Abandon de Poste
Abandon de Poste
Abandon de Poste
prudence
Que faire devant la situation d'un salarié absent sans justification ? Quelques conseils de bon
sens saupoudrés de dispositions juridiques à l'attention des managers montrant qu'il est urgent
de prendre ses précautions avant d'engager des lourdes procédures...
Auteur : Michel DUTHOIT
En effet, l'expression est aussi fréquente qu'imprécise. Un salarié n'est pas venu au travail,
s'est absenté plusieurs fois sans explications valables ou s'est tout simplement volatilisé un ou
plusieurs jours, et voilà l'abandon de poste clamé par l'employeur excédé qui saute sur le
motif pour se séparer d'un salarié difficile ou devenu carrément impossible à gérer.
Gare ! L'abandon de poste répond à une définition précise et ne peut pas être confondu avec
une absence, même répétée :
L'abandon de poste, c'est la situation du salarié qui, de sa propre initiative et sans
autorisation, cesse d'exercer ses fonctions ou refuse de rejoindre l'affectation qui lui a
été attribuée par l'employeur.
Tout est naturellement important dans le rappel de cette définition de base mais l'attention doit
être particulièrement portée sur le terme "cesse". Et il faudra que cette condition soit remplie
sans contestation possible pour pouvoir utiliser l'expression et donc la qualification de faute
grave, qui constitue alors une cause réelle et sérieuse de licenciement.
A contrario, une ou même plusieurs absences ne sont pas suffisantes pour constater cette
cessation. D'abord le salarié peut, dans certaines conditions, décider de se "retirer" de sa
situation de travail. En cas de danger grave et imminent, c'est en effet un droit ouvert à tous
…. Et qu'il faut bien sûr ensuite justifier - mais cela est un autre débat- et l'employeur ne peut,
lorsqu'il est invoqué, parler sans abus "d'abandon de poste." De la même manière, des
absences non autorisées peuvent être requalifiées comme légitimes (urgences familiales
notamment) si l'employeur les invoque pour mettre à pied ou licencier et que le salarié porte
la contestation devant le Conseil de Prud'hommes.
Dans tous les cas, en effet, la qualification de "faute grave" liée à l'absence ou aux absences
sera, en cas de contestation, examinée par ce Conseil avec toutes les conséquences que cela
peut avoir sur les droits aux indemnités de préavis, à l'inscription au chômage ou au contraire
au paiement d'indemnités au salarié.
Il y a donc intérêt, pour les uns comme pour les autres, à manipuler cette notion avec toute la
prudence nécessaire. C'est-à-dire, d'abord et avant tout, de traiter l'absence, sa ou ses
répétitions en termes de gestion de ressources humaines avant de sortir l'artillerie de la mise à
pied et du licenciement.
Cela ne veut pas dire qu'il faut être angélique et laisser les absences sans traces ni
conséquences, mais qu'il faut s'attacher à bien la comprendre pour prendre les décisions les
moins coûteuses sur le plan humain et financier pour les personnes concernées, l'ambiance de
travail et les finances de l'entreprise.
1er cas : le salarié ne se présente pas à son poste de travail et son absence est signalée.
D'abord chercher à s'informer. C'est une question d'humanité toute simple et qui peut
économiser beaucoup d'agitation. Où est le salarié ? L'a-t-on vu quelqu'une part ? Y a-t-il un
problème particulier ? Bien sûr, un coup de téléphone au domicile, après quoi on peut
s'effacer, si besoin, derrière la famille. Et en cas de personne vivant seule ou sans contact
connu, il ne faut pas hésiter à se renseigner auprès de la gendarmerie ou de l'hôpital pour lever
l'hypothèque d'un brusque accident. Il ne s'agit pas de jouer à l'assistante sociale ni de
mélanger les rôles mais, encore une fois, d'éviter de mauvaises prises de décision précipitées,
mal ajustées, ainsi que de montrer la réalité de la communauté humaine que représente
l'entreprise.
Rappel : Dans cette phase, il est toujours bon d'avoir à l'esprit que les arrêts de travail doivent
être envoyés dans les 48 heures et les déclarations d'accident du travail dans les 24 heures.
2ème cas : L'absence s'avère non justifiée : même si l'évaluation de la situation amène à la
traiter avec toute l'humanité voulue, elle doit être actée. C'est-à-dire qu'un courrier doit être
envoyé en recommandé avec accusé de réception (ou remis en mains propres avec décharge
signée de la main de l'intéressé lui-même) au salarié rappelant les modalités de l'absence, le
rappel du règlement et les risques encourus par de tels agissements. Ce courrier doit, bien sûr,
être porté à son dossier.
3ème cas : La situation se répète ? Même procédure à chaque fois, en n'excluant pas qu'il peut
s'agir, à chaque fois, d'un accident ou fait particulier relevant du 1er cas. On n'économise donc
pas cette démarche de recherche d'information primaire. Si ce n'est pas le cas et qu'on retombe
clairement dans l'absence injustifiée et répétée, il faut, à chaque fois, acter par lettre
recommandée avec AR (ou remise en main propres). Bien sûr, il faut évoquer la situation avec
la hiérarchie, voire les collègues pour poser le meilleur diagnostic et préciser la conduite à
tenir. Est-ce un moment difficile ? Est-ce lié à la situation personnelle ? On peut
éventuellement en discuter avec lui ou mieux, si c'est possible, passer le relais au service
social de l'entreprise s'il existe –il peut aussi être inter-entreprises- voire au médecin du
travail. Il faut aussi mettre en œuvre, parallèlement, la gradation des sanctions. La pédagogie
et le management, s'ils doivent exclure la brutalité de réaction ne doivent pas ignorer l
a discipline et la sanction.
Attention :
- Normalement, les sanctions doivent être prévues par le Règlement Intérieur de l'entreprise
qui, lui-même, bien qu'il soit de la responsabilité du seul l'employeur, doit avoir été présenté
aux délégués du personnel et du CE et porté à la connaissance de tous les salariés (embauche,
affichage). Il doit aussi avoir été transmis, préalablement à son adoption, à l'Inspecteur du
Travail pour être valide et pouvoir donc l'invoquer. Sur ce sujet, il est toujours utile de
rappeler que le contenu du règlement intérieur est lui-même encadré par le Code du travail.
C'est ainsi que certaines mesures et mentions sont interdites (amendes par exemple) et d'autres
obligatoires. Afin d'être au clair sur ce sujet, il est toujours bon de prendre connaissance des
différents modèles de RI existants (ils foisonnent sur internet et les Dictionnaires et autres
Lamy Social) ainsi que des articles le concernant dans le Code du Travail lui-même.
4ème cas : L'échelle de la dégradation arrive à envisager la mise à pied : Dans les deux mois
maximum suivant les faits concernés, il faut convoquer préalablement le salarié avec un délai
de préavis "suffisant".
Attention là aussi, l'entretien préalable ne sert pas à annoncer la sanction mais à présenter les
faits et recueillir les éléments d'explication et de défense du salarié. La sanction elle-même ne
peut être notifiée moins d'1 jour franc après l'entretien, et toujours en recommandé avec AR.
5ème cas : la situation est telle que le licenciement est envisagé : Si on envisage le
licenciement directement à la suite de la mise à pied, la convocation à l'entretien préalable
doit prévoir, cette fois, un délai de 5 jours à compter de son envoi. A la suite de l'entretien, si
la décision est maintenue, il faut mettre en œuvre la procédure de licenciement pour "faute
grave" qui, elle-même, demande délai de convocation en entretien préalable, toujours en lettre
recommandée avec AR, avec droit d'explication, de défense et d'assistance du salarié par toute
personne de son choix de l'entreprise. Et ce n'et qu'après 1 jour franc après ce nouvel entretien
que la décision de licenciement peut lui être signifié, toujours en recommandée avec AR.
Il faut toujours se rappeler que l'ensemble de ces décisions, de la plus petite sanction au
licenciement, peuvent être contestées par le salarié. C'est le Conseil de Prud'hommes, puis
éventuellement les juridiction de recours qui, dans ce cas, examineront le bien fondé de la
décision prise par l'employeur et la validera ou l'infirmera.
Si toutes les sanctions méritent d'être pesées et surtout très bien justifiées, c'est surtout celle
qui concerne le licenciement qui présente l'enjeu le plus important. Non pas que le salarié
puisse être réintégré -cela n'est pratiquement jamais demandé par l'ex-salarié et si cela l'était,
ce type de demande n'est pratiquement jamais suivi par les Tribunaux- mais du fait des
dommages-intérêts à lui payer en cas de désaveu de l'employeur par le Conseil. Sans parler de
l'image de l'entreprise en cas de publicité toujours possible sur le jugement et des
conséquences sur l'ambiance dans l'entreprise.