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Première Leçon de Bicyclette

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Première leçon de bicyclette

Henri Troyat (La grive)


À cheval sur une bicyclette étincelante, Geneviève, la tête dans les
épaules, les coudes écartés, la figure décomposée par l’effroi,
s’appuyait de tout son poids sur son grand-père, qui, une main
cramponnée à la selle et l’autre au guidon, essayait de la maintenir
en équilibre.

« Pédale ! criait-il. Pédale!

 Non ! gémissait Geneviève. Je ne veux pas ! Je vais tomber !… Je


vais me casser quelque chose !…
 Quand tu seras lancée, ça ira tout seul. Hop ! Courage ! »
Il fit plusieurs pas en avant. Les roues tournèrent dans un joli
miroitement de rayons argentés. La bicyclette et Geneviève
s’inclinèrent davantage encore. Pépitou s’arc-bouta pour les
redresser à la verticale:

« Pédale ! Pédale, je te dis !

 Attends, Geneviève ! s’écria Élisabeth. Je vais te tenir de l’autre


côté ! »
Elle se précipita à la rescousse. Encerclée sur son siège, poussée par-
derrière, tirée par-devant, Geneviève glapissait :

«Non ! Ça ne m’amuse pas ! Assez ! »

Elle finit par laisser traîner ses deux pieds sur le sol. On s’arrêta.

« Je voudrais essayer, dit Élisabeth.

 Tu es déjà montée à bicyclette ? demanda Pépitou.


 Non.
 Alors, fais attention. Ne te crispe pas. C’est moi qui te guide. »
Elle prit la place de Geneviève sur la selle.

Pépitou l’épaula légèrement et se mit en marche. La machine roulait


avec lenteur. Il pressa le pas. Élisabeth appuya sur les pédales.
Pépitou, accroché à la bicyclette, commença à trotter menu en
soufflant:

« Bon… bon… Pédale toujours… Regarde en avant !… »


Grisée par le succès, Élisabeth accéléra le mouvement de ses
jambes.

« Pas si vite ! » gronda Pépitou, qui, maintenant, était obligé de


courir pour rester au niveau des roues.

Soudain, elle se sentit seule, libre, perchée très haut, entourée de


vide. Pépitou l’avait lâchée. Une crainte délicieuse lui poignit le cœur.
Le guidon vibrait dans ses mains. Les fenêtres de l’école défilaient en
sautillant le long de sa joue droite. Elle allait s’envoler. Un caillou en
décida autrement. La roue avant hésita, dévia. Élisabeth se retrouva
par terre, les jambes prises sous la machine, dont une pédale
tournait encore. Elle s’était écorché le genou.

Le sang coulait, mais elle n’avait pas mal. En voyant accourir Pépitou,
elle pouffa de rire.

Geneviève le suivait. Elle était blanche et balbutiait d’une voix


mourante:

« Tu vois que c’est dangereux, Pépitou ! »

Puis, elle s’enfuit en hurlant:

« Maman ! Maman ! Vite ! Élisabeth s’est blessée !»

Pépitou avait une mine coupable. N’était-il pas l’instigateur de cette


expérience, qui se terminait par un accident ?

« Ça arrive, grognait-il, ça arrive souvent dans les débuts ! »

Il releva Élisabeth et la conduisit à la cuisine, où tante Thérèse et


Ménou lui lavèrent sa plaie, la désinfectèrent avec un liquide piquant
et la recouvrirent d’un volumineux bandage.

« Elle a été très vaillante, dit Pépitou en s’ essuyant le front et la


nuque avec un grand mouchoir.

 Et toi, très imprudent, Hector, dit Ménou.


 Mais non, Clotilde. Chaque sport a ses risques. Et la bicyclette
est un sport complet. Si je suis tel que tu me vois, c’est grâce à
la bicyclette ! Il faut que ces enfants fassent de la bicyclette !
C’est un brevet de santé qu’elles se préparent…
 En se cassant le nez sur les cailloux », dit tante Thérèse.
Il baissa la tête. Élisabeth rassura tout le monde et sortit, héroïque,
souriante et la jambe raide.

Extrait de La Grive, roman d’Henri Troyat, librairie Plon, 1956.

Comprendre le texte

1. Décris la position de Geneviève sur la bicyclette.


2. Quel conseil le grand-père ne cesse-t-il pas de répéter?
3. Laquelle des deux fillettes risque une première course?
4. En quels termes Geneviève décide-t-elle de mettre fin à sa
tentative?
5. Comment est-il dit dans le texte qu’Élisabeth accéléra sa
course?
6. Élisabeth est-elle fière de sa course?
7. Quelle est sa réaction lors de sa chute?
8. Imagine la réaction de Geneviève devant l’incident?
9. Laquelle des deux fillettes te semble la plus courageuse?
Pourquoi?

Réagir au texte

Ta première expérience en bicyclette fut-elle aussi émouvante?

Selon toi, pourquoi les enfants aiment-ils monter à bicyclette?

L’araignée ( texte – 5e année)

Voici mon dernier texte de la semaine prochaine… il me fait


sourire ce texte, et vous?
Élisabeth est une jeune parisienne en vacances à la campagne, chez
des parents…

Elle allait s’avancer vers l’armoire, quand son coeur se crispa et ses
jambes fléchirent. Muette d’horreur, elle considérait fixement le mur,
en face d’elle. Dans ce désert de plâtre, une énorme araignée noire
s’étalait comme une tache d’encre aux prolongements filiformes. Les
poils mêmes de ses pattes se détachaient avec une netteté affreuse
sur le fond blanc. Accroupie sur ses huit membres pliés, elle était
prête à trotter, à bondir. Élisabeth sentit sur sa peau la galopade
légère du monstre. Un frisson la chatouilla dans la région des reins.
Elle poussa une clameur folle, se rua vers la porte, dévala les
marches, et toujours hurlant, tomba dans les bras de tante Thérèse.
Des figures inquiètes l’entourèrent. On la pressa de questions. Elle
reprit son souffle et hoqueta:

» Dans ma chambre…, une araignée…, une grosse araignée !…

– Ce n’est que ça ? dit tante Thérèse en riant. Il ne faut pas avoir


peur des araignées. Tu n’es pas une mouche! Elles ne te feront pas
de mal!

– Je ne veux pas remonter là-haut « , dit Élisabeth.

Elle tremblait. Elle claquait des dents.

» Mon Dieu, que cette enfant est donc nerveuse ! » dit Ménou.
Pépitou, téméraire malgré son grand âge, se dirigea vers le perron :

» Je t’en débarrasserai en un clin d’oeil, moi, de ton araignée! »


L’oncle Julien, enflammé par l’exemple, lui emboîta le pas.

L’araignée était toujours là, immobile, noire, le corset reposant à


l’aise dans le berceau des pattes écartées.

Pépitou se proposait de la tuer à coups de pantoufle, mais son


gendre avait une autre idée :

« Si nous pouvions la capturer vivante, je la montrerais aux élèves à


la rentrée.

– Comment vas-tu t’y prendre? demanda tante Thérèse.

– Qu’on me donne un grand verre » dit-il avec autorité.

Pépitou, de son côté, s’était emparé d’une boîte en carton, dont il


espérait se servir comme d’un piège. L’araignée se trouvait entre
l’armoire et la tête du lit.
« Je vais essayer de l’attraper par la droite, dit l’oncle Julien. si elle
s’échappe vers la gauche, Pépitou, vous l’arrêterez.

– Comptez sur moi », dit Pépitou.

L’ombre de l’oncle Julien se coucha sur le mur. Pendant qu’il


préparait son intervention, les pattes de l’araignée se détendirent
comme des ressorts. à trois reprises, il colla violemment son verre
contre la paroi blanche et nue, mais l’insecte, plus prompt que lui, ne
se laissa pas coiffer. Porté par ses béquilles velues, il se déplaçait
follement en zigzag, au-dessus du lit.

« À vous, Pépitou! » dit l’oncle Julien.

Pépitou s’appuya d’un genou sur le matelas, visa et appliqua sa


boite, lourdement, à côté du but.

L’araignée descendit vers la couverture.

« Vite! Vite! » cria tante Thérèse.

Déséquilibré par son premier effort, Pépitou donna de grands coups


maladroits avec le carton pour empêcher la fugitive de poursuivre sa
route. Chaque fois, il arrivait trop tard. Élisabeth, debout près de la
porte, trépignait de dégoût et d’épouvante.

« Attention, Pépitou ! gémissait Geneviève. Plus par ici !… Tu vois


bien, elle file ! elle file ! … Dépêche-toi, tu vas l’avoir ! … »

Soudain, l’araignée disparut.

« Elle est dans le lit ! hurla Élisabeth.

– Mais non, dit tante Thérèse, elle est partie.

– Elle n’est pas partie, elle est dans le lit ! » reprit Élisabeth, d’une
voix enrouée par les larmes.

Tante Thérèse rejeta les couvertures, souleva l’oreiller, secoua les


draps, l’araignée restait introuvable.

« Alors, elle est derrière ! » dit Élisabeth. Un peu confus d’avoir


manqué leur chasse, Pépitou et l’oncle Julien écartèrent le lit de la
cloison. Tante Thérèse, Geneviève, puis Élisabeth se hasardèrent
dans la ruelle. Leur inspection les amena à conclure que l’animal
s’était sans doute réfugié dans quelque trou.

« Elle en sortira la nuit ! balbutia Élisabeth. Elle se promènera sur moi


! Oh ! tante Thérèse, c’est affreux ! Je ne pourrai pas dormir ! Je t’en
supplie, fais quelque chose ! … »

Henri Troyat, La Grive

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