BERSTEIN MILZA - LAllemagne de 1870 À Nos Jours
BERSTEIN MILZA - LAllemagne de 1870 À Nos Jours
BERSTEIN MILZA - LAllemagne de 1870 À Nos Jours
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La « Weltpolitik » (1890-1914)
Portrait de l’Empereur
Le discours de Tanger
Le traité de Versailles
Le compromis de Weimar
2. Les protagonistes
3. Les circonstances
La stabilisation de la République
La conception raciste
Rapport du Chef de la Sûreté Heydrich au Premier Ministre de Prusse, Goering, du 11 novembre 1938
L’Europe hitlérienne
La reconstruction économique
Un géant politique ?
Biographies
Bibliographie générale
L’éveil national
La Restauration
Ceux qui avaient cru aux chances d’une Allemagne unifiée autour
d’une Prusse libérale furent vite déçus par les traités de 1815 et par
la réaction qui suivit. Sans doute la carte politique des pays
germaniques se trouvait-elle considérablement simplifiée, mais la
redistribution territoriale s’était opérée en fonction du seul intérêt des
princes, et plus particulièrement des deux grands vainqueurs : Prusse
et Autriche. Metternich, qui voyait dans la constitution d’un Reich
unitaire et nationaliste, un danger pour l’ordre et l’équilibre de l’Europe
restaurée, imposa la création d’une Confédération germanique à peu
près dépourvue de pouvoir central. La Diète de Francfort, que
présidait l’Autriche, n’était en effet qu’un conseil groupant les
ambassadeurs des États membres, chacun de ces États conservant
sa souveraineté et pouvant refuser de ratifier telle ou telle décision de
la Diète. Ainsi constituée, la Confédération représente surtout pour
l’Autriche un moyen de surveiller les pays allemands et d’intervenir
pour briser toute velléité de subversion.
En même temps que s’effondre le rêve unitaire – limité il est vrai à
une faible minorité d’intellectuels – s’opère une réaction à la fois
idéologique, avec la diffusion en Allemagne des idées de Joseph
de Maistre et du Bernois Haller, et politique. En Prusse, où l’œuvre
de Stein et Hardenberg se trouve partiellement remise en question,
Frédéric-Guillaume III se garde bien de donner suite à la promesse
faite à ses sujets en mai 1815 de leur accorder une « représentation
du peuple ». Ils devront se contenter de diètes provinciales aux
attributions très restreintes et que dominent d’ailleurs les
propriétaires fonciers. Dans l’armée, on s’attache à faire disparaître
toute trace de « jacobinisme ». Le service militaire obligatoire est
maintenu mais la Landwehr est placée dans l’étroite dépendance de
l’armée de métier où les hauts grades redeviennent plus ou moins le
privilège de la noblesse. Cette réaction n’est pas limitée à la Prusse.
Seuls y échappent quelques États d’Allemagne du Sud où des
souverains au pouvoir mal affermi ont accordé à leurs sujets des
constitutions inspirées de la Charte concédée par les Bourbons.
L’agitation libérale
Bismarck
L’élimination de l’Autriche
Le régime
L’Allemagne de Guillaume II
Le tournant de 1890
La chute de Bismarck
Guillaume II
En fait, le système est moins solide qu’il ne paraît. Il est fondé sur
le caractère secret du traité de contre-assurance et se trouve de ce
fait à la merci d’une indiscrétion. Il importe en effet que ni l’Angleterre
ni l’Autriche-Hongrie ne soient au courant des promesses relatives
aux Détroits, promesses inconciliables avec les accords antérieurs.
Bismarck a d’ailleurs conscience de ces faiblesses. Au début de 1889
il songe à remplacer l’entente avec le tsar par une alliance défensive
avec l’Angleterre dirigée contre la France et la Russie, sans que son
fils Herbert parvienne cependant à convaincre Salisbury. Peut-être
cherchait-il d’ailleurs seulement à inquiéter Saint-Pétersbourg. C’est
vers celui-ci en tout cas qu’il se tourne à nouveau en octobre 1889.
Le tsar qui ne se fait plus guère d’illusions sur la valeur de l’alliance
allemande, finit par accepter le principe de renouvellement, par
crainte de voir Berlin appuyer sans réserve la politique balkanique de
Vienne. Mais déjà Bismarck s’est heurté aux volontés du nouvel
empereur Guillaume II.
Bismarck parti, son successeur Caprivi se laisse diriger dans le
domaine extérieur par ses collaborateurs des affaires étrangères,
parmi lesquels émerge bientôt la personnalité du baron Fritz von
Holstein, pourvu du titre modeste de « conseiller référendaire » des
Affaires étrangères, en fait véritable éminence grise de la
Wilhelmstrasse. Il a été pendant longtemps l’un des collaborateurs
les plus fidèles de Bismarck, mais il est de ceux qui ont préparé sa
chute et il dirige aux Affaires étrangères une coterie de hauts
fonctionnaires auxquels pesait la dictature du vieux chancelier et qui,
par haine de celui-ci, vont soutenir une politique contraire à celle qu’il
avait menée à l’égard de la Russie : Marshall, Kiderlen et le sous-
secrétaire d’État Berchem. Ils sont d’accord avec Holstein quand il
juge que le traité de contre-assurance est en contradiction avec
l’esprit de la Triple-Alliance. C’est l’argument qu’ils développent
auprès de l’empereur. Celui-ci, soucieux de préserver l’honneur de
l’Allemagne et disposé à adopter à l’égard de ses alliés une politique
« claire et loyale », décide de ne pas renouveler le traité de contre-
assurance malgré l’insistance de Giers. En août 1890 la politique de
contre-assurance est irrémédiablement abandonnée et, avec elle,
c’est un pivot du système bismarckien qui disparaît.
La « Weltpolitik » (1890-1914)
Portrait de l’Empereur
Le discours de Tanger
Le déclenchement de la guerre
L’opposition à la guerre
La guerre sous-marine
Victoire à l’Est
Le traité de Versailles
Négocié entre janvier et juin 1919 par les quatre grands vainqueurs
de la guerre (France, Grande-Bretagne, États-Unis, Italie) qui mettent
au point un compromis entre leurs conceptions respectives de la paix, il
est en revanche imposé à l’Allemagne qui ne peut en discuter les
clauses. La délégation allemande, conduite par le comte von
Brockdorff-Rantzau, ministre des Affaires étrangères, n’a été
convoquée à Versailles que le 30 avril. Le 7 mai, on lui communique le
texte du traité avec la faculté de faire des observations. Le 20 mai, la
délégation allemande soumet des contre-propositions qui rejettent à
peu près sur tous les points les clauses alliées. À quelques nuances
près, les quatre vainqueurs repoussent les vues allemandes et, en
soumettant à Brockdorff-Rantzau la version définitive du traité, le
16 juin, ils l’assortissent d’un ultimatum donnant 5 jours à l’Allemagne
pour l’accepter sous menace d’une reprise des opérations militaires.
Dans ces conditions l’opinion allemande considérera toujours le traité
de Versailles comme un « diktat » imposé par la force. Les clauses du
traité peuvent se diviser en 3 grandes rubriques.
L’écrasement de la révolution
2. Les protagonistes
3. Les circonstances
La crise de 1923
L’occupation de la Ruhr
Le redressement monétaire
La stabilisation de la République
Le putsch de la brasserie
Les années 1921-1923 voient le parti nazi mêlé à tous les complots
contre la République qui s’ébauchent en Bavière. Grâce à l’impunité
dont ils jouissent du fait du ministre de la Justice de l’État, le
Dr Gürtner et d’un haut fonctionnaire de la police, le Dr Frick, ils
peuvent pratiquement agir au grand jour et constituent avec les autres
ligues nationalistes le Deutscher Kampfbund (union allemande de
combat) dirigé par un triumvirat dont fait partie Hitler et qui a l’appui
de Ludendorff. C’est à la tête de ce groupe qu’Hitler tente le putsch
de la brasserie (voir chapitre 7), non pour prendre le pouvoir mais
pour jeter les autorités bavaroises à l’assaut de la République.
Quelles en sont les conséquences ?
– Sur le plan de la prise de pouvoir, c’est un échec qui ne
surprend pas Hitler, lequel croit moins au putsch qu’à l’investissement
des pouvoirs établis.
– Sur le plan de son parti, Hitler peut calmer les impatiences des
S.A. en montrant qu’il n’hésite pas à agir, mais qu’il faut lui laisser le
choix du moment. Habile propagandiste, il fait du fiasco du
9 novembre 1923 une date historique pour le parti nazi.
– Sur le plan de l’action politique enfin, son procès permet à Hitler
de se faire connaître, de poser au patriote intègre, victime de la
pusillanimité des autorités bavaroises et de faire de son parti une
force importante sur l’échiquier bavarois. Mais la stabilisation qui
commence alors est néfaste à un groupe qui tire sa force des crises
qui agitent le régime.
La conception raciste
Fonctionnaires 8,3 % 5%
Paysans 14 % 10,6 %
La crise économique
Une crise bancaire. C’est à partir du 1er semestre 1931 que les
capitaux, étrangers d’abord, allemands ensuite, commencent à fuir le
Reich. L’encaisse de la Reichsbank qui, en avril 1931, était encore de
2,6 milliards de RM tombe en juin à 1,8 milliard de RM. À partir de
mai 1931, la faillite de la Kredit-Anstalt de Vienne précipite les
difficultés des banques allemandes : en juin-juillet, les retraits dans
les banques et caisses d’épargne atteignent 2 milliards de RM ; le
12 juillet, la Darmstaedter Bank annonce qu’elle suspend ses
paiements. C’est aussitôt la ruée vers les guichets des banques : la
banqueroute semble proche.
Une crise économique. Puissamment rationalisée et équipée pour
la production de masse, l’industrie allemande ne peut fonctionner que
grâce aux exportations. Or, dans un monde en crise où les cours
s’effondrent, il y a saturation de produits industriels. Les barrières
douanières élevées aux États-Unis gênent les exportations
allemandes ; la dévaluation du sterling en septembre 1931 a pour
effet de surévaluer les prix allemands. Dans ces conditions, les
exportations s’effondrent (leur valeur n’est plus en 1932 que de
5,7 milliards de RM contre 13,4 en 1929). Pour éviter un déficit de la
balance commerciale, le gouvernement décide alors de réduire les
importations, ce qui compromet l’approvisionnement en matières
premières de l’industrie. Chute des exportations et restriction
volontaire des importations aboutissent à une baisse spectaculaire de
la production (la production de charbon tombe à 105 millions de
tonnes en 1932 contre 163 en 1929, celle d’acier à 5,8 millions de
tonnes contre 16, celle d’automobiles à 52 000 véhicules contre
100 000). Elle conduit également les entreprises, privées de crédits
bancaires, à de grosses difficultés (les compagnies de navigation
Hapag et Norddeutscher Lloyd sont au bord de l’effondrement) ou à
la faillite (celles des Konzerne du coton, de la bière, du Comptoir
lainier du Nord et de près de 10 000 entreprises).
Conséquences de la crise économique. Faillites et diminution de la
production ont pour première conséquence le chômage. Le nombre
des chômeurs qui était de 600 000 en 1928, passe à 3 700 000 fin
1930, à 6 millions en décembre 1931. Il s’agit là de chômeurs totaux
auxquels il faut ajouter les 8 millions de chômeurs partiels qui ne
touchent plus que des salaires réduits de moitié. Au total, 50 à 60 %
de la population allemande sont touchés. Parmi eux, plus
particulièrement les milieux ouvriers et les jeunes (1,5 million de sans-
travail parmi les moins de 25 ans en 1931), mais aussi les cadres.
Au même moment, la crise se traduit pour l’État par une brutale
diminution de ses recettes alors que les charges ont tendance à
augmenter en raison de l’accroissement rapide de l’allocation-
chômage (dont l’État comble le déficit) et des subventions versées
aux banques et entreprises en difficulté. Dans ces conditions, le
déficit budgétaire qui atteignait déjà 600 millions de marks fin 1929 ne
cesse de s’accroître.
Le pouvoir
Les élections du 5 mars 1933 sont un succès pour les nazis qui
recueillent 17 277 000 voix (44 % des suffrages) et 288 sièges, mais
non la majorité absolue qu’ils espéraient. Avec les Nationaux-
Allemands qui ont 52 députés (3 136 000 voix), ils atteignent la
majorité simple, mais non la majorité des 2/3, nécessaire pour
changer la Constitution. En effet, les autres grands partis ne
s’effondrent pas comme l’espérait Hitler. Si démocrates (5 sièges) et
Populistes (2) ne comptent plus guère, le Zentrum et les Bavarois
progressent de 200 000 voix par rapport à novembre 1932 et ont 92
députés, le SPD se maintient à 120 députés, et le parti communiste
lui-même, en dépit de la terreur dont il a été victime, a eu 12,3 % des
voix et 81 élus. Le problème pour Hitler est de parvenir à une majorité
des 2/3 qui pourrait lui voter les pleins pouvoirs.
Les 81 députés communistes ne pouvant siéger, puisqu’en vertu du
décret du 28 février ils sont arrêtés ou pourchassés, Hitler va
s’efforcer d’agir sur le Zentrum. Non sans moyens : Hitler a fait des
promesses sur le maintien des libertés religieuses ; une partie des
catholiques est attirée par le nationalisme nazi ; des pourparlers
s’engagent entre Hitler et le Vatican pour la signature d’un Concordat.
Finalement, Frick s’engage auprès des dirigeants catholiques à
suspendre le décret du 28 février si leur parti vote les pleins pouvoirs.
Moyennant cette promesse, qui ne sera jamais tenue, les députés du
Zentrum mêlent leurs voix à celles des nazis et nationaux-allemands
pour le vote de l’Acte d’Habilitation du 23 mars 1933. 441 députés
l’acceptent donc, contre 94 voix hostiles, celles de députés SPD Seul
Otto Wels, chef du groupe parlementaire socialiste a eu le courage
de protester, malgré les vociférations hostiles des députés nazis et
les hurlements des S.A. dans les couloirs : « Nous, sociaux-
démocrates allemands, faisons le vœu solennel, en cette heure
historique, de défendre les principes d’humanité et de justice, de la
liberté et du socialisme. Aucun acte d’habilitation ne peut vous donner
le pouvoir de détruire des idées qui sont éternelles et
indestructibles. »
En attendant, les 5 articles de l’Acte donnent au gouvernement le
droit de légiférer pendant quatre ans sans collaboration du Reichstag,
prévoient que les lois prises par le gouvernement peuvent s’écarter
de la Constitution et précisent que les lois doivent être rédigées par
Hitler lui-même. Investi du pouvoir exécutif comme chancelier depuis
le 30 janvier, il reçoit par la loi d’Habilitation le pouvoir législatif pour
quatre ans, sans contrôle du Reichstag. Le décret du 28 février lui a
donné d’exorbitants pouvoirs de police. Dès mars 1933, Hitler a
conquis le pouvoir de l’intérieur : il est légalement dictateur. C’est
alors que commence la « révolution nationale-socialiste », la
Gleichschaltung.
La crise de 1934
Führerprinzip ou polycratie ?
L’État raciste
S’il est un but que l’État nazi a poursuivi de bout en bout et qui
apparaît comme l’obsession fondamentale de Hitler et de son régime,
c’est bien l’élimination des juifs pour maintenir la pureté de la race. À
l’arrivée de Hitler au pouvoir, il y a environ 500 000 juifs en
Allemagne, généralement bien intégrés à la société et dont le rôle est
important dans le commerce, la banque, la presse, la vie
intellectuelle. Inquiète de l’antisémitisme nazi qu’elle combat, cette
communauté pense généralement que les nazis au pouvoir, placés au
contact des réalités, ne sauraient appliquer les doctrines simplistes
qu’ils professent. Ils ne tardent guère à être détrompés. Toutefois, la
persécution qui s’abat sur eux va connaître une gradation constante
jusqu’à la guerre.
Dès l’arrivée au pouvoir de Hitler, des actions isolées,
généralement dues aux S.A., se multiplient contre les juifs, attaques
de personnes ou mesures de dissuasion contre les achats dans les
magasins juifs. Ces actions précèdent de peu les mesures de
persécution mises en œuvre par le parti nazi qui décide le 1er avril
1933 le boycottage généralisé des magasins juifs. Cette première
tentative fera long feu. La réprobation qu’elle entraîne à l’étranger et
dans une grande partie de la population allemande, la difficulté de
définir avec précision ce qu’est un magasin juif conduisent à la
rapporter. En revanche, la loi du 7 avril 1933, qui permet d’écarter les
juifs de la fonction publique dans le cadre de la « revalorisation » de
celle-ci, est relativement aisée à appliquer. Elle est suivie de textes
qui interdisent aux juifs l’exercice des professions libérales, les
carrières universitaires, les métiers de la presse, du théâtre, de la
radio, du cinéma. Le but semble être alors de pousser les juifs à
quitter l’Allemagne en commençant par les cadres et les intellectuels.
En fait, le nombre des émigrants juifs reste relativement restreint (un
peu plus de 150 000) et la plupart des Juifs allemands restent
profondément attachés à leur patrie.
Une nouvelle étape est franchie en 1935 avec les lois de
Nuremberg qui isolent les juifs du reste de la société allemande, en
interdisant les mariages entre juifs et aryens, ainsi que les relations
extraconjugales entre ces deux groupes. L’objet est de réaliser la
« séparation biologique » souhaitée par Hitler.
Cette politique antisémite connaît une certaine accalmie en raison
de la tenue des Jeux Olympiques de 1936 et de la crainte d’un
boycottage au cas où la persécution des juifs serait trop ostensible,
mais elle reprend en 1937 avec « l’aryanisation forcée » de
l’économie allemande, c’est-à-dire la spoliation des biens juifs, qui
prépare la mort économique de la communauté. Une preuve
spectaculaire des intentions nazies est fournie par la « Nuit de
cristal », gigantesque pogrom, organisé durant la nuit du 9 au
10 novembre 1938 par Heydrich, sur décision de Hitler et avec
l’orchestration de la propagande de Goebbels, afin de venger la mort
du conseiller d’ambassade von Rath, tué à Paris par un jeune juif de
dix-sept ans, Grynszpan. Des milliers de magasins et d’appartements
juifs sont pillés, la plupart des synagogues incendiées ou démolies
pendant que 20 000 juifs sont arrêtés et que 91 perdent la vie du fait
des brutalités qu’ils subissent. Sur quoi, les juifs seront imposés de
1,25 milliard de Reichsmarks pour payer les dégâts ! Exclus de la
nation allemande, dépouillés de leurs biens, soumis à toutes les
brimades organisées par l’État, totalement exclus des secteurs de la
vie économique où ils avaient pu se maintenir, distingués du reste de
la population par l’obligation de porter l’« étoile jaune », les 375 000
juifs qui restent en Allemagne voient ainsi se mettre en place un
« ghetto sans murs » qui fait d’eux un groupe de suspects promis à
l’élimination. Le 4 juillet 1939, ils sont officiellement constitués en
communauté « placée sous la protection de la police », l’Union des
juifs d’Allemagne. Tout est prêt pour la « Solution finale » que la
guerre va permettre de mettre en œuvre.
L’État raciste
Elle est mise en œuvre par le premier plan de quatre ans dont
l’auteur est le Dr Schacht.
1935 12,5 16
Enfin, le gouvernement nazi pratique dès 1933 une politique
d’orientation des prix. En matière agricole, il fixe des prix plus
rémunérateurs qui sont en hausse moyenne de 20 % par rapport à
1932. En revanche, dans le domaine industriel où existe une forte
conjoncture à la hausse, il s’efforce de stabiliser les prix. Mais il faut
d’ores et déjà noter qu’il est un moyen de reprise économique que le
nazisme a délibérément écarté, c’est l’augmentation du pouvoir
d’achat des masses. En matière de salaires, la stabilisation est
totale. Les chiffres suivants éclairent le problème (on prend pour
base l’indice 100 en 1936) : 1929 : 129,5 ; 1933 : 94,5 ; 1936 : 100.
En 1936, les salaires bruts horaires ne sont que les 3/4 de ceux de
1929.
L’échec de la reprise
Il apparaît donc qu’en 1936 l’échec est total : l’Allemagne n’est pas
réinsérée dans les circuits mondiaux ; la création spontanée de
débouchés intérieurs est rendue impossible par les conditions de la
reprise. Pour éviter à l’économie allemande l’effondrement, force est
de continuer à la soutenir par l’action du dirigisme d’État : l’autarcie
semble alors la seule solution après l’échec de la reprise.
La réalisation de l’autarcie
La marche à la guerre
Considérée dans Mein Kampf comme le moyen par lequel doit se
réaliser le programme nazi, la guerre apparaît dans la politique
allemande au temps de Hitler comme une possibilité permanente.
Toutefois, ce n’est que progressivement qu’elle devient une
probabilité qui se réalise finalement en 1939. C’est que, pour franchir
le pas, Hitler doit pouvoir compter sur une armée que le traité de
Versailles a réduit à l’impuissance ; il lui faut également éprouver la
résistance et la volonté de combattre de ses adversaires éventuels.
Jusqu’en 1935, la démarche nazie reste donc prudente et, si l’on peut
dire, expérimentale ; ce n’est qu’à partir de cette date que le
renforcement de la puissance militaire et l’évolution de la conjoncture
internationale vont permettre au dictateur d’opérer une série de coups
d’audace qui font débuter la conquête avant la guerre.
Signé : Hossbach
Cité in W. Hofer, Le national-socialisme par les textes,
op. cit.
L’Europe hitlérienne
L’économie de guerre
Conquise par Hitler, l’Europe voit son économie pliée aux buts de
guerre des nazis.
En Allemagne, l’effort de guerre a été finalement assez tardif. Hitler
écarte les suggestions du général Georg Thomas qui aurait souhaité
dès 1938 une politique d’armement « en profondeur », de manière à
donner une priorité absolue à l’industrie lourde dans l’économie
allemande et à assurer au cours d’une guerre longue une production
suffisante de matériel de guerre. Le Führer redoute les effets
psychologiques sur la population d’une limitation trop importante des
industries de consommation et, par ailleurs, il compte sur la Blitzkrieg
pour lui éviter les inconvénients résultant d’un allongement de la guerre.
Jusque fin 1941, les événements lui donnent raison et, de ce fait,
l’Allemagne ne connaît pas les effets de l’économie de guerre : le
ravitaillement de la population, la production de denrées de
consommation ne varient guère par rapport à la période d’avant-guerre
et le niveau de vie demeure presque identique.
En revanche, la guerre en Russie change la face des choses. Dès
1942, Speer, devenu ministre de l’Armement, fait admettre par Hitler la
nécessité de planifier l’ensemble de l’économie allemande et de la
soumettre aux nécessités de la guerre ; désormais le « Bureau pour la
planification centrale » dresse la liste des besoins, établit les priorités,
répartit la main-d’œuvre et contrôle la production. Il en résulte un
accroissement continu jusqu’à l’été 1944 de la production de matériel
de guerre. Après cette date, les effets des bombardements et
l’incorporation massive de tous les hommes disponibles compromettent
définitivement l’effort économique entrepris. La population ressent les
effets de cette mobilisation sur son niveau de vie, à partir de 1943 :
denrées alimentaires et produits de consommation courante deviennent
plus rares ; le rationnement apparaît et avec lui le marché noir. Cette
situation ne cesse de se dégrader jusqu’en 1944, où la pénurie prend
des allures catastrophiques.
En Europe occupée, la pénurie débute dès 1940. Hitler assigne en
effet aux pays conquis la tâche de fournir à l’Allemagne l’argent, les
produits et la main-d’œuvre qui lui seront nécessaires dans son effort
de guerre. C’est d’ailleurs à ce prix qu’il peut jusqu’en 1942 maintenir le
niveau de vie des Allemands.
– L’argent vient des contributions de guerre, théoriquement
destinées à couvrir les frais d’entretien des armées d’occupation, en
fait fixées unilatéra lement par l’Allemagne à un montant beaucoup plus
élevé. La France verse ainsi à l’occupant 400 millions de francs par
jour, qui deviendront 500 millions après novembre 1942.
– Les produits proviennent soit des réquisitions, soit des achats
effectués selon la procédure des accords de clearing que le Reich ne
soldera d’ailleurs jamais. On assiste pratiquement à une exploitation
éhontée des territoires occupés. Pendant que les denrées alimentaires
prennent le chemin de l’Allemagne, où elles permettent d’assurer à la
population une alimentation quelquefois supérieure à celle de l’avant-
guerre, les usines passent sous contrôle allemand et doivent fournir le
matériel dont le Reich a besoin. Pratiquement toute l’industrie
européenne doit prioritairement satisfaire les besoins allemands,
militaires ou civils. Il en résulte évidemment une grande pénurie dans
les pays occupés qui connaissent très tôt rationnement et marché noir.
– La main-d’œuvre doit remplacer en Allemagne les hommes
mobilisés sur les divers fronts. Ce sont d’abord les prisonniers de
guerre qui assument cette tâche ; mais, très vite, ce palliatif s’avère
insuffisant. Après avoir tenté d’attirer en Allemagne des travailleurs
volontaires, les nazis procèdent plus brutalement : Sauckel est chargé
de réquisitionner dans les pays occupés les hommes nécessaires. En
Europe occidentale, il crée le Service du Travail Obligatoire qui fixe les
contingents que doit fournir chaque État ; à l’Est, il procède lui-même
aux rafles de main-d’œuvre. Au total, 14 millions d’Européens (dont les
2/3 sont Polonais et Russes) ont ainsi dû travailler de force pour le
Reich.
L’exploitation économique révèle donc le véritable caractère de
l’Ordre Nouveau en Europe : il ne s’agit pas de reconstruire le continent
selon de nouveaux principes, il s’agit de mettre l’Europe au service de
l’Allemagne.
La politique raciale
L’effondrement allemand
Bilan de la guerre
La reconstruction économique
La reconstruction à l’Ouest
La crise allemande
L’ère social-démocrate
La contestation et le terrorisme
Un géant politique ?
Le nouveau cours
La prépondérance du Parti
Rien n’illustre mieux les conceptions qui se font jour durant l’« ère
Honecker » que les tendances affirmées par les nouveaux
programmes et statuts du parti adopté en 1976.
Confirmant la perte du rôle moteur du Conseil d’État dont, depuis
1972, les prérogatives sont passées pour l’essentiel au Conseil des
Ministres, les statuts définissent avec précision les conditions
d’admission au SED (avoir dix-huit ans, deux parrains membres du
SED, faire une période probatoire d’un an), le rôle d’organe suprême
joué par le congrès du Parti, le Comité central étant souverain entre
deux congrès et élisant un Bureau politique chargé de diriger le Parti.
Plus important est le programme du Parti. Il constate le rôle
dirigeant de l’Union soviétique, le SED s’engageant à suivre les lois
de la révolution socialiste dégagées par l’URSS (on est loin de
l’égalité, du respect mutuel et de la souveraineté affirmés par le
programme du parti de 1963). Le but de la RDA est la réalisation
d’une « société socialiste développée », permettant l’amélioration du
niveau de vie de la population, ce qui explique l’accent mis sur les
tâches économiques.
Enfin, en matière de politique étrangère, si la préservation de la
paix dans le cadre de la coexistence pacifique est réaffirmée, la
volonté de combattre l’influence de l’Ouest que les échanges de
visites entre les populations des deux États pourraient encourager se
marque par la constatation selon laquelle l’épanouissement d’une
société socialiste en RDA est lié au développement de relations
étroites avec les autres pays de la communauté socialiste.
Dans le droit fil de cette ligne, le but du parti communiste n’est plus
d’obtenir l’unité nationale, ni une confédération avec la République
Fédérale, mais tout au plus une coexistence pacifique avec elle.
La même volonté de considérer la RDA comme une entité se
suffisant à elle-même, un État à part entière et non une fraction de la
nation allemande peut s’observer dans la Constitution de 1974
rédigée pour le vingt-cinquième anniversaire de la fondation de la
RDA et qui se substitue au texte voté en 1968. Là où celui-ci
affirmait : « La RDA est un État socialiste de la nation allemande »,
celui de 1974 déclare : « La RDA est un État socialiste des ouvriers
et paysans. » Aucune allusion n’est faite dans le document à la nation
allemande ou à une quelconque réunification. De nombreux
organismes officiels voient remplacé dans leur titre l’adjectif allemand
par l’expression « de la RDA ». Ainsi en va-t-il de l’Académie des
Sciences ou du Front national. Il est clair qu’il s’agit de faire
comprendre à la population que toute réunification est inenvisageable
et que le présent est au resserrement des liens avec l’Union
soviétique et le camp socialiste.
Les premières années de l’« ère Honecker » ont été marquées par
la retombée sur la société est-allemande des progrès économiques
des années 1960. Entre 1970 et 1975, le niveau de vie de la
population augmente dans des proportions sensibles, le salaire
moyen mensuel passant de 762 marks en 1970 à 897 marks en
1975. Cette augmentation du niveau de vie se traduit par
l’accroissement du confort dans la vie quotidienne, et l’acquisition de
biens de consommation fait des progrès dont témoigne le tableau
suivant :
La reconnaissance internationale
La réunification allemande
Séparée en deux États opposés par leurs conceptions politiques
comme par leurs structures économiques et sociales, l’Allemagne
d’après 1945 paraît vouée à constituer une nation en deux États. La
normalisation intervenue depuis le début des années 1970 rapproche
sans doute les deux Allemagne, mais elle consolide en même temps
la reconnaissance mutuelle de deux États séparés. À dire vrai,
l’évolution incline plutôt à penser à une pérennisation pour une très
longue période de la situation imposée par la défaite de Hitler et
l’affrontement des deux blocs. C’est en fait un événement totalement
extérieur à l’Allemagne, la disparition de fait de l’un des camps créés
à l’époque de la guerre froide qui condamne à mort le régime
allemand qu’il inspirait et conduit à une réunification allemande dont le
fait même et la rapidité de réalisation sont largement inattendus.
La réunification
Poursuivant la tactique au pas de charge inaugurée en
décembre 1989 le Chancelier va précipiter les choses, de telle sorte
que le processus de réunification sera achevé en décembre 1990.
Trois éléments concourent à expliquer cette précipitation : la volonté
d’exploiter une conjoncture favorable durant laquelle les obstacles
prévisibles paraissent surmontables ; la crainte que la remise en
cause du pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev en Union soviétique ne
ramène au Kremlin des conservateurs qui s’opposeraient
formellement au processus ; le désir de ne pas laisser les inévitables
difficultés que soulève une telle transformation aboutir à l’enlisement
de celle-ci dans d’interminables discussions.
Le chancelier Kohl conduit son action selon trois axes
complémentaires : l’unification économique, la négociation
internationale du futur statut de l’Allemagne, l’unification politique.
Sur le premier point, le Chancelier peut compter sur l’aspiration des
Allemands de l’Est à accéder au niveau de vie et de consommation
de l’Ouest et il n’ignore pas que des solutions généreuses en la
matière sont le meilleur moyen d’aplanir les obstacles à l’union
politique. Mais il se heurte sur ce point à l’orthodoxie financière
défendue par la Bundesbank, qui s’appuie sur le fait que la valeur du
mark ouest-allemand est sans rapport avec celle de son homologue
est-allemand. Ce débat technique est tranché en avril par le
Chancelier qui prend une décision politique : les marks est-allemands
seront échangés contre des marks d’Allemagne de l’Ouest sur la
base de la parité pour les salaires, les retraites et une partie de
l’épargne. Helmut Kohl et Lothar de Maizière fixent alors au 1er juillet
1990 la date de l’union économique et monétaire dont les modalités,
longuement négociées, sont ratifiées en juin par les deux Parlements.
Le 1er juillet, comme prévu, l’union économique, monétaire et sociale
entre en vigueur. Tout contrôle aux frontières entre RDA et RFA est
supprimé. Le deutschemark devient la monnaie unique de
l’Allemagne. Reste la question de savoir comment l’économie de
l’Allemagne de l’Est, en partie mal adaptée au marché, supportera la
concurrence avec l’économie allemande de l’Ouest, la plus
performante d’Europe. L’ombre du chômage plane sur l’Allemagne de
l’Est et freine la flambée de consommation redoutée.
Le second axe est international. Si les grandes puissances
occidentales sont acquises (parfois sans enthousiasme) à la
réunification allemande, les principales réticences viennent d’URSS,
Mikhaïl Gorbatchev n’acceptant l’idée de réunification que si
l’Allemagne est neutralisée et sort de l’OTAN, perspective
inacceptable pour les Allemands de l’Ouest. Ce désaccord entre les
grandes puissances est mis en évidence lorsque le 5 mai 1990 se
tient à Bonn la première séance de la conférence « 2+4 » réunissant
les deux Allemagnes et les quatre puissances garantes de son statut.
C’est pour dénouer la situation qu’Helmut Kohl se rend à Moscou à la
mi-juillet 1990. Après des discussions serrées avec Gorbatchev, le
Chancelier allemand parvient à le convaincre de signer un accord.
Moscou lève toute opposition à l’unification et à l’appartenance à
l’OTAN de la future Allemagne unifiée. En échange, les effectifs de
l’armée allemande sont limités à 370 000 hommes et Bonn accepte
de financer le retrait et le reclassement des 380 000 soldats
soviétiques stationnés en RDA avant fin 1994. Le montant de cette
aide sera fixé en septembre 1990 à douze milliards de
deutschemarks, à quoi s’ajoute un prêt sans intérêt de trois milliards.
Cet accord lève l’obstacle international fondamental à la réunification.
Le 17 juillet la réunion de la conférence « 2+4 » à Paris entérine
l’accord de Moscou et enregistre la promesse allemande d’un traité
germano-polonais garantissant l’intangibilité de la frontière Oder-
Neisse. Il ne reste plus aux quatre grandes puissances qu’à constater
que la situation née en 1945 de la défaite allemande est désormais
révolue. Le 12 septembre, la quatrième et dernière réunion de la
conférence « 2+4 » rétablit l’Allemagne dans sa pleine souveraineté,
mettant fin au statut de surveillance qui lui avait été imposé après la
guerre.
En fait, cet acte international entérine une réunification politique
déjà entamée de longue date par le chancelier Kohl. Résolu à brûler
les étapes, celui-ci propose dès le mois d’avril que la réunification soit
opérée à temps pour que les élections au Bundestag prévues pour
décembre 1990 soient les premières élections de l’Allemagne
réunifiée. Les réticences des sociaux-démocrates qui accusent le
Chancelier de précipiter les choses pour tirer avantage du processus
en cours, les inquiétudes des dirigeants est-allemands qui redoutent
de voir la RDA et ses intérêts sacrifiés par une absorption pure et
simple dans la RFA pèsent de peu de poids face à la volonté du
Chancelier. Dans cette perspective, le fédéralisme qui avait été
supprimé en République démocratique allemande est rétabli le
23 juillet 1990 par le Parlement de Berlin-Est qui aligne ainsi la
structure de l’Est sur celle de l’Ouest, la future République fédérale
comptant désormais 16 Länder.
CDU : Union chrétienne-démocrate. SPD : Parti social-
démocrate.
CSU : Union chrétienne-sociale. PDS : Parti du socialisme
démocratique (ex-communiste)
FDP : Parti libéral. « Alliance 90 » : Écologistes et gauche
alternative.
Source : D’après Le Monde, 5 décembre 1990.
En dépit des tensions entre partis suscitées par la date des
élections et l’adoption d’un mode de scrutin, le traité d’unification
entre RDA et RFA auquel se rallie Lothar de Maizière est paraphé à
Berlin-Est le 31 août avant d’être ratifié par les deux Parlements le
20 septembre. Enfin le 3 octobre l’unification entre RFA et RDA est
solennellement proclamée. Quarante-cinq ans après, les
conséquences de la folle aventure hitlérienne et de la Seconde
Guerre mondiale sont effacées. Il n’existe plus qu’une seule
Allemagne qui siégera à l’ONU et qui a reconquis sa pleine
souveraineté.
On conçoit que, dans ces conditions, les premières élections qui
ont lieu le 2 décembre 1990 dans l’Allemagne unifiée s’annoncent
comme un triomphe pour le chancelier Kohl, qui a été le principal
artisan de la réunification et qui a donné à l’occasion toute la mesure
de son talent politique. De fait, la coalition de centre-droit
rassemblant la CDU-CSU et les libéraux s’assure 54,8 % des
suffrages alors que les sociaux-démocrates conduits par Oskar
Lafontaine n’atteignent que 33,8 % et que les Verts subissent une
véritable déroute perdant 40 des 48 sièges qu’ils possédaient au
Bundestag. L’unification allemande a bien été pour la CDU la divine
surprise qu’avait espérée le Chancelier.
L’alternance de 1998
B -H (1856-1921)
Theobald von Bethmann-Hollweg appartient lui aussi à la
génération des hommes qui ont une quarantaine d’années à
l’avènement de Guillaume II. Il est né en 1856 dans une famille de
banquiers de Francfort, alliée aux Junkers prussiens. C’est dire qu’il
incarne à la fois les deux branches de la classe dirigeante allemande
et s’efforcera de maintenir, comme Bismarck, la « balance égale »
entre la bourgeoisie d’affaires et l’aristocratie foncière, de plus en
plus étroitement liées l’une à l’autre. Il a été le compagnon d’études
de Guillaume II et c’est ce qui lui vaut son ascension rapide. Il est
successivement Préfet régional du Brandebourg, ministre de
l’Intérieur de Prusse (1905) puis de l’Empire (1907). La chute de
Bülow fait de lui en 1909 un chancelier d’Empire entièrement dévoué
à l’Empereur. Il manque d’ailleurs totalement d’envergure et de vues
personnelles. Il ne saura empêcher ni les progrès rapides des
sociaux-démocrates, ni la guerre de 1914. Il quitte d’ailleurs le
pouvoir en pleine guerre, en avril 1917. Après s’être exilé au
lendemain du conflit aux Pays-Bas, il meurt en Allemagne en 1921.
B (W ) (1913-1992)
De son véritable nom Herbert Ernst Karl Frahm, le futur Willy
Brandt est né à Lübeck dans un milieu modeste (sa mère était
vendeuse). Apprenti chez un courtier maritime, il milite dès 1929 dans
les Jeunesses socialistes et adopte le pseudonyme de Willy Brandt
après l’arrivée au pouvoir de Hitler pour continuer à participer aux
activités illégales du mouvement socialiste. En avril 1933, il fuit
l’Allemagne nazie pour se réfugier en Norvège. De là, il poursuit ses
activités antifascistes dans des organisations révolutionnaires et rend
compte en 1938, comme journaliste, de la guerre civile d’Espagne, ce
qui lui vaut d’être déchu par les nazis de la nationalité allemande. La
conquête de la Norvège par les nazis le pousse à fuir en Suède en
1940, muni d’un passeport norvégien. Cet authentique antifasciste ne
regagne l’Allemagne qu’en 1946 comme représentant du
gouvernement norvégien à Berlin. Ayant recouvré la nationalité
allemande, il adhère au parti social-démocrate et, à ce titre, est élu
bourgmestre de Berlin-ouest de 1957 à 1966, à l’époque où les
Soviétiques multiplient les pressions sur cette enclave occidentale
derrière le rideau de fer et construisent en 1961 le mur coupant la
ville en deux. Candidat malheureux des sociaux-démocrates au poste
de Chancelier en 1961 et 1965, il accède néanmoins au
gouvernement du Chancelier chrétien-démocrate Kiesinger, dans le
cadre d’une « grande coalition » en 1966. Il est alors vice-Chancelier
et ministre des Affaires étrangères. En 1969, il conduit le SPD à la
victoire et accède à la Chancellerie. Son action essentielle consiste
dans la mise en œuvre de la politique à l’Est, l’Ostpolitik, marquée
par la reconnaissance officielle de la RDA, le rapprochement
diplomatique avec l’URSS, la Pologne et les autres pays du bloc
soviétique, politique qui lui vaut en 1971 de recevoir le prix Nobel de
la paix. Il démissionne de la Chancellerie en 1974, après la révélation
de l’appartenance d’un de ses collaborateurs aux services secrets de
la RDA.
B (H ) (1885-1970)
Né à Munster, en Rhénanie, il est fils d’un négociant en vins. Après
de solides études de droit, il fait la guerre de 1914-1918, y gagne la
Croix de Fer et lutte contre les révolutionnaires de gauche à Aix-la-
Chapelle en 1918-1919. Il commence alors à Berlin une carrière de
syndicaliste chrétien, puis en 1924, élu député de Silésie, il s’inscrit
au groupe du Zentrum et devient une des illustrations de son aile
droite. Spécialiste des questions financières, il montre un zèle à faire
voter les crédits militaires qui lui vaut la sympathie de la Reichswehr.
Devenu chef de la fraction parlementaire du Zentrum, il est désigné
par Hindenburg comme Chancelier sur le conseil de von Schleicher.
Celui-ci compte sur cet homme, froid, fermé, profondément
conservateur pour instaurer en Allemagne un régime autoritaire. De
fait, il jouera un rôle essentiel dans le démantèlement du régime
parlementaire et dans la dégradation du régime de Weimar. En 1934,
il quitte l’Allemagne pour les États-Unis où il s’engage dans la carrière
universitaire et où il meurt en 1970, après avoir vainement tenté de
jouer un rôle dans l’Allemagne d’après-guerre.
C (1831-1899)
Georg di Caprara de Montecuccoli, comte de Caprivi est né à
Charlottenburg en 1831 dans une famille d’origine italienne
relativement peu fortunée. Aussi sera- t-il assez mal considéré dans
les milieux de la haute aristocratie prussienne. À partir de 1849 et
jusqu’en 1890 il franchit toutes les étapes de la carrière militaire. Chef
de l’Amirauté en 1883, il est général et chef de corps d’armée
lorsqu’après la disgrâce de Bismarck, Guillaume II le désigne comme
chancelier du Reich. C’est un homme ferme et discipliné, très dévoué
à l’Empereur, mais qui manque d’expérience des affaires et qui
compense son manque d’envergure par une raideur qui finit par
déplaire à Guillaume II. Celui-ci laisse se développer, parallèlement à
l’action du Chancelier, l’influence de Philippe d’Eulenburg en politique
intérieure et celle du baron von Holstein en politique étrangère.
Finalement, les critiques dirigées contre Caprivi par les hobereaux et
les agriculteurs, inciteront l’Empereur à se séparer de son chancelier
en 1894. Celui-ci meurt à Skyren, dans le Brandebourg, en 1899.
E (F ) (1875-1925)
Né en 1875 dans le Palatinat, artisan sellier, il entre au SPD en
1893. Très vite, il devient permanent du parti, membre du Comité
central, puis Secrétaire en 1905. Cet homme d’appareil est élu
député en 1912 et, en 1913, à la mort de Bebel, il lui succède à la
tête du parti. En 1914, c’est lui qui décide le parti à voter les crédits
de guerre. Il se montre un ferme partisan de l’Union sacrée. Le
cheveu dru, le cou puissant et court, c’est un homme de sang-froid
qui sait agir vite. Il connaît à fond l’appareil du parti et sait dire aux
ouvriers les mots qu’ils attendent. Il a été président du Reich de 1919
à sa mort en 1925.
E (M ) (1875-1921)
Fils d’un artisan du Wurtemberg, il commence sa carrière comme
journaliste. Membre du Zentrum, député en 1903 il devient le chef de
l’aile gauche du parti, se faisant remarquer en particulier par son
opposition à la politique coloniale. Rallié à l’Union sacrée durant la
guerre, il est chargé par Bethmann-Hollweg de faire la propagande
de guerre allemande auprès des puissances catholiques (Vatican et
Espagne). Mais son séjour auprès du Pape et ses contacts avec
l’empereur catholique Charles d’Autriche le persuadent que la guerre
risque de s’achever en catastrophe pour les puissances germaniques
et qu’elle est de toute façon moralement condamnable. Il prend alors
l’initiative de la motion de paix du Reichstag et c’est lui qui est chargé
en novembre 1918 de signer au nom de son pays l’armistice de
Rethondes. Cohérent avec lui-même, il accepte le traité de Versailles
et siège comme vice-Chancelier dans le cabinet Bauer qui signe celui-
ci. Les nationalistes ne le lui pardonneront pas : Erzberger est
assassiné le 26 août 1921 en Forêt-Noire par deux membres de
l’Organisation Consul.
H (P B ) (1847-1934)
Sa carrière est classique de celle des officiers prussiens
traditionnels. Né dans une famille militaire du Brandebourg, destiné à
la carrière des armes, il fait ses études à l’école des Cadets,
participe à la guerre franco-prussienne, puis après un passage à
l’Académie Militaire, devient officier d’État-Major. En 1911, il achève
comme général cette carrière traditionnelle et est mis à la retraite.
C’est la guerre qui va lui offrir une seconde carrière, inattendue et
brillante. Après l’offensive russe sur le front oriental, il est nommé
commandant en chef de la VIIIe armée. Sa victoire sur les Russes à
Tannenberg, puis aux lacs Mazures en fait le « sauveur de
l’Allemagne » et donne naissance à une légende qui survivra aux faits.
C’est le début de la grande ascension. Après Verdun, il remplace
Falkenhayn à la tête de l’armée allemande. Ses échecs n’atteignent
pas sa légende et il laisse les civils endosser en novembre 1918 la
responsabilité de l’armistice ; démissionnaire en 1919, il se retire
comme le symbole de l’armée allemande invaincue, face à la trahison
des fondateurs de la nouvelle République.
Ce n’est pas le dernier paradoxe de sa carrière. Monarchiste
convaincu, il accepte en 1925 de se laisser porter à la tête de la
République, non sans avoir auparavant consulté le Kaiser déchu.
Président du Reich, il porte une responsabilité essentielle dans le
déclin de la République de Weimar, pour avoir en 1930, provoqué la
chute du gouvernement parlementaire d’Hermann Müller et appelé au
pouvoir avec Brüning un homme qui, pour trouver une majorité,
n’hésite pas en pleine crise économique à dissoudre le Reichstag.
Enfin, dernier paradoxe : en janvier 1933, le marasme politique qu’il
a largement contribué à créer le contraint d’appeler à la chancellerie
le « caporal bohémien » Hitler pour lequel cet officier traditionaliste
éprouve le plus profond mépris. Et, ironie du sort, c’est ce dernier
qui, à la mort de Hindenburg en 1934, lui succède à la présidence du
Reich.
H (1819-1901)
Chlodwig, prince de Hohenlohe-Schillinsfürst, est né à Rotenburg
en 1819. Ce grand seigneur bavarois est donc un homme de la
génération de Bismarck, mais il est catholique. Cela ne l’empêche
pas, en tant que Président du conseil de Bavière, de soutenir la
politique anticléricale du « chancelier de fer ». De 1874 à 1885, il est
ambassadeur d’Allemagne en France et joue à ce titre un rôle
modérateur, notamment lors de la crise de 1875. En 1885, il devient
Staathalter d’Alsace-Lorraine et commence par soutenir les
tendances autonomistes, avant d’être amené, sous la pression de
Bismarck, à pratiquer une politique d’intense germanisation. Il se
trouve encore à ce poste lorsque Guillaume II fait appel à lui pour
remplacer Caprivi. Grand seigneur un peu désabusé mais plein
d’expérience politique, il a beaucoup plus de souplesse que son
prédécesseur et s’il se heurte parfois à l’Empereur, c’est plutôt par
excès de libéralisme. Laissant Bülow et Holstein diriger les affaires
extérieures, il se consacre à la politique intérieure et gouverne avec
une coalition des conservateurs, des nationaux-libéraux et du Centre.
Il quittera le pouvoir en 1900 pour céder la place à von Bülow en qui
Guillaume II voit l’homme capable d’appliquer la politique de
puissance dont il rêve pour l’Allemagne. Il meurt à Ragaz, en Suisse,
en 1901.
K (H ) (né en 1930)
Né à Ludwigshafen en Rhénanie dans une famille conservatrice et
catholique, il poursuit des études de droit à Francfort sur le Main,
puis s’oriente vers l’histoire et la science politique à l’Université de
Heidelberg où il obtient en 1958 un doctorat sur la reconstruction des
partis politiques dans le Palatinat après 1945. Il entre ensuite dans
l’industrie privée à Ludwigshafen. Parallèlement, il s’engage
précocement en politique, adhérant dès sa fondation en 1946 à
l’Union chrétienne-démocrate et fonde une section de jeunesses de
ce parti à Ludwigshafen en 1947. Il poursuit régulièrement son
ascension dans ce parti politique accédant au comité de direction de
la CDU en Rhénanie-Palatinat en 1955. En 1959, Helmut Kohl est élu
député à la diète de Rhénanie-Palatinat, et devient en 1969 ministre-
président de ce land. En 1973, le « géant noir du Palatinat » accède
à la présidence de la CDU, ce qui en fait potentiellement le candidat
de ce parti à la Chancellerie de la République fédérale. Son heure
vient en 1982 lorsque les libéraux, jusque-là alliés au SPD dans une
coalition gouvernementale, rompent avec celui-ci et décident de
s’allier à la CDU. Helmut Kohl devient alors Chancelier et le demeure
jusqu’en 1998, remportant toutes les élections de la période et
battant le record de durée d’Adenauer à la Chancellerie. Européen
convaincu, attaché à une étroite collaboration avec la France, il va
conduire avec le président français François Mitterrand une politique
européenne fondée sur l’axe franco-allemand dont le point fort sera
en 1984 la célébration commune des morts français et allemands de
Verdun. Mais surtout Helmut Kohl reste dans l’histoire comme l’artisan
de la réunification allemande après l’effondrement du mur de Berlin et
la chute du communisme en Allemagne de l’Est. Toutefois la
récession que connaît l’Allemagne dans les années 1990 et dont la
rapide réunification du pays est en partie responsable porte atteinte à
sa popularité. S’il est réélu en 1994, il sera battu par le social-
démocrate Schröder en 1998. Quelques mois plus tard, il doit
abandonner la présidence de la CDU. En 1999, il est atteint par un
scandale financier, lié à la révélation de l’existence de comptes
secrets alimentant les caisses de la CDU sous sa présidence et sera
poursuivi en justice.
L (K ) (1871-1919)
Fils de Wilhelm Liebknecht, fondateur du SPD, il mène de concert
sa carrière d’avocat et une carrière politique. Adversaire déterminé
du militarisme, fondateur du « Mouvement socialiste de la jeunesse »,
il connaît la prison en 1906 pour avoir publié un violent pamphlet
contre l’armée. En relations depuis 1905 avec les dirigeants du parti
bolchevik russe, il est à la veille de la guerre de 1914 un des
principaux dirigeants de l’aile gauche de son parti. Député au
Reichstag depuis 1908, il demeure cohérent avec lui-même en
refusant en août 1914 (le seul de son parti !) de s’associer au vote
des crédits de guerre. En 1916, il est à nouveau emprisonné pour
avoir crié « À bas la guerre ! » au centre même de Berlin. Libéré par
la révolution de 1918, il prend la tête du spartakisme et mourra
assassiné lors de la répression de janvier 1919.
L (R ) (1871-1919)
Née en Pologne russe, dans une famille israélite, elle adhère en
1889 au parti socialiste-révolutionnaire qui prétend renverser le
tsarisme grâce au terrorisme. Elle doit quitter son pays pour la
Suisse, où elle participe aux activités du mouvement socialiste
international et où elle fonde le parti social-démocrate polonais. À
partir de 1898, elle vit en Allemagne, sauf un bref séjour en Pologne
durant la révolution russe de 1905. Proche des dirigeants de gauche
du SPD allemand, surtout de Liebknecht, elle participe de très près à
la vie de la social-démocratie. Adversaire du révisionnisme de
Bernstein, elle développe une œuvre théorique importante et
polémique avec Lénine sur le problème du rôle de la spontanéité des
masses dans la révolution. Avec la guerre, son rôle devient essentiel.
Principal rédacteur des Lettres de Spartacus, elle est la théoricienne
de l’extrême-gauche allemande. Elle mourra assassinée en
janvier 1919 au cours de la répression du mouvement spartakiste
dont elle avait été l’animatrice.
M (A ) (née en 1954)
Fille d’un pasteur et d’une institutrice, née à Hambourg, Angela
Kastler gagne avec sa famille en 1954 la République démocratique
allemande où son père vient d’être nommé. Elle va passer son
enfance et sa jeunesse dans l’Allemagne de l’Est communiste, y
suivant des études de physique conclues par un doctorat en 1986.
Entre-temps, elle se marie à un physicien, Ulrich Merkel dont elle
conserve le nom après son divorce en 1982. Intégrée à la société de
la RDA, elle appartient à l’organisation officielle de jeunesse, la
Jeunesse libre allemande, et y exerce même des responsabilités.
Mais elle se tient soigneusement à l’écart des institutions
communistes et de la Stasi, la police politique, qui cherche à la
recruter. Ce n’est qu’à la fin de 1989 qu’elle adhère à un mouvement
démocratique d’opposition au régime. Ce qui lui permet, au moment
où le régime communiste s’effondre, de jouer un rôle politique,
d’abord comme porte-parole adjoint du dernier chef de gouvernement
de la RDA, le démocrate-chrétien Lothar de Maizière en août 1990,
puis comme membre de la CDU qui la fait élire au Bundestag en
décembre 1990. Cette jeune intellectuelle est-allemande est élue
vice-présidente du Bundestag et Helmut Kohl fait d’elle un ministre
des Femmes et de la Jeunesse, puis, en 1994, de l’Environnement,
de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire.
Parallèlement, elle est élue en 1993 présidente de la CDU dans le
land de Mecklembourg-Poméranie occidentale. Sa grande carrière
politique commence avec l’éviction d’Helmut Kohl dont elle
apparaissait jusque-là comme la protégée. En 1998, elle devient
secrétaire générale de la CDU, fonction qu’elle exerce jusqu’en 2000
où elle est élue présidente de ce parti. Toutefois, pour les élections
de 2002, la CDU-CSU lui préfère comme candidat à la Chancellerie le
bavarois Edmund Stoiber qui est battu. Elle prend sa revanche en
2005 où, après des élections indécises et d’interminables
négociations, elle accède à la Chancellerie à la tête d’une grande
coalition avec le SPD. Elle y acquerra assez rapidement une
réputation de femme d’État sérieuse, solide et prudente, attachée
aux droits de l’homme et soucieuse de mesures sociales. Ce qui lui
permet de remporter les élections de 2009 et de constituer l’alliance
qu’elle espérait avec les libéraux.
N (G ) (1868-1947)
Né à Brandebourg. Ouvrier dans une fabrique de voitures, puis
menuisier, il devient fonctionnaire du parti en 1897. Dirigeant
socialiste de Saxe, il est élu en 1906 député au Reichstag. Membre
de l’aile droite du SPD, il approuve la politique coloniale de
l’Allemagne. Spécialiste des questions militaires, tenu par Bebel pour
un militariste, il approuve évidemment le vote des crédits de guerre
et, durant tout le conflit, assure la liaison entre son parti et l’État-
Major. On a vu son rôle à Kiel. Nommé fin décembre membre du
Conseil des Commissaires du peuple avec la mission de maintenir
l’ordre, il aurait alors déclaré : « Il faut que quelqu’un soit le chien
sanguinaire. Je n’ai pas peur de cette responsabilité. »
R (Walter) (1876-1922)
Fils du grand industriel israélite Emil Rathenau, fondateur du trust
de l’électricité AEG, il succède à son père à la tête de celui-ci en
1915. Remarquablement intelligent, doué pour la musique comme
pour la philosophie, attiré par la politique, conscient que le
développement prodigieux de l’économie doit se faire pour éviter
l’anarchie et les catastrophes dans un cadre défini par l’État, il se fait
connaître par de multiples écrits et de nombreux discours. Principal
artisan de l’organisation économique allemande du temps de guerre,
il se rallie à la République en 1919 et est l’une des personnalités
marquantes du DDP Ministre de la Reconstruction en 1921, des
Affaires étrangères en 1922, il inaugure à ce dernier poste une
diplomatie active et habile marquée par la renaissance des initiatives
allemandes (Rapallo) et la politique d’exécution du traité. Son
assassinat en juin 1922 par deux officiers d’extrême-droite met fin à
une carrière qui s’annonçait brillante.
S (H ) (1877-1970)
Né en 1877 à Tingleff (actuel Danemark), il fut avant tout un
banquier et un technicien de l’économie. Directeur de banque dès
1916, nommé commissaire à la monnaie en 1923, puis président de
la Reichsbank, il joue un rôle essentiel dans le redressement du
mark. Conservateur, convaincu de la nocivité du traité de Versailles, il
démissionne de son poste en 1929 pour protester contre le plan
Young. Cette attitude lui attire la sympathie des ultra-nationalistes et
même de Hitler dont il soutient financièrement la campagne électorale
en février 1933 et auquel il ne ménage pas les compliments. Ce qui
lui vaut de retrouver la présidence de la Reichsbank, puis le ministère
de l’Économie. Il donne à Hitler les moyens économiques de réaliser
le réarmement, mais se détache du nouveau régime après 1937. Mis
dans un camp de concentration en 1944 sous l’inculpation de
complicité dans l’attentat contre Hitler (à tort, semble-t-il), il en est
libéré par les Américains, puis est acquitté au procès de Nuremberg.
Il continue alors sa carrière de technicien des finances appelé en
consultation dans le monde entier jusqu’à sa mort en 1970.
S (P ) (1865-1939)
Ce typographe, devenu lui aussi permanent du SPD, est avant tout
un homme de parlement, à l’aise dans les conseils ministériels.
Moustache blanche, barbiche en pointe, c’est un orateur
parlementaire, très émotif. D’une extraordinaire vanité, il rêve d’être
traité en égal par les puissants du jour et il souhaite faire du SPD un
parti respectable, intégré au régime. Il y parvient en 1919.
S (H ) (né en 1918)
Né à Hambourg en décembre 1918, membre du SPD, il est élu en
1953 député au Bundestag. Il devient en 1967 président du groupe
social-démocrate du Bundestag et symbolise la mutation de la social-
démocratie allemande après l’abandon du marxisme et de l’option
révolutionnaire par ce parti à son congrès de Bad-Godesberg.
Socialiste modéré, rallié à l’économie de marché, il apparaît comme
un ministrable sérieux et compétent lorsque la social-démocratie
accède à la Chancellerie en 1969. Helmut Schmidt devient alors le
premier socialiste à accéder au poste de ministre de la Défense de la
République fédérale et conserve cette fonction jusqu’en 1972. À cette
date, le Chancelier Willy Brandt le nomme ministre de l’Économie et
des Finances, et il acquerra dans ces fonctions une réputation de
spécialiste reconnu de l’économie. En 1974, lorsque Willy Brandt est
contraint à la démission en raison de la révélation qu’un de ses
conseillers était en fait un espion de la RDA, Helmut Schmidt lui
succède tout naturellement et conserve ses fonctions jusqu’en 1982.
Dans une conjoncture économique difficile, marquée par les deux
chocs pétroliers de 1973-1974 et de 1979-1980, il parvient à faire
traverser à l’économie allemande sans trop de difficultés cette
mauvaise passe. Européen convaincu, très proche du président
français Valéry Giscard d’Estaing avec lequel il entretient des liens
d’amitié, il fera progresser de concert avec lui la Communauté
européenne. Son départ de la Chancellerie en 1982 n’est pas dû à
une défaite électorale, mais à la défection de ses alliés libéraux,
conduits par son ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich
Genscher, qui choisissent de former une nouvelle majorité avec la
CDU d’Helmut Kohl.
S (G ) (né en 1944)
Gerhardt Schröder naît en 1944 à Mossenberg dans une famille
modeste. Il quitte l’école à 14 ans, fait l’apprentissage du métier de
vendeur et exerce même un moment comme ouvrier du bâtiment.
Pour accéder à l’enseignement supérieur, il suit à partir de 1962 des
cours du soir qui lui permettent de faire des études de droit, puis de
devenir avocat à Hanovre. En 1963, il adhère au SPD et occupe des
postes de responsabilité dans le mouvement des Jeunesses
socialistes dont il devient le président fédéral en 1978. Membre du
comité directeur du SPD dans la région de Hanovre en 1977,
président de ce comité en 1983, il entre bientôt dans la direction
fédérale de ce parti. En 1999, il devient président fédéral du SPD en
remplacement d’Oskar Lafontaine et est réélu en 2001 et 2003 avant
d’en démissionner en 2004.
Ces importantes fonctions au sein du SPD s’accompagnent de
mandats électifs dans le land de Basse-Saxe. Tête de liste du SPD
dans ce land dès 1986, il en devient ministre-président en 1990 et
conserve cette fonction après ses victoires électorales de 1994
et 1998. Parallèlement il est élu député au Bundestag en 1980. En
1998, le SPD le désigne comme candidat à la Chancellerie face à
Helmut Kohl qui sollicite un sixième mandat. La victoire du SPD qui
l’emporte sur la CDU-CSU permet à Gerhard Schröder d’accéder à la
Chancellerie à la tête d’une coalition réunissant le SPD et les Verts. Il
demeure Chancelier jusqu’en 2005 avec la même majorité au
Bundestag. Son action gouvernementale est marquée par des choix
écologiques (sortie du nucléaire prévue en 2020, taxe carbone), une
libéralisation des naturalisations, l’institution d’une union civile., mais
une politique à contre-courant des conceptions social-démocrates sur
le plan économique et social où il procède à un rigoureux
assainissement des finances publiques, à une réforme de la fiscalité
et des retraites et à la mise en œuvre de l’« Agenda 2010 » qui rogne
les acquis de l’État-providence. Politique qui entraîne la démission du
ministre des Finances Oskar Lafontaine contre une pratique jugée
trop libérale et vaut une impopularité croissante au Chancelier. La
lourde défaite électorale subie par le SPD dans le land de Rhénanie
du Nord-Westphalie en mai 2005 le décide à provoquer des élections
anticipées. Celles-ci, qui ont lieu en septembre 2005, débouchent sur
une courte défaite du SPD, qui reste néanmoins au pouvoir au sein
d’une grande coalition avec la CDU. Mais Gerhard Schröder ne
parvient pas à y conserver le poste de Chancelier qui revient à la
chrétienne-démocrate Angela Merkel. Refusant tout autre poste,
Schröder abandonne alors la vie politique pour les affaires, devenant
président du conseil de surveillance du consortium germano-russe
North-European Gas Pipeline, nomination très critiquée car, comme
Chancelier, il avait approuvé le tracé du gazoduc et fait garantir par
l’État fédéral le prêt bancaire nécessaire à sa construction.
S (G ) (1878-1929)
Né dans une modeste famille berlinoise, il fait des études
d’économie politique, puis adhère en 1903 au parti national-libéral. Il
est député au Reichstag de 1907 à 1912, puis de 1914 à 1918. En
1917, à la mort du leader national-libéral Bassermann, il devient chef
de la fraction parlementaire du parti. Il croit à la mission civilisatrice
de l’Allemagne et dès l’avant-guerre est lié aux milieux pan-
germanistes. Pendant la guerre, il est le porte-parole de la grande
industrie et réclame en son nom l’annexion du reste du bassin lorrain.
Il entraîne son groupe à l’assaut de Bethmann-Hollweg et soutient
Ludendorff. Pendant la Semaine sanglante, il appuie Ebert et la
République mais restera toujours un monarchiste mal repenti et sous
son influence les Populistes auront vis-à-vis de la République une
attitude équivoque.
V B (1849-1929)
Bernhard, prince von Bülow, est un homme d’une autre génération,
puisqu’il est né en 1849 dans une vieille famille du Mecklenbourg. Il a
d’abord été officier puis a fait une brillante carrière diplomatique.
Ambassadeur en Roumanie jusqu’en 1893, il est à cette date nommé
à Rome où il a une certaine influence dans les milieux aristocratiques
et auprès des hommes politiques italiens, du fait de son mariage avec
dona Laura Minghetti, la fille de l’un des leaders du Risorgimento.
Remarqué par Eulenburg, il est nommé en 1897 secrétaire d’État aux
Affaires étrangères, puis chancelier d’Empire en 1900 en
remplacement de Hohenlohe. Il sera pendant 9 ans l’homme de la
Weltpolitik. En politique intérieure, il lutte activement contre la social-
démocratie et s’appuie pour cela, d’abord sur la coalition qui a
soutenu son prédécesseur, puis sur le « bloc » des conservateurs et
des nationaux-libéraux. Bülow voulait être un second Bismarck, mais
il a beaucoup moins d’autorité que le Chancelier de fer. C’est un
excellent orateur, un homme séduisant et très cultivé (ses Mémoires
sont truffées de citations grecques et latines), mais il est souvent
hésitant et ne sait pas imposer à l’Empereur ses idées. Il commettra
quelques maladresses jusqu’à la malheureuse affaire de l’interview au
Daily Telegraph qui lui vaut d’être disgrâcié en 1909.
V P (F ) (1880-1969)
Cet élégant officier de cavalerie, issu d’une famille de l’aristocratie
westphalienne, homme du monde achevé, se croit des talents
politiques que les faits démentent cruellement. Attaché militaire aux
États-Unis, il s’en fait expulser en 1916 pour avoir trop visiblement fait
de l’espionnage et il contribue à indisposer l’opinion américaine vis-à-
vis de son pays. Député du Zentrum, il se range naturellement dans
son extrême-droite, mais l’ambassadeur François-Poncet assure que
« ni ses amis, ni ses ennemis ne le prenaient tout à fait au sérieux ».
C’est cependant à cet homme qu’il apprécie pour ses bons mots
qu’Hindenburg confie le pouvoir en 1932. On a vu comment, évincé du
pouvoir par Schleicher, il s’en venge en introduisant les nazis au
gouvernement. Il est d’ailleurs convaincu qu’il a joué Hitler puisque les
membres de son parti sont en minorité dans le cabinet. Lorsqu’il
s’aperçoit de son erreur, il laisse éclater son indignation dans un
discours prononcé à Marbourg le 17 juin 1934. Démissionnaire après
la « nuit des longs couteaux », il reprend du service peu après
comme ambassadeur, à Vienne d’abord, à Ankara ensuite. Acquitté à
Nuremberg, mais condamné par un tribunal allemand aux travaux
forcés, il publie peu après son auto-justification qui prouve que ce
dilettante de la politique n’a pas davantage compris, malgré le recul
du temps, le rôle qu’il a joué entre 1932 et 1934.
V S (H ) (1866-1936)
Fils d’un officier prussien, il entre comme enseigne dans l’armée en
1885. Sa carrière se déroule entièrement dans les états-majors ; il
fait la guerre de 1914 pour une part sur le front oriental, pour l’autre
comme chef d’état-major de l’armée turque en 1917. Expert militaire
à Versailles, il trouvera les idées nécessaires pour tourner les articles
du traité qui limitent la souveraineté allemande. Autoritaire,
franchement réactionnaire, il va veiller à ne pas confondre l’armée
avec un régime républicain qu’il déteste. Sous son influence, la
Reichswehr devient un corps autonome dans l’État de Weimar.
Principal artisan du réarmement clandestin du Reich dont il fixe la
doctrine (cf. chapitre 13), il rêve dès 1924 de jouer un rôle politique
et se rapproche du DNVP en espérant pouvoir briguer la succession
de Ebert à la présidence du Reich. La mort de celui-ci en 1925 et
l’élection de Hindenburg représentent à la fois l’effondrement de ses
ambitions politiques et la fin de son pouvoir militaire : Hindenburg se
considère comme le véritable chef de l’armée et relègue von Seeckt
à un simple rôle technique jusqu’en 1926 où il saisit un prétexte
mineur pour se débarrasser de lui. Désormais son action de premier
plan est terminée : élu député au Reichstag en 1930, il s’inscrit au
groupe populiste et se rallie au nazisme en 1933.
Bibliographie générale
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
En allemand :
K.D. B , Die Auflösung der Weimarer Republik, Stuttgart,
1955.
F. C , Reichswehr und Politik, Cologne, 1963.
E , Geschichte der Weimarer Republik, 2 tomes, Erlenbach
1956-1957.
H. L , Die Weimarer Republik, Munich, 1961.
En français, on dispose d’un ouvrage fondamental :
G. B , Les Spartakistes : 1918, l’Allemagne en révolution,
Bruxelles, Aden, coll. « Petite bibliothèque d’Aden », 2008.
J. B , J. D , L’Allemagne, République de Weimar et
régime hitlérien 1918-1945, Paris, Hatier, 1981.
G. C , L’Allemagne de Weimar, Paris, Armand Colin,
1969.
E. V , L’Allemagne contemporaine, tome II, Paris, Aubier,
1953.
Chapitres 7 et 8
P. B , « L’Allemagne des Révolutions », analyse
bibliographique in Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine,
1965.
H. D , Reich und Republik Deutschland 1918-1933,
Stuttgart, 1969.
A. E , Geschichte der Weimarer Republik, 2 vol., Erlenbach-
Zurich, 1962.
H. H , Die Republik von Weimar, P.T.V., 1966.
R. P , L’Allemagne de Guillaume II à Hindenburg, Paris,
Éditions Richelieu, 1972.
Pour la politique intérieure, voir les ouvrages cités au chapitre
précédent.
Questions économiques et financières :
C. A , M. B et T. T , Histoire et géographie
économiques des grandes puissances, Delagrave, Paris, 1968.
Questions diplomatiques :
G. B , Le Putsch de Hitler à Munich en 1923, Les Sables-
d’Olonne, Bonnin, 1966.
R. C , Les Réparations allemandes, Paris, PUF, 1953.
J.-B. D , Histoire diplomatique de 1919 à nos jours (voir
biblio., chap. 5)
P. R , Histoire des relations internationales (voir biblio.,
chap. 5).
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Parmi les principaux ouvrages publiés sur la période de l’après-
guerre, il faut signaler en allemand :
S. D , Die Geburt eines neuen Deutschlands 1945-
1949, Berlin, 1959.
H. D , Deutschland unter den Besatzungsmächten,
Munich, 1967.
En français, les ouvrages sont relativement nombreux :
G. B , Histoire de l’Allemagne contemporaine, tome II, Paris,
Éditions sociales, 1964.
G. C , D.D.R., Allemagne de l’Est, Paris, Seuil, 1955.
A. G , L’Allemagne de l’Occident 1945-1952, Paris,
Gallimard, 1953.
G. K et G. S , L’Allemagne 1945-1955. De la
capitulation à la division, Paris, Université Sorbonne
nouvelle/Asnières, PIA, 1996.
A. P , L’Économie allemande contemporaine, 1945-1952,
Paris, M.-Th. Génin, 1952.
G. R , Le Développement économique de l’Allemagne
orientale, Paris, Sedes, 1963.
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20