsables de la virulence (ex. : en portant le gène qui code pour la
production de toxines), de la résistance aux antiseptiques, du métabolisme de certains
composés (lactose, lysine, etc...), et de la dégradation de substances, par exemple le toluène,
l'octane et l'acide salicylique.

II.3 Le cytoplasme bactérien


La structure du cytoplasme bactérien est beaucoup plus simple que celle du cytoplasme des
cellules eucaryotes. Le cytoplasme ne contient pas en effet de mitochondries : les enzymes
transporteurs d'électrons sont localisés dans la membrane cytoplasmique. En revanche, il est
particulièrement riche en ARN solubles (ARN messager et ARN de transfert) et surtout en
ARN particulaire ou ribosomal.
Les ribosomes sont la cible d'action de nombreux antibiotiques. Ils sont constitués de
protéines ribosomales et d'ARN (ARNr16S, ARNr23S et ARNr5S). Ils sont classiquement
divisés en 2 sous-unités : la sous-unité 30S contient de l'ARNr16S et la sous-unité 50S est
constituée d'ARNr23S. L'ensemble des constituants cytoplasmiques sont placés dans un gel
colloïdal, qui contient 80 % d'eau et des substances organiques et minérales.

II.4 La membrane cytoplasmique


II.4.1 La membrane cytoplasmique, ou membrane interne

Cette membrane est la limitante externe du cytoplasme. Elle est constituée d’une double
couche d’unités de phospholipides (35 %) et de protéines qui lui sont associées (65 %).
Certaines de ces protéines jouent un rôle dans la synthèse du peptidoglycane et sont appelées
protéines de liaison aux pénicillines (PLP) ou penicillin-binding-proteins (PBP) car elles sont
également la cible d'action des bêta-lactamines, famille d'antibiotiques à laquelle appartient la
pénicilline.
La membrane cytoplasmique des bactéries se distingue de celle des cellules eucaryotes par
l'absence de stérols. Elle est caractérisée par son l'extrême fluidité qui est liée au déplacement
et à la rotation des groupements lipidiques.

II.4.2 Fonctions principales de la membrane cytoplasmique


Les fonctions principales de la membrane cytoplasmique sont les suivantes :
— perméabilité sélective et transport des substances solubles à l'intérieur de la bactérie : la
membrane est à la fois une barrière osmotique et un lieu de transport actif grâce à des
perméases ;
— fonction respiratoire par transport d'électrons et phosphorylation oxydative dans les
espèces bactériennes aérobies (rôle équivalent à celui des mitochondries des eucaryotes) ;
— excrétion d'enzymes hydrolytiques, qui dégradent les polymères en sous-unités
suffisamment petites pour pouvoir traverser la membrane cytoplasmique et être importés dans
la bactérie ;
— support d'enzymes et de transporteurs de molécules impliqués dans la biosynthèse de
l'ADN, des polymères de la paroi et des lipides membranaires.

II.5 La paroi bactérienne


Malgré la forte pression osmotique (5 à 20 atmosphères) qui règne à l'intérieur du cytoplasme
bactérien, la bactérie n'éclate pas grâce à l'existence d'une structure rigide, appelée paroi, de
nature polymérique.
Les polymères et leur mode de liaison varient selon les espèces bactériennes. Toutefois, une
substance de base, spécifique des bactéries, est partout présente : c'est la muréine, appelée
encore peptidoglycane.

II.5.1 Structure du peptidoglycane


Le peptidoglycane est un polymère complexe formé de 3 éléments différents :
1. une épine dorsale faite d'une alternance de molécules de N-acétylglucosamine et d'acide N-
acétylmuramique ;
2. un ensemble de chaînes latérales peptidiques identiques, composées de 4 acides aminés et
attachées à l'acide N-acétylmuramique ;
3. un ensemble de « ponts interpeptidiques » identiques.
L'épine dorsale est la même pour toutes les espèces bactériennes tandis que les chaînes
latérales de tétrapeptides et les ponts interpeptidiques varient d'une espèce à l'autre.
La plupart des chaînes latérales comportent la L-alanine en position 1 (attachée à l'acide N-
acétylmuramique), le D-glutamate en position 2, l'acide diamino-pimélique, la lysine ou un
autre acide aminé en position 3, et la D-alanine en position 4.
La figure 1 donne une représentation schématique du peptidoglycane chez Staphylococcus
aureus.
Il faut noter que les ponts interpeptidiques, qui assurent la fermeture de ce véritable « filet »
qu'est le peptidoglycane, sont constitués chez Staphylococcus aureus d'une chaîne de 5
molécules de glycine entre la D-alanine terminale et la L-lysine en position 3.

II.5.2 Différences entre bactéries à Gram positif et à Gram négatif selon leurs parois

Chez les bactéries à Gram positif,


Il y a de nombreuses couches de peptidoglycane qui représentent jusqu'à 90 % des
constituants de la paroi bactérienne. Celle-ci contient aussi un feutrage (10 à 50 % du poids
sec de la paroi) d'acides teichoïques (polymères du glycérol ou du ribitol phosphate) associés
étroitement au peptidoglycane et faisant parfois saillie à la surface de la bactérie. Certains, les
acides lipoteichoïques, sont placés transversalement et s'enfoncent jusqu'à la membrane
cytoplasmique. En général il n'y a pas ou peu de protéines dans la paroi des bactéries à
Gram positif. Parmi les exceptions, notons la protéine A de Staphylococcus aureus.
Figure 1 : Structure de la paroi des bactéries à Gram positif
Chez les bactéries à Gram négatif,
Il n'y a qu'une seule ou au plus deux couches de peptidoglycane qui ne représente que 5 à 20
% des constituants de la paroi bactérienne. Mais 3 polymères situés en dehors du
peptidoglycane viennent compléter la paroi : des lipoprotéines, une « membrane externe » qui
contient du lipopolysaccharide.
Les lipoprotéines sont le lien entre le peptidoglycane et la « membrane externe » : le
composant protéine est un polymère de 15 acides aminés qui forme une liaison peptidique
avec le tétrapeptide des chaînes latérales du peptidoglycane ; le composant lipide est relié à la
« membrane externe ».
La « membrane externe » est constituée d'une double couche de phospholipides dans laquelle
tout ou partie des phospholipides de la couche la plus externe sont remplacés par des
molécules de lipopolysaccharide. Au sein de cette « membrane externe », qui est une
mosaïque fluide, se trouvent associés au moins deux types de protéines spécifiques : certaines
sont dites protéines de structure car elles consolident la membrane externe (exemple :
OMP-A) ; d'autres, appelées « porines » permettent le passage des petites molécules
hydrophiles et en particulier, sur le plan médical, des antibiotiques (β-lactamines,
tétracyclines, quinolones...).
Sur le plan immunologique, le lipopolysaccharide constitue l'antigène O des bactéries à Gram
négatif. Le LPS est un lipide complexe auquel est attaché un polysaccharide qui est
responsable de la spécificité antigénique de l'antigène O. Sur le plan physiopathologique, le
LPS, extrêmement toxique, représente l'endotoxine des bactéries à Gram négatif.

Protéines de la membrane externe (Outer Membrane Protein = OMP) :


— de structure ; ex. : OMP-A
— porines, ex : OMP-C, OMP-F
Lipoprotéines (LP) qui permettent la cohésion du PG et des phospholipides (PL)

Protéines de la membrane cytoplasmique ou interne :


— protéines de structure (PS)
— enzymes membranaires dont celles qui sont impliquées dans la synthèse du peptidoglycane
(PG) et cibles des betalactamines, appelées protéines liant la pénicilline (PLP)
— LPS : lipopolysaccharide (ou antigène 0) qui remplace en tout ou en partie les
phospholipides de la couche externe de la membrane externe.

Figure 2 : Structure de la paroi des bactéries à Gram Négatif


II.5.3 Rôle de la paroi
— La paroi confère à la bactérie sa morphologie véritable. Elle constitue le squelette externe
de la bactérie et représente 25 à 35 % du poids total de la bactérie.
— La paroi contient la pression osmotique interne. Sans paroi, les bactéries prennent une
forme sphérique appelée protoplaste s'il s'agit d'une bactérie à Gram positif, ou sphéroplaste
s'il s'agit d'une bactérie à Gram négatif. Les bactéries peuvent survivre sans paroi et même se
multiplier (on les appelle alors formes L) à condition d'être placées dans un milieu dont la
pression osmotique est équilibrée avec la pression osmotique qui règne à l'intérieur de la
bactérie.
— Elle joue un rôle déterminant dans la coloration de Gram. Chez les bactéries à Gram
positif, la paroi bloque l'extraction du violet de gentiane et de l'iodure par l'alcool alors qu'elle
ne bloque pas cette extraction chez les bactéries à Gram négatif.
— Elle joue un rôle déterminant dans la spécificité antigénique des bactéries.
— Elle est le support de l'action de certains enzymes exogènes (lysozyme) ou endogènes
(autolysines) et de certains antibiotiques, notamment les bêtalactamines (pénicillines) qui
inhibent la synthèse du peptidoglycane (voir tableau 1).
— Le lipopolysaccharide (LPS) et le peptidoglycane sont capables d'activer le complément
par la voie alterne ce qui libère, entre autre, les fractions C3a et C5a (effet chimiotactique) et
C3b (effet opsonisant par les récepteurs des phagocytes pour le C3b) qui jouent un rôle
important dans la défense non spécifique contre l'infection.

II.6 Structures inconstantes d’une bactérie

II.6.1 La capsule
La capsule est un enduit excrêté par certaines bactéries. Elle est habituellement de nature
polysaccharidique, quoique dans le cas de Bacillus anthracis (le bacille du charbon) elle
consiste en un polypeptide de l'acide D-glutamique.
Chez les espèces bactériennes capsulées, des mutations peuvent affecter la production de
capsule : les bactéries sauvages capsulées donnent des colonies lisses (S pour « smooth ») ou
muqueuses, tandis que les bactéries mutantes non capsulées donnent des colonies rugueuses
(R pour « rough »).
Des variations transitoires peuvent également l'affecter puisque la production de capsule est
souvent fonction de la présence de fortes concentrations de sucres ou de sérum (variation
phénotypique).
La capsule joue un rôle important dans le pouvoir pathogène de certaines espèces bactériennes
(Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Klebsiella, E.coli K1) par son rôle
protecteur contre la phagocytose.

II.6.2 Cils ou flagelles


Les cils, ou flagelles, sont des structures inconstantes chez les bactéries. Ce sont des
appendices filamenteux, composés entièrement de protéines, de 6 à 15 μm de long sur 12 à 30
nanomètres d'épaisseur. Les protéines flagellaires sont appelées flagellines.
Antigéniques (elles provoquent la formation d'anticorps que l'on peut mettre en évidence dans
certains sérodiagnostics, ex. fièvre typhoïde), elles sont différentes d'une espèce bactérienne à
une autre. Les flagelles sont attachés dans le cytoplasme bactérien par une structure complexe.
Ils constituent les organes de locomotion pour les bactéries qui en possèdent. Selon la
disposition des flagelles, on distingue les bactéries monotriches (un seul flagelle polaire),
lophotriches (une touffe de flagelles polaires) ou péritriches (flagelles répartis sur toute la
surface de la bactérie).

II.6.3 Les pili ou fimbriae


De nombreuses bactéries à Gram négatif (exceptionnellement des bactéries à Gram positif)
possèdent des appendices de surface plus courts et plus fins que les flagelles et que l'on
appelle pili (de pilus = poil), ou fimbriae (frange). On en distingue deux catégories :
Les pili communs
Les pili communs, sont des structures protéiques filamenteuses, de 2 à 3 μm de long, disposés
régulièrement à la surface de la bactérie. Ils sont constitués par la polymérisation d'une même
sous-unité polypeptidique, la piline, assemblée à des polypeptides mineurs dont l'adhésine.
L'adhésine peut avoir des interactions avec un récepteur cellulaire hydrocarboné (glycolipides
ou glycoprotéines) présent à la surface d'une cellule eucaryote. En tant que support d'une
adhésine, les pili permettent la fixation de certaines bactéries sur les muqueuses, ce qui
conditionne leur pouvoir pathogène (ex. fixation de Escherichia coli sur la muqueuse
vésicale, du gonocoque sur la muqueuse de l'urètre, du vibrion du choléra sur les
entérocytes...). Les structures génétiques codant pour les complexes pili-adhésine sont des
opérons en situation plasmidique ou chromosomique.
Les pili sexuels,
plus longs mais en nombre plus restreint (1 à 4) que les pilis communs sont codés par des
plasmides (facteur F). Ils jouent un rôle essentiel dans l'attachement des bactéries entre elles
au cours de la conjugaison. Ces pilis sexuels servent également de récepteurs de
bactériophages spécifiques.
Chez certaines bactéries à Gram positif, des protéines de surface dépassent largement de la
paroi et jouent un rôle dans l'adhérence bactérienne, comme les fimbriae, auxquels on pourrait
les assimiler. Il s'agit de la protéine A de Staphylococcus aureus et de la protéine M de
Streptococcus pyogenes.

II.6.4 Les spores


Les bactéries appartenant à certains genres, notamment le genre Bacillus et le genre
Clostridium, sont capables de former des endospores. Les bactéries sporulées subissent un
cycle de différentiation en réponse aux conditions d'environnement : en l'absence d'aliments,
une spore se forme à l'intérieur de chaque bactérie et est libérée lorsque la bactérie s'autolyse.
La spore est une cellule bactérienne au repos, hautement résistante à la dessication, à la
chaleur et aux agents chimiques.
Replacée dans des conditions nutritionnelles favorables, la spore germe et redonne une
bactérie identique à celle qui lui a donné naissance. La spore est donc une forme de résistance
aux conditions défavorables de vie, avec conservation de toutes les aptitudes génétiquement
déterminées.

II.6.5 Le glycocalyx
Le glycocalyx est un feutrage de fibres polysaccharidiques (exopolymère) présent à la surface
des bactéries dans leur milieu naturel. Chez certaines espèces bactériennes des quantités
importantes de glycocalyx sont synthétisées (cas de Pseudomonas aeruginosa ou de
Streptococcus mutans) et engluent les cellules bactériennes. Le glycocalyx est alors appelé «
slime ».
La production de glycocalyx favorise l'adhésion de la bactérie, par exemple aux matériaux
étrangers (prothèse...). Celui qui est produit par Streptococcus mutans est responsable de la
formation de la plaque dentaire, indirectement responsable des caries.

Figure 3 : Structure et morphologie bactériennes.


Chapitre 3 : Nutrition et croissance des bactéries

Introduction

Selon les conditions environnementales, une bactérie existe sous deux états principaux : l'état
végétatif durant lequel sont assurées des biosynthèses équilibrées permettant une croissance
plus ou moins rapide et l'état de repos caractérisé par un minimum d'échange avec le milieu
extérieur et par une survie sans multiplication.

Chez les bactéries la croissance peut se traduire par une augmentation de volume des cellules,
mais elle conduit principalement à une augmentation du nombre de cellules.

L'état de repos est un état précaire qui nécessite l'absence de conditions létales et la présence
d'un minimum de substrats assimilables afin d'assurer le métabolisme de base de la cellule.
Dans une population au repos, il existe toujours un taux de mortalité dont l'importance dépend
des conditions ambiantes. Dans les conditions de conservation optimale (lyophilisation ou
congélation à - 70 °C) le taux de mortalité est faible mais il n'est pas nul.

Pour assurer sa croissance ou sa survie, une bactérie doit trouver dans son environnement de
quoi satisfaire ses besoins nutritifs : substances énergétiques permettant à la cellule de réaliser
la synthèse de ses constituants et substances élémentaires ou matériaux constitutifs de la
cellule.

I. Nutrition des Bactéries

Toutes les bactéries ont besoin d'eau, d'une source d'énergie, d'une source de carbone, d'une
source d'azote et d'éléments minéraux. Ces besoins élémentaires sont suffisants pour
permettre la nutrition des bactéries qualifiées de prototrophes. Certaines bactéries qualifiées
d'auxotrophes nécessitent, en plus des besoins élémentaires, la présence de facteurs de
croissance.

I.1 Le besoin en Eau chez les Bactéries

L'eau représente 80 à 90% du poids cellulaire. Elle joue un rôle fondamental en solubilisant
les nutriments, en assurant leur transport et en assurant les réactions d'hydrolyse. Un
paramètre appelé Aw (activity of water, activité de l'eau) quantifie la disponibilité de l'eau.
Dans un nutriment, une partie de l'eau est plus ou moins liée aux composants (sels, protéines)
et elle n'est pas disponible pour les micro-organismes qui ont besoin d'eau libre pour se
développer. L'activité de l'eau se définit comme le rapport de la pression de vapeur saturante
du milieu à la pression de vapeur saturante de l'eau pure à la même température. Ce rapport,
inférieur ou égal à 1, peut être assimilé à l'humidité relative du milieu. Les bactéries exigent
un certain seuil d'humidité et pour des Aw faibles, leur croissance est ralentie.

Certains germes ne se développent que pour une valeur de l'Aw supérieure à 0,97. C'est le cas
des Acinetobacter spp. (Aw > 0,99) ou de Clostridium botulinum (Aw > 0,97). Les
Salmonella spp. ou Escherichia coli commencent à se multiplier pour une valeur de l'Aw
supérieure à 0,95. Staphylococcus aureus se multiplie à partir de 0,85 mais la production
éventuelle de toxines n'est possible que pour des valeurs supérieures à 0,97. Listeria
monocytogenes peut supporter une valeur de l'Aw de 0,83 et les bactéries halophiles(qui
croissent dans les milieux salés et hypersalés) une valeur de 0,75.
Les endospores peuvent survivre dans un environnement dépourvu d'eau libre.

Le degré d'humidité des aliments a une influence sur leur conservation et leur séchage est un
procédé de conservation fondé en partie sur la diminution de l'Aw.

I.2 Source d'énergie

Selon la source d'énergie, les bactéries se divisent en phototrophes et chimiotrophes.

La source d'énergie des bactéries phototrophes est la lumière. Si la source d'électrons est
minérale, les bactéries sont qualifiées de photolithotrophes et si la source d'électrons est
organique, les bactéries sont photo-organotrophes.

Les bactéries chimiotrophes puisent leur énergie à partir de composés minéraux ou


organiques. Si le donneur d'électrons est minéral, les bactéries sont chimiolithotrophes et si le
donneur d'électrons est organique, les bactéries sont chimio-organotrophes.

I.3 Source de carbone

Le carbone est l'élément constitutif le plus abondant chez les bactéries.

Les bactéries phototrophes et la plupart des bactéries chimiolithotrophes peuvent utiliser le


dioxyde de carbone(CO2) comme unique source de carbone et elles sont dites autotrophes.
Pour les autres bactéries la source de carbone assimilable doit être un substrat organique et ces
bactéries sont qualifiées de hétérotrophes.

Le dioxyde de carbone seul ne permet pas la survie des hétérotrophes, mais il joue cependant
un rôle important chez ces bactéries. En effet, la croissance de nombreuses espèces
bactériennes hétérotrophes est impossible en l'absence de dioxyde de carbone et une
atmosphère enrichie en dioxyde de carbone favorise la croissance de certaines espèces comme
les Brucella spp., Capnocytophaga spp., Neisseria spp., Campylobacter spp., Haemophilus
spp., Taylorella spp. ...

Les bactéries hétérotrophes peuvent dégrader de nombreuses substances hydrocarbonées :


alcools, acides organiques, sucres ou polyholosides. La liste des substrats carbonés utilisables
par une souche bactérienne comme unique source de carbone et d'énergie constitue
l'auxanogramme de la souche. Les techniques auxanographiques, généralement réalisées en
milieu liquide et en utilisant des microméthodes (systèmes API, BioLogue, ...), sont utilisées
pour l'identification des souches et pour des enquêtes épidémiologiques. La bactérie à étudier
est placée dans un milieu dépourvu de toute source de carbone autre que celle apportée par le
nutriment dont on veut étudier l'assimilation. Selon que la bactérie est capable ou non
d'assimiler le nutriment qui lui est proposé, on observera une culture (présence d'un trouble)
ou une absence de culture (le milieu reste limpide).

I.4 Source d'azote

La synthèse des protéines nécessite des substances azotées.

L'azote moléculaire est fixé par quelques bactéries vivant en symbiose avec des légumineuses
ou des champignons ou par des bactéries jouant un rôle dans la fertilisation des sols.
Pour la majorité des bactéries la source d'azote est constituée par d'autres composés
inorganiques (ammoniac, sels d'ammonium, nitrites, nitrates) ou par des sources organiques
(groupements amines des composés organiques).

I.5 Éléments minéraux

Le souffre et le phosphore sont particulièrement importants chez les bactéries.

Le souffre est présent dans certains acides aminés (groupement thiol) et il est le plus
souvent incorporé sous forme de sulfate ou de composés soufrés organiques. Pour certaines
bactéries, le souffre doit être apporté sous forme organique (méthionine, cystéine, biotine,
thiamine) qui se confond avec le besoin en facteurs de croissance.

Le phosphore fait partie des acides nucléiques, de nombreuses coenzymes et de l'ATP.


Il est incorporé sous forme de phosphate inorganique.

Le sodium, le potassium, le magnésium et le chlore jouent un rôle dans l'équilibre


physico-chimique de la cellule.

D'autres éléments comme le fer, le manganèse, le molybdène, le calcium, le vanadium ou le


cobalt sont des oligoéléments nécessaires à des concentrations très faibles.
Dans l'organisme, le fer est lié à la transferrine ou à la lactoferrine et il n'est pas directement
disponible pour les bactéries. Aussi, pour assurer leur multiplication, les bactéries pathogènes
ont développé des mécanismes leur permettant de capter le fer chélaté à la transferrine et à la
lactoferrine.

I.6 Facteurs de croissance

En présence d'eau, d'une source d'énergie, d'une source de carbone, d'une source azote et
d'éléments minéraux, de nombreuses bactéries sont capables de croître et elles sont qualifiées
de prototrophes. Les bactéries auxotrophes nécessitent, en plus, un ou plusieurs facteurs de
croissance qu'elles sont incapables de synthétiser.

Un facteur de croissance ne doit pas être confondu avec un métabolite essentiel. Les facteurs
de croissance et les métabolites essentiels sont des composés organiques strictement
nécessaires à la nutrition. Toutefois, un métabolite essentiel peut être synthétisé par une
bactérie alors qu'un facteur de croissance doit être présent dans l'environnement car la bactérie
est incapable de le synthétiser. Dans un milieu contenant du glucose, une source d'azote et des
sels minéraux une bactérie telle que Escherichia coli est capable de se multiplier alors que ce
n'est pas le cas pour Proteus vulgaris. La croissance de Proteus vulgaris exige l'adjonction
supplémentaire de nicotinamide. Le nicotinamide est indispensable pour la croissance de ces
deux espèces, mais contrairement à Proteus vulgaris, Escherichia coli est capable d'en assurer
la synthèse. Le nicotinamide est un métabolite essentiel pour ces deux espèces, mais elle n'est
un facteur de croissance que pour Proteus vulgaris.

La notion de facteur de croissance est relative à un genre, à une espèce voire même à une
souche.

Les facteurs de croissance sont des bases puriques ou pyrimidiques, des acides gras, des
acides aminés, des vitamines (coenzymes, précurseurs de coenzymes, groupements
prosthétiques de diverses enzymes) ou diverses composés comme l'hème et ses dérivés.
L'exigence d'une souche pour le facteur X (protoporphyrine) et pour le facteur V
(nicotinamide adénine dinucléotide ou nicotinamide adénine dinucléotide phosphate) est un
temps essentiel de l'identification des espèces du genre Haemophilus. Par exemple,
Haemophilus felis et Haemophilus parasuis exigent la présence de facteur V, Haemophilus
haemoglobinophilus exige le facteur X et Haemophilus influenzae exige à la fois le facteur X
et le facteur V. Dans le sang frais, le NAD est souvent intracellulaire et le sang frais contient
des inhibiteurs du NAD. Aussi, les meilleurs milieux d'isolement pour les espèces exigeantes
en facteur V sont des géloses au sang cuit ("gélose chocolat"), des géloses enrichies en
extraits globulaires ou des géloses complémentées en NAD ou en NADP.

La croissance d'une bactérie auxotrophe peut être proportionnelle, dans certaines limites, à la
concentration d'un facteur de croissance ce qui permet un dosage des facteurs de croissance
par voie microbiologique. Un exemple classique est le dosage microbiologique de la vitamine
B12 en utilisant une souche de Lactobacillus leichmannii ou la souche Escherichia coli 113,
auxotrophes pour la vitamine B12.

Les besoins en facteur de croissance peuvent parfois être satisfaits par la présence d'une autre
bactérie. Ce mécanisme d'interaction métabolique, qualifié de syntrophie, se traduit sur un
milieu solide par la présence de colonies satellites (bactérie auxotrophe) se développant au
voisinage de la bactérie productrice du facteur de croissance.

Les différents types trophiques sont résumés dans le tableau ci-dessous.

Classe du besoin Nature du besoin Type trophique


Rayonnement lumineux Phototrophe
Source d'énergie Oxydation de composés Chimiotrophe
organiques ou inorganiques
Minéral Lithotrophe
Donneur d'électrons
Organique Organotrophe
Composé minéral Autotrophe
Source de carbone
Composé organique Hétérotrophe
Non nécessaires Prototrophe
Facteurs de croissance
Nécessaires Auxotrophe

II. La Croissance bactérienne

II.1 Le cycle cellulaire bactérien

Les synthèses permettent aux bactéries de croître en taille et en volume jusqu'à une dimension
limite qui conduit généralement à la division cellulaire par scission binaire.

Un cycle cellulaire bactérien se décompose en trois étapes : l'initiation (B), la réplication de


l'ADN chromosomique (C) et la division cellulaire (D). Ces trois étapes se succèdent au
cours du cycle : C ne débute qu'à la fin de la période B et D ne débute que lorsque la
réplication de l'ADN chromosomique est terminée. Durant la période B, on assiste à la
synthèse d'ARNm et de protéines nécessaires à l’initiation de la réplication du chromosome.
Pendant la période C, l’ADN chromosomique se réplique et, à la fin de cette période, les deux
copies du chromosome bactérien migrent chacune, selon un mécanisme actif, vers une des
deux futures cellules filles (équipartition). Lorsque le chromosome bactérien s’est entièrement
répliqué, l’initiation de la septation est déclenchée. La formation du septum est sous la
dépendance d'au moins quatre gènes. Une fois le septum formé, le produit d'un cinquième
gène conduit à l'hydrolyse de la double couche de peptidoglycane, puis la membrane externe
s’invagine à son tour. Sous l'action d'un nouveau gène, la division sensu stricto a lieu et les
cellules filles se séparent.

La durée des étapes C et D ne varie pas avec le taux de croissance. En revanche, l'étape
d'initiation a une durée variable selon les conditions de culture et elle devient de plus en plus
courte quand le temps de génération décroît.

Chez les bactéries à Gram positif, dont la paroi est riche en peptidoglycane, la séparation
complète des bactéries filles est sous la dépendance de la concentration en autolysines.
Lorsque la culture ne comprend qu'un faible nombre de cellules, les quantités d'autolysines
sont faibles et les bactéries filles ne se séparent pas complètement ce qui conduit à la
formation de chaînes de cellules. Par contre, lorsque la culture est riche en cellules
(notamment au sein d'une colonie), les concentrations en autolysines sont fortes, elles agissent
sur le peptidoglycane et les cellules filles se séparent complètement. C'est la raison pour
laquelle le mode de groupement des bactéries doit s'apprécier sur une culture jeune en milieu
liquide et non à partir d'une colonie.

Au sein de la classe des Actinobacteria les bactéries se multiplient exclusivement,


préférentiellement, ou occasionnellement, selon un mode qui se rapproche de celui des
champignons. Ces bactéries forment des filaments ramifiés ou hyphes dont l'ensemble
constitue le mycélium. Le genre le plus représentatif de cette classe est le genre Streptomyces
dont le cycle cellulaire peut être résumé de la manière suivante. La cellule bactérienne initiale
(ou conidie ou arthrospore) donne naissance à un tube germinatif qui se différencie en un
mycélium rampant en surface ou pénétrant dans le substrat. Après une période de croissance,
le mycélium se développe verticalement. Ces hyphes aériens vont développer des torsades, tel
un tire-bouchon. Leurs parties terminales, après une série de réplications et de migrations du
chromosome bactérien, se cloisonnent (formation de septums) et forme autant de jeunes
cellules bactériennes que l'on appelle des conidies ou arthrospores par analogie avec les
spores fongiques. Après maturation, les hyphes aériens se rompent et libèrent les conidies qui
seront à l'origine d'un nouveau cycle. Les arthrospores du genre Dermatophilus possèdent
aussi la propriété d’être mobiles.

La structure mycélienne typique du genre Streptomyces est plus rudimentaire pour les
Actinomyces spp. et surtout pour les Mycobacterium spp. qui ne forment jamais d'hyphes
aériens.

II.2 Les constantes de la croissance

A partir d'une unique cellule, le cycle cellulaire donne naissance à deux cellules filles qui vont
chacune donner à leur tour deux autres cellules et ainsi de suite, selon une progression
géométrique : 1 cellule ---> 2 cellules ---> 4 cellules ---> 8 cellules ---> 16 cellules ---> 32
cellules ...
Le temps nécessaire au doublement du nombre de cellules ou temps de génération dépend de
l'espèce, voire même de la souche et des conditions environnementales. Dans les conditions
optimales de culture, le temps de génération ou G est de 13 minutes pour Vibrio
parahaemolyticus, de 20 minutes pour Escherichia coli, de 100 minutes pour Lactobacillus
acidophilus et de 1000 minutes pour Mycobacterium tuberculosis.

Le nombre de divisions par unité de temps est égal à l'inverse du nombre de génération (1/G).
Pour les exemples donnés ci-dessus il est de 4,6 par heure pour Vibrio parahaemolyticus, de 3
par heure pour Escherichia coli, de 0,6 par heure pour Lactobacillus acidophilus et de 0,06
par heure pour Mycobacterium tuberculosis.

II.3 Croissance en milieu solide

La croissance sur la surface d'un milieu solide se traduit soit par une nappe confluente lorsque
les bactéries sont déposées en grand nombre soit par l'apparition de colonies lorsque les
cellules sont déposées de manière isolée.

Lors de la formation d'une colonie, la croissance conduit d'abord à l'apparition d'une couche
monocellulaire et la structure de la microcolonie est bidimensionnelle. La prolifération des
bactéries de la périphérie conduit à une extension radiale de la colonie alors que la
prolifération des bactéries situées au centre de la colonie est à l'origine de la structure
tridimensionnelle due à la poussée vers le haut des cellules résultant de la division
bactérienne.
La vitesse de croissance radiale dépend de l’espèce, de la souche et de la richesse du milieu.
Sur milieu pauvre, les colonies de Escherichia coli et de Klebsiella pneumoniae croissent de
20 à 25 µm/h lorsque la température est comprise entre 20 et 37 °C. Sur un milieu riche, les
colonies de Enterococcus faecalis croissent de 18 à 23 µm/h et celles de Bacillus cereus de
575 µm/h. La hauteur de la colonie est également fonction de l'espèce. Chez Escherichia coli
la hauteur augmente durant une quarantaine d'heures puis elle cesse de s'accroître.

Le développement des colonies a des conséquences en ce qui concerne l'accès des bactéries à
l'oxygène et aux nutriments. L'oxygène pénètre difficilement dans une colonie bien
développée et sa concentration au centre de la colonie peut être faible. Les nutriments
diffusent vers le haut à partir de la gélose pour créer un gradient de concentration inverse à
celui de l'oxygène.
Pour une bactérie aérobie, toutes les cellules sont en croissance et en multiplication dans une
colonie jeune, alors que dans une colonie âgée, seules les cellules proches de la surface
continuent à se multiplier. En effet, l'absence d'oxygène au centre de la colonie inhibe la
multiplication des bactéries qui s'y trouvent.

Pour une espèce aéro-anaérobie, l'oxygène a peu d'influence sur la multiplication et, quel que
soit l'âge des colonies, les cellules les plus actives sont celles en contact avec la gélose, zone
où la concentration en substrat est la plus élevée.

L'aspect des colonies est un critère important de l'identification d'une bactérie. Les colonies se
caractérisent par leur vitesse d'apparition, leur taille, leur aspect (colonies lisses ou S pour
smooth, colonies rugueuses ou R pour rough, colonies muqueuses ou M, colonies brillantes
ou mates, colonies à bord régulier ou irrégulier, colonies plates ou surélevées ou ayant un
aspect en œuf sur la plat, colonies pigmentées ou non pigmentées, etc.), leur odeur (odeur de
seringa pour Pseudomonas aeruginosa, odeur de terre mouillée pour Burkholderia
pseusomallei, etc.), leur texture, leur caractère hémolytique sur une gélose au sang, leur
adhérence ou non à la gélose, etc.

III. Classification et Culture bactérienne

La forme des bactéries et leur affinité pour les colorants constituent la base de leur
classification. Les bactéries peuvent être sphériques (coques ou cocci), en forme de bâtonnet
(bacilles), ou intermédiaires (coccobacilles). La plupart prennent la coloration de Gram, les
bactéries à Gram positif en bleu-violet, les bactéries à Gram négatif en rosé. Les
mycobactéries (ex. Mycobacterium tuberculosis) sont colorées en rosé par la technique de
ZiehI-Neelsen.

Les figures 4 à 7 détaillent la classification des bactéries d'importance médicale.

Figure 4 : Classification des bactéries


Figure 5 : Bactéries aérobies à Gram positif.

Figure 6 : Bactéries aérobies à Gram positif.


Figure 7 : Les Bactéries anaérobies.

Chapitre 4 : Génétique bactérienne


L'ADN bactérien peut être l'objet de variations qui se traduisent par l'apparition de différences
héréditaires dans les structures et/ou les fonctions permanentes des bactéries. Les variations
génétiques ou génotypiques (le génotype est l'ensemble des déterminants génétiques portés
par une cellule) résultent d'une mutation, d'une transformation, d'une conjugaison, de
l'acquisition d'un plasmide, d'une transduction,... en somme d'un changement de nature d'un
ou plusieurs gènes. Les variations génétiques doivent être distinguées des variations
phénotypiques (le phénotype est l'ensemble des propriétés observables d'une cellule). Les
premières affectent le génome bactérien dans sa séquence nucléotidique alors que les
secondes affectent le comportement de la bactérie.

Les variations phénotypiques qui résultent de l'adaptation de l'ensemble d'une population


bactérienne ayant le même génotype à diverses conditions extérieures sont réversibles, non
transmissibles à la descendance mais spécifiques (non aléatoires). Leur mécanisme est en
relation avec l'activité des gènes qui peut être régulée par des systèmes plus ou moins
complexes : induction comme dans l'opéron lactose ; répression comme dans l'opéron
tryptophane (Jacob et Monod 1961...).

I. Variations génétiques par mutation

La mutation est un changement, spontané ou provoqué par un agent mutagène, héréditaire


(stable), brusque (discontinu), rare (10-6 à 10-9) et indépendant dans les caractères d'une
bactérie, et qui est lié à une modification du génome bactérien (ADN). Il n'y a pas de
différence de nature entre la mutation d'une cellule eucaryote et celle d'une cellule procaryote.
I.1 Caractères de la mutation bactérienne

Spontanéité (hasard) ou induction. Pour révéler la présence d'un mutant, il est nécessaire
d'utiliser un moyen sélectif (par exemple milieu de culture avec un antibiotique, ou milieu
minimum additionné d'un seul acide aminé). De ce fait on ne peut distinguer si la mutation est
spontanée ou si elle est induite par l'agent sélectif. Le caractère spontané de la mutation a été
formellement établi par l'analyse statistique de la distribution des mutants dans des tubes de
bouillon de culture ensemencés en parallèle avec une même suspension microbienne (test de
fluctuation de Luria et Delbruck, 1943) et par le test des répliques au tampon de velours, sans
contact avec l'agent sélecteur (Lederberg et Lederberg, 1952).

a. Le test de fluctuation de Luria et Delbruck concerne la résistance d'E.coli à un


bactériophage (virus qui infecte les bactéries et entraîne leur lyse). Une culture jeune
en milieu liquide est divisée en deux parties égales de 10 ml. Chaque partie contient
1.000 cellules bactériennes.

La première partie est gardée telle quelle dans un flacon, tandis que la seconde est subdivisée
à parties égales (0,2 ml) en 50 petits tubes. Tous les tubes sont mis à cultiver à 37ºC. Après
culture, le contenu des tubes est étalé sur des géloses recouvertes de bactériophages : 50
échantillons égaux sont prélevés du flacon et étalés séparément ; le contenu de chacun des 50
petits tubes est aussi étalé séparement.

On observe les faits suivants : le nombre de colonies bactériennes résistant aux bactériophages
est à peu près le même, entre 3 et 7 colonies résistantes, sur chacune des cinquante géloses

ensemencées à partir du flacon. En evanche, parmi les géloses ensemencées à partir des 50

petits tubes, certaines ne montrent pas de colonies résistantes, d'autres en montrent une
centaine.

L'explication du phénomène est la suivante : si les bactériophages induisaient la mutation vers

la résistance après que les bactéries aient été exposées aux bactériophages, toutes les géloses

devraient donner le même nombre de colonies résistant aux bactériophages. Si au contraire,

les mutations se produisaient comme des évènements survenant au hasard dans les cultures

bactériennes avant qu'elles ne soient exposées aux bactériophages, quelques-uns des petits
tubes

pourraient ne pas contenir de mutants, tandis que ceux dans lesquels les mutations seraient

survenues tôt au cours de la période de culture devraient en contenir beaucoup. Donc, s'il y

avait mutation, le nombre de colonies résistantes aux phages obtenues à partir des cinquante

petits tubes devrait présenter un fort degré de fluctuation comparé au nombre de colonies
résistantes

provenant du flacon. C'est exactement ce que l'on observe ! Il s'agit donc d'une mutation

spontanée et non d'une « mutation dirigée par les bactériophages ».


b. La culture par réplique de Lederberg et Lederberg (1952). Un morceau de velours stérile
est

tendu sur un cylindre de métal ou de bois dont le diamètre est légèrement plus petit qu'une

boîte de Pétri. En appuyant légèrement le velours sur une gélose en boîte de Pétri contenant

des colonies bactériennes, une fraction de chaque colonie est transférée sur le velours. En
appliquant

ensuite la surface du velours sur une autre gélose vierge, on obtient d'un seul coup

un repiquage colonie par colonie de la première gélose, et, en répétant les « répliques », on

peut repiquer l'ensemble des colonies d'une boîte de Petri sur de multiples boîtes.

On peut démontrer par cette technique que les mutations surviennent indépendamment du
facteur

de sélection. Pour cela on étale un grand nombre d'E.coli sur une gélose sans

antibiotique. Lorsque la culture a poussé en donnant des colonies confluentes, on fait, à partir

de cette gélose, des répliques sur d'autres boîtes contenant un antibiotique. Des colonies de

mutants résistants à l'antibiotique apparaissent sur ces boîtes repiquées dont quelques unes
occupent

une position identique sur chaque boîte.

On peut présumer que ceux-ci sont originaires de clones1 de cellules résistantes qui se
trouvaient

sur la boîte d'origine.

Un morceau de la surface de la culture est alors prélevé à l'emplacement correspondant sur la

boîte d'origine et ensemencé dans un tube de bouillon. Lorsque la culture en bouillon s'est
produite,

un échantillon est étalé sur une seconde boîte de gélose sans antibiotique et, ensuite,

lorsque cette culture a poussé, on repique par la technique du tampon de velours de nouvelles

boîtes contenant l'antibiotique. On constate qu'il y a maintenant une plus grande proportion

I.2 Les variations génétiques par transfert de matériel génétique

La bactérie peut être l'objet de variations génétiques autres que la mutation. Celles-ci peuvent
résulter du transfert de matériel génétique d'une bactérie à une autre par des processus aussi
différents que la transformation, la transduction et la conjugaison.

I.2.1 La transformation
La transformation est le transfert passif d'ADN d'une bactérie donatrice à une bactérie
réceptrice, dite en état de compétence. Le transfert, qui est partiel et limité à quelques espèces
bactériennes, entraîne l'acquisition par la bactérie réceptrice de nouveaux caractères
génétiques stables et transmissibles.

Découverte de la transformation. En 1928, Frederick Griffith démontre que l'inoculation


sous-cutanée à la souris d'un mélange de pneumocoques capsulés (virulents) tués par la
chaleur et de pneumocoques acapsulés (non virulents) vivants, entraîne une septicémie
mortelle à pneumocoques capsulés vivants. Il y a donc eu transformation ou « réversion » des
pneumocoques acapsulés (R) en pneumocoques capsulés (S). La transformation est plus facile
lorsque les pneumocoques acapsulés vivants et les pneumocoques capsulés tués sont du même
sérotype. En 1944, Avery Mac Leod et Mc Carty démontrent que le « principe transformant »
est l'ADN bactérien.

Ils réussissent à reproduire in vitro la transformation en présence d'ADN fortement


polymérisé.

L'activité transformante est perdue en présence de désoxyribonucléase.

Caractères de la transformation. La transformation naturelle ou physiologique exige l'état


de compétence qui n'apparaît qu'à certains stades de la division cellulaire et seulement chez
une fraction de la population bactérienne. La transformation artificielle est précédée du
traitement chimique ou enzymatique de la paroi bactérienne avant sa mise en contact avec
l'ADN.

La transformation naturelle peut s'observer chez un nombre limité d'espèces bactériennes à


Gram positif (Streptococcus et Bacillus) ou à Gram négatif (Neisseria, Branhamella,
Acinetobacter, Haemophilus). Elle se produit selon les phases suivantes : apparition de l'état
de compétence, fixation puis pénétration et intégration de l'ADN donneur dans le génome de
la bactérie réceptrice. Chez les bactéries à Gram positif, les différentes phases mettent en jeu
un activateur spécifique d'espèce, excrêté par la bactérie et qui se fixe à la surface de la
bactérie. Il y a ensuite synthèse d'une protéine fixatrice de l'ADN, d'une autolysine et une
endonucléase.

L'ADN fixé est ensuite partiellement hydrolysé puis converti en un fragment monocaténaire.

Les bactéries transformables sont capables de fixer des ADN de multiples sources mais ne
sont capables de former des recombinaisons génétiques que si la bactérie donatrice et la
bactérie réceptrice sont génétiquement très proches. Cette relative spécificité est liée au fait
que l'appariement qui se produit avant la recombinaison exige une étroite homologie des
séquences nucléotidiques endogènes et exogènes.

Chez les bactéries à Gram négatif, l'état de compétence est aussi en relation avec la synthèse
d'un activateur de paroi qui est excrété par la bactérie à la phase exponentielle de croissance
(H.influenzae) ou à la phase stationnaire (Acinetobacter).

L'ADN donneur se fixe sur la paroi au niveau de sites récepteurs, dans des conditions strictes
de métabolisme cellulaire, de pH, de température et d'osmolarité.

Bien que la transformation ne permette que le transfert d'une petite fraction du génome
bactérien (<1 %), soit d'efficacité relative (la fréquence de transfert est de l'ordre de 10-4 à 10-
6) et soit limitée à quelques espèces bactériennes, elle est d'un grand intérêt théorique et
pratique. Elle a permis de comprendre le mécanisme de la synthèse de la capsule, le contrôle
génétique de la résistance aux antibiotiques, l'établissement de cartes génétiques, etc... Elle
joue un rôle important dans l'évolution vers la résistance du pneumocoque (β-lactamines).
Grâce à la transfection, qui est la possibilité d'infecter des bactéries par des ADN ou des ARN
viraux, on a pu démontrer l'universalité du code génétique en 1961.

I.2.2 La conjugaison

La conjugaison est un transfert d'ADN entre une bactérie donatrice et une bactérie réceptrice,
qui nécessite le contact et l'appariement entre les bactéries, et repose sur la présence dans la
bactérie donatrice ou mâle d'un facteur de sexualité ou de fertilité (facteur F). Celui-ci permet
la synthèse de pili sexuels et donne la polarité au chromosome. Le transfert d'ADN
chromosomique qui est à sens unique, orienté, progressif et quelquefois total, a beaucoup de
similitudes avec le transfert d'ADN extra-chromosomique (plasmidique).

I.2.2.1 Mise en évidence de la conjugaison

La découverte de la transformation chez le pneumocoque et la possibilité d'obtenir des


mutants auxotrophes (incapables de faire la synthèse d'un métabolite essentiel) ont suscité des
recherches sur la recombinaison génétique chez les bactéries. L'expérience princeps de
Lederberg et Tatum (1946) est à l'origine de la découverte de la conjugaison. Dans un milieu
de culture liquide, ces auteurs ont mélangé deux types de mutants auxotrophes d'E.coli, d'une
part des mutants exigeants seulement en thréonine (T-) et en leucine (L-) et, d'autre part, des
mutants exigeants seulement en méthionine (M-) et biotine (B-). Après plusieurs heures de
contact entre les mutants T- L- M+ B+ et les mutants T+ L+ M- B-, Lederberg et Tatum ont
isolé des E.coli T+ L+ M+ B+ (environ 100 pour 108 E.coli). La recombinaison s'était
produite avec une faible fréquence (10-6) et exigeait en plus le contact entre les deux types de
mutants auxotrophes.

I.2.2.2 Caractères de la conjugaison

Spécificité

Le transfert d'ADN chromosomique par conjugaison ne se produit qu'entre bactéries d'une


même espèce (spécificité), et surtout chez les bactéries à Gram négatif telles que les
entérobactéries (E.coli, Salmonella... et Pseudomonas aeruginosa). Le transfert d'ADN extra-
chromosomique (plasmide) est en revanche plus répandu parmi les espèces bactériennes et est
moins spécifique d'espèce.

Différentiation sexuelle

Le transfert, qui est à sens unique (bactérie donatrice-bactérie réceptrice) repose sur la
présence chez la bactérie donatrice du facteur sexuel ou facteur de fertilité (F) à laquelle il
confère la polarité ou le caractère mâle (F+). Le facteur sexuel est le premier plasmide connu.

L'information génétique qu'il porte code pour la biosynthèse de pili sexuels, pour son insertion
possible dans le chromosome bactérien et pour la mobilisation (le transfert) de ce dernier vers
des bactéries réceptrices (F-).

Contact ou appariement
Le transfert chromosomique n'est possible qu'après appariement par couple des bactéries
donatrice et réceptrice. Il fait d'abord intervenir les pili sexuels (2 à 3 par bactérie F+) qui
reconnaissent par leurs extrêmités les zones de contact à la surface des bactéries F- et s'y
fixent puis se rétractent en rapprochant les deux types de bactéries. Ils permettent ainsi leur
contact et la formation d'un pont cytoplasmique de 100 à 300 mμ par lequel va s'opérer le
transfert chromosomique.

Transfert de l'ADN

Le pont cytoplasmique formé, le transfert génétique peut commencer. Il ne porte d'abord que
sur un brin d'ADN, ce qui permet de restaurer l'intégrité du génome de la bactérie donatrice
par un processus de réplication asymétrique. Ce processus de réplication asymétrique a lieu
tout près du pont cytoplasmique et met en jeu un site réplicateur spécifique. Le transfert du
brin d'ADN est à sens unique, orienté, progressif, quelquefois total. Il dure alors une centaine
de minutes à 37ºC. Son interruption artificielle par agitation mécanique permet de déterminer
la séquence des gènes transférés et d'établir la carte chromosomique.

Caractères chromosomiques transférés

Tous les caractères codés par le chromosome (c'est-à-dire tous les gènes) peuvent être
transférés. En effet, le facteur F peut être intégré dans le chromosome bactérien à certains
sites. Dans cette position il permet le transfert de gènes chromosomiques proches de ces sites
d'une bactérie à une autre mais ne transfère que rarement le facteur lui-même.

Le facteur F peut rester autonome dans le cytoplasme. Dans cette position il ne transmet à la
bactérie réceptrice que le facteur F mais pas de gène chromosomique. Lors du passage de
l'état intégré à l'état autonome, le facteur F peut emporter avec lui des gènes bactériens.

Le résultat en est un plasmide F' qui contient ces gènes et capable de les transférer à une
bactérie réceptrice de nouveaux gènes : c'est la F-duction ou sex-duction. Si les gènes
transférés par le facteur F' s'intègrent dans le chromosome de la bactérie réceptrice, on dit
qu'il y a eu recombinaison légitime (chromosomique). S'ils ne s'intègrent pas, ils deviennent
de véritables gènes mobiles d'une bactérie à une autre.

Plasmides conjugatifs

Certains plasmides sont capables d'assurer tous seuls leur transfert par conjugaison. On les
appelle plasmides conjugatifs.

I.2.2.3 Conclusions

Le transfert de gènes par conjugaison est un facteur majeur d'évolution du patrimoine


génétique bactérien, qui joue un rôle essentiel en bactériologie médicale (résistance aux
antibiotiques...).

I.2.3 Les plasmides

Les plasmides sont des molécules d'ADN bicaténaire, circulaires et cytoplasmiques, de petite
taille (5 à 4000 fois plus petit que le chromosome), se replicant d'une manière autonome et
non indispensables au métabolisme normal de cellule-hôte. Leur transmission d'une cellule
bactérienne à une autre peut s'effectuer par conjugaison (Tra+) ou transduction.
I.2.3.1 Mise en évidence

Le terme de plasmide a été créé en 1952 par Lederberg pour désigner tout élément génétique
cytoplasmique, comme le facteur F. Les plasmides de résistance aux antibiotiques ont été
découverts en 1956 au Japon à l'occasion d'une épidémie de dysenterie bacillaire (Shigella
dysenteriae) à bacilles résistants.

I.2.3.2 Propriétés biologiques portées par les plasmides

Les gènes portés par les plasmides peuvent coder pour la synthèse de protéines qui confèrent
des propriétés biologiques diverses : résistance aux antibiotiques (bêta-lactamines,
aminosides, phénicols, cyclines, macrolides) chez les bactéries à Gram positif ou négatif ;
résistance aux antiseptiques mercuriels, aux métaux lourds (antimoine, argent, bismuth...) ;
résistance aux bactériophages.

Les plasmides permettent ainsi aux bactéries de s'adapter à un environnement hostile.

La virulence des bactéries peut aussi être à médiation plasmique : pouvoir pathogène des
colibacilles entéropathogènes (diarrhées des voyageurs), pouvoir pathogène des
staphylocoques dans l'impétigo (exfoliatine).

Les plasmides peuvent également coder pour la synthèse de bactériocines qui inhibent la
croissance d'autres bactéries (ex. : colicines létales pour les entérobactéries). Ils peuvent aussi
porter les gènes qui codent pour le métabolisme du lactose ou de la lysine chez les Proteus, la
production de H2S chez E.coli, la dégradation du toluène ou de l'octane chez les
Pseudomonas...

Les plasmides possèdent des gènes qui assurent leur réplication autonome. Certains plasmides
possèdent aussi des gènes qui assurent leur transfert par conjugaison (plasmides conjugatifs).
Des classifications de plasmides par classes d'incompatibilité (Inc) ont été établies. Deux
plasmides s'excluant mutuellement, c'est-à-dire ne pouvant coexister dans la même bactérie,
appartiennent au même groupe d'incompatibilité.

I.2.3.3 Conclusion

Les plasmides confèrent aux bactéries qui les hébergent de nombreux caractères génétiques
par un mécanisme d'addition et non par un mécanisme de substitution. Ils représentent un
élément essentiel d'adaptation bactérienne. Ils sont responsables d'épidémies de gènes
(notamment de résistance aux antibiotiques), qui ont fait découvrir les transposons, appelés
encore gènes sauteurs ou mobiles.

I.2.4 La transposition - Les transposons

La transposition est l'intégration directe d'une séquence de gènes (de taille limitée) au sein
d'un génome (chromosomique ou plasmidique), en l'absence d'homologie de séquence
nucléotique (recombinaison illégitime). Les gènes qui s'additionnent de cette manière sont dits
transposables et s'organisent en structures appelées transposons (Tn) qui portent les
déterminants de la transposition (excision, intégration, transposition) et des gènes qui codent
pour d'autres fonctions, par exemple la résistance aux antibiotiques.

I.2.4.1 Mise en évidence de la transposition


La constatation, en 1971, par N. Datta, du passage (saut) d'un gène de résistance aux bêta-
lactamines d'un plasmide à un autre plasmide appartenant à des classes d'incompatiblité
différentes au sein d'une même bactérie a fait découvrir l'existence de gènes « sauteurs » ou
mobiles. L'acquisition de ces gènes se traduit par une augmentation de taille du plasmide
récepteur et l'acquisition de pro- priétés nouvelles.

I.2.4.2 Propriétés des transposons

Les déterminants génétiques transposables peuvent être la résistance à des antibiotiques très
divers (bêta-lactamines, aminosides, phénicols, cyclines, érythromycine, sulfamides et
triméthoprime).

D'autres marqueurs peuvent être portés par des transposons : la résistance aux sels de métaux
lourds, certains caractères métaboliques, etc...

La majorité des transposons identifiés proviennent des plasmides de bacilles à Gram négatif,
mais certains proviennent de cocci à Gram positif comme le transposon de résistance à
l'érythromycine chez Staphylococcus aureus.

I.2.4.3 Structure des transposons

Le transposon (figure 5) est constitué d'un fragment d'ADN limité de part et d'autre par des
séquences répétitives inversées (IR) appartenant à des séquences d'insertion (IS). Les
séquences d'insertion portent les gènes nécessaires à la transposition (transposase, éléments
régulateurs de la transposition) et le fragment central porte les marqueurs spécifiques
(exemple : gènes de résistance aux antibiotiques).

I.2.4.4 Conclusion

La transposition est un mécanisme d'adaptation génétique particulièrement efficace des


bactéries à leur environnement.

I.2.5 La transduction

La transduction est le tranfert d'ADN bactérien par l'intermédiaire de bactériophages (ou


phages).

Ceux-ci sont des virus de bactéries, qui existent sous la forme virulente ou tempérée. Les
phages virulents se multiplient dans la bactérie (ou mieux sont répliqués par la bactérie) et la
lysent. Les phages tempérés s'intègrent dans le chromosome bactérien sans induire la
réplication et sont répliqués en même temps que lui. Le bactériophage est alors appelé
prophage et la bactérie qui en est porteuse, une bactérie lysogène. Dans une population de
bactéries lysogènes, un prophage se libère de temps à autre du chromosome bactérien, devient
virulent, se multiplie, provoque la lyse de la bactérie et peut infecter de nouvelles bactéries.
Si, au cours de sa libération, le prophage emporte avec lui plusieurs gènes bactériens, il peut y
avoir transfert par le bactériophage de gènes bactériens d'une bactérie (lysogène) à une autre
(lysogène). C'est la transduction.

I.2.5.1 Caractères de la transduction

Incidence
La transduction est liée à l'existence de bactéries lysogènes, à Gram positif (staphylocoque,
streptocoque, Bacillus) ou à Gram négatif (entérobactéries, Pseudomonas).

Type de transduction

1. Lorsque les gènes transférés (pas plus de 1 à 2 % du génome de la bactérie lysogène)


s'intègrent dans le chromosome de la bactérie réceptrice et que celle-ci les transmet à sa
descendance, on dit que la transduction est complète ou généralisée (figure 6).

2. Lorsque les gènes transférés ne sont pas intégrés dans le chromosome, ce qui est fréquent,
on dit que la transduction est abortive. Dans ce cas, les gènes passent de la cellule mère à une
seule cellule fille, etc... Il n'y a pas généralisation du caractère transféré à l'ensemble des
descendants.

3. La conversion lysogénique. Dans certains cas, le génome du bactériophage apporte par lui-
même un nouveau caractère très important pour la bactérie réceptrice, par exemple, la
sécrétion de la toxine diphtérique, la sécrétion de la toxine érythogène du streptocoque A
(scarlatine) ou la présence de certains facteurs antigéniques. On dit alors qu'il y a eu
conversion lysogénique. La conversion et la transduction sont des phénomènes qui font tous
deux intervenir un bactériophage. Mais, dans le premier cas, c'est le génome du bactériophage
qui est responsable du nouveau caractère acquis par la bactérie ; dans le second cas, le
bactériophage a seulement un rôle de vecteur et le génome transféré provient d'une autre
bactérie.

I.2.5.2 Conclusions

Le transfert d’ADN bactérien par transduction a été très utilisé par les généticiens en raison de
sa faible fréquence (10-6), de son caractère partiel (1-2 % du génome bactérien) et de sa
relative nonspécificité.

On peut concevoir qu’elle a joué, plus que la trasformation mais moins que la conjugaison, un
rôle important dans l’évolution bactérienne.

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