20 Ans de Politique de L'emploi À Destination Des Jeunes
20 Ans de Politique de L'emploi À Destination Des Jeunes
20 Ans de Politique de L'emploi À Destination Des Jeunes
Nicolas Farvaque
Dans Céreq Essentiels 2018/1 (N° 1), pages 41 à 48
Éditions Céreq
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Lorsque l’on retrace les évolutions des politiques de l’emploi en direction des jeunes, il est commun
de partir des premiers dispositifs créés à la fin des années 1970 et de l’institutionnalisation d’une
politique d’insertion lors de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981. Nous nous plaçons
ici dans une focale différente, centrée sur les années 1992-2015, correspondant aux observations des
enquêtes Génération.
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Quelles ont été les principales tendances en termes de politiques d’emploi pour les jeunes sur ces
années, marquées par une succession de phases de croissance et de récession ? Comme le reflètent
d’autres contributions dans cet ouvrage, le processus d’insertion professionnelle est marqué par
l’articulation et l’enchevêtrement de différentes séquences (de formation, d’emploi de différentes
qualités, de chômage, etc.). L’analyse longitudinale montre bien l’allongement et la complexification
de ces parcours sur les décennies observées. Dans ces parcours, les dispositifs d’insertion
professionnelle occupent une place fluctuante mais notable. Nous nous intéressons aux différentes
mesures destinées à favoriser l’intégration des jeunes sur le marché du travail, en retenant une
approche classique – mais de plus en plus discutée – fondée sur la catégorie d’âge 16-25 ans. Ces
différents dispositifs renvoient d’abord à la sphère de la formation et de la qualification, en incluant
l’alternance, qui couple logique formative et incitations pour les entreprises. Ils intègrent ensuite les
différents contrats aidés, que l’on peut définir comme des contrats dérogatoires au droit commun,
comportant des aides pour l’employeur (subventions à l’embauche, exonérations de cotisations, aides
à la formation), réservés à des personnes rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi (Bernard, Rey,
2017). Nous considérons également l’ensemble des programmes d’accompagnement destinés aux
jeunes éloignés de l’emploi. Ces différents dispositifs contribuent à la transformation du processus
d’insertion. « Ils participent de l’amplification et de l’institutionnalisation d’un espace nouveau entre
la formation, l’emploi et le chômage, conférant aux jeunes des statuts divers et une position sociale
souvent instable » (Lefresne, 2003, p. 86). En 2015, les mesures d’aides pour l’emploi des jeunes
(au premier rang desquelles les contrats en alternance) concernaient plus de 27 % des jeunes, une
part sensiblement proche de celle de 1992 (26,5 %) après avoir dépassé les 30 % de 1995 à 2000
(Graphique 1). La période examinée témoigne des formules successives explorées pour réduire le
chômage des jeunes et favoriser leur insertion professionnelle. Nous avons retenu trois angles pour
analyser les constances et les évolutions de l’action publique : ce qui concerne l’alternance (1), la mise
en place de contrats aidés dédiés aux jeunes (2) et le rôle des intermédiaires du marché du travail (3).
L’alternance représente une très large majorité des dispositifs de politique de l’emploi à destination
des jeunes. Selon les données de la DARES, 55 % des jeunes concernés par un dispositif de politique
de l’emploi étaient en alternance en 1992. Cette part s’établit à 80 % en 2015 (Graphique 1).
32 90
85
30
80
28 75
26 70
65
24
60
Part des jeunes en alternance dans l'ensemble
22
des contrats aidés (% - échelle de droite) 55
20 50
1992 1997 2002 2007 2012
Source : DARES, Données au 31/12 de chaque année (DARES, 2016).
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Le principe de l’alternance renvoie principalement en France aujourd’hui à deux contrats de travail
distincts : le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation. Un des changements
institutionnels les plus notables sur la période renvoie à la simplification de ces contrats. Pour plus de
lisibilité, les contrats de professionnalisation sont venus se substituer en 2004 à trois contrats proches
qui lui préexistaient : contrat de qualification, contrat d’adaptation et contrat d’orientation. Du fait
de leurs modes distincts de financement, le contrat d’apprentissage est considéré comme relevant
du système de formation initiale, tandis que les contrats de professionnalisation sont assimilés à
la formation continue. Par ailleurs, si les contrats d’apprentissage sont généralement1 réservés aux
jeunes de moins de 26 ans, ce n’est pas le cas des contrats de professionnalisation conçus à l’origine
pour bénéficier aux demandeurs d’emploi, quel que soit leur âge. Dans la pratique toutefois, et ce
de longue date, la grande majorité des contrats de professionnalisation concerne des débutants sur
le marché du travail, ces contrats intervenant alors directement à la suite de la formation initiale
ou peu de temps après. De fait, 70 % des nouveaux contrats de professionnalisation signés en 2015
concernent des jeunes de moins de 22 ans.
Si « l’univers de l’alternance est un kaléidoscope qu’il convient de décrire avec précision avant
de prétendre le comprendre » (Arrighi, Mora, 2010a), les deux contrats (d’apprentissage et de
professionnalisation) apparaissent moins concurrents que complémentaires, l’usage de l’un plutôt
que de l’autre dépendant des segments du marché du travail ainsi que des caractéristiques des
bénéficiaires (Arrighi, Mora, 2010b). Le contrat de professionnalisation concerne ainsi plus souvent
des jeunes qui sont déjà au moins bacheliers au moment de s’y engager, et de plus en plus des jeunes
titulaires d’un diplôme à bac+3 ou plus (Balmat, Pesonel, 2017). Le contrat d’apprentissage demeure
plus ouvert aux jeunes peu ou pas diplômés. L’apprentissage continue d’être considéré comme
« une mesure phare de la lutte contre le chômage juvénile » (Lopez, Sulzer, 2016). Il faut toutefois
bien observer la réalité des usages de ces contrats faits par les entreprises2. Au fil des années, le
développement de l’apprentissage s’est ainsi concentré sur des segments de qualification de plus
en plus sélectifs, intégrant plus difficilement les jeunes déclassés et ceux disposant des ressources
sociales et scolaires les moins solides – c’est-à-dire, intégrant plus difficilement les jeunes qui sont
justement les plus menacés par le risque de chômage (Arrighi, 2013). Un autre changement notable
1 - Le contrat d’apprentissage est élargi aux personnes de 26 à 30 ans dans le cadre d’une expérimentation (sur la moitié
des régions) de 2017 à 2019.
2 - Sur la variété des formes et des usages de l’alternance, voir Boudesseul et al. (2015).
42 Céreq Essentiels
au cours des années 1990 et surtout des années 2000 est le développement d’une « alternance
du supérieur ». Rendu possible dès 1987, l’apprentissage dans le supérieur s’est développé
fortement sur les vingt dernières années (DGESIP, 2017). Depuis une dizaine d’années, le profil des
alternants a significativement évolué. En 2015, 55 % des contrats de professionnalisation et 20 %
des contrats d’apprentissage préparaient à un diplôme ou un titre du supérieur. Dix ans plus tôt, ils
n’étaient respectivement que 20 % et 9 % dans ce cas… De même, en 2015, 31 % des contrats de
professionnalisation et 18 % des contrats d’apprentissage étaient signés dans des entreprises de plus
de 250 salariés, pour respectivement, 18 % et 9 % une décennie auparavant.
En 2013, les formations en alternance ayant bénéficié aux jeunes ont représenté une dépense
publique de 7,6 milliards d’euros, dont 5,5 ont été consacrés à l’apprentissage (Mesnard, 2016). Fin
2015, on comptait ainsi plus de 405 000 jeunes en apprentissage et 163 000 jeunes en contrat de
professionnalisation, tous niveaux confondus. La période récente est marquée par la permanence du
volontarisme politique visant à développer l’alternance. En 2012 par exemple, l’objectif d’atteindre
500 000 apprentis pour 2017 était avancé. En 2016, le gouvernement a adopté un « plan de relance »
de l’alternance, comportant notamment de nouvelles incitations financières pour les employeurs.
La période 1992-2015 a été marquée, du point de vue de la gouvernance des politiques d’alternance,
par le rôle croissant dévolu aux régions et aux partenaires sociaux, ainsi que par un souci de
simplification, même si aujourd’hui le paysage peut toujours apparaître complexe à l’observateur
extérieur. Un enjeu est de faire évoluer les cursus de formation en alternance, en formation initiale ou
continue, afin qu’ils répondent mieux aux besoins du monde économique. À ce titre, la décentralisation
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de la formation professionnelle permet aux régions de jouer le rôle de « foyers d’innovation » et de
coopérations (Brochier et al., 1994). Au travers de l’accord national interprofessionnel de 2003, ayant
notamment conduit à la création des contrats de professionnalisation, les partenaires sociaux ont
souhaité donner les moyens à chaque branche de définir une véritable politique de formation en
rapport avec leurs besoins à court ou moyen terme (Sanchez, Zamora, 2007 ; Luttringer, Seiler, 2005).
Une constance dans l’élaboration des politiques d’emploi destinées aux jeunes est la succession de
mesures visant à réduire le coût du travail, par des aides directes aux employeurs ou des allégements
de cotisations. Les politiques d’allégement général du coût du travail entrent dans cette catégorie.
Les jeunes actifs sont surreprésentés parmi les travailleurs rémunérés au niveau du salaire minimum
légal (35 % d’entre eux en France, selon la Cour des comptes, 2016b, p. 14) et donc bénéficient
de ces mesures. La période 1992-2015 s’inscrit dans une longue lignée de dispositifs de réduction
relative du coût du travail dans le secteur marchand, souvent éphémères, « comme si les pouvoirs
publics tâtonnaient à la recherche du dispositif à la fois fédérateur et adapté aux différents types
d’employeurs » (Aeberhardt et al., 2011, p. 156). À partir de 1997, les dispositifs d’exonérations
ciblées sur les jeunes ont été abandonnés par le gouvernement Jospin, autant par orientation
politique vers d’autres mesures de politiques de l’emploi (35 heures, emplois-jeunes) qu’en raison
des nombreuses évaluations pointant les effets d’aubaine associés à ces contrats, d’autant plus forts
en période de reprise de l’activité. Revenue au pouvoir en 2002, la droite réintroduit de nouvelles
mesures spécifiquement ciblées sur les jeunes peu ou pas qualifiés, en l’occurrence le « contrat
jeune en entreprise » (CJE ou SEJE pour « Soutien à l’emploi des jeunes en entreprises »). Cette
mesure a été plus durable et a existé sous des formes réformées jusque 2008. Les publics cibles ont
constamment varié sur cette période, en fonction de l’âge, du niveau de formation ou encore en cas
de suivi d’un dispositif d’accompagnement renforcé. 135 000 jeunes bénéficiaient de cette mesure
fin 2007, quand celle-ci est fusionnée avec les contrats initiative emploi (CIE). Les CIE avaient été
créés à la suite de l’élection de Jacques Chirac en 1995. Ouverte initialement aux chômeurs de longue
durée, cette mesure généreuse (car cumulant exonérations de charges et subvention à l’embauche)
À côté de ces mesures dans le monde marchand, ont également été développés différents dispositifs
d’emplois aidés dans le secteur dit non marchand. Une façon d’insérer rapidement des personnes
dans l’emploi est de subventionner de façon massive des emplois dits « d’utilité collective » dans
des collectivités territoriales et le monde associatif. À l’instar des précédentes mesures, on distingue
certaines mesures généralistes non exclusivement réservées aux jeunes : les contrats emploi
solidarité (CES) et consolidés (CEC) lancés au début des années 1990 et qui ont perduré jusqu’en
2005, avant d’être remplacés par les contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE). La part des
jeunes dans les CAE sera d’environ un tiers entre 2005 et 2009, une proportion plus élevée que dans
les CES-CEC. À partir de 2010, les CAE deviennent les CUI-CAE, c’est-à-dire le volet « entreprises non
marchandes » du contrat unique d’insertion. Au sujet des CUI-CAE comme auparavant des CES, le
Céreq utilise à plusieurs reprises dans ses publications l’idée de « contrats faute de mieux ». L’analyse
de la génération 2010 (Rouaud, Joseph, 2014) pointe ainsi que plus de 50 % de ces emplois aidés
surviennent directement après une période de chômage d’une durée moyenne de 14 mois.
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À quinze ans d’écart, deux programmes d’emplois aidés ont suivi une logique d’innovation dans
leur élaboration. Le premier est le programme « Nouveaux services–emplois-jeunes » (NS-EJ) créé
sous le gouvernement Jospin entre 1997 et 2002. Ce programme était basé sur l’ambition de créer
des emplois d’utilité collective dans le monde associatif et le secteur public, plus précisément de
révéler une demande latente et des besoins non pris en charge par le marché. Les emplois-jeunes
sont destinés aux moins de 26 ans (et aux 26-30 ans non indemnisables ou handicapés) sans ciblage
particulier au regard de la qualification ou de la distance à l’emploi. De fait, les bénéficiaires des
emplois-jeunes sont plutôt qualifiés (40 % possédant au moins un bac+2). Ceci se lit au regard de
l’élévation générale des qualifications des jeunes depuis le début des années 1990. L’Etat finance
80 % du salaire minimum sur cinq ans, cette subvention concourant justement à rendre solvables de
nouvelles activités. C’est l’emploi et non l’embauche qui est financée : plusieurs jeunes peuvent se
succéder sur un même poste (Aeberhardt et al., 2011). 310 000 emplois ont ainsi été créés, occupés
par 470 000 jeunes. Les sorties vers l’emploi durable ont été réelles : près de 74 % des bénéficiaires
ont trouvé un emploi immédiatement après leur sortie du dispositif (dont les trois quarts en contrat à
durée indéterminée) et plus de 86 % dix-huit mois plus tard (Casaux, 2006). Selon le type d’employeurs,
plusieurs formes d’usage du dispositif ont été repérées (Gomel, 2003) : un modèle du « vivier », suivi
par exemple par la Police nationale, qui a recruté des contractuels pour les intégrer dans le corps des
gardiens de la paix, avec un concours spécifique qui leur était réservé ; un modèle du « tremplin »
que l’on retrouve par exemple sur les postes d’aide-éducateur au sein de l’Éducation nationale, qui
avaient vocation à devenir permanents ; et un modèle plus tendu dit « d’expérimentation » où l’on
retrouve de nombreuses associations qui ont créé des postes nouveaux sur des fonctions innovantes,
mais soumis à d’importantes difficultés de pérennisation une fois l’aide terminée. De leur côté, les
jeunes ont considéré ce dispositif selon deux types d’approche : « l’emploi-jeune activité », où ce qui
est valorisé est l’accès à une activité, un métier ou un secteur spécifique ; « l’emploi-jeune sécurité »,
où c’est principalement le statut salarial découlant de l’occupation de cet emploi qui se trouve
valorisé, indépendamment, voire parfois contre, l’activité même (Sobel et al., 2001).
Un second programme innovant du point de vue de son élaboration a été celui des emplois d’avenir.
La mesure a été mise en place dans les premiers mois suivant l’élection de François Hollande en
3 - D’autres mécanismes incitatifs à l’embauche des jeunes, comme les contrats de génération (qui concernaient toutes les
entreprises) lancés en 2012 et supprimés en 2017 (accordant une subvention à l’entreprise en échange d’un recrutement de
jeune sous CDI et du recrutement d’un salarié de plus de 55 ans ou du maintien en emploi d’un senior de plus de 57 ans), ont
connu des résultats beaucoup plus mitigés (Branche-Seigeot, Garoche, 2015 ; Cour des comptes, 2016a).
44 Céreq Essentiels
2012. Il s’agit d’une mesure de contrat aidé destinée principalement aux entreprises non marchandes
(avec une subvention de l’ordre de 75 % du salaire) mais aussi marchandes (avec une subvention de
35 %). Entre 2012 et 2016, environ 300 000 jeunes ont bénéficié d’un tel contrat (Rostam, 2016).
Les emplois d’avenir ont été conçus et mis en œuvre avec l’ambition de construire des contrats de
qualité. Le dispositif innove à plus d’un titre, d’abord en termes de ciblage. Ils visaient des jeunes
détenteurs du baccalauréat tout au plus. Sur dérogation, ce critère de diplôme pouvait être élargi,
allant jusqu’à un niveau bac+3 pour les jeunes issus des quartiers de la politique de la ville ou en
milieu rural défavorisé, afin de contrecarrer les mécanismes de sélectivité dont sont victimes les
jeunes, y compris les jeunes qualifiés, dans certains lieux d’habitation (sur le cas des jeunes en zone
urbaine sensible, voir Quantin, 2011). Ensuite, les employeurs marchands n’étaient pas tous éligibles
et une liste des secteurs « porteurs d’avenir » devait être établie au niveau régional. Par ailleurs,
le contrat aidé a été conçu de façon à être autant que possible un contrat « aidant » (Anact, 2013)
pour les bénéficiaires. Alors que les contrats aidés dans le secteur marchand ou non marchand sont
habituellement conclus sur une durée de deux ans maximum et sur une base de temps partiel, la
durée des emplois d’avenir a été fixée à trois ans et selon un principe de temps plein. Le temps plein
permet d’inclure un objectif central d’accès à la qualification et à la formation sur le temps de travail.
La plupart des contrats aidés antérieurs (CIE dans le marchand, CAE dans le non-marchand) faisaient
en effet de l’accès à la formation une option souvent facultative. Seul un bénéficiaire sur quatre et un
bénéficiaire sur cinq de ces contrats aidés déclarait ainsi en 2008 avoir reçu une formation (Le Minez
et al., 2012). Or, l’impact à court terme de la formation sur les trajectoires d’insertion est attesté si
l’on en croit les résultats d’études de panel (Biau et al., 2008 ; Fendrich et al., 2009). Un an après
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la signature de leur contrat en emploi d’avenir, trois quarts des bénéficiaires avaient obtenu une
formation, et un sur deux une formation certifiante (Rostam, 2016). Le fait d’inclure une contrepartie
formation et de demander des engagements aux employeurs est plutôt nouveau. Mais il faut pouvoir
rendre effectifs ces engagements, ce qui interroge la capacité de négociation des intermédiaires de
l’emploi à l’interface entre les jeunes et les employeurs (voir ci-dessous). Des études qualitatives
montrent que certaines entreprises rationalisent cette contrainte administrative (Farvaque et al.,
2017). La formation prévue et mise en œuvre se réduit souvent à de l’adaptation au poste de travail.
Dans d’autres cas, notamment chez de grands employeurs associatifs ou publics, la formation est
utilisée dans une logique de préparation à un métier, de pré-recrutement ou de développement de
l’employabilité des jeunes. L’emploi aidé peut ainsi devenir un vecteur de qualification.
En France, l’accompagnement des jeunes en insertion est réalisé par différentes institutions, dont
Pôle Emploi et les missions locales. Ces dernières ont officiellement rejoint le service public de
l’emploi (SPE) depuis la loi de cohésion sociale de 2005. Ces structures indépendantes avaient été
créées dans le sillage du rapport de Bertrand Schwartz de 1981 préconisant la création « à titre
expérimental » de lieux d’accueil où les jeunes recevraient une réponse « globale » et transversale
à différents domaines (emploi, formation, orientation, culture, citoyenneté, etc.). Avec près de 450
missions locales existant en 2016, ces structures se sont progressivement institutionnalisées pour
devenir un opérateur des politiques de l’emploi. Elles ont ainsi été le principal opérateur du dispositif
des emplois d’avenir en 2012 et l’opérateur exclusif de la Garantie jeunes après 2013. Ces structures
reposent dès le départ sur une logique d’accompagnement s’appuyant fortement sur l’accueil en
entretien des jeunes de 16 à 25 ans non scolarisés.
Leur offre d’accompagnement s’appuie de plus en plus sur des politiques nationales. En 1997, le
dispositif d’accompagnement créé par le gouvernement Jospin s’appelle TRACE (pour Trajet d’accès
à l’emploi). La logique est pleinement cohérente avec les orientations européennes, puisque cette
mesure offre un accompagnement renforcé et intensif aux jeunes connaissant le plus de difficultés
sur le marché du travail. Ces jeunes sont ainsi vus plus souvent en mission locale et les conseillers
peuvent mobiliser pour eux une panoplie d’outils : des formations pré-qualifiantes (par exemple de
remise à niveau) ou qualifiantes financées par la région, des emplois aidés, des aides financières, etc.
Cette logique d’accompagnement intensif est poursuivie par le programme CIVIS (contrat d’insertion
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dans la vie sociale) qui remplace TRACE en 2005 et en vigueur jusque fin 2016. Comme son nom
l’indique, CIVIS insiste sur la logique de contractualisation déjà en vigueur avec TRACE, et inspirée
de l’expérience du « contrat » d’insertion lié au bénéfice du RMI. La contractualisation place sur le
jeune une certaine logique de responsabilisation, tout en insistant sur la responsabilité collective
et sa traduction sous la forme de droits nouveaux (par exemple une allocation financière pour les
bénéficiaires de CIVIS) et d’« opportunités » d’insertion professionnelle (l’ensemble des mesures de
politiques de l’emploi qui peuvent être mobilisées).
En 2013, toujours sous impulsion européenne, est créée la Garantie jeunes. Les pays de l’UE
adoptent le principe d’une « garantie pour la jeunesse » en avril 2013. Le conseil de l’UE émet la
recommandation de « veiller à ce que tous les jeunes de moins de 25 ans se voient proposer un emploi
de qualité, une formation continue, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la perte
de leur emploi ou leur sortie de l'enseignement formel ». Il s’agit d’une logique d’action préventive
et d’investissement dans le capital humain, dans la parfaite lignée de la Stratégie européenne de
l’emploi. Les États européens ont pour cela suivi des trajectoires variées, renvoyant à des modèles
nationaux différents en matière d’emploi, d’éducation ou de formation. La Garantie jeunes est
une « brique » de la réponse française aux autorités européennes, car d’autres mesures déjà
existantes ont été renforcées de façon à s’assurer que chaque jeune se voye offrir une « solution ».
Il s’agit d’un dispositif innovant, couplant, pendant une durée d’un an, une nouvelle approche de
l’accompagnement avec une allocation monétaire d’un montant égal au RSA. Expérimentée pendant
quatre ans par les missions locales, la Garantie jeunes est généralisée en 2017 avec un objectif de
150 000 jeunes. Elle devrait s’inscrire comme le niveau d’accompagnement le plus intensif pour les
jeunes connaissant les plus grandes difficultés sociales.
Outre les dispositifs nationaux d’accompagnement vers l’emploi, les missions locales mènent
également des actions de plus en plus importantes en direction des jeunes « décrocheurs » en
partenariat avec l’Éducation nationale ou Pôle Emploi4. La lutte contre le décrochage scolaire a vu
naître de nouveaux établissements5. Les missions locales facilitent également l’accès aux dispositifs
4 - Cf. le dispositif « ANI jeunes » avec des résultats positifs (Geste, 2013), par opposition au contrat d’autonomie ciblant les
jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville, mis en œuvre par les missions locales mais aussi par des opérateurs privés de
placement, et évalué de façon beaucoup plus nuancée (Couvert et al., 2012).
5 - Écoles de la deuxième chance inventées au début des années 2000 ; EPIDE (établissements pour l’insertion dans l’emploi)
créés en 2005.
46 Céreq Essentiels
de formation gérés par les régions, ces dernières devenant sur la période l’acteur central en matière
de pilotage des politiques de formation, et plus encore avec la création de « grandes » régions en
2015.
Dans l’accompagnement des jeunes vers l’emploi, l’idée de s’appuyer sur les entreprises comme
« intermédiaires » de l’insertion (Farvaque, Tuchszirer, 2016) reprend force dans les années récentes.
La logique de l’« immersion » en milieu de travail a été mise en avant au travers de la formalisation
d’un nouveau référentiel, celui de la « médiation active », central dans la conception de la Garantie
jeunes. Un nouvel outil à la disposition du service public de l’emploi avait auparavant été créé : les
périodes de mises en situation en milieu professionnel (PMSMP). Les demandeurs d’emploi suivis
par Pôle Emploi (sans considération d’âge) peuvent bénéficier de ces périodes d’immersion en
entreprise, afin de découvrir un milieu professionnel ou de tester un projet. Les bénéficiaires de la
Garantie jeunes, de leur côté, sont invités à multiplier les situations professionnelles. Les entreprises
deviennent ainsi des partenaires de la construction du projet professionnel. Dans sa conception
théorique (DGEFP, 2013), le dispositif de la Garantie jeunes s’oppose au modèle « linéaire » de
l’insertion, traditionnellement employé par les missions locales. Dans ce dernier, la « rencontre »
éventuelle avec un employeur n’apparaît qu’au terme d’un parcours constitué de jalons (définition du
parcours, formation, appariement sur le marché du travail, etc.). Par contraste, le modèle « itératif »
de la Garantie jeunes fait valoir le rôle de l’expérience pratique et de la révélation, en situation réelle,
de compétences, d’appétences ou au contraire de difficultés non établies dans le cours discursif d’un
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entretien. Cette insistance sur le rôle des situations pratiques en entreprise correspond finalement à
un retour aux préceptes de Bertrand Schwartz faisant de l’entreprise un partenaire de l’apprentissage
(développées notamment dans le cadre de l’expérimentation « Nouvelles qualifications » dans les
années 1980).
L’ambition est donc plus forte qu’avec les formules traditionnelles de « stages », à l’image des anciens
stages d’insertion dans la vie professionnelle (SIVP) considérablement utilisés dans la deuxième
moitié des années 1980 par substitution à des contrats de droit commun, et remplacés en 1991
par les contrats d’orientation relevant de l’alternance. La question à affiner serait ici de savoir
pourquoi les entreprises jouent le jeu de ces immersions. On peut relever deux types d’usage : le
premier, dominant apparemment, empruntant à une convention « civique » et marquée par des
considérations sociétales (la responsabilité sociale de l’employeur étant convoquée) ; le second de
nature plus « marchande » et voyant dans ces phases d’immersion un opportunité de tester des
candidats à l’embauche et de se constituer des viviers (Farvaque et al., 2016).
L’enjeu des futurs dispositifs de l’emploi des jeunes serait ainsi d’agir autant sur l’offre que la demande
de travail, en réalisant une offre de service autant en direction des demandeurs d’emploi que des
employeurs potentiels. Le référentiel de la médiation active ambitionne cela. Il s’agit d’entrer dans
une relation dépassant même le registre classique du placement, qui présuppose l’existence d’une
offre d’emploi. Or, l’emploi est une construction dynamique faite de « rencontres » et de nombreuses
petites entreprises sans fonction « RH » s’avèrent à l’expérience assez peu outillées dans leur
processus de recrutement (Fretel, 2012). Ceci pose ainsi la question de la capacité des opérateurs de
l’emploi à entrer dans des relations d’« intéressement » et de « négociation » avec les employeurs,
de façon à construire avec eux une intermédiation efficace pour une insertion durable dans l’emploi
(Eymard-Duvernay, Marchal, 1997).
CONCLUSION |
La période 1992-2015 est ainsi marquée par diverses « évolutions dans la constance ». Les approches
suivies pour tenter de remédier aux niveaux élevés de chômage des jeunes restent bâties sur un socle
permanent : des politiques visant à accroître la qualification des jeunes, via l’alternance, pour améliorer
leurs chances d’accès à l’emploi ; des politiques de réduction du coût du travail pour les employeurs,
dans l’idée de compenser le déficit d’expérience professionnelle des jeunes ; un accompagnement
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